Les implications de la France pendant la guerre Iran-Irak [q ed.] 2343234655, 9782343234656

L'année 2020 a marqué le quarantième anniversaire de ce conflit assez méconnu opposant l'Irak à l'Iran et

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French Pages 238 [245] Year 2021

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Les implications de la France pendant la guerre Iran-Irak [q ed.]
 2343234655, 9782343234656

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Passionné par les questions de défense et de sécurité aussi bien nationales qu’internationales, Antoine Buzat est diplômé du master 2 droit public, parcours sécurité défense de l’université de Toulon. ISBN : 978-2-343-23465-6

24,50 €

En couverture : Mirage F1 © Collection Jacques Guillem Super étendard en Irak © Abed Ali

Antoine Buzat

L

’année 2020 a marqué le quarantième anniversaire de ce conflit moyen-oriental assez méconnu opposant l’Irak à l’Iran et ayant eu d’importantes répercussions en Europe, surtout en France. En effet, cette dernière soutient l’Irak discrètement et militairement depuis le milieu des années 1970 en lui fournissant munitions, armes lourdes et aviation. L’Iran estime que la France est devenue une cobelligérante dans ce conflit et, pour se défendre et faire infléchir la position française vis-à-vis de l’Irak, organisera des actes de représailles sur les intérêts français aussi bien à l’étranger (prises d’otages, détournements d’avions, attaques de navires français dans le golfe Persique) que sur son sol par le soutien et le financement de groupes terroristes commettant une dizaine d’attentats sur le territoire français entre 1985 et 1986, en région parisienne. Ces actes de terreur obligeront les pouvoirs publics à renforcer l’arsenal législatif dans la lutte contre le terrorisme. Ce conflit bouleversera également la scène politique française par la révélation de scandales politiques, financiers et diplomatiques au travers des affaires Luchaire et Gordji.

Les implications de la France pendant la guerre Iran-Irak

Les implications de la France pendant la guerre Iran-Irak

Antoine buzat

Les implications de la France pendant la guerre Iran-Irak Préface de Laurent Reverso Postface de Jean-Louis Bernard

Collection l’Iran en transition

Dirigée par Ata Ayati Les dernières parutions L’Irak chiite parle persan. islamisme, milices, réseaux iraniens. Préface de Pierre Razoux, 2021. ludmilla moulin, La jeunesse de Téhéran en mal de perspectives. Les conséquences de quatre décennies de crises. Préface de Jean Marcou, 2021. anastasia protassov, Entre l’Iran et la Turquie : quelle place pour la Russie ? Un retour sur la crise syrienne. Préface de Jean de Gliniasty. 2021. jala al-e ahmad, Le diercteur d’école. Traduit du persan par Radhia Dziri, 2021. étienne sabatier-desarnaud, Récit de voyage Stamboul, Téhéran et Bokhara 1891. Préface de Francis Richard. 2021. jacques la besse kotoff, Itinéraire de Moscou à Ispahan par Fédot Afanassiévitch Kotov 1624. 2021. ballé niane, La musique iranienne au féminin. De l’Antiquité jusqu’à la fin de la période Pahlavi. 2021. nicolas forest, Successions et Libéralités dans l’Iran mazdéen. Droit zoroastrien de la famille. 2020. alexandre austin, Des sanctions imposées à l’Iran et de leurs effets. Préface de Pierre Berthelot. 2020. tristan chalon, Sang et terreur, le shah eunuque. La vie d’Agha Mohammed Khan. 2020. Chants patriotiques d’Iran. Traduits et présentés par reza afchar naderi, bilingue, 2020. farhad ahmadi, Grandir sous la Révolution iranienne, 2020. théo nencini

Antoine BUZAT

Les implications de la France pendant la guerre Iran-Irak

Préface de Laurent Reverso Postface de Jean-Louis Bernard

© L’HARMATTAN, 2021 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-23465-6 EAN : 9782343234656

Remerciements

L’idée de traiter cette question très intéressante m’est venue de recherches sur ce conflit que je ne connaissais que partiellement, au départ, rapides sur cette guerre opposant l’Irak à l’Iran. Je me suis aperçu que la France y avait joué un rôle trouble et j’ai voulu m’y intéresser de près à l’occasion d’un travail de recherche à réaliser pour sanctionner la fin de mon Master 2 droit public parcours sécurité défense. De plus, c’était le quarantième anniversaire de ce conflit et donc une bonne occasion de l’évoquer. Les conditions de rédaction de ce travail de recherche puis de cet ouvrage furent particulières étant donné l’étendue de la gravité de la crise sanitaire que la France traverse et des différents confinements que nous avons tous vécus. Je souhaite remercier mon directeur de mémoire, M.Laurent Reverso, qui s’est montré très intéressé par ce sujet, pour son aide précieuse et sa disponibilité, tout comme mes camarades de promotion de Toulon et anciens camarades de promotion de Draguignan. Mention particulière à ma famille et mes proches, notamment Elodie, pour leur aide plus que précieuse. Je tiens également à remercier le centre commercial Intermarché du Cannet des Maures (Var), dans lequel j’ai travaillé quatre saisons et plus particulièrement son directeur,

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M.Arnaud Van Limberghen, de m’avoir laissé du temps libre pour pouvoir me consacrer aux dernières corrections de cet ouvrage, ainsi que mes différents collègues pour leur soutien. Je désire remercier mon jury de mémoire, composé de M.Laurent Reverso et M.Frédéric Schneider, sans qui cette publication aux Editions L’Harmattan n’aurait jamais vu le jour. Enfin, je remercie sincèrement Jean-Louis Bernard, ancien ingénieur de Dassault Aviation, en mission en Irak de 1984 à 1990, d’avoir accepté de postfacer cet ouvrage et d’avoir pu nous offrir différentes photos du Mirage F1 et du Super Etendard aux couleurs irakiennes. Les différents échanges que j’ai pu avoir avec lui furent passionnants ! Je souhaiterais également avoir une pensée pour toutes les victimes d’attentats terroristes à travers le Monde qui représentent toute la négation de nos valeurs et qui frappent aveuglément sans distinction femmes, hommes, enfants et personnes âgées.

Préface

Diplomatie, stratégie et politique de la France pendant la guerre Iran-Irak

Le livre de M. Buzat est le fruit d’un travail de recherche effectué dans le cadre du Master 2 Sécurité et Défense de l’Université de Toulon ; le préfacer est un plaisir pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce qu’il est toujours particulièrement agréable de voir un étudiant, que l’on a vu progresser pendant les cinq années passées sur les bancs de la Faculté de droit de Toulon-Draguignan, arriver à une réelle maîtrise des concepts et du travail de recherche. Ensuite parce que son sujet, finement maîtrisé et rendu toujours accessible, nous renseigne sur une histoire récente de notre pays, qui semble pourtant infiniment éloignée. Enfin parce que, au-delà du sujet traité, ce travail est riche de suggestions plus étendues, stimule la réflexion de quiconque réfléchi à la géopolitique, et à la diplomatie, de la France. Infiniment éloignées apparaissent les années 1980. C’était l’époque où la France avait une diplomatie lisible et respectée dans le monde entier, où elle avait les moyens militaires de tenir

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son rang, et où, surtout, elle avait une stratégie de long terme parce qu’indépendante et non dépendante du bon vouloir de telle ou telle grande puissance. Cette diplomatie pouvait commettre des erreurs, et le livre de M. Buzat, implicitement ou explicitement, en met un certain nombre en évidence. Mais ces erreurs étaient celles de la France, et non celles de la servante affairée d’intérêts supranationaux ou étrangers. À cet égard, le fait que le président de la République actuel (sur) réagisse à la comédie médiatique de l’envahissement du Capitole de Washington en posant devant les drapeaux de la France, de l’Union européenne et des États-Unis est un symbole désastreux de la dépendance, au plus haut niveau de l’État, à l’égard des injonctions venues d’Outre-Atlantique. Il est bien loin le temps où, en 1966, le général De Gaulle sortait notre pays du commandement intégré de l’OTAN et faisait fermer les bases américaines implantées dans l’Hexagone. Il est loin aussi le temps, en 2003, où Dominique de Villepin pouvait devant l’Assemblée générale des Nations-Unies renvoyer George Bush jr. et Colin Powell au ridicule de leurs fioles de jus de pomme censées prouver que l’Irak baasiste détenait des « armes de destruction de masse ». C’était l’époque où, héritière de la politique gaullienne à l’égard des pays arabes, la France du président Mitterrand menait une véritable politique arabe, qui protégeait le pays du terrorisme international sinon totalement, en tout cas bien plus que d’autres. Cette politique arabe vivra ses derniers feux avec le président Chirac et ses quelques fulgurances ; on se souvient du discours glorieux du ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin, devant l’Assemblée générale des Nations-Unies pour résister à la folie meurtrière des États-Unis, ou encore du

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voyage du président Chirac dans les territoires occupés. Tout n’était pas irréprochable : on découvrira en particulier dans ce livre certaines des raisons véritables pour lesquelles la France a participé à la première guerre contre l’Irak, choix certainement désastreux à long terme. On pourrait ajouter aussi que si notre pays n’a pas participé à la seconde guerre contre l’Irak, c’est parce qu’elle n’en avait tout simplement plus les moyens militaires d’y figurer dignement, et pas uniquement de défendre la paix. Il n’empêche, la France faisait illusion sur le plan international, et c’est parfois suffisant pour éviter les pires conséquences d’engagements qui ne peuvent pas susciter que des amitiés. Et c’est toujours mieux que de faire la politique des autres, que ce soient les états-Unis et leur impérialisme pseudo-prophétique, les pétromonarchies soutiens et promoteurs du terrorisme islamiste ou le pire régime totalitaire de l’histoire, la Chine, qui réussit à combiner dans un monstrueux mélange, les pires tares du capitalisme et du soviétisme. Rétrospectivement, à quatre décennies de distance, le bilan est pathétique : la France a laissé détruire plusieurs pays laïcs du Moyen-Orient, parfois armer les pires ennemis de la raison et de la liberté, qui se sont évidemment empressés de commanditer des attentats sur le sol national en remerciement. Si au moins la politique internationale de la France, à l’instar de celle du Royaume-Uni depuis toujours, et à l’instar de celle des États-Unis aujourd’hui, était purement cynique et intéressée, nous pourrions assumer tranquillement les fruits doux-amers de cette politique. Mais la France n’est pas une monarchie grotesque et déliquescente, elle ne saurait pas non plus être la marionnette d’un système militaro-industriel meurtrier ou d’une finance internationale tout aussi meurtrière. La France est la patrie des Droits de l’homme, et à ce titre elle a des devoirs et sa politique internationale est

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déterminée par ce destin qu’elle incarne et qu’elle s’est choisie historiquement. Renoncer à cela pour la France, c’est renoncer à toute politique car on ne choisit pas sa politique étrangère, pas davantage que l’on choisit les déterminants géopolitiques liés à l’espace que l’on occupe sur terre. Cette politique est déterminée par l’Histoire. Que les Droits de l’homme doivent guider la politique internationale de la France était-il compatible avec le fait de soutenir et d’armer un dirigeant autoritaire, et meurtrier (on pense évidemment aux crimes contre l’humanité commis contre le peuple kurde) comme l’était Saddam Hussein ? C’est une question avec laquelle on ne peut pas ruser, à laquelle il faut directement répondre. On doit y répondre par l’affirmative, quelque choquant que cela puisse paraître. On doit y répondre par l’affirmative parce que l’on juge un arbre à ses fruits : l’Irak était un pays riche et en voie de modernisation à l’époque de Saddam Hussein. L’analphabétisme était en voie d’éradication, les femmes y faisaient des études, les hôpitaux y fonctionnaient comme fonctionnaient les principaux services publics. Quinze ans après son assassinat, l’Irak est un pays en ruines à tous égards, et c’est un pays qui ne se relèvera pas. Par contre c’est un pays dont les ressources sont allègrement pillées, en proie à un extrémisme religieux délirant, et qui n’est plus dangereux pour les ennemis du projet de renaissance arabe et socialiste dont le colonel Nasser avait été le premier représentant. Mieux vaut un pays gouverné de façon autoritaire mais laïque et guidé par des idées modernistes voire socialistes, qu’un pays gouverné de façon tout aussi autoritaire, mais gangrené par la pestilence islamiste et sous le joug des intérêts internationaux, quels qu’ils soient.

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L’Irak baasiste avait des défauts, qui le nie ? L’Irak actuel n’a plus aucune qualité. La diplomatie française devrait consister là comme ailleurs, dans le soutien à l’égard d’une mutation interne des régimes laïcs autoritaires -on pourrait évidemment faire le parallèle avec la Libye et la Syrie, pays également arabes et socialistes, également détruits au bénéfice des pires tarés islamistes- et non pas dans la collaboration avec une politique absurde visant à détruire ces pays. Que des attentats islamistes touchent les États-Unis ne devrait susciter de la part de la diplomatie française qu’une compassion hypocrite et des larmes de crocodile. Les États-Unis se comportent depuis des décennies comme des ennemis à l’égard de notre pays et de l’Europe, en particulier sur le plan économique, il faut en tirer les conséquences, tout en continuant de les endormir avec de beaux discours. Que des attentats islamistes touchent la France au point aujourd’hui de risquer de la conduire au pire est le fruit logique d’une politique absurde à l’égard des pays arabes. C’est, en filigrane, ce que le livre de M. Buzat permet de comprendre. La France a commis des erreurs graves : la plus grave ayant été d’accueillir sur son sol l’Ayatollah Khomeiny sans le livrer au régime du Chah : parce qu’une diplomatie digne de ce nom doit protéger le pays dont elle émane. Sans scrupules. Les fanatiques religieux aspirent au martyre. Il ne faut pas se priver de leur faire ce plaisir. On peut, et on doit, évidemment toujours négocier avec des adversaires politiques. Les fanatiques religieux sont inaccessibles à la raison, il ne faut pas raisonner avec eux mais les forcer à plier : ils ne comprennent que la force. C’est ce que Jean Bodin, dans les Six livres de la République, avait théorisé déjà en 1576, contre les fanatiques catholiques et protestants qui

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ensanglantaient la France avec leurs délires religieux et la guerre civile qui en découlait. La France du président Mitterrand a lâché l’Irak baasiste sous prétexte des crimes contre l’humanité commis par ce régime contre les Kurdes ; la France de Hollande et Macron n’a strictement rien fait pour défendre les Kurdes contre l’impérialisme néo-ottoman de la Turquie d’Erdogan. Pire, elle a laissé les Kurdes combattre courageusement l’État islamique et les différents groupes islamistes en Syrie et en Irak, pour ensuite les trahir de la façon la plus lâche qui soit. La non-reconnaissance d’un Kurdistan indépendant, qui a adopté une Constitution socialiste, écologiste, féministe, laïque et progressiste (la Rojava) est pire qu’une lâcheté, c’est une vilenie, c’est une tâche qui ne pourra être effacée que si une position radicalement différente est adoptée dans le futur. On voit le résultat : avoir cédé à la pression de la Turquie se paie aujourd’hui par une hostilité débridée et un impérialisme extrêmement dangereux que l’on devra peut-être arrêter par la force un jour. Sur le plan diplomatique, c’est un désastre : la parole de la France ne vaut strictement plus rien sur le plan international. Après avoir lâché l’Irak la Serbie, la Libye, et les Kurdes, tout le monde sait que la France n’est pas un allié fiable et qu’il vaut mieux être allié avec les États-Unis, la Russie voire la Chine ou la Turquie. Quand on a un allié comme la France, on n’a pas besoin d’ennemi. Les Droits de l’homme méritent mieux qu’une politique médiatique : mieux vaut ne pas les brandir à tout bout de champ de façon hystérique mais les faire avancer en coulisses, plutôt que le contraire. Les Droits de l’homme ne sont pas une religion, ils sont même le contraire d’une religion. Il n’est nul besoin de s’en faire le fanatique, il faut travailler patiemment et courageusement

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à les construire, par exemple en soutenant les politiques de développement, la francophonie et le rayonnement international de l’Université française, au lieu du provincialisme médiocre actuel. Se déclarer l’ennemi de tout régime ne respectant pas tel ou tel aspect des Droits de l’homme est absurde ; mieux vaut s’examiner soi-même d’abord. Mieux vaut travailler diplomatiquement à la mutation progressive des régimes stables, quand bien même ils sont autoritaires, car le chaos est bien pire que l’autoritarisme. L’histoire récente de la Russie nous l’enseigne suffisamment : l’État peut être oppressif, mais l’effondrement de l’État est la pire des choses qui puisse advenir à une société, et surtout aux plus pauvres. C’est le règne du pur arbitraire, de la domination sans fard de l’argent, de la banque et des puissants, néo-féodaux sans honneur et sans panache. La lecture du livre de M. Buzat a de nombreux mérites. Nous faire réfléchir sur ce que pourrait être une politique internationale de la France digne de ce nom n’est pas le moindre. Laurent Reverso, Professeur d’Histoire du droit à l’Université de Toulon-Draguignan Directeur du Master Droit public, Codirecteur du Master 2 Sécurité et Défense

Abréviations

AFP  AJDA AJP AMX CEE  CIA CNRS CSPPA  CSNU  DAI  DCA  DCN  DGSE  DPSD  DST  FGTI  FINUL

Agence France Presse Actualité Juridique Droit Administratif Actualité Juridique Pénal Atelier de construction d’Issy-les-Moulineaux Communauté Economique Européenne Central Intelligence Agency Centre National de la Recherche Scientifique Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques Arabes et du Proche-Orient Conseil de Sécurité des Nations Unies Direction des Affaires Internationales Défense Contre l’Aviation Direction des Constructions Navales Direction Générale des Services Extérieures Direction de la Protection de la Sécurité et de la Défense Direction de la Surveillance du Territoire Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions Force intérimaire des Nations Unies au Liban

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GAN  GIA HOT Mig Mistral OLP OMPI ONU  OPEP  PC PCF  PDL PS  RPR  SAM  SNIAS  Su TF  TG  TGV UEO UNEF

Groupe aéronaval Groupe Islamique Armé Haut subsonique Optiquement Téléguidé Mikoyan-Gourevitch Missile transportable anti-aérien léger Organisation de Libération de la Palestine Organisation des Moudjahidines du peuple d’Iran  Organisation des Nations Unies Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole Poste de Commandement Parti Communiste Français Parti De la Liberté Parti Socialiste Rassemblement Pour la République Sol Air Missile Société Nationale d’Industrie AéroSpatiale Soukhoï Task Force Task Group Train à Grande Vitesse Union de l’Europe occidentale Union nationale des étudiants de France

Partie I

« Vers l’Orient compliqué, je volais avec des idées simples (...). Je savais qu’au milieu de facteurs enchevêtrés une partie essentielle s’y jouait. Il fallait donc en être ». De Gaulle Charles, Mémoires de guerre, tome 1 (1940-1942).

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chapitre 1  Les liens forts entretenus entre la France et l’Iran et leurs évolutions

Les relations entre la France et la Perse, puis l’Iran1, sont historiques et passionnelles. Plusieurs périodes, dans les relations entretenues par la France et la Perse puis plus tard l’Iran, sont à distinguer. De la conquête mongole du xiiie siècle à la Révolution islamique de 1979, les relations de diverses dimensions ne cessèrent d’exister entre les deux pays. Concernant la période avant l’année 1918, je vous invite à consulter l’ouvrage de Safoura TORK LADANI, L’Histoire des relations entre l’Iran et la France du Moyen-Âge à nos jours de 2019 aux Éditions L’Harmattan. La sous-partie qui va suivre a été directement inspirée par le livre de Mariam Habibi, L’interface FranceIran : une diplomatie voilée, 2004. L’ambivalence des relations diplomatiques franco-iraniennes

À la sortie du Premier conflit mondial, le ministre britannique en Perse Percy Zachariah Cox mentionnait qu’il était « (...) tout à fait 1

La Perse devient l’Iran officiellement le 21 mars 1935.

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convaincu que (...) les puissances qui se sont battues à [ses] côtés pour des principes universels et qui sont sur le point de se réunir pour littéralement reconstruire le monde et en veillant ce que la justice y règne, s’intéresseront collectivement à l’avenir de la Perse »2. Sa vision fût juste. La France s’intéressera de plus en plus à ce pays, profitant ainsi de la désintégration de l’Empire russe et de la guerre civile y faisant rage ainsi que de la perte d’influence des Britanniques. La France avait des cartes à jouer. Ce qu’elle fit mécontentait ainsi fortement les partenaires britanniques souhaitant ne plus avoir de concurrence en Orient. Ces derniers useront de tous les stratagèmes possibles pour éliminer l’influence grandissante des Français dans ce pays. Du côté de la Perse sous tutelle britannique, cette dernière cherchait des soutiens parmi les vainqueurs du Premier conflit mondial, dont la France, pour plaider sa cause auprès de la Conférence de paix de 1919. La politique persane de la France après la Grande Guerre

Les relations entre la France et la Perse sont donc historiques. L’on parle de politique de désintéressement de la France à l’égard de la Perse étant donné que la première n’a jamais cherché à coloniser la seconde et n’a jamais eu d’arrières pensées politiques ou géostratégiques. Cette politique de désintéressement est née véritablement de la réputation des Français auprès des Persans puis de l’influence culturelle de la France en Perse. De plus, les Français sont vus comme un synonyme de modernité en Perse. La Révolution constitutionnelle persane du début du xxe siècle marquera véritablement cette pénétration culturelle française en Perse. En effet, cette Révolution avait pour but majeur de limiter l’absolutisme du monarque persan et l’établissement d’une Constitution. Cette 2

HABIBI Mariam, L’interface France-Iran 1907-1938 : une diplomatie voilée, 2004, Éditions L’Harmattan, Paris, p.163.

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Révolution a été menée par les bourgeois et intellectuels persans influencés par les idées des Lumières des Français, de par leurs voyages en France notamment3. Au début des années 1920, la France, toujours dans le cadre de cette politique, se place en arbitre dans le jeu persan des autres grandes puissances et cela est apprécié et considéré comme tel de la part de Téhéran. Ensuite, la Perse souhaitait se doter d’une véritable armée nationale. Pour ce faire, il était nécessaire que des formateurs étrangers soient envoyés ou que les cadres de cette future armée soient formés à l’étranger. Une première demande en ce sens émanant des autorités persanes fut envoyée aux autorités françaises en 1926. Le choix de la France par les autorités persanes s’explique par le fait que l’armée française était considérée comme la meilleure du monde à l’époque et son matériel militaire était vendu partout à travers le monde. La Perse, durant ces années-là, devait faire face à des incursions de forces soviétiques dans le nord du pays. Cependant, la France a dû répondre par la négative étant donné l’équilibre précaire entre zones d’influences britanniques et françaises dans la région. La Perse se trouvait en dehors de la zone française. Il ne fut donc pas jugé opportun de sortir de cette zone pour la diplomatie française. Une seconde demande intervint en 1933, demande à laquelle la France accéda. Ce revirement de situation s’explique par les contextes des situations à la fois en Europe mais également au Moyen-Orient. Tout d’abord, par l’inquiétude française de voir l’Allemagne devenir plus MOUSSET Martin, Les relations franco-perses au début des années 1920 : Les actions du chargé d’affaires Henri Hoppenot à la légation française de Téhéran (25 octobre 1920-20 décembre 1921) [en ligne], sous la direction de DENECHERE Yves, mémoire de Master 2 Histoire, Civilisation, Patrimoine de l’université du Mans, 2019, p.37. [Consulté le 22/11/2020] http://dune.univ-angers.f r/f ichiers/14002202/2019H M HCP10429/ fichier/10429F.pdf 3

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puissante en Europe et plus influente dans la région. La crainte d’un nouveau conflit contre l’Allemagne devenait de plus en plus une réalité et la diplomatie française devait autant que possible barrer la route de son homologue allemande. La Perse est donc devenue un moyen pour la diplomatie française de supplanter une potentielle influence allemande. Ensuite, la Perse pourrait servir de bouclier aux aspirations territoriales des Soviétiques dans la région. Enfin, la Perse, avec l’aide française, pourrait servir de contrepoids à la Turquie nationaliste4. Derrière l’argument stratégique se trouve également l’argument économique. La France devait exploiter pleinement cette nouvelle relation en exportant des matériels militaires français ou bien de profiter du nouveau marché pétrolier persan. Cette nouvelle relation militaire entre les deux pays bénéficie également à la Perse. En témoigne Rezâ Chah : « d’autres pays sont tous prêts à m’offrir leurs conseillers, leurs techniciens. Mais (...) j’estime que les Français sont plus qualifiés que tout autre pour nous servir d’intermédiaires avec l’Occident »5. La France bénéficiait aux yeux des Perses d’une gloire militaire certaine d’autant plus qu’elle faisait partie du camp des vainqueurs du Premier conflit mondial. Les futurs officiers iraniens avaient, en outre, un avantage de poids : ils étaient également francophones, ce qui facilitait les échanges avec leurs homologues français lors de formations. La France envoya donc discrètement, en juin 1933, cinq officiers à l’École de Guerre de Téhéran. Des instructions provenant du Quai d’Orsay furent données aux officiers français en Iran : se munir de toute documentation utile concernant le matériel

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HABIBI Mariam, L’interface France-Iran 1907-1938 : une diplomatie voilée, op.cit., p.308. Ibid., p.306.

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militaire français6. Cette tentative française amena la Perse à se doter de canons d’artillerie français7. Ce sera le seul succès français en Perse, les armes britanniques y étant plus distribuées. Mais face à l’utilité initiale de cette mission militaire, la Perse demande trois officiers français en complément des cinq premiers. Cette aide étant en partie limitée de par le chantage exercé par les autorités iraniennes de se tourner vers les autorités allemandes dans l’éventualité que la France refuse les conditions iraniennes. Ce chantage avait été également exercé quand l’Iran demanda l’augmentation du nombre d’officiers français dans le cadre de la mission militaire française. La diplomatie française estimait alors que l’Iran pourrait se tourner vers d’autres États pour obtenir des formateurs pour la construction de son armée nationale. De même en 1937, en ce qui concerne les fortifications du Chatt-elArab. Les conseillers français devaient alors « (...) en limiter les effets et veiller à ce que sa mise à exécution ne vienne pas gêner ultérieurement une action éventuelle de la flotte britannique, (...) pour le cas d’un conflit mondial dans lequel l’Iran se rangerait dans le camp allemand »8. Que l’Iran rejoigne le camp de l’Axe inquiéta fortement les autorités françaises. En ce sens, l’année 1936 marquera un tournant dans les relations franco-iraniennes. En effet, l’Iran commence à vouer une admiration de plus en plus grande pour les États de l’Axe et plus particulièrement l’Allemagne après la constitution d’une mission militaire allemande en Turquie en Ibid., p.313. MOUSSET Martin, Les relations franco-perses au début des années 1920 : Les actions du chargé d’affaires Henri Hoppenot à la légation française de Téhéran (25 octobre 1920-20 décembre 1921) [en ligne], op.cit., p.56. [Consulté le 22/11/2020] http://dune.univ-angers.f r/f ichiers/14002202/2019H M HCP10429/ fichier/10429F.pdf 8 HABIBI Mariam, L’interface France-Iran 1907-1938 : une diplomatie voilée, op.cit., p.310. 6 7

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1934. Du côté de la France, l’on commence à prendre conscience de la menace allemande et l’on s’inquiète de la potentielle supplantation des Français par les Allemands en Iran. Deux événements peuvent expliquer ce revirement diplomatique de la part de l’Iran. Tout d’abord, ce dernier n’a pas apprécié que la France signe avec sa puissante voisine soviétique un traité d’assistance mutuelle en 1935. Le second tient à la situation politique interne de la France. En effet, le Front Populaire remporta les élections et Léon Blum occupa le poste de président du Conseil. Du point de vue de l’Iran, la bolchévisation de la France n’était donc qu’une question de temps9. Les événements de l’année 1937 marquèrent les prémices d’un changement de situation de l’Iran à l’égard de la France. En effet, lors de manœuvres militaires de l’armée iranienne, quatre des six attachés militaires français furent invités. Cela témoigne de la volonté de Téhéran de se détacher de cette mission militaire. L’année suivante, la mission militaire française en Iran prit fin après la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays suite à des articles de presse français outrageants à l’égard de l’Iran et du Chah10. Le 3 janvier 1939, la diplomatie française a reçu ces explications de la part de son homologue iranien : « [...] Étant donné les attaches du Petit Parisien avec le gouvernement et les pouvoirs dont celui-ci dispose pour réprimer les insultes faites au souverain, l’inaction du gouvernement français ne peut être interprétée que comme indifférence. Rien ne peut mieux justifier notre décision que les articles réitérés attaquant les choses sacrées, le Shahan Shah et la dignité nationale. Aussi, pour mettre fin à cette situation désagréable nous avons jugé que la rupture

9 Ibid., p.353. 10 Les journaux français Le Petit Parisien et l’Excelsior avaient fait un jeu de mot entre « Chat » et « Chah ». Cela avait fortement déplu au Chah d’Iran.

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était le meilleur moyen. Notre décision est irrévocable »11. Les relations furent rétablies le 21 février 1939. Lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, en septembre 1939, l’Iran déclare sa neutralité. En 1941, le Chah dut abdiquer en faveur de son fils, Mohammad Reza, après l’invasion de son pays par les troupes anglo-soviétiques, de peur que l’Iran ne rentre dans les forces de l’Axe mais également pour faciliter l’approvisionnement de l’URSS en matériel de guerre américain. Les occupants alliés firent pression sur le nouveau Chah pour fermer la légation française, de Vichy. En 1942, l’Iran reconnaît officiellement le Comité national de la France libre et rompt tous contacts diplomatiques avec les autorités de Vichy. Le 9 juin 1942, le Général de Gaulle déclarait ceci : « [...] En établissant des relations diplomatiques avec la France combattante, [le gouvernement iranien] a procuré aux deux pays le moyen de resserrer les liens d’amitié déjà si étroits qui les unissent et d’accorder leurs intérêts communs »12 . À la fin du Second conflit mondial, les relations entre la France du Général de Gaulle et l’Iran prendront une autre dimension et s’affirmeront de plus en plus. Les relations diplomatiques franco-iraniennes entre 1944 et 1979

À la fin du Second conf lit mondial, les relations francoiraniennes ont connu une succession d’évolutions. En effet, il faut remonter à 1944 pour que le Général De Gaulle et le Chah évoquent une transformation de ce qu’étaient alors des légations entre la France et l’Iran en ambassades13, ce qui fut réalisé 11 TORK LADANI Safoura, L’Histoire des relations entre l’Iran et la France du Moyen-Age à nos jours, 2019, L’Harmattan, Paris, p.199 12 Ibid., p.204. 13 Ibid., p.206.

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le 30 juillet 1945. Le premier ambassadeur français en Iran arrive en août de la même année. Ce signe diplomatique fort témoigné entre ces deux pays s’accompagne également de l’envoi de conseillers militaires français en Iran. Malheureusement, les relations entre Paris et Téhéran commenceront à se détériorer progressivement quand Zeyn ol -‘abedin Rahnema, ambassadeur et ancien ministre, est venu à Paris et que la presse française fit des publications offensantes à l’encontre du Chah. En effet, dans un article de la revue Nuit et Jour, la maison royale iranienne était comparée à une maison de plaisir. Un article de Samedi Soir avait comparé le roi d’Iran au calife Haroun al-Rachid qui est un calife sunnite14. L’ambassadeur Rahnema portera plainte contre ces publications. Il convient de noter qu’en 1948, lors de la visite du Chah en France, ce dernier sera décoré de la Croix de Guerre par les autorités françaises. En 1950, 19 officiers français partent en Iran pour faire des stages dans les institutions militaires du pays. En échange, la France accueillera 28 officiers iraniens. Ensuite, l’Iran décide de nationaliser les entreprises de pétrole sur son territoire en 1951. Les Anglais ont alors porté l’affaire devant la Cour Internationale de Justice dont la compétence n’est pas reconnue par l’Iran pour ce litige. En gage d’amitié envers l’Iran, la France œuvre au Conseil de Sécurité des Nations-Unies pour suspendre les débats tenant à la légalité de la décision iranienne tant que la compétence de la cour de la Haye n’est pas reconnue15. Au moment des guerres de décolonisation, plongeant le Vieux Monde dans l’incertitude, l’Iran condamnera les politiques européennes n’entendant pas accorder l’indépendance aux peuples le demandant. Cependant, ces condamnations seront timides 14 Ibid. 15 Ibid., p.210.

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envers la France. Dans ce contexte, quand Pierre MendesFrance a été nommé président du Conseil des ministres, en 1954, Téhéran affichera sa satisfaction car estime que le nouveau président du Conseil des ministres français avait bien géré la situation de l’Indochine et sa politique de décolonisation du Maroc et de la Tunisie était également appréciée. En revanche, l’offensive concertée du Royaume-Uni, d’Israël et de la France contre l’Égypte, en 1956, qui avait nationalisé le Canal de Suez, est condamnée fermement par l’Iran. Il y a un nouveau rapprochement de la France et de l’Iran quand le Général De Gaulle est rappelé au pouvoir en 1958 pour mettre fin à la crise algérienne. Cependant, sa gestion de la crise sera fermement critiquée par l’Iran qui soutiendra l’indépendance algérienne. Le Chah effectue une nouvelle visite à Paris le 26 mai 1959 et l’URSS est déclarée par Paris et Téhéran comme une menace commune. De Gaulle sera également invité en Iran pour l’année 1961. Quelques mois plus tard, en juillet, l’Iran condamnera une nouvelle campagne hostile de la presse française à son encontre. Le voyage du Général de Gaulle, invité en 1959, s’est effectué en octobre 1963. Ce voyage s’est bien déroulé car, malgré le soutien aux indépendantistes algériens, l’Iran n’a pas encore reconnu le Gouvernement Provisoire de la République algérienne, ce qui satisfait pleinement la France16. Le milieu des années 1960 marque l’accélération de la multitude d’échanges de toute nature entre l’Iran et la France. Dès 1964, la faculté de droit de Téhéran invite le doyen Vedel17. La France et l’Iran décident de coopérer militairement dans le domaine de la lutte anti-char mais Paris s’inquiète des graves troubles sociaux secouant l’Iran. L’Iran est soulagé que le Général 16 Ibid., p.218. 17 Ibid., p.219.

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De Gaulle soit réélu en novembre 1965. En mai 1968, lorsque la grave crise politico-sociale secouait la France, le Premier ministre français, Georges Pompidou, était alors en visite d’État officielle en Iran. Il dut quitter le pays précipitamment. L’Iran, en 1971, avait invité les plus hautes autorités françaises pour célébrer les 2500 ans de l’Empire Perse. L’absence remarquée du président de la République française provoquera un froid dans les relations entre Paris et Téhéran. La France était alors représentée « uniquement » par le Premier ministre Chaban-Delmas. Ainsi, de la fin de la Seconde Guerre mondiale au début de la Révolution islamique en Iran, la France et l’Iran auront entretenu des relations diplomatiques et militaires assez importantes, supplantant le Royaume-Uni, mais qui ont été marquées par des crises passagères entre les deux pays. Outre les liens militaro-diplomatiques forts, ces deux pays ont également entretenu de puissants liens culturels et scientifiques. Les liens culturels et scientifiques puissants entretenus entre la France et l’Iran Impérial

La France et l’Iran ont entretenu des relations culturelles et scientifiques fortes. Il convient de rappeler que le premier traité culturel signé, en 1929, entre les deux pays, était relatif à l’équivalence des diplômes du baccalauréat18.Dès les années 1930, des étudiants iraniens sont envoyés en France et enseigneront à leur retour à l’Université de Téhéran. La langue française était même très enseignée en Iran et était la langue parlée par la bourgeoisie iranienne. Si le français est autant développé en Iran, c’est pour que les étudiants iraniens aient accès aux classes préparatoires françaises. En 1946 est fondée l’Association des amis de la culture 18 Ibid., p.228.

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française et l’Institut Franco-Iranien de Téhéran qui sont deux centres culturels participant au rayonnement de la langue française et de la France en Iran19. Cependant, un recul de l’influence culturelle française est constaté en 1949, date à laquelle le Chah souhaite lutter contre l’analphabétisme dans son pays en augmentant la qualité de l’enseignement dans les écoles iraniennes. Dans le domaine scientifique, un premier traité de coopération a été signé avec la France le 27 décembre 196720. Ce traité était relatif à la coopération et l’échange d’experts pour une collaboration franco-iranienne dans les études scientifiques et la formation de personnel, organisation de stages, l’éducation, et la formation de stagiaires professionnels, leur donner une bourse universitaire et enfin à l’échange de livres et de revues scientifiques. Le français est réintroduit dans le système éducatif iranien par deux traités signés en juin 1972 autorisant également aux enseignants la possibilité d’effectuer des stages en langue persane et française. En 1972 est également fondée une Université franco-iranienne à Hamadān sous le nom d’Avicenne. Un second traité de coopération culturelle a été signé le 7 novembre 1973 21 où la diffusion des deux langues était encouragée dans les deux États. Ce traité devait faciliter l’accès aux activités des instituts et de centres culturels, scientifiques, techniques autant privés que publics et devait marquer une coopération étroite entre les établissements scolaires, universités, bibliothèques et musées. La coopération scientifique entre les deux États évoluera vers une coopération dans le domaine du nucléaire civil, coopération effectuée au moyen de l’accord Eurodif. 19 Ibid. 20 Ibid., p.238. 21 Ibid., p.238.

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La coopération nucléaire franco-iranienne : l’accord Eurodif

Cette coopération scientifique s’accentua entre les deux pays, démontrant leur grande amitié, quand le 27 juin 1974, la France s’est engagée à fournir à l’Iran des centrales nucléaires civiles22. Cet accord du 27 juin prévoit la création d’une société franco-iranienne d’exploitation des gisements d’uraniums découverts récemment en Iran et que la France s’engage à construire trois réacteurs nucléaires en banlieue de Téhéran23. Paris propose également à Téhéran de s’associer dans la construction de l’usine d’enrichissement d’uranium Eurodif pour posséder le combustible nécessaire au futur fonctionnement de ses centrales nucléaires civiles. Le 18 novembre 1974, le ministre français de l’Industrie, Michel d’Ornano, officialise la vente de deux centrales nucléaires à l’Iran. Dès décembre 1974, l’Iran prête 1 milliard de dollars à la France en échange d’une participation de 10 % au capital d’Eurodif 24. L’Iran pourra ainsi acheter 10 % du combustible produit par l’usine de Tricastin, dans la Drôme, quand elle sera construite en 1981. Ce prêt devra commencer à être remboursé à cette date-là25. Le Commissariat à l’Énergie Atomique et son homologue iranien ont créé la Société Franco-Iranienne pour l’enrichissement de l’uranium par diffusion gazeuse (Sofidif). L’Iran officialise le versement de 180 millions de dollars supplémentaires à la 22 R AZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), 2017, Paris, Éditions académiques Perrin, p.152. 23 Ibid. 24 Ibid., p.153. 25 TASSEL Fabrice, « L’enjeu était plus nucléaire que financier » dans Libération [En ligne], publié le 19 février 2002. [Consulté le 16/10/2019] https://www.liberation.fr/societe/2002/02/19/l-enjeu-etait-plus-nucleaireque-financier_394310

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France pour recevoir ce que produira l’usine Tricastin26. Ainsi, au total, l’Iran dépensera 2 milliards de dollars dans Eurodif 27. Malheureusement pour les deux États, la Révolution islamique se tenant en Iran n’aura pas les effets escomptés sur les relations franco-iraniennes. La France espérait qu’avoir accueilli pendant un temps l’ayatollah Khomeiny ferait qu’elle bénéficierait d’avantages économiques. Les relations diplomatiques entre les deux États en seront gravement affectées. L’évolution des relations diplomatiques franco-iraniennes lors de la Révolution islamique de 1979

La France était consciente que le régime du Chah n’allait pas se maintenir dès 1977. Le président de la République de l’époque, Valéry Giscard d’Estaing, prévenait régulièrement le Chah de faire preuve de plus de souplesse dans sa politique intérieure et ensuite dans sa gestion des importants troubles sociaux secouant l’Iran. Ces avertissements sont renouvelés tout au long de l’année 1978. Dans le même temps, la France, sentant que son meilleur partenaire au Moyen-Orient risquait fortement de tomber, ne trouvait pas en la personne de l’ayatollah Khomeiny quelqu’un de dérangeant et accepta de l’accueillir en France le 6 octobre 1978. Il s’installa alors dans la banlieue de Paris, jugée plus sécurisée que la ville de Paris elle-même. Cependant, cette position française à l’égard de l’ayatollah Khomeiny changera. En effet, protégé par ses fidèles en France, il n’hésita pas à attaquer verbalement l’ambassadeur iranien en France, Bahrami en 1978. Ce 26 TORK LADANI Safoura, L’histoire des relations entre l’Iran et la France du Moyen Âge à nos jours, op.cit., p.281. 27 Ibid.

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qui mit dans l’embarras le pouvoir français qui tenta, en vain, de l’expulser en direction de l’Algérie28. Le 5 janvier 1979, la France et ses alliés occidentaux, lors du sommet de la Guadeloupe, annoncent soutenir Khomeiny29. Le 16 janvier 1979, il est décidé la fermeture de l’ambassade française en Iran, jugeant la situation très dangereuse. Le 1er février 1979 est une date importante dans la Révolution islamique en Iran. En effet, elle marque le retour de l’ayatollah Khomeiny en Iran à bord d’un avion de la compagnie Air-France30. Le 5 février, il démet Chapour Bakhtiar du pouvoir et se proclame « guide suprême de la Révolution ». Le 11 février marque la chute officielle du Chah et l’avènement de Khomeiny au pouvoir. L’Iran impérial n’existe donc plus, une République islamique y est instaurée et le Premier ministre ainsi que son gouvernement sont obligés de fuir l’Iran. Le 9 avril 1979, l’Iran islamique dénonce l’accord nucléaire de 1974 avec la France. L’Iran réclame le remboursement des sommes investies en France par le Chah et suspend tous les versements financiers. Les relations se tendront avec la France quand Paris refusera de rembourser les sommes prêtées par le Chah. Paris refusera également que l’Iran jouisse de son statut d’actionnaire d’Eurodif. En réaction à cette dénonciation et à l’arrêt du financement iranien à Eurodif, les responsables d’Eurodif portèrent l’affaire devant le tribunal de la Chambre de commerce internationale de Paris, en portant plainte contre l’Iran, lequel décida de la confiscation des biens iraniens dans la société Eurodif31. 28 29 30 31

Ibid., p.247 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), op.cit., page 153. Ibid. TORK LADANI Safoura, L’histoire des relations entre l’Iran et la France du Moyen Âge à nos jours, op.cit., p.282.

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Le 18 juillet 1980, la France ne tolère pas ce qu’il vient de se produire sur son territoire. En effet, l’Iran a fomenté l’assassinat d’un ancien Premier ministre du Chah, Chapour Bakhtiar, qui a trouvé asile en France. C’est un commando, placé sous les ordres d’Anis Naccache, qui a tenté de l’assassiner32 . Il s’avère qu’il en a réchappé alors que deux policiers français chargés de le protéger sont assassinés ainsi qu’une voisine de l’ancien Premier ministre. Le commando est rapidement arrêté et l’incarcération du chef de ce dernier, Anis Naccache, allait tendre encore plus les relations entre la France et la République islamique d’Iran les années suivantes. La France espérait beaucoup de ce changement de régime en Iran. Elle espérait secrètement que le fait d’avoir accueilli le leader de l’opposition au Chah allait lui être bénéfique mais l’Iran islamique allait remettre en cause « sa politique arabe », étant opposé à toute mainmise occidentale sur la région. Si la France entendait faire de l’Iran impérial un partenaire pour contrer l’URSS dans la région, la Révolution islamique a rebattu les cartes dans la région et la France venait de perdre un partenaire fiable. La situation évoluant fortement dans la région, la France, souhaitant continuer d’y avoir une influence, devait trouver un second partenaire au cas où l’Iran s’effondre. Ce nouveau partenaire sera alors l’Irak.

32 Cependant, Chapour Bakhtiar sera assassiné à Suresnes, en région parisienne, d’une dizaine de coups de couteau en août 1991 à l’âge de 77 ans.

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Chapitre 2  L’amitié franco-irakienne, héritière de la politique arabe de la France

L’Irak et plus particulièrement la région de Mossoul a fait l’objet de convoitises de la part de la France lors de la signature des accords Sykes-Picot en 1916. La France n’a pas obtenu cette région qui est restée sous mandat britannique jusqu’en 1930. Il conviendra d’étudier comment s’est amorcée cette amitié entre la France et l’Irak, que cette amitié s’est transformée au fur et à mesure en coopération militaire et économique jusqu’au domaine nucléaire doublée d’un renforcement de la coopération militaire entre les deux États. L’amorce de l’amitié franco-irakienne

L’amitié franco-irakienne débute réellement en 1967 lorsque la Guerre des Six Jours éclata entre Israël et ses voisins arabes. Israël étant à l’origine de l’offensive, la France décidera de soutenir les États arabes augmentant sa popularité dans la région. Le 7 février 1968, le président de la République d’Irak, Ahmad Hassan al-Bakr, est invité à Paris par le président français Charles de Gaulle. La France souhaite nouer des liens forts avec l’Irak

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malgré les liens diplomatiques que l’URSS entretient avec ce dernier. Lors de cette visite officielle à Paris, la société française de blindés légers Panhard accepte de vendre à l’Irak 106 automitrailleuses de type AML -60. Les firmes françaises Berliet et Saviem livreront à Bagdad près de 700 camions militaires1. La France devient l’un des principaux partenaires commercial de l’Irak dès le début de la décennie 1970. Lors de la nationalisation irakienne de la compagnie Irak Petroleum Company, l’Irak accepte que la France maintienne les avantages qu’elle possédait avant la nationalisation et proposera à la Compagnie Française de Pétrole un accord qui sera avantageux pour la France. La France, satisfaite de ces avantages en Irak, augmentera de plus en plus sa coopération militaire puis économique avec l’Irak. Les prémices d’une coopération militaro-économique franco-irakienne marquée

Le 11 juin 1972, le vice-président irakien, Saddam Hussein, est invité à Paris par le Premier ministre français Chaban-Delmas afin de discuter de la coopération pétrolière entre les deux États. Saddam Hussein profite de cette visite pour soumettre aux autorités une liste de matériel militaire que l’Irak souhaiterait acquérir. Une importante campagne de presse est alors lancée par des industriels français au nom de l’amitié franco-irakienne pour que le gouvernement français accède à la demande irakienne. Au sein même du gouvernement, le souhait irakien d’acquérir du matériel de guerre français fait débat. Le Premier ministre Jacques Chaban-Delmas et le ministre de la Défense Michel Debré y sont très favorables tandis que le ministre des Finances 1

RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), op.cit., p.146.

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Valéry Giscard d’Estaing l’est moins. Il s’interroge sur la capacité de l’Irak à financer ces équipements que la France lui vendrait. Le ministre des Affaires étrangères Maurice Schumann est, lui, nettement opposé, à toute livraison d’armes par la France à l’Irak. Il argue du fait que livrer des armes à l’Irak renforcerait un ennemi d’Israël et dénonce la fermeté du pouvoir irakien vis-à-vis de ses opposants politiques2 . Le Premier ministre arbitre donc et reste en faveur de la livraison d’armes françaises à l’Irak en excluant toutefois les chasseurs Mirage et les chars de combat demandés par l’Irak. Une semaine plus tard, le 18 juin 1972, la France et l’Irak signent un nouvel accord protégeant les intérêts pétroliers de la France en Irak pour une durée de 10 ans3. En échange, la France accède à la demande de l’Irak et livre 102 hélicoptères4 de la firme SNIAS à l’Irak, 3 avions de liaison Mystère 20. Outre l’aviation, la France livrera également 194 blindés légers Panhard, 580 mortiers et 420 000 obus ainsi que 6 radars de nouvelle génération5. La coopération entre les deux pays atteindra un stade important : la France collaborera activement avec l’Irak dans le domaine du nucléaire. Le renforcement de la coopération militaro-nucléaire franco-irakienne

L’année 1974 est une année charnière dans les relations franco-irakiennes. En effet, lors du second choc pétrolier de 1974, l’Irak se 2 3 4 5

Ibid., pp.147-148. Ibid., p.148. Parmi ces 102 hélicoptères, sont vendus 47 Alouette III, 12 Super-Frelon, 3 Puma servant au transport de troupes et à la reconnaissance et 40 Gazelle servant à la lutte anti-char et à l’appui au sol. RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), op.cit., p.148.

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battra auprès de l’OPEP pour que les livraisons de pétrole soient maintenues à destination de la France. Au mois d’août de cette année, une délégation irakienne en visite en France souhaite acquérir une centrale nucléaire. Le 1er septembre, un contrat est signé entre la France et l’Irak pour équiper les armées irakiennes. Le 1er décembre, le Premier ministre Chirac se rend à Bagdad afin de signer de nombreux contrats commerciaux et le lendemain, accepte de livrer les tant attendus chasseurs Mirage F1 à l’Irak. Quarante avions devront être livrés d’ici l’année 19806. L’année 1975 est également une année charnière. Au mois de septembre, Saddam Hussein se rend en France pour signer un accord afin que la France fournisse de l’uranium enrichi et un réacteur de recherche nucléaire dénommé Osirak. Le 5 septembre, en parlant du vice-président irakien, Jacques Chirac, Premier ministre, déclare ceci : « vous êtes mon ami personnel. Vous êtes assuré de mon estime, de ma considération et de mon affection »7, témoignant de la grande amitié entre la France et l’Irak. Le 18 novembre 1975, un accord de coopération nucléaire est signé entre Paris et Bagdad. Il prévoit que la France fournisse deux réacteurs nucléaires pour un usage militaire. Saddam Hussein déclarait même que « l’accord entre la France est le premier pas concret vers la production de l’arme atomique arabe »8. Les ÉtatsUnis et Israël sont ulcérés par cette « lune de miel » entre Paris et Bagdad9. 6 Ibid., p.149. 7 Citations avec Dico-Citations, dans Le Monde [En ligne]. https://dicocitations.lemonde.fr/citations/citation-164649.php 8 GARCON José, « La France et le conflit Iran-Irak ». In: Politique étrangère, n° 2 - 1987 - 52e année. pp. 357-366. 9 Le 14 juin 1980, les Services secrets israéliens assassineront un physicien égyptien lié au programme nucléaire irakien à Paris.

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À partir de 1976 et jusqu’en 1979, les livraisons d’armes françaises à l’Irak s’accentueront. La France livrera 11 000 missiles de tout type, 255 postes de tir de missiles antichar HOT et Mistral, du matériel de guerre électronique et 150 blindés légers Panhard. En septembre 1976, la France accepte de fournir entre 60 et 80 Mirage, puis 200 chars de combat AMX30 l’année suivante. Cela sera effectif par un accord de vente entre les deux pays en juin 1977. La coopération militaire entre les deux pays évoluera. Des élèves-pilotes et techniciens irakiens furent envoyés en France pour mieux appréhender le maniement des différents hélicoptères et avions livrés par la France. Au niveau maritime, la Direction des Constructions Navales proposera même à l’Irak de se doter d’une véritable marine de guerre puissante dans la région. La DCN espérait vendre à l’Irak des frégates, escorteurs, sous-marins. Il convient de rappeler que l’Irak ne dispose que de 58 kilomètres de côtes ! Ce sera l’argument utilisé par le Premier ministre Raymond Barre pour s’opposer à un tel projet10. Quoiqu’il en soit, la vente d’armes françaises à l’Irak aura rapporté plus de 5 milliards de dollars à la France entre 1970 et 1979. À la fin de la décennie 1970, plus de 60 entreprises françaises sont présentes en Irak avec 10 000 techniciens français vivant et travaillant en Irak. L’Irak est devenu le premier partenaire commercial de la France au Moyen-Orient et le deuxième fournisseur de pétrole de la France11. L’Irak armé par à la fois par les Soviétiques et ayant acquis du matériel militaire français de dernière génération, l’Iran 10 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), op.cit., p.151. 11 Ibid.

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bénéficiant de matériel de bonne qualité de la part d’Israël et des États-Unis appuiera le déclenchement d’une guerre meurtrière entre l’Iran et l’Irak. Les causes de cette guerre sont multiples et liées à différents facteurs.

Chapitre 3  Les causes du déclenchement de la guerre Iran-Irak

Les causes de la guerre Iran-Irak de 1980-1988 sont multiples. Il convient de rappeler qu’un antagonisme séculaire entre les deux États s’est opéré. Les causes du déclenchement de la guerre IranIrak résultent d’une détérioration qui a été progressive entre les deux États au milieu des années 1970 et enfin du choix opéré par l’Irak d’entrer en guerre contre son voisin iranien. Le contexte de l’antagonisme séculaire entre Irak et Iran

Cet antagonisme historique entre l’Iran et l’Irak a conduit ce dernier à mener cette guerre contre son voisin iranien. Tout d’abord, il est question de différends frontaliers entre les deux États, l’accord d’Alger de 1975 renégociant les frontières au profit de l’Iran a humilié l’Irak sur la scène régionale et enfin les deux États luttent dans la région pour étendre leur influence mutuelle.

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Le tracé litigieux des frontières entre les deux États

Le tracé actuel des frontières entre l’Iran et l’Irak témoigne de l’héritage du passé et de la succession de traités depuis le xvie siècle entre les deux États. L’actuel tracé met également en évidence le passé de la région avec la présence des Empires perses et ottomans. C’est en 1514 que la Mésopotamie (actuelle Irak) est conquise par l’Empire ottoman. La frontière entre les Empires perses et ottomans est alors établie au niveau du Mont Zagros. Cependant, à cette époque, une lutte d’influence de ces deux Empires pour la région prend forme et prend de plus en plus une connotation religieuse. En effet, l’Empire ottoman se réclame du sunnisme tandis ce que l’Empire perse se réclame du chiisme. Le premier traité concernant l’établissement de la frontière, entre ce qui deviendra l’Irak et l’Iran, se tient en 1555. Il s’agit du traité d’Amassia1. La Perse renonce à toute prétention sur la Mésopotamie et aux rives du fleuve Chatt-el-Arab2 . Le traité d’Amassia est confirmé en 1639 par le traité de Qasr-e-Shirin.3 La frontière entre les deux Empires se stabilise peu à peu sauf dans les régions du Khouzistan et les Monts du Zagros où la Perse se trouve contestée par les diverses tribus arabes qui y vivent. Ces dernières décident de nommer cette région Arabistan4. En réaction, la Perse lance des opérations punitives à leur égard. Le traité d’Amir Achraf de 1727 impose à la Perse de ne plus s’ingérer dans les affaires de l’Arabistan. L’évolution des frontières entre la Perse et l’Empire ottoman prendra une nouvelle tournure quand les Européens décideront de s’en mêler. Cela débute par le traité 1 2 3 4

Ville se trouvant dans l’actuelle Turquie. Signifiant littéralement « le rivage des arabes ». Ville se trouvant dans l’actuel Iran. RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), op.cit., p.83.

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de Vienne de 1815 où Anglais et Russes exigent des deux Empires de s’entendre sur une frontière définitive délimitant leur deux Empires. Une trentaine d’années plus tard, en 1843, une commission anglo-russe est instituée afin de fixer la frontière entre les deux Empires du Mont Ararat jusqu’au golfe Persique. Les travaux de cette commission seront traduits par le traité d’Erzurum5. La Perse obtiendra la région du Khouzistan et le droit de naviguer sur les rives du fleuve Chatt-el-Arab tandis que l’Empire ottoman conserve la Mésopotamie et l’intégralité des rives du Chatt-elArab. Ces différents traités seront remis en cause conjointement à la fois par les Ottomans et par les Perses. En 1911, ils remettent en cause le traité de 1847. Les Russes et les Anglais feront en sorte qu’ottomans et perses acceptent une nouvelle médiation de leur part. Le protocole de Constantinople de 1913 sera le fruit de cette médiation. Ce dernier prévoit que la frontière terrestre restera figée et les rives du Chatt-el-Arab resteront sous la souveraineté ottomane. Quand l’Irak accédera à son indépendance, son nouveau souverain, le Roi Faycal souhaite réaffirmer la souveraineté de l’Irak, par le biais de la succession d’Etat, sur les rives du Chattel-Arab, conformément au protocole de Constantinople de 1913 tandis que la Perse le dénonce6. L’Irak et l’Iran se réunissent de nouveau en 1937 et confirment tous les deux la validité du protocole de Constantinople de 1913. Cette tension autour des frontières irano-irakiennes débouchera sur la signature malheureuse pour l’Irak de l’accord d’Alger de 1975 fixant définitivement les frontières entre ces deux États. 5 6

Ville se trouvant dans l’actuelle Turquie. RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), op.cit., p.85.

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L’humiliation de l’Irak par l’accord d’Alger de 1975

L’accord d’Alger de 1975 intervient dans un contexte de remise en cause du traité de 1937 par l’Iran qui s’en retire. Il faut également rappeler que la signature de cet accord intervient dans un contexte de quasi-guerre civile entre Irakiens et Kurdes dès 1974. L’Iran soutenait les Kurdes pour forcer l’Irak à renégocier le statut du fleuve Chatt-el-Arab. L’Iran a reçu le soutien des États-Unis et d’Israël qui souhaitaient affaiblir durablement l’Irak dans la région7. Les services secrets iraniens, israéliens et américains œuvreront secrètement pour fournir armes, équipements militaires, soutien financier aux forces armées kurdes irakiennes, les peshmergas8.Bagdad mobilise plus de 100 000 hommes pour mettre un terme à la rébellion kurde et organise une vaste contre-offensive. Les forces kurdes sont acculées aux frontières iraniennes. L’Iran envoie, en riposte, plusieurs milliers de soldats soutenir directement les kurdes. L’Irak, essoufflé économiquement par ce conflit, comprend qu’il ne pourra pas lutter indéfiniment et directement contre les troupes iraniennes, mieux entrainées et équipées. Les États-Unis craindront que ce conflit larvé entre Irak et Iran ne fasse le jeu de Moscou mais celle-ci est pourtant embarrassée par ce conflit entre son soutien attendu par l’Irak et sa sympathie à l’égard des Kurdes. Cependant, l’URSS manifeste son hostilité à toute renégociation du protocole de Constantinople9. Seul Israël souhaite le maintien des combats pour affaiblir durablement l’Irak dans la région, véritable menace pour ce dernier.

7 8 9

RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), op.cit., p.97. Ibid. Ibid., p.85.

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L’Iran et l’Irak reviennent à la table des négociations, sous les auspices du président algérien Houari Boumédiène qui avait d’excellentes relations à la fois avec Bagdad et avec Téhéran. Hussein et Pahlavi sont donc invités à se rendre à Alger, lors du sommet des États de l’OPEP pour parvenir à un terrain d’entente. Le 6 mars 1975, ils parviennent à un accord pour renégocier leur frontière terrestre établie par le protocole de Constantinople de 1913 fixant la délimitation fluviale entre les deux États. La frontière passera désormais au centre du fleuve Chatt-el-Arab. Cela satisfait l’Iran, qui, en échange, cesse son soutien aux forces kurdes irakiennes. L’Irak est humilié mais a cédé pour écraser plus rapidement la rébellion kurde. Cependant, Hussein devra en rendre compte devant son parti, le parti Baas. Ce dernier estime qu’« il a bradé les intérêts de l’Irak au détriment de celui d’un despote »10. L’Irak œuvrera donc à retrouver son prestige régional pour encore renégocier le statut du fleuve. Des contrats d’armement massifs sont signés à la fois avec l’URSS, qui livrera des missiles de type Scud capables de frapper le cœur de l’Iran, et avec la France. Outre le fait que les diverses querelles frontalières soient une cause principale du déclenchement de la guerre, l’autre facteur déterminant est celui de deux puissances régionales luttant pour asseoir leur influence dans la région. La concurrence féroce entre deux puissances luttant pour leur suprématie régionale

Cette concurrence entre l’Iran et l’Irak s’explique notamment par le départ des Britanniques du Moyen-Orient en 1971 lorsque leurs protectorats d’alors accèdent à leur indépendance 10 Ibid., p.99.

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(Émirats Arabes Unis, Qatar et Oman). Ils ont fait de l’Iran, étant un pays pro-occidental, leur « remplaçant » comme puissance dans la région. L’Iran s’empare immédiatement de trois ilôts appartenant aux Émirats Arabes Unis11 pour maintenir le contrôle sur les deux rives du détroit d’Ormuz. Les Anglais ne réagissent pas et obtiennent de l’Iran la reconnaissance de l’indépendance de l’île de Bahreïn. Les États-Unis confortent l’Iran au rang de puissance régionale en le transformant en puissance régionale militaire. Les États-Unis livreront d’importantes quantités d’armement et de matériel. Ils éprouvent une telle confiance vis-à-vis de l’Iran que ce dernier sera le seul État à être doté du nouveau chasseur de supériorité aérienne F14 Tomcat livré avec des missiles capables de frapper une cible à plus de 150 kilomètres. L’Irak souhaite sortir de son isolement international et comme la guerre froide s’est exportée au Moyen-Orient, que l’URSS cherchait à jouer un rôle plus actif dans la région, les relations avec l’URSS se sont améliorées. Elles se sont améliorées dans le but que l’Irak bénéficie de l’appui d’une grande nation au Conseil de Sécurité des Nations Unies et afin d’avoir un armement moderne capable de mieux rivaliser avec l’Iran. Ces deux États signent le 9 mars 1972 un traité d’amitié et de coopération avec Moscou. L’Irak est sortie humilié dans la région par l’accord d’Alger de 1975 et œuvrera pour retrouver de sa superbe sur la scène régionale auprès des autres puissances. L’Irak souhaite se poser en pays leader du panarabisme ; statut auquel l’Égypte ne peut plus prétendre du fait de la signature des accords de Camp David en 1979 par lequel il reconnaît l’existence de l’État d’Israël et fait la paix avec ce dernier. L’Irak organise, en 1978, le huitième sommet 11 Ces îlots sont actuellement revendiqués par les Emirats Arabes Unis.

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arabe qui marginalise l’Égypte et se positionne officiellement en leader du Monde arabe pour que la Syrie ne le fasse pas avant l’Irak. De ce fait, l’Irak améliorera ses relations avec la Turquie, étant dépendant de cette dernière pour son approvisionnement en eau. Au Moyen-Orient, l’Irak se montrera comme étant le bouclier naturel face à l’islamisme iranien12. Après avoir déterminé quel était le contexte de l’antagonisme séculaire entre les deux États, il conviendra à présent de montrer que les relations diplomatiques entre l’Iran et l’Irak se détérioreront progressivement. La détérioration progressive des relations entre l’Irak et l’Iran

L’accord d’Alger de 1975 avait permis le retour au calme dans la région. Les prétentions territoriales de l’Irak sont refroidies et les relations entre Téhéran et Bagdad reprirent des couleurs. Cependant, la Révolution islamique en Iran, en 1979, viendra perturber les relations entre ces deux États. Les deux maîtres de la région étaient persuadés l’un l’autre qu’ils seraient renversés. Saddam Hussein était persuadé que la Révolution islamique en Iran se propagerait à l’Irak avec la bénédiction de l’Iran alors que l’ayatollah Khomeiny, lui, se doutait que son voisin irakien ne le laisserait pas faire. En effet, des provocations ont eu lieu en Iran ; surtout dans la région du Khouzistan, frontalière de l’Irak, où des drapeaux irakiens seront brûlés. Fin 1979, l’ex Premier ministre iranien, Chapour Bakhtiar, alors en exil en France, mentionnait que « Khomeiny, c’est bientôt fini, cela durera sept ou huit mois tout au plus ! Moins d’un an, en tout 12 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), op.cit., p.95.

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cas. C’est une certitude ! »13. Cette déclaration surprenante était accueillie à Bagdad comme un soulagement et la possibilité qu’un coup d’État puisse renverser l’ayatollah Khomeiny. Le 8 février 1980, c’est au tour de Saddam Hussein de prendre la parole pour provoquer Téhéran. En effet, il en appelle à ce que tous les pays arabes l’aident à s’opposer par tous les moyens à l’Iran islamiste. Les moyens militaires semblent donc être une option sérieusement envisagée par Bagdad. Le 15 mars 1980, l’ayatollah Khomeiny appelle à la révolte en Irak en ces mots : « O peuple irakien, méfie-toi de tes dirigeants et fais la révolution jusqu’à la victoire ! »14. Son fils, Ahmed, est encore plus agressif et menace implicitement Bagdad. Il déclare, le 21 mars, que « Nous devons déployer tous les efforts nécessaires afin d’exporter la révolution dans les autres pays et rejeter l’idée de la contenir dans nos seules frontières »15. Dans le même temps, face à tous ces appels à la révolte en provenance d’Iran et à ce que la Révolution islamique s’exporte, la réaction irakienne ne se fait pas attendre. L’Irak dénonce l’accord d’Alger sur le Chatt-el-Arab. La situation s’envenime encore plus quand le 1er avril 1980, un attentat a lieu et vise Tarek Aziz, le plus proche conseiller du maître de Bagdad. Cet attentat fera dix morts et Tarez Aziz en réchappera. Cette attaque aurait été l’œuvre d’un activiste chiite qui a été arrêté peu après. Ce dernier est soupçonné par les services secrets irakiens d’être un espion aux ordres de Téhéran. Le lendemain, Saddam Hussein prit la parole et déclara que « le sang versé ne sera pas oublié »16. Trois jours plus tard, le 5 avril, un nouvel attentat endeuille l’Irak lors des funérailles du précédent attentat. Il est dénombré une vingtaine de morts et 13 14 15 16

Ibid., p.18. Ibid., p.19. Ibid. Ibid., p.20.

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pour Bagdad, cet attentat est l’œuvre directe de Téhéran. Par la voix de son président, Abolhassan Bani Sadr, l’Iran dément y avoir eu une quelconque participation et Abolhassan Bani Sadr déclare alors que le baasisme n’est « qu’un amalgame des doctrines nazies, fascistes et marxistes »17. Les déclarations et actes hostiles entre les deux pays s’enchaînent. Il y aura notamment une déclaration d’un ayatollah iranien accusant Bagdad d’être l’esclave des États-Unis. L’Irak, en représailles, saisit alors le Conseil de Sécurité des Nations Unies sur l’occupation illégale d’îles émiraties par l’Iran. Saddam Hussein fera exécuter l’ayatollah Al Sadr puis expulsera 40 000 irakiens d’origine iranienne. L’Iran réagit par la voix de l’ayatollah Khomeiny qui fit une déclaration très provocatrice contre Bagdad : « Nous voulons fonder un État islamique qui réunisse l’Arabe, le Persan, le Turc et les autres nationalités sous la bannière de l’Islam »18. Les déclarations hostiles de l’Iran continuèrent. Ainsi, le 27 avril 1980, Radio Téhéran annonçait sur ses ondes que Saddam Hussein était mort pour tenter de déstabiliser le régime irakien. Une attaque a lieu, le 30 avril, contre l’ambassade iranienne à Londres et l’Irak est soupçonné par Téhéran d’avoir fomenté cette attaque. L’Iran accueillera même les frères Barzani, leaders des Kurdes. Cependant, le pouvoir reste tout de même fragile en Iran. En effet, au début du mois de juillet 1980, les autorités iraniennes déjouent un complot militaire vraisemblablement organisé par Chapour Bakhtiar depuis la France. La répression du régime islamique sera féroce. Il y eut 600 arrestations et des centaines de condamnation à mort par la suite. L’Irak, profitant de cet affaiblissement temporaire de l’Iran, décide de mener une offensive aérienne limitée sur une station radar à la frontière entre les deux 17 Ibid. 18 Ibid., p.21.

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pays. Toujours pendant le mois de juillet 1980, face à la menace que fait peser l’Irak sur l’Iran, ce dernier décide de rétablir le service militaire et envoi préventivement des divisions dans les régions frontalières de l’Irak du Khouzistan et du Kurdistan. Deux jours avant le début des hostilités, fin septembre 1980, les Iraniens réunissent en urgence un conseil national de sécurité avec les membres du gouvernement concernés. L’Iran pressentant une invasion de son territoire par l’Irak rappelle 120 000 réservistes dans l’espoir que ce dernier ne passe pas à l’acte. La volonté iranienne d’étendre la Révolution islamique au reste de la région est un élément déterminant dans la volonté de Saddam Hussein de choisir l’option de la guerre. Le choix inévitable de la guerre par l’Irak

Les tant espérés coups d’État en Iran n’ont pas eu lieu et convainquent Saddam Hussein que le seul recours possible pour limiter l’expansion de la Révolution islamique iranienne dans la région est la guerre. D’autant plus que l’homme fort de Bagdad reste persuadé que l’Iran souhaite le renverser. Une attaque préemptive contre le voisin iranien est donc inévitable pour la survie du régime de Bagdad. Cette attaque se ferait avec la justification du retour de la souveraineté irakienne sur les rives du Chatt el-Arab. Ce qui persuade également Saddam Hussein de la nécessité d’un conflit avec l’Iran, est le manque de confiance qu’il a en sa propre armée. En effet, le maître de Bagdad craint énormément que son armée ne le renverse et un conflit occuperait donc son armée. Une guerre contre l’Iran permettrait également d’accroître le prestige de l’Irak dans le Monde arabe pour ainsi marginaliser le rôle de la Syrie dans la région. Les monarchies du Golfe seraient également

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obligées de financer l’Irak dans sa lutte contre l’Iran. Le renseignement irakien se met alors sur le pied de guerre et fait état, dans ses rapports, du fait que l’armée de l’air iranienne, véritable atout de l’Iran avec son aviation moderne, est clouée au sol19. En ce qui concerne les soutiens internationaux, l’Irak fera le pari d’un soutien européen à sa cause. L’Europe voit d’un mauvais œil ce qui s’est passé en Iran depuis la Révolution islamique de 1979 et soutiendra, dans sa majorité, l’Irak. Une inquiétude majeure survient cependant : la réaction de l’Union Soviétique. Saddam Hussein a encore en tête l’intervention militaire soviétique en Afghanistan, un an auparavant, pour renverser le pouvoir en place. Il craint par-dessus tout une opération similaire contre lui malgré la signature d’un traité d’amitié et de coopération militaire. Mi-juillet  1980, Saddam Hussein convoque l’état-major irakien pour lui ordonner d’être prêt à entrer en guerre contre l’Iran. L’état-major a un délai d’un mois pour préparer l’armée irakienne et pour réaliser un plan d’invasion cohérent de l’Iran. Il est de nouveau convoqué le 16 août 1980 et Saddam Hussein l’en informe de son choix inévitable d’entrer en guerre contre l’Iran. La date d’entrée en guerre de l’Iran sera fixée au dernier moment pour maintenir le plus possible l’effet de surprise. Les objectifs de guerre sont également fixés à ce moment-là. L’Irak devra asseoir sa suprématie sur la frontière avec l’Iran, elle pourra ainsi 19 En effet, une tentative de coup d’État militaire s’est opérée dans la nuit du 9 au 10 juillet 1980 pour renverser le pouvoir islamique à Téhéran, devant être déclenché à partir d’une base aérienne de la banlieue d’Hamadān. Les rebelles auraient dû bombarder le palais présidentiel, la résidence de l’ayatollah Khomeiny et d’autres lieux militaires des Gardiens de la Révolution. Le coup d’Etat ayant échoué, 600 officiers et sous-officiers seront arrêtés dont 50 pilotes. La plupart seront exécutés après un procès sommaire. RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), op.cit., pp.22-23.

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renégocier son tracé en position de force ; l’Irak devra ébranler suffisamment le pouvoir de Khomeiny pour provoquer un coup d’État ; l’Irak devra conquérir le Khouzistan et sécuriser les deux rives du Chatt el-Arab. À partir de cette date-là, les tensions militaires à la frontière vont s’accélérer. Le 23 août, Saddam Hussein visite le dispositif irakien aux frontières. Trois jours plus tard, des échanges de coups de feu sévères se sont tenus à la frontière. C’est cet échange sérieux qui sera utilisé comme un prétexte par l’Irak pour mobiliser aux frontières et servira de casus belli contre l’Iran. L’Iran interdit la zone frontalière à tous les journalistes. Au début du mois de septembre, la situation s’aggrave davantage aux frontières. L’Iran a effectué des tirs d’artillerie sur deux villages irakiens à moins de 100 kilomètres de Bagdad ! En réaction, l’Irak envoie son armée occuper des localités frontalières en Iran en représailles, soit un peu plus de 324 kilomètres carrés20. Il y aura une cinquantaine de soldats iraniens tués ainsi qu’une centaine de soldats irakiens. Le 7 septembre, des accrochages aériens ont eu lieu proche de la frontière. Cinq hélicoptères irakiens ont pénétré l’espace aérien iranien et ont été immédiatement pourchassés par des avions de supériorité aérienne iraniens F-14 Tomcat. Le lendemain a lieu le premier combat aérien entre chasseurs irakiens Mig 21 et des chasseurs iraniens F4-Phantom. Le 10 septembre, des chasseurs iraniens F5 ont été abattus par un Mig21 irakien. Cependant, il est à noter qu’un avion d’attaque au sol irakien de type Soukhoï Su22 a été abattu à longue distance par un chasseur iranien F-14 Tomcat. Quatre jours plus tard, un incident aérien majeur aurait pu violemment dégénérer. En effet, un hélicoptère transportant le président de la République iranienne, Abolhassan Bani Sadr, observant les frontières, est 20 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), op.cit., p.33.

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pris en chasse par un chasseur Mig23 Flogger qui l’accrocha. L’hélicoptère iranien ne doit sa survie qu’à la venue de chasseurs F4 Phantom, appelés en renfort, qui ont fait fuir l’agresseur. Le 16 septembre, l’état-major irakien se réunit pour la dernière fois. La date d’entrée en guerre de l’Iran n’étant pas encore définie jusque-là, Saddam Hussein confie simplement à ses généraux sa décision d’entrer en guerre dans les prochains jours. Le lendemain, l’accord d’Alger est dénoncé par Bagdad le déclarant nul et non avenu21. L’Irak demande à l’Iran d’accepter une modification du tracé de la frontière. Dans le même temps, Tarek Aziz est envoyé dans les différentes capitales du Golfe pour qu’elles appuient politiquement et financièrement Bagdad contre l’Iran. Le 18 septembre, l’Iran refuse tout changement du statut du fleuve et rejette l’offre de négociation émise par Bagdad. Le même jour, les plus hautes autorités militaires irakiennes terminent le plan d’invasion de l’Iran et une date est décidée pour le début de l’offensive, ce sera le 22 septembre car les conditions météorologiques seraient les meilleures. Les escarmouches militaires continuent et sont de plus en plus meurtrières. La ville iranienne d’Abadan est alors prise pour cible par l’artillerie irakienne et des chasseurs iraniens continuent d’être abattus lors de combats aériens. Les deux jours précédents l’offensive irakienne, des tournées de contrôle des bases aériennes irakiennes, d’où partiront les premiers éléments irakiens pour attaquer l’Iran, se sont effectuées sous la direction du général Salim. L’Irak est donc déterminé à lancer l’offensive contre son puissant et voisin rival iranien. C’est donc l’Irak qui déclenchera les hostilités. 21 Ibid, p.35.

Partie II  La progression de la coopération franco-irakienne

« Les États n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ». DE GAULLE Charles, Extrait d’un entretien au magazine Paris Match, le 9 décembre 1967.

Chapitre 1 La position mouvante de la France lors de la première année du conflit Iran-Irak

Au moment de l’annonce de l’entrée des troupes irakiennes en Iran, c’est la stupéfaction. Personne n’avait envisagé une telle action de Bagdad contre l’Iran aussi bien à Moscou, Washington, Pékin, Téhéran, Londres qu’à Paris. Saddam Hussein les a tous pris de vitesse. En France, le pouvoir en place est à moins d’un an des élections présidentielles et il faut à tout prix éviter que ce conflit ne perturbe les futures élections. La France ne prendra donc pas parti en faveur de l’un ou de l’autre et prônera une résolution pacifique de cette guerre. Cependant, dans les derniers mois de la présidence de Giscard d’Estaing, un changement de position semble s’opérer en faveur de l’Irak. L’absence de prise de position de la France au début du conflit

La France choisit de ne pas prendre parti officiellement au début des hostilités et adopte une position de neutralité la plus transparente possible. Elle mettra tout en œuvre pour rechercher une solution pacifique à ce conflit entre l’Iran et l’Irak. Elle exprime

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également ses craintes quant à la liberté de navigation dans le golfe Persique et souhaite donc préserver ces eaux internationales du conflit faisant rage à terre et dans les airs. La recherche d’une solution pacifique de ce conflit par la France

La réaction de la France au déclenchement de ce conflit se caractérise tout d’abord par une absence de prise de position officielle en faveur de l’un des belligérants. Ensuite, la France œuvrera dans le cadre d’organisations internationales pour favoriser le retour à la paix entre l’Irak et l’Iran et se refusera à toute négociation séparée avec l’un ou l’autre des belligérants. Le refus de prendre position en faveur de l’un des belligérants

Au début du conflit Iran-Irak, la France n’entend pas se positionner clairement en faveur de l’Irak. La France estime que la paix doit passer par la négociation entre l’Iran et l’Irak. Dans les premiers mois de la guerre, la France établira cette doctrine officielle : favoriser les négociations entre les deux parties pour que le bruit des armes cesse. C’est ce qu’explique le ministre des Affaires étrangères en poste à ce moment-là, Jean-François Poncet, devant le Sénat, le 5 décembre 1980 : « la politique de la France à l’égard des conflits qui s’y sont ouverts [au Proche et Moyen-Orient] comporte deux aspects : d’abord, refuser le fait accompli par la force et, ensuite, contribuer à un règlement politique par la négociation. Ces deux aspects sont plus que complémentaires, ils sont inséparables »1. Cette 1

Débats parlementaires au Sénat, première session ordinaire de 1980-1981, compte-rendu intégral de la 41e séance, séance du 5 décembre 1980, sur Sénat [En ligne]. [Consulté le 24/05/2020]. http://www.senat.fr/comptes-rendus-seances/5eme/pdf/1980/12/s1980 1205 _5815_5899.pdf

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déclaration du ministre des Affaires étrangères condamne donc implicitement le recours à la force initié par l’Irak. Il ajoute donc que « La France n’a pas à prendre parti dans une querelle qui ne peut être tranchée que par les deux États concernés »2 . Officiellement, la France adopte donc une position de neutralité. Le ministre estime, en outre, que pour régler ce différend, il conviendrait au préalable de retirer les forces à l’intérieur de leurs frontières3. Cela vise expressément l’Irak qui occupe depuis septembre 1980, une bande frontalière en territoire iranien. Le ministre des Affaires étrangères ne cite jamais l’Irak expressément dans ses déclarations et reste vague. Certainement les prémices d’un soutien plus prononcé, voire plus officiel vers ce dernier. Il ajoute qu’il faut rétablir entre les deux États les relations de bon voisinage auxquelles ils ont un intérêt égal. Il n’est pas certain que les deux belligérants aient un égal intérêt à la recherche de la paix. Pour l’Irak, cette guerre est le moyen de montrer à l’Occident sa détermination à lutter contre le fondamentalisme religieux et d’unifier les États arabes sunnites autour de lui pour peser encore plus dans la région. Pour l’Iran, ce conflit est le moyen de sortir de son isolement international et de prendre contact avec des États comme la Syrie et Israël pour prendre à revers l’Irak et entériner sa frontière ainsi que ses droits sur le fleuve Chatt-el-Arab. Le fait que la France refuse de prendre position en faveur de l’Irak ou de l’Iran dès l’ouverture des hostilités favorise la position que la France entend faire entendre sur la scène internationale : la recherche de la paix dans la région par les organes des différentes organisations internationales.

2 3

Ibid. Ibid.

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L’absence de médiation séparée de la France La France se refuse également à toute médiation séparée dans le cadre de la résolution de cette guerre. Cela signifie que la France n’œuvrera seulement dans le cadre d’organisations internationales comme l’Organisation des Nations Unies ou la Communauté Economique européenne. Le Premier ministre Raymond Barre l’a confirmé en déclarant qu’ « [il ne voit] pas pourquoi il y aurait une médiation séparée de la part de la France »4. Client important de l’Irak, la France aurait pu tenter d’initier cette médiation séparée, surtout avec l’Irak, pour le convaincre de faire marche arrière et de recourir à des moyens plus respectueux du droit international. La France œuvrera donc en premier lieu par la CEE pour tenter de régler ce conflit. Les neufs États membres de la CEE5 se sont entendus sur une déclaration commune de préservation de la paix au MoyenOrient et concernait initialement le conflit israélo-arabe. C’est la déclaration de Venise des 12 et 13 juin 1980. Dans sa section consacrée au Moyen-Orient, la déclaration de Venise met en évidence que « les neuf pays de la Communauté européenne estiment que les liens traditionnels et les intérêts communs qui unissent l’Europe au Moyen-Orient leur imposent de jouer un rôle particulier et leur commandent aujourd’hui d’œuvrer de manière plus concrète en faveur de la paix »6. C’est dans sa lignée que les membres de l’Union de l’Europe occidentale ont adopté le 23 septembre 4

Journal télévisé du 20 heures d’Antenne 2 du 25 septembre 1980. [Consulté le 24/05/2020] https://www.youtube.com/watch?v=kitEDdfDPYk&t=480s 5 Sont alors membres de la CEE : la République Fédérale Allemande, la France, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Irlande, le Danemark et le Royaume-Uni. 6 « CONSEIL EUROPEEN DES 12/13 JUIN 1980 A VENISE » sur Commission Européenne [En ligne], publié le 23 juin 1980. [Consulté le 24/05/2020].

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1980 une déclaration, sur l’initiative de la France. Le ministre des Affaires étrangères français décrivait au micro d’Antenne 2 les trois points principaux de cette déclaration. Il déclarait ainsi qu’« afin d’éviter que ce conflit qui se situe dans une région particulièrement difficile et importante du Monde que ce conflit ne prenne une dimension plus large et à cet égard il y a un appel lancé aux ÉtatsUnis et à l’URSS de maintenir la retenue dont elles font preuve pour le moment, (...) d’apporter l’appui des Neufs aux efforts que le Secrétaire général des Nations Unies fait pour que des consultations puissent être engagées et un processus politique mis sur les rails (...) et pour demander qu’aucune atteinte ne soit apportée à la libre navigation sur le Golfe ».7 En résumé, l’UEO s’attache donc à ce que le conflit reste limité aux deux belligérants, de soutenir l’ONU à résoudre ce conflit et enfin que la liberté de navigation soit respectée par les deux belligérants dans le golfe Persique. En second lieu, la France œuvrera en faveur de la paix dans le cadre des Nations Unies. Le 28 septembre 1980, le Conseil de Sécurité des Nations Unies adopte la résolution 479 qui demande « à l’Iran et à l’Irak de s’abstenir immédiatement de tout nouveau recours à la force et de régler leur différend par des moyens pacifiques (...), d’accepter toutes les offres de médiation ou de conciliation appropriée ou d’avoir recours à des organismes ou accords régionaux ou à d’autres moyens pacifiques de leur propre choix qui faciliteraient l’accomplissement de leurs obligations au titre de la Charte des Nations Unies »8. Dès le 2 octobre 1980, la France appelle l’Iran et l’Irak à https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/DOC_80_2? fbclid=IwAR3RqHpyhkg-aQ j8gO78Qzw1THhJ28vPgVeEs8ELDUpPwZkCdKkb_7WTZ5s 7 Journal télévisé du 20 Heures d’Antenne 2 du 24 septembre 1980. [Consulté le 24/05/2020] https://www.youtube.com/watch?v=hpwdKdrbOCo&t=533s 8 Résolution 479 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 23 septembre 1980.

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suivre les exigences du CSNU, ce que fera l’Irak mais pas l’Iran ; il est évident que l’on puisse comprendre le choix iranien de ne respecter les exigences du CSNU étant donné que l’Irak occupe militairement une partie de son territoire. En dernier lieu, la France souhaite encourager les initiatives régionales favorisant la paix. Le 26 septembre 1980, à l’initiative des ministres des Affaires étrangères de la Conférence islamique, le président pakistanais Zia Ul Haq est désigné pour apporter sa médiation dans le conflit Iran-Irak, notamment à l’initiative de l’Algérie. Le président pakistanais voyagera régulièrement dans les capitales concernées afin de tenter d’initier le dialogue entre les deux parties. Il se rendra également à Paris pour rencontrer le président Giscard d’Estaing. Un communiqué de l’Élysée soutient cette initiative. Il déclare : « au cours de son entretien avec le général Zia Ul Haq, président du Pakistan, le président de la République l’a assuré du soutien de la France à l’action de paix entreprise dans le cadre de la conférence islamique »9. Mais cette initiative sera vouée à l’échec, les autres acteurs internationaux de premier plan refusant de donner le rôle de médiateur à une organisation régionale qui prouverait alors l’impuissance des Nations Unies à faire respecter la paix dans le monde. Mais la plus grande crainte pour la France est de voir une route maritime très importante pour son commerce bloquée par le conflit. Avec ses partenaires, elle agira en vue de la préserver de tout blocage.

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« LA FR ANCE DEMANDE LA FIN DES COMBATS », dans Le Monde [En ligne], publié le 2 octobre 1980. [Consulté le 25/05/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1980/10/02/la-france-demande-lafin-des combats_2811062_1819218.html l

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La volonté française de préserver les voies de navigation internationales

La guerre entre l’Iran et l’Irak, se déroulant dans une région vitale pour l’Occident dont la France pour leur approvisionnement en pétrole, inquiète fortement à Paris. Le risque de voir le détroit d’Ormuz bloqué par l’Iran est très présent. C’est par ce détroit que transite la majorité des approvisionnements en hydrocarbures de l’Occident. Il faut également se souvenir que plus de 25 % des importations de pétrole français proviennent d’Irak. C’est en ce sens que la France s’efforcera de préserver la liberté de navigation dans le Golfe. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-François Poncet, demandait sur Antenne 2, le 24 septembre 1980, « qu’aucune atteinte ne soit apportée à la libre navigation sur le Golfe »10. Le Premier ministre Raymond Barre adoptera la même ligne de conduite le lendemain et déclarait « Ce qui nous parait essentiel dans cette affaire, c’est que la liberté de navigation dans le détroit d’Ormuz puisse être sauvegardée. Ceci est nécessaire non seulement à la France mais bien entendu à l’ensemble des pays européens qui s’approvisionnent en pétrole auprès des pays du Golfe »11. Les américains s’inquiètent également de cette possibilité de fermeture du détroit d’Ormuz par l’Iran et convoqueront une conférence des alliés occidentaux pour maintenir la libre circulation dans le Golfe. La France, prudente depuis le début des hostilités, ne patrouille plus au large du détroit et ne va plus se ravitailler à partir des nombreux ports de la région. Si d’aventure elle en était contrainte, la France dispose d’une base 10 Journal télévisé d’Antenne 2, le journal du 20 Heures, publié le 24 septembre 1980. [Consulté le 25/05/2020] https://www.youtube.com/watch?v=hpwdKdrbOCo&t=533s 11 Journal télévisé d’Antenne 2, le journal du 20 Heures, publié le 25 septembre 1980 [Consulté le 25/05/2020] https://www.youtube.com/watch?v=kitEDdfDPYk&t=480s

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navale à proximité de la région, à Djibouti, soit à un peu plus de 2500 kilomètres du détroit d’Ormuz, et dispose d’une vingtaine de navires de combat. André Giraud, le ministre de l’Industrie, se montre plutôt rassurant sur la capacité des stocks d’hydrocarbures français et déclare que la France peut tenir quinze mois avec une interruption totale de l’approvisionnement irakien, si le détroit d’Ormuz est bloqué12. Le Premier ministre Raymond Barre martelait devant le Conseil de l’Europe, à Strasbourg, le 30 octobre 1980, que la liberté de circulation dans le détroit d’Ormuz doit être assurée13. Si la France s’est montrée plutôt prudente les premiers mois puis la première année du conflit entre l’Iran et l’Irak et s’est abstenue de prendre position pour l’un ou pour l’autre, progressivement, sa neutralité s’effacera au profit d’un soutien de plus en plus marqué au bénéfice de l’Irak. L’amorce d’un soutien français plus appuyé en faveur de l’Irak

Ce changement de position au profit de Bagdad était le signe avant-coureur de relations bien plus développées entre Bagdad et Paris. Cela peut s’expliquer notamment par la peur de la contagion de la Révolution islamique dans toute la région mais également la volonté de la France de maintenir un équilibre précaire dans cette région si tendue. Enfin, un événement viendra définitivement sceller la position de la France dans ce conflit. 12 Journal télévisé d’Antenne 2, le journal du 20 Heures, publié le 28 septembre 1980. [Consulté le 25/05/2020] https://www.youtube.com/watch?v=kmf WvSJUb7Q&t=1200s 13 Journal télévisé d’Antenne 2, le journal du 20 Heures, publié le 30 septembre 1980. [Consulté le 25/05/2020] https://www.youtube.com/watch?v=bvS1zPihRd4&t=1162s

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La peur de l’extension de la Révolution islamique dans la région

La Révolution islamique de 1979 en Iran a changé tout le paysage de la région. Son leader, l’ayatollah Khomeiny, ne cache pas son souhait de voir cette Révolution émerger également chez ses voisins plus ou moins lointains. La guerre déclenchée par l’Irak est le bon moyen pour l’Iran d’exporter cette Révolution et ses idéologies fondamentalistes au-delà de ses frontières. L’Iran adopte alors une stratégie de financement de différents partis ou groupes voués à sa cause. Par exemple, il soutiendra la révolte d’un groupe chiite à Bahreïn en 1981, les partis chiites irakiens qui fomentent des attentats contre le régime de Saddam Hussein ou encore le soutien de l’Iran à l’OLP et plus tard au Hamas. La France, qui était plutôt favorable à cette Révolution islamique en Iran, ne souhaite pas que cette région vitale qu’est le Moyen-Orient ne devienne une poudrière instable et dont le moteur de cette instabilité serait cette extension de la Révolution islamique iranienne. Soutenir Saddam Hussein serait alors le bon moyen de limiter voire d’éteindre cette extension. C’est cela dont la France commence de plus en plus à envisager. Passer de la neutralité absolue à un soutien limité dans un premier temps à l’Irak. Il ne faut pas oublier également le lourd contentieux franco-iranien à propos de l’accord Eurodif qui a pu peser dans les relations entre les deux États. L’argument suivant qui a conduit la France à revoir sa position dans ce conflit est le fait que l’Iran est devenu une théocratie, à l’opposé le plus total de l’idéologie du nouveau parti au pouvoir en France sept mois après le début de la guerre qu’est le Parti socialiste. Outre le fait que la France ait une grande peur de la contagion de la Révolution islamique au reste du Moyen-Orient, la

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France cherchera le maintien d’un équilibre régional entre Perses et Arabes. La recherche d’un équilibre régional

L’Iran étant aidé discrètement par Israël puis par la riche Libye, la Corée du Nord et la Chine, pouvait bénéficier de fournitures de pièces détachées pour des équipements américains qu’il possédait et qu’Israël utilise mais également bénéficier de pièces de rechanges acquises sur le marché noir par ses soutiens internationaux. L’Irak ne disposait que du soutien diplomatique de ses voisins arabes face à l’Iran. Aucun soutien logistique. L’Occident ne voulant pas prendre part directement à cette poudrière, dans un contexte de guerre froide, il fallait alors que l’Irak aille chercher des soutiens. La France, craignant par-dessus tout un Iran victorieux pour ses intérêts dans la région, devait alors changer de position dans ce conflit et soutenir diplomatiquement l’Irak. Bien que la France ait promis aux deux belligérants de maintenir les contrats d’armement existants, le président Giscard d’Estaing propose à Saddam Hussein un curieux arrangement. Il lui propose de livrer des avions Mirage F1 commandés par l’Irak avec du retard tout en promettant une action française aux Nations Unies exigeant un cessez-le-feu14. La proposition française sera refusée par le maître de Bagdad exigeant de la France le respect de ses engagements15. La situation évolua encore au début de 14 ANGELI Claude et MESNIER Stéphane, Notre allié Saddam, Éditions Orban, 1992, p.84. 15 Le président Valéry Giscard d’Estaing va alors proposer un marché à Saddam Hussein afin de freiner la livraison des « Mirage ». Jacques Morizet, ambassadeur de France en Irak de 1975 à 1980, raconte : « La médiation qu’on m’avait demandé d’effectuer était de ralentir ou d’échelonner certaines fournitures d’armes pour éviter une escalade dans le conflit. On m’avait demandé de sonder Saddam Hussein à ce sujet, en lui indiquant en contrepartie la volonté de la

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l’année 1981 quand la France décide de bloquer la livraison de vedettes lance-missiles à destination de l’Iran mais continue tout de même à équiper les forces armées irakiennes16. Le fait de suspendre les contrats d’armement avec l’Iran tout en maintenant ceux signés avec l’Irak montre tout de même un changement de position de la part de la France. Un autre événement viendra montrer que la position de la France sera modifiée. La dégradation brutale des relations entre la France et l’Iran

La France va définitivement et brutalement changer de position dans le conflit en acceptant la demande d’asile de l’ancien président iranien Abolhassan Bani Sadr et de Massoud Radjavi, membre de l’Organisation des Moudjahidines du peuple d’Iran. Il faut néanmoins comprendre la situation du moment en Iran. La dernière phase de la Révolution islamique se tient alors. Elle consiste en l’élimination des laïcs. Dès le mois de juin 1980, Abolhassan Bani Sadr est accusé de liens avec la CIA sous la période de la monarchie iranienne. Contre une somme d’argent mensuelle, il devait fournir aux Américains des informations sur le pays et la Révolution. Pour se défendre de ces accusations, il déclarera avoir rejeté la proposition de la CIA. Suite à cet événement, tout va s’enchaîner. Le 11 juin 1981, l’ayatollah Khomeiny le France de lancer une opération devant les Nations unies pour arriver à une médiation dans ce conflit. La France était prête à plaider la cause d’un règlement à l’amiable aux Nations unies entre l’Irak et l’Iran ». Saddam Hussein refusera l’offre française. Tarek Aziz, alors vice-premier ministre, effectuera ensuite plusieurs voyages à Paris à l’automne 1980 pour convaincre les Français de livrer les « Mirage ». Voir, https://henridewaubertdegenlis.wordpress. com/2017/10/26/les-programmes-secrets-avec-lirak-les-pilotes-temoignent/ 16 TORK LADANI Safoura, L’Histoire des relations entre l’Iran et la France du Moyen-Age à nos jours, op.cit, p.251.

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démet de ses fonctions militaires et lui retire sa confiance. Neuf jours plus tard, le Parlement iranien le destitue. Dans le même temps, le clergé iranien essaie de se débarrasser de Massoud Radjavi. La réponse de l’OMPI sera brutale. L’organisation commandite un attentat qui décapitera le nouveau gouvernement iranien. En effet, parmi les 74 victimes de l’attaque, 14 seront des membres du nouveau gouvernement. La tête de Massoud Radjavi est alors mise à prix et il rejoindra Abolhassan Bani Sadr dans sa clandestinité. Fort de son influence auprès des militaires, ce dernier organise une opération clandestine, le 29 juillet, pour les évacuer en Turquie mais celle-ci refusera de leur accorder l’asile politique. L’avion partira alors en direction de la France où Abolhassan Bani Sadr bénéficie toujours de la sympathie de certains membres du nouveau gouvernement socialiste français. La France accepte leur demande d’asile mais à la condition sine qua non qu’ils renoncent à toute activité de militantisme politique depuis le territoire français. L’hypocrisie française est à son paroxysme car, dans le même temps, le président Mitterrand adresse au nouveau président iranien Ali Radjai ses félicitations et espère que les relations entre les deux pays puissent connaître un développement conforme à l’ancienne et profonde amitié qui unit les deux pays17. L’Iran est scandalisé par l’accueil de ces deux transfuges. L’ayatollah Khomeiny qualifiera même la France de «  petit Satan  »18 . Il était reconnaissant de l’aide apportée par la France au moment de la Révolution mais avec cet événement, il changea complètement de ton vis-à-vis de son ancien pays hôte. La France, consciente que cet acte affecterait durablement et 17 TORK LADANI Safoura, L’Histoire des relations entre l’Iran et la France du Moyen-Age à nos jours, op.cit, p.253. 18 Les Etats-Unis sont qualifiés, eux, de « grand Satan ».

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considérablement ses relations avec l’Iran, invite alors les ressortissants français à évacuer le pays. Cependant, la première riposte iranienne du conflit apparaît. L’Iran bloque 62 ressortissants français pendant plus d’une semaine laissant craindre une situation semblable à celle des otages de l’ambassade américaine. Après d’âpres négociations, et la livraison des vedettes lance-missiles achetées par l’Iran, l’Iran accepte de libérer ces ressortissants français. Mais l’Iran prépare une riposte contre la France bien plus violente. Le 4 septembre 1981, l’ambassadeur français en Iran, Louis Delamare, est assassiné à Beyrouth. Cet attentat est revendiqué par la milice Amal, aux ordres de Téhéran. Il semblerait que cet assassinat soit une erreur. Initialement, la milice Amal devait l’enlever pour en faire un otage afin de contraindre la France d’expulser les deux transfuges iraniens. L’ambassadeur aurait alors résisté et ayant paniqué, les ravisseurs libanais l’auraient abattu19. Forte des arguments précédents pour accentuer les livraisons d’équipements militaires au profit de l’Irak, la France s’engagera de plus en plus aux côtés de ce dernier pour tenter de contrer au maximum l’expansion de l’Iran dans la région et, finalement, la France livrera une guerre par procuration contre lui.

19 PEAN Pierre, La Menace, Paris, Éditions Fayard, 1987, p.110.

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Chapitre 2  L’engagement français en faveur de l’Irak dans le conflit

Le fait qu’il y ait, un peu plus de neuf mois après le début du déclenchement de la guerre entre l’Iran et l’Irak, une nouvelle alternance politique, en France, à l’idéologie opposée à la précédente ne changera rien au soutien apporté au partenaire irakien si ce n’est un accroissement considérable de l’amitié franco-irakienne et donc des livraisons d’équipements français. L’ère Mitterrand sera synonyme de continuité vis-à-vis de l’Irak. Cependant, un point chagrine les officiels socialistes : la recherche de la détention de l’arme atomique par l’Irak. Cela les dérange et les empêche, un temps, de livrer à l’Irak ce dont il a besoin pour affronter l’Iran. Un événement changera la donne : le bombardement israélien de la centrale nucléaire irakienne de Tammouz en juin 1981. Cet événement permettra donc la livraison de matériels de guerre français à l’Irak sans crainte et justifiera des livraisons de plus en plus nombreuses.

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La continuité du soutien français à l’Irak malgré les alternances politiques

À Bagdad mais aussi à Washington, on s’inquiétait qu’un pouvoir de gauche comportant des soutiens communistes ne remporte l’élection présidentielle de 1981. Il conviendra de rappeler la position du Parti socialiste sur ce conflit avant son entrée à l’Élysée puis de montrer que finalement, François Mitterrand n’a fait que préserver la politique étrangère de son prédécesseur et l’a même accentuée en effectuant des livraisons d’équipements modernes à destination de l’Irak. La position du camp socialiste au début du conflit Iran-Irak

Le camp socialiste adopte depuis le début des hostilités entre l’Iran et l’Irak une position claire : ne livrer en aucun cas des armes aux deux belligérants. Ce positionnement du Parti socialiste ne changera pas durant la campagne présidentielle de 1981 et les critiques contre la politique irakienne du président Giscard fuseront. Cependant, une fois arrivé aux plus hautes fonctions de l’État, François Mitterrand n’hésitera pas à revenir sur ses convictions et ses promesses de campagne, conscient du risque que cela ferait peser au Moyen-Orient d’abandonner l’Irak et de la manne financière potentielle pour l’industrie française. Les critiques formulées par le député Mitterrand contre la politique irakienne giscardienne

François Mitterrand est député socialiste du département de la Nièvre depuis 1962. Durant son dernier mandat de député, il n’hésitera pas à avoir des mots durs contre la politique du gouvernement soutenant aisément l’Irak y compris avant le début des hostilités, fin septembre 1980. Député pendant cette période, il

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prononçait devant la représentation nationale ceci : « Prétendre favoriser les progrès de la paix dans cette zone et contribuer en même temps à l’accumulation des charges et des explosifs ne nous paraît pas très logique »1. En effet, cela ne l’était pas et il avait raison de le souligner. Cependant, la France devait garder son influence dans cette région du monde pour préserver sa puissance militaro-diplomatique. Le seul moyen de continuer d’y exercer une influence, même relative, était la vente d’armes y compris aux dictatures les plus sanguinaires de la région. Au moment du déclenchement des hostilités, le premier secrétaire du Parti socialiste, François Mitterrand, le 24 septembre 1980, juge la position de Moscou et de Washington suspecte avec des intérêts convergents communs2. Ces intérêts convergents étant apparenté à un certain containment de l’Iran islamique dans la région, aucune de ces deux puissances ne voulant voir émerger une nouvelle Révolution islamique. Le même jour, le Parti socialiste français dénoncera les ventes d’armes françaises à l’Irak. Les attaques verbales du Parti socialiste s’accentuent au fur et à mesure de l’avancée du conflit. Le 29 octobre, le Parti socialiste ira même jusqu’à parler de « politique mercantile irresponsable »3. En décembre, le parti prônera un embargo total sur les armes pour les deux belligérants. En outre, la direction du Parti socialiste s’insurgera le 4 février 1981 de « la livraison de soixante avions Mirage succédant à la livraison de grandes quantités de matériels militaires à l’Irak et ce en dépit des déclarations de neutralité et des appels à la paix du gouvernement »4. Cependant, cette déclaration du parti à la rose montre ce qu’il pourrait être qualifié d’amateurisme étant 1 2 3 4

ANGELI Claude et MESNIER Stéphane, Notre allié Saddam, op.cit, p.89. Ibid. ANGELI Claude et MESNIER Stéphane, Notre allié Saddam, op.cit., p.90. Ibid.

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donné qu’ici, le Parti socialiste confond signature de contrat de vente d’équipements militaires et leur livraison. Les promesses de campagne du candidat Mitterrand en lien avec le conflit

La campagne pour l’élection présidentielle de 1981 débute le 7 mars pour le candidat Mitterrand. Il se montrera comme étant un pro-israélien convaincu où rien ne doit être entrepris contre l’existence d’Israël. Il prônera également la fermeté à l’égard de l’Irak. Il déclarera même « je ne suis pas de ceux qui accablent les Iraniens et qui fournissent des armes à leurs adversaires »5. Malgré les déclarations hostiles à l’encontre de l’Irak, il n’est pas mentionné dans son programme intitulé « 110 propositions pour la France », un basculement de la politique française au Moyen-Orient, c’està-dire, l’arrêt des exportations d’armes vers l’Irak, si d’aventure il venait à être élu alors qu’il exprime, dans sa quatrième proposition, son attachement à l’existence et à la reconnaissance des États israéliens et palestiniens6. Le candidat Mitterrand espère que la France adopte une position plus morale vis-à-vis de ce conflit. Le 17 avril 1981, le candidat Mitterrand s’engage, s’il est élu, à ne plus vendre d’armes à l’Irak. Il reformulera cette promesse le 6 mai 1981 avant le second tour. Si au cours de la campagne présidentielle, le candidat Mitterrand s’est montré critique à l’égard de la politique étrangère au Moyen-Orient de son prédécesseur, une fois devenu président de la République, François Mitterrand l’a maintenue contre toute attente. Ibid. SAUNIER Georges, « François Mitterrand dans la campagne de 1981 », sur Institut François Mitterrand [En ligne], publié le 16 avril 2012. [Consulté le 26/05/2020]. http://www.mitterrand.org/Francois-Mitterrand-dans-la.html 5 6

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Le maintien du soutien français à l’Irak après la campagne présidentielle de 1981

Le 10 mai 1981, les Français accordent leur confiance à François Mitterrand avec plus de 51.75 % des suffrages. Une fois arrivé au pouvoir, il sera face à un dilemme : respecter sa promesse de ne plus vendre d’armements français à l’Irak et donc participer au renforcement de l’armée iranienne indirectement ou bien la transgresser et continuer les livraisons à l’Irak. Il semble que cette dernière option ait été choisie par le candidat socialiste devenu désormais président de la République. Cela s’explique notamment par sa volonté de préserver un équilibre relatif dans cette région. Les livraisons d’armes françaises ne seront donc jamais interrompues et s’accentueront considérablement au cours du premier septennat de François Mitterrand. La volonté socialiste de préserver l’équilibre précaire dans la région

La crainte fondée du nouveau pouvoir français était de voir un Iran islamiste et islamisé devenir la première puissance du Moyen-Orient et de répandre cette idéologie dans le reste de la région, en Irak, en Jordanie, au Koweït, dans les Emirats, etc. Dans le fond, le Parti socialiste aura les mêmes craintes que son prédécesseur. Cette ligne de conduite du Parti à la rose dictera toute la politique française dans la région sous l’ère Mitterrand. En effet, le président Mitterrand martèlera encore et encore ce message. En 1982, lors d’une visite d’État en Égypte, il y déclarera « les efforts des puissances occidentales doivent chercher à le [l’équilibre dans la région] préserver. Nous ne voulons pas que l’Irak soit vaincu dans cette guerre »7. La fin de cette citation est intéressante 7

« M. MITTERRAND NE VEUT PAS QUE L’IRAK SOIT VAINCU PAR L’IRAN », dans Le Monde [En ligne], publié le 29 novembre 1982.

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et donne clairement le ton. Elle va à l’encontre de tout ce que le député Mitterrand puis le candidat Mitterrand aient pu dire entre 1980 et 1981. François Mitterrand déclarera la même chose un an plus tard à Tunis : « Il ne faut pas que l’Irak succombe, l’équilibre du Proche et du Moyen-Orient en dépendrait »8. Ce sera un réel leitmotiv. Si les déclarations du nouveau président Mitterrand se veulent rassurantes, conciliantes avec l’Irak, à l’opposé de ses déclarations faites pendant la campagne, c’est parce que la situation sur le terrain est toute autre. En effet, l’Irak, bien qu’agresseur initialement, reste sur la défensive et tente de parer aux contre-attaques iraniennes tant bien que mal et qu’il est hors de question pour la France de voir l’Iran victorieux dans la région. La décision surprenante de maintenir les ventes d’armes à destination de l’Irak

Malgré toutes les invectives adressées à l’égard de la politique irakienne du précédent chef de l’État, et adressées contre l’Irak, le nouveau président de la République, François Mitterrand, adresse, le 25 mai 1981, à Saddam Hussein, un message lui affirmant que la France maintiendrait sa coopération avec l’Irak. Cela est très étonnant compte tenu du fait qu’environ quinze jours auparavant, le candidat Mitterrand clamait haut et fort son souhait de cesser toutes les ventes d’armes françaises pour l’Irak. Le lobby militaro-industriel pro-irakien n’est sans doute pas

[Consulté le 21/05/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1982/11/29/ m-mitterrand-ne-veut-pas-que-l-irak-soit-vaincu-par-l-iran_2898198_1819218. html 8 CHIPAUX Françoise et DEURE Michel, « « Il ne faut pas que l’Irak succombe « déclare M. Mitterrand devant le parlement tunisien », dans Le Monde [En ligne], publié le 29 octobre 1983. [Consulté le 21/05/2020] https://w w w.lemonde.fr/archives/article/1983/10/29/il-ne-faut-pasque-l-irak-succombe-declare-m-mitterrand-devant-le-parlement-tunisien_2831564_1819218.html

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innocent à ce revirement de positionnement vis-à-vis de l’Irak, le marché irakien étant celui rapportant le plus à l’État français au début des années 1980. Une autre raison plus électorale, celle-ci, expliquerait également ce revirement surprenant de François Mitterrand. Il s’avère en effet que les Arabes ont voté en faveur de Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing notamment en raison de sa position assumée pro-Israël qui les effraie. La crainte formulée par le nouveau chef de l’État est donc le retrait des capitaux arabes de France et ce retrait débute avant même qu’il soit investi président de la République. Le 29 mai se tient à Matignon une réunion des ministres concernés par les ventes d’armes à l’étranger et le cas de l’Irak est évoqué. Les ministres Cheysson et Hernu ne s’opposent pas au maintien des contrats existants avec l’Irak voire également pour de nouveaux contrats. En effet, des négociations doivent se tenir pour la livraison de nouveaux canons automoteurs de 155 mm montés sur des châssis de chars AMX-30. C’est le canon AMX AuF1 155 GCT. À ce moment-là, il n’équipe pas encore l’armée de terre française mais des pourparlers s’étaient tenus avec le précédent gouvernement et il est décidé de les maintenir avec l’Irak. Du côté des Finances, le ministre Jacques Delors ne voit aucun inconvénient pour les contrats déjà acceptés par la France mais également à de nouveaux contrats. Il juge l’Irak comme étant un client fiable, sérieux et solvable. Les hommes de main de François Mitterrand, qui occuperont une place importante par la suite, Pierre Bérégovoy, Hubert Védrine et Roland Dumas, rencontreront un à un les ambassadeurs des États arabes à la mi-mai 1981. Un proche de Jacques Chirac, Serge Boidevaix 9, sera également choisi pour se rendre 9

Serge Boidevaix est le directeur du département Afrique du Nord/MoyenOrient du Quai d’Orsay.

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en Irak rassurer le Raïs de Bagdad sur le positionnement français futur dans la région. Cette opération séduction fonctionne et les États arabes de la région sont rassurés. La France appliquera une politique moyen-orientale qualifiée d’héritage. Ils sont également rassurés étant donné que seront nommés à des postes gouvernementaux deux hommes ayant une vision pro-arabe : Claude Cheysson pour le Quai d’Orsay et Michel Jobert pour le Commerce extérieur. Claude Cheysson éprouvera de la sympathie pour l’OLP rassurant de fait l’Irak sur le futur des relations franco-irakiennes. Michel Jobert, pour son premier voyage à l’étranger, se rendra en Irak où il y déclara : « il ne peut y avoir de politique arabe sans politique irakienne, faute de quoi toute la diplomatie française dans le monde arabe serait infirme et limitée »10. Il assimile donc la politique arabe à la politique irakienne, l’une ne va pas sans l’autre. Il semble loin le temps où le candidat Mitterrand fustigeait la politique irakienne de la France. Une certaine cacophonie s’installe dans ce nouveau gouvernement. Lors de la campagne présidentielle, le candidat devenu président de la République réclamait la suspension des ventes d’armes à l’Irak. Une fois en poste, il revenait sur sa décision et avait, dans son gouvernement, des ministres disposés à vendre des équipements à l’Irak. Mais, le nouveau Premier ministre, Pierre Mauroy, le 8 juin 1981, déclarait  : «  Nous entendons progressivement ne pas continuer à être le grand vendeur d’armes sur le plan international »11. Ce dernier affirme cela alors que deux semaines auparavant, il avait donné son accord de principe pour maintenir les ventes d’armes à l’Irak. C’est une véritable cacophonie démontrant un potentiel amateurisme au plus haut sommet de l’État, car presqu’un mois plus tard, son ministre des 10 ANGELI Claude et MESNIER Stéphane, Notre allié Saddam, op.cit., p.93. 11 Ibid., pp.106-107.

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Affaires étrangères, Claude Cheysson, déclarera que « l’exportation d’armes est, pour notre défense comme pour notre industrie, une nécessité. Il serait fou de le nier ». Cette dernière déclaration vient ainsi brouiller complètement la communication publique gouvernementale à ce sujet. En coulisse, il s’avérera que Pierre Mauroy sera moins intransigeant et estime que l’Irak est un cas à part. L’Irak doit tenir face à l’Iran donc rien de plus normal de l’équiper militairement. François Mitterrand et Pierre Mauroy ont échangé à ce sujet et se sont mis d’accord. Officiellement, la France ne livre pas d’équipements de guerre à des pays en proie à un conflit mais officieusement, il faut aider l’Irak à lutter face à l’Iran. Il semble également que le chef de l’État laisse son Premier ministre décider et ce dernier déclarait « Le président est en retrait de la main. Et moi je me trouve en première ligne »12. La tactique du président Mitterrand est habile voire fourbe. Si le maintien de la politique irakienne giscardienne fonctionne, il en tirera tous les bénéfices. Si au contraire cela échoue, il pourra se dédouaner sur son Premier ministre. Laisser gagner l’Iran contre l’Irak et donc risquer que toute une région, si vitale soit elle, bascule dans la sphère d’influence d’un Iran islamique est tout à faire inacceptable pour la France et cette dernière multipliera les contrats d’armement avec l’Irak malgré la cacophonie gouvernementale et les déclarations mitterrandiennes hostiles vis-à-vis de l’Irak. Le déclenchement d’une véritable opération de soutien militaire français à l’Irak

La France est gênée de son amitié avec l’Irak étant donné que ce dernier est fortement soupçonné par la scène internationale 12 ANGELI Claude et MESNIER Stéphane, Notre allié Saddam, op.cit., p.108.

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de se doter de l’arme atomique. Le bombardement israélien de la centrale Osirak de fabrication française et la destruction du potentiel nucléaire irakien sera pour la France une délivrance mais surtout une justification d’un soutien plus prononcé à l’égard de Bagdad dans ce conflit et permettra une augmentation sensible des exportations militaires conventionnelles vers l’Irak. La France pourra alors respecter sa parole, ses engagements vis-àvis de l’Irak sans scrupules et livrera sans concessions, presque les yeux fermés, ses matériels les plus récents afin de permettre à l’Irak, sur la défensive, de reprendre l’initiative. Le bombardement israélien de la centrale irakienne d’Osirak, élément déclencheur du soutien français massif à l’Irak

Dès le début des années 1960, l’Irak entend se doter d’un programme nucléaire civil notamment auprès de son allié soviétique. Des accords entre ces deux États sont signés en ce sens en 1959 et 1960. En 1968, un réacteur nucléaire est mis en service grâce au soutien soviétique en Irak mais l’aide pour le développement du nucléaire irakien soviétique s’arrêta là. Le pouvoir irakien se tourne alors vers la France dès 1970-1971. Un accord de principe sera signé par la France en 1974. La France débutera la construction d’une centrale nucléaire en Irak dès 1976. Les ÉtatsUnis et Israël se montreront particulièrement inquiets de cette coopération nucléaire franco-irakienne. Le programme irakien avançant à grands pas, respectueux de sa doctrine nucléaire, Israël n’hésitera pas à mener une audacieuse opération de bombardement aérien sur une centrale nucléaire irakienne. La France, prise entre son amitié avec Israël et ses relations avec l’Irak, condamnera mollement ce bombardement.

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Les causes du bombardement israélien sur la centrale irakienne

L’État d’Israël est tout jeune et dès sa naissance a été menacé par ses voisins arabes. Il ne possède pas non plus de profondeur stratégique et est donc très vulnérable. Il lui fallait donc une arme qui puisse dissuader ses ennemis de menacer l’existence même de l’État d’Israël. La France a aidé ce pays à acquérir cette dernière. En 1961, la doctrine nucléaire israélienne est qualifiée d’ambiguë. L’État hébreu nie l’avoir officiellement mais ne dément pas ne pas l’avoir. En 1973, lors de la guerre du Kippour, quand Israël était acculé, le Premier ministre Golda Meir avait envisagé l’utilisation de cette arme nucléaire face à ses agresseurs. Israël voyait donc avec inquiétude l’aide apportée par la France à l’Irak sur la construction de cette centrale nucléaire dans l’ouest irakien. L’Irak était toujours un ennemi d’Israël et prônait sa destruction. Israël ne pouvait tolérer une prolifération nucléaire au Moyen-Orient et se veut être le seul État à l’avoir et est prêt à user de la force pour préserver son avantage13. L’État hébreu allait donc s’attaquer aux complices de la fabrication de cette centrale irakienne et n’hésitera pas non plus à envoyer des commandos des services-secrets détruire à La Seyne-sur-Mer des pièces nécessaires à la construction de réacteurs en avril 1979. Dans le même temps, une campagne de presse anti-française est fomentée obligeant le Quai d’Orsay à réagir publiquement : « le gouvernement français s’étonne des affirmations et accusations fantaisistes qui se sont récemment répandues au sujet de sa coopération nucléaire avec l’Irak, en dépit des précisions déjà fournies par les autorités et les organismes français compétents (...). Le gouvernement français 13 Israël mènera également, avec succès, une offensive aérienne en Syrie, en 2007, contre un lieu supposé abriter une centrale nucléaire syrienne.

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confirme que sa coopération avec l’Irak poursuit des buts parfaitement légitimes et est entourée de toutes les garanties. Il continuera dans cette voie, sans céder à des pressions ou à des manœuvres ».14 L’option militaire est choisie par Israël qui frappera la centrale d’Osirak en 198115 lors de l’opération Opéra. Cette décision de frapper militairement l’Irak a été prise au début du mois de juin 1981. Les Israéliens estiment qu’il n’y aura aucune retombée radioactive en cas de destruction de la centrale. Cela fait environ six mois que l’état-major israélien peaufine son plan d’attaque aérienne. Des as de l’aviation israélienne sont appelés à bord de chasseurs F-15 et F-16. Il s’agira donc de bombarder une cible en territoire irakien à plus de 2000 kilomètres aller-retour et une logistique importante est nécessaire. Le plan consiste en l’envoi de 14 chasseurs israéliens via le détroit d’Aqaba. Les avions devront franchir les frontières jordaniennes et saoudiennes en direction de l’Irak tout en essayant d’éviter les radars saoudiens pour préserver l’effet de surprise. Il ne devra y avoir aucune communication radio et les avions devront voler à une centaine de mètres au-dessus du sol. Avant de frapper, le groupe devra se séparer en deux : les F -16 continueront de voler au ras du sol pour frapper les objectifs assignés tandis que les F -15 devront monter à 8000 mètres d’altitude pour assurer la couverture aérienne du groupe. L’opération Opéra débute le 7 juin 1981 et les avions israéliens décollent à 16 heures. La frappe s’effectue à 17 h 30. L’attaque aérienne durera deux minutes. Au total, 14 bombes seront larguées par les avions israéliens sur la centrale irakienne. La défense anti-aérienne irakienne ne se sera rendu compte de rien et quand 14 ANGELI Claude et MESNIER Stéphane, Notre allié Saddam, op.cit., p.62. 15 L’Iran frappera également cette centrale nucléaire dès le début des hostilités contre l’Irak en septembre 1980.

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elle répliquera, les avions israéliens seront déjà loin16. D’autres chasseurs israéliens se mettent en position à la frontière jordanienne pour prévenir toute attaque aérienne de la Jordanie sur les avions israéliens de retour d’Irak. Le Roi Hussein de Jordanie donnera l’ordre à ses avions de ne pas décoller17. Cette opération aérienne s’inscrira dans le mythe d’une armée israélienne invulnérable. Le gouvernement israélien revendique le lendemain la destruction de cette centrale via l’agence Reuters avec ce communiqué : « L’aviation israélienne hier (dimanche) a attaqué et anéanti le réacteur nucléaire « Osirak »18. Cela a provoqué la grande colère de Saddam Hussein qui menacera d’exécuter tous les officiers responsables de cette tragédie19. Ce bombardement israélien est effectivement une tragédie pour l’homme fort de Bagdad. Plusieurs milliards de dollars se sont envolés en deux minutes d’attaque israélienne. L’Irak n’aura donc plus jamais la capacité de devenir une puissance nucléaire dans la région et pouvant influer sur la suite du conflit contre l’Iran. C’est d’autant plus une tragédie que l’Irak ne peut pas se permettre de répliquer contre Israël, alliés des Occidentaux, afin de ne pas ouvrir un second front à l’ouest qui l’affaiblirait considérablement face au front iranien. Dans son malheur, et c’est assez paradoxal, après ce tragique bombardement sur la centrale irakienne, l’URSS et les États-Unis, satisfaits que l’Irak n’ait jamais d’armement nucléaire, se rapprochent de Bagdad. Ce 16 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak, op.cit., p.262. 17 Ibid. 18 «  LE COMMUNIQUE OFFICIEL DE JÉRUSALEM « Nous avons été contraints de nous défendre contre la fabrication d’une bombe « », dans Le Monde [En ligne], publié le 10 juin 1981. [Consulté le 18/05/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1981/06/10/le-communique-officielde-jerusalem-nous-avons-ete-contraints-de-nous-defendre-contre-la-fabrication-d-une-bombe_3145732_1819218.html 19 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak, op.cit., p.262.

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bombardement justifiera également l’accentuation des ventes d’armes européennes à l’Irak n’ayant plus cette gêne de livrer de l’armement à un État supposément en train de développer un arsenal nucléaire dans une région instable. La réaction timide de la France après le bombardement israélien

La frappe israélienne fera une victime française, Damien Chaussepied. La France sera forcée de condamner cette agression israélienne contre le partenaire irakien alors que la France était disposée à réchauffer ses relations avec Israël. Le premier homme politique français à condamner un tel acte sera le Premier ministre Pierre Mauroy, sur la station de radio Europe 1, jugeant ce « raid tout à fait inacceptable »20et précisant ensuite ses propos : « nous n’en sommes qu’à la condamnation, il n’est pas question de représailles ni de sanctions contre Israël »21. Le nouveau président Mitterrand sera d’amblée plus mesuré dans sa condamnation. Il déclare qu’il « condamne cette violation du droit, quels que soient nos sentiments pour Israël »22. En coulisse, ce sera le premier affrontement entre le Quai d’Orsay et l’Élysée. En effet, le ministre Claude Cheysson souhaitait une condamnation beaucoup plus explicite de la France contre l’action israélienne mais le chef de l’État a, en quelque sorte, censuré le communiqué du Quai d’Orsay pour le rendre moins dur à l’égard d’Israël. D’un point de vue plus intime, François Mitterrand sera touché par ce qu’il considérera comme une trahison de la part d’Israël. En effet, plus tard, Claude Cheysson, dans un entretien accordé 20 FAVIER Pierre et MARTIN-Roland, La décennie Mitterrand, tome  1  : Les ruptures (1981-1984), Paris, Éditions Points, 1990, p.341. 21 ANGELI Claude et MESNIER Stéphane, Notre allié Saddam, op.cit., p.98. 22 FAVIER Pierre et MARTIN-Roland, La décennie Mitterrand, tome  1  : Les ruptures (1981-1984), op.cit., page341.

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le 10 mars 1989, affirmera que « ce fut un choc pour Mitterrand, au point que sa vision idéaliste des dirigeants israéliens en a été fortement ébranlée. Pour lui, c’est une trahison de Begin et, dès lors, les deux hommes ne pourront plus s’entendre »23. L’ambassadeur de France François Tricornot de Rose comparera cet acte « à la trahison » de Mers-El-Kébir de juillet 1940 quand la flotte britannique coula sa semblable française au large des côtes algériennes24. Sa première visite d’État devait se tenir en Israël mais compte tenu de la situation, il s’envolera en septembre 1981 vers Riyad, signe avant-coureur du réchauffement de la politique arabe de la France. Depuis la frappe israélienne, le chef de l’État français n’hésite pas à condamner publiquement l’acte israélien dans divers médias. Par exemple, le 18 juin 1981, dans le Washington Post, il déclare : « son premier geste [celui de Begin] a altéré le capital de confiance, c’est dommage »25. Mitterrand souhaite également condamner, devant le Conseil de Sécurité des Nations Unies, cet acte sans pour autant demander des sanctions à l’égard d’Israël. La France condamnera cet acte le 15 juin 1981 devant ce dernier. Ce même jour, le Commissariat de l’Energie Atomique autorise la levée du secret sur certaines clauses du contrat avec l’Irak et montre que le réacteur Osirak irakien n’était pas destiné à recevoir un usage militaire. Trois jours plus tard, le président Mitterrand se livrera à une interview à l’Élysée et condamnera également à ce moment-là l’agression israélienne sur l’Irak.

23 Ibid., pp.340-341. 24 DE ROSE François, «  Les enseignements de l’affaire de Tamuz  », dans Le Monde [En ligne], publié le 26 juin 1981. [Consulté le 18/05/2020] https://w w w.lemonde.fr/archives/article/1981/06/26/les-enseignements-de-l-affaire-de tamuz_2729912_1819218.html 25 FAVIER Pierre et MARTIN-Roland, La décennie Mitterrand, tome  1  : Les ruptures (1981-1984), op.cit., p.341.

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En France, mais aussi en Irak, il est question de la reconstruction à l’identique de cette centrale. La deuxième divergence importante entre l’Élysée et le Quai d’Orsay concernera cette reconstruction. Claude Cheysson, pro-arabe et pro-irakien convaincu, n’hésite pas à déclarer à la presse libanaise, en juillet 1981, que « si l’Irak désire conclure avec Paris un nouvel accord pour se procurer un réacteur nucléaire, la France sera prête à le lui fournir, dans les mêmes conditions que celles qu’elle applique aux acheteurs (...). Les relations avec l’Irak seront poursuivies, et nous sommes en contact permanent avec ce pays concernant divers problèmes »26 . L’Irak déplore alors le manque de condamnation claire de la France contre Israël. Saddam Hussein déclare le 19 juillet : « La France devrait adopter une position beaucoup plus claire et moins prudente »27. Le chef de l’État irakien estime que des employés français travaillant dans la centrale irakienne auraient pu livrer des renseignements aux Israéliens. Saddam Hussein essaie de se rassurer de la sorte pour minimiser l’incompétence flagrante de son système de défense anti-aérienne. Le 3 septembre, une déclaration française similaire à celle de juillet est faite. Les négociations débutent alors avec l’Irak, sous la pression saoudienne, dès le mois d’août 1981. Seulement, en mars 1983, François Mitterrand stoppe tout, en adoptant le même motif que pour stopper les ventes d’armes à l’Irak quand il était candidat deux ans plus tôt : la France ne peut fournir 26 ANGELI Claude et MESNIER Stéphane, Notre allié Saddam, op.cit., p.100. 27 BOLE-RICHARD Michel, « LES SUITES DU R AID ISR AÉLIEN SUR TAMUZ Le président Saddam Hussein demande à la France d’avoir une « position plus claire et moins prudente « », sur Le Monde [En ligne], publié le 21 juillet 1981. [Consulté le 18/05/2020]. https://www.lemonde.fr/archives/article/1981/07/21/les-suites-du-raid-israelien-sur-tamuz-le-president-saddam-hussein-demande-a-la-france-d-avoir-uneposition-plus-claire-et-moins-prudente_3041594_1819218.html

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un pays en guerre. L’Élysée exigera donc du Commissariat à l’Energie Atomique de tout stopper. Ces deux oppositions entre Élysée et Quai d’Orsay affecteront durablement les relations futures entre les deux hommes et notamment dans la conduite de la position française dans le conflit Iran-Irak. Les agissements de la France sur la scène internationale, après le bombardement de l’État hébreu, montrent que François Mitterrand est tout de même enclin à pardonner cette attaque à Israël, tout comme celle de camps palestiniens dans le sud-Liban, mais en s’orientant davantage vers un soutien plus prononcé à l’égard de Bagdad en particulier et des capitales arabes en général. Le maintien des engagements de la France vis-à-vis de l’Irak

La France, hésitante vis-à-vis de l’Irak depuis l’alternance socialiste, est tout de même disposée à équiper les forces armées irakiennes face à l’Iran. Le 19 août 1981, le Premier ministre irakien, Tarek Aziz, arrive à Paris avec une liste de commandes de son gouvernement pour remplacer les pertes et pour la conclusion de nouveaux contrats. C’est tout naturellement vers la France que l’Irak se tourne et lui demande d’équiper ses forces aériennes et anti-aériennes pour renverser le cours de la guerre aérienne contre l’Iran. Mais le point central de cette aide militaire française sera le déclenchement de l’opération Sugar, usant de stratagèmes, pour prêter à l’Irak cinq avions de type Dassault Super Etendard. Ce prêt aura d’importantes répercussions internationales sur la France.

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Le souhait irakien de modernisation de leurs équipements militaires

Les Irakiens souhaitent tout d’abord moderniser leur flotte aérienne. Ils possédaient jusqu’alors une flotte aérienne vieillissante ainsi que des équipements terrestres désuets et ne pouvaient rivaliser dans la durée face aux équipements d’origines chinoises et américaines de l’armée de l’air iranienne. En effet, cette dernière possède des avions de combat puissants américains de type F14 Tomcat ainsi que des copies d’avions soviétiques de conception chinoise. Il était alors nécessaire pour l’Irak d’obtenir des avions plus performants et si possible, d’origine européenne. L’Irak se tourne alors vers la France pour qu’elle lui livre des avions Mirage F1. Le Mirage F1 de Dassault est un avion dit multirôle. C’est-à-dire qu’il peut aussi bien mener des missions de supériorité aérienne que des missions de reconnaissance, de soutien aux forces terrestres, d’attaque au sol. Cet avion français a été mis en service en 1973. L’Irak avait acheté 36 avions en juin 1977. Deux ans plus tard, il demandait 89 avions supplémentaires. Cet avion est doté du nouveau missile air-air Super -350 intéressant également fortement les autorités irakiennes étant donné qu’il est capable d’intercepter des chasseurs soviétiques de type Mig23 et Mig2528. Ces avions aux fortes capacités d’engagement seront livrés progressivement à l’Irak à partir de fin janvier 1981. Les pilotes irakiens sont formés au maniement de l’appareil en France. Les autorités irakiennes jubilent. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères irakien déclarait que cette 28 J.I, « Les nouveaux missiles du Mirage F-1 peuvent intercepter des avions de la catégorie des Mig -23, Mig -25 ou Backfire », dans Le Monde [En ligne], publié le 20 décembre 1979. [Consulté le 15/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1979/12/20/les-nouveaux-missilesdu-mirage-f-1-peuvent-intercepter-des-avions-de-la-categorie-des-mig-23-mig25-ou-backfire_2774044_1819218.html

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livraison « est une preuve que la France honore ses engagements envers les pays du tiers-monde, dont l’Irak. Elle a également prouvé qu’elle est capable de prendre ses distances par rapport au comportement de certains pays cherchant à échapper à leurs engagements en utilisant divers prétextes »29. Du côté iranien, les autorités sont profondément en colère contre Paris. L’ambassadeur d’Iran à Paris déclarait « il nous est difficile d’imaginer que la France, dont les dirigeants ne manquent pas une occasion d’affirmer leur respect de la liberté et de la démocratie, ainsi que leur amitié envers tous les peuples, irait jusqu’à livrer des armes de cette importance à un pays agresseur et cruel tel que l’Irak »30. Cette amitié semble alors très sélective étant donné que la France a bloqué la vente et la livraison de patrouilleurs de fabrication française à destination de l’Iran. Plus tard, les ingénieurs irakiens équiperont les appareils de conception française avec le missile antinavires Exocet devenant une plus grande menace pour l’Iran. De plus, l’utilisation des avions Mirage F1 EQ-5 faite par l’Irak dans le conflit pour des missions d’assaut aérien incitera la France à créer une version similaire en 1992 : le Mirage F1 CT31.

29 « Bagdad rend hommage à l’» excellent exemple « qu’offre la France », dans Le Monde [En ligne], publié le 4 février 1981. [Consulté le 15/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1981/02/04/bagdad-rend-hommagea-l-excellent-exemple-qu-offre-la-france_2706988_1819218.html 30 ISNARD Jacques, « L’Iran s’élève violemment contre la livraison à l’Irak de Mirage F-1 par la France », dans Le Monde [En ligne], publié le 3 février 1981. [Consulté le 15/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1981/02/03/l-iran-s-eleve-violemment-contre-la-livraison-a-l-irak-de-mirage-f-1-par-la-france_2707960_1819218. html 31 Le Service d’Information et de Relations Publiques de l’Armée de l’Air, Mirage F1 – le chasseur polyvalent [En ligne], diffusé le 27 avril 2013, 52 minutes. [Consulté le 18/04/2020] https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=mbBJ9qsi2MQ

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Ensuite, le deuxième souhait irakien formulé aux autorités françaises est de moderniser leur défense sol-air. Confronté depuis le début des hostilités à la quasi supériorité aérienne de son adversaire iranien, l’Irak a choisi de s’équiper en systèmes de protection aérienne contre les aéronefs notamment pour protéger ses bases aériennes très souvent prises pour cible par l’aviation iranienne. L’Irak se tourne alors vers les industriels français pour qu’ils lui fournissent le missile Roland mis en service en 1977. Il commande en 1980 une première livraison de 110 équipements au total32. Le contrat sera négocié dès 1981. L’Irak bénéficiera de 2260 missiles de type Roland II entre 1982 et 199033. Ces missiles équiperont l’armée de terre irakienne à partir de 1982. Outre ces redoutables missiles, l’Irak a commandé également le puissant missile français Crotale pour une quantité s’élevant à une vingtaine. En ce qui concerne ce dernier, cela a mis dans l’embarras les responsables militaires. En effet, la France ne vend jamais de matériels de même niveau technologique que ceux présents dans l’armée française. Mais face au péril iranien, ce principe a été remis en question. Le troisième souhait irakien est de se doter d’un missile air-sol puissant de toute nouvelle génération que la France produit. C’est 32 ISNARD Jacques, « L’aviation irakienne adopte le missile Roland pour la protection anti-aérienne de ses bases », dans Le Monde [En ligne] publié le 3 mars 1981. [Consulté le 15/04/2020]. https://www.lemonde.fr/archives/article/1981/03/03/l-rsquo-aviation-irakienne-adopte-le-missile-roland-pour-la-protection-anti-aerienne-de-sesbases_2712396_1819218.html 33 NESME Jean-Marc, « Rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Irak relatif à la coopération dans le domaine de la défense », sur Assemblée Nationale [En ligne], publié le 2 mars 2011. [Consulté le 15/04/2020]. http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rapports/r3191.pdf

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le missile ASMP, pour missile air-sol de moyenne portée. L’Irak base sa demande sur le fait que les États-Unis ont vendu à l’Iran le puissant missile Maverick, guidé par laser et d’une portée de soixante kilomètres34. Il existera de nombreux problèmes, et c’est ce qui fera hésiter longuement la France. Il est possible d’y adapter une tête nucléaire sur ce missile. Enfin, la portée de ce missile pourrait atteindre le territoire de l’État hébreu. Finalement, François Mitterrand tranchera et refusera de leur vendre ce missile. Enfin, il est également question d’un nouveau contrat. Celui de la vente des canons automoteurs AMX AuF1 155 GCT. L’Irak souhaite conclure rapidement ce contrat qui pourrait s’avérer déterminant au sol, contre les troupes iraniennes fanatisées. Ce contrat a été nommé « contrat Volcan » et sera signé en octobre 1981. 85 canons automoteurs seront livrés. Ils s’avéreront être décisifs dès l’année suivante lors de la bataille de Mandali35 où la route de Bagdad était gravement menacée. Les pertes iraniennes se compteront en milliers. Le point le plus marquant de ce souhait de modernisation des équipements irakiens sera la livraison rocambolesque des avions Dassault Super-Etendard à l’Irak qui provoquera une polémique importante aussi bien en France que sur la scène internationale. L’opération Sugar et la livraison polémique des Super-Etendard

Les avions français de type Super-Etendard, équipant les forces aériennes argentines, ont eu une bonne presse lors de la guerre des Malouines entre l’Argentine et le Royaume-Uni. Les Irakiens feront alors pression sur les autorités françaises pour 34 ANGELI Claude et MESNIER Stéphane, Notre allié Saddam, op.cit., p.108. 35 Ville irakienne frontalière de l’Iran, au nord-est de Bagdad.

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qu’elles leur livrent rapidement ces avions en octobre 1982. En effet, l’Irak voulait accentuer la pression sur l’Iran et souhaitait arriver en position de force si jamais des négociations de paix se déroulaient. L’Irak avait prévu d’attaquer le terminal pétrolier de Kharg36. La France déclenchera alors l’opération Sugar pour satisfaire les souhaits de son partenaire irakien. À l’étranger, cette vente est mal perçue par les Américains car le fait que l’Irak veuille attaquer ce terminal pétrolier avec des avions de conception française pourrait entraîner une violente riposte de la part de l’Iran : attaque du commerce pétrolier international naviguant dans ses eaux, blocage du détroit d’Ormuz. L’Égypte et les monarchies du Golfe y sont favorables dans la mesure où tout ce qui peut faire basculer le conflit en faveur de l’Irak doit être entrepris. En France, cette demande pressante de l’Irak pose de nombreuses questions également. Il était question de la dette irakienne qui ne faisait qu’augmenter mais la situation tactique de l’Irak à ce moment-là de la guerre était critique et on craignait, à Paris, sa défaite. Mais ce qui fit hésiter pendant longtemps la France était le statut que lui procurerait cette vente ou location d’appareil : celui de cobelligérante37. Il s’avère que la décision a été prise sans que le chef de l’État n’ait été mis au courant qu’en 1983. Il aurait été mis devant le fait accompli38, ce qui est tout de même aberrant pour un chef de l’État. La décision de signer ce contrat de vente avec l’Irak aurait été prise par les cabinets des ministères de la Défense et des Affaires étrangères39. Cependant, des notes provenant de Matignon ont été transmises à deux reprises confirmant 36 37 38 39

Ile iranienne du golfe Persique. Voir,  l’affirmation de plus en plus marquée de la cobelligérance française. COHEN Samy, La défaite des généraux, Paris, Éditions Fayard, 1994, p.159. Ibid.

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cette vente. La première date du 22 octobre 1982 dans laquelle le Premier ministre d’alors, Pierre Mauroy, donnait son accord pour une telle vente. Il envisageait, en outre, de prélever les avions Super-Etendard des stocks de la Marine nationale pour éviter le statut de cobelligérance étant donné que le fabriquant, Dassault, ne concevait plus ce type d’avions40. Une deuxième note est parvenue à l’Élysée le 17 janvier 1983 rendant compte d’une réunion interministérielle le 6 janvier, à la suite de la visite du vice-premier ministre irakien Tarek Aziz en France. La vente des Super-Etendard a été évoquée au cours de cette dernière. Ces notes étaient adressées au Secrétaire Général de la présidence de la République, Jean-Louis Bianco. Il n’est pas mentionné que le chef de l’État les ait lues41. Cela reste surprenant qu’un chef de l’État ne soit pas mis au courant d’une vente d’une telle importance, dans un contexte géopolitique moyen-oriental incertain. Le fait que la presse en ait fait la une a certainement joué dans la décision finale du chef de l’État. En réalité, Le Canard Enchaîné était le premier média à en faire sa une dès le 1er février 1983, suivi par Le Monde quatre jours plus tard42 . Revenir sur cette vente aurait été un aveu de faiblesse rendu public et la parole de la France était donnée. Difficile donc de faire marche arrière. Le 24 mai, François Mitterrand appelle Charles Hernu, le ministre de la Défense, et lui fait part de son mécontentement. Ce dernier, pour

40 COHEN Samy, La défaite des généraux, op.cit., p.160. 41 Ibid. 42 J.I, « La France va livrer vingt-neuf Mirage-F 1 à Bagdad et étudie une demande irakienne de Super-Etendard La livraison d’avions de combat à l’Irak », dans Le Monde [En ligne], publié le 5 février 1983. [Consulté le 14/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/02/05/la-france-va-livrer-vingtneuf-mirage-f-1-a-bagdad-et-etudie-une-demande-irakienne-de-super-etendard-la-livraison-d-avions-de-combat-a-l-irak_3079819_1819218.html

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se défendre, assure au chef de l’État que des notes de Matignon ont été transmises à Jean-Louis Bianco. Des pilotes irakiens seront envoyés discrètement s’entraîner sur ces appareils au mois de juin 1983, sur la base aéronavale de Landivisiau, avant même que la France ne donne son accord officiellement pour la vente ou la location des avions espérés par l’Irak43. Cette formation doit s’achever en septembre. La décision ne sera officiellement dévoilée que le 2 juin 1983 au moyen d’une convention classée confidentiel-défense réunissant le ministre de la Défense et les sociétés Dassault-Breguet et SNECMA44. Cinq avions Super-Etendard seront prélevés sur les stocks de la Marine Nationale pour être loués par l’Irak45. Ce dernier devra rendre les avions à la France en 1985. Cependant, un rebondissement survient le 12 septembre 1983. En effet, les pressions américaines pour que la France ne vende pas ces avions sont tellement fortes46, que le président Mitterrand suspend le convoyage des avions à destination de l’Irak, le temps de la réflexion. La fin des opérations

43 « Des pilotes irakiens vont s’entraîner en France sur avion Super-Étendard », dans Le Monde [En ligne], publié le 20 juin 1983. [Consulté le 14/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/06/20/des-pilotes-irakiensvont-s-entrainer-en-france-sur-avion-super-etendard_2828360_1819218.html 44 Voir annexe n° 5. 45 ISNARD Jacques, « La France prête cinq Super-Étendard à l’Irak », dans Le Monde [En ligne], publié le 24 juin 1983. [Consulté le 14/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/06/24/la-france-prete-cinqsuper-etendard-a-l-irak_2828213_1819218.html 46 BERNHEIM Nicole, « Après la controverse sur la politique africaine les ÉtatsUnis s’inquiètent à présent de la prochaine livraison par la France de SuperÉtendard et d’Exocet à l’Irak », dans Le Monde [En ligne] publié le 27 août 1983. [Consulté le 14/04/2020] https://w w w.lemonde.fr/archives/article/1983/08/27/apres-la-controverse-sur-la-politique-africaine-les-etats-unis-s-inquietent-a-present-dela-prochaine-livraison-par-la-france-de-super-etendard-et-d-exocet-a-lirak_2826079_1819218.html

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à destination de l’Irak était prévue le 17 septembre47. Pour ce faire, François Mitterrand avait réuni un conseil restreint de défense avec les ministres concernés le 9 septembre et envoyé un émissaire auprès de Bagdad pour sonder sa position sur la question. La réponse de Bagdad est véhémente dans une lettre adressée au ministre Claude Cheysson. Le 19 septembre, ce dernier reconnait l’existence d’un contrat de location d’avions à destination de l’Irak. C’est le premier responsable politique de premier plan en France à faire un tel aveu48. Le chef de l’État souhaite attendre la tenue de l’Assemblée générale des Nations Unies afin d’obtenir de cette dernière une condamnation de l’Iran car refusant de mettre un terme aux hostilités. La position américaine sur la question de la vente française s’étant assouplie, le chef de l’État français autorise finalement le transfert des avions vers l’Irak. Le 15 octobre 1983, les avions n’étant pas encore livrés. La France explique cela par la volonté « de vouloir empêcher l’Irak d’utiliser ces avions »49. Saddam Hussein déclarait que « si la France n’exécutait pas toutes ses obligations à l’égard de l’Irak, cela signifierait que Paris aurait cédé aux pressions américaines et que par conséquent l’Irak serait contraint, à son grand regret, de prendre des mesures

47 COHEN Samy, La défaite des généraux, op.cit., p.163. 48 « M. Cheysson reconnaît que la France livrera cinq Super-Etendard à l’Irak », dans Le Monde [En ligne], publié le 21 septembre 1983. [Consulté le 14/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/09/21/m-cheysson-reconnaitque-la-france-livrera-cinq-super-etendard-a-l-irak_2831555_1819218.html 49 AMALRIC Jacques, « • LIBYE : Paris,, juge « inacceptable « la décision de Tripoli de retenir trente-sept ressortissants français • IRAK : la France,, cherche à empêcher l’utilisation des Super-Étendard prêtés à Bagdad », dans Le Monde [En ligne], publié le 12 octobre 1983. [Consulté le 14/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/10/12/bull-libye-paris-jugeinacceptable-la-decision-de-tripoli-de-retenir-trente-sept-ressortissantsfrancais-bull-irak-la-france-cherche-a-empecher-l-utilisation-des-super-etendard-pr_3077459_1819218.html

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visant les intérêts économiques français sur son territoire »50. Outre les pressions américaines s’estompant progressivement et le fait que le chef de l’État n’était pas au courant de cette vente, le chantage et les menaces de la part de l’Irak s’ajoutent à ce désordre ambiant. En effet, l’homme fort de Bagdad ajoutait « sinon les commerçants français, qui ne sont pas les meilleurs du monde, constateront que leur succès chez nous dépendait avant tout de notre amitié pour la France »51. Les avions seront finalement livrés pendant le mois d’octobre. Une fois la vente terminée, une véritable opération de maquillage s’est déroulée. C’est l’opération Sucre52 . Il fallait maquiller les appareils Super-Etendard français, au moyen du porte-avions Clémenceau naviguant en Méditerranée orientale, en appareils irakiens, par des agents de la DGSE bénéficiant de faux papiers53. Les marins du porte-avions sont d’ailleurs consignés à l’intérieur du bâtiment pendant cette opération. Une fois le maquillage des avions terminé, à la tombée de la nuit, les cinq chasseurs prirent la direction de la Turquie et un avion Falcon -50 les précède en ayant déposé un plan de vol au préalable. Les avions français volent donc à très basse altitude pour ne pas se faire repérer par les radars turcs et syriens. Ils pénètrent l’espace aérien irakien par le nord-ouest et se posent sur une base aérienne au nord de 50 PERONCEL-HUGOZ J-P, «  L’AFFAIR E DES SUPER-ÉTENDAR D M. Mauroy confirme que la France « honorera « ses contrats Les menaces voilées du président Saddam Hussein », dans Le Monde [En ligne], publié le 15 octobre 1983. [Consulté le 14/04/2020]. https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/10/15/l-affaire-des-super-etendard-m-mauroy-confirme-que-la-france-honorera-ses-contrats-les-menacesvoilees-du-president-saddam-hussein_3077560_1819218.html 51 Ibid. 52 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak, op.cit., p.416. 53 Sous la direction de FALIGOT Roger et GUISNEL Jean, Histoire secrète de la Ve République, Paris, Editions La Découverte, 2006-2007, p.249.

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l’Irak. La presse irakienne en fait, le lendemain, sa une provoquant la colère de Paris qui souhaitait maintenir cela secret. Le vice-premier ministre irakien déclarait que « la France a tenu ses engagements en procédant à la livraison des appareils durant le mois d’octobre.  L’affaire des Super-Etendard a fait trop de bruit. Elle est maintenant terminée. Elle a toutefois été positive, car elle a permis de tester la solidité de la coopération franco-irakienne sous le gouvernement socialiste qui avait hérité de cette politique inaugurée sous Georges Pompidou et poursuivie sous Valéry Giscard d’Estaing »54 . Elle n’aura été positive, en effet, mais que pour l’Irak qui a su faire céder la France par un chantage très critiquable. En effet, elle a cédé face à un État censé être un allié. La France a également cédé pour éviter que l’Irak ne se tourne définitivement vers l’URSS. Les pilotes français rembarquent donc immédiatement dans l’avion Falcon -50 vers la France. Enfin, un pilote français aurait été convaincu par les services irakiens de rester en Irak afin de piloter un Super-Etendard et de réaliser une frappe avec un missile antiradar AS-37 sur une cible iranienne55. Cela s’apparente à une opération de mercenariat. Une fois la livraison des avions à l’Irak effectuée, une mission militaire française a été envoyée à Bagdad en octobre 1983 pour parfaire la formation des pilotes irakiens sur le terrain 56. Cela 54 « « Le contrat de livraison des Super-Etendard est honoré « déclare M. Charles Hernu », dans Le Monde [En ligne], publié le 4 novembre 1983. [Consulté le 14/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/11/04/le-contrat-de-livraisondes-super-etendard-est-honore-declare-m-charles-hernu_2845103_1819218. html 55 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak, op.cit., p.417. 56 « Une mission militaire française à Bagdad », dans Le Monde [En ligne], publié le 12 octobre 1983. [Consulté le 15/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/10/12/une-mission-militaire-francaise-a-bagdad_2831703_1819218.html

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accentuant fortement le rôle militaire de la France dans ce conflit. Cette location d’appareils militaires français à l’Irak constitue dès lors le changement de statut de la France dans ce conflit opposant l’Irak à l’Iran depuis maintenant trois ans. En effet, il est passé du soutien diplomatique et militaire modéré à l’Irak à celui de cobelligérant, notamment par l’Iran. Le 25 juillet 1983, le représentant de l’Iran à l’ONU, Said Rajaie-Khorassani, a déclaré « s’ils sont prêtés à l’Irak [les avions Super-Etendard], ce ne seront plus des avions irakiens mais des avions français qui agresseront notre République islamique. Ce prêt signifie une participation directe des forces françaises au conflit. Mais la France a beaucoup investi en Irak et ne veut pas voir tomber le gouvernement de Bagdad, d’autant que le régime socialiste français est tout aussi sioniste que le régime irakien »57. Cela exposerait donc la France à de possibles actes de « légitime-défense » de la part de l’Iran. La position de l’Iran est compréhensible. Qu’aurait fait la France si par exemple un pays tiers armait un pays ennemi du nôtre ? Certainement la même chose. La France aurait considéré ce dernier comme un ennemi ; ce que l’Iran a fait. Ali Khomeiny déclarait, en effet, le 22 septembre 1983 que « (...) les grandes puissances ne verront plus la couleur du pétrole si elles aident davantage Saddam »58. L’Iran accuse en outre la France de violer la résolution 479 du CSNU

57 « En prêtant des avions à l’Irak la France participe directement au conflit déclare le représentant de l’Iran à l’ONU », dans Le Monde [En ligne], publié le 27 juillet 1983. [Consulté le 15/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/07/27/en-pretant-des-avions-al-irak-la-france-participe-directement-au-conflit-declare-le-representant-de-liran-a-l-onu_2836641_1819218.html 58 « M. Cheysson reconnaît que la France livrera cinq Super-Etendard à l’Irak », dans Le Monde [En ligne], publié le 21 septembre 1983. [Consulté le 15/04/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/09/21/m-cheysson-reconnaitque-la-france-livrera-cinq-super-etendard-a-l-irak_2831555_1819218.html

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du 28 septembre 198059 laquelle demande à tous les États « de s’abstenir de tout acte qui pourrait avoir pour effet d’intensifier et d’étendre encore le conflit »60. Cette violation flagrante du droit international par la France au bénéfice de l’Irak est le signe d’une certaine cobelligérance qui commence de plus en plus à s’affirmer au cours du conflit Iran-Irak. L’affirmation de plus en plus marquée de la cobelligérance française

La guerre Iran-Irak sera pour le lobby français pro-irakien un réel moyen d’imposer ses choix aux différents gouvernements successifs. L’aide apportée à l’Irak se transformera petit à petit en cobelligérance. Cela se définit comme étant un État qui lutte aux côtés d’un pays en guerre contre un ennemi commun61. La France enverra discrètement des « conseillers » épauler les forces armées irakiennes sur le terrain qui sont en réalité des militaires à la retraite ou en congé sans solde et cette action traduit donc une forme de cobelligérance de la France dans le conflit . Cependant, il convient de relativiser cette assistance française au profit de l’Irak .

59 N.B, « L’IRAN MENACE DE FERMER LE DÉTROIT D’ORMUZ À TOUT BATEAU RAVITAILLANT L’IRAK EN ARME », dans Le Monde [En ligne], publié le 3 octobre 1983. [Consulté le 15/04/1980] https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/10/03/l-iran-menace-de-fermerle-detroit-d-ormuz-a-tout-bateau-ravitaillant-l-irak-en-armes_2831677_1819218. html 60 Résolution 479 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 28 septembre 1980. Voir annexe 3 pour le document complet. 61 Définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL) [En ligne]. [Consulté le 26/05/2020]. https://www.cnrtl.fr/lexicographie/cobellig%C3%A9rant

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L’influence considérable des entreprises d’armement français

À Paris, la guerre que se livrent l’Iran et l’Irak satisfait grandement le lobby pro-irakien. En effet, grâce à cette guerre, la France peut peser sur cette région importante qu’est le MoyenOrient et les exportations d’armes à l’Irak font la publicité de la qualité de l’armement français dans le monde entier. Il faut donc, pour ce lobby, empêcher toute action contrariant l’Irak et céder à tous ses désirs ou presque. Les grandes firmes françaises d’armement comme Dassault ou Thomson n’hésiteront pas à contrevenir aux décisions gouvernementales dans la plus grande impunité. Le marché irakien de l’armement étant trop juteux. Dassault et d’autres firmes françaises d’armement, après que l’Élysée et Matignon ne se soient pas opposés clairement, embaucheront des militaires à la retraite et en tant que contractuels, des officiers et techniciens en congé sans solde62. Il est établi, par un ambassadeur de France en Irak, qu’il n’était pas rare de voir à proximité de la ligne de front une cinquantaine de « conseillers » français pour aider les irakiens à régler leur artillerie automotrice de fabrication française63. D’autres diplomates français relèveront que l’Irak bénéficiait d’une assistance technique inhabituelle pour un pays en guerre64. Ce qui est également troublant pour une aide technique est la présence de véhicules et d’hélicoptères afin de permettre l’évacuation de ces « conseillers » en cas de nécessité65. Finalement, il s’avérera que le gouvernement français sera dépassé par l’ampleur de cette aide au plus près des combats 62 63 64 65

ANGELI Claude et MESNIER Stéphane, Notre allié Saddam, op.cit., p.160. Ibid. Ibid. Ibid., p.161.

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contre l’Iran. Des informations lui seront cachées. En effet, Dassault interdit à ses employés de prendre contact avec des diplomates français en Irak au nom du secret militaire. La relation avec l’Irak est passée d’une relation diplomatique à une relation militaro-commerciale où, en définitive, ce sont les militaires et les lobbys pro-irakiens qui ont le dernier mot, les politiques étant mis devant le fait accompli. Par l’influence des lobbys pro-irakiens et des puissantes industries militaires françaises, des « conseillers » militaires français seront donc envoyés directement sur le terrain dans la plus grande discrétion. Malheureusement, un dramatique événement viendra rendre public cette présence française au sol. La présence discrète de « conseillers » français au plus près des combats en Irak

La présence militaire française sur le sol irakien, au plus près des combats ne sera révélée uniquement lors d’un drame en juin 1985. Un militaire français trouvera la mort et huit soldats français du 11e Régiment d’artillerie de Marine seront blessés à des degrés divers, après une explosion lors d’une opération de démonstration de tir du canon automoteur AMX AuF1 155 GCT66. Officieusement, l’explosion s’est déroulée au moment où les soldats français épaulaient des soldats irakiens à régler le tir de ce canon. Cette mission était classifiée secret-défense. Cependant, il s’avère que cette mission officielle de démonstration n’était pas la seule ni la première. En effet, dès 1983 et lors de la livraison des avions Super-Etendard, des équipes techniques de la firme Dassault suivent les nouveaux pilotes irakiens de ces appareils au plus près des combats. Cette aide technique ira plus 66 Ibid., p.159.

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loin et évoluera en aide opérationnelle. Les Français n’hésiteront pas à dispenser leurs conseils précieux aux pilotes irakiens afin de lancer le plus efficacement possible les missiles Exocet contre le terminal pétrolier iranien de Kharg. L’attaque contre ce dernier débutera en 1986 et est d’inspiration française. Cette audacieuse attaque surprendra les Iraniens qui ne s’attendaient pas à être attaqués à plus de 1000 kilomètres de la ligne de front. L’entièreté de l’attaque irakienne a été planifiée par des « conseillers » français. Cette planification ira même jusqu’à la présence, dans les airs, d’un des « conseillers » français, dépourvu de papiers d’identité, pour accompagner le raid aérien irakien. Le fait que la France livre des armes à l’Irak, et ne s’en cache plus, change donc son statut dans le conflit. Il passe d’Etat tiers au conflit à celui d’Etat cobelligérant. La cobelligérance se définit comme étant un État qui lutte aux côtés d’un pays en guerre contre un ennemi commun. Cela s’apparente au mercenariat du point de vue du droit international humanitaire. En effet, l’article 47 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux du 8 juin 1977 dispose que «  le terme «mercenaire» s’entend de toute personne (...) qui n’est ni ressortissant d’une Partie au conflit, ni résident du territoire contrôlé par une Partie au conflit, qui n’est pas membre des forces armées d’une Partie au conflit, et qui n’a pas été envoyée par un État autre qu’une Partie au conflit en mission officielle en tant que membre des forces armées dudit État ». Les « conseillers » envoyés par Paris ne sont donc ni des ressortissants irakiens ou iraniens, ne sont résidents d’un territoire contrôlé par une Partie, ne sont ni membres des forces armées irakiennes et iraniennes. Si par malheur, un de ces « conseillers » français avait été capturé par les troupes iraniennes, il n’aurait pu bénéficier du statut de combattant et

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donc de prisonnier de guerre. Outre le fait que la cobelligérance s’apparente au mercenariat, la France, en envoyant ces « conseillers » au bénéfice de l’Irak, ne respecte pas la résolution 479 du CSNU du 28 septembre 1980 demandant que « tous les autres États [fassent] preuve de la plus grande modération et de s’abstenir de tout acte qui pourrait avoir pour effet d’intensifier et d’étendre encore le conflit (...) »67. En effet, cette résolution a donc été violée par la France mais aussi par d’autres pays. Elle a été violée car le fait de vendre un appareil capable de tirer un missile antinavire Exocet pourrait également gravement nuire au commerce international maritime dans le Golfe, d’autant plus qu’il était évident que l’Iran allait organiser des frappes de représailles. De plus, en livrant des armes modernes à l’Irak et capables de frapper en profondeur le territoire iranien, la France participe à l’intensification du conflit. Cette participation à cette dernière se réalise au nom de la lutte contre le péril islamique iranien et la France semble donc mettre de côté le droit international pour cette lutte. Bien que ce soutien français à l’Irak ait été massif, la France étant le premier fournisseur d’armement occidental à l’Irak et le second au monde derrière l’URSS, il faut reconnaître que ce soutien n’a pas été véritablement décisif lors des combats contre l’Iran. Le bilan désastreux de l’aide française apportée à l’Irak

Il convient à présent de relativiser cette aide massive française à destination des forces armées irakiennes. En effet, ces dernières ne savent pas exploiter au maximum de leurs capacités les différents appareils et équipements livrés par la France. Le bilan est très mitigé quant à l’utilisation des avions Mirage F1. Au final, à la sortie du conflit, 46 avions Mirage F1 ont été perdus dont 32 67 Résolution 479 du Conseil de Sécurité des Nations Unies 

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dans des combats aériens les opposant aux forces iraniennes. La quasi-totalité des avions irakiens Mirage iront se réfugier, par la suite, en Iran, lors de la phase aérienne de la deuxième guerre du Golfe en 1991. L’Iran confisquera les appareils et les utilise encore actuellement. Le bilan est d’autant plus catastrophique pour les avions Super-Etendard. Sur les cinq avions prêtés, un s’est crashé à la suite d’une erreur de pilotage selon les Irakiens mais par conséquent d’une destruction selon des observateurs internationaux68. Un autre appareil de ce type a été gravement endommagé à la suite de l’engagement d’un avion iranien de type  F4 Phantom. Depuis ces incidents et les livraisons de Mirage F1, les Super-Etendard restant sont cloués au sol et n’auront servi qu’un an. En ce qui concerne la flotte de Mirage F1, la moitié est clouée au sol faute d’une maintenance technique minimale69. Ce qui est plus surprenant, c’est que les pilotes de ces Mirage F1 n’utilisent pas le radar embarqué présent dans leur aéronef mais préfèrent être guidés par des stations radars au sol ! L’Irak, qui a remué ciel et terre pour obtenir le missile antinavire Exocet, s’est révélé incapable de s’en servir correctement. Sur 67 navires marchands ciblés par les forces irakiennes, 24 seulement l’ont été par ce missile en 198470, soit un peu plus de 35 % d’efficacité. Le résultat est encore plus dramatique l’année suivante. Sur 26 tirs de missile réalisés, 6 seulement ont atteint leur cible, soit 23 % d’efficacité. Il faut également être prudent sur ces résultats surprenants. La 68 TIMMERMAN Kenneth, « L’armée de Bagdad ne sait pas exploiter la puissance des armements livrés par la France », sur Le Monde [En ligne], publié le 18 mars 1985. [Consulté le 21/05/2020]. https://w w w.lemonde.fr/archives/article/1985/03/18/l-armee-de-bagdad-ne-sait-pas-exploiter-la-puissance-des-armements-livres-par-lafrance_2742698_1819218.html 69 Ibid. 70 Ibid.

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période 1984-1985 étant celle de la transition dans la lutte antinavire entre les appareils Super-Etendard et Mirage F171. D’autant plus, que la défense anti aérienne iranienne est renforcée par la fourniture de matériel israélien, la rendant plus performante. Ces ventes d’armes considérables à l’Irak auront deux conséquences notables sur la politique française au Moyen-Orient. La première étant tout d’abord l’effacement de la vision très proisraélienne de François Mitterrand. Vendre de tels équipements, parfois très modernes, aurait pu menacer Israël. Mais l’Irak était concentré sur son front iranien pour ne pas être tenté de frapper l’État hébreu. La seconde conséquence, et pas des moindres, était la réaction de l’Iran à ce qu’elle assimile comme étant de la cobelligérance de notre part. Sa réaction ne se fera pas attendre et sera très violente à l’égard des militaires français présents au Liban ou sur les citoyens français en territoire métropolitain. En effet, dès le mois de juillet 1983, Téhéran commence à envisager des actions de représailles contre Paris. L’Iran se considérera de facto en guerre contre la France, du fait de l’aide française massive apportée à l’Irak, son ennemi, et prendra donc en conséquence toutes les mesures nécessaires pour faire plier la France et la faire cesser ses ventes d’armes qui sont pour l’Iran un désastre pour ses forces armées.

71 Ibid.

Partie III  Les conséquences de l’engagement français en faveur de l’Irak

« Ce laisser-aller politique pour de basses besognes était le signe évident que la France n’était plus une grande puissance, ou du moins qu’elle n’avait plus que de petits dirigeants qui ouvraient les coffres des secrets d’État pour d’attendus profits personnels. » LEGRAND Michel, Secrets d’un juge, Paris, Editions Favard, 2015.

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Chapitre 1 La guerre indirecte de l’Iran contre la France

« Mort à la France, mort à Mitterrand ! ». C’est ce que scandait la foule en colère partout en Iran lors des prières des vendredis de l’année 1983 quand le soutien français à l’Irak devenait de plus en plus grand. Ce soutien français était considéré à Téhéran comme de la cobelligérance et le pouvoir iranien s’octroyait donc le droit de se défendre face aux alliés de son ennemi. Cette défense de l’Iran s’opérera au moyen d’attaques sur les intérêts français à l’étranger mais aussi directement sur le territoire français pour espérer faire infléchir la position de Paris dans le conflit opposant l’Iran à l’Irak. Ces attaques directes de l’Iran contre les intérêts français aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur du territoire français seront sources de représailles de la part de la France. Les représailles iraniennes sur les intérêts français à l’étranger

Le soutien français grandissant à destination de l’Irak aura de nombreuses répercussions sur les intérêts français à l’étranger. Des représailles d’ordre économiques seront prises contre les

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entreprises françaises présentes en Iran, des attaques terribles seront organisées contre la présence française en Iran, des prises d’otages aériennes, des enlèvements de ressortissants français seront opérés et enfin, la marine iranienne s’attaquera au commerce pétrolier transitant à proximité de ses eaux territoriales. Les représailles économiques affectant les entreprises françaises présentes en Iran

L’Iran décide d’émettre à destination de la France un embargo commercial et d’importantes sanctions commerciales en novembre 1983. Les autorités iraniennes exigeront la fermeture des locaux d’Air France, de la représentation commerciale française et la cessation des activités de l’Institut français de recherches en Iran. En outre, des mesures discriminatoires seront prises par les autorités iraniennes contre les banques françaises. Ces dernières ne pourront plus participer aux opérations de financement de ventes du pétrole iranien. Les banques françaises présentes en Iran seront même nationalisées. Le commerce franco-iranien était déjà bien affecté par le conflit entre l’Iran et l’Irak. En effet, en 1982, les exportations françaises ont diminué de 40 % vers l’Iran représentant 2,15 milliards de francs contre 4 milliards de francs en 19781. La France rejoint donc les États-Unis sur la liste noire iranienne regroupant les ennemis de la République islamique. Les ventes des Mirage et 1

« Après la livraison des Super-Étendard à l’Irak Téhéran veut mettre fin à la présence économique et commerciale française », dans Le Monde [En ligne], publié le 11 novembre 1983. [Consulté le 26/03/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1983/11/11/apres-la-livraison-des-super-etendard-a-l-irak-teheran-veut-mettre-fin-a-la-presence-economique-etcommerciale-francaise_2847097_1819218.html

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plus tard des Super-Etendard à l’Irak 2 par la France entraîneront de violentes représailles sur les intérêts français à l’étranger et notamment au Liban. L’attentat du Drakkar en étant une. L’attentat du Drakkar à Beyrouth comme premier avertissement de l’Iran à la France

Il conviendra de montrer les circonstances de cet attentat, que ce dernier a engendré d’importantes réactions politiques et qu’il en découlera une enquête des services de renseignements français pour en retrouver le ou les auteurs. Les circonstances tragiques de cet attentat

La France sera donc attaquée au Liban le dimanche 23 octobre 1983. Un camion, rempli de 500 kilogrammes de TNT, a explosé contre l’immeuble français du Drakkar à Beyrouth3. Un premier bilan est réalisé. Il fait état de 2 morts, 56 disparus et 14 blessés. Le bilan final est terrifiant. 58 soldats français sont morts dont 55 qui appartenaient au 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes. Le nombre de soldats français décédés est le plus élevé depuis la guerre d’Algérie (1954-1962). Le choc est d’autant plus rude car des régiments n’appartenant pas à l’armée de métier ont été touchés. Cet attentat provoquera des réactions politiques. Les réactions politiques à cette tragédie

Le président de la République François Mitterrand est averti de ce carnage le 23 octobre 1983, à 5 h 30 du matin. Une cellule de crise est constituée à la hâte au Quai d’Orsay composée des principaux ministres concernés. Il est alors décidé d’envoyer tout 2 3

Voir, partie II. Peu avant, un attentat similaire a été commandité par le même groupe terroriste contre les troupes américaines au Liban faisant 242 morts dans les rangs américains.

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de suite le ministre de la Défense Charles Hernu à Beyrouth pour témoigner du soutien du gouvernement aux armées durement frappées. Le président de la République décide également de se rendre lui-même au Liban. Il arrive à Beyrouth le lendemain matin et se rend immédiatement sur les lieux de la tragédie puis se recueille dans la chapelle ardente qui a été installée. Il sera rejoint dans la matinée d’une part par son ministre de la Défense et son Chef d’État-Major puis par le président libanais Amine Gemayel. Choqué par l’horreur, le président de la République française ne fera aucune déclaration à la presse. Le lendemain de la catastrophe, de retour en France, le chef de l’Etat affirma à la télévision, sur un ton ferme et martial : « À tous je dis qu’un pays est grand par sa force d’âme [...] C’est pourquoi au Liban, la France reste et restera fidèle à son histoire et à ses engagements ». Le 2 novembre 1983, une cérémonie d’hommage national se tiendra au palais des Invalides sans que le président de la République ne prononce un mot. L’image est marquante. Toute la classe politique est présente à cette cérémonie, de Jacques Chirac en passant par l’ancien président Giscard d’Estaing. 58 cercueils sont réunis dans la cour des Invalides entourés du drapeau tricolore face au chef de l’État qui décorera chaque cercueil de la médaille militaire à titre posthume. Après le choc et le deuil, il est venu le temps de l’enquête. L’enquête menée par les services de renseignements français

Très rapidement, Charles Hernu reçoit, de la CIA, un rapport indiquant la responsabilité des attentats au groupe chiite Amal. Toujours selon les services de la CIA, le rôle de la Syrie dans ces attentats est démontré. Les explosifs sont d’origine syrienne et des complicités entre les forces spéciales syriennes et le groupe

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terroriste ont été démontrées4. De plus, l’ambassade américaine à Paris communique sur les auteurs de cet acte odieux. Cette dernière fournit aux autorités françaises ce message : « les véritables responsables des attentats sont les Iraniens qui contrôlent le mouvement Amal islamique »5. Les services français sont également actifs ayant un agent infiltré dans ce groupe. Pour ces derniers, ces attentats sont l’œuvre à la fois du groupe Hezbollah et du groupe Amal islamique. L’enquête des services de renseignements français avance vite. Moins d’une semaine après les deux funestes attentats, leur organisateur est identifié. Il s’agit d’Hussein Moussaoui, chef du groupe Amal islamique. Des représailles sont enfin envisagées par les Américains mais aussi par les Français contre ce réseau terroriste6. Après l’organisation d’attentats au Liban, qui est le cœur de l’affrontement indirect entre Paris et Téhéran, les Iraniens organiseront un détournement d’avion français ayant de nombreuses conséquences. Les conséquences du détournement d’un avion français

Le 19 juillet 1984, un avion de la compagnie Air France faisant la liaison entre Francfort et Téhéran est occupé par des éléments des Gardiens de la Révolution qui prirent en otage 60 passagers quand l’avion atterrit dans la capitale iranienne. Les ravisseurs exigent que soit libéré le groupe emprisonné en France qui avait tenté d’assassiner l’ancien Premier ministre du Chah Chapour Bakhtiar. 4 5 6

PEAN Pierre, La Menace, op.cit., p.120. Ibid. Voir, la réaction française à la guerre secrète lancée par l’Iran.

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Une cellule de crise est alors ouverte au Quai d’Orsay. Le Premier ministre Laurent Fabius charge Roland Dumas, ministre des Affaires européennes de ce dossier. Ce dernier s’entretient alors avec le représentant iranien en France qui nie toute implication de son gouvernement dans cette prise d’otages. Une issue est trouvée entre les deux hommes. Finalement, le 2 août, les otages sont libérés. Roland Dumas a été épaulé dans cette épreuve par son homologue de la République Fédérale Allemande, par l’Algérie ainsi que par l’OLP7. Cette prise d’otages ne semble être, en réalité, qu’un prétexte pour que Téhéran et Paris normalisent leurs relations diplomatiques. En même temps que les négociations menées par Roland Dumas pour la libération des otages français, sans qu’il en soit informé, un émissaire français du ministère de la Défense est envoyé à Téhéran afin de négocier de futurs contrats d’armement avec l’Iran. Par la suite, un dirigeant des Pasdarans iraniens est envoyé à Orly pour rencontrer d’importants industriels et militaires français. La police aux frontières l’arrête, ce qui déclenchera une violente colère du ministre des Affaires étrangères iranien qui menace la France de représailles dans « les six heures » s’il n’était pas libéré sur le champ. Ce dernier est donc libéré immédiatement. L’Iran se sent trahi à juste titre. Les otages français ont été libérés mais pas les prisonniers du commando iranien voulant assassiner Chapour Bakhtiar et après des tergiversations françaises, finalement aucune arme ne sera livrée. L’Iran menace. Il menace, en représailles, de perpétrer des « assassinats de personnalités civiles et militaires françaises, des enlèvements et des prises d’otages en France et au Liban »8. Le ton est donc donné. 7 8

PEAN Pierre, La Menace, op.cit., p.130. Ibid., p.132.

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L’affaire des otages français au Liban comme moyen de pression sur les autorités françaises

Le Liban est plongé dans une guerre civile depuis 1975 opposant toutes les communautés présentes dans ce pays. Des mouvements chiites sont soutenus par Téhéran et Damas comme le Hezbollah et tentent d’occuper la capitale libanaise, Beyrouth, séparée en deux depuis le mois de février 1984. Les forces franco-américaines de la FINUL s’en allant, les combats allaient devenir meurtriers. Les enlèvements de ressortissants étrangers se concentrent tout d’abord sur les citoyens américains au début du conflit9. Progressivement, ces enlèvements, par des groupes armés, concernent d’autres nationalités et notamment des ressortissants français. Des tractations diplomatiques se tiendront entre les différents acteurs de la guerre civile libanaise pour trouver une issue à ces prises d’otages et des opérations clandestines des services de renseignements français furent même envisagées. Les prises d’otages de ressortissants français au Liban

L’enlèvement de ressortissants français au Liban débutera en mars 1985 avec l’enlèvement de deux diplomates français, Marcel Carton et Marcel Fontaine puis de Jean-Paul Kauffmann, journaliste, et Michel Seurat, chercheur au CNRS, au mois de mai. Ces enlèvements sont revendiqués par le groupe Jihad islamique en réaction au soutien français à l’Irak dont ce groupe exige l’arrêt. En effet, une agence de presse a reçu ceci : « la libération des otages français est conditionnée par l’annulation du contrat franco-saoudien de troc d’avions Mirages français contre du pétrole saoudien et l’arrêt de l’intervention directe et indirecte de la France dans sa guerre entre

9

AUQUE Roger, Un otage à Beyrouth, Editions Filipacchi, Paris, 1988, p.20.

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la République islamique et le régime de Saddam Hussein. Alors tout reprendra son cours normal. À bon entendeur, salut »10 . D’autres enlèvements se produiront encore. En 1986,  Philippe Rochot, Georges Hansen, Aurel Cornéa, Jean-Louis Normandin, tous appartenant à la chaîne Antenne 2, sont enlevés. L’année suivante, Roger Auque sera à son tour enlevé. En France, une incroyable mobilisation médiatique s’est réalisée. Après la première vague d’enlèvements d’otages français, tous les soirs, à partir de 1986, au journal télévisé de 20 heures, les téléspectateurs purent voir apparaître sur leur écran leur visage et la durée de leur détention. La diplomatie française ne restera pas inactive et relancera ses réseaux pour les libérer. Les tractations diplomatiques pour la libération des otages

L’Iran rassure la France lui maintenant qu’il n’y est pour rien dans ces enlèvements et lui assure que ses services feront libérer la fille de Marcel Carton. Les services français hésitent. Ils hésitent sur les mobiles des preneurs d’otages. Est-ce l’œuvre de l’Iran ? Est-ce un groupe libanais agissant pour l’Iran ? Ou tout cela n’a-t-il rien à voir ? À Paris, la cellule antiterroriste de l’Élysée estime que la Syrie d’Hafez Al Assad peut obtenir la libération rapide des otages. Après des tractations diplomatiques entre Paris et Damas, le 30 mars 1985, le ministre syrien de la Défense, influençant les différents groupes chiites au Liban, « convoque » le responsable de la milice Amal à Damas et le ministre syrien promet également que Téhéran œuvrera à la libération des otages. Il évoque 10 PEAN Pierre, La Menace, op.cit., p.135.

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également la possibilité de recourir à la force pour libérer les otages français. Plus tard, le 4 avril 1985, un émissaire français sera envoyé à Damas pour rencontrer le chef des Pasdarans, Rafight Dought. L’émissaire français, après une longue entrevue avec le chef des Pasdarans, est convaincu que Téhéran n’est pas l’auteur des prises d’otages mais qu’il peut contribuer à leur libération. D’autres réunions informelles eurent lieu notamment à Berne, en Suisse, entre envoyés de Paris et diplomates iraniens. La dernière réunion à Damas, fin juin 1985, sera la plus concluante. En effet, pour faire plier Téhéran et libérer les otages, la Syrie, carrefour des livraisons d’armes à destination de l’Iran, jouera sur cette position stratégique en menaçant d’interférer dans ces livraisons. D’autres réunions informelles se tiendront au cours du mois de juillet. Il est annoncé que leur libération se ferait pour le 14 juillet, mais il n’en est rien. Le 22 juillet, une lettre officielle de François Mitterrand demande l’aide de la Syrie pour la libération des otages est portée par un conseiller du chef de l’État à l’homme fort de Damas, qui après de longues heures de discussions avec le conseiller français lui assurera de faire tout son possible. Paris et Damas ne se seront jamais aussi bien entendues qu’avec cette affaire des otages français au Liban. Au mois d’août, le ministre de la Défense syrien est invité à Nice. Une semaine après son arrivée, il annonce qu’il a de bonnes nouvelles de Damas et rencontre François Mitterrand. La libération des otages n’est plus qu’une question de temps. Malheureusement, cela n’arrivera jamais. En parallèle de cette diplomatie, la France prépare une solution militaire pour libérer les otages.

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Les opérations clandestines destinées à la libération des otages

Très vite, les services français se mirent en contact avec leurs homologues israéliens du Mossad et américains de la CIA. Ils échangèrent des informations relatives à la position des otages et aux preneurs d’otages. Il ne fait désormais aucun doute, malgré les paroles rassurantes de Téhéran, que l’Iran soit derrière d’une façon ou d’une autre par le biais de leur groupe paramilitaire chiite libanais du Hezbollah. Il fut alors clair que les services secrets français devaient intervenir avec toutes ces informations en leur possession. Cependant, un événement se déroulant en Océanie viendra complètement annuler ce type d’opération. Il s’agit de l’attaque du navire Rainbow Warrior par un commando du service Action de la DGSE en juillet 1985 sur le territoire néo-zélandais. Le ministère de la Défense devant se faire oublier sur la scène internationale, les opérations devant se produire au Liban et celles étant déjà en cours sont purement et simplement annulées11. Visiblement, le fait que des ressortissants français soient pris en otage n’a pas fait infléchir Paris sur sa position vis-à-vis de l’Irak. L’Iran décide donc de s’attaquer au commerce pétrolier français dans le Golfe. Les attaques navales iraniennes dans le Golfe sur des navires français

L’Iran entend faire payer les États prétendument neutres, soutenant l’Irak, en s’attaquant au commerce pétrolier dans le golfe Persique, suite aux attaques aériennes menées par les forces

11 Ibid., pp.144-145.

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aériennes irakiennes sur les infrastructures navales et pétrolifères de l’Iran en 1984. Ce sera la guerre des tankers. Le navire porte-conteneurs Ville de Bordeaux a été arraisonné par les forces iraniennes en avril 1985. L’Iran étendra la zone d’attaque de ses aéronefs sur les eaux du golfe Persique12 . En janvier 1986, le pétrolier D’Artagnan, battant pavillon français, est bombardé par deux avions iraniens. Trois mois plus tard, ce sera au tour du pétrolier Le Chaumont qui sera attaqué par des missiles iraniens. Enfin, le 13 juillet, un porte-conteneurs, le Ville d’Anvers, a été lourdement attaqué. Cette attaque sera à l’origine du déclenchement d’une opération aéronavale française de représailles inédites dans le Golfe13. L’attaque du pétrolier français Brissac s’est produite le 13 septembre au large du détroit d’Ormuz14. Ce pétrolier faisait route vers le Koweït quand il a été attaqué par un hélicoptère de la marine iranienne. Deux missiles sont tirés par l’hélicoptère sur le pétrolier français mais, malgré les dégâts majeurs sur les éléments mécaniques du navire, ne feront aucune victime. Outre les représailles iraniennes sur les intérêts français à l’étranger, l’Iran entend faire plier la France par de redoutables attentats perpétrés sur son territoire. Ces attentats entraîneront des réactions législatives qui renforceront l’arsenal judiciaire français face au terrorisme. L’autre conséquence majeure de ce soutien à l’Irak sera la révélation de deux affaires qui fragiliseront le pouvoir français faisant également évoluer la législation dans de nombreux domaines. 12 Voir annexe 6. 13 Voir, les ripostes militaires engagées suite à l’attentat du Drakkar. 14 La rupture entre la France et l’Iran et la tension dans le Golfe, dans Le Monde, publié le 9 août 1987. [Consulté le 15/03/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1987/08/09/la-rupture-entre-lafrance-et-l-iran-et-la-tension-dans-le-golfe_4048927_1819218.html

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Les conséquences intérieures de l’aide apportée à l’Irak

La France et, plus particulièrement, Paris et sa région seront victimes d’attentats terroristes de la part de groupes pro-iraniens, en représailles de la politique étrangère française durant le conflit Iran-Irak. La seconde conséquence sur la scène intérieure sera la révélation de deux affaires qui affecteront et affaibliront la classe politique française. Les attentats fomentés sur le territoire national par l’Iran

La France sera donc victime d’attentats meurtriers sur son territoire. Ces derniers feront une quinzaine de morts et une centaine de blessés et entraînant de fortes réactions politiques et sécuritaires. Ils obligeront également le pouvoir politique à renforcer l’arsenal législatif anti-terroriste. Le territoire national frappé par divers attentats et leurs conséquences politico-sécuritaires

Le premier de cette longue liste d’attentats terroristes a frappé deux magasins de Paris le 7 décembre 1985. Ces deux attaques feront 35 blessés dont 12 graves dans le premier magasin et 5 autres blessés dans le second15. Le 3 février 1986 un double attentat touche la Tour Eiffel, ne faisant pas de victimes et la galerie marchande de l’Hôtel Claridge à Paris où il y aura un mort et 15 blessés dans cette dernière. Le lendemain, le 4 février 1986, un autre attentat touche la librairie Gibert Jeune, à Paris, où il y aura trois blessés. Le jour d’après, le 15 Les services de police émettent l’hypothèse d’un déséquilibré ou d’une vengeance sans évoquer la thèse terroriste. Il faudra attendre une vingtaine de jours après pour que les enquêteurs évoquent la thèse de l’attentat terroriste. Cependant, ces derniers excluent tout acte de terrorisme national ainsi que les terrorismes palestiniens et arméniens sévissant également durant cette période.

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magasin FNAC Sport du Forum des Halles, dans la capitale, est victime d’un attentat faisant 22 blessés16. Un mois plus tard, en mars 1986, une nouvelle vague d’attentats touche la région parisienne. Le 17 mars, un attentat a lieu, dans l’Essonne, dans un TGV à destination de la gare de Lyon, à Paris. Cet attentat fera 10 blessés sur la vingtaine de voyageurs présents dans la rame17. Très rapidement, la piste terroriste est alors envisagée par la justice. L’attentat du TGV Paris-Lyon inaugure un climat d’union nationale dans la classe politique française. En effet, tous les partis politiques français condamnent cet acte et le terrorisme en règle générale mais surtout, ne critiquent pas le gouvernement dans sa gestion des attentats terroristes. C’est en ce sens que l’ancien Premier ministre socialiste, Laurent Fabius, déclare que « (...) face au problème de l’insécurité et du terrorisme, la nation doit être unie »18. Trois jours plus tard, le 20 mars, date à laquelle le premier gouvernement de cohabitation de la Ve République est nommé, un attentat s’est produit faisant 2 morts et 29 blessés. Une bombe a explosé à la galerie Point Show des Champs-Élysées. Le même jour, un autre attentat est déjoué à la station Châtelet du RER, toujours dans la capitale, sans faire de victimes. Le nouveau Premier ministre, Jacques Chirac, a réagi au micro 16 A la différence de l’attentat de décembre 1985, ce dernier sera revendiqué par le Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient (CSPPA). 17 La piste terroriste est alors envisagée par la justice. En effet, le procureur de la République, sur place, mentionne qu’« il s’agit manifestement d’un attentat à la bombe » et le CSPPA en revendiquera l’œuvre. 18 H.T « Après l’attentat manqué du RER Un climat d’union nationale chez les responsables politiques » dans Le Monde [En ligne], publié le 9 septembre 1986. [Consulté le 21/01/2020] https://w w w.lemonde.fr/archives/article/1986/09/09/apres-l-attentatmanque-du-rer-un-climat-d-union-nationale-chez-les-responsables-politiques_3116693_1819218.html

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d’Antenne 2 : « je suis tout naturellement horrifié par le caractère bestial, inhumain de telles initiatives (...). Il va de soi que le terrorisme, (...), est l’une des choses les plus difficiles à maîtriser, en raison de son caractère secret et spontané, difficile à déjouer, mais qu’il exige un renforcement important d’une part, (...), de la coordination des efforts entre les grandes nations démocratiques qui sont les victimes de ce phénomène, (...)et d’autre part par un renforcement très important des moyens intérieurs de lutte »19. La vague d’attentat semble cesser après ce dernier. D’avril à septembre 1986, plus aucun attentat n’affectera le territoire national mais une nouvelle vague d’attentats s’annonce encore plus meurtrière. Cette dernière touche une nouvelle fois la capitale au mois de septembre. Elle débutera par un attentat manqué le 4 septembre dans le RER à la station Gare de Lyon. Il était prévu que 13 pains de plastic explosent dans un train rempli de passagers20. Le 8 septembre, une bombe explose à l’Hôtel de ville de Paris. Le bilan est lourd et fait état d’1 mort et 21 blessés21. Le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua s’est rendu sur place et déclare « on a au moins le signalement d’un homme qui est activement recherché. Pour le reste, la France en a vu d’autres, elle affrontera cette épreuve comme elle en a déjà affronté d’autres et elle la surmontera »22. De plus, le 19 Journal télévisé du 20 Heures d’Antenne  2 du 21 mars 1986. [Consulté le 21/01/2020] https://www.youtube.com/watch?v=UI3YVVmWTcU 20 ROSSIGNOL Aurélie, « DANS LE RETRO. Il y a 30 ans, une série d’attentats semait la terreur à Paris », dans Le Parisien [En Ligne], publié le 14 septembre 2016. [Consulté le 21/01/2020] http://www.leparisien.fr/faits-divers/dans-le-retro-il-y-a-30-ans-une-serie-dattentats-semait-la-terreur-a-paris-14-09-2016-6120121.php 21 Attentat de nouveau revendiqué par le CSPPA mais aussi par les Partisans du Droit et de la Liberté (PDL) 22 « Attentat à la Défense : quarante et un blessés dont deux grièvement », dans Le Monde [En ligne], publié le 13 septembre 1986. [Consulté le 21/01/2020]

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Premier ministre Jacques Chirac, dirigeant, dans le même temps que le drame, un conseil national de sécurité, déclare qu’« il s’agit bien en réalité d’une guerre !23 », il promet également « fermeté et rigueur à l’égard de la lutte contre le terrorisme ».24 Le président de la République, François Mitterrand, a fait part, dans la soirée, au maire de Paris, Jacques Chirac, pour que ce dernier transmette à la population parisienne, à ses élus et aux familles des victimes, l’expression de sa peine et de sa solidarité. Il ajoute que « nous devons tous témoigner de la résolution du pays de combattre sans merci le terrorisme qui menace tant de vies et nos libertés »25. Le 12 septembre, un nouvel attentat frappe la capitale dans un centre commercial de la Défense. Le mode opératoire est identique aux précédents. Après cet attentat, il semble que la concorde politique prenne fin après les déclarations du secrétaire général du RPR, Jacques Toubon. En effet, il y déclare ceci, à propos de la lutte contre le terrorisme : elle est « par excellence une affaire gouvernementale »26 et que, pour ce dernier, le rôle du président https://www.lemonde.fr/archives/article/1986/09/13/attentat-a-la-defensequarante-et-un-blesses-dont-deux-grievement_2928557_1819218.html 23 Journal télévisé du 20 Heures d’Antenne 2 du 10 septembre 1986. [Consulté le 21/01/2020] https://www.youtube.com/watch?v=pT-kb1uEVDw&t=35s 24 ROSSIGNOL Aurélie, « DANS LE RETRO. Il y a 30 ans, une série d’attentats semait la terreur à Paris », Le Parisien [En Ligne], publié le 14 septembre 2016. [Consulté le 21/01/2020] http://www.leparisien.fr/faits-divers/dans-le-retro-il-y-a-30-ans-une-serie-dattentats-semait-la-terreur-a-paris-14-09-2016-6120121.php 25 Journal télévisé du 20 Heures d’Antenne 2 du 9 septembre 1986. [Consulté le 21/01/2020] https://www.youtube.com/watch?v=v1SrdKcSZDA&t=430s 26 PLENEL Edwy, « « D’abord, ne pas céder « nous déclare M. Jacques Toubon, secrétaire général du RPR », dans Le Monde [En ligne], publié le 13 septembre 1986. [Consulté le 21/01/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1986/09/13/d-abord-ne-pas-ceder-nousdeclare-m-jacques-toubon-secretaire-general-du-rpr_2929442_1819218.html

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de la République ne lui paraît pas décisif. Cette déclaration du secrétaire général du RPR reste cependant à relativiser. Même en période de cohabitation, le chef de l’État dispose de moyens que lui procurent la Constitution de 1958 comme l’état de siège (article 36 de la Constitution) ou bien la loi, celle du 3 avril 1955, pouvant appliquer l’état d’urgence sur tout ou partie du territoire national pour mener la lutte contre le terrorisme. Conformément à l’article 15 de la Constitution de 1958, le chef de l’État est également le chef des armées et peut décider, après avis du Premier ministre, de déployer des forces armées sur le territoire national pour venir appuyer les forces de sécurité intérieure dans le cadre de la Défense Opérationnelle du Territoire. La réaction du secrétaire général du RPR reste donc à relativiser fortement. La lutte contre le terrorisme concerne aussi bien l’Élysée que Matignon. Deux jours plus tard, un nouvel attentat est déjoué mais fera tout de même deux morts, deux policiers, et un blessé, un serveur, qui tentaient de déplacer l’explosif dans un endroit moins fréquenté27. L’attentat est revendiqué cette fois par le groupe Parti De la Liberté (PDL)28. Le Premier ministre, Jacques Chirac prend des mesures sécuritaires fermes. Dès le 14 septembre, il prône un renforcement des moyens de police, l’extension des contrôles dans les lieux publics, le rétablissement des visas pour les citoyens ne provenant pas de Suisse ou de la CEE et le renforcement des contrôles aux frontières29. C’est pour cette dernière mesure que le Premier 27 La bombe était dissimulée dans un pot de fleur quand une passante remarque ce dernier, abandonné dans la rue, étant assez lourd, prévient un maître d’hôtel qui à son tour préviendra deux gardiens de la paix en faction sur les Champs-Elysées 28 Ag.L. « Au Pub Renault, sous une table de box... », dans Le Monde [En ligne], publié le 16 septembre 1986. [Consulté le 21/01/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1986/09/16/au-pub-renault-sousune-table-de-box_2928960_1819218.html 29 Journal télévisé du 20 Heures d’Antenne 2 du 15 septembre 1986. [Consulté le 21/01/2020] https://www.youtube.com/watch?v=mQOVru97sA8

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ministre, en accord avec le président de la République, a décidé le déploiement de 1000 militaires pour apporter leur concours à la Police de l’Air et des Frontières et à la douane. Ces militaires assureront donc cette mission en effectuant des patrouilles à la frontière afin que policiers et douaniers puissent se concentrer sur la surveillance des gares, aéroports et ports. Ce déploiement presque inédit30 de militaires sur le sol national comporte de nombreuses problématiques. Par exemple, ces derniers ne peuvent constater une quelconque infraction. Ils seront alors accompagnés dans leur patrouille par un officier de police judiciaire31. Malheureusement, le lendemain, une nouvelle explosion se produit à la préfecture de Police de Paris. Cette explosion provoque le décès d’une personne et blesse 56 personnes. Le 16 septembre, un restaurant du nord de Paris sera victime d’un attentat. Une bombe y explosera et fera un blessé. Le 17 septembre sera la date de l’attentat le plus meurtrier de tous ceux de 1985-1986. Ce dernier s’est produit devant le magasin de la marque Tati, à Paris. On compte 7 morts et plus de 55 blessés. Ce sera également le dernier de la vague de 1985-1986 touchant la France. Cet attentat marquera la fin définitive de la concorde politique décidée il y a plusieurs fois. Le président Mitterrand maintient son voyage officiel en Indonésie devant se dérouler du 16 au 19 septembre. Cela a fait l’objet d’une vive polémique. L’Élysée riposte en déclarant que « le terrorisme ne doit pas empêcher un déplacement du

30 C’est la deuxième fois que des militaires seront déployés sur le sol national, en appui des forces de sécurité intérieure. L’armée a été déjà assuré cette mission de protection après l’attentat de la rue des Rosiers à Paris, en 1982. 31 J.I, « L’armée à la rescousse » dans Le Monde [En ligne], publié le 17 septembre 1986. [Consulté le 21/01/2020] https://w w w.lemonde.fr/archives/article/1986/09/17/l-armee-a-la-rescousse_2928473_1819218.html

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président de la République. Le contraire aurait été une manifestation de faiblesse »32. Les attentats de 1985-1986 ont donc choqué les Français et amèneront à un renforcement voire à la création d’un véritable arsenal juridique dans la lutte anti-terroriste. En effet, avant ceux-ci, la justice française ne disposait pas réellement d’armes contre le terrorisme. Ce dernier n’était pas défini juridiquement. Françoise Rudetzki33 parlera même de « déni d’une réalité terroriste »34 dans le sens où les pouvoirs publics niaient cette réalité jusqu’au milieu des années 1980. Il aura fallu une vague d’attentats meurtriers pour que la législation anti-terroriste évolue. Les conséquences législatives et juridiques des attentats frappant la France

L’arsenal juridique français se verra nettement renforcé par deux lois : la loi du 9 septembre 1986 n° 86-1020 relative à la lutte contre le terrorisme et la loi n° 86-1322 du 30 décembre 1986. La première loi a été promulguée au bout de quatre mois notamment en raison d’un contrôle de constitutionnalité d’un de ces articles opéré par le Conseil constitutionnel, saisi le 8 août 1986 par au moins 60 sénateurs, dans une décision du 3 septembre 1986.

32 L J/Y, « Le demi-silence et l’absence de M. Mitterrand » dans Le Monde [En ligne], publié le 17 septembre 1986. [Consulté le 21/01/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1986/09/17/le-demi-silence-et-l-absence-de-m-mitterrand_2929778_1819218.html 33 Françoise Rudetzki a été grièvement blessée lors d’un attentat terroriste survenu en 1983. Depuis cette date, elle se battra auprès des autorités politicojudiciaires françaises pour faire évoluer la législation en matière de lutte contre le terrorisme. 34 « Entretien avec Françoise Rudetzk » dans Les Cahiers De La Justice, publié le 9 février 2017, pp.227-233.

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La loi du 9 septembre 1986 définit juridiquement, pour la première fois, la notion de terrorisme à l’article premier de cette celle-ci qui renvoie au code de procédure pénale. Il est question d’infractions terroristes quand « elles sont en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur »35. Il est également question de la primauté de ce code concernant ces incriminations terroristes, que les juridictions parisiennes soient compétentes en matière de terrorisme sur le territoire national36 pour une meilleure centralisation et les autres juridictions nationales doivent donc se dessaisir au profit de ces dernières. Elle prévoit également la création de cours d’assises spéciales qui agiront sans jurés populaires mais uniquement par des magistrats professionnels37 afin de juger les terroristes ou complices38. Le Conseil constitutionnel, saisi le 8 août 1986, dans sa décision n°86-213 DC du 3 septembre 1986, a estimé que cela ne méconnaissait pas le principe d’égalité devant la justice étant donné que la cour d’assises spéciales jouissait tout de même d’une totale indépendance et impartialité et que les droits de la défense étaient préservés39. Ensuite, elle aggrave sensiblement les sanctions en cas d’atteinte, au moyen d’explosifs ou dispositifs incendiaires, à des statues, monuments ou autres objets destinés à l’utilité ou à la décoration publique40. Les sanctions encourues passent d’une 35 Article 706-16 du code de procédure pénale, version en vigueur du 10/09/1986 au 01/03/1994. 36 Article 706-17 du code de procédure pénale. 37 Article 706-25 du code de procédure pénale, version en vigueur du 10/09/1986 au 31/12/1986. 38 Article 698-6 du code de procédure pénale. 39 Considérant n° 13 de la décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 du Conseil Constitutionnel. 40 Ces actes furent incriminés par les articles 257 et 257-1 de l’ancien code pénal et ont été abrogés par le nouveau code pénal de 1994.

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échelle de 500 F à 30 000 F à 5000 F à 200 000 F avec une peine d’emprisonnement comprise entre cinq à dix ans et jusqu’à dix à vingt ans si commis en bande organisée. Elle modifie les dispositions de l’article 462 de l’ancien code pénal en sanctionnant les détournements d’aéronefs en vol, de navires en mer par violence ou menace de violence ou bien leur utilisation de la réclusion criminelle à perpétuité de 5 ans à 10 ans. Cette peine d’emprisonnement est aggravée si des blessures ont été commises (réclusion criminelle à perpétuité de 10 à 20 ans), si des personnes sont décédées (réclusion criminelle à perpétuité). Cet article précisera, en outre, les conditions pour déterminer quand un aéronef est considéré en vol. Pour qu’il le soit, il faut que « l’embarquement étant terminé, toutes ses portes extérieures ont été fermées jusqu’au moment où l’une de ces portes est ouverte en vue du débarquement. En cas d’atterrissage forcé, le vol est censé se poursuivre jusqu’à ce que l’autorité compétente prenne en charge l’aéronef ainsi que les personnes et biens à bord »41. Une disposition de la loi a été censurée par le Conseil constitutionnel. Aux termes de l’article 4 de la loi de septembre 1986, l’article 702 du code de procédure pénale relatif aux atteintes à la sûreté de l’État aurait dû être modifié. Il était prévu que l’avocat ne puisse intervenir qu’au bout de la 72e heure de garde à vue. Les détracteurs de cet article estiment que ce dernier méconnaissait le principe de liberté individuelle. Le Conseil constitutionnel censurera cet article, dans sa décision du 3 septembre 1986, car cela engendrerait des discriminations injustifiées et une inégalité de garanties entre justiciables42.

41 Article 462 de l’ancien code pénal de 1994. 42 Considérant n° 24 de la décision n° 86-213 DC du 3 septembre 1986 du Conseil Constitutionnel.

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Cette première loi anti-terroriste modifie également l’article premier de la loi n°1936-01-10 du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées. Ce dernier précise dorénavant que le chef de l’État a la possibilité de dissoudre les associations ou groupements de fait se livrant à diverses actions comme des manifestations armées dans la rue, des commissions d’actes terroristes sur le territoire national ou à partir de ce dernier en France ou à l’étranger, de porter atteinte à l’intégrité territoriale de la République et enfin comme la provocation d’actes racistes ou violents contre un individu ou groupe d’individus. En outre, un fonds de garantie est créé pour les victimes d’actes de terrorisme43. Ce fond de garantie prévoit une indemnisation intégrale des dommages corporels. Le fond est basé sur la solidarité nationale via un prélèvement sur les contrats d’assurance. Le FGTI a certainement été créé dans le but d’atténuer la responsabilité de l’État44. Des conditions subsistent néanmoins pour se faire indemniser. Il faut donc que ce soit une infraction intentionnelle en relation avec une entreprise individuelle ou collective, ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur45 et que cela ait été commis postérieurement au 31 décembre 198446. La seconde loi, prise en réaction des attentats de 1985-1986, est celle du 30 décembre 1986. Cette dernière agit en complément de celle de septembre. Elle supprime également les termes « atteintes 43 THIELLAY Jean-Baptiste, « Le fonds de garantie des victimes peut se retourner contre l’Etat employeur » dans AJDA, 2009, p.1450. 44 Plusieurs décisions du Conseil d’Etat de 1975 à 1983 ont condamné l’Etat pour faute lourde en matière de prévention du terrorisme. 45 CARIO Robert, « L’indemnisation des victimes d’actes terroristes en France », dans AJP, 2013, p.264. 46 Article 10 de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme.

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à la sûreté de l’État » du titre de la loi de septembre 1986 et permet également aux victimes d’attentat d’avant le 31 décembre 1984 de pouvoir se faire indemniser par le fond de garantie. Des arrêts de la chambre criminelle de la cour de Cassation du 7 mai 1987 no 87-80.822 et du 3 juin 1987 no 87-82.998 sont venus préciser que cette loi de décembre 1986 ne consacrait pas une incrimination spécifique de terrorisme et ne constituait pas un droit dérogatoire47. Ainsi, les lois de septembre et de décembre 1986 posent les premières bases d’une définition du terrorisme et d’une réponse pénale à cette infraction. Ces bases seront renforcées au fur et à mesure de l’évolution du terrorisme international et des événements. La définition du terrorisme de 1986 est reprise dans le code pénal de 1994 à l’article 421-1. Outre ces dernières conséquences terribles sur le territoire national, d’autres conséquences inattendues de ce se soutien français indéfectible à l’Irak se produiront : celles des « affaires » mêlant la France. La politique française secouée par les « affaires » liées au conflit Iran-Irak

La scène politique française sera fragilisée par le conflit IranIrak à cause de deux affaires politiques sensibles et importantes. La première d’entre elle sera l’affaire Luchaire en 1986 et fragilisera grandement le pouvoir exécutif lors de la première cohabitation puis l’affaire Gordji contraignant la France à rompre ses relations avec l’Iran.

47 Il faudra attendre la loi no 96-647 du 22 juillet 1996, faisant suite à la vague d’attentats du GIA à Paris, pour cela.

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L’affaire Luchaire et la vente d’obus à l’Iran : véritable scandale d’État

L’affaire Luchaire étant particulièrement complexe, il conviendra tout d’abord d’étudier sa genèse. Il s’agira également de montrer que le gouvernement français d’alors était gêné par les révélations d’un rapport rendu public et que ce dernier aura des conséquences à la fois judiciaires mais également politiques et législatives. La genèse de l’affaire L’affaire Luchaire débutera dès 1981 quand Daniel Dewavrin est nommé à la tête de la société Luchaire. Pour renflouer les caisses de la société, il doit à tout prix vendre 20 000 obus de 155 millimètres. Cependant, l’armée française n’est pas intéressée car elle produit elle-même ce type de calibre. La guerre Iran-Irak faisant rage, l’armée iranienne manquant cruellement d’obus d’artillerie, allait faire débuter un astucieux stratagème. Dès 1982, environ 40 000 obus de la société Luchaire sont officiellement livrés à la Grèce et au Pérou à partir du port de Cherbourg. Officieusement, ces obus arrivèrent dans un port iranien. Ces derniers souhaitent que les livraisons d’obus s’accélèrent et l’Iran achète donc près de 400 000 obus, pour un montant d’environ 1 milliard de francs. Cependant, dès le début du conflit, le président Mitterrand avait émis, à l’encontre de l’Iran, un embargo total sur les armes et munitions. L’affaire sera révélée par le journal la Presse de la Manche le 28 février 1986. Le retour de la droite au pouvoir, après sa victoire aux législatives de 1986, engendre l’annulation des contrats d’armement passés entre la société Luchaire et l’Iran ainsi que le lancement d’une enquête menée par le contrôleur général des armées JeanFrançois Barba.

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Le gouvernement français gêné par l’enquête administrative : le rapport Barba Jean-François Barba rend son rapport au gouvernement en mai 1986, qui sera rendu public en janvier 1987, et il est édifiant. Il s’avère que le président de la République et la DGSE étaient au courant des agissements de la société Luchaire dès l’année 198448, et pire : qu’ils ont laissé faire. La Direction de la Protection de la Sécurité et de la Défense s’est intéressée de près à ces exportations dès 1984. La DPSD a signalé, auprès du ministère de la Défense, la vente suspecte de 40 000 obus à l’Équateur et la saisie en Égypte d’un navire chypriote transportant 2000 obus. L’enquête se poursuivra et la DPSD identifiera même le lieu de destination finale de ces obus : le port iranien de Bandar-Abbas49. Face aux soupçons de détournements, la Direction des Affaires Internationales opposera son veto à une vente d’obus de la société Luchaire à destination de la Yougoslavie, de la Turquie et de la Thaïlande. Ainsi, entre 1982 et 1986, 384 400 obus ont été détournés au profit de l’Iran par la société Luchaire alors qu’officiellement, le Brésil, la Thaïlande, la Grèce, le Pérou, l’Équateur, le Portugal les ont reçus50. Selon le rapport Barba, deux personnalités influentes du PS, proches de Charles Hernu, auraient reçu des pots de vin grâce à ces ventes d’armes en guise de commissions. Selon deux officiers de l’Armée51, le PS aurait touché également

48 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak, op.cit., p.449 49 « Le rapport Barba sur les ventes d’armes françaises à l’Iran », dans Le Monde [En ligne], 5 novembre 1987. [Consulté le 29/01/2020]. https://www.lemonde.fr/archives/article/1987/11/05/le-rapport-barba-sur-lesventes-d-armes-francaises-a-l-iran_4081432_1819218.html 50 Ibid. 51 Ce sont l’Amiral Lacoste et le Général Wautrin. Ce dernier reviendra sur sa déclaration par la suite.

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et directement des rétros commissions de l’ordre de trois millions de francs. Le gouvernement, mis dans l’embarras, choisit le silence jusqu’à ce que ce rapport soit rendu public par la presse. Cette révélation à la presse engendrera des conséquences juridiques qui resteront polémiques. Les conséquences juridiques de l’affaire Luchaire : un non-lieu polémique Dans un contexte de scrutin électoral, le nouveau ministre de la Défense, Paul Quilès, porte plainte contre la société Luchaire pour infraction à la législation sur le commerce des armes le 13 mars 1986. Le lendemain, le procureur de la République de Paris ouvre une information judiciaire du chef d’infractions sur la législation sur les armes. L’enquête judiciaire est confiée au juge d’instruction Legrand. Ce dernier soupçonne également que des explosifs vendus par la France à l’Iran auraient servi aux groupes terroristes pro-iraniens lors des attentats de Paris de 1985-198652. Une perquisition dans le « Pentagone » français fut ordonnée et réalisée, sans rien trouver de compromettant. Ensuite, au fur et à mesure de ses investigations, il se rend compte que sous le nouveau gouvernement de cohabitation, les exportations d’armes à l’Iran continuèrent. Le 3 novembre 1987, le rapport Barba est déclassifié et il est décidé par le juge Legrand d’un réquisitoire supplétif 53 le 2 décembre 1987 contre Daniel Dewavrin, Guy Motais de Narbonne, François Dubois pour infractions à la législation sur le commerce des matériels de guerre, complicité, faux et usage 52 LEGRAND Michel, Les secrets d’un juge, Paris, Éditions Fayard, 2015, p.153. 53 Il est question de réquisitoire supplétif quand le ministère public ordonne au juge d’instruction de l’informer de faits nouvellement portés à sa connaissance ayant un lien avec l’information judiciaire en cours.

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de faux. Le dirigeant de la société Luchaire est inculpé le 17 décembre 1987 d’infraction à la législation sur le commerce des matériels de guerre, faux et usage de faux, trafic d’influence et corruption de fonctionnaires. Le 17 octobre 1987, la justice obtient la communication du rapport Barba auprès du ministère de la Défense. Le juge Legrand critique la façon dont a été menée l’enquête administrative du contrôleur général Barba. En effet, le contrôleur Barba expliquait au juge Legrand que son statut de militaire lui interdisait d’interroger des civils alors que toute la machination a été orchestrée entre cabinets ministériels et industriels. Le juge Legrand met également en évidence son manque de transparence. Il indique que son rapport devait être soumis à l’approbation de ses supérieurs en permanence et des modifications sont apparues pour préserver la politique étrangère française et le « secret-défense »54. En outre, l’Irak, apprenant la publication du rapport Barba, était furieux et demandait des explications à Paris. La défense de la société Luchaire se base sur le fait que l’embargo émis par la France à l’encontre de l’Iran n’avait pas été traduit dans les textes du Journal Officiel55, donc que les ventes d’armes à l’Iran n’étaient pas illégales. La société remarque également l’absence de critiques du gouvernement socialiste, qui était au courant de ces agissements, et que pour celle-ci, cela valait un consentement implicite. En décembre 1987, Jean-François Dubos et Daniel Dewarvin sont inculpés pour corruption, usage de faux, infraction à la législation sur le commerce des armes. En janvier 1988, l’instruction judiciaire débute sous l’autorité du juge d’instruction Legrand. 54 LEGRAND Michel, Les secrets d’un juge, op.cit., p.153. 55 Il ne l’a énoncé que sur la chaîne TF1.

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Le 16 juin 1989, un non-lieu général est prononcé par le procureur de la République de Paris. Ce non-lieu s’explique tout d’abord par l’absence de documents originaux, malgré les demandes incessantes du juge Legrand de lui fournir les originaux et le ministère de la Défense ne les avait pas tous fournis. L’accusation de faux ne pouvait être retenue. En ce qui concerne l’accusation de corruption, formulée dans le rapport Barba, elle n’était confirmée par aucun élément et n’a donc été retenue. Outre la plainte du ministre de la Défense de 1986, la société Luchaire devra affronter la justice une nouvelle fois face à une association. L’Association Droit contre raison d’État estimait que l’Iran était continuellement dénoncé par différentes résolutions du CSNU depuis 1983 pour crimes de guerre, violations graves des lois et coutumes de la guerre, ainsi que du droit international humanitaire et autres règles relatives aux conflits armés et donc qu’en vendant des armes à l’Iran, la société Luchaire s’est rendue complice de crimes de guerre. Le juge d’instruction de Paris, a été saisi par le parquet, le 16 février 1989, d’une procédure correctionnelle des chefs d’infractions à la législation sur les armes, infractions à la législation sur le commerce des matériels de guerre, complicité, faux et usage de faux, intentée en 1988 par l’association contre la société Luchaire. Le magistrat de Paris a déclaré irrecevable la plainte avec constitution de partie civile déposée en 1988 par cette association. Cette dernière basait sa réflexion sur le statut de Nuremberg sur les crimes de guerre incriminant le directeur de la société Luchaire, Daniel Dewarwin, comme complice de crimes de guerre. Face à cette irrecevabilité, l’association interjette appel. La cour d’Appel de Paris, dans sa décision du 17 mai 1989, n° XP170589X, estime que « la livraison frauduleuse d’armes à un pays belligérant ne peut s’analyser en une complicité de crimes de guerre par fourniture de moyens ». En effet, il faudrait

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vérifier si les obus livrés par la société Luchaire ont contribué aux crimes de guerre commis par l’Iran. Cette décision de la cour d’Appel de Paris s’avère polémique. Polémique car elle exonère la responsabilité de la société Luchaire alors que cette dernière a outrepassé le cadre légal qui lui était imposé : l’embargo français sur les armes à destination de l’Iran. De plus, la justice française n’a pas ouvert une information judiciaire pour le motif de crimes de guerre mais pour violation de la législation (française) sur le commerce des armes. Mais si le juge d’instruction, avec les renseignements fournis par l’association requérante prouvant les crimes de guerre, avait donc eu connaissance de ces derniers, il aurait pu réaliser un réquisitoire supplétif. C’est ce qui est reprochable à ce magistrat. Cette décision est d’autant plus polémique car, au fond, elle ne fait pas toute la lumière sur la société Luchaire et trompe l’opinion publique qui demandait que justice soit faite sur les agissements obscures de la société Luchaire. L’affaire Luchaire et ses suites judiciaires entraînera des conséquences à la fois politiques et à la fois législatives. 56. Les conséquences politico-législatives de l’affaire Luchaire Le président Mitterrand est attaqué par son camp politique et la presse. Laurent Fabius déclare que « cela fait quand même beaucoup... Après le Rainbow Warrior, l’affaire Luchaire, cela fait beaucoup pour un seul ministre, ou pour un seul département ministériel... ». Attaqué car il savait, le président Mitterrand tente de 56 VIE PUBLIQUE, « Interview accordée par M. François Mitterrand, président de la République, à RTL le lundi 16 novembre 1987, notamment sur les ventes d’armes à l’Iran, le financement des partis politiques et l’élection présidentielle de 1988. », sur Vie publique [en ligne], publié le 27 février 2008. [Consulté le 8/02/2020] https://www.vie-publique.fr/discours/141637-interview-accordee-par-m-francois-mitterrand-president-de-la-republique

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se défendre au micro de RTL, le 16 novembre 1987, en ces mots : « (...) la Constitution ne m’a pas confié la charge de vérifier les autorisations d’exportation de matériels de guerre (...) ». Toujours en tentant de se défendre, il maintient que ses consignes n’ont pas été respectées. Ses relations avec le ministre de la Défense, en poste à ce moment, sont également critiquées et critiquables. Serait-ce à cause de son amitié avec Charles Hernu que le président Mitterrand n’a rien dit ni fait ? Cela est quand même troublant qu’un chef de l’État soit au courant d’un tel scandale et ne fasse rien pour le faire cesser, même si effectivement la Constitution n’impose pas au chef de l’État de contrôler les exportations d’armes. Ce qui est troublant plus globalement est le fait de vendre des armes aux deux camps tout en maintenant publiquement son soutien à l’Irak. Même si d’autres Etats, comme les Etats-Unis ou l’URSS ont procédé ainsi, la position de la France au Moyen-Orient s’est nettement affaiblie. La classe politique française voit également son image nettement dégradée par l’affaire Luchaire. Les Français ne lui font plus confiance. Pour tenter de retrouver leur confiance, une conséquence inattendue verra le jour : l’élaboration d’une loi obligeant les élus locaux et les membres du gouvernement de déposer une déclaration de situation patrimoniale à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Cette loi a été un moyen pour le président Mitterrand de redorer son blason sur la scène nationale, et en pleine cohabitation, il exigera que cette loi soit votée avant les élections présidentielles de 198857. Le président de la République pourra compter sur 57 « Les premières lois sur le financement des partis politiques », dans Le Monde [En ligne], publié le 25 août 2006. [Consulté le 14/03/2020]. https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2006/08/25/les-premieres-loissur-le-financement-des-partis-politiques_806398_3208.html

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le soutien des partis centristes pro-giscardiens et pro-barristes, ce qui contraindra le Premier ministre Chirac à consulter les chefs de partis à Matignon. Ce seront la loi du 11 mars 1988  n° 88-227 relative à la transparence financière de la vie politique et la loi organique n° 88-226 du même jour. Cependant, cette Commission ne sera pas réellement efficace bien qu’elle fut chargée de contrôler les déclarations de patrimoine de plus de 6 000 personnalités politiques publiques. Après la dissolution de l’Assemblée Nationale par le président de la République Mitterrand, lors de sa réélection en 1988, le premier scrutin où les partis politiques seront encadrés financièrement sont les législatives de 1988. La seconde affaire affectant le gouvernement français sera l’affaire Gordji qui, elle aussi, aura de nombreuses conséquences. L’affaire Gordji et la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran

Il s’avérera, selon les premiers éléments de l’enquête sur les attentats de 1985-1986, que Wahid Gordji est impliqué dans ces derniers. Cette implication et le refus de l’intéressé de se livrer aux autorités françaises provoquera le siège de l’ambassade iranienne de Paris et au final, la rupture des relations diplomatiques entre Paris et Téhéran. L’enquête judiciaire concernant la vague d’attentats de 1985-1986 En février 1987, un islamiste Tunisien repenti réussit à contacter la DST pour collaborer avec cette dernière sur le réseau terroriste à l’origine des attentats de 1986-1987. Il s’agira d’un réseau terroriste commandé également par un tunisien, Fouad Ali Saleh, proche des groupes manipulés par Téhéran. L’islamiste repenti déclare avoir été recruté par les Iraniens lors de ses études en Iran. Toujours selon cet informateur, les ordres venaient également de Téhéran. La piste iranienne ne fait

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désormais plus de doutes dans l’organisation et le financement de ces attentats. Le réseau terroriste en France est décapité par une vague d’arrestations après les dénonciations de l’islamiste tunisien repenti. Une nouvelle vague d’attentats était prévue. Il apparaît également qu’un certain Wahid Gordji serait le principal coordinateur de ces attentats, sous couvert de son emploi d’interprète à l’ambassade iranienne à Paris. Il s’avère également qu’il était connu des autorités françaises puisqu’en 1985, la préfecture de police de Paris avait tenté de l’expulser du territoire français mais le gouvernement français refusa pour obtenir de meilleures relations avec Téhéran. Après les informations communiquées par le Tunisien repenti, un juge antiterroriste est saisi. Il s’agit du juge Gilles Boulouque. Dès le mois de juin 1987, la DST procède à l’arrestation de 57 ressortissants iraniens en vue de leur expulsion du territoire français. Prévenu par un diplomate58, Wahid Gordji réussit alors à se réfugier dans l’ambassade iranienne à Paris. Commence alors « la guerre des ambassades ». La rupture des relations diplomatiques franco-iraniennes : conséquence de la « guerre des ambassades » La situation entre Paris et Téhéran et très tendue et se tendra davantage quand le chef du gouvernement français, Jacques Chirac, émet un ultimatum à l’Iran. Wahid Gordji devra se présenter devant le juge d’instruction avant le 16 juillet 1987 ou tous les diplomates iraniens en France seront expulsés. Jacques Chirac émet ensuite l’idée d’échanger Wahid Gordji contre les otages français au Liban, détenus par des groupes terroristes pro-iraniens.

58 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak, op.cit., p.449

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L’Iran réagit tout d’abord en condamnant la position de la France et l’accuse de contrevenir à la convention de Vienne. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères a déclaré que « M. Gordji ne doit pas devenir un otage de la France. Il est couvert par l’immunité diplomatique, et toute violation de son statut provoquerait des représailles de notre part »59. L’Iran hausse ensuite le ton et menace la vie des otages. La France réagit en envoyant la police nationale pour placer l’ambassade iranienne de Paris en quarantaine. Personne n’entre, personne ne sort. En réaction, l’Iran attaque, au moyen de vedettes, un porte-conteneurs français dans le Golfe60 et place également l’ambassade française en Iran en quarantaine. L’ambassade iranienne en France est également activement surveillée et l’Iran accuse le secrétaire général de l’ambassade française en Iran d’espionnage et le somme de se rendre devant la justice iranienne. Cette guerre des ambassades durera plusieurs mois. Le ministre de l’Intérieur Charles Pasqua déclarait à ce propos que « s’il est innocent ou s’il se considère comme innocent, on ne voit pas pourquoi il n’irait pas à la convocation »61. Roger Auque, ancien otage du Liban, dans l’avion le ramenant à Paris, interrogeait Charles Pasqua sur cette guerre des ambassades. Sur la question 59 « M. Gordji ne doit pas devenir un otage de Paris », dans Le Monde [En ligne], publié le 19 juillet 1987. [Consulté le 15/03/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1987/07/19/teheran-m-gordji-nedoit-pas-devenir-un-otage-de-paris_4050730_1819218.html 60 « La rupture entre la France et l’Iran et la tension dans le Golfe », dans Le Monde [En ligne], publié le 9 août 1987. [Consulté le 15/03/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1987/08/09/la-rupture-entre-lafrance-et-l-iran-et-la-tension-dans-le-golfe_4048927_1819218.html 61 « M. Pasqua appelle l’Iran à mettre fin à la guerre des ambassades », dans Le Monde [En ligne], publié le 13 août 1987. [Consulté le 15/03/2020]. https://www.lemonde.fr/archives/article/1987/08/13/m-pasqua-appelle-l-irana-mettre-fin-a-la-guerre-des-ambassades_4050243_1819218.html

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de la légalité de procéder ainsi, il répondit « oh vous savez, il faut parfois utiliser le même langage que les terroristes »62. Cette formulation du ministre de l’Intérieur de l’époque, donc de l’un des plus hauts responsables français de la lutte antiterroriste, peut se comprendre. Depuis un an et demi, la France est frappée sur son territoire par des attentats meurtriers, leurs auteurs et soutiens sont connus et l’un d’eux profite de son statut diplomatique pour échapper à la justice française. Si la personne d’un agent diplomatique demeure inviolable63, ici celle de Wahid Gordji, et jouit d’une immunité pénale64, la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques ne leur interdit pas la mise en place d’une quarantaine autour d’un lieu diplomatique et cela montre, en outre, la détermination de la France à ne pas céder face à un État voyou comme l’Iran. L’opinion française est, en outre, révoltée que son ambassade soit également placée en quarantaine. L’ancien président de la République, Valéry Giscard d’Estaing, déclarera que « la France ne doit pas normaliser ses relations avec l’Iran qui est livré à la passion religieuse et au fanatisme »65. Les relations diplomatiques entre Paris et Téhéran seront officiellement rompues le 17 juillet 1987 et inaugureront une période de tensions inédites entre les deux États. Tensions qui ont failli dégénérer en guerre ouverte. La France réagira fortement, la section suivante y sera consacrée. Le 29 novembre 1987, Wahid Gordji se rend aux autorités françaises mettant fin à la « guerre des ambassades ». Le juge Boulouque l’entend mais le relâche aussitôt. Jacques Chirac et François Mitterrand règlent leurs comptes lors du débat télévisé 62 63 64 65

AUQUE Roger, Un otage à Beyrouth, op.cit., p.312. Article 29 de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques. Article 31 de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques. RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak, op.cit., p.630.

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du second tour de l’élection présidentielle le 28 avril 1988 lors du thème du terrorisme. Pour rétablir le contexte, le candidat Chirac insinuait une certaine complaisance du Parti socialiste dans la libération de terroristes. Pour Jacques Chirac, la libération de Wahid Gordji n’a été décidée que par le juge Boulouque66. Pour François Mitterrand, le juge Boulouque a reçu des instructions du gouvernement pour cette libération. Une phrase aura marqué ces échanges et restera célèbre encore aujourd’hui. Jacques Chirac demandait à François Mitterrand « (...) pouvez-vous vraiment contester ma version des choses, en me regardant dans les yeux ? ». Ce à quoi François Mitterrand répond « Dans les yeux, je la conteste (...) »67. Il s’avérera un an et demi plus tard, en septembre 1989, que François Mitterrand reconnaît que Jacques Chirac n’avait jamais tenu les propos pour lesquels il en était accusé. La réaction française à la guerre secrète lancée par l’Iran

La France n’entend pas rester inactive face à ces différentes attaques sur ses intérêts nationaux (les attentats) ou à l’étranger (attaque du commerce international, enlèvements d’otages au Liban, détournement d’avion, attentat contre la présence militaire française au Liban). En représailles, la France prépare des ripostes militaires contre les auteurs de l’attentat du Drakkar de 1983, mais aussi la plus vaste opération navale contre un Etat depuis la crise de Suez de 1956 afin de protéger son commerce maritime dans le Golfe. 66 Le juge Boulouque se suicidera en 1990 après des critiques formulées quant à son indépendance dans l’affaire Gordji par le Parti Socialiste et un syndicat de la magistrature. Il avait été notamment inculpé pour violation du secret de l’instruction. 67 Voir annexe 7 pour la teneur exacte de cet échange houleux entre François Mitterrand et Jacques Chirac à l’occasion de ce débat télévisé.

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Les ripostes militaires engagées suite à l’attentat du Drakkar

La France planifie en simultané deux opérations militaires destinées à punir les auteurs de l’attentat du Drakkar. La première d’entre elle sera un échec total et la seconde un échec opérationnel. L’échec cuisant de l’opération Santé

L’opération Santé est une opération qualifiée d’opération « homo ». C’est-à-dire qu’elle vise à éliminer des éléments de groupes terroristes sur ordre du chef de l’État et est pilotée par le Service Action de la DGSE. L’opération Santé est dirigée par le colonel Lorblanchés. L’opération Santé consiste à organiser un attentat à la voiture piégée au moyen d’un véhicule militaire léger, maquillé en un véhicule sanitaire avec l’emblème de la Croix Rouge68, devant l’ambassade d’Iran à Beyrouth, dans la nuit du 6 au 7 novembre 1983. Cette opération reste un échec cuisant étant donné qu’ils ont été repérés et les bombes présentes dans le véhicule ont été désamorcées. La police libanaise mène l’enquête et conclut que ce véhicule a été volé à un détachement militaire français à Beyrouth mais le plus surprenant est que les militaires français n’aient déclaré qu’aucun vol n’avait été commis. La réaction politique iranienne à cet attentat manqué est virulente. Le chargé d’affaires français à Téhéran est convoqué en urgence le 7 novembre. Le lendemain, le président de l’Assemblée nationale iranienne lance un véritable réquisitoire contre la France. En France, les dirigeants politiques sont contrariés par cet attentat manqué. Pour Paris, ce n’est « qu’une sale affaire de

68 PEAN Pierre, La Menace, op.cit., p.122.

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barbouzes »69, rien d’officiel donc. Quelque chose d’autre de plus officiel se prépare à Paris. Le déclenchement de l’opération Brochet

Depuis les attentats de Beyrouth, au début du mois de novembre 1983, les échanges de renseignements entre DGSE, CIA et Mossad s’intensifient. Une opération conjointe entre les Israéliens, les Américains et les Français se dessine de plus en plus. Selon les services de renseignements, les attentats de Beyrouth sont l’œuvre du régime syrien exécutant les ordres de Téhéran pour attaquer les forces occidentales dans la région. La cible est déterminée. Ce sera une caserne de l’armée syrienne en banlieue de Damas, à Baalbek, regroupant plus de 2000 soldats et protégée par d’importants systèmes de défense anti-aérienne. Les Américains débuteront l’opération par le brouillage des systèmes de radars syriens pour que l’aviation alliée puisse mener ses raids de représailles. Les alliés coopéreront, en outre, dans le cadre de missions Search and Rescue si des avions venaient à être abattus en territoire syrien. Le 16 novembre, l’aviation israélienne cible cette caserne et fait 30 morts. Le même jour, le chef de l’État François Mitterrand, en véritable chef de guerre, martèle alors que « le crime ne restera pas impuni »70 et donne son feu vert au déclenchement de l’opération Brochet pour « venger » la mort des 58 soldats français tués à Beyrouth quelques semaines plus tôt. Après son passage à la télévision, le chef de l’Etat descend dans le PC Jupiter, sous l’Élysée, avec son chef d’état-major des Armées et le ministre de la Défense Charles Hernu. Il est notamment décidé que l’ensemble des forces françaises du Liban passe en alerte noire. C’est69 Ibid. 70 Ibid., p.123.

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à-dire que l’on s’attend à des représailles fortes sur le contingent français au Liban. L’opération française débute le lendemain, dans l’après-midi. 8 chasseurs-bombardiers maritimes SuperEtendard et 2 chasseurs intercepteurs F-8 Crusader décollent du porte-avions Clémenceau basé à proximité des eaux libanaises. Les avions de l’aéronavale française largueront 34 bombes sur la caserne syrienne mais seulement deux atteindront leur cible. L’opération Brochet, si elle peut être un succès diplomatique et montre que la France peut riposter à des attaques, est un échec opérationnel total. Rien ne se déroule comme prévu. Tout d’abord, les Américains ont demandé aux Français de reporter leur opération. François Mitterrand décide tout de même de la maintenir71. Un des dix avions français se fait repérer par les radars syriens. L’effet de surprise est donc anéanti. La caserne visée était vide de tout soldat. Selon certaines informations, notamment du directeur adjoint du cabinet du chef de l’État, des fuites auraient été organisées en haut lieu en France à destination de la Syrie. En effet, à ce moment-là, une rivalité était croissante entre les ministres de la Défense et des Affaires étrangères. Le ministre de la Défense Charles Hernu était favorable à des frappes de représailles contre les auteurs de l’attentat du Drakkar alors que le ministre des Affaires étrangères Claude Cheysson souhaitait les ménager. Le chef de l’État a dû trancher et une opération militaire a été décidée. Après l’échec opérationnel de cette mission, il s’avère que l’amiral Bernard Klotz, chef de l’opération, a appris quelque temps après l’opération que des fuites ont été organisées par les services de Claude Cheysson, notamment par un de ses 71 D’ORCIVAL François, « Raid de représailles sur Balbek » dans Valeurs actuelles [en ligne], publié le 14 décembre 2015. [Consulté le 18/03/2020] https://www.valeursactuelles.com/raid-de-represailles-sur-baalbek-57809

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diplomates, grâce aux informations données par un général libanais et par Hussein Yatim, un des dirigeants du groupe Amal72. La caserne visée a donc pu être vidée de tous ses soldats grâce à ces informations. Le diplomate en question n’a jamais été sanctionné et a même été promu ambassadeur de France à Madrid73. Cette opération montre donc l’amateurisme au sommet de l’État lorsque des opérations militaires sont réalisées. Par jalousie et orgueil certainement, puisque l’option militaire a été choisie par le chef de l’État, les services du Quai d’Orsay ont orchestré ces fuites vers la cible déterminée plus tôt. Cela s’apparenterait à un crime de haute trahison et plus particulièrement d’intelligence avec l’ennemi, sanctionné par le code pénal. En effet, l’article 72 du code pénal de 1984, dans son premier alinéa, mentionne que « sera coupable de trahison et puni [*sanction*] de mort [*abolie et remplacée par la détention criminelle à perpétuité*] tout Français qui livrera à une puissance étrangère ou à ses agents, sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit, un renseignement, objet, document ou procédé qui doit être tenu secret dans l’intérêt de la défense nationale (...) »74. En outre, cette opération fit la une du numéro de Paris Match du 16 novembre 1983. Tout était mentionné dedans, y compris la cible des avions français. Enfin, au moment du conseil des ministres du 23 novembre, il est question d’un problème de sémantique. Selon le chef de l’État, ce n’est pas un raid de représailles mais de dissuasion. Cette opération française contre une caserne syrienne alimentera encore plus le chaos au Liban où des 72 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak, op.cit., p.420. 73 Ibid. 74 Cette disposition du code pénal de 1984 a été abrogée au 1er mars 1994 et cette incrimination d’intelligence avec l’ennemi est présente à l’article 411-5 de l’actuel code pénal français.

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partisans chiites réclament vengeance. Des tirs d’armes lourdes sont effectués contre les emplacements des soldats français de la FINUL. L’Iran répliquera fortement également. En décembre 1983, des attentats ont lieu au Koweït visant des intérêts français et américains et feront cinq morts. Au Liban, le lendemain, trois véhicules militaires français sont attaqués, un soldat y perdra la vie. Le 15 décembre, un soldat français en faction au Liban est assassiné. Le 21 décembre, un attentat au camion piégé est perpétré sur un poste militaire français tuant un soldat français et 14 libanais. Le même jour, le groupe terroriste Jihad islamique donne dix jours à la France pour quitter le Liban. Pour rassurer le contingent français sur place, le ministre de la Défense Charles Hernu est envoyé à Beyrouth pour passer le Nouvel An aux côtés des soldats français. L’ultimatum du groupe terroriste arrive à expiration et le même jour, un attentat est commis à Marseille, à la gare Saint Charles et dans le TGV Marseille-Paris faisant quatre morts. Ces opérations militaires françaises, opérations Santé et Brochet, sont donc un fiasco total puisqu’elles ne sont pas parvenues à intimider l’Iran, bien au contraire. Après la riposte militaire très limitée sur les auteurs de l’attentat du Drakkar au Liban et suite à l’affaire Gordji, la France et l’Iran étaient au bord de la guerre. La France choisit une position d’extrême fermeté face à l’Iran en déployant un groupe aéronaval à portée directe du territoire iranien. Le déclenchement de l’opération Prométhée dans le Golfe

Pour rappel, les relations franco-iraniennes sont rompues dès le 17 juillet 1987. À partir de cette date, tout va s’accélérer pour la Marine française.

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Le 25 juillet, le porte-avions Clémenceau passe en état d’alerte et doit appareiller dans les 24 heures pour une mission dite « outre-mer »75. Le 28 juillet, la destination est connue : le nord de l’océan Indien. Le 29 juillet, le Premier ministre Jacques Chirac déclarait « nous n’avons aucune intention agressive, mais nous exigeons d’être respectés et nous ferons en sorte de l’être.  76» Le lendemain, le chef de l’État déclenche l’opération Prométhée dans le golfe Persique au moyen d’un groupe aéronaval (GAN) du porte-avions Clémenceau, de son groupe aérien embarqué et de son escorte (composée de 14 navires). Ces derniers sont regroupés au sein de la Task Force 623 (TF623). Cette dernière se divise en trois Task Group (TG). Le premier est composé d’escorteurs et de frégates chargés de la protection des navires marchands sous pavillon français (TG623.1), le deuxième Task Group est composé du GAN qui a un rôle de soutien et de représailles si la situation l’exige (TG623.2) et le dernier Task Group est chargé de la lutte contre les mines et doit sécuriser les voies maritimes à proximité du détroit d’Ormuz (TG623.3). Ce GAN, commandé par le contre-amiral Le Pichon, aura pour mission de montrer la détermination de la France à ce que ses otages soient libérés et de trouver une issue à la « guerre des ambassades » déclenchée quelques mois plus tôt. 75 « Le « Clemenceau « et son escorte mettraient quinze jours pour rallier la mer d’Oman », dans Le Monde, [En ligne], publié le 28 juillet 1987. [Consulté le 17/03/2020] https://www.lemonde.fr/archives/article/1987/07/28/le-clemenceau-et-son-escorte-mettraient-quinze-jours-pour-rallier-la-mer-d-oman_4044122_1819218. html 76 « M. Chirac : « Nous n’avons aucune intention agressive mais nous exigeons d’être respectés»  », dans Le Monde, [En ligne], publié le 31 juillet 1987. [Consulté le 17/03/2020]. https://www.lemonde.fr/archives/article/1987/07/31/m-chirac-nous-navons-auc u ne-i ntent ion-ag ressive-ma is-nous-ex igeons-d-etre-respectes_4045456_1819218.html

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Le GAN français arrive sur le lieu de sa mission à la mi-août. Il s’avère que les forces françaises ont obtenu des règles d’engagement souples. Elles pourront ouvrir le feu même en cas d’intention jugée non hostile. Le président Mitterrand s’est exprimé en ce sens le 2 octobre 1987 : « Toute agression contre un bâtiment français serait évidemment suivie d’une riposte légitime »77. Le contre-amiral Le Pichon déclara également que «  le Groupe aéronaval est un bâton particulièrement efficace pour le Gouvernement, ne serait-ce que par la menace d’un coup bien envoyé à un moment précis et en un lieu précis »78. Dans le même temps, une opération aérienne contre les installations pétrolifères en territoire iranien est planifiée. Cependant, ce puissant GAN doit rester crédible aux yeux des Iraniens et donc remplir trois défis majeurs. Le premier sera de répondre et de se rendre immédiatement disponible en cas d’attaque sur les voies navigables du Golfe. Ce sera le cas le 20 janvier 1988 quand la frégate Dupleix se portera au secours d’un navire libérien attaqué par des vedettes rapides iraniennes. Cette frégate effectuera des tirs de semonces contre ces vedettes iraniennes, faisant cesser immédiatement leur attaque. Le deuxième est de rester suffisamment dissuasif pour maintenir cette crédibilité aux yeux des Iraniens. Cette dissuasion s’opérera par des patrouilles dans les eaux du golfe Persique à de nombreuses reprises pour montrer au pouvoir iranien qu’en cas de nécessité, la France pourrait frapper le sol iranien à tout moment et à tout point. Le dernier défi repose sur la durée d’engagement des forces françaises dans 77 GUILLEMIN Dominique, «  L’APOGÉE DE LA « DIPLOMATIE DU PORTE-AVIONS » - L’OPÉRATION PROMÉTHÉE (1987-1988) », sur Cols Bleus [en ligne], publié le 7 septembre 2018. [Consulté le 17/03/2020] https://www.colsbleus.fr/articles/10917 78 Ibid.

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le Golfe pour rester crédible. L’opération Prométhée aura duré 415 jours, de juillet 1987 à septembre 1988. Ce qui est inédit depuis une trentaine d’années. Au fur et à mesure de l’avancée du conflit entre l’Iran et l’Irak, la relation entre Paris et Bagdad se dégradera progressivement, notamment en raison du fait que Bagdad est devenu un allié de plus en plus encombrant sur la scène nationale et internationale mais également un allié qui ne solde pas ses dettes. La France vend, en effet, ses armes à crédit.

Chapitre 2  La fin progressive de l’amitié entre Paris et Bagdad

La France a de plus en plus de mal à assumer son alliance ou plutôt sa cobelligérance aux côtés de l’Irak contre l’Iran. Progressivement, la France abandonne son allié irakien et tenter de se rapprocher de l’Iran. Au final, la France règlera les différends qu’elle avait avec l’Iran. L’abandon progressif occidental en général, français en particulier, de l’allié de circonstance irakien

Le gazage des Kurdes, en représailles à leur soutien à l’Iran, par les forces de Saddam Hussein donnera prétexte à la France de se séparer de cet allié devenu de plus en plus gênant sur la scène internationale et la France avait de plus en plus de mal à assumer cette relation diplomatique particulière. D’autant plus que l’Irak a contracté une dette colossale auprès de la France et il éprouvera des difficultés à la lui rembourser.

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La timide condamnation française de l’attaque chimique irakienne

Il conviendra, pour commencer, d’évoquer brièvement ce bombardement chimique sur une ville irakienne. La diplomatie française n’aura pas été à la hauteur et aura fait preuve de manquements et d’hypocrisie notable dans la condamnation de cette attaque. L’attaque chimique irakienne sur la ville irakienne d’Halabja

Dans un contexte d’offensive iranienne dans le Kurdistan irakien et de déroute puis de défaite irakienne dans cette région, Saddam Hussein souhaite punir tous les « traîtres » et parmi eux figurent les Kurdes irakiens présents dans cette région. Il utilisa une phrase terrible auprès de ses généraux en évoquant les Kurdes irakiens « tuez-les tous !1 ». Le 16 mars 1988, ce fut chose faite. Une dizaine de chasseurs-bombardiers irakiens Mig 23 bombardèrent la ville d’Halabja. Des reporters iraniens, à proximité, couvrent cette tragédie. Des secours iraniens affluent et dénombrent 3000 victimes. Ce bombardement chimique est un succès stratégique puisque les troupes iraniennes n’osent plus s’avancer en territoire irakien mais c’est un échec diplomatique pour l’Irak. En effet, cet acte terrible et illégal contraindra les capitales occidentales à se distancer timidement de Bagdad. Face à un tel massacre, la diplomatie française réagira mollement au gazage de ces populations civiles.

1

RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak, op.cit, p.663.

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L’hypocrisie terrifiante de la diplomatie française

La réaction de la diplomatie française sera timide du fait que la France attendra longtemps avant de condamner l’acte terrible irakien. La presse française s’insurge. En effet, le journal Liberté mentionnait que « le bombardement chimique par le régime irakien de plusieurs régions kurdes d’Irak, d’Iran et de Turquie n’a toujours pas été condamné par les autorités françaises, accusées de complicité par Téhéran »2. Les porte-paroles de l’armée iranienne et de l’Union patriotique du Kurdistan, indiquaient « nous élaborons un dossier identifiant les firmes de France, d’Allemagne, de Belgique et d’Espagne qui fournissent à l’Irak les éléments lui permettant de produire ces armes chimiques »3. Le journal ajoute que le bombardement chimique a été opéré à partir d’un avion de conception française Mirage. Aujourd’hui, il est démontré que ce furent des avions de conception soviétique qui ont participé à ce bombardement terrible. Des manifestations seront organisées le 23 mars 1988, en France, devant l’ambassade irakienne à Paris, par les syndicats étudiants de l’UNEF et différents partis de gauche rejoindront les manifestations. Le Parti socialiste français sera le premier à condamner en France cette action de l’Irak. Il le fera dès le 24 mars, avant que le gouvernement ne communique officiellement. L’artisan du soutien français à l’Irak, Valéry Giscard d’Estaing s’inquiétera même « du silence de la France à la suite de l’utilisation par l’Irak d’armes chimiques au Kurdistan »4 auprès du ministre des Affaires 2 3 4

GERMAIN-ROBIN Françoise, « Silences sur une tuerie », dans Liberté, publié le 25 mars 1988. « La France fournirait des armes chimiques à l’Irak », dans Presse de la Manche, publié le 14 avril 1988. Lettre de l’Expansion, publié le 18 avril 1988.

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étrangères Jean-Bernard Raimond. Face à tant d’accusations, la France s’est vue dans l’obligation de rédiger un communiqué. Le Quai d’Orsay exprimera le 25 mars, soit neuf jours après l’attaque chimique, sa « très grande préoccupation, ainsi que celle du gouvernement à la suite d’informations selon lesquelles des armes chimiques auraient été récemment utilisées dans le cadre du conflit tragique qui oppose l’Irak et l’Iran »5. Il ajoute, en outre, « condamner cette pratique illégale ». Il faut tout de même rappeler qu’en 1986, la France exprimait la possibilité d’utiliser elle-aussi des armes chimiques en cas de conflit (par exemple contre l’URSS)6. L’usage de gaz est formellement interdit depuis la Convention de la Haye de 1899. Ce communiqué du Quai d’Orsay reflète donc une grande hypocrisie. La condamnation française n’ira pas plus loin. Un rapport des Nations Unies, rendu public le 26 avril 1988, s’abstient de condamner l’usage de gaz chimiques par l’Irak. L’hypocrisie de la communauté internationale est terrible. Outre le gazage de populations civiles, ce qui contraindra Paris à, progressivement, se détourner de Bagdad sera son imposante dette contractée depuis maintenant plus de dix ans auprès du complexe militaro-industriel français. La dette colossale de l’Irak contractée par l’achat d’armement français

La dette que l’Irak a contractée auprès de la France n’a cessé de grimper au cours de ces huit années de conflits. En 1981, cette dette s’élevait déjà à 15 milliards de francs7. Elle s’élevait à 23 5 6 7

« La France condamne la guerre chimique », Var Matin, publié le 25 mars 1988. La loi de programmation militaire 1987-1991 allouait un budget de 700 millions de francs pour la doctrine sur les armes chimiques françaises. GARCON José, « La France et le conflit Iran-Irak », dans Politique étrangère, n° 2 - 1987 - 52e année. pp.357-366.

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milliards de francs en 19868. À partir de cette date-là, le chef du gouvernement français, Jacques Chirac, accepte de vendre des armes à l’Irak à crédit9. À la fin du conflit, le montant de la dette irakienne s’élevait à 28 milliards de francs10. Au total, l’Irak a contracté pour 80 milliards de dollars de dettes auprès de ses différents soutiens. L’espoir que cette dette soit remboursée à la France faiblissait de plus en plus au regard de la situation sur le champ de bataille entre l’Iran et l’Irak. Cette dette grandissante et colossale est une source de discorde entre les deux alliés français et irakiens. En témoigne les nombreux voyages officiels du numéro deux du régime de Bagdad, Tareq Aziz, à Paris pour tenter de rééchelonner sa dette. Face au risque de plus en plus grandissant de ne jamais se faire payer, la France exigea de l’Irak un remboursement en pétrole en mai 1983. La France accepta de rééchelonner une nouvelle fois la dette irakienne. En effet, Paris et Bagdad ont signé un accord en septembre 1989 prévoyant le remboursement de 8.5 milliards de francs qui s’opérera progressivement. L’Irak a déjà versé un acompte de 1.5 milliard de francs et a obtenu de la France un délai de six ans pour solder le reste mais il n’aura versé en définitive que 1.5 milliards de francs entre 1988 et 1991. En 1989 également, l’Irak demande à acheter 50 avions Dassault Mirage 2000 C à la France. Devant l’insistance du ministère des Finances pour que cette

8 Ibid. 9 COHEN Samy, La défaite des généraux, Éditions Fayard, 1994, p.164. 10 « IRAK Les relations économiques avec la France sont en voie d’apaisement », dans Le Monde [En ligne], publié le 3 août 1990. [Consulté le 02/04/2020]. https://www.lemonde.fr/archives/article/1990/08/03/irak-les-relations-economiques-avec-la-france-sont-en-voie-d-apaisement_3988182_1819218.html

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vente à crédit ne se fasse pas, le gouvernement français refusa la vente11. Le soutien français sans failles à la coalition internationale créée pour libérer le Koweït, envahit en 1990 par l’Irak, ne serait pas étranger au fait que la France n’ait vu qu’une partie de sa dette remboursée. D’autant plus que durant cette guerre, des armes françaises détenues par l’Irak tireront sur des soldats français. Ce sera donc le contribuable français qui paiera le reste du fait de la garantie d’État aux entreprises françaises vendant à l’Irak ; ce dernier n’étant plus solvable. La France est de plus en plus gênée par son allié irakien : attaques chimiques, offensives à outrance, dettes non payées, ce qui la poussera à trouver une solution aux différends avec l’Iran. Les tentatives de rapprochement entre Paris et Téhéran à la fin du conflit

La France est contrainte de rééquilibrer sa position au MoyenOrient notamment en apaisant les relations diplomatiques avec l’Iran, mais également en retirant son groupe aéronaval positionné dans l’océan Indien ou le golfe Persique dissuadant l’Iran de s’attaquer à nouveau au commerce pétrolier français. L’apaisement souhaité des relations diplomatiques entre Paris et Téhéran

Cet apaisement, recherché entre les deux capitales, doit notamment faire face à des obstacles que ces dernières doivent surmonter. Cela le sera par des tentatives de dialogue initiées

11 COHEN Samy, La défaite des généraux, op.cit., p.164.

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par la France et un geste fort de l’Iran : la libération des otages français du Liban. La reprise du dialogue franco-iranien entravée par la présence d’obstacles

L’Iran conditionne sa reprise de ses activités diplomatiques et économiques avec la France en trois points principaux. Tout d’abord, à la libération d’Anis Naccache et de son commando qui avait tenté d’assassiner l’ancien Premier ministre du Chah en 1980, condamné à la prison à perpétuité. Les autres conditions sont le retour de la place d’actionnaire de l’Iran dans le consortium Eurodif et enfin, l’arrêt du soutien militaro-industriel de la France à l’Irak. Ces trois points constituent les obstacles majeurs à une reprise des activités diplomatiques et économiques d’antan entre les deux pays. En ce qui concerne la France, le principal frein au renouveau avec Téhéran est la question des otages français au Liban qui est une condition majeure de Paris à toute reprise des relations diplomatiques et enfin, l’arrêt du soutien politique, financier et diplomatique aux groupes terroristes commettant des actes de terreur sur le sol français. Pour mettre un terme à ces freins dans les relations diplomatiques entre la France et l’Iran, les deux pays seront donc contraints de dialoguer. Les tentatives françaises de dialogue avec l’Iran

Les premières tentatives de rapprochement entre Paris et Téhéran débutent dès 1983 par l’envoi à Téhéran d’un chargé d’affaire français, Jacques Perrin. Il permettra une continuité du dialogue entre les deux capitales à un moment où les tensions sont

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inédites entre les deux pays : attentat du Drakkar, prises d’otages aériennes, enlèvements de ressortissants français au Liban. À partir de 1985, Jacques Perrin est remplacé par Pierre Lafrance à ce poste. Sa mission était triple : apaiser les tensions entre les deux pays, dialoguer avec Téhéran pour désamorcer le contentieux franco-iranien et rendre compte de son action auprès de Paris notamment en ce qui concerne le futur dans les relations franco-iraniennes. Pour cela, Pierre Lafrance justifia auprès de Téhéran la « nouvelle » politique arabe de la France. La France, selon lui, ne chercherait qu’à promouvoir la paix au Moyen-Orient et recherche activement une solution pacifique au conflit irano-irakien. Il convient tout de même de rappeler que cette recherche de la paix par la France passera par des livraisons d’armement de plusieurs milliards de dollars aux armées irakiennes et un soutien indéfectible au régime de Bagdad. Enfin, la réussite de cet apaisement se fera par un geste fort de la part de l’Iran : la libération des otages. La libération des otages français du Liban déterminante dans les relations entre les deux pays

La question des otages français du Liban est une condition sine qua non pour la France à toute reprise des liens avec Téhéran. La France a pu compter sur les soutiens des diplomaties algériennes, tunisiennes, syriennes et libanaises. Cela a déjà été mentionné plus haut, les groupes détenant ces otages conditionnent leur libération à l’arrêt du soutien indéfectible de la France à l’Irak et la libération d’Anis Naccache. En 1986, une nouvelle vague d’enlèvements de ressortissants français a eu lieu au Liban, en période d’élections législatives françaises. Charles Pasqua, devenu ministre de l’Intérieur, estime

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que la solution de cette problématique se trouve à Téhéran. Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Jean-Bernard Raimond, souhaite activement la reprise des relations diplomatiques avec l’Iran mais uniquement si les otages sont libérés. Il déclare en effet qu’« il faut dire à l’Iran que nous souhaitons reprendre les relations normales, ce qui suppose la libération des otages et, de notre part, une décision sur les condamnés du commando qui a attaqué Chapour Bakhtiar »12. En juin, un accord de principe est trouvé entre les deux pays. En échange du remboursement des sommes dues à l’Iran, la France obtiendrait la libération de ses otages. Il était question ici de Philippe Rochot et de Georges Hansen. En 1987, Roger Auque et Jean-Louis Normandin sont libérés. Dans l’avion le ramenant à Paris, interrogeant Charles Pasqua sur les modalités de sa libération, Roger Auque lui a demandé si le chef de l’État avait connaissance de négociations entre la France et les preneurs d’otages. Le ministre de l’Intérieur répondit « bien sûr, je le tiens toujours au courant. Trois semaines auparavant, je l’avais averti des tractations. Trois semaines, ça suffit amplement »13. La libération totale des otages français intervient le 4 mai 1988, au moment du second tour de l’élection présidentielle française, quand Jean-Paul Kauffmann, Marcel Carton et Marcel Fontaine ont été libérés. Ils ont été libérés sous la pression des Iraniens faite sur le Hezbollah libanais. Cette libération a été organisée de concert par les autorités diplomatiques iraniennes et françaises, ce qui témoigne d’un réchauffement des relations franco-iraniennes. La France, par la voix de son Premier ministre (et candidat) Jacques Chirac, tient à remercier en premier lieu l’Iran pour son rôle dans la libération des derniers otages mais 12 TORK LADANI Safoura, L’Histoire des relations entre l’Iran et la France du Moyen-Age à nos jours, op.cit., p.260. 13 AUQUE Roger, Un otage à Beyrouth, op.cit., p.313.

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aussi la Syrie et le Liban pour leur implication. Tous les otages sont sains et saufs mais Michel Seurat, enlevé en 1985, sera la seule victime française lors de ces prises d’otage. Selon sa femme, il était gravement atteint d’un cancer et ses bourreaux l’auraient achevé. Enfin, en guise d’ouverture à destination de l’Iran, la France décidera de retirer son groupe aéronaval menaçant directement de frappes de représailles le territoire iranien si l’Iran décidait de reprendre ses attaques contre les intérêts de la France. Le retrait du groupe aéronaval français du large des côtes iraniennes

Les relations se réchauffant progressivement entre Paris et Téhéran, les attaques de navires pétroliers ou cargos cessant, le conflit Iran-Irak se dirigeant vers un accord de paix, il n’y avait plus aucune raison de maintenir un groupe aéronaval pour dissuader l’Iran d’une quelconque nouvelle attaque. Le groupe aéronaval quitte donc la zone d’opération le 25 mai 1988 et se dirige vers la base navale française de Djibouti. Il la quitte le 6 septembre 1988 pour rejoindre son port d’attache : Toulon, qu’il atteindra le 16 septembre. Démontrant la reconnaissance du gouvernement à la Marine nationale pour cette opération, le ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement a embarqué sur le porte-avions Clémenceau, lors de son escale en Corse, et le Premier ministre Michel Rocard accueillera les marins à Toulon. Il les saluera par cette phrase « Votre mission est accomplie ! »14. Il ajoutera que « l’efficacité dissuasive des bâti14 « Le retour du « Clemenceau « à Toulon « Défense et diplomatie sont indissociables « déclare M. Rocard », dans Le Monde [En ligne], publié le 18 septembre 1988. [Consulté le 02/04/2020].

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ments de combat français à l’intérieur du golfe a été naturellement renforcée par le Clemenceau qui faisait peser par sa simple présence la menace de ses moyens aériens embarqués. Défense et diplomatie sont pour nous indissociables »15. Cependant, la France maintiendra une flottille de sept bâtiments tant que la paix ne sera pas signée entre les deux belligérants pour parer à toute éventualité16. En ce qui concerne son bilan, l’opération Prométhée aura mobilisé 6000 marins et plus de 147 000 tonnes de navires à 9000 kilomètres de leur port d’attache, Toulon. C’est la plus grande opération navale française depuis l’opération Mousquetaire de 1956 visant à reprendre, avec le soutien britannique, le Canal de Suez. Ce vaste déclenchement militaire français aura eu pour mérite de faire cesser les actes de terreurs en territoire français et les attaques de navires français dans le Golfe. C’est un succès de la politique dite « du porte-avions ». Le seul bémol à remarquer est l’absence d’échanges entre marines française et américaine. Sur la même lignée que la France, les États-Unis et le Royaume-Uni ont, eux aussi, lancé une opération navale d’ampleur dans le Golfe, mais aucune coopération, ou presque, entre les trois marines ne s’est effectuée. Même l’Union Soviétique enverra des navires pour sécuriser son approvisionnement en pétrole.

https://www.lemonde.fr/archives/article/1988/09/18/le-retour-du-clemenceau-a-toulon-defense-et-diplomatie-sont-indissociables-declare-m-rocard_4083471_1819218.html 15 Ibid. 16 « Après quatorze mois de présence dans le Golfe Le « Clemenceau « regagne la France », dans Le Monde [En ligne], publié le 6 septembre 1988. [Consulté le 02/04/2020]. https://www.lemonde.fr/archives/article/1988/09/06/apres-quatorze-mois-depresence-dans-le-golfe-le-clemenceau-regagne-la-france_4088767_1819218.html

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Les Américains lancent l’opération Earnest Will le 17 juillet 1987 soit douze jours avant le lancement de l’opération française Prométhée. Le fait de se coordonner avec l’armada limitée17 américaine déployée dans le Golfe aurait pu donner un poids opérationnel plus conséquent au dispositif français mais cela aurait montré aux yeux du Monde, une certaine dépendance française vis-à-vis des Américains pour la protection des intérêts français. Cela aurait été un aveu de faiblesse. Enfin, les missions incombant aux deux flottes sont également différentes. L’opération française Prométhée consistait à dissuader l’Iran d’organiser de nouveaux attentats en France et de pouvoir, le cas échéant, frapper au cœur de l’Iran. Elle consistait en outre, à protéger le commerce maritime français et international des attaques de la marine iranienne alors que l’opération américaine visait exclusivement la protection du commerce maritime international, ce qui explique donc la différence de moyens déployés entre marines américaines et françaises. Cependant, étant donné les tensions croissantes dans le Golfe, les Américains renforcent leur dispositif au moyen 2 GAN, ayant ainsi plus de 170 appareils disponibles et à ce moment-là, la coopération entre Français et Américains aurait pu se concrétiser. Les Américains, comme les Français, ont planifié, chacun de leur côté, une opération de représailles aériennes visant toutes les bases aériennes iraniennes du pays. Ce qui aurait pu provoquer des difficultés si une coopération effective s’était opérée, est la durée d’engagement des forces françaises et américaines. L’opération française s’est terminée en septembre 1987 alors que dans le même temps le dispositif américain est monté en puissance au même moment et l’opération 17 L’US Navy a déployé dans un premier temps pour cette mission un croiseur, un destroyer et deux frégates.

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Earnest Will s’est terminée en même temps que la fin des hostilités entre l’Iran et l’Irak, c’est-à-dire en septembre 1988. La coopération entre les trois marines occidentales déployées ne s’est effectuée timidement et uniquement dans la lutte contre les mines antinavires disposées par les deux belligérants18. Ces tentatives de rapprochement entre Paris et Téhéran seront déterminantes pour mettre un terme à huit années de différends majeurs entre les deux capitales. L’épilogue de la crise franco-iranienne

Le conflit entre l’Iran et l’Irak s’estompe et un cessez-le-feu est signé le 20 août 1988. Après huit années de guerre, ce conflit aura fait près d’un million et demi de victimes militaires comme civiles, des gaz de guerre ont été utilisés par les deux camps notamment contre des civils, des combats de tranchées auront également eu lieu, les deux camps auront également utilisé des adolescents comme enfants-soldats. La fin du conflit entre l’Irak et l’Iran ne signifiera pas pour autant la reprise des relations diplomatiques entre la France et l’Iran. Ce rétablissement des relations diplomatiques sera timide. Les deux pays devront donc œuvrer en vue d’une normalisation plus active de leurs relations. Le rétablissement timide des relations diplomatiques franco-iraniennes

Une fois l’affaire Gordji terminée et, avec elle, la « guerre des ambassades », le pouvoir français est disposé à entrevoir la possibilité de renouer avec Téhéran tout en continuant le soutien militaire important aux pays du Golfe face à l’Iran. 18 RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak, op.cit., p.643.

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C’est donc le 16 juin 1988, que la France et l’Iran renouent des liens diplomatiques19 après presque une année de rupture. Une semaine plus tard, le 23 juin, les ambassadeurs respectifs des deux pays sont envoyés à Paris et Téhéran. L’année suivante marquera réellement un réchauffement plus affirmé entre les deux capitales. En effet, du 5 au 6 février 1989, le ministre français des Affaires étrangères, Roland Dumas, se rend en visite officielle à Téhéran. Cela est inédit pour un pays occidental qu’un membre d’un gouvernement se rende en Iran depuis la Révolution islamique. Le ministre entend se rendre à Téhéran pour régler le différend opposant la France et l’Iran concernant Eurodif. La France entend également participer à la reconstruction de l’Iran déchirée par huit années de guerre. Cependant, le lendemain, lors d’une conférence de presse commune entre les représentants de la diplomatie des deux pays, le ministre iranien Ali Akbar Velayati se montrera agressif et accusera la France de ne pas respecter sa parole20. Il est sous-entendu ici la promesse française faite à l’Iran de libérer le commando d’Anis Naccache en échange des otages français au Liban. Ces derniers ont été libérés mais pas le commando d’Anis Naccache. La situation semble s’apaiser entre les deux pays. Mais le 5 mai 1989, le turbulent président du Parlement iranien, Hachemi Rafsandjani appelle les Palestiniens à « tuer des Américains, des Britanniques ou des Français et à attaquer leurs intérêts dans le 19 « 16-23 juin 1988 - France – Iran. Rétablissement des relations diplomatiques entre Téhéran et Paris », Encyclopædia Universalis [en ligne]. [Consulté le 30/03/2020] http://www.universalis.fr/evenement/16-23-juin-1988-retablissement-desrelations-diplomatiques-entre-teheran-et-paris/ 20 «  5-6 fév rier 1989  -  France – Iran. Visite de Roland Dumas à Téhéran », Encyclopædia Universalis [en ligne]. [Consulté le 30/03/2020] http://www.universalis.fr/evenement/5-6-fevrier-1989-visite-de-roland-dumasa-teheran/

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monde (...) [en représailles] à la brutalité sioniste en Palestine »21. Hachemi Rafsandjani était l’organisateur du rapprochement avec les Occidentaux mais à l’approche des élections présidentielles iraniennes, il semble s’être détourné de son choix initial. Le 8 mai, une avalanche de condamnations est venue de Paris, Londres, Washington, Bruxelles et même de l’OLP face aux propos tenus par le président du Parlement iranien lequel tentera de se rétracter plusieurs jours après, sans succès. Le 21 mai 1991, le président iranien Rafsandjani mentionnait le fait qu’« en dépit de quelques petits problèmes qu’il convient de résoudre, l’Iran considère la France comme une amie et une partenaire pour l’avenir »22. Un autre événement viendra refroidir les timides reprises de dialogue entre Paris et Téhéran. Un des « problèmes » évoqués par le président iranien sera « réglé ». En effet, l’ancien Premier ministre iranien en exil en France, Chapour Bakhtiar, sera assassiné près de Paris, le 6 août 1991, malgré l’imposant dispositif policier mis en place pour sa sécurité23. Téhéran est accusé. Le processus de normalisation est suspendu. La justice française convoque un fonctionnaire de l’ambassade iranienne de Paris. Colère de l’ambassadeur iranien. Cependant, cette colère sera atténuée par les propos du ministre des Affaires étrangères d’Iran qui estime que « c’est une affaire de justice, un incident qui a perturbé l’évolution binaire linéaire des relations iraniennes avec la France. Il faut qu’un dialogue s’établisse entre les justices française 21 «  5-10 mai 1989  -  Iran. Appel au meurtre d’Occidentaux  »,  Encyclopædia Universalis [en ligne]. [Consulté le 30/03/2020] http://www.universalis.fr/evenement/5-10-mai-1989-appel-au-meurtre-doccidentaux/ 22 TORK LADANI Safoura, L’Histoire des relations entre l’Iran et la France du Moyen-Age à nos jours, op.cit., p.266. 23 Il avait déjà fait l’objet d’une tentative d’assassinat en juillet 1980 par un commando dirigé par Anis Naccache.

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et iranienne »24. Un des complices du meurtrier, Zeyn al-‘abedin Sarhadi, s’échappe en Suisse avant d’être arrêté fin 1991 et expulsé vers la France en mai 1992. L’Iran exige sa libération immédiate et formule à nouveau des menaces contre les ressortissants français en Iran. Cela évoque des souvenirs récents. D’autant plus que les relations entre l’Iran et l’Union européenne allaient se tendre quand cette dernière fit le lien entre l’assassinat de l’ancien Premier ministre iranien et un autre assassinat d’une personnalité kurde à Berlin. Un embargo sur les exportations est décidé à l’encontre de l’Iran. Malgré ces tensions, lors du sommet d’Edimbourg de décembre 1992, il est décidé par les différents États membres de maintenir le dialogue et les échanges avec Téhéran. Cette reprise timide des relations diplomatiques entre l’Iran et la France sera amplifiée si le contentieux Eurodif est soldé. La recherche active de la normalisation des relations entre Paris et Téhéran

Les deux pays ont convenu de mettre un terme à leurs différends. Cette normalisation des relations entre Paris et Téhéran passera par un rétablissement progressif et relatif de leurs relations diplomatiques. Elle devra également passer par le règlement du contentieux Eurodif qui empoisonne les relations franco-iraniennes depuis maintenant une dizaine d’années. Et enfin, cette normalisation devra nécessairement comprendre la libération d’Anis Naccache exigée par Téhéran depuis son incarcération.

24 TORK LADANI Safoura, L’Histoire des relations entre l’Iran et la France du Moyen-Age à nos jours, op.cit., p.268.

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La recherche du règlement du contentieux Eurodif

Le contentieux Eurodif était la source principale des tensions entre Paris et Téhéran. Téhéran a œuvré de toutes les manières (attentats, prises d’otage, attaque du commerce pétrolier) pour ramener Paris à la table des négociations et y est parvenu. Cet entêtement iranien vis-à-vis de ce conflit s’explique par le besoin de plus en plus grand pour l’Iran de régler les nombreuses difficultés financières que le pays connaît après huit années de conflit. En effet, l’Iran, avec ce règlement de ce contentieux, obtiendrait environ 2 milliards de dollars de la part de Paris25. Ce règlement de ce différend passera par un premier accord en août 199026 pour la réalisation de grands projets pétrochimiques en Iran  donnant lieu ensuite à une première réunion à Téhéran, en mai 1991, où Roland Dumas est présent pour justement préparer la rencontre entre les deux chefs d’État français et iraniens devant restaurer des relations économiques et diplomatiques entre les deux pays27. Roland Dumas déclarait que « plus rien ne s’oppose au rétablissement de relations politiques normales hautement souhaitables, tant pour le développement des échanges économiques avec un pays qui va entrer en pleine phase de reconstruction,

25 GARCON José, « La France et le conflit Iran-Irak », dans Politique étrangère, n° 2 - 1987 - 52e année. pp.357-366. 26 POSTEL-VINAY André, « Un étrange secret d’Etat », Le Monde Diplomatique [En ligne], publié en avril 1992. [Consulté le 30/03/2020]. https://www.monde-diplomatique.fr/1992/04/POSTEL_VINAY/44332 27 « 3-5 mai 1991 - France – Iran. Progression dans la normalisation des relations franco-iraniennes  »,  Encyclopædia Universalis  [en ligne], [consulté le 30/03/2020]. http://www.universalis.fr/evenement/3-5-mai-1991-progression-dans-lanormalisation-des-relations-franco-iraniennes/

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que pour une concertation diplomatique indispensable, à l’heure où s’ébauche un nouvel ordre régional »28. Au mois d’octobre 1991, ce sera à Paris que sera paraphé l’accord de règlement du différend Eurodif. Il est convenu dans cet accord que la France devra verser à l’Iran le montant de 1.2 milliard de dollars pour rembourser les sommes prêtées par l’Iran en 1975 au Commissariat à l’Energie Atomique. L’accord doit être signé le 29 décembre 1991 et les deux parties ont convenu ensemble de ne pas en divulguer les termes avant sa signature. En effet, les autorités françaises avaient qualifié cet accord de « mémorandum avec mention secrète »29 ne nécessitant donc pas l’aval du Parlement comme l’exige l’article 53 de notre Constitution30. Les autorités françaises se dédouanent en mentionnant le fait que l’Iran insiste pour maintenir la teneur de cet accord secret31. Cet article mentionne, en effet, que les traités qui engagent les finances de l’État doivent faire l’objet d’une loi avant d’être ratifiés. C’est le cas pour cet accord avec l’Iran de 1991 28 TORK LADANI Safoura, L’Histoire des relations entre l’Iran et la France du Moyen-Age à nos jours, op.cit., p.267. 29 POSTEL-VINAY André, « Un étrange secret d’Etat », Le Monde Diplomatique [En ligne], publié en avril 1992. [Consulté le 30/03/2020]. https://www.monde-diplomatique.fr/1992/04/POSTEL_VINAY/44332 30 L’article 53 de la Constitution de 1958 mentionne que « les traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l’organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l’Etat, ceux qui modifient des dispositions de nature législative, ceux qui sont relatifs à l’état des personnes, ceux qui comportent cession, échange ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu’en vertu d’une loi. Ils ne prennent effet qu’après avoir été ratifiés ou approuvés. Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire n’est valable sans le consentement des populations intéressées ». 31 POSTEL-VINAY André, « Un étrange secret d’Etat », Le Monde Diplomatique [En ligne], publié en avril 1992. [Consulté le 30/03/2020]. https://www.monde-diplomatique.fr/1992/04/POSTEL_VINAY/44332

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mais qui ne sera jamais soumis à l’aval du Parlement français. Le fait que cet accord ait été dissimulé à l’autorité devant le contrôler, le Parlement, est inadmissible et montre que le gouvernement n’était pas disposé à négocier avec les différents partis politiques présents à l’Assemblée certainement à cause de la difficulté des négociations menées avec l’Iran. En outre, il n’aurait certainement pas obtenu l’approbation des parlementaires français. Le texte de l’accord aurait quand même dû être présenté devant les chambres du Parlement, peu importe son intitulé, que ce soit « accord sur le règlement du différend Eurodif avec l’Iran » ou « mémorandum avec mention secrète », la finalité du texte reste la même et engage les finances de l’État et, conformément, à l’article 53 de la Constitution, aurait dû être présenté devant le Parlement. C’est une faute grave du gouvernement et il est étonnant qu’à l’époque, personne ou presque, ne soit élevé contre cette pratique. L’accord du 29 décembre 1991 prévoit le versement par la France d’un premier acompte de 550 millions de dollars payable dans les 48 heures, le reste en trois mensualités sur une période d’un an32. Cet accord met également un terme à toutes les actions judiciaires entreprises par Téhéran et Paris sur ce contentieux33. Il prévoit, en outre, que l’Iran redevienne un actionnaire d’Eurodif. Le dernier différend subsistant entre Paris et Téhéran est l’emprisonnement d’Anis Naccache. D’origine libanaise, il est le chef d’un commando qui a tenté d’assassiner Chapour Bakhtiar, en 32 DE GRANDII Michel, « La France et l’Iran parviennent enfin à régler leurs contentieux financiers », dans Les Echos [En ligne], publié le 30 décembre 1991. [Consulté le 30/03/2020] https://www.lesechos.fr/1991/12/la-france-et-liran-parviennent-enfin-a-reglerleurs-contentieux-financiers-959284 33 Le tribunal arbitral de commerce de Lausanne avait imposé à l’Iran le versement de 4,06 milliards de francs au consortium Framatome, Spie Batignolles, Alsthom.

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1980, et a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, pour le meurtre de deux policiers et d’une femme lors de cette tentative d’assassinat. Il est notamment défendu par le célèbre avocat Jacques Vergès. La libération polémique d’Anis Naccache

Le nom d’Anis Naccache est devenu célèbre par la publicité que les groupes terroristes organisant des attentats en France en 1985-1986 ou s’attaquant aux ressortissants et intérêts français à l’étranger lui ont faite. Il avait alerté sur son sort en organisant une grève de la faim du 11 septembre 1989 au 26 janvier 1990. Il a même proposé d’indemniser les victimes de l’attentat manqué contre l’ancien Premier ministre iranien en 1980. Cette libération était une hypothèse depuis les propos de Jacques Chirac en 1987 puis par le président Mitterrand la même année. Après la libération des otages français et la fin de la campagne présidentielle française donnant François Mitterrand comme vainqueur, ce dernier déclare le 8 mai 1988 que « la parole de la France relative à la reprise des relations avec l’Iran serait maintenue »34. La parole de la France sera enfin respectée. Il a été libéré le 28 juillet 1990 après avoir été gracié la veille par le président de la République François Mitterrand. Pourtant, lors du traditionnel entretien avec le chef de l’État du 14 juillet, le chef de l’État déclarait que « J’ai toujours dit que l’on ne pactisait pas avec le terrorisme »35. Anis Naccache et son commando, libérés, ont été immédiatement expulsés vers Téhéran. Cette libération est 34 TORK LADANI Safoura, L’Histoire des relations entre l’Iran et la France du Moyen-Age à nos jours, op.cit, p.262. 35 «  Les cérémonies du Bicentenaire L’entretien télévisé du président de la République », dans Le Monde [En ligne], publié le 16 juillet 1989. [Consulté le 31/03/2020].

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accueillie en demi-teinte par l’ancien président de la République iranienne, en exil en France, Abolhassan Bani Sadr. Il déclare à ce propos qu’il y est humainement favorable mais politiquement contre car « il n’est pas normal que des États européens ferment les yeux sur les assassinats de citoyens iraniens sur leur territoire respectif. Et il est encore plus anormal que les assassins puissent ainsi rentrer chez eux escortés par les policiers comme des officiels »36. Les opposants au régime islamique de Téhéran sont totalement hostiles à cette libération qui encourage, selon eux, « un régime sanguinaire terroriste [à]semer davantage la terreur »37. La polémique touchera également la classe politique française. Jean-Marie Le Pen déclare, dans sa presse d’extrême droite, que « l’image [de la France dans le monde] ne peut qu’être dégradée » et que « nous nous compromettons avec les États terroristes, et ces États terroristes nous compromettent »38. Cette libération était donc nécessaire pour établir de bonnes relations avec l’Iran mais elle a provoqué de nombreuses indignations en France parmi les familles de victimes des attentats parisiens de 1985-1986.

https://www.lemonde.fr/archives/article/1989/07/16/les-ceremonies-du-bicentenaire-l-entretien-televise-du-president-de-la-republique_4137583_1819218. html 36 « Après la libération d’Anis Naccache Réactions négatives dans l’opposition iranienne », dans Le Monde [En ligne], publié le 29 juillet 1990. [Consulté le 31/03/2020]. https://w w w.lemonde.fr/archives/article/1990/07/29/apres-la-liberation-d-anis-naccache-reactions-negatives-dans-l-opposition-iranienne_ 3997341_1819218.html 37 Ibid. 38 « M. Le Pen : la libération d’Anis Naccache dégrade l’image de la France. », dans Le Monde [En ligne], publié le 3 août 1990. [Consulté le 31/03/2020]. https://www.lemonde.fr/archives/article/1990/08/03/m-le-pen-la-liberationd-anis-naccache-degrade-l-image-de-la-france_3988144_1819218.html

Conclusion

La guerre Iran-Irak prendra fin à l’été 1988, presque huit ans jour pour jour après qu’elle ait été déclenchée à l’initiative de l’Irak. Le 18 juillet 1988, l’Iran accepte les termes de la résolution 598 du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le 6 août, il accepte un cessez-le-feu avec l’Irak et le 20 août il entre en vigueur. Cette guerre aura été meurtrière pour les deux camps et au final, les frontières irano-irakiennes n’auront pas sensiblement bougé. Les pertes ont été considérables pour les deux camps. L’Irak compte 180 000 morts dont 5000 civils1 et l’Iran 500 000 morts dont 10 000 civils2. Cette guerre aura façonné la région pour des décennies. L’Iran prendra prétexte de ce conflit et de l’invasion irakienne pour développer son programme nucléaire pour ne plus jamais revivre une invasion de son territoire. La position française aura été ambiguë tout le long du conflit et la France semble plutôt avoir subi le conflit. En effet, à la suite du déclenchement du conflit, la France s’est montrée mesurée à l’égard des belligérants mais tout en soutenant progressivement l’Irak. Quand François Mitterrand accède au pouvoir, cette mesure s’efface et il cèdera aux exigences irakiennes. Cela créera 1 2

RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak (1980-1988), op.cit., p.850. Ibid.

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de fait un état de guerre à l’égard de l’Iran qui n’hésitera pas à riposter à la fois dans la région, en fomentant le terrible attentat du Drakkar en 1983, mais également sur le sol français entre 1985 et 1986 en soutenant des groupes terroristes commettant des attentats dans la capitale française. Ces vagues d’attentats en France conduiront au renforcement de l’arsenal juridique pour lutter contre le terrorisme, jusqu’ici vide de toute disposition. Ce qui caractérise également la position française dans cette guerre sont les affaires directement liées à ce conflit qui ont fragilisé grandement Paris sur la scène intérieure. Elles démontreront l’amateurisme dans la gestion du conflit Iran-Irak du pouvoir socialiste en place. La première d’entre-elle qui sera révélée sera l’affaire Luchaire, en 1986, et constituera une véritable bombe à retardement pour le pouvoir, le mettant dans une position délicate à quelques jours des élections législatives. Elle entraînera, en outre, l’adoption en 1988 de deux lois obligeant les élus locaux et membres du gouvernement à déposer une déclaration de situation patrimoniale à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Il y eut également l’affaire Gordji, un an plus tard, du nom d’un traducteur travaillant pour l’ambassade d’Iran en France, impliqué dans les attentats parisiens de 19851986. Elle sera à l’origine de l’aggravation sensible des relations diplomatiques avec l’Iran et du déploiement inédit d’un groupe aéronaval français dans le golfe Persique pour faire pression sur l’Iran. Ce déploiement a été efficace étant donné que la France n’a plus connu d’attentats sur son territoire pendant cette période. Cela a amené l’Iran et la France à négocier et régler leurs différends par des moyens pacifiques. L’aide militaire apportée à l’Irak aura été un gouffre financier très important pour une utilisation sur le terrain globalement très inefficace. Bien que formés par des pilotes français, deux appareils

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Super-Etendard sur les cinq livrés sont détruits ou gravement endommagés. La disponibilité des Mirage F1 reste problématique. Seuls les matériels terrestres ont semblé prouver leur efficacité, notamment les canons automoteurs AMX AuF1 155 GCT et les armes de défense anti-aérienne. L’Irak est sorti fortement endetté de ce conflit et ne paiera au final jamais ses dettes contractées depuis huit ans auprès de la France. D’autant plus, que deux ans après la fin des hostilités contre l’Iran, l’Irak sera de nouveau l’agresseur contre son minuscule voisin : le Koweït. Cette foisci, la position française se montrera plus ferme et condamnera cette invasion, alors que deux années auparavant, l’Irak était le partenaire le plus important de la France dans la région. La France participera à la coalition internationale dirigée par les États-Unis contre l’Irak avec le déclenchement de l’opération Daguet. Cette opération militaire sera la plus grande organisée depuis la guerre d’Algérie et réunira plus de 25 000 soldats d’août 1990 à février 1991. Pendant cette deuxième guerre du Golfe, tel fut le nom donné par les journalistes à cette époque, les avions de construction française Dassault Mirage F1 irakiens s’envoleront en Iran pour se mettre à l’abri des frappes aériennes importantes de la coalition, l’Iran les confisquera puis les utilisera dans sa force aérienne.

Postface

L’activité consulaire française en Irak, entre 1975 et 1990, reflétait assez bien l’ampleur de la coopération entre les deux pays, née au milieu des années 70 pour atteindre son apogée 10 ans plus tard. Lors de mon premier séjour à Mossoul, de 1984 à 1988, pendant la guerre Iran/Irak, il y avait environ 5000 expatriés français inscrits sur les registres du Consulat de France. Une communauté française qui n’avait fait que croître depuis 1975. Essentiellement des experts, des assistants techniques et des conseillers qui œuvraient dans de nombreux domaines  : l’industrie pétrochimique, la prospection pétrolière, le bâtiment, l’énergie, l’armement, le matériel médical, les télécommunications, le nucléaire, l’éducation, etc. 5000 expatriés qui n’avaient pas l’impression de vivre et de travailler dans un pays en guerre. À l’exception de Bassora, dans le sud, la ligne de front se situait relativement loin des grandes agglomérations et les intrusions de l’aviation iranienne demeuraient très rares. Il est vrai que Bassora vivait au rythme des attaques de l’artillerie iranienne, à quelques kilomètres de là. Les façades constellées de petits cratères, stigmates des éclats d’obus de 155 mm, étaient là pour le rappeler. Malgré les chaussées du centre-ville bordées de murs de sacs de sable, le cœur de Bassora

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continuait de battre et ses habitants perpétuaient l’esprit d’insouciance propre à cette ville ouverte sur la mer. Hors de Bassora et de sa région, pour l’expatrié européen, en célibataire ou en famille, le conflit ne faisait pas vraiment partie de son quotidien, à quelques exceptions près. Par exemple, le défilé des convois militaires sur l’autoroute principale du pays, au rythme des grandes offensives terrestres, mais aussi les taxis, avec un cercueil sur la galerie, qui rapportaient à la famille le corps des soldats tués sur le front. Durant ces huit années de conflit, les seules menaces auxquelles les expatriés ont pu être confrontés furent les SCUD sur Bagdad en 1987 et 1988, et les kidnappings perpétrés par les séparatistes kurdes dans le nord du pays. Pour nous qui vivions et travaillions aux portes du Kurdistan, les consignes étaient très strictes : interdit de se promener seul (c’est à dire sans être escorté par l’armée) à l’intérieur de la province kurde. Si la vie en Irak, pour un expatrié français, ne ressemblait en rien à un cauchemar, il faut toutefois mentionner un point particulier : nous étions très peu informés sur le déroulement du conflit et sur ses aspects opérationnels. Par exemple, impossible pour nous de savoir si des armes chimiques et des munitions « spéciales » étaient utilisées, sur le F1 ou sur les autres avions de la flotte irakienne. Impossible de connaître les détails de la disparition d’un pilote. Était-il mort, prisonnier... Il est vrai que le pays était en guerre, d’une part, et qu’il avait d’autre part un peu « déteint » sur les Soviétiques, après une longue période de relations étroites avec l’URSS. La culture du secret était devenue un sport national... Tout le monde surveillait tout le monde. Et vice versa. À la fin des années 70, les relations franco-irakiennes étaient au beau fixe et l’Irak devenait un grand partenaire commercial. Comme le fût, par exemple, la Libye quelques années auparavant.

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Lorsque la guerre éclata, en 1980, l’État français dû choisir son camp puisqu’il avait autorisé, quelques années auparavant, la vente d’armement de pointe destinée à moderniser l’armée irakienne. L’Élysée passa donc du statut de partenaire à celui d’allié. Il avait choisi de s’impliquer. Pour la partie française, cette implication aura bien sûr des conséquences géopolitiques (voir chapitre 1 de la 3e partie : « la guerre indirecte de l’Iran contre la France ») et commerciales (une myriade de juteux marchés pour l’industrie française de l’armement). Côté irakien, les conséquences de cette implication française dans le domaine militaire sont nombreuses. Je propose ici d’en présenter trois, sur la base de mon expérience d’assistant technique au sein des escadrons de Mirage F1 de l’Iraqi Air Force. Pour rester dans le registre du témoignage, j’illustrerai les propos par quelques extraits de mes deux livres, « Les Héros de Bagdad ». 1. Des conséquences sur l’issue du conflit Suite aux premières offensives et contre-offensives terrestres, en automne 1980, l’armée irakienne s’enfonce de plusieurs dizaines de kilomètres à l’intérieur du territoire iranien, sur les deux tiers de la frontière : de Qasr-e-Shirin à 175 kilomètres au nord-est de Bagdad à Abadan tout au sud. Assez rapidement, les Iraniens contiennent la progression ennemie, et les positions irakiennes vont se stabiliser sur cette longue bande de territoire conquis. À partir de l’hiver 1980-81, l’armée de Saddam passe en mode « défensive » et se contente de conserver les acquis d’octobre.

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Pour Bagdad, le salut viendra du ciel, Inch’Allah. Mais il faudra attendre encore un peu avant que les Mirage F1 et les Mig 23 ML n’arrivent. Après quelques hésitations, Paris décide de livrer les Mirage F1 EQ qui commencent à sortir des usines Dassault de Mérignac. Les 4 avions du premier convoyage arrivent sur la base aérienne de Qayarah le 27 janvier 1981, mais l’état-major irakien n’a pas encore vraiment fait sa révolution. [Extrait] L’arrivée de matériel occidental se ressent aussi à l’état-major où tout le monde ne jure que par les avions soviétiques. Avec la mise en œuvre de systèmes d’armes modernes, offrant des conduites de tir efficaces, les concepts d’emploi opérationnel et les règles d’engagement sont à revoir entièrement. Mais les bolchéviques de l’état-major s’accrochent à leur Mig et Soukhoï, et lorsqu’ils sont à cours de munition pour défendre leur point de vue, ils balancent l’argument suprême : — Vous avez vu le blindage de nos Soukhoï ? —  ... — Vous voulez faire du close air support 1 avec vos avions en carton ? Ils ne veulent entendre parler ni de systèmes d’armes numériques ni de capteurs performants et encore moins de contre-mesures. Là aussi à Bagdad, il y aura de la reconversion et de la mise à la retraite à faire. Aujourd’hui, l’indicateur de confiance reste scotché à zéro ! Personne ne veut parier un rouble ni même un copeck sur le Mirage F1. Peutêtre en air-air, allez... pour faire plaisir aux jeunes, mais pas d’air-sol. Trop fragile. Un « avion pour les dames » comme ils disent là-bas, à Bagdad. L’air-sol se fera donc avec les Mig-23BN, et les Soukhoï 20 et 22. ____ 1

Appui aérien rapproché.

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Sept mois plus tard, le premier escadron de Mirage F1 est déclaré opérationnel. [Extrait] Bagdad, lundi 17 août 1981. Aujourd’hui le général Ahmad Khairy, un ancien pilote de Mig -21, adjoint au chef d’état-major, présente devant une assemblée d’officiers supérieurs l’état d’avancement du programme Mirage F1. C’est lui qui suit le dossier, comme on dit dans les milieux bien informés. Pour conclure, il déclare opérationnel l’escadron 79 de Qayarah. Il aurait dit « je divise votre solde par dix » que ça n’aurait pas fait autant d’effet. La discussion s’enflamme instantanément, plus rapidement qu’un cocktail Molotov en 1939 : — Opérationnel ? Pour faire quoi ? Se faire trouer la carcasse ! — Aux prix où nous les avons payés ! Mohamed Jassam Hanash reprend la main : — Nous n’avons pas de vrai intercepteur pour supporter nos troupes au sol, et plus particulièrement sur le front sud. Il n’a pas tort le Chef. Alors les anciens combattants de la guerre des Six Jours, prosoviétiques dans l’âme, obtempèrent sagement, pour éviter de finir comme vendeur de cartes postales sur la Place Rouge. Ils savent que le matériel souffre d’obsolescence. Le Mig -21 ne pèse pas lourd dans l’arsenal irakien face au couple F-4 Sparrow. Son radar ne voit pas un Boeing 747 à deux kilomètres et son missile air-air, n’en parlons pas. Il reste le canon... L’adaptation du Magic 550 apportera certainement un « plus » mais ne suffira pas à combler le gap. Côté Mig -23, ça ne respire pas non plus la sérénité. Les MS demeurent très en deçà de ce que l’on peut attendre aujourd’hui d’un intercepteur, et les 18 Mig-23 version MF, livrés en ce moment, ne feront pas, à eux seuls, la différence. Et pour clôturer ce triste bilan, que ce soit le Mig -21 ou le Mig -23, la faible autonomie de ces avions

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ne permet pas de mettre en œuvre des PAC2 ou des escortes efficaces, aussi bien sur le front sud qu’au nord, dans le Kurdistan. Dans ces conditions, les Iraniens s’en donnent à cœur joie. Les patrouilles de Phantom déboulent par vagues successives sur le théâtre des opérations, arrivant de Chiraz, Hamadhan et Bouchehr. Sans vergogne ni visa. Quelquefois on compte dans une même patrouille, jusqu’à 12 avions, emportant chacun 3 tonnes de bombes, larguées à 7 ou 8000 mètres sur les positions ennemies. Tel que leur avaient appris les instructeurs américains quelques années auparavant. Bien sûr, ces derniers ne disaient pas à leurs élèves iraniens : « ... comme en 40... » mais plutôt « ... comme au Vietnam.. ». Rien de changer sous le soleil d’Hanoï et d’Ahwaz. Par contre, pour les missions d’interdiction air, l’armée de l’air iranienne se montre plus inventive, et les patrouilles qui s’aventurent à l’intérieur du territoire irakien volent à basse altitude. Côté irakien, le support aérien aux troupes terrestres souffre de grosses lacunes. Avec leur système d’armes datant de l’époque où les Romanov régnaient sur la Russie, les conduites de tir air-sol des Soukhoï SU-7, SU-20 et SU-22, et autres Mig-23BN, n’offrent aucune précision. Que la passe de tir se fasse à 6000 ou à 500 mètres, l’efficacité du tir reste décevante. Et pour couronner le tout, les moteurs de ces avions, en basse altitude, souffrent d’une très mauvaise combustion : on voit arriver les avions de loin, car ils traînent derrière eux un panache de fumée noire. Alors, les vieux avions de Messieurs Mikoyan, Gourevitch et Pavel Soukhoï paraissent bien vulnérables face aux intercepteurs américains et aux défenses antiaériennes. À l’instar des Phantom, les Soukhoï et les Mig-23BN devront choisir : soit mener leurs missions de close air support à 7 ou 8000 mètres d’altitude, à l’abri des moyens sol-air tels 2

Patrouille aérienne de combat.

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que le canon et le SA-7, mais vite repérés par les radars de surveillance de la défense antiaérienne, soit descendre beaucoup plus bas pour faire une approche plus discrète, mais dans ce cas, gare au comité d’accueil sur le champ des opérations. Les bombardiers irakiens, comme ceux d’en face, choisiront la première option. Avec si possible une couverture aérienne... mais avec quel avion ? Bref, dans ces premiers mois du conflit, l’armée de l’air irakienne ne fait pas le poids face aux avions américains. Et Saddam Hussein, ça a le don de l’énerver. — Ok, mais on s’y prend comment ? Jassam a des réponses à toutes les questions. Normal, il est chef d’état-major. — Je propose d’engager le Mirage F1 sur deux fronts, au sud et au nord. — ... ? — Au sud, nous allons monter un détachement à Bassora, six avions en moyenne. En liaison avec vous Général, il s’adresse au général Najdat al Naqeeb, commandant le secteur sud de la défense antiaérienne. — ... ! — Raji, Majdi, Nasser, Ryadth et Abdul Karim prendront la tête du détachement, par roulement. Jassam développe ensuite la feuille de route du Mirage F1 pour les quelques mois à venir... ____ Indéniablement, l’entrée en service du couple Mirage F1 et missile air-air S530 va changer la donne et, fin 1982, la supériorité aérienne de l’armée de l’air iranienne est mise à mal. À partir de cette époque, et comprenant que la guerre va durer encore très longtemps, Saddam Hussein va changer

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progressivement de stratégie : les grandes offensives terrestres seront réduites au maximum. En effet, elles génèrent beaucoup trop de pertes humaines et n’apportent aucun avantage décisif. Bagdad va donc miser sur les missions stratégiques pour affaiblir l’économie iranienne et ainsi, faire pencher la balance. C’est ainsi que débutent la guerre des pétroliers (avec le Super Etendard et les Mirage F1 EQ 5), puis les grandes missions stratégiques au cœur de l’Iran : raffineries, stations de pompage, centrales électriques, usines d’armement, etc. Les Irakiens vont savoir exploiter au mieux les avantages de la technologie française, et plus particulièrement l’AM39 Exocet, le missile AS30 guidé laser, le ravitaillement en vol et les contre-mesures électroniques. Et ce, pour un taux d’attrition tout à fait raisonnable. Sur les 120 avions livrés, l’Iraqi Air force n’en perdra qu’un tiers durant les 8 années de guerre. Sur ces 40 avions détruits, un tiers le seront par accident ou incident (erreur humaine ou panne), un tiers seront abattus par la défense antiaérienne iranienne, enfin, un tiers des pertes correspondra à des combats aériens face aux F-14 et F-4. Le missile antinavire AM39, emporté par le Super Etendard puis le F1 EQ 5, la troisième version du F1 irakien, a permis de maintenir une pression constante sur la filière d’exportation du pétrole iranien. L’Exocet appartenait à la grande famille des missiles antinavires « Exocet » air-mer et mer-mer conçus et fabriqués par l’Aérospatiale, et que l’on retrouvait, à cette époque, sur différents porteurs (les Super Frelon irakiens et les Super Etendard argentins) ou différents lanceurs (batteries côtières et navires). Grâce à sa fiabilité et son taux de réussite au-dessus de 90 %, la guerre des pétroliers a notablement ralenti l’activité économique de l’Iran. L’Iraqi Air Force venait d’acquérir la capacité de frapper loin, avec précision.

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L’intégration de l’AM39 au système d’armes du Mirage F1 EQ 5 représentait un « plus » par rapport aux hélicoptères, très vulnérables et sans grand rayon d’action. Il représentait aussi un « plus » par rapport au Super Etendard en offrant des modes de détection, de désignation et de guidage vers la cible beaucoup plus élaborés et performants. Le point faible de cette arme restait sa charge militaire, trop modeste pour détruire complètement ou faire couler un tanker. Avec les armements guidés laser, l’armée de l’air irakienne fit un grand pas en avant. À titre de comparaison, l’armée de l’air française devra attendre encore quelques années pour se doter d’un tel système. L’AS30L, le missile à guidage laser, une fois tiré se dirige, grâce à son autodirecteur, sur la cible illuminée par le pod de désignation laser de l’avion. Ici aussi, l’intégration du missile et du pod au système d’armes de l’avion fut un modèle du genre et contribua à la réussite de cet armement. Les meilleurs atouts d’un tel système furent indéniablement la précision (de l’ordre du mètre) la fiabilité (environ 90 % de réussite) et la faible exposition aux défenses antiaériennes ennemies pendant la passe de tir. En contrepartie, à l’instar de l’AM39, le missile ne disposait pas d’une charge militaire conséquente. Le ravitaillement en vol, moins «  bruyant  » et moins médiatisé que l’AM39 et l’AS30L, joua un rôle sans précédent. La capacité, pour un Mirage F1, de ravitailler son copain (ce qu’on appelle le buddy buddy) permit à l’état-major de planifier des missions au cœur du territoire iranien et au fin fond du golfe Persique, près du détroit d’Ormuz. Car il n’était pas question d’utiliser de gros tanker, type KC -135, pour ravitailler des patrouilles de F1 en mission stratégique au dessus du territoire ennemi.

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Dans la panoplie irakienne, les contre mesures restent très discrètes, comparées aux missiles et autres nacelles de ravitaillement. Pourtant, ces équipements de détection, d’analyse et de brouillage des émissions électromagnétiques ennemies donnèrent au Mirage F1 EQ un très bon niveau d’invulnérabilité. Aussi bien vis-à-vis des radars aéroportés des F -14 et F-4 iraniens, mais aussi vis-à-vis des radars de surveillance et de conduite de tir de la défense antiaérienne de l’Iran. Avec ces quatre éléments, l’armée de l’air irakienne disposait de tous les atouts pour mener des missions air-surface très en profondeur, sans exposer de façon démesurée ses avions et en ayant la certitude de bénéficier d’une très bonne précision. Le Mirage F1 a-t-il permis d’inverser le rapport de force entre les deux belligérants ? Sans aucun doute, mais le Mirage F1, à lui seul, n’a pas contribué à donner l’avantage aux Irakiens. La défense antiaérienne et certains avions soviétiques ont joué aussi un rôle prépondérant. À l’inverse, côté iranien, l’embargo sur les matériels américains n’a pas aidé Téhéran. Il existe un indicateur qui reflète assez bien l’engouement du régime de Bagdad pour les avions français dans la deuxième moitié du conflit : la « Wisam Batal Al Qadisiya », la médaille du héros de la Qadisiya, attribuée pour un fait d’armes exceptionnel ayant modifié le déroulement du conflit. La plus haute distinction qu’un citoyen irakien peut recevoir. Durant les huit années de guerre, cette distinction n’aura été décernée que 10 fois. 10 fois seulement ! 7 pilotes vont la recevoir dont... 5 pilotes de Mirage.

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2. Le développement technologique Contrairement aux pétromonarchies, le peuple irakien ne pouvait pas vivre uniquement de la rente pétrolière. Saddam Hussein misait donc énormément sur l’éduction et les études. Il voulait, entre autres, profiter des contrats passés avec l’Occident pour former le plus grand nombre d’Irakiens aux technologies nouvelles. Pour atteindre cet objectif, l’armée de l’air, par exemple, s’était donnée trois ans pour assurer, de façon autonome, la mise en œuvre et la maintenance des avions et des équipements. Pas question d’avoir un soutien pléthorique de conseillers, d’assistants techniques et autres mercenaires. D’ailleurs les contrats de vente des F1 irakiens3, vu des industriels et de la direction générale de l’Armement, restaient très comparables à ceux signés avec d’autres clients étrangers à la même époque. Peut-être étaient-ils un peu plus étoffés en termes de formation, d’assistance technique et de rechanges, mais toujours en restant dans un ordre de grandeur identique. De même, les prestations d’après-vente, donc hors des contrats de vente, n’étaient jamais surdimensionnées et couvraient le juste nécessaire. Ainsi, la majeure partie des postes d’assistance technique n’était pas renouvelée par le client à l’issue des deux années prévues au contrat. Les personnes concernées rentraient en France, ou bien prolongeaient leur prestation au titre de la version suivante, si le calendrier le permettait, bien sûr. Dit autrement, il était très difficile pour un chef des moyens techniques d’une des deux escadres de F1, de justifier auprès de l’état-major le besoin de renouvellement d’un poste d’assistance technique. Par contre, tous les responsables se devaient d’exploiter au mieux la présence des experts français.

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Les 4 lots d’avions livrés de 81 à 88 ont chacun donné lieu à un contrat différent.

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Ainsi, à de rares exceptions près, le rôle de l’assistant technique n’était pas de se substituer aux mécaniciens irakiens, mais d’intervenir principalement en tant qu’expert et conseiller sur des problèmes techniques délicats : dépannage complexe, réparation structurale, concept d’emploi opérationnel, etc. Tout comme à l’état-major, l’arrivée du matériel français va passablement bouleverser les habitudes. [Extrait] Pour la première fois depuis la révolution de 1958, l’Iraq se dote d’avions militaires occidentaux. Depuis 20 ans donc, l’armée de l’air n’a pratiquement mis en œuvre que des avions soviétiques. Aujourd’hui, elle dispose d’une flotte d’un peu moins de 300 avions de combat : Mig-21 air-air, Mig -23 air-air et air-sol, SU-7, SU-20 et SU-22 pour l’air-sol. Tout est nouveau pour les pilotes, mais encore plus pour les mécaniciens qui doivent assurer la maintenance des avions et des équipements. Les officiers mécaniciens et leurs sous-officiers découvrent de nouvelles notions et de nouvelles technologies qui vont bouleverser leurs habitudes et modifier leurs façons de travailler. Par exemple, le numérique. Sur un matériel moderne, soit l’équipement est déclaré en panne soit il fonctionne de façon strictement nominale. Dit autrement, hier, dans les systèmes analogiques de traitement de l’information, deux et deux faisait rarement 4, mais plutôt 4,1 ou bien 3,8 et même pire quelquefois... Aujourd’hui, dans un traitement numérique, deux et deux font 4,00 ou bien l’équipement est en panne. Point barre. Les notions de dérives et de dispersions n’existent plus que dans les capteurs, qui font donc l’objet des plus grandes surveillances. Hors donc, tous les avions d’une même flotte ont un comportement identique et réagissent de la même façon, fait nouveau pour les spécialistes système d’armes qui se sont tous formés sur des avions de la génération précédente. En contrepartie, les mécaniciens doivent prendre

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soin du matériel, fiable peut-être, mais sensible à la poussière, à la chaleur et à l’humidité. Les techniciens, habitués aux équipements électroniques à tubes et à la clé de 28, devront apprendre à gérer ce facteur, car attention aux surchauffes des équipements dans la soute quand l’avion stationne en plein soleil pendant des heures. Attention à la pollution des circuits hydrauliques lorsque les obturateurs restent dans la caisse à clou au lieu d’être installés sur les tuyauteries ouvertes. Attention au boulon de 12 serré sans clé dynamométrique. Il faut oublier la matraqa4, le démonte pneu et le pied de biche. 3. L’ouverture sur l’Occident (un investissement sur le long terme) Jusqu’à présent, seule une poignée de pilotes allait faire leur école de pilotage à l’étranger. Essentiellement au Pakistan et en URSS. Rarement en Occident. Mais, avec l’arrivée des Mirage F1, nombreux seront les pilotes et les mécaniciens qui, entre 1977 et 1988, viendront se former en France. Certains resteront de nombreuses semaines, pour suivre un stage au sein de l’une des entreprises co-contractantes (Dassault, Snecma, TH-CSF et Matra), ou bien au sein de l’armée de l’air française. Bon nombre d’officiers iront faire leur formation complète de pilote de chasse en suivant le même cursus que les élèves français (trois ans environ). Enfin, de jeunes futurs officiers mécaniciens partiront faire leurs études dans des IUT de l’Hexagone. Ces jeunes pilotes et officiers mécaniciens «  made in France », un jour, occuperont des postes au ministère de la

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Marteau, en arabe.

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Défense ou à l’état-major et auront leur mot à dire sur le choix d’un matériel, un nouvel avion... Je vous emmène à Tikrit (entre Bagdad et Mossoul), à l’Air Force College, où se forment les futurs pilotes de l’armée de l’air. [Extrait] Lundi 3 janvier 1977, 11 h 55, le cours élémentaire de mécanique du vol touche à sa fin lorsqu’un lieutenant fait irruption dans la salle de classe. Le sergent instructeur se sent obligé de faire péter les galons : « Fixe ! » L’officier, un planqué de l’état-major, semble avoir un peu oublié tous les égards qui lui sont dus : « Asseyezvous, asseyez-vous je vous en prie. » Mais ici, les cinquante-six cadets de la promotion 29 doivent encore se comporter en mistaj5, car pour l’instant une seule promo se retrouve derrière eux, la 30 bien sûr, incorporée l’été dernier. Donc ce sont toujours des bizuths, pas pour très longtemps certes, mais ce n’est pas avec quarante heures de vol au compteur qu’ils vont pouvoir rouler les mécaniques. Alors, la discipline ils connaissent ! ça marche au pas. Enfin presque… Depuis ce matin, toute la promotion 29 a la boule à zéro. D’ailleurs le lieutenant, en entrant dans la salle de cours, a fait un pas en arrière, il a cru qu’il s’était trompé de porte : cinquante-six skinheads au garde à vous… ça décoiffe ! Il ne leur manque plus que le Levy Strauss Modèle 501 et la paire de Doc Martens ! En fait, ces abrutis de la 27 leur ont infligé une punition collective, pour un motif aussi futile que, par exemple, rouler en sens interdit, sans permis de conduire, dans les rues de Tikrit. Une fois ses esprits retrouvés, le lieutenant s’adresse aux skinheads de la mécanique du vol : « Les quatorze personnes dont les

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Équivalent de « bizuth »

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noms suivent doivent se rendre, ce soir à 20 heures, dans le bureau du colonel Abdel Harman. » Silence de mort. On entend les mouches voler. Le moment que chacun attendait depuis son arrivée au Collège. Tout le monde sait très bien de quoi il retourne. Le colonel Abdel Harman ne les a pas convoqués, ni pour prendre le thé, ni pour animer un atelier de broderie. Non, il va leur annoncer qu’ils vont quitter le Collège et qu’ils auront la chance de faire leur formation de pilote au sein de l’armée de l’air française, tout comme les dix élèves de la promotion 27 partis il y a un an. _______ Lorsque les jeunes macaronnés 6 rentrent de France, les F1 ne sont pas encore livrés. Ils devront patienter dans des escadrons de Mig -21 ou de SU-22, disséminés du nord au sud de l’Irak. Quelques mois plus tard, début 1981, ils se retrouveront tous à Qayarah pour les premières livraisons d’avions. [Extrait] Beaucoup garderont au fond d’eux-mêmes l’empreinte de ce long séjour en France, de Rochefort à Cazaux. Un peu comme une seconde nationalité qu’ils auraient acquise inconsciemment, quelque chose de plus fort que de simples souvenirs. Jusqu’à la fin de leur vie, ils seront capables de parler notre langue, parfaitement ; ils conserveront toujours un peu de culture française dans leur comportement et dans leur façon de penser. Toutes ces années passées loin de chez eux les auront soudés, car une partie d’euxmêmes est restée en France. Mais aujourd’hui à Qayarah, pour tous, l’aventure française se termine, et bientôt chacun va prendre son envol. Alors les pilotes 6

Terme utilisé pour désigner les jeunes pilotes de chasse fraichement brevetés à Tours. Ils viennent de recevoir l’insigne de pilote militaire, le macaron.

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« made in France » vont une nouvelle fois se disperser, en fonction de leur carrière, faite de mutations et de nouvelles affectations. Faite de réussites et d’échecs. Certains graviront peut-être les marches du palais de Saddam, d’autres s’en approcheront, plusieurs finiront certainement dans les oubliettes de l’histoire… Jean-Louis BERNARD7 Ancien ingénieur chez Dassault Aviation. Assistant technique au sein de l’Iraqi Air Force, d’octobre 1984 à juillet 1990.

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Auteur des Héros de Bagdad. Tome 1 & 2, chez JPO Editions.

Annexes

1) Aperçus et missions des différents aéronefs en service dans les deux camps 2) Retranscription de déclarations à la presse de membres du gouvernement français à l’annonce de l’offensive irakienne 3) Résolution 479 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 28 septembre 1980 4)  Offensive aérienne israélienne sur la centrale nucléaire irakienne Osirak (juin 1981) 5) Contrat d’armement conclu entre la France et l’Irak concernant les avions Super-Etendard 6) Carte représentant les attaques iraniennes sur des navires français dans le Golfe entre 1985 et 1986 7) Extrait retranscrit du débat télévisé du second tour de l’élection présidentielle du 28 avril 1988 8) L’opération Prométhée en chiffres 9) L’Utilisation des agents chimiques par les avions irakiens 10) Les dix convoyages de « Mirage » F1EQ4 en 1983 et 1984

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1) Aperçus et missions des différents aéronefs en service dans les deux camps

RAZOUX Pierre, La guerre Iran-Irak, op.cit., p.51.

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2) Retranscription de déclarations à la presse de membres du gouvernement français à l’annonce de l’offensive irakienne



« Les Neufs ont hier adopté une déclaration sur le conflit. C’est la déclaration la plus ferme, la plus claire qui ait été à ce jour rendue publique. Elle met en évidence, à la demande de la France trois points : d’abord la nécessité d’éviter que ce conflit qui se situe dans une région particulièrement difficile et importante du Monde que ce conflit ne prenne une dimension plus large et à cet égard il y a un appel lancé aux États-Unis et à l’URSS de maintenir la retenue dont elles font preuve pour le moment. Le deuxième point c’est d’apporter l’appui des Neufs aux efforts que le Secrétaire Général des Nations Unies fait pour que des consultations puissent être engagées et un processus politique mis sur les rails. Le dernier point est pour attirer l’attention sur l’importance pour l’économie du Monde de cette voie de navigation qu’est le Golfe et pour demander qu’aucune atteinte ne soit apportée à la libre navigation sur le Golfe ». . Jean-François Poncet, devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 24 septembre 1980. Raymond Barre : - « Vous savez que nous participons à l’heure actuelle aux discussions qui ont pu, au sein des Nations Unies, nous souhaitons qu’il y ait un règlement rapide de ce conflit entre l’Iran et l’Irak. Nous apporterons notre contribution à la solution de ce conflit. Nous le ferons dans le cadre de la négociation internationale qui est à l’heure actuelle en cours ». Journaliste : - « Donc pas de médiation séparée de la part de la France ? » Raymond Barre, « Je ne vois pas pourquoi il y aurait une médiation séparée de la part de la France. Il y a eu d’ailleurs une déclaration

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commune des Neufs pays européens sur ce sujet, je me permets de vous y renvoyer ». Raymond Barre, Premier ministre, à Vienne, interviewé sur Antenne 2 dans le journal télévisé du 25 septembre 1980. « Ce qui nous parait essentiel dans cette affaire, c’est que la liberté de navigation dans le détroit d’Ormuz puisse être sauvegardée. Ceci est nécessaire non seulement à la France mais bien entendu à l’ensemble des pays européens qui s’approvisionnent en pétrole auprès des pays du Golfe.(…) ». Raymond Barre, Premier ministre, interviewé sur Antenne 2 dans le journal télévisé du 25 septembre 1980. « Ce qui nous parait essentiel dans cette affaire, c’est que la liberté de circulation dans le détroit d’Ormuz puisse être sauvegardée. Ceci est nécessaire non seulement à la France mais bien entendu à l’ensemble des pays européens qui s’approvisionnent en pétrole auprès des pays du Golfe. Vous m’avez posé une question sur les ventes d’armes de la France à l’Irak. Je profite de cette question pour préciser deux points. En premier lieu, la coopération de la France avec l’Irak n’est pas seulement une coopération militaire. Elle est une coopération qui se développe dans tous les domaines (industriels, culturels, le domaine de la technologie avancée). Nous avons 4500 français qui travaillent en Irak. Nous avons toujours eu avec ce pays des relations politiques confiantes. L’Irak comme la France sont attachés à leur indépendance et le problème des ventes d’armes est un problème tout à fait limité dans l’ensemble de la coopération irako-française. Ma deuxième observation que je voudrais une fois pour toute dire à ceux qui s’intéressent aux ventes d’armes par la France de bien vouloir considérer les ventes d’armes qui sont faites par les autres pays et je dis de la manière la plus nette que nous n’entendons sur ce point de leçons à recevoir de personne ».

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Raymond Barre, Premier ministre, interviewé sur Antenne 2 dans le journal télévisé du 26 septembre 1980. « Par nos stocks [de pétrole], nous pouvons tenir quinze mois une interruption totale de l’approvisionnement irakien. Si l’on veut apprécier plus complètement la situation, on peut également rappeler que l’approvisionnement irakien est du même ordre de grandeur de ce que représentait l’approvisionnement iranien au moment où la crise iranienne est née. À l’époque, les stocks étaient plutôt bas dans le monde entier. Actuellement, ils sont beaucoup plus importants et vous savez qu’à la veille de la crise, on avait constaté un excédent de production d’environ deux millions de barils/jour alors que l’Irak représente à peu près de 3.5 millions de barils/jours et on voit donc qu’en principe cette crise se présente internationalement plus facilement que ne se représentait la disparition de l’approvisionnement iranien en son temps. Les circonstances politiques sont beaucoup plus complexes dans le golfe et il faut dire cela avec beaucoup de prudence (…) ». André Giraud, ministre de l’Industrie, sur Europe 1, le 28 septembre 1980.

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3) Résolution 479 du Conseil de Sécurité des Nations Unies du 28 septembre 1980

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4) Offensive aérienne israélienne sur la centrale nucléaire irakienne Osirak (juin 1981)1

1 « Opération Opéra » sur Wikipédia [En ligne], consulté le 18/05/2020. https://fr.wikipedia.org/wiki/Op%C3%A9ration_Op%C3%A9ra

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5) Contrat d’armement conclu entre la France et l’Irak concernant les avions Super-Etendard2

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ANGELI Claude et MESNIER Stéphane, Notre allié Saddam, op.cit., pp.239-244.

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6) Carte représentant les attaques iraniennes sur des navires français dans le Golfe entre 1985 et 19863

GUILLEMIN Dominique, De la sécurisation des voies maritimes à la diplomatie navale de coercition. L’action de la Marine nationale pendant la guerre Iran-Irak, 1980-1988, janvier 2012. https://www.researchgate.net/publication/271840622_De_la_securisation_ des_voies_maritimes_a_la_diplomatie_navale_de_coercition_L’action_de_ la_Marine_nationale_pendant_la_guerre_Iran-Irak_1980-1988 3

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7) Extrait retranscrit du débat télévisé du second tour de l’élection présidentielle du 28 avril 19884

François Mitterrand : « (...) Je me souviens des conditions dans lesquelles vous avez renvoyé en Iran M.Gordji après m’avoir expliqué à moi, dans mon bureau, que son dossier était écrasant et que la complicité était démontrée dans les assassinats qui avaient ensanglanté Paris à la fin de 1986. Voilà pourquoi je trouve indigne de vous ces insinuations ». Jacques Chirac : « M.Mitterrand, tout d’un coup vous dérapez dans la fureur. Et je voudrais simplement relever un point, dont je ne sais pas s’il digne ou indigne de vous. Je n’ai jamais levé le voile sur une seule conversation que j’ai pu avoir avec un Président de la République dans l’exercice de mes fonctions. Jamais. Ni avec le Général de Gaulle, ni avec Georges Pompidou, ni avec Valéry Giscard d’Estaing, ni avec vous. Mais est-ce que vous pouvez dire M.Mitterrand, en me regardant dans les yeux, que je vous ai dit, que Gordji, que nous avions les preuves que Gordji était coupable de complicité ou d’action dans les actes précédents alors que je vous ai toujours dit que cette affaire n’était que du seul ressort du juge, que je n’arrivais pas à savoir, ce qui est normal compte tenu de la séparation des pouvoirs, ce qu’il y avait dans ce dossier et que, par conséquent, il m’était impossible de dire si véritablement Gordji était ou non impliqué dans ces affaires. Et le juge en bout de course a dit que non. Peu importe la chose. Je regrette d’avoir développé un élément de notre conversation mais pouvez-vous

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Jacques Chirac et François Mitterrand, débat du second tour des élections présidentielles, [en ligne] mené par Michelle Cotta et Elie Vannier, 28 avril 1988. [Consulté le 15/03/2020]. Extrait retranscrit d’1 h 57 et 28 secondes à 1 h 59 et 58 secondes. Disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=OPpBavtgCas

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vraiment contester ma version des choses en me regardant dans les yeux ? ». François Mitterrand : « Dans les yeux, je la conteste car lorsque Gordji a été arrêté et lorsque s’est déroulé cette grave affaire de blocus de l’ambassade avec ses conséquences à Téhéran, c’est parce que le gouvernement nous avait apporté ce que nous pensons être suffisamment sérieux comme quoi il était un des inspirateurs du terrorisme de la fin 1986 et cela, vous le savez fort bien. Enfin, j’en termine, il n’y avait pas de fureur, non, il y avait de l’indignation M. le Premier ministre.  ».

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8) L’opération Prométhée en chiffres

Du 30 juillet 1987 au 16 septembre 1988, l’opération prométhée en chiffres5 • La Task Force (TF) 623 a 3 missions : assurer la protection des intérêts français, affirmer une présence en mer d’Arabie et dans le golfe Persique, et préparer une action de rétorsion éventuelle sur un objectif désigné par le gouvernement suivie d’une incursion de trente-six heures dans le Golfe. • La TF est composée de 3 Task Groups (TG) : le TG 623.1 regroupant les avisos et les frégates, le TG 623.2 autour du groupe aéronaval et le TG 623.3 regroupant les bâtiments de guerre des mines. • La TF 623 intègre au total 33 bâtiments de tous types, dont 17 bâtiments simultanément au maximum de son effort. • Le groupe aérien embarqué du Clemenceau se compose de 8 Crusader de la 12F, 14 Super-Étendard de la 11F et de la 17F, 2 Étendard IVP de la 16F, 6 Alizé de la 4F, 2 Super-Frelon de la 32F, 2 Lynx de la 31F et 2 Alouette III de la 23S, soit au total 36 machines à bord. • 413 jours de déploiements pour le Clemenceau, dont 227 jours de mer. Sur la même période, les États-Unis ont fait se relayer 4 groupes de porte-avions sur zone. • Le Clemenceau parcourt 86  000 miles nautiques au cours de 8 patrouilles d’environ un mois en mer d’Arabie, 5 Copié sur LAVERNHE Thibault, « Trente ans après, un regard sur

l’opération Prométhée » sur Revue Défense Nationale [en ligne], publié en octobre 2018. [Consulté le 17/03/2020] https://www.aeprotet.fr/uploaded/revue-da-fense-nationale-trenteans-apra-s-un-regard-sur-lopa-ration-proma.pdf

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entrecoupées de relâches opérationnelles à Djibouti d’une quinzaine de jours. • 6 000 appontages sont réalisés, dont environ un tiers de nuit. • 70 bâtiments sous pavillons français sont accompagnés dans le Golfe sans incidents, 11 mines sont neutralisées, aucun incident n’est à déplorer.

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9) L’Utilisation des agents chimiques par les avions irakiens

La première bataille des marais de Hoveyzeh, au nord de Bassora, est déclenchée le 22 février 1984 par les Iraniens (offensive Kheibar), qui s’emparent lors d’un raid des îles Majnoun, deux îlots sablonneux abritant des installations pétrolières abandonnées depuis le début du conflit. L’objectif est de couper la route Bagdad-Bassora. La bataille dure jusqu’au 12 mars. Les Iraniens utilisent des embarcations légères pour transporter dans les marais les troupes venant d’Ahwaz. Six sorties de bombardement sont effectuées en mars 1984 sous le commandement du maj. Salah avec des bombes lisses Samp de 250 et 400 kg pour déloger les Pasdarans (3) iraniens. Le but des pilotes de « Mirage » est d’attaquer avec une relative précision, mais sans passer en dessous de 3000 m pour éviter les redoutables canons de 23 mm antiaériens. Une méthode de bombardement automatique avec utilisation du système de désignation en piqué à 25 est mise au point et adoptée. Une mission est pleinement réussie, les autres donnent lieu à des bombardements en manuel. Les attaques ont notamment visé des points d’embarquement iraniens. Lors de cette bataille, les Irakiens sont accusés d’avoir utilisé des agents chimiques dispersés par des bombardiers, ainsi que par des avions d’entraînement Pilatus  PC-7 «  Turbo Trainer  » (comme en épandage agricole). À la demande de l’Iran, des experts mandatés par l’ONU identifieront en mars 1984 deux gaz de combat : l’ypérite et le tabun, ainsi que des bombes chimiques d’origine espagnole non explosées (marquées « BR 250 WP » sur le corps et « ESP MU-09, lot 83-01 » sur les détonateurs). Ces bombes avaient été chargées en Espagne sur la base de Torrejon en janvier 1984 par un avion-cargo d’Iraqi Airways.

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Ont-elles été larguées par des «  Mirage  »  ? Les Français sont en tout cas tenus à l’écart de toutes ces opérations et n’y apportent aucun support. Un rapport français confidentiel d’août 1983 avait noté : « Le commandant Ryad, commandant l’Escadron 89, vient de partir pour deux semaines de stage en Espagne (instruction sur bombes ?) »6

6 https://henridewaubertdegenlis.wordpress.com/2017/10/26/les-program mes-secrets-avec-lirak-les-pilotes-temoignent/

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10) Les dix convoyages de « Mirage » F1EQ4 en 1983 et 19847

– 10e convoyage 7 au 10 juin 1983 – 4503, 4506, puis 4507, 4510 (*) – 11e convoyage 8 au 9 juillet 1983 – 4502, 4511 – 12e convoyage 12 au 17 septembre 1983 – 4504, 4505, puis 4004, 4512 – 13e convoyage 25 au 29 octobre 1983 – 4508, 4509, 4514, puis 4513, 4515, 4516 – 14e convoyage 22 au 24 novembre 1983 – 4024, 4517, 4520 – 15e convoyage 13 au 14 décembre 1983 – 4518, 4519, 4521 – 16e convoyage 10 au 11 janvier 1984 – 4015, 4501, 4524 – 17e convoyage 14 au 16 février 1984 – 4500, 4522, 4525 – 18e convoyage 29 au 30 mars 1984 – 4526, 4527 – 19e convoyage 11 au 12 juillet 1984 – 4523, 4529 Soit 32 avions livrés (27 F1EQ4, trois F1EQ2 et deux F1 BQ ). Restent en France : le 4005 pour les essais et le 4528 pour la formation des pilotes sur la base d’Orange. Contrats correspondants : « Baz » 221 du 16 décembre 1979 : – quatre « Mirage » F1EQ4 codés 4500 à 4503 ; – deux « Mirage » F1 BQ codés 4504 à 4505. 7 https://henr idewauber tdegen l is.wordpress.com/2017/10/26/les-pr ogrammes-secrets-avec-lirak-les-pilotes-temoignent/

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« Baz » 2210 du 16 février 1982 (levée d’option du« Baz » 221) : – 18 « Mirage » F1EQ4 codés 4506 à 4523. « Baz » 321 du 16 février 1982 : – six « Mirage » F1EQ4 codés 4524 à 4529. (*) Les pilotes ont d’abord convoyé deux avions puis sont revenus en France pour convoyer les deux autres.

Visite officielle en France du ministre de la Défense irakien Adnan Khairallah, en présence de son homologue français, Yvon Bourges le 3 mai 1979. © Collection Miguel Garcia

Présentation aux officiels irakiens du prototype de l’avion Dassault Mirage 2000. © Collection Miguel Garcia

Visite officielle en France du ministre de la Défense irakien Adnan Khairallah aux côtés d’officiels irakiens et français. © Collection Miguel Garcia

Lors de la visite d’Adnan Khairallah, ministre de la Défense irakien, le 3 mai 1979, Benno Claude Vallières remet une maquette de Mirage F1 au ministre irakien © Collection Miguel Garcia

Les pilotes irakiens en France, à côté d’un Super-Étendard de la Marine française. ©FarsNews

Saddam Hussein accueillant les pilotes lors de leur retour d’un bombardement. On peut apercevoir derrière un avion de conception soviétique Mikoyan-Gourevitch MiG-23 Flogger. ©FarsNews

© Le Canard enchainé Autorisation de reprendre l’article en date du 10 mai 2021.

© Le Canard enchainé Autorisation de reprendre l’article en date du 10 mai 2021.

Le bombardement de l’île de Larak par les avions irakiens, le 25 novembre 1986. © Jean-Louis Bernard

Le bombardement de l’île de Siri par les avions irakiens, le 12 août 1986 © Jean-Louis Bernard

Le deuxième F1 abattu 12 décembre 1981 © Jean-Louis Bernard

Dassault Mirage V égyptien prêté à l’Irak lors de la guerre contre l’Iran. Le drapeau égyptien sur la dérive a été effacé. ©FarsNews

Dassault Mirage F1 biplace aux couleurs de l’armée de l’air iranienne. Initialement, ces avions étaient aux couleurs irakiennes mais en 1991, lors de l’opération Tempête du Désert, 24 avions Mirage F1 irakiens ont fui en Iran espérant préserver leur force aérienne. Cependant, l’Iran les confisquera au titre de réparations de guerre. 13 sont encore en service aujourd’hui sous les cocardes iraniennes. ©FarsNews

Bibliographie

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II) Articles BEAUCHAMP Damien, « La politique française au Moyen-Orient : un examen critique », dans Revue Politique Etrangère, 1987, 52-4, pages 973-978. BENITSKY Monique, « Le monde arabe et le pétrole : la puissance bousculée », dans Revue Politique Etrangère, 1986, 51-2, pages 465-471. BLOCH Charles, « Le Proche-Orient dans la crise internationale actuelle », dans la Revue Politique Etrangère, 1951, pages 75 à 90. CHUBIN Shahram, « La France et le Golfe : opportunisme ou continuité ? », dans Revue Politique Etrangère, 1983, 48-4, pages 879-887. DE LA GORCE Paul-Marie, « Bilan d’un septennat : la politique extérieure française », dans Politique Etrangère, 1981, 46-1, pages 89-104. DJALILI Mohammad-Reza, « Iran-Irak  : an V de la guerre dans Revue Politique Etrangère, 1984, 49-4, pages 857-872. GARCON José, « La France et le conflit Iran-Irak », Revue Politique Etrangère, 1987, 52-2, pages 357-366. GUILLEMIN Dominique, « Du mandat national à l’engagement coalition », Revue historique des armées, 273 | -1, 51-62., 2014. HARGROVE Charles, « Valéry Giscard d’Estaing », dans Revue Politique Etrangère, 1986, 51-1, pages 115-128. LAURENS Henry, « La diplomatie française dans le conflit israélo-arabe (1967-1970) », dans Matériaux pour l’Histoire de notre temps, pages 3 à 11, 2009. MILLER Judith, « La paix au Moyen-Orient : une politique aux mains liées », dans Revue Politique Etrangère, 1985, 50-4, pages 951-960. RONDOT Philippe, « L’Irak : une puissance régionale en devenir », dans Revue Politique Etrangère, 1980, 45-3 pages 637-651. RONDOT Philippe, « La guerre du Chatt al-Arab : les raisons de l›Irak », dans Revue Politique Etrangère, 1980, 45-4, pages 867-879. WEISENFELD Ernst, «  François Mitterrand  », dans Revue Politique Etrangère, 1986, 51-1, pages 131-141 III) Articles juridiques ABRAVANEL-JOLLY Sabine, « Fonds de garantie – Indemnisation des victimes de dommages intentionnels » dans Répertoire de droit civil, 2012 (actualisation avril 2020), pages 289-295. BIGO Didier, « Les attentats de 1986 en France : un cas de violence transnationale et ses implications (Partie 1) » dans Revue Culture et Conflits, 1991.

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V) Actes juridiques A) Lois Loi n°86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme. Loi n°86-1322 du 30 décembre 1986  Loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique Loi organique n° 88-226 du 11 mars 1988 B) Jurisprudences Conseil constitutionnel n° 86-213 DC, 3 septembre 1986. Conseil d’Etat - 6 SS - 5 décembre 1990 - n° 110979 Cour de cassation - Chambre criminelle - 7 mai 1987 - n° 87-80.822 Cour de cassation - Chambre criminelle - 3 juin 1987 no 87-82.998  SITOGRAPHIE I) Sites généraux INSTITUT FRANÇAIS DES RELATIONS INTERNATIONALES, « Vers un nouvel empire perse au Moyen-Orient ? Entre mythe et réalité », sur IFRI [en ligne], publié en mai 2015. [Consulté le 14/09/2020] https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/note_djalili_ kellner_empire_perse_0.pdf BERTHO Erwan, « ZOOM SUR… LA GUERRE IRAN-IRAK (1980-1988), LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE ORIENTALE. (4/4) LES CONSÉQUENCES DE LA GUERRE », sur Histoire et géographie [en ligne], publié le 27 mai 2018. [Consulté le 18/09/2020]. https://www.hglycee.fr/?p=7994 II) Sites spécialisés ASSOULINE David, « Rapport relatif au contrôle et l’évaluation des dispositifs législatifs relatifs à la sécurité intérieure et à la lutte contre le terrorisme » sur Sénat [en ligne], publié en octobre 2012. [Consulté le 15/01/2020] http://www.senat.fr/rap/application-des-lois-terrorisme-10-2012/ application-des-lois-terrorisme-10-2012_mono.html#toc4 CENTR E D’ENSEIGNEMENT SUPER IEUR DE LA M AR INE, « L’aéronautique navale, les ailes de la mer », sur IRSEM [en ligne]. [Consulté le 30/01/2020]. https://www.irsem.fr/data/files/irsem/documents/document/ file/2485/BEM_46_Partie2.pdf

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VIDÉOGRAPHIE 1) Documentaires BOUQUET Christophe et LERAT Julie, Iran, le réveil d’un géant, sur France 5 [En ligne], diffusé le 29 novembre 2017, 72 minutes. [Consulté le 10/01/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=kOWI06Td8QQ DENIAU Jean-Charles, Les otages du Liban de 1985-1988, [en ligne], France 2, diffusé en 2007. [Consulté le 22/03/2020]. Disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?v=sD5B6Kky9cM FRITTEL Jérôme, Iran : liaisons dangereuses, diffusé le 1er octobre 2019, France 5, 96 minutes. [Consulté le 1/10/2019]. Disponible à l’adresse : https://www.france.tv/documentaires/politique/1070047-fra nce-iran-liaisons-dangereuses.html Jacques Chirac et François Mitterrand, débat du second tour des élections présidentielles, [en ligne] mené par Michelle Cotta et Elie Vannier, 28 avril 1988. [Consulté le 15/03/2020]. Extrait retranscrit d’1h57 et 28 secondes à 1h59 et 58 secondes. Disponible à l’adresse : https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=OPpBavtgCas Le Service d’Information et de Relations Publiques de l’Armée de l’Air, Mirage F1 – le chasseur polyvalent [En ligne], diffusé le 27 avril 2013, 52 minutes. [Consulté le 18/04/2020] https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=mbBJ9qsi2MQ 2) Journaux télévisés Journaux télévisés d’Antenne 2 3) Film NICLOUX Guillaume, L’affaire Gordji, histoire d’une cohabitation, 90 minutes, sorti en 2011

Index

A

B

Accord d’Alger 41, 43, 44, 46, 47, 48, 53 Accords Sykes-Picot 35 Affaire Luchaire 130, 131, 133, 136, 137, 174 Ahmad Hassan al-Bakr 35 Air France 110, 113 Ali Akbar Velayati 164 Ali Radjai 68 Amal 69, 112, 113, 116, 146 Amine Gemayel 112 AMX30 39 AMX AuF1 155 GCT 77, 91, 101 Anis Naccache 33, 157, 158, 164, 165, 166, 169, 170, 171 Arabistan 42 ASMP 91 Association Droit contre raison d’Etat 135 Aurel Cornéa 116

Bakhtiar 32, 33, 47, 49, 113, 114, 159, 165, 169 Bani Sadr 67, 49, 52, 171 Boulouque 139, 141, 142 C Centrale d’Osirak 82 Chaban-Delmas 28, 36 Chah 25, 27, 29, 31, 32, 33, 113, 157 Chambre criminelle de la cour de Cassation 130 Chapour Bakhtiar, 33, 47, 165 Charles Hernu 93, 97, 112, 132, 137, 144, 145, 147 CIA 15, 67, 112, 118, 144 Claude Cheysson 78, 79, 84, 86, 95, 145 Clémenceau 96, 145, 148, 160 Commissariat à l’Energie Atomique 30, 87, 168

232

Communauté Economique Européenne CEE 15, 60 Conseil Constitutionnel 126, 127, 128 Conseil de Sécurité des Nations Unies 15, 46, 49, 61, 85, 99, 103, 173, 193, 198 Convention de la Haye 154 Convention de Vienne 140 Convention de Vienne 141 Cour d’Appel de Paris 135 Cour Internationale de Justice 26 D Daniel Dewavrin 131, 133 Déclaration de Venise 60 DGSE 15, 96, 118, 132, 143, 144 Direction des Affaires Internationales 15, 132 Drakkar 111, 119, 142, 143, 145, 147, 158, 174 E Earnest Will 162, 163 Etats-Unis 38, 40, 44, 46, 49, 61, 68, 80, 83, 91, 110, 137, 161, 175, 195 Eurodif 29, 30, 31, 32, 65, 157, 164, 166, 167, 168, 169 Exocet 89, 94, 102, 103, 104 F F14 Tomcat 46, 88 FINUL 15, 115, 147 Fond de garantie 15, 129, 130 Fouad Ali Saleh 138 François Dubois 133

François Mitterrand 72, 74, 75, 76, 77, 79, 84, 86, 87, 91, 93, 95, 105, 111, 117, 123, 136, 141, 142, 144, 145, 170, 173, 206, 207 G Gardiens de la Révolution 51, 113 Général De Gaulle 25, 27, 28 Georges Hansen 116, 159 Georges Pompidou 28, 97, 206 Giscard d’Estaing 31, 37, 57, 62, 77, 112, 141, 153, 206 Gordji 130, 138, 139, 140, 141, 142, 147, 163, 174, 206, 207 Guy Motais de Narbonne 133 H Hachemi Rafsandjani 164 Halabja 152 Hamas 65 Hezbollah 113, 115, 118, 159 Houari Boumédiène 45 Hubert Védrine 77 Hussein Moussaoui 113 J Jacques Chirac 38, 77, 112, 121, 123, 124, 139, 141, 142, 148, 155, 159, 170, 206 Jacques Delors 77 Jacques Vergès 170 Jean-Bernard Raimond 154, 159 Jean-François Dubos 134 Jean-François Poncet 58, 63, 195 Jean-Louis Normandin 116, 159 Jean-Paul Kauffmann 115, 159 Jihad islamique 115, 147

233

K Khomeiny 31, 32, 47, 49, 51, 52, 65, 67, 68, 98 Khouzistan 42, 43, 47, 50, 52 L Legrand 133, 134 Louis Delamare 69 M Marcel Carton 115, 116, 159 Marcel Fontaine 115, 159 Massoud Radjavi 67 Michel d’Ornano 30 Michel Jobert 78 Mig23 53, 88 Mig25 88 Mirage 2000 155 Mirage F1 38, 66, 88, 89, 103, 175 Missiles antichar HOT 39 Mistral 16, 39 O OLP 16, 65, 78, 114, 165 OMPI 16, 68 OPEP 16, 38, 45 Opération Opéra 200 Opération Santé 143 Organisation des Moudjahidine du peuple d’Iran 16, 67 Ormuz 46, 63, 92, 119, 148, 196 Osirak 38, 80, 83, 85, 193, 200 Otage du Liban 140 P Parti socialiste 65, 72, 73, 75, 153 Pasdarans 114, 117

Pasqua 122, 140, 158 Philippe Rochot 116, 159 Pierre Bérégovoy 77 Pierre Mauroy 78, 84, 93 Pierre Mendes-France 27 Protocole de Constantinople 43, 44, 45 R Rafight Dought 117 Raymond Barre 39, 60, 63, 195, 196, 197 Résolution 479 61, 99, 103, 193, 198 Résolution 598 173 Révolution islamique 28, 31, 32, 47, 48, 50, 51, 64, 65, 67, 73 Roger Auque 116, 140, 159 Roland Dumas 77, 114, 164, 167 Roland II 90 S Saddam Hussein 36, 38, 47, 48, 49, 50, 51, 53, 57, 65, 66, 76, 83, 86, 95, 96, 116, 151, 152 Super-350 88 Super-Etendard 91, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 101, 104, 111, 145, 175, 201 Syrie 47, 50, 59, 81, 112, 116, 117, 145, 160 T Tarek Aziz 48, 53, 87, 93 Traité d’Amassia 42 Traité d’Amir Achraf 42

234

U UEO 16, 61 UNEF 16, 153

URSS 27, 33, 36, 44, 45, 46, 61, 83, 97, 103, 137, 154, 195 Z Zeyn al-‘abedin Sarhadi 166 Zia Ul Haq 62

Table des matières

Remerciements.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       5 Préface . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       7 Diplomatie, stratégie et politique de la France pendant la guerre Iran-Irak. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       7 Abréviations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       15 Partie I Chapitre 1  Les liens forts entretenus entre la France et l’Iran et leurs évolutions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       19 L’ambivalence des relations diplomatiques franco-iraniennes. . .       19 La politique persane de la France après la Grande Guerre. . . . . . . . . .       20 Les relations diplomatiques franco-iraniennes entre 1944 et 1979 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       25 Les liens culturels et scientifiques puissants entretenus entre la France et l’Iran Impérial.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       28 La coopération nucléaire franco-iranienne : l’accord Eurodif. . . .       30 L’évolution des relations diplomatiques franco-iraniennes lors de la Révolution islamique de 1979 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       31 Chapitre 2  L’amitié franco-irakienne, héritière de la politique arabe de la France. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       35 L’amorce de l’amitié franco-irakienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       35

236

Les prémices d’une coopération militaro-économique franco-irakienne marquée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       36 Le renforcement de la coopération militaro-nucléaire franco-irakienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       37 Chapitre 3 Les causes du déclenchement de la guerre Iran-Irak. . . . . . . . . . .       41 Le contexte de l’antagonisme séculaire entre Irak et Iran .. . . . . . . . .       41 Le tracé litigieux des frontières entre les deux États .. . . . . . . . . . . . . . . . . . .       42 L’humiliation de l’Irak par l’accord d’Alger de 1975. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       44 La concurrence féroce entre deux puissances luttant pour leur suprématie régionale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       45 La détérioration progressive des relations entre l’Irak et l’Iran .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       47 Le choix inévitable de la guerre par l’Irak. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       50 Partie II  La progression de la coopération franco-irakienne Chapitre 1  La position mouvante de la France lors de la première année du conflit Iran-Irak. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       57 L’absence de prise de position de la France au début du conflit ..       57 La recherche d’une solution pacifique de ce conflit par la France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       58 La volonté française de préserver les voies de navigation internationales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       63 L’amorce d’un soutien français plus appuyé en faveur de l’Irak . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       64 La peur de l’extension de la Révolution islamique dans la région . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       65 La recherche d’un équilibre régional .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       66 La dégradation brutale des relations entre la France et l’Iran . . . . .       67 Chapitre 2  L’engagement français en faveur de l’Irak dans le conflit ..       71 La continuité du soutien français à l’Irak malgré les alternances politiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       72

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La position du camp socialiste au début du conflit Iran-Irak . . . . . .       72 Le maintien du soutien français à l’Irak après la campagne présidentielle de 1981 .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       75 Le déclenchement d’une véritable opération de soutien militaire français à l’Irak . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       79 Le bombardement israélien de la centrale irakienne d’Osirak, élément déclencheur du soutien français massif à l’Irak . . . . . . . . . . . .       80 Le maintien des engagements de la France vis-à-vis de l’Irak .. . .       87 L’affirmation de plus en plus marquée de la cobelligérance française .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       99 Partie III  Les conséquences de l’engagement français en faveur de l’Irak Chapitre 1  La guerre indirecte de l’Iran contre la France. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       109 Les représailles iraniennes sur les intérêts français à l’étranger . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       109 Les représailles économiques affectant les entreprises françaises présentes en Iran.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       110 L’attentat du Drakkar à Beyrouth comme premier avertissement de l’Iran à la France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       111 L’affaire des otages français au Liban comme moyen de pression sur les autorités françaises. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       115 Les attaques navales iraniennes dans le Golfe sur des navires français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       118 Les conséquences intérieures de l’aide apportée à l’Irak. . . . . . . . . . .       120 Les attentats fomentés sur le territoire national par l’Iran .. . . . . . . . .       120 La politique française secouée par les « affaires » liées au conflit Iran-Irak .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       130 La réaction française à la guerre secrète lancée par l’Iran . . . . . . . . .       142 Les ripostes militaires engagées suite à l’attentat du Drakkar . . . .       143 Le déclenchement de l’opération Prométhée dans le Golfe. . . . . . .       147

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Chapitre 2 La fin progressive de l’amitié entre Paris et Bagdad .. . . . . . . . . .       151 L’abandon progressif occidental en général, français en particulier, de l’allié de circonstance irakien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       151 La timide condamnation française de l’attaque chimique irakienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       152 La dette colossale de l’Irak contractée par l’achat d’armement français . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       154 Les tentatives de rapprochement entre Paris et Téhéran à la fin du conflit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       156 L’apaisement souhaité des relations diplomatiques entre Paris et Téhéran .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       156 Le retrait du groupe aéronaval français du large des côtes iraniennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       160 L’épilogue de la crise franco-iranienne .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       163 Le rétablissement timide des relations diplomatiques franco-iraniennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       163 La recherche active de la normalisation des relations entre Paris et Téhéran . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       166 Conclusion.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       173 Postface. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177 Annexes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       193 Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       223 Index. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .       231

L’Iran aux éditions L’Harmattan Dernières parutions L’irak chiite parle persan Islamisme, milices, réseaux iraniens Théo Nencini La crise politique et sécuritaire qui afflige l’Irak depuis 2003 menace de perdurer indéfiniment. Confrontés à l’instabilité chronique de leur voisin, les dirigeants de la République islamique d’Iran considèrent l’Irak comme leur principale priorité de sécurité extérieure. D’une part, les conséquences de la guerre Iran-Irak (19801988) demeurent prégnantes et continuent de hanter l’imaginaire collectif iranien. D’autre part, l’Irak est avec l’Iran l’un

des deux grands centres de l’élaboration doctrinale chiite, et conserve une place de choix dans la symbolique religieuse iranienne. En partant du postulat selon lequel l’Iran a su tirer profit de la polarisation confessionnelle à l’oeuvre au MoyenOrient, Théo Nencini retrace la genèse de l’idéologie islamiste chiite et questionne l’emprise, réelle ou supposée, qu’exercent les organes décisionnels de Téhéran sur les forces politiques chiites en Irak.

Le diercteur d’école Jalal Al-e Ahmad Traduit du persan et postfacé par Radhia Dziri Un professeur de lycée, lassé par la routine de l’enseignement, pense trouver son salut en devenant directeur d’école primaire. Il hante les bureaux du ministère de l’Éducation, fait jouer ses appuis pour obtenir le poste, et, une fois dans la place, ce n’est pas si simple. Il doit composer avec sept enseignants, un surveillant général, un, puis deux hommes

à tout-faire et 235 élèves...Se croyant protégé par les hauts murs de cette école au milieu de nulle part et de construction récente, il n’échappe pas aux petits et aux grands arrangements. Il est rattrapé par les bouleversements de l’Iran du milieu des années 1950. A-t-il pris la bonne décision ?

La jeunesse de Téhéran en mal de perspectives Les conséquences de quatre décennies de crises Ludmilla Moulin À Téhéran, le quotidien des jeunes est d’autant plus difficile qu’ils sont soumis à des contraintes politiques et sociales sévères et sont souvent perçus comme responsables des maux de la société, de par leurs comportements et leur vision de l’avenir du pays. Cependant, selon leur classe sociale, leur sexe, et leur rapport à la religion, ils adoptent des comportements différents, voire totalement opposés, dans leurs relations sociales et dans leur rapport avec

le pouvoir. La jeunesse actuelle de Téhéran a vécu une courte phase d’espoir grâce à la signature des accords sur le nucléaire iranien, brusquement interrompue par le retrait unilatéral des États-Unis et la réimposition de nombreuses contraintes financières. Cet ouvrage se veut donc un constat, puis une étude des modes de vie divergents et des perspectives d’avenir des jeunes de Téhéran, à travers des témoignages recueillis dans des ouvrages et articles de presse.

Entre l’Iran et la Turquie : quelle place pour la Russie ? Un retour sur la crise syrienne Anastasia Protassov Depuis près de dix ans, la Syrie est plongée dans une guerre civile, crise dont l’internationalisation a radicalement bouleversé les situations régionale et internationale, avec l’émergence de Daech. Par son intervention militaire en 2015, Moscou a amorcé son grand retour dans la région moyen-orientale. Face à l’incapacité occidentale de mener une politique commune

et efficace, la Russie a su capitaliser sur les dynamiques internationales, régionales et internes pour devenir un acteur incontournable du conflit. Cet ouvrage aborde la stratégie diplomatique si particulière de la Russie de Poutine au sein d’une guerre civile déchirant « l’Orient compliqué », et permettant à Moscou de compter, y compris face à des acteurs régionaux comme l’Iran et la Turquie.

Successions et libéralités dans l’iran mazdéen Droit zoroastrien de la famille Nicolas Forest A l’instar du droit romain, le droit successoral mazdéen distinguait les présomptions simples et irréfragables, connaissait la représentation successorale, la théorie des comourants, le droit d’accession, le rapport des libéralités ; en matière de règlement du passif, il appliquait la règle nemo liberalis nisi liberatus, permettait aux créanciers successoraux de bénéficier

du privilège de la séparation des patrimoines, soumettait les cohéritiers débiteurs à une obligation in solidum ; en matière de droit de la filiation, il distinguait l’adoption simple de l’adoption plénière. Tout en décrivant exhaustivement le droit successoral mazdéen, cet ouvrage établit de nombreux parallèles avec d’autres droits de l’Antiquité, ainsi qu’avec le droit français.

Des sanctions imposées à l’iran et de leurs effets Alexandre Austin Traditionnellement utilisés par de nuire à la stabilité régionale les États dans le cadre des et d’entretenir des ambitions conflits armés, les embargos nucléaires hostiles. Cependant, et sanctions internationales les effets de ces sanctions, sont aujourd’hui souvent mis en loin d’obtenir les résultats œuvre en temps de paix. Après escomptés, interrogent quant la révolution iranienne de 1979, à l’impact sur la population, l’ordre géopolitique mondial notamment sa partie la plus a subi des bouleversements. pauvre. L’ouvrage traite d’une La rupture consommée avec opposition fondamentale, celle le s État s- Unis mar qua le de la première puissance commencement d’une lutte de mondiale et d’un État non-aligné, pouvoir au Moyen-Orient et d’une ainsi que de ses implications politique d’endiguement de la universelles. « menace iranienne », accusée

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Passionné par les questions de défense et de sécurité aussi bien nationales qu’internationales, Antoine Buzat est diplômé du master 2 droit public, parcours sécurité défense de l’université de Toulon. ISBN : 978-2-343-23465-6

24,50 €

En couverture : Mirage F1 © Collection Jacques Guillem Super étendard en Irak © Abed Ali

Antoine Buzat

L

’année 2020 a marqué le quarantième anniversaire de ce conflit moyen-oriental assez méconnu opposant l’Irak à l’Iran et ayant eu d’importantes répercussions en Europe, surtout en France. En effet, cette dernière soutient l’Irak discrètement et militairement depuis le milieu des années 1970 en lui fournissant munitions, armes lourdes et aviation. L’Iran estime que la France est devenue une cobelligérante dans ce conflit et, pour se défendre et faire infléchir la position française vis-à-vis de l’Irak, organisera des actes de représailles sur les intérêts français aussi bien à l’étranger (prises d’otages, détournements d’avions, attaques de navires français dans le golfe Persique) que sur son sol par le soutien et le financement de groupes terroristes commettant une dizaine d’attentats sur le territoire français entre 1985 et 1986, en région parisienne. Ces actes de terreur obligeront les pouvoirs publics à renforcer l’arsenal législatif dans la lutte contre le terrorisme. Ce conflit bouleversera également la scène politique française par la révélation de scandales politiques, financiers et diplomatiques au travers des affaires Luchaire et Gordji.

Les implications de la France pendant la guerre Iran-Irak

Les implications de la France pendant la guerre Iran-Irak

Antoine buzat

Les implications de la France pendant la guerre Iran-Irak Préface de Laurent Reverso Postface de Jean-Louis Bernard