241 64 30MB
French Pages 393 [416] Year 1966
LES F O N C T I O N S DES F E M M E S DANS L ' I N D U S T R I E
ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES — SORBONNE Vie SECTION:
SCIENCES
ÉCONOMIQUES
ET
ÉTUDES EUROPÉENNES IV
PARIS
M O U T O N & CO MCMLXVI
L A HAYE
SOCIALES
MADELEINE
GUILBERT
LES FONCTIONS DES FEMMES DANS L ' I N D U S T R I E
PARIS
MOUTON & CO MCMLXVI
LA HAYE
CET
O U V R A G E
PUBLIÉ DU
AVEC
CENTRE
LA R E C H E R C H E
LE
A
É T É
CONCOURS
NATIONAL
DE
SCIENTIFIQUE
(C) 1966 by Mouton & Go T h e Hague and École Pratique des Hautes Études, Paris Printed in the Netherlands
Table des matières
AVANT-PROPOS
XI
Introduction L E S OBJECTIFS E T LES MÉTHODES
1
Les raisons d'une étude des fonctions professionnelles des femmes dans le domaine industriel Les données statistiques existantes. Leurs limites . . . . Les travaux antérieurs Le choix des industries des métaux comme champ d'enquête . Les méthodes d'enquête L'échantillon Première LA
PERSPECTIVE
HISTORIQUE:
1 3 7 10 12 14
Partie
L'ÉVOLUTION
DU T R A V A I L
DES
FEMMES
DANS L'INDUSTRIE
21
Les corporations L'extension de la production rurale au 17 e et au 18 e siècle et le développement du travail des femmes La naissance du machinisme dans l'industrie textile et ses conséquences La persistance de l'industrie familiale L'appel à la main-d'oeuvre féminine dans les fabriques . . . L'extension du travail des femmes dans les branches autres que le textile Le travail industriel des femmes dans la seconde moitié du 19 e siècle et jusqu'à la veille de la guerre 1914-18 La mise en concurrence de la main-d'oeuvre masculine etféminine . . Les réaction ouvrières. L'organisation syndicale et les femmes . . . Le travail industriel des femmes et l'opinion publique dans la seconde moitié du 19e siècle. La réglementation du travail féminin . . . La première guerre mondiale Les problèmes posés par l'évolution du travail des femmes depuis la première guerre mondiale
21 28 31 32 35 41 43 45 49 54 60 66
Vili
Table des matières
Deuxième Partie I.
L A P L A C E A C T U E L L E DES FEMMES DANS LES INDUSTRIES DES M É T A U X
.
75
L a r é p a r t i t i o n des postes d e t r a v a i l e n t r e h o m m e s et f e m m e s .
.
76
Les postes uniquement masculins «Groupe A» Les postes mixtes «Groupe B»:
78
étude de la répartition des tâches entre
ouvriers et ouvrières
80
Le montage
81
Le contrôle .
.
.
.
Les travaux d'usinage
86
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
89
Tournage et décolletage
89
Reprise et rectification Les travaux sur presses
.
.
.
.
. .
.
.
.
.
.
93
.
96
Les travaux de soudure
101
Magasinage et emballage
103
Rivetage et sertissage
.
.
.
.
106
Peinture, vernissage, émaillage Les «aides»
.
108
.
.
.
.
110
Le noyautage .
.
.
.
111
Le polissage
.
.
.
113
.
Le moulage de matières plastiques
116
Le décapage-dégraissage
117
Gravure et marquage
118
Le cisaillage
.
.
.
.
120
Le meulage et l'ébarbage
121
L'estampage et le matriçage
122
Le revêtement (mise au bain)
.
123
La réparation
124
Les pontonniers
.
.
.
.
125
Le moulage de fonderie
126
Les postes uniquement féminins «Groupe C»
127
Le bobinage
127
Les attacheuses
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
Les travaux sur balanciers
129 130
Les lignes d e clivage e n t r e t â c h e s m a s c u l i n e s et t â c h e s f é m i n i n e s
.
131
Q u e l s é l é m e n t s d é t e r m i n e n t les d i f f é r e n c e s d e q u a l i f i c a t i o n e n t r e h o m m e s et f e m m e s
137
Les différences de qualification et les différences dans la nature de la tâche. Les processus de dévalorisation des tâches féminines Qualification
et mixité. L'influence des salaires
.
.
.
.
137 140
Table des matières
ix
La disparité des taux de salaires masculins et féminins. Les processus de dévalorisation des salaires féminins 141 Les différences dans les modes de rémunération. Prédominance des rémunérations au rendement pour les femmes . . . 145 Les différences dans l'implantation des postes de travail masculins et féminins 148 La disparité des durées hebdomadaires de travail . . . . 1 5 0 Les différences dans la répartition journalière des heures de travail 152 Dans quelle mesure y a-t-il eu évolution du clivage entre travaux industriels masculins et féminins? 154 II.
LES
CARACTÉRISTIQUES
DES
TRAVAUX
FÉMININS.
LA
SÉLECTION
DES OUVRIÈRES
156
L'outillage utilisé par les ouvrières Les caractéristiques du cycle de travail
157 158
Le nombre d'opérations à accomplir : prédominance des travaux morcelés. La durée du cycle de travail : des chiffres suggestifs . . . . La continuité dans la succession des cycles de travail . . . .
158 161 162
Les gestes de travail des ouvrières. Prédominance des éléments de contrainte La contrainte du rythme Possibilités très limitées de changements dans le travail . . .
165 168 170
Les changements de série Les changements de poste
170 171
Les conditions du «travail d'usine» L'ouvrière et l'atelier: une situation fréquente d'isolement
.
.
172 178
La composition des ateliers
178
Les rapports de travail
179
Les exigences de la tâche : importance des qualités manuelles et des . . . comportements garantissant la rapidité du travail Les temps de formation Les travaux féminins: les plus parcellaires, les plus répétitifs, les plus contraignants parmi les travaux industriels non qualifiés . Le recrutement des ouvrières Une demande d'emploi abondante La sélection à l'embauche
182 188 190 195 195 198
Conclusions La permanence d'une distinction marquée entre rôles professionnels masculins et féminins dans les ateliers résulte-t-elle de la nature particulière du travail industriel?
205
Table des matières
X
A. Question préalable : Lesfemmes sont-elles inaptes pour tous les travaux industriels dont elles sont écartées B. L'inf luence des modèles traditionnels dans la détermination des rôles professionnels masculins et féminins dans l'industrie . . . . C. Les attitudes des ouvrières d'industrie et la répartition des rôles professionnels. En quoi ces attitudes sont liées à un ensemble de situations concrètes? D. L'importance particulière des éléments de contrainte dans l'attribution des tâches industrielles féminines L'existence d'un groupe particulier des femmes sur le plan professionnel a-t-elle nécessairement des répercussions sur la cohésion de la classe ouvrière? Perspectives : Les incidences possibles de l'automation sur le clivage des rôles masculins et féminins dans l'industrie . . . .
205 207
212 215
217 222
Annexes I. II.
STATISTIQUES LE
231
MATÉRIEL
D'ENQUÊTE
240
I I I . L'ÉCHANTILLONNAGE IV.
247
R É P A R T I T I O N DES HOMMES ET DES FEMMES D E L'ÉCHANTILLON P O U R CHACUN DES POSTES D E T R A V A I L D E L A CATÉGORIE B. R A I S O N S A V A N CÉES DANS CHAQUE ENTREPRISE P O U R JUSTIFIER CETTE RÉPARTITION
V.
E X E M P L E S D E TÂCHES FÉMININES GROUPÉES SUIVANT LA D U R É E D U CYCLE
V I .
250
DE TRAVAIL
QUELQUES
BIBLIOGRAPHIE
BIOGRAPHIES
370 D'OUVRIÈRES
377 385
Avant-Propos
Cet ouvrage comprend d'une part la présentation et l'analyse des faits permettant d'expliquer l'état actuel du clivage entre travaux industriels masculins et féminins, d'autre part des documents indispensables pour étayer cette analyse. Ces documents ont été réunis dans une série d'annexes qui représentent plus du tiers de l'ensemble. Dans la plus importante de ces annexes, on a regroupé l'essentiel des données recueillies sur la répartition des tâches entre hommes et femmes pour les cent vingt-neuf entreprises que comprenait l'échantillon d'une vaste enquête menée dans la région parisienne. Ce regroupement, effectué en fonction des postes de travail, représente une étape importante de l'exploitation des résultats de cette enquête. Il constitue la base sur laquelle est fondé l'essentiel de notre étude et le lecteur est à maintes reprises invité à s'y reporter. Pour les autres documents placés en annexe (tableaux élaborés à partir de données statistiques, textes de questionnaires, données relatives à l'échantillonnage, descriptions de postes de travail typiques, biographies professionnelles), il s'agissait surtout de donner au lecteur la possibilité de se référer à un ensemble d'informations indispensables mais dont l'incorporation dans le texte eût risqué de l'alourdir. Nous pensons, en adoptant cette formule, avoir concilié la nécessité de la concision et de la clarté de l'exposé avec le souci de présenter un travail appuyé sur des bases scientifiques solides.
Introduction
Introduction: Les objectifs et les méthodes
LES RAISONS D'UNE ÉTUDE DES FONCTIONS PROFESSIONNELLES DES FEMMES DANS LE DOMAINE INDUSTRIEL
La question du clivage entre les fonctions professionnelles masculines et féminines occupe une place centrale dans l'étude des problèmes du travail des femmes. Quel que soit en effet l'angle sous lequel on aborde cette étude: problèmes de l'éducation professionnelle, des attitudes au travail, de la stabilité sous toutes ses formes, de la participation aux activités syndicales, on est amené à rechercher des éléments d'explication dans les différences entre les travaux généralement confiés aux hommes et ceux confiés aux femmes. Il est donc étonnant de constater qu'aucune étude particulière n'a été entreprise à ce sujet. Dès que l'on tente d'aborder une telle étude, l'intérêt de la différenciation entre fonctions professionnelles masculines et féminines en tant que fait social lié à des aspects très divers de la réalité d'une société donnée ne fait aucun doute. Les problèmes qu'elle soulève, et en particulier celui de l'existence, sur le plan professionnel, d'un groupe particulier des femmes, sont importants. Une première approche fait toutefois apparaître qu'elle ne saurait être envisagée globalement sous peine d'être dangereusement simplifiée. Les clivages entre les fonctions des hommes et celles des femmes dans l'enseignement, dans les professions commerciales et dans l'industrie par exemple, même s'ils présentent des points communs, expriment dans une large mesure des réalités différentes qui ne peuvent manquer de mettre e n j e u des systèmes d'explication différents et d'avoir des conséquences différentes. En choisissant de mener une étude dans le seul domaine des activités industrielles nous sommes donc guidée par l'idée qu'une telle recherche ne peut être approfondie que si elle est d'abord circonscrite à un secteur bien défini. Le secteur industriel revêt dès lors à nos yeux un intérêt particulier. Les femmes travaillant dans l'industrie constituent une partie importante de la population féminine active: sur cent femmes actives hors de l'agriculture, trente-trois le sont actuellement dans l'industrie, dont vingt-six dans les branches autres que l'habillement. Or, le travail industriel représente un aspect peu connu des réalités professionnelles. L'ouvrière d'usine accomplit sa tâche dans des entreprises situées souvent dans de lointaines banlieues et où le public ne pénètre pas. Les noms des travaux qu'elle accomplit éveillent peu d'échos: on sait en gros ce que fait une vendeuse, une dactylo, une institutrice, une infirmière; on ignore le plus souvent en quoi consistent les tâches d'une bobineuse, d'une emboutisseuse, d'une noyauteuse, d'une contrôleuse, dans quelles conditions
2
Objectifs et méthodes
elles sont accomplies et en quoi elles se différencient des tâches industrielles masculines. Une autre considération plus importante motive notre choix : le clivage entre travaux masculins et féminins semble être plus profond dans l'industrie que dans les autres professions. On peut observer actuellement, dans certaines branches de l'emploi, des tendances à une évolution de ce clivage; elles n'apparaissent guère dans les professions industrielles, surtout dans les travaux d'atelier. Il est possible alors de se demander si des conditions particulières à l'industrie, aux travaux qu'elle offre, à la population qu'elle emploie n'interviennent pas, dans le cadre de la société globale où se situent nos observations, pour déterminer le maintien d'une différenciation plus accentuée que dans les autres secteurs de l'emploi. Ces conditions ne peuvent être analysées qu'à partir d'un tableau précis de la répartition des hommes et des femmes sur les différents travaux, d'une étude du contenu de ces travaux, des raisons avancées pour justifier ces différenciations. Ajoutons que le travail des femmes dans l'industrie remonte en France à un passé éloigné, que la différenciation entre travaux masculins et féminins a soulevé des problèmes importants, qu'elle a eu notamment des répercussions sur le développement du mouvement ouvrier. En décidant de placer en tête de notre étude un rappel des faits les plus marquants de l'histoire du travail industriel des femmes et de leurs rapports avec l'ensemble de la classe ouvrière, nous voulons nous assurer la possibilité d'apprécier les changements intervenus. Nous pourrons utiliser ces éléments historiques pour étayer nos explications concernant la période actuelle. Ils sont susceptibles notamment d'éclairer la question des incidences sur la cohésion de la classe ouvrière de l'existence, dans le domaine professionnel, d'un groupe particulier des femmes. C'est un fait, enfin, que la répartition des tâches entre hommes et femmes a connu récemment, dans des sociétés globales d'un type différent de celle dans laquelle nous menons notre étude, une évolution, controversée certes, mais qui n'en mériterait pas moins qu'on l'examine. La comparaison (que nous ne pourrons qu'évoquer) apporterait des éléments utiles pour la discussion de nos conclusions. Notre but, en envisageant le problème des fonctions des femmes dans l'industrie, est donc loin d'être essentiellement descriptif. Nous pensons certes consacrer une partie importante de cet ouvrage à une comparaison des travaux masculins et féminins. Cette recherche doit toutefois nous amener à dégager une notion plus complexe de rôles masculins et féminins dans les professions industrielles. Elle doit nous permettre d'avancer un ensemble d'explications susceptibles de rendre compte, dans le cadre d'une société globale donnée, du clivage de ces rôles professionnels; elle doit déboucher sur le problème des répercussions possibles de ce clivage. Elle nous amènera, pour finir, à dégager
Données statistiques
3
des hypothèses concernant son évolution dans la perspective d'un développement des processus actuellement amorcés d'automatisation de la production. Il n'était pas question d'entreprendre cette recherche pour d'autres catégories que celles travaillant en atelier. La répartition globale, suivant la catégorie professionnelle, de l'ensemble des salariés hommes et femmes travaillant dans l'industrie présente certes des différences intéressantes. 1 La présence des femmes parmi les cadres supérieurs, et même parmi les cadres moyens, est notamment très réduite. Cette différence est déjà significative d'une répartition des fonctions. Des enquêtes récentes ont montré que, malgré la pénurie actuelle de cadres techniques, on hésite dans les entreprises à employer des femmes même lorsqu'elles sont munies des diplômes ou des connaissances nécessaires. 2 Mais l'accession des femmes aux échelons élevés ou moyens des activités industrielles soulève des problèmes spécifiques, 3 distincts de ceux que pose l'utilisation des femmes parmi la main-d'oeuvre ouvrière. O n ne pouvait songer à traiter en même temps ces problèmes. L'étude a donc été circonscrite à la maind'oeuvre occupée en atelier. Avant d'entreprendre une telle recherche, il était nécessaire de faire le point des données actuellement disponibles. Elles se rattachent essentiellement à deux sources, les unes sont d'ordre statistique, les autres proviennent d'observations déjà faites par différents auteurs. LES D O N N É E S S T A T I S T I Q U E S E X I S T A N T E S , L E U R S L I M I T E S
Contrairement à une opinion couramment admise, les statistiques nous apprennent que, pour les salariés d u secteur privé, le pourcentage d'ouvriers est sensiblement le même parmi les hommes (62,1 %) et parmi les femmes (59,1 %). 4 La représentation plus importante des employés parmi les femmes se trouve compensée notamment par la faible représentation des cadres et des employeurs. Cette constatation ne peut que confirmer l'intérêt d'une étude de l'emploi des femmes au niveau des postes d'atelier. 1. Voir Annexe i, tableau iv, p. 234: Répartition des hommes et des femmes dans les professions industrielles suivant la catégorie socio-professionnelle combinée avec le statut. 2. U n e enquête effectuée en 1958 par le Bureau universitaire de statistiques auprès d'un certain nombre d'organisations patronales et d'entreprises a fait apparaître des réticences. Lorsqu'on envisage l'emploi des femmes comme cadres techniques, c'est au niveau des laboratoires ou des bureaux d'études, mais on juge dans l'ensemble impossible de leur confier des postes impliquant des rapports de commandement avec les ateliers. («L'emploi féminin dans l'atelier. Cadres et techniciens», Bulletin de l'Institut national d'orientation professionnelle, septembre-octobre 1959, p. 259-63). 3. Les études d'Yves Legoux sur les techniciens de la chimie, en soulignant des différences d'attitudes entre les jeunes filles et les jeunes gens, ont mis en lumière la complexité et la spécificité de ces problèmes (Legoux Y., «Attitudes des jeunes filles devant une profession technique», Sociologie du travail, 1962, n° 3). 4. Voir Annexe i, tableau i v , p. 234. Encore faut-il remarquer que l'I.N.S.E.E. compte les
4
Objectifs et méthodes
La répartition des ouvriers et des ouvrières entre les diverses branches de l'industrie fait par contre apparaître des différences. 5 Trois branches se distinguent par l'importance de la place qu'elles occupent dans les activités industrielles féminines: l'industrie textile (292 femmes pour 1000 ouvrières), les industries de l'habillement (211 femmes pour 1000 ouvrières), les industries mécaniques et électriques (159 femmes pour 1000 ouvrières). La répartition entre les grands groupes d'activités industrielles est beaucoup plus étalée pour les hommes mais certaines différences dans l'ordre de classement suivant le sexe méritent d'être soulignées: les industries d u bâtiment qui ne comptent presque pas de femmes viennent a u deuxième rang pour les hommes (208 pour 1 000 ouvriers) ; la différence est importante aussi pour les cuirs et peaux (33 hommes pour 1000 ouvriers, 63 femmes pour 1000 ouvrières), pour les industries d u papier-carton (20 hommes pour 1 000 ouvriers, 32 femmes pour 1 000 ouvrières). Ces différences sont évidemment liées à des écarts considérables d ' u n e branche à l'autre dans le pourcentage des femmes parmi l'effectif ouvrier. C'est là un autre aspect de la répartition des hommes et des femmes qui vaut qu'on s'y arrête. Si l'on considère d'abord les grandes catégories d'activités collectives industrielles, on constate d ' u n secteur à l'autre des différences très marquées. 6 La proportion de femmes dans le seul personnel ouvrier était en 1954 de 0,6 % dans les industries du bâtiment, de 1,2% dans les industries extractives, elle atteignait 15,9 % pour l'ensemble des industries mécaniques et électriques, 25 % pour les industries alimentaires, 27,7 % pour les industries chimiques, 45 % dans les cuirs et peaux, 58 % dans les industries textiles. Il faut voir certes derrière ces chiffres des tendances différentes : tendance à la stagnation de l'emploi féminin dans le textile, tendance à u n développement dans les branches plus récentes comme les métaux, les industries alimentaires, les industries chimiques. Ces différences sont cependant considérables. U n examen plus détaillé permet d'autre part de constater, à l'intérieur de contremaîtres parmi les ouvriers et que ceux-ci, sauf de très rares exceptions, sont des hommes. O n sait d'autre part que les dénombrements de la population active sont basés sur des déclarations individuelles. L'existence du travail saisonnier, plus répandu parmi les femmes que parmi les hommes, est susceptible suivant le moment où est effectué le recensement, de fausser, pour ces dernières, les dénombrements. Il faut enfin tenir compte d u «travail noir». D e nombreuses femmes, m ê m e travaillant à temps complet acceptent, afin de percevoir l'allocation de salaire unique, de n'être pas inscrites à la Sécurité Sociale. Lors des recensements, ces femmes évitent sans doute de déclarer qu'elles exercent une activité professionnelle. O n peut donc penser, sans pouvoir avancer de chiffres, que le nombre d'ouvrières dans la population active féminine est largement sous-estimé par rapport au nombre d'ouvriers. 5. Voir Annexe i, tableau v, p. 235: Répartition de 1000 ouvriers et de 1000 ouvrières du secteur privé de l'industrie entre les grandes catégories d'activités collectives. 6. Voir Annexe i, tableau vi, p. 236: Pourcentage de femmes parmi le personnel ouvrier des établissements privés pour chaque catégorie d'activité collective industrielle et pour quelques groupes à l'intérieur de ces catégories.
Données statistiques
5
chacun de ces groupes, une extrême diversité. L'exemple le plus typique est sans doute celui de l'industrie des métaux où la proportion des femmes parmi le personnel ouvrier qui n'est que de 5,4% dans la première transformation, passe à 9,8 % dans les industries mécaniques, 26,2 % dans la fabrication des articles métalliques et 31,9% dans la construction électrique. Encore faut-il remarquer que, parmi les industries mécaniques, la robinetterie utilise 17,3 % de femmes, que, dans la fabrication des articles métalliques, celle des emballages métalliques en compte 53,1 % et que, dans la construction électrique, la fabrication des lampes occupe des ouvrières dans la proportion de 69,8%. Dans les industries alimentaires la fabrication des corps gras utilise 9,4 % de femmes et la biscuiterie 62,7%. Dans les industries du papier et carton, les femmes sont en minorité dans la fabrication du papier (25,7 %) mais en majorité dans les opérations de transformation (56,6 %). L'existence de secteurs plus spécifiquement féminins apparaît ici d'autant plus nettement qu'elle se manifeste par des différences considérables dans la participation des femmes aux activités d'une même branche, utilisant souvent des techniques voisines et qui ont connu des développements parallèles. A ces secteurs plus spécifiquement féminins doivent correspondre des emplois confiés de préférence à des femmes, mais les statistiques, il faut bien le dire, ne nous renseignent guère sur la nature de ces emplois. La proportion de femmes est souvent plus élevée dans les catégories d'activités comportant des travaux plus légers. Il est vrai aussi que certaines activités qui comportent précisément des travaux légers, les usines d'aviation par exemple, n'utilisent qu'un faible pourcentage de femmes: le degré de qualification du travail joue manifestement ici un rôle important. Nous voyons d'autre part apparaître des aspects de tradition, celle par exemple qui éloigne les femmes des professions du bâtiment, alors que dans d'autres pays elles y occupent une place importante. La distribution de la population ouvrière féminine suivant l'importance de la participation aux différentes catégories d'activités collectives industrielles nous fait pressentir la complexité des éléments qui entrent enjeu pour déterminer la répartition des postes de travail entre hommes et femmes ; mais elle ne nous apporte que peu de données sur la nature de ces éléments. Les statistiques offrent cependant un autre moyen d'approche pour l'étude des différences entre postes masculins et féminins dans l'industrie puisqu'elles nous donnent la répartition du personnel ouvrier suivant la qualification. Le tableau donné en annexe 7 met en évidence l'existence de structures de 7. Voir A n n e x e i, tableau v u , p. 239: Répartition de la population ouvrière masculine et féminine suivant le niveau de qualification pour chaque grand groupe d'activités collectives de l'industrie et pour l'ensemble des industries de transformation. Nous n'utilisons pas, p o u r a b o r d e r cette question, les statistiques de l ' I . N . S . E . E . : basées sur les déclarations individuelles établies lors des recense-
6
Objectifs et méthodes
qualification très différentes suivant qu'il s'agit de main-d'oeuvre masculine ou féminine : La proportion d'ouvriers qualifiés est beaucoup plus importante chez les hommes que chez les femmes. Déjà considérable au niveau des petits professionnels (17,6% des hommes et 9 , 2 % des femmes ont été classés P.l), la différence s'accroît pour les niveaux plus élevés de qualification demandant une véritable formation. Au niveau des P.2, la représentation parmi les femmes est très faible; elle est pratiquement inexistante pour les P.3 (1,1 % contre 11,1 % chez les hommes). Encore faut-il remarquer que les chiffres d'après lesquels ces pourcentages ont été calculés comprennent les industries de l'habillement où les qualifications déclarées pour les femmes sont plus élevées que dans les autres branches. La proportion d'O.S. est plus élevée chez les femmes que chez les hommes et la répartition entre O.S.l et O.S.2 est très inégale. Alors que la population industrielle masculine comprend un pourcentage d'O.S.2 légèrement supérieur à celui des O.S.l (18,1 % d'O.S.2 et 14,8% d'O.S. 1), la population féminine comporte une proportion beaucoup plus élevée d'O.S. 1 (30,5% contre 17,3% d'O.S.2). La proportion de manoeuvres est également plus importante parmi les femmes que parmi les hommes. La différence porte essentiellement sur les manoeuvres ordinaires (17,6% de M.l dans la population ouvrière féminine contre 12,5 % de M.2; 7,3% de M . l dans la population ouvrière masculine contre 11,4% de M.2). O n compte enfin une proportion plus importante parmi les femmes de jeunes ouvriers de moins de dix-huit ans travaillant avec ou sans contrat d'apprentissage. Cette observation confirme les résultats de l'enquête d'Alain Girard qui constate que le pourcentage de jeunes filles mises au travail sans apprentissage est supérieur au pourcentage parmi les garçons. 8 O n observe donc une prédominance très nette parmi la population féminine des catégories les moins qualifiées.' ments quinquennaux, elles risquent en effet d'être entachées d'erreurs, les déclarants ayant souvent tendance à forcer leur qualification. Les statistiques établies périodiquement par le Ministère du Travail et tirées des données recueillies lors de son enquête trimestrielle sont certainement plus proches de la réalité. 8. A. Girard, «L'Orientation et la sélection des enfants d'âge scolaire», Population, n° 4, 1954. 9. Si, au lieu de considérer les chiffres globaux, on examine les données par branches, on voit apparaître des variations suivant les groupes d'activité professionnelle. La proportion d'ouvrières qualifiées et surtout de P. 1 parmi les femmes est un peu plus élevée dans le textile, dans les cuirs et peaux, dans l'habillement, dans les industries polygraphiques que dans les autres branches. Mais les variations les plus importantes d'un groupe à l'autre portent surtout sur la distribution entre les O.S. et les manoeuvres. La proportion d'O.S. atteint 78% de la main-d'oeuvre féminine pour l'ensemble des industries mécaniques et électriques, tandis que dans les industries alimentaires on trouve parmi les femmes 13 % d'O.S. et 78% de manoeuvres. Mais nous avons affaire précisément à deux industries dans lesquelles, pour des raisons très complexes qui tien-
Travaux antérieurs
7
L'examen des statistiques concernant les structures de qualification permettent-elles d'aller plus loin dans l'étude des caractéristiques des postes confiés aux femmes dans l'industrie? Il ne semble pas, car on rencontre alors deux obstacles qui tiennent aux incertitudes de la notion de qualification. Il existe certes un lien entre le niveau de qualification et la nature du travail, mais, comme l'a montré Pierre Naville, 10 la qualification n'est pas liée seulement à la nature technique du travail, elle se présente comme le résultat d'une série complexe de rapports dans lesquels entrent en jeu des facteurs économiques et sociaux. Ce n'est donc pas à travers une analyse plus poussée des structures de qualification que l'on saisira des faits qui pourraient permettre d'étudier la répartition entre hommes et femmes des travaux industriels suivant leur nature. Bien au contraire, une analyse approfondie des structures de qualification exigerait que l'on connaisse d'abord la nature réelle des emplois confiés aux hommes et aux femmes. O n sait d'autre part, que pour un même échelon de qualification et en particulier au niveau des emplois non qualifiés, il existe une infinie variété de tâches. Sous la même dénomination les statistiques englobent des emplois qui peuvent se distinguer les uns des autres par l'effort physique à fournir, par les opérations qu'ils comportent, par l'outillage employé, par les qualités qu'ils exigent, les conditions dans lesquelles ils sont accomplis, la manière dont ils sont rémunérés. Comme l'étude de la répartition entre les catégories d'activités collectives industrielles, celle des niveaux de qualification nous amène à constater les limites des données statistiques. Seule une étude concrète, menée au niveau des tâches réellement confiées aux femmes dans les entreprises, peut nous permettre de dégager les éléments d'une comparaison entre l'emploi féminin et l'emploi masculin dans l'industrie.
LES T R A V A U X
ANTÉRIEURS
Avant d'entreprendre une telle étude, il est nécessaire d'examiner les travaux existant dans ce domaine. O n laissera momentanément de côté, pour y revenir par la suite, 1 1 les études de psychologie différentielle ayant trait aux aptitudes, et on se bornera à citer la contribution apportée par des travaux plus nettement orientés vers la description de la réalité observable dans les entreprises. Parmi les travaux français, les livres de Michèle Aumont, dans la mesure où ils décrivent la condition des femmes, dans les ateliers où elle a partagé leur travail pendant quelques années, nous apportent certes des indications. 12 Cependant, nent à la nature du travail mais aussi à l'échelle des salaires, le niveau moyen de qualification est très différent. Il serait donc très hasardeux de tenter de comparer, d'une activité à l'autre, les niveaux de qualification. 10. P. Naville, Essai sur la qualification du travail. Paris, Rivière, 1956. 11. Voir page 205. 12. M . Aumont, Femmes en usine. Paris, Spes 1953.
8
Objectifs et méthodes
si quelques descriptions à force d'être concrètes sont infiniment suggestives, elles ne sauraient être considérées comme une étude scientifique du rôle des femmes dans l'industrie. Telle n'est d'ailleurs pas leur ambition. Telle n'était pas non plus celle de Christiane Peyre évoquant le travail des femmes dans une grande raffinerie. 13 Cependant, même si aucune étude systématique n'a été entreprise en France concernant le rôle des femmes dans l'industrie, certains travaux de sociologie d u travail offrent de nombreux exemples de descriptions de tâches industrielles féminines. Il s'agit, dans tous les cas, de travaux qui, traitant de l'évolution professionnelle, s'attachent plus particulièrement aux problèmes soulevés par la rationalisation, les progrès de la division du travail, la multiplication des tâches d'O.S. Exposant dans Le travail en miettes des problèmes que pose l'éclatement des tâches industrielles, Georges Friedmann commence par rapporter quelques descriptions de tâches «éclatées» observées au cours de visites d'entreprises en France ou à l'étranger: usines de tabletterie et de brosserie, usines de confection, d'horlogerie, industries alimentaires, entreprises de construction mécanique, industries chimiques, textile. 14 Il insiste chaque fois sur le morcellement extrême des opérations, leur caractère répétitif, le faible niveau des connaissances professionnelles qu'il implique. La quasi totalité des tâches ainsi décrites sont accomplies par des femmes et l'auteur souligne lui-même q u e les ateliers féminins sont ceux qui offrent, dans les branches les plus diverses de la production, les exemples les plus typiques de travaux ainsi «dégradés», de travaux où la vitesse, la précision, la dextérité ont remplacé les anciens critères d'habileté professionnelle. Etudiant l'évolution d u travail dans l'industrie horlogère, Viviane Isambert-Jamati évoque l'amélioration de la précision des opérations d'usinage qui, en simplifiant les opérations de montage, a permis d'y pratiquer une division croissante des tâches. 15 Elle remarque que la proportion de femmes qui semble avoir augmenté depuis une vingtaine d'années 1 * est particulièrement importante chez les ouvriers spécialisés, sur les tâches simples d e montage d e m a n d a n t un simple «coup de main» acquis au bout de trois ou quatre semaines. 17 Plus récemment, Jacqueline Frisch-Gauthier, traitant dans un article de l'adaptation aux travaux spécialisés et choisissant à dessein des travaux simples, à caractère répétitif nettement marqué et rémunérés a u rendement, décrit presque exclusivement des travaux confiés à des ouvrières. 18 13. Ch. Peyre, Une société anonyme. Paris, Julliard 1962. 14. G. Friedmann, Le travail en miettes. Paris, Gallimard 1956. 15. V. Isambert-Jamati, L'Industrie horlogère dans la région de Besançon. Paris, P.U.F. 1955, chapitre i. 16. Idem, p. 28. 17. Idem, p. 76. 18. J. Gauthier, «L'adaptation aux travaux spécialisés dans une petite entreprise», Bulletin du Centre d'études et recherches psychotechniques, n° 2-3, avril-septembre 1958.
Travaux antérieurs
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Les auteurs étrangers nous offrent des exemples analogues. Poursuivant, dans le cadre des travaux de l'Institut national de psychologie industrielle de Londres des recherches sur la taille de l'unité de travail, et cherchant à étudier des tâches très morcelées, c'est essentiellement dans des entreprises occupant des femmes (usines d'appareillage électrique, de postes de radio, manufactures de lingerie, de tapis, ateliers de fabrication de matrices et de tubes métalliques) que David Cox et Dyce Scharp ont mené leur enquête. 19 Plus récemment Cox, Dyce Scharp et Irvine, consacrant une étude à l'influence des tâches répétées sur les travailleurs, ont fait porter leurs investigations exclusivement sur des travaux féminins considérés comme typiques des travaux parcellaires et monotones. 20 Aux États-Unis, les expériences de «Job enlargement» poursuivies surtout après la seconde guerre mondiale, en réaction contre l'extrême spécialisation développée par les excès de la division du travail entre les deux guerres, ont porté dans de nombreux cas sur des travaux féminins. 21 Quant aux études sur la fatigue au travail et plus particulièrement sur les effets des travaux répétitifs à cycle court qui se sont multipliés entre les deux guerres mondiales, elles portent le plus souvent sur des travaux accomplis par des femmes. 22 La prédominance des femmes dans les emplois qui reflètent au plus haut point les conséquences de la division et de la simplification du travail ouvrier apparaît donc nettement comme l'un des aspects importants qui frappent les observateurs de la réalité industrielle contemporaine. Mais nous n'avons là qu'une série d'indications. Elles soulignent l'intérêt que présenterait une étude systématique s'efforçant de préciser, sous ses différents aspects, la notion de rôle féminin et celle de rôle masculin, mais elles ne sauraient la remplacer. Au moment d'entreprendre cette étude, une première difficulté se présentait, celle de la délimitation du champ de la recherche. On pouvait envisager plusieurs solutions. La première consistait à faire porter les investigations sur l'ensemble des activités industrielles, mais les dangers et les difficultés d'une telle orientation étaient multiples. L'échantillonnage d'abord, 23 dans l'état actuel de la documentation dont on dispose concernant les entreprises, s'avérait 19. D. Cox et K. M. Dyce Scharp, «Research of the Unit of Work», Occupational Psychology, avril 1951, p. 90-108. 20. D. Cox, K. M. Dyce Scharp, D. H. Irvine, Women's Attitudes to Repetitive Work. Londres, National Institute of Industrial Psychology, Report No. 9, 1953. Les travaux étudiés sont décrits dans l'appendice n, p. 40 du rapport. 21. Il s'agit des travaux de P. F. Drucker et de ceux de Walker et Guest cités par G. Friedmann dans Le travail en miettes. Dans l'ouvrage récent de R. N. Smuts: Women and Work in America, Columbia University Press 1959, on ne trouve que de brèves indications sur le travail industriel des femmes. 22. Voir p. 193 et suivantes. 23. On verra plus loin que la représentativité de l'échantillon a été l'une de nos préoccupations essentielles.
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Objectifs et méthodes
difficile. L'enquête, telle q u e nous la concevions, supposait de plus u n c o n t a c t très étroit avec les ateliers; elle impliquait d e bonnes connaissances des techniques de travail; il était possible d ' a c q u é r i r ces connaissances dans u n d o m a i n e limité, mais très difficile de les acquérir p o u r toutes les branches de l'activité industrielle. Il fallait tenir compte aussi des variables à introduire dans la recherche : en envisageant la totalité des branches on avait affaire t a n t ô t à des industries de développement relativement récent, tantôt à des industries a n ciennes dans lesquelles l'activité des femmes risquait d ' ê t r e d a v a n t a g e influencée p a r la tradition. O n allait trouver, à côté d'activités stagnantes, des branches en voie de développement. Les variables d'origine géographique ne pouvaient m a n q u e r d e s'avérer importantes puisque certaines industries sont essentiellement d ' i m p l a n t a t i o n provinciale ou rurale, tandis q u e d'autres sont en g r a n d e partie concentrées dans la région parisienne. Le d a n g e r était g r a n d non seulement d ' e n t r e p r e n d r e u n e tâche dépassant l a r g e m e n t nos moyens matériels, mais aussi de nous trouver finalement en face de faits dont la masse et la complexité risquaient, sans rien leur ajouter, de m a s q u e r l'essentiel des conclusions. Pour les mêmes raisons, le choix d ' u n n o m b r e limité d e branches n'offrait guère d'avantages.
LE C H O I X DES INDUSTRIES DES MÉTAUX C O M M E CHAMP D'ENQUÊTE
U n e a u t r e solution, celle qui a été finalement retenue, consistait à faire porter l'essentiel de la recherche sur u n e seule b r a n c h e , quitte à procéder p a r la suite, dans d'autres secteurs d'activité, à des sondages qui p e r m e t t r a i e n t de vérifier la portée des conclusions. Le choix de cette b r a n c h e revêtait dès lors u n e g r a n d e i m p o r t a n c e ; aussi les raisons p o u r lesquelles les industries des m é t a u x ont été finalement retenues doivent-elles être exposées d ' u n e m a n i è r e détaillée. L a diversité des activités groupées sous le n o m de travail des m é t a u x postulait d ' a b o r d en faveur de ce choix et corrigeait le caractère u n peu limité d ' u n e enquête m e n é e dans u n e seule b r a n c h e : on allait se trouver d e v a n t u n e g a m m e d e t r a v a u x suffisamment étendue p o u r q u e le c h a m p d'investigations soit très large. D e plus, p a r m i les activités qui composent les industries des m é t a u x et q u i vont de la première transformation à l'horlogerie en passant p a r les constructions mécaniques et les industries radio-électriques, les unes occupent u n très fort pourcentage de femmes tandis q u e les autres emploient u n personnel presque entièrement masculin. 2 4 O n était d o n c assuré de trouver des conditions très différentes de recours à la m a i n - d ' o e u v r e féminine. U n a u t r e facteur déterm i n a n t en faveur d u choix des industries des m é t a u x était leur caractère de b r a n c h e en voie d'expansion dans laquelle le p o u r c e n t a g e d e femmes est en progression constante. Le travail des femmes n ' y est pas u n fait r é c e n t : c'est 24. Voir Annexe x, p. 236.
Champ d'enquête
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dans la seconde moitié du 19e siècle que l'on commence à parler de l'introduction des femmes dans les ateliers de mécanique. 25 Le pourcentage de femmes n'est cependant que de 4,2% en 1906. En 1921, après la guerre de 1914-18, elles constituent 8,3 % de l'effectif. Depuis, la proportion des femmes dans les industries des métaux n'a cessé d'augmenter. Elle était de 16,2 % lors du recensement de 1954 et de 18,9 en 1962.29 Le travail des métaux vient actuellement au troisième rang dans les activités industrielles féminines, si l'on y comprend l'habillement, et au second rang si l'on exclut l'habillement. La question de l'emploi féminin y est donc à la fois importante et actuelle. Il faut remarquer aussi que les industries mécaniques sont le type même de l'activité industrielle dans laquelle les transformations techniques ont été particulièrement nettes entre les deux guerres, que l'évolution actuelle des procédés de fabrication y offre des exemples caractéristiques et qu'on y voit coexister avec netteté différents stades de l'évolution industrielle. Ajoutons enfin que les industries des métaux sont en grande partie concentrées dans la région parisienne. Pour le seul département de la Seine, l'I.N.S.E.E. dénombrait, en 1954,407000 salariés des métaux 2 7 contre 1 277360 pour la France entière, soit plus de 31 %. 2 8 La proportion atteint 49 % pour la construction électrique et 45 % pour la construction automobile. Il était donc possible de centrer l'étude sur la région parisienne. On évitait ainsi d'avoir à tenir compte au départ des variables régionales tout en gardant le maximum de chances de saisir dans leur totalité les autres aspects du pro25. Voir p. 42 et suivantes. 26. D'après les premiers résultats du sondage au 1/20® sur le recensement. 27. Pour les groupes 19 à 29 inclus (I.N.S.E.E., Les établissements industriels et commerciaux en France en
1954).
28. Insistant sur ce phénomène de concentration de la plupart des industries des métaux dans la région parisienne, J. F. Gravier, dans la première édition de son livre Paris et le désert français, les classe suivant les causes de leur présence. Il distingue entre autres: Effectifs France entière
Effectifs région parisienne (S. et S.O.)
a . Les industries de luxe
Galvano-nickelage, argenture, dorure Métaux fins, pierres précieuses Gravure sur métaux b . Les industries liées à la fonction scientifique et artistique
2800 14200 1970
65% 58% 50%
5 590 16840
3100 11900
55% 69%
8460 32080 5340
5300 12500 3200
63% 39% 60%
intellectuelle,
Instruments de chimie, fournitures pour dentistes Instruments d'optique, de mathématiques de précision c. Les industries
4310 24620 3940
d'équipement
Fils et câbles électriques Appareils de chauffage en métal Lampes électriques
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Objectifs et méthodes
blême. 29 Le fait de mener l'enquête dans la région parisienne offrait d'ailleurs un autre avantage, celui de concentrer les investigations sur un secteur où le taux d'activité des femmes est particulièrement important 3 0 et où cette activité peut trouver à s'exercer dans une gamme très diverse d'emplois: commerce, emplois de bureau, services, couture, etc. . . . Le processus qui dirige certaines femmes vers les emplois industriels plutôt que vers les autres avait donc des chances d'être saisi beaucoup plus nettement que dans une région où une gamme de travaux moins variés s'offre à la main-d'oeuvre féminine. O n verra d'ailleurs que le passage de cette main-d'oeuvre d'une industrie à l'autre s'effectue facilement. C'était une raison de plus de concentrer cette recherche dans une seule branche. LES M É T H O D E S
D'ENQUÊTE
Cherchant à déterminer comment s'effectue au niveau du travail ouvrier le partage des tâches masculines et féminines et à analyser les éléments qui participent à la détermination des rôles professionnels féminins, on devait s'adresser d'abord aux directions d'entreprises à qui incombent les décisions dans ce domaine. Elles seules étaient à même de fournir sur cette répartition une documentation complète et précise, et on pouvait recueillir auprès d'elles, au cours des entretiens, des commentaires susceptibles d'orienter l'analyse de cette documentation. Dans la mesure où elles consentaient à mettre à notre disd. Les industries attirées vers des centres consommateurs Grosse chaudronnerie Cycles et automobiles Petite chaudronnerie, cuivrerie Objets en fil de fer, en acier poli Tôlerie Construction mécanique Appareils et machines électriques Outils en fer blanc Métallurgie de l'aluminium Les industries attirées par la centralisation administrative Construction aéronautique
20150 229650 67330 6280 8680 264210 141940 37190 4630
7800 102400 33900 1900 4800 78400 70100 11800 1900
39% 45% 50% 30% 55% 30% 49% 32% 41%
29840
17600
59%
Les chiffres de J. F. Gravier englobent la Seine et la Seine-et-Oise. La croissance des industries mécaniques parisiennes s'est selon lui effectuée principalement entre 1910 et 1930. La guerre de 1914-18 a joué un rôle important en développant dans la région parisienne les usines d'armement auxquelles les réfugiés du Nord et des Flandres (principalement les femmes et les enfants des ouvriers mobilisés) procuraient une main-d'oeuvre abondante qui n'a pas toujours regagné après la guerre son pays d'origine. J. F. Gravier, Paris et le désert français, Paris, Le Portulan, I e éd., 1947, p. 134 et 142. Dans l'édition de 1958 l'auteur signale l'amorce d'un mouvement de décentralisation. 29. Les seules branches des industries des métaux peu représentées dans la région parisienne sont la production et la première transformation qui n'occupent pratiquement pas de femmes. 30. Le taux d'activité pour les femmes de 14 à 64 ans est de 44,1% pour l'ensemble de la France. Il atteint 5 8 % dans le département de la Seine.
Méthodes d'enquête
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position leurs fichiers du personnel, on avait la possibilité de connaître les caractéristiques de la population féminine qu'elles emploient et d'établir des comparaisons avec d'autres populations. Il est toutefois évident qu'une documentation, même très détaillée, recueillie au niveau de la direction des entreprises, ne pouvait être suffisante. Elle constituait certes un progrès sur les données statistiques précédemment exposées, mais elle était impropre à donner une connaissance concrète des travaux accomplis. Une simple visite des ateliers ne pouvait non plus suffire. Il fallait envisager de pratiquer des observations de longue durée permettant une étude plus poussée des tâches attribuées à la main-d'oeuvre féminine, de leurs exigences, des conditions dans lesquelles elles sont accomplies, de leurs caractéristiques communes. On pouvait même prévoir des questions posées à la maîtrise et aux ouvrières elles-mêmes afin de compléter ces observations. U n premier contact, établi au cours d'une préenquête menée au niveau des directions d'entreprises, a révélé à la fois la facilité avec laquelle nous pouvions être reçue et les difficultés que nous allions rencontrer. Aussi étonnant que cela puisse paraître, certaines entreprises ne centralisent que d'une manière approximative les données concernant la répartition du personnel dans les ateliers et sur les postes de travail. Ces données devaient donc souvent être recherchées et mises au point sur notre demande, complétées par des conversations avec les cadres techniques et vérifiées au cours des visites d'atelier. Les parties de l'entretien consacrées au commentaire de cette répartition étaient en apparence plus faciles : nous ne devions pas tarder à nous rendre compte cependant de la difficulté qu'il y avait parfois à faire sortir ces réponses des lieux communs et des expressions stéréotypées. Nous aurons à revenir sur ce fait en lui-même révélateur. Quant aux observations de postes à effectuer dans les ateliers, peu d'entreprises refusaient qu'elles fussent effectuées, à condition toutefois qu'elles ne gênent pas le déroulement du travail. L'enquêteur avait donc la possibilité de se tenir près de l'ouvrière et de l'observer aussi longtemps qu'il était nécessaire, d'observer aussi l'atmosphère de l'atelier. On aurait pu, certes, trouver quelques entreprises acceptant que l'on procède à un interview de l'ouvrière, mais deux raisons et l'expérience d'enquêtes antérieures ont finalement amené à y renoncer. Il est certain d'abord que ces entretiens offrent peu de garanties: interrogées dans le cadre de l'atelier, par une personne inconnue qui, de plus, y a été introduite par le directeur, les ouvrières hésitent à lui exposer les difficultés qu'elles rencontrent dans l'exécution de leur tâche. Pensant que ce qu'elles vont dire sera finalement connu de l'employeur, elles ne livrent à l'enquêteur que ce qui ne leur paraît pas de nature à donner d'elles une opinion défavorable. La seconde raison touchait aux problèmes d'échantillonnage. La manière'dont celui-ci était conçu devait conduire l'enquêteur dans un nombre
H
Objectifs et méthodes
relativement i m p o r t a n t d'entreprises ; il fallait donc prévoir des moyens d ' e n q u ê t e susceptibles d ' ê t r e acceptés p a r toutes les entreprises auxquelles on serait a m e n é à s'adresser. I l valait mieux p a r conséquent ne pas envisager a u d é p a r t d'inclure dans la recherche u n interview des ouvrières. Il va sans dire q u e cela n e devait pas a m e n e r à refuser systématiquement tout entretien avec les ouvrières, m ê m e si les conditions étaient favorables. Bien a u contraire, toutes les observations qu'elles ont p u faire à l'enquêteur ont été soigneusement notées et utilisées. Nous avons d ' a u t r e p a r t fait figurer en a n n e x e 3 1 le c o m p t e r e n d u sommaire de quelques entretiens q u e nous avons p u avoir hors de l'atelier. Ils portent surtout sur les biographies des ouvrières, sur leurs conditions de vie et sur leur a t t i t u d e devant leur travail. Ils m o n t r e n t tout l'intérêt q u e présenterait, c o m m e prolongement de notre enquête, une é t u d e systématique d a n s ce domaine. Pour des raisons q u e nous venons d ' i n d i q u e r , il nous était malheureusement impossible de m e n e r de front u n e étude d u clivage des rôles professionnels masculins et féminins et u n e étude valable des attitudes a u travail des ouvrières. Q u a n t a u x entretiens avec la maîtrise, ils n'offraient a u c u n e difficulté p o u r l'observateur séjournant dans les ateliers. L'ÉCHANTILLON
A v a n t m ê m e de p r e n d r e d'autres décisions concernant l'échantillonnage, u n e question se posait: était-il o p p o r t u n de faire porter l'enquête sur des entreprises d e toutes tailles; fallait-il a u contraire éliminer les entreprises les moins importantes ? E n a d o p t a n t la seconde solution et en décidant de ne retenir q u e les entreprises q u i occupent a u total plus de vingt salariés, 3 2 on a tenu c o m p t e d e deux éléments: en premier lieu, il était peu rentable, l'appareil de l'enquête é t a n t assez lourd, de dépenser u n temps considérable dans des entreprises q u i n ' o c c u p e n t souvent q u ' u n très petit n o m b r e de femmes p a r m i le personnel ouvrier; en second lieu, m a l g r é le n o m b r e élevé de petites entreprises, le personnel ouvrier féminin des industries des m é t a u x travaille essentiellement d a n s les entreprises o c c u p a n t plus d e vingt salariés. 33 D ' a p r è s les chiffres de l'I.N.S. E . E . le n o m b r e total de femmes salariées des industries des m é t a u x de la Seine était d'environ 105000, ce chiffre c o m p r e n a n t les employées et les cadres. O r , p o u r les seules ouvrières travaillant dans les établissements occupant plus d e vingt salariés, on atteignait u n chiffre voisin de 70000. Ceci revient à dire que, en éliminant d e l'enquête les entreprises les moins importantes, on ne laissait de côté q u ' u n e faible partie de la population ouvrière féminine. 31. 32. 33. qui
Voir Annexe vi, p. 377. Ouvriers, employés et cadres compris. Les petites entreprises comprennent un nombre élevé de garages ou d'ateliers de réparation occupent en général un personnel masculin.
L'échantillon
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Le choix des entreprises dans lesquelles allait être menée l'enquête posait le problème de la représentativité de cet échantillon par rapport à l'ensemble de la population de même catégorie du département de la Seine. Le premier critère à retenir était évidemment la répartition suivant le groupe d'activités. La diversité des fabrications dans les industries des métaux, celle des techniques qu'elles utilisent est telle, la répartition des ouvrières entre ces groupes s'avère tellement inégale, que l'on devait faire en sorte que l'échantillon reproduise cette répartition. Le second facteur pris en considération devait être l'importance de l'entreprise, susceptible d'entraîner des différences dans l'affectation de la main-d'oeuvre féminine, dans les conditions de travail, d'avancement, d'encadrement, dans la politique de recrutement. Le troisième élément était l'importance du pourcentage de femmes parmi le personnel ouvrier. Les conditions de travail des femmes, conditions matérielles et conditions psychologiques, ne peuvent manquer d'être très différentes suivant qu'elles sont isolées parmi les travailleurs masculins ou que l'élément féminin domine dans l'entreprise. Pour réaliser un tel échantillonnage, les listes tirées du fichier industriel de l'I.N.S.E.E. s'avéraient tout à fait insuffisantes. O n peut trouver sur ces listes l'indication de l'adresse de chaque entreprise, du groupe d'activités auquel elle appartient, celle de la tranche d'effectif dans laquelle elle peut être classée, mais elles n'apportent aucune indication sur le nombre ou le pourcentage de femmes figurant parmi le personnel. Il s'agit de plus des effectifs globaux, toutes catégories professionnelles réunies ; on ne peut disposer d'aucune donnée concernant le seul personnel ouvrier. Une autre possibilité s'offrait à nous, celle de l'exploitation des listes dites des «emplois réservés» dont disposent les services de la Direction départementale de la main-d'oeuvre. Chaque employeur occupant plus de dix salariés est en effet tenu de réserver, dans son entreprise, un pourcentage d'emplois pour certaines catégories de travailleurs (mutilés, veuves de guerre, etc.). Pour permettre aux services officiels de contrôler l'application de la loi, il doit fournir tous les ans à ceux-ci une nomenclature de tous les emplois de son entreprise en distinguant les emplois masculins et féminins avec la liste des bénéficiaires des postes réservés. Ces documents avaient l'inconvénient de se présenter sous une forme peu maniable et de nécessiter un gros travail de dépouillement et d'élaboration. Ils offraient toutefois l'avantage d'être plus récents que ceux de l'I.N.S.E.E. et surtout ils nous permettaient d'opérer des dénombrements portant sur le seul personnel ouvrier, de connaître le nombre et le pourcentage de femmes travaillant dans les ateliers de chaque entreprise. Après avoir trié dans ces listes, mises à notre disposition par la Direction départementale de la main-d'oeuvre, celles qui concernaient les industries des
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Objectifs et méthodes
m é t a u x , en é l i m i n a n t les sièges sociaux et les entreprises o c c u p a n t moins de vingt salariés, on disposait d ' u n e d o c u m e n t a t i o n concernant 2835 entreprises o c c u p a n t au total 68209 femmes et 177013 h o m m e s p a r m i le personnel ouvrier. Des comparaisons avec les chiffres donnés p a r l ' I . N . S . E . E . p e r m e t t a i e n t de penser qu'il s'agissait bien de la population totale à p a r t i r de l a q u t l l e nous comptions effectuer notre échantillonnage. O n avait opéré des regroupements suivant l'importance de l'entreprise et, après l'avoir calculé, suivant le p o u r centage de femmes dans le personnel ouvrier. 3 4 Ces chiffres concernant la p o p u lation de d é p a r t présentent déjà u n certain intérêt. O n r e m a r q u e r a dans les t a b l e a u x placés en a n n e x e 3 5 la place i m p o r t a n t e q u e tiennent dans les activités des ouvrières des m é t a u x de la région parisienne l'ensemble des industries radioélectriques d ' a b o r d , l'industrie automobile ensuite et surtout la fabrication des accessoires. Il est aussi intéressant de noter q u e la partie la plus i m p o r t a n t e de la population ouvrière féminine des m é t a u x est groupée dans les entreprises de plus de cinq cents salariés et q u ' o n la trouve en m a j o r i t é là où elle constitue plus de la moitié de l'effectif. A l'aide des documents ainsi établis, on avait constitué u n fichier des entreprises à partir d u q u e l allait être déterminé l'échantillon d ' e n q u ê t e . Les fiches f u r e n t tirées de m a n i è r e à obtenir un échantillon d'entreprises dans lesquelles la répartition d u personnel féminin suivant les trois critères retenus soit aussi proche q u e possible de celle de la population de d é p a r t . Ceci devait a m e n e r à la constitution d ' u n échantillon de 129 entreprises. Ce chiffre, à p r e m i è r e vue, p a r a î t élevé. Il faut r e m a r q u e r c e p e n d a n t que, m ê m e en o p é r a n t des fusions entre les groupes distingués p a r l'I.N.S.E.E., nous avions d û retenir dix-huit branches d'activité aussi différentes les unes des autres q u e la fonderie et la fabrication des petits articles métalliques. Sur ces 129 entreprises, neuf refusèrent de nous recevoir ou de p e r m e t t r e les observations d e postes dans les ateliers et f u r e n t remplacées dans la m ê m e catégorie. L ' e n q u ê t e a porté en définitive sur 14601 femmes. Les tableaux donnés en a n n e x e 3 6 p e r m e t t e n t de c o m p a r e r leur répartition à celle des 68209 femmes de la population de départ. Nous avons ainsi assuré, dans toute la mesure d u possible, la représentativité de l'échantillon. Il restait à déterminer la m a n i è r e d o n t seraient choisis, dans c h a q u e entreprise, les postes sur lesquels porteraient les observations effectuées en atelier. L'impossibilité de fixer à l'avance u n e répartition des postes observés conforme à la répartition réelle des femmes sur les postes de travail est évidente puisq u ' o n devait, p o u r connaître cette dernière, être en possession d ' u n e partie des 34. En ce qui concerne la répartition suivant les activités, nous avons retenu la classification en sous-groupes à deux ou trois chiffres de l'I.N.S.E.E. en opérant, dans un but de simplification, certains regroupements (voir Annexe m, p. 247 et 248). 35. Voir Annexe ni, p. 247. 36. Voir Annexe m, p. 248 et 249, la comparaison entre la population de départ et l'échantillon.
L'échantillon
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résultats de l'enquête. O n désirait disposer en définitive d'environ 350 observations de postes de travail, soit d'une moyenne de trois par entreprise. En choisissant, dans chaque entreprise, de faire porter l'étude sur les postes de travail occupant le plus grand nombre d'ouvrières, on avait des chances d'arriver à une répartition voisine de la répartition réelle. Il fallait toutefois envisager d'avoir à procéder à des ajustements au cours du déroulement de l'enquête. Bien qu'ayant limité le champ de l'enquête aux industries des métaux, nous n'avons pas pour autant réduit la recherche historique, dont l'exposé précédera celui des résultats de l'enquête, à l'évolution du travail des femmes dans les seules branches des métaux. Les investigations sur la situation présente devaient permettre d'avancer des conclusions dont la portée dépasse le cadre d'une seule industrie. Elles devaient donc pouvoir être confrontées avec une réalité historique englobant l'évolution du travail industriel féminin dans son ensemble. O n s'est efforcé, en exposant cette évolution dans le chapitre qui va suivre, de ne jamais perdre de vue un problème qui tiendra dans nos conclusions une place importante, celui des rapports des femmes travaillant dans l'industrie avec la population masculine occupée dans les mêmes professions.
Première Partie
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La perspective historique L'évolution du travail des femmes dans l'industrie
Dans ce chapitre destiné à situer dans une perspective historique les problèmes actuellement posés par le travail industriel des femmes, nous avons l'intention de nous attacher surtout à la période qui s'est écoulée depuis les premiers développements de la grande industrie en France. L'appel à la main-d'oeuvre féminine dans les ateliers, conséquence de l'extension du machinisme, est un fait contemporain de la naissance de la société industrielle, aussi est-ce dans le cadre de l'époque industrielle que nous allons situer l'essentiel de nos investigations. U n rapide coup d'oeil sur les périodes antérieures, dans la mesure où il permet d'élargir le tableau, de saisir des oppositions ou des transitions, n'est cependant pas sans intérêt. Il n'est pas douteux en effet que le travail des femmes ait existé en France bien avant la naissance de la grande industrie et on en trouve la preuve dans l'histoire des corporations dès le 13e siècle. Il s'agit malheureusement d'un ensemble de faits difficiles à atteindre et dont l'étude nécessiterait le dépouillement d'une masse énorme de documents. 1 Aussi, les indications données dans les pages qui vont suivre, sur le travail des femmes jusqu'à la veille de la Révolution, doivent-elles être considérées comme une série de jalons. LES C O R P O R A T I O N S
Dans le plus ancien recueil de la législation des communautés d'artisans, enregistré par Étienne Boileau et connu sous le nom deLivre des métiers2, on trouve le règlement de cinq métiers jurés exercés à Paris uniquement par des femmes. Ce sont les «fileresses de soie à grands fuseaux» 3 , les «fileresses de soie à petits fuseaux», 4 les «ouvrières en tissus de soie», 6 les «tisserandes de couvre-chefs de soie», 8 les 1. Henri Hauser qui consacre à la question du travail des femmes aux 15 e et 16 e sièclesun chapitre de son livre, Ouvriers du temps passé, souligne lui-même le caractère incomplet du tableau qu'il donne pour cette période : « U n travail de ce genre pour être définitif», dit-il, «devrait s'appuyer sur un dépouillement méthodique et complet de tous les détails relatifs au travail féminin dans tous les métiers libres ou organisés, dans toutes les villes jurées ou non jurées». (H. Hauser, Le travail industriel des femmes aux 15' et 16' siècles. Paris, Giard et Brière 1897). 2. Règlements sur les arts et métiers de Paris, rédigés au 15Ie siècle et connus sous le nom de Livre des métiers d'Étienne Boileau, publié par B. Depping. Paris, Imprimerie de Crapelet 1837. 3. Idem, p. 80. 4. Idem, p. 83. Le fil était d'autant plus tordu que le fuseau était plus petit. 5. Idem, p. 88. 6. Idem, p. 99. Elles tissaient les voiles de soie qu'on attachait à la coiffure des femmes.
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«faiseuses de chapeaux d'or» 7 auxquelles il faut ajouter les «faiseuses d'aumônières sarazinoises» qui font enregistrer leurs statuts en 1360.8 Dans la liste des métiers établie par Fagniez d'après les rôles de la taille pour Paris en 1292 et 13009 on trouve la mention de quinze métiers féminins; ce sont les «faiseuses d'aumônières», les «caranceresses qui peignent le lin et le chanvre», les «chapelières de perles», les «chapelières de soie», les «bateresses d'étain», les «fileresses de soie», les «floreresses de coiffes», les «femmes qui font des lacs de soie», les «femmes qui oeuvrent la laine», les «pigneresses de laine», les «pigneresses de soie», les «femmes qui carient la soie», les «femmes qui dévident la soie», les «femmes qui font des tissus de soie». En province également on trouve des métiers exercés uniquement par des femmes. Dans la liste des corporations de Rouen dressée par Ouin-Lacroix, 10 nous trouvons quelques corporations de femmes, les «lingères en neuf», les «lingères en vieux», les «rubannières, frangères, dentelières», les «brodeuses, bonnetières, enjoliveuses, modistes», 11 les «sages-femmes ventrières». Les lingères en neuf ont trois maîtresses jurées dont l'élection se fait publiquement à la halle, le vendredi après Noël. Elles ont le privilège de l'achat et de la vente des objets de lingerie dans la ville de Rouen. Les règlements de ces corporations de femmes étaient-ils les mêmes que ceux des autres communautés? Si on examine ceux qui ont été transmis, pour Paris, par le Livre des métiers, il semble bien qu'elles aient été constituées de la même manière : même limitation du nombre des apprentis, mêmes conditions d'accès à la maîtrise. Mais si, dans les corporations de femmes, celles-ci ont librement accès à la maîtrise, il n'en est pas toujours de même pour les fonctions supérieures et plus représentatives de gardes-jurés du métier. Dans les statuts des tisserandes de couvre-chefs de soie, il est bien question de trois prud'femmes, assermentées au Châtelet, qui garderont le métier et «feront savoir toutes les mesprentures que l'on fera au métier toutes les fois qu'elles le trouveront», mais, chez les fileresses de soie à petits fuseaux, on trouve, à côté des prud'femmes et sans doute chargés de leur servir de tuteurs, deux prud'hommes qui, eux, ne sont pas élus mais nommés par le prévôt et révocables par lui. Il en est de même pour les ouvrières en tissus de soie, les faiseuses de chapeaux d'or. Chez les fileresses à grands fuseaux, il n'est question que de prud'hommes et pas de prud'femmes. Remarquons en passant que ces métiers réservés aux femmes mais dans lesquels elles ne sont pas toujours admises à exercer les charges les plus responsables concernent presque entièrement le textile et le 7. Idem, p. 255. 8. Idem, p. 386. 9. G. Fagniez, Études sur l'industrie et la classe industrielle à Paris au 13e et au 14' siècle. Paris, V i e w e g 1877, p. 7. 10. Ch. Ouin-Lacroix, Histoire des anciennes corporations d'arts et métiers et des confréries religieuses des capitales de la Normandie. Rouen, Imprimerie Lecointe 1850. 11. A Paris, les métiers de rubanniers, bonnetiers, brodeurs étaient mixtes.
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vêtement. Cependant, contrairement à ce que l'on pourrait croire, les métiers du costume féminin ne sont pas tous réservés aux femmes. Les tailleurs travaillent pour les deux sexes. Ce n'est qu'en 1675 que les couturières de Paris seront érigées en maîtrises et en jurandes, encore auront-elles seulement le droit de coudre les robes de chambre, jupes, manteaux, camisoles, à l'exception des corps de robes que «seuls peuvent faire les tailleurs». 12 A côté de ces métiers féminins, on trouve des professions exercées à la fois p a r des hommes et par des femmes. Le Livre des métiers d'Etienne Boileau contient à ce sujet quelques indications et la liste tirée par Fagniez des rôles de la taille pour 1292 et 1300, dont nous parlions plus haut, énumère, pour Paris, environ quatre-vingt métiers mixtes. Encore faut-il préciser ce qu'on peut entendre alors par métier mixte. Certains en effet ne semblent avoir été considérés comme tels que parce qu'ils admettaient à la maîtrise les veuves de maîtres. Les prérogatives des veuves de maîtres accédant à la maîtrise étaient d'ailleurs, dans la plupart des professions, soigneusement réglementées: limitation du nombre d'ouvriers ou d'apprentis, limitation d u temps d'exercice de la maîtrise, déchéance en cas de mauvaise conduite, privation d u droit si la veuve se remarie à u n homme qui n'est pas du métier. 1 3 Si on a le souci d'assurer la subsistance des veuves de maîtres, on prend néanmoins toutes les précautions nécessaires pour limiter la concurrence qu'elles pourraient exercer. Mais il s'agit de femmes qui, la plupart du temps, n'ont jamais pratiqué une profession dont elles ont acquis la charge après la mort de leur mari, et nous n'avons pas affaire là au travail des femmes proprement dit. Dans d'autres métiers mixtes, par contre, les femmes travaillent concurremment avec les hommes et, dans quelques-uns d'entre eux, elles ont accès à la maîtrise par la voie normale. De nombreuses indications montrent toutefois que l'on a, la plupart d u temps, cherché à limiter cet accès des femmes à la maîtrise. Chez les corroyeurs, les femmes peuvent être apprenties, donc ouvrières, mais elles ne peuvent devenir maîtresses que si elles sont femmes ou veuves de maîtres. Chez les ceinturiers de Paris, l'apprentissage, et par conséquent la maîtrise, sont fermés aux femmes, sauf si elles sont filles de maîtres. Chez les fruitiers-beurriers de Paris, l'élément féminin est le plus nombreux mais les hommes doivent être représentés par moitié dans la j u r a n d e . Chez les perruquiers et les perruquières, les statuts de 1616 parlent d'«apprentisses» et jamais d'apprentis, ce qui laisse à penser que les hommes qui constituent la moitié de la j u r a n d e n'exercent pas le métier mais occupent les fonctions de maître en qualité de représentants de leurs femmes. 14 Dans les corporations de femmes comme dans les corporations mixtes, on 12. Statuts de 1675, article 1. 13. La plupart des statuts enregistrés dans le Livre des métiers contiennent des clauses concernant les veuves de maîtres. 14. G. Fagniez, La femme et la sociétéfrançaise dans la première moitié du 17e siècle. Paris, J. Gamber 1929, p. 102.
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rencontre donc, lorsqu'il s'agit des fonctions représentatives ou responsables de la profession, la tradition de l'autorité masculine. Contrairement à une opinion assez répandue, le système des corporations ne semble pas avoir été particulièrement libéral pour les femmes. La prépondérance masculine, solidement établie sur le plan familial dans la société du Moyen Age, se manifeste aussi sur le plan professionnel. L'évolution des corporations ne sera d'ailleurs pas favorable à l'accession des femmes aux fonctions responsables. L'obligation du chef-d'oeuvre, le caractère de plus en plus coûteux de sa confection, les frais de plus en plus élevés entraînés par l'accession à la maîtrise contribueront à les en écarter encore davantage à partir du 16 e siècle. Quant à la participation des femmes en tant qu'ouvrières, ce qu'on peut en savoir se ramène à fort peu de choses. Dans les corporations féminines, toutes les ouvrières étaient des femmes, mais ces corporations en définitive étaient numériquement peu importantes. Quelle pouvait être la proportion d'ouvrières dans les métiers mixtes? Nous n'en savons rien mais quelques textes nous apprennent que, dans certains métiers, les femmes d'ouvriers pouvaient travailler sans avoir fait d'apprentissage. Dans le règlement des «faiseurs de clous pour attacher boucles, mordans et membres sur courroies»16 on lit en effet que «si un valet 16 du métier se marie, il ne peut mettre sa femme au métier devant qu'il ait son métier tenu un an et un jour». Il en est de même chez les corroyeurs 17 et ceci donne à penser que, dans certains métiers, la participation des femmes était en réalité plus importante qu'on ne pense. Quel genre de travaux étaient réservés aux ouvrières ? Là encore les documents sont peu abondants. Dans le travail du chanvre, à Paris, c'étaient elles qui se livraient à l'«estrapadage» en tapant à l'aide d'un marteau pour séparer la chènevotte et le chanvre. 18 Pour le travail du drap, le Livre des métiers nous apprend 19 que «nulle femme ne peut ni ne doit mettre main au drap à chose qui appartienne au métier de foulon avant que les draps soient tendus», ce qui semblerait prouver que les femmes devaient participer aux opérations qui suivaient, et peut-être au travail du chardonnage qui consistait à tirer le poil à la surface du tissu avec des chardons pour lui donner un aspect laineux. C'étaient là des métiers pénibles. Il est probable que, parmi les femmes qui exerçaient une profession se trouvaient, dès cette époque, un bon nombre d'ouvrières en chambre. C'était le cas des fileresses de soie à qui les merciers confiaient leur soie pour la travailler à domicile; on en a la preuve par les ordonnances prévoyant des sanctions contre 15. Livre des métiers, éd. Depping, p. 65. 16. Valet est synonyme d'ouvrier. 17. Livre des métiers, éd. Depping, p. 257. 18. G. Fagniez, Études sur l'industrie et la classe industrielle à Paris aux 13' et 14e siècles. Paris, Vieweg 1877, p. 220. 19. Livre des métiers, éd. Depping, p. 133.
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celles qui mettaient cette soie en gage chez les Lombards et les Juifs. 20 Il n'est pas douteux non plus que le travail clandestin, contre lequel luttaient les corporations et qui avait pris, dans certains métiers, une grande extension devait employer des femmes. Dans la mesure où la production clandestine cherchait à concurrencer la production réglementée, le travail des femmes devait être un moyen de réduire les prix de revient car il semble bien que, dès le Moyen Age, les salaires des femmes aient été inférieurs à ceux des hommes. D'Avenel estime qu'à la fin du 14e siècle la proportion était environ des trois quarts. 21 Tout ce que nous avons dit jusque là se rapporte essentiellement aux métiers jurés. Cependant, même au 16e siècle, en France, les villes à jurandes étaient en minorité, et, dans les villes jurées, un certain nombre de métiers n'étaient pas réglementés. Dans de nombreux cas aussi le travail restait libre dans les campagnes. Le travail des femmes existait en dehors des villes. Si les maîtresses lingères des villes faisaient fabriquer elles-mêmes, elles vendaient aussi des marchandises apportées de l'extérieur par des forains, marchandises qui bien souvent avaient été confectionnées dans les campagnes. Les marchands drapiers donnaient, eux aussi, du travail en dehors des villes, et de bonne heure le nombre des fileuses dans les campagnes dut être très important. D'Avenel, dont les chiffres se rapportent essentiellement au secteur rural constate une accentuation progressive, à partir du 14e siècle, de l'écart entre les salaires masculins et féminins. L'appauvrissement des classes laborieuses aurait amené, selon lui, un plus grand nombre de femmes à chercher du travail et leur concurrence mutuelle aurait entraîné la baisse de leur rémunération. L'exemple de la dentelle est à cet égard caractéristique. La vogue de la dentelle avait pris en France, dès le 16 e siècle, des proportions considérables; elle est renforcée encore lorsque Henri IV interdit l'usage de la passementerie d'or et d'argent. Les nécessités d'une production accrue amènent alors les lingers de Paris à établir en province, à Alençon, Aurillac, Sedan, Loudun, dans l'Ile-de-France, des centres de fabrication de dentelles qui se multiplient au début du 17e siècle. Ils occupent une quantité considérable de femmes, non seulement dans des ouvroirs, mais aussi à domicile, dans les environs. Le nombre de celles qui sont ainsi occupées dans le Velay en 1640 est si grand que l'on n'y trouve plus de domestiques. Il est certain que ces femmes devaient accepter des salaires très bas et que la modicité de leurs gains ne pouvait manquer de peser dans le sens d'une dépréciation générale des salaires féminins. Or, nous le verrons plus loin, la production à domicile se généralisera au cours des 17e et 18e siècles à la majeure partie de l'industrie textile et les femmes y prendront une part de plus en plus importante. 20. Idem, p. 377. 21. G. d'Avenel, Histoire économique de la propriété, des salaires et de tous les prix en général depuis l'an 1200jusqu'à l'an 1800. Paris, Imprimerie nationale 1898, t. m, p. 35.
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Mais l'évolution du travail féminin au cours de la période qui nous occupe n'est pas un processus simple. O n risquerait de laisser de côté un de ses aspects importants si l'on ne réservait pas une place spéciale à l'emploi des femmes dans l'industrie de la soie qui fut l'une des premières à revêtir le caractère d ' u n e industrie mécanique. Il faut pour cela revenir en arrière car c'est à partir d u 15 e siècle que l'industrie de la soie se développe en France. Déjà, dans la filature, pratiquée en France dans les régions où l'on plantait le mûrier, on utilisait, pour le battage et le tirage, une main-d'oeuvre féminine : c'étaient des femmes qui, penchées au-dessus des bassines d'eau bouillante, battaient les cocons à l'aide d ' u n petit balai de brindilles pour détacher la «veste», chercher le bout du fil et le faire passer ensuite dans les anneaux de la filière. C'étaient des femmes également qui procédaient au dévidage. Le moulinage qui nécessitait l'utilisation d ' u n outillage lourd était fait par des hommes. Le tissage, dès qu'il se développe, fait également appel à la main-d'oeuvre féminine. Les capitouls de Toulouse précisent au sujet de l'établissement d'une manufacture de soieries à Toulouse que «plusieurs jeunes filles pauvres qui vaguent par les rues et plusieurs femmes vieilles pourront ainsi gagner une pièce d'argent pour vivre». En 1554, un règlement royal concernant les privilèges octroyés à la manufacture de Lyon remarque que «plusieurs pauvres personnes jeunes filles et enfants . . . s'exerceront à ladite manufacture et y gagneront aisément leur vie sans tomber en oisiveté et mendicité». 2 2 En réalité, ces femmes serviront d'auxiliaires aux ouvriers tisseurs et on s'arrêtera un moment sur la description de leur travail tel qu'il fut pratiqué dès le 15 e siècle à Lyon. Justin Godard, dans sa thèse sur L'ouvrier en soie en donne une description saisissante. Elle est peu connue et elle offre l'intérêt d'être une préfiguration de ce que sera l'exploitation de la main-d'oeuvre féminine par la grande industrie au 19 e siècle. Pour les tissus de soie ordinaire, le tisserand travaille seul. C'est en foulant les marches du métier qu'il soulève alternativement les fils pairs et les fils impairs de la chaîne. Pour les tissus à dessins, le maniement du métier exige, outre le travail du tisseur, l'intervention de plusieurs aides et d ' a b o r d de la «tireuse». O n ne peut mieux résumer la longue description de J . Godard que ne l'a fait Ch. Ballot dans son livre L'introduction du machinisme dans l'industrie française: «Les lisses traversent les clous d'une planche puis, glissant sur des poulies (dont l'ensemble forme le cassin) passent horizontalement au-dessus d u métier et vont s'attacher à un cylindre de soutien ; l'ensemble de ces cordes, dans leur trajet horizontal entre le cassin et le cylindre reçoit le n o m de rame. A chacune des cordes du rame, en son milieu, on attache une corde qui tombe verticalement, l'ensemble des cordes verticales forme ce qu'on appelle le sample. Si on tire une corde du sample, elle agit sur la corde correspondante d u r a m e 22. J . G o d a r d , L'ouvrier en soie. Monographie du tisseur lyonnais; étude économique et sociale. T h è s e d e droit. Lyon, I m p r i m e r i e E. Nicolas 1899, p . 6.
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qui, par l'intermédiaire de la poulie, soulève le fil de chaîne correspondant. Dans le système dit «à la petite tire», on groupe les cordes qui doivent être tirées ensemble, on passe chaque groupe à travers le trou d'une nouvelle planche, la grille, et on le fixe au-dessous à un bouton, les boutons étant rangés dans l'ordre où on doit s'en servir, on n'a qu'à les tirer l'un après l'autre». 23 Ce système était employé dès le 15e siècle. Le travail, on s'en rend compte, était extrêmement pénible. Piétinant dans un espace très étroit, situé sous le métier, l'ouvrière devait s'arc-bouter pour tirer sur les paquets de cordes qui étaient très lourds. Les tireuses, auxquelles il faut ajouter les «liseuses de dessins», les «faiseuses de lacs» et toutes celles qui sous le nom de «servantes» faisaient les canettes, dévidaient la soie, s'occupaient du nettoyage de l'atelier sont environ 7000 à Lyon en 1752. Elles doivent nécessairement habiter chez le maître, être engagées à l'année et être munies, si elles quittent leur travail, d'un billet attestant qu'elles ont fini leur temps. Leur gage est évalué en 1716 à 8 sols par jour pour 18 heures de travail. «Lorsqu'à mon arrivée dans ce pays, dira plus tard l'intendant Bouillon,21 j'eus pour la première fois l'occasion de voir les métiers et d'entrer dans les détails du mécanisme de la fabrication des étoffes, je m'intéressai au sort des tireuses. On me dit que pour des gages modiques elles travaillaient pendant 18 heures de la journée, qu'elles finissaient toujours par gagner des maladies considérables qui les rendent tôt ou tard incapables de travailler et qu'elles meurent dans la misère». Proposant un dispositif permettant de rendre leur travail plus facile, un inventeur affirme qu'il épargnerait à l'Hôtel-Dieu 60 à 80 lits «que les dites tireuses occupent actuellement, leurs maladies, causées par la rigueur de leur travail, provenant de la pesanteur de la tire». 25 La plupart d'entre elles viennent de la campagne. Elles y retournent lorsqu'une crise de chômage se produit. Alors que le travail reprend après une période de chômage, la communauté de Lyon décide en 1751 que «ces sortes de filles venant des montagnes du Dauphiné et de la Savoie, on commettra diverses personnes pour aller dans ces pays annoncer que le travail a repris faveur et qu'il y a une quantité de places à remplir chez les maîtres, et elles obligeront celles de ces filles qui y sont retirées à revenir en cette ville et en amener avec elles un grand nombre d'autres». Le travail des tireuses ne devait être supprimé que par l'invention de Jacquart au début du 19esiècle. Un règlement défendait de les employer au tissage. «Si on leur permettait de tenir le métier, y était-il dit, la rareté de ces filles occasionnerait une augmentation ruineuse de la maind'oeuvre.» L'emploi des femmes au tissage ne fut autorisé à Lyon qu'à partir
23. Ch. Ballot, L'introduction du machinisme dans l'industrie française. Lille, O . Marquant p. 332. 24. Mémoire du 9 mai 1765, cité par Ch. Ballot, p. 337. 25. J. Godard, L'ouvrier en soie, p. 487.
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de 1786. Il y eut alors des marchands-ouvriers qui n'employèrent que des femmes. 28 Il est important de remarquer dès maintenant à quel point cette description de l'emploi de la main-d'oeuvre féminine dans l'industrie de la soie dès le Moyen Age ressemble à celles que nous aurons l'occasion de faire lorsque nous parlerons du travail industriel des femmes dans la première moitié du 19 e siècle. Il s'agit là d'une main-d'oeuvre déshéritée, le plus souvent déracinée, à qui on peut faire accepter les travaux les plus pénibles. Cependant, bien qu'il revête dans quelques centres une importance considérable, il ne s'agit pas encore là d'un fait fondamental. O n peut remarquer au contraire que si le travail des femmes, à la fin de l'ancien régime, semble s'être développé, c'est par une extension du travail à domicile. Dans les campagnes, cette constatation s'impose à la veille de la Révolution ; elle concerne d'ailleurs le travail masculin en même temps que le travail féminin. L ' E X T E N S I O N D E LA P R O D U C T I O N R U R A L E A U 17E E T A U 18E SIÈCLE E T LE D É V E L O P P E M E N T D U T R A V A I L D E S F E M M E S
Le développement de l'industrie rurale a commencé en France dès le 17 e siècle. Il est l'une des conséquences de l'aggravation de la condition des paysans et de l'insuffisance de leurs revenus. O n l'observe non seulement dans les régions pauvres, mais aussi dans les régions plus riches comme la Normandie, la Picardie, la Flandre où certaines familles possèdent trop peu de terres pour vivre de leur culture. 27 Dans la presque totalité des cas, il s'agit d'industrie textile. Deux dispositions législatives ont favorisé au 18e siècle cette dispersion du travail, ce sont l'arrêté du 25 mars 1754 qui autorise partout l'emploi du métier à bas et surtout l'arrêté du 7 novembre 1762, confirmé en 1765, qui donne aux habitants des campagnes le droit de fabriquer toutes espèces d'étoffes sans faire partie des corporations de métier. Toutefois, comme le fait remarquer E. Tarlé, 28 il s'agit en fait d'un état de choses qui a déjà connu une extension considérable. Le texte même de l'arrêt de 1762 est significatif à cet égard puisque l'article 1 stipule que «les habitants des campagnes et ceux de tous les lieux où il n'y a point de communauté seront maintenus dans la faculté de filer toutes espèces de matières, de fabriquer toutes sortes d'étoffes et de leur donner toutes sortes d'apprêts conformément aux règlements». Le lin a été de tout temps une industrie rurale, la filature est faite sur place par les paysans eux-mêmes qui le cultivent. Le travail du coton n'est introduit en France que depuis le début 26. E. Levasseur, Histoire des classes ouvrières et de l'industrie en France avant 1789. Paris, A. Rousseau, 2 e éd. 1901; t. 2, p. 798. 27. H . Sée, La France économique et sociale au 18e siècle. Paris, A. Colin 1925, p. 35. 28. E. Tarlé, L'industrie dans les campagnes en France à la fin de l'Ancien Régime. Paris, Cornély 1910, p. 4.
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du 18e siècle mais il s'est développé surtout sous la forme d'une industrie rurale : en Normandie, par exemple, de nombreux paysans ont abandonné la culture et se consacrent chez eux au filage et au cardage du coton pour la «manufacture» de Rouen. L'introduction de la machine à filer anglaise, lajenny, en 1771, n'apporte guère de changement puisque son usage ne nécessite pas de force motrice et qu'elle peut être utilisée à domicile. 2 " On continue d'ailleurs aussi à filer au rouet car le fil ainsi produit est de meilleure qualité. 80 Le tissage également se fait à domicile et, contrairement à une opinion assez répandue, les manufactures, elles aussi, donnent à travailler dans les campagnes. En 1779, la manufacture de cotonnades de Saint-Dyé, près de Blois, compte 2100 ouvriers ; sur le nombre il y a 1800 fileuses, 180 dévideuses, 70 tisserands, 50 apprêteurs. Tous sont dispersés dans les campagnes voisines ou dans les régions limitrophes. 31 En Bretagne, l'industrie de la toile est exclusivement rurale et domestique. Dans l'industrie de la laine, la fin du 18e siècle est également l'époque du travail à domicile. «Les villes dites de fabrique, dit Ch. Ballot,32 sont, le plus souvent, non pas des réunions d'ateliers, mais des centres faisant travailler des ouvriers dispersés dans une région très étendue. Rouen fait filer sa laine par des gens de la campagne d'Elbeuf. A Louviers, les fileurs sont répandus à quatre lieues à la ronde . . . Lille et Roubaix font travailler dans les villages d'Artois et de Picardie, Sedan cherche des ouvriers hors de France dans les duchés de Bouillon et de Luxembourg, Reims fait filer dans sa région, Le Mans est vers 1760 le centre d'une grande fabrication d'étamine et d'autres étoffes de laine qui fait vivre près de 35 000 ouvriers jusque dans les départements de Mayenne, Maine-et-Loire, Indre-et-Loire. De même autour de Vienne, Lodève et des villes du midi qui donnent à filer dans la montagne.» Le tissage, d'abord pratiqué surtout par des artisans urbains, s'est répandu peu à peu hors des villes après l'arrêt de 1762. A Beauvais, en 1789, un cinquième seulement des métiers se trouvent en ville. Dans le Gévaudan «tout homme est fabricant, note Boulainvilliers, intendant du Languedoc, dans ses mémoires. 33 Il n'est pas de journalier, d'artisan, de laboureur qui n'ait chez lui un métier monté pour son propre compte auquel il s'occupe lorsque les travaux de la campagne lui manquent; sa femme, ses enfants cardent, filent et préparent la laine surtout pendant l'hiver. Une faible lampe éclaire ces différents ouvrages fort avant dans la nuit.» Dans le canton du Quesnoy, département du Nord, la fabrication des étoffes est, en 1797, la principale occupation des familles pay29. Ch. Ballot, op. cit., p. 53. 30. En 1791, les fileuses de la région troyenne s'attroupent pour empêcher l'introduction de la Jenny dans la ville. 31. Extrait de «L'État des manufactures de la généralité d'Orléans au 1er janvier 1779», cité par E. Tarlé, op. cit., p. 9. 32. Ch. Ballot, op. cit., p. 163. 33. E. Tarlé, op. cit., p. 12, note 1.
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sannes; «Les femmes et les enfants ne s'occupent que de cela pendant huit mois de l'année dans les campagnes». 34 Quant à la bonneterie, l'arrêt de 1754 lui a donné un essor d'autant plus important dans les campagnes que le métier à bas introduit par Colbert dès 1656 n'exige pas la réunion en ateliers. Il n'a pas besoin de moteur et le travail de bonnetier nécessite moins d'opérations préparatoires que le tissage. La bonneterie au métier, surtout pour le travail des articles de coton et de laine, s'est développée surtout en Normandie, en Beauce, dans la région de Lyon et de Nîmes, en Picardie où elle occupe, dit-on 60000 métiers. 35 Les villages de Picardie travaillent pour les manufactures d'Amiens et d'Abbeville : les métiers sont dispersés dans d'innombrables paroisses «de sorte qu'il est impossible, dit l'inspecteur des manufactures, de les dénombrer exactement».3® Les remarques faites par Young lors de son voyage en France, de 1787 à 1789, confirment bien cette dispersion extrême de l'industrie. Le chapitre xx qui reproduit les notes sur les manufactures dans les villes visitées par l'auteur est intéressant à cet égard. Young, qui attache une importance particulière à un état de choses auquel il attribue le déclin de l'agriculture en France, y souligne à maintes reprises la pénétration de la production industrielle jusque dans les campagnes les plus reculées.37 Le travail à domicile qui constitue à la fin du 18e siècle l'essentiel de la production française revêt d'ailleurs plusieurs formes. Dans certains cas l'artisan travaille sur commande pour le client mais il n'en est pas toujours ainsi. L'achat des matières premières exige des avances importantes et le prix des métiers est souvent élevé. Aussi a-t-on vu se développer une classe de maîtres-marchands, véritables entrepreneurs, qui achètent les matières premières, fournissent les métiers et parcourent les campagnes pour distribuer le travail. Leur activité devait contribuer à étendre l'industrie à domicile dans les campagnes. En revanche le travail qu'ils donnent est le plus souvent très mal payé et les artisans des villes se plaignent souvent de la concurrence qui leur est ainsi faite. Bien qu'il soit impossible d'avancer aucune donnée chiffrée, il est certain que cette pénétration du travail industriel dans les campagnes s'est accompagnée d'un accroissement numérique du travail des femmes au 17e et au 18e siècle. On a d'ailleurs noté au passage, dans les pages qui précèdent, des indications qui confirment l'importance de cette participation de la femme au travail industriel familial. Quand elle n'est pas elle-même fileuse, cardeuse, brodeuse, dentelière, elle sert d'auxiliaire au tisseur et, bien souvent sans doute, elle doit elle-même lancer la navette. Bien qu'il s'agisse souvent d'une besogne alternée 34. 35. 36. 37.
Cité par E. Tarlé, op. cit., p. 19. «Rapport de L. Villars, inspecteur des manufactures de Picardie». E. Tarlé, op. cit., p. 13. E. Levasseur, La France industrielle en 1789. Paris, A. Durand 1865, p. 131. A. Young, Voyages en France. Trad. H. Sée. Paris, A. Colin 1931, t. m, ch. xx, p. 955.
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avec les travaux ménagers ou avec les travaux des champs, cette extension du travail féminin à la veille du développement du machinisme revêt une extrême importance. Elle explique sans doute en grande partie la facilité avec laquelle la grande industrie pourra, par la suite, recruter des femmes pour le travail en atelier. Il faudra sans cesse avoir présente à l'esprit l'importance de cette participation des femmes à la production industrielle familiale à la fin du 18e siècle lorsqu'on examinera l'évolution du travail industriel des femmes au cours du 19e siècle. Dans cette industrie à domicile, pourtant mal rétribuée, l'écart entre les salaires masculins et féminins à la fin du 17e siècle est considérable. Malgré les différences observées d'une province à l'autre, il est possible de s'en rendre compte. En Picardie, un bon tisserand gagne de huit à dix sous par jour, tandis qu'une fileuse gagne cinq sous. 38 Dans le Centre, en 1789, la fileuse gagne de dix à douze sous, et le tisserand gagne de vingt-quatre à trente sous. 39 Les chiffres relevés par Young à la même époque indiquent des écarts du même ordre. Les salaires réalisés par les femmes représentent environ la moitié des salaires masculins. 40 LA N A I S S A N C E D U M A C H I N I S M E D A N S L ' I N D U S T R I E T E X T I L E E T SES C O N S É Q U E N C E S
Cette extension du travail à domicile à la veille du développement du machinisme n'est pas un fait particulier à la France. En Angleterre, la dispersion d u travail, particulièrement dans l'industrie de la laine, est observée dès le début du 17e siècle et elle est un fait général dans la première moitié du 18e siècle. Dans son ouvrage sur la révolution industrielle au 18e siècle, P. Mantoux cite la célèbre description faite par Daniel de Foe de la paroisse de Halifax dans le Yorkshire, de la succession continue des maisons, toutes habitées par des tisserands, du travail accompli en famille, la femme et la fille filant au rouet, les garçons cardant la laine tandis que l'homme fait aller et venir la navette. 4 1 L'industrie du coton, introduite en Angleterre dès le début d u 17e siècle, s'est développée, elle aussi, comme une industrie domestique. 42 Comme en France, certains artisans vendent directement leur production, mais il existe aussi des marchands-manufacturiers fournissant la matière première et souvent aussi les outils. 43 Dès le début du 18e siècle, cependant, l'évolution industrielle est déjà engagée 38. 39. 40. 41. 42. 43.
E. Tarlé, op. cit., p. 33. Idem, p. 37. Young, Voyages en France, t. m, p. 978-81. P. Mantoux, La Révolution industrielle au 18e siècle. Paris, Bellais 1906, p. 33. Idem, p. 195. Idem, p. 40-47.
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en Angleterre. Elle a été favorisée par l'essor commercial et la conquête de marchés extérieurs, par le développement des voies de communication. 41 Parallèlement le machinisme s'est développé et les premières grandes innovations techniques sont d'origine anglaise: l'invention de la navette volante par John Kay en 1733, de la première machine à filer, la jenny en 1765 puis de la mull-jenny en 1779, du métier mécanique par Cartwright en 1785 dont le rendement est accru par l'emploi de la machine à vapeur comme force motrice, vont amener de profondes transformations d'abord dans l'industrie du coton. 46 Un autre facteur joue cependant un rôle important: c'est le remaniement de la propriété foncière.4* Il entraîne la disparition de la petite propriété, achetée par les bénéficiaires des «enclosures» et a sans aucun doute accéléré le mouvement de concentration. Privés de leurs terres et de l'appoint que leur apportait la culture, les tisserands anglais et leurs familles, avant 1760, avant même que la concurrence des machines ait tué définitivement l'industrie familiale, commencent une migration massive vers les villes où ils constituent pour l'industrie un immense réservoir de main-d'oeuvre dans lequel la main-d'oeuvre féminine, en raison de son bas prix, va jouer un rôle prépondérant. La persistance de l'industrie
familiale
En France, l'industrie familiale devait se maintenir pendant de longues années encore. A la fin de l'Empire son importance est à peine entamée. Certes, le développement de l'industrie cotonnière a amené la construction de quelques grandes manufactures, mais la filature par jenny est encore très prospère dans les campagnes 47 et la filature au rouet s'est maintenue non seulement en Alsace où elle fournit les trois quarts de la production mais aussi dans d'autres régions comme la Loire-Inférieure ou la Creuse. Dans l'industrie de la laine, les efforts du gouvernement impérial pour favoriser le développement du machinisme ont déterminé la création de quelques grandes usines à Reims et à Sedan notamment, mais dans le même temps, l'introduction de la jenny et son utilisation pour filer la laine ont favorisé le maintien de l'industrie à domicile. Des centres de moyenne importance continuent à ignorer le travail mécanique, tel Romorantin qui en 1806 compte 115 fabricants faisant travailler 970 ouvriers en atelier mais 115 ouvriers en dehors pour les apprêts, 1500 fileuses de huit à quinze ans, 300 cardeuses, 30 épailleurs et époutisseurs.48 «Les grands centres eux-mêmes, dit Ch. Ballot, continuent à faire travailler les fileuses des campagnes dont le travail est encore prépondérant. A côté d'eux subsistent les in44. 45. 46. 47. 48.
Idem, 1ère partie, ch. n. Idem, p. 229. Idem, 1ère partie, ch. vil. Ch. Ballot, op. cit., p. 229. Idem, p. 224, note 2.
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nombrables petits fabricants qui produisent les articles communs pour la fabrication locale sans être atteints par la concurrence des grands établissements car ils s'adressent à la main-d'oeuvre rurale restée à bas prix, ce travail n'étant pour les gens de la campagne q u ' u n travail d'appoint que font surtout les femmes et les enfants». 48 La période de 1815 à 1850 marque une première étape dans la substitution de la grande industrie à l'artisanat et à l'industrie domestique. 50 Peu sensible sous la Restauration où elle est entravée par l'insuffisance des moyens de transport et la politique protectionniste, elle s'accentue à partir de 1830. L'enquête de Villermé, 6 1 effectuée entre 1834 et 1837, qui donne un tableau si précis de l'état de l'industrie textile en France, fait cependant saisir à quel point elle reste encore dispersée et artisanale. Elle montre aussi combien la participation des femmes y est encore importante. Si la filature du coton qui a progressé très vite grâce à l'introduction des machines continues puis de la mull-jenny est effectuée dans le Haut-Rhin entièrement dans les manufactures, le tissage continue à se faire, pour l'essentiel, à domicile. A Mulhouse, sur 35 000 ouvriers et ouvrières, une forte proportion est répandue dans la campagne. 5 2 A SainteMarie-aux-Mines les entrepreneurs de tissage donnent de l'ouvrage aux tisserands qui travaillent chez eux et emploient des femmes comme dévideuses de trames (une dévideuse pour deux tisserands) qu'ils paient de 4 Fr. à 4 Fr. 50 par semaine. 63 A Saint-Quentin, où le coton remplace peu à peu le lin, le filage se fait presque uniquement dans les villages des environs où il occupe plus de 75 000 travailleurs dont une grande quantité de femmes et d'enfants qui préparent les chaînes ou les trames ou font office de rattacheurs ou de bobineurs. 64 L'industrie du tulle qui occupe en 1834 environ 50000 personnes, dont deux tiers de femmes et d'enfants, est le plus souvent une industrie domestique. U n métier à tulle occupe environ neuf personnes dont six femmes se livrant aux opérations de bobinage, de dévidage, de raccommodage, de blanchissage, d'apprêt. Dans la région de Rouen, une grande partie du tissage se fait encore à la campagne en hiver. 6 6 A Tarare, sur une population de 50000 ouvriers, on compte environ 20000 hommes et femmes tissant les mousselines à domicile, 15 ou 16 000 femmes et enfants «employés à dévider les fils de trame 49. Idem, p. 224. 50. A. Viallatte, L'activité économique en France de la fin du 18e siècle à nos jours. Paris, Rivière 1937, ch. 2. 51. H. Villermé, Tableau de l'état physique et moral des ouvriers employés dans les manufactures de coton, de laine et de soie. Paris, Renouard 1840. 52. Idem, p. 39. 53. Idem, p. 72. 54. Idem, p. 118. 55. Idem, p. 155-156. En 1842 dans la région de Rouen, le tissage mécanique ne fournira encore que 32 % de la fabrication. (H. Sée, Histoire économique et sociale de la France. Paris, A. Colin 1929, p. 165).
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et à faire des canettes pour le compte des tisserands», 10000 brodeuses, femmes ou jeunes filles «qui s'occupent à temps perdu à broder les mousselines sur une espèce de tambour». 5 8 Seules, 4 à 5000 femmes travaillent avec des enfants en atelier, chez l'employeur, à mesurer et peser les écheveaux de fils, à dévider les chaînes, à les ourdir, ou sont occupées comme épinceteuses ou couturières pour revoir et vérifier les pièces livrées par les tisserands. Dans l'industrie de la laine, deux opérations: le cardage et le filage se font désormais en atelier, 6 ' mais le peignage se fait presque partout à domicile et, là encore, avec la participation des femmes et des enfants. 5 8 Le tissage de la laine se fait aussi à domicile mais peu de femmes travaillent sur les métiers larges à cause de l'effort physique à fournir. Ce sont par contre presque toujours elles qui fabriquent «les étoffes de laine étroites et légères dont la confection moins pénible n'exige pas des métiers aussi larges ni aussi lourds que celle des fortes draperies». 5 9 Q u a n t a u tissage de la soie qui a été révolutionné par l'invention de J a c q u a r t au début d u 19 e siècle, il ne compte à Lyon au moment de l'enquête de Villermé q u ' u n e seule manufacture et le travail s'y fait presque exclusivement a u domicile des canuts qui tissent pour le compte des marchands-fabricants. Dans le seul quartier de la Croix-Rousse, u n recensement de 1834 dénombre 1235 hommes et 897 femmes p a r m i les compagnons, et 670 hommes et 599 femmes parmi les apprentis. 6 0 A Saint-Etienne et Saint-Chamond, la fabrication des rubans et passementeries occupe à domicile 27000 personnes dont les trois quarts au moins de femmes et d'enfants. 6 1 Nous n'avons pas, dans le cadre de cette étude, à évoquer toutes les raisons de la lenteur avec laquelle s'est opérée en France la concentration industrielle. Il est certain cependant que si, dans la concurrence qui a opposé, pendant une bonne partie d u 19 e siècle, la production en atelier à la production dispersée, cette dernière a pu, dans bien des cas, résister c'est parce qu'elle avait pour 56. H . Villermé, op. cit., p. 185. 57. Idem, p. 204. 58. Voici comment Villermé décrit l'opération du peignage à la m a i n : «Les instruments sont deux peignes à deux rangées de fortes dents d'acier très longues et u n petit poêle pour les chauffer où l'on ne brûle que du charbon de bois. T a n t ô t assis et tantôt debout, le peigneur prend une poignée de laine, y dépose quelques gouttes d'huile ou un peu de beurre, fait jouer ses peignes tout chauds sur elle, la démêle et en façonne une sorte de r u b a n où tous les filaments sont parallèlement en retrait les uns sur les autres dans le sens de la longueur. Puis il place ce r u b a n entre la lumière et son oeil, l'étalé un peu pour en apercevoir les bouchons, les noeuds, toutes les ordures qui peuvent s'y trouver encore et il les retire avec les lèvres. Cette partie de son travail est souvent faite par des enfants. Ce sont ordinairement les siens - ou par sa femme parfois aussi cette dernière fait jouer elle-même les peignes». 59. H . Villermé, op. cit., p. 209. 60. Idem, p. 359, note 1. O n sait que depuis 1766 les femmes peuvent être occupées au tissage de la soie. 61. Idem, p. 400.
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elle son bas prix de revient. Effectuée en grande partie par une population mipaysanne mi-industrielle qui trouvait dans les travaux des champs un complément de revenu, elle comptait un grand nombre de femmes et d'enfants travaillant pour un gain modique. Mais cette participation des femmes et des enfants n'a-t-elle pas joué aussi sur le plan psychologique, ne contribue-t-elle pas à expliquer la volonté désespérée que marque souvent l'industrie familiale de subsister au prix des plus grands sacrifices? Villermé, dont l'enquête se situe à un moment où dans de nombreux secteurs, la production familiale est sur le point de succomber, souligne à maintes reprises cet aspect de la situation. Il montre la misère des tisserands de campagne dont le salaire diminue sans cesse, accrochés à leur chaumière, tirant de leur lopin de terre un mince complément et retardant le plus possible le moment de partir à la ville. Certes, l'inquiétude qu'inspirent la fabrique et la ville à l'ouvrier rural se comprend aisément; chez lui, malgré les longues journées de travail, il a encore le sentiment d'être son maître. Il répugne à la discipline de l'atelier. Mais l'entrée dans la fabrique c'est aussi la fin du travail familial et, comme il est impossible de vivre avec le seul salaire du père, c'est l'obligation pour la femme et pour les enfants d'aller, eux aussi, travailler à l'atelier. Il y a là une transformation si radicale des modes de vie, un tel saut dans l'inconnu que la résistance se prolonge souvent bien au-delà des limites possibles. La différence avec la situation en Angleterre telle que nous l'avons sommairement évoquée plus haut est ici intéressante à souligner. La transformation du régime foncier en Angleterre, dès la fin du 18e siècle, a privé l'industrie familiale rurale de son complément indispensable, la petite culture sans laquelle elle ne peut continuer à subsister. Toute résistance devenait impossible et les migrations vers les villes ont commencé, rappelons-le, avant que les machines aient ruiné définitivement l'industrie domestique. Tel n'est pas le cas de la France où la petite propriété paysanne subsiste et permet une résistance plus longue. L'appel à la main-d'oeuvre féminine et enfantine dans les fabriques
Et cependant, dans le temps même où la participation des femmes à la production artisanale à domicile contribue à maintenir les formes dispersées de la production industrielle, on peut observer un autre fait en apparence contradictoire : ce sont des femmes - et avec elles des enfants - qui, dans la plupart des cas, constituent la majorité des effectifs dans les premiers ateliers de l'industrie textile. Deux exemples en donneront une idée: la première filature à vapeur, établie par Milne à Orléans en 1791 occupe, en l'an ix, 72 femmes de 40 à 80 ans, 90 jeunes gens ou jeunes filles, 96 filles de 8 à 16 ans, 31 petites filles de 5 à 8 ans, 22 garçons de 8 à 11 ans, 21 garçons de 5 à 8 ans. 62 En 1806, la fila62. Ch. Ballot, op. cit., p. 73.
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ture de Valençay, dans l'Indre, occupe 78 hommes, 106 femmes et 17 enfants. 63 Pour expliquer un tel état de choses, il faut remarquer d'abord que les premières opérations mécaniques ont porté sur la filature, pour le coton d'abord et plus tard pour la laine. O r la filature était, à domicile, une opération effectuée essentiellement par une main-d'oeuvre féminine. Celle-ci, privée de son travail, s'est trouvée la première disponible pour aller travailler en atelier. D'autres opérations élémentaires qui étaient auparavant faites par des femmes et des enfants ont été, elles aussi, rapidement mécanisées: l'épluchage, le tirage, le bobinage pour le coton, le battage et le cardage, la mise en écheveaux pour la laine. Ce développement plus marqué de la concentration dans les travaux traditionnellement féminins apparaît très nettement en 1836, lors de l'enquête de Villermé. A Saint-Quentin par exemple, le travail de filature est fait en atelier dans les manufactures de la ville et il occupe surtout des femmes, tandis que le tissage où les hommes sont en majorité, se fait encore à domicile dans les campagnes. A Tarare, alors que 4 à 5 000 femmes ou enfants travaillent en atelier à dévider, peser, mesurer les écheveaux, tout le reste se fait à domicile. Il ne faut pas oublier non plus que l'introduction des machines et l'emploi de la vapeur, en rendant le travail physiquement moins pénible, permettaient, dans les ateliers, d'engager des femmes pour des travaux qui, à domicile, étaient faits par des hommes. Dans les manufactures de coton du Haut-Rhin, en 1836, le tissage en atelier sur les métiers à bras occupe plus de femmes que d'hommes.* 4 Dans le travail de la soie, le moulinage qui avait toujours été fait par des hommes est confié à des femmes depuis que l'outillage est devenu moins lourd. 66 La raison essentielle qui pousse les manufacturiers à rechercher, pour des travaux accomplis en atelier, la main-d'oeuvre féminine et enfantine, est évidemment son coût peu élevé. Tous les témoignages concordent pour confirmer que le niveau général des salaires est extrêmement bas et que les salaires féminins représentent, en règle générale, environ 50% de ceux des hommes. L'emploi des femmes et celui des enfants devient le moyen par excellence de réduire les frais de fabrication, de compenser le prix élevé de l'outillage. Une véritable concurrence s'instaure entre les fabricants pour le recrutement d'une main-d'oeuvre qui offre en outre l'avantage de la docilité. On la trouve d'ailleurs en abondance et elle vient parfois de fort loin. Tout le monde connaît la page célèbre où Villermé décrit la longue théorie des travailleurs qui, habitant à plusieurs lieues de Mulhouse, se rendent chaque matin à la manufacture. «Il 63. Idem, p. 78. 64. H. Villermé, op. cit., p. 7. 65. Idem, p. 344.
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faut les voir arriver chaque matin en ville et en partir chaque soir. Il y a parmi eux une multitude de femmes, pâles, maigres, marchant pieds nus au milieu de la boue et qui, faute de parapluie, portent, renversé sur la tête, lorsqu'il pleut, leur tablier ou leur jupon de dessus pour se préserver la figure et le cou, et un nombre encore plus considérable de jeunes enfants non moins sales, non moins hâves, couverts de haillons, tout gras d'huile des métiers tombée sur eux pendant qu'ils travaillaient. Ces derniers, mieux préservés de la pluie par l'imperméabilité de leurs vêtements n'ont pas même au bras, comme les femmes dont on vient de parler, un panier où sont les provisions pour la journée, mais ils portent à la main ou cachent sous leur veste ou comme ils le peuvent le morceau de pain qui doit les nourrir jusqu'à l'heure de leur rentrée à la maison». 6 6 O n observe même de véritables migrations de femmes seules ou de jeunes filles qui viennent à la ville pour s'embaucher dans les filatures; leurs salaires sont si bas qu'elles arrivent à peine à vivre. A Saint-Quentin «les plus pauvres d'entre elles se réunissent à plusieurs dans une chambre où elles couchent sur de mauvais grabats». 6 7 A Amiens, pour vingt sous par semaine, elles prennent pension dans une pauvre famille dont elles partagent la chambre. Pour dix-huit à vingt-quatre sous de plus elles ont une portion de souper. Pour quatre sous, elles prennent leur repas de midi dans le voisinage de l'atelier. O r une soigneuse de cardes à Amiens gagne cinq francs par semaine, c'est-à-dire à peine de quoi se loger et se nourrir dans de telles conditions. Dans le travail de la soie, au tirage et au moulinage, beaucoup de femmes sont étrangères au lieu où elles travaillent. «Dans les départements de la Drôme, d u Vaucluse, du Gard, de l'Hérault, nous dit Villermé, elles viennent principalement du Vivarais ou des Cévennes, c'est-à-dire des montagnes de l'Ardèche et de la Lozère. Celles dont la demeure est peu éloignée retournent chaque samedi soir dans leurs familles et reviennent le lundi matin en apportant leur provision de pain pour toute la semaine . . . Les mouliniers et les maîtres tisseurs logent assez souvent chez eux les ouvrières étrangères à la localité; ils donnent à celles-ci un mauvais lit pour deux et, pendant l'été, de la paille à celles qu'ils n'emploient que momentanément. Elles font leur cuisine en commun et chacune en est chargée à tour de rôle». Après l'apparition des grandes filatures de soie dans la région lyonnaise, certains fabricants imaginent même des solutions qui leur permettront de diminuer encore le prix de revient et d'augmenter le rendement de cette maind'oeuvre à bon marché. De véritables internats sont créés dans la région de Lyon et de Saint-Etienne pour les femmes et les jeunes filles venant des montagnes du Bugey ou de Savoie. 68 66. Idem, p. 26. 67. Idem, p. 75. 68. Voici comment Louis Reybaud décrit le régime institué dans la fabrique de Jujurieux, dans
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Appelées dans les ateliers dès que se manifestent les premiers signes de la concentration industrielle, les femmes y connaissent des conditions de travail particulièrement dures. Les premières fabriques sont souvent des bâtiments de fortune qui n'ont pas été construits pour un usage industriel ; ils sont mal éclairés, l'air y fait défaut, l'hygiène y est inconnue, l'outillage est souvent encore mal adapté et nécessite des efforts pénibles. Les machines mal protégées sont dangereuses. Les horaires de travail dépendent de la volonté de l'employeur, aucune réglementation ne s'interpose. Or, si les conditions générales du travail sont déplorables, celles des ateliers de femmes sont souvent les plus pénibles. Dans la mesure où un besoin plus grand les a poussées vers la fabrique, dans la mesure où, faisant des travaux plus simples, elles sont plus aisément remplaçables, elles acceptent plus facilement encore que les hommes les tâches les plus rebutantes. Dans les ateliers d'apprêt des manufactures d'indiennes du HautRhin où règne une température intolérable, ce sont des femmes qui travaillent. «Dans ceux de l'apprêt dit écossais, dit Villermé, j'ai vu les ouvrières soumises à une température de 35 à 40°, c'est-à-dire une température qui parfois égale celle du corps et les entretient dans un état continuel de transpiration abondante. Elles y sont toutes jambes et pieds nus n'ayant sur elles qu'une chemise et un très léger jupon». 89 Le battage du coton qui se fait encore dans certains ateliers à la baguette, et qui, malgré l'épouvantable poussière qu'il soulève, doit être effectué toutes fenêtres fermées est confié le plus souvent à des femmes parce que «plusieurs manufactures ont considéré qu'elles résistent mieux aux pousl'Ain, où 400 d'entre elles se livrent à toutes les opérations de la soie depuis l'élevage d u cocon jusqu'au tissage d u taffetas: «L'emploi exclusif des femmes a permis d'établir à J u j u r i e u x une règle qui, par sa sévérité, se rapproche de celle des congrégations religieuses. O n n'y prononce pas de voeux, on n'y contracte pas de liens éternels mais, dans la limite de leurs engagements, les ouvrières sont astreintes à u n genre de vie qui les isole du monde entier et les préserve, bon gré mal gré, des occasions de chute. Aussi des soeurs ont-elles le gouvernement de la maison. A Jujurieux, ce sont les soeurs de Saint-Joseph, comme à T a r a r e et à la Séauve, à BourgArgental ce sont les soeurs de Saint-Vincent-de-Paul. O n n'admet à Jujurieux que des jeunes filles ou des veuves sans enfants; peu de liens ou de devoirs extérieurs surtout de ceux qui sont incompatibles avec la règle de la maison. Q u a n d les ouvrières sortent, et seulement pour des cas déterminés, une soeur les accompagne, elles ne vont à la promenade que sous la conduite des soeurs. L'église paroissiale aurait pu être un point de contact avec le monde; une chapelle a été consacrée dans l'intérieur de l'établissement et les fidèles du dehors n'y sont point admis. Q u a n t aux ouvriers q u ' u n service de détail appelle dans les salles, ils sont choisis avec le plus grand soin et n'y font q u ' u n très court séjour, le silence leur est imposé sous peine de renvoi. Le séquestre est donc aussi absolu que possible et le temps se partage entre le travail et les exercices de piété, accompagnés de quelques distractions. Pour maintenir une discipline aussi austère, la contrainte ne suffirait pas; il faut que la ferveur s'y joigne et la supérieure ne néglige rien pour la faire régner parmi les ouvrières qu'elle gouverne. T a n t ô t c'est une mission qui vient réchauffer le zèle quand il s'attiédit et lui fournir un aliment imprévu ; tantôt c'est une communion générale à laquelle assiste le chef du diocèse et qui laisse dans les coeurs une profonde empreinte par ses pompes et ses solennités». (L. Reybaud, Études sur le régime des manufactures. Condition des ouvrières en soie. Paris, Michel Lévy 1859, p. 201). 69. H . Villermé, op. cit., p. 13.
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sières». 70 Voici la description de ce travail par le docteur Thouvenin dans les Annales de l'hygiène publique: «Le coton, posé sur les claies maintenues sur des tréteaux est frappé continuellement à tour de bras avec des baguettes d'osier. Il laisse échapper dans l'atelier des nuages de poussière irritante et de duvet cotonneux qui pénètrent dans la bouche, les narines, la gorge, les voies profondes de la respiration, couvrent les vêtements, la figure et les cheveux des ouvrières. L'on peut ajouter à ces désagréments la fatigue extrême, les mouvements désordonnés et violents des bras et de tout le corps, une position verticale trop prolongée, une transpiration abondante et par suite la pâleur du visage et l'amaigrissement». 71 Les ouvrières occupées dans le travail de la soie au dévidage des cocons ont des conditions de travail tout aussi pénibles: «Il serait difficile, dit Villermé, de se faire une idée de leur aspect misérable, de la malpropreté horrible de leurs mains, du mauvais état de santé de beaucoup d'entre elles et de l'odeur repoussante, sui generis, qui s'attache à leurs vêtements, infecte les ateliers et frappe tous ceux qui les approchent. A ce travail s'ajoute encore la douleur qu'il cause par la sensibilité qu'acquiert le bout des doigts plongé à chaque instant dans l'eau bouillante ou presque bouillante des bassins». 72 Q u a n t aux cardeuses de bourre, «elles succombent, jeunes encore, aux maladies de poitrine, surtout à la phtisie pulmonaire». Dans les filatures de lin chaque métier de 100 à 120 broches est surveillé par deux femmes qui piétinent dans l'eau et travaillent dans l'atmosphère de chaleur humide nécessaire à la dilatation des filaments.73 Avant d'aller plus loin, on s'arrêtera quelques instants pour tenter de dégager, à partir des faits qui viennent d'être exposés, quelques idées essentielles. Il nous semble d'abord important de souligner que, contrairement à une opinion très répandue, la grande industrie n'a pas créé de toutes pièces le travail des femmes. Celui-ci existait dès le Moyen Age et on l'a vu s'étendre au 17 e et au 18e siècles avec la pénétration dans les campagnes de l'industrie textile sous toutes ses formes. Vers la fin de la première moitié du 19 e siècle, la production à domicile subsiste dans de nombreux secteurs et un grand nombre de femmes y participent encore. Cependant, partout où s'accomplit le processus de concentration industrielle, celle-ci est caractérisée par un large appel à la main-d'oeuvre féminine : si la grande industrie n'a pas créé le travail des femmes, elle a peuplé de femmes - et d'enfants - les premiers ateliers, tel semble être le fait nouveau 70. Idem, p. 212, note 1. 71. Dr. Thouvenin, «De l'influence que l'industrie exerce sur la santé des populations dans les grands centres manufacturiers», Annales de l'hygiène publique et de médecine légale, 1846, vol. 36 p. 21. 72. H. Villermé, op. cit., p. 245. 73. Dr. Thouvenin, Article cité, p. 28.
4°
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qui caractérise, en ce qui concerne les femmes, les premiers développements de l'industrialisation. Il faut en examiner les conséquences. En appelant les femmes à l'atelier, le machinisme a modifié radicalement leurs conditions de travail. La fileuse, l'ourdisseuse, la femme occupée chez elle à faire des canettes pour le compte du tisserand, la brodeuse, ne travaillait sans doute pas sans interruption du matin au soir. Venue à l'atelier elle y passe chaque jour quinze ou même dix-huit heures. Le travail industriel cesse pour elle de s'exercer dans le même cadre que la vie familiale, il lui est désormais impossible d'alterner le travail industriel avec les travaux du ménage. Avec les premiers développements du machinisme est née l'ouvrière qui chaque jour quitte son domicile pour accomplir, en dehors du cadre de la famille, un travail professionnel. On est étonné, lorsqu'on parcourt les écrits des contemporains de ces premiers développements de la grande industrie, de ne pas y trouver de réactions plus vives devant la nouveauté de ce fait. Villermé le constate certes, il signale régulièrement les travaux effectués par les femmes dans les ateliers, souligne au passage leur caractère pénible, il s'enquiert des répercussions du mélange des sexes sur la moralité, de la recrudescence de la prostitution, conséquence des bas salaires pour les jeunes filles, il recherche, dans les grandes villes où il passe, les statistiques des naissances d'enfants naturels mais il ne formule aucun jugement concernant le travail des femmes dans les manufactures. Auteur d'un ouvrage sur la misère des classes laborieuses en Angleterre et en France, publié en 1840 et couronné par l'Académie des sciences morales et politiques, Eugène Buret n'y fait pas d'allusion. 74 II est vrai que, pour le moment, l'attention est accaparée surtout par le travail des enfants. Les réactions viendront plus tard avec le développement de l'emploi des femmes dans la seconde moitié du 19e siècle, et lorsque la classe ouvrière commençant à s'organiser, ses premières luttes mettront à l'ordre du jour les «questions sociales». Pour le moment, dans la perspective du bouleversement total des modes de production que représente l'apparition des premiers grands ateliers, le travail des femmes hors de la famille n'est pas mis en question par les moralistes bourgeois. Une deuxième série de remarques concerne les conditions dans lesquelles les femmes entrent dans les ateliers. Elles sont, nous l'avons vu, occupées à des travaux simples, mais ce sont souvent en même temps des travaux physiquement pénibles ou salissants et ils sont aussi les plus mal payés. Certes, ce ne sont pas des conditions entièrement nouvelles; le Moyen Age, avec les tireuses, 76 nous en a offert des exemples et nous avons vu que l'industrie familiale réservait souvent aux femmes les travaux auxiliaires avec une rémunération toujours inférieure à celle des hommes. Il faut bien constater cependant que, dans l'atelier, 74. E. Buret, De la misère des classes laborieuses en Angleterre et en France. Paris, Paulin 1840. 75. Voir p. 26.
Extension du travail des femmes
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les conditions de travail des femmes sont aggravées. Dans l'effroyable gaspillage de main-d'oeuvre qui marque les premiers développements de la grande industrie, les femmes sont, avec les enfants, les plus durement exploitées. L'ouvrière des premières fabriques est un être misérable et accablé. Sa déchéance, à cause de la promiscuité des ateliers, est considérée comme presque inévitable. Pour les contemporains, le travail industriel marque les femmes qui s'y livrent d'une sorte de stigmate. L'EXTENSION D U TRAVAIL DES FEMMES D A N S LES B R A N C H E S A U T R E S Q U E LE T E X T I L E
Les faits exposés jusqu'ici concernent l'industrie textile. A la fin de la première moitié d u 19 e siècle, celle-ci constitue encore l'essentiel de la production industrielle française et, pendant de longues années encore, elle absorbera la plus grande partie de la main-d'oeuvre industrielle féminine. U n fait dont l'importance ne saurait échapper commence toutefois à se manifester : la pénétration des femmes dans les autres branches de la production. Il n'est pas, à vrai dire, totalement nouveau. Dans certaines industries à caractère artisanal et familial, comme la coutellerie de Thiers par exemple, les femmes participent depuis longtemps à la production. Mais on va voir qu'il ne s'agit plus seulement d'industrie familiale. Les statistiques de l'industrie, entreprises en France en 1839, sont les premières à apporter des données numériques sur les effectifs des entreprises industrielles. Par une circulaire du ministre de l'Agriculture et du Commerce, les préfets étaient invités à réunir pour les établissements occupant «au moins une dizaine de salariés» une série de données numériques parmi lesquelles le nombre d'hommes, de femmes et d'enfants employés par chacun d'entre e u x . " L'enquête devait s'étendre sur plusieurs années et la publication des résultats est étalée dans quatre volumes parus de 1847 à 1852. L'imprécision des instructions données au'départ, le caractère incomplet de l'enquête enlèvent toute signification aux chiffres d'ensemble. 7 7 Il est intéressant toutefois de voir commentse répartissent'les femmes et les enfants dans les entreprises recensées qui ne relèvent pas'de l'industrie textile.'On remarque alors que c'est précisément dans les branches qui ont'connu u n développement récent que l'on trouve les proportions les plus importantes de femmes et d'enfants. C'est le cas de l'industrie du papier où la fabrication mécanique se développe 76. Statistique de la France. Publiée par le ministère de l'Agriculture et du Commerce. Paris, Imprimerie royale 1847, Introduction n° x v m . 77. En fait, on a dans de nombreux cas recensé des établissements occupant moins de dix ouvriers tandis que des établissements plus importants étaient omis. Des erreurs de ce genre ont été notamment relevées dans le département des Bouches-du-Rhône. (Voir Paul Wassin, Encyclopédie des Bouches-du-Rhâne, Paris 1926, t. vin, p. 111).
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depuis 1827 et qui emploie, dans les établissements recensés, plus de femmes que d'hommes (6973 hommes pour 7960 femmes et 1873 enfants dans 491 établissements), principalement dans le Pas-de-Calais (arrondissement de Saint-Omer) et dans les Vosges. Dans la fabrication du sucre de betterave suscitée par le blocus continental et qui, après une crise profonde en 1817 a connu un développement si rapide qu'elle assure vingt ans plus tard la moitié de la consommation, on trouve 3992 femmes et 2198 enfants pour 10559 hommes dans 246 établissements recensés. L'état de concurrence aiguë entre la fabrication du sucre indigène et celle du sucre de canne explique sans doute cet appel à une main-d'oeuvre à bon marché. La production de la faïence fine qui commence à se répandre en France sous le nom de porcelaine opaque emploie 1360 femmes et 841 enfants pour 4640 hommes dans 91 établissements situés surtout dans le département de la Haute-Vienne. La fabrication des allumettes à friction qui connaît alors ses premiers développements occupe, dans la manufacture de Saint-Denis, 30 hommes, 100 femmes et 175 enfants; celle des bougies de suif, apparues à l'Exposition de 1834 et dont l'usage tend à supplanter celui des chandelles de cire, occupe 247 femmes et 69 enfants pour 531 hommes dans 151 établissements. La conserverie, dont le développement date de la Restauration, à la suite de l'application industrielle du procédé Appert, emploie, dans le département de la Loire-Inférieure, presque exclusivement des femmes. Dans la métallurgie, ce sont surtout les fabrications légères qui ont fait appel à la main-d'oeuvre féminine. La proportion la plus élevée de femmes se trouve dans la quincaillerie où la production des objets à bas prix tend à se développer, et où 171 établissements recensés, groupés essentiellement dans la région de Saint-Etienne, emploient 1110 femmes, 1070 enfants et 4340 hommes. La fabrication des clous occupe, dans les Ardennes, 764 femmes et 1522 enfants pour 5 749 hommes, celle des épingles fait travailler dans 412 établissements recensés 1 800 femmes et 3024 enfants pour 15035 hommes, mais la proportion est plus élevée dans les établissements les plus importants et sans doute les plus mécanisés: Primois, à Clos Laferrière, dans l'arrondissement d'Argentan, occupe 100 femmes et 200 enfants pour 100 hommes. Dans la grosse métallurgie, la proportion de main-d'oeuvre féminine est moins élevée. On trouve cependant des femmes dans l'industrie de la fonte et leur nombre est relativement considérable dans quelques grosses entreprises. La fabrique de fontes en gueuses occupe chez Lafond à Monthéries (Haute-Marne) 300 femmes, 200 enfants et 900 hommes, celle de la fonte moulée chez Muel à Vaucouleurs (Meuse), 100 femmes, 200 enfants et 750 hommes. Le nombre total des femmes ainsi recensées n'atteint pas le chiffre de 60000 contre plus de 220000 dans le textile. L'appel à la main-d'oeuvre féminine, dès la première moitié du 19e siècle, dans les branches autres que le textile en voie
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de développement n'est pas, si on le considère globalement, un fait numériquement considérable. Il n'en est pas moins d'une extrême importance : il signifie que l'activité des femmes commence à s'étendre au-delà des branches traditionnelles dans lesquelles nous l'avons vue s'exercer depuis le Moyen Age. Les raisons de cette pénétration des femmes dans les branches alors en voie d'extension et d'industrialisation sont évidemment liées au bas niveau de leurs salaires qui rend leur emploi particulièrement avantageux. L'enquête de 1839, dont nous venons de parler, donne, pour chaque établissement, les salaires moyens. Elle fait apparaître des différences de l'ordre de celles que nous avons citées pour l'industrie textile. Quelles tâches confie-t-on aux femmes dans ces industries où la mécanisation commence à peine à se développer? Nous avons vu qu'on les trouve en plus grand nombre dans les branches où le travail est plus léger. Dans les raffineries cependant, ce sont les «porteuses» qui transportent, chaque jour, vers le cassoir 7 à 800 plaques de sucre pesant chacune 16 kg. Dans la fabrication du sucre ce sont des femmes qui travaillent la nuit au déchargement des betteraves «parce qu'elles sont plus habiles et plus souples que les hommes et résistent mieux à la boue et au froid». Dans les mines, le travail des porteuses de charbon est exténuant. Dans l'industrie des métaux, les tailleuses de limes sont exposées à de graves maladies. En fait, les conditions dans lesquelles travaillent les femmes sont partout très dures. Comme dans l'industrie textile, l'ouvrière est - avec l'enfant qu'on exploite en même temps qu'elle - particulièrement misérable et déshéritée.
LE TRAVAIL INDUSTRIEL DES FEMMES DANS LA SECONDE MOITIÉ DU 19E SIÈCLE ET JUSQU'À LA VEILLE DE LA GUERRE 1914-18
Dès le début de la seconde moitié du 19 e siècle, la concentration en atelier dans l'industrie textile se précipite. La fréquence des crises, en éliminant bon nombre de petites entreprises, accentue la concentration financière. Des capitaux importants peuvent être investis dans la construction de locaux et dans l'achat d'un matériel assez perfectionné pour assurer une production rapide. La concentration en atelier suit cependant un rythme inégal suivant les branches, et le travail familial subsistera encore pendant de longues années dans certains secteurs. Les progrès de l'industrialisation concernent encore la filature et particulièrement celle du coton. La filature de la laine évoluera plus lentement. Dans le tissage, le métier mécanique ne s'imposera que vers la fin du 19e siècle. Le travail à domicile survivra dans la bonneterie, la lingerie; il a d'ailleurs trouvé un nouvel aliment dans le développement de la confection. En 1834 en effet, à la suite d'une grève des ouvriers tailleuis, la confection commence à se développer. Elle connaîtra une croissance rapide grâce à l'invention de la
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machine à coudre et ne tardera pas à occuper un nombre important de femmes dont une partie travaillera à domicile.' 8 Malgré cette résistance de la production familiale et la recrudescence partielle du travail à domicile dans un secteur nouveau, l'extension du travail des femmes en atelier reste un trait essentiel de cette période. L'utilisation de la main-d'oeuvre féminine est rendue plus facile encore par le développement du machinisme et de l'emploi d'une force motrice. Cela est vrai non seulement pour le textile mais pour la plupart des autres branches de l'industrie qui connaissent des développements importants et où la transformation des procédés de fabrication, l'amélioration de l'outillage, l'emploi sans cesse croissant de moteurs rendent le travail moins pénible. Les données numériques qui permettraient de suivre l'évolution du travail féminin dans l'industrie font malheureusement défaut pendant une longue période. La statistique de 1866, la première à nous fournir des chiffres d'ensemble valables, nous permet toutefois d'apprécier l'ampleur de la progression déjà réalisée. Le nombre de femmes travaillant dans l'industrie s'élève à cette date à 1269 700 soit 30 % de la main-d'oeuvre industrielle totale. Si de ce chiffre on déduit les 594000 femmes occupées au travail des étoffes, il reste 675000 ouvrières d'industrie proprement dite dont plus de 70% sont occupées dans l'industrie textile où elles représentent 45 % de l'effectif total. Dans les autres branches, la proportion de femmes reste beaucoup moins élevée : 23 % dans l'alimentation, 13 % dans les industries chimiques, moins de 5 % dans les industries des métaux. Le nombre de femmes occupées dans l'industrie proprement dite en dehors du textile s'élève cependant à près de 200000. Il est caractéristique de voir s'étendre, au cours de cette période, le régime des internats industriels de femmes dont nous avons signalé l'apparition dès la première moitié du 19e siècle. 79 Ils se développent dans l'industrie de la soie dont les effectifs ont augmenté. Vers 1860, on estime à 40000, pour la seule région du Midi, le nombre de jeunes filles passant ainsi leur vie dans l'usine. A Paris, une fabrique de soie à coudre, rue de la Glacière Saint-Marcel, occupe deux cent quarante internes ; 80 mais les internats industriels existent maintenant dans les branches autres que le textile. Une fabrique de pâtes alimentaires à Ivry occupe quarante internes à l'empaquetage, un atelier de brunisseuses rue 78. Nous n'avons pas l'intention de suivre ici l'histoire du travail à domicile que nous avons retracée par ailleurs et dont nous avons tenté de montrer l'importance dans l'histoire du travail féminin en général. (Voir M. Guilbert et V . Isambert-Jamati, Travail féminin et travail à domicile. Paris, Éditions du C.N.R.S. 1956). 79. Voir p. 37. 80. F. M . Monnier, maître des requêtes du Conseil d'État, De l'organisation du travail manuel des jeunes filles. Paris, A . Chaix 1869, p. 39. Comme celle de Jujurieux dont nous avons parlé plus haut, cette maison est dirigée par des religieuses. L'article 6 du règlement précise: «A 7 heures 1/2 elles se rendront à l'atelier, feront l'offrande du travail et prendront la résolution de bien employer leur temps».
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Chapon à Paris en emploie trente, la fabrique de chaussures clouées de SaintMichel dans l'Aisne est organisée en internat pour les femmes, la papeterie de Vidalon-les-Annonay dans l'Ardèche occupe cent cinquante pensionnaires, celle de Pont-de-Claix dans l'Isère, de même que la verrerie de Gasc, dans l'Orne, hébergent leurs ouvrières. A partir de 1866, les recensements quinquennaux se succèdent régulièrement. Mais jamais sans doute les chiffres n'ont été plus impuissants à retracer une évolution aussi complexe que celle du travail des femmes dans le dernier quart du 19e siècle et les années qui précèdent la guerre 1914-18. Dans cette période qui voit la naissance et le développement du syndicalisme ouvrier, les débuts de l'institution d'une législation ouvrière, de profondes transformations de l'esprit public, certains aspects du développement du travail féminin doivent être spécialement mis en lumière. Difficilement perceptibles sur le plan statistique, ils n'en auront pas moins des répercussions profondes qui pèseront longtemps sur la situation de l'ouvrière. La mise en concurrence de la main-d'oeuvre masculine et féminine D a n s son o u v r a g e sur les Forces productives et commerciales de la France, le b a r o n
Charles Dupin écrivait dès 1827: «Les applications de la mécanique auraient un autre avantage. J'ai déjà fait remarquer combien la femme est peu favorisée de la nature quant à la force physique. Elle ne peut suppléer à sa faiblesse que par cette habile économie des forces et par cet emploi judicieux qui constituent l'adresse et la dextérité», et il ajoutait plus loin: «Sans doute on ne peut pas, avec des lois, attribuer aux femmes telle ou telle branche des travaux industriels pour en priver le sexe masculin. Mais par des instructions sagement combinées, on peut répandre chez le sexe faible des connaissances et des talents qui créeront la concurrence la plus avantageuse entre le travail de l'homme et celui de la femme». 81 C'est essentiellement dans la deuxième moitié du 19 e siècle que les développements de l'industrialisation devaient favoriser cette mise en concurrence de la main-d'oeuvre masculine et féminine. Elle revêt, suivant les secteurs, une importance variable mais elle a, dans l'ensemble du monde ouvrier, des incidences psychologiques d'une importance considérable. En diminuant l'intensité de l'effort physique, en simplifiant le travail, les développements du machinisme dans la deuxième moitié du 19e siècle multiplient les possibilités de remplacement des hommes par des femmes. L'intérêt que présente cette opération pour les employeurs est évident si l'on songe aux écarts considérables qui existent entre les salaires masculins et féminins. Elle est devenue dès 1867, dans certaines professions, une réalité assez importante 81. Baron Ch. Dupin, Forces productives et commerciales de la France. Paris, Bachelier 1827, p. 94,97.
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pour que les rapports des délégations ouvrières à l'Exposition en fassent état à plusieurs reprises. C'est le cas des bourreliers 82 qui y voient la cause d'une baisse générale des salaires, des cloutiers, 83 des ouvriers des cuirs et peaux, 84 des ferblantiers-repousseurs qui écrivent : «Un des plus forts fabricants de ferblanterie de Paris, celui qui fait travailler le plus mécaniquement, occupe dans ses ateliers beaucoup de femmes auxquelles il fait faire des travaux qui ne devraient être que le propre des hommes». 86 Les imprimeurs sur étoffes, 88 les mécaniciens pour outils à découper, 87 les modeleurs mécaniciens signalent également cette recrudescence de l'emploi des femmes : «Le travail, remarquent les modeleurs mécaniciens, est rendu plus facile par la division de toutes les difficultés classées en détail et par spécialités». Les fonctionnaires de l'Office du travail, chargés en 1893 de l'enquête sur les salaires et la durée du travail dans l'industrie française, signalent comme un fait important cette tendance à remplacer des hommes par des femmes dans un certain nombre d'emplois : «Par suite du grand nombre d'entre elles qui recherchent un travail industriel, disent-ils, le salaire des femmes est encore souvent au-dessous de la valeur qui correspondrait à une rétribution normale du travail et dès lors on ne voit malheureusement pas pourquoi le remplacement des hommes par des femmes qui s'accentue grâce à la coopération des machines supprimant la nécessité de la force physique et l'application de l'intelligence à l'exercice du métier subirait un arrêt dans son développement. C'est une invasion dont la gravité frappe depuis longtemps les esprits et que le libre jeu des intérêts privés peut difficilement a r r ê t e r . . ,» 88 La même enquête nous fournit d'ailleurs, en ce qui concerne les salaires, des séries de chiffres particulièrement éloquentes puisqu'elles nous permettent d'établir des comparaisons entre salaires masculins et féminins pour des emplois identiques. Nous y relevons par exemple que, dans l'industrie de la chaussure, une entreprise du département de la Seine paie en moyenne 6 francs par jour un coupeur et 3 fr 25 une coupeuse. 89 Dans une fabrique de rivets les taraudeurs gagnent 4 francs et les taraudeuses 2 fr. 50. 90 Une entreprise de décolletage qui emploie cinquanteneuf hommes et onze femmes paie les hommes 10 fr. 50 et les femmes 4 fr. 10,91 une fabrique d'agrafes métalliques donne 5 fr. 70 aux découpeurs et 1 fr. 50 aux 82. Rapport des délégations ouvrières à l'Exposition de 1867. Paris, A . Morel 1869, t. 1, p. 6. 83. Idem, p. 7. 84. Idem, p. 14. 85. Idem, p. 21. 86. Idem, t. 11, p. 9. 87. Idem, p. 4. 88. Office du travail, Salaires et durée du travail dans l'industrie française. Paris, Imprimerie nationale 1893, t. 1, p. 517. 89. Idem, p. 124-125. 90. Idem, p. 192. 91. Idem, p. 210.
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découpeuses. 92 Dans une fabrique de boutons en métal la rétribution journalière moyenne des hommes s'élève à 6 fr. 85, celle des femmes à 2 francs. 93 La lecture de la presse syndicale et des débats des congrès syndicaux fournit également des exemples de la substitution de main-d'oeuvre féminine à la main-d'oeuvre masculine. La question est évoquée en 1892, dès le 2 e congrès de la Fédération des métaux par le délégué de Marseille : «La femme, dit-il, commence à envahir les ateliers. Si cette situation continue, le père de famille sera obligé de faire la cuisine tandis que la femme et les enfants iront travailler au dehors». 94 En 1898, le journal Le Réveil des mouleurs parle de l'introduction de femmes noyauteuses dans le travail de fonderie. 96 Dans le textile, au congrès de 1901, le rapport du comité fédéral signale que dans les fabriques de lacets de coton l'utilisation des moteurs pour la marche des métiers supprime un ouvrier sur deux: «Et encore, ajoute-t-on, est-il souvent remplacé par une femme gagnant 3 francs par jour». Et le fait est commenté de la manière suivante «Dès qu'une nouvelle invention voit le jour, qu'elle supprime une fatigue matérielle ou qu'elle n'exige plus le même degré de savoir professionnel de l'ouvrier, elle le supprime pour prendre un être plus faible ou ayant moins de connaissances et partant le payer moins cher». 9 8 Le congrès de Saint-Etienne, en 1903, constate que la mécanisation du tissage à Lyon a amené la proportion des femmes à 95 % de l'effectif. 97 Au 2ème congrès de la Fédération des cuirs et peaux, en 1900, on apprend qu'à Fougères, à la suite de l'introduction de machines, le nombre d'ouvriers de la chaussure qui était de 5500 en 1880 est tombé à 1 300 tandis que les salaires passaient de 5 fr. 50 à 2 fr. 50 par jour. Pendant le même temps, le nombre des femmes est passé de 650 à 6000. 9 8 Au 4 e congrès, en 1905, on parle de la situation dans une entreprise de Limoges où sur 350 ouvriers il y a 92. Idem, p. 258. 93. Idem, p. 268. Le même ouvrage donne aussi la moyenne des salaires par journée de travail dans les établissements observés du département de la Seine pour les différentes branches : Hommes 5,75 Produits alimentaires 4,85 Industries chimiques 5,40 Fabriques de papier, caoutchouc Livre 6,30 Tissus, étoffes 5,90 5,05 Travail des métaux (page 354, tableau iv, colonnes 12 et 13). 94. Fédération nationale 1892, p. 3. 95. Le Réveil des Mouleurs, 96. Fédération nationale septembre 1901. 97. Fédération nationale 1903, p. 91. 98. Fédération nationale
Femmes 2,90 2,70 2,90 3,40 3,15 2,70
des ouvriers métallurgistes de France. II' congrès, Paris, 23-27 novembre 1898, n° 101 et n° 103. ouvrière de l'industrie textile, Congrès de Paris et Lyon, 20-22 et 27-29 ouvrière de l'industrie textile. Ve congrès, Saint-Étienne, 15-17 août des cuirs et peaux, Il* congrès, Paris, 5-8 septembre 1900, p. 95.
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280 femmes. 8 ' Toutes les machines qui étaient menées autrefois par des hommes sont maintenant confiées à des femmes qui gagnent 3 francs là où les hommes gagnaient 6 francs. La possibilité de payer des salaires moindres n'est cependant pas la seule raison qui pousse certains employeurs à utiliser des femmes à la place des hommes. Il ne faut pas oublier en effet le développement des luttes ouvrières au cours de la deuxième moitié du 19e siècle, l'ampleur croissante des mouvements de grève, le renforcement de l'organisation syndicale, l'intensification de la lutte pour la défense des tarifs. L'embauchage des femmes fut souvent un moyen de tenir en échec les revendications des ouvriers. L'exemple de la typographie est à cet égard des plus significatif. Dès 1834, Ambroise-Firmin Didot avait organisé au Mesnil, dans l'Eure, un atelier de femmes pour la composition typographique dans lequel il faisait travailler les pensionnaires d'un asile de sourdes-muettes. Plus tard, en 1855, la maison de Soye, puis en 1872 la maison Paul Dupont, à Paris, utilisèrent des femmes mais sans que la mesure se généralisât. La typographie parisienne devait rester presque exclusivement masculine jusqu'en 1878 où, à l'occasion d'une grève et pour faire échec aux revendications des hommes, la plupart des employeurs embauchèrent des compositrices payées 0 fr. 40 le mille, tandis que les hommes revendiquaient 0 fr. 65 pour le même travail. 100 L'introduction des femmes dans la typographie, qui devait susciter pendant de longues années de si profonds remous dans les syndicats du livre, devenait désormais un moyen de pression dont les employeurs devaient user à maintes reprises dans les ateliers de composition. Ce n'est pas là d'ailleurs un fait isolé; on s'en rend compte en parcourant les volumes consacrés chaque année, à partir de 1890, aux statistiques des grèves par l'Office du travail. 101 On trouve, dans ces publications, outre l'indication pour chaque conflit du nombre de grévistes et de la durée de la grève, une courte note sur les causes et sur le mode de règlement intervenu. Le remplacement des grévistes par des femmes intervient assez fréquemment pour montrer avec évidence que les employeurs s'en servaient, lorsqu'ils en avaient la possibilité, comme d'un moyen de pression pour limiter les revendications des ouvriers. Quelle fut en définitive l'ampleur réelle de cette substitution d'une maind'oeuvre industrielle féminine à la main-d'oeuvre masculine dans la seconde moitié du 19e siècle en France? Dans la mesure où nous ne disposons, pour l'apprécier, que d'une série d'exemples particuliers, il est bien difficile de le dire. On vient de voir que des témoignages provenant de sources différentes concordent pour attester l'importance du phénomène dans des secteurs divers 99. Fédération nationale des cuirs et peaux, IVe congrès, Chaumont, 18-20 septembre 1905, Intervention de Rougerie, de Limoges. 100. Fénelon Gibon, Employées et ouvrières, Lyon, 1906, p. 206. 101. Office du travail, Statistique des grèves et des recours à la conciliation et à l'arbitrage. Paris, Imprimerie nationale. Publication annuelle à partir de 1890.
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de la production ; il est certain toutefois qu'il n'a pas revêtu la même ampleur qu'en Angleterre où Engels signale, dès 1844, l'existence de familles où la femme travaille à la fabrique tandis que l'homme, réduit au chômage, s'occupe à la maison aux travaux du ménage. 102 Mais s'il est difficile d'apprécier, à l'aide de données numériques, l'importance de cette mise en concurrence de la main-d'oeuvre masculine et féminine, on doit se garder d'en sous-estimer les incidences et particulièrement les répercussions sur l'attitude de la classe ouvrière et du mouvement ouvrier français devant le travail industriel des femmes. Aussi allons-nous tenter maintenant de dégager les traits essentiels de cette attitude lors des premiers développements des organisations ouvrières. Les réactions ouvrières : l'organisation syndicale et les femmes
Favorisé par le développement de la concentration industrielle et l'augmentation du nombre de salariés dans l'industrie, c'est essentiellement à partir de 1848 que commence à se développer le mouvement ouvrier français et que ses objectifs se précisent. La question du travail des femmes prend d'emblée une place importante parmi les préoccupations ouvrières. 103 Les craintes qu'il fait naître sont liées à celles que suscite le développement du machinisme. On se demande dans quelle mesure la machine, en simplifiant le travail, ne va pas le déprécier, dans quelle mesure elle ne va pas engendrer le chômage, et ces craintes deviennent plus vives à mesure que se multiplient les cas de substitution de main-d'oeuvre féminine à une main-d'oeuvre masculine. Le travail des femmes intensifie la menace du chômage et de la dépréciation des salaires. L'exemple de l'Angleterre hante visiblement les esprits. Les rapports de la délégation ouvrière à l'Exposition de 1867 que nous avons déjà cités ne se contentent pas de signaler l'extension de l'emploi féminin, ils ajoutent à cette constatation des commentaires, ils expriment des inquiétudes, ils formulent des revendications. «Nous ne devons pas dissimuler, disent les mécaniciens pour outils à découper, qu'il y ait là, pour beaucoup d'ouvriers, un sujet de grandes appréhensions et que les innovations de cette nature rencontrent chez quelquesuns une vive opposition.» Ils expriment la crainte «qu'il y eût là un moyen détourné d'arriver indirectement à réduire le salaire de l'homme au niveau de celui de la femme» et demandent que «quand il est possible, utile ou nécessaire 102. F. Engels, The condition of the working class in England in 1844. Trad. F. Kelley Wischnewetzky. London, 1892, p. 144. 103. Déjà, dans les sociétés de secours mutuel, première forme de l'organisation ouvrière, certaines dispositions tendaient à instituer une sorte de protection contre la concurrence féminine. O n en trouve de nombreux exemples dans les quatre volumes du recueil publié par l'Office du travail: Les associations professionnelles ouvrières. Paris, Imprimerie nationale, 4 vol. in 4° parus de 1899 à 1904.
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de faire exécuter par les femmes le travail effectué antérieurement par l'homme, ce soit sur la base du salaire de l'homme». 104 Pour les bourreliers, «quand les femmes font concurrence à leur mari, le salaire baisse pour les deux» et «le devoir des mères de famille est de veiller à leur ménage et d'élever leurs enfants», d'autant plus que les patrons abusent de la misère des ouvrières pour leur confier des travaux durs. Les cloutiers engagent les ouvriers à retirer leurs femmes et leurs enfants des ateliers où ils ne font que dépenser leurs forces à un travail déjà dur pour les hommes. 106 Les imprimeurs en étoffes, «au nom de la morale et du bien-être», voudraient voir, eux aussi, les femmes disparaître de leurs ateliers. 108 Les ferblantiers-repousseurs écrivent: «Pour nous le lot de la femme est la famille et la couture. Est-il possible que la brunisseuse, la polisseuse ou la ferblantière mettent au monde des enfants sains et robustes quand elles ont passé neuf mois de grossesse courbées douze heures par jour sur un établi, déployant toute leur force musculaire pour polir ou souder des objets en métal. A chacun son métier; à l'homme le bois et les métaux, à la femme la famille et les tissus».107 On voit apparaître dans ces textes plusieurs thèmes : on insiste sur la menace que la concurrence de la main-d'oeuvre féminine fait peser sur l'emploi et sur les salaires masculins, on met en cause l'exploitation que le patronat fait de la misère des femmes, on se réfère aux dangers que le travail de la mère fait courir aux enfants, on invoque aussi la morale, le rôle traditionnel de la femme. Les solutions proposées diffèrent également. Les uns demandent la suppression pure et simple du travail des femmes, les autres voudraient obtenir leur élimination des métiers traditionnellement masculins, d'autres enfin se bornent à réclamer l'égalisation des salaires.108 Mais à mesure que s'étend l'emploi des femmes, à mesure aussi que le mouvement ouvrier s'organise, la question du travail féminin suscite des réactions plus vives. La défense des tarifs est, pour l'organisation syndicale naissante, un objectif essentiel, et ceux qui acceptent de travailler à des tarifs inférieurs sont considérés comme des ennemis. La concurrence de la main-d'oeuvre féminine devient donc un problème très important. Quelle doit être la position de l'organisation syndicale vis-à-vis des femmes? La question, on l'a vu, est posée dans de nombreux congrès fédéraux et elle figure à plusieurs reprises dans l'ordre du jour des congrès confédéraux. Elle soulève des discussions parfois passionnées. Dans un petit nombre de professions seulement on adopte une attitude 104. Rapport des délégations ouvrières à l'Exposition de 1867, t. i, p. 4. 105. Idem, t. i, p. 6-7. 106. Idem, p. 9. 107. Idem, p. 21. 108. Il faut bien voir d'ailleurs - et on le dit ouvertement dans certains congrès - que cela revient au même puisque c'est essentiellement en raison des différences de salaires que les femmes sont appelées dans les ateliers.
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d'opposition pure et simple; c'est le cas de la Fédération du livre dont de nombreuses sections font obligation à leurs adhérents de se mettre en grève toutes les fois qu'une femme est introduite dans un atelier. D'autres fédérations, tout en affirmant leur hostilité au travail des femmes, se bornent à réclamer pour elles un salaire égal à celui des hommes et l'application stricte de la loi de 1892 puis de celle de 1900 réglementant le durée de leur travail. Ces différences d'attitude ne traduisent pas toujours seulement le caractère plus ou moins aigu suivant les branches de la concurrence économique qui oppose hommes et femmes; il est intéressant de remarquer qu'elles sont aussi le reflet de différences d'ordre idéologique. Le mouvement syndical, dès sa naissance, est en effet influencé par des idéologies diverses dont les positions à l'égard des femmes et du travail des femmes sont également diverses. Les influences proudhonniennes qui s'étaient déjà exprimées dans le rapport des délégués français au congrès de l'Association internationale des travailleurs en 1866 sont très vives dans la Fédération du livre où elles viennent renforcer l'opposition au travail des femmes née de la concurrence qu'elles opposent aux hommes dans les ateliers de typographie. Le rapporteur sur les questions du travail au congrès de 1883 s'écrie: «N'oublions pas les belles pages de Proudhon sur le rôle de la femme, de la mère, de la compagne dans le monde des travailleurs. Elles réduisent à néant les élucubrations des économistes de l'école pseudo-philanthropique». 1 0 9 Le 10 e congrès de la Fédération des chapeliers en 1898 émet le voeu «que dans /'Ouvrier chapelier110 l'on fasse un exposé précis du rôle de la femme dans l'existence humaine et que l'on répande cette doctrine autant que possible dans la classe ouvrière». Le ton est différent dans d'autres secteurs du mouvement ouvrier. Dans son 2 e congrès, la Fédération de l'alimentation adopte à l'unanimité la résolution suivante: «Considérant que la femme n'a été transformée en ouvrier de l'industrie que dans un but de profit, parce que moins payée que l'homme, elle aidait à l'abaissement des salaires. Considérant d'ailleurs que s'il est un mal aujourd'hui, en régime capitaliste, le travail industriel ouvert à la femme sera dans une société nouvelle, lorsque le temps du travail aura été considérablement réduit et les profits patronaux supprimés, un bien pour la femme en l'enlevant à la dépendance économique de l'homme et en lui permettant, puisqu'elle vivra par elle-même de vivre pour elle-même. Le Congrès décide que, dans l'état 109. Fédération des ouvriers typographes français et des industries similaires. IIe congrès, Paris 23-25août 1883. On sait que Proudhon était un adversaire du travail de la femme : «L'homme et la femme ne vont pas de compagnie, écrivait-il dans le Premier mémoire sur la propriété; la différence entre les sexes élève entre eux une séparation de même nature que celle que la différence des races met entre les animaux. Aussi, loin d'applaudir à ce qu'on appelle aujourd'hui l'émancipation de la femme inclinerais-je bien plutôt, s'il fallait en venir à cette extrémité, à mettre la femme en réclusion». 110. Le journal de la Fédération.
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actuel, à travail égal, la femme devra être rétribuée autant que l'homme, ne pourra être employée la nuit, ne sera admise à l'atelier qu'un mois après ses couches». 111 L'influence marxiste est ici évidente bien qu'il y ait, semble-t-il, dans ce texte, un contresens sur la pensée de Marx qui, dès le milieu du 19e siècle, voyait dans l'entrée des femmes dans l'industrie et malgré les misères qu'elle engendre, un fait positif, une première phase, mais une phase décisive de leur émancipation. L'erreur d'ailleurs est ici intéressante, elle montre à quel point il était difficile de concilier une pensée philosophique encore mal assimilée et la dure réalité qui opposait, dans certaines professions, les hommes et les femmes. Il faut ajouter que le travail féminin dans les ateliers était à l'époque une chose relativement nouvelle et que, même pour les hommes les plus avancés de leur temps, cette image de la femme avait encore un caractère insolite. L'admission des femmes dans l'organisation syndicale est liée, dans les différents secteurs du mouvement ouvrier, aux prises de position sur le travail féminin. Le fait est particulièrement net dans la Fédération du livre où la question est posée pour la première fois au congrès de 1885 qui repousse par 23 voix contre 3 l'entrée des femmes dans ses syndicats. 112 En 1903, par contre, la Fédération de l'alimentation engage ses organisations à admettre les femmes. Dans les cuirs et peaux où l'opposition a été d'abord très vive, la situation change après la participation des ouvrières à la grève de la chaussure, à Fougères, en 1906. Dans le textile, dans l'habillement, aucune opposition à l'entrée des femmes dans l'organisation n'est formulée dans les assises syndicales. En réalité cependant, aucun effort réel n'est tenté pour les attirer, et la lecture de la presse ouvrière de l'époque montre que, même lorsqu'on se déclare partisan de l'admission des femmes dans les syndicats, cette position reste de principe. Aussi le nombre de syndiquées reste-t-il peu élevé jusqu'en 1914. L'extraordinaire développement du syndicalisme, au cours de cette période, a peu touché la population ouvrière féminine. Les statistiques dressées par l'Office du travail 113 qui donnent à partir de 1 900 le nombre de femmes dans les syndicats, en dénombrent 30900 à cette date, dans les syndicats ouvriers contre 588800 hommes. En 1914, elles seront 89300 contre 1 026000 hommes. Si l'on compare ces chiffres à la proportion de femmes dans la population active, la faiblesse de l'organisation syndicale chez les femmes est évidente. Il faut remarquer d'ailleurs qu'appeler les femmes à entrer dans les syndicats 111. Fédération nationale de l'alimentation, IIe Congrès, Lyon, 1903. Ordre du jour présenté par la délégation de Lille. 112. Les résultats de ce vote au congrès sont également donnés dans le n° 97 du journal La Typographie française. 113. Office du travail. Annuaire des syndicats professionnels, Paris, Berger-Levrault, publication annuelle à partir de 1890. Les chiffres figurant dans ces statistiques dressées d'après les déclarations des syndicats sont évidemment contestables. Ils fournissent cependant des indications très valables pour la comparaison des effectifs syndicaux masculins et féminins.
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ne signifie pas toujours, à cette époque, les appeler à se syndiquer aux côtés des hommes. La situation à cet égard est très confuse et, suivant les branches, suivant les régions, suivant les localités, on trouve soit des syndicats mixtes, groupant hommes et femmes, soit des syndicats séparés. Cette situation subsistera jusqu'en 1914 et l'application des décisions du congrès d'Amiens préconisant, en 1906, la fusion des différentes organisations d'une même branche affiliées à une même Bourse du travail qui aurait dû amener la fusion des syndicats masculins et féminins soulève des difficultés. Celles-ci sont liées à des oppositions ou à des divergences qui se sont fait jour au cours des luttes, 114 mais on avance aussi parfois des raisons de convenances. Est-il normal se demandet-on d'amener des femmes à assister à des réunions où elles seront mêlées aux hommes? 115 La différence entre les travaux masculins et féminins est également invoquée. La Fédération de l'habillement se prononce, lors de son congrès de 1910, par 27 voix contre 5 pour des syndicats mixtes mais avec sections séparées. L'absence presque totale des femmes dans lies délibérations syndicales mérite également d'être signalée. On n'en trouve aucune jusqu'en 1914 dans les congrès de la Fédération des métaux, aucune dans les congrès des cuirs et peaux, sauf deux en 1905 qui n'interviennent pas alors que la question du travail des femmes est à l'ordre du jour des délibérations. Dans le textile qui occupe près de 50 % de femmes, on en trouve une seule au 2 e congrès de 1893, une au 6 e congrès en 1904, une au 10e congrès en 1908. Mais le cas de la Fédération des allumettes et celui de la Fédération des tabacs sont sans doute plus frappants encore. Dans ces deux branches qui occupent presque uniquement des ouvrières, on compte exceptionnellement une majorité de femmes parmi les syndiqués. Une seule femme cependant assiste en 1894 au congrès de la Fédération des allumettes. A la Fédération des tabacs où les femmes syndiquées sont huit fois plus nombreuses que les hommes, la direction pendant de longues années reste entièrement masculine. Certes, lorsque des femmes sont présentes dans des congrès syndicaux, on s'en félicite, elles sont appelées à la tribune. On songe cependant, en constatant les faits que nous venons de relater, au vieil esprit des corporations écartant les femmes des fonctions responsables de la profession, même là où elles étaient en majorité. 118 Les femmes ne sont cependant pas totalement absentes des actions revendicatives. Les statistiques des grèves dressées par l'Office du travail nous donnent le moyen de nous en rendre compte puisque parmi les effectifs de grévistes elles 114. Ces luttes ont été particulièrement vives dans la Fédération du livre où, lors des grèves de 1902 chez Berger-Levrault à Nancy, le syndicat féminin affilié à la Bourse du Travail de Paris accepta d'envoyer des ouvrières pour remplacer les hommes grévistes. 115. Cet argument est exposé et réfuté dans un article de La Voix du peuple de 1901, ce qui prouve qu'il avait cours dans les milieux ouvriers. (Voir dans La Voix du peuple n° 54 du 15 décembre 1901, l'article de Woillot de la Chambre syndicale du cartonnage). 116. Voir p. 23.
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distinguent les hommes, les femmes et les enfants. On constate, en examinant ces statistiques, que la proportion de femmes parmi les ouvriers ayant fait grève est très variable d'une année à l'autre. Pour l'année 1895, qui connaît des mouvements importants dans le textile, on compte 8130 femmes sur 45800 grévistes (17%); en 1903, 26450 femmes pour 123600 grévistes (21,4%), en 1906, 40200 femmes pour 438400 grévistes (9,1%). Certes, ces chiffres paraissent faibles si l'on songe que la population active dans l'industrie comprend alors 30 % de femmes. Dans certaines grèves cependant, comme celle des tailleurs et couturières de Paris en 1900, celle des chapeliers en 1901, celle de Darnétal en 1904, des pipiers de Saint-Claude en 1906, des ouvriers de la chaussure à Fougères en 1906, on remarque l'ardeur et la combativité des femmes. Parfois même elles soutiennent seules de longs conflits comme à Vizille en 1905 ou chez les fileuses du Gard en 1906. Cette participation des femmes aux luttes ouvrières ne manque pas d'être saluée par l'organisation syndicale comme un progrès. 117 Là où elle se produit on observe parfois des changements importants dans les rapports entre les femmes et le syndicat. 118 Leur présence dans les professions n'en est pas moins considérée comme un mal social, comme une menace parmanente pour la sécurité de l'emploi et pour le niveau des salaires. On se félicite de leur présence dans les grèves, mais on continue souvent d'affirmer que leur place est à la maison et non à l'atelier. Le travail industriel des femmes et l'opinion publique dans la seconde moitié du 19e siècle. La réglementation du travail féminin
En même temps qu'elle suscitait dans la classe ouvrière de vives préoccupations, la question du travail des femmes dans l'industrie était agitée dans les milieux bourgeois. L'exploitation de la main-d'oeuvre féminine n'avait pas - nous l'avons vu - suscité, dans la première moitié du 19e siècle, de protestations notables. 118 L'enquête de Villermé qui signalait pourtant les conditions du travail des ouvrières dans les filatures, avait surtout attiré l'attention du public sur le travail des enfants et avait abouti au vote de la loi de 1841 réglementant le travail des mineurs de huit à seize ans. Il n'en fut pas de même dans la seconde moitié du 19 e siècle. Sans doute la concentration industrielle et l'augmentation du nombre de femmes travaillant dans les ateliers rendaient-elles plus sensibles, plus visibles, leur misère et la dureté de leurs conditions de travail, mais une autre préoccupation semble guider ceux qui s'élèvent contre 117. On peut suivre ces commentaires à partir de 1900 dans La Voix du peuple, premier organe syndical hebdomadaire de la C.G.T. qui signale les conflits et leur déroulement. 118. Nous avons déjà signalé le changement d'attitude de la Fédération des cuirs et peaux à la suite de la grève de Fougères (Voir p. 52). 119. Voir p. 40.
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le sort qui leur est réservé: la crainte de la dissolution de la famille ouvrière. Cette préoccupation apparaît dans la célèbre apostrophe de Michelet qui sera par la suite si souvent citée lorsque, après avoir parlé de l'exploitation du travail des enfants, il s'écrie: «Combien plus coupables encore ceux qui prirent les femmes, ceux qui ouvrirent à la misère de la fille des villes, à l'aveuglement de la paysanne, la ressource funeste d ' u n travail exterminateur et la promiscuité des manufactures. Qui dit la femme dit l'enfant, en chacune d'elles qu'on détruit une famille est détruite, plusieurs enfants et l'espoir des générations à venir. Barbarie de notre Occident! La femme n'a plus été comptée pour l'amour, le bonheur de l'homme, encore moins comme maternité et puissance de race. Mais comme ouvrière ! L'ouvrière ! mot impie, sordide, qu'aucune langue n'eut jamais, qu'aucun temps n'aurait compris avant cet âge de fer et qui balancerait à lui seul tous nos prétendus progrès». 120 Tel est bien aussi le problème abordé par Jules Simon dans l'introduction de L'Ouvrière, lorsqu'après s'être demandé jusqu'à quel point le relâchement des liens de la famille peut être attribué à l'institution du Code civil, il ajoute: «A côté de ces causes de relâchement ou contestables ou chimériques, il en est une bien autrement certaine, bien autrement grave, qui devrait frapper tous les yeux et qui, si on n'y prend garde, menace de troubler et de pervertir profondément la société : c'est la dissolution en quelque sorte fatale des familles d'ouvriers opérée par les progrès croissants de la grande industrie. Chaque jour on voit tomber un petit métier et s'élever une fabrique; et chaque fabrique appelle à elle u n nombreux personnel féminin parce que, les femmes coûtant moins cher que les hommes, il est naturel qu'on les préfère partout où elles suffisent». 121 Ces préoccupations soulèvent d'autant plus d'échos que les ravages exercés dans la population ouvrière par les conditions du travail industriel commencent à être connus. Le taux de la mortalité infantile dans les départements manufacturiers, le chiffre élevé des malformations constatées lors des conseils de révision montrent la nécessité d'une politique d'économie de la main-d'oeuvre succédant au gaspillage effréné qui a marqué les premiers développements de la grande industrie. Mais il n'est pas sans intérêt de remarquer aussi que ces préoccupations se font jour précisément au moment où commencent à se développer les luttes ouvrières. Les grèves se multiplient, les organisations de résistance puis les syndicats deviennent de plus en plus nombreux et agissants, leur action s'étend à un nombre sans cesse croissant de travailleurs, les revendications se précisent, les actions se coordonnent. La dissolution de l'atelier familial apparaît comme l'une des causes essentielles de l'ébranlement de la société. Le travail extérieur de la femme, hors du foyer, qui rend impossible toute vie familiale, aggrave encore une situation dont on craint qu'elle abou120. J. Michelet, La Femme, Paris, Hachette, I e éd. 1860, p. 21. 121. Jules Simon, L'Ouvrière, Paris, Hachette, I e éd. 1891.
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tisse à ruiner l'ordre social. Est-ce à dire qu'il faut ramener la femme au foyer en renonçant à l'ouvrière? En réalité, on se rend compte que le mouvement qui pousse un nombre toujours plus grand de femmes à chercher du travail est irréversible, et l'idée d'une législation protectrice destinée à réprimer les abus les plus criants gagne du terrain. La loi de 1841 avait interdit l'emploi dans l'industrie des enfants des deux sexes au-dessous de huit ans. 122 La loi de 1874 recule à douze ans l'âge de l'admission des enfants dans les manufactures et limite à douze heures au plus la durée de leur journée de travail. Elle apporte en outre la première mesure de protection du travail des femmes adultes en interdisant aux filles et aux femmes majeures de prendre part aux travaux souterrains. 123 En 1882, un projet concernant l'interdiction du travail de nuit pour les femmes et la limitation de la durée du travail pour les femmes et les enfants est repoussé par le Sénat après avoir été adopté par la Chambre. En 1886, la Chambre est saisie d'un projet gouvernemental et de cinq propositions émanant d'initiatives parlementaires. Tous ces projets concernent le travail des femmes majeures en même temps que celui des enfants et reprennent l'idée de la limitation de la longueur de la journée de travail. Les débats vont se poursuivre pendant plus de cinq ans et avoir dans l'opinion des répercussions importantes. Ils opposent «libéraux» et «interventionnistes». Les libéraux admettent la réglementation du travail des enfants mais s'opposent à toute ingérence de l'Etat en ce qui concerne les femmes. O n trouve parmi eux le député d'Angoulême, Laroche-Joubert, grand fabricant de papier, qui plaide au nom de la liberté du travail et demande qu'on se fie à la bonne volonté des employeurs, 124 l'économiste Frédéric Passy qui se déclare adversaire du travail industriel des femmes mais également de toute réglementation autoritaire de l'Etat, 1 2 5 le publiciste Yves Guyot qui, au nom de la liberté de la femme, s'élève contre toute tentative de l'empêcher de disposer de ses forces et de son temps. 126 Parmi les interventionnistes, on trouve Albert de M u n dont les appels en faveur d'une législation modérée, dont il veut croire qu'elle pourra sauver la famille, sont restés célèbres. «Si vous voulez, dit-il, sérieusement comme je n'en doute pas, davantage préserver votre race, la 122. Dans les établissements occupant plus de vingt salariés seulement. 123. La loi du 9 septembre 1848 fixant à dix heures, pour les deux sexes dans certaines catégories d'établissements, la durée du travail était en fait tombée en désuétude après la chute du Gouvernement provisoire. 124. L'un des arguments employés par ce député à la tribune de la Chambre mérite d'être cité: «Aux époques de chômage, dit-il, la femme qui trouve à l'atelier un travail rémunérateur peut venir en aide au ménage. Autour de moi cette année un grand nombre de femmes ont littéralement nourri leur mari (très bien, très bien à droite). Voulez-vous donc empêcher la femme de remplir cette fonction si belle ! Voulez-vous l'empêcher de venir en aide à celui qui l'a choisie pour compagne!» {Débats parlementaires ; Chambre des députés, séance du 2 février 1891, p. 128). 125. Débats parlementaires. Chambre des députés, séance du 2 juin 1888, p. 429. 126. Débats parlementaires. Chambre des députés, séance du 2 juin 1888.
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garantir contre la décadence qui la menace, ce n'est pas à l'initiative privée, au progrès des moeurs, aux bonnes intentions, à l'humanité des individus qu'il faut faire appel, c'est à la loi, à une loi sage et mesurée qui ne tombe pas dans les excès mais qui cependant permette à la femme d'être vraiment ce qu'elle doit être c'est-à-dire une épouse et une mère de famille». 127 Interventionnistes également, les députés socialistes Camélinat, Antide Boyer, Basly voient dans l'établissement d'une législation protectrice un moyen de diminuer l'exploitation de la femme ; ils y voient aussi - et cela inquiète leurs adversaires - un premier pas vers la réglementation de la durée du travail pour l'ensemble des travailleurs. Après avoir discuté en première lecture, en 1888, puis en seconde lecture en 1889, la Chambre vote un projet interdisant le travail de nuit à toutes les femmes. La journée de travail est limitée à un maximum de onze heures pour les enfants au-dessous de dix-huit ans et les femmes de tous âges. Après deux votes négatifs au Sénat en 1889 et 1891 et de nouvelles discussions à la Chambre, un second projet est finalement adopté et la loi promulguée le 2 novembre 1892. La durée maximum de la journée de travail est fixée à dix heures pour les mineurs des deux sexes de moins de seize ans, à onze heures pour les femmes adultes mais sans limitation hebdomadaire. La loi contient en outre des prescriptions concernant le repos hebdomadaire, les fêtes légales, l'hygiène d u travail et la sécurité des ateliers pour les femmes et les enfants. Elle concerne les seuls établissements industriels à l'exception des ateliers familiaux et comporte d'importantes dérogations permanentes ou temporaires. La difficulté avec laquelle une législation aussi limitée a été instituée montre bien la puissance des intérêts en jeu. L'application de cette réglementation devait soulever de nombreuses difficultés dont on trouve des échos dans les rapports des inspecteurs du travail. 128 O n se plaint surtout des perturbations que risquent de causer, dans les ateliers, les décalages d'horaires entre les différentes catégories de travailleurs. 12 * En réalité la loi est très mal appliquée et de nombreuses fraudes sont signalées. Certains employeurs en profitent cependant pour diminuer les salaires ; d'autres licencient une partie des femmes et des enfants qu'ils emploient, d'autres encore confient certains travaux à des ateliers familiaux qui échappent à toute réglementation. Quelques années après, la loi de 1900 établit une limite commune de la durée journalière du travail pour les femmes et les enfants. Celle-ci est fixée à onze heures et doit être ramenée à dix heures et demie en 1902 et à dix heures en 1904. Comme la loi de 1892, la loi de 1900 comporte des déro127. Débats parlementaires. Chambre des députés, séance du 2 février 1891. 128. Ces rapports sont publiés dans le Bulletin de l'Office du travail à partir de 1904. 129. Le rapport du Comité de résistance pour la défense de la loi du 2 novembre 1892, composé des délégués des chambres syndicales et des prud'hommes ouvriers, signale en 1896 ces inconvénients dans le tissage de la soie et demande la journée de dix heures pour tous.
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gâtions et son application s'avérera difficile. On verra cependant, en examinant les statistiques de l'emploi dans l'industrie, que la réglementation du travail des femmes semble avoir contribué à freiner la montée des effectifs féminins dans certaines branches. Quelle que soit la portée réelle de cette législation, les débats qu'elle a suscités n'en ont pas moins attiré l'attention du public, et les dernières années du 19e siècle sont marquées par une recrudescence d'intérêt pour les problèmes du travail féminin. La discussion entre «libéraux» et «interventionnistes» se poursuit hors des assemblées et chacun précise ses positions.130 Le mouvement féministe français notamment, alors en plein développement jusque dans les milieux bourgeois, est en majorité opposé à toute réglementation du travail industriel des femmes. Les trois congrès féministes de 1900, congrès catholique, congrès du Centre féministe et congrès de la Gauche féministe se déclarent opposés à une réglementation particulière du travail féminin. 131 Mais l'inquiétude subsiste chez ceux qui voient dans le travail de la femme hors du foyer une cause du désordre social et l'idée d'une nouvelle solution se fait jour. Puisqu'il est impossible de se passer du travail des femmes, puisque le salaire du père est le plus souvent insuffisant, puisque la législation s'avère peu efficace, pourquoi ne pas revenir, se demande-t-on, au travail des femmes à domicile qui permet à la mère de rester au foyer tout en y apportant un salaire? Dans le travail industriel proprement dit la concentration est le fait dominant mais les progrès de la distribution de l'énergie ont fait naître des espoirs de retour à l'atelier familial. On rêve de «défaire par l'électricité ce que la vapeur a fait». 132 Quelques sociétés se créent pour entreprendre de répandre l'usage de l'énergie à domicile. 133 Elles n'auront qu'une vie éphémère. Mais il se trouve que le travail à domicile des femmes vient de connaître dans la confection une extension considérable. Il a certes provoqué une exploitation d'autant plus grande qu'il échappe à toute réglementation mais on en vient à penser que la lutte contre cette exploitation pourrait aboutir à créer des conditions assez favorables pour ramener la femme au foyer sans pour autant la soustraire au travail professionnel. La campagne menée dès la fin du 19e siècle par les catholiques 130. Le nombre important des thèses de droit consacrées dans les dernières années du 19 e siècle à cette question est un fait caractéristique. Citons entre autres: J. Vallier, Le Travail des femmes dans l'industrie française, Grenoble 1899; C. Cavie, La Législation du travail industriel des femmes et des enfants, Paris 1896; G. Guillaumin, La Protection des femmes dans l'industrie, Paris 1894; J . Mazel, L'Interdiction du travail de nuit des femmes dans la législation française, Paris 1899; A . Chazal, L'Interdiction du travail de nuit des femmes dans l'industrie française, Paris 1902. 131. Ce qu'ils rejettent d'ailleurs ce n'est pas la protection mais la protection comme mesure exceptionnelle en faveur des femmes. 132. G. Gonnard, La femme dans l'industrie. Paris, A . Colin 1906, ch. VIII: «Des chances d e l'amélioration d u sort de l'ouvrière par la distribution de la force à domicile au moyen de la houille blanche». 133. Voir M . Guilbert et V . Isambert-Jamati, op. cit., p. 15.
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sociaux contre les abus auxquels donne lieu le travail en chambre est explicitement liée à ce dessein. Elle aura pour conséquence d'attirer l'attention sur la misère des ouvrières à domicile et surtout sur celles de la couture, et de faire passer au second plan la question du travail industriel des femmes. Il faut bien voir d'ailleurs que le grand public et surtout le public bourgeois, dont l'attention est attirée par des enquêtes, des expositions, une littérature abondante, 134 ne peut manquer de s'intéresser au sort de l'ouvrière en chambre qu'il côtoie journellement plutôt qu'à celui de l'ouvrière d'usine. Il est vrai aussi que, dans les premières années du 20 e siècle, la montée des femmes dans les professions industrielles a cessé d'avoir le caractère massif, spectaculaire que nous lui avons connu précédemment et que, à la veille de la guerre 1914-18, d'autres aspects du travail féminin commencent à frapper les contemporains. Au cours des quarante années qui séparent le recensement de 1866 de celui de 1906, on assiste en effet, parallèlement à une augmentation globale des effectifs, à une modification profonde de la structure de la population féminine active. 136 Le nombre de femmes travaillant dans les professions non agricoles passe de 2 774800 en 1866 à 3657000 en 1896, malgré la perte de trois départements. Il est de 4369000 en 1906. Pour les professions industrielles, l'augmentation de 1000000 d'unités porte surtout sur le travail des étoffes tandis que le nombre des femmes travaillant dans l'industrie proprement dite s'accroît de 200000 unités. On observe parallèlement une diminution du nombre de femmes travaillant dans les services domestiques et une augmentation considérable des effectifs féminins dans les professions du commerce et des banques alors en voie de développement. Il s'ensuit que la répartition des femmes entre les différentes professions a subi des changements importants. Sur 1000 femmes actives en 1866, 370 travaillaient dans les services domestiques, 240 dans l'industrie, 210 dans le travail des étoffes et 82 seulement dans les professions commerciales. En 1906 on n' en trouve plus que 170 dans les services domestiques contre 130 dans le travail des étoffes et 170 dans les professions commerciales. La proportion des femmes occupées dans le secteur industriel proprement dit est en légère baisse. Cette stagnation apparente, si on ne considère que les chiffres globaux, recouvre en fait une grande diversité : en faible augmentation dans le textile, en régression dans les mines et la métallurgie, l'emploi féminin est en nette augmentation dans les industries chimiques et dans les industries des métaux. Publié en 1906, le petit livre de Caroline Milhaud, L'Ouvrière en France,13* souligne les conditions très dures du travail des femmes dans certaines industries et la faible efficacité de la législation. Il n'en reste pas 134. A u sujet de cette campagne et pour une bibliographie détaillée des nombreux ouvrages publiés à ce sujet, voir M . Guilbert et V . Isambert-Jamati, op. cit. 135. Voir Annexe i, tableau i, p. 231. 136. C. Milhaud, L'Ouvrière en France; sa condition présente, les réformes nécessaires. Paris, Alcan, 1906.
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moins que, en dehors des campagnes qui ont attiré l'attention sur d'autres catégories de travailleuses, la diminution de l'importance relative du travail industriel dans les activités féminines, consécutive à la montée des femmes dans d'autres branches professionnelles, a contribué à en détourner les préoccupations des contemporains. Mais la guerre de 1914-18 va de nouveau attirer l'attention sur le travail des femmes dans l'industrie. LA P R E M I È R E G U E R R E
MONDIALE
Les premiers mois de la guerre de 1914-18 furent marqués par une crise de chômage sans précédent. Par suite de la mobilisation d'une partie importante de la main-d'oeuvre masculine, beaucoup d'établissements se trouvèrent fermés et la proportion des femmes parmi le personnel ainsi privé de travail atteignit un chiffre élevé.137 A partir de 1915, la nécessité de rouvrir certaines usines et d'intensifier l'armement se faisant jour, on assiste à un renversement total de la situation : jusqu'à la fin des hostilités c'est désormais devant un problème de pénurie de main-d'oeuvre que vont se trouver les pouvoirs publics. L'un des moyens employés pour y faire face sera un appel à la main-d'oeuvre féminine dont les conséquences se feront sentir à certains égards bien au-delà des années de guerre. Pour apprécier les variations des effectifs féminins au cours de la première guerre mondiale, les chiffres d'ensemble font défaut puisqu'aucun recensement national n'a été effectué au cours de cette période. Les seules données numériques dont on dispose proviennent des enquêtes de l'Inspection du travail. Menées auprès d'un nombre limité d'établissements, celles-ci n'apportent des indications que sur une partie de l'activité industrielle. L'enquête de juillet ¡91Q138 a p 0 r t é sur 41475 entreprises qui occupaient, à la veille de la guerre, 454600 femmes. Après être tombé à 179000 en août 1914, l'effectif féminin, dans ces établissements, remonte à 352000 en juillet 1915 et atteint 489000 un an plus tard. Au milieu de 1917 il approche de 550000. Il est de 433500 en juillet 1918. L'évolution est très différente suivant les branches : dans sept industries sur quinze le nombre de femmes occupées dans les établissements recensés est supérieur au total en temps normal, l'augmentation étant particulièrement importante dans la métallurgie et dans la manutention et les transports. Il y a eu, par contre, diminution dans huit groupes parmi lesquels l'alimentation, le textile, le travail des étoffes. Les entreprises appartenant aux sept industries qui accusent une augmentation par rapport à l'avant guerre ont gagné près de 137. R . J. Desmaret, La politique de la main-d'oeuvre en France. Paris, P.U.F. 1946, p. 90. 138. Enquête sur l'activité des établissements industriels et commerciaux en juillet 1918. Bulletin du Ministère du Travail, n° 11-12, novembre-décembre 1918, p. 470.
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119000 ouvriers, les autres en ont perdu 40000. Le gain net ressort à 79000, soit une proportion de 17 %. 139 II n'est pas difficile de se rendre compte en examinant ces chiffres qu'on assiste en même temps qu'à une recrudescence du travail féminin, à une redistribution de la main-d'oeuvre féminine dans les professions ; beaucoup de femmes, occupées auparavant dans les industries dont l'activité a diminué, passent à d'autres travaux. La proportion des femmes est cependant partout en augmentation, même dans les branches où on note des diminutions d'effectifs. Le pourcentage de personnel féminin passe de 30 à 40 % dans les établissements relevant de l'industrie du livre, de 39 à 50 % dans le papier-carton, de 60 à 70 % dans l'industrie textile, de 33 à 42 % dans les cuirs et peaux. Dans les industries touchant à l'armement, les femmes en arrivent à représenter près du quart de l'effectif contre moins de 5 % avant guerre. Partout on fait appel à la main-d'oeuvre féminine. Les prescriptions légales concernant le travail des femmes sont levées. Un Comité du travail féminin est créé en avril 1916 par arrêté du sous-secrétaire d'Etat de l'artillerie et des munitions ; il a pour tâche de recruter les ouvrières, de les acheminer vers les usines d'armement, d'organiser leur hébergement. La conséquence essentielle dans le secteur industriel de cette «mobilisation féminine» est l'accès des femmes à des travaux qui jusque là ne leur avaient pas été confiés ou qui étaient surtout effectués par des hommes. Dans les fabriques de chaussures, elles remplacent les coupeurs; dans le textile, le tissage est fait presque exclusivement par des ouvrières. Mais ce sont surtout les industries travaillant pour l'armement qui appellent les femmes à occuper des emplois exigeant une formation qu'elles ne possèdent pas. Ce fait nouveau va avoir des répercussions importantes: l'objectif étant de diminuer au maximum le nombre des emplois civils masculins, des efforts systématiques vont être tentés pour rendre le plus grand nombre de ces travaux accessibles aux femmes. Il est toutefois très rare qu'on entreprenne de leur donner les connaissances qui leur manquent. Dans quelques cas seulement à Chatellerault, à Lyon, à Nantes, au Creusot, on pratique avec succès une sélection et une formation accélérée du personnel féminin en vue de son utilisation dans l'affûtage, la rectification des fraises, le traçage des gabarits, e t c . . . . 140 Mais la plupart du temps, pour éviter d'avoir à leur donner une formation même rapide, c'est par une réorganisation du travail qui permet de ne les charger que d'opérations élémentaires qu'on cherche à résoudre la question de l'emploi des femmes. Dans la fabrication des obus, par exemple, elles travaillent sur des tours dont le réglage est fait par des hommes occupés dans la même équipe, un homme surveillant et dirigeant le travail d'une dizaine de femmes. Contrairement à une opinion très répandue, 139. Voir Annexe i, tableau m, p. 233. 140. Mme E. Borel, La Mobilisation féminine en France, Documentation rassemblée par la société L'Effort féminin français. Paris, Imprimerie Union 1919, p. 490.
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l'appel massif à la main-d'oeuvre féminine n'a pas conduit, sauf de rares exceptions, à un relèvement de sa qualification. Le problème se pose en même temps de rendre accessible à la main-d'oeuvre féminine les travaux demandant une dépense physique importante, aussi voiton, au cours de la guerre, se développer l'effort des industriels pour trouver des dispositifs permettant d'employer des ouvrières à la fabrication des grosses pièces et sur tous les types de machines : installation d'appareils de levage, de dispositifs pour le chargement et le déchargement des matériaux, remplacement des tours à révolver ordinaires par des tours automatiques, usage de presses de moulage dans la fonderie, etc . . , 141 Le développement, dans toutes les industries qui touchent au domaine militaire, de la production en série et de la standardisation devait favoriser au maximum cette tendance à la simplification du travail, au perfectionnement de l'outillage. Peu touchée jusque là par le courant de rationalisation qui s'est déjà manifesté aux Etats-Unis, c'est au cours de la guerre 1914-18 que l'industrie française est amenée, pour s'adapter à une main-d'oeuvre nouvelle et à une production d'un genre nouveau, à envisager une transformation de ses méthodes de fabrication. 142 Après une baisse générale des salaires, intervenue pendant la période de chômage qui marqua le début des hostilités, la participation accrue des femmes aux activités professionnelles, la nécessité toujours plus pressante d'amener au travail le plus grand nombre possible d'entre elles devaient provoquer, au cours de la première guerre mondiale, un relèvement relatif des salaires des femmes dans quelques professions. Ce relèvement est sensible surtout dans le travail des métaux où elles sont très recherchées et où leurs salaires passent de l'indice 100 avant guerre à l'indice 252 en 1918 à Paris et 293 dans les autres régions, tandis que les indices correspondants pour les hommes sont à 220 pour Paris et 228 pour les autres régions. 143 La participation des femmes aux actions revendicatives, le rôle décisif qu'elles y jouent parfois ne sont certainement pas étrangers à ces résultats. Dès 1916, des grèves de femmes éclatent dans les usines de guerre, les ouvrières réclament des indemnités de vie chère et des augmentations de salaires.144 En décembre elles sont 1 100 sur les 2000 grévistes de PanhardLevassor. En 1916, les grandes grèves de femmes de mai-juin, commencées dans 141. Ces efforts d'organisation n'atteignent pas tous les branches, des femmes effectuer des tâches pénibles ; ils sont circulaires ministérielles dans les industries travaillant pour Travail, n° 11-12, novembre-décembre 1919, p. 478 et M . pendant la guerre, Paris, P.U.F. 1926, ch. n.
secteurs et on voit, dans certaines toutefois rendus obligatoires par des l'armée. Voir Bulletin du Ministère du Frois, La santé et le travail des femmes
142. Cette évolution de l'industrie en France au cours de la guerre 1914-18 est évoquée dans le livre d'A. Fontaine, L'Industrie française pendant la guerre. Paris, P . U . F . s.d., p. 171 et suivantes. 143. Idem, p. 128. 144. N o t a m m e n t aux usines Clément Bayard en juillet, à la compagnie des métaux de SaintDenis, à Wilcoq-Regnault en novembre.
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la couture parisienne, gagnent la province et se répercutent dans la plupart des industries. En juin, dans les usines de guerre, on compte 12371 hommes et 29965 femmes en grève pour la région parisienne, 5425 hommes et 11119 femmes en province. 146 Les statistiques des grèves publiées par l'Office du travail ne distinguent malheureusement plus, à partir de 1914, les femmes engagées parmi les grévistes dans chaque conflit. On peut se rendre compte cependant, en feuilletant ces publications, 146 de la fréquence des mouvements déclenchés à la suite des revendications concernant les salaires féminins ou les conditions de travail des femmes. 147 Quelle fut la portée immédiate des transformations survenues au cours de la guerre dans l'emploi des femmes et dans leur participation à la vie professionnelle? Sur le plan des effectifs, le recensement de 1921, effectué deux ans après la cessation des hostilités, apporte des éléments d'appréciation. Par rapport au recensement de 1906148, le nombre des femmes occupées dans les professions non agricoles a augmenté de 278500 unités. Si l'on tient compte de l'apport des trois départements recouvrés, il semble qu'à cette date une partie des femmes qui avaient exercé une activité professionnelle pendant la guerre, soient rentrées dans leur foyer. L'augmentation de la natalité consécutive à la fin des hostilités n'est certainement pas sans avoir influé sur cette résorption des effectifs féminins au travail. Après avoir mis l'accent sur la nécessité de la mobilisation féminine, après avoir exalté le rôle des femmes dans la production et malgré des perspectives de pénurie de main-d'oeuvre, les pouvoirs publics ont estimé d'ailleurs, dès la fin des hostilités, que la plupart des femmes devaient abandonner leur travail. Pour apprécier les répercussions des bouleversements survenus au cours de la guerre, il convient toutefois d'examiner aussi, à travers le recensement de 1921, la répartition des femmes entre les différentes professions. Dans les professions non industrielles, les conséquences de la guerre sont visibles dans le doublement des effectifs féminins pour les services publics et administratifs. Pour les professions industrielles considérées en bloc, le nombre de femmes au travail est sensiblement revenu au niveau de 1906. L'examen des chiffres, branche par branche, permet toutefois de constater que le travail des étoffes amorce un déclin et que le textile reste à peu près stationnaire. Les industries des métaux, par contre, ont triplé leurs effectifs féminins et le nombre des femmes dans les 145. R. Picard, Les Grèves et la guerre, Paris, Lang et Blanchong, p. 16 et suivantes. 146. Office du travail. Statistiques des grèves pour les années 1914, 1915, 1916, 1917, 1918. Paris, Imprimerie nationale, 1922. 147. Parmi les conditions qu'ils posent, les grévistes des fabriques de munitions en 1917 demandent «que dans un délai de trois semaines on applique aux ouvrières des obus l'alinéa 5 de la convention c'est-à-dire à travail égal salaire égal pour les ouvriers et les ouvrières exécutant le même travail». 148. La comparaison avec le recensement de 1911, pour lequel des critères et des classifications différents avaient été employés, est impossible.
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industries alimentaires, les industries chimiques, les transports, a considérablement augmenté. Ces mouvements ne sont pas en contradiction avec ceux que nous avions vu s'amorcer dans la période qui a précédé la guerre. Il est clair toutefois que celle-ci a eu pour résultat d'implanter plus solidement les femmes dans les branches où elles ont été appelées à remplacer les hommes en plus grand nombre pendant les hostilités. Quant aux salaires industriels féminins, ils avaient connu, nous l'avons vu, au cours de la guerre, une hausse relative mais la totalité des avantages acquis ne devait pas subsister après la cessation des hostilités. Dès que les raisons d'attirer en grand nombre les femmes dans les industries de guerre eurent disparu, les salaires féminins baissèrent de nouveau ; l'abattement par rapport aux salaires masculins qui était de 18 % en 1916 pour le manoeuvre des métaux de la région parisienne est à 31 % en 1921, il passe de 22 à 4 0 % à Toulouse, de 16 à 37% au Havre. 149 La situation de l'industrie est à cet égard particulière et il semble bien que, dans d'autres secteurs, les avantages acquis aient été plus durables. Si l'emploi intensif des femmes pendant la guerre n'a pas eu, dans les professions industrielles, de répercussions durables sur leur situation matérielle, il semble avoir amorcé, sur le plan psychologique, un certain nombre de changements. La montée des effectifs féminins dans les organisations syndicales ouvrières en est l'un des signes les plus importante. Les statistiques du Ministère du Travail n'ont pas été publiées au cours de la guerre mais, en 1920, elles signalent 239000 ouvrières syndiquées, soit 15 % du nombre total des syndiqués contre 8,7% en 1914. La proportion de femmes dans les syndicats est certes encore loin d'approcher celle des femmes dans la population active, mais les progrès accomplis sont considérables. Amenées à jouer un rôle souvent déterminant dans la production et dans les luttes ouvrières, les femmes ont en même temps acquis une assurance nouvelle et le changement de ton à leur égard dans les congrès syndicaux qui suivent immédiatement la guerre est très net : «Dans notre groupement, dit au 17e Congrès du textile, en 1922, le délégué de Lyon, chose qui ne s'est jamais vue, il y a quatre femmes qui prennent la parole dans toutes les réunions et font de beaux discours sur les questions économiques. Elles sont habituées à causer avec leur patron dans les conseils d'usine. Les femmes de mon syndicat viennent aux réunions, discutent de sang-froid et, quand il faut agir elles agissent». 150 La Fédération du livre elle-même, traditionnellement hostile aux femmes, doit modifier son attitude. 151 L'intervention de Keufer, secrétaire de la Fédération du livre et adversaire déclaré depuis de longues années du travail des femmes, est à cet égard caractéristique : «Il faut 149. Chiffres de la Statistique générale de la France. 150. Fédération du textile. XVIIe congrès, Mulhouse, 1922. Intervention de Auda, de Lyon. 151. Les syndicats d'Alsace-Lorraine demandent à garder leur autonomie sur cette question.
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reconnaître, dit-il, que les critiques adressées aux femmes n'ont plus aujourd'hui la même valeur. Ces dernières années, par suite des difficultés matérielles, un mouvement étendu, profond, s'est produit dans les industries où le nombre de femmes occupées est considérable. Des revendications ont été formulées et des grèves assez sérieuses ont eu lieu . . ., des syndicats féminins se sont constitués . . . à la suite des revendications contre la vie chère, les femmes se sont presque partout jointes aux ouvriers en grève . . . Ces faits démontrent qu'une modification appréciable se produit dans la mentalité féminine. Ils doivent nous permettre d'envisager son admission dans les organisations syndicales . . . Il faut donc prendre courageusement position, soit réaffirmer notre opposition demi-séculaire à l'emploi de la femme, au risque de nous aliéner l'opinion publique, soit combattre non la femme mais l'exploitation dont elle est l'objet». 152 La Fédération des métaux, dans son 5 e congrès, en 1921, vote une motion dans laquelle elle «envoie son salut syndicaliste à toutes les prolétariennes métallurgistes françaises» et les engage «à entrer dans la lutte contre le patronat». La Fédération de l'alimentation, en 1918, se préoccupe d'éviter la constitution de syndicats purement féminins et de grouper hommes et femmes dans les mêmes organisations. Il semble qu'un pas ait été fait vers une meilleure intégration des ouvrières dans le milieu professionnel; la portée réelle des changements intervenus ne pourra toutefois apparaître clairement que par la suite. Mais une autre conséquence essentielle de la guerre 1914-18 c'est sans doute d'avoir montré le parti qu'on pouvait tirer de l'utilisation de la main-d'oeuvre féminine dans les multiples tâches mises à sa portée par la simplification et la réorganisation du travail : «Les femmes, écrit quelques années après la cessation des hostilités l'un des membres de la Commission du travail féminin, ne sont pas constituées pour effectuer des travaux où la puissance musculaire joue un grand rôle, elles ne doivent pas se livrer à des occupations nécessitant un effort prolongé. Elles se distinguent, par contre, par leur courage, leur habileté dans les travaux qui réclament une grande sensibilité motrice, des mouvements rapides et précis. La femme est d'autre part économe, prévoyante par nature, et même âpre au gain ; un léger gain supplémentaire suffit parfois pour la faire travailler au-dessus de ses forces». 163 A la veille du grand courant de rationalisation qui va traverser l'industrie française, multiplier le nombre des tâches non qualifiées et faire passer au premier plan les préoccupations relatives au rendement, ces constatations laissent présager la part qui sera réservée à la maind'oeuvre féminine dans certains de ces travaux.
152. Fédération du livre, XI' congrès, 1919. 153. M. Frois, op. cit., p. 63.
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LES P R O B L È M E S POSÉS PAR L ' É V O L U T I O N D U T R A V A I L DES F E M M E S D E P U I S LA P R E M I È R E G U E R R E M O N D I A L E
Le nombre de femmes exerçant une profession non agricole n'a enregistré, au cours des années qui nous séparent du recensement de 1921, que de légères fluctuations qui paraissent surtout liées à la conjoncture économique: hausse importante en 1931 correspondant à un niveau général élevé d'activité, baisse en 1936 qui traduit les effets de la crise économique, relèvement au lendemain de la deuxième guerre mondiale, légère tendance à la baisse lors du recensement de 1954. Il subit en définitive une hausse relativement peu importante puisqu'il passe de 4436000 en 1921 à 4714000 en 1954.164 La population active totale non agricole ne subit pas non plus de modifications importantes si bien que la proportion des femmes dans cette population reste, elle aussi, relativement stable. La répartition de la main-d'oeuvre féminine entre les différents secteurs de l'emploi a subi, par contre, au cours de cette période, quelques changements. Sur 1000 femmes actives en 1921, 236 travaillaient dans les professions du commerce et des banques, elles étaient 251 en 1954. Dans le même temps, on enregistre une diminution très sensible dans le travail des étoffes et dans les services domestiques : sur 1000 femmes actives en 1921, 195 étaient occupées dans le travail des étoffes et 169 dans les services domestiques, elles ne sont plus en 1954 que 81 dans le travail des étoffes et 136 dans les professions domestiques. 166 Cette évolution s'insère dans le processus d'ensemble de modification de la structure de la population totale active qui s'est amorcé dès la fin du 19e siècle 158 : le glissement vers ce qu'on a appelé le secteur tertiaire n'a pas cessé d'être un phénomène qui touche à la fois la population masculine et féminine ; il continue toutefois à être plus sensible pour les femmes que pour les hommes et la proportion de femmes dans les professions du tertiaire ne cesse pas d'augmenter régulièrement. Il faut y voir d'abord une conséquence du développement de l'instruction des femmes: depuis le dernier quart du 19e siècle, le nombre de jeunes filles a progressé dans tous les ordres d'enseignement et la progression s'est accélérée après la guerre de 1914-18.167 II est probable aussi que le niveau plus bas des salaires féminins a favorisé leur entrée dans les 154. 5 2 2 1 0 0 0 en 1962 d'après les premiers résultats du sondage au 1 /20 e opéré sur le recensement (Bulletin hebdomadaire de statistiques, n° 781, 8 juin 1963). 155. D'après le sondage au 1 /20 e opéré sur le recensement, les chiffres correspondants sont tombés, en 1962, à 59 pour le travail des étoffes et 91 pour les professions domestiques. Il est difficile toutefois de comparer des fluctuations qui s'étalent sur une période de plus de 30 ans à celles intervenues d'un recensement à un autre, d'autant plus que les chiffres tirés du sondage au 1/20" sont susceptibles d'être rectifiés. 156. Voir p. 59. 157. M . Guilbert, «L'Évolution des effectifs du travail féminin en France, depuis 1866», Revue française du travail, septembre 1947, p. 772, tableau rétrospectif du nombre de jeunes filles dans les établissement d'enseignement public.
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professions du tertiaire où le nombre d'emplois ne cesse d'augmenter. Il n'en est que plus important de remarquer que cette modification de la composition de la population active féminine n'a pas affecté les professions industrielles proprement dites. On enregistre même une légère progression puisque sur 1000 femmes actives, 270 sont occupées dans l'industrie proprement dite en 1954, contre 230 en 1921, tandis que le pourcentage de femmes dans la population active des mêmes professions passe de 20,6 en 1921 à 21,6 en 1954. Certes, nous n'en sommes plus, depuis de nombreuses années, à la période de montée massive des effectifs féminins dans l'industrie mais on ne saurait parler non plus, comme le font certains auteurs, de déclin. Ces auteurs citent en général globalement les industries de transformation sans distinguer, comme nous l'avons fait, le travail des étoffes des travaux industriels proprement dits. Tout au plus peut-on parler de stagnation sans oublier cependant qu'une femme sur quatre dans la population active non agricole travaille actuellement dans l'industrie et que la question du travail industriel des femmes garde de ce fait une importance considérable. Cette stabilité des chiffres d'ensemble recouvre d'ailleurs en fait des profils d'évolution très divers suivant les branches : le pourcentage de femmes a fortement diminué dans les industries textiles où il est passé de 62 % en 1921 à 55 % en 1954 1 6 8 ; il a par contre augmenté dans les industries alimentaires, les cuirs et peaux et surtout dans les industries des métaux où il a doublé (16,2% en 1954 contre 8 , 3 % en 1921). 1 6 8 Ainsi se confirme la continuité d'une évolution de l'emploi des femmes dans les professions industrielles dont les premiers signes apparaissent dès le dernier quart du 19 e siècle et que la première guerre mondiale a contribué à accélérer. Si on considère les branches dans lesquelles elle se produit, cette évolution revêt un double aspect: stagnation ou léger fléchissement dans les branches traditionnelles, en voie de régression, mais montée des femmes dans les branches en voie de développement. Ce dernier fait est particulièrement net pour les industries des métaux où on compte 39000 femmes en 1906, 115000 en 1921, 279000 en 1954. 160 Mais la constatation d'une évolution inégale de l'emploi féminin dans les différentes branches de l'industrie nous amène à une seconde série de remarques. Les branches neuves, celles qui ont connu une expansion importante dans les quarante dernières années ne sont-elles pas précisément celles qui, grâce au développement de la production en série, ont été les plus touchées par le développement du courant de rationalisation, de transformation de l'outillage, de simplification du travail qui se développe au lendemain de la guerre 158. 5 4 % en 1962 d'après le sondage au 1 /20 e sur le recensement. 159. 18,9% en 1962 d'après le sondage au 1/20* sur le recensement. 160. 398000 en 1962 d'après le sondage au 1 /20 e sur le recensement.
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1914-18. Nous avons signalé les réflexions suscitées par l'emploi des femmes au cours de la première guerre mondiale, dans des travaux simples, exigeant un effort physique peu important; 1 6 1 elles prennent ici toute leur importance. La montée de la main-d'oeuvre féminine après la guerre, dans les branches où se multiplient les tâches simples et parcellaires ne doit-elle pas précisément être rapprochée de la constatation d'une réussite particulière des femmes dans certains travaux? Ne voit-on pas se préciser, tandis que se transforme le travail industriel, la notion de tâches féminines dans l'industrie, d'emplois plus spécifiquement féminins? Nous nous bornerons à souligner, pour le moment, que les chiffres qui pourraient nous apporter des indications sur l'évolution survenue dans ce domaine font totalement défaut. Aucun dénombrement ne nous renseigne sur l'évolution de l'emploi des femmes sur tel poste de travail ou sur tel autre. Quant aux statistiques concernant les structures de qualification, elles sont beaucoup trop récentes pour permettre d'établir des comparaisons. 192 Si nous possédons peu de renseignements sur les changements intervenus dans les travaux dévolus aux femmes dans les différentes branches de l'industrie, au cours des quarante dernières années, nous disposons par contre de quelques données sur l'évolution de leurs salaires. Après avoir connu, au cours de la première guerre mondiale, une augmentation qui, bien qu'éphémère, aboutit cependant à réduire l'écart entre salaires masculins et féminins, la rémunération du travail industriel des femmes connaît, à partir de 1921, des fluctuations qui sont d'abord liées à la conjoncture économique. Jusqu'en 1931, parallèlement à un mouvement général et régulier d'augmentation des rémunérations, on assiste à un relèvement des salaires féminins qui s'alourdissent ensuite, dès que se manifestent les premiers signes de la crise économique. En 1936, la signature des conventions collectives qui comportent un relèvement des salaires les plus bas est favorable aux femmes mais l'écart entre leurs rémunérations et les salaires masculins correspondants reste encore important. 163 Après la Libération, le décret du 30 juillet 1946 consacre le principe de l'égalité des salaires masculins et féminins pour un même travail, mais il est en réalité fort mal respecté et la situation de l'industrie est à cet égard particulière. Alors que, chez les fonctionnaires, les salaires des hommes et des femmes sont depuis longtemps à égalité, alors que, dans les professions commerciales l'écart tend à se 161. Voir p. 65. 162. On sait que les définitions actuellement utilisées pour distinguer les différents niveaux de qualification sont relativement récentes. Le terme d'O.S. en particulier a été introduit lors de l'élaboration des accords Matignon. Ajoutons que l'enquête systématique du Ministère du Travail sur les conditions d'emploi de la main-d'oeuvre n'a débuté qu'en 1946. 163. On trouvera ci-dessous, à titre d'exemple, l'évolutions des écarts moyens, en pourcentage des salaires horaires masculins, pour les manoeuvres des métaux de la région parisienne entre 1920 et 1937.
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réduire, on enregistre, dans les professions industrielles, une tendance à l'alourdissement des salaires féminins pour des emplois de même qualification. 184 On peut se demander si un clivage particulièrement marqué entre tâches masculines et féminines ne favorise pas une différenciation plus nette des salaires. Bornons-nous pour l'instant à remarquer que la question des salaires féminins ramène au problème évoqué plus haut, de l'existence d'emplois plus spécifiquement féminins. Si, continuant à faire le tour des données disponibles sur l'évolution du travail industriel des femmes, au cours de la période qui nous sépare de la première guerre mondiale, nous en arrivons à la question des rapports entre les femmes travailleuses et le reste de la classe ouvrière, c'est pour constater la lenteur de l'évolution puis son accélération au cours des dernières années. Des changements décisifs avaient paru se dessiner au lendemain de la guerre avec une participation accrue des femmes à l'organisation syndicale et un changement de ton à leur égard dans les assemblées syndicales. 185 Jusqu'à 1936 cependant, aucune femme ne participe aux congrès de la Fédération des métaux. Il en est de même pour la Fédération des cuirs et peaux. Dans l'alimentation on trouve une seule déléguée au congrès de 1933. Les femmes sont aussi en très petit nombre dans les congrès de la C.G.T.U. C'est cependant dans la Année
Écart moyen, en % des salaires masculins
Année
Écart salaire
1920 1923 1924 1925 1926 1927 1928 1929
31,1 33 37 31 29 28 26 22
1930 1931 1932 1933 1934 1935 1936 1937
19 18 20 21 20,9 22 23 14
164. D'après les résultats de l'enquête sur l'activité économique et les conditions de l'emploi de la main-d'oeuvre, menée trimestriellement par le ministère du Travail, l'écart moyen entre salaires masculins et féminins dans l'industrie, à qualification égale, a évolué comme suit depuis 1946: Date 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier
1946 1947 1948 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955
165. Voir p. 64 et 65.
Écart moyen
Date
15 8,8 6,3 7,2 7,8 7,2 7,3 8 8,4 6,2
1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier 1er janvier
Écart moyen 1956 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964
6,8 7,8 8,6 8,9 8,9 9,5 9,2 9,6 9,4
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C.G.T.U., en 1925, qu'une femme accède, pour la première fois, au poste de secrétaire fédérale. Après 1936, on note de nouveau un afflux des femmes dans les syndicats. Leur participation aux grèves a été importante, parfois même décisive, et les accords Matignon leur ont été particulièrement favorables. On constate, dans les organisations, un renouveau d'intérêt pour les problèmes féminins et le nombre de femmes responsables de syndicats de base augmente. En 1937 le congrès de la Fédération des cuirs et peaux «constate que la maind'oeuvre féminine a été jusque là sous-estimée dans le mouvement syndical», celui des métaux envisage «d'entraîner les femmes jusqu'aux postes de direction et dans les conseils syndicaux», tandis qu'au congrès du textile le délégué d'Elboeuf déclare: «Il y a une chose qui peut paraître extraordinaire. A Vire c'est une femme qui a pris la tête de l'organisation parce qu'aucun homme n'avait le courage de se proposer». A la veille de la guerre de 1939 cependant, on trouve dans deux fédérations ouvrières seulement, celle de l'habillement et celle de l'alimentation, une femme dans les organismes de direction fédérale. Ces faits sont d'autant plus importants à signaler qu'on a vu, depuis la première guerre mondiale, s'opérer des changements dans la conception de la politique syndicale vis-à-vis des catégories les plus défavorisées et se développer l'orientation vers un syndicalisme de masse. La troisième date, la plus importante au cours de la période qui nous occupe, est celle de 1946. On peut dire que la caractéristique essentielle de toutes les assises syndicales qui ont suivi la Libération a été l'importance de la participation des femmes tant au point de vue numérique que du point de vue de la participation à la discussion. On compte, en 1946, 68 femmes déléguées au congrès de la Fédération des métaux C.G.T. et 68 au congrès de la Fédération du textile. Dans toutes les fédérations ouvrières sans exception, une ou plusieurs femmes accèdent aux postes de direction et, pour la première fois, la C.G.T. élit une femme à un poste de secrétaire confédéral. Il ne faut pas oublier toutefois que cette promotion des femmes sur le plan syndical se produit au même moment que leur promotion sur le plan politique puisque c'est en 1946 qu'elles obtiennent, pour la première fois en France, le droit de vote et l'éligibilité. Nous sommes en présence d'innovations qui dénotent certes un changement dans l'esprit public vis-à-vis des femmes, mais qui ont été aussi favorisées par l'atmosphère politique de la période qui a suivi la Libération. En fait, des problèmes importants subsistaient et ils subsistent encore dans la période actuelle. L'existence de ces problèmes se manifeste d'abord dans les chiffres mêmes: qu'il s'agisse de l'affiliation, de l'accession aux responsabilités syndicales aux différents niveaux ou de la représentation aux assises syndicales, la participation des femmes n'est pas proportionnelle à leur importance numérique dans la population active. Mais, en dehors des chiffres qui donnent
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souvent une idée trop schématique de la réalité, les observations que l'on peut faire dans les entreprises ou dans les milieux syndicaux soulignent mieux encore la diversité et la multiplicité des difficultés qui s'opposent à une meilleure intégration des femmes dans le milieu de travail. Lors des premiers développements du syndicalisme, les conditions dans lesquelles elles étaient appelées a u travail industriel, la concurrence suscitée entre main-d'oeuvre masculine et féminine avaient contribué à isoler les femmes du reste de la classe ouvrière. N ' y a-t-il pas encore, dans la situation actuelle de l'ouvrière, des facteurs d'isolement? Nous avons cru déceler, depuis la fin de la première guerre mondiale, dans le cadre d'un processus d'évolution des modes de production, des formes nouvelles de clivage entre tâches masculines et féminines. Ces différences, si elles existent, ne sont-elles pas susceptibles de contribuer, pour une part importante, aux difficultés dont nous parlions plus haut? O n est donc ramené de nouveau à la question du clivage entre travaux masculins et féminins. A u terme de cette rapide évocation de l'histoire du travail des femmes dans l'industrie, elle semble bien être, comme nous le disions a u début de cet ouvrage, au centre des problèmes posés par la présence de l'ouvrière dans les professions industrielles. Abandonnant, pour la retrouver dans nos conclusions, la perspective historique, c'est à l'étude de l'état actuel de ce clivage que seront consacrés les chapitres qui suivent. Les raisons pour lesquelles les industries des métaux ont été choisies pour y mener une étude approfondie ont déjà été exposées. L a première question à laquelle nous tenterons de répondre peut être formulée de la manière suivante : Y a-t-il, dans la période actuelle, des caractéristiques communes qui différencient les tâches industrielles féminines des tâches masculines, comment d'une manière générale peut-on distinguer les fonctions généralement confiées aux femmes des fonctions confiées aux hommes, comment justifie-t-on ces différences?
Deuxième Partie
I. La place actuelle des femmes dans les industries des métaux
Dans les cent vingt-neuf entreprises sur lesquelles a porté l'enquête dont nous allons maintenant exposer et analyser les résultats, on a dénombré un total de 14601 femmes et 15871 hommes travaillant en atelier. Ces chiffres ne comprennent pas la maîtrise. On s'étonnera sans doute de constater que le nombre d'hommes n'est pas, dans l'échantillon, très supérieur au nombre de femmes. Cette distribution est le résultat - imprévisible - du tirage des entreprises dans le fichier de départ: parmi les établissements occupant plus de cinq cents salariés, le hasard en a fait figurer dans l'échantillon plusieurs occupant un nombre important de femmes, tandis que quelques grosses entreprises occupant un grand nombre d'hommes mais un faible pourcentage de femmes se trouvaient absentes du tirage. Cette disproportion relative entre la population masculine et la population féminine perd d'ailleurs toute importance si on réalise qu'en cherchant à disposer d'une population féminine représentative de l'emploi des femmes dans les industries des métaux de la région parisienne, nous ne pouvions disposer en même temps d'un échantillon représentatif de l'emploi masculin. Pour constituer un tel échantillon, il eût été nécessaire de reprendre, pour les hommes, les trois critères choisis pour les femmes (répartition suivant la branche, suivant l'importance de l'entreprise, suivant le pourcentage parmi le personnel ouvrier) et d'effectuer un second tirage dans le fichier. 1 Ceci supposait que l'on décide de réaliser, dans deux séries d'entreprises, deux enquêtes, l'une concernant l'emploi féminin, l'autre concernant l'emploi masculin. Cette solution qui aurait abouti à mener dans des entreprises différentes, ayant des fabrications différentes et auprès d'employeurs différents une étude comparative ne pouvait répondre au but poursuivi puisqu'elle laissait échapper les moyens de comparaison les plus intéressants. Ayant constitué un échantillon représentatif de l'emploi féminin, nous avons donc préféré rechercher, dans les mêmes entreprises et auprès des mêmes employeurs, les modalités de la répartition des postes de travail entre hommes et femmes. Il suffisait que nous précisions clairement, au départ, que ce choix nous réservait la possibilité de tirer des conclusions d'ensemble concernant l'emploi féminin, que la comparaison avec l'emploi masculin était valable dans le cadre de l'échantillon, mais que nous ne prétendions pas en tirer des conclusions d'ensemble concernant l'emploi masculin. 1. Voir p. 14 et suivantes l'exposé relatif à la constitution de l'échantillon et a u choix de critères de représentativité de celui-ci.
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Les industries des métaux
On trouvera en annexe 2 le texte du document utilisé pour noter les résultats des entretiens avec la direction. On constatera que certaines questions se recoupent : les réponses à la question n, à la question m et à la question vin, par exemple, pouvaient être confrontées afin de vérifier l'exactitude des données concernant l'importance des effectifs ouvriers et leur répartition suivant le sexe et la qualification. L'ordre dans lequel ces questions devaient être posées avait été étudié dans le but de donner à l'enquêteur une connaissance suffisante de la structure de l'entreprises avant d'en arriver à la partie centrale de l'entretien: ayant sous les yeux les réponses à la question m, généralement obtenues sans grandes difficultés, il se trouvait dans des conditions plus favorables pour aborder le point vin qui posait d'une manière très précise la question de la répartition des hommes et des femmes sur les postes de travail, des caractéristiques de leurs tâches, des raisons de cette répartition. Il se trouvait aussi à même de vérifier les éléments ainsi recueillis lors de la visite des ateliers généralement groupés par secteurs de fabrication. Signalons encore que lorsqu'on nous exposait les raisons de l'emploi d'une main-d'oeuvre masculine ou d'une main-d'oeuvre féminine, nous nous attachions à noter, non seulement dans leur contenu, mais aussi dans leur forme, les réponses obtenues. Les autres questions, on s'en rendra compte aisément, visaient surtout à connaître la politique de l'entreprise concernant la main-d'oeuvre féminine et à rechercher chaque fois les différences avec la main-d'oeuvre masculine. Les questions touchant aux modes d'embauche et aux critères de sélection s'étant révélées particulièrement propres à mettre en lumière cette politique, une place importante leur avait été réservée. LA R É P A R T I T I O N DES POSTES DE TRAVAIL ENTRE H O M M E S ET FEMMES
Le dépouillement des données recueillies au cours de l'enquête a d'abord permis de dresser un tableau de la répartition de la main-d'oeuvre féminine d'une part, de la main-d'oeuvre masculine d'autre part, entre les différents postes de travail (tableau i). Ce tableau dans lequel nous distinguons trois groupes (groupe A, groupe B, groupe C) appelle quelques explications : 1. On a réuni dans le groupe A les cinq catégories de postes sur lesquels on n'a jamais trouvé de femmes. 2. Dans le groupe B, on a classé par ordre d'importance décroissante du nombre de femmes, les postes de travail sur lesquels on a trouvé à la fois des hommes et des femmes. 3 Ces postes sont au nombre de vingt-deux. La gamme 2. Page 240 et suivantes. 3. C'est-à-dire les postes masculins et féminins de même dénomination, qu'ils soient identiques ou partiellement identiques.
Répartition des postes de travail
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TABLEAU I Répartition
entre les différents postes de travail de la main-d'oeuvre main-d'oeuvre féminine travaillant
en atelier dans les 129
Nom du poste
Nombre de femmes
masculine et de la entreprises
Nombre d'hommes
Groupe A : Postes uniquement masculins
1627 1211 939 752 252 905
Outilleurs Manutentions Régleurs Entretien Traitement thermique Postes divers Groupe B : Postes mixtes
Montage Contrôle Usinage Presses Soudure Magasinage et emballage Rivetage et sertissage Peinture, vernissage, émaillage Aide Noyautage Polissage Moulage de matières plastiques Décapage, dégraissage Gravure, marquage Cisaillage Moulage, ébavurage Estampage, matriçage Revêtement Réparation Pontonniers Moulage de fonderie Divers
5214 2174 1857 1 141 656 625 422 235 200 180 97 47 42 27 25 21 18 14 13 13 10 56
1825 1096 3973 486 225 614 42 184 94 80 192 258 65 37 75 226 125 223 55 6 148 156
Groupe C: Postes uniquement féminins
Bobinage Attacheuses Travail au balancier Divers Total
1104 206 191 13 14601
15871
Les industries des métaux
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des emplois de même dénomination communs à la main-d'oeuvre masculine et féminine dans les industries des métaux, qu'ils soient identiques ou partiellement identiques, est donc relativement étendue. La répartition des femmes entre ces vingt-deux postes de travail est toutefois très différente de celle des hommes. Quatre d'entre eux, le montage, le contrôle, les travaux d'usinage, le travail sur presses occupent à eux seuls plus de 70% des femmes de l'échantillon, tandis que la répartition des hommes est beaucoup plus dispersée. 3. Dans le groupe C on trouve les postes de travail sur lesquels on n'a jamais constaté la présence d'une main-d'oeuvre masculine. En mettant en lumière la répartition des femmes sur les postes de travail et les différences avec la répartition de la main-d'oeuvre masculine, dans les mêmes entreprises, le tableau I permet déjà d'aller au-delà des données statistiques exposées dans le chapitre I. Il fait apparaître l'existence d'une notion d'emploi féminin liée à la nature de la tâche. L'enquête cependant nous donnait la possibilité d'aller beaucoup plus loin puisque les investigations portaient sur les caractéristiques des tâches accomplies par les femmes, sur les traits par lesquels elles se différenciaient de celles accomplies par les hommes et sur les raisons données par les employeurs pour justifier l'attribution d'une tâche soit à un homme soit à une femme. Ces éléments nous étaient fournis essentiellement par les réponses des employeurs. Il nous fallait toutefois regrouper, pour chaque catégorie de postes, les données recueillies dans les cent vingt-neuf entreprises. C'est sur la base de ces regroupements que nous allons exposer ce qui va suivre. 1. Les postes uniquement masculins (groupe A)
Les trois groupes (A, B, et C) distingués dans le tableau I offrent, dans le cadre de l'enquête, un intérêt inégal. Pour le groupe A en effet, celui des postes sur lesquels nous n'avons jamais trouvé de femmes, nous avons dû nous borner, pour rechercher auprès des employeurs l'explication d'un tel état de choses, à solliciter leur avis sur un emploi éventuel de la main-d'oeuvre féminine. Cette mise en situation s'est avérée souvent assez artificielle. Trois postes du groupe A se distinguent par un très haut niveau de qualification : les outilleurs, les ouvriers d'entretien, les régleurs. 4 4.
Répartition en pourcentage suivant le niveau de qualification de la main-d'oeuvre occupée sur des postes uniquement masculins (groupe A)
Outilleurs Entretien Régleurs Traitement thermique Manoeuvres Postes divers
O.M.
O.S.l
—
—
—
—
—
—
—
91,8 —
9,8 8 8
O.S.2
P.l
P.2
P.3
J.o.
Total
2,8 21,2 4,5 74,8 0,2 33,2
31 37,5 13,9 12,8
33,3 34,8 67,4 1,9
31,3 6,5 13,6 0,7
1,6
—
—
—
—
—
39
12
100 100 100 100 100 100
7,8
—
0,6
Répartition des postes de travail
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Les outilleurs sont les ouvriers capables de confectionner, d'après un dessin, et de mettre au point l'outillage nécessaire aux fabrications d'une entreprise. Près de 65 % d'entre eux atteignent ou dépassent la qualification de P.2. 6 Tous ont suivi un apprentissage en école et sont titulaires d'un G.A.P. La formation des femmes pour de tels postes est pratiquement inexistante. On comptait en France il y a quelques années un seul centre d'apprentissage formant des jeunes filles pour les métiers d'atelier de la mécanique. Il comportait une section d'ajustage; celle-ci, supprimée depuis, existait encore au début de l'enquête; il en sortait environ chaque année vingt jeunes filles munies de leur C.A.P. En raison même de la faiblesse de ces chiffres, les entreprises sont rarement sollicitées d'embaucher des femmes sur ce genre de poste. Nous avons donc trouvé dans notre échantillon un seul employeur qui, recherchant des jeunes pour son atelier d'outillage, s'était vu proposer une jeune fille munie d'un C.A.P. d'ajusteur. Il l'avait embauchée, mais à l'atelier de montage et sur un poste d'O.S.2. Les raisons d'une telle attitude sont complexes. Il y entre des éléments de tradition («on n'a jamais vu de femmes dans un atelier d'outillage»), mais on y distingue surtout un manque de confiance dans la capacité des femmes pour développer leur qualification dans un métier de la mécanique, même lorsqu'elles ont acquis les connaissances de base nécessaires. Il faut tenir compte aussi, nous a-t-on dit, du désir qu'on a, dans les entreprises, de stabiliser le personnel qualifié et surtout celui des ateliers d'outillage, difficile à recruter et à former; on craint que les jeunes filles embauchées à la fin de leur apprentissage ne quittent rapidement leur travail. Quelles que soient les raisons qu'ils avancent, les employeurs ne sont pas favorables à la formation professionnelle des femmes dans les métiers de la mécanique. Nous aurons à revenir sur ce point. Parmi les ouvriers d'entretien chargés des réparations courantes sur les installations de l'entreprise, comme parmi les régleurs capables de monter et de régler l'outillage sur les machines en vue de diverses fabrications, on rencontre aussi un niveau élevé de qualification. La proportion d'O.S.2 et de P.l, souvent formés dans l'entreprise pour des tâches bien définies, y est toutefois beaucoup plus importante que parmi les outilleurs. 6 Le manque de connaissances acquises par une formation professionnelle de base n'est donc pas toujours ici l'élément principal susceptible d'expliquer l'absence des femmes sur ces postes. D'autres raisons entrent en ligne de compte. Nous avons éprouvé quelques difficultés à les dégager car il était difficile d'amener les employeurs à préciser leur pensée sur une éventualité qu'ils n'avaient en fait jamais envisagée. La plupart de ceux à qui nous avons posé la question ont expliqué que les emplois 5. Les O.S. et les P.l sont en général des jeunes qu'on vient d'embaucher à la sortie du centre d'apprentissage. 6. Voir p. 78, note 4.
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Les industries des métaux
d'entretien comme ceux de régleur sont parfois pénibles, qu'ils impliquent des horaires qui ne conviennent pas aux femmes (les ouvriers d'entretien en particulier travaillent souvent en dehors des horaires normaux de travail), qu'ils supposent des déplacements dans les ateliers «alors que les travaux féminins sont avant tout des travaux sédentaires». Pour les postes de régleurs, on a objecté qu'ils requièrent «un sens mécanique que les femmes n'ont pas». Un autre argument est intervenu à plusieurs reprises, celui du rôle du régleur dans l'atelier: amené à intervenir pour monter les outils et régler les machines au début de chaque série, mais aussi toutes les fois que se produit un incident de fabrication, le régleur détient dans l'atelier une sorte de pouvoir; de la rapidité et de l'efficacité de son intervention peuvent dépendre les rendements (et par conséquent les bonis) des ouvriers de production travaillant sur ces machines. Il semble normal de confier ces fonctions à un homme, même dans un atelier de femmes, mais la situation inverse paraît impossible à envisager. Avec le traitement thermique et les manutentions, nous abordons une autre catégorie de postes, pour lesquels les explications d'ordre psychologique n'interviennent pas pour justifier l'absence des femmes. Le traitement thermique est un poste physiquement pénible; les horaires qui y sont pratiqués impliquent presque toujours le travail en équipe avec des équipes de nuit dans lesquelles la présence d'ouvrières est incompatible en principe avec la législation qui interdit le travail de nuit pour les femmes. Quant aux postes de manutention, la dépense physique qu'ils imposent généralement suffirait à expliquer qu'ils soient confiés à des hommes. Il faut cependant remarquer que ces postes, au moment de l'enquête, étaient attribués en majorité à une main-d'oeuvre nordafricaine. Le fait qu'on n'y trouve jamais de femmes, même lorsque les manipulations sont relativement légères, doit être sans doute rapproché de la facilité avec laquelle on trouve, parmi les Nord-Africains vivant en France, une main-d'oeuvre à la fois peu qualifiée et peu exigeante.
2. Les postes mixtes ( Groupe B)7 : étude de la répartition des tâches entre ouvriers et ouvrières Les postes mixtes, ceux sur lesquels on trouve, suivant les entreprises, tantôt des hommes, tantôt des femmes, tantôt à la fois des hommes et des femmes présentaient, dans la perspective de l'enquête un intérêt beaucoup plus grand que les précédents. Ils devaient permettre de repérer, pour des travaux de même nature et à l'aide de données concrètes, les lignes de clivage entre tâches masculines et féminines. Nous avions, rappelons-le, regroupé sur la base des postes de travail la documentation recueillie dans chacune des cent ving-neuf entreprises. Pensant qu'elle est susceptible d'intéresser le lecteur tout en étayant sur des bases 7. Voir tableau i, p. 77.
Répartition des postes de travail
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concrètes, auxquelles il pourra se reporter, les commentaires développés dans les pages qui vont suivre, nous avons fait figurer, en annexe, une partie de cette documentation. 8 Pour chacun des vingt-cinq postes de travail des groupes B et C et pour chaque entreprise, nous donnons, dans cette annexe, le nombre d'hommes et de femmes occupés, leur qualification, la nature de l'outillage employé, la nature des tâches confiées. Nous reproduisons aussi, sous une forme très abrégée mais en conservant les expressions employées, l'essentiel des commentaires recueillis auprès des employeurs. Pour ne pas surcharger à l'excès cette sorte de lexique, nous n'y avons pas fait figurer les données concernant les modes de rémunération, les salaires, les horaires de travail. On verra plus loin qu'elles ont été, d'autre part, rassemblées et utilisées. Afin que le lecteur puisse se reporter plus facilement au texte du document placé en annexe, nous avons identifié chaque entreprise par une lettre suivie d'un numéro. La lettre correspond au groupe de fabrications auquel appartient l'entreprise (voir Annexe m) et le numéro permet de la distinguer à l'intérieur de ce groupe. Nous nous attacherons d'abord à dégager de ces données de base les éléments qui, pour chaque catégorie de poste, différencient les tâches féminines des tâches masculines. Le montage Pour les 129 entreprises dans lesquelles s'est déroulée l'enquête, on trouve au montage 5214 femmes soit 3 5 , 7 % de la population ouvrière féminine et 1825 hommes. L a répartition suivant les branches est très différente pour les hommes et pour les femmes. Les femmes travaillant au montage sont plus particulièrement groupées dans les industries de l'automobile et dans les industries radioélectriques. On trouve, par contre, davantage d'hommes au montage dans les industries plus lourdes comme la chaudronnerie, la tôlerie industrielle et la construction de machines. 9 Les postes de montage représentent dans l'ensemble un faible niveau de qualification. Dans l'échantillon, près de 9 0 % d'entre eux étaient classés dans la catégorie O.S. 1 0 Il suffit de parcourir les pages consacrées en annexe aux travaux de montage rencontrés dans les entreprises pour se rendre compte de la variété des tâches groupées sous ce nom. Suivant la nature des fabrications, il s'agit tantôt d'assemblages manuels, tantôt de travaux exécutés à l'aide d'outils (marteaux, tournevis, visseuses pneumatiques), de machines (presses, riveteuses) ou même de machines spécialisées. Ils comportent parfois des tâches d'ajustage, de soudure, de réglage. Certains de ces travaux, en particulier ceux qui s'accomplissent 8. Voir Annexe iv, p. 250-369. 9. 10. (V. page suivante).
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Les industries des métaux
sur chaîne, sont des opérations simples, d ' u n e durée très limitée (parfois quelques secondes) ; d'autres sont plus complexes. Dans cet ensemble si divers les lignes de clivage entre travaux masculins et féminins se dessinent assez nettement. Parmi les éléments que nous voyons intervenir, l'intensité de l'effort physique à fournir est le plus souvent invoquée. O n ne confie pas aux femmes les assemblages de pièces lourdes [C 2 , D S K S O 6 , P 2 , T S T 3 , T 5 , T 1 0 , U 5 , U 1 0 ] 1 1 et rarement les montages finaux toujours plus pesants [E 1 , I O P a r contre, la «légèreté» d ' u n travail, l'absence d'effort physique à fournir apparaissent souvent comme l'une des raisons qui justifient l'emploi d'une main-d'oeuvre féminine d ' a u t a n t plus que les pièces légères sont souvent de petites dimensions et que les femmes sont d ' u n e manière générale, jugées plus aptes à manier les petits objets ou les objets fragiles [I 8 , K 1 , K 3 , K 8 , K ? , M 8 , R 1 , R 2 , R 3 , T 4 , T'bis, T11, U10, U11]. La simplicité du travail est presque aussi souvent citée que l'absence d'effort physique à tel point que l'expression «travail facile» ou «travail simple» suffit pour beaucoup d'employeurs à justifier l'emploi des femmes [E 8 bls , G 5 , J 1 , K 4 , L ' , L 8 , M 4 , O 3 , O 8 , T 2 , U ' ] . La main-d'oeuvre féminine dont disposent les 9. O n trouvera ci-dessous la répartition des hommes et des femmes travaillant au m o n t a g e dans les différentes branches. Branche
Nombre d'hommes
N o m b r e de femmes
Fonderie Chaudronnerie industrielle Construction de machines Revêtement-traitement des métaux Découpage-emboutissage Tournage, reprise Ressorts-quincaillerie Ferblanterie-tôlerie Petits articles métalliques Automobile et accessoires Cycles et motocyles Lampes électriques Matériel et machines électriques Construction radio-électrique Instruments de précision
19 495 401 2 2
123 215 219
10 61 156 6 28 28 111 62 162 825 69 666 1163 1268 539
1825
5214
—
32 24 —
256 37 —
Total
10. Répartition, suivant la qualification, de la main-d'oeuvre travaillant au montage dans les 129 entreprises.
Hommes Femmes Total
%
Ouvriers à domicile
O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
P.2
P.3
J.O.
—
958 3325
367 41
97
42
391 1705
—
— —
12 30
—
Total
71
1825 5214
42 0,6
2096 29,8
4283 60,8
408 5,8
97 1,4
— —
42 0,6
71 1
7039 100
11. Nous rappelons que les lettres et les chiffres qui identifient les entreprises renvoient à l'annexe (p. 250-265 pour les travaux de montage).
Répartition des postes de travail
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employeurs est presque toujours dépourvue de toute formation et souvent elle n'a pas l'habitude des travaux industriels, il serait donc difficile d'envisager de lui confier les travaux complexes et notamment ceux qui comportent des opérations d'ajustage ou de réglage. On remarquera toutefois que de nombreux employeurs, en même temps qu'ils constatent chez les femmes l'absence de connaissances indispensables pour accomplir certains travaux, se déclarent convaincus de leur incapacité foncière à acquérir ces connaissances. Certaines expressions sont à cet égard très révélatrices: «Les femmes sont incapables de tenir une lime» [K 2 ] - «Les femmes ne sauraient pas travailler à la lime et au marteau» [K '] - «Les hommes font le montage final qui exige un sens mécanique que les femmes n'ont pas» [G 5 ] - «Ce travail demande une appréciation du jeu des pièces et des capacités mécaniques que ne peuvent acquérir les femmes» [U •] Certains formulent même, au sujet des postes sur lesquels ils emploient des femmes, des commentaires qui apparaissent comme le complément des précédents: «Il n'y a rien à penser» [L 8 ] - «Le travail est purement routinier» [M 2 ] - «Les postes sont étudiés de telle manière que n'importe qui puisse les tenir» [O 3 ]. Parmi les travaux de montage légers, les tâches à prédominance manuelle sont presque toujours considérées comme devant être spécifiquement féminines : «Travail uniquement manuel facile et léger sur lequel elles sont plus rapides que les hommes» [ C - «Travaux sur petites pièces comportant de nombreuses manipulations où les femmes sont plus rapides que les hommes »[K 3 ] - [voir aussi M 3 , O 2 , P T 4 , U 2 ]. Cette prédominance des travaux manuels dans les tâches de montage effectuées par les femmes apparaît avec évidence lorsqu'on parcourt les ateliers. En observant de plus près quelques-unes de ces tâches on s'aperçoit alors que certaines d'entre elles nécessitent une habileté manuelle qui ne peut être développée que par une longue pratique. La tâche de la monteuse de jouets travaillant en chaîne et chargée de fixer les roues avant ou le parebrise d'une petite voiture, celle de la jeune fille chargée d'enfiler les curseurs sur une chaîne continue de fermetures à glissières, se limitent certes à deux ou trois gestes et nécessitent un simple «tour de main» qui peut être acquis en quelques jours. On peut voir cependant certaines ouvrières accomplir des tâches plus complexes: assemblage de onze pièces différentes constituant un support de lampe (durée quinze secondes) ; montage et sertissage de douze oeillets sur une plaque en matière plastique pour matériel radio-électrique (durée trente-cinq secondes^ ; montage d'un mécanisme d'embrayage (un plateau, un couvercle, six ressorts, six rondelles, six boulons (durée une minute) ; montage de onze ressorts sur l'armature d'une selle pour cycles (durée soixantequinze secondes); montage complet de l'armature d'une machine à tricoter (durée huit minutes). Certains travaux même apparaissent comme de véritables tours de force : travaillant sur des pièces minuscules (deux micas, une anode,
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Les industries des métaux
deux grilles, deux écrans) grossies par une loupe qui s'interpose entre elle et son travail, la monteuse du «bobino» d'une lampe de T.S.F. effectue en moins d'une minute, à l'aide d'une pince avec laquelle elle saisit les objets, un travail d'une extrême précision, «un travail de prestidigitateur» suivant l'expression de l'ingénieur qui nous accompagnait. La spécialisation étroite dans le même travail, qui amène la répétition indéfinie de la même série de gestes, favorise l'acquisition de cette habileté. 12 Un autre facteur de clivage entre travaux masculins et féminins est leur caractère plus ou moins sédentaire. Les travaux de montage effectués par des hommes, travaux plus lourds, effectués sur des pièces de plus grande dimension, se font en général debout. Les travaux féminins au contraire, sont en majorité des travaux assis et ne nécessitant aucun déplacement. Ils sont d'ailleurs, beaucoup plus souvent que pour les hommes, accomplis en chaîne: sur les 5214 femmes de l'échantillon employées au montage, 51,5% travaillent en chaîne contre 20 % seulement des 1 825 hommes. Il faut noter à ce sujet la réflexion d'un chef du personnel [U 4 ] nous parlant d'une chaîne de montage de compteurs sur laquelle les postes sont «trop sédentaires pour des hommes» et celle d'un employeur [U 8 ] nous désignant une chaîne sur laquelle «la main-d'oeuvre féminine convient particulièrement à cause de sa rapidité et de son accoutumance facile aux travaux sédentaires». On s'explique dans ces conditions pourquoi la longueur des séries qui amène la répétition pendant un temps très long du même cycle de travail et qui a pour conséquence une absence totale de variété, d'autant plus sensible que le cycle de travail est plus court, semble être aussi un élément déterminant l'emploi d'une main-d'oeuvre féminine. Il est d'ailleurs couramment admis que le caractère monotone et fastidieux des travaux accomplis en grande série est bien accepté par les femmes, alors qu'il serait insupportable pour des hommes [E 10 , G 3 , I 5 , I», J«, K 2 , K 4 , K 8 , L 4 , M 2 , O 6 , O", T' b i s , T 8 , U 3 , U 8 ]. Quelques expressions des employeurs sont à cet égard caractéristiques: «Les femmes résistent mieux à la monotonie» [1 6 ] - «Les séries ne sont jamais inférieures à 5000 pièces, l'emploi des femmes est donc tout indiqué» [J 8 ] - «Les chaînes montées anneau par anneau sont quelquefois commandées au kilomètre, seules des femmes acceptent de faire ce travail» [K 8 ] - «Des hommes deviendraient fous sur de tels travaux» [T' b i s ] - «L'homme ne restera pas sur ce poste trop fastidieux et qui ne convient qu'à des femmes» [T 8 ] - «Travail simple et monotone que ne supporteraient pas des hommes» [U 3 ]. Travaux plus légers, travaux plus morcelés, travaux souvent simples avec prédominance plus marquée d'opérations manuelles, tâches plus nettement 12. Dans une entreprise fabriquant de petits appareils électro-ménagers (moulins à légumes, moulins à café électriques), on nous a cité le cas d ' u n e ouvrière particulièrement rapide devenue incapable de décomposer ses gestes de travail pour les enseigner aux débutantes.
Répartition des postes de travail
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sédentaires exécutées en plus grandes séries, tels semblent bien être, pour les opérations de montage, les caractères essentiels qui distinguent les emplois féminins des emplois masculins, mais il est essentiel de remarquer que le choix d'une main-d'oeuvre féminine est toujours lié à la constatation d'une rapidité plus grande des femmes sur de tels travaux. Cette constatation revient sans cesse dans les commentaires des employeurs: «La main-d'oeuvre féminine est imbattable au montage parce que plus rapide et plus apte à manier de petits objets» [I 8 ] - «Travaux sur petites pièces comportant de nombreuses manipulations où les femmes sont plus rapides que les hommes» [K 3 ] - «Les femmes, et surtout les femmes jeunes, sont imbattables sur les travaux où il faut manipuler de petits objets» [M 8 ] - «Sur les opérations manuelles, les femmes peuvent atteindre des rendements extraordinaires» [P 2 ] - «La main-d'oeuvre féminine est imbattable sur les travaux faciles de montage en série» [S 4 ] - «La rapidité des femmes est pratiquement illimitée» [T 4 ] - «Les femmes atteignent, dans les travaux manuels, une rapidité extraordinaire, aussi limite-t-on dans toute la mesure du possible l'emploi de la main-d'oeuvre masculine» [U 2 ]. En même temps que cette rapidité, on reconnaît à la main-d'oeuvre féminine, sur les travaux légers et fins, des qualités de soin et de minutie : «Elles y apportent plus de soin et sont plus rapides que sur les montages exigeant un effort physique» [E 2 ] - «La dextérité, la rapidité, la délicatesse de toucher sont indispensables dans un métier où tout ce que l'on touche est fragile et fin» [R - «La rapidité et la légèreté de la main-d'oeuvre féminine et surtout de la maind'oeuvre jeune sont irremplaçables» [R 2 ]. On attribue même, dans quelques cas, aux femmes un «sens de l'esthétique» qui fait qu'on les préfère aux hommes pour certains travaux légers de câblage par exemple [T 1 , T 8 ] . Pour obtenir une rapidité maximum, on recherche dans bien des cas une main-d'oeuvre jeune. On ne la trouve pas toujours pour les industries à prédominance masculine, à fabrications plus lourdes, où les travaux de montage sont mixtes ou s'effectuent dans des ateliers dont l'aspect n'est pas toujours engageant. Dans les industries radio-électriques, par contre, il n'est pas rare de rencontrer de vastes ateliers entièrement féminins, peuplés parfois de plusieurs centaines de jeunes filles ou de jeunes femmes travaillant le plus souvent en chaîne. Pour ces ateliers, on recherche de préférence une main-d'oeuvre féminine ayant acquis, dans un apprentissage de la couture, de l'habileté manuelle et l'habitude du travail bien fait. Beaucoup d'O.S. ainsi occupées au montage sont titulaires d'un C.A.P. de couture. Ayant terminé leur apprentissage, elles n'ont pas trouvé de travail ou bien se sont aperçues qu'elles gagneraient plus en quittant pour l'usine l'industrie du vêtement. L'ambiance des grands ateliers de montage les rebute moins que celle des ateliers d'usinage.
86
Les industries des métaux
Le contrôle
Si, comme pour les travaux de montage, on se reporte au document annexe, 13 on distinguera parmi les travaux de contrôle qui occupent dans l'échantillon 2 174 femmes et 1096 hommes, des tâches en réalité fort diverses. Le contrôle peut s'exercer à des stades différents de la fabrication, il peut être un contrôle visuel plus ou moins délicat, aboutissant à l'élimination de pièces présentant certains défauts (fêlures, rainures, etc.) ; il peut être aussi un contrôle d'étanchéité, de dureté, de fonctionnement, de dimension. Dans ce dernier cas il est effectué soit à l'aide d'un outillage standard (simple comparaison entre une jauge, un gabarit et la pièce à vérifier), soit à l'aide d'une machine qui émet des signaux; il peut au contraire comporter des opérations de mesure plus ou moins fines et quelquefois même la comparaison avec des cotes portées sur un plan; il peut entraîner la tenue de fiches, il peut s'accompagner d'opérations de réglage plus ou moins délicates. Le contrôle enfin peut être exercé sur toutes les pièces d'une série ou sur certaines pièces seulement prélevées dans les ateliers au cours de la fabrication. Les opérations de contrôle présentent un niveau de qualification légèrement supérieur à celui du montage. On y trouve cependant une large majorité d'O.S. et un pourcentage relativement élevé d'O.S. 1 Si on examine la question du clivage entre les travaux masculins et féminins, on constate d'abord que les opérations de tri, de comptage ou de contrôle visuel sont toujours confiées à des femmes [C 1 , C 2 , C 3 , C 4 , D 3 , E 1 , E 4 , E 8bis , E 9 , E 1 7 , J 6 , L 3 , L 4 , M S M 6 , M S S T 6 , T 'bis, U 3 , U 6 ] sauf lorsque le travail est trop lourd [C 2 , C 3 , O 1 , S 2 ] ou lorsque l'entreprise se trouve dans la nécessité de reclasser sur des postes peu pénibles des hommes accidentés [E 2 , O . Ces travaux confiés aux femmes représentent toutefois une gamme de postes très différents et utilisant des catégories différentes de main-d'oeuvre. La tâche des ouvrières occupées au tri des pièces légères de fonderie par exemple [C*] est un travail salissant, effectué dans un coin d'atelier bruyant et pour lequel nous dit-on «il serait difficile de trouver des hommes». On y voit en général des femmes âgées qui ont vraisemblablement perdu tout espoir de trouver de l'embauche ailleurs. Pour d'autres tâches moins rebutantes de tri d'aspect, on 13. Voir Annexe iv, p. 265-277 pour le contrôle. 14.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant au contrôle dans les 129 entreprises O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
P. 2
P. 3
J.o.
Travaux à domicile
Hommes Femmes
— .
173 1125
465 972
273 18
168
17
—
—
22
—
Total
37
291 8,9
168 5,1
%
37 1,1
1298 39,7
1437 44
—
—
17 0,5
22 0,7
— —
Total 1096 2174 3270 100
Répartition
des postes de travail
87
invoque d'abord la simplicité du travail [C 4 , E 8bis , E 11 , L 3 ] qui permet de le confier à n'importe quelle femme cherchant de l'embauche mais on préfère une main-d'oeuvre plus jeune. On souligne en même temps le caractère monotone de ces travaux, effectués souvent en grande série, acceptés plus facilement par la main-d'oeuvre féminine et qui, de ce fait, semblent mieux lui convenir [C 1 , E 1 , E 9 , I J 5 , L 4 , M 1 , T , b i s ] . On invoque aussi, pour ces tâches qui comportent de nombreuses manipulations, la rapidité gestuelle des femmes surtout lorsqu'il s'agit de petits objets, leur conscience professionnelle: «Les femmes sont plus rapides dans la manipulation des petites pièces» [C 3 ] - «Travail simple, mais minutieux qui convient aux femmes» [D3] - «Travail simple, petites pièces, les femmes sont consciencieuses et rapides dans ce genre de travail» [M 7 ] «Travail monotone qui ne serait pas accepté par des hommes et qui exige de plus une grande rapidité gestuelle» [U 3 ] - «Travail simple mais demandant un personnel consciencieux» [U 4 ]. En fait, certaines de ces tâches dites «simples» de tri d'aspect étonnent l'observateur. L'exemple le plus frappant est sans doute celui des ouvrières travaillant au contrôle visuel des rouleaux dans une usine de roulements [U 3 ]. Les rouleaux ont environ 25 mm de longueur et 10 mm de diamètre. Assises devant une énorme loupe à travers laquelle elles examinent les rouleaux entraînés par un dispositif qui les fait en même temps tourner sous leurs yeux, les ouvrières font sauter d'un coup d'ongle les pièces défectueuses avec un simple geste de la main droite. En dehors de ces opérations de tri ou de comptage, un grand nombre de travaux de contrôle des dimensions exigent l'emploi d'un outillage. La distinction entre travaux masculins et féminins est alors très nette : dans la majorité des cas, les contrôles de dimensions confiés aux femmes sont exécutés à l'aide de jauges, de gabarits ou d'appareils très simples dont l'usage n'implique pas la lecture de mesures [E S E 2 , E 5 , 1 2 , J 2 , J 3 , J 1 0 , O 3 , O », O 7 , O 8 , 0 1 2 , U «, U »]. On n'emploie des hommes à ce genre de tâches que lorsqu'il s'agit de pièces lourdes. Par contre, lorsque le travail implique la lecture de mesures, la maind'oeuvre est presque toujours masculine [E 2 , E 4 , E 5 , J 2 , J 4 , O ']. Pour les autres contrôles exécutés à l'aide d'appareils (contrôle de dureté, contrôles électriques), la distinction entre travaux masculins et féminins est du même ordre. Avec les appareils confiés aux femmes le contrôle n'implique en général rien de plus que la constatation qu'un niveau est atteint ou dépassé (fluxmètres, manomètres, élastomètres, machines à biller), quelquefois même il s'agit d'une signalisation par voyant lumineux de couleur généralement rouge ou verte suivant que la pièce introduite dans l'appareil est bonne ou défectueuse. Là encore, comme pour les travaux de montage, il faut tenir compte du fait que la main-d'oeuvre féminine travaillant en usine est souvent d'un niveau scolaire assez bas. De nombreux employeurs toutefois semblent persuadés de l'incapacité foncière des femmes à acquérir les connaissances indispensables pour
88
Les industries des métaux
effectuer des mesures, lire les plans, tenir des fiches : «Les femmes ne sauraient pas se servir d'un palmer » [E 4 ] - «Les hommes font les contrôles comportant des mesures électriques que les femmes ne connaissent pas et ne pourraient pas apprendre» [S 1 ] - «Travail demandant une compréhension électrique que les femmes n'ont pas» [S3] - «Ce serait peine perdue d'essayer de former des femmes pour ces postes. Les femmes ne sont pas douées pour la mécanique et ne peuvent pas utiliser certains appareils de mesure» [U 3 ]. Quelques cas cependant semblent contredire ces jugements, celui par exemple de deux femmes P.l chargées de travaux complexes de contrôle au palmer [O 3 ] ; celui des onze femmes O.S.2 qui procèdent aux opérations longues et délicates d'étalonnage de compteurs électriques [U 4 ]. Presque toujours, les commentaires des employeurs soulignent le caractère exceptionnel, à leurs yeux, d'une telle utilisation de la main-d'oeuvre féminine: «C'est une ouvrière exceptionnelle» [E 1 ] - «On trouve dans l'ensemble peu de femmes capables de faire des travaux de P. 1 » [T 3 ]. Dans le cas des étalonneuses de compteurs, toutefois, on fait remarquer : «on y employait autrefois des hommes, les femmes donnent toute satisfaction». On ajoute il est vrai que leur emploi a permis de baisser la qualification du poste [U 4 ]. Tous les travaux dont nous avons parlé jusqu'ici sont sédentaires. Or, certaines tâches de contrôle impliquent une circulation dans les ateliers: ce sont les contrôles dits «volants», effectués directement auprès du poste de fabrication, après prélèvement sur la production. Ces postes sont considérés comme masculins et la main-d'oeuvre féminine en est à peu près totalement exclue [E 1 , E 2 , E 6 , J 7 , O 7 , U 6 ]. Les raisons données par les employeurs se réfèrent non pas à des inconvénients constatés mais à une sorte d'usage qu'on ne saurait songer à transgresser: «Ces postes non sédentaires qui impliquent une circulation dans les ateliers ne sont jamais attribués à des femmes» [E 1 ] - «Contrôle par prélèvement c'est-à-dire contrôle non sédentaire qu'on ne peut confier à des femmes» [E 2 ]. 16 Les conversations que nous avons eues dans les ateliers nous ont permis de distinguer deux éléments d'explication : il est généralement admis d'abord que la circulation d'une femme dans un atelier peut être une cause de perturbation mais on se refuse surtout à envisager une situation de travail qui pourrait amener des femmes à contrôler sur place, c'est-à-dire en leur présence, un travail effectué par des hommes. La seule exception que nous ayons pu rencontrer confirme curieusement cette dernière remarque : dans une entreprise [T 2 ] où la pénurie de personnel masculin, conséquence des bas salaires pratiqués, pousse à utiliser au maximum du personnel féminin et notamment sur quatre postes de contrôle «volant», le contremaître nous faisait remarquer : «Les salaires ne sont pas élevés mais les femmes occupent volontiers 15. Nous avons déjà rencontré u n commentaire de ce genre à propos des postes d'entretien (voir p . 79).
Répartition des postes de travail
89
ces postes car elles ont à contrôler du travail fait par des hommes et cela leur plaît». Il s'agit donc d ' u n e situation considérée, même par les ouvrières, comme exceptionnelle. Les situations de subordination de la main-d'oeuvre féminine à la main-d'oeuvre masculine paraissent à tous plus normales. Les travaux d'usinage Avec les opérations de tournage, de décolletage, de reprise, de rectification, on entre dans le domaine des travaux sur machine et plus précisément dans celui de l'usinage qui procède au façonnage des pièces par enlèvement d u métal à froid a u moyen d'outils produisant des copeaux. En d o n n a n t la liste des postes de leurs entreprises, les employeurs ont toujours nettement séparé, dans l'usinage, les opérations de tournage et de décolletage des opérations de reprise et de rectification. Nous avons d ' a u t a n t plus de motifs de les suivre dans cette distinction que les deux séries de postes se présentent dans l'échantillon d ' u n e manière très différente tant d u point de vue de l'importance de la participation féminine que d u point de vue de la structure de qualification. 1 6 Le tournage et décolletage17 se font sur tour c'est-à-dire sur des machines dans lesquelles la pièce à usiner est animée d ' u n mouvement rapide de rotation tandis q u e l'outil monté sur un «chariot», est animé d ' u n mouvement généralement lent de déplacement calculé en fonction d u travail à accomplir. La chaleur qui résulte de l'action de l'outil sur le métal nécessite l'arrosage constant à l'aide d ' u n lubrifiant à base d'huile. Le tournage sur tour parallèle se fait en général pièce par pièce, l'ouvrier étant capable, d'après les indications fournies, de choisir et de monter sur le tour les 16.
Répartition,
suivant le niveau de qualification,
au tournage-décolletage
de la main-d'oeuvre
et à la reprise-rectification
dans les 129
travaillant entreprises
A. Tournage et décolletage O.M.
O.S.l
Hommes Femmes
— —
65 57
Total
—
122 5,8
%
-
O.S.2
P.l
P.2
P. 3
J.O.
394 144
495 19
625
310
—
—
—
—
538 25,5
514 24,4
625 29,6
310 14,7
— —
Total 1889 220 2109 100
B. Reprise et rectification O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
P.2
P.3
J.O.
Hommes Femmes
— —
426 801
1359 826
201 10
80
18
—
Total
—
1227 32,9
2185 58,9
211 5,6
m
%
-
2,1
17. Voir Annexe iv, p. 277-285 pour le tournage et le décolletage.
—
—
18 0,5
—
—
Total 2084 1637 3721 100
90
Les industries des métaux
outils convenables, de calculer et de faire varier la vitesse de rotation de la pièce et l'avance d u chariot porte-outil. C'est u n travail très qualifié qui nécessite u n long apprentissage et q u e l'on rencontre surtout dans les ateliers d'outillage ou p o u r les fabrications en très petites séries. Le décolletage se fait également sur u n tour, mais à partir d ' u n e b a r r e animée d ' u n m o u v e m e n t de rotation et dans laquelle les outils f a ç o n n e n t et découpent les pièces. Les produits ainsi obtenus sont en général semi-finis. Les tours à décolleter peuvent recevoir à l'avance les outils nécessaires p o u r confectionner u n e pièce. P a r des mécanismes appropriés il est possible de d o n n e r à l'outil les m o u v e m e n t s nécessaires à l'accomplissement de son travail; des butées peuvent en régler la d u r é e et la profondeur. L o r s q u ' u n tour est ainsi «réglé» le décolleteur répète, dans u n ordre donné, les m o u v e m e n t s nécessaires p o u r actionner l ' a v a n c e de l'outil, et ceci pour c h a q u e pièce. L'alimentation d u tour est faite p a r l'avance de la barre. O n a donc affaire à u n travail b e a u c o u p moins qualifié q u e celui qui a été décrit a u p a r a g r a p h e précédent. Les m o u v e m e n t s étant toujours les mêmes pour u n e pièce donnée, on a cherché à les r e n d r e automatiques, aussi trouve-t-on actuellement dans les ateliers des tours dits «semi-automatiques» munis d ' u n e «tourelle» à plusieurs outils d o n t le déclenchement successif et l'avance se font a u t o m a t i q u e m e n t , la comm a n d e d ' a v a n c e d u chariot et l'alimentation restant manuelles. D a n s les tours automatiques plus récents, a u c u n e opération manuelle ne subsiste p o u r assurer le fonctionnement de la machine, 1 8 le travail est essentiellement u n travail de surveillance; toutefois les tours a u t o m a t i q u e s d o n t le réglage est très long (2 à 3 heures), ne peuvent être utilisés q u e p o u r les séries importantes. Ce qui a été dit plus h a u t des opérations de tournage sur tours parallèles et d e la qualification qu'elles exigent explique, sans qu'il soit besoin d'insister plus longuement, q u e nous n'ayons pas trouvé de femmes sur ce genre de travail. Sur les autres postes de tournage et a u décolletage l'utilisation des femmes est très réduite. 1 9 P o u r expliquer u n tel état de choses, la distinction entre t r a v a u x masculins et féminins doit être examinée sous différents aspects et d ' a b o r d sous celui des caractéristiques de l'outillage employé. P o u r quinze entreprises utilisant des tours automatiques, nous n'avons trouvé q u ' u n e seule ouvrière (E 1 ). Elle travaille dans u n e équipe de trente-neuf h o m mes et on a tenu à préciser qu'elle avait elle-même d e m a n d é à occuper ce poste. Les qualifications des hommes travaillant sur tours a u t o m a t i q u e s sont très variables [de O.S.2 à P.3] suivant qu'ils sont ou non chargés d u réglage d e la machine. Il serait d o n c faux de voir dans l'absence des femmes la seule conséquence d ' u n m a n q u e de qualification. Les employeurs invoquent souvent l'intensité de l'effort physique à fournir (lorsqu'il f a u t changer la b a r r e q u i 18. Sauf toutefois le changement de la barre quand elle est épuisée. 19. Voir p. 89, note 16.
Répartition des postes de travail
9i
alimente le tour notamment) et surtout le désagrément des projections d'huile, plus importantes que sur les autres machines et qui sont de nature à rebuter les femmes. Il apparaît toutefois que le caractère de machines modernes, complexes, impressionnantes des tours automatiques semble à certains incompatible avec l'utilisation d'une main-d'oeuvre féminine: «Ce sont des machines modernes qu'on ne pourrait pas confier à des femmes et pour lesquelles il faut une qualification qu'elles n'ont pas» [E 10bis ] - «Ce sont d'énormes tours et des machines trop complexes pour être confiées à des femmes» [ 0 1 ] - «Ces machines-là ne sont pas pour des femmes» [T 3 ] - «Travail simple mais on ne peut le confier à des femmes» [T 7b!s ] - «C'est un travail en très grande série mais qui demande un certain effort physique et surtout un sens mécanique que les femmes n'ont pas» [U 1 ] - «Seuls des hommes peuvent faire ce travail» [U 2 ]. La seule femme que nous ayons vu travailler sur un tour automatique, celle dont nous parlions plus haut, est qualifiée de «phénomène» par son employeur. L'élimination des ouvrières des travaux sur tours automatiques tient sans doute aussi à la faible part d'opérations manuelles qu'ils comportent. L'emploi des femmes pour cette raison ne comporte guère d'avantages. Par contre, dès que les opérations manuelles reprennent une importance (tours ordinaires ou semi-automatiques), on trouve des femmes travaillant sur tour et on constate en parcourant les ateliers qu'elles sont plus nombreuses sur les anciens tours à décolleter (les tours Bourrel) dans lesquels l'avance de l'outil est commandée manuellement que sur les tours semi-automatiques où la limitation des temps morts de la machine par la rapidité gestuelle a moins d'importance. 20 Il reste cependant à expliquer pourquoi le nombre de femmes, même sur les machines où les opérations manuelles gardent une importance, est relativement restreint. Si on se reporte aux notes placées en annexe, ces raisons apparaissent en même temps que se dessinent les lignes de démarcation entre travaux masculins et féminins. Le premier élément d'explication est l'intensité de l'effort physique à fournir et le caractère salissant du travail. Il faut reconnaître que le poids des barres à soulever est souvent considérable et que les projections d'huile sont souvent désagréables pour les femmes plus sujettes que les hommes aux «boutons d'huile». Aussi les femmes sont-elles chargées des travaux les plus légers. Le second élément a trait au niveau de qualification et vaut qu'on s'y arrête davantage. Comme sur les tours automatiques, les qualifications sur les tours ordinaires à décolleter et sur les tours semi-automatiques sont très diverses puisqu'elles varient de O.S.l à P.3. Les différences se rattachent à la difficulté du travail mais aussi à la capacité de l'exécutant d'effectuer le montage et le 20. Il est vrai que nous avons vu aussi des femmes utiliser des tours semi-automatiques uniquement manuellement. Leur rapidité gestuelle est telle qu'elles obtiennent ainsi un rendement plus grand qu'en déclenchant l'avance automatique.
92
Les industries des métaux
réglage des outils du tour ou leur affûtage. Il s'agit d'opérations plus ou moins complexes suivant la nature du travail, qui nécessitent parfois un G.A.P. mais qui dans certains cas sont apprises dans l'atelier par une formation «sur le tas». Or on note que sur vingt-deux entreprises employant des femmes sur tours ordinaires à décolleter ou sur tours semi-automatiques, une seulement [J 1 1 ] leur confie des opérations de réglage simple, alors que bien souvent on signale que les hommes ont appris à monter et à régler les outils sur leur tour. Plusieurs fois même, à propos d'équipes mixtes travaillant sur des machines identiques, on précise d'une manière très claire la différence: «Les O.S.2 hommes apprennent le montage et le réglage des outils et deviendront P. 1 ; les O.S.2 femmes ne l'apprennent pas et resteront O.S.2» [E 3 ] - «Les femmes O.S.2 font le même travail que les hommes P.l sauf le réglage et le montage des outils» [J 3 ]. Si l'on songe que les ateliers de tournage et de décolletage qui sont d'un niveau de qualification relativement élevé 21 sont ceux dans lesquels on pratique le plus fréquemment la promotion ouvrière, il faut bien constater que les femmes sont pratiquement exclues de cette promotion. Les explications données par les employeurs reflètent des divergences dans l'appréciation des possibilités de promotion des femmes : «Il est indiscutable que les femmes seraient capables de faire ces travaux si elles apprenaient» [D x ] - «Elles peuvent le faire mais c'est défendu» [E 10 bis] - «Il ne peut pas être question de donner aux femmes une qualification supérieure car elles manquent toujours de capacités techniques. Elles ne savent pas ce qu'est un lOOème» [J 3 ]. Exclues de l'utilisation des tours automatiques, peu employées sur les postes comportant des opérations annexes de montage ou de réglage des outils, les femmes, dans les ateliers de tournage et de décolletage, sont en définitive cantonnées dans les travaux simples à prédominance manuelle exécutés en très grandes séries. Ces travaux sont précisément ceux qui ne nécessitent pas d'opérations fréquentes de réglage puisque les outils une fois montés, la machine peut fonctionner pour un nombre pratiquement illimité de pièces. Cette préparation étant effectuée par un régleur, le travail de l'ouvrière se limite ensuite à une tâche d'exécution. Les employeurs font remarquer que sur ces travaux en grandes séries l'emploi des femmes est particulièrement avantageux parce qu'elles s'adaptent mieux que les hommes et atteignent plus rapidement des cadences rapides : «Les femmes vont plus vite sur les grandes séries ; elles attrapent le rythme mieux que les hommes» [E10bis] - «Les femmes atteignent beaucoup plus vite que les hommes les cadences car elles savent économiser et synchroniser leurs mouvements» [J 3 ] - «Travail simple qui demande surtout de la rapidité et qui s'apprend en quinze jours» [J 4 ] - «Travail pour lequel la main-d'oeuvre féminine s'impose car il s'agit d'aller vite en faisant un travail peu pénible, toujours le même» [M 7 ]. L'idée d'un travail varié, exécuté en 21. Voir p. 89, note 16.
Répartition des postes de travail
93
petites séries, est à ce point incompatible avec la notion de travail féminin qu'elle suffit pour certains employeurs à justifier l'emploi de la main-d'oeuvre masculine: «Travail fait en trop petites séries pour que l'emploi des femmes s'impose» [E 10 ] - «Travaux trop variés pour que l'on songe à y employer des femmes» [I 7 ] - «L'entreprise est spécialisée dans les petites séries non courantes. L'emploi des femmes ne serait donc pas indiqué» [ O " ] . La plupart des tâches effectuées dans les ateliers de tournage et de décolletage sont incompatibles soit avec la qualification réelle de la main-d'oeuvre féminine soit avec l'idée que se font les employeurs de ses possibilités. Les travaux qui lui sont confiés sont en définitive ceux sur lesquels son emploi s'avère avantageux. Reprise et rectification.22 Les opérations de «reprise» ou de «rectification» sont des travaux de finition exécutés sur des pièces obtenues par fonderie, matriçage, emboutissage ou décolletage. On désigne en fait sous ce nom une foule d'opérations : filetage, taraudage, fraisage, meulage, perçage, e t c . . . . Les opérations de reprise sont plus souvent dérivées du tour et s'effectuent avec des outils coupants ; pour les opérations de rectification on utilise plutôt les meules ou les abrasifs. Beaucoup moins importantes par leurs dimensions que les tours, les machines de reprise ou de rectification sont en général spécialisées pour un type d'opération, chaque série nécessitant cependant un montage et un réglage d'outils suivant les caractéristiques du travail à effectuer. Les machines de reprise à alimentation automatique sont très rares et l'alimentation pièce par pièce est encore quasi générale. Il faut distinguer cependant les machines à fonctionnement continu de celles que l'exécutant arrête à la fin de chaque cycle de travail et remet en marche pour le cycle suivant. Sur ce dernier type de machine, la réduction des «temps morts», ceux pendant lesquels la machine ne travaille pas, est le facteur essentiel de l'accélération du rendement. Effectués sur des machines plus simples et plus spécialisées, les travaux de reprise et de rectification sont dans l'ensemble d'un niveau de qualification beaucoup plus bas que les travaux de tournage ou de décolletage. La proportion des postes qualifiés y atteint à peine 10%. Il n'est donc pas étonnant d'y trouver un nombre beaucoup plus important de femmes: 1637 dans notre échantillon contre 220 au tournage et au décolletage. 23 En regroupant les données contenues dans l'annexe, la démarcation entre tâches masculines et tâches féminines dans les opérations de reprise apparaît clairement. On retrouve d'abord parmi les travaux considérés comme féminins les tâches les plus simples, effectuées sur des machines demandant un effort physique limité, sur des pièces 22. Voir Annexe iv, p. 286-296 pour les travaux de reprise et de rectification. 23. Voir p. 89, note 16.
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Les industries
des métaux
légères et de petites dimensions, sur des séries longues. La rapidité plus grande des femmes sur ce genre de travaux, leur résistance meilleure à l'ennui qu'ils engendrent sont évoquées mais on exprime aussi quelquefois l'idée que leur travail, sur les petites pièces, est plus fini, plus soigné : «Les femmes sont plus rapides sur les petites pièces» [C 4 ] - « O n emploie les femmes sur les petites pièces, les ailettes en particulier sur lesquelles leur travail a plus de fini» [D 1 ] « O n emploie les femmes sur les machines de moindre capacité et pour les pièces les plus petites pour lesquelles elles sont plus rapides» [D 2 ] - «Les femmes ont, sur les petites pièces et les grandes séries, un rendement supérieur à celui des hommes» [E 4 ] - «Ces travaux ne sont pas de nature à être exécutés par des hommes. Il y faut de la délicatesse, de la minutie et la rapidité féminine» [E 5 bis ] - « O n confie aux femmes les petites pièces sur lesquelles elles sont plus minutieuses et plus rapides» [E 6 ] - «Les femmes sont en général sur les machines les plus petites exigeant un effort de serrage moins grand et font les plus petites pièces. Dans ce cas leurs rendements sont supérieurs à ceux des hommes» [E 1 1 ] - «Les hommes font les petites séries et les travaux plus lourds. Sur les travaux légers et les longues séries, les femmes arrivent à faire 1 000 pièces à l'heure q u a n d les hommes en font 500» [ J 3 ] - «Les femmes réussissent grâce à leur dextérité et à leur rapidité et parce qu'elles résistent mieux à la monotonie» [J 1 0 ] - «Il s'agit de petites pièces pour lesquelles les femmes sont particulièrement rapides» [T 4 ] - «Ce sont des travaux simples, sur petites pièces où la dextérité et la rapidité des femmes sont préférables» [ U 4 ] - «Travail répétitif avec exigence de rapidité gestuelle» [U 6 ]. Quelquefois cependant, le souci de maintenir l'homogénéité de l'atelier amène à confier aux femmes des travaux plus lourds [K 5 , P 3 ]. 2 4 Il y a, dans les commentaires que nous venons de citer, deux sortes d'appréciations, celles qui constatent une habileté manuelle, une rapidité gestuelle plus grande des femmes, surtout lorsqu'il s'agit de petits objets et celles qui signalent u n comportement particulier des femmes devant les travaux simples, légers, monotones, répétitifs, effectués en longues séries. Ces traits particuliers des apdtudes et du comportement des femmes déterminent un autre aspect de la démarcation entre travaux masculins et féminins dans les opérations de reprise : la distinction entre un type de machine plus spécialement confié aux femmes et u n type de machine plus spécialement confié aux hommes. Les indications recueillies dans les entreprises font apparaître en effet avec évidence que les machines comportant le m a x i m u m de «temps morts» c'est-à-dire, comme on l'a dit plus haut, les machines à alimentation manuelle, arrêtées et remises en 24. Il est certain d'ailleurs, et l'on s'en aperçoit en passant d'une entreprise à l'autre, que la notion de travail léger et celle de travail lourd sont très variables. La nature des fabrications joue incontestablement (tel travail de perçage qui semble léger dans une fonderie serait considéré comme lourd dans une entreprise de radio-électricité), mais il s'y mêle aussi des éléments liés à la politique de l'entreprise vis-à-vis du personnel féminin.
Répartition
des postes de travail
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marche par l'exécutant toutes les fois que recommence le cycle de travail sont confiées à des femmes beaucoup plus souvent q u ' à des hommes: «Les machines les plus anciennes où les temps morts sont plus importants, notamment au perçage, sont en général confiées à des femmes» [E 3 ] - «Travaux simples comp o r t a n t une part d'opérations manuelles (alimentation de la machine) pour lesquelles les femmes sont plus habiles et plus rapides» [ J 1 ] - «Travail simple exigeant surtout de la dextérité pour l'alimentation de la machine» [O 2 ] - «Les femmes sont imbattables sur les petites machines à alimentation manuelle» [O 6 ]. U n e importante entreprise fabriquant des roulements[U 2 ] nous a donné l'occasion de faire à ce sujet une observation intéressante : on utilisait, pour la rectification des bagues, trois types de machines coexistant dans un atelier en voie de transformation. Sur les machines les plus anciennes à alimentation manuelle pièce par pièce, mises en marche par l'exécutant, on n'employait que des femmes «à cause de la monotonie et de l'importance pour le rendement de la rapidité gestuelle pendant les temps morts de la machine»; sur les machines automatiques, à fonctionnement continu dans lesquelles les pièces sont versées en vrac par une goulotte, nous avons trouvé des hommes et des femmes mais on n'embauchait plus que des hommes; sur les machines les plus récentes, les machines transfert qui ne nécessitent même plus un travail d'alimentation puisqu'un dispositif assure le passage des pièces d ' u n e machine à l'autre, seuls des hommes assuraient la surveillance. «Les qualités particulières de la maind'oeuvre féminine ne sont pas utilisées sur ces machines, nous a-t-on dit; on préfère embaucher des hommes pour avoir une réserve de main-d'oeuvre masculine à former et à faire monter vers d'autres postes plus qualifiés». O n trouve là u n exemple très net de l'utilisation sur un certain type de machines qui se trouvent être les plus anciennes, de la rapidité féminine dans les opérations manuelles à caractère répétitif. Parmi les opérations de reprise, celles de perçage offrent plus souvent que les autres ce caractère, aussi cite-t-on de véritables performances des femmes sur ces travaux, tel le cas de l'ouvrière réalisant sur une petite perceuse jusqu'à 1000 trous en 30 minutes! [ K 4 ] . Avant d'en terminer avec la question du type de machine confié aux femmes, il convient de citer la réflexion d ' u n employeur qui, bien qu'unique, mérite d'être soulignée. Elle concerne le travail de cinq femmes et de cinq hommes O.S.l travaillant au filetage [E 6 ]. Les machines utilisées par les hommes sont plus récentes. «Ce sont, nous a-t-on dit, des machines qui coûtent trop cher et qu'on ne peut confier à des femmes». Utilisées de préférence sur le genre de tâches et sur le type de machines où le travail atteint un rendement plus élevé, les femmes travaillant à la reprise sont moins souvent que les hommes chargées du montage et du réglage des outils. A quelques exceptions près, il s'agit pourtant d'opérations simples, plus simples que celles que nécessitent le tournage ou le décolletage. Elles s'effectuent
96
Les industries des métaux
généralement sous la direction d'un régleur et nécessitant une petite formation souvent donnée dans l'atelier par le régleur lui-même. A côté de nombreuses équipes d'hommes travaillant à la reprise et capables de régler leur machine, nous n'avons trouvé que deux équipes de femmes [ C E 10b«]. Il n'est pas rare même de trouver dans un atelier commun des hommes et des femmes occupés à des travaux identiques et de constater que seuls les hommes ont été initiés aux travaux de réglage [E 3 , E 6 b i s , J 4 , O 1 2 , U 3 ] . Sur les raisons de ces différences, il nous a été difficile d'obtenir des réponses claires : «On n'a jamais essayé d'apprendre aux femmes à préparer leur travail, cela ne se fait guère» [J 1 1 ] - «Cela ne les intéresserait sans doute pas» [L 8 ] - «Les femmes n'ont guère le sens de la mécanique» [O 1 2 ] - «Il y a un régleur pour s'occuper des machines des femmes» [U 3 ]. Comme au tournage et au décolletage, on touche là aux questions de la promotion des femmes dans l'atelier et du niveau de qualification de la main-d'oeuvre féminine qui, nous le verrons, soulèvent des problèmes complexes. Nous retiendrons pour le moment que, dans tous les cas cités, le fait d'avoir appris à monter et à régler les outils sur la machine, même s'il s'agit d'opérations très simples, se traduit par un niveau plus élevé de qualification ou de salaire. Les travaux sur presses26 Comme le tournage et le décolletage ou la reprise, le travail aux presses se fait sur machine. Il revêt cependant un caractère entièrement différent puisqu'au lieu de procéder par enlèvement du métal, il a pour but la fabrication de pièces en tôle par découpage ou par déformation à froid. Les presses peuvent être de puissances différentes mais ce sont toujours des machines de dimensions imposantes. Les presses mécaniques sont les plus répandues. Elles comportent un dispositif porte-outil, le «coulisseau», qui peut s'abaisser ou se relever et dont la position par rapport à la «table» peut être réglée. Lorsqu'il s'agit d ' u n découpage, l'outil fixé au coulisseau assure le cisaillement de la plaque de métal maintenue sur la table par l'ouvrier. Lorsqu'il s'agit d'un emboutissage, le formage de la pièce est obtenu par l'action d'un poinçon qui oblige le «flan» de tôle, mis en place par l'exécutant, à pénétrer dans une matrice. Dans les presses mécaniques dites «au coup», chaque trajet de l'outil est commandé le plus souvent à l'aide d'une pédale, quelquefois à l'aide d'un bouton-poussoir par l'ouvrier qui assure également le positionnement puis l'évacuation de la pièce. Lorsque le travail consiste à découper des flans dans une bande de métal, certaines presses peuvent travailler «à la volée», l'exécutant maintenant le pied sur la pédale tandis que des deux mains il tient la bande et assure son avancement régulier. Il existe aussi, pour certaines opérations légères, des presses à fonctionnement continu; le modèle le plus courant est muni d'un plateau tournant sur lequel 25. Voir Annexe iv, p. 296-308 pour les travaux sur presses.
Répartition des postes de travail
97
l'exécutant positionne les pièces qui sont présentées, à mesure que tourne le plateau, au travail de l'outil. Quant aux presses automatiques, elles nécessitent, une fois réglées, un simple travail de surveillance : le fonctionnement de l'outil est assuré automatiquement et la machine est alimentée au moyen d'un rouleau de métal qui, une fois engagé dans la machine, se déroule jusqu'à épuisement. Les presses automatiques sont en fait assez rares ; celles que nous avons vues étaient employées pour la fabrication en grandes séries de très petits objets: oeillets métalliques ou petites pièces utilisées par les industries radio-électriques. Le niveau de qualification aux presses est bas. On n'y trouve qu'un nombre très faible de professionnels. La majorité des O.S. atteignent cependant la qualification d'O.S.2. 26 Les indications sommaires données plus haut suffisent sans doute à montrer que le travail sur presse est en général pénible. Dans la presse à pédale en particulier, la répétition des mouvements de la jambe droite, à un rythme souvent extrêmement rapide, est une source de fatigue importante. A cela s'ajoute le bruit toujours assourdissant des ateliers de presses, le contact désagréable et salissant des pièces le plus souvent huilées et coupantes qu'il faut manipuler une à une. C'est aussi un travail dangereux car l'outil en s'abaissant peut coincer contre la table les doigts de l'ouvrier. Dans les ateliers que nous avons visités, les machines non munies d'un dispositif de sécurité étaient l'exception, mais il faut croire que ceux-ci ne sont pas toujours efficaces puisque nous avons pu constater que les mains de certaines ouvrières étaient amputées d'un ou plusieurs doigts. 27 Le travail sur presse ne semblerait donc pas, à première vue, être une tâche qui convienne particulièrement aux femmes. La main-d'oeuvre féminine y est pourtant en majorité (1 141 femmes dans notre échantillon contre 486 hommes). Il faut examiner les raisons d'un tel état de choses. 26.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant aux presses dans les 129 entreprises O.M.
Hommes Femmes Total
%
O.S.l
O.S.2
2
17 536
447 595
2 0,1
553 34
1042 64
—
P.l
P.2
J.o.
Total
14
8
8
—
—
486 1141
8 0,5
14 0,9
8 0,5
1627 100
—
27. Ces dispositifs dont l'usage est obligatoire consistent le plus souvent dans une grille qui s'abaisse en même temps que le coulisseau et qui s'interpose entre la table et l'ouvrière, l'obligeant à retirer les mains. Mais il arrive que pour aller plus vite l'ouvrière bloque le dispositif de sécurité. Il existe aussi un dispositif dit «à bretelles» ; les poignets de l'ouvrière sont enserrés dans des sortes de menottes rattachées aux bretelles. Les gestes sont libres jusqu'au moment du déclenchement du coulisseau. U n dispositif assure alors la tension des bretelles qui entraînent en arrière les mains de l'ouvrière.
98
Les industries des métaux
O n a déjà souligné, à propos des opérations de reprise, les avantages q u e présente l'utilisation des femmes sur certaines machines, celles qui c o m p o r t e n t des «temps morts» consacrés à des opérations manuelles de mise en place de la pièce et a u déclenchement d u travail des outils. Les presses à alimentation manuelle sont le type m ê m e de la m a c h i n e dont les temps morts représentent u n e fraction i m p o r t a n t e d u temps d e travail et p o u r laquelle leur réduction est susceptible d'accélérer considérablement le r e n d e m e n t . L a coordination des gestes de la m a i n droite qui évacue la pièce travaillée et de la m a i n g a u c h e q u i en m ê m e temps saisit déjà la pièce suivante pour la positionner sur la table j o u e ici u n rôle essentiel. Il suffit d'observer p e n d a n t quelques instants u n atelier de presses p o u r se r e n d r e c o m p t e q u e l'habileté des femmes dépasse celle des hommes dans ce domaine. L a précision gestuelle qui j o u e u n rôle essentiel p o u r le positionnement r a p i d e et correct de la pièce a p p a r a î t aussi c o m m e u n e qualité typiquement féminine, surtout lorsqu'il s'agit d'objets de petites dimensions et lorsque le r y t h m e est rapide. L a monotonie d u travail souvent effectué en très longues séries, son caractère répétitif, sont aussi, de l'avis des employeurs, mieux supportés p a r les femmes q u e p a r les hommes. Les commentaires q u i justifient le choix d ' u n e m a i n - d ' o e u v r e féminine p o u r ce genre d e tâches sont d'ailleurs particulièrement a b o n d a n t s : « R a p i d i t é des femmes sur les machines à alimentation manuelle c o m p o r t a n t des temps m o r t s » [ C 1 ] - «Travail pénible mais les pièces sont de petites dimensions et le r e n d e m e n t sur ce genre de tâches exige u n e g r a n d e précision gestuelle» [ E 5 ] - «Ce travail ne peut être fait q u e p a r des femmes car il f a u t m a n i p u l e r de très petits objets. Il faut d ' a u t r e p a r t u n e b o n n e résistance à la m o n o t o n i e » [E ' ] - «Ce travail exige à la fois u n e régularité, u n e rapidité gestuelle et u n e résistance à la monotonie p o u r lesquelles les femmes sont particulièrement douées» [1 1 ] - « O n utilise sur ce travail leur rapidité gestuelle et leur persévérance dans les t r a v a u x monotones» [ J 6 ] «Elles sont plus rapides q u e les h o m m e s et de toute f a ç o n on ne trouverait pas d ' h o m m e s p o u r faire u n travail aussi monotone» [ K a ] - «Seules des femmes peuvent alimenter les machines à u n e vitesse convenable et rester sur ce t r a v a i l » [ L 4 ] - «Il faut u n e certaine habileté manuelle et surtout pouvoir s'habituer à u n tel travail» [ M 2 ] - « O n n e trouverait pas d ' h o m m e s p o u r ce travail» [ M 3 ] « M a n i p u l a t i o n r a p i d e de très petits objets qui convient particulièrement a u x femmes» [ M ' ] - «Travail simple, sans initiative, qui convient a u x femmes» [S 3 ] - «Leur r e n d e m e n t est certainement bien supérieur à ce q u e serait celui des hommes puisqu'il s'agit de m a n i p u l e r et de positionner r a p i d e m e n t de petits objets» [ T 5 ] . Ces commentaires p r e n d r o n t tout leur sens si on se représente q u e certaines ouvrières travaillant sur presses mécaniques assurent l'emboutissage de 3000 pièces dans u n e heure (ce qui représente 3000 coups de pédale dans le m ê m e temps). Il faut r e m a r q u e r d'ailleurs que, sauf de rares exceptions, les employeurs ne recherchent pas p o u r les presses u n e main-d'oeuvre fémi-
Répartition
des postes de travail
99
nine jeune. Aux pointes de vitesse, on préfère dans ce genre de travail l'économie des gestes et la régularité qui assurent une meilleure qualité de la production et diminuent les risques d'accidents. Mais si la main-d'oeuvre utilisée aux presses est dans l'échantillon en majorité féminine, il n'en reste pas moins qu'on y trouve aussi des hommes et il faut, là encore, dégager les éléments qui distinguent les travaux masculins des travaux féminins. Comme pour les autres postes, l'intensité de l'effort physique à fournir entre d'abord en ligne de compte, mais les critères d'appréciation varient d'une entreprise à l'autre dans des proportions considérables. L'intensité de l'effort est fonction à la fois du tonnage de la presse et du poids des pièces que l'ouvrier doit manipuler. Or, la limite du tonnage au-delà de laquelle on estime qu'une presse ne peut pas être confiée à une femme est très variable ; elle est de 30 tonnes dans certaines entreprises [K 7 ], mais il n'est pas rare, dans d'autres ateliers, de voir des femmes devant des presses de 150 tonnes. L'appréciation du poids limite des objets qui peuvent être manipulés par une femme est aussi très variable. Dans la plupart des cas c'est le souci de maintenir les salaires à un taux relativement bas qui pousse à employer des femmes sur des travaux lourds: «On n'utilisait autrefois que de petites presses mais pour toucher une nouvelle clientèle on a acquis un matériel plus puissant. On y emploie tout de même des femmes. Cela amène à pousser les salaires, mais de toute façon des hommes reviendraient plus cher» [1 7 ] - «Les femmes travaillent sur les presses les moins fortes mais le travail est tout de même pénible. On a cependant avantage à les employer car elles sont payées autant mais elles vont plus vite» [O 1 ]. Il n'en reste pas moins que les travaux les plus lourds sont en général exécutés par des hommes, de même que les travaux impliquant la manipulation d'objets de grandes dimensions qu'il faut présenter sous la presse et pour lesquels les femmes ont parfois les bras trop courts [I*, K 6 ] . Souvent aussi, les hommes travaillant sur presses sont chargés des travaux de manutention de l'atelier; cette sorte de polyvalence a été à plusieurs reprises avancée pour justifier l'emploi d'une main-d'oeuvre masculine [D 3 , L 7 , L 1 1 , M 1 3 ]. On remarquait d'ailleurs la présence fréquente de Nord-Africains parmi les ouvriers utilisés sur presses aux travaux pénibles [13, M 6, 0 ' , T 8 ] . Cette présence contribue sans doute à maintenir le bas niveau des salaires dans un secteur à majorité féminine où les taux de rémunération sont peu élevés. Chargées en général des travaux les moins lourds, les femmes sont aussi occupées sur les séries les plus longues. Les deux faits sont liés car les pièces les plus légères sont souvent fabriquées en quantités plus grandes que les autres. Certains chiffres cités par les employeurs (jusqu'à 1 million de boîtes du même modèle) donnent une idée de la monotonie d'un tel travail. Les tâches, d'une série à l'autre, présentent d'ailleurs des différences minimes et les gestes à accomplir varient peu avec les changements de fabrication.
IOO
Les industries des métaux
Comme pour les machines de reprise dont nous avons parlé précédemment, on doit procéder sur les presses, au début de chaque série et parfois en cours de série, à des travaux de montage et de réglage des outils. Dans la plupart des ateliers, ce travail est confié à un régleur mais, lorsque la presse est utilisée par un homme, il arrive qu'il en soit chargé. Pour les femmes au contraire, les employeurs ont tenu à plusieurs reprises à spécifier qu'elles n'avaient pas à s'occuper de leur machine: «Les ouvrières ne font ni réglage ni montage, on ne leur demande que d'être des robots» [L 7 ] - «Elles ne font ni réglage ni montage ni approvisionnement et restent parfois trois mois sur la même série. Cela plaît à certaines: en tout cas on ne trouverait pas d'hommes pour ce travail» [M 3 ]. Ces tâches de «robots» sont-elles toujours tellement faciles? Certes les travaux sur presses sont de difficultés inégales, les employeurs déplorent cependant que les «ouvrières de métier» soient de plus en plus difficiles à trouver et que plusieurs mois soient nécessaires pour former une bonne ouvrière sur presses. Nous avons jusqu'ici parlé uniquement du travail sur presses mécaniques. Les presses automatiques, nous l'avons dit plus haut, n'existent, dans les ateliers où nous avons mené notre étude,qu'en nombre restreint. Elles sont utilisées surtout pour la fabrication en grandes séries d'objets de très petites dimensions à partir d'un rouleau de métal engagé dans la machine. Sur douze entreprises, utilisant des presses automatiques, six y emploient des femmes [K 2 , K 4 , M 1 , M 2 , M 4 , M 9 ] et six y emploient des hommes [ E 8 ^ , 1 6 , K 8 , M«, M 8 , T 1 2 ], mais le travail des femmes est différent de celui des hommes. Elles n'assurent jamais le réglage de la presse et ne font pas toujours l'alimentation en rouleaux; leur tâche est le plus souvent celle d'un manoeuvre servant d'auxiliaire au régleur: «Elles n'engagent pas le ruban de métal, leur travail consiste à ramasser les pièces qui tombent, à surveiller les bruits anormaux de la machine et à appeler le régleur avec lequel elles font équipe» [K 4 ]. Les hommes employés sur presses automatiques sont quelquefois aussi de simples O.S. [E 8bis , K 8 , M 6 ] , mais s'ils ne font pas le réglage, ils s'occupent toujours de l'alimentation de la machine. Dans les autres cas les machines sont confiées aux régleurs eux-mêmes, assistés ou non de manoeuvres hommes. Il semble bien que l'affectation du personnel sur les presses automatiques soit actuellement dans une période de transition et que l'emploi du personnel masculin tende à s'imposer à cause de la nature du travail qui ne met pas en jeu les qualités spécifiquement féminines assurant une rapidité plus grande du travail. Les explications des employeurs ont été à plusieurs reprises très nettes à ce sujet : «Il s'agit de presses n'exigeant pas un travail d'alimentation pièce par pièce, mais une simple tâche de surveillance» [E8bis] _ «L a rapidité des femmes ne joue que sur les presses mécaniques à cause des temps morts de la machine» [1 8 ] - «Sur presses automatiques l'emploi des femmes n'est pas très avantageux» [K 8 ]. Soulignons en passant que, dans les ateliers où elle est introduite, les ouvrières ressentent la concur-
ioi
Répartition des postes de travail
rence de la machine automatique. Dans une entreprise de matériel téléphonique, les ressorts des relais étaient, jusqu'à une date récente, entièrement fabriqués à la presse mécanique. L'introduction dans l'atelier d'une machine automatique qui fait à elle seule le travail de six ouvrières a entraîné la diminution du nombre des femmes travaillant sur presses. Placée dans l'atelier même des presses mais isolée par une cloison de verre et surveillée par un technicien en blouse blanche, la machine est l'objet d'une sorte d'hostilité. Les ouvrières l'appellent «la princesse». Ajoutons que certains employeurs ont exprimé l'idée que les machines automatiques «feraient peur aux femmes» [M 2 ]. On a déjà rencontré, à plusieurs reprises, cette affirmation de l'incapacité des femmes à s'adapter aux machines modernes, impressionnantes par leur complexité ou leurs dimensions. Les travaux de soudure28 Les travaux de soudure qui, dans notre échantillon, occupaient 656 femmes et 225 hommes représentent une gamme de tâches qu'il importe de distinguer sommairement les unes des autres avant d'examiner la manière dont elles sont réparties entre personnel masculin et féminin. Elles présentent en effet des différences importantes suivant qu'il s'agit de soudure à l'arc électrique, de soudure au chalumeau oxy-acétylénique, de soudure à l'étain, de soudure électrique par points réalisée sur des machines spécialisées, de soudure au bain. Les choses se compliquent encore du fait qu'un même procédé de soudure peut présenter des degrés de difficultés très différents suivant la nature du métal à souder, la forme de l'objet, la destination de la soudure. Cette diversité des travaux de soudure se traduit d'ailleurs par la diversité des qualifications du personnel qui y est employé.29 Si on examine d'abord la répartition des hommes et des femmes de l'échantillon suivant le procédé de soudure, on constate des différences importantes. La soudure à l'arc, sauf dans un seul cas [O 1 ], est toujours exécutée par des hommes. Le caractère impressionnant de l'arc électrique avec ses radiations lumineuses vives et ses projections d'étincelles, l'obligation de l'utilisation d'un écran protecteur, le danger des radiations (les «coups d'arc») contribuent manifestement à éloigner les femmes de ce genre de tâche. 28. Voir Annexe iv, p. 308-313 pour les travaux de soudure. 29.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant à la soudure dans les 129 entreprises O.M.
O.S.l
O.S.2
Hommes Femmes
—
4 105
97 484
Total
—
%
—
109 12,4
581 66
—
P.l
P.2
P. 3
J.O.
Total
90 54
34 2
—
—
—
11
225 656
144 16,3
36 4
—
11 1,3
881 100
—
I02
Les industries des métaux
La soudure au chalumeau s'effectue aussi dans des conditions désagréables: la chaleur dégagée par la flamme, l'odeur d u décapant, le bruit produit par la combustion du gaz, souvent aussi la saleté des pièces manipulées et l'aspect peu engageant des ateliers dans lesquels on soude contribuent à lui donner les caractères d ' u n travail pénible. Nous avons cependant trouvé dans notre échantillon 47 femmes soudant a u chalumeau contre 92 hommes. Les employeurs soulignent que les travaux confiés aux femmes sont, dans l'ensemble, plus légers que les travaux confiés aux hommes et qu'ils exigent, à cause de leur difficulté moindre, une qualification moins élevée. Il est intéressant toutefois de souligner que leurs commentaires expriment, à plusieurs reprises, l'idée qu'il ne s'agit pas là de tâches généralement considérées comme féminines mais d ' u n travail sur lequel certaines femmes seulement peuvent être employées avec succès. Elles y produisent alors un rendement que n'atteint pas la main-d'oeuvre masculine : «Toutes les femmes ne sont pas capables de s'adapter à ce poste et de faire le rendement» [D 3 ] - «C'est un travail rapide et délicat qui se fait debout et qui est pénible pour une femme. Les femmes qui y sont employées ont u n rendement très supérieur; l'homme fait 200 pièces à l'heure, les femmes en font 220» [D 3 ]. Quelquefois même l'emploi des femmes à la soudure autogène est présenté comme une innovation: « O n remplace progressivement les hommes par des femmes, formées dans la maison et moins payées, qui s'adaptent très bien à ce genre de travail» [ P 1 ] . Là encore, la rapidité gestuelle des femmes entre d ' a u t a n t plus en ligne de compte qu'il s'agit de travaux plus simples, à cycle plus court, comportant u n grand nombre de manipulations. Sur les travaux complexes, exigeant un niveau plus élevé de qualification, on emploie une main-d'oeuvre masculine. Si, dans les entreprises que nous avons visitées, l'emploi de la main-d'oeuvre masculine est prépondérant dans les travaux de soudure autogène (arc ou chalumeau), il n'en est pas de m ê m e pour la soudure à l'étain qui, dans l'échantillon, utilise 462 femmes sur 656 soudeuses. O n apprécie, dans la soudure à l'étain et surtout dans la petite soudure, la précision du geste féminin pour manier le fer à souder, la régularité de la répartition d u métal et surtout la rapidité de l'exécution: «Les femmes ont pour les petites soudures une habileté que n'ont pas les hommes. C'est de plus u n travail monotone» [I *]. Dans les entreprises produisant d u matériel électrique ou radio-électrique, on recherche particulièrement les femmes pour les travaux de soudure; les monteuses-câbleuses en particulier doivent assurer la mise en place et la soudure des câbles souvent très fins dans les appareils de radio et de télévision: «Travaux fins d e m a n d a n t de la dextérité, de la précision gestuelle et de la patience» [T a ] - «Travail demand a n t une certaine finesse des doigts» [T 9 ] - «Petites soudures qui doivent être impeccablement exécutées» [ U 1 ] . Pour u n travail tout aussi délicat, une importante entreprise de construction de matériel téléphonique [ T l ] a ouvert
Répartition des postes de travail
103
une école de soudure dans laquelle elle forme exclusivement des femmes pour des travaux bien définis. Dans une entreprise fabriquant d u matériel dentaire qui utilise une femme P. 1 pour tous les travaux de soudure à l'argent ou à l'étain, on précise : «Elle est dans la maison depuis trente ans et aucun h o m m e ne pourrait faire ce qu'elle fait» [U 1 1 ]. Nous n'avons trouvé en définitive que quatre entreprises employant des hommes à la soudure à l'étain. Dans les deux premières [C 2 et I 5 ] , les pièces étaient lourdes. Dans la troisième [L 3 ] « O n embauche des hommes faute de trouver du personnel qualifié mais on préférerait des femmes qui vont plus vite». Dans la quatrième [ M 3 ] , où l'équipe de soudure ne comprend que trois ouvriers dont un chef de file «qui doit être u n homme», on préfère, par souci de l'homogénéité de l'équipe, n'employer que d u personnel masculin. La soudure électrique par points se pratique généralement à l'aide d ' u n appareillage (petites machines à pédales) adapté aux fabrications qui assure à la fois le passage d u courant nécessaire à la fusion d u métal et la pression qui réalise le soudage. Elle utilise, elle aussi, essentiellement des femmes (87 dans l'échantillon contre 15 hommes). Les pièces soudées par ce procédé sont en général de faible épaisseur, donc peu pesantes et le travail, très différent de toutes les autres opérations de soudure, exige surtout des manipulations nombreuses et rapides. Ces caractéristiques suffisent à justifier la prédominance de l'emploi féminin: «Il faut surtout de la rapidité» [D 3 ] - «Travail simple et monotone exigeant surtout de la dextérité» [M 1 ] - «Comme il s'agit de petites pièces et que le travail comporte de nombreuses manipulations, les femmes sont plus rapides sur ces postes» [ O 4 ] - «Travail léger et simple» [ O 5 ] - «Travail effectué en grandes séries et d e m a n d a n t une grande vivacité de gestes» [ 0 1 0 ] . Indiquons pour terminer que toutes les fois qu'on nous a parlé d'ouvriers «capables de faire toutes sortes de soudures», il s'agissait d'hommes. La formation acquise par les femmes dans l'entreprise ou «sur le tas» était dans tous les cas étroitement spécialisée dans un genre de travail et aucune n'avait acquis la véritable formation polyvalente d u soudeur telle qu'elle est donnée dans les écoles professionnelles. Il n'en reste pas moins que l'emploi des femmes pour certaines tâches de soudure et précisément pour les tâches simples, effectuées en longues séries, semble actuellement en voie d'extension. Magasinage et emballage30 Les travaux de magasinage consistent essentiellement à assurer le stockage des matières premières ou des produits en cours de fabrication, leur répartition dans les ateliers au fur et à mesure des demandes de ceux-ci, le stockage des produits terminés. L'importance des services de magasinage, le degré de responsabilité qu'ils impliquent sont très variables d'une entreprise à l'autre et suivant la 30. Voir Annexe iv, p. 313-324 pour le magasinage et l'emballage.
104
Les industries des métaux
n a t u r e des fabrications. Il est très difficile d'autre part d'isoler les travaux de magasinage des travaux d'emballage auxquels ils sont souvent associés: dans la plupart des entreprises en effet le stockage des produits terminés et leur emballage se font dans les mêmes locaux et il arrive que le même personnel travaille alternativement au magasinage et à la préparation des expéditions. Le détail des observations figurant en annexe permet cependant de prendre une idée de l'importance relative de ces deux secteurs; on constate alors q u e les 625 hommes et les 614 femmes de l'échantillon travaillant au magasinage et à l'emballage se répartissent très différemment entre les deux types de travaux:
Emballage seulement Magasinage seulement Magasinage et emballage Total
Hommes 81 364 180
Femmes 412 84 118
625
614
La majorité des femmes est donc occupée à l'emballage tandis que la majorité des hommes travaille a u magasinage. Q u a n t au niveau de qualification il est dans l'ensemble relativement peu élevé. 3 1 Si on considère d'abord les travaux d'emballage, la distinction entre tâches masculines et féminines apparaît nettement: on utilise des femmes à l'emballage toutes les fois que le poids des objets à manipuler ne dépasse pas la limite de l'effort physique qu'elles sont susceptibles de fournir (emballage d'objets dans d u papier, rangement dans des boîtes ou des caisses, préparation de colis de petites dimensions, etc.). Il s'agit de travaux simples, de caractère monotone et fastidieux, mal payés, et surtout de travaux pour lesquels les femmes sont toujours plus rapides que les hommes parce qu'ils exigent de nombreuses m a n i pulations. Ces raisons ont été à maintes reprises exprimées p a r les employeurs : «Travail simple, toujours semblable» [E 6 ] - «Travail facile et monotone sur lequel les femmes sont plus rapides» [E 9 ] - «Travail simple d e m a n d a n t du soin et de la patience» [G "] - «Travail ne d e m a n d a n t aucune compétence spéciale et q u ' o n peut confier à des femmes» [ K 1 ] - «Travail simple que n'importe quelle femme sait faire» [ K ' ] - «Travail assis, facile et peu fatigant» [ M 2 ] «Travail très simple, il suffit d'aller vite» [ O 3 ] - «Il faut être rapide et supporter ce genre de travail» [ 0 1 0 ] - «Travail simple et routinier» [ R 2 ] - «Travail 31.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de ta main-d'oeuvre travaillant au magasinage et à l'emballage clans les 129 entreprises
O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
Hommes Femmes
22 77
204 399
339 124
34 1
Total
99 8
603 48,7
463 37,4
35 2,8
%
P.2
P.3
J.O.
Total
—
3
—
—
12 24
614 625
3 0,2
36 2,9
—
—
1239 100
Répartition des postes de travail féminin par excellence à cause de la rapidité gestuelle des femmes sur ce travail» [U a ]. Les hommes sont en général chargés de la confection des caisses ou des emballages occasionnant des manutentions plus lourdes et s'effectuant à un rythme beaucoup moins rapide. U n exemple typique donnera une idée de cette différence entre travaux masculins et féminins: dans une fabrique de câbles électriques [T 2 ], le poste de «mise en couronne» des petits câbles, à la sortie des machines automatiques livrant toutes préparées et à un rythme régulier les couronnes de câbles qu'il s'agissait de ficeler et d'emballer dans des cartons, était confié à des femmes. Le travail de l'ouvrière que nous avons observée s'effectuait à un rythme si rapide, imposé par la production de la machine, que nous l'avons vue s'y prendre à plusieurs reprises pour arriver à sortir son mouchoir de sa poche et à se moucher. Le travail des hommes à la sortie des machines livrant les gros câbles était un travail de force dans lequel la rapidité intervenait certes mais non comme un élément essentiel. Plus nettement basés sur la rapidité gestuelle dans les travaux répétitifs effectués sur de petits objets, les travaux d'emballage exécutés par les femmes sont presque toujours strictement sédentaires. Us se différencient sur ce point des travaux masculins qui impliquent souvent sinon une circulation dans l'atelier, du moins une série de déplacements. Il faut remarquer enfin que les travaux d'emballage exécutés par les femmes sont souvent placés sous la surveillance ou sous la direction d'un homme occupé dans la même équipe. U s'agit quelquefois d ' u n magasinier [ E 5 , 1 K 2 , K 6 ] , mais souvent aussi d'un ouvrier travaillant lui-même à l'emballage et à qui cette responsabilité confère une qualification légèrement supérieure [E ', K 1 , L 8 , L 1 1 ]. Nous n'avons pas rencontré de cas où une telle responsabilité soit confiée à une femme dans une équipe comprenant des hommes. Si les travaux d'emballage occupent, dans l'échantillon, une proportion importante de femmes, le magasinage, surtout lorsqu'il n'est pas alterné avec des tâches d'emballage, apparaît comme une tâche essentiellement masculine. Les commentaires des employeurs permettent d'en distinguer les raisons. Dans quelques cas la justification essentielle est l'intensité de l'effort physique à fournir [C 2 , C 3 , G 5, U 9 ] et il est certain que, dans certaines entreprises, le poste de magasinier implique la manipulation de pièces lourdes. Mais on remarquera que d'autres motifs interviennent plus souvent, dans les commentaires des employeurs, pour justifier l'emploi d'une main-d'oeuvre masculine et d'abord le niveau de connaissances nécessaires : «Les femmes n'ont pas les connaissances nécessaires» [I 2 ] - «U faut savoir marquer et calculer» [ K 8 ] - «Il faut avoir des connaissances mécaniques» [L 4 ] - «Travail pour lequel une petite instruction est nécessaire» [ O 5 ] . O n retrouve là l'idée déjà rencontrée d'une incapacité des femmes à occuper des postes demandant l'application de connaissances, même d ' u n niveau élémentaire. Elle est d'ailleurs en partie démentie, dans
io6
Les industries des métaux
l'échantillon même, puisque, dans quelques entreprises, ce sont précisément des femmes qui sont chargées de la tenue des fiches de contrôle d'entrée et de sortie [O 1 , P 1 , S 2 , T 8 , T 9 , T 1 2 ] . Les réponses les plus caractéristiques des employeurs sont cependant celles qui lient directement le fait de confier à des hommes les postes de magasinage aux responsabilités que comportent ces postes : «Travail comportant des responsabilités» [L 3 , L 1 1 ] - «Il y a des responsabilités» [ K 6 ] - «Poste de confiance» [ M 4 ] - «Poste responsable» [M u ] - «Travail responsable» [O n ] . Le caractère presque stéréotypé de ces commentaires mérite d'être souligné. Retenons pour le moment que, pour un certain nombre d'employeurs, la notion de tâche féminine et celle de poste responsable sont a priori inconciliables. Cette remarque se trouve confirmée si l'on constate que, lorsque des femmes sont occupées au magasinage, les employeurs ne m a n q u e n t pas de souligner qu'il s'agit soit de travaux simples, «routiniers» [I 3 , I 6 , M 8 , U 6 ] , soit de travaux impliquant une position subalterne par rapport aux magasiniers hommes: «Les femmes assurent surtout des travaux de rangement sous la direction des hommes» [E 4 ] - «Un homme O.S.2 fait le contrôle des stocks et la distribution de l'outillage, une femme O.S.l l'aide dans le comptage des pièces en stock et prépare les approvisionnements journaliers pour le montage» [E 1 0 ] - «Une femme O.S.l fait le comptage des pièces et la préparation des livraisons pour le montage. Elle travaille sous la direction d ' u n homme mensuel qui tient la comptabilité des matières premières et des pièces usinées» [I 1 ]. Citons enfin une réflexion qui indique très explicitement q u e les travaux de magasinage n'appartiennent pas à la catégorie des tâches pour lesquelles l'emploi de la main-d'oeuvre féminine offre des avantages particuliers: «C'est un travail d'épicier dans lequel les femmes ne sont guère utilisables» [ U 4 ] . Rivetage et sertissage32 Le rivetage et le sertissage ou agrafage que nous avons groupés ici consistent à assembler entre elles des pièces de métal mince. Pour le rivetage on se sert de rivets de métal dont on écrase l'extrémité libre. Dans le sertissage on r a b a t les bords de l'une des pièces à fixer sur les bords de l'autre pièce. Ces opérations ont été souvent associées par les employeurs lorsque nous leur demandions de nous indiquer la répartition du personnel et en fait elles utilisent des techniques très voisines. Le matériel employé est le plus souvent une petite machine actionnée par une pédale commandant le trajet d ' u n outil qui vient marteler l'extrémité du rivet ou replier et presser les bords des pièces à agrafer. Dans quelques cas, on utilise des machines automatiques que l'exécutant n'actionne pas lui-même mais qu'il doit alimenter à u n rythme donné. Le rivetage a u marteau ne se fait que pour les pièces importantes et pour les petites séries. 32. Voir Annexe iv, p. 324-327 pour les travaux de rivetage et de sertissage.
Répartition
des postes de
107
travail
Les travaux de rivetage et de sertissage qui occupent dans l'échantillon 422 femmes et 42 hommes sont, dans l'ensemble, des opérations simples bien qu'elles revêtent souvent un caractère pénible à cause du bruit assourdissant de la machine. Les qualifications ne dépassent pas le niveau d'O.S. 3 3 Les raisons de la prédominance de l'emploi féminin au sertissage et au rivetage sont voisines de celles qui ont été dégagées pour les travaux sur presses. Comme aux presses, les «temps morts» sur les machines à sertir et à riveter représentent une fraction élevée du temps de travail et la possibilité de réduire ces temps morts joue un rôle considérable dans l'accélération du rendement. De même qu'aux presses, on voit intervenir comme une justification de l'emploi des femmes, leurs qualités de rapidité dans la manipulation des pièces et l'alimentation de la machine : «Travail monotone demandant de la rapidité et de la dextérité» [K •] - «Travail simple exigeant des gestes rapides et précis sur lequel les femmes réussissent très bien» [L 2 ] - «Il faut pour ce travail une grande dextérité et surtout être capable de bien faire son travail en pensant à autre chose» [M 1 ] - «Travail sur lequel les femmes sont très rapides car il exige beaucoup de manipulations et parce qu'il est monotone et effectué en très grandes séries» [L •] - «Travail demandant une certaine légèreté de main et une grande rapidité gestuelle» [M 3 ] - «Travail simple mais il faut manier rapidement des objets qui ne sont pas lourds» [T 4 ]. On insiste dans plusieurs cas sur le fait que cette rapidité des femmes est encore plus sensible lorsque les objets sont légers ou de petites dimensions : «C'est une opération simple mais un travail fin demandant une finesse des doigts et une rapidité qu'on ne peut trouver que chez des femmes» [T 6 ] - «Travail sur lequel les femmes réussissent car il exige une grande économie de gestes et la manipulation de petites pièces» [U 2 ]. Nous n'avons rencontré, en définitive, que trois entreprises utilisant des hommes aux travaux de rivetage ou d'agrafage. Pour une d'entre elles [K 6 ] il s'agit de travaux plus lourds. Dans une autre [L 5 ], le rivetage est fait au marteau. L'effort physique est incontestablement plus important mais l'employeur fait remarquer aussi «que les femmes apprendraient difficilement le travail au marteau». On a là un nouvel exemple de travail impliquant une certaine liberté dans l'utilisation d'un outil, une appréciation de son effet, et dont les femmes sont jugées incapables. 33.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant au rivetage et au sertissage dans les 129 entreprises O.M.
O.S.I
O.S.2
J.O.
Total
Hommes Femmes
— 226
42 185
— 11
42 422
Total
226 48,7
227 48,9
11 2,4
464 100
%
P.l
P.2
P. 3
108
Les industries des métaux
Peinture, vernissage, émaillage34 La série des travaux effectués dans le processus de fabrication d'une entreprise des métaux comprend parfois, pour certaines pièces, des opérations de peinture, d'émaillage ou de vernissage. Elles peuvent être exécutées dans l'entreprise ou confiées à des maisons spécialisées appartenant elles-mêmes à la branche des industries des métaux et travaillant à façon. Les installations automatiques sont l'exception. Dans une entreprise fabriquant des accessoires pour l'automobile, nous avons pu voir cependant un poste entièrement mécanisé: dans une chambre de peinture avec polarisation (ce qui évite les projections et les pertes) circule un dispositif de transport des pièces qui pénètre ensuite dans un four de séchage. Dans une autre entreprise produisant des tubes souples en plomb ou en métal léger, le laquage des tubes est assuré par des machines spéciales alimentées par des ouvrières. Il suffit de parcourir les notes placées en annexe pour se rendre compte que les travaux de peinture, d'émaillage, de vernissage des pièces métalliques qui occupent dans l'échantillon 235 femmes et 184 hommes se font le plus souvent «au pistolet» c'est-à-dire à l'aide d'un pulvérisateur manié par l'exécutant; ils peuvent se faire aussi «au bain» (on dit aussi «au trempé») la pièce étant plongée dans un bain de peinture, d'émail ou de vernis. Il peut aussi arriver - mais rarement - que certaines reprises ou certaines décorations soient faites au pinceau après passage d ' u n e première couche. A côté de quelques emplois qualifiés, la majorité de ces postes sont des postes d'O.S. 3 5 Dans le cas le plus fréquent, celui de l'utilisation du pulvérisateur (peinture au pistolet), le travail se fait debout. Son caractère plus ou moins pénible est évidemment fonction du poids des pièces à manipuler mais le «pistolet» qu'il faut promener à bout de bras au-dessus de l'objet est souvent lourd (parfois plus d ' u n kilo suivant la quantité de peinture qu'il contient). Il s'agit de plus d ' u n travail salissant à cause des projections inévitables, et insalubre malgré l'obligation pour les entreprises d'installer des hottes ou des dispositifs destinés à aspirer les émanations. Il ne semblerait donc pas à première vue que l'on ait affaire à un poste féminin. Cependant, sur vingt-huit ateliers de peinture au pistolet visités au cours de l'enquête, douze seulement n'employaient que des 34. Voir Annexe iv, p . 327-333, pour les travaux de peinture, vernissage, émaillage. 35.
Ré'partition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant à la peinture, à V émaillage ou au vernissage dans les 129 entreprises O.M.
Hommes Femmes Total
%
9 3 12 2,8
O.S.l
O.S.2
P.l
P.2
P.3
J.O.
13 63
117 154
37 14
8
—
—
—
1
—
76 18,1
271 64,8
51 12,2
8 1,9
1
—
0,2
Total
184 235 419 100
Répartition des postes de travail
109
hommes, tandis que douze n'employaient que des femmes et quatre occupaient à la fois des hommes et des femmes, soit en tout 81 hommes et 63 femmes. A l'émaillage au pistolet, nous trouvons 62 hommes et 56 femmes. Q u a n t au vernissage au pistolet, il occupe dans l'échantillon 43 femmes et deux hommes, les opérations de vernissage se faisant en général sur de petites pièces. Les opérations «au trempé», beaucoup plus rares, ne sont pas moins pénibles et salissantes. O n y trouve cependant des femmes au vernissage et même à l'émaillage. Pour le travail au pinceau rencontré dans quatre cas, on a compté 31 femmes et un homme. L'emploi des femmes sur ces postes, et particulièrement sur les postes de peinture ou d'émaillage au pistolet ou au bain, appelle une double explication. Il s'agit, là encore, de travaux comportant de nombreuses manipulations (prendre la pièce, la poser sur une claie, effectuer la pulvérisation, retourner la pièce et pulvériser de nouveau, porter la pièce au poste de séchage) pour lesquelles la rapidité gestuelle des femmes est susceptible d'accélérer le rendement, à condition toutefois que les pièces ne soient pas trop lourdes ou trop encombrantes. Les commentaires des employeurs en offrent de nombreux témoignages: «Les femmes vont plus vite» [E 1 ] - «Les femmes vont plus vite sur les petites pièces et se lassent moins sur les longues séries» [G 6 ] - «Les femmes sont très rapides sur ce travail» [I - «Il s'agit en général de petites pièces sur lesquelles les femmes sont plus agiles» [K 2 ] - «Rien ne vaut les femmes lorsqu'il s'agit d ' u n travail facile sur des pièces très petites» [ M 1 ] - «Travail répétitif sur lequel il faut du soin mais aussi de la rapidité pour arriver au rendement» [S 3 ]. C'est donc le plus souvent la difficulté d u travail et le poids des pièces à manipuler qui déterminent le partage des tâches entre hommes et femmes. Lorsque le travail est lourd ou particulièrement insalubre, on fait appel à la main-d'oeuvre masculine; au moment de l'enquête, il s'agissait souvent de Nord-Africains. Il n'en est cependant pas toujours ainsi et, dans plusieurs cas, les employeurs reconnaissent eux-mêmes que les travaux confiés aux femmes sont lourds et pénibles : «Il n'y a pas de différence de poids entre les pièces traitées par les hommes et par les femmes. O n trouve difficilement une main-d'oeuvre masculine pour ce travail» [G '] - «Le travail comporte des manipulations souvent importantes mais on préfère employer des femmes car la main-d'oeuvre masculine est très instable sur ces postes» [1 6 ] - «Manipulations souvent lourdes mais les femmes sont plus rapides» [ K 6 ] - «Travail sale, l'ouvrière est isolée dans une pièce à cause de l'odeur du vernis. Peu d'hommes supporteraient ce travail» [T 4 ] - «Certains postes de peinture à l'essoreuse, plus pénibles, étaient tenus par des Nord-Africains. O n y a mis des femmes depuis peu, elles sont plus stables» [U 4 ]. O n touche ici à un second élément d'explication de l'emploi de femmes sur certains postes de peinture, d'émaillage ou de vernis-
11 o
Les industries des métaux
sage: leur caractère pénible et rebutant qui en éloigne la main-d'oeuvre masculine. Il s'agit le plus souvent de femmes relativement âgées qui ne trouveraient pas à s'employer ailleurs ou de femmes pour qui la légère supériorité du salaire joue comme un élément déterminant. Remarquons, là encore, le caractère interchangeable de la main-d'oeuvre immigrée et de cette catégorie de main-d'oeuvre féminine. Sur les postes de peinture mécanisés on emploie au contraire une maind'oeuvre jeune. Le travail est moins salissant et réduit à des tâches d'alimentation dont la cadence est toutefois extrêmement rapide. Dans l'opération mécanisée de laquage et d'impression de tubes souples dont il était question plus haut, 3 9 le travail consiste à garnir de tubes à laquer les broches d'un plateau tournant. La précision du geste doit être extrême puisque le diamètre des broches est égal au diamètre intérieur du tube. L'ouvrière, travaillant des deux mains à la fois, effectue l'approvisionnement au rythme de 2 890 pièces à l'heure soit 26000 dans la journée de neuf heures de travail. Les «aides>>37
Nous avons classé sous le nom d'«aides» les hommes et les femmes effectuant, dans les ateliers, une série de travaux auxquels il est difficile de donner un autre nom car ils sont très divers. Celui qui les effectue sert en général d'auxiliaire à un autre exécutant. On a trouvé sur ces postes 200 femmes et 94 hommes. Le niveau de qualification en est très bas puisqu'ils comportent une majorité de manoeuvres. 38 Il suffit de parcourir les ateliers pour se rendre compte qu'on peut distinguer parmi les aides plusieurs catégories d'ouvrières, chargées de travaux de caractères différents. On y trouve d'abord d'anciennes ouvrières devenues trop âgées pour assurer, sur les postes qu'elles occupaient, des rendements suffisants et qui ont été mutées à d'autres tâches: prélèvements dans les ateliers pour effectuer des essais en laboratoire [E 2 ], simples travaux de manutention comme ceux qui consistent, dans une fabrique de câbles, à passer les plaques de gomme aux ouvriers travaillant au boudinage [T 2 ], transport de pièces d'un atelier à un autre [T 1 2 ]. Certains postes d'aides toutefois, en raison de la 36. Voir p. 108. 37. Voir Annexe iv, p. 333-335 pour les «aides». 38. Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre effectuant des travaux d'«aide» darts les 129 entreprises O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
P.2
P. 3
J.o.
Total
Hommes Femmes
57 144
36 43
1 13
.—.
—
—
.—
94 200
Total
201 68,4
79 26,9
14 4,7
%
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
294 100
Répartition des postes de travail
111
rapidité qu'ils exigent ou de leur caractère pénible ne sont pas des postes de retraite, tel celui qui consiste à préparer le travail des hommes sur les rectifieuses automatiques en assurant le serrage des pièces dans les cadres [E 9 ], à transporter vers l'étuve, dans un atelier de peinture, de lourds plateaux chargés de pièces fraîchement peintes [L 6 ], à assurer la chauffe des pièces entre deux électrodes et à les passer aux «presseurs» lorsque le métal est entré en début de fusion [O 7 ]. Dans certains cas on recherche même une main-d'oeuvre jeune, de moins de dix-huit ans, qui subit l'abattement de salaire mais dont les qualités de rapidité sur les travaux simples sont très appréciées [L •]. Les raisons de l'emploi des femmes sur ces postes sont donc en définitive assez complexes. Elles semblent tenir en grande partie à la facilité avec laquelle on trouve pour ces travaux, toujours payés au taux le plus bas, une maind'oeuvre féminine: vieilles ouvrières qui ne trouveraient pas à s'employer ailleurs mais aussi femmes ou jeunes filles qui se contentent de salaires très faibles: «Il s'agit d'une série de travaux simples permettant l'emploi d'une main-d'oeuvre non qualifiée payée au taux le plus bas» [1 1 ] - «Travail facile et peu pénible, trop peu payé pour des hommes» [L 4 ] - «Travail pénible à cause du poids des plateaux et des différences de température; on n'y emploie cependant que des femmes à cause des bas salaires». [L 5 ], Lorsque les travaux sont trop lourds on recherche pourtant une maind'oeuvre masculine. Il est alors caractéristique de noter qu'elle était, au moment de l'enquête, presque toujours nord-africaine. On a déjà eu l'occasion de remarquer cette sorte d'interchangeabilité de la main-d'oeuvre féminine et nord-africaine sur les postes rebutants, pénibles ou mal payés. Le noyautage3*
Le «noyautage» qui occupe dans l'échantillon 180 femmes et 80 hommes est une opération de fonderie. Il consiste à préparer les «noyaux» de sable qui, placés à l'intérieur du moule, ménageront, lors de la coulée, des espaces creux parfois difficiles à obtenir par moulage ordinaire. Après la coulée, le sable du noyau se désagrège et peut être facilement évacué. La préparation des noyaux se fait en tassant un sable spécial dans des boîtes en bois ou en métal ayant intérieurement la forme du noyau à obtenir. Après ce «serrage» du sable dans les «boîtes à noyaux», il faut procéder au démoulage. Les noyaux de sable «verts», munis ou non d'une armature métallique, sont ensuite transportés, sur des plaques, vers une étuve afin d'être séchés et d'acquérir la perméabilité et la résistance nécessaires. La main-d'oeuvre employée au noyautage est en majorité composée d'O.S. Elle comprend environ 10% de professionnels presque tous P.l. 4 0 39. Voir Annexe iv, p. 335-337 pour le noyautage. 40. (V. page suivante).
H2
Les industries des métaux
La noyautage à la main se fait le plus souvent debout devant une sorte d'établi. Le sable est introduit à la main dans la boîte à noyaux. Le «serrage» se fait à la fois à la main et à l'aide de la «pilette» ou du «fouloir». Le «démoulage», opération délicate, se fait par renversement ou démontage du moule. Le noyau est ensuite égalisé à l'aide d'une raclette avant d'être porté au four. Une technique plus récente consiste à assurer l'introduction du sable dans le moule au moyen d'une machine appelée «machine à souffler les noyaux». Les machines à souffler ont fait leur apparition en France depuis une vingtaine d'années. Elles n'ont pas toutefois supplanté le serrage du sable à la main car elles ne peuvent être utilisées que pour les séries importantes et ne conviennent pas pour certains travaux délicats. De toutes façons, même avec la machine à souffler, le démoulage reste une opération manuelle. On utilise aussi, pour certaines fabrications de forme compliquée (les circulateurs d'eau par exemple) des dispositifs dits «à retournement de noyau»: le sable ayant été tassé dans les creux d'une sorte de matrice de fonte, l'exécutant procède au démoulage en retournant cette matrice à l'aide d'un dispositif spécial [C 2 ]. Le noyautage est dans l'ensemble un travail désagréable, à cause du caractère peu accueillant des ateliers de fonderie, à cause aussi de certains aspects pénibles de la tâche : le poids de la boîte à noyaux ou de la plaque à retourner est souvent considérable ; le sable qui a séjourné dans les cours est très froid en hiver; les produits qui assurent sa cohésion sont souvent irritants pour la peau. Les ateliers de noyautage sont cependant à prédominance féminine nettement marquée, surtout lorsqu'on y confectionne de petits noyaux. Les commentaires des employeurs en soulignent les raisons essentielles: c'est d'abord l'exigence d'une grande «légèreté de main» pour le serrage du sable qui doit être tassé d'une manière uniforme, «ni trop, ni trop peu»; c'est surtout la nécessité d'une grande habileté manuelle pour le démoulage au cours duquel le noyau «vert», très friable, ne doit pas être déformé; c'est enfin la rapidité inégalable des femmes sur ce genre de travail surtout lorsqu'il est exécuté en grandes séries: «Il faudra toujours des femmes au noyautage. Les noyaux pour les circulateurs d'eau, par exemple, ne peuvent être faits que par elles; on ne peut les faire à la machine à souffler et les hommes n'ont pas la main assez délicate pour ce genre de travail» [G 2 ] - «Il existe au noyautage des travaux particulièrement déli40.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant au noyautage dans les 129 entreprises O.M.
O.S.l
Hommes Femmes
—
—
25
Total
25 9,7
%
O.S.2
P.l
P.2
1 20
2
91
77 44
91 35
121 46,6
21 8
—
2 0,7
P.3
J.o.
Total
—
—
—
—
80 180
—
—
—
—
260 100
Répartition des postes de travail
113
cats que les hommes ne peuvent pas faire, surtout au démoulage où il faut des mains de sage-femme» [C 4 ] — «Il faut pour le démoulage une délicatesse que les femmes seules possèdent pour les petites pièces» [C 5 ] — «Elles sont plus adroites pour le tassage du sable et se lassent moins que les hommes à recommencer toujours les mêmes pièces» [C 6 ] - «La rapidité féminine sur ces travaux est telle qu'on a dû supprimer les salaires au rendement. Elles ont fait tomber elles-mêmes les temps» [D 1 ]. L'introduction des machines à souffler, introduction récente, dont on a dit plus haut quelques mots, soulève un problème intéressant. La machine à souffler n'utilise pas, pour le serrage du sable, les qualités particulières de la main-d'oeuvre féminine et la boîte à noyaux est souvent plus lourde à manipuler que la boîte utilisée pour le noyautage à la main. Le démoulage toutefois continue à être une opération manuelle. On pouvait donc se poser la question des répercussions de l'introduction de la machine à souffler sur l'emploi de la main-d'oeuvre féminine au noyautage. En fait, dans l'échantillon, sur cinq entreprises utilisant des machines à souffler les noyaux, deux n'y emploient que des femmes [C 1 et C 5 ], deux y emploient soit des hommes soit des femmes suivant le poids de la boîte [C 2 et C 3 ]. Quant à la cinquième entreprise elle a adopté une solution mixte : la machine est conduite par un homme mais celuici ne fait pas le démoulage; deux femmes qui font équipe avec lui en sont chargées : «On utilise ainsi les qualités féminines pour le démoulage mais on préfère employer un homme pour le maniement de la machine» [C 6 ]. L'attitude des employeurs vis-à-vis de la main-d'oeuvre féminine en fonderie est curieusement mélangée. Beaucoup se plaisent à déplorer la présence des femmes dans des ateliers inconfortables et dans un milieu rude à majorité de main-d'oeuvre masculine, mais ils se plaignent en même temps des difficultés de recrutement. «Le noyautage est un métier très dur pour une femme, nous disait l'un d'eux, un métier qui se perd et pour lequel on ne trouve plus guère que de vieilles ouvrières; les jeunes s'en vont dès qu'une autre industrie plus propre s'installe dans le voisinage» [C 2 ]. Tous insistent cependant sur les qualités exceptionnelles de cette main-d'oeuvre et doutent que la machine puisse un jour la remplacer complètement. Le polissage
41
Les travaux de polissage comportent un certain nombre d'emplois très qualifiés. Un polisseur professionnel doit savoir utiliser tous les matériaux de polissage et les monter, il doit pouvoir travailler sur toutes sortes de métaux et sur des objets de toutes formes. 11 n'en reste pas moins que, les entreprises étant presque toujours spécialisées dans un genre de fabrications, un bon nombre de polisseurs sont formés «sur le tas» pour un genre de travail bien défini et toujours le 41. Voir Annexe iv, p. 337-342 pour le polissage.
Les industries des métaux
114
même. Ils sont alors et restent soit de petits professionnels soit de simples O.S. 4 2 Les divers travaux de polissage occupaient dans notre échantillon 192 hommes et 97 femmes. L'absence des femmes dans les travaux qualifiés n'est pas surprenante puisqu'on ne forme pas de femmes dans les métiers du polissage. Plusieurs employeurs nous l'ont fait r e m a r q u e r : « O n ne forme pas de femmes polisseuses. C'est un métier» [G 3 ] - «Il s'agit de travaux qualifiés, en petites séries, pour lesquels la main-d'oeuvre féminine n'existe pas» [G 4 ] - «C'est un métier difficile pour lequel il faut un apprentissage» [M 1 S ], Les travaux sur tour à polir sont souvent des travaux pénibles. Il faut en effet déployer un effort physique important pour maintenir fortement l'objet contre l'outil polisseur animé d ' u n mouvement de rotation. Le travail du polisseur est aussi un travail salissant en raison des poussières qu'il soulève; c'est pour cette raison d'ailleurs que les ateliers de polissage sont le plus souvent isolés des autres ateliers. Ce caractère pénible et rebutant d u travail d u polisseur est souvent invoqué comme un obstacle à l'emploi des femmes, même lorsque les tâches sont peu qualifiées: «C'est u n travail qui demande un gros effort musculaire» [I 1 ] «Pour manipuler les pièces et les appliquer contre les polisseuses, il faut un gros effort physique. L'emploi des femmes ne donnerait rien sur ces postes» [1 5 ] «C'est un travail pénible et sale» [K '] - «L'effort musculaire est considérable. Des femmes ne réussiraient pas dans ces travaux» [L 3 ] - «Il s'agit d ' u n travail dégageant beaucoup de poussières et d ' u n travail pénible pour lequel on ne trouverait pas de femmes» [L 9 ] - «C'est dans tous les cas u n travail trop dur pour une femme à cause des poussières et de l'effort physique» [ O 2 ] - «Travail debout exigeant un gros effort d u poignet et qu'on ne peut confier à des femmes» [ U 3 ] . O n trouve à plusieurs reprises dans ces commentaires, outre l'expression d ' u n e répugnance à employer des femmes à des travaux trop durs, l'idée que cet emploi ne serait guère rentable [1 6 , L 3 ] et que de toute façon il serait difficile de recruter pour ces tâches u n personnel féminin. Il semble d'ailleurs que le polissage ait occupé autrefois un plus grand nombre de femmes et que leur emploi sur ces postes tende à diminuer [K 4 ]. Remarquons enfin que, dans deux cas, ce sont pour les employeurs des raisons d'ordre moral qui éloignent les femmes des ateliers de polissage: «On ne forme pas de femmes pour ce travail car il est impossible de mettre des 42.
Répartition,
Hommes Femmes Total
suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre dans les 129 entreprises
O.M.
O.S.l
— —
3 36
travaillant
au polissage
O.S.2
P.l
P.2
P. 3
J.O.
Total
68 59
79 2
34 —
8 —
— —
192 97 289 100
Répartition des postes de travail femmes dans un atelier de polissage à cause de la mentalité qui y règne généralement» [U 8 ] - «Il y a des femmes polisseuses mais on n'en a jamais embauché car les polisseurs ont mauvaise réputation et on se méfie encore plus des femmes polisseuses» [U 1 2 ]. Malgré toutes ces restrictions, on a trouvé dans l'échantillon, treize entreprises utilisant des femmes au polissage. On doit donc se demander comment leurs travaux se distinguent des travaux masculins de qualification correspondante. Il apparaît d'abord que, malgré ce qui a été dit plus haut, certains employeurs n'hésitent pas à confier aux femmes des travaux lourds. Nous retrouvons là soit de vieilles ouvrières, soit des femmes prêtes à accepter n'importe quel travail: «La femme est une vieille ouvrière des métaux entraînée au travail pénible et sale» [D 3 ]. Dans l'ensemble cependant les travaux féminins se distinguent par leur caractère moins pénible. O n fait remarquer d'ailleurs que leur rendement est alors supérieur à celui des hommes : «L'homme utilise un polissoir garni de cuir qui requiert un effort physique plus important. Les femmes font le polissage des petites pièces en aluminium ou en fer blanc. Elles réussissent très bien là où le travail n'est pas trop pénible» [1 2 ] - «Les hommes travaillent à la toile émeri ou à la peau de buffle et doivent savoir évaluer au jugé la quantité de métal à user. Les femmes travaillent à la flanelle ou à la peau fine; c'est plus simple et moins fatigant et dans ce genre de travail elles sont souvent meilleures que les hommes» [M 1 1 ] - «Ce sont des travaux simples que les femmes apprennent en quatre ou six semaines et qui demandent de la rapidité et une main légère car les pièces sont petites» [ M 7 ] - «Il ne s'agit pas d'un vrai travail de polisseur. Des femmes ayant un petit entraînement y réussissent très bien» [O ']. Tel est par exemple le cas des femmes qui, à l'aide de petits tours munis de brosses débarrassent, dans une fabrique d'appareils électro-ménagers, le manche de l'induit de l'excès de soudure ou de vernis; on voit bien alors comment la rapidité gestuelle des femmes et leur résistance aux travaux monotones permet d'obtenir un rendement supérieur à ce que serait celui d'une main-d'oeuvre masculine sur les mêmes postes. Si le polissage sur tours à polir occupe une proportion relativement peu importante de femmes, le brunissage est par contre une opération spécifiquement féminine. Le brunissage ne se fait pas sur tour à polir mais à l'aide d'un outil spécial, le «couteau à brunir» dont le manche en bois est muni d'une sorte de lame soit en acier, soit en pierre, soit en agate. A l'aide de cet outil l'ouvrière doit donner du brillant à certaines parties seulement d'objets généralement petits: boutons, insignes, fermoirs, etc. L'effort du poignet est considérable mais le mouvement est de très faible amplitude. Le brunissage est, de l'avis des employeurs, un métier qui se perd à cause du perfectionnement des procédés de recouvrement, à cause aussi de la répugnance des femmes pour un travail fati-
Les industries des métaux
116
gant et difficile qui demande une longue formation. Il est vrai que parmi les brunisseuses que nous avons vues, au cours de notre enquête, une seule dépassait la qualification d'O.S.2. On a enfin rencontré, dans quelques entreprises, des machines spéciales à polir. Le travail consistant essentiellement à alimenter la machine, on y utilise généralement des femmes. Dans une entreprise de roulements [U 2 ] on a toutefois noté une évolution intéressante du partage des tâches entre main-d'oeuvre masculine et féminine. 43 Le polissage des bagues de roulements, pour enlever la rouille avant le montage, se faisait sur deux sortes de machines, l'atelier étant en voie de modernisation. Sur les machines les plus anciennes, alimentées pièce par pièce, et où l'avance du chariot portant le coton imbibé d'abrasif se fait manuellement, on employait uniquement des femmes «à cause, nous a-t-on dit, de leur rapidité gestuelle et de la synchronisation des mouvements qui réduit les temps morts de la machine». A côté de ces machines anciennes, l'atelier possédait, pour accomplir les mêmes opérations, des machines semi-automatiques. On trouvait sur ces machines quelques femmes, anciennes ouvrières, mais on n'embauchait plus que des hommes : «La rapidité des femmes joue moins sur ce genre de machines et on dispose ainsi d'une main-d'oeuvre masculine à faire monter». Entendons par là que les hommes embauchés pour ce travail étaient destinés à recevoir dans l'entreprise une promotion que l'on n'envisageait pas de donner à des femmes. Le moulage de matières plastiques44
Le moulage de matières plastiques est une technique relativement récente. Elle a été adoptée par quelques entreprises des métaux qui, dans leurs fabrications, ont remplacé par des pièces en matière plastique certaines pièces fabriquées autrefois dans d'autres matières. 45 Il occupe dans l'échantillon 47 femmes et 258 hommes dont le niveau de qualification est dans l'ensemble assez bas. 4 ' Il était intéressant de voir comment, pour cette fabrication nouvelle, les 43. Cette entreprise est précisément celle dont on a parlé à propos des opérations de reprise. O n retrouve, devant des problèmes identiques, la même politique d'emploi de la main-d'oeuvre féminine pour des postes différents (voir p. 95). 44. Voir Annexe iv, p. 342-343 pour le moulage des matières plastiques. 45. Il arrive d'ailleurs souvent que la fabrication de ces pièces en matière plastique soient sous-traitées par des entreprises spécialisées. 46.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant au moulage de matières plastiques dans les 129 entreprises O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
P.2
P. 3
J.O.
Total
Hommes Femmes
— —
36 19
221 28
— —
1 —
— —
— —
258 47
Total %
— —
55 18
249 81,7
— —
1 0,3
— —
— —
305 100
Répartition des postes de travail
117
travaux avaient été répartis entre hommes et femmes. Sur dix entreprises qui, dans l'échantillon, comportent un secteur de moulage de matières plastiques, six n'y emploient que des hommes. Pour cinq, d'entre elles les raisons données se rapportent au caractère impressionnant de la machine, aux responsabilités que comporte son maniement et au caractère pénible du travail: «Il s'agit de grosses machines et d'un travail trop pénible pour des femmes »[G 3 ] «Le réglage est fait par le contremaître mais la surveillance comporte une certaine responsabilité» [M 1 ] - «Ce sont des machines trop impressionnantes pour des femmes» [T 2 ] - «A la rigueur des femmes pourraient le faire mais ce n'est pas l'habitude pour ce genre de machines» [T 5 ]. Pour la sixième entreprise employant des hommes, la réponse est d'un autre ordre, mais nous la citons car elle souligne le caractère d'appoint de la main-d'oeuvre féminine: «On pourrait y employer des femmes mais la maison est en baisse d'effectifs et il faut réemployer en priorité les hommes licenciés sur d'autres postes» [U •]. Contrairement aux précédentes, trois entreprises n'emploient que des femmes sur les machines à mouler les matières plastiques. On souligne alors le caractère plus léger du travail [T 4 ] mais aussi le fait qu'il convient à certaines femmes : «Les femmes qui réussissent bien sur ces tâches sont celles qui ont un travail régulier» [O 3 ]. En fait, bien qu'elle n'ait pas été bien clairement exprimée par les employeurs, nous saisissons là une autre raison de la faiblesse numérique de la main-d'oeuvre féminine sur ce genre de tâches: le travail sur machines à mouler s'effectue sur un rythme assez lent, les temps morts de la machine représentant une fraction peu élevée du temps de travail. Les qualités de rapidité et d'habileté manuelle des femmes ne trouvent donc à s'y exercer que dans une faible mesure. Le
décapage-dégraissage47
On a groupé sous la dénomination de décapage-dégraissage tous les travaux de nettoyage des pièces effectués soit en cours de fabrication soit lorsque les pièces sont terminées. Ils occupent dans l'échantillon 42 femmes et 65 hommes. Ils consistent le plus souvent à débarrasser les pièces de la couche de graisse ou d'huile dont elles ont été recouvertes au cours des opérations d'usinage. Les pièces sont alors plongées dans un bain décapant puis séchées à la sciure, le plus souvent dans des tonneaux tournant sur eux-mêmes; c'est ce qu'on appelle le «séchage au tonneau». Il faut ensuite débarrasser les pièces de la sciure. Ce sont des opérations salissantes, désagréables à cause des émanations des bains d'acide et pénibles à cause du poids des charges à transporter. Il arrive aussi que les opérations à exécuter soient plus simples: nettoyage par un jet d'air comprimé qui débarrasse les pièces des copeaux de métal, ou même simple47. Voir Annexe iv, p. 344-347 pour le décapage-dégraissage.
118
Les industries des métaux
ment nettoyage au chiffon avec ou sans utilisation de produits spéciaux. II s'agit dans tous les cas de travaux sans qualification. 48 Le dégraissage des pièces au bain d'acide, de soude ou de pétrole, dont les employeurs soulignent d'ailleurs le caractère insalubre, est généralement confié à des hommes et souvent à une main-d'oeuvre nord-africaine [D 3 , E 4 , M 4 , M 1 1 ]. On a cependant trouvé sur ces travaux un certain nombre d'ouvrières. Les commentaires des employeurs suffisent alors à souligner qu'il s'agit de femmes qui, soit à cause de leur âge soit pour d'autres raisons, n'ont pas trouvé à s'employer ailleurs ¡«Travail sale, parfois pénible. Les femmes jeunes ne veulent pas le faire; c'est une vieille ouvrière qui en est chargée; elle est encore robuste et n'a pas peur de se salir» [G 3 ] - «C'est un travail facile qui convient à certaines femmes qu'on ne peut mettre à d'autres travaux» [K 2 ]. Il s'agit là certes de cas peu nombreux; certaines visites d'ateliers au cours desquelles on peut voir des femmes âgées pataugeant dans le liquide répandu des bains décapants ou transportant de lourdes charges vers les tonneaux à sciure laissent pourtant une impression pénible. L'emploi des femmes est beaucoup plus fréquent lorsque les travaux sont moins sales ou moins malsains. Dans une émaillerie [G 7 ], ce sont des ouvrières que nous avons vu occupées à déboucher l'un après l'autre, à l'aide de petits tampons de caoutchouc, avant la cuisson des pièces, les trous bouchés par le dépôt d'émail : «C'est le type même du travail qu'on ne peut confier qu'à des femmes et que des hommes ne voudraient pas faire tellement il est ennuyeux», nous a dit l'employeur. Dans d'autres cas, c'est moins le caractère fastidieux du travail que sa ressemblance avec les travaux domestiques qui semble justifier l'emploi d'une main-d'oeuvre féminine. Pour le nettoyage des pièces au chiffon, avec des produits à nettoyer, on emploie de préférence des femmes: «C'est un travail que les femmes font naturellement bien» [M " ] - «C'est un travail qui convient bien aux femmes» [T 3 ] - «C'est surtout un travail de femmes, proche des travaux ménagers» [P *]. Lorsque des hommes sont employés aux mêmes travaux, ce sont «des ouvriers âgés, anciens manoeuvres qu'on a reclassés là»[P x ]. Gravure et marquage49
Sous les noms de «gravure», «imprimerie», «marquage» on désigne, suivant les 48.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant au décapagedégraissage dans les 129 entreprises
Hommes Femmes Total
%
O.M.
O.S.l
O.S.2
21 —
30 35
14 7
21 19,6
65 60,7
21 19,7
P.l
P. 2
P. 3
J.o.
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
—
49. Voir Annexe iv, p. 347-348 pour les travaux de gravure et de marquage.
Total 65 42 107 100
Répartition des postes de travail
119
entreprises, un certain nombre de tâches qui consistent à graver un chiffre, une marque ou une décoration sur les objets fabriqués (instruments de mesure, boîtes métalliques, boutons, ampoules électriques, petits objets en métal, etc.). Ils occupent dans l'échantillon 37 hommes et 27 femmes, presque tous O.S. 60 Les techniques utilisées sont très diverses et les conditions de travail très différentes d'une tâche à une autre. Dans une entreprise fabriquant des instruments de mesures linéair es par exemple [K 2 ], on se sert du pantographe pour graver les divisions ou les chiffres sur les mètres pliants tandis que l'on utilise les machines à imprimer ou la gravure chimique dans des cuves d'acide pour les autres instruments de mesure. Certains travaux de marquage se font au contraire à la presse (l'impression des plaques portant le numéro du châssis des voitures par exemple), d'autres utilisent le balancier, d'autres encore les outils à main. Nous avons donc affaire à une gamme de travaux variés à travers lesquels cependant il est possible de distinguer des lignes de clivage entre travaux masculins et féminins. L'effort physique à fournir, lorsqu'il est trop grand, éloigne les femmes de certains travaux: ainsi le marquage des becs de casserole [L 9 ] ou celui des selles de bicyclettes et de motocycles [P 2 ] qui se font à l'aide de grosses estampeuses à balancier, sont exécutés par des hommes. Lorsque l'opération est très mécanisée et demande surtout un travail de surveillance et de réglage des machines, elle est également confiée à des hommes [K 2 , L 4 , O 1 0 ] ; ce sont par exemple des hommes qui surveillent les rotatives à imprimer dans une fabrique de boîtes métalliques: «Le travail n'est pas pénible mais il exige une qualification et il comporte des responsabilités» [L 4 ]. Ce sont aussi des hommes qui surveillent les machines à imprimer dans une fabrique de bougies pour automobiles. Les travaux à prédominance manuelle, à caractère répétitif, exigeant du soin et de la rapidité sont par contre toujours confiés à des femmes. Ce sont des ouvrières qui, travaillant à l'aide d'un pantographe, marquent les repères et les chiffres sur trois règles en métal à la fois : «C'est un travail simple demandant du soin et de la rapidité et qui convient aux femmes. Il serait trop sédentaire pour des hommes» [K 2 ] ; ce sont des femmes qui, dans la fabrication des ampoules électriques, font en fin de chaîne le marquage des ampoules : «Travail simple qui demande de la rapidité en même temps qu'une grande délicatesse du toucher. Il ne peut être fait que par des femmes» [R ; c'est une femme 50.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre occupée aux tâches de gravure, imprimerie ou marquage dans les 129 entreprises
Hommes Femmes
O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
P.2
P. 3
J.o.
—
—
30 19
2
1
4
—
—
—
—
—
49 76,7
2 3,2
1 1
4 6,4
—
Total
—
%
—
8 8 12,7
— —
Total 37 27 64 100
I20
Les industries des métaux
également qui, à l'aide d'une petite machine à tampon, imprime une marque dont elle change à chaque fois le numéro sur les boîtiers des condensateurs: «C'est un travail simple et un peu fastidieux mais il nécessite du soin et une certaine conscience professionnelle» [ T 8 ] ; c'est une femme encore qui imprime les chiffres sur les cadrans d'appareils de mesure [U 9 ]. Dans deux cas seulement nous avons trouvé des hommes sur ces travaux légers à prédominance manuelle. Dans le premier cas, la gravure de petits boutons en métal est confiée à un ouvrier P.l ; c'est alors la variété du travail (variété des motifs à graver) qui est invoquée pour justifier l'emploi d'une main-d'oeuvre masculine. Dans une autre entreprise fabriquant de petits objets en métal [ M 1 1 ] un homme et une femme travaillent au «guillochage» de certaines pièces mais leurs tâches sont nettement délimitées: «Le travail de l'homme est un travail artistique qui nécessite du goût et une grande habileté manuelle. Il compose les dessins, détermine la profondeur du trait. Le travail de la femme est tout à fait différent. Il est mécanique et sans responsabilité puisqu'elle travaille sur des maquettes établies par le guillocheur et qui guident l'outil». Le cisalliage51 Le cisailleur est l'ouvrier qui découpe à la cisaille les plaques ou les bandes de métal qui seront ensuite découpées, embouties à la presse ou usinées dans l'entreprise. Il existe différents types de cisailles suivant la nature du métal, les dimensions ou l'épaisseur de la feuille à découper. L'ouvrier professionnel doit être capable de les affûter et de les régler en fonction du travail à accomplir. En réalité, le cisaillage qui occupe dans l'échantillon 25 femmes et 75 hommes présente un faible niveau de qualification. 62 Le travail du cisailleur exige la manipulation de grandes surfaces de métal, d'un poids souvent élevé. Ce caractère pénible de la tâche a été invoqué par la plupart des employeurs pour expliquer l'absence des femmes: «C'est un travail pénible car il faut manipuler de grandes feuilles de tôle» [D 3 ] - «C'est un travail qui nécessite des manipulations lourdes et de nombreux déplacements» [ I 6 ] . On trouve aussi dans les réponses des employeurs quelques allusions à la responsabilité du cisailleur qui doit régler la machine suivant les dimensions à fournir : «C'est un travail qui nécessite à la fois une qualification pour la con51. Voir Annexe iv, p. 349-351 pour les travaux de cisaillage. 52.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant au cisaillage dans les 129 entreprises O.S.l
O.S.2
P.l
P. 2
P. 3
J.O.
Hommes Femmes
15 17
54 8
6
— —
— —
— —
Total
32 32
62 62
6 6
O.M.
%
Total 75 25 100 100
Répartition
des postes
de travail
121
duite de l'outil et un effort physique. Il comporte de plus des responsabilités» [K 1 ] - «Travail qualifié, comportant des responsabilités» [O 3 ]. La responsabilité que comporte la tâche apparaît ici encore comme l'une des justifications du non-emploi de la main-d'oeuvre féminine. Dans trois entreprises cependant des femmes travaillent au cisaillage. La raison nous en a été donnée d'une manière assez crue dans une fabrique d'emballages métalliques en fer blanc qui occupe sur ces tâches quinze hommes et six femmes, tous O.S.2 : «On emploie le plus possible de femmes car elles sont moins payées» [L 2 ]. Dans les deux autres entreprises, on a tenu à souligner qu'il s'agit d'un travail léger: «Les feuilles à manier ne sont pas d'un poids excessif. Il y a seulement un danger de coupure. Les femmes réussissent bien sur ce travail» [L 4 ] - «Tous ces travaux sont faciles et légers, il s'agit d'anciennes ouvrières» [T 8 ]. Le meulage
et
l'ébarbage63
Le meuleur et l'ébarbeur sont des ouvriers capables soit d'enlever sur les pièces de métal les bavures provenant de la coulée, du cisaillage ou du découpage, soit de procéder au désablage intérieur et extérieur des pièces coulées. Ils travaillent soit sur des meules en grès ou en émeri, soit à l'aide d'outils mécaniques. Nous avons classé avec eux les sableurs qui procèdent au nettoyage des pièces à l'aide d'un jet de sable. Il s'agit là de tâches d'O.S. Parmi les 21 femmes et les 226 hommes utilisés sur ces postes, aucun ne dépasse la qualification d'O.S.2. 64 Le meulage et l'ébarbage sont des travaux pénibles, surtout lorsque les pièces sont lourdes, puisqu'il faut les soulever pour les appliquer contre la meule. Ce sont souvent des travaux dangereux ; ce sont aussi des travaux sales à cause des projections de débris qu'ils entraînent. La plupart des employeurs qui n'utilisaient pas, sur ces postes, de main-d'oeuvre féminine ont insisté sur ces trois aspects des conditions de travail. A certains moments cependant, et notamment au cours de la guerre 1939-40, des femmes ont été occupées à l'ébarbage. Ce fait nous a été signalé dans une entreprise [C a ] qui n'y emploie plus actuellement que des hommes. En fait, les travaux d'ébarbage sur lesquels nous avons trouvé des femmes 53. Voir Annexe iv, p. 351-353 pour le meulage et l'ébarbage. 54.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant au meulage et à l'ébarbage dans les 129 entreprises O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
P.2
P. 3
J.O.
Total
Hommes Femmes
— —
53 15
173 6
— —
— —
— —
— —
226 21
Total %
— —
68 27,5
179 72,5
— —
— —
— —
— —
247 100
122
Les industries des métaux
dans trois entreprises n'ont q u ' u n e ressemblance lointaine avec ceux dont il a été question plus haut. Dans le premier cas, il s'agit non de l'ébarbage d ' u n métal mais de celui des «noyaux» de sable utilisés en fonderie après leur passage a u four : «C'est un travail facile, peu pénible, d e m a n d a n t une certaine légèreté de main car il ne faut pas déformer le noyau. Il convient très bien aux femmes, d ' a u t a n t plus que les séries sont importantes» [C 3 ]. Dans le second cas, c'est l'ébarbage d'objets en matière plastique qui est confié aux femmes: «C'est u n travail léger, d e m a n d a n t beaucoup de manipulations et sur lequel les femmes sont rapides» [G 3 ]. Dans le troisième cas, il s'agit de l'ébavurage et d u planage de l'extrémité de petits ressorts, travail léger d e m a n d a n t de nombreuses manipulations [K 1 ]. L'estampage et le matriçage 55 L'estampage et le matriçage qui utilisent, dans les entreprises visitées, 18 femmes et 125 hommes, se font soit à froid soit à chaud. L'estampeur à froid réalise dans le métal des dessins en relief ou en creux au moyen d ' u n e presse à balancier, d ' u n e presse à genouillère ou d ' u n e presse hydraulique. L'estampeur à chaud procède à la mise en forme du métal chaud dans des matrices en opérant soit par pression soit par choc. Il s'agit, dans la majorité des cas, de postes d'O.S. Dans une entreprise cependant [O 1 ], les cinquante hommes travaillant à l'estampage étaient des ouvriers qualifiés. 58 Vestampage à froid comporte une gamme de travaux relativement légers, exigeant de nombreuses manipulations et sur lesquels on utilise de préférence une main-d'oeuvre féminine: estampage de petits objets en laiton e n t r a n t dans la fabrication d'appareils à gaz : «Poste assis, peu pénible, qui demande de la régularité et de la persévérance» [D 2 ] ; gravure réalisée sur des boutons à l'aide de petits balanciers à friction, travaux sur lesquels «elles sont imbattables pour la rapidité» [ M 4 ] . O n n'utilise une main-d'oeuvre masculine que lorsque le métal plus dur ou le format plus grand exigent l'usage du «mouton» trop lourd à manier pour des femmes [1 3 , M 4 ] . L'estampage ou le matriçage à chaud sont par contre considérés comme des travaux masculins à cause de la chaleur à supporter et de l'effort physique à fournir. Plusieurs entreprises ont précisé qu'elles employaient sur ces travaux 55. Voir Annexe iv, p. 353-355 pour les travaux d'estampage et de matriçage. 56.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant au matriçage et à l'estampage dans les 129 entreprises O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
P.2
P.3
J.O.
Total
Hommes Femmes
— —
36 8
39 10
— —
50 —
— —
— —
125 18
Total %
— —
44 30,7
49 34,3
— —
50 35
— —
— —
143 100
Répartition des postes de travail
123
des Nord-Africains. L'une d'entre elles y a occupé une femme pendant quelques années: «C'est un travail dur. Une femme l'a fait pendant quelques années mais c'était exceptionnel. On y emploie des Nord-Africains» [D 2 ]. Pour une autre entreprise où cinq hommes et quatre femmes O.S.2 font du matriçage à chaud de robinetterie, le rapprochement entre la main-d'oeuvre nord-africaine et la main-d'oeuvre féminine la plus déshéritée était encore plus significatif: «C'est un travail pénible mais simple et bien payé. On ne trouve plus guère de femmes pour le faire, sauf les femmes seules qui veulent essayer de gagner plus. Celles qui travaillent actuellement au matriçage viennent de la reprise. Les hommes sont des Nord-Africains» [J 1 ]. Le revêtement (mise au bain)6
7
Le metteur au bain est chargé de réaliser, en les plongeant dans des bains d'électrolyse, le revêtement de certaines pièces métalliques (zinguage, nickelage, coloration etc.). Certaines entreprises réalisent elles-mêmes le revêtement des pièces à traiter. D'autres le confient à des maisons spécialisées qui sont classées dans le groupe des métaux. Le personnel occupé aux travaux de revêtement proprement dit comprenait, dans l'échantillon, 14 femmes et 223 hommes. Le metteur au bain doit, en principe, savoir doser les bains et régler les rhéostats pour donner les intensités de courant nécessaires. En réalité, si les équipes occupées à ces travaux comprennent souvent un ou plusieurs ouvriers qualifiés, elles sont, dans de nombreux cas, composées d'O.S. ou même de manoeuvres capables de réaliser une opération bien définie, toujours la même. Cette remarque explique la répartition des qualifications dans l'échantillon. 68 Les ateliers où se pratique la mise au bain sont parmi ceux qui provoquent chez le visiteur l'impression la plus désagréable à cause des émanations des bains, à cause aussi de l'humidité et de la chaleur qui y régnent. Les femmes n'en sont cependant pas absentes, puisque les attacheuses dont on parlera plus loin et qui sont chargées de fixer les pièces à des tringles ou à des crochets à suspendre dans les bains, travaillent en général dans un coin de l'atelier. Le travail de mise au bain proprement dit occupe cependant peu de femmes et les raisons données par les employeurs sont de plusieurs ordres. Presque tous invoquent d'abord l'effort physique à fournir; celui-ci est quelquefois impor57. Voir Annexe iv, p. 355-359 pour les travaux de revêtement. 58.
Hommes Femmes Total
%
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre occupée au revêtement des métaux dans les 129 entreprises O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
P.2
P. 3
J.o.
6
162 4
14
1
—
3 1
—
—
37 9
6 2,5
46 19,4
166 70
14 6
1 0,4
4 1,7
—
—
—
Total 223 14 237 100
Les industries des métaux
124
tant puisqu'il faut soulever constamment les pièces pour les plonger dans les bains. Le caractère malsain du travail, à cause des émanations des bains, est aussi mis en avant. 5 8 De nombreux commentaires se rapportent à la responsabilité qu'il comporte, responsabilité qui semble impliquer l'emploi d'une main-d'oeuvre masculine. Le caractère non sédentaire d'un travail qui exige des va-et-vient constants d'un bac à l'autre est plusieurs fois souligné comme une raison d'en éloigner la main-d'oeuvre féminine. Nous citerons parmi ces commentaires les plus caractéristiques : «La mise au bain est un travail malsain et pénible, ce n'est pas un travail de femme» [G 3 ] - «C'est un travail qui demande des déplacements constants et qui est trop pénible pour des femmes» [G 4 ] «Les metteurs au bain ont des responsabilités puisque les séries sont très variées suivant les commandes, de plus certains produits sont toxiques. On ne pourrait pas employer des femmes sur ces postes» [G '] - «C'est un travail d'homme qui exige beaucoup de déplacements et qui est parfois assez sale» [O 3 ] - «Ce n'est pas un travail de femmes. Il suffit de le regaider pour s'en convaincre» [O 5 ] «Ces postes ne leur conviendraient pas, ce ne sont pas des postes sédentaires» [T»]. On a trouvé cependant, dans quatre entreprises, des femmes travaillant à la mise au bain. Dans la première, deux femmes O.S.2 dirigent le secteur d'oxydation anodique où l'on ne traite que des pièces légères: «Elles jouent le rôle de chefs de file et ont des éléments de responsabilité» [G 1 ]. Dans la seconde, une fabrique de fermetures à glissières où tout le travail de production est assuré par des femmes, c'est une ouvrière P.3 qui est chargée des bains de coloration: «Le travail ne demande pas d'effort physique mais il comporte de grandes responsabilités. La femme qu'on y emploie donne toute satisfaction» [M 9 ]. Ces commentaires sont en contradiction avec ceux que nous avons cités plus haut. Dans les deux autres entreprises les travaux de mise au bain confiés à des femmes étaient des travaux sales. Les ouvrières qui en étaient chargées semblaient appartenir à cette catégorie de main-d'oeuvre féminine qui ne trouverait pas à s'employer ailleurs: vieilles ouvrières chargées de la mise au bain dans une entreprise d'emballages métalliques [I 2 ], femmes O.S.l travaillant à l'étamage au bain d'étain de fils de cuivre et au sujet desquelles on précise: «On utilise le plus possible la main-d'oeuvre féminine car, étant donné les salaires très justes, on trouve difficilement des hommes» [T 2 ]. La
réparation,0
Un certain nombre d'entreprises possèdent, à côté de leurs ateliers de fabrication, un secteur consacré à la réparation des pièces jugées défectueuses au 59. On peut se demander d'ailleurs si ces émanations ne sont pas tout aussi nocives pour les attacheuses. 60. Voir Annexe iv, p. 359 pour les travaux de réparation.
Répartition des postes de travail
125
contrôle final ou renvoyées par le client. Ces travaux qui occupent dans l'échantillon 13 femmes et 55 hommes représentent dans certains cas un niveau de qualification relativement élevé; il s'agit en effet d'être capable à la fois de détecter la défectuosité et d'y porter remède. 61 Plusieurs employeurs ont fait remarquer que les travaux de réparation sont inaccessibles aux femmes à cause précisément des connaissances et des aptitudes qu'ils requièrent: «Il faut pour ce travail un certain sens mécanique. De plus il comporte des opérations d'ajustage que les femmes ne savent pas faire» [E 7 ] - «Il faut connaître la mécanique, les femmes ne pourraient pas faire ce travail» [P 1 ] - «Ce n'est pas le genre de travail qui convient aux femmes; de plus, il y faut une qualification qu'elles n'ont pas» [U 2 ]. Les travaux de réparation, par leurs caractéristiques, sont différents des travaux généralement considérés comme spécifiquement féminins. Dans deux entreprises nous avons pourtant trouvé des femmes à la réparation. Les différences avec les travaux masculins méritent alors d'être soulignées. Dans le premier cas, on fabrique des appareils de signalisation pour automobiles. Les travaux de réparation effectués par les trois femmes O.S.l et les deux hommes O.S.2 sont identiques (démontage, remontage, essai) mais ce sont les hommes qui, lorsque cela est nécessaire, font le montage des appareils sur les voitures des clients; les femmes travaillent uniquement à l'atelier. Dans le second cas, dix femmes et dix-neuf hommes travaillent au dépannage de postes de radio fabriqués dans l'entreprise, lorsque leur fonctionnement est défectueux. La responsabilité du travail appartient à onze hommes P.2, les femmes ne font qu'effectuer «sous leurs ordres» des travaux partiels de démontage et de vérification. Les pontonniers62
Le pontonnier est le conducteur d'un appareil généralement appelé «pont roulant». Celui-ci est utilisé soit pour le transport des masses de métal, accrochées à un câble d'un point à l'autre de l'atelier, soit en fonderie, pour le transport de poches de coulée. Généralement isolé dans une cabine qui domine l'atelier, le pontonnier manoeuvre le pont roulant d'après les indications qui lui sont adressées du sol. Il assume une double responsabilité, celle d'une 61.
Hommes Femmes Total
%
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre occupée aux travaux de réparation de la production dans les 129 entreprises O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
P.2
P. 3
J.o.
— .
—
11
26 10
18
—
—
—
—
—
36 53
18 26,5
—
—
—
—
—
3 3 4,3
11 16,2
62. Voir Annexe iv, p. 359-360 pour les pontonniers.
Total 55 13 68 100
126
Les industries des métaux
m a n o e u v r e correcte et celle de la sécurité des ouvriers restés a u sol pour qui u n e fausse m a n o e u v r e risque d'être la source d'accidents graves. Il doit d o n c observer u n e série d e consignes très strictes : refuser la m a n o e u v r e si l ' a m a r r a g e a u sol n ' a pas été fait correctement, effectuer u n d é m a r r a g e lent et progressif, vérifier l'équilibre de la charge, en éviter les balancements, ne pas la laisser passer au-dessus d u personnel ouvrier sans l'avertir a u moyen d ' u n klaxon. Il s'agit d o n c là d ' u n travail qui, s'il ne d e m a n d e pas u n e longue formation (tous les pontonniers dans l'échantillon étaient classés O.S.2), exige des qualités de prudence, d'attention, d'habileté, de conscience professionnelle. Il n ' e n est q u e plus intéressant de constater q u e sur dix-neuf postes de pontonniers rencontrés dans trois entreprises a u cours de notre enquête, 13 étaient confiés à des femmes. Il s'agissait d'ailleurs p o u r ces trois entreprises d ' u n e expérience récente: « O n emploie des femmes pontonnières depuis deux mois seulement. O n s'est a p e r ç u qu'elles avaient la m a i n plus douce» [ C 3 ] — « O n s'est a p e r ç u depuis peu, et c'est u n fait général, q u e les femmes sont plus habiles q u e les h o m m e s sur ce poste» [ C 4 ] . D a n s la troisième entreprise [ D 1 ] on nous a d o n n é u n e explication plus complète. E n général les pontonnières sont choisies p a r m i le personnel de la maison parce qu'il est bon qu'elles aient u n e connaissance p r a t i q u e d u travail qui se fait dans l'entreprise. O n choisit p o u r ce poste les ouvrières «attentives, intelligentes et consciencieuses»; elles doivent avoir «un certain sens géométrique de l'espace». D e plus, nous a-t-on dit, «c'est u n travail q u i comporte b e a u c o u p de temps morts. P e n d a n t ces temps morts, l ' h o m m e isolé se morfond dans sa cabine ; la femme, elle, sait s'occuper à lire ou à tricoter» [ D 1 ] . Il est intéressant d e noter q u e les qualités féminines p o u r ce genre de travail n e sont pas envisagées seulement sous l'aspect professionnel, mais q u e des considérations d ' o r d r e psychologique entrent en ligne de compte. D ' u n e manière générale le n o m b r e des femmes o c c u p a n t le poste de pontonnière semble être, dans la période actuelle, en voie d'accroissement. C'est, nous a-t-on dit «un poste envié». Il est vrai qu'il revêt u n caractère très différent d e ceux des t r a v a u x généralement confiés a u x femmes. Le moulage de fonderie63 L e moulage, en fonderie, c'est-à-dire la fabrication d u moule dans lequel sera coulé le métal en fusion et à l'intérieur d u q u e l seront éventuellement placés les « n o y a u x » 8 4 p e u t être réalisé p a r des procédés différents suivant les caractéristiques de l'objet à mouler et suivant la q u a n t i t é de pièces à produire. D a n s certaines fonderies, p o u r les très grosses pièces, les ouvriers creusent et façonn e n t à m ê m e le sol le m o u l e dans lequel sera coulée la fonte. Ailleurs on peut voir des machines à mouler, f a b r i q u a n t les moules en série. Le métier de 63. Voir Annexe iv, p. 360-361 pour le moulage de fonderie. 64. Voir p. 111.
127
Répartition des postes de travail
mouleur n'est très qualifié que dans les fonderies travaillant «sur modèles» [G 4 , C ' ] ; ailleurs, et surtout sur les machines à mouler, il dépasse parfois la qualification d'O.S.2. 8 5 Alors que le noyautage, en fonderie, est un secteur essentiellement féminin, le moulage est considéré comme un travail masculin. Dans les explications des employeurs il est question de l'effort physique à fournir et de la qualification requise. Nous y voyons figurer aussi des éléments qui touchent plus spécialement à la tradition, éléments particulièrement importants dans une industrie ancienne comme la fonderie: «Les femmes ne font jamais de moulage en fonderie» [C 6 ] - «En tout cas ce n'est pas un travail de femmes» [C 7 ]. Il n'en est que plus intéressant de remarquer que, dans une des entreprises de l'échantillon, dix femmes O.S.l sont occupées au moulage aux côtés de quarante-cinq hommes O.S.2. Il s'agit non pas d'une fonderie proprement dite mais d'une fonderie annexée à une entreprise où le secteur d'usinage occupe la majorité du personnel et travaillant en grande série. Cet emploi des femmes sur machines à mouler est relativement récent. Les hommes font les pièces les plus lourdes tandis que «les femmes sont plus rapides et plus expertes sur les petites pièces» [D 1 ]. Remarquons toutefois que cette différence vaut aux femmes d'être classées O.S.l tandis que les hommes sont O.S.2. 2. Les postes uniquement féminins
(groupe C)88
Avec les postes du groupe C nous abordons la série des emplois sur lesquels nous n'avons toujours rencontré que des femmes. Ils sont au nombre de trois : le bobinage, les postes d'attacheuses et les travaux sur balancier. Le bobinage87
Le bobinage occupait dans l'échantillon 1104 femmes, en majorité classées dans la catégorie des O.S. (165 O.S.l, 872 O.S.2, 15 P.l et 52 jeunes ouvrières). La plupart travaillaient dans des entreprises appartenant aux industries radioélectriques et à celle des accessoires automobiles. 68 Le bobinage se fait à l'aide de petites machines appelées «tours à bobiner» 65.
Répartition, suivant le niveau de qualification, de la main-d'oeuvre travaillant au moulage de fonderie dans les 129 entreprises
Hommes Femmes Total
%
O.M.
O.S.l
O.S.2
P.l
P.2
P. 3
J.o.
Total
—
—
129
7
10
148 10
— — —
10 10 6,4
—
129 81,6
7 4,4
2
—
—
—
—
10 6,3
2 1,3
—
66. Voir tableau 1, p. 77. 67. Voir Annexe iv, p. 361-364 pour les travaux de bobinage. 68. (V page suivante).
—
158 100
128
Les industries des métaux
qui assurent la rotation du support isolant sur lequel doit être enroulé le fil. Dans les tours à main, l'ouvrière, un pied sur la pédale qui lui sert à accélérer ou à ralentir le mouvement, guide de la main l'enroulement du fil. La bobineuse sur tour automatique procède à l'alimentation et à la surveillance de la machine capable d'effectuer le plus souvent plusieurs bobinages simultanément. L'une et l'autre peuvent avoir, au cours de leur travail, à exécuter quelques soudures simples : soudure de deux parties du fil en cas de rupture, soudure et branchement des fils de sortie de la bobine. Elles peuvent aussi être chargées de contrôler leur travail à l'aide d'un appareil de mesure électrique. Le fil est de diamètre très variable, il peut être dans certains cas extrêmement fin (quelques centièmes de mm). Une fiche de fabrication spécifie le nombre de tours par couche et le nombre de couches de fil. Le plus souvent d'ailleurs chaque bobineuse est spécialisée dans un type de bobine. Si le travail de la bobineuse est considéré comme une tâche typiquement féminine c'est sans doute d'abord parce qu'il s'agit d'un travail peu pénible qui s'effectue en général dans des ateliers propres et peu bruyants. L'analogie de la matière travaillée, le fil, avec celle qu'utilisent les métiers traditionnellement féminins entre sans doute aussi en ligne de compte. Mais plus que tout autre sans doute, ce métier nécessite l'agilité des mains, la sensibilité des doigts, le soin. Aussi les employeurs recherchent-ils pour le bobinage non seulement les femmes jeunes mais surtout celles qui ont fait un apprentissage dans les métiers de la couture et qui ont, par cette formation, développé ces qualités. Les commentaires des employeurs sont à ce sujet très explicites : «Travail exigeant une grande habileté manuelle, la plupart sont d'anciennes couturières» [E 1 ] - «Ce sont en général des travaux simples sur lesquels les femmes et surtout les anciennes couturières sont imbattables» [O 5 ] - «Les femmes réussissent sur ce travail grâce à la rapidité et à la précision de leurs gestes» [ 0 1 0 ] - «On recherche par annonces des jeunes filles ayant un G.A.P. de couture. Elles sont plus rapides et ont acquis l'habitude du travail soigné» [S 1 ] - «On ne peut employer que des femmes sur ce travail et même seulement des femmes jeunes» [S 2 ] - «On recherche les jeunes filles de moins de vingt-cinq ans ayant le G.A.P. de couture» [S 4 ] - «Les anciennes couturières font merveille sur ces postes» [T 4 ] «Il faut des femmes pour le bobinage car elles sont habituées à manier le fil» [T 9 ] - «Il faut une grande dextérité et une finesse des doigts qu'on ne trouve 68. La répartition des 1104 bobineuses entre les différentes branches était la suivante: Construction de machines Automobiles et accessoires Lampes électriques Construction radio-électrique Matériel et machines électriques Instruments de précision Total
37 183 24 541 219 100 1 104
Répartition
des postes de travail
129
souvent que chez les anciennes couturières» [U ']. On saisit, à travers ces commentaires, une autre explication du caractère exclusivement féminin des travaux de bobinage : la facilité avec laquelle on trouve pour les effectuer la maind'oeuvre féminine la plus avantageuse, celle qui, formée dans les métiers de la couture, n'a pas trouvé à s'y employer ou préfère aller chercher dans l'industrie des salaires un peu plus élevés que ceux de la couture. Groupées dans des ateliers de bobinage entièrement féminins, généralement clairs et propres, ces jeunes filles ou ces jeunes femmes ont moins que sur d'autres postes l'impression d'être venues «en usine». La plupart d'entre elles, munies d'un C.A.P., font pourtant un travail d'O.S. et reçoivent un salaire d'O.S. pour un travail dans lequel elles utilisent des qualités acquises au cours d'un apprentissage. Les attacheuses ••
A propos du travail des metteurs au bain dans les ateliers où se fait le revêtement de certaines pièces métalliques 70 on a déjà parlé des attacheuses. Elles sont au nombre de 206 dans l'échantillon (5 manoeuvres, 148 O.S.l, 53 O.S.2). Leur travail consiste à attacher les pièces à des supports qui seront ensuite plongés dans les bains d'électrolyse. Suivant la forme et la dimension des objets, la nature du support et le procédé d'attachage sont variables. Il s'agit parfois d'accrocher les pièces, parfois aussi de les attacher avec un fil de laiton. Dans tous les cas le travail doit être fait de manière à éviter que les objets ne se touchent une fois plongés dans le bain, et l'attachage doit être assez solide pour qu'aucune pièce ne tombe au fond de la cuve au cours de la mise au bain. Les attacheuses sont installées en général dans un coin de l'atelier de mise au bain c'est-à-dire non loin des cuves; elles travaillent le plus souvent les bras élevés au-dessus de la tête et à un rythme qui doit être assez rapide pour assurer l'approvisionnement des bains. Il s'agit donc de travaux accomplis dans des conditions peu agréables, demandant une certaine rapidité d'exécution et surtout de travaux fastidieux. Ce caractère monotone et répétitif des travaux d'attachage apparaît comme l'une des raisons essentielles d'un emploi exclusivement féminin. Les commentaires des employeurs insistent à plusieurs reprises sur le fait que les femmes s'y montrent particulièrement rapides et que de tels emplois ne seraient pas acceptés par des hommes. Mais une autre explication se fait jour à travers ces commentaires: le bas niveau des salaires qui trouve lui-même une justification dans la facilité avec laquelle on recrute, pour de tels travaux, une main-d'oeuvre féminine acceptant des rémunérations peu élevées. On souligne que les postes d'attacheuses peuvent être confiés soit à de vieilles ouvrières, soit à des femmes n'ayant jamais fait d'autre travail ou cherchant à s'employer temporairement. 69. Voir Annexe iv, p. 364-367 pour les attacheuses. 70. Voir p. 123.
130
Les industries des métaux
Une telle main-d'oeuvre se trouve avec une relative facilité et cette facilité contribue à maintenir les salaires à un taux très bas. Dans certaines entreprises on recherche même, pour occuper les postes d'attacheuses, des jeunes filles de moins de dix-huit ans dont le salaire subit les abattements d'âge. Tous ces éléments qui jouent à des degrés divers suivant les entreprises sont exprimés dans quelques phrases caractéristiques des employeurs: «Travail facile confié à de vieilles ouvrières» [ E - «C'est le travail le plus simple de l'entreprise. Les hommes ne s'y adapteraient pas et n'atteindraient pas le rendement des femmes» [G 1 ] «Les hommes s'ennuieraient à faire ce travail et ne gagneraient pas assez» [G 4 ] - «N'importe qui peut faire ce travail» [G 6 ] - «On ne leur demande que d'aller vite, elles n'ont rien à penser» [K 4 ] - «Travail simple, toujours le même; seules les femmes peuvent le faire. De plus ce poste serait trop peu payé pour des hommes» [L 8 ] - «Les attacheuses sont des jeunes filles de moins de dix-huit ans. Elles vont vite à condition d'être bien surveillées» [M 3 ] - «N'importe quelle femme peut faire l'affaire même si elle n'est jamais allée en usine» [O 3 ] - «Travail simple et peu payé qui ne peut convenir qu'à des femmes» [P 2 ] - «Travail simple pour lequel on ne trouverait pas d'hommes» [U*]. Peu de travaux, lorsque l'on parcourt les ateliers, donnent davantage que ceux des attacheuses l'impression d'être dénués de toute espèce d'intérêt. Nous avons retenu particulièrement l'image de cette jeune fille de dix-sept ans occupée à attacher des séries de sept écrous à cinq fils suspendus à un crochet. Elle attache, dans une journée de huit heures, 3360 écrous et fait ce travail depuis trois ans c'est-à-dire depuis sa sortie de l'école. Les travaux sur balanciers71
Le principe de la machine appelée balancier ou découpoir est à certains égards le même que celui de la presse.72 Comme la presse, le balancier agit soit par déformation soit par découpage d'un métal en feuille au moyen d'un outil adapté à un coulisseau. Mais tandis que, dans la presse, la force qui transmet le mouvement au coulisseau est une force mécanique, c'est l'ouvrière elle-même qui, dans le balancier, détermine l'abaissement du coulisseau en tirant vers elle un levier. Celui-ci, muni d'un ressort ou contrepoids, revient de lui-même en place, entraînant la remontée de l'outil. Le balancier ne peut donc être utilisé que pour des travaux très légers, c'est-à-dire pour de très petits objets et des métaux peu résistants. On le trouve surtout lorsqu'il s'agit de réaliser la mise en forme, le cambrage, voire même le perçage de pièces de très petites dimensions. On a rencontré au cours de l'enquête 191 femmes travaillant sur balancier (162 O.S.l et 29 O.S.2). Le caractère exclusivement féminin du poste s'explique sans doute par la faible dimension et la légèreté des pièces travaillées 71. Voir Annexe iv, p. 367-369 pour les travaux sur balanciers. 72. Voir p. 96.
Tâches masculines et tâches féminines (encore que l'effort nécessaire pour tirer le levier soit parfois assez important), par son caractère très net de tâche répétitive à prédominance manuelle, genre de tâche sur laquelle la main-d'oeuvre féminine est plus rapide. La réussite des femmes dans ces travaux semble cependant liée à un autre élément que nous n'avons pas rencontré jusque là d'une manière aussi nette et qui apparaît dès que l'on observe pendant quelques instants une ouvrière travaillant sur balancier: la dissymétrie totale du travail des deux mains. La main gauche assure l'approvisionnement de la machine en positionnant les pièces sur le bâti entre deux courses de l'outil. La main droite tire sur le levier, le lâche et, le plus souvent, assure ensuite l'évacuation de la pièce tandis que la main gauche saisit déjà la pièce suivante pour la positionner. Pour certains travaux simples, la même succession de gestes revient toutes les deux secondes. Les employeurs sont unanimes pour affirmer que cttte dissymétrie des gestes à accomplir est une raison supplémentaire d'employer une main-d'oeuvre féminine sur des travaux qui, par ailleurs, présentent tous les caractères des tâches habituellement confiées aux femmes. Ils recherchent d'ailleurs surtout pour ce genre de postes des femmes jeunes dont les possibilités d'adaptation motrice sont meilleures et qui arrivent ainsi, stimulées par les salaires au rendement, à réaliser des cadences extrêmement rapides. La plupart d'entre elles seront plus tard ouvrières sur presses : «On engage pour ce travail des jeunes de moins de dix-huit ans qui passent ensuite sur presses» [I 8 ] - «Les femmes ont plus d'endurance pour ce genre de travaux rapides, exigeant la manipulation de petites pièces et la synchronisation des mouvements des deux mains» [ J 6 ] «On recherche pour ce travail de jeunes ouvrières; elles ont la main plus légère et sont très rapides sur ce genre de travail» [ M 3 ] - «Il faut surtout de la souplesse et synchroniser les mouvements des deux mains pour le positionnement des pièces et le mouvement du balancier» [M 4 ] - «Les femmes sont imbattables sur ces postes d'autant plus qu'elle montrent un acharnement extraordinaire pour atteindre le maximum de boni» [M 8 ]. Le temps de formation nécessaire pour atteindre un rythme convenable ne dépasse guère un mois. O n peut donc embaucher sur ces postes des femmes ou des jeunes filles n'ayant aucune expérience du travail d'usine. O n les trouve d'autant plus facilement qu'il s'agit d'un travail propre, accompli en général dans des ateliers entièrement féminins ou à prédominance féminine.
LES LIGNES DE CLIVAGE ENTRE TÂCHES MASCULINES ET TÂCHES FÉMININES
Après avoir étudié la répartition des hommes et des femmes sur les différents postes de travail dans les entreprises des métaux sur lesquelles a porté notre recherche, il convient de regrouper les observations faites.
132
Les industries des métaux
U n e remarque s'impose d ' a b o r d : on a constaté q u ' u n certain nombre de femmes accomplissent encore dans l'industrie des travaux particulièrement rebutants, sales ou pénibles. La vue de certaines ouvrières travaillant à la peinture, au noyautage, au décapage, au polissage, rappelle invinciblement des descriptions datant des premiers développements de la grande industrie, descriptions qui ont été évoquées dans la première partie de cet ouvrage. O n a noté au passage qu'il s'agit toujours d'une main-d'oeuvre âgée ou déshéritée, obligée en quelque sorte d'accepter ce genre de tâches faute de trouver à s'employer ailleurs. Les femmes occupées sur de tels postes sont toutefois en nombre restreint. Il faut voir là une conséquence du progrès technique qui améliore les conditions de travail, du développement d'une législation protectrice du travail féminin qui interdit l'emploi des femmes sur les travaux pénibles et insalubres. Mais un autre fait n'a sans doute pas manqué de jouer : l'afflux en France d'une main-d'oeuvre masculine sans qualification, prête à accomplir des travaux pénibles et contrainte d'accepter des salaires très bas, la main d'oeuvre nord-africaine. O n a eu à plusieurs reprises l'occasion de constater que l'interchangeabilité entre une certaine main-d'oeuvre féminine et la maind'oeuvre nord-africaine, pour certains travaux rebutants ou pénibles, était, au moment de l'enquête, un fait courant dans quelques entreprises. Cette première constatation est cependant loin d'être générale. Ce sont d'autres traits qui, dans la période actuelle, caractérisent les travaux féminins et les distinguent des travaux masculins. A travers la diversité des postes étudiés dans les pages qui précèdent, ces traits se retrouvent avec une permanence remarquable. Les travaux attribués aux femmes se distinguent d'abord des travaux masculins par une moindre intensité de Veffort physique à fournir. La notion d'effort physique est certes très variable: des travaux considérés comme légers dans une entreprise seraient ailleurs des travaux lourds. Il n'en reste pas moins que, pour tous les postes passés en revue, l'effort à fournir pour manipuler une pièce ou pour assurer le fonctionnement d'une machine entre en ligne de compte, soit pour écarter les femmes de certains travaux, soit pour délimiter les travaux masculins et féminins, soit, lorsque les travaux sont légers, pour justifier l'emploi d'une main-d'oeuvre exclusivement féminine. Les tâches féminines se différencient aussi par un moindre degré de difficulté ou de complexité. Il faut établir cependant ici quelques distinctions. U n certain nombre de travaux sont inaccessibles aux femmes parce qu'ils supposent le passage dans un établissement d'enseignement professionnel ou l'obtention d ' u n brevet professionnel auquel elles n'ont pas accès (c'est le cas pour certains postes du groupe A par exemple.) 73 Mais en envisageant cette question uniquement sous l'angle des différences consécutives à une disparité dans la formation pro73. Voir p. 78.
Tâches masculines et tâches féminines
133
fessionnelle, on laisserait échapper l'un des aspects essentiels du problème, car la distinction entre tâches masculines et tâches féminines existe aussi, on l'a vu, au niveau des emplois d'O.S. ou des postes de petite qualification ne nécessitant pas un apprentissage en école. Si l'on regroupe les traits par lesquels elle se manifeste, la simplicité plus grande des travaux féminins apparaît alors sous plusieurs aspects: - Les tâches féminines comportent en général un nombre moins élevé d'opérations, soit parce qu'elles sont plus morcelées (montages en chaîne par exemple), soit parce qu'elles sont limitées à des travaux d'exécution, les opérations annexes de préparation du travail (montage et réglage des outils dans les travaux sur machine par exemple) n'étant jamais confiées aux femmes. - O n confie rarement aux femmes les travaux présentant une certaine variété ou demandant une «compréhension mécanique» (travaux de réparation, certains travaux de montage, de contrôle). - Même lorsque le niveau de connaissances exigé est élémentaire, les tâches confiées aux femmes sont celles qui exigent le moins de connaissances (la distinction entre travaux masculins et féminins au contrôle ou au magasinage est à cet égard caractéristique). - O n ne confie généralement pas aux femmes les machines complexes. A niveau professionnel égal, les machines utilisées par la main-d'oeuvre féminine sont les plus simples. Le troisième trait qui distingue les emplois féminins des emplois masculins, leur caractère répétitif plus nettement marqué est lié aux deux précédents. Travaux plus légers, comportant un plus petit nombre d'opérations, travaux d'exécution présentant davantage d'uniformité, les tâches féminines sont en général à cycle plus court, avec des possibilités moindres de variation d'un cycle à un autre. O n a vu que de nombreux postes typiquement féminins (travaux sur presses, travaux de rivetage, de perçage, d'attachage, certains travaux de montage et de contrôle) atteignent, dans ce domaine, des limites insoupçonnées. U n autre aspect distinctif important des travaux accomplis par les femmes est leur caractère de tâches à prédominance manuelle. Plusieurs faits ont été mis en évidence : - Les postes sur lesquels on ne trouve que des femmes (bobineuses, attacheuses, ouvrières sur balancier) sont des postes pour lesquels les aptitudes gestuelles ou manuelles jouent un rôle de premier plan. - Les postes sur lesquels on trouve une majorité de femmes sont des postes à prédominance manuelle nettement marquée (montage, noyautage par exemple). - Dans toutes les catégories de postes, les travaux réservés aux femmes sont ceux qui comportent une part importante de manipulations. La distinction joue même pour les travaux sur machine puisque les machines confiées aux
i34
Les industries des métaux
femmes sont précisément celles dont l'utilisation exige un maximum d'opérations manuelles. Il se trouve d'ailleurs que ces machines sont presque toujours les plus anciennes, les femmes étant pratiquement éliminées de l'utilisation des machines les plus récentes, les machines automatiques. Les travaux effectués par les femmes comportent en général des séries plus longues. Cette caractéristique est dans une certaine mesure une conséquence des précédentes, les objets les plus légers étant souvent fabriqués en plus grand nombre. Mais nous avons signalé à maintes reprises des cas où, les travaux masculins et féminins étant identiques, les séries les plus longues sont confiées aux femmes. Vexigence plus gránele de rapidité est également un trait distinctif des travaux féminins. Il se rattache aussi directement aux précédents : les travaux simples, répétitifs sont en effet ceux pour lesquels les cadences rapides ne risquent pas de nuire à la qualité du travail. De plus, les possibilités d'accélération du rendement sont toujours très grandes sur les travaux à prédominance manuelle, surtout lorsqu'ils sont effectués en grandes séries. Nous en avons donné quelques exemples. Les travaux féminins sont aussi plus sédentaires que les travaux masculins. Ce sont dans une plus grande proportion des travaux assis et la répartition des tâches est, dans ce domaine, en accord avec la législation qui recommande de pourvoir de sièges les postes de travail féminins. Leur caractère de travaux impliquant des manipulations plus légères favorise d'ailleurs cette prédominance des postes sédentaires. O n a noté aussi plusieurs cas (et notamment celui d u «contrôle volant») où les femmes sont éliminées de certains travaux parce que ceux-ci les amèneraient à circuler dans les ateliers. O n évite aussi le plus possible que les ouvrières aient à se déplacer dans l'atelier pour assurer l'approvisionnement de leur poste de travail et l'évacuation des pièces terminées. Quel que soit le niveau de qualification, les postes de travail impliquant des responsabilités sont en général confiés de préférence aux hommes. Il peut s'agir de responsabilités vis-à-vis de l'outillage: les machines d ' u n prix élevé, les machines complexes, ne sont généralement pas confiées aux femmes. Il peut y avoir responsabilité vis-à-vis de la matière traitée: elle contribue à écarter les femmes de certains postes, celui de magasinier par exemple ou de cisailleur . Il peut y avoir enfin responsabilité à l'intérieur d'une équipe; elle implique une sorte de subordination des autres membres du groupe. Il est intéressant de remarquer que nous avons trouvé à plusieurs reprises des situations de travail subordonnant des ouvrières à un ouvrier travaillant dans la même équipe (au magasinage, au contrôle, à la réparation notamment). Nous n'avons par contre jamais rencontré de femmes exerçant, à l'intérieur d'une équipe mixte, une responsabilité. Enfin, les perspectives de promotion qui, dans quelques ateliers, existent pour
Tâches masculines et tâches féminines
135
les hommes sont pratiquement nulles pour les femmes. O n a noté plusieurs cas où, dans une même équipe, les hommes sont destinés à acquérir une qualification supérieure et à changer de travail tandis qu'aucun changement n'est envisagé pour les femmes. Les explications des employeurs pour justifier ces différences entre tâches masculines et tâches féminines frappent par leur uniformité. La plupart du temps on a éprouvé quelques difficultés à obtenir des interlocuteurs autre chose que des formules étonnamment semblables d'une entreprise à l'autre. Pour expliquer le bas niveau de l'emploi de la main-d'oeuvre féminine, l'absence quasi totale de possibilités de formation professionnelle des jeunes filles dans les métiers des métaux ne pouvait manquer d'être invoquée. Mais il fallait aussi expliquer les différences au niveau des postes pour lesquels la formation peut être acquise «sur le tas». L'attribution des tâches à des hommes ou à des femmes est alors plus directement fonction de la politique d'emploi pratiquée dans l'entreprise. Comme on pouvait s'y attendre, les réponses des employeurs tendent à justifier l'état de choses existant. Si l'on tente de classer les explications, on distingue toutefois plusieurs sortes d'arguments. Dans une première série d'arguments, on trouve l'affirmation de l'incapacité de la main-d'oeuvre féminine à occuper d'autres postes que ceux qui lui sont confiés: manque de connaissances et même de connaissances élémentaires, manque de possibilités pour acquérir ces connaissances (celles qui sont nécessaires pour la lecture de mesures par exemple) ; incapacité à s'adapter à l'utilisation d'un outillage qui demande un certain «sens mécanique», une certaine appréciation de l'effet de l'outil; incapacité de s'adapter au maniement de machines complexes qui demandent une «compréhension mécanique». Les femmes qui en sont capables sont des «exceptions», des «phénomènes». Une deuxième série d'arguments concerne plus directement l'attitude des femmes devant les travaux industriels. Suivant les employeurs, elles marquent généralement peu d'intérêt pour des travaux plus variés et plus complexes que ceux qui leur sont habituellement confiés. Elles sont satisfaites par les tâches simples et répétitives. Elles ne souhaitent pas être utilisées sur d'autres travaux. Les machines impressionnantes les effraient. Elles n'ont pas d'ambitions professionnelles. Elles acceptent des salaires dont les hommes ne se contenteraient pas. Contrairement à ce que nous attendions, l'absentéisme, généralement plus important pour la main-d'oeuvre féminine que pour la main-d'oeuvre masculine, n'a été évoqué que par quelques employeurs comme une justification pour maintenir les femmes dans des emplois peu qualifiés. Dans la plupart des entreprises qui calculent les taux d'absentéisme, nous avons pu constater d'ailleurs qu'on n'établit pas séparément les taux masculins et féminins. O n a
136
Les industries des métaux
avancé plus souvent l'idée de l'instabilité professionnelle des femmes qui, dans de nombreux cas, abandonnent momentanément ou définitivement leur travail lorsqu'elles se marient ou lorsqu'elles ont des enfants. Mais il ne s'agit pas là d ' u n fait particulier à l'industrie. 74 U n e troisième série d'arguments se réfère à une représentation de la place normale des femmes dans l'entreprise industrielle. L'emploi des femmes sur les postes clés ou sur les machines nouvelles qui confèrent une sorte de prestige, la promotion des femmes, l'attribution aux femmes de responsabilités surtout dans le cas où, s'exerçant dans une équipe mixte, elles entraîneraient la subordination de travailleurs masculins, sont incompatibles avec le sentiment de la nécessité d'une hiérarchie entre main-d'oeuvre masculine et féminine. Ces arguments en quelque sorte négatifs qui tendent à justifier la condition de la main-d'oeuvre féminine par l'impossibilité de l'utiliser sur d'autres travaux n'occupent cependant pas en définitive la place principale dans les explications des employeurs. L'essentiel de leurs commentaires (ceux que nous avons rapportés le montrent avec évidence) porte sur un autre point : si les femmes sont utilisées sur les postes les plus simples, sur les opérations à caractère manuel plus nettement marqué, sur les tâches les plus répétitives, les plus sédentaires, sur les plus longues séries, c'est d'abord parce qu'on les y recrute plus facilement, mais c'est surtout parce qu'elles y atteignent des rendements bien supérieurs à ce que seraient, sur les mêmes postes, les rendements de la main-d'oeuvre masculine. Ces rendements supérieurs sont attribués à des différences dans les aptitudes : habileté manuelle, précision des gestes, synchronisation plus aisée des mouvements, mais plus souvent encore - et cela est très important à souligner - à des comportements différents des femmes: patience, acceptation plus facile de travaux fastidieux, meilleure résistance à la monotonie, stimulation plus grande par les salaires au rendement. Nous aurons à revenir pour les discuter sur ces différents points. Bornonsnous pour le moment à souligner la convergence des deux séries d'arguments. Les uns tendent à justifier l'emploi des femmes sur les travaux d'O.S. les plus parcellaires en constatant leur plus grande efficacité sur ces travaux. Les autres tendent à expliquer leur éviction d ' u n certain nombre d'autres tâches en invoquant non seulement des traditions mais aussi des incapacités et des résistances. 74. Rappelons qu'un certain nombre de travaux ont cependant montré que lorsque les femmes ont reçu une formation professionnelle ou occupent des emplois qualifiés, leurs comportements dans le domaine de l'absentéisme comme dans celui de la stabilité professionnelle se trouvent modifiés. Voir notamment: V . Isambert-Jamati, «Adaptation au travail et niveau de qualification des femmes salariées», Revue française de sociologie, janvier-mars 1960, p. 45-60. M . Guilbert et V . Isambert-Jamati, « U n e étude de biographies professionnelles. Formation et carrière professionnelle de 1000 jeunes femmes de la région parisienne», Population, octobredécembre 1958, p. 647-62.
Ecarts de qualification QUELS ÉLÉMENTS D É T E R M I N E N T LES DIFFÉRENCES DE
137 QUALIFICATION
ENTRE H O M M E S ET FEMMES?
Dans son Essai sur la qualification du travail, soulignant les différences dans les structures de qualification suivant les catégories de main-d'oeuvre, Pierre Naville remarque : «La structure de la main-d'oeuvre ne varie pas seulement en fonction de la nature technique du métier ou de l'entreprise: elle se présente aussi différemment suivant le sexe, l'âge, l'origine nationale ou la région géographique et bien d'autres critères encore. Il ne s'agit plus dans ce cas de qualifications par métiers ou par populations globales, mais d'une véritable analyse démographique de la qualification. Les données dans ce domaine sont toutefois particulièrement rares. Elles mériteraient pourtant d'être examinées de près car leur portée sociologique est immense, notamment dans le cas de l'emploi féminin, dans celui de la main-d'oeuvre d'outre-mer et dans celui des étrangers d'origine européenne». 7 6 Notre enquête devait permettre d'analyser les éléments complexes qui entrent en jeu pour déterminer les écarts de qualification entre hommes et femmes. Elle offrait en effet la possibilité de confronter ces écarts avec les différences dans les tâches confiées. Une autre source de difficultés signalée par Pierre Naville se trouvait du même coup éliminée : on sait en effet que, suivant le niveau des salaires qu'elles pratiquent, les entreprises adoptent des échelles de qualification différentes, ce qui rend difficiles les comparaisons d'une entreprise à une autre. U n tel inconvénient n'existait pas pour nous puisque nous avions la possibilité de comparer, pour les travailleurs d'une même entreprise, occupés sur des postes de même dénomination, la nature de la tâche et le niveau de qualification. Les différences de qualification et les différences dans la nature de la tâche. Les processus de dévalorisation des tâches féminines Disons tout de suite que dans la plupart des cas, pour des tâches semblables, les qualifications des hommes et des femmes d'une même entreprise étaient les m ê m e s . " O n a cependant constaté dans cinq cas des différences de qualification pour des tâches absolument identiques exécutées dans le même atelier. Il est alors important de signaler que sur cinq exemples de ce genre, l'écart est dans quatre cas au détriment de la main-d'oeuvre féminine [magasinage S 1 , contrôle E 2 , montage T 1 , montage U "]. " Dans un cas seulement [décapage75. P. Naville, Essai sur la qualification du travail. Paris, Rivière 1956, p. 122. 76. On fait pour le moment abstraction des différences de salaires dont on parlera plus loin 77. Le cas des étalonneuses de compteurs (contrôle U 4) mérite aussi d'être cité ici puisqu' elles occupent en qualité d'O.S.2 un poste confié précédemment à des hommes P . l : «Les femmes donnent toute satisfaction, nous a-t-on dit, et leur emploi a permis de baisser la qualification du poste». De même à propos des opérations de reprise, évoquant l'habileté exceptionnelled'une ouvrière O.S.2, l'employeur a ajouté:«Si elle était unhommeelleseraitP.l»(repriseT3).
138
Les industries des métaux
dégraissage M 1 1 ] un homme a une qualification inférieure à celle de l'équipe de femmes dans laquelle il travaille au nettoyage de pièces d'appareils ménagers à l'aide de chiffons et de pâte à récurer. Il s'agit d'un jeune Nord-Africain. Ces exemples si caractéristiques qu'ils soient sont pourtant en nombre limité 7 8 et les écarts de qualification entre hommes et femmes correspondent essentiellement à des différences dans les tâches confiées. Ces différences revêtent des aspects multiples qu'il est indispensable d'examiner. Au tout premier rang viennent, comme on pouvait s'y attendre, les écarts de qualification liés à des différences dans le degré de difficulté du travail. On a signalé parmi les postes du groupe A, sur lesquels on ne trouve jamais de femmes, plusieurs postes de haute qualification (outilleurs, régleurs, ouvriers d'entretien) 79 pour lesquels une formation en école est presque toujours nécessaire. Le bas niveau de l'enseignement professionnel féminin dans les industries des métaux est un élément important d'explication. Mais on a remarqué aussi que, parmi les postes mixtes (ceux du groupe B sur lesquels on trouve soit des hommes soit des femmes), les tâches nécessitant une formation qui peut être acquise dans l'entreprise sont confiées de préférence aux hommes: opérations de contrôle nécessitant la lecture de mesures, opérations de montage nécessitant un peu d'ajustage ou de réglage ou demandant un peu de «compréhension mécanique», travaux sur machine impliquant l'utilisation d'un outillage plus complexe, etc. La simplicité plus grande des travaux confiés aux femmes et par conséquent la rapidité de la formation «sur le tas» qu'ils impliquent sont donc souvent à l'origine des différences de qualification observées entre hommes et femmes au niveau des postes d'O.S. On peut cependant citer de nombreux exemples où l'opération principale à accomplir est identique. Les différences de qualification portent alors sur d'autres aspects de la tâche. Il faut distinguer plusieurs cas. a) L'opération principale est identique mais les postes masculins comportent des opérations annexes, confiées seulement aux hommes et qui leur valent un supplément de qualification. On en a trouvé des exemples dans les travaux sur machine et notamment aux presses et à la reprise. Les femmes y sont chargées uniquement des travaux d'exécution, un régleur s'occupant du montage des outils sur leur machine tandis que les hommes occupés aux mêmes travaux exécutent souvent eux-mêmes les tâches simples de réglage et de montage. Il arrive même que le fait «d'être capables» d'exécuter ces travaux, sans toutefois en être ordinairement chargés, confère aux hommes une qualification supérieure. Un autre exemple caractéristique est celui des ouvriers et des ouvrières chargés de la réparation dans une entreprise d'appareillage de signalisation pour 78. On a vu d'ailleurs que le nombre des tâches féminines absolument semblables à des tâches masculines effectuées dans le même atelier est très restreint. 79. Voir p. 78.
Ecarts de qualification
139
automobiles [O 6 ] : le travail des femmes O.S.l est identique à celui des hommes O.S.2. Ces derniers toutefois peuvent seuls être chargés du montage de l'appareil sur la voiture du client «lorsque c'est nécessaire». b) L'opération principale généralement confiée est identique mais une qualification supérieure est donnée aux hommes en raison d'une possibilité de passage à d'autres travaux du même niveau ou de niveau inférieur, c'est-à-dire d'une sorte de polyvalence que les femmes, étroitement spécialisées sur une tâche, ne possèdent pas: possibilité pour certains ouvriers sur presses d'effectuer des travaux de manutention, de nettoyage des ateliers, ou de passer sur d'autres machines, possibilité de faire plusieurs sortes de soudures simples, alors que les femmes n'ont appris qu'une sorte de soudure, etc. . . c) Le travail à accomplir est le même mais une certaine responsabilité dans l'équipe confère aux hommes une qualification supplémentaire [magasinage E polissage M 3 , contrôle O 4, montage T 6 , réparation S 4 , etc. . .] ; rappelons que nous n'avons jamais rencontré de cas où une responsabilité soit confiée à une femme dans une équipe mixte. d) L'opération à accomplir offre le même degré de difficulté mais l'effort physique développé par les hommes est plus important parce que les pièces sont de plus grandes dimensions. Ce cas est très fréquent et on peut trouver dans le document annexe 80 de nombreux exemples d'une qualification supérieure attribuée aux hommes en raison de cet effort physique. Les commentaires des employeurs signalent en même temps que, sur les mêmes travaux, plus légers, l'habileté gestuelle des femmes, la plus grande facilité avec laquelle elles arrivent à synchroniser leurs mouvements, leur comportement différent devant les séries longues et monotones assurent un rendement supérieur à ce que serait celui des hommes. Or, dans aucun cas cette rapidité ne leur vaut un supplément de qualification. Ce qui est très important ici c'est que la différence de qualification est basée sur une valorisation différente des exigences de la tâche suivant qu'elle est accomplie par des hommes ou par des femmes. Les éléments qui interviennent pour déterminer les qualifications masculines et féminines en fonction des tâches accomplies sont donc très divers. Ils ont cependant un point commun : bien que par des voies différentes, tous convergent pour donner à la main-d'oeuvre féminine une structure de qualification d'un niveau inférieur. Pour justifier ces écarts, on a vu intervenir l'idée d'une différence dans les capacités professionnelles des hommes et des femmes mais aussi celle d'une hiérarchie nécessaire dans les fonctions, même lorsqu'elles sont de niveau professionnel égal. On a constaté d'autre part une tendance à la valorisation d'une qualité naturelle de la main-d'oeuvre masculine, la force physique, alors que la rapidité plus grande de la main-d'oeuvre féminine n'inter80. Annexe iv, p. 250-369.
140
Les industries des métaux
vient pas comme un facteur de qualification. Il est intéressant de constater que le supplément de qualification fréquemment attribué à la main-d'oeuvre masculine en raison d'un effort physique supérieur ne joue en aucun cas lorsque cette main-d'oeuvre est nord-africaine. Nous saisissons là une interférence entre deux éléments susceptibles de déterminer des structures de qualification différentes, la distinction suivant le sexe et la distinction suivant l'origine ethnique. Mais cette référence à une hiérarchie entre les diverses catégories de maind'oeuvre apparaîtra encore plus pleinement lorsqu'on aura montré à quel point les différences dans les structures de qualification sont renforcées par les différences dans les salaires et dans les modes de rémunération. Qualification et mixité. L'influence des salaires
La manière dont les résultats de l'enquête ont été notés permettait, pour les postes de la catégorie B, de distinguer les cas où on emploie sur ces postes des groupes homogènes d'hommes ou de femmes de ceux où on emploie des groupes mixtes comprenant à la fois des hommes et des femmes. Le tableau n° 11 donne, pour l'ensemble des postes de la catégorie B, la structure de qualification de la main-d'oeuvre masculine et celle de la maind'oeuvre féminine suivant qu'elles sont employées seules ou dans des groupes mixtes. On remarquera que le niveau de qualification des hommes est supérieur lorsqu'ils sont employés seuls. Le niveau de qualification des femmes se trouve TABLEAU II Répartition en pourcentage, suivant les qualifications et suivant l'homogénéité ou la mixité du groupe, du personnel travaillant sur les postes de la catégorie B.
Hommes
Femmes Groupes homogènes
O.S.2
P.l
P.2
P.3 J . O .
1
O.M
O.S.l
1.1
14,4 43,2 18,8 16,7 5,7 0,1 100
d'hommes
Total
Groupes homogènes de femmes O . M O.S.l O.S.2
3,2
P.l
P.2
P.3 J . O . o.à.d' Total
45 47,3 0,9
1,4 2,2 100
Groupes mixtes O.M
O.S.l
1.2
16
1 2
O.S.2
P.l
P.2
P.3
63,7 13,3 4,5 0,8
Jeunes ouvriers. Ouvrières à domicile.
J.O. Total
O.M
O.S.l
0,5 100
1,2 28,1
O.S.2
68
P.l
P.2
2,5 —
P.3
J.O. Total
—
0,2 100
Taux de salaires
141
relevé lorsqu'elles sont employées avec des hommes et atteint son point le plus bas lorsqu'elles sont employées seules. L'alignement du niveau de qualification sur le niveau des salaires, le fait que les secteurs où les salaires pratiqués sont les plus bas sont aussi, par contrecoup, ceux qui, à emploi égal, présentent le plus bas niveau de qualification est, pour l'essentiel, à l'origine de ces différences. Mais du même coup se trouve mis en évidence, sous un aspect nouveau, le phénomène de dépréciation d'un emploi lorsqu'il est exercé par des femmes, dépréciation qui se répercute, par une sorte de jeu de concurrence, sur les salaires des hommes lorsque des travailleurs masculins exercent, dans le même atelier, un emploi de même dénomination. O n aura l'occasion d'insister sur les conséquences psychologiques d'une telle situation. Pour compléter ces observations, il faut rappeler aussi le bas niveau de qualification des postes de la catégorie C qui sont toujours des postes féminins. Sur les 1104 bobineuses de l'échantillon en particulier, qui possèdent dans bien des cas un C.A.P. de couture et dont le travail nécessite une formation assez longue, quinze seulement dépassent la qualification d'O.S. 8 1 LA DISPARITÉ DES TAUX DE SALAIRES MASCULINS ET FÉMININS LES PROCESSUS DE DÉVALORISATION DES SALAIRES FÉMININS
O n vient de voir à quel point il est difficile de séparer la question des qualifications de celle des rémunérations. D'autres données tirées de l'enquête permettent d'examiner sous un autre aspect la question des salaires et de montrer que, même à niveau de qualification identique, les salaires masculins et féminins sont loin de présenter une structure homogène. Les chiffres dont nous disposons, dans le domaine des salaires, sont à vrai dire moins abondants et moins sûrs que ceux qui concernent les niveaux de qualification. Alors que tous les employeurs sollicités ont communiqué sans difficulté la répartition de leur personnel suivant la qualification, certains ont hésité à faire connaître les salaires pratiqués dans leur entreprise. Il est vrai que la multiplicité des modes de rémunération et la diversité des taux de base sont tels qu'il est parfois difficile de formuler des réponses claires et complètes. Dans la plupart des entreprises cependant on calcule régulièrement, chaque mois ou chaque quinzaine, les salaires horaires moyens réalisés par les différentes catégories de personnel. Laissant de côté pour le moment la question des modes de rémunération, on s'attachera d'abord à l'examen de ces chiffres. O n comparera, pour l'ensemble des entreprises qui ont bien voulu les communiquer, les salaires horaires moyens réalisés au moment de l'enquête, à qualification égale, par la main-d'oeuvre masculine et par la main-d'oeuvre féminine (voir tableau m). 81. Voir p. 127.
142
Les industries des métaux
On n'a retenu dans ce tableau, comme dans celui qui concerne les qualifications, que les postes de la catégorie B, ceux sur lesquels on trouve des hommes et des femmes. On n'a d'autre part calculé les salaires horaires moyens que pour les O.S.l, les O.S.2 et les P.l. Pour les autres catégories, le nombre de femmes est très bas et les chiffres ne permettaient pas d'établir des comparaisons valables. TABLEAU III Salaires moyens horaires réalisés au moment de Venquête par la main-d'oeuvre la main-d'oeuvre féminine
masculine et
des postes de la catégorie B, suivant le niveau de qualification
suivant la mixité ou l'homogénéité
du
Femmes Salaires
et
groupe,82
Hommes moyens réalisés par les O.S.l
Groupes homogènes 2,18
Groupes mixtes 2,30
Groupes homogènes 2,41
Groupes mixtes 2,52
Groupes homogènes 2,55
Groupes mixtes 2,86
{en francs)
Groupes mixtes 2,61
Salaires moyens réalisés par les O.S.
Salaires
Groupes homogènes 2,59
2
Groupes mixtes 2,76
Groupes homogènes 2,94
moyens réalisés par les P. 1
Groupes mixtes 3,05
Groupes homogènes 3,27
Le tableau m permet une double constatation : 1. A niveau égal de qualification, la moyenne des salaires réalisés par les femmes est toujours inférieure à la moyenne des salaires réalisés par les hommes. Ces chiffres confirment les statistiques dressées par le Ministère du Travail d'après les résultats de son enquête trimestrielle. Le taux d'abattement constaté est cependant supérieur à celui qu'indique le Ministère du Travail. 83 Notre échantillon comprend sans doute une proportion plus importante de femmes travaillant dans des branches à forte majorité féminine et où le niveau des salaires féminins est plus bas que dans les autres branches. 84 2. On observe des variations importantes suivant l'homogénéité ou la mixité des groupes. A qualification égale, les salaires féminins atteignent le taux le plus bas dans les groupes composés exclusivement de femmes; ils sont nettement supérieurs lorsque ceux-ci sont mixtes. Les salaires masculins au contraire sont 82. Ces salaires horaires moyens sont calculés en tenant compte des majorations pour heures supplémentaires et des primes individuelles ou collectives mais ne comprennent pas les primes de fin d'année pour les entreprises où celles-ci existent. 83. Voir p. 69, note 164. 84. Précisons que notre échantillon est représentatif en ce qui concerne l'emploi féminin tandis que celui du Ministère du Travail ne l'est pas.
Taux de salaires
143
plus élevés dans les groupes homogènes d'hommes que dans les groupes mixtes, du moins pour les O.S.2 et les P . l . Le fait que les salaires réalisés dans les groupes homogènes d'O.S.l hommes fassent exception s'explique facilement: ceuxci étaient en général composés de Nord-Africains accomplissant des travaux pénibles mais peu qualifiés pour lesquels le processus de dépréciation joue au même titre que pour la main-d'oeuvre féminine. O n est donc en présence d'un phénomène de dépréciation des salaires p o u r les travaux confiés à une main-d'oeuvre féminine, dépréciation qui se répercute sur les salaires masculins lorsque les emplois sont mixtes. Le parallélisme de ce processus avec celui qui a été mis en lumière pour les qualifications est frappant. Il est important de souligner (bien qu'elle joue ici d'une manière tout à fait indépendante des qualifications puisque nous l'observons pour des niveaux de qualification identiques) que la dépréciation des salaires féminins vient renforcer et aggraver celle des qualifications dont il a été question plus haut. L'importance que les employeurs attachent à constituer ou à conserver des équipes ou des ateliers exclusivement féminins est dès lors facilement explicable. Elle est confirmée par de nombreux commentaires: «On préfère avoir sur presses une équipe homogène de femmes à cause des salaires» [presses P ] - «On tient avant tout à l'homogénéité de l'atelier à cause des salaires» [reprise P 3 ]. Les différences constatées dans la moyenne globale des salaires réalisés par des hommes et par des femmes de même qualification dans les équipes mixtes laissent pressentir, à l'échelon des entreprises, des différences dans les taux de rémunération d'hommes et de femmes travaillant dans un même atelier, sur un même poste de travail et affectés à des tâches de qualification identique. Nous en avons rencontré de nombreux exemples. Dans quelques cas seulement les travaux exécutés par les hommes et les femmes étaient rigoureusement identiques. Beaucoup plus souvent, l'opération principale étant la même, les écarts dans les rémunérations correspondaient à des différences dans les caractéristiques accessoires des tâches confiées: possibilité pour les hommes de passer à d'autres travaux de qualification inférieure ou identique (manutention, approvisionnement du poste, nettoyage des ateliers), possibilité de procéder à de petits réglages ou à des travaux simples d'entretien des machines, utilisation de machines d'un type différent mais surtout nécessité d'un effort physique plus intense, les pièces confiées aux hommes étant généralement plus lourdes et plus volumineuses. Nous avons déjà énuméré ces éléments parmi ceux qui sont susceptibles de jouer pour déterminer des différences de qualification entre maind'oeuvre masculine et féminine. O n retrouve là l'identité déjà signalée entre les processus qui déterminent les écarts de qualifications et ceux qui déterminent les différences dans les salaires. O n constate, non plus sur des chiffres globaux, mais sur des exemples concrets, que les différences dans les rémunérations,
144
Les industries des métaux
pour des qualifications identiques, viennent renforcer et aggraver les différences de qualification entre main-d'oeuvre masculine et féminine. O n relève, dans les deux cas, la même tendance à la valorisation d'une qualité naturelle de la main-d'oeuvre masculine, la force physique, tandis que la rapidité, si souvent signalée par les employeurs comme une qualité typiquement féminine n'intervient pas comme facteur de valorisation des taux de rémunération des femmes. Ce n'est pas toujours d'ailleurs par des différences dans la nature de la tâche confiée que l'on cherche à expliquer les écarts entre rémunérations masculines et féminines. Pour quelques employeurs, ces explications semblent venir après coup, pour justifier une situation considérée comme normale. «Il faut bien, disait l'un d'eux, trouver un moyen de payer les hommes plus que les femmes.» Pourquoi la disparité entre salaires masculins et féminins apparaît-elle encore si souvent comme normale? Les éléments qui entrent ici en ligne de compte sont très complexes. La loi de 1946 qui prescrit, à qualification égale, l'égalité des rémunérations, s'applique en fait au salaire minimum de la catégorie qui doit être le même pour les hommes et pour les femmes. Dans la mesure où les salaires dépassent le taux minimum garanti, ce qui est presque toujours le cas dans la période actuelle, les disparités entre salaires masculins et féminins ne sont pas à proprement parler illégales. Aussi la plupart des facteurs qui ont traditionnellement déterminé ces disparités continuent-ils à jouer : la présence en quantité importante d'une main-d'oeuvre féminine disponible pour certains travaux est l'un des éléments principaux; le manque de maind'oeuvre masculine pour certains postes, même peu qualifiés, amène par contre, suivant les employeurs, à «pousser» les salaires des hommes. Plus souvent encore, on se réfère à la notion de salaire d'appoint, au fait que la plupart des femmes n'étant pas chefs de famille «n'ont pas besoin» de salaires aussi élevés que ceux des hommes et qu'elles acceptent en fait des salaires plus bas: «On utilise le plus possible la main-d'oeuvre féminine car, étant donné les salaires très justes, on trouve difficilement des hommes» [revêtement T 2 ] - «Travail facile et peu pénible trop peu payé pour des hommes» [aides L 4 ] - «Travail pénible à cause du poids des plateaux et des différences de température. O n n'y emploie cependant que des femmes à cause des bas salaires» [aides L 6 ] - «Dans le jouet les salaires sont bas, on ne trouverait pas d'hommes pour de tels salaires» [presses M 6 ] - «On ne trouverait pas d'hommes pour des salaires aussi bas» [montage D 2 ] - «Salaires dont les hommes ne s'accommoderaient pas» [montage M 6 ] , Citons enfin ce commentaire d ' u n autre employeur: «Sur les presses automatiques à fabriquer les chaînes de fermetures éclair, on emploie des Nord-Africains. Us seront sous peu remplacés par des femmes parce qu'ils sont trop revendicatifs» [presses M 6 ] .
Modes de rémunération
145
LES D I F F É R E N C E S D A N S LES M O D E S D E R É M U N É R A T I O N : P R É D O M I N A N C E D E S R É M U N É R A T I O N S A U R E N D E M E N T P O U R LES F E M M E S
Nous nous sommes attachée, dans les pages qui précèdent, à mettre en lumière les différences entre les rémunérations masculines et féminines. Si nous avons jusque-là laissé de côté une question importante, celle des modes de rémunération, c'est qu'il eût été difficile de la traiter clairement en même temps. Nous possédons, sur les modes de rémunération des 14601 femmes et des 15872 hommes composant l'échantillon, des données complètes. Il était facile en effet d'obtenir des employeurs une ventilation détaillée, suivant le mode de rémunération, des salariés de leur entreprise. Nous avons d'ailleurs pu constater, à cette occasion, que la division classique entre salaires au temps et salaires au rendement calculé, individuel ou collectif, ne suffit pas à couvrir toute la réalité. Il existe en fait un nombre relativement important de travaux pour lesquels les rémunérations sont variables, non pas en fonction d'un rendement calculé d'après la production de l'exécutant, mais en fonction d'une simple estimation de cette production, estimation faite soit par l'employeur lui-même, soit par le chef d'atelier. Nous leur avons donné le nom de «salaires au rendement estimé». Ils se rapprochent en fait davantage des salaires au rendement que des salaires au temps et les employeurs en escomptent au même titre une stimulation de la production. Nous avons donc distingué : - Les salaires au temps - Les salaires au rendement f individuel \ collectif: (équipe ou chaîne) - Les salaires au rendement estimé. Nous avons publié d'autre part une étude sur les modes de rémunération dans les entreprises de l'échantillon. 86 Elle faisait ressortir, entre autres choses, la diversité des facteurs qui interviennent pour déterminer les modes de rémunération. Parmi ceux-ci, les différences dans les modes de rémunération suivant le sexe apparaissent nettement. Elles sont très sensibles si, comme dans le tableau iv (p. 146), on compare la totalité de l'échantillon masculin à la totalité de l'échantillon féminin. Le pourcentage d'hommes payés au temps est plus de trois fois supérieur au pourcentage de femmes et un peu plus de la moitié des hommes est payée au rendement calculé contre plus des trois quarts des femmes. Mais il faut tenir compte pour apprécier ces chiffres des différences dans les qualifications puisque notre population masculine totale comprend 4 9 % d'O.S contre 93,4% parmi les femmes, les O.S. étant plus fréquemment rémunérés au rendement. Il est donc intéressant d'établir la comparaison à qualification égale et parti85. M . Guilbert, «Rémunération au temps et rémunération au rendement. Etude dans les industries des métaux de la région parisienne», Sociologie du travail, n° 2, 1960, p. 107-21.
146
Les industries des métaux
culièrement pour les O.S. parmi lesquels se trouve la majorité de la population féminine (tableau v). TABLEAU IV Répartition
en pourcentage des 14601 femmes
et des 15871
hommes de la
population
étudiée, suivant le mode de rémunération
Hommes 39,5 48
Au temps l - individuel Au rendement calculé < - de l'équipe ou ( de la chaîne Au rendement estimé
Femmes 12,4 63,9
5,5 7
Total
14,3 9,4
100
100
TABLEAU V Répartition
en pourcentage des O.S. de la population étudiée suivant le sexe et suivant le mode de rémunération
O.S.l Au Au -
temps rendement calculé individuel de l'équipe ou de la chaîne Au rendement estimé Total
O.S.2
Total des O.S.
H 26,7
F 16,3
H 12,2
F 8,3
H 19,8
F 10,3
54,3
50,7
66,5
74,6
63
65
2,7 16,3
17,8 15,2
10,9 10,4
11,9 5,2
100
100
100
100
8 9,2 100
14,5 10,2 100
Les femmes O.S. sont, à qualification égale, payées au rendement calculé plus souvent que les hommes de même qualification. Les différences dans la nature des tâches confiées interviennent incontestablement: plus répétitives, effectuées en plus grandes séries que celles des hommes, plus souvent limitées à des travaux d'exécution sans intervention de travaux accessoires, les tâches des femmes sont, parmi les tâches d'O.S., celles qui se prêtent le mieux à l'établissement de normes et au calcul de rendements. De plus, les travaux féminins, qu'ils soient ou non effectués sur machine, sont aussi ceux qui présentent le caractère manuel le plus fortement marqué. Or, si les «temps machine» sont souvent incompressibles, les temps manuels sont toujours susceptibles d'accélération et les rémunérations au rendement constituent le moyen par excellence d'obtenir cette accélération. Les travaux de montage offrent à cet égard un
147
Modes de rémunération
exemple frappant puisque la majorité des travaux confiés aux femmes sur ce poste est, on l'a vu, à prédominance manuelle: parmi les O.S. occupés au montage (tableau vi), 9 2 % des femmes contre 76,4% des hommes sont rémunérées suivant le rendement calculé. TABLEAU VI Répartition
en pourcentage de l'ensemble des O.S. travaillant
au montage suivant le sexe
et suivant le mode de rémunération
Au temps Au rendement calculé Au rendement estimé Total
f — individuel — de l'équipe ou de la chaîne
Hommes 23,1 68 8,4 0,5 100
Femmes 4,3 64,6 27,4 3,7 100
L'habileté manuelle des femmes, la faculté qu'elles ont de mieux synchroniser leurs mouvements, leur résistance dans les travaux répétitifs interviennent pour déterminer l'utilisation d'une main-d'oeuvre féminine sur ce genre de travaux. Nous avons cité à ce sujet de nombreux commentaires des employeurs. Ceux-ci sont unanimes pour souligner aussi que la stimulation par la rémunération au rendement s'avère beaucoup plus forte pour les femmes que pour les hommes, ce qui accentue encore l'avantage que l'on trouve à les utiliser sur ces postes. L'exemple le plus frappant nous a été donné dans une entreprise fabriquant de petits appareils ménagers (T 4 ). On applique, dans les ateliers de montage, la rémunération au rendement Bedaux. Lors de l'installation de ce système, les temps avaient été étudiés et la cadence réglée à 1 Bedaux, le maximum de boni atteint devant être 1,33. Certaines femmes ont rapidement atteint 2,5. On a alors révisé les normes. «Il y a eu une période de freinage, dit le chef du personnel, mais les cadences recommencent à monter. Il semble qu'il n'y ait pas de limite». Un esprit de compétition plus développé amène aussi les femmes à préférer, dans certains cas, les formules de rémunération basées sur le rendement individuel à celles qui sont basées sur le rendement collectif de la chaîne ou de l'équipe. Le fait que la main-d'oeuvre féminine qui vient au travail industriel y recherche généralement des gains supérieurs à ceux qu'elle pourrait trouver dans d'autres branches n'est certainement pas étranger à ces comportements. Nous verrons aussi que les employeurs, lors de l'embauche, utilisent plus fréquemment pour les femmes que pour les hommes des modes de sélection qui leur permettent d'opérer un choix parmi une main-d'oeuvre presque toujours abon-
148
Les industries des métaux
dante et de retenir la plus fortement motivée. Il est certes difficile d'affirmer sans nuances que certains postes sont payés au rendement parce que confiés à des femmes ou qu'ils sont confiés à des femmes parce que rémunérés au rendement; les choses en réalité ne se présentent pas d'une manière aussi simple même si, dans certains cas, on trouve côte à côte, travaillant à des tâches comparables, des hommes payés au temps et des femmes payées au rendement. Il est certain cependant que les tâches généralement considérées comme convenant aux aptitudes féminines sont plus souvent que les autres rémunérées au rendement et que ce fait coïncide avec des comportements particuliers des femmes embauchées sur ce genre de travaux. La prédominance beaucoup plus marquée des salaires au rendement parmi les femmes est liée à la fois à l'utilisation d'éléments d'ordre psychotechnique et d'éléments d'ordre plus proprement psychologique. Les rendements élevés réalisés par les femmes sur certains postes aboutissent parfois à masquer les différences dans les taux de rémunération masculins et féminins. Certains employeurs justifient par ces différences de rendement les différences dans les taux de salaires. «Les femmes aux presses font le même travail que les hommes, nous a-t-on dit dans une entreprise, mais on ne peut pas les payer au même taux car elles gagneraient finalement beaucoup plus» [U 4 ]. Dans une autre entreprise [D où les taux de base sont les mêmes pour les hommes et les femmes travaillant au fraisage et rémunérés au rendement, le commentaire du chef du personnel est caractéristique : «Certaines femmes se font de meilleurs salaires que les hommes, aussi ne les a-t-on pas mis ensemble». LES DIFFÉRENCES DANS L'IMPLANTATION DES POSTES DE TRAVAIL MASCULINS ET FÉMININS
Par l'expression «implantation du poste de travail» nous désignons la manière dont la tâche à exécuter situe l'ouvrier dans l'atelier et la nature des rapports qu'elle institue entre lui et ceux qui travaillent autour de lui. On peut, dans ce domaine, envisager trois possibilités. 1) Le travail est individuel. L'ouvrier effectue seul l'opération dont il est chargé sur des pièces qui sont stockées près de lui et qui seront ensuite évacuées par lui-même ou par un manoeuvre. 2) Le travail est effectué en équipe, deux ou plusieurs exécutants contribuant simultanément à l'exécution d'une même tâche. C'est le cas par exemple, dans une fabrique de boîtes métalliques, de l'ouvrièie sur riveteuse et de son aide, la première effectuant à la machine l'agrafage des flans de métal que la seconde lui passe après les avoir pliés. 3) Le travail est exécuté en chaîne lorsque, les postes de travail étant disposés les uns auprès des autres et dans leur ordre de succession normale, le travail est
Implantation des postes de travail
149
morcelé en tâches de durées égales ou multiples les unes des autres. La pièce passe successivement devant chaque exécutant chargé d'une ou de plusieurs opérations. Le tableau vu qui, comme les précédents, porte sur les postes de la catégorie B exclusivement, montre que la répartition suivant l'implantation des postes de travail est très différente suivant qu'il s'agit d'hommes ou de femmes. TABLEAU VII
Répartition en pourcentage des hommes et des femmes travaillant sur les postes de la catégorie B suivant Vimplantation du poste de travail.
Travail individuel Travail en équipe Travail en chaîne Non indiqué
Hommes 81,6 9,7 4,6 4,1
Femmes 62,6 6,8 25,3 5,3
100
100
Les différences essentielles portent sur le travail individuel beaucoup plus fréquent chez les hommes, et sur le travail à la chaîne où l'on trouve 25,3 % des femmes contre 4,6 % des hommes. Si l'on se reporte à ce qui a été dit sur la nature des tâches confiées aux femmes, on saisira aisément le rapport entre un pourcentage élevé de travaux en chaîne et leur caractère de tâches morcelées et répétitives. 86 Quant au travail individuel, nous avons déjà eu l'occasion de remarquer, en faisant ressortir à plusieurs reprises le caractère sédentaire beaucoup plus nettement marqué des tâches féminines, qu'il ne revêt pas le même caractère pour les hommes et pour les femmes. Ce caractère plus sédentaire, de même que l'existence de chaînes exclusivement féminines, favorise la tendance à grouper les femmes dans des ateliers spéciaux ou à leur réserver un coin d'atelier qu'elles ne quittent guère puisque l'approvisionnement de leur poste de travail est généralement confié à des manoeuvres. 86. Remarquons en passant que le travail à la chaîne ne signifie pas toujours travail rémunéré au rendement collectif. On observe parfois, et surtout dans les entreprises importantes, des chaînes de montage dans lesquelles une partie des exécutants travaillent «sur stock» et sont rémunérés au rendement individuel, la chaîne servant essentiellement de convoyeur mais ne commandant plus d'une manière impérative le rythme de travail. Les employeurs y voient un moyen de résoudre les difficultés soulevées par la complexité des opérations et par la difficulté de les morceler en tâches de durées égales. Ils enregistrent, avec ce procédé, une augmentation de la production notamment sur les postes tenus par des femmes plus sensibles aux formules individuelles de salaires au rendement qu'aux formules collectives. Il n'en reste pas moins que le travail en chaîne, avec son aspect contraignant, est essentiellement féminin. Les chaînes de montage dans les industries radio-électriques, presque toujours entièrement composées de femmes, constituent à cet égard l'un des aspects caractéristiques du travail industriel des femmes.
Les industries des métaux
150
LA DISPARITÉ DES DURÉES HEBDOMADAIRES DE TRAVAIL
La question des horaires de travail a contribué, dans la deuxième moitié d u 19 e siècle, à attirer l'attention d u public sur le travail industriel des femmes. O n se souvient des polémiques soulevées par le vote de la loi de 1892 qui réduisait la longueur de la journée de travail pour les femmes et les enfants et les difficultés que suscita son application. 8 7 Les législations successives, en limitant pour l'ensemble des travailleurs la durée de la journée de travail, ont supprimé toute distinction de principe entre horaires masculins et horaires féminins. Dans le cadre de l'étude des différences entre les tâches des hommes et celles des femmes, on pouvait néanmoins se demander si, dans la période actuelle, où le dépassement des horaires légaux est, dans l'industrie, une pratique générale, les horaires masculins et les horaires féminins sont en fait identiques. La question était complexe et, malgré la bonne volonté de nos les données précises difficiles à réunir. L'indication de la durée d u travail est certes importante mais il était intéressant aussi de lorsqu'il s'agit de femmes, si elle est répartie sur cinq jours ou si
interlocuteurs, hebdomadaire savoir, surtout elle comprend
TABLEAU VIII
Répartition en pourcentage, suivant les horaires hebdomadaires de travail, des hommes et des femmes travaillant sur les postes de la catégorie B. de 40 à 44h88
de 45 à 49h88
de50à 54h88
55het plus 88
Total Total hommes femmes
H F H F H F H F Horaires réguliers a. sans travail d u samedi 1,1 1,7 47,5 35,2 10,4 3,6 0,1 0,2 59,1 b. avec travail du samedi — — 3,1 8,1 20,1 12,9 0,9 1,3 24,1 Horaires irréguliers (Heures supplémentaires non comprises) — 0,1 12,7 32 1,9 0,7 — — 14,6 Horaires non indiqués Total
2,2 100
40,7 22,3
32,8 4,2 100
87. Voir p. 57 et suivantes. 88. La durée hebdomadaire réelle du travail pour les travailleurs ayant un horaire irrégulier n'est pas indiquée puisque nous donnons seulement les horaires de base. Il est donc impossible d'additionner les pourcentages dans le sens vertical pour les diverses tranches d'horaires.
Durées hebdomadaires de travail
le travail du samedi. De plus, pour de nombreuses entreprises, la durée hebdomadaire du travail n'est pas fixe. Elle peut, par le jeu des heures supplémentaires, être différente suivant les saisons ou suivant l'importance des commandes. La question se trouvait encore compliquée par le fait que les horaires, dans une même entreprise, sont loin d'être homogènes et peuvent varier d'un atelier à l'autre, d'une équipe à l'autre suivant la nature du travail ou suivant les nécessités de la production. Si on a pu recueillir des données pour la quasi totalité de l'échantillon, leur précision n'est pas toujours satisfaisante. Nous avons été amenée à distinguer: - Les cas où les horaires hebdomadaires de travail sont fixes. A l'intérieur de cette catégorie nous avons séparé ceux qui s'étalent sur cinq jours seulement de ceux qui comportent le travail du samedi (généralement du samedi matin). - Les cas où les horaires hebdomadaires sont irréguliers. Nous avons dans ce cas indiqué seulement l'horaire de base sans y ajouter les heures supplémentaires dont le nombre est souvent très variable. Nous ne disposions malheureusement pas de données suffisantes pour distinguer dans cette catégorie le travail du samedi. Il aurait fallu d'ailleurs séparer ceux qui travaillent le samedi uniquement lorsqu'il faut effectuer des heures supplémentaires et distinguer le cas de ceux pour qui les heures supplémentaires s'ajoutent à la journée de travail. 89 Nous n'avons fait figurer dans le tableau vin que la répartition concernant les 22 postes de la catégorie B, ceux sur lesquels nous avons trouvé soit des hommes soit des femmes. Les différences d'horaires ne pouvaient nous intéresser ici que dans la mesure où il s'agit de tâches qui sont accomplies à la fois par des travailleurs masculins et féminins. Le tableau vm permet de relever des différences importantes et souvent inattendues dans les horaires de travail des hommes et des femmes : a. Le pourcentage d'horaires irréguliers est beaucoup plus fort pour les femmes (32,8%) que pour les hommes (14,6%). La proportion plus importante d'O.S. parmi les femmes mais surtout leur présence en très grand nombre dans les branches à caractère saisonnier plus nettement marqué comme le jouet, la fabrication de petits articles métalliques ou même les industries radio-électriques permet d'expliquer cette différence. On remarquera aussi que 32 % des femmes dont le temps de travail hebdomadaire est susceptible de dépassements ont des horaires normaux se situant entre 45 et 49 heures par semaine. Les 89. On aurait pu procéder autrement et demander le nombre d'heures effectuées au cours de la semaine précédant l'enquête (c'est la méthode adoptée pour l'enquête trimestrielle du Ministère du Travail). En fait, les employeurs ou les chefs du personnel connaissaient le régime général de chaque atelier ou de chaque équipe mais ils ignoraient le plus souvent le nombre d'heures supplémentaires effectuées au moment où nous les interrogions. C'est pour éviter de compliquer et de disperser des interviews déjà très chargés qu'on a préféré s'en tenir dans ce domaine à des indications plus sommaires.
!52
Les industries des métaux
employeurs signalent qu'ils obtiennent facilement l'acceptation d'heures supplémentaires, certains précisent même qu'ils l'obtiennent plus facilement des femmes que des hommes, à condition qu'il ne s'agisse pas de travailler le samedi matin. Le taux moins élevé des gains féminins suffirait dans de nombreux cas à expliquer ces différences. b. Si on considère la partie de la population dont les horaires de travail sont réguliers, on y trouve une plus forte proportion d'hommes mais ceux-ci ont des horaires hebdomadaires nettement plus élevés que ceux des femmes (31,5 % des hommes ont des horaires réguliers de travail et font plus de 50 heures par semaine contre 18 % des femmes). c. Nous ne possédons malheureusement pas de données complètes concernant le travail du samedi. Il faudrait ajouter au pourcentage déjà important des femmes travaillant régulièrement le samedi (22,3%), celles qui, ayant un horaire irrégulier, travaillent le samedi à l'occasion des pointes dans la production. Un certain nombre d'employeurs ont affirmé que, lorsque le travail du samedi n'est pas habituel, il reste dans leur entreprise facultatif pour les femmes. Ils ajoutaient presque toujours que la majorité des femmes est alors présente. Il est bien difficile de déterminer dans ce cas dans quelle mesure peuvent jouer le désir de gagner plus ou la peur de perdre sa place. LES DIFFÉRENCES DANS LA R É P A R T I T I O N J O U R N A L I È R E DES H E U R E S DE TRAVAIL
La question de la répartition journalière des horaires revêt une importance comparable à celle de la durée hebdomadaire du travail. On rencontre, dans les entreprises industrielles, deux modes essentiels de répartition des horaires désignés couramment sous le nom de «journée normale» et de travail «par équipe», que nous appellerons travail «par relais», pour ne pas créer de confusion avec le travail en équipe dont nous avons parlé plus haut. Lorsque le travail est effectué en deux relais successifs, les horaires sont en général de 6 heures du matin à 14 heures pour la première, et de 14 à 22 heures pour la seconde, le travail du samedi étant alors la règle générale. Ces horaires sont le plus souvent alternés, c'est-à-dire que les ouvriers qui ont fait partie pendant une semaine de l'équipe du matin passent, pendant la semaine suivante, à l'équipe du soir. Lorsque le travail est continu la journée est partagée en trois relais et les femmes ne peuvent pas, en principe, 90 faire partie de l'équipe de nuit (généralement entre 22 heures et 6 heures du matin) puisque la législation interdit pour les femmes le travail de nuit. Comme pour les horaires hebdomadaires, nous n'avons retenu, pour étudier 90. En fait certaines femmes travaillent au-delà des heures légales (Voir «Les femmes en usine», Esprit, mai 1961, n° 5, p. 834).
Horaires de travail
153
les différences entre main-d'oeuvre masculine et main-d'oeuvre féminine dans la répartition des horaires journaliers que les postes de la catégorie B (tableau IX).
TABLEAU I X
Répartition
en pourcentage des hommes et des femmes travaillant sur les postes de la catégorie B suivant la répartition journalière des heures de travail
Journée normale Horaire «par relais» Non indiqué
Hommes 67,6 32,4 —
Femmes 88,2 8,6 3,2
Total
100
100
La journée dite «normale» est de beaucoup la plus répandue parmi les femmes, tandis que le travail «par relais» est beaucoup plus fréquent parmi les hommes. On peut y voir des raisons d'ordre technique, les machines confiées aux hommes étant en général les plus complexes et les plus récentes, sont souvent celles qui coûtent le plus cher et qui doivent fonctionner au maximum pour que leur utilisation soit rentable. Mais la résistance opposée par les ouvrières aux horaires par relais est souvent signalée par les employeurs. On a même affirmé à plusieurs reprises que l'institution de tels horaires rendait impossible le recrutement des femmes dans certains ateliers. Il n'est donc pas étonnant, dans ces conditions, de trouver de telles différences dans la répartition journalière des horaires de travail. Elles dénotent une sorte d'ajustement des horaires aux caractéristiques de la main-d'oeuvre utilisée.91 91. On constate d'ailleurs que la mixité tend à diminuer les écarts: le pourcentage d'hommes «faisant la journée normale» s'élève lorsque l'emploi est mixte. Pour les femmes au contraire le pourcentage d'horaires normaux est beaucoup plus élevé dans les groupes homogènes de femmes : Répartition en pourcentage des hommes et des femmes travaillant sur les postes de la catégorie B suivant la répartition journalière des horaires de travail et suivant la mixité ou l'homogénéité des équipes HOMMES
Groupes homogènes
Groupes mixtes
Journée normale
62,8
73,7
Horaire «par relais»
37,2
26,3
Total
100
100
FEMMES
Groupes homogènes
Journée normale Horaire «par relais» Répartition non indiquée Total
91,9 4,7 3,4 100
Groupes mixtes
80,9 17 2,1 100
i54
Les industries des métaux
L e clivage entre t r a v a u x masculins et féminins, dans l'industrie, n e se limite d o n c pas à des différences d a n s la n a t u r e des tâches confiées, étroitement liées à des écarts dans les qualifications, les t a u x de salaires, les modes de r é m u n é ration, l'implantation des postes de travail. D ' a u t r e s différences q u ' o n ne retrouverait pas dans la p l u p a r t des autres professions viennent d ' ê t r e mises en évidence : différences dans les horaires, dans leur répartition. Elles sont liées a u x conditions particulières d u travail industriel parfois difficilement compatibles avec la législation d u travail féminin ou avec les obligations familiales des femmes. Elles contribuent diversement, suivant les entreprises, à accentuer le clivage entre les d e u x catégories d e main-d'oeuvre.
DANS QUELLE MESURE Y A-T-IL EU ÉVOLUTION DU CLIVAGE ENTRE TRAVAUX INDUSTRIELS MASCULINS ET FÉMININS?
Nous avions, en r e t r a ç a n t l'histoire d u travail industriel des femmes, avancé l'hypothèse d ' u n e évolution d u m o d e d'utilisation de la m a i n - d ' o e u v r e féminine dans l'industrie a u cours de la période q u i nous sépare de la première guerre mondiale. L ' a u g m e n t a t i o n , en n o m b r e et en pourcentage, de l'emploi des femmes dans les branches en voie de développement, celles où s'est fait sentir d a v a n t a g e le c o u r a n t de rationalisation nous était a p p a r u e c o m m e l ' u n des signes de ce c h a n g e m e n t . Les t r a v a u x des auteurs t r a i t a n t de l'évolution professionnelle dans des branches très diverses d e l'emploi étayaient cette hypothèse. L ' é t u d e comparative des fonctions attribuées a u x h o m m e s et a u x femmes dans les industries des m é t a u x a permis de dégager, a u niveau des postes non qualifiés, des différences q u i confirment ce point de vue. Les femmes ne sont plus, sauf de rares exceptions, chargées des tâches les plus dures, les plus m a l saines ou les plus rebutantes. L a g a m m e des t r a v a u x qu'elles exécutent semble plus variée. Elles n ' e n sont pas moins utilisées, dans ces travaux, sur les postes q u i reflètent le plus n e t t e m e n t les conséquences de la division d u travail et de la rationalisation. Les tâches les plus parcellaires et répétitives, les plus dénuées de responsabilités sont confiées a u x femmes de m ê m e q u e celles qui présentent les plus fortes exigences de rapidité et d'habileté manuelle. O n constate en m ê m e temps que, d a n s u n e industrie en voie d'expansion qui a presque triplé, dans les c i n q u a n t e dernières années, le n o m b r e et le pourcentage des femmes dans ses ateliers, la m a i n - d ' o e u v r e féminine continue à être p r a t i q u e m e n t éliminée des emplois qualifiés nécessitant u n e instruction professionnelle ou u n e f o r m a tion dans l'entreprise. D a n s u n n o m b r e i m p o r t a n t de cas on a signalé q u e la formation professionnelle est fermée à l'ouvrière. Bien plus, lorsque l'acquisition de quelques connaissances supplémentaires p e r m e t t e n t d'améliorer la
Evolution du clivage
155
qualification ou le salaire, ces connaissances ne sont pas données aux femmes dans les entreprises. S'il y a eu modification dans l'emploi des femmes, celle-ci semble donc être liée en définitive à l'évolution technique qui a multiplié certains types de tâches, mais il ne semble pas pour autant que l'on puisse parler d'une atténuation du clivage entre travaux masculins et féminins. Bien au contraire celui-ci, en changeant de nature, s'est sans doute accentué. Dans la mesure où augmentait le nombre des travaux sur lesquels la main-d'oeuvre féminine montre une particulière efficacité, les ouvrières étaient peu à peu retranchées dans des postes plus nettement différenciés des postes masculins. Ces postes, du fait qu'ils étaient occupés par une main-d'oeuvre traditionnellement moins payée, moins exigeante, plus facile à recruter, se trouvaient en même temps dépréciés par rapport aux postes de niveau comparable mais où l'emploi de la maind'oeuvre masculine semble préférable. Cette dépréciation permettait de maintenir dans les qualifications et dans les salaires des écarts qui ne pouvaient que contribuer à leur tour à renforcer le clivage. Si telle est la ligne générale de l'évolution dans les cinquante dernières années, a-t-on néanmoins pu noter, au cours de l'enquête, des faits qui dénotent des changements récents. 92 Les fluctuations numériques signalées pour les dernières années étaient liées à l'extension de certaines fabrications, mais on ne notait pas d'évolution dans le partage des fonctions entre hommes et femmes. On a cité certes quelques exemples d'utilisation des femmes sur des postes nouveaux, celui de pontonnière en particulier, d'extension de leur emploi à la soudure ou au montage. Il s'agit de cas isolés considérés souvent par les employeurs eux-mêmes comme exceptionnels. Telle qu'elle a été définie par l'enquête, la situation de la main-d'oeuvre féminine industrielle ne comporte pas de signes d'évolution récents. Les employeurs ou les chefs du personnel avec lesquels on a eu des entretiens faisaient surtout ressortir la stabilité actuelle de l'emploi féminin sur des postes bien déterminés. La nature des commentaires recueillis sur la répartition des postes de travail suffit d'ailleurs à montrer avec quelle difficulté l'idée d'une évolution pourrait se faire jour. Nous aurons à revenir sur ce problème lorsque nous parlerons des perspectives ouvertes par les développements de l'automatisation. On s'est attaché jusque là à dégager les éléments qui différencient les tâches féminines des tâches masculines. Pour cerner de plus près la notion de fonctions féminines dans le travail industriel, il convient d'examiner d'une manière systématique les caractéristiques des travaux accomplis par les femmes. 92. Nous laissons provisoirement de côté, pour y revenir à la fin de cet ouvrage, les réflexions que peuvent suggérer les quelques exemples d'emploi d'un outillage automatisé et à propos desquels il faut parler plutôt de perspectives.
156
II. Les caractéristiques des travaux féminins La sélection des ouvrières
La documentation recueillie au niveau des directions d'entreprises et au cours des visites d'atelier apportait l'essentiel des éléments pour la comparaison entre tâches masculines et féminines. Elle était toutefois impropre à donner une connaissance approfondie des travaux accomplis par les femmes, des conditions dans lesquelles ils sont accomplis, des exigences qu'ils comportent. Seules des observations de longue durée pouvaient permettre de recueillir, sur des bases scientifiques, les éléments d'une telle étude. Le schéma d'observation qui servait de grille au travail de l'enquêteur figure en annexe de l'ouvrage. 1 Nous avions, pour l'établir, consulté les ouvrages susceptibles de nous orienter dans ce domaine. Il est apparu tout de suite que les conditions dans lesquelles devait se dérouler cette partie de la recherche allaient imposer certaines limites. Obligée de nous borner à une simple observation de la tâche, complétée par des questions posées à la maîtrise, et, dans les cas les plus favorables, par des questions aux ouvrières, nous n'allions pas manquer de tomber sous le coup des critiques formulées par Ombredane et Faverge dans leur livre consacré à l'analyse du travail. 2 L'observation menée dans ces conditions risquait en particulier de donner une connaissance superficielle des exigences réelles du poste observé. Mais on cherchait moins à analyser les exigences de la tâche qu'à connaître le genre de travail confié et dans ce domaine, même avec des moyens limités, un nombre important d'observations pouvaient être faites. Le temps passé près de l'ouvrière était très variable suivant la nature de la tâche qu'elle accomplissait. Quelques heures suffisaient parfois mais un temps d'observation beaucoup plus long était souvent indispensable. On a déjà expliqué comment avait été effectué le choix des entreprises afin que les 14601 femmes occupées dans les 129 entreprises de l'échantillon constituent une population représentative de l'emploi féminin dans les ateliers des industries des métaux de la région parisienne. Le choix des postes à observer 1. Voir Annexe n, p. 242. O n a tenu un large compte des indications données par le docteur P. Bize dans le Traité de psychologie appliquée, publié sous la direction de H . Piéron (Paris, P.U.F. 1954, t. m). Il ne fallait pas oublier toutefois que la plupart des travaux observés allaient être des travaux simples et parcellaires. Les études menées en Grande-Bretagne par Cox, Scharp et Irvine ont été utilisées (Cox, Scharp, Irvine, Women's Attitudes to Repetitive Work, London, National Institute of Industrial Psychology, Report n° 9, 1953). 2. A . Ombredane et J. M. Faverge ; L'Analyse du travail,facteur d'économie humaine et de productivité, Paris, P.U.F. 1955.
Outillage
utilisé
157
posait un problème du même ordre. On désirait disposer d'environ 350 observations de postes mais pour être lui aussi représentatif, cet échantillon devait reproduire le plus fidèlement possible la répartition suivant les postes de travail des ouvrières de l'échantillon. On est arrivé, en fin d'enquête, à un total de 358 observations dont la répartition est très voisine de la répartition des postes dans l'échantillon. 3 On s'appuiera essentiellement, dans la première partie de ce chapitre, sur les données numériques élaborées à partir de ces observations. L'OUTILLAGE UTILISÉ PAR LES OUVRIÈRES
Il était intéressant d'abord de voir comment se répartissaient les 358 ouvrières observées d'après la nature de l'outillage qu'elles utilisent (tableau x). TABLEAU X Répartition
des 358 postes féminins
observés suivant la nature de l'outillage
Nombre Travail uniquement manuel Travail manuel avec utilisation d'appareils ou d'outils / Travail comportant l'approvisionneI ment d'une machine et sa mise en Travaux l marche au début de chaque cycle de sur 1 travail machines ] Approvisionnement de machine à ! fonctionnement continu Surveillance de machine à fonction\ nement continu
utilisé
%
28
7,8
175
48,9
1384
38,5
165
4,5
1
—
Si 43 % des femmes de l'échantillon sont occupées sur machine, une seule d'entre elles est chargée d'un travail de surveillance. Pour toutes les autres il s'agit de travaux d'exécution dans lesquels les interventions manuelles jouent un rôle important. Ainsi se trouvent mises en lumière les conséquences des observations formulées à plusieurs reprises dans le chapitre précédent sur le clivage entre tâches masculines et féminines dans les travaux sur machine. Mais la nature de l'outillage utilisé reste, à travers la diversité des travaux, une notion vague. Les observations de postes offraient des moyens de préciser d'une manière plus suggestive les traits essentiels des tâches féminines. On examinera d'abord ceux qui se rapportent aux caractéristiques du cycle de travail. 3. 4. 5. (V. page suivante).
Caractéristiques des travaux féminins
158
LES C A R A C T É R I S T I Q U E S D U CYCLE D E T R A V A I L
L e travail ouvrier, et particulièrement celui de l'O.S., comporte le plus souvent la répétition, à intervalles plus ou moins longs, d ' u n e m ê m e opération ou d ' u n e m ê m e série d'opérations. C'est le cas d u t o u r n e u r qui, après avoir procédé à u n e série d'opérations sur u n e pièce passe, après avoir contrôlé son travail, à u n e a u t r e pièce semblable à laquelle il fait subir les mêmes modifications; c'est le cas de l'ouvrière sur presse qui, chargée d ' e m b o u t i r des flans de métal p o u r en faire des boîtes, p r e n d u n flan, le dispose sur le bâti de la machine, actionne le coulisseau en a p p u y a n t sur u n e pédale ou en pressant sur un bouton, évacue la pièce et passe à la pièce suivante. L e cycle de travail est l'ensemble des opérations effectuées entre d e u x répétitions successives. Il est à peine besoin d e souligner combien les caractéristiques d u cycle de travail, le n o m b r e d'opérations q u ' i l comporte, sa durée, sa continuité p e u v e n t varier et à quel point il est i m p o r t a n t de les connaître p o u r apprécier la n a t u r e d ' u n e tâche. Les observations de postes féminins a p p o r t e n t , sur ces différents points, des données numériques particulièrement suggestives. Le nombre d'opérations à accomplir: prédominance des travaux morcelés. Sur les 358 tâches observées, 352 comportaient u n n o m b r e fixe d'opérations (tableau xi). Ce chiffre élevé est déjà révélateur d u caractère répétitif des trav a u x féminins. 8 3.
Répartition comparée, suivant le poste de travail, des 14601 ouvrières de l'échantillon et des 358 ouvrières auprès desquelles ont été menées des études détaillées Echantillon
Observations de postes
-\ uni uu pustc Montage Contrôle Tournage et reprise Presses Bobinage Soudure Magasinage-emballage Rivetage-sertissage Peinture Autres postes Total
Nombre
%
Nombre
%
5214 2174 1857 1141 1 104 656 625 422 235 1173
35,7 14,9 12,7 7,8 7,5 4,5 4,2 2,9 1,7 8,1
126 52 46 27 26 16 15 10 5 35
35,2 14,6 12,7 7,6 7,3 4,4 4,2 2,8 1,5 9,7
14601
100
358
100
4. Dont dix travaillent sur deux machines à fonctionnement alterné ou simultané. 5. Treize machines sont alimentées pièce par pièce et trois par séries de pièces. 6. Pour chiffrer, lors des observations de postes, le nombre d'opérations accomplies par chacune des ouvrières, on a adopté la règle suivante : O n a considéré comme comportant une seule opération l'exécution, au cours du même cycle de travail, et sur un même objet, d'une ou de plusieurs tâches de même nature (le montage d'une
Cycle de travail
159
TABLEAU X I
Répartition des 358 postes féminins observés suivant le nombre d'opérations à effectuer au cours de chaque cycle de travail.
Nombre 1 opération 2 opérations 3 opérations ou plus La tâche ne comprend pas un nombre fixe d'opérations
/o
296 45 11
82,7 12,6 3,1
6
1,6
358
100
Mais la répartition suivant le nombre d'opérations que comporte le cycle de travail est plus frappante encore puisque 16 % seulement des ouvrières effectuent plus d'une opération. Ce sont surtout des ouvrières au montage chargées de travaux de soudure sur les pièces qu'elles viennent d'assembler. On trouve parmi elles les monteuses-câbleuses chargées de mettre en place les câbles électriques à l'intérieur d'un poste de T.S.F. ou de télévision et de procéder ensuite à la soudure des connexions. Ce sont aussi des bobineuses qui, entre deux enroulements, doivent procéder à la soudure du fil ou au contrôle de la résistance électrique de la bobine, ce sont encore des ouvrières sur machine qui contrôlent leur production. La proportion des tâches comportant une seule opération est au contraire très élevée (82,7 %). La spécialisation de la main-d'oeuvre féminine sur un type de tâche apparaît ici avec évidence. Il ne faudrait pas croire, toutefois, que la complexité ou la difficulté du travail dépendent toujours du nombre d'opérations tel qu'il a été défini. 7 La réalité est infiniment moins simple. Parmi les travaux qui comportent exclusivement du montage par exemple, on trouve des ouvrières chargées de constituer l'armature métallique d'un transformateur en mettant en place, sur un bobinage isolé par un bain de vernis, treize séries de trois tôles qu'elles ajustent au marteau, ou d'assembler les vingt pièces formant une partie d'un clignotant. Les mêmes travaux de montage offrent cependant de nombreux exemples de travaux morcelés et répartis sur plusieurs postes successifs. On en citera deux exemples typiques mais qui sont loin d'être ou de plusieurs pièces d'un compteur par exemple ou la soudure d'une ou de plusieurs parties d'un réservoir, accomplis par le même exécutant). On a au contraire considéré qu'il y avait plusieurs opérations lorsque des tâches de nature différente étaient accomplies au cours du même cycle de travail par un même exécutant (un montage suivi d'un réglage par exemple ou d'une soudure représente deux opérations, de même qu'un fraisage suivi d'un contrôle). 7. Voir p. 158, note 6.
i6o
Caractéristiques des travaux
féminins
exceptionnels. Le premier concerne une équipe de monteuses de jouets mécaniques occupées aux opérations d'assemblage d'une petite voiture de dix centimètres de longueur environ. Le travail est partagé entre douze ouvrières (de très jeunes filles) réparties autour d'une table, la même ouvrière étant toujours chargée de la même tâche et passant ensuite l'objet à sa voisine. Certains postes, comportant des opérations plus longues, sont doublés: - Ie ouvrière: montage d'un pignon de cuivre sur une roue dentée et son blocage. (Rappelons qu'il s'agit d'un jouet). e - 2 ouvrière : montage d'une molette sur un axe. - 3e ouvrière : assemblage du moteur. - 4e ouvrière: assemblage du moteur. - 5e ouvrière : montage du moteur sur le châssis. - 6e ouvrière : montage des roues avant sur le châssis. - 7 e ouvrière : montage des roues arrière sur le châssis. - 8e ouvrière : montage du pare-brise sur la carrosserie. - 9 e ouvrière : assemblage du châssis et de la carrosserie. - 10e ouvrière: assemblage du châssis et de la carrosserie. -11e ouvrière: montage de la tête du conducteur. - 12e ouvrière : contrôle et empaquetage. Un autre exemple caractéristique est celui de la division en quatorze tâches successives, effectuées en chaîne par des femmes, du montage et du contrôle d'un robinet pour bouteille de gaz butane : - Ie ouvrière: contrôle de l'alésage du corps de robinet (à l'aide d'un calibre). - 2e ouvrière: ébavurage du siège (au moyen d'un foret). - 3e ouvrière: ébavurage des parties filetées (à l'aide d'une pointe). - 4e ouvrière: soufflage des pièces pour enlever les copeaux (au moyen d'une soufflette à air comprimé). - 5e ouvrière: contrôle des filetages (au moyen d'un calibre). - 6e ouvrière : graissage du pas de vis intérieur et mise en place du piston muni de son ressort. - 7e ouvrière: mise en place de la butée (à l'aide d'un tournevis). - 8e ouvrière: bloquage de la butée limitant la course du piston. - 9e ouvrière: contrôle de la course du piston (à l'aide d'un comparateur). - 10e ouvrière: perçage d'un trou borgne dans la butée (à l'aide d'une petite perceuse). - 11e ouvrière: montage final et vérification du fonctionnement. - 12e ouvrière : contrôle d'étanchéité. - 13e ouvrière: marquage des caractéristiques du robinet à l'aide d'une petite presse à matricer. -14e ouvrière: dernier contrôle d'aspect et de fonctionnement puis emballage. A la gauche de chaque ouvrière se trouve un plateau contenant les pièces sur
161
Cycle de travail
lesquelles elle doit travailler. Elle les dépose ensuite dans un autre plateau placé à sa droite; lorsque le plateau contient cinquante pièces il est transporté au poste suivant. La durée du cycle de travail : des chiffres suggestifs
La durée du cycle de travail est évidemment fonction du nombre d'opérations qu'il comporte. Elle est aussi étroitement liée au degré de morcellement de la tâche. Il était important de recueillir des chiffres dans ce domaine si souvent abordé mais sans que des données numériques d'ensemble aient été avancées. 8 TABLEAU XII
Répartition des 358 postes féminins
Durée du cycle
observés suivant la durée moyenne du cycle de travail
Nombre d'ouvrières
%
1 2 3 4 5
seconde secondes secondes secondes secondes
5 11 13 > 64 18 17
17,8
6 7 8 9 10
secondes secondes secondes secondes secondes
16 9 8 } 47 8 6
13,2
41 31 62 24 33 48
11,4 8,6 17,4 6,7 9,2 13,4
8
2,3
358
100
De 11 à 20 secondes De 21 à 30 secondes De 31 secondes à 1 minute De 1 à 2 minutes De 2 à 5 minutes Plus de 5 minutes Pas de cycle
8. Pour cela, on devait pour chaque poste de travail étudié, établir au moyen d'un chronomètre la longueur du cycle. Il fallait tenir compte toutefois des variations possibles dans la rapidité de l'exécution, aussi avait-on pris pour règle de procéder à une série de mesures à des moments différents de l'observation et d'établir une moyenne. L'enquêteur devait d'ailleurs procéder avec beaucoup de prudence et s'arranger pour dissimuler son chronomètre. La plupart des employeurs en effet, craignant les réactions des ouvrières qui pouvaient penser que nous participions à une opération de révision des normes, nous avaient demandé de ne pas procéder ouvertement à de telles mesures.
Caractéristiques des travaux féminins
IÔ2
Les résultats des mesures faites dans ce d o m a i n e (tableau xn) sont probablem e n t les plus suggestifs de ceux q u e l'observation des t r a v a u x féminins nous ait permis d'établir. Ils nous a p p r e n n e n t q u e p o u r 17,8 % des ouvrières, la d u r é e d u cycle de travail ne dépasse pas cinq secondes, q u e p o u r 31 % elle ne dépasse pas dix secondes et q u e pour 69 % elle est inférieure à u n e minute. Pour la g r a n d e m a j o r i t é des ouvrières le cycle de travail est d o n c court. O n pouvait s'y a t t e n d r e puisqu'il s'agit essentiellement d ' O . S . Mais la proportion élevée de cycles très courts retient surtout l'attention. Il n'était pas inutile d e d o n n e r quelques exemples concrets. O n trouvera en annexe une brève description des tâches p o u r lesquelles la durée d u cycle ne dépasse pas cinq secondes, et quelques exemples de tâches p o u r lesquelles la durée d u cycle est supérieure. 9 Les tâches à cycle très court sont des tâches simples, effectuées généralement sur des objets de petites dimensions et c o m p o r t a n t u n petit n o m b r e de gestes de portée très limitée indéfiniment répétés d ' u n cycle à l'autre. Pour les tâches à cycle plus long - on le r e m a r q u e r a en consultant les descriptions placées en annexe - la d u r é e est parfois liée à l'exécution d ' u n e opération plus complexe (la bobineuse, la soudeuse, la régleuse de clignotants). O n note plus souvent toutefois la répétition a u cours d u cycle de plusieurs opérations identiques (perçage de plusieurs trous, découpage de plusieurs flans dans u n e b a n d e , m o n t a g e d ' u n e série de pièces identiques). Mais alors q u e les cycles très courts c o m p r e n n e n t u n petit n o m b r e de gestes, les cycles plus longs f r a p p e n t p a r le n o m b r e très élevé des gestes à accomplir. L ' a t t e n t i o n est d o n c dans tous les cas attirée p a r les caractéristiques gestuelles des t r a v a u x féminins et a v a n t tout p a r la rapidité requise. La continuité dans la succession des cycles de travail D a n s quelle mesure les cycles de travail, pour les postes observés, se succédaientils sans a r r ê t ? Pouvait-on, a u contraire, noter des interruptions? L e n o m b r e élevé de cycles très courts justifie l'importance accordée à cette éventualité c o m m e élément d ' a p p r é c i a t i o n d e la n a t u r e d u travail. Les interruptions dans la succession des cycles de travail peuvent avoir des origines diverses et d ' a b o r d être la conséquence d'incidents survenus dans la production (dérèglement de la m a c h i n e p a r exemple). Elles peuvent aussi être volontaires : u n e ouvrière payée au r e n d e m e n t peut p a r exemple i n t e r r o m p r e p e n d a n t quelques minutes sa production quitte à «se r a t t r a p e r » ensuite p a r u n r e n d e m e n t plus i m p o r t a n t . Elles peuvent être prévues à intervalles réguliers p o u r m é n a g e r a u x ouvrières d ' u n atelier des moments de détente. Elles peuvent enfin être commandées p a r le déroulement de la tâche. L a durée des observations était trop inégale d ' u n poste à l ' a u t r e p o u r q u e l'on puisse tenir c o m p t e des incidents d e production. Q u a n t a u x arrêts 9. Voir Annexe v, p. 370.
Cycle de travail
163
volontaires, les conditions même de l'étude étaient de nature à en limiter le nombre : l'ouvrière qui se sentait observée était moins libre pour interrompre son travail. 10 On n'a donc noté que les arrêts prévus, pauses d'atelier ou interruptions faisant partie du déroulement normal de la tâche: arrêt pour un simple approvisionnement partiel (constituer sur le bâti de la machine ou sur la table un petit stock de pièces à portée de la main), arrêt pour un approvisionnement plus lointain (évacuer des pièces terminées et aller en chercher de nouvelles près d'un autre poste de travail ou dans un autre atelier), arrêt pour l'entretien normal de la machine (graissage ou réglage) ; arrêt pour une surveillance de la production. Les données recueillies se répartissent de la manière suivante : - Pour 202 ouvrières la tâche ne comportait aucun arrêt prévu susceptible d'interrompre la succession des cycles de travail. - Pour 77 ouvrières la tâche comportait des interruptions pour un approvisionnement partiel. Il s'agissait d'arrêts de très courte durée (quelques secondes), que l'ouvrière répartissait comme elle l'entendait et au cours desquels elle n'avait en général qu'à se pencher pour saisir ou déposer des pièces dans la corbeille ou dans le chariot placé auprès d'elle. 11 - Pour 60 ouvrières on a observé des arrêts plus longs, pour un approvisionnement entraînant un déplacement dans l'atelier ou même dans un atelier voisin. Ces déplacements sont peu fréquents (un ou deux par jour dans plus de la moitié des cas). - 18 ouvrières devaient procéder à intervalles réguliers à un comptage des pièces sur lesquelles elles avaient travaillé. - 13 ouvrières devaient procéder à intervalles réguliers au graissage de la machine ou de l'outil. - 6 ouvrières devaient de temps en temps s'interrompre pour examiner la production. Il s'agissait d'ouvrières sur presses qui, faisant le tour de leur machine devaient s'assurer que les pièces éjectées étaient correctement découpées ou embouties. - 10 ouvrières travaillaient dans des ateliers, sur des chaînes où des «pauses» étaient pratiquées à heures fixes (en général deux pauses de 5 à 10 minutes, l'une le matin, l'autre l'après-midi). 12 10. Nous avons noté pourtant quelques exemples d'ouvrières s'interrompant lorsqu'elles se sentent en avance sur les normes qu'elles se sont fixées ou lorsqu'elles ne peuvent plus soutenir le rythme, telle cette ouvrière chargée de la pose de curseurs sur une bande de fermetures à glissière qui, après avoir poussé la cadence au maximum de ses forces, s'interrompait toutes les cinq minutes, s'essuyait le visage, se levait, faisait quelques pas et recommençait. 11. Les intervalles qui s'écoulaient entre ces arrêts se répartissaient ainsi: de 5 minutes pour 23 ouvrières de 5 à 15 minutes pour 13 ouvrières plus de 15 minutes pour 41 ouvrières. 12. Si on fait le total des chiffres énumérés ci-dessus, on constatera qu'il est supérieur au n o m b r e
164
Caractéristiques des travaux féminins
On retiendra de cette énumération que, pour plus de 56 % des ouvrières, les cycles de travail se succèdent sans que le processus d'exécution de la tâche comporte une interruption dans leur déroulement. Pour les autres, on peut se demander si, à l'exception des déplacements pour approvisionnement lointain, les arrêts observés sont susceptibles, par leur nature et par leur durée, de constituer une véritable détente dans le travail. Il est d'autant plus important dans ces conditions de constater que les tâches féminines sont en majorité sédentaires. Le tableau xm concerne le cycle de travail proprement dit et ne tient pas compte des interruptions dont nous venons de parler. TABLEAU X I I I
Répartition des 358 ouvrières suivant l'attitude pendant le cycle de travail
Nombre Assise Debout sans déplacements Debout avec déplacements négligeables ou piétinements Déambulation
%
248 52
69,3 14,5
38 20
10,6 5,6
358
100
La proportion de travaux assis est importante (près de 70%). Elle atteint d'après nos observations 78 % dans le montage et 80 % dans le contrôle. Parmi les femmes travaillant debout on trouve par contre une forte proportion d'ouvrières sur machines. On remarquera aussi la faible proportion d'ouvrières ayant à effectuer des déplacements pendant le cycle de travail; ceux-ci sont d'ailleurs très limités (déambulation entre deux machines, portage de pièces à l'étuve, etc. . .). On peut se demander si, étant données les caractéristiques précédemment mises en lumière des travaux féminins, leur caractère sédentaire n'est pas ressenti dans bien des cas comme un inconvénient. 13 d'observations (358). Ceci est normal puisque certaines ouvrières peuvent être chargées à la fois d'un approvisionnement et d'un réglage, d'une surveillance de la production et d'un graissage, etc. 13. Le rapport du professeur Mehl aux Journées nationales de médecine du travail (Lille, septembre 1963) souligne les inconvénients du travail debout pour les femmes. Ils ont conduit à adopter la «loi des sièges» de 1900 et le décret du 5 octobre 1960. Le rapport n'en signale pas moins d'importantes études sur les troubles que peut engendrer le travail en position assise dans des attitudes maintenues d'une façon prolongée. {Les Aspects médicaux du travail féminin dans l'industrie, à paraître; document dactylographié communiqué par l'auteur, p. 33).
Gestes de travail
165
LES GESTES DE T R A V A I L DES O U V R I È R E S : P R É D O M I N A N C E DES É L É M E N T S DE C O N T R A I N T E
La durée très limitée du cycle de travail, la rapidité de la succession des opérations, la continuité dans le déroulement des cycles qui caractérisent la majorité des travaux féminins amènent à aborder la question des gestes accomplis pendant le travail. Quelle partie du corps mettent-ils en mouvement, de quel ordre est leur amplitude, dans quelle mesure peut-on distinguer, dans la manière dont ils se succèdent, des éléments de liberté ou de contrainte? TABLEAU X I V Répartition
des 358 postes suivant les parties
du corps mises en mouvement au cours
du cycle de travail et suivant l'amplitude Faible amplitude
Amplitude moyenne
des
Grande amplitude
N
%
N
%
N
Mouvements des doigts, des mains ou des avant-bras seulement
%
161
75,6
44
47,3
—
—
Mouvements des bras (avec ou sans mouvement du buste)
36
24,4
49
52,7
—
5
Tout le corps Total
%
197 55
100
93 25,9
100
5 1,5
mouvements,14 Amplitude variable
Total
%
N
8
12,7
213 16
56,8
48
76,2
138"
38,6
7
11,1
7
4,6
63 17,6
100
358 100
100
N
%
On aura présent à l'esprit, en examinant le tableau xiv, qu'il concerne uniquement les gestes accomplis pendant le cycle de travail. La nette prédominance des tâches mettant en mouvement seulement les doigts, les mains ou les avant-bras est le fait le plus important. Elles constituent 63 % des travaux de montage, 64% des travaux de contrôle, 79% des travaux de bobinage, 57% 14. Pour distinguer les parties du corps mises en mouvement on a adopté une classification simple: doigts, mains et avant-bras seulement; bras avec ou sans mouvement du buste; jambe, et - dans les mouvements plus complexes - tout le corps. Cette classification paraîtra sans doute trop élémentaire. Nous n'ignorons pas que des listes beaucoup plus complexes ont été établies par différents auteurs (notamment Laet et Lobet ou S. Pacaud). Mais elles visaient à une description du travail et notre objectif était en l'occurrence beaucoup plus limité; nous cherchions seulement à classer les postes observés suivant les parties du corps qui entrent en action au cours du cycle de travail. Pour classer les gestes de travail d'après leur portée, on a distingué les mouvements de faible amplitude (moins de 20 centimètres), ceux d'amplitude moyenne (20 à 40 centimètres), ceux de grande amplitude (40 centimètres et plus). Restaient évidemment les mouvements d'amplitude variable qui ont été classés séparément. 15. Dont 38 accompagnés d'un mouvement de la jambe (pédale). 16. Dont 25 accompagnés d'un mouvement de la jambe (pédale).
Caractéristiques des travaux
féminins
des travaux sur presses et 36 % des travaux de reprise. Encore ces mouvements sont-ils, dans la proportion de 75 %, de faible amplitude. Les gestes de portée limitée, mettant en jeu un petit nombre de muscles, correspondent souvent, on s'en doute, à des cycles de travail courts. La plupart des 64 postes pour lesquels le cycle est inférieur à cinq secondes 17 entrent dans cette catégorie et l'observateur remarque que les cycles courts et le souci du rendement amènent précisément les ouvrières à limiter au maximum l'amplitude de leurs mouvements. Il ne faut pas oublier toutefois que nous avons constaté qu'à des cycles plus longs peut correspondre la répétition sur un rythme rapide d'une succession de gestes semblables et de faible amplitude. Les gestes de travail dépendent aussi dans une large mesure des caractéristiques des objets manipulés. On a déjà dit à plusieurs reprises que, sauf quelques exceptions, les travaux féminins s'effectuent en général sur des objets de faible poids et de dimensions réduites. Quelques chiffres en donnent une idée: pour 216 ouvrières de l'échantillon, le poids des objets à manipuler au cours du travail ne dépassait jamais 200 grammes; pour 207 ouvrières la plus grande dimension des pièces sur lesquelles s'effectuait le travail ne dépassait pas dix centimètres. Ces mouvements de faible amplitude, mettant généralement en jeu un petit nombre de muscles et se succédant à une cadence rapide, étaient-ils identiques d'un cycle de travail à l'autre? Dans quelle mesure au contraire une observation prolongée laissait-elle apparaître la possibilité d'une certaine diversité dans la succession des gestes de travail ? TABLEAU XV Répartition des 358 postes de travail suivant les variations observées d'un cycle de travail à un autre, dans l'ordre et l'ampleur des gestes.
Nombre d'ouvrières
%
Gestes strictement identiques d'un cycle de travail à un autre (ordre et ampleur)
197
Gestes identiques avec faibles possibilités de variations
96
26,8
Gestes identiques avec possibilités de variations
45
12,6
Grandes possibilités de variations dans les gestes
20
5,6
Total 17. Voir p. 370 et suivantes.
358
55
100
Gestes de
travail
167
Pour 197 ouvrières (plus de la moitié de l'échantillon) on a constaté que la direction, l'ordre et l'amplitude des mouvements accomplis étaient strictement identiques d'un cycle de travail à un autre (tableau xv). Cette similitude absolue est liée au degré de simplicité de la tâche: dans la mesure où celle-ci ne demande ni réflexion ni tâtonnement ni effort d'adaptation à des difficultés imprévues, la succession des gestes de travail a davantage de chances d'être immuable. L'outillage employé peut aussi commander plus ou moins impérativement la succession et l'ampleur des mouvements, aussi leur similitude d'un cycle de travail à un autre est-elle particulièrement marquée dans les travaux sur machine: la proportion atteint 84,7% aux presses, 72,9% à la reprise, 83,3 % au rivetage. Elle n'en existe pas moins dans le montage (59 %) et le contrôle (40 %) où la disposition des postes est souvent étudiée non seulement pour limiter l'ampleur des mouvements mais pour faciliter leur succession immuable. 18 Il est évident aussi, lorsqu'on observe des ouvrières au travail, que le souci du rendement incite l'ouvrière à une économie de gestes qui l'amène en fait à exécuter des mouvements strictement identiques même dans les cas où certaines variations seraient possibles. Les 96 ouvrières pour lesquelles on a observé de faibles variations d'un cycle de travail à un autre pourraient à la rigueur être classées dans la même catégorie que les précédentes : elles ont été distinguées parce que leur tâche présente parfois des difficultés inattendues, susceptibles d'amener de légères modifications dans les gestes habituels de travail. 19 Quant aux 45 ouvrières dont les mouvements sont en principe identiques d'un cycle à un autre mais avec des possibilités de variations, nous les avons trouvées surtout sur les postes où la responsabilité de l'exécutante dans la qualité du travail est plus grande. Ces possibilités sont toutefois limitées. La noyauteuse qui, en tassant le sable dans la boîte à noyaux, doit juger elle-même de son degré de «serrage» et donne un nombre variable de coups de fouloir, l'ouvrière à la peinture qui revient sur une partie de la pièce qu'elle estime insuffisamment recouverte, la soudeuse qui insiste sur une partie de la soudure qui lui paraît faible n'en sont pas moins astreintes à une certaine identité dans les gestes. Il ne reste en définitive qu'un très faible pourcentage (5,6 %) de postes pour lesquels on n'a pas constaté cette obligation plus ou moins stricte de la répétition des mêmes mouvements d'un cycle de travail à un autre. La servitude du geste apparaît bien comme l'un des traits dominants des travaux féminins. 18. C'est le cas par exemple des postes de montage où les boîtes contenant les pièces à assembler sont disposées en demi-cercle devant l'ouvrière et dans l'ordre du montage. 19. C'est le cas de l'ouvrière sur presse occupée à emboutir des pièces qui peuvent se trouver coincées au moment où elles doivent être évacuées. L'ouvrière doit alors saisir un outil pour les dégager.
Caractéristiques des travaux
féminins
LA CONTRAINTE DU RYTHME
Après la question de la liberté des gestes de travail se posait naturellement celle de la liberté du rythme, de la possibilité de faire varier la cadence du travail. Lorsque l'ouvrière alimente pièce par pièce une machine à fonctionnement continu, le rythme de son travail est entièrement imposé par celui de la machine qu'elle doit suivre. Le rythme n'est que partiellement imposé dans le cas de l'ouvrière sur presse qui, découpant «à la volée» plusieurs flans dans une bande de métal, déclenche elle-même une série de mouvements de l'outil qu'elle arrête lorsque le découpage de la bande est achevé: elle est soumise à la cadence de la machine pendant le temps du découpage de la bande dont elle assure l'avance. Dans le cas du travail à la chaîne, c'est l'implantation du poste et le mode de transmission des pièces d'un poste de travail à un autre qui crée la contrainte. L'exigence de la chaîne apparaît d'ailleurs souvent comme plus impérative que celle de la machine: l'ouvrière qui n'arrive pas à suivre le rythme de la presse semi-automatique qu'elle alimente a la possibilité de l'arrêter pendant quelques secondes pour «prendre de l'avance»; la cadence de la chaîne, elle, est inexorable. TABLEAU XVI Répartition
des 358 ouvrières observées suivant le degré de liberté du rythme de travail et suivant le mode de rémunération.
Degré de liberté du rythme
Rythme libre
Rythme partiellement imposé par la machine
Mode de rémunération N Au temps Au rendement calculé Au rendement estimé Total /o
%
Rythme entièrement imposé par la machine
N
Rythme imposé par la chaîne
N
N
Total
N
20
7,8
15
10
4
49
215
84,4
5
4
50
274
20
7,8
4
11
255 100 71,2
24 6,6
25 6,9
—
54 15,3
35 358 100
Pour 25 ouvrières de l'échantillon, le rythme de travail est totalement imposé par la machine (tableau xvi), pour 24 autres, il est imposé partiellement.
Contrainte du rythme
169
Pour 54 il est imposé par le moyen de la chaîne. 20 Le rythme de travail resterait donc, en principe, libre pour 255 ouvrières (71,2 %). Mais 235 d'entre elles sont rémunérées au rendement dont 215 au rendement calculé. 21 La contrainte introduite par le salaire au rendement ne constitue certes une obligation absolue que dans la mesure où l'ouvrière est tenue de réaliser un minimum de production au-dessous duquel elle risque toujours des sanctions. Ce minimum est la plupart du temps assez élevé. Calculé d'après les temps des bonnes ouvrières, il impose souvent aux autres des efforts importants. L'ouvrière rémunérée au rendement mais non soumise au rythme de la machine ou de la chaîne peut, il est vrai, à certains moments, ralentir sa production quitte à «pousser des pointes» à d'autres moments. Il est impossible cependant d'envisager la question sous ce seul aspect. En fait, la contrainte psychologique introduite par la rémunération au rendement revêt, lorsqu'il s'agit de femmes, une importance considérable et la plupart des ouvrières payées au rendement manifestent un acharnement que les employeurs sont unanimes à souligner. Deux exemples qui ne sont pas des cas isolés en donneront une idée. Dans une entreprise fabriquant des roulements à billes, l'ouvrière chargée du cotage et de l'assemblage des deux bagues de roulement réalise une production de 330 roulements à l'heure, payés aux pièces, alors que le minimum imposé est de 220. Dans un atelier de constructions radio-électriques, une femme faisant du cambrage de petites pièces au balancier réalise 800 pièces à l'heure alors que le minimum «établi en se basant sur une ouvrière adroite» est de 500 pièces.22 Après avoir visité certains ateliers de presses, de travail au balancier, de montage, de contrôle, après avoir constaté l'état de tension de certaines ouvrières, après avoir vu quelques unes d'entre elles au bord des larmes parce qu'elles «se sentent coulées», parce qu'elles ont «du mauvais travail» qui ne leur permet pas d'aller aussi vite qu'elles le voudraient, après avoir remarqué le prestige dont jouissent celles qui atteignent les plus hauts rendements, on se rend compte que l'expression «rythme libre» n'a plus grande signification lorsque le travail est rémunéré au rendement. 23 La contrainte du rythme est, dans les travaux féminins, un fait aussi général que la contrainte du geste. 20. Ce chiffre est inférieur à celui des ouvrières travaillant sur chaîne mais il peut arriver sur certaines chaînes que des ouvrières travaillent «sur stock» le plus souvent d'ailleurs au rendement individuel. 21. Voir page 168. 22. Dans certains ateliers pratiquant le matin et l'après-midi des arrêts de quelques minutes, nous avons pu observer des ouvrières qui continuaient à travailler pendant la pause; d'autres arrêtaient leur travail mais se mettaient à tricoter. L ' u n e d'elles à qui nous demandions pourquoi elle ne profitait pas de ce temps de repos pour se détendre nous a expliqué que si elle s'arrêtait complètement «elle se refroidissait» et ne retrouvait plus son rythme. Il était d'ailleurs curieux de constater que ses gestes de travail n'étaient guère différents de ceux qu'elle faisait en tricotant. 23. Certains employeurs nous ont signalé la préférence des femmes pour les salaires au rendement individuel et leur répugnance pour les systèmes de primes collectives. Dans une fabrique
i7°
Caractéristiques des travaux féminins
POSSIBILITÉS TRÈS LIMITÉES DE CHANGEMENTS DANS LE TRAVAIL
Dans la mesure où les constatations qui précèdent soulignent le caractère contraignant des travaux observés, elles appellent une question. Les ouvrières sont-elles toujours chargées de la même tâche? Une observation plus longue aurait-elle permis de déceler dans leur travail des éléments de diversité, changements de série ou changements de poste, que nous n'avions pas eu l'occasion de noter? La réponse ne pouvait être apportée que par la maîtrise et, toutes les fois qu'on pouvait les interroger, par les ouvrières elles-mêmes. Les changements de série
Par changement de série on entend le passage d'une fabrication à une autre mais sans que ce passage implique un changement dans la nature du travail ou dans le genre d'outillage employé. Il y a changement de série lorsque l'ouvrière sur presse, par exemple, qui a travaillé pendant un certain temps à l'emboutissage de porte-bagages de bicyclettes est chargée de l'emboutissage d'enjoliveurs de roues de voitures, lorsque la monteuse chargée d'assembler les différentes pièces de roues de poussettes d'enfants passe au montage des roues d'un autre modèle de voitures, lorsque la soudeuse à l'étain chargée de souder le fond d'un réservoir passe à la soudure à l'étain d'une autre pièce. TABLEAU X V I I
Répartition
des 358 ouvrières suivant le temps généralement passé sur une
Nombre Moins de une semaine De une semaine à un mois De 1 à 3 mois Plus de 3 mois Séries de longueur variable
série.24
%
63 71 24 5 51
17,5 19,8 6,7 1,4 14,2
Toujours le même travail (pas de changement de série)
144
40,4
Total
358
\ I > 59,6 l J
100
Pour 40 % des ouvrières de l'échantillon il n'y a pas de changement de série : les opérations dont elles sont chargées sont toujours identiques et ceci, pour de condensateurs, on avait dû renoncer au système de prime par atelier pour instituer la rémunération au rendement individuel. Le rendement collectif n'avait pu être maintenu que pour un seul atelier dans lequel on avait groupé une vingtaine de femmes de gendarmes d'une caserne voisine. 24. Lorsque, après avoir demandé si l'ouvrière changeait parfois de série, on cherchait à connaître le temps moyen passé sur une série, on n'obtenait généralement en réponse que des ordres de grandeur approximative. On a dû de ce fait adopter une classification assez lâche.
5. Poste
de
6. Ouvrière
reprise
sur
tour
13.
Soudeuse
14. Peinture
au
pistolet
Changements dans le travail
171
plusieurs d'entre elles, depuis cinq, dix, voire même quinze ans. Pour celles qui changent, les chiffres sont très divers (tableau xvn). Est-ce à dire que les changements de série apportent toujours dans le travail un élément de variété? Il pourrait en être ainsi si les gestes de travail étaient différents d'une série à une autre. En réalité si 214 ouvrières connaissent des changements de série, ceux-ci se limitent pour 173 d'entre elles à des changements dans la forme et dans le poids des objets, les gestes de travail restant identiques. 26 Les changements de poste
Contrairement aux changements de série, les passages d'un poste à un autre impliquent toujours un changement dans la nature du travail et dans celle de l'outillage utilisé mais leur fréquence est encore plus réduite puisque sur les 358 ouvrières de l'échantillon 84 % sont toujours occupées sur le même genre de tâches (tableau xvm). Parmi les autres, 24 connaissent des changements «occasionnels» c'est-à-dire sont mutées à un autre poste lorsque, pour une raison quelconque, le travail vient à manquer sur le poste qu'elles occupent. Il s'agit en général de tâches simples. Cela arrive par exemple pour les attacheuses qui, dans certains ateliers, peuvent éventuellement être occupées au dégraissage des pièces, pour des emballeuses qui peuvent être employées à de petits travaux de contrôle. TABLEAU X V I I I
Répartition des 358 ouvrières suivant les changements de poste de travail.
Nombre Changements occasionnels Changements systématiques Pas de changement
24 33 301
Total
358
% 6,7 9,2 84,1 100
Dans 33 cas seulement l'ouvrière est formée systématiquement pour pouvoir passer d'un poste de travail à un autre. Sur certaines chaînes comportant des travaux très morcelés (fabrication de fermetures éclair par exemple) on organise une rotation régulière des ouvrières afin que chacune d'elles, s'il se produisait une absence, soit capable de «boucher un trou». Il arrive aussi qu'une sorte de 25. Il importe toutefois de souligner que nous avons rencontré 29 exemples de changements systématiques. Les explications qui nous en ont été données sont intéressantes. Pour 9 de ces ouvrières on cherche, les séries étant trop longues, à éviter une trop grande spécialisation. Pour les 20 autres, il s'agit surtout d'habituer chacune d'entre elles à remplacer éventuellement une absente: les changements ont lieu tantôt toutes les semaines tantôt chaque jour. Dans une entreprise les rotations se faisaient même par demi-journée.
Caractéristiques des travaux féminins polyvalence soit instituée pour pallier les inconvénients d ' u n e grande diversité dans les commandes. O n a fait remarquer d'ailleurs à plusieurs reprises q u ' u n e telle organisation n'est possible qu'avec une main-d'oeuvre très jeune, très souple, les ouvrières plus âgées répugnant en général aux changements de postes. Trois exemples de permutations concertées entre ouvrières dont l'objet était manifestement de rompre la monotonie du travail ont pourtant été observés. Ces permutations, lorsqu'elles sont spontanées, ne sont pas toujours tolérées. Dans les cas qui viennent d'être cités, «on fermait les yeux à condition que la production n'en souffre pas».
LES C O N D I T I O N S D U « T R A V A I L
D'USINE»
Pour dégager les caractéristiques des travaux accomplis par les ouvrières d'industrie il convenait aussi d'apprécier les inconvénients qu'ils peuvent présenter pour la sécurité, la santé ou simplement pour le confort des ouvrières. A cet effet on a utilisé à peu de choses près la grille classique. 26 Des distinctions parfois difficiles à établir se trouvaient toutefois laissées à l'appréciation de l'enquêteur. Sur quels critères par exemple le chauffage et l'aération d ' u n atelier peuvent-ils être déclarés mauvais; comment établir la distinction, nécessaire pourtant, entre un travail salissant et u n travail très salissant; convient-il, pour apprécier les risques d'accidents, de se fier davantage aux observations de l'enquêteur, aux appréciations de la maîtrise ou à celles des ouvrières elles-mêmes? C'est finalement par une comparaison des conditions de travail pour les différents postes observés et en tenant compte de tous les éléments recueillis q u ' u n e classification a été établie (tableau xix). O n l'appuiera sur quelques exemples concrets. 27 Sur les 358 postes étudiés, 38 ont paru présenter des risques d'accidents «bénins» c'est-à-dire ne devant pas, en général, entraîner une incapacité de travail. Ils n'en constituent pas moins pour l'ouvrière une source fréquente de désagréments. C'est le cas de la soudeuse au chalumeau qui risque de se brûler les doigts, de la soudeuse par points qui doit subir des projections d'étincelles et dont les jambes et les bras sont couverts de petites brûlures malgré la protection des vêtements, de la bobineuse qui doit guider à la main l'enroulement d ' u n fil très tendu et dont les doigts sont couverts de sparadrap parce que le fil est fin et coupant, de la polisseuse dont les doigts sont incrustés de poussière de métal et usés à l'extrémité par le disque d'abrasif jusqu'à être à vif, de la découpeuse sur presse occupée à découper des flans dans des bandes de métal et 26. Elle se rapproche notamment de celle que donne le docteur P. Bize ( Traité de psychologie appliquée, publié sous la direction de H . Piéron, Paris, P.U.F. 1954, livre ni, p. 465). 27. U n e partie importante du rapport du professeur Mehl aux Journées nationales de médecine d u travail (Lille, septembre 1963) est consacrée à une revue des travaux concernant ce problème; op. cit.
Conditions du "travail
d'usine"
173
TABLEAU X I X
Répartition des 358 ouvrières suivant les inconvénients et les risques que comportent les tâches qu'elles accomplissent
Risque d'accident bénin Risque d'accident grave Conditions climatiques défavorables Contact avec des produits toxiques ou caustiques Poussières ou fumées Travail salissant Travail très salissant Bruit assourdissant Bruit très assourdissant Trépidations Aucun des risques ou inconvénients ci-dessus
Nombre 2 8
%
38 47 26
10,6 13,2 7,3
25 63 85 67 87 98 31 83
6,9 17,6 23,7 18,7 24,3 27,4 8,6 23,1
qui risque de se pi quer ou de se couper les mains en repliant les bandes déchiquetées avant de les jeter dans une caisse, de la décolleteuse qui peut se piquer ou se brûler les doigts avec les copeaux de métal, de la scelleuse d'ampoules électriques qui peut elle aussi être brûlée ou blessée si l'ampoule éclate. Le plus souvent ces femmes devraient porter des gants protecteurs. Il est très rare en fait de voir les ouvrières en faire usage, soit parce que l'entreprise n'en fournit pas, soit parce qu'ils s'usent vite et ne sont pas remplacés aussi souvent qu'il le faudrait, soit parce que les femmes ont expérimenté que le port des gants ralentit le travail et les gêne pour «tenir les cadences». Les risques d'accidents graves entraînant généralement une incapacité de travail sont relativement plus nombreux que les accidents bénins (47 dans l'échantillon, contre 38). L'ouvrière sur presse semble la plus exposée. Les employeurs n'ont pas manqué cependant de nous faire remarquer que les machines sont munies d'un dispositif de sécurité' 9 , et nous n'avons vu que fort peu de presses non pourvues d'un système de protection. Cependant, si l'on en juge par le nombre de mains amputées d'un ou de plusieurs doigts remarquées dans les ateliers de découpage et d'emboutissage, les accidents doivent être relativement fréquents. Ceci semblerait confirmer un fait souvent signalé, qui doit être toléré dans certains ateliers mais que nous n'avons pu observer que dans un seul cas. Il s'agissait d'une ouvrière découpant à la presse semi-automatique 18 encoches 28. On remarquera que le total est supérieur à 358 ce qui est normal puisqu'un seul poste observé pouvait comporter deux ou plusieurs des inconvénients ou des risques énumérés. 29. Voir p. 97, note 27.
174
Caractéristiques des travaux féminins
sur le pourtour d ' u n cercle de métal de 25 centimètres de diamètre. Le dispositif de sécurité avait été enlevé. L'ouvrière réalisait ainsi les 18 encoches en 10 secondes. Certaines femmes, à cause du rendement (rendement imposé ou rendement qu'elles voudraient atteindre pour améliorer leur salaire), en arrivent ainsi à enlever ou à bloquer le dispositif de sécurité. Un moment d'inattention ou de fatigue suffit alors pour qu'un accident très grave se produise. D'autres machines qui s'apparentent à la presse, les sertisseuses et les riveteuses notamment, présentent souvent aussi un danger d'autant plus grand qu'elles ne sont pas, la plupart du temps, munies d'un système de sécurité. L'outil d'une riveteuse ne saurait causer des accidents aussi graves que celui d'une presse mais l'ouvrière peut pour le moins se faire coincer les doigts si elle ne retire pas sa main une fraction de seconde avant d'avoir déclenché la descente de l'outil. Le risque est presque aussi grand avec certaines machines à noyauter. Parmi les machines de reprise, certaines présentent aussi des dangers et d'abord celui de projection de copeaux ou de particules de métal. Sur les fileteuses ou sur les rectifieuses à meules, l'ouvrière risque, selon l'expression de l'une de celles que nous avons observées, «de se faire rectifier les doigts» si la main qui a positionné l'objet est encore en contact avec les meules lorsque celles-ci entrent en mouvement. Là encore d'ailleurs, l'obligation ou le souci d u rendement aggravent les risques d'accidents : sur un tour de reprise (rectification de bagues de métal) à fonctionnement continu, normalement alimenté par une goulotte, on a observé une ouvrière qui, pour aller plus vite, posait directement les bagues sur le tour en mouvement au lieu de les verser dans la goulotte. Elle risquait chaque fois de se faire coincer les doigts. Les risques d'accidents existent donc essentiellement pour les ouvrières sur machines. Sur les 358 ouvrières, 155 travaillaient sur machine. O n note pour 30,3 % d'entre elles un risque d'accident grave et pour 24,5 % un risque d'accident bénin. La loi interdit l'emploi des femmes sur certains travaux comportant Vutilisation de produits dangereux. O n a cependant compté vingt-cinq ouvrières exposées au voisinage ou au contact de produits pouvant être considérés comme toxiques ou caustiques. Parmi elles se trouvent des peintres au pistolet et des vernisseuses pour lesquelles le risque est considéré comme réel puisqu'elles subissent un examen médical et touchent une ration journalière de lait; 30 quelques soudeuses utilisant comme décapant de l'acide muriatique ou d'autres 30. En général, lorsqu'une femme est enceinte, elle ne reste pas sur un poste présentant des dangers d'intoxication. Nous avons vu pourtant dans une entreprise une femme enceinte faisant de la peinture au pistolet dans des conditions qui paraissaient extrêmement pénibles et dangereuses. On nous a expliqué qu'à cause de ses charges de famille elle avait elle-même demandé à conserver le plus longtemps possible ce poste mieux payé que celui sur lequel elle aurait dû être mutée.
Conditions du "travail d'usine"
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produits dont les émanations peuvent être nocives ; des femmes exposées à respirer des poussières de plomb soit parce qu'elles travaillent à la fabrication de caractères de machines à écrire, soit parce qu'elles participent à l'usinage de tubes de plomb; des décapeuses utilisant le trichlore pour le dégraissage des pièces; des contrôleuses faisant d ' u n bout de l'année à l'autre des essais de fonctionnement d'appareils à gaz et exposées à respirer des émanations de gaz d'éclairage. Q u a n t aux ouvrières travaillant à la mise au bain pour le revêtement des pièces, elles sont rares et le contenu des bains n'est pas toujours toxique. O n peut noter toutefois que les attacheuses qui travaillent généralement dans u n coin de l'atelier, séjournent dans la même atmosphère souvent suffocante que les metteurs a u bain. L'usage de produits caustiques est souvent la cause de dermatoses auxquelles les femmes sont généralement plus sujettes que les hommes. O n en a constaté chez des ouvrières utilisant u n ciment au silicate pour le montage d'électrodes en porcelaine ou chargées d'introduire des éléments imprégnés dans des corps de condensateurs, chez les femmes qui doivent manipuler, au cours de leur travail, des pièces graissées à l'aide de certains lubrifiants. Q u a n t a u danger des «boutons d'huile» consécutifs aux manipulations effectuées sur des tours ou sur des machines de reprise où la pièce travaillée est refroidie p a r u n jet d'huile soluble, il est reconnu que les femmes y sont particulièrement sensibles. O n n'en a pourtant observé que quelques cas. Il se produit sans doute une sorte de sélection qui aboutit à éliminer du travail «dans l'huile» celles pour qui il présente des inconvénients. Les travaux auxquels se livrent les ouvrières peuvent aussi les exposer à des conditions défavorables de température. Il convient de rappeler à ce sujet les conditions générales d u travail dans l'industrie, l'inconfort de beaucoup d'ateliers couverts par une verrière, chauds en été, difficiles à chauffer en hiver. O n n ' a voulu retenir que les cas extrêmes, ceux des ouvrières exposées soit par leur travail soit p a r la place qu'elles occupent dans l'atelier à des conditions de froid ou de chaleur excessives. O n en a dénombré vingt-six, soit 7,3 % de l'échantillon. Parmi elles se trouvent les ouvrières de certains ateliers de soudure dont l'atmosphère est rendue suffocante par la flamme des chalumeaux, les jeunes filles travaillant à la fabrication et a u montage des ampoules électriques dans des salles surchauffées par les rampes à gaz, les contrôleuses chargées de vérifications d'étanchéité et dont les mains sont presque constamment plongées dans l'eau froide, les «chauffeuses» chargées de la préparation des barres pour presses à matricer, certaines monteuses effectuant des travaux très fins et dont le travail est éclairé par une forte lampe à réflecteur placée à quelques centimètres au-dessus de leur tête et qui doivent subir la chaleur qui s'en dégage, les noyauteuses travaillant dans u n coin des ateliers de fonderie alternativement surchauffés et traversés en hiver de courants d'air glacé, les femmes tra-
176
Caractéristiques des travaux féminins
vaillant à l'emballage dans les ateliers où l'on stocke les marchandises, dont les portes restent largement ouvertes, même en hiver, au moment de la préparation des livraisons. Il convient cependant de souligner que, lorsqu'un effort d'aménagement est fait pour le chauffage des ateliers, il porte le plus souvent sur les ateliers féminins ou comportant une majorité de femmes. C'est le cas de nombreux ateliers de montage qui contrastent souvent avec les autres parties de l'entreprise. O n vient de voir cependant qu'ils ne sont pas toujours exempts d'inconvénients. Les ouvrières exposées à des poussières ou à des fumées soit du fait de leur travail soit à cause d u milieu dans lequel il s'effectue étaient au nombre de 63, soit 17,6% de l'échantillon. C'étaient d'abord les ouvrières travaillant dans des ateliers de fonderie dont on a peine à imaginer, lorsqu'on ne les a pas vus, l'atmosphère chargée de poussières noires. Dans ces ateliers, on peut craindre pour certaines noyauteuses sur machine des accidents de silicose. Les polisseuses ou les ouvrières travaillant dans des ateliers où l'on fait du polissage 31 sont aussi exposées aux poussières qui se déposent en couches épaisses sur les moindres aspérités des murs ou des machines. Pour certaines ouvrières sur presses, le découpage libère des paillettes de métal (bronze ou aluminium) qui flottent dans l'air. Pour d'autres, le simple voisinage d ' u n e batterie de tours suffit pour donner l'impression d'une atmosphère lourde et chargée. Il est difficile de dire dans quelle mesure les travaux ainsi effectués pouvaient être considérés comme insalubres. Les appréciations des ouvrières à ce sujet étaient souvent radicalement opposées à celles de la maîtrise. Nous n'avons pour notre part retenu que les cas qui semblaient particulièrement pénibles sans pouvoir affirmer qu'ils exposaient toujours l'ouvrière à des altérations de santé. O n a rangé dans la catégorie des travaux salissants ceux qui amènent l'ouvrière à manipuler des objets sales ou des pièces graissées. Ils étaient au nombre de 85. Il s'agissait surtout de travaux sur presses, de certains postes de reprise, de montage, de contrôle. Q u a n t aux travaux très salissants, ils obligent les ouvrières à porter des vêtements spéciaux (vieux vêtements, tabliers de sac, sabots) dont elles changent en sortant de l'atelier. Ce sont les femmes faisant de la peinture au pistolet, effectuant des contrôles d'étanchéité devant des bacs d'eau, les décapeuses qui dégraissent les pièces dans u n bain décapant avant de les sécher dans la sciure, certaines attacheuses travaillant si près des bains qu'elles en reçoivent les éclaboussures, ce sont aussi, parmi les ouvrières au décolletage ou à la reprise, celles qui travaillent «dans l'huile». O n en a dénombré 67. Dans la liste des risques ou des inconvénients afférents aux travaux observés, le bruit occupe une place très importante puisque plus de la moitié des ouvrières travaillent dans des ateliers bruyants. O n a classé dans la catégorie des bruits 31. Elles sont rares car les ateliers de polissage sont le plus souvent nettement séparés des autres ateliers.
Conditions du "travail d'usine"
177
assourdissants ceux qui gênent pour entretenir dans l'atelier une conversation à haute voix. O n a considéré comme très assourdissants les bruits qui rendent impossible une telle conversation. Les ateliers dans lesquels fonctionnent des machines sont particulièrement bruyants. Dans un atelier où fonctionnent une dizaine de presses par exemple, il est quasi impossible pour un visiteur d'avoir une conversation suivie avec la personne qui l'accompagne. O n réalise alors les conditions intolérables que subissent les ouvrières dont les postes sont situés dans de vastes ateliers groupant jusqu'à 200 machines de tous genres. Il s'agit souvent d'ailleurs de femmes dont le travail n'est pas bruyant mais dont le poste (contrôle, montage) est installé dans un coin d'atelier et qui doivent, de ce fait, subir le bruit des machines voisines. Si l'on songe que le bruit est considéré comme l'une des sources principales de la fatigue nerveuse, 32 il est très important de retenir que 24 % des ouvrières étaient soumises pendant la durée de leur travail à des bruits assourdissants et 27 % à des bruits très assourdissants. Les ouvrières soumises à des trépidations sont en général occupées à des travaux de montage comportant un vissage à la visseuse pneumatique, ce sont aussi les polisseuses, certaines ouvrières sur presses faisant du découpage «à la volée». 33 Les inconvénients auxquels elles sont exposées semblent pourtant moindres que ceux que subissent les ouvrières travaillant sur des machines actionnées par une pédale: ouvrières sur presses, sur riveteuses, sur agrafeuses, sur machines à souder par points. Les exemples retenus sont ceux qui obligent l'ouvrière à donner (généralement de la j a m b e droite) des coups de pédales à intervalles extrêmement rapprochés. Quelques chiffres en donneront une idée : sur les 27 postes sur presses figurant dans l'échantillon, 21 comportaient une commande par pédale. Pour 14 d'entre eux le nombre de coups de pédale p a r heure était supérieur à 500, pour 5 il était supérieur à 1000, pour 2 il atteignait les chiffres de 2 et 3 000. Beaucoup d'ouvrières ne peuvent résister à ce genre de travail. Parmi les travaux de rivetage, on a trouvé des chiffres presque aussi suggestifs : sur l'un d'eux l'ouvrière donnait 1200 coups de pédale à l'heure. Il est vrai que, sur les machines à riveter, l'effort à déployer est moins important que sur certaines presses. En définitive, sur les 358 ouvrières, 275 subissaient l'un au moins des risques ou des inconvénients énumérés ci-dessus. Si l'on s'est attaché à les décrire c'est parce qu'ils sont susceptibles d'expliquer en grande partie le discrédit attaché 32. Voir en particulier, S. Mazarikis, «Le bruit et la fatigue mentale», Santé mentale, 1962, n° 2. 33. Parmi ces risques à plus longue échéance, il faut signaler aussi dans certains cas la fatigue visuelle. Pour les opérations de montages très fins une vue excellente est requise, aussi choisit-on une main-d'oeuvre très jeune. Dans certaines entreprises cependant une ouvrière embauchée à 18 ans ne peut être employée à ce travail pendant plus de 6 ou 7 ans. Passé ce délai sa vue fatiguée est devenue insuffisante et son emploi «pose des problèmes de reclassement».
i78
Caractéristiques des travaux
féminins
au «travail d'usine» pour les femmes. Les conditions de travail ont certes changé depuis les premiers développements de l'industrialisation, elles présentent cependant encore des désagréments susceptibles de rebuter la population féminine; ceux-ci sont d'ailleurs d'autant plus ressentis que d'autres emplois, ceux du commerce ou des bureaux par exemple, comptent maintenant un nombre important de femmes. Pour 83 postes, aucun de ces risques ou de ces inconvénients n'existait; 38 étaient des postes de montage, 15 étaient des postes de bobinage, 12 étaient des postes de contrôle. Il n'est pas sans intérêt de souligner qu'il s'agit non seulement d'emplois à majorité féminine mais de postes plus souvent que les autres groupés dans des ateliers séparés, composés uniquement de femmes. Pour ces ateliers féminins où s'effectuent généralement des travaux délicats on recherche une main-d'oeuvre jeune et plus particulièrement une main-d'oeuvre formée dans les métiers de la couture. Aussi s'efforce-t-on, le genre de travail s'y prêtant mieux, de lui donner des locaux et des conditions de travail plus confortables, qui ne rappellent pas trop le «travail d'usine». L'OUVRIÈRE ET L'ATELIER: UNE SITUATION FRÉQUENTE
D'ISOLEMENT
Dans quelle mesure la composition de l'atelier dans lequel elles travaillent, la place qu'elles occupent, la nature des tâches qu'elles accomplissent réalisentelles des conditions susceptibles d'amener les femmes à s'intégrer dans le milieu de travail? Il fallait, pour répondre à cette question, examiner sous ses différents aspects la situation de travail des ouvrières de l'échantillon. La composition des ateliers
On a réuni dans le tableau xx les données concernant la composition des ateliers dans lesquels travaillaient les 358 ouvrières. Plus du tiers d'entre elles se trouvent dans des ateliers composés exclusivement de femmes. TABLEAU XX Répartition des 358 ouvrières suivant la composition de Vatelier dans lequel elles
Nombre Atelier uniquement féminin Plus de 50 % de femmes dans l'atelier 50 % de femmes dans l'atelier De 20 à 50 % de femmes dans l'atelier Moins de 20 % de femmes dans l'atelier
134 113 19 71 21
Total
358
travaillent
/o 37,4 31,6 5,4 19,8 5,8 100
On trouve parmi elles 79,2 % des bobineuses, 46,8 % des ouvrières au mon'
L'ouvrière et Vatelier
179
tage, 44 % des contrôleuses, mais 27 % des ouvrières sur presses et 11,3 % seulement des ouvrières à la reprise. Les différences suivant les postes de travail sont donc considérables. Les entreprises importantes fabriquant du matériel électrique ou radio-électrique, en particulier, possèdent souvent de vastes ateliers où travaillent plusieurs centaines de jeunes femmes ou de jeunes filles. Dans ces ateliers de femmes nous avons noté à plusieurs reprises la présence d'une maîtrise féminine mais, dans la grande majorité des cas, l'encadrement reste masculin. Les autres ouvrières (224 en tout) travaillent dans des ateliers mixtes où la proportion de femmes est variable. Dans les ateliers mixtes à majorité masculine on trouve 15,5 % des monteuses, 25 % des contrôleuses, une seule bobineuse mais 52,6 % des soudeuses, 90 % des noyauteuses, 40,9 % des ouvrières à la reprise. Parmi les ouvrières sur presses 51,4% sont dans des ateliers mixtes à majorité féminine. Les visites d'entreprises nous ont cependant amenée à remarquer que la mixité des ateliers n'exclut pas toujours un certain isolement de la main-d'oeuvre féminine. Dans la majorité des cas (67,5%) la main-d'oeuvre féminine est séparée de la main-d'oeuvre masculine. Cette séparation est souvent commandée par des différences dans les tâches accomplies : lorsque des ouvrières font du contrôle dans un atelier d'usinage par exemple, elles sont groupées dans un secteur de l'atelier. Il arrive aussi que, pour un même emploi, l'isolement des femmes apparaisse comme une conséquence des différences dans le type de machine utilisé : les machines automatiques ou semi-automatiques sur lesquelles on trouve plus fréquemment des hommes sont en général groupées et séparées des autres machines ; dans les ateliers de presses, les grosses presses, ne sont pas mêlées aux presses de plus faible tonnage sur lesquelles travaillent les femmes. Les raisons qui amènent, dans certains ateliers, la séparation des deux catégories de main-d'oeuvre apparaissent donc souvent comme d'ordre technique et liées aux différences dans les tâches. Il arrive cependant que les postes féminins et masculins soient séparés par une grille, une barrière, une palissade, une rangée de casiers. Une disposition, très fréquente dans les entreprises parisiennes où le manque de place est beaucoup plus sensible qu'en banlieue, nous a frappée à maintes reprises : pour étendre la surface des ateliers, on a adopté la solution qui consiste à construire à mi-hauteur, sur le pourtour du local, une sorte de galerie ou de balcon auquel on accède par un escalier et qui surplombe l'atelier. Les postes féminins sont presque toujours groupés sur cette galerie. Les ouvrières qui y sont occupées sont bien dans l'atelier dont elles subissent les bruits et les poussières mais elles sont en même temps isolées. Les rapports de travail
La tâche dont l'ouvrière est chargée peut être accomplie d'une manière stricte-
i8o
Caractéristiques des travaux féminins
m e n t individuelle. L'ouvrière peut a u contraire être a m e n é e à entretenir avec d ' a u t r e s exécutants, égaux ou subalternes, 3 4 des r a p p o r t s de travail. Les observations dans ce d o m a i n e ne pouvaient être q u e très superficielles. Nous n'ignorons pas q u e les rapports de travail peuvent être n o m b r e u x et souvent fort complexes, m ê m e dans les ateliers où les tâches sont, en a p p a r e n c e individuelles, 3 5 qu'ils sont toujours difficiles à saisir p a r une observation extérieure et à plus forte raison lorsque celle-ci est d ' u n e d u r é e limitée. Nous nous sommes bornée à noter les cas où nous avons vu les ouvrières collaborer ou c o m m u n i q u e r avec d'autres à propos de l'exécution d e leur tâche. Ceux-ci sont a u n o m b r e d e 79 soit 22 % de l'échantillon. Q u e l q u e s femmes devaient simplement se faire aider lorsqu'elles avaient à m a n i p u l e r u n e pièce t r o p lourde (changer la b a r r e d ' u n tour p a r exemple) ou transporter u n e corbeille de pièces. Il s'agit là d e relations épisodiques q u i p e u v e n t tout a u plus r o m p r e le déroulement d u travail. D ' a u t r e s devaient, à intervalles réguliers, passer a u poste suivant la série de pièces sur laquelle elles venaient de travailler. D a n s les cas de travail en groupe, lorsque des ouvrières réunies p a r exemple a u t o u r d ' u n e table pour u n m o n t a g e ou u n contrôle se p a r t a g e n t les opérations à effectuer sur u n e m ê m e pièce, la collaboration est plus étroite. Nous avons vu aussi des ouvrières polyvalentes sur u n e m ê m e chaîne s'entendre entre elles p o u r occuper à tour de rôle les postes les plus fatigants. 3 * Sur u n e chaîne de m o n t a g e de compteurs de cyclomoteurs, réglée à 45 secondes, mais où la d u r é e d u cycle de travail était en réalité plus longue p o u r certains postes, on a constaté u n e entraide entre les ouvrières, certaines se c h a r g e a n t d ' u n e partie d u travail d u poste voisin p o u r m a i n t e n i r la cadence (et p a r conséquent le boni). Pour 279 ouvrières (78 % ) , p e n d a n t la d u r é e de notre présence dans l'atelier, le travail observé a été strictement individuel. Il a p p a r a î t n e t t e m e n t d'ailleurs q u e les possibilités de collaboration dans le travail ne d é p e n d e n t pas u n i q u e m e n t de la n a t u r e de la tâche. L ' a t m o s p h è r e d e certains ateliers semble la favoriser. D a n s d'autres cas l'attitude d e la maîtrise ou u n état d e tension entre les ouvrières contribuent manifestement à limiter les contacts. Les contacts, dans u n atelier, ne se b o r n e n t c e p e n d a n t pas à ceux, bons ou mauvais, q u i s'établissent à l'occasion d u travail. U n e tâche peut être strictement 34. On n'a pas envisagé la question des rapports avec les supérieurs: contremaîtres, chefs d'équipes ou régleurs. Il y a là un aspect important de l'emploi de la main-d'oeuvre féminine. Elle n'a pas pu être abordée faute d'une documentation suffisante. 35. Les travaux de Jacqueline Frisch-Gauthier, de Christiane Peyre, de Michèle Aumont, qui ont elles-mêmes travaillé dans des ateliers, apportent à ce sujet de nombreux et intéressants témoignages. 36. Dans cet atelier de fabrication de lampes électriques, les cadences étaient d'ailleurs si rapides et la chaleur tellement suffocante qu'au dire des ouvrières les crises nerveuses étaient fréquentes.
L'ouvrière et l'atelier
181
individuelle et laisser à l'ouvrière la possibilité de parler. Dans le cas des travaux féminins cette possibilité a paru intéressante à étudier d'autant plus que des travaux antérieurs lui attachaient une certaine importance. Mais il fallait établir des distinctions, et d'abord suivant la disposition du poste. Pour plus de la moitié des ouvrières observées (51,2 %) en effet, quelle que soit la nature de la tâche, c'était la disposition du poste qui enlevait toute possibilité de communication. Il s'agissait soit d'ouvrières isolées dans un coin de l'atelier, soit de femmes occupant des postes trop éloignés des postes voisins pour qu'une conversation soit possible. Souvent d'ailleurs (les contremaîtres nous l'ont fait remarquer à plusieurs reprises), les postes étaient proches les uns des autres mais disposés de manière à empêcher toute possibilité de conversation (en plaçant les ouvrières dos à dos par exemple). Il est évident toutefois qu'une disposition des postes favorable à l'établissement de conversations pendant le travail ne signifie pas forcément que les ouvrières puissent en user. Parmi celles que nous avons observées, onze en étaient empêchées par une interdiction pure et simple (l'une d'elles avait même été placée à l'écart parce que «trop bavarde») ; 78 en étaient empêchées soit par le bruit de l'atelier ou de leur propre machine, soit par l'attention qu'elles devaient apporter à leur travail, soit par un état de tension provoqué par la nécessité ou la volonté de «tenir» une cadence élevée. En définitive, sur 358 ouvrières, nous en avons vu 86, un quart à peine, échanger quelques propos pendant le travail. La proportion était évidemment différente suivant les postes : 32,4 % au montage, 26 % au contrôle, 10 % au bobinage par exemple. Cette possibilité de parler, lorsqu'elle existe, a semblé être un élément de détente. Dans l'un des groupes observés, les travaux de contrôle étaient effectués autour d'une table par six ouvrières; le contrôle de cotes qui nécessite une attention soutenue s'accomplissait en silence; le contrôle d'aspect qui suivait immédiatement était, par contre, le signal d'une conversation générale, d'une sorte de rupture dans le cycle monotone des opérations. Lorsqu'on examine la situation de l'ouvrière dans l'atelier, on est frappé en définitive par l'abondance des éléments susceptibles de déterminer une sorte d'isolement de la main-d'oeuvre féminine. Il est pourtant souvent question, lorsqu'on parle du travail industriel comme d'une activité ne convenant pas aux femmes, de la «promiscuité» de l'usine. Certes, dans la majorité des cas les locaux sont mixtes comme ils le sont souvent d'ailleurs dans d'autres branches professionnelles. Mais l'attention de l'observateur est surtout attirée par le fait que la manière dont leurs postes sont disposés, le genre de travail qu'elles accomplissent amènent le plus souvent les femmes à participer dans une faible mesure à la vie générale de l'atelier.
Caractéristiques des travaux féminins LES E X I G E N C E S D E LA T Â C H E : I M P O R T A N C E D E S Q U A L I T E S E T D E S C O M P O R T E M E N T S G A R A N T I S S A N T LA R A P I D I T É D U
MANUELLES TRAVAIL
En abordant cette question, nous savons que nous nous exposons à bien des critiques. Aussi est-il indispensable de préciser un certain nombie de points. Nous n'ignorons pas les problèmes que soulève l'analyse des exigences d ' u n e tâche. O m b r e d a n e et Faverge ont insisté avec raison 3 7 sur les différences entre ces exigences telles qu'elles peuvent être définies par les ingénieurs, les bureaux d'études ou les contremaîtres et les séquences opérationnelles effectivement mises e n j e u par les travailleurs. Si intéressant que soit ce problème, dans le cas particulier des travaux féminins, il n'était pas question de pousser aussi loin l'analyse pour les postes variés et nombreux que comprenait l'échantillon. Nous n'aurions pas d'ailleurs disposé de moyens d'investigations suffisants: nous avions, rappelons-le, la possibilité de converser avec la maîtrise, nous pouvions éventuellement échanger quelques paroles avec les ouvrières mais nous ne pouvions à aucun moment intervenir dans leur travail ou interrompre celui-ci. Est-ce à dire cependant qu'il fallait abandonner l'idée d'explorer, même très superficiellement, ce domaine? Dans la mesure où on précisait au départ qu'il ne s'agissait pas d'entreprendre une analyse des séquences opérationnelles utilisées pour l'exécution des tâches observées mais de prendre une idée, avec les moyens dont on disposait, de la fréquence de certains types d'exigences dans les travaux confiés aux femmes, il était possible d'aborder cette question. La principale source d'information était l'entretien avec les contremaîtres et les chefs d'atelier. O r , même en admettant que les exigences d'une tâche puissent se manifester sous un j o u r très différent suivant qu'on interroge u n contremaître ou suivant qu'on les appréhende au cours d'une analyse approfondie de l'activité de l'exécutant, il est a p p a r u que ces entretiens n'étaient pas sans intérêt. Dans tous les ateliers, et particulièrement au niveau des O.S., la maîtrise est chargée de sélectionner la main-d'oeuvre, de la mettre a u courant d u travail, de la juger a u cours de la période d'essai qui suit toute embauche, de corriger ses fautes, voire même de l'orienter vers l'emploi qui lui convient le mieux. Certes, le niveau de la maîtrise, ses méthodes, ses modes d'appréciation diffèrent suivant les ateliers et les entreprises. Il pouvait être utile cependant d'entreprendre une étude systématique de l'ensemble des réponses des chefs d'atelier à propos des exigences des postes étudiés. Nous avions veillé à ce que les questions soient posées de manière à éviter les réponses passe-partout et à attirer le plus possible l'attention de nos interlocuteurs sur les aspects spécifiques concrets de la tâche. U n essai d'analyse des causes d'échecs ou de rebuts amorcé par les questions 41, 44, 45, 46 nous a donné de bons résultats et nous avions à dessein 37. A. Ombredane et J. M . Faverge, L'analyse du travail, Paris, P.U.F. 1955.
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Exigences de la tâche
formulé sous des formes différentes des questions qui, en fait, étaient destinées à se recouper. 38 Il convenait toutefois d'adopter une grille dans laquelle puissent être classées les réponses obtenues. 39 Ce faisant nous ne songions nullement à dissocier les unes des autres les différentes exigences de la tâche et à méconnaître les liens profonds qui unissent en fait certaine d'entre elles. Ce qui frappe d'abord lorsqu'on examine le tableau xxi 4 0 dans lequel ont été regroupées ces observations, c'est la proportion importante (83,5 %) des travaux qui ne requièrent, de l'avis de nos interlocuteurs, aucune connaissance particulière et pour l'exécution desquels le niveau d'instruction n'entre pas en ligne de compte. 4 1 Si dans 33 cas on a été amené à préciser que les ouvrières devaient savoir lire, écrire et compter c'est parce que l'exercice de leur tâche comporte soit un comptage de pièces, soit la lecture d'un chiffre sur un cadran ou sur un appareil, soit la tenue de fiches ; il s'agissait le plus souvent de contrôleuses ou de magasinières. TABLEAU X X I
Fréquence des différentes exigences signalées pour les 358 postes observés A . EXIGENCES PHYSIQUES
Nombre 1 2 Stature Carrure Robustesse Aptitude à la station debout Bonne santé générale Aucune exigence particulière
1 5 92 85 32 194
%43 — 1,4 25,7 23,7 9,2 54,2
B . CONNAISSANCES NÉCESSAIRES
Nombre 4 » Au-dessus du C.E.P. Niveau du C.E.P. Savoir lire, écrire, compter Aucune connaissance particulière
5 21 33 299
%13 1,4 5,9 9,2 83,5
38. Voir Annexe II, p. 245 et 246. 39. O n s'est inspiré de la classification établie par le docteur Bize, op. cit., livre m, chap. iv. 40. Voir ci-dessous. 41. Il n'en reste pas moins que la plupart des 299 ouvrières pour lesquelles la maîtrise n'a signalé la nécessité d'aucune connaissance spéciale doivent être capables de lire un bon de travail. 42. Le total est supérieur à 358. Pour certains postes en effet plusieurs exigences de la même catégorie ont pu être signalées. 43. Les pourcentages ont été calculés sur 358. Le total est donc supérieur à 100.
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Caractéristiques des travaux féminins C . EXIGENCES SENSORIELLES E T MOTRICES
Nombre 4 2 Exigences visuelles Exigences tactiles ou kinesthésiques Exigences manuelles : a. précision motrice b. agilité digitale c. délicatesse gestuelle d. soin e. coordination bi-manuelle f. adresse g. simple «coup de main» Aucune exigence particulière
0/ 43 /o
51 30
14,3 8,4
137 105 71 70 44 26 72 1
38,3 29,3 19,5 19,5 12,2 7,3 20,1
Nombre 4 2
0/ 43 /o
73 14 5 270
20,8 3,9 1,4 75,4
Nombre 4 2
0/ 43 /o
267 85 49 15
74,5 23,7 13,7 4,2
D . O P É R A T I O N S MENTALES 2
Attention Mémoire Compréhension Aucune exigence particulière E . EXIGENCES DE COMPORTEMENT
Rapidité Régularité Conscience professionnelle Aucune exigence particulière
Parmi les 21 femmes pour lesquelles le niveau du C.E.P. est indispensable on trouve des ouvrières chargées de contrôles nécessitant des lectures plus fines (mesures au palmer avec tolérance de 1/100°,lecture de manomètres), des monteuses-câbleuses capables de lire un plan ou des ouvrières capables d'interpréter des instructions portées sur une fiche. Il existe cependant des cas où, le travail ne nécessitant aucune connaissance spéciale, l'exigence du C.E.P. à l'embauche traduit seulement l'intention de sélectionner des ouvrières d'un certain niveau intellectuel. Sur les cinq ouvrières dont le niveau devait être supérieur à celui d u C.E.P., quatre appartenaient au contrôle et devaient pouvoir effectuer sur u n e même pièce des opérations différentes. La cinquième était bobineuse: travaillant sur 42 et 43.
Voir notes p. 183.
Exigences de la tâche des séries variées, elle devait être capable de lire un plan de bobinage, avoir une bonne connaissance des caractéristiques correspondant à des modes de bobinage et d'isolement différents. O n remarquera aussi le grand nombre de postes (75,4 %) pour lesquels aucune allusion n'a été faite, à propos des exigences de la tâche, à une opération mentale. Parmi les 92 autres l'exigence d'attention arrive au premier rang. Mais il s'agit de cas très divers : il faut «faire attention», dans certaines opérations de rectification sur machine et contrôler les pièces à intervalles réguliers afin de ne pas laisser passer le moment où la machine doit être réglée ; il faut, dans le travail sur presse, veiller aux bruits de la machine; il faut «faire attention» au changement de couleur du métal dans certaines opérations de soudure ; il ne faut pas oublier de pièces lors de certains montages; il ne faut pas se tromper d'encoche et surveiller le nombre de spires dans le bobinage. Ces indications, données par les contremaîtres, n'étaient nullement contradictoires avec la critique faite par Ombredane et Faverge de cette notion d'attention. Elles signalaient des possibilités d'erreurs ou d'oublis conduisant à un travail défectueux mais la question de la manière dont s'exerce l'attention restait entière. Q u a n t aux ouvrières avec lesquelles nous avons pu nous entretenir, si elles employaient beaucoup à propos de leur travail le mot «attention», elles évoquaient moins en réalité la nature du processus mental que le sentiment très vif d'une responsabilité. Celuici, très répandu parmi la main-d'oeuvre féminine, joue dans certains cas pour valoriser à ses yeux les tâches les plus humbles. Cependant, quels que soient les processus mis en jeu, la nécessité de ne pas laisser passer un certain nombre d'erreurs est ressentie, en raison des cadences généralement rapides, comme un élément de tension et de fatigue : «II faut aller vite et ne pas oublier de pièces» - «Il faut aller vite et ne pas laisser passer de pièces défectueuses» «Il faut aller vite et ne pas se tromper dans la lecture du cadran». Les exigences d'attention des travaux féminins pourraient paraître élémentaires si elles n'étaient pas en quelque sorte compliquées et renforcées par les exigences de rapidité du travail. Il en est de même d'ailleurs pour l'exigence de mémoire citée quatorze fois. L'absence de diversité dans les travaux accomplis la ramène à des proportions réduites. Là encore cependant il faudrait tenir compte, si on analysait les processus mis en jeu, de la rapidité qui ne laisse de place ni à l'hésitation ni au tâtonnement. Q u a n t à la compréhension, elle a été invoquée cinq fois seulement comme la condition d'un accomplissement correct de la tâche. Les exigences sensorielles et motrices et les exigences de comportement apparaissent par contre dans une proportion si élevée que l'on doit s'y arrêter.
Caractéristiques des travaux féminins Parmi les exigences sensorielles et motrices, les exigences manuelles sont les plus souvent citées. La précision motrice qui implique la capacité d'effectuer des gestes très circonscrits, à effet très strictement limité, vient au tout premier rang. Sa nécessité apparaît avec évidence dans une série de tâches très diverses, en premier lieu au montage, surtout lorsque les pièces à manipuler sont de dimensions réduites et les cadences rapides. Les travaux d'alimentation de machines en offrent aussi de nombreux exemples : les ouvrières chargées d'alimenter une chaîne automatique de laquage de tubes les enfilent à la cadence de un par seconde sur des mandrins dont le diamètre est égal à celui du tube. Elle apparaît en même temps comme un moyen de gagner du temps : pour les ouvrières sur machine par exemple, la précision d u geste d'approvisionnement est l ' u n des éléments qui interviennent pour réduire les temps morts de la machine et par conséquent accélérer le rendement. 4 4 Il en est de même pour l'agilité digitale signalée dans 2 9 % des cas comme une qualité indispensable surtout lorsque les ouvrières doivent manipuler des objets de petites dimensions. O n trouve parmi elles des ouvrières chargées d'assembler entre elles des pièces dont la plus grande dimension est parfois inférieure à 1 cm. Elles doivent les saisir, les orienter, les positionner dans des temps extrêmement courts. O n y trouve aussi la monteuse chargée de la pose des arrêts sur les fermetures à glissière: elle fait glisser les deux rubans avec le pouce et l'index tandis que le médius actionne régulièrement, toutes les deux ou trois secondes, un levier qui comm a n d e la pose des arrêts. L'agilité digitale intervient également pour un certain nombre d'ouvrières sur machine, telle cette femme travaillant sur machine à fileter: tenant déjà la pièce brute dans la main, elle saisit la pièce usinée entre les trois derniers doigts et place la nouvelle pièce avec le pouce et l'index tandis que l'autre main remet la machine en marche. Cette agilité des doigts a toujours été présentée par nos interlocuteurs comme une qualité typiquement féminine, de même que la délicatesse gestuelle, le soin, la souplesse de la coordination bi-manuelle. Ces commentaires suggéraient certes qu'il s'agit d'aptitudes naturelles mais plus souvent encore on parlait de qualités acquises ou cultivées dans la pratique de métiers antérieurs, la couture venant au tout premier rang. Il est également intéressant de constater que les travaux ménagers sont considérés comme une excellente préparation à l'accomplissement des tâches industrielles : «Les femmes ont l'habitude de manipuler ce qui est fragile et fin» - «Les femmes ont plus de goût, plus de soin, plus de fini, sur44. Il faut signaler d'ailleurs que dans bien des cas cette précision motrice est inséparable d'une économie de gestes extrêmement intéressante à observer chez certaines femme. Parmi les ouvrières occupées sur la chaîne de laquage de tubes souples dont nous avons parlé plus haut, l'une prenait trois tubes à la fois de la main g a u c h e et faisait passer successivement les deux premiers dans la main droite qui les positionnait tandis que la main gauche positionnait le troisième. L'autre ouvrière prenait deux tubes dans chaque main, l'un entre le pouce et l'index, l'autre entre l'index et le majeur et, les tenant ainsi, enfilait les quatre tubes à la fois sur les mandrins.
Exigences de la tâche
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tout celles qui ont fait de la couture» - «Les femmes ont l'habitude d'économiser leurs gestes» - «Les femmes ont l'habitude chez elles de faire plusieurs choses à la fois». En ce qui concerne la coordination bi-manuelle en particulier, plusieurs chefs d'atelier nous montrant des hommes et des femmes occupés à des tâches comparables nous ont fait remarquer que la rapidité des femmes est liée à un meilleur enchaînement des gestes de travail, à une indépendance et à un chevauchement plus nettement marqués des gestes de la main droite et de la main gauche. Il était alors f r a p p a n t de constater la parenté de ces gestes avec ceux que nécessitent les travaux ménagers les plus courants. A travers les commentaires recueillis dans les ateliers, les composantes de l'habileté manuelle lorsqu'il s'agit de travaux féminins sont en définitive d ' u n niveau assez élémentaire: dans 7,3 % seulement des cas il a été question d'adresse c'est-à-dire de la nécessité de l'adaptation des mouvements à des situations imprévues. Pour les autres, le caractère généralement répétitif des gestes est de nature à favoriser l'acquisition d'automatismes et la rapidité d'exécution constitue la difficulté essentielle. Mais si la rapidité de la main-d'oeuvre féminine sur certaines tâches a été souvent attribuée à l'habitude de certaines séquences gestuelles, elle a été aussi indiquée, dans les trois quarts des cas, comme un trait de comportement (tableau xxi). 4 5 Pour les tâches simples où la rapidité ne risque pas de nuire à la qualité du travail, la tendance à soutenir u n rythme rapide ou même la volonté de l'accélérer sont particulièrement recherchées par les employeurs. Il apparaît à travers leurs commentaires qu'ils les trouvent essentiellement chez les femmes, surtout lorsque le travail est rémunéré au rendement. O n ne signale donc pas seulement une disposition gestuelle, naturelle ou acquise. D'autres éléments entrent en ligne de compte pour déterminer un accomplissement rapide du travail et parmi eux les motivations tiennent une grande place. Nous rejoignons ici une remarque déjà formulée dans le chapitre précédent lorsque, examinant les éléments d u clivage entre travaux masculins et féminins, nous constations l'importance accordée par les employeurs aux facteurs d'ordre psychologique pour expliquer la réussite des femmes sur certains types de postes. Nous verrons que la plupart d'entre eux en tiennent compte lors de la sélection des ouvrières à l'embauche. Remarquons enfin qu'il n ' a été fait allusion à des exigences physiques que pour un peu plus de la moitié des postes observés. 4 * Certes, la carrure, la robustesse sont indispensables dans certains travaux d e m a n d a n t des manipulations fréquentes de pièces lourdes ou de grandes dimensions mais le facteur santé n ' a retenu que dans un petit nombre de cas l'attention de nos interlocuteurs: «La 45. P. 183 et 184. 46. Idem.
Caractéristiques des travaux
féminins
santé ça ne signifie pas grand chose, nous disait l'un d'entre eux; on préfère souvent une petite femme malingre qui a besoin de gagner sa vie et qui s'accroche». En fait, là encore, plus que la résistance physique réelle, c'est le comportement qui entre en ligne de compte. LES TEMPS DE FORMATION
Ce qui vient d'être exposé concernant les exigences des tâches féminines se trouve éclairé si l'on examine les réponses obtenues concernant les temps de formation. TABLEAU XXII Répartition
des 196 postes pour lesquels on a répondu à la question concernant les temps de formation
1 heure moins de un jour un jour moins de une semaine 1 semaine 2 semaines 3 semaines 1 mois 1 à 3 mois 3 à 6 mois Plus de 6 mois Plus de 1 an
A. Suivant le temps nécessaire pour savoir faire le travail
B. Suivant le temps nécessaire pour atteindre le rendement
Nombre
Nombre
%
14 28 15 16 26 30 19 24 13 10
7,1 14,3 7,7 8,3 13,3 15,3 9,6 12,2 6,6 5,1
1
0,5
196
100
3 7 9 19 24 14 34 37 31 13 5 196
% 1,5 3,6 4,5 9,7 12,2 7,1 17,4 18,9 15,9 6,6 2,6 100
Le tableau xxn ne porte que sur 196 réponses. Un nombre élevé d'employeurs, de chefs d'atelier ou de contremaîtres n'ont pas pu répondre clairement à cette question. En raison du faible niveau de qualification des travaux féminins et dans la mesure où ceux-ci nécessitent le plus souvent une simple «mise au courant», on observe en effet des variations considérables d'un sujet à un autre suivant les aptitudes, les «tempéraments» et les antécédents professionnels. Nous donnons néanmoins les chiffres qui nous ont été communiqués, en dis-
Temps de formation tinguant le temps nécessaire pour apprendre à faire le travail et celui au bout duquel on obtient généralement u n rendement satisfaisant. O n notera d'abord, dans la colonne A du tableau XXII, que pour 29 % des postes, le temps de la «mise au courant» ne dépasse pas une journée et que pour 5,6 % seulement il est supérieur à trois mois. La comparaison avec la colonne B est intéressante puisqu'il s'agit des mêmes postes de travail. Celle-ci nous apprend que 20 % seulement des ouvrières occupant ces postes ont des chances d'atteindre, a u bout d'une semaine, un rythme convenable. Pour 44 % ce délai est supérieur à un mois et pour 25 % il dépasse trois mois. 47 La simplicité de la majorité des travaux féminins est confirmée par la première série de chiffres. L'importance des écarts entre la première et la seconde série souligne par contre que la rapidité, même sur les travaux simples, est un élément réel de difficulté et qu'elle n'est pas toujours atteinte sans efforts. Rappelons en passant (nous l'avons déjà souligné à plusieurs reprises) qu'elle n'est cependant jamais considérée comme un élément de qualification du poste de travail. Lorsque, au cours du chapitre précédent, on cherchait à distinguer les travaux féminins des travaux masculins, l'étude poste par poste faisait apparaître les travaux féminins sous deux aspects en apparence contradictoires. Elle soulignait la diversité des emplois (on avait dénombré 32 postes de travail et la population féminine était répartie sur 26 d'entre eux) ; mais elle mettait aussi en évidence l'existence d'un certain nombre de traits communs aux tâches féminines envisagées dans leur ensemble. Les observations pratiquées dans les ateliers sur un échantillon représentatif des postes féminins laissent-elles subsister l'idée d'une diversité dans les emplois industriels occupés par les femmes ? Pour apporter une première réponse à cette question, on peut souligner que, parmi les caractéristiques des tâches féminines dégagées successivement dans les pages qui précèdent, se dessinent deux grands groupes que l'on distingue facilement en se reportant aux tableaux figurant dans ce chapitre. Les unes sont communes à la majeure partie, souvent même à la quasi totalité de l'échantillon, elles concernent le nombre d'opérations à effectuer au cours de chaque cycle de travailla durée et la succession des cycles, la nature des gestes, la liberté du rythme, les possibilités de changements et aussi certaines exigences de la tâche (exigences manuelles, exigences de comportement). D'autres sont nettement plus dispersées, ont un caractère beaucoup moins marqué de généralité, elles concernent la nature de l'outillage employé, les conditions de travail, les conditions d'environnement dans l'atelier et cer47. Dans son Essai sur la qualification du travail (p. 73, note 6) Pierre Naville cite des chiffres concernant 18 industries tirés d'une étude faite aux Etats-Unis, en 1940. Ils sont difficilement comparables aux nôtres car ils envisagent uniquement le temps d'apprentissage sur le tas nécessaire pour atteindre «une production normale».
Caractéristiques des travaux féminins taines exigences particulières. L'analyse plus approfondie des travaux féminins amène donc à conserver l'idée d'une certaine diversité des emplois confiés aux femmes, 48 mais il est en même temps évident que cette diversité des tâches se fonde avant tout sur certains aspects extérieurs. Les aspects intrinsèques, qui sont communs à la majorité d'entre elles, sont apparus comme les plus importants. Il faut donc y revenir rapidement.
LES T R A V A U X FÉMININS: LES PLUS PARCELLAIRES, LES PLUS RÉPÉTITIFS, LES PLUS CONTRAIGNANTS PARMI LES T R A V A U X INDUSTRIELS N O N QUALIFIÉS
Si l'on envisage les caractéristiques communes à la quasi-totalité des travaux féminins, quelles que soient les conditions dans lesquelles ils sont accomplis, on est frappé d'abord par leur caractère parcellaire mis en évidence par le petit nombre d'opérations qu'ils comportent. G. Friedmann signalait en 1956 dans Le travail en miettes48 que des préoccupations concernant les effets néfastes d'une division trop poussée du travail se faisaient jour aux Etats-Unis et en GrandeBretagne. Des expériences menées dans les entreprises aussi bien que des recherches plus théoriques amenaient à constater que l'élargissement des tâches avait généralement pour effet, en améliorant la satisfaction au travail, d'augmenter le rendement. Il ne nous a pas semblé que ces préoccupations aient soulevé beaucoup d'échos en France, du moins dans la branche étudiée. Nous avons pu nous rendre compte, au cours de nos conversations avec les cadres et la maîtrise, que les entreprises les plus ouvertes à ce genre de problèmes sont les plus importantes, celles qui comptent dans leur personnel des cadres plus avertis de l'actualité. On ne s'y intéresse cependant que dans la mesure où l'on 48. On pourrait, en fait, distinguer trois types de travaux : - dans le premier groupe se situent les travaux les plus typiques du travail d'usine, c'est-à-dire les plus salissants, ceux qui sont accomplis dans les locaux les plus bruyants et les plus dénués de confort. Ils sont le plus souvent effectués sur machine, dans des ateliers ou dans des équipes mixtes où la séparation des travailleurs masculins et féminins est moins fréquente qu'ailleurs; - le second groupe d'emplois féminins comporte moins souvent que les précédents des travaux sur machine, du moins sont-ils accomplis sur des machines de moindre importance. Plus souvent que les précédents ils occupent les femmes dans des ateliers séparés ou dans des secteurs distincts de l'atelier; - dans le troisième groupe se rangent les travaux les plus propres, demandant le plus de soin, de délicatesse gestuelle, voire d'acuité visuelle. On les trouve en majorité dans les industries électriques ou radio-électriques. Ils sont presque toujours exécutés dans des ateliers exclusivement féminins, ateliers généralement propres et clairs, d'où le caractère de locaux industriels a souvent disparu. Du point de vue numérique les trois types de tâches se répartissent à peu près également. On verra que les employeurs tiennent compte de ces différences lors du recrutement de la maind'oeuvre. 49. G. Friedmann, Le Travail en miettes, Paris, Gallimard 1956.
Les tâches féminines
pourrait y trouver des solutions plus rentables. 50 Or, l'opinion prévaut généralement que la question ne se pose guère pour la main-d'oeuvre féminine qui, diton, se contente facilement des travaux parcellaires. Dans les entreprises de moindre importance, la division toujours plus poussée du travail reste, aux yeux des employeurs et des cadres, le moyen par excellence d'organiser la production et on se méfie des innovations, surtout lorsqu'elles concernent les femmes. Mais les données chiffrées tirées de l'enquête ne mettent pas seulement en évidence l'aspect parcellaire commun à la majorité des tâches féminines, elles soulignent leur caractère éminemment répétitif. Celui-ci apparaît dans la proportion très élevée de cycles courts, dans celle des gestes de faible portée pratiquement identiques d'un cycle de travail à un autre ou répétés au cours d'un même cycle. Il apparaît aussi dans la continuité de la succession des cycles, les arrêts prévus étant peu nombreux et séparés par des intervalles souvent longs. De tels travaux, pourrait-on dire, se prêtent davantage à l'acquisition d'un automatisme mais il faut remarquer que si l'échantillon comprend un fort pourcentage de cycles très courts, il comprend aussi des travaux pour lesquels la durée du cycle se situe autour de vingt secondes, temps considéré comme peu favorable à une automatisation des gestes. Il ne suffit pas cependant de remarquer que la plupart des travaux industriels féminins sont des travaux répétitifs à cadences rapides. Il convient d'insister sur une autre constatation: pour la majorité des femmes cette rapidité revêt un aspect de contrainte. Aux cas où la cadence est imposée par la chaîne ou par la machine viennent s'ajouter ceux où la rémunération au rendement, agissant comme une contrainte à la fois matérielle et psychologique, les pousse à accélérer le plus possible la production. On ne peut s'empêcher, lorsqu'on parcourt un grand nombre d'ateliers peuplés d'ouvrières, de songer aux travaux de Léon Walther. Selon cet auteur la division du travail, qui permet le mieux à chaque exécutant de s'automatiser totalement et d'échapper à l'ennui, puisqu'il a la possibilité d'occuper son esprit ailleurs, est susceptible de libérer l'ouvrier; les travaux rythmés, ceux qui impliquent la répétition à intervalles égaux d'un groupe de mouvements sont les plus favorables à l'établissement d'un automatisme. 51 Il ajoute, il est vrai, que chaque sujet a, pour un travail donné, un rythme optimum qui lui est propre, le rythme étant caractérisé comme «un 50. Dans un seul cas (il s'agissait de construction radio-électrique dans une usine d'implantation récente cherchant à former un personnel stable), on nous a signalé une expérience de regroupement des tâches sur une chaîne de montage. Le «top de chaîne» était ainsi passé d ' u n e trentaine de secondes à trois minutes. D'abord réticentes, les ouvrières, jeunes pour la plupart, s'étaient, au bout de quelques jours, déclarées satisfaites. L'entreprise d'ailleurs y avait trouvé son compte puisque le rendement avait augmenté tandis que les qualifications anciennes étaient maintenues. 51. L . Walther, La Psychologie du travail, Genève, éd. du Mont-Blanc 1946, p . 47 et suivantes.
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Caractéristiques des travaux féminins
intervalle de repos entre les contractions musculaires qui permet une réintégration des forces dépensées et qui, de ce fait, recule l'entrée en scène de la fatigue». 52 Il n'était que trop évident, dans les ateliers que nous avons visités, que les ouvrières pour lesquelles le rythme de travail observé ne dépassait pas le rythme naturel étaient peu nombreuses. 83 Il était même frappant de constater que les travaux sur chaîne, les tâches commandées par la cadence de la machine et les travaux à rythme «libre» rémunérés au rendement n'offraient guère, à cet égard, de différences. Si la plupart des chaînes apparaissaient comme des chaînes «tendues», 64 la même tension était visible chez la plupart des ouvrières exécutant des travaux individuels rémunérés au rendement. Nous avons déjà cité des exemples de dépassements de normes qui pourraient paraître à peine croyables si nous ne les avions recueillis dans les ateliers mêmes et auprès de la maîtrise. Certes, on constate des différences entre les ouvrières et certaines semblent atteindre avec une relative aisance des rendements importants; on nous a toutefois désigné souvent des ouvrières manifestement moins habiles mais plus motivées que les autres, dont les rendements élevés ne pouvaient être atteints qu'au prix d ' u n effort constant et sans doute épuisant. L'importance attachée à la rapidité comme trait de comportement prend alors tout son sens. Il serait faux certes de méconnaître qu'on rencontre, sur un certain nombre de postes masculins d'O.S., des caractéristiques comparables. Leur quasi-généralité est cependant le trait dominant des tâches féminines. Nous nous sommes référée à plusieurs reprises aux travaux de G. Friedmann : ils ont attiré l'attention sur les conséquences de la prolifération dans l'industrie, après la première guerre mondiale, des tâches «éclatées», dénuées d'intérêt et sur les incidences psycho-sociologiques de certaines conditions du travail de l'O.S. Ceci semble d'autant plus vrai pour les ouvrières que les possibilités de «brèches dans la contrainte» dont parle G. Friedmann 5 5 sont singulièrement restreintes lorsqu'il s'agit des tâches féminines. Les chiffres relevés concernant les variations dans les gestes de travail, les changements de série ou de poste ou même concernant les possibilités de communications pendant le travail sont à cet égard chargés de sens. A cause même des caractéristiques des travaux qu'elles accomplissent, l'important problème des formes nouvelles de la fatigue au travail 5 6 se pose avec 52. Idem, chap. m, p. 235 et suivantes. 53. Voir aussi dans G. Friedmann, Où va le travail humain?, p. 219 et suivantes, un exposé critique des théories de L. Walther. 54. Ce sont, dit G. Friedmann, «celles qui frappent par leur densité, la rapidité des mouvements, la constante tension infligée aux opérateurs» (Où va le travail humain?, p. 238). 55. G. Friedmann, Le travail en miettes, p. 125. 56. P. Chauchard, La fatigue, Collection Que sais-je, Paris, P.U.F. 1956, et «La fatigue nerveuse», Santé mentale, 1962, n° 2 ; W . P. Floyd et A. T. Welford, Symposium on fatigue, London, H . K . Lewis 1953.
Les tâches féminines
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une particulière acuité pour les femmes. Les études de budget-temps 6 7 ont mis en lumière l'importance de la «double journée de travail» née du cumul des occupations ménagères et du travail professionnel. Il n'y a pas seulement dans ce cumul d'occupations une source d'usure physique; la «course contre la montre» dont parlent si volontiers les ouvrières ne peut manquer d'engendrer, même chez les femmes les mieux organisées, un état de tension nerveuse. L'aspect d ' u n atelier mixte à l'heure de la cessation du travail est à cet égard caractéristique : alors que les hommes quittent sans trop de hâte et en devisant entre eux leurs machines ou leurs postes de travail, l'atelier se vide instantanément et comme par miracle de ses femmes dès que le signal retentit. Elles se sont précipitées vers les vestiaires et elles seront les premières à sortir de l'entreprise pour courir vers les moyens de transport ou vers les magasins dans lesquels elles feront leurs courses avant de rentrer chez elles. Mais si l'on parle volontiers des troubles engendrés par le cumul des occupations professionnelles et ménagères, on oublie trop souvent de remarquer en même temps à quel point la situation de nombreuses femmes se trouve aggravée parce que leur travail professionnel est, à lui seul, une source de fatigue nerveuse considérable. Certains auteurs ont cependant attiré l'attention sur le caractère toxique des travaux mettant en jeu d'une manière prolongée u n petit nombre de muscles, toujours les mêmes, à l'exception des autres. Le professeur Gunther Lehmann entre autres, précise que dans les travaux légers exécutés avec le concours d ' u n nombre limité de muscles, la dépense de force dépend de la rapidité du mouvement, l'effort s'élevant proportionnellement au carré de la vitesse. 68 De telles considérations sont singulièrement éclairantes sur la fatigue à laquelle sont exposées certaines ouvrières se livrant à des travaux apparemment peu pénibles que nous avons décrits au passage. Des recherches effectuées au cours de la dernière guerre en Grande-Bretagne ont mis en lumière une fréquence plus grande chez les femmes que chez les hommes d'accidents névrotiques liés à la nature du travail. 5 9 Plus récemment l'accent a été mis sur le surmenage nerveux consécutif aux cadences élevées et à la crainte de ne pas arriver à les suivre. Au congrès technique national de sécurité et d'hygiène de Strasbourg (1954) le professeur Soula signalait que «la notion de rythme devient capitale et tend à prédominer sur celle d'effort en certains cas, les faits montrant que la fatigue se manifeste souvent 57. M. Guilbert, N. Lowit, J. Creusen, "Enquête comparative de budget-temps", Revue française de sociologie, VI, 1965. 58. Gunther Lehman, Physiologie pratique du travail, traduit de l'allemand, Paris. Editions de l'Organisation, 1955 et Intervention aux Journées d'information sur la fatigue au travail organisées par le Bureau des temps élémentaires, Paris, 1957 (document ronéoté). 59. S. Wyatt, A Study of Certified Sickness. Absence among Women in Industry. Industrial Health Research Board 1945, Report n° 56. Russel Fraser, The Incidence of Neurosis among Factory Workers, London, Industrial Health Research Board 1947, Report n° 90.
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Caractéristiques
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féminins
à des postes à cadences élevées où l'effort musculaire apparaît faible». Dans son rapport au congrès de médecine d u travail de Cannes, en 195 7, 80 le professeur Desoille insistait sur la fatigue nerveuse engendrée par la crainte de ne pas tenir le rythme. Il signalait également que, grâce à l'intervention de toute une série de motivations psychologiques, le freinage que comporte naturellement la fatigue peut ne pas avoir lieu et que, une sorte d'intoxication intervenant, elle peut aboutir a u contraire à une accélération de travail. L'exemple que nous avons cité plus h a u t 8 1 d'ouvrières a u montage tricotant pendant la pause «pour ne pas se refroidir» semble bien révélateur de la nécessité d'entretenir un état favorable au maintien d ' u n e cadence élevée. En 1956, u n rapport d ' u n e commission d'étude de la Ligue d'hygiène mentale s'inquiétait des conséquences d ' u n tel état de choses : «Une proportion importante de travailleurs (variable selon la profession et selon l'entreprise) est ainsi appelée à assurer une vitesse d'exécution au voisinage de la limite supérieure de sa marge d'adaptation. La préoccupation obsédante d u temps alloué, de la production à assurer, la crainte de brûler le carton ou de couler le boni sont extrêmement répandues. Des causes minimes, professionnelles ou extra-professionnelles suffisent à entraîner une désadaptation ; le degré de cette désadaptation et ses conséquences peuvent paraître hors de proportion avec la cause déclenchante mais il convient de les rattacher à son arrière-plan. De nombreux cas d'accidents d u travail, de manifestations anxieuses, dépressives ou hystéroïdes (dans tel atelier on relève une crise de nerfs pour 600 heures travaillées), de déclenchements de syndromes psychotiques relèvent d ' u n tel mécanisme». 8 2 II est évident que les rédacteurs avaient présents à l'esprit des exemples se rapportant aux emplois féminins. 9 3 O n a même signalé des cas d'absorption d'excitants destinés à aider l'ouvrière à tenir un rythme élevé. 64 Plus récemment encore, en septembre 1963, au cours des Journées nationales de médecine d u travail de Lille, d'importants rapports présentaient des bilans impressionnants. 6 5 60. O n trouvera l'essentiel de cette communication dans la Revue des comités d'entreprise, n° 112, juillet 1958, p. 7-27. 61. Voir p. 169, note 22. 62. Ligue française d'hygiène mentale, groupe d'hygiène mentale industrielle, travaux de 1956. Rapport de la commission d'étude du rythme de travail. Document ronéoté. 63. Voir aussi M m e Revault d'Allonnes, «Quelques réflexions sur le nervosisme des tisseuses». Le médecin d'usine, 1953, n° 2. Bien qu'elle se rapporte non à des ouvrières d'usine mais à des téléphonistes, la thèse du docteur Begouin offre dans ce domaine un grand intérêt : P. Begouin, Le travail et la fatigue, Paris, Éditions sociales 1958. 64. Nous avons été nous-même étonnée, passant quelques jours dans un atelier, de voir certaines ouvrières sur presses, et parmi elles de très jeunes femmes, priser en cachette du tabac. Elles nous ont dit y trouver un stimulant. Il ne s'agissait pas certes d'un excitant très nocif. Il est probable que certaines de ces jeunes femmes auront cherché par la suite à se procurer en pharmacie des produits plus efficaces. 65. Notamment le rapport du professeur agrégé Mehl, Les aspects médicaux du travail féminin dans l'industrie, à paraître, document dactylographié communiqué par l'auteur.
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Il ne faut pas méconnaître enfin les conditions psychologiques spéciales du travail industriel féminin. Le fait d'accomplir des tâches le plus souvent différentes de celles des hommes ne peut manquer d'être défavorable à leur intégration dans le milieu de travail. De plus, s'il existe une catégorie de travaux dits «féminins», ceux-ci, par un processus complexe que nous avons tenté de mettre en lumière et dans lequel la nature du travail n'entre pas seule en ligne de compte, sont généralement moins qualifiés et moins payés que les travaux masculins correspondants. Au clivage des tâches correspond alors un clivage entre deux catégories de main-d'oeuvre. Le prestige des travaux féminins, celui de la femme comme compagne de travail ne peuvent manquer d'en être affectés d'autant plus qu'une telle différence dans la situation des hommes et des femmes n'est pas en désaccord avec l'image traditionnelle du rôle de la femme. Nous aurons à revenir sur cette importante question. En définitive, le caractère parcellaire et répétitif, l'aspect de contrainte si fortement marqué des tâches féminines, la nature des exigences qu'elles comportent, les circonstances dans lesquelles elles sont accomplies, leur confèrent, parmi les travaux d'O.S., une place spéciale. On a même pu constater qu'à bien des égards ces conditions de travail atteignent un degré que l'on peut qualifier de paroxystique. Il est alors important de savoir comment est composée la population féminine accomplissant ces travaux. On a pu recueillir à ce sujet, au cours de l'enquête, un certain nombre de données qui seront brièvement exposées. LE RECRUTEMENT DES OUVRIÈRES
La composition d'une population active n'est pas l'aboutissement d'un processus simple. Elle dépend d'abord des conditions très complexes qui poussent certains travailleurs plutôt que d'autres vers tel type d'emploi ou d'entreprise. Dans la mesure où les employeurs ont la possibilité d'opérer un choix, elle dépend aussi des critères suivant lesquels s'opère ce choix. Il convient donc pour saisir les caractéristiques de la population féminine travaillant dans l'industrie d'examiner les deux aspects de la question. Une demande d'emploi abondante
Le nombre de femmes qui se destinent par apprentissage à un emploi des métaux est, on l'a vu, pratiquement nul. 66 Or, pour le seul département de la Seine, plus de 70000 ouvrières travaillent dans cette branche. Elles y sont venues à des âges différents et par des voies très diverses : a. Un certain nombre de très jeunes filles, en raison de conditions familiales difficiles ou à cause d'une mauvaise réussite scolaire, ne peuvent ni continuer 66. Voir p. 79.
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Caractéristiques des travaux féminins
leurs études ni entreprendre une formation professionnelle." Si elles envisagent de travailler, elles doivent donc passer directement à la vie professionnelle, avec ou sans contrat d'apprentissage. 68 La plupart sont d'abord attiiées par les emplois du commerce mais toutes n'en trouvent pas et beaucoup n'ont pas le niveau d'instruction indispensable pour tenir ces emplois. Malgré le peu de goût qu'elles manifestent en général pour les travaux de l'industrie, malgré la répugnance des familles qui ne tiennent guère à voir leurs filles entrer «en usine», certaines de celles qui habitent les banlieues ou les arrondissements industriels de la région parisienne se dirigent finalement vers les entreprises industrielles. 68 Elles y constituent d'ailleurs, au dire des employeurs, une population flottante qui passe facilement d'une industrie à une autre dès qu'un travail plus propre ou plus attrayant se présente. Tel d'entre eux se plaignait devant nous qu'une entreprise de produits pharmaceutiques nouvellement installée dans le voisinage lui ait «raflé» 15 jeunes attacheuses pour les employer à des travaux d'emballage plus propres et accomplis dans des ateliers plus agréables. b. D'autres jeunes filles viennent à l'industrie après avoir fait un apprentissage. Elles n'ont pas réussi à s'employer dans le métier appris ou bien elles n'y ont pas trouvé un salaire suffisant. Celles qui viennent des métiers de la couture sont particulièrement nombreuses. 70 Elles trouvent à employer dans les travaux fins de montage ou de bobinage les qualités acquises au cours de leur apprentissage. c. La main-d'oeuvre jeune disponible pour les travaux industriels n'est pas toujours originaire de la région parisienne. Un nombre important de jeunes filles d'origine provinciale, venues à Paris comme bonnes à tout faire, quittent rapidement cette profession soit parce qu'elles veulent acquérir davantage d'in67. D'après une enquête effectuée par le Bureau universitaire de statistiques, 15% des filles à la sortie de l'école entreraient directement au travail ailleurs que chez leurs parents. Ces chiffres ne sont guère différents de ceux donnés par A . Girard «L'orientation des enfants d'âge scolaire dans le département de la Seine», Population 1953, n° 4, p. 647-72. 68. M . Guilbert, «Les jeunes ouvrières dans l'industrie», communication au x m e congrès d'Orientation professionnelle, juin 1960. Publié dans L'avenir professionnel des moins doués, Paris, éd. Néret 1961, p. 160-68. 69. Plusieurs employeurs nous ont fait remarquer que la proximité de l'entreprise est souvent la raison déterminante qui décide les parents à envoyer leur fille «en usine». 70. U n e enquête menée en 1957 auprès de plus de 1000 jeunes femmes de la région parisienne nous a permis de prendre conscience de l'importance de ce fait. Sur les 1024 jeunes femmes interrogées, 518 avaient reçu une formation professionnelle complète ou incomplète dont 238 dans les professions du vêtement. Parmi ces dernières 205 avaient travaillé dans cette branche pendant un temps plus ou moins long, mais 57 seulement y étaient encore au moment de l'enquête. (La m o y e n n e d'âge se situait autour de 30 ans.) Certaines (60) avaient cessé de travailler mais 88 étaient passées dans une autre branche et nous retrouvions la plupart d'entre elles c o m m e bobineuses, câbleuses ou monteuses dans les industries des métaux (M. Guilbert et V . Isambert-Jamati, « U n e étude de biographies professionnelles. Formation et carrière professionnelle de 1000 jeunes femmes de la région parisienne», Population, 1958, n° 4, p. 647-62).
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dépendance, soit parce qu'elles se marient. L'industrie est alors, à quelques exceptions près, la seule branche dans laquelle elles puissent trouver du travail. Cette filière professionnelle dont on trouvera plusieurs exemples dans les biographies d'ouvrières réunies à la fin de ce volume est, dans la région parisienne, beaucoup plus fréquente qu'on ne le croit généralement, surtout pour les originaires de certaines régions. Il s'agit là d'un phénomène difficile à chiffrer globalement mais qui contribue dans une large mesure à renforcer le volant de main-d'oeuvre féminine disponible pour les professions industrielles. 71 Un exemple donnera une idée de l'importance de ce fait : visitant un atelier de montage de petit appareillage électrique, nous avons été frappée par le type breton fortement marqué de la cinquantaine d'ouvrières qui y travaillaient. Le chef du personnel a confirmé qu'il s'agissait bien de bretonnes,toutes originaires de la même région de la Bretagne, toutes venues à Paris comme bonnes et qui, se connaissant entre elles, s'étaient finalement retrouvées dans cet atelier. d. Mais la population féminine des entreprises n'est pas constituée uniquement par cette main-d'oeuvre venue tôt au travail industriel. Les employeurs sont sollicités par d'autres catégories : femmes qui n'ont jamais travaillé et qui, à la suite de circonstances diverses, sont à la recherche d'une activité; femmes qui cherchent à reprendre du travail après une interruption plus ou moins longue. Pour les premières, les travaux les plus simples de l'industrie sont parfois les seuls accessibles. Quant aux secondes, il arrive qu'ayant travaillé autrefois dans une autre branche, elles ne trouvent plus à s'y employer. Elles se tournent alors, bon gré mal gré, vers le travail en usine. La population féminine disponible pour les travaux industriels présente donc une certaine diversité. Elle est de plus abondante. Aussi les employeurs utilisentils moins pour les femmes que pour les hommes les annonces dans la presse ; ils emploient par contre davantage le procédé qui consiste à afficher à la porte les emplois disponibles ou à s'adresser aux ouvrières déjà en place pour amener des candidates. 72 Dans les 129 entreprises visitées, 23 employeurs seulement ont signalé quelques difficultés de recrutement, il s'agissait toujours alors de trouver des ouvrières travaillant sur machine et déjà rompues au travail d'usine. Dans les autres cas la demande est généralement supérieure à l'offre et dans des proportions parfois considérables. 73 71. Sur l'échantillon de 1024 jeunes femmes dont il a été question dans la note précédente, 2 3 % des originaires de Bretagne étaient venues à Paris comme bonnes et 2 0 % étaient passées ensuite dans l'industrie. O n trouvait des pourcentages élevés de cas semblables parmi les originaires de Normandie et de la partie rurale de la région parisienne. 72. Ces faits ont été confirmés par les résultats d'une enquête menée ultérieurement (M. Guilbert, «Les modes de recrutement du personnel dans quelques industries de la région parisienne», Revue française de sociologie, janvier-mars 1962, p. 37-45). 73. Dans certains arrondissements de Paris à forte densité ouvrière (1 I e , 12 e , 19e, 20 e ) et où les
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Caractéristiques des travaux féminins La sélection à l'embauche
Cette supériorité de la d e m a n d e sur l'offre qui est la règle quasi générale perm e t donc a u x employeurs d'opérer u n choix. Les critères pris en considération offrent alors u n g r a n d intérêt. Signalons d ' a b o r d que la sélection psychotechnique, dans l'ensemble peu employée contrairement à ce q u ' o n croit généralement, l'est encore moins p o u r les femmes q u e p o u r les h o m m e s (sur 129 entreprises, 7 l'employaient p o u r les h o m m e s et 5 p o u r les femmes). L a sélection psychotechnique p o u r r a i t sembler particulièrement indiquée p o u r les femmes puisqu'elle p e r m e t d'apprécier entre autres choses l'agilité digitale, la précision d u geste, la dextérité. L'opinion générale est toutefois bien résumée p a r la réflexion d ' u n e m p l o y e u r : « U n e f e m m e qui p a r a î t très douée à l ' e x a m e n psychotechnique fait souvent moins bien q u ' u n e a u t r e qui le p a r a î t moins mais qui, a y a n t plus de raisons de chercher à gagner sa vie, peine d a v a n t a g e et arrive à aller plus vite». Les motivations a u travail j o u e n t incontestablement dans bien des cas u n rôle plus i m p o r t a n t q u e les dispositions gestuelles. Quelle i m p o r t a n c e les employeurs attachent-ils lors de l ' e m b a u c h e d u personnel féminin a u x antécédents professionels? Pour quelques emplois et n o t a m m e n t p o u r certains t r a v a u x sur machine, on recherche volontiers les «femmes de m é t i e r » a y a n t déjà effectué ce genre de tâche. L a difficulté d u travail entre moins ici en ligne de compte q u e l ' h a b i t u d e de la machine, d e l'atelier b r u y a n t , de l'atmosphère d'usine. O n sait toutefois q u ' o n a u r a affaire à u n e m a i n - d ' o e u v r e moins souple, plus revendicative. Aussi engage-t-on volontiers sur les autres postes des femmes n ' a y a n t j a m a i s travaillé en usine et d o n t on escompte u n c o m p o r t e m e n t différent : «Sur presse on ne p r e n d q u e des femmes d'usine, très différentes des ouvrières a u contrôle. Elles sont fières de travailler sur machine. C'est m a l h e u r e u s e m e n t l'atelier où nous avons le plus de grèves» [1 7 ] - « O n p r e n d sur m a c h i n e des femmes a y a n t déjà travaillé en usine et d o n t on sait qu'elles ne seront pas rebutées p a r le b r u i t et la saleté. A u m o n tage on préfère d'autres femmes» [ O 1 ] - « O n tâche d ' a d a p t e r les caractéristiques des ouvrières a u x postes q u ' o n confie. O n ne m e t t r a pas p a r exemple la m ê m e f e m m e a u montage, a u nettoyage ou a u x machines. Ce sont des genres de femmes tout à fait différents» [ T 3 ] - «Pour les postes d'usinage on ne p r e n d q u e des femmes a y a n t déjà travaillé en usine. Pour les postes de m o n t a g e on préfère, petites entreprises des métaux sont nombreuses on se plaint parfois de trouver assez difficilement des «femmes de métier» et notamment des ouvrières sur presses. Par contre, lorsqu'il s'agit de travaux simples, l'annonce de postes vacants provoque dans les mêmes quartiers une avalanche de demandes. «On se garde bien de mettre une affiche à la porte, nous disait le directeur d'une petite fabrique de jouets (M 10 ) ; on l'a fait une fois, ça a été une véritable ruée, la maison a été embouteillée pendant plusieurs jours. On s'arrange d'abord pour trouver deux ou trois ouvrières dans le quartier. Comme tout se sait, il en arrive d'autres».
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si elles en ont la capacité, des femmes n ' a y a n t j a m a i s été en usine. Elles sont moins difficiles à m e n e r » [ U 8 ] . O n retrouve ici la distinction entre les types d'emplois industriels féminins dont il était question plus h a u t . 7 4 O n r e m a r q u e également l ' i m p o r t a n c e attachée a u x comportements toutes les fois que les connaissances ou les habitudes professionnelles ne sont pas indispensables. P a r m i les femmes n ' a y a n t j a m a i s travaillé en usine, les couturières ou les coiffeuses sont toutefois particulièrement recherchées. Q u a n t a u x anciennes bonnes qui constituent, on l'a vu, u n e réserve i m p o r t a n t e de main-d'oeuvre industrielle, leur origine provinciale ou rurale, leur h a b i t u d e des t r a v a u x durs, le fait qu'elles considèrent c o m m e une p r o m o tion leur entrée dans l'usine font q u ' o n les accueille volontiers dans la p l u p a r t des entreprises. 7 5 Les employeurs préfèrent dans l'ensemble e m b a u c h e r des femmes h a b i t a n t le plus près possible de l'entreprise. Les motifs avancés sont intéressants à relever : « O n choisit le plus près possible de l'usine à cause d u travail en é q u i p e » [ E 2 ] « O n recherche dans le quartier p o u r pouvoir recruter p a r relations» [E 1 1 ] « O n recherche surtout dans le quartier des femmes avec enfants ; on sait qu'elles n'iront pas plus loin p o u r gagner d a v a n t a g e » [ G 3 ] - «Les femmes qui viennent d u quartier travaillent m i e u x ; elles ne sont pas déjà fatiguées en a r r i v a n t » [J*] « O n p r e n d dans le quartier car ici c'est rempli d'entreprises q u i paient mal, aussi les femmes sont-elles moins exigeantes» [ K 2 ] - «Avec les femmes d u quartier on a moins d'absentéisme; en effet si elles habitent près de l'usine et ne viennent pas a u travail, on peut les voir dehors» [ M 3 ] - «Si elles h a b i t e n t tout près, elles peuvent venir en tablier et en pantoufles ; elles ont donc moins de frais et cela c o m p t e dans les exigences de salaires» [ M 8 ] . A d a p t a t i o n a u x horaires, garantie de stabilité, réduction de l'absentéisme, limitation des exigences de salaires, telles semblent être les raisons qui poussent les employeurs à accorder, lors de l ' e m b a u c h e , u n e i m p o r t a n c e plus g r a n d e à la distance d u domicile lorsqu'il s'agit d ' u n e main-d'oeuvre féminine que lorsqu'il s'agit d ' u n e m a i n - d ' o e u v r e masculine. Lorsqu'on aborde, a u cours des entretiens, la question d u recrutement des ouvrières en fonction de leur situation de famille la conversation devient plus difficile. Le fait qu'elle soit mariée ou non, qu'elle ait ou non des enfants j o u e manifestement u n rôle dans la décision d ' e m b a u c h e d ' u n e ouvrière. Bon 74. Voir p. 190, note 48. 75. Nous n'aborderons pas ici, bien qu'elle soit très importante, la question de l'âge à l'embauche. C'est en fait une question complexe qui met en jeu des éléments très divers parmi lesquels trois surtout entrent en ligne de compte : a) l'âge de la main-d'oeuvre disponible ; b) le genre de postes à pourvoir; c) la politique de l'entreprise. On remarque en effet que l'âge de la main-d'oeuvre qui se présente est différent suivant les postes. On constate aussi que le choix des employeurs est différent suivant le genre de tâche à effectuer. Il est certain enfin que, quel que soit le genre de travail, la moyenne d'âge des ouvrières est différente suivant les entreprises.
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Caractéristiques des travaux féminins
nombre d'employeurs répugnent cependant à avoir l'air de lui accorder une importance. Lorsqu'il s'agit de femmes mariées, les opinions sont d'ailleurs divergentes. Certains, dans le but de limiter l'absentéisme, n'embauchent que des femmes mariées sans enfant; d'autres, moins nombreux, considèrent au contraire que le fait d'avoir des enfants donne dans la vie privée une stabilité qui augmente la stabilité professionnelle. Il est intéressant de noter toutefois que si la présence des enfants, et surtout des enfants jeunes, est souvent considérée comme un obstacle à l'embauche des femmes mariées, il en va tout autrement pour les femmes chefs de famille. La question de la préférence donnée à l'embauche aux femmes seules chargées de famille et des raisons de cette préférence est parfois abordée sans difficulté : «On embauche bien sûr les femmes qui se sont mariées jeunes et ont été abandonnées avec des enfants. Elles ne savent en général rien faire mais elles s'accrochent parce qu'elles ont besoin de gagner leur vie» [C 6 ] - «On embauche volontiers les femmes veuves ou séparées ayant des enfants à charge» [J 6 ] - «On a par humanité une préférence pour les femmes veuves ou séparées avec des enfants; et puis il faut convenir qu'elles s'absentent moins» [E 2 ] - «La femme idéale pour un industriel c'est la femme de 35 à 40 ans, abandonnée avec des enfants. Elle fait du rendement. A cet âge les femmes mariées qui travaillent sont les plus mauvaises ouvrières» [M 2 ]. Souvent on se défend de les employer en priorité mais on signale leur acharnement au travail : «C'est un fait que les femmes seules ont davantage besoin de gagner leur vie» [I 4 ]. En fait, la composition de la main-d'oeuvre féminine dénote dans certains ateliers une recherche systématique des femmes chefs de famille 1 • dont on escompte un absentéisme limité et surtout un souci du rendement lié à l'importance qu'elles ne peuvent manquer d'accorder à leur salaire. Il est certain toutefois que les antécédents professionnels d'une femme ou son état civil ne donnent qu'une idée approximative de sa personnalité ou de ses motivations. Un contact direct peut permettre de découvrir parmi les éléments de sa situation ceux qui en feront une ouvrière plus ponctuelle, plus souple, plus «acharnée au rendement» qu'une autre. Nous avons, dans une recherche dont les résultats ont été publiés par ailleurs," montré la place que tiennent, dans le recrutement, les entretiens préliminaires à l'embauche. Les commentaires des employeurs concernant ces entretiens sont particulièrement significatifs lorsqu'il s'agit de femmes: «On voit à l'oeil, et il est beaucoup plus facile de juger pour une femme que pour un homme. Il y a une question d'apparence, de tenue générale» [C 6 ] - «On voit si le genre de la femme convient dans la maison» [O 2 ]. Quant aux questions posées, elles portent en général sur les précédents 76. Nous avons constaté dans u n atelier de montage radio-électrique la présence dans l'effectif de plus de 20 % de très jeunes mères célibataires. 77. M . Guilbert, N. Lowit, M . Roussel, «La pratique de l'embauche dans quelques industries de la région parisienne», Sociologie du travail, 1964, n° 1.
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emplois, sur la vie familiale, sur les projets : «Quand j'ai parlé avec une femme pendant une demi-heure, quand je sais comment elle est logée, pourquoi elle veut travailler, si elle s'entend bien avec son mari, avec ses voisins, si elle a des traites à payer, si elle a envie d'un frigidaire, d'une télévision, je sais quel genre d'ouvrière elle fera et je me trompe rarement. Avec les hommes, c'est plus difficile». C'est à travers ses préoccupations, ses besoins, ses désirs que l'on cherche à juger la future ouvrière. Quelles images de la femme travaillant en usine peut-on retenir après cette étude des caractéristiques du travail actuellement accompli par la main-d'oeuvre féminine industrielle et des conditions de son recrutement? Le travail de l'ouvrière d'aujourd'hui est certes différent de celui de l'ouvrière d'autrefois; elle n'est plus vouée exclusivement aux tâches pénibles et rebutantes mais il apparaît que c'est en raison de l'évolution du travail industriel dans son ensemble plutôt que par une promotion du travail féminin. Dans le contexte actuel, les emplois qui lui sont réservés et dans lesquels elle est cantonnée sont encore les plus ingrats, les moins attrayants, souvent les plus fatigants. Certains traits révélés par l'enquête et exposés dans ce chapitre sont à cet égard particulièrement suggestifs. La population féminine industrielle n'est plus la population misérable si souvent décrite au 19 e siècle. Elle n'en est pas moins actuellement recrutée parmi les femmes qui, privées de formation professionnelle ou n'ayant pas trouvé à s'employer dans la profession apprise, se voient contraintes d'accepter les tâches les plus dénuées d'intérêt et de perspectives et des conditions de travail parfois pénibles. Encore ne retient-on généralement que celles qui semblent suffisamment motivées pour chercher à atteindre des rendements élevés. L'ouvrière d'usine, dans le cadre social où se situe notre étude, apparaît donc encore le plus souvent comme une travailleuse déshéritée.
Conclusions
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Conclusions
Avant de développer quelques conclusions à partir de l'étude des fonctions des femmes dans l'industrie, il convient de rappeler que les raisons qui nous ont amenée à procéder, dans une seule branche, à une recherche approfondie et à choisir les industries des métaux ont déjà été longuement exposées. 1 Branche en voie de développement, où l'emploi des femmes est en constante progression, branche comportant une gamme extrêmement variée d'activités, avec des taux d'utilisation de la main-d'oeuvre féminine très différents d'une activité à l'autre, les industries des métaux ont présenté u n vaste c h a m p de recherches. O n a constaté d'autre part que, dans la région parisienne qui offre aux femmes une g a m m e très étendue d'emplois industriels, celles-ci passent avec une extrême facilité d ' u n e branche à une autre; les tâches qu'elles accomplissent ne présentent pas, suivant les industries, de différences fondamentales. A travers la diversité des entreprises visitées et des emplois étudiés se sont dégagées une série d'images des femmes ouvrières d'industrie. Ces images, généralement mal connues, sont à la fois diverses et singulièrement convergentes. O n a tenté d'analyser systématiquement les éléments communs qui caractérisent les tâches qu'accomplissent ces ouvrières et les différencient des emplois généralement confiés à des hommes. Ce sont, pour la majeure partie, des tâches exigeant u n effort physique limité, ce sont aussi des tâches simples, à prédominance manuelle, à caractère répétitif plus nettement marqué, à forte exigence de rapidité et plus souvent rémunérées au rendement. Elles n'impliquent pas l'exercice de responsabilités à l'intérieur d'une équipe, surtout lorsque celle-ci comprend des hommes. Parmi les travaux d'O.S., ceux des femmes sont les plus typiques et les plus dénués d'intérêt. O n a noté en même temps que ces fonctions occupent u n rang inférieur dans la hiérarchie professionnelle. Le processus est d'ailleurs complexe et ne met pas uniquement en j e u la nature de la tâche. Certes, les travaux confiés aux femmes, généralement appris sur le tas, présentent effectivement un niveau de qualification plus bas que le niveau global des emplois masculins. Le seul fait de pouvoir être confiés à des femmes, de mettre en jeu des qualités considérées comme féminines, suffit cependant à entraîner une baisse de la qualification de certains travaux ou d u taux de leur rémunération. 2 O n observe parallèlement 1. Voir Introduction p. 10 et suivantes. 2. Voir p. 137 et suivantes et p. 141 et suivantes.
Permanence
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une tendance à la valorisation des exigences plus typiques des tâches masculines, en particulier de l'effort physique, tandis que l'exigence de rapidité, caractéristique des tâches féminines, n'intervient pas comme un élément de qualification de l'emploi. Les fonctions confiées aux femmes ont en commun un autre caractère : elles leur sont, dans une large mesure, imposées. Cela apparaît dans le fait que certaines catégories de travaux, et notamment les plus qualifiés, leur sont pratiquement inaccessibles. Ils le sont d'abord au niveau de la formation puisque, à de très rares exceptions près, la préparation pour des tâches qualifiées de l'industrie n'est donnée qu'aux garçons. Ils le sont à plus forte raison au niveau de l'embauche. Quant à la promotion, elle n'offre aux ouvrières que des perspectives extrêmement réduites et de toutes façons limitées aux travaux considérés comme féminins. L'analogie de cette situation avec celle de certaines autres catégories, et notamment, au moment de l'enquête, de la main-d'oeuvre nord-africaine travaillant en France est ici apparente. Disposant jusqu'ici de moyens de formation et de promotion très limités, embauchée sur une catégorie de postes bien définis, celle-ci se voit également imposer, dans l'entreprise, un statut dont il lui est pratiquement impossible de sortir 3 et qui, au cours des chapitres qui précèdent, est apparu à plusieurs reprises très proche de celui de la main-d'oeuvre féminine. On verra cependant que la possibilité de cantonner dans certaines fonctions la main-d'oeuvre féminine est étayée par la référence à des modèles sociaux et par l'existence d'attitudes collectives spécifiques. L'analyse en ce qui concerne la main-d'oeuvre d'outre-mer mettrait en lumière des éléments d'explication différents. Le clivage des fonctions suivant les sexes et, en définitive, l'existence d'une hiérarchie des rôles professionnels dans laquelle les rôles professionnels féminins occupent des positions inférieures, le barrage plus ou moins ouvertement opposé à l'accession des femmes à certains rôles ne constituent pas des situations particulières à l'industrie. On les retrouve, à des degrés divers, dans tous les secteurs de l'emploi. Même dans l'enseignement où le parallélisme absolu entre fonctions masculines et féminines, à titres égaux, semble acquis, on observe des inégalités entre hommes et femmes dans l'accession aux postes supérieurs et aux postes de responsabilité. Il est toutefois important de remarquer qu'au cours de l'enquête menée dans l'industrie, il n'a pas été possible de relever une tendance à la modification des rapports entre fonctions masculines et féminines. Pour affirmer que cette permanence n'existe que dans l'industrie, il faudrait avoir mené dans toutes les branches de l'emploi une étude analogue. On peut cependant noter dans des activités très diverses des signes de progression des 3. Depuis le moment où a été menée l'enquête, d'autres catégories de main-d'oeuvre et notamment la main-d'oeuvre noire et portugaise sont venues, dans certaines entreprises, remplacer les Nord-Africains.
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Conclusions
femmes dans le hiérarchie professionnelle, l'accession à de nouveaux emplois et notamment à des postes comportant l'exercice de responsabilités qui jusqu'alors leur étaient refusées. Le nombre de femmes exerçant des professions libérales (avocats, médecins, pharmaciens) a augmenté; les carrières de la magistrature leur sont maintenant ouvertes ; elles ont accès à quelques grandes écoles et notamment à l'Ecole nationale d'administration. Dans les professions commerciales on note une légère progression du nombre des femmes exerçant des emplois de cadres, particulièrement dans la banque, au cours des dernières années. Dans des activités professionnelles plus spécifiques de la classe ouvrière sont apparues récemment des femmes receveurs et, plus rarement, conducteurs d'autobus, des femmes chefs de station de métro, des femmes chauffeurs de taxis. Dans les professions industrielles même, et bien que cette progression se heurte à de nombreux obstacles, 4 on note l'accession des femmes à quelques emplois d'ingénieurs et de techniciens. Il faudrait certes étudier de près ces changements, en préciser les limites, connaître les résistances qu'ils suscitent. Le travail d'atelier, à quelques exceptions près, n'offre pas à notre connaissance d'exemples comparables. Et pourtant si, dans les emplois industriels d'atelier, la hiérarchie des rôles masculins et féminins est particulièrement marquée et ne manifeste pratiquement pas de tendance à l'évolution, il en va autrement pour les rôles joués par les mêmes femmes dans les autres groupes sociaux auxquels elles participent. De nombreux auteurs ont pu noter par exemple 6 que, sur le plan familial, les responsabilités assumées par la femme des milieux ouvriers expriment une subordination moins accusée que dans les autres milieux. Il en est de même dans la vie syndicale où le rôle joué par les femmes ouvrières n'est pas moins important, il s'en faut, que par celles des autres secteurs de l'emploi. Ces constatations ne peuvent que confirmer notre intention de soulever d'abord une question qui peut être formulée de la manière suivante: le secteur industriel réunit-il des conditions spécifiques propies à susciter et à maintenir, sur le plan professionnel, un clivage particulièrement important entre les rôles masculins et féminins?
4. O n a déjà signalé les enquêtes du Bureau universitaire de statistiques et les travaux d'Yves Legoux (voir p. 3). 5. Sociologie comparée de la famille contemporaine, Paris, C.N.R.S. 1955, Collection du Centre d'études sociologiques ; A. Michel, Famille, industrialisation, logement, Paris, C.N.R.S. 1959, Collection du Centre d'études sociologiques ; L. Brams, «Structures sociales et familles ouvrières», Actes du III' congrès mondial de Sociologie, Amsterdam, août 1956, vol. i v ; P. Fougeyrollas, «Prédominance du mari ou de la femme dans le ménage», Population, janviermars 1951.
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LA PERMANENCE D'UNE DISTINCTION MARQUÉE ENTRE RÔLES PROFESSIONNELS MASCULINS ET FÉMININS DANS LES ATELIERS RÉSULTE-T-ELLE DE LA NATURE PARTICULIÈRE DU TRAVAIL INDUSTRIEL?
Avant de tenter de répondre à cette question, il faut au préalable examiner une objection possible. Le secteur industriel, pourrait-on dire, comprend des travaux qui, par leur nature, sont inaccessibles aux femmes. S'il était prouvé que les travaux qui ne peuvent pas être accomplis par des femmes sont précisém e n t ceux auxquels elles n'ont pas accès, notre commentaire pourrait s'arrêter là. Il aurait peu de chances en effet de faire intervenir des données d'ordre sociologique. Il existe incontestablement dans le travail industriel un certain nombre d'emplois exigeant u n effort physique trop important pour être confiés à des femmes. O n en a rencontré de nombreux exemples dans les industries des métaux. L'industrie est aussi la seule branche dans laquelle la loi interdise aux femmes u n certain nombre de travaux insalubres ou dont les horaires sont incompatibles avec ceux de la vie familiale. A l'encontre de ces constatations de fait, on peut toutefois relever d'autres faits: un nombre plus important encore de tâches, et notamment de tâches qualifiées, qui n'exigent pas u n effort musculaire plus considérable que celles dont les femmes sont généralement chargées et qui sont accomplies dans des conditions normales de salubrité et d'horaires ne leur sont jamais attribuées. Faut-il alors parler d ' u n e inaptitude pour ces tâches? A. Question préalable: Les femmes sont-elles inaptes à tous les travaux industriels dont elles sont écartées? Les travaux scientifiques nombreux sur la psychologie différentielle des sexes n'apportent pas dans ce domaine d'éléments décisifs. O n peut d'ailleurs se poser au sujet de la plupart d'entre eux la question d u rapport entre les aptitudes telles qu'elles sont appréhendées par le moyen des tests et les aptitudes réellement mises e n j e u dans l'exercice des tâches professionnelles. D ' a u t r e part les tests sont rarement appliqués à une population effectivement engagée dans une activité professionnelle mais le plus souvent à des écoliers ou à des étudiants. Q u e nous apprennent ces travaux? Leurs auteurs semblent d'accord depuis longtemps sur un certain nombre de points : il n'existe pas de différence significative entre les sexes dans le niveau général d'efficience intellectuelle ; • on observe par contre des différences a u niveau des aptitudes spécifiques. Les sujets d u sexe masculin montrent entre autres une supériorité dans les tests d'aptitude 6. Certains tests et échelles avantagent un sexe plutôt que l'autre en fonction du type d'épreuves qui les composent.
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Conclusions
mécanique. Sur le plan moteur, ils ont une tendance à être supérieurs dans les tests de vitesse et de force pure tandis que les sujets du sexe féminin réussissent mieux dans les tests «semblant exiger une main délicate». ' Les travaux factoriels entrepris depuis un certain nombre d'années, quelle que soit l'école à laquelle ils appartiennent, ont apporté dans ce domaine des précisions intéressantes en montrant l'importance de la nature et des composantes de chaque aptitude ainsi détectée. Pour l'aptitude mécanique par exemple, on a isolé non seulement un facteur général et un facteur spatial mais aussi un facteur de connaissances et d'expérience mécaniques. O n peut alors, sans pour autant écarter l'idée de l'existence d'autres éléments, mettre en rapport l'infériorité des femmes dans les tests mécaniques, surtout lorsque ceux-ci sont appliqués à des fillettes ou à des étudiantes, avec une expérience beaucoup plus limitée chez les sujets du sexe féminin. 8 Il est normal alors de constater des temps d'apprentissage plus longs, 9 mais dans quelle mesure peut-on parler d'incapacité ou d'inaptitude innée? Dans son livre La structure des aptitudes humaines, Vernon fait remarquer à ce sujet: «Il serait ridicule de nier que cela est possible puisque d'autres aptitudes, l'aptitude musicale par exemple, possèdent clairement une composante innée. Mais nous devons reconnaître que la majeure partie de ce que l'homme de la rue entend par aptitude mécanique est attribuable à G, à l'apprentissage et à l'expérience, à des facteurs de tempérament et d'intérêt. Jusqu'à présent il n'y a pas d'exemple de personne incapable d'apprendre un métier pratique par manque d'aptitude pourvu qu'elle ait assez de G, de la persévérance et de l'intérêt et qu'elle ne souffre pas de troubles nerveux ou musculaires». 10 Outre l'influence de l'expérience il faudrait donc, avant de parler d'inaptitude, faire aussi une part à l'influence de l'éducation et du milieu sur la détermination du type psychologique féminin. Henri Piéron dans sa Psychologie différentielle insiste sur cette question «qui se pose et n'est pas résolue». 11 7. C. Burt and R . C. Moore, «The Mental Différences Between the Sexes», Journal of Expérimental Pedagogy, 1912, I, p. 273-84 et 355-88; F. M . Earle and F. Gaw, The Measurement of Manual Dexterities, London, National Institute of Industrial Psychology, report n° 4, 1930. 8. Vernon cite des travaux factoriels faits pendant la dernière guerre sur des tests de compréhension et de montage mécanique à partir de trois types de population féminine : trois groupes représentatifs des recrues féminines, u n groupe de cuisinières de niveau assez bas, deux groupes de niveau supérieur de mécaniciennes sur moteur et d'opératrices spécialisées. Pour les deux groupes de mécaniciennes on a obtenu des résultats presque semblables à ceux des populations masculines. O n eut par contre de grandes difficultés pour aboutir à des solutions factorielles acceptables sur des groupes normaux de femmes et sur le groupe des cuisinières (P. E. Vernon, La structure des aptitudes humaines. Traduit par M . Reuchlin, Paris, P . U . F . 1952, p. 148-49). 9. R . B. Allison, «Mechanical ability: comparisons of test scores for naval enlisted m e n and women», analyse dans Psychological Abstracts, 1957, n° 8894. 10. P. E. Vernon, op. cit., p. 151. 11. H . Piéron, La psychologie différentielle, Paris, P . U . F . 1949, chap. m, p. 108.
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Quelles que soient les conclusions auxquelles aboutissent les travaux de psychologie différentielle, il semble toutefois évident, d'après les propos que nous avons rapportés, 1 2 que les employeurs à qui incombe en définitive la répartition des postes entre ouvriers et ouvrières en ignorent l'existence. Ces travaux, m ê m e s'ils légitimaient la répartition actuelle des tâches entre hommes et femmes, ne pourraient donc constituer q u ' u n e justification a posteriori. De nombreux employeurs parlent cependant d ' u n e inaptitude des femmes pour certains travaux et notamment pour les emplois qualifiés. Elle suffit à rendre compte selon eux non seulement de la répartition des postes de travail mais aussi de l'absence de formation ou de promotion. Sans préjuger des explications qui seront données plus loin de ces jugements, il est d'ores et déjà certain qu'ils ne peuvent être considérés comme le résultat d ' u n e expérience, puisqu'en fait les femmes ne sont jamais appelées à tenir ces emplois. Q u a n t aux jugements portés à partir des essais de formation professionnelle des jeunes filles dans des emplois qualifiés considérés comme masculins, ils ne peuvent, dans l'état actuel de la formation professionnelle en France, être considérés comme définitifs. 13 Il faut considérer d'abord qu'ils ne peuvent être fondés que sur un nombre très limité de cas. Il est certain aussi que les différences dans l'éducation, dans la manière dont est donné l'enseignement ne peuvent m a n q u e r d'intervenir pour handicaper les jeunes filles surtout lorsqu'elles sont groupées dans des établissements séparés 14 ou lorsqu'elles constituent une infime minorité dans des sections de garçons. L'inaptitude des femmes à exercer au moins certains des emplois dont elles sont écartées n'est donc jusqu'ici démontrée ni par les travaux scientifiques ni par l'expérience. Mais la recherche d ' u n e explication d u clivage entre rôles masculins et féminins dans l'industrie fait intervenir d'autres facteurs. Elle nous a mis en présence d ' u n ensemble complexe d'éléments et d'abord d ' u n e image-type de la femme ouvrière. B. L'influence des modèles traditionnels dans la détermination des rôles professionnels masculins et féminins dans l'industrie Il existe dans de nombreux domaines, et pas seulement dans celui de l'activité professionnelle, des modèles traditionnels des rôles féminins, modèles différenciés de ceux des rôles masculins. O n peut constater parfois une certaine plasticité de ces modèles : en même temps que les femmes accédaient sur le plan 12. Voir 2 e partie, chap. 1. 13. O n a pu constater par exemple dans la section d'ajustage, maintenant fermée, du centre d'apprentissage féminin des professions des métaux, un pourcentage élevé d'échecs au C.A.P. 14. La question de l'enseignement de la technologie donné séparément aux filles et aux garçons dans les classes de 4 e et de 3 e , souvent même avec des programmes différents, soulève aussi suivant certains spécialistes de la formation professionnelle des problèmes importants dans la mesure où cet enseignement séparé ne peut qu'accentuer les différences provenant de l'éducation.
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Conclusions
politique à l'électorat et à l'éligibilité, l'image-type du rôle social de la femme se transformait. Sur le plan familial on a pu noter des tendances à une répartition différente des rôles et des responsabilités à l'intérieur du ménage. 1 5 Sur le plan professionnel même, comme nous l'avons dit précédemment, 1 9 la notion de rôle féminin tend à évoluer pour certains emplois. Dans ce contexte d'évolution, inégale certes suivant les secteurs, l'image-type de la femme ouvrière semble se caractériser au contraire par une fixité qui apparaît dans de nombreux signes. Dans les propos des employeurs, l'abondance des expressions stéréotypées est révélatrice. 17 Elles mettent en avant une image de l'ouvrière occupée à une catégorie bien définie de tâches simples qui lui conviennent et dans lesquelles elle réussit; elles tendent aussi à écarter d'autres images. 18 O n ne saurait trop s'en étonner toutefois puisqu'elle correspond à une répartition des emplois qui s'est avérée rentable. La permanence de cette image-type se révèle aussi si l'on considère la répartition des établissements de formation professionnelle féminine. Celle-ci réserve aux futures ouvrières des possibilités extrêmement réduites de formation dans les métiers qualifiés d'atelier. Pour l'ensemble des industries de transformation 21 % des ouvrières travaillent dans les industries de l'habillement. Or, parmi les effectifs féminins en cours de formation dans les professions industrielles pour les établissements de l'enseignement public, au cours de l'année scolaire 1961-62, 44191 jeunes filles apprenaient un métier de l'habillement et 4843 seulement un autre métier industriel. 18 Le détail de ces chiffres au niveau des collèges d'enseignement technique et des sections professionnelles des collèges d'enseignement général est sans doute plus frappant encore. Dans ces établissements préparant essentiellement au C.A.P. c'est-à-dire aux emplois d'atelier et où la formation s'étend sur trois ans au minimum, on trouvait, toujours pendant l'année scolaire 1961-62, six jeunes filles en cours de formation pour la petite mécanique de précision, 20 et 925 pour les industries électriques et radio15. Voir p. 204, note 5. 16. Voir p. 204. 17. Voir 1ère partie, chap. i. O n a déjà signalé la difficulté rencontrée au cours des conversations avec les employeurs, pour obtenir des explications s'écartant de ces expressions stéréotypées. 18. Il est curieux de constater que cette image traditionnelle qui exclut les femmes de certaines fonctions industrielles se traduit dans les formes du langage et jusque dans l'édition la plus récente (1963) d u dictionnaire Larousse, le Grand Larousse encyclopédique. O n y trouve les définitions suivantes: Mécanicien-enne: nom masculin: Spécialiste du réglage de la conduite et de l'entretien des machines. Ouvrier capable d'effectuer les réparations courantes d'ensembles mécaniques, etc. ; nomféminin : Ouvrière qui travaille à la machine à coudre, à la surjeteuse, etc. 19. Il s'agit ici des établissements d'enseignement à temps plein: Statistiques de formation professionnelle; armée scolaire 1961-62, établies par le Centre d'études et de recherches documentaires de l'enseignement technique, Paris, Imprimerie nationale 1964. 20. Il s'agissait non d'ouvrières qualifiées mais d'adjointes techniques.
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électriques, alors que les industries mécaniques et électriques utilisent en tout 293000 femmes; 166 pour les industries chimiques 21 qui utilisent 99000 femmes; 485 pour les cuirs et peaux qui utilisent 89000 femmes; 992 dans le textile qui utilise 352000 femmes; aucune dans les industries alimentaires qui utilisent 168000 femmes. Par contre le nombre de jeunes filles en cours de formation pour les métiers de l'habillement qui occupent 310000 femmes s'élevait à 29406. La seule confrontation de ces chiffres montre assez que l'image de la femme entrant dans les branches industrielles autres que la couture - métier traditionnellement considéré comme féminin - pour y accomplir des travaux sans qualification et ne nécessitant aucune formation est encore, dans bien des cas, considérée comme normale au niveau même des milieux chargés de la formation professionnelle.22 Il faut noter cependant que, devant la pléthore de jeunes filles ayant reçu une formation dans la couture où elles ne trouvent pas toutes un emploi, une orientation vers de nouveaux enseignements industriels se dessine. Parmi les apprentissages du vêtement, on tente de promouvoir ceux qui sont susceptibles de former une main-d'oeuvre adaptée aux techniques modernes de production. On s'efforce aussi de développer la formation féminine dans d'autres emplois de l'industrie: dessin industriel, électricité et électronique. Il faut bien constater cependant que cette tendance se manifeste davantage au niveau des lycées techniques, qui forment surtout des techniciens, qu'au niveau des collèges d'enseignement technique qui préparent aux emplois d'atelier. Pour ces derniers, à part quelques exemples limités,23 la stagnation est plus accentuée. Il serait toutefois imprudent d'affirmer sans nuance que cette stagnation correspond uniquement à la référence à un modèle. Il faut tenir compte de l'influence patronale sur l'apprentissage. Les milieux chargés d'organiser la formation professionnelle doivent compter avec les possibilités de placement qui dépendent elles aussi des employeurs. Ils doivent même envisager les possibilités de recrutement puisque certaines sections trouvent difficilement des candidates. En effet, dans la classe ouvrière elle-même, il est encore exceptionnel que les familles envisagent de faire donner aux jeunes filles une formation professionnelle dans un emploi traditionnellement considéré comme masculin, et les attitudes novatrices dans ce domaine sont plus rares encore lorsqu'il s'agit d'un 21. La formation des jeunes filles pour les industries chimiques est par contre beaucoup plus développée dans les établissements préparant au Brevet d'enseignement industriel et au Brevet de technicien supérieur. Ceci confirme ce que nous dirons plus loin sur le développement des orientations nouvelles de la formation professionnelle au niveau des postes de techniciens plutôt qu'au niveau des postes d'atelier. 22. O n peut remarquer aussi que les rapports médicaux dont nous avons parlé plus haut, s'ils soulignent les troubles engendrés par les travaux dits féminins, ne mettent que rarement en cause dans son principe la répartition des tâches entre hommes et femmes. 23. Cinq sections de formation d'électroniciennes viennent d'être créées, toutes dans la région parisienne.
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Conclusions
«travail d'usine». Dans une enquête sur l'éducation comparée des filles et des garçons, Viviane Isambert-Jamati a relevé de tels faits. La référence plus ou moins consciente à une image-type du rôle professionnel de la femme n'est pas absente de ces options: même lorsqu'on envisage pour une jeune fille une carrière professionnelle normale, ce qui n'est pas toujours le cas,24 le poids des modèles traditionnels intervient dans l'orientation choisie. Mais, là encore, il faut, tout en constatant leur existence, se garder de surestimer l'influence des images traditionnelles. L'absence réelle de perspectives ne peut manquer d'intervenir dans la décision des parents et dans l'orientation des intérêts des jeunes filles elles-mêmes. Il est certain aussi que dans les familles ouvrières où l'on a une connaissance précise des conditions du travail industriel des femmes, certaines hésitations peuvent paraître justifiées. Les enquêtes déjà citées sur les carrières professionnelles des femmes 26 tout autant que les descriptions de carrières professionnelles données en annexe de cet ouvrage 2 ' montrent que les jeunes filles qui viennent d'emblée vers les emplois d'atelier ne le font que faute d'avoir pu trouver un autre emploi. Celles qui sont passées avant par d'autres professions (et notamment les anciennes domestiques ou les femmes ayant travaillé dans la couture) ne recherchent le travail d'usine que si celui-ci leur offre la perspective d'un gain plus substantiel ou d'une indépendance plus grande que celle dont elles jouissaient dans leur ancien métier. Mais les femmes elles-mêmes, une fois entrées dans l'industrie, ne se conforment-elles pas le plus souvent à l'image traditionnelle de leurs fonctions dans l'entreprise? Les résultats d'une enquête menée il y a quelques années dans trois entreprises de la région parisienne sont à cet égard intéressants. 27 Présentant à des ouvrières une liste des emplois de l'entreprise, nous leur demandions, toutes questions de possibilités d'apprentissage mises à part, de les diviser en trois groupes, ceux qui selon elles ne pouvaient être tenus que par des femmes, ceux qui ne pouvaient être confiés qu'à des hommes et ceux sur lesquels on pourrait, à leur avis, employer soit des hommes soit des femmes. Pour 75 % des femmes interrogées la répartition reproduisait exactement celle des emplois dans l'entreprise. Pour expliquer ce pourcentage réduit d'attitudes novatrices il faut, là encore, tenir compte aussi bien de l'influence du modèle que des possibilités réelles d'accès aux emplois traditionnellement considérés comme masculins. Plusieurs de ces femmes, commentant leurs réponses, les justifiaient surtout en exprimant, dans une formule impersonnelle, le sentiment d'un barrage in24. V . Isambert-Jamati, «Le choix du métier», Esprit, mai 1961. 25. M . Guilbert et V . Isambert-Jamati, « U n e étude de biographies professionnelles. Formation et carrière professionnelle de 1000 jeunes femmes de la région parisienne», Population, octobredécembre 1958. 26. Voir A n n e x e vi, p. 377 et suiv. 27. M . Guilbert, «Quelques aspects actuels du travail féminin», Journal de psychologie normale et pathologique, 1957, n° 1, p. 41.
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franchissable: «De toutes façons ils ne veulent pas». Quant aux hommes des mêmes ateliers à qui nous avons posé les mêmes questions, les réponses de 86 % d'entre eux confirmaient qu'ils considéraient la situation actuelle comme normale. Pour des raisons complexes l'image de la femme accomplissant dans l'usine un certain nombre de tâches bien définies, différentes de celles attribuées à la main-d'oeuvre masculine, tâches à caractère subalterne nettement marqué, n'existe donc pas seulement dans les milieux patronaux. Elle est répandue sous une forme plus diffuse dans le milieu familial, dans le milieu de travail et jusque chez les femmes elles-mêmes travaillant dans l'industrie. Il n'en est que plus important de constater que, dans la période actuelle, ce modèle est combattu par les organisations syndicales et progressistes tant auprès des pouvoirs publics que dans le milieu de travail et auprès des femmes elles-mêmes. La revendication de l'égalité effective des salaires, du relèvement des qualifications des emplois féminins, de l'accession des femmes à de nouveaux emplois par la formation professionnelle et la promotion du travail constituent l'un des thèmes importants de l'action de ces organisations. 28 Il y a contradiction entre ces efforts pour changer une situation de fait et la résistance d'un modèle qui s'appuie sur une longue tradition. Le travail industriel est en effet l'une des plus anciennes activités professionnelles des femmes et l'étude historique 2 8 a montré qu'elles y ont toujours occupé une position marginale. La guerre de 1914-18, en raison de l'appel massif à la main-d'oeuvre féminine la main-d'oeuvre masculine étant absente - a marqué dans la diffusion de ce modèle une période de crise dont les répercussions ont été somme toute assez limitées sur le plan professionnel.30 Malgré les progrès de la rationalisation et les modifications qu'elle a pu introduire dans le travail ouvrier, malgré l'obtention récente du principe de l'égalité des salaires, l'image de l'activité industrielle des femmes révélée par l'enquête marque une tendance très nette à rester conforme à l'image traditionnelle. On peut penser que l'ancienneté du modèle joue ici un rôle. Plus cristallisé que dans des professions où les femmes ont accédé dans un passé plus récent, il offre une résistance plus grande aux innovations et aux changements. Le fait qu'il s'agisse d'activités créatrices d'objets, domaine 28. «Aider les ouvrières dont 82 % sont des ouvrières spécialisées à acquérir une qualification, c'est les aider d'abord à avoir un meilleur salaire; ensuite - et c'est considérable - à ne pas être soumises de la même façon aux cadences épuisantes sur les chaînes et aussi à faire un travail plus intéressant qui aidera au développement de leurs qualités, de leurs capacités», Supplément à Antoinette, journal féminin de la G.G.T., juin 1963, n° 92, p. 45. «Soulignant que dans de nombreux pays, les femmes et les jeunes filles ne disposent pas de toutes les possibilités pour choisir un travail qui leur convient, que malgré la présence de millions de travailleuses . . . cette main-d'oeuvre continue à être dévalorisée et à être considérée comme une main-d'oeuvre d'appoint». Résolutions de la Conférence des travailleuses à la C.I.S.L. commentées dans Syndicalisme, organe de la G.F.T.C., n° 962, décembre 1963. 29. Voir 1ère partie. 30. Voir p. 61 et suivantes.
Conclusions
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de l'homme dans la division initiale des rôles, peut aussi intervenir pour expliquer cette persistance de l'image d'une infériorité féminine malgré l'afflux précoce des femmes vers les professions industrielles. Nous avons déjà fait remarquer toutefois qu'une trop grande importance accordée à l'influence du modèle risquerait de masquer une partie de la réalité. O n a souligné à plusieurs reprises dans les pages qui précèdent à quel point il est difficile de distinguer la contrainte psychologique de l'image-type de la contrainte directe, matérielle, liée aux difficultés opposées à l'accession des femmes à de nouveaux emplois. Elle contribue certes à étayer le modèle mais elle n'en existe pas moins en dehors de lui. Malgré son influence réelle, ce n'est donc pas à notre avis au niveau de la permanence et de l'influence d'une image-type du rôle professionnel de l'ouvrière que se situe l'essentiel de l'explication lorsqu'on cherche à dégager les raisons profondes du clivage entre rôles masculins et féminins dans l'industrie. O n trouve d'autres éléments d'explication lorsqu'on examine d'autres paliers de la réalité. Ils se manifestent d'abord au niveau des attitudes des ouvrières lorsqu'on observe celles-ci en liaison avec certaines situations concrètes. C.
Les attitudes des ouvrières d'industrie et la répartition des rôles professionnels. En quoi ces attitudes sont liées à un ensemble de situations concrètes.
L'enquête nous a mis en présence d'une série d'attitudes des femmes travaillant dans l'industrie, attitudes dont la spécificité, la généralité, la continuité ont été maintes fois soulignées par les employeurs. Dans l'ensemble les femmes acceptent les travaux simples, effectués en longues séries, les tâches répétitives, les postes à caractère sédentaire. Les hommes sont en général plus rebutés p a r ce genre d'emplois. Nous avons déjà dit les raisons qui nous ont empêchée d'entreprendre, parallèlement à notre étude, une enquête systématique au sujet des attitudes au travail des ouvrières. Il s'agit là en effet d'une autre recherche tout aussi longue et tout aussi complexe. Quelques éléments tirés de la présente enquête, de travaux antérieurs, des entretiens que nous avons pu avoir hors de l'atelier avec un certain nombre d'ouvrières et dont le compte rendu figure en annexe, 31 montrent qu'il faudrait pour expliquer ces attitudes prendre en considération non seulement la condition de la femme dans l'atelier 32 mais aussi sa condition hors de l'atelier. Nous insisterons sur ce dernier point. 31. Voir Annexe vi, p. 377. 32. Est-il possible en effet de prononcer un jugement définitif sur l'attitude des femmes devant leur travail puisqu'en fait elles n'ont pratiquement aucune autre perspective, puisqu'on ne leur offre pas d'autres postes, puisqu'elles n'ont pas de possibilités de promotion? Quant à l'idée accréditée par les travaux de Wyatt et Fraser, de Gemmeli et Galli, de Wunderlich, entre autres, de la prédominance parmi les femmes d'un type d'esprit, celui qui n'éprouve pas le besoin de s'absorber dans le travail professionnel, qui est capable de se livrer à des préoccupations ou à
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du clivage
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On trouve d'abord dans les caractéristiques particulières de la population féminine venant au travail industriel des éléments d'explication qui montrent que l'influence des images traditionnelles n'est pas seule ici en jeu. Ce sont, on l'a vu en examinant les problèmes du recrutement, soit des femmes qui n'ont reçu aucune formation professionnelle, soit des femmes qui ont eu un début de formation mais dans un autre métier. En dehors des emplois du commerce où toutes ne peuvent pas accéder, l'industrie seule, qui comporte un nombre important de postes ne nécessitant pas une longue préparation, peut les accueillir. Mais en raison même de leur manque de formation ou des échecs qu'elles ont subi précédemment, leurs ambitions ou leurs attentes professionnelles sont strictement limitées. L'acceptation des travaux qu'on leur attribue, même s'ils leur paraissent rebutants ou ennuyeux s'en trouve donc facilitée, d'autant plus qu'elles savent le plus souvent qu'elles ne peuvent envisager aucun changement. Les entretiens placés en annexe sont à cet égard significatifs. L'enquête a mis aussi en lumière une efficacité particulière des femmes dans ces travaux. Elle est certes liée - en particulier dans les travaux fins - à des aptitudes naturelles. Il est certain aussi qu'elle ne peut manquer d'être développée par la pratique des travaux ménagers. Au cours de l'enquête, l'observation des travaux accomplis par les femmes dans l'atelier a suggéré à maintes reprises une comparaison avec les tâches assumées traditionnellement dans le milieu familial.33 Les tâches de l'ouvrière, par leurs caractéristiques gestuelles, rappellent sur plus d'un point les travaux domestiques. On retrouve dans les des rêveries d ' u n autre ordre sans que la série physique des gestes professionnels en soit perturbée, il est bien difficile d'admettre qu'elle correspond à une réalité. Il serait juste en tout cas d'envisager en même temps la prédominance parmi les femmes des conditions économiques et sociales susceptibles de déterminer un certain type d'attitudes devant les tâches professionnelles. De quelle manière convient-il aussi d'accueillir l'affirmation si généralement répandue que les femmes s'accommodent naturellement mieux que les hommes des travaux sans diversité, des séries plus longues, qu'elles répugnent aux changements de postes, qu'elles n'acceptent que difficilement de changer de travail, de quitter le coin d'atelier où elles ont pris leurs habitudes. Nous en avons entendu parler très souvent mais s'agit-il là d ' u n comportement aussi généralement répandu que le laissent entendre certains employeurs? Les intéressantes recherches de David Gox, publiées par l'Institut national de psychologie industrielle de Londres montrent bien que la réalité est en fait beaucoup plus nuancée. Tout ce que nous avons dit sur le caractère limité de la diversité réellement apportée par les changements de série, sur l'importance, dans les travaux féminins, de la rapidité d'exécution, sur la prédominance des rémunérations au rendement, explique sans doute beaucoup de choses dans ce domaine. L'intérêt que peut trouver u n e ouvrière à changer de série n'est-il pas considérablement diminué si elle risque, de ce fait, de voir sa production ralentie pendant quelques heures? Inclinera-t-elle à apprécier les changements de postes si ces changements doivent diminuer son boni ou si elle s'aperçoit que la polyvalence ainsi acquise ne lui vaut aucun supplément de salaire ou de qualification ? Est-il étonnant que, se sentant souvent un peu étrangère dans l'entreprise, elle répugne à changer d'atelier ou même à changer de place si elle risque d'être brusquement transportée d ' u n milieu où elle s'est créé quelques attaches dans un autre où elle se sentira de nouveau isolée? 33. Voir p. 118.
214
Conclusions
deux cas la même prédominance des mouvements mettant en jeu les bras, les avant-bras ou les mains, leur amplitude généralement faible. Dans les deux cas, le chevauchement ou la coordination des gestes des deux mains sont des facteurs importants de l'accélération du travail. La capacité de rapidité des femmes dans les travaux industriels qui leur sont confiés s'explique dès lors en partie par les aptitudes gestuelles acquises dans la pratique des travaux ménagers. Le ménage, la cuisine, le repassage, la couture supposent les mêmes enchaînements gestuels que bien des travaux d'atelier. Mais la comparaison ne s'arrête pas là. Les travaux ménagers et les travaux industriels considérés comme féminins n'ont-ils pas en commun, dans de nombreux cas, le caractère de travaux simples, indéfiniment recommencés? L'acceptation par les ouvrières des tâches qui leur sont confiées répond certes à des capacités de réussite et de rendement, mais aussi sans doute à une habitude des travaux monotones liée elle aussi à la pratique des tâches du ménage. Quant à la tendance des femmes à être plus stimulées par les rémunérations au rendement, à chercher à réaliser par une production importante des salaires aussi élevés que possible, il faut pour l'expliquer rappeler encore que de nombreuses femmes sans qualification s'orientent vers l'industrie pour y trouver en travaillant au rendement des salaires plus élevés. Il faut évoquer aussi le partage des rôles à l'intérieur de la famille ouvrière. Chargées le plus souvent de la gestion du budget, 34 les femmes des milieux ouvriers ont tendance à accorder plus d'importance que les hommes aux suppléments de salaire obtenus par une accélération du rythme de leur travail. Certains employeurs, nous l'avons vu, sélectionnent d'ailleurs de préférence les femmes dont le salaire tient une place importante dans le budget familial. 36 Ils assurent ainsi par avance un niveau d'homogénéité particulièrement élevé dans les attitudes au travail de ces ouvrières. On est donc amené, lorsqu'on cherche à rendre compte des attitudes des ouvrières dans les professions industrielles, à établir un rapprochement entre le caractère des travaux féminins dans les ateliers et certains aspects de la place des femmes dans la famille et dans la société globale. Dans la mesure où, le rôle professionnel des femmes étant considéré comme secondaire par rapport à leur rôle familial, elles acquièrent moins souvent que les hommes une formation professionnelle adaptée à la perspective d'une vie de travail, elles deviennent disponibles pour les travaux non qualifiés de l'industrie. Mais elles accepteraient sans doute moins facilement d'être cantonnées dans ces travaux si leur adaptation s'y faisait moins aisément et si leur efficacité s'y affirmait moins nettement. On vient de voir que cette possibilité d'adaptation, cette efficacité ne peuvent 34. A. Michel, Famille, industrialisation, logement, Paris, C.N.R.S. 1959, p. 188. 35. Voir p. 198 et suivantes.
Permanence du clivage
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être séparées de la pratique des travaux ménagers qui leur échoient dans le partage traditionnel des tâches familiales. 3 ' Ces attitudes spécifiques de la main-d'oeuvre féminine dont notre enquête a donné de si nombreux exemples ne peuvent manquer d'être favorisées par le travail des femmes dans des ateliers distincts ou par la séparation souvent établie entre hommes et femmes travaillant dans les mêmes ateliers. Venues sans préparation au travail industriel, elles ignorent souvent la nature exacte des autres travaux effectués dans l'entreprise et leurs ambitions professionnelles s'en trouvent forcément limitées. Le fait de constituer des groupes distincts peut aussi les amener à adopter des comportements qui s'opposent à ceux des autres groupes de travailleurs. D.
L'importance particulière des éléments de contrainte dans l'attribution des tâches industrielles féminines.
Mais la référence à un modèle dont on a montré la permanence, l'existence d'attitudes collectives liées à des situations concrètes qui conduisent les femmes travaillant dans l'industiie à accepter les fonctions professionnelles qu'on leur attribue traditionnellement suffisent-elles à rendre compte de la condition de l'ouvrière décrite dans les chapitres précédents? On a déjà, à plusieurs reprises, fait état du fait que les fonctions des ouvrières leur sont imposées au niveau de la formation comme à celui de l'embauche ou de la promotion. C'est à partir de cet ensemble de limitations qu'il convient de préciser maintenant l'importance d'une contrainte qui contribue à écarter les femmes de ceux des postes qualifiés qu'elles pourraient prétendre occuper. 37 Les raisons de cette contrainte sont avant tout d'ordre économique. Si les employeurs préfèrent cantonner les ouvrières dans certaines catégories bien déterminées de travaux non qualifiés, c'est surtout parce que leur emploi s'y avère particulièrement rentable. Ceux que nous avons vus ont déclaré euxmêmes à maintes reprises que le rendement des femmes dans ces travaux est, en raison de leurs aptitudes gestuelles et de leur comportement, nettement supérieur à celui que l'on pourrait attendre des hommes. On a constaté aussi que le clivage entre travaux masculins et féminins a toujours favorisé et favorise encore une dépréciation des salaires et des qualifications féminines. Les employeurs, dans l'état actuel de l'évolution industrielle, ont donc intérêt non seulement à utiliser les femmes sur ce genre de postes, mais aussi à freiner toute innovation susceptible de favoriser des conduites nouvelles. 36. G. Friedmann a insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de mettre en rapport les attitudes différentes des hommes et des femmes devant les tâches parcellaires avec des facteurs socioéconomiques et culturels (voir notamment Le travail en miettes, Paris 1956, p. 95). 37. Les entretiens que nous avons pu avoir hors de l'atelier avec des ouvrières, montrent d'ailleurs qu'elles ont conscience de cette contrainte (voir Annexe vi, p. 377).
2l6
Conclusions
Dans le type de société où cette étude a été menée, il est évident que les employeurs possèdent, pour exercer de telles pressions, des moyens importants. La prédominance de l'entreprise privée dans l'industrie leur laisse l'entière disposition de l'attribution des postes de travail et des décisions de promotion. Leurs organisations participent à l'élaboration des décisions d'ensemble relatives aux problèmes de main-d'oeuvre. Dans le domaine de la formation professionnelle, le versement de la taxe d'apprentissage leur confère le droit de participer aux conseils d'administration des établissements de formation professionnelle lorsque celle-ci n'est pas donnée directement par eux. Les moyens d'information et de propagande qui représentent, il est vrai, une forme de contrainte moins directe sont également importants. La presse féminine à grande diffusion, en particulier, se fait parfois le véhicule de perspectives nouvelles de l'activité féminine dans les professions libérales, dans certaines professions du secteur public, voire même, mais plus rarement, dans certains emplois de cadres des professions industrielles. La question de la promotion des femmes dans les emplois qualifiés d'atelier n'y est jamais abordée. Les ouvrières représentent sans doute un pourcentage important des lectrices de ces journaux. La très intéressante étude de Monique Pétin sur les lectures des jeunes filles fréquentant les centres d'apprentissage et la liste des professions des héroïnes des magazines qu'elles lisent sont à cet égard pleines d'enseignement. 38 Pour répondre à la question posée au début de ce chapitre sur l'existence, dans les professions industrielles, de conditions spécifiques de nature à susciter et à maintenir un clivage entre rôles masculins et féminins, on vient d'avancer successivement des éléments d'explication divers. Ils ont été, pour la clarté de l'exposé, isolés les uns des autres. La réalité est moins schématique et ce qui apparaît avant tout lorsqu'on l'examine globalement c'est l'interpénétration de ces différents éléments. O n a insisté sur la liaison entre les attitudes et les situations concrètes, on a décelé des éléments de contrainte d'origine essentiellement économique. Il est certain cependant que les uns et les autres contribuent à sous-tendre les modèles traditionnels et que ceux-ci entrent pour une part non négligeable dans la détermination des attitudes. Ce qui frappe surtout en définitive c'est la convergence de ces éléments divers et la force de conservation que représente cette convergence. Dans d'autres secteurs de l'emploi qui recrutent d'autres catégories de femmes, où les travaux sont moins proches des tâches ménagères traditionnellement féminines, on peut observer des attitudes ou des conduites qui tendent à mettre en échec les modèles traditionnels. Elles y parviennent lorsque la contrainte économique n'entre pas en jeu d'une manière décisive. Dans l'industrie au contraire, la nature du travail, les caractéristiques de la population occupée ne contribuent pas à pro38. M. Pétin, «Quelques observations sur les lectures des élèves d'un centre d'apprentissage féminin», B.I.N.O.P., 1955, n° 1, p. 59-73.
Cohésion de la classe ouvrière
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mouvoir de telles attitudes d'autant plus qu'elles se heurteraient, si elles se manifestaient, à des contraintes plus directes que dans d'autres secteurs. Ces constatations s'imposent après une recherche qui se situe dans un seul type de société globale. Il est à peine besoin de souligner l'intérêt que présenterait une confrontation, sur ce sujet précis, avec d'autres types de sociétés, et notamment avec une société socialiste parvenue à un niveau comparable d'industrialisation. On possède certes à ce sujet des statistiques d'emploi ou de formation professionnelle qui indiquent que des transformations sont en cours. 38 Mais pour que cette comparaison puisse être établie sur des bases scientifiques, il faudrait avoir mené des recherches concrètes, rigoureusement parallèles à celles que nous avons réalisées dans l'industrie française. Elles auraient l'intérêt de déterminer les points sur lesquels le travail industriel des femmes pose des problèmes communs, 40 de préciser ceux sur lesquels on peut observer des processus différents d'évolution, de rechercher dans quelle mesure et comment ces différences peuvent être attribuées à des différences dans la structure de la société globale. Une telle étude reste à entreprendre. L'EXISTENCE D'UN GROUPE PARTICULIER D E S F E M M E S S U R LE PLAN P R O F E S S I O N N E L A-T-ELLE N É C E S S A I R E M E N T D E S R É P E R C U S S I O N S S U R LA C O H É S I O N D E LA CLASSE O U V R I È R E ?
Tout ce qui a été dit précédemment sur le clivage entre rôles professionnels masculins et féminins dans l'industrie et sur les éléments qui concourent à maintenir ce clivage amène à soulever un autre problème. Plus que dans les autres secteurs de l'emploi, la différenciation des fonctions, l'existence de modèles propres aux rôles professionnels féminins, d'attitudes spécifiques de la main-d'oeuvre féminine, voire même d'éléments de contrainte, entretiennent dans les professions industrielles des conditions favorables à l'existence d'un groupe des ouvrières distinct de celui des hommes. Les uns et les autres ont cependant en commun leur situation de salariés; ils dépendent des mêmes employeurs et ont, de ce fait, des intérêts convergents. Dans quelle mesure les éléments qui peuvent susciter chez les femmes des réactions de groupe tendentils à masquer l'existence de ces intérêts communs? Dans quelle mesure y a-t-il conflit entre l'appartenance à un groupement distinct dans le domaine des attributions professionnelles et le sentiment d'appartenance à un groupement plus large, la classe ouvrière? Il s'agit là d'une prise de conscience qu'il est 39. Office central de statistiques près le Conseil des ministres de l'U.R.S.S., La femme en U.R.S.S., éd. en langue étrangère, Moscou, 1960; A. Pierre, Les femmes en Union soviétique, Paris, Spes 1960. 40. Sur les problèmes soulevés par le travail des femmes, signalons le très intéressant article de V. Bilchaï, «Amour, famille et travail féminin», Oktiabr, 1960, 3, p. 147-58, trad. du russe dans Recherches internationales, n° 18, p. 182-202.
2 l8
Conclusions
difficile d'évaluer autrement qu'en évoquant la participation des femmes aux luttes et aux organisations ouvrières et spécialement aux organisations syndicales. L'importance de cette question ne saurait échapper si l'on songe que les femmes représentent actuellement près du quart de la population industrielle proprement dite. Elle est apparue aussi au cours de l'étude historique dans laquelle on s'est efforcé de retracer parallèlement l'histoire du travail industriel des femmes et celle de leur participation aux luttes et aux organisations ouvrières. U n bref rappel de quelques faits déjà exposés, la comparaison avec une période de crise dans les relations entre travailleurs masculins et féminins permettra de mieux analyser la situation actuelle dans ce domaine et d'aboutir à une vue plus théorique de cette situation. C'est vers la fin du 19 e siècle que les rapports entre main-d'oeuvre masculine et féminine travaillant dans l'industrie traversent une phase de conflit aigu. 41 Le développement de la grande industrie a créé les conditions favorables à un emploi massif de femmes dont les salaires très bas pèsent sur le niveau général des rémunérations ouvrières. La présence des femmes dans les ateliers est alors, pour les travailleurs masculins, un sujet d'inquiétude et celle-ci devient souvent hostilité lorsque se précise la menace que cette présence fait peser sur la sécurité de l'emploi ou le niveau des salaires. Au moment même où la classe ouvrière commence à prendre conscience de son existence et à s'organiser pour défendre ses conditions de travail, l'utilisation qui est faite de la main-d'oeuvre féminine est une cause de trouble profond. Il serait faux de dire que le mouvement ouvrier a méconnu la communauté de situation des travailleurs masculins et féminins. Celle-ci est affirmée à maintes reprises. Mais souvent aussi s'expriment - et jusque dans les congrès syndicaux - l'hostilité à la présence de la maind'oeuvre féminine et le malaise causé par son acceptation des bas salaires. Dans certaines branches, l'entrée dans les syndicats ouvriers est pratiquement fermée aux femmes, ailleurs on les admet mais dans des sections séparées; même lorsqu'on affirme que leur place est aux côtés des hommes dans les mêmes syndicats, on ne fait guère d'efforts pour les y attirer et leur confier des responsabilités. Il faut certes replacer ces faits dans le contexte de l'époque où la participation des femmes à la v ; e publique avait encore un caractère insolite. Il n'en reste pas moins que la mise en concurrence des ouvriers et des ouvrières dans les ateliers a eu pour conséquence un ensemble de conduites de discrimination vis-à-vis des femmes sur le plan syndical. Celles-ci, suivant les secteurs ou suivant les circonstances, manifestent des attitudes diverses et souvent contradictoires. Elles participent parfois d'une manière très active aux actions et aux grèves mais dans l'ensemble le syndicalisme ouvrier, alors en pleine expansion, ne touche qu'un nombre très réduit de femmes. 41. Voir 1ère partie, p . 45 et suivantes.
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On observe, au cours de cette période, quelques tendances des femmes à constituer des organisations distinctes. Le mouvement féministe, après quelques tentatives, échoue cependant dans son projet de faire vivre des syndicats séparés de femmes parfois violemment opposés aux syndicats ouvriers. Le syndicalisme chrétien ne groupe qu'un petit nombre d'ouvrières dans les syndicats féminins qu'il cherche à constituer dès 1902. Quant aux syndicats mixtes, réunissant employeurs et salariés, que le patronat essaie souvent de constituer parmi les femmes qu'il désire soustraire à l'influence éventuelle des syndicats ouvriers, leur existence est de courte durée. On retrouvera comme un trait permanent cette difficulté du groupe des femmes à passer de l'exercice d'une profession au groupement professionnel quelle que soit sa nature. Dans cette circonstance précise c'est sous l'effet d'interventions extérieures plutôt que par une sorte de dynamisme interne du groupe que des organisations séparées ont été constituées. On n'observera plus par la suite de tendance du groupe des femmes ouvrières à s'organiser séparément sur le plan professionnel. Le fait reste caractéristique de cette période de crise. Comment peut-on, par rapport à cette période, caractériser la situation actuelle et d'abord l'état de concurrence entre main-d'oeuvre masculine et féminine a-t-il complètement disparu? Cette mise en concurrence est certes moins nette actuellement qu'à la fin du siècle dernier et la présence des femmes dans les ateliers ne constitue plus que rarement une menace directe pour la main-d'oeuvre masculine. Le clivage des fonctions s'est accentué avec la rationalisation qui a multiplié les postes simples et légers; elle a eu pour conséquence de rendre la concurrence moins directe. Elle permet toutefois de maintenir, malgré l'intervention d'une législation, des différences de salaires assez importantes encore pour constituer un élément de pression sur les rémunérations masculines. 42 Les rendements féminins élevés sur certains travaux peuvent intervenir aussi comme occasions de conflits avec la main-d'oeuvre masculine effectuant des travaux comparables. Les attitudes des femmes au travail risquent d'être une source de tensions si leur lien avec des situations particulières à la main-d'oeuvre féminine n'est pas perçu. L'isolement des femmes dans les ateliers peut renforcer ces incompréhensions. Des changements importants dont on a noté au passage les étapes essentielles 43 ont pourtant marqué, dans les dernières années, un renforcement des liens des ouvrières avec les autres travailleurs : participation accrue des femmes aux actions ouvrières, montée des effectifs féminins dans les organisations syndicales et surtout accès des femmes à des postes de responsabilités d'un niveau élevé dans ces organisations. Cette évolution doit être attribuée avant tout à une modification profonde de la politique syndicale. D'une manière générale 42. Voir p. 141 et suivantes. 43. Voir p. 69 et suivantes.
220
Conclusions
le passage progressif au syndicalisme de masse, la conscience de la nécessité de défendre et d'intégrer dans l'action, pour que celle-ci soit efficace, toutes les catégories de travailleurs, même les plus défavorisées et les moins conscientes, ont contribué dans une large mesure à modifier les rapports entre les femmes et l'organisation syndicale. Il est évident aussi que l'on se trouve non seulement devant un changement des conceptions et des méthodes du syndicalisme mais devant une évolution psychologique qui a pour cadre la société tout entière. Les dates décisives dans l'histoire des rapports entre les femmes et les syndicats ouvriers: 1914-18, 1936, 1945, correspondent en effet à des périodes au cours desquelles les femmes ont joué un rôle nouveau et reconnu important dans les luttes nationales, politiques et sociales. Notre propos n'est pas de rechercher ici les raisons d'une telle évolution. Nous nous bornerons à constater que l'on peut actuellement voir des femmes accéder aux côtés des hommes à des responsabilités importantes dans les syndicats ouvriers. La période actuelle dans l'industrie en ce qui concerne les femmes est donc caractérisée à la fois par l'absence de changements profonds sur le plan des attributions professionnelles et par l'existence de situations nouvelles sur le plan des groupements professionnels. Ce décalage confirme, remarquons-le en passant, ce que nous avons dit sur l'importance des éléments de contrainte intervenant dans l'industrie pour cantonner les femmes dans des fonctions professionnelles déterminées. Une étude plus poussée ne manquerait pas sans doute de faire ressortir que, dans bien des cas, c'est le sentiment d'être freinées sur le plan de la promotion professionnelle qui, jouant comme un stimulant, amène certaines ouvrières, individuellement ou collectivement, à adopter sur le plan syndical des conduites novatrices. La comparaison entre deux périodes de l'histoire du travail industriel des femmes nous permet donc d'avancer l'idée que les oppositions ou les conflits liés au clivage des rôles professionnels masculins et féminins ne constituent pas nécessairement un obstacle à la prise de conscience de l'appartenance à un groupe plus vaste qui englobe la totalité des travailleurs. Elle explique même comment cette prise de conscience peut être éventuellement plus avancée dans la classe ouvrière que dans des secteurs où le clivage entre travaux masculins et féminins est moins marqué mais où, de ce fait, les organisations professionnelles et les femmes elles-mêmes ont acquis une conscience moins vive de l'importance de la participation des femmes à la défense des intérêts communs. Il n'en reste pas moins que des difficultés subsistent. Notre analyse en ce qui concerne la période actuelle ne serait pas complète si elles n'étaient pas soulignées. Ces difficultés se rattachent d'abord au problème général de la participation des femmes dans les organisations professionnelles. Dans tous les secteurs de l'emploi, elle est encore inférieure à celle des hommes. Les causes en sont en premier lieu d'ordre matériel. Le cumul des occupations d'ordre professionnel
Cohésion de la classe
ouvrière
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et d'ordre familial est si absorbant qu'il rend les femmes plus difficilement disponibles que les hommes pour des préoccupations d'un autre ordre. Nous avons eu l'occasion de souligner dans des travaux antérieurs que les obstacles sont aussi d'ordre psychologique. L'exercice d'une profession par une femme suscite souvent encore le sentiment d'un conflit entre son rôle familial traditionnel et le rôle qu'elle assume en dehors de la famille, d'où le caractère marginal que revêt aux yeux de certaines femmes leur activité professionnelle.44 Ce sentiment existe aussi dans le milieu familial où il provoque parfois des résistances au travail des femmes. S'il en est ainsi pour l'exercice d'une profession souvent indispensable à la subsistance de la famille, la participation à une organisation professionnelle soulève des difficultés plus grandes encore puisqu'il s'agit d'une adhésion volontaire donc d'un engagement plus profond dans le milieu de travail. A ces difficultés liées au cumul et au conflit des rôles féminins viennent s'ajouter celles que suscitent les formes actuelles du clivage entre rôles professionnels masculins et féminins. Le mouvement syndical dans la période actuelle semble avoir pris nettement conscience, devant ces difficultés, de l'existence d'une double nécessité: ne pas méconnaître les difficultés particulières aux femmes ; se garder en même temps de perpétuer sur le plan syndical le clivage existant dans les emplois. Ce double problème se pose non seulement à l'occasion de l'élaboration des revendications mais aussi à propos de l'organisation, de la propagande: dans quelle mesure le mouvement syndical doit-il tenir compte de l'existence, sur le plan professionnel, d'un groupe des femmes avec ses problèmes particuliers, dans quelle mesure faut-il éviter de cristalliser l'existence de ce groupe? L'organisation doit-elle dans sa propagande s'adresser de la même façon aux hommes et aux femmes ou bien doit-elle envisager pour ces dernières, outre les moyens communs, des moyens spéciaux et notamment une presse spéciale tenant compte de leurs problèmes spécifiques? 45 L'histoire des organisations professionnelles au cours des dernières années traduit constamment le double souci de mettre en avant, comme une idée essentielle, la communauté d'intérêt des hommes et des femmes et de ne pas méconnaître pour autant la situation particulière des femmes et les problèmes qu'elle pose. 46 44. M.Guilbert, «Quelques aspects actuels des problèmes du travail féminin», Journal de psychologie normale et pathologique, janvier-mars 1957. 45. Telle semble bien être l'orientation de la C.G.T. : «Pour faire prévaloir nos idées de progrès, il faut tenir compte des habitudes de lecture des travailleuses afin que toute notre presse féminine prenne sa place dans la bataille des idées plus que jamais indispensable» (Résolution du 34 e congrès sur l'importance du rôle et de l'organisation syndicale des travailleuses, Le Peuple, n° 67980, I e -15 juin 1963). 46. «Aucun des problèmes que nous allons examiner au cours de cette conférence, qu'il s'agisse des revendications des travailleuses, qu'il s'agisse des actions à mener pour les faire aboutir, pour aider les travailleuses à conquérir de nouveaux droits sociaux, de nouvelles garanties, qu'il s'agisse de l'organisation des femmes dans les syndicats, aucun de ces problèmes, aucune des
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Conclusions
Ces problèmes revêtent précisément une acuité plus grande dans les professions industrielles. Le poids de la double journée de travail ne peut manquer d'y être plus ressenti, puisqu'à la fatigue physique plus grande occasionnée par le travail professionnel viennent s'ajouter des tâches ménagères accomplies dans de plus mauvaises conditions et sans aide. Le manque de formation et l'absence de perspectives de promotion ne sont pas de nature à favoriser un engagement dans les préoccupations liées à l'exercice d'une profession. Le clivage entre tâches masculines et féminines, particulièrement sensible dans les métiers de l'industrie, et finalement la tendance beaucoup plus marquée des ouvrières à constituer, sur le plan professionnel, un groupe particulier risquent de rendre plus ardus pour l'organisation syndicale les problèmes de revendications, d'organisation, de propagande. Le milieu de travail, en raison même de la permanence d'une situation de concurrence, pourrait être moins favorable à la promotion des femmes sur le plan syndical. D'autre part, les employeurs de l'industrie disposent de moyens plus puissants et plus efficaces pour éloigner des organisations la population féminine. Il faut bien constater cependant que ces obstacles n'ont pas une influence déterminante puisqu'on a noté dans les professions industrielles des tendances évolutives nettement affirmées dans le domaine syndical. Une étude de la situation syndicale actuelle dans les différents secteurs de l'emploi conduirait sans doute à la conclusion déjà formulée en comparant deux moments de l'évolution dans les professions industrielles: la séparation des rôles masculins et féminins constitue certes un obstacle à la prise de conscience de l'appartenance commune à la classe ouvrière; elle ne constitue pas cependant un obstacle insurmontable. Plus que les éléments de division que recèle l'existence de fait d'un groupe particulier des femmes sur le plan professionnel, c'est en définitive la force avec laquelle s'exprime et se manifeste la volonté de cohésion du groupe plus large constitué par l'ensemble des travailleurs et par ses organisations qui est déterminante. PERSPECTIVES: LES INCIDENCES POSSIBLES DE L ' A U T O M A T I O N S U R LE CLIVAGE DES RÔLES MASCULINS E T FÉMININS DANS L ' I N D U S T R I E
Lorsque, au cours des chapitres précédents, on a situé dans son contexte historique la question du clivage entre rôles professionnels industriels masculins et féminins, la situation actuelle de la main-d'oeuvre féminine a été envisagée par rapport au passé. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que notre étude de la condition actuelle des femmes dans l'industrie se situe à un moment où les tâches qu'ils comportent pour nos organisations, ne peut être envisagé en dehors du grand mouvement d'unité qui ouvre pour les travailleuses comme pour l'ensemble de la classe ouvrière des perspectives différentes et plus favorables» (Mme Madeleine Colin, Rapport d'ouverture de la conférence des femmes travailleuses, 22 mars 1963, document ronéoté).
Evolution du clivage et changement technique
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techniques industrielles offrent des perspectives de transformations de nature à apporter des changements importants dans le travail humain. Aussi convient-il d'aborder, avant de terminer, le problème des incidences de ces transformations sur le travail industriel des femmes et d'abord celui des perspectives actuellement discernables. Une première remarque rejoint les informations tirées de l'enquête sur l'automation menée en 1958-59 sous la direction de Pierre Naville. 47 Nous n'avons trouvé qu'un pourcentage relativement faible (32 %) d'entreprises possédant une ou plusieurs machines automatiques ou semi-automatiques et il est difficile, dans la plupart des cas, de parler d'automation à propos de ces machines. 48 Elles ne représentent le plus souvent qu'une faible partie de l'outillage de l'entreprise qui reste fréquemment, dans son ensemble, assez archaïque. On peut toutefois, à partir d'une série d'exemples si limitée soit-elle, tenter de dégager quelques remarques concernant les incidences du développement actuel de l'automation sur l'emploi féminin. Si l'on se reporte au chapitre concernant l'emploi des hommes et des femmes sur les différents postes de travail et aux documents placés en annexe, on peut distinguer deux séries de cas : 1. Dans quelques exemples très typiques, celui de la chaîne de peinture, par polarisation, d'accessoires électriques pour automobiles, 4 " celui du laquage des tubes souples,50 celui de la machine à souder les flans de boîtes, 51 ou de la machine à meuler les ressorts,52 on continue à employer les femmes sur des ensembles ou sur des machines automatiques installés pour effectuer des travaux traditionnellement accomplis par des femmes. Il est aisé de remarquer que dans tous les cas que nous venons de citer il s'agit de combler, par des opérations manuelles, des failles dans le processus automatisé: accrochage et décrochage des objets à l'entrée et à la sortie de la chambre de peinture; passage des tubes souples de la chaîne de peinture à la chaîne de laquage; approvisionnement de la machine à souder ; alimentation pièce par pièce de la machine à meuler les ressorts. Ce sont dans tous les cas des travaux dans 47. P. Naville, L'automation et le travail humain, Paris, C.N.R.S. 1961 ; P. Naville, Vers l'automatisme social? Paris, Gallimard 1963. 48. La proportion d'après cette enquête est de 45 % dans les industries des métaux. La différence s'explique facilement puisque l'échantillonnage n'a pas été fait sur les mêmes bases. Notre échantillon, représentatif de l'emploi féminin, comprend forcément un plus grand nombre d'entreprises employant des femmes. O n verra plus loin que l'emploi d'une main-d'oeuvre féminine joue parfois comme un frein à l'acquisition d'un outillage perfectionné. D e plus l'enquête de P. Naville portait sur des entreprises comptant plus de 50 salariés tandis que notre étude s'étendait aux entreprises occupant plus de 20 salariés ce qui explique un taux plus faible de modernisation de l'outillage. 49. 50. 51. 52.
Voir Voir Voir Voir
p. p. p. p.
108 et Annexe iv, p. 331 (O 4 ). 108, 329 (L 8 ) et 373. 309 (L 4 ) et 370. 352 ( K l ) et 371.
224
Conclusions
lesquels le rôle de l'exécutant est selon l'expression de G. Friedmann celui de «bouche-trou de l'automatisation» et dont les exigences dominantes sont la rapidité et la précision gestuelle. Dans ces travaux, l'utilisation de la maind'oeuvre féminine est bien dans la ligne traditionnelle. Remarquons toutefois que ces postes se rangent précisément parmi ceux pour lesquels on a noté un cycle de travail particulièrement court 5 3 et des gestes strictement identiques d'un cycle à un autre. L'introduction de la machine automatique semble, dans ces quelques cas, avoir accentué le caractère parcellaire des tâches industrielles féminines. Il a aussi pour conséquence une diminution du nombre des femmes utilisées sur ces travaux. 64 2. On rangera dans une autre catégorie un certain nombre d'autres exemples: celui de l'installation de machines semi-automatiques et automatiques pour la rectification des bagues de roulement, 56 celui de l'acquisition de presses automatiques observé dans plusieurs entreprises, 66 l'extension, en fonderie, de l'usage des machines à souffler les noyaux. 67 Dans ces trois types de cas, contrairement aux précédents, on observe une tendance à l'élimination de la main-d'oeuvre féminine et à son remplacement par une main-d'oeuvre masculine. Les raisons données par les employeurs sont diverses : nécessité d'une qualification, responsabilités à assumer dans le cas des presses automatiques; emploi de la main-d'oeuvre féminine peu avantageux sur des machines où, l'alimentation ne se fait pas manuellement: la rapidité des femmes n'intervient plus pour diminuer les temps morts dans le cas de la rectification des bagues. Pour les machines à souffler les noyaux on a noté la tendance à remplacer les femmes par des hommes pour le soufflage mais à les conserver pour le démoulage, opération manuelle délicate. Dans toutes les entreprises où ces processus ont été observés il n'y avait pas eu d'ailleurs de renvois d'ouvrières. On cessait simplement d'embaucher des femmes sur les postes de travail ainsi transformés. Bien plus, dans la plupart des cas, on signalait même une légère progression, très facilement explicable, de l'effectif féminin global. Les entreprises effectuant des achats d'outillage sont en général des entreprises dont la production augmente et tous les secteurs de l'entreprise enregistrent de ce fait des augmentations d'effectifs, y compris les secteurs à prédominance féminine. Ce gonflement des effectifs féminins portait en général sur le montage et il compensait largement les délestages intervenus dans les autres secteurs. 53. U n e seconde pour la machine à souder (voir p. 370) deux secondes pour la machine à meuler les ressorts (voir p. 371) quatre secondes pour trois tubes, pour l'alimentation de la chaîne de laquage (voir p. 373). 54. Le nombre des ouvrières à la peinture est passé de douze à six à la suite de l'installation de la chambre de peinture avec polarisation (voir Annexe îv, p. 331 (O 4 ) ). 55. Voir p. 95. 56. Voir p. 100 et suivantes. 57. Voir p. 113.
Evolution du clivage et changement technique
225
Les exemples que l'on vient de citer confirment bien la difficulté souvent signalée d'apprécier, dans la période actuelle, les incidences de l'automation sur le plan des effectifs puisque ces incidences sont en fait obscurcies par des phénomènes secondaires. Il n'en reste pas moins que, sur le plan de l'évolution qualitative de l'emploi, quelques tendances se font jour qui aboutiraient, si elles se maintenaient, à accentuer davantage encore le clivage entre tâches masculines et féminines. Il nous faut examiner de plus près cette éventualité. Il est certain d'abord que les secteurs employant un fort pourcentage de main-d'oeuvre féminine sont automatisés plus lentement encore que les autres, soit pour des raisons techniques, soit pour des raisons tenant simplement au coût moins élevé de la main-d'oeuvre. C'est le cas du montage par exemple dont le niveau d'automatisation est actuellement parmi les plus bas. 58 On peut donc s'attendre à observer pendant longtemps encore le maintien d'un nombre important de travaux féminins à forte prédominance manuelle et à forte exigence de rapidité. On vient de constater d'autre part une tendance à confier à des femmes, lorsqu'ils exigent une grande rapidité et ne demandent pas une dépense physique importante, les travaux destinés à combler les «trous» de l'automatisation. Parallèlement enfin on voit se dessiner une tendance à éliminer les femmes, lorsque leur présence ne permet pas d'escompter une accélération de la production, des postes de conduite ou de surveillance de machines ou d'appareils que les changements techniques ne peuvent manquer de multiplier. Cette évolution, si elle se poursuit, doit donc tendre, du moins dans un premier stade dont il est impossible d'évaluer la durée, à cantonner plus étroitement les femmes dans le genre de travaux traditionnellement considérés comme féminins, tandis que les travaux masculins subiront davantage l'influence du changement des techniques de production. Elle risque d'être renforcée par le fait que les horaires imposés par l'usage d'un outillage coûteux sont souvent incompatibles avec l'emploi d'une main-d'oeuvre féminine à qui le travail de nuit est interdit. 69 De telles conclusions peuvent paraître paradoxales si l'on songe que l'une des conséquences essentielles du progrès technique est d'enlever au travail industriel son caractère de travail physiquement pénible en diminuant la part de l'intervention humaine dans le processus de fabrication. On pourrait donc estimer que celui-ci devrait être alors plus accessible aux femmes. Il faut prévoir 58. C'est ce que confirme un tableau donné par P. Naville ( Vers l'automatisme social, Paris, 1963, p. 151). 59. La tendance signalée plus haut à développer quelque peu la formation professionnelle des jeunes filles dans les métiers de l'électronique ne semble pas de nature à changer fondamentalement ce processus.
226
Conclusions
que, dans certains secteurs, la présence d'une main-d'oeuvre féminine pourrait avoir au contraire pour effet de retarder le développement du progrès technique. Il convient à ce propos d'insister de nouveau 60 sur l'intérêt qu'il y aurait à comparer nos observations avec celles qui pourraient être formulées au cours de recherches parallèles menées dans d'autres types de sociétés globales parvenues à un degré comparable d'industrialisation. Ces réflexions sur les perspectives actuellement discernables, dans les entreprises où nous avons mené notre étude, de l'évolution du clivage entre travaux masculins et féminins sont-elles de nature à apporter des indications sur les perspectives d'évolution à long terme de l'emploi industriel féminin? Remarquons d'abord que, observant la montée constante des femmes, depuis le dernier quart du 19 e siècle dans les emplois du bureau et du commerce, certains auteurs y ont vu l'amorce d'un amenuisement des effectifs féminins dans l'industrie. 81 De telles perspectives pourraient logiquement amener à penser que la situation des femmes dans le secteur industriel ne constitue plus qu'un problème secondaire. C'est à notre avis oublier peut-être un peu vite que, malgré la stagnation observée dans le textile, le nombre et la proportion des femmes travaillant dans les industries de transformation autres que le travail des étoffes a connu dans le même temps une progression. Cette progression est certes infiniment plus modeste que celle enregistrée dans le secteur tertiaire; d'où une répartition différente de la population féminine active. Il n'en reste pas moins que la montée des femmes dans certaines branches «jeunes» de l'industrie en voie d'expansion a été importante et qu'elle s'est accélérée dans les cinquante dernières années. Il n'est pas question pour autant de formuler un pronostic opposé à celui que nous venons de citer et de parler sans nuance de perspectives à long terme d'une progression de l'emploi des femmes, même dans les branches où leur nombre et leur pourcentage sont en augmentation depuis de nombreuses années. Une telle affirmation ne tiendrait aucun compte des incertitudes que fait peser sur l'évolution professionnelle dans son ensemble la possibilité d'une transformation des techniques de travail. Pour en donner un exemple, il n'est pas interdit d'imaginer, dans un avenir sans doute lointain, et malgré les obstacles que nous avons évoqués, une industrie d'où seraient éliminés les emplois actuellement considérés comme féminins. Doit-on penser que l'industrie offrirait alors aux femmes d'autres 60. N o u s avons déjà soulevé cette question, p. 217. 61. T e l semble bien être l'avis de J . Fourastié lorsqu'il écrit: «Les travailleuses sont de plus en plus nombreuses dans les services et de moins en moins nombreuses dans l'industrie ; cette évolution correspond bien à la vocation de la femme et à sa constitution physique» (J. Fourastié, Migrations professionnelles, Paris, P.U.F. 1957. Travaux et documents de P I . N . E . D . , cahier n° 31, p. 155).
Evolution du clivage et changement technique
227
débouchés? Doit-on en conclure au contraire que le travail industriel des femmes tendrait alors à disparaître? Accepter d'envisager comme la plus probable l'une ou l'autre des deux hypothèses reviendrait à oublier d'abord que des changements aussi radicaux des techniques ne se produiraient pas dans le seul secteur industriel. De nombreux auteurs ont déjà montré que les travaux de bureau sont plus rapidement susceptibles d'une automatisation très poussée que la plupart des travaux d'atelier. De telles transformations changeraient à tel point, dans les deux secteurs, la nature du travail que beaucoup d'emplois d'atelier ne seraient guère différents de certains emplois de bureau. 62 La distinction entre les deux catégories d'emplois, ceux du secondaire et ceux du tertiaire, n'aurait alors plus guère de sens. On peut donc penser que le problème du travail des femmes ne se poserait plus à l'échelon d'un secteur donné mais d'un ensemble de secteurs pour lesquels on peut dans la période actuelle distinguer des tendances évolutives spécifiques mais qui soulèveraient alors des problèmes communs. La question du clivage entre travaux masculins et féminins pourrait être l'un des plus importants parmi ces problèmes. On peut s'attendre aussi à ce que les incidences de l'automation sur les temps de travail revêtent, dans le cas du travail féminin, des aspects particuliers. Les conséquences sont, là encore, difficilement prévisibles. On peut envisager, dans une certaine phase de l'automation, un développement du chômage. Est-ce à dire qu'on assisterait pour autant à une réduction de l'emploi féminin? Des expériences anciennes, que nous avons citées montrent que le chômage consécutif à un développement de la mécanisation n'a pas toujours conduit à éliminer les femmes de la production, surtout lorsqu'il est possible de les payer moins que les hommes. Quant aux réductions d'horaires qui peuvent aussi être envisagées comme l'un des résultats possibles de l'automation elles pourraient avoir pour conséquence de changer bien des données du problème de l'emploi féminin. Elles pourraient, si elles se produisaient, faciliter l'accès des femmes à la vie professionnelle d'autant plus que les techniques nouvelles pénétrant les activités ménagères les libéreraient en même temps d'une partie des travaux du foyer. Il faut bien voir cependant que la spéculation à partir de telles hypothèses risque, dans le cas du travail féminin, d'être purement gratuite. Elle revient à admettre que des transformations aussi radicales dans le domaine des techniques se produiraient dans une société pour laquelle toutes les valeurs demeureraient immuables, en particulier celles qui jouent pour déterminer la participation ou la non participation des femmes à la vie professionnelle, pour orienter les choix professionnels, pour déterminer le clivage entre travaux masculins et 62. Pierre Naville a montré que, même dans la période actuelle, le principe du classement en trois secteurs peut être mis en cause : P. Naville, «La théorie des trois secteurs et l'évolution sociale», Cahiers d'étude des sociétés industrielles et de l'automation, n° 5, 1963, p. 137-69.
228
Conclusions
féminins. E n abordant cet aspect du problème qui touche à l'évolution de la société considérée dans son ensemble et non plus à la seule évolution des techniques, on est davantage encore dans le domaine de la conjecture. Si intéressantes qu'elles puissent être, ces anticipations, avec leurs inconnues, ne doivent pas à notre avis faire perdre de vue la situation actuelle. C'est volontairement vers les problèmes actuels de l'emploi féminin dans l'industrie q u ' a été orientée notre recherche et c'est à propos de ces problèmes que nous voulons conclure. Nous avons constaté que, travaillant depuis longtemps et en nombre important dans les ateliers, les femmes y sont cantonnées dans des emplois bien déterminés occupant un rang inférieur dans la hiérarchie professionnelle et dont les caractères communs se sont précisés au cours des cinquante dernières années. A u terme de cette étude qui nous a amenée à dégager les caractéristiques de ces emplois, à situer le clivage qui les sépare des emplois masculins, à rechercher à différents niveaux les explications de ce clivage nous pensons que la nature des travaux industriels favorise, plus que dans les autres secteurs, le maintien d'une telle différenciation. Nous n'avons à aucun moment affirmé que, dans l'état actuel du travail industriel, les femmes peuvent ou doivent accéder à tous les emplois. Nous estimons toutefois qu'il n'est pas démontré que les fonctions actuellement dévolues aux femmes dans l'industrie correspondent, comme on le pense souvent, à leurs seules capacités. Elles sont écartées d'un certain nombre d'emplois qu'elles sembleraient pouvoir exercer, emplois plus qualifiés, mieux rémunérés et souvent moins épuisants que ceux qu'elles exercent. Nous avons constaté que cet état de fait est lié à des aspects à la fois divers et étroitement dépendants entre eux de la réalité sociale dans laquelle se situe notre étude: influence de modèles traditionnels, attitudes liées à des situations spécifiques qui reflètent la place de la femme dans la société, éléments de contrainte qui trouvent un appui dans la structure de cette société. C'est dans la mesure où la situation professionnelle des femmes travaillant dans l'industrie nous est apparue comme plus figée que celle des femmes travaillant dans d'autres secteurs de l'emploi, dans la mesure aussi où nous pouvions montrer que cette situation dépend en grande partie de facteurs d'ordre sociologique qu'elle nous a semblé devoir mériter plus d'attention q u ' o n ne lui en accorde généralement.
Annexes
231
I. Statistiques
TABLEAU I
Evolution entre 1866 et 1962 du nombre de femmes actives en France hors de l'agriculture, et du nombre de femmes actives dans quelques groupes d'activités collectives. A. Nombre total de femmes actives (agriculture non comprise) 1866 (90 départ.) 2.774.800
1906 (87 départ.) 4.369.000
1954 (90 départ.) 4.714.080
1962 1 5.221.660
B. Nombre de femmes actives dans quelques branches d'activités collectives 1866
1906
1954
1962 1
Industries de transformation (sauf travail des étoffes)
675.700
874.300
1.244.352
1.341.240
594.000
1.380.000
381.725
308.100
238.000
771.000
1.184.455
1.312.800
1.047.000
773.000
551.708
477.860
32.000
99.000
556.855
775.260
Travail des étoffes Commerce et banques Services domestiques Services publics
1. Les chiffres pour 1962 sont tirés des premiers résultats du sondage au 1 /20e sur le recensement (Bulletin hebdomadaire de statistiques, n° 781, juin 1963). Ces chiffres sont susceptibles d'être rectifiés. Ils confirment toutefois les tendances générales observées en comparant entre eux les recensements précédents.
232
Statistiques TABLEAU II
Evolution entre 1906 et 1962 de la participation des femmes dans quelques catégories d'activités collectives industrielles
Catégories
% de femmes en 1906
% de femmes en 1954
% de femmes en 1962 1
16,2
18,9
En hausse relative :
Métallurgie, travail des métaux
4,2
Verre, céramique, matériaux de construction
10
17,7
17,3
Chimie, caoutchouc
29,3
30,5
29,8
Industries alimentaires
18
30,9
31,5
Cuirs et peaux
15,3
37,6
43,8
9,7
13,5
16
20,7
31,8
32,7
Textiles et assimilés
56,1
55,8
54,5
Habillement et assimilés
89,3
83,2
80,4
Papier-carton
44,1
38,4
37,4
Bois et ameublement Industries polygraphiques En baisse relative:
1. Gomme pour le tableau I, les chiffres pour 1962 sont tirés des premiers résultats du sondage a u l/20 e sur le recensement et sont susceptibles d'être rectifiés.
Statistiques
233
TABLEAU III
Relevé par groupes professionnels
de l'évolution de l'emploi du personnel féminin au cours de la guerre 1914-181 Evolution du personnel féminin (Indice 100 avant 1914)
Groupes professionnels
Août 1914
Juillet 1915
Juillet 1916
Juillet 1917
46 48
67 87
80 124
97 151
60 141
39 48
77 61
92 68
98 72
98 73
39 32 41 30
76 65 75 69
90 81 89 108
94 83 105 140
92 91 101 156
42 21
225 56
590 71
733 75
677 85
31
57
69
74
79
56
201
241
264
301
Juillet 1918
Industries alimentaires Industries chimiques Caoutchouc, papiercarton Industries du livre Industries textiles proprement dites Travail des étoffes Cuirs et peaux Bois Métallurgie. Travail des métaux ordinaires Travail des métaux fins Taille des pierres précieuses Taille des pierres et moulage - terrassement - construction en pierres - bâtiment Travail des pierres et des terres au feu Manutention transports Commerces divers
21
50
69
76
79
86 59
112 74
392 93
468 101
461 105
Total
39
77
107
119
117
1. Bulletin du ministire du Travail, année 1918, p. 472.
Statistiques
234
TABLEAU I V Répartition
en 1954 des hommes et des femmes dans les professions catégorie socio-professionnelle
combinée avec le
industrielles
suivant la
statut1
(industries extractives, bâtiment et travaux publics, industries de transformation) HOMMES
FEMMES
Nombre
%
Nombre
Indépendants sans salariés 397540 Employeurs 281800 Aides familiaux 46480 Apprentis 143280
7,9 5,6 0,9 2,8
88380 31 100 84240 38000
5,4 1,9 5,1 2,3
109340 248440 181500 3140500
2,2 4,9 3,6 62,1
5200 47900 260640 976540
0,3 2,9 15,8 59,1
43480
0,8
21420
1,3
9220
0,2
66840
4
271120
5,4
6840
3,6
24820 240
—
1651800
100
Salariés des
%
établissements
du secteur privé :
Cadres supérieurs Cadres moyens Employés Ouvriers Autres catégories socio-professionnelles Autres salariés :
Salariés à domicile Salariés des services publics Salariés de l'Etat et des collectivités locales Statut sans objet Total
181180 40 5053920
—
100
0,4 1,5
1. Source: Recensement général de la population de mai 1954; résultats du sondage au 1120e, Population active, 1ère partie, Structure professionnelle, Paris, Imprimerie nationale et P.U.F., p. 127-29.
Statistiques
235
TABLEAU V
Répartition en 1954 de 1000 ouvriers et de 1000 ouvrières du secteur privé de l'industrie entre les grandes catégories d'activités collectives (ordre décroissant pour chaque sexe) 1 Femmes
Hommes Industries mécaniques et électriques Bâtiment et travaux publics Industries textiles Industries alimentaires Habillement et travail des étoffes Industries chimiques Bois et ameublement Verre, céramique, matériaux de construction Cuirs et peaux Réparations mécaniques et électriques Industries polygraphiques Industries extractives autres que combustibles minéraux solides Papier et carton Autres industries Pétrole et carburants Industries mal désignées Combustibles minéraux solides Total
281 208 118 70 58 48 37 35 33 23 22
21
20 17 4 3
1000
Industries textiles Habillement et travail des étoffes Industries mécaniques et électriques Industries alimentaires Cuirs et peaux Industries chimiques Autres industries Papier et carton Industries polygraphiques Verre, céramique, matériaux de construction Bois et ameublement Bâtiment et travaux publics Industries mal désignées Pétrole et carburants Réparations mécaniques et électriques Industries extractives autres que combustibles minéraux solides Combustibles minéraux solides Total
292 211 159 75 63 56 33 32 25 24 19 5 3 1 1
1 — 1000
1. Il s'agit ici du personnel ouvrier du secteur privé. L ' I . N . S . E . E . ne donnant pour le secteur public et le personnel de l'Etat ou des collectivités locales que le nombre global des salariés on n'a pu les faire figurer dans ce tableau. Le personnel des houillères se trouve de ce fait exclu ce qui explique que l'extraction des combustibles minéraux solides arrive au dernier rang pour le personnel masculin. Ces chiffres sont établis à partir du recensement de 1954.
236
Statistiques TABLEAU VI
Pourcentage en 1954 des femmes parmi le personnel ouvrier des établissements privés pour chaque catégorie d'activités collectives industrielles et pour quelques groupes à l'intérieur de ces catégories1 % de femmes Nom des groupes ou catégories dans le personnel ouvrier Industries extractives autres que combustibles minéraux solides 1,2 Bâtiment et travaux publics 0,6 Production et première transformation des métaux 5,4 Industries mécaniques 9,8 dont chaudronnerie, tôlerie 3,4 dont fabriques de robinetterie 17,4 dont fabriques de matériel ferroviaire 2,4 dont fabriques d'armes de chasse 15,7 dont chantiers de constructions et de réparations 1,4 dont entreprises de construction automobile 7,3 dont fabriques d'équipement pour automobiles 31,3 dont fabriques de motocycles, pièces détachées et accessoires 11,7 dont fabriques de cycles et pièces détachées, montage 28,6 dont usines d'aviation 3,3 dont fabriques d'instruments de précision et d'optique et d'appareils de lunetterie 35,2 dont fabriques d'horlogerie 46,2 Articles dont dont dont dont dont dont dont dont dont
métalliques divers emboutissage, découpage, sciage des métaux décolletage, tournage estampage, forge, matriçage fabriques de quincaillerie fabriques d'articles de ménage et similaires fabriques de coutellerie fabriques de mobilier métallique fabriques d'emballages métalliques fabriques de petits articles métalliques
26,2 32,4 28,3 7,8 15,8 24,8 30,6 11,6 53,1 42,9
1. On a utilisé pour calculer ces pourcentages la répartition établie par l'I.N.S.E.E. des salariés des établissements privés par sexe, catégorie (ou groupe) d'activités collectives et catégorie socio-professionnelle (Résultats du sondage au 1120' Population active, lire partie, Paris, Imprimerie nationale et P.U.F. 1958, p. 130-58). Les chiffres que nous avons retenus concernent le seul personnel ouvrier.
Statistiques
Nom des groupes ou catégories Construction électrique dont construction de gros matériel électrique dont fabriques de matériel télégraphique et téléphonique dont construction de compteurs et d'appareils électriques de mesure dont fabriques de matériel électro-domestique de chauffage dont fabriques de piles et d'accumulateurs dont fabriques de lampes électriques d'éclairage dont construction d'appareils radio-électriques Réparations mécaniques et électriques
237 % de femmes dans le personnel ouvrier 31,9 17,3 33,5 43,8 26,9 43,3 69,8 44 1,4
Verre, céramique, matériaux de construction dont fabriques de verre dont transformation du verre dont fabriques de produits réfractaires dont fabriques de vaisselle et d'objets de mobilier en faïence dont fabriques de vaisselle et d'objets de mobilier en porcelaine Industries chimiques dont grande industrie chimique dont fabriques d'explosifs industriels et d'artifices dont fabriques de produits pharmaceutiques dont fabriques de lessive et de produits d'entretien dont fabriques de peintures, vernis dont industrie de la parfumerie dont fabriques de pneumatiques
16,5 21 31,5 11,5
38,6 27,7 3,7 48,9 71,5 40,3 17,3 68,3 21,1
Industries alimentaires dont fabriques de corps gras d'origine végétale dont meunerie, fabriques de semoule dont fabriques de pâtes alimentaires dont biscuiterie, produits de régime dont sucrerie dont brasserie, cidrerie dont fabriques de conserves dont industrie de la confiserie
25,1 9,4 4,8 58,8 62,7 13,6 9,4 71,5 57,2
48,2
238
Statistiques
Nom des groupes ou catégories Industries textiles et annexes dont filature et tissage de lin, de chanvre dont industrie de jute et des fibres dures dont industrie du coton dont industrie de la laine dont industrie de la soie dont fibres artificielles et synthétiques dont bonnetterie dont articles de dentelles, tulles, etc. dont teintures et apprêts Habillement et travail des étoffes dont vêtements sur mesure pour dames dont vêtements sur mesure pour hommes dont confection de chemiserie, corsets dont confection pour hommes dont confection pour dames et enfants Industries des cuirs et peaux dont pelleteries et fourrures dont tanneries et mégisseries dont ganterie de peaux dont fabriques et réparation de maroquinerie dont fabriques de chaussures dont fabriques de pantoufles dont cordonniers, réparation de chaussures Industries du bois et de Vameublement dont scieries dont fabriques d'ameublements dont fabriques de literie Industries du papier et du carton dont fabriques de papier et de carton dont transformation du papier Industries polygraphiques, presse, édition dont édition et imprimerie de journaux dont industries annexes de l'imprimerie Autres industries dont fabriques de bijouterie et orfèvrerie en métaux précieux dont bijouterie, orfèvrerie, lapidairerie fantaisie dont fabriques de jeux et jouets dont instruments de musique
% de femmes dans le personnel ouvrier 58,6 51,4 46,7 57,7 54 72,1 28,7 78,1 68 24,4 85,7 91,6 55,1 94,3 85,3 86,3 45,1 60,4 17,9 65,1 58,4 50,7 64,4 6,4 12,1 2,7 8,2 52,3 37,6 25,7 56,7 27,6 17,2 42,8 46,8 32,1 57,9 59,4 21,9
Statistiques
Répartition
des salariés,
239
TABLEAU V I I suivant le niveau de qualification pour chaque catégorie
collectives de l'industrie
et pour l'ensemble des industries de HOMMES
P.l
transformation1 Jeunes ouvr. 0,5 1,3 13,5 1,4 3,6 1,1 2,2 4,3 2,5 4,4 3,5 5,2 2 4,2 2,3 4,1 12,6 3,6 8,8 3,7 6,5 1,1 16,7 3,2 12,4 6,8 6,7 15,2 12,8 7 15,1 5,9 4,3 7,5 4,2 11,4
P.2 25,9 11 13,2 16,2 15 16,3 20,2 16,9 9,7 19,3 16,1 7,2 9,1 9,5 7,1 6,2 10,4 23,2
O.S.2! O.S.l 21,2 13 8,2 13,4 11,2 19,3 17,2 30,4 16,8 18,8 27,8 13,7 16,6 27 16,8 17,1 25,6 14,5 21,6 27,7 7,3 28,1 12,6 22 13,6 17,6 18,9 17,6 11,5 11,1 21,7 11,6 19,9 12,8 10,4 20,4 17,8 13,9 20,8 18,1 11,4 23,8 17 9,5 25,8 14,5 10,1 23 11,6 15,7 14,3 6,8 16,2 7,4
M.2 6,8 20 12,3 7,8 10,2 6 4,5 4,6 18,4 10,9 14,1 23,4 12,6 6,7 16,4 20,6 24,8 4,9
M.l
Pétrole et carburants Extraction de minerais divers Production des métaux Indust. mécanique et électrique dont première transformation mécanique générale construction de machine construction électrique Verre, céramique Bâtiment et travaux publics Industries chimiques Industries alimentaires Industries textiles Habillement Cuirs et peaux Bois et ameublement Papier et carton Industries polygraphiques
P. 3 23,1 10,2 5,4 9,2 7,5 11,8 12,5 9,4 5,6 17,1 9 5,9 6,6 8,6 4,4 4,6 11,4 25,9
Ensemble des industries de transformation
11,1
15,2
17,6
18,1
11,4
7,3
P.l
O.S.2 O.S.I M.2
14,8
FEMMES
P.3 Pétrole et carburants Extraction de minerais divers Production des métaux Indust. mécanique et électrique dont première transformation mécanique générale construction de machine construction électrique Verre, céramique Bâtiment et travaux publics Industries chimiques Industries alimentaires Industries textiles Habillement Cuirs et peaux Bois et ameublement Papier et carton Industries polygraphiques
0,7 0,7 0,3 1,2 2,5 1,5 0,7 0,6 4,2
Ensemble des industries de transformation
1,1
P.2
4,5
39,5
39
0,5 2,7
1,8 3,3 6,6 4,8
34,7 53,8 44,6 9,6
2,6 0,6 4,2 5 3,2 0,7 2 9,5
7,1 1,5 12,9 12 12 1,9 5,5 22 9,2
d'activités
4,5
Jeunes M . 1 ouvr.
Total 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100 100
Total
5
7,9
4,1
100
43,6 35,2 36,6 17,8
6,1 4,4 2,5 23,3
9,3 1,1 4,6 31,5
4,5 2,2 4,6 9,6
100 100 100 100
11,6 2,6 15,4 11 9,4 5,9 12,2 19,4
29,7 10,8 33,2 29,4 28,6 23,2 26,7 15,5
23,2 28 10,6 9,3 15,7 23,2 24,4 5,6
22,5 50,7 12 16,6 19,9 36,5 19,6 14,5
2,6 5,5 10,5 14,2 9,7 7,9 9 9,3
100 100 100 100 100 100 100 100
17,3
30,5
12,5
17,6
8,8
100
1. Ce tableau a été établi à partir des chiffres tirés de l'enquête trimestrielle du ministère du Travail au 1er juillet 1961 (Revue française du travail, avril-juin 1963). 2. Les pourcentages n'ont pas été calculés pour les femmes dans les branches où elles sont en très petit nombre.
240
II. Le matériel d'enquête 1. D O C U M E N T A R E M P L I R PAR L ' E N Q U Ê T E U R APRÈS LES E N T R E T I E N S AVEC LA D I R E C T I O N ET LA V I S I T E DES ATELIERS Date: Branche : Nom et adresse de l'entreprise: Reçu par M. : Fonctions dans l'entreprise : Ancienneté dans l'entreprise :
1. Fabrications de l'entreprise. Caractéristiques essentielles de la production. 2. Etat actuel du personnel: Ateliers
Bureaux
Ouvriers
Maîtrise
H.
H.
F.
Personnel total H : F: Personnel ouvrier H : F:
F.
H.
F.
% de F. % de F.
3. Répartition du personnel ouvrier suivant les secteurs ou étapes de la production : Secteurs ou étapes de la production
Nombre d'O.P. H.
F.
Nombre d'O.S. H.
F.
Nombre d'O.M. H.
F.
4. Raisons particulières à l'entreprise de l'importance relative de ces différents secteurs. 5. Outillage de l'entreprise (genre de machines; degré de modernisation). 6. Depuis quand l'entreprise existe-t-elle? Grandes étapes de son histoire (agrandissements, associations, changements dans les fabrications, dans les techniques). 7. Quels changements a-t-on pu observer dans la proportion des femmes parmi
Document à remplir par l'enquêteur
241
le personnel ouvrier? A quels moments? Correspondaient-ils à l'introduction de nouvelles fabrications, à des changements dans les techniques? Etaient-ils dus à d'autres causes? Lesquelles? 8. Répartition détaillée des hommes et des femmes sur les postes de travail de l'entreprise, en distinguant : a. Les postes occupés uniquement par des femmes, aucun homme ne faisant, dans l'entreprise, le même travail ou un travail partiellement identique. b. Les postes féminins partiellement
identiques à des postes masculins de l'entreprise
(travaux de même dénomination mais exécutés avec un outillage différent ou comportant une gamme d'opérations différente). c. Les postes occupés uniquement par des hommes, aucune femme ne faisant, dans l'entreprise, le même travail ou un travail partiellement identique. d. Les postes masculins partiellement
identiques à des postes féminins de l'entreprise.
(On range dans cette catégorie les travaux masculins de même dénomination que certains travaux féminins, mais exécutés avec un outillage différent ou comportant une gamme d'opérations différente). e. Les postes masculins et féminins
que l'on peut considérer comme identiques.
On
range dans cette catégorie des tâches de même dénomination exécutées dans l'entreprise par des hommes et par des femmes, à condition qu'elles ne diffèrent ni par la nature de l'outillage employé ni par la gamme des opérations à accomplir. Si une différence existe dans l'intensité de l'effort physique à fournir, dans la puissance de la machine, dans la longueur des séries, elle sera toutefois signalée. Pour chacun des postes, on indiquera le nombre d'hommes ou de femmes, la qualification, la nature de l'outillage utilisé, le mode de rémunération, le taux appliqué, les horaires de travail, la gamme des opérations à effectuer, les raisons, données par les employeurs, du choix d'une maind'oeuvre masculine, féminine ou mixte. 9. La main-d'oeuvre féminine de l'entreprise vient-elle essentiellement du quartier ou de la localité? Y a-t-il à ce sujet des différences suivant les postes de travail? Y a-t-il des différences avec la main-d'oeuvre masculine? 10. Mode de recrutement de la main-d'oeuvre féminine (bureau d'embauche, annonces, etc.). Procède-t-on différemment suivant les postes à pourvoir? Procède-t-on de la même façon pour la main-d'oeuvre masculine? 11. Importance de la demande d'emploi des femmes par rapport à l'offre? De quelles catégories de femmes vient-elle? (âge, formation professionnelle, antécédents professionnels, situation de famille, lieu d'habitation). Différences observées suivant les postes. Différences avec la main-d'oeuvre masculine.
242
Matériel d'enquête
12. Quelles femmes embauche-t-on de préférence? (âge, formation professionnelle, antécédents professionnels, situation de famille, lieu d'habitation). Pourquoi? Y a-t-il des différences suivant les postes? Quelles sont les différences avec la main-d'oeuvre masculine? 13. Comment pratique-t-on la sélection de la main-d'oeuvre féminine à l'embauche? 14. Quelles sont les qualités de la main-d'oeuvre féminine? Quels sont ses défauts? 15. Quelles sont les perspectives de l'emploi de la main-d'oeuvre féminine dans l'entreprise? 16. Autres remarques.
2. SCHÉMA D'OBSERVATIONS DE POSTE Nom du poste : Date de l'étude de poste : Branche : Entreprise (nom et adresse) :
1. But de l'opération : 2. Matière à travailler: 3. Degré de mécanisation : 1 machine machine et main outil et main directement main 4. Outillage utilisé (nom - description - caractéristiques) : 5. Pièce à travailler: forme : dimension: poids : 6. Description du travail (en distinguant main gauche et main droite) : 2 7. Longueur de l'unité de travail: 1. Rayer les mentions inutiles. 2. Deux feuilles blanches étaient réservées pour une réponse détaillée à cette question qui devait aussi comporter un schéma de l'implantation du poste.
Schéma d'observations de poste
243
8. Intervalle entre deux arrêts pour réapprovisionnement partiel (s'il y a lieu) : 9. Nombre moyen de pièces produites à la minute: à l'heure: dans la journée de heures: 10. Degré de liberté du rythme: 1 rythme libre rythme 100 % imposé par la machine rythme partiellement imposé par la machine 11. Forme de salaire : salaire basé sur temps chronométré : O u i 1 - Non salaire non basé sur temps chronométré mais différencié suivant les individus : O u i 1 - Non production minimum imposée: Oui 1 - Non production minimum simplement indiquée: O u i 1 - Non 12. Travail individuel 1 Travail en groupe Travail par convoyeur 13. Importance de la série en cours: Temps passé sur la série en cours: 14. Temps moyen habituellement passé sur une série (si ce temps est variable donner les chiffres extrêmes): 15. Sur quoi peuvent porter les différences entre deux séries? 16. a. L'ouvrière assure-t-elle l'approvisionnement du poste de travail? O u i 1 Non - Quelquefois fréquence : temps consacré chaque fois : b. L'ouvrière assure-t-elle le transport des pièces terminées? Oui 1 - Non Quelquefois fréquence : temps consacré chaque fois : 17. a. L'ouvrière fait-elle le réglage de la machine? Oui 1 - Non - Quelquefois fréquence : temps consacré chaque fois : en quoi consiste-t-il ? 1. Rayer les mentions inutiles.
Matériel d'enquête
244
b. L'ouvrière fait-elle le m o n t a g e des outils? O u i 1 - N o n - Quelquefois fréquence : temps consacré c h a q u e fois : en quoi consiste-t-il? c. L'ouvrière s'occupe-t-elle d e l'entretien de la m a c h i n e et des outils? O u i 1 - N o n - Quelquefois d. Autres opérations p o u v a n t i n t e r r o m p r e le travail n a t u r e d e ces opérations : fréquence : temps consacré c h a q u e fois : 18. Arrive-t-il q u e l'ouvrière passe à d'autres postes? Lesquels? F r é q u e n c e de ces changements 19. M o d e de r é m u n é r a t i o n : 20. T a u x appliqués sur la série en cours : 21. N o m b r e de pièces réalisées p a r h e u r e sur la série en cours : 22. Salaire horaire réalisé sur la série en cours : 23. N o m b r e de pièces exigé 1 p a r h e u r e sur la série en cours : indiqué p a r h e u r e sur la série en cours : 24. Salaire horaire g a r a n t i : 25. a. b. c. d. e. f. g. h. i. j. k.
L e travail comporte-t-il u n risque? Lequel? température ambiante : variations climatiques: buées: produits toxiques: produits caustiques: poussières et fumées : salissures: bruits : trépidations: éclairage:
26. a. N o m b r e de personnes dans l'atelier H : F: b. autres t r a v a u x dans l'atelier: c. dimensions approximatives de l'atelier: 27. Le travail se fait-il à côté d'autres t r a v a u x semblables ou bien est-il isolé? 1. Rayer les mentions inutiles.
Schéma d'observations de poste
245
28. Nombre de personnes faisant le même travail dans l'atelier: 29. Relations avec les chefs? A quelles occasions? 30. Relations avec égaux? A quelles occasions? 31. Relations avec subalternes? A quelles occasions? 32. L'ouvrière a-t-elle la possibilité de parler? A qui? A quels moments? Les ouvrières en usent-elles? 33. Y a-t-il des possibilités de quitter le travail? Les ouvrières en usent-elles? 34. Travail debout 1 - assis. 35. Déplacements: nuls 1 négligeables piétinement déambulation à certains moments seulement (pourquoi, fréquence et importance de ces déplacements). 36. Niveau d'exécution: 37. Parties du corps intervenant dans le mouvement, direction du mouvement, amplitude, rythme: 38. Caractéristiques des objets manipulés a. matière: b. dimensions: c. poids (à soulever ou à transporter - fréquence) : d. température: e. nature des parois : f. fragilité: 39. Niveau d'instruction nécessaire pour accomplir le travail 2 : 40. Connaissances indispensables : 41. Contre-indications physiques : 42. Pratique-t-on des tests à l'embauche? - Lesquels? 43. Temps de formation pour savoir faire le travail : pour atteindre le rendement : 1. Rayer les mentions inutiles. 2. A partir du n° 39, les questions étaient posées à la maîtrise et, si cela était possible, aux ouvrières elles-mêmes. On devait, en consignant les réponses, distinguer très soigneusement les observations de la maîtrise de celles formulées par les ouvrières.
246
Matériel d'enquête
44. Dans quelles conditions dépendant de l'ouvrière une pièce est-elle mise au rebut? 45. Quel est le nombre de pièces au rebut à ne pas dépasser sur une série? 46. A quoi faut-il faire attention? A quels moments? 47. En quoi consiste la difficulté du travail? 48. Nature de la fatigue : Moments d'apparition : 49. En quoi consiste la responsabilité de l'exécutant a. dans la qualité du travail produit: b. dans l'outillage employé : 50. De quoi dépend le rendement? 51. De quoi dépend la qualité du travail? 52. Quel genre de sujet réussit le mieux dans ce travail? sexe: âge: antécédents professionnels : formation professionnelle :
247
III. L'échantillonnage TABLEAU I
Répartition de la population de départ suivant l'activité de l'entreprise1
C Première transformation des métaux (19) ; fonderie (20-1) D Chaudronnerie et tôlerie industrielles (20-2, 20-3, 20-4, 20-5,20-6,20-7,20-8,20-9) E Construction de machines et de matériel pour l'industrie, l'agriculture, les travaux ferroviaires (21), construction mécanique et mécanique de précision (22-0, 22-3, 22-4, 22-6) G Revêtement et traitement des métaux (22-2) I Découpage, emboutissage (23-1) J Décolletage, tournage, estampage, matriçage (23-2,23-3) K Ressorts, quincaillerie (23-4, 23-5, 23-6, 23-7) L Ferblanterie-tôlerie, articles de ménage (24-1, 24-2, 24-3, 24-4, 24-5, 24-6) M Petits articles métalliques (24-7) O Construction automobile et accessoires (26-1, 26-2, 26-3) P Cycles et motocycles (26-5, 26-6, 26-7), constructions aéronautiques (27) R Lampes électriques (28-8) S Construction radio-électrique (28-9) T Construction de matériel et de machines électriques (28-1,28-2, 28-4, 28-5, 28-6, 28-7) U Instruments de précision, compteurs, roulements, horlogerie, matériel scientifique et médical (29) Activité mal définie 2 Total
Nombre d'ouvrières 1.892 1.015
5.804 725 1.444 1.462 1.306 3.279 3.265 10.048 782 4.201 5.995 13.256 9.970 3.765 68.209
1. Nous donnons les numéros des sous-groupes à deux ou trois chiffres que nous avons fait entrer dans chaque catégorie d'activités (voir I.N.S.E.E. Nomenclature des entreprises, établissements et toutes activités collectives, Paris, Imprimerie Nationale, 1949). O n remarquera, en ce qui concerne la répartition suivant les activités, que nous avons retenu pour l'essentiel les sous-groupes à deux ou trois chiffres de la nomenclature de l'I.N.S.E.E. mais en opérant, dans un but de simplification, certains regroupements, ceux-ci étant basés sur des similitudes dans les techniques de travail et sur la nécessité de détailler davantage dans les secteurs où les femmes sont plus nombreuses. Les lettres qui figurent sur la gauche sont celles que nous avons adoptées pour désigner chacun de ces groupes d'activités. 2. Il s'agit d'ouvrières travaillant dans des entreprises qui avaient fourni, concernant leur activité, des renseignements incomplets.
L'échantillonnage
COCOCTl — 03 — COCMCOCO fC '' MCM
c« ¿3
«SS
"S C •d
0 g -rt m • ^ O
'3 M
C C C W W W
o -f
250
IV. Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon pour chacun des postes de travail de la catégorie B. Raisons avancées dans chaque entreprise pour justifier cette répartition MONTAGE 1
C
Raccords de fonte malléable et robinetterie industrielle.
10 femmes O.S.l font de petits assemblages de robinetterie. «Travail uniquement manuel, facile et léger sur lequel elles sont plus rapides que les hommes». Pas d'hommes au montage. C2
Fonderie de pièces pour automobiles, camions, tracteurs.
19 hommes O.S.2 font des travaux d'assemblage. «Travail exigeant la manipulation de pièces lourdes». Pas de femmes au montage. D1
Turbines, ventilateurs, compresseurs, turboréacteurs.
217 hommes O.S.l et O.S.2 travaillent au montage. «Il s'agit de travaux lourds dont certains demandent des opérations d'ajustage que les femmes ne peuvent pas faire». Pas de femmes au montage. D2
Appareils en laiton pour gaz en bouteille.
43 femmes O.S.l font l'assemblage des appareils de fermeture en laiton pour gaz en bouteille. «Travail facile et peu fatigant. Salaires bas, on ne trouverait pas d'hommes pour des salaires aussi bas». Pas d'hommes au montage. D3
Petits appareils de chauffage et de cuisine. Pièces détachées pour appareils à gaz•
18 femmes O.S.l travaillent à des tâches diverses pour le montage de petits réchauds à gaz portatifs. La plupart d'entre elles assemblent les pièces pour le brasage. «Travail facile sur lequel les femmes vont vite car 11 s'agit de manipuler des petites pièces». Pas d'hommes au montage. E1
Pompes à injection Diesel. Dynamos et démarreurs.
6 femmes O.S.l font les petits montages partiels des pompes; 139 hommes dont 85 O.S.2 et 54 P. 1 font les montages finaux souvent lourds. Les P.l sont capables de faire les montages en petites séries sur schémas et le réglage de ces montages.
Montage E2
25 1
Embrayages pour avions et automobiles.
12 femmes et 75 hommes O.S.2 font le montage des mécanismes d'embrayage. Les machines et les outils utilisés sont identiques. Les femmes sont cependant sur les plus petites pièces. «Elles y apportent plus de soin et sont plus rapides que sur les montages exigeant un effort physique». 30 hommes O.S.2 font le montage sur presse des disques d'embrayage qui exige un effort physique important. E3
Appareils de mesure et de contrôle. Pompes à injection pour moteurs Diesel.
64 femmes O.S.2 et 123 hommes dont 83 O.S.2, 18 P.l et 22 P.2 font le montage des injecteurs et des pompes. Les hommes et les femmes O.S.2 font des travaux identiques de grande série. Les femmes restent O.S.2 tandis que les hommes peuvent devenir P. 1 après une formation donnée dans l'entreprise. Les hommes P.l et P.2 travaillent sur des séries plus petites ou sur des prototypes. E4
Outillages à main.
15 hommes P.2 font des assemblages de pièces d'outillage «demandant une qualification et un effort physique». Pas de femmes au montage. E6
Robinetterie
industrielle.
10 femmes et 6 hommes O.S.2 travaillent au montage. «Les hommes font les pièces les plus lourdes dont le serrage demande un effort musculaire. Les femmes vont plus vite sur les petites pièces». E7
Montage de machines à tricoter.
Des hommes et des femmes travaillent sur la même ligne de montage mais à des opérations différentes: 21 femmes O.S.2 assurent les opérations successives de sous-montages; 2 hommes O.S.2 font en fin de chaîne les montages finaux plus lourds et demandant une «compréhension mécanique»; 10 hommes P.l travaillent sur la même chaîne mais sont placés aux postes demandant des opérations d'ajustage. «Les femmes sont rapides sur les travaux légers et elles ne peuvent pas faire d'ajustage». E8bis
Petits outillages.
10 femmes O.S.l alternent des travaux de montage manuel avec des opérations de tri ou de contrôle. «Travaux faciles». Pas d'hommes au montage. E10
Appareils de sécurité et de régulation pour chauffage au gaz.
33 femmes O.S.2 assurent les différentes opérations de montage. «Il s'agit de travaux simples, demandant de la rapidité et exécutés en grandes séries, qui conviennent aux femmes». Pas d'hommes au montage.
252 G3
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon Polissage, chromage, émaillage à façon.
4 femmes O.S.l font des assemblages manuels de pièces traitées par la maison. «Petits travaux faciles et monotones». Pas d'hommes au montage. G6
Revêtement de métaux et polissage à façon. Montage de régloscopes Cibié.
2 femmes O.S.l font les sous-montages de l'appareillage électrique. Elles peuvent aussi être attacheuses dans le secteur revêtement. «Travail facile». 2 hommes O.S.2 font le montage final «qui exige un sens mécanique que les femmes n'ont pas». 11
Travail à façon de transformation de métaux en feuilles d'aspirateurs, etc.).
(filtres à air, boîtiers
2 femmes O.S.2 font les petits montages ou les sous-montages. «Travail simple pour lequel on utilise leurs qualités de rapidité». 6 hommes P. 1 font les pièces plus lourdes ou les montages d'ensembles. I5
Découpage, emboutissage, repoussage à façon (filtres, flotteurs pour
automobiles).
12 femmes O.S.l font de petits montages. «Travaux manuels en très grandes séries, jusqu'à 40000 pièces. Les femmes résistent mieux à la monotonie». Pas d'hommes au montage. I*
Petites pièces découpées et embouties (boîtes, tubes de rouge à lèvres, etc.).
4 femmes O.S.l sont occupées au montage des objets fabriqués parfois en très grandes séries. «Ce sont des travaux qui conviennent particulièrement aux femmes». Pas d'hommes au montage. I8
Articles découpés et emboutis sur commande. Pièces de freins pour cycles.
10 femmes dont 6 O.S.l et 4 «petites mains» (jeunes de moins de 18 ans) font le montage des pièces de freins. Elles posent les vis et les rivets à l'aide de petites visseuses pneumatiques. Les O.S.l font les travaux les plus délicats. «La main-d'oeuvre féminine est imbattable au montage parce que plus rapide et plus apte à manier de petits objets». Pas d'hommes au montage. J1
Décolletage et matriçage de robinetterie.
23 femmes dont 3 O.S.l et 20 O.M.2 font le montage de la robinetterie. «Travail facile et peu pénible». Pas d'hommes au montage. J
9
Petites pièces décolletées en acier pour l'automobile et l'aviation.
5 femmes O.S.l font des travaux de montage. «Ces travaux sont essentiel-
Montage
253
lement manuels, ils sont faciles, les séries ne sont jamais inférieures à 5 000 pièces. L'emploi des femmes est donc tout indiqué». Pas d'hommes a u montage. K1
Ressorts à fil ou plats de dimensions variables. 35 femmes O.S.l et 1 homme O.S.2 assurent la finition des ressorts. Leur travail est identique mais les femmes travaillent sur les ressorts de moins de 25/10 e et l'homme sur les ressorts plus gros (remarquer la différence de qualification). «Les femmes vont plus vite sur les petits ressorts».
K2
Instruments de mesures linéaires. 17 femmes O . S . l , à l'aide de petites riveteuses actionnées par une pédale, font l'assemblage des différentes parties d u mètre pliant en métal. Séries toujours identiques. «La dextérité des femmes sur ce travail est remarquable». 22 hommes dont 11 O.S.2, 7 P.l et 4 P.2 font le montage de toutes les pièces autres que les mètres. «Ces montages exigent souvent des opérations d'ajustage et les femmes sont incapables de tenir une lime. Il faut de plus pour ces postes une qualification mécanique que les femmes ne peuvent pas acquérir».
K3
Ressorts en acier laminé. 16 femmes O.S.l travaillent a u façonnage et a u montage des ressorts à l'aide de machines simples actionnées à la main ou par pédale. «Travaux sur petites pièces, comportant de nombreuses manipulations où les femmes sont plus rapides que les hommes». Pas d'hommes a u montage.
K4
Charnières, poignées, pièces détachées pour instruments de musique. 2 femmes O . M . 2 assemblent les pièces des charnières et des poignées prép a r a n t ainsi le travail pour les presses. «Travail que tout le monde peut faire». 3 hommes et 4 femmes O.S. 1 font le montage des fermetures de glacières. «Les femmes font plus spécialement les longues séries et les montages les plus petits ne comportant pas de soudures».
K6
Voitures d'enfants, landaux de poupées, automobiles à pédales. 18 femmes O.S.2 font les garnissages de l'intérieur des voitures d'enfants. «C'est u n travail d e m a n d a n t d u soin». 6 femmes O.S.l et un h o m m e O.S.2 font les montages des voitures (rivetages, assemblages finaux, montage des roues, etc.) ; l'homme travaille sur les plus grandes voitures. Les femmes travaillent sur les voitures plus petites et assurent dans tous les cas le montage des roues (remarquer la différence de qualification).
254 K
6
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon Chaînes, chaînettes et anneaux. 3 femmes O.S. 1 font du montage de chaînes, anneau par anneau, souvent en très grandes séries (les chaînes sont quelquefois commandées au kilomètre). «Seules des femmes acceptent de faire ce travail». Pas d'hommes au montage.
K7
Verrous et cadenas de sûreté. 20 femmes O.S.l font le montage des cadenas divisé en plusieurs opérations (montage de l'anse, du cylindre, des ressorts, des goupilles, etc.). «Travail facile qui convient aux femmes parce qu'il faut manipuler des pièces très petites». 2 hommes O.S.l font le montage des verrous. L ' u n fait le rivetage d u bouton de verrou avec un marteau et un poinçon; l'autre monte le verrou et assure au besoin, par des reprises à la lime, l'ajustage des pièces. «Les femmes ne sauraient pas travailler à la lime et au marteau».
K8
Ressorts plats et à boudin. 7 femmes O.S. 1 font le montage des ressorts. «C'est un travail fin sur petites pièces». Pas d'hommes au montage.
L4
Boîtes et emballages métalliques. 17 femmes O.S.l travaillent à la pose de joints de caoutchouc sur des couvercles en aluminium. Le travail consiste dans l'approvisionnement de machines automatiques. «Travail facile et fastidieux qui convient à certaines femmes». Pas d'hommes au montage.
L6
Lits et armoires métalliques. 15 femmes O.S.l et 20 hommes O.S.l travaillent au montage. Les femmes font le montage et le garnissage des sommiers. Les hommes font le montage des lits. «L'effort physique est important dans les deux cas mais le garnissage des sommiers exige une habileté spéciale et il est plus monotone». 4 hommes P. 1 font le montage des verrous sur les armoires métalliques et l'ajustage des portes. «Travail exigeant une qualification et des connaissances mécaniques que les femmes ne peuvent pas avoir».
L7
Fabrique de lustres et d'éléments d'appareils domestiques. 22 femmes O.S.l font des sous-montages pour la fabrication des lustres, alternés avec des opérations d'emballage. «Travail facile». Pas d'hommes au montage.
L8
Tubes souples en plomb ou en métal léger. 8 femmes O.S.l placent les lièges à l'intérieur des bouchons. Certaines
Montage
255
sont ouvrières à domicile. «Travail très simple. Il n'y a rien à penser». Pas d'hommes au montage. M1
Fermetures à glissière. 10 femmes O.S.l font le montage des fermetures: opération manuelle qui consiste essentiellement à réunir les deux chaînes à travers un outil équivalent au curseur. «Travail facile une fois acquis le coup de main. Les jeunes conviennent très bien pour ce travail si elles sont bien encadrées». Pas d'hommes au montage.
M2
Petits objets découpés ( oeillets, rivets, crochets, agrafes,rondelles, etc.), tubes de radio. 5 femmes O.S.l font l'emboîtage des tubes de radio alterné avec le rognage de ces tubes. «C'est une fabrication continue, le travail est donc purement routinier». Pas d'hommes au montage.
M3
Boutons en tous genres. 20 femmes travaillent à domicile: elles introduisent dans les trous les queues des boutons métalliques et les rapportent à l'entreprise sur des claies en bois. L'ensemble est ensuite serti. Ce sertissage qui occupe à l'atelier 6 ouvrières O.S.l est fait à l'unité, soit à l'aide d ' u n balancier m û à la main, soit à la presse. 13 ouvrières O.S.l sont en outre occupées à divers travaux de montage manuel, en particulier sur les boutons de manchettes pour lesquels la maison produit 6 0 % de la fabrication française. «Ce sont des travaux simples sur lesquels les femmes et surtout les jeunes sont particulièrement rapides. O n recherche la main-d'oeuvre de moins de 18 ans». Pas d'hommes au montage.
M4
Boutons militaires et insignes métalliques. 6 femmes O.S.l travaillent au montage; 5 d'entre elles remplissent les boutons de plâtre, l'autre fait le montage des queues. «Travail facile». Pas d'hommes au montage.
M6
Jouets en métal. 30 femmes dont 15 «petites mains» de moins de 18 ans, font du montage de jouets en chaîne. Le travail est morcelé en opérations très simples. «Travail facile avec des salaires dont des hommes ne s'accommoderaient pas». Pas d'hommes au montage.
M'
Fermetures éclair. 7 femmes O.S.l font le montage des fermetures. Les opérations étant très diverses, chaque ouvrière peut être employée à plusieurs postes. Il s'agit
256
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
en majorité d'ouvrières de moins de 18 ans. «La main-d'oeuvre jeune est plus docile». Pas d'hommes au montage. M8
Petites pièces détachées pouf la radio et la radio-électricité.
28 femmes O.S.l font de petits montages au balancier (par exemple la pose et le sertissage de 6 oeillets sur une plaque en bakélite). «Les femmes et surtout les femmes jeunes sont imbattables sur les travaux où il faut manipuler de petits objets». Pas d'hommes au montage. M10
Jouets en métal. Petits accessoires pour F automobile. Articles en fil de fer.
20 femmes O.M.2 travaillant en chaîne font le montage des jouets. Le montage d'une petite auto est morcelé en 16 opérations successives accomplies par 16 ouvrières différentes. «Les femmes et surtout les jeunes femmes acquièrent très vite une grande rapidité sur ces travaux». Pas d'hommes au montage. M11
Petits objets en métal (poudriers, tubes de rouge à lèvres, porte-cigarettes).
5 femmes O.S.2 et 3 femmes O.S.l travaillent au montage. «Travail simple». Pas d'hommes au montage. M12
Petits articles fantaisie
(boutons, boucles de ceintures). Pièces de patins à roulettes.
Postes uniquement féminins; 4 femmes O.S.l font de petits montages simples. «Travail facile et peu payé». 0
1
Freins d'autos. Lanceurs de démarreurs.
76 femmes O.S.2 et 129 hommes O.S.2 dont 33 O.S.2B sont employés au montage. Sur les freins les femmes font les prémontages et les hommes les montages finaux plus lourds. Sur les cylindres les hommes font les assemblages demandant un effort de serrage. Ce sont souvent des NordAfricains. «Les femmes sont plus rapides quand les pièces ne sont pas trop lourdes. On les emploie le plus possible car la main-d'oeuvre masculine est rare. On évite cependant de les employer au montage des freins en trop grande quantité car c'est le secteur le plus avancé de l'entreprise et on ne tient pas à contaminer la main-d'oeuvre féminine». 02
Carburateurs pour véhicules automobiles.
Les montages se font en chaîne : 36 femmes O.S.l font uniquement les montages manuels. 97 hommes dont 73 O.S.2 et 24 P.l font tous les travaux demandant
Montage
257
l'emploi d'outils (tournevis pneumatiques, etc.). Les P.l font les travaux demandant des opérations d'ajustage. «Les femmes sont plus rapides sur les travaux simples uniquement manuels». 03
Accessoires électriques pour autos et petits appareils ménagers en série. mécanique de précision.
Matériel
186 femmes O.S.l travaillent en chaîne aux montages de série. Postes très divisés et «étudiés de telle manière que n'importe qui puisse les tenir». 26 femmes O.S.2 et 20 hommes P.l font les montages hors série. On confie aux femmes les travaux les plus simples et aux hommes «ceux qui demandent de l'ajustage». 04
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en
particulier).
150 femmes O.S. 1 travaillent en chaîne au montage des klaxons. «Travail facile et très morcelé». 12 femmes O.S.l et 3 hommes O.S.2 travaillent au démontage et au remontage des appareils (réparation). Les hommes assurent en plus la direction du travail des femmes. 05
Appareils de signalisation pour automobiles.
185 femmes O.S. 1 travaillent sur chaîne au montage en très grandes séries. «Travaux faciles, toujours les mêmes, avec manipulation de pièces légères». Pas d'hommes au montage. 06
Amortisseurs.
26 hommes O.S.2 et 18 femmes O.S.l travaillent au montage. Les hommes travaillent debout sur des pièces d'un poids plus élevé et demandant un effort plus important de serrage. «Les femmes vont plus vite sur les travaux demandant peu d'effort physique» (remarquer la différence de qualification). O8
Valves pour pneumatiques et contrôleurs de pression.
20 femmes O.S.l travaillent sur chaîne aux opérations manuelles de montage; 30 femmes O.S.2, également sur chaîne, font les opérations de montage sur petites machines. «Travaux simples». Pas d'hommes au montage. O8
Bougies d'allumage pour moteurs à explosion.
50 femmes O.S.l préparent les assemblages; 41 femmes, O.S.l également, procèdent en chaîne au montage des bougies. «C'est une fabrication continue; une fois acquis le coup de main nécessaire les femmes réussissent très bien sur ces travaux». Pas d'hommes au montage.
258
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
O10
Bougies pour automobiles et aviation. Essuie-glaces spéciaux. 17 femmes O.S.l assurent le montage de bougies et d'essuie-glaces alternativement. Elles travaillent en chaîne. Pas d'hommes au montage.
P1
Cycles et motocycles. 6 femmes O.S.l font le montage des roues et des petits accessoires (sonnettes, etc.). 30 hommes O.S.2 font le centrage et le vissage définitif des roues et les montages demandant des ajustages. Le chef de fabrication estime que «en dehors des montages sur cycles, beaucoup trop lourds, les femmes pourraient être employées sur les mêmes postes que les hommes s'il n'y avait pas de préjugés contre cet emploi au niveau de la maîtrise».
P2
Selles de bicyclettes et de motocyclettes. 13 femmes O.S.2 font tous les montages manuels (pose de la nappe de ressorts sous le cuir de la selle, montage du chariot sur la ferrure). 7 hommes O.S.2 font, sur machine à riveter, les travaux demandant des manipulations lourdes. «Sur les opérations manuelles, les femmes peuvent atteindre des rendements extraordinaires. Elles ne refusent pas de faire des heures supplémentaires. Elles sont plus stimulées que les hommes par les salaires aux pièces».
P3
Accessoires pour cycles et motocycles (compteurs et dérailleurs). 50 femmes O.S.l assurent tous les travaux de montage. «Ce sont des travaux légers. De plus on tient à avoir des ateliers homogènes du point de vue du sexe». Pas d'hommes au montage.
R1
Lampes électriques pour automobiles. Toutes les opérations de montage des lampes sont assurées par 438 femmes. Seules 90 d'entre elles font des montages hors série. Les autres travaillent sur une chaîne où alternent les travaux de montage et de contrôle. Les opérations sont très morcelées et se limitent le plus souvent à l'alimentation de dispositifs spécialisés. Au début de la chaîne se trouve la machine à fabriquer les pieds de lampes. Parmi les postes de montage on trouve la monteuse de pieds qui enfile sur les pieds les petits filaments de métal et les fixe, la guétéreuse qui met à la base de l'ampoule une goutte de gueter dont l'évaporation lors de l'opération suivante permettra de faire le vide dans l'ampoule, la scelleuse qui alimente en ampoules d ' u n côté, en pieds de l'autre une machine tournante, l'empâteuse de culot qui met la pâte qui, chauffé, scellera le culot et la lampe, la culotteuse qui enfile la bague sur la lampe et la dépose sur la machine, Venfileuse de culot qui enfile le culot
Montage
259
sur la base de la lampe. «La dextérité, la rapidité, la délicatesse du toucher sont indispensables dans un métier où tout ce qu'on touche est fragile et fin». Pas d'hommes au montage. R2
Lampes de
T.S.F.
183 femmes dont 32 O.S.l, 148 O.S.2 et 3 P.l travaillent pour la plupart sur des chaînes où les opérations sont aussi très morcelées. Les O.S.2 sont sur les postes les plus délicats. Les 3 P. 1 sont chefs de chaîne. «La rapidité et la légèreté de main de la main-d'oeuvre féminine et surtout de la main-d'oeuvre jeune sont irremplaçables». Pas d'hommes au montage. R3
Lampes électriques et réglettes fluorescentes.
45 femmes O.S.2 travaillent sur chaîne. «Travail simple, manipulation d'objets fragiles». Pas d'hommes au montage. 51
Montage d'appareils récepteurs de radio et télévision.
503 femmes travaillent au montage: 12 O.S.l font de petits travaux d'ébénisterie, de pose de toiles, etc., 149 O.S.l font des travaux simples de sous-montage, 342 O.S.2 travaillent en chaîne à des tâches de complexités diverses, le «top de chaîne» variant de 2 à 12 minutes. «La maind'oeuvre féminine est la meilleure pour ce genre de travail». Pas d'hommes au montage. 52
Radio-télévision.
87 femmes font les opérations de câblage en chaîne; 70 sont O.S.2 et travaillent sur de petites machines à câbler; 17 P.l travaillent également sur les chaînes mais sont monitrices de chaîne. Au montage final des postes on trouve 30 femmes O.S.2 et 12 hommes. Les hommes sont des jeunes de moins de 18 ans qui font ainsi leurs débuts dans l'entreprise et accéderont ensuite à des postes de contrôle. Pour les femmes le poste est définitif. 53
Haut-parleurs et petits appareils électro-ménagers.
65 femmes O.S.l travaillent sur chaîne à des opérations morcelées de montage d'appareils électro-ménagers; 10 femmes O.S.l appelées «entoileuses»sont spécialisées dans la préparation et le montage des membranes de haut-parleurs, 11 femmes O.S.2 travaillent en chaîne au montage des haut-parleurs. «Travail simple. Pas d'effort physique à fournir». Pas d'hommes au montage. 54
Constructions radio-électriques.
457 femmes O.S.2 travaillent surtout en chaîne au montage des pièces
260
Répartition des hommes et des femmes de V échantillon détachées. Certaines font du câblage en série, sans plan. Elles resteront sur ces postes; 82 hommes O.S.2 font le montage des châssis, ce sont de jeunes apprentis qui ne resteront pas sur ces postes ; 22 hommes P. 1 sont des jeunes avec C.A.P. placés en début de chaîne et qui sont destinés à devenir P.2; 7 hommes P.2 font le montage des prototypes. «La maind'oeuvre féminine est imbattable sur les travaux faciles de montage en série».
T1
Matériel téléphonique. Appareils de mesure électrique. 48 femmes et 40 hommes O.S.2 font le montage des relais en grande série, les travaux sont identiques. Les relais de plus grande dimension sont faits par des hommes. 28 hommes et 10 femmes P.l font les câblages. Les hommes font les plus grandes armoires mais on constate chez les femmes un «sens de l'esthétique» plus poussé. 6 femmes O.S.2 et 22 hommes P.l font les assemblages finaux. Les hommes sont des débutants qualifiés sortant du centre d'apprentissage de l'entreprise, les femmes sont d'anciennes ouvrières et resteront O.S.2. «Le rendement des femmes est plus élevé et certains travaux ne peuvent être confiés qu'à des femmes à cause de leur dextérité. On maintient cependant la mixité à cause de l'existence de certains travaux plus lourds et parce que, le cas échéant, les hommes acceptent plus facilement de changer de travail que les femmes lorsqu'il faut exécuter certains travaux hors série».
T2
Fils et câbles électriques. 6 femmes O.S. 1 travaillent au montage des prises de raccordement sur les câbles téléphoniques spéciaux destinés à l'armée. «Travail simple». Pas d'hommes au montage.
T3
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs. 32 femmes O.S.2 sont occupées sur chaîne à des travaux très divers, à l'aide d'un petit outillage (visseuses pneumatiques, etc.), de montage des aspirateurs et des cireuses. 34 hommes dont 32 O.S.2 et 2 P.l travaillent, en chaîne également, au montage des frigidaires. «La plupart des travaux de montage des frigidaires sont trop durs pour les femmes et on préfère avoir des équipes homogènes, l'une féminine pour les aspirateurs et les cireuses, l'autre masculine pour les frigidaires. Cela évite les histoires».
T4
Petits appareils électro-ménagers. 156 femmes O.S.l travaillent au montage dont 120 réparties sur 4 chaînes correspondant à 4 types d'appareils. Les autres font du pré-montage avec
Montage
261
soudure de fil ou du démontage pour réparation. «Pièces de petites dimensions, travail simple. Opérations manuelles qu'on s'efforce de morceler au maximum et sur lesquelles la rapidité des femmes est pratiquement illimitée». Pas d'hommes au montage. T6
Accumulateurs. Condensateurs.
30 femmes O.S.l aidées de 6 jeunes ouvrières de moins de 18 ans sont réparties par petits groupes pour l'assemblage des sous-ensembles. 10 femmes O.S.2 font les montages d'ensemble des condensateurs. «Travail facile, on s'arrange pour avoir des équipes homogènes». 3 hommes O.S.2 assurent le montage final des accumulateurs. «Travail plus lourd que sur les condensateurs». T8
Relais électriques et électroniques.
25 femmes O.S.2 et 23 hommes O.S.2 assurent l'assemblage des pièces de relais de grande série. Les hommes sont des diminués physiques. 4 hommes et 1 femme P. 1 font le montage des relais. Les hommes font les ensembles plus complexes et les plus petites séries. 3 femmes P. 1 et 6 hommes P.2 assurent la mise en place et la connexion des relais dans les armoires. On emploie des femmes à cause de leur «sens de l'esthétique» et de leur dextérité sur les travaux fins. Les hommes ont cependant une qualification supérieure car «c'est à eux que revient la lecture des plans et l'initiative pour la mise en place dans les armoires». T7
Câbles et cordons téléphoniques.
7 ouvrières travaillent à l'atelier : 3 O.S. 1 mesurent et coupent les cordons, 2 O.S.2 font les ligatures et les terminaisons, 2 P.l servent de chefs de file et contrôlent le travail des ouvrières à domicile. Ces dernières au nombre de 51 font le même travail que les O.S.2. «Travaux simples demandant de l'agilité et des gestes fins. Beaucoup sont d'anciennes couturières». Pas d'hommes au montage. T7bis
Fabrique d'oeillets métalliques et pièces détachées pour radio, télévision, électronique, etc.
56 femmes O.S.2 font, à l'aide de machines à balancier actionnées à la main par des leviers, des montages de pièces très petites. «Travail minutieux et fastidieux en très grandes séries. Des hommes deviendraient fous sur de tels travaux». Pas d'hommes au montage. T8
Fabrique de condensateurs.
67 femmes O.S.l réparties dans plusieurs ateliers assurent les travaux
262
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon divers de montage des condensateurs (introduction des bobinages dans les boîtiers, etc.) Au remplissage des condensateurs on trouve 6 femmes et 1 homme O.S.2. «Ce sont les hasards de l'embauche, mais l'homme ne restera pas sur ce poste trop fastidieux et qui ne convient qu'à des femmes».
T*
Moteurs électriques. 18 hommes dont 12 O.S.2 et 6 P.2 font le montage des moteurs. Les O.S.2. font les montages des moteurs de série pour machines à laver, trop lourds pour être confiés à des femmes. Les P.2 font les montages de petites séries qui demandent souvent de l'ajustage. Pas de femmes au montage.
T10
Transformateurs, redresseurs de courant. Construction d'ensembles incluant des transformateurs. 15 femmes et 6 hommes O.S.2 font le montage des transformateurs. Les femmes travaillent sur les petits transformateurs. 11 hommes monteurs-câbleurs dont 5 P.2 et 6 P.l font le montage et le câblage des ensembles. «Postes demandant un effort physique et une qualification».
T11
Lampes de radio. Lampes spéciales pour radars. Tubes électroniques. 554 femmes O.S.2 groupées dans des ateliers uniquement féminins effectuent des travaux très divers en chaîne ou hors chaîne: sous-montages, montages de lampes et de tubes. Certains travaux de montage de lampes spéciales, travaux très délicats et exécutés sous loupe, exigent une telle dextérité et une telle précision des gestes qu'ils ne peuvent être effectués que par de très jeunes femmes ayant d'autre part une vue excellente. «Seules des femmes peuvent réussir dans un travail aussi délicat. Beaucoup ont appris la couture». Pas d'hommes au montage.
T12
Téléphones. Relais. 153 femmes O.S.2 dont certaines travaillent en chaîne font le sous-montage des relais. Elles travaillent sur plans. «Travail relativement simple exigeant rapidité et dextérité». 24 femmes O.S.2 préparent les «peignes» des câbles sur les armoires des standards. Elles travaillent sur plans sous la direction de 12 hommes P.2 qui font le câblage proprement dit.
U1
Machines de bureau. Tous les travaux de montage sont effectués par des hommes : 109 P. 1 et P.2. «L'usine de Paris ne fait que les prototypes ou les machines encore
Montage
263
peu au point pour le montage desquels une qualification est indispensable». Pas de femmes au montage. U2
Petits roulements à billes. Le montage des roulements comporte d'abord le cotage et l'assemblage des bagues, l'introduction des billes puis la pose des rivets et des cages. La pose des rivets et des cages est toujours faite par des femmes (41 femmes O.S.2 dont 10 en chaîne). C'est, nousa-t-ondit, «le poste féminin par excellence» à cause du pourcentage de temps morts liés à l'utilisation de machines à alimentation manuelle. «Les femmes y sont beaucoup plus rapides que les hommes». Le cotage, l'assemblage des bagues et l'introduction des billes sont toujours faits par des femmes lorsque le travail se fait sur chaîne (homogénéité de la chaîne). Hors chaîne on trouve 32 femmes O.S.2 et 3 hommes. Ceuxci font les assemblages demandant les enclenchements les plus durs. «Les femmes atteignent dans ces travaux manuels une rapidité extraordinaire, aussi limite-on dans toute la mesure du possible l'emploi de la maind'oeuvre masculine».
U3
Roulements à rouleaux coniques. L'introduction des rouleaux dans les roulements et le sertissage des roulements se font à l'aide de petites machines sur lesquelles on emploie uniquement des femmes (18 femmes O.S.2). «Travail simple, monotonie que ne supporteraient pas des hommes. La rapidité gestuelle des femmes assure un meilleur rendement à cause des temps morts pour l'alimentation de la machine». Pas d'hommes au montage.
U4
Compteurs à gaz et compteurs électriques. 98 femmes dont 73 O.S.l et 25 O.S.2 font le montage des compteurs. Ceux-ci se font sur chaîne et comportent des opérations très diverses. Les O.S. 1 font les sous-montages. Les O.S.2 sont aux postes clés des chaînes. «La rapidité des femmes sur ce genre de travaux est remarquable. Postes trop sédentaires pour des hommes». 3 hommes O.S. 2 travaillent au démontage et au remontage des appareils défectueux.
U6
Volants magnétiques. Appareils d'allumage des moteurs. Eclairage pour cycles et motocycles. 49 femmes O.S.2 travaillent à la préparation des bobines et 19 femmes O.S.2 à la fabrication en chaîne des condensateurs. «Travail simple nécessitant de la dextérité et pas d'effort physique».
264
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon 54 femmes O.S.2 sont employées en chaîne à des opérations diverses de sous-montages des volants magnétiques à l'aide de petites riveteuses; 14 hommes O.S.2 travaillant sur une chaîne voisine mais différente font le montage final des volants magnétiques. «Travail lourd. Les pièces pèsent de 4 à 5 kg».
U *
Machines à écrire. 53 femmes O.S.2 font les assemblages préparatoires comportant le plus souvent des opérations de soudure. «Travaux simples demandant surtout de la dextérité». 25 hommes P. 1 font les montages finaux. «Ce travail demande une appréciation du jeu des pièces et exige des capacités mécaniques que ne peuvent acquérir les femmes».
U7
Volucompteurs pour appareils distributeurs d'essence. 23 femmes O.S. 2 et 15 O.S. 1 font les travaux de montage qui sont en fait des travaux de grosse horlogerie. Mais ils ont été divisés le plus possible en tâches simples. Les O.S.2 sont aux postes clés. «Exigences de soin et de dextérité, mais travail simple». Pas d'hommes au montage.
U8
Compteurs pour motos et autos. Appareils de contrôle. 103 femmes dont 63 O.S.l et 40 O.S.2 réparties en 6 chaînes correspondant chacune à une fabrication font des travaux de montage plus ou moins complexes suivant les chaînes mais aussi suivant les postes ce qui explique les différences de qualification. «C'est un genre de travail où la main-d'oeuvre féminine convient particulièrement à cause de sa rapidité et de son accoutumance facile aux travaux sédentaires et monotones». Pas d'hommes au montage.
U*
Appareils de mesure depyromètrie. 6 femmes O.S.l font de petits assemblages simples. 7 hommes P.l et 3 femmes O.S.2 font le montage complet des appareils. Ces montages qui constituent un travail d'horlogerie dont l'ouvrier est entièrement responsable se font par séries de 12 ou de 20 appareils. «Le travail est identique pour les hommes et pour les femmes mais les premiers ont été embauchés avec la qualification horlogère tandis que les femmes ont été formées dans la maison. O n remplace progressivement les femmes par des hommes car le travail des femmes est moins régulier à cause de la tension nerveuse qu'il provoque».
U10
Compteurs à gaz. 8 femmes O.S.2 travaillent sur chaîne au montage des compteurs mais ne font que les montages les plus légers; 30 hommes O.S.2 montent les par-
Contrôle
265
ties les plus lourdes en fin de chaîne. «Les femmes sont plus rapides sur les travaux légers». U11
Fabrication de matériel dentaire.
3 femmes O.S.2 font les montages simples demandant de petites soudures à l'étain ou à l'argent. 2 hommes P.2 procèdent à l'ajustage et au montage des pièces entrant dans les grands ensembles. «Les femmes sont plus rapides sur les petits travaux. Les hommes utilisent leurs connaissances mécaniques». U12
Fabrique d'appareillage pour mesure de la tension artérielle.
2 femmes O.S.2 font le montage des pièces intérieures du boîtier. Le travail consiste dans une série d'opérations comportant une petite partie de soudure faites successivement sur une dizaine de boîtiers que les deux ouvrières assises à une même table se repassent. 1 homme P.l fait le montage du boîtier. Le travail demande un peu d'ajustage. «Les femmes pourraient le faire si on le leur apprenait mais on préfère le confier à l'homme P.l qui fait entre-temps un peu d'outillage».
CONTRÔLE C1
Raccords de fonte malléable et robinetterie industrielle.
21 femmes O.S.l trient suivant leur aspect les pièces qui viennent d'être moulées pour éliminer les «loupés». Travail sale et monotone. «Il serait difficile de trouver des hommes pour ce travail dont certaines femmes s'accommodent». C2
Fonderie de pièces pour automobiles, camions, tracteurs.
20 femmes O.S.l et 23 hommes O.S.2 font le contrôle d'aspect des pièces venant de la fonderie. Les femmes font les petits contrôles (travail assis), les hommes contrôlent les pièces plus lourdes (remarquer la différence de qualification). C3
Fonderie d'alliages légers pour l'automobile et l'aviation.
8 hommes O.S.l et 4 femmes O.S.l font le contrôle d'aspect des pièces. Les femmes sont affectées aux petites pièces. «Les femmes sont beaucoup plus rapides dans la manipulation des petites pièces». C1
Fonderie d'alliages légers.
1 femme O.S.l fait le contrôle d'aspect. «Travail simple». Pas d'hommes au contrôle. D3
Petits appareils de chauffage et de cuisine. Pièces détachées pour appareils à gaz.
3 femmes O.S.l font le contrôle d'aspect après brasage et le contrôle des
266
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
fuites par pression d'air et immersion dans l'eau. «Travail simple mais minutieux qui convient aux femmes». 1 homme et 1 femme O.S.l font le contrôle de la flamme après branchement de l'appareil sur un robinet à gaz. On songe à n'employer que des hommes sur ce poste à cause de «l'émotivité» des femmes lorsqu'une flamme jaillit. E1
Pompes à injection Diesel. Dynamos, démarreurs.
29 femmes O.S.l font le contrôle numérique des pièces fabriquées à l'usinage soit par comptage soit à l'aide de balances. «Travail simple et monotone». 31 hommes P. 1 et 1 femme P. 1 font les contrôles sur dessins sans outillage standard. L'emploi d'une femme sur ce poste est exceptionnel, c'est «une ouvrière exceptionnelle» (ancienne danseuse) qui assure le contrôle des calibres de toute l'usine. 23 hommes et 44 femmes O.S.2 assurent les contrôles avec outillage standard. Les pièces les plus lourdes sont confiées aux hommes de même que quelques postes de contrôle statistique par prélèvements effectués dans les ateliers : «Ces postes non sédentaires qui impliquent une circulation dans les ateliers ne sont jamais attribués à des femmes». E2
Embrayages pour avions et automobiles.
2 hommes et 15 femmes O.S.2 font le contrôle visuel des pièces légères. Leur travail est identique. Les hommes sont des accidentés reclassés. 30 hommes O.S.3 et 40 femmes O.S.2 font le contrôle de dimensions. Les hommes travaillent toujours à l'aide de pieds à coulisse, les femmes sont capables de faire les contrôles au pied à coulisse mais elles travaillent souvent avec de simples calibres «ce qui entraîne une différence de qualification». 20 hommes O.S.2 font le comptage de pièces lourdes. Effort physique important (bacs à rouler) ; travail non sédentaire. 3 hommes P. 1 font le contrôle des matières premières à la réception. Ce travail «exige une qualification que les femmes n'ont pas». 20 hommes P. 1 ou P.2 font le contrôle après montage. Contrôle sur plans exigeant une qualification et de plus contrôle par prélèvements, c'est-àdire contrôle non sédentaire qu'on ne peut confier à des femmes (voir E 1 ). E3
Appareils de mesures et de contrôle. Pompes à injection pour moteurs Diesel.
35 femmes O.S.2 et 51 hommes dont 41 O.S.2 et 1 P.l font essentiellement le contrôle des appareils de mesure. Chacun est spécialisé sur un type d'appareil. Le travail est identique pour les hommes et les femmes. «La qualification de P.l représente une bonification d'ancienneté donnée aux hommes seulement».
Contrôle
267
38 hommes font les contrôles demandant une qualification et des connaissances particulières. Parmi eux 6 P.3 font les contrôles accompagnés d'un réglage minutieux, en particulier le contrôle des prototypes. E1
Outillages à main. 8 hommes P. 1 font à l'aide de calibres et de palmers le contrôle par prélèvement des pièces venant de l'usinage. «Les femmes ne sauraient pas se servir de palmers». 16 femmes O.S.l font la vérification visuelle en même temps que la mise en boîte des pièces terminées. Travail simple. «Dextérité et rapidité des femmes dans ces travaux monotones».
E5
Robinetterie industrielle. 7 femmes O.S.l font à l'aide de jauges et de calibres des travaux de contrôle simples. 8 hommes P.2 font les contrôles impliquant l'usage d'instruments de mesure. De plus ces contrôles se font par prélèvements dans des ateliers («contrôles volants») et ne sont pas sédentaires.
E•
Tarauds et filières. 2 hommes P. 1 font des contrôles par prélèvements. Travail qualifié car les tolérances sont très précises. Travail «exigeant des connaissances que les femmes n'ont pas». Pas de femmes au contrôle.
E7
Montage de machines à tricoter. 4 femmes O.S.2 contrôlent le fonctionnement des machines sortant des lignes de fabrication. «Utilisation des compétences féminines en matière de tricot». Pas d'hommes au contrôle.
E'bis Petits outillages. 5 femmes (jeunes de moins de 18 ans) effectuent de simples opérations de tri sur aspect. «Travail extrêmement simple». Pas d'hommes au contrôle. E*
Aimants. 6 femmes O.S.l font un simple contrôle d'aspect et un comptage; 7 femmes O.S.2 font à l'aide de fluxmètres le contrôle magnétique des aimants. «Travail simple et monotone». Pas d'hommes au contrôle.
E10
Appareils de sécurité et de régulation pour chauffage au gaz. 5 femmes O.S.2, à l'aide de manomètres à niveau, font le contrôle des appareils à usage domestique.
268
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon 3 hommes dont 2 O.S.2 et 1 P.l font le contrôle des appareils industriels plus lourds à manipuler.
E11
Mandrins pour perceuses. 3 femmes O.S.l font le contrôle visuel et l'emballage des pièces dans des cartons. Pas d'hommes au contrôle.
11
Travail àfaçon de transformation de métaux en feuille (filtres à air, boîtiers d'aspirateurs, etc.). 2 femmes O.S.l font les contrôles d'étanchéité (travail dans l'eau après branchement sur air comprimé). «Rapidité des femmes sur ces travaux; résistance à la monotonie; conscience professionnelle». Pas d'hommes au contrôle.
12
Emballages métalliques. Corps de condensateurs, de compteurs, etc. 41 femmes O.S. 1 font les contrôles de dimensions à l'aide de jauges ou de gabarits. «Fabrications en très grandes séries. Travail simple et monotone». Pas d'hommes au contrôle.
I'
Découpage et emboutissage (boites, tubes, etc.). 8 femmes O.S.l font des travaux très simples de contrôle (vérifier si les couvercles de boîtes à dentifrice s'adaptent convenablement). Rapidité des femmes sur ces travaux monotones «que des hommes ne feraient pas». Pas d'hommes au contrôle.
J2
Pièces détachées en acier dur pour l'aviation. 3 femmes O.S. 1 «ébauchent» à l'aide de gabarits le contrôle des pièces qu'elles passent ensuite à un contrôleur P.2 qui effectue les opérations qualifiées.
J3
Petite mécanique à façon. 20 femmes O.S.l travaillent à des opérations de contrôle visuel ou à l'aide de gabarits alternées avec de petits montages. «Rapidité des femmes sur ce genre de postes». 2 hommes techniciens font les contrôles «exigeant un bagage scolaire que les femmes n'ont pas».
J
4
Petit outillage coupant et mécanique de précision. 3 hommes et 7 femmes O.S.l font les contrôles simples à l'aide de jauges ou de palmers. Le travail est identique mais les séries les plus importantes sont confiées aux femmes. 3 hommes P.2 font les contrôles sur plans exigeant une qualification.
Contrôle J5
269
Pièces détachées pour la radio-électricité.
3 femmes O.S.l font des contrôles d'aspect, des comptages et quelques contrôles techniques (essai des douilles, par exemple). «Travail simple et monotone effectué en très grandes séries». Pas d'hommes au contrôle. J7
Pièces décolletées en acier pour automobile et aviation.
1 homme P.3 assure un «contrôle volant» par prélèvements dans les ateliers. Pas de femmes au contrôle. J10
Matriçage et décolletage de boulons.
3 femmes O.S.l assurent à l'aide de calibres et de jauges des contrôles de dimensions en même temps que le contrôle visuel et le comptage. Travail en très grandes séries. «Rapidité des femmes; résistance à la monotonie». Pas d'hommes au contrôle. K1
Ressorts à f i l ou plats de dimensions variables.
5 femmes O.S.2 et 2 hommes O.S.2 font le contrôle et le réglage des ressorts courants. Travail identique mais les hommes travaillent sur les ressorts plus gros. 1 homme P.2 fait les contrôles plus précis sur ressorts spéciaux. K2
Instruments de mesures linéaires.
3 femmes O.S. 1 contrôlent la longueur des mètres (étalon avec cadran). «Travail simple et monotone en très grandes séries». Pas d'hommes au contrôle. K8
Ressorts plats et à boudins.
1 femme O.S.l contrôle à l'aide d'un élastomètre l'élasticité des ressorts. Travail simple (trier les ressorts d'après la position de l'aiguille sur un cadran, à droite ou à gauche d'un repère). Pas d'hommes au contrôle. L3
Travail àfaçon des métaux enfeuille ( bidons, casques, réservoirs, etc.).
9 femmes O.M.2 font, suivant les articles fabriqués, des contrôles d'aspect et d'étanchéité. «Travail simple». Pas d'hommes au contrôle. L4
Boîtes et emballages métalliques.
5 femmes O.S.l font le contrôle visuel des couvercles caoutchoutés après passage au four. «Rapidité, dextérité, résistance à la monotonie». Pas d'hommes au contrôle. M1
Fermetures à glissière.
16 femmes O.S.l font le contrôle visuel des fermetures et font fonctionner
270
Répartition des hommes et des femmes de V échantillon chacune d'elles à plusieurs reprises. «Travail très simple et très routinier dont les femmes se contentent». Pas d'hommes au contrôle.
M6
Fermetures éclair. 8 femmes O.S.l font le contrôle et l'empaquetage des fermetures. Pas d'hommes au contrôle.
M7
Porte-plume réservoirs. 11 femmes O.S.l font les vérifications en cours de montage des stylos, 6 femmes O.M.2 font la vérification extérieure d'aspect du stylo terminé. «Travail simple; petites pièces. Les femmes sont consciencieuses dans ce genre de travail». Pas d'hommes au contrôle.
M*
Fermetures à glissière. 8 femmes O.S.l font le contrôle des fermetures (contrôle d'aspect et de fonctionnement). «Il ne viendrait pas à l'esprit d'employer des hommes à ce travail». Pas d'hommes au contrôle.
01
Freins pour autos. Lanceurs de démarreurs. 45 femmes et 12 hommes O.S.2 font le contrôle de dureté au billage, sur machines Wickers. «Travail simple et monotone; les hommes sont des diminués physiques. Les femmes sont plus rapides». 67 femmes O.S.l A et 103 hommes O.S. 1B font le contrôle des freins. Les hommes sont des diminués physiques. O n leur confie cependant les contrôles les plus lourds (remarquer la différence de qualification). Le chef du personnel qualifie cet atelier de «dépotoir des malades». «Travail simple». 2 femmes O.S.2 A et 10 hommes O.S.2 A font le tri des freins avant et des freins arrière et les marquent de peinture de couleur différente. «Poste simple qui exige de la conscience professionnelle. Les hommes sont des diminués physiques».
02
Carburateurs pour véhicules automobiles. 49 hommes dont 38 P.2 et 11 P. 1 font la mise au point des carburateurs livrés à la clientèle. «Service hors atelier qu'on ne peut confier à des femmes et qui exige une qualification que les femmes n'ont pas». Pas de femmes au contrôle.
03
Accessoires électriques pour autos. Petits appareils ménagers. Matériel mécanique de précision. 33 femmes dont 13 O.S.l et 20 O.S.2 font les petits travaux de contrôle
Contrôle
271
soit à la réception, pour les pièces usinées à l'extérieur, soit en cours de fabrication. Il s'agit de contrôles visuels ou de contrôles simples à l'aide de jauges ou de gabarits. 2 femmes et 8 hommes P. 1 font les contrôles plus compliqués et en particulier les contrôles au palmer. L'emploi des femmes sur ce poste «tient aux hasards de l'embauche, la maison trouvant très difficilement du personnel». O
4
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en particulier).
14 femmes O.S. 1 font le contrôle de fonctionnement des appareils terminés. Travail simple (noter cependant le caractère pénible du travail de certaines femmes qui, enfermées dans des cabines, font le contrôle du son des klaxons). 2 hommes O.S.2 et 5 femmes O.S.l font des travaux de comptage. Une qualification supérieure est attribuée aux hommes qui sont chargés de la tenue des fiches de comptage pour leur travail et pour celui des femmes. O *
Amortisseurs.
10 hommes O.S.2 et 36 femmes O.S.l font, à l'aide de jauges, de calibres et de comparateurs, les contrôles en cours de fabrication et les contrôles finaux. Le travail est identique mais les hommes font les pièces les plus lourdes et de plus grandes dimensions (remarquer la différence de qualification). 07
Soupapes pour autos, motos, avions, marine.
20 femmes O.M. font, à l'aide de calibres, les contrôles très simples. 1 homme P. 1 fait, à l'aide d'appareils de mesure divers, le contrôle par prélèvements en cours de fabrication (contrôle «volant» impliquant des déplacements dans les ateliers). 08
Valves pour pneumatiques et contrôleurs de pression.
40 femmes O.S.l font, à l'aide de calibres, des contrôles très simples ou des contrôles d'étanchéité. Pas d'hommes au contrôle. Os
Bougies d'allumage pour moteurs à explosion.
35 femmes O.S.l font, en cours de fabrication, des contrôles d'étanchéité et de fonctionnement; 10 femmes O.S.2 font le contrôle final. La qualification d'O.S.2 pour le contrôle final tient compte de la responsabilité que comporte le poste. «Travaux simples et monotones sur lesquels les femmes sont consciencieuses». Pas d'hommes au contrôle.
272
Répartition des hommes et des femmes de Véchantillon
010
Bougies pour automobile et aviation. Essuie-glaces spéciaux. 3 femmes O.S.2 font le contrôle d'étanchéité et de résistance électrique des porcelaines. «Travail simple». Pas d'hommes au contrôle.
011
Segments de pistons pour Vautomobile et l'aviation. 22 femmes O.S.2 font, après chaque opération d'usinage, la vérification des cotes et de l'aspect des segments. «Travail simple et monotone». Pas d'hommes au contrôle.
012
Pistons, chemises et segments pour automobile. 9 femmes O.S.l font, à l'aide de calibres, les contrôles de séries. «Travail facile exigeant un effort limité». 1 homme P.3 procède par prélèvements à la vérification du travail des contrôleuses.
P1
Construction de cycles et motocycles. 4 hommes O.S.2 contrôlent la marche des moteurs. «Poste exigeant des capacités mécaniques». Pas de femmes au contrôle.
R1
Lampes électriques pour automobiles. 134 femmes O.S.2 travaillent au contrôle dont 89 sont réparties sur les chaînes (contrôle des pieds, redresseuses, régleuses, contrôleuses de fin de chaînes). Les autres travaillent hors chaîne (contrôle des matières premières, contrôle des filaments, super-contrôle des lampes terminées, etc.). «Travail simple demandant une attention soutenue et une grande dextérité. Les jeunes filles y réussissent bien». Pas d'hommes au contrôle.
R2
Lampes de T.S.F. 17 jeunes filles de moins de 18 ans travaillent au tri et au contrôle des cathodes («Travail simple demandant une grande dextérité pour manier les filaments»); 31 O.S.2 font d'autre part sur des tables de contrôle l'élimination des lampes qui ne correspondent pas aux normes. Ce travail exige de la rapidité et «il comporte des responsabilités que les femmes assument bien». Pas d'hommes au contrôle.
R3
Lampes électriques et réglettes fluorescentes. 2 femmes O.S.2 font le contrôle des filaments après décapage. C'est un «poste de confiance» demandant beaucoup de soin en même temps que des qualités de rapidité. Pas d'hommes au contrôle.
Contrôle
273
51
Montage d'appareils récepteurs de radio et télévision. 15 femmes O.S.l et 15 hommes O.S.2 font le contrôle à la réception des pièces fabriquées au dehors. Les femmes font de simples travaux de comptage, les hommes font les contrôles par prélèvements comportant des mesures électriques «que des femmes ne connaissent pas». Dans le secteur fabrication on ne trouve que des hommes au contrôle. 3 hommes O.S.l contrôlent les sertissages faits par les femmes. «Les femmes pourraient le faire mais c'est une habitude à la maison d'y mettre des hommes». 8 hommes O.S.2 contrôlent les transformateurs montés par les femmes. «Il faut savoir lire les mesures électriques. O n y emploie des jeunes gens sortant de petites écoles d'électricité mais ayant échoué au C.A.P.». 98 hommes O.S.2 font le réglage des postes de radio qui viennent d'être montés par les femmes. 25 hommes P.l examinent les postes déclarés défectueux au contrôle et font une fiche pour la réparation.
52
Radio-télévision. 29 hommes O.S.l font le contrôle visuel et le comptage à l'arrivée des pièces fabriquées à l'extérieur. «Travail nécessitant parfois un effort physique». 38 hommes O.S.2 font le contrôle en cours de fabrication. Travail nécessitant la lecture de mesures électriques. «On y emploie des jeunes gens sortant de l'école, embauchés comme O.S.2 et qui deviennent rapidement des mensuels». Pas de femmes au contrôle.
S3
Haut-parleurs. Petits appareils électro-ménagers. 1 femme O.S.2 fait le contrôle de la marche des moteurs de moulins à café (contrôle du bruit). «Travail simple mais demandant une bonne conscience professionnelle». 1 homme O.S.2 fait en fin de chaîne le contrôle et le réglage des hautparleurs. «Travail demandant de la compréhension électrique».
S4
Constructions radio-électriques. 186 femmes, dont 178 O.S.2 et 8 P. 1, et 85 hommes dont 60 O.S.2 et 25 P. 1 travaillent au contrôle sur chaîne ou hors chaîne. Les O.S.2 font le contrôle électrique, le contrôle de présentation, de musicalité. Les P.l font le contrôle mécanique. 16 hommes P.2 assurent la direction des opérations de contrôle.
T1
Matériel téléphonique. Appareils de mesures électriques. 35 femmes et 15 hommes O.S.2 effectuent des contrôles d'après schémas
274
Répartition des hommes et des femmes de V échantillon ou cartes de contrôle des appareils après montage. «Travail exigeant d u soin et le sens des responsabilités». Les hommes sont d'anciens ouvriers de production.
T2
Fils et câbles électriques. 4 femmes O.S.2 font le contrôle de la capacité électrique des câbles téléphoniques. Pour les câbles de haute tension on trouve au contrôle 8 femmes et 15 hommes O.S.2. Les femmes sont sur les postes demandant un effort physique moins intense. Les hommes font les contrôles demandant de grosses manutentions ou des essais dans l'eau. 4 femmes et 2 hommes O.S.2 font du «contrôle volant» par prélèvements dans les ateliers (c'est le seul cas où nous ayons rencontré des femmes occupées à un contrôle non sédentaire). «On ne trouve pas d'hommes car les salaires sont très bas dans l'entreprise».
T3
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs. 20 hommes dont 5 O.S.2 et 15 P.l et 18 femmes dont 11 O.S.2 et 7 P.l travaillent à des opérations diverses de contrôle. Les différences de qualification sont liées à des différences dans la difficulté du travail. O n embauche indifféremment des hommes et des femmes suivant leurs capacités. «On trouve dans l'ensemble peu de femmes capables de faire les travaux de P . l » .
T4
Petits appareils électro-ménagers. 50 femmes O.S.l travaillent au contrôle; 15 font le contrôle et l'équilibrage des bobines hors chaîne. Les autres travaillent sur chaîne à des travaux simples de vérification en cours de montage. Pas d'hommes au contrôle.
T6
Accumulateurs. Condensateurs. Sur 41 femmes O.S.2 au contrôle, 17 font des travaux de réglage sur banc d'essai (réglage de l'alignement des noyaux d'après un oeil magique) ; les autres font des contrôles visuels. Ces postes sont considérés comme des postes de retraite pour d'anciennes ouvrières monteuses. Pas d'hommes au contrôle.
T *
Relais électriques et électroniques. 2 femmes O.S.2 font, à l'aide d'appareils de mesures électriques, le contrôle de la résistance des isolants. Ce poste était confié à l'origine à des hommes. «Le manque de main-d'oeuvre a nécessité le recours aux femmes». 18 hommes dont 14 O.S.2 et 4 P.l font la vérification et le réglage des relais. «Connaissances électriques nécessaires».
Contrôle T7bis
275
Oeillets métalliques et pièces détachées pour radio, télévision, électronique, etc.
33 femmes O.S.l font le tri et le conditionnement des oeillets. «Travail fastidieux; manipulation de très petits objets». Pas d'hommes au contrôle. T8
Condensateurs.
10 femmes O.S.l font de petits travaux simples de contrôle électrique (mise en connexion pour vérification de charge). «Travail simple avec exigences de rapidité qui convient particulièrement aux femmes». Pas d'hommes au contrôle. T10
Transformateurs, transformateurs.
redresseurs de courant, construction d'ensembles incluant des
1 femme O.S.2 fait des contrôles; «simple lecture d'appareils». Pas d'hommes au contrôle. T11
Lampes de radio. Lampes spéciales pour radars. Tubes électroniques.
44 hommes et 30 femmes O.S.2 travaillent au contrôle. Les femmes font le contrôle des tubes, les hommes font le contrôle sur écran «qui exige moins de manipulations»; 2 hommes P. 1 font les contrôles les plus délicats. Tla
Téléphones. Relais.
177 femmes O.S.2 font les contrôles de série; 52 hommes P.l font les contrôles plus délicats. «On a remarqué la conscience professionnelle et le rendement des femmes dans les contrôles répétitifs». U1
Machines de bureau.
69 femmes O.S.l vérifient le fonctionnement des appareils. «Contrôle simple, presque mécanique, à l'aide de voyants lumineux». 58 hommes P. 1 font en même temps que le contrôle le réglage des appareils. Ce sont des jeunes qui viennent de terminer des études d'électricité et qui seront agents techniques. U2
Petits roulements à billes.
139 femmes O.S.l travaillent à des opérations de contrôle en cours de fabrication à l'aide d'appareils divers; 127 femmes O.S.l travaillent au contrôle final. Travaux assez différents suivant le type d'appareil utilisé. On utilise de nombreux appareils de contrôle avec signalisation lumineuse. «Travaux simples. Postes féminins à cause de la monotonie et de l'importance pour le rendement de la rapidité gestuelle». Pas d'hommes au contrôle. U
8
Roulements à rouleaux coniques.
141 O.S.l femmes travaillent à des postes de contrôle très divers: contrôle d'aspect sous loupe, contrôle de cotes à l'aide d'appareils à niveau de
276
Répartition des hommes et des femmes de Véchantillon liquide ou à cadrans. «Travail monotone qui ne serait pas accepté par les hommes et qui exige de plus une grande rapidité gestuelle». 7 femmes O.S.2 font avec les mêmes appareils des contrôles plus fins que les précédents dans le secteur de haute précision. «Elles sont sélectionnées parmi les précédentes et resteront O.S.2». 39 hommes dont 29 P.2, 6 P.l et 4 O.S.2 font des contrôles plus rigoureux que ceux des femmes, exigeant des «connaissances mécaniques» et utilisant des appareils de mesure plus compliqués. Ils sont formés dans la maison et les 4 O.S.2 sont destinés à devenir professionnels. «Ce serait peine perdue d'essayer de former des femmes pour ces postes. Les femmes ne sont pas douées pour la mécanique et ne peuvent pas utiliser certains appareils de mesure».
U4
Compteurs à gaz et compteurs électriques. 8 femmes O.S.2 travaillent au contrôle des pièces venant de l'usinage, essentiellement tâches de comptage et de contrôle visuel. «Travail simple mais demandant un personnel consciencieux». 9 femmes O.S.l travaillent sur la chaîne de montage des compteurs électriques à de petits travaux de vérification, notamment à celle des pointes et pivots. 11 femmes O.S.2 font l'étalonnage des compteurs électriques. Travail long et minutieux effectué sur 20 compteurs à la fois. «On employait autrefois des hommes. Les femmes donnent toute satisfaction et leur emploi a permis de baisser la qualification du poste (de P.l à O.S.2)». 3 hommes O.S.l font le démontage des compteurs pour réparation. «Ce travail ne peut pas être fait par des femmes car il faut connaître le numéro des pièces (les vis par exemple) pour les reclasser après démontage».
U6
Volants magnétiques. Appareils d'allumage des moteurs. Eclairage pour cycles et motocycles. 10 femmes O.S.2 font le contrôle électrique des bobines; 10 autres femmes O.S.2 font, à l'aide d'appareils à voyants lumineux, le contrôle de l'appareillage électrique des volants magnétiques. «Effort physique peu important; travaux simples nécessitant seulement conscience professionnelle et rapidité gestuelle». 5 hommes O.S.2 font le contrôle des volants terminés. «Travail nécessitant un effort physique plus important».
U'
Machines à écrire. 8 femmes O.S.2 font le contrôle pièce par pièce (contrôle visuel ou à l'aide de gabarits) pour certaines parties de la machine. «Travail facile et monotone». 5 hommes P.3 font le «contrôle volant» à l'usinage, par prélèvements sur
Tournage-Dêcolletage
277
les fabrications. Travail qualifié, «absolument différent de celui des femmes et s'exerçant dans des conditions très différentes» (circulation dans les ateliers). U7
Volucompteurs pour appareils distributeurs d'essence.
2 femmes O.S.2 montent les compteurs terminés sur un dispositif qui les fait fonctionner et vérifient ce fonctionnement. «Travail simple nécessitant de la patience (séries continues) et une bonne conscience professionnelle». Pas d'hommes au contrôle. U8
Compteurs pour motos et autos. Appareils de contrôle.
15 femmes O.S. 1 font des contrôles très simples (visuels ou à l'aide d'appareils simples) des pièces usinées avant montage. «Travail simple demandant surtout une rapidité gestuelle». Pas d'hommes au contrôle. U'
Appareils de mesure depyrométrie.
8 femmes O.S.2 font une simple vérification du fonctionnement des appareils et notamment des déplacements de l'aiguille sur le cadran. «Travail simple exigeant du soin, une bonne vue, et de la dextérité». 3 hommes P. 1 font, à l'aide d'appareils de mesures électriques «que n'utilisent pas les femmes», le contrôle et le réglage des galvanomètres. 2 hommes techniciens, payés au mois, font les contrôles d'appareils hors série «demandant une qualification supérieure». U10
Compteurs à gaz-
4 femmes O.S.2 travaillent au contrôle, l'une vérifie les pièces sortant de la peinture, les 3 autres vérifient le fonctionnement des compteurs après les avoir branchés sur un gazomètre. «Travail simple, demandant du soin et un certain sens de l'organisation du travail. On y a toujours employé des femmes». Pas d'hommes au contrôle. U11
Matériel dentaire.
2 femmes O.M.2 font, à l'aide de calibres, le contrôle d'aspect et de cotes entre toutes les opérations d'usinage. «Travail facile et sédentaire. Les femmes le font bien». Pas d'hommes au contrôle. TOURNAGE C2
DÉCOLLETAGE
Fonderie de pièces pour automobiles, camions, tracteurs.
8 hommes P. 1 travaillent sur tours automatiques. Travail lourd et souvent
278
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon pénible. «De plus tout l'atelier d'usinage est masculin et on tient à son homogénéité». Pas de femmes sur ces postes.
D1
Turbines, ventilateurs, compresseurs, turboréacteurs. 895 hommes travaillent sur tours de toutes sortes (263 P.3, 359 P.2 et 273 P . l ) . Us ont tous le C.A.P., travaillent sur cotes et font le montage et le réglage de leurs outils. O n les emploie en équipes alternées. «Les femmes n'ont pas une telle qualification mais il est indiscutable que certaines femmes seraient capables de faire ces travaux si elles apprenaient». Pas de femmes sur ces postes.
E1
Pompes à injection Diesel. Dynamos. Démarreurs. 39 hommes dont 38 O.S.2 et 1 P.l et 1 femme O.S.2 travaillent sur tours automatiques. Ce sont de très gros tours sur lesquels les O.S. font équipe avec un régleur (1 régleur pour 6 tours). La femme qui est dans cette équipe a demandé à travailler sur gros tours. «C'est un phénomène».
E2
Embrayages pour avions et automobiles. 82 hommes P.2, 25 hommes P.l et 25 hommes O.S.3 travaillent sur tours, les uns à l'usinage du ferodo pour le revêtement des embrayages, les autres sur tours automatiques ou semi-automatiques, à la fabrication des embrayages. Tous ces travaux demandent un effort physique et exigent une qualification que les femmes n'ont pas. Les P.l et les P.2 travaillent sur plans et font le montage et le réglage de leurs outils. Pas de femmes sur ces postes.
E3
Appareils de mesure et de contrôle. Pompes à injection pour moteurs Diesel. 25 femmes O.S.2 et 114 hommes dont 8 P.3, 42 P.2, 22 P.l et 42 O.S.2 travaillent sur tours à décolleter. Les professionnels font le réglage de leurs machines et font les séries les plus délicates. Les O.S.2 hommes apprennent le montage et le réglage des outils et deviendront P . l . Les O.S.2 femmes ne l'apprennent pas et resteront O.S.2. En principe on recherche des hommes sur ces postes «mais par manque de main-d'oeuvre masculine on prend des femmes qui d'ailleurs donnent de meilleurs rendements».
E4
Outillages à main. 12 hommes P.2 travaillent sur tours parallèles et 12 hommes P.l sur tours automatiques. Ils font le montage et le réglage de leurs outils. «Travail qualifié». Pas de femmes sur ces postes.
E6bis
Tournage et décolletage à façon. 16 hommes dont 6 P.2 et 10 P.l travaillent sur tours automatiques.
Tournage-Décolletage
279
11 femmes dont 3 P.l, 7 O.S.2 et 1 O.S.l font du décolletage sur tours à barres; travail moins qualifié. «On ne devient pas tourneur par promotion, or il n'y a pas de C.A.P. pour les femmes qui n'ont guère de goût pour ce genre de travail. Elles sont plus volontiers décolleteuses». E•
Tarauds et filières. 12 hommes dont 1 P.3 font sur tours divers (tours à tronçonner, tours universels, tours automatiques ou semi-automatiques) des travaux de difficultés inégales. «On n'utilise pas les femmes sur tours sauf à la reprise à cause de l'effort physique à fournir et de la qualification requise».
E7
Machines à tricoter. 1 femme O.S.2 travaillant sur tour revolver assure la fabrication de petites pièces en grandes séries. Travail simple. 2 hommes P. 2 travaillant sur tours parallèles assurent la fabrication en petites séries de certaines pièces spéciales. «Travail sur plans donc travail qualifié».
E10
Appareils de sécurité et de régulation pour chauffage au gaz. 2 hommes P. 1 assurent, en petites séries, la fabrication de pièces non soustraitées à l'extérieur. «Travail fait en trop petites séries pour que l'emploi des femmes s'impose».
giobis Décolletage et petite mécanique. 4 hommes et 3 femmes P.l travaillent sur tours semi-automatiques. Le travail est le même mais les femmes sont sur des machines plus petites et font les séries les plus importantes. 2 hommes P.3 et 4 femmes P.l travaillent au décolletage sur machines semi-automatiques. Les qualifications diffèrent essentiellement parce que les femmes ne font ni l'affûtage ni le montage de leurs outils. «Elles pourraient apprendre à le faire mais c'est défendu». O n nous fait remarquer que les femmes vont plus vite sur les longues séries, qu'elles «attrapent le rythme mieux que les hommes et que malgré les différences de salaires elles arrivent à gagner autant que les hommes». 13 hommes P.3 travaillent sur des tours automatiques. «Ce sont des machines modernes qu'on ne pourrait pas confier à des femmes et pour lesquelles il faut une qualification qu'elles n'ont pas». I1
Travail à façon de transformation de métaux en feuilles (filtres à air, boîtiers d'aspirateurs, etc.). 4 femmes O.S.2 travaillent au décolletage sur tours revolvers à barres. Elles ne font ni le montage ni le réglage de leurs outils mais sont cependant chargées du contrôle de leurs fabrications. «Travail demandant de la rapidité et une bonne résistance à la monotonie».
28o
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon 9 hommes P.2 travaillent soit sur tours parallèles soit sur tours à repousser. «Travail demandant un effort physique et une qualification, d'autant plus qu'ils assurent l'entretien de leur outillage».
13
Découpage et emboutissage à façon. 4 hommes O.S.2 font l'usinage des outils pour les presses. Ils travaillent sur des tours anciens. «C'est un travail assez lourd qu'on ne peut confier à des femmes». Pas de femmes sur ces postes.
17
Découpage et emboutissage (boîtes, tubes, etc.). 1 homme P. 1 fait le tournage des pièces entrant dans les fabrications. Il règle lui-même son tour. «Travaux trop variés pour qu'on songe à y employer des femmes». Pas de femmes sur ces postes.
J1
Décolletage et matriçage de robinetterie. 8 hommes P. 1 et 3 femmes P. 1 travaillent sur tours semi-automatiques à barres. Les hommes font les plus grosses pièces (barres de plus de 25 mm). Les femmes sont «de bonnes ouvrières venant de la reprise mais elles se font rares ; les jeunes ne s'y intéressent plus». 2 hommes P.2 travaillent sur tours automatiques. «Ils règlent leurs tours et travaillent dans l'huile».
J2
Pièces détachées en acier dur pour l'aviation. 4 hommes O.S.l travaillent sur tours à tronçonner. «C'est un travail pénible fait par des jeunes mal payés». Pas de femmes sur ces postes.
J3
Petite mécanique à façon. 20 femmes O.S.l font des travaux simples sur petits tours automatiques; «les femmes atteignent beaucoup plus vite que les hommes les cadences car elles savent économiser et synchroniser leurs mouvements. Le travail dans l'huile ne les gêne pas». 4 femmes O.S.2 et 10 hommes P.2 font du décolletage sur tours semiautomatiques. Les femmes font le même travail que les hommes sauf le réglage et le montage des outils. U n dispositif de butée arrête le travail de l'outil sans qu'elles aient à apprécier elles-mêmes. «Il ne peut pas être question de donner aux femmes une qualification supérieure car elles manquent toujours de capacités techniques. Elles ne savent pas ce qu'est un 100 e ».
J
4
Petit outillage coupant et mécanique de précision. 4 femmes O.S.l travaillent sur tours semi-automatiques à des fabrications de grandes séries. Elles ne font ni montage ni réglage des outils. «Travail
Tournage-Décolletage
281
simple qui demande surtout de la rapidité et s'apprend en 15 jours». 8 hommes P.2 travaillant sur tours parallèles font le montage et le réglage des outils ; «séries courtes, travail qualifié d'après dessins». J5
Pièces détachées pour la radio-électricité.
2 hommes travaillent sur tours. «Travail sur cotes pour lequel il faut une bonne qualification». Pas de femmes sur ces postes. J6
Pièces décolletées en acier pour automobile et aviation.
3 hommes P.3 font du décolletage sur tours automatiques. «Travail très qualifié». Pas de femmes sur ces postes. 8
J
Décolletage. Mécanique générale.
12 femmes dont 4 O.S.l et 8 O.S.2, 8 hommes dont 2 O.S.2 et 6 O.S.l travaillent au décolletage. Les O.S.l hommes et femmes ne savent pas monter leur outillage ni régler leur tour. Les O.S.2 femmes font des travaux «demandant de la précision et de l'habileté». Elles travaillent sur des tours moins importants et sur des séries plus longues que celles qui sont confiées aux O.S.2 hommes. 2 hommes P.3 travaillent sur tours parallèles. «Ce sont des jeunes ayant leur C.A.P. et à qui on a donné une formation supplémentaire dans la maison». J '
Boulons spéciaux.
9 hommes et 1 femme O.S.2 travaillent sur tours semi-automatiques. «La femme est une bonne ouvrière employée auparavant au filetage». J11
Décolletage à façon.
2 femmes et 4 hommes P. 1 travaillent sur tours à barres. Les femmes sont sur les plus petits tours (moins de 22 mm) pour lesquels elles sont plus rapides. Les uns et les autres savent monter leur tour et préparer le passage du régleur. 3 femmes O.S.2 font le même travail que les P. 1 mais ne savent pas monter leur tour. «On tend de plus en plus à employer des O.S. avec régleurs plutôt que des professionnels ce qui permettra d'employer davantage de femmes au décolletage». K3
Ressorts en acier laminé.
5 hommes O.S.2 travaillent sur tours automatiques. «Travail sale demandant un effort physique important». Pas de femmes sur ce poste. L6
Lits et armoires métalliques.
5 hommes P.2 assurent la fabrication et la réparation des lits en cuivre.
282
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
«Survivance d'une fabrication ancienne assurée par des hommes». Pas de femmes sur ce poste. L7
Fabrique de lustres et d'éléments d'appareils domestiques.
3 hommes P.2 assurent le tournage de pièces particulières pour frigidaires et appareils de chauffage. «Travail qualifié en petites séries». Pas de femmes sur ce poste. M7
Porte-plume réservoirs.
22 femmes O.S.2 travaillent sur machines semi-automatiques à façonner les matières plastiques. «Travail pour lequel la main-d'oeuvre féminine s'impose car il s'agit d'aller vite en faisant un travail peu pénible, toujours le même». Pas d'hommes sur ces postes. 0
1
Freins pour autos. Lanceurs de démarreurs.
18 femmes et 23 hommes O.S.2 travaillent sur tours à la fabrication de leviers en très grandes séries. «Ce sont des machines très rapides qui requièrent une grande attention. Les femmes ont de meilleurs rendements mais certaines pièces sont trop lourdes pour elles. D'autre part, à cause de l'absentéisme féminin, on préfère employer des hommes sur certaines machines clés». 40 hommes O.S.2C travaillent à la fabrication des cylindres. «C'est un travail dur avec projections d'huile. D'autre part l'atelier d'usinage des cylindres est entièrement masculin». 39 hommes P. 1 travaillent sur tours multibroches automatiques à la fabrication des pièces de freins. «Ce sont d'énormes tours et des machines trop complexes pour être confiées à des femmes». 02
Carburateurs pour véhicules automobiles.
21 hommes O.S.2 travaillent sur tours semi-automatiques. «Travail lourd». Pas de femmes sur ces postes. O
4
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en particulier).
10 femmes O.S.2 travaillent sur tours semi-automatiques. «Il s'agit de petites pièces. Les femmes peuvent faire ce travail». Pas d'hommes sur ces postes. O '
Amortisseurs.
30 hommes P.2 travaillent sur tours parallèles. «Travail qualifié». Pas de femmes sur ces postes. O7
Soupapes pour autos, motos, avions, marine.
25 hommes P.2 travaillent sur tours parallèles à des séries spéciales pour l'aviation. «Travail qualifié».
Tournage-Décolletage
283
4 hommes O.S.2 travaillent sur tours à tronçonner. «Travail pénible». Pas de femmes sur ces postes. 010
Bougies pour automobiles et aviation. Essuie-glaces spéciaux.
17 femmes O.S.l et 3 hommes O.S.2 travaillent au décolletage. Les femmes ne font pas de réglage et travaillent sur les grandes séries. Les hommes font des réglages simples, travaillent sur les machines les plus grosses et font des séries moins importantes. 011
Segments et pistons pour l'automobile et l'aviation.
10 hommes O.S.2 travaillent sur tours automatiques. «Travail souvent lourd et sale». 6 hommes P.2 assurent, sur tours parallèles, les fabrications en petites séries de pièces spéciales. «Travail nécessitant une véritable qualification». Pas de femmes sur ces postes. 012
Pistons, chemises et segments pour automobiles.
4 hommes P. 1 travaillent sur tours. «L'entreprise est spécialisée dans les petites séries, non courantes. L'emploi des femmes ne serait pas indiqué». R2
Lampes de
T.S.F.
4 femmes P. 1 font sur de très petits tours le mandrainage de la cathode des lampes. «Travail très minutieux qui demande l'acquisition d'un coup de main et sur lequel les femmes réussissent particulièrement bien». 10 hommes O.S.2 travaillent sur tours de reprise. «Le travail pourrait être fait par des femmes mais l'atelier de mécanique est entièrement masculin. De plus il s'agit de jeunes gens qu'on formera pour leur donner la qualification de régleur». T1
Matériel téléphonique. Appareils de mesures électriques.
15 femmes O.S.2 travaillent sur tours semi-automatiques à des travaux de grandes séries. 8 hommes O.S.2 travaillent sur tours automatiques. «Travail debout comportant la surveillance de plusieurs tours». T3
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs.
11 hommes O.S.2 travaillent sur tours automatiques à décolleter. «Ces machines-là ne sont pas pour des femmes surtout à cause des projections d'huile». Pas de femmes sur ces postes. T6
Accumulateurs. Condensateurs.
1 homme O.S.2 travaille sur tour à décolleter. «Ce travail a toujours été confié à un homme».
284
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
T,bls
Oeillets métalliques et pièces détachées pour radio-télévision, électronique, etc. 3 hommes O.S.2 travaillent, sur tours automatiques à repousser, à la fabrication d'oeillets à partir de tubes. «Travail simple mais on ne peut le confier à des femmes à cause des projections d'huile».
T®
Moteurs électriques. 6 hommes P.l travaillent sur tours pour les petites séries. 3 hommes O.S.2 font les travaux de décolletage. «Dans l'un comme dans l'autre cas, ce sont des travaux trop lourds pour des femmes».
T10
Transformateurs, redresseurs de courant. Construction d'ensembles incluant des transformateurs. 2 P. 1 travaillent sur tours parallèles. Ils font l'entretien de leur outillage et sont capables de fabriquer de petites pièces à la commande. «C'est une qualification qu'on ne trouve que chez les hommes». Pas de femmes sur ces postes.
T12
Téléphones. Relais. 5 hommes O.S.2 travaillent sur tours automatiques à décolleter. Ils surveillent plusieurs machines à la fois. 13 femmes O.S.2 travaillent sur tours semi-automatiques. «Ce sont des machines sur lesquelles il est avantageux d'employer des femmes car la rapidité gestuelle compte davantage». (Les taux de base sont cependant différents).
U1
Machines de bureau. 34 hommes O.S.2 travaillent sur tours à décolleter automatiques. «C'est un travail en très grandes séries mais qui demande un certain effort physique et surtout un sens mécanique que les femmes n'ont pas». Pas de femmes sur ces postes.
U3
Petits roulements à billes. 84 hommes O.S.2 travaillent sur tours automatiques multibroches pour la fabrication des bagues de roulements. Enormes machines, travail debout avec projections d'huile. «Seuls des hommes peuvent faire ce travail». Pas de femmes sur ces postes.
U3
Roulements à rouleaux coniques. 18 hommes et 9 femmes O.S.2 font des travaux de décolletage sur de petits tours semi-automatiques. Ils ne font pas le réglage de leurs machines. Les femmes sont chargées des pièces les moins importantes au point de vue poids et dimensions. «Leur rapidité est remarquable». 14 hommes P.l travaillent sur tours automatiques ou semi-automatiques
Tournage-Dècolletage
285
et font le réglage de leur machine. Certains d'entre eux sont d'anciens O.S.2 «qu'on a fait monter». Les femmes restent toujours O.S.2. 16 hommes P.2 sont chargés des travaux de haute précision. U4
Compteurs à gaz et compteurs électriques.
29 hommes dont 26 P.2 et 3 P.l travaillent sur tour; les uns à la fabrication d'appareils spéciaux pour usines à gaz. Ils travaillent sur plans en petites séries. Les autres font le décolletage en grande série des pièces de compteurs: «De toute façon il n'y pas là de postes qu'on puisse confier à des femmes car ce sont des travaux qualifiés parfois très lourds». Pas de femmes sur ces postes. U6
Volants magnétiques. Appareils d'allumage des moteurs. Éclairage pour cycles et motocycles.
7 femmes O.S.l font du décolletage sur petits tours. Il s'agit de petites pièces et de séries continues. Elles ne font ni montage ni réglage des outils. «La rapidité est la raison essentielle de l'emploi des femmes sur ces postes». 12 hommes O.S.2 font des travaux plus lourds et savent monter leurs outils. U7
Volucompteurs pour appareils distributeurs d'essence.
13 femmes O.S.2 travaillent sur tours semi-automatiques à des séries continues. «Ce sont des travaux simples ne demandant pas de connaissances spéciales en mécanique et pour lesquels les salaires au rendement réussissent bien avec les femmes». 8 hommes O.S.2 travaillent également sur tours à des séries continues mais il s'agit de travaux lourds et pénibles «qu'on ne peut confier à des femmes». 12 hommes P.2 et 10 hommes P.l sont chargés de travaux plus qualifiés et portant sur des séries plus courtes. «Ils montent et règlent leurs outils». U9
Instruments de mesure de pyrométrie.
18 hommes dont 5 P.3, 3 P.2 et 10 P.l travaillent sur divers tours. «II s'agit de travaux qualifiés et fatigants, souvent en très petites séries». Pas de femmes sur ces postes. U11
Matériel
dentaire.
2 hommes et 3 femmes O.S.2 travaillent sur tours revolvers. «On embauche indifféremment des hommes et des femmes suivant les possibilités. Le travail est distribué entre les hommes et les femmes suivant les commandes, sans critère fixe». 2 hommes P.2 exécutent les pièces les plus délicates pour les commandes spéciales. «Ce sont des ouvriers qualifiés».
286
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
O P É R A T I O N S DE C1
REPRISE
Raccords defonte malléable et robinetterie industrielle.
87 hommes dont 67 O.S.2 et 20 O.S.l et 112 femmes dont 91 O.S.l et 21 O.S.2 effectuent sur machines des opérations de perçage et de taraudage. Les travaux sont les mêmes mais les femmes font les pièces les plus petites sur lesquelles elles sont plus rapides. Les O.S.2 hommes et femmes ont appris à faire de petits réglages de leur machine (remarquer que la proportion d'O.S.2 est beaucoup plus faible parmi les femmes). C2
Fonderie des pièces pour automobiles, camions, tracteurs.
49 hommes O.S.l font des travaux de perçage et 65 hommes O.S.2 travaillent surtout au taraudage. Les pièces travaillées sont en général lourdes. «Quelques travaux pourraient néanmoins être confiés à des ouvrières mais on évite d'embaucher des femmes car on tient à l'homogénéité de l'atelier». Pas de femmes à la reprise. C4
Fonderie d'alliages légers.
3 hommes O.S.2 et 3 femmes O.S.l sont employés au perçage et au fraisage. Les travaux sont identiques mais les pièces les plus lourdes sont confiées aux hommes (remarquer la différence de qualification). «Les femmes sont plus rapides sur les petites pièces». D1
Turbines, ventilateurs, compresseurs, turboréacteurs.
200 hommes O.S.2 et 80 femmes O.S.2 travaillent au perçage et au fraisage sur des machines automatiques ou semi-automatiques différentes suivant le travail à effectuer. On emploie les femmes sur les petites pièces, les ailettes en particulier pour lesquelles leur travail a plus de «fini». Le taux de base est le même mais, comme les salaires sont au rendement, certaines femmes particulièrement «acharnées» gagnent plus que les hommes. «C'est en grande partie pour cette raison que les femmes ont été groupées dans un atelier séparé». D2
Appareils en laiton pour gaz en bouteille.
34 hommes O.S.2 et 17 femmes O.S.2 sont occupés à des travaux de reprise sur des machines semi-automatiques. «On emploie les femmes sur les machines de moindre capacité et sur les pièces les plus petites pour lesquelles elles sont plus rapides». D3
Petits appareils de chauffage et de cuisine. Pièces détachées pour appareils à gaz.
8 femmes O.S.l font le perçage des tiges de braseurs. «Travail simple guidé par des butées». 3 hommes O.S.2 font le perçage et le taraudage des rampes de cuisinières.
Opérations de reprise
287
«Travail au jugé, un peu plus difficile» (remarquer la différence de qualification) . E1
Pompes à injection Diesel. Dynamos et démarreurs.
169 femmes O.S.2 et 280 hommes O.S.2 effectuent dans divers ateliers les opérations de perçage, de taraudage, de rectification, de reprise sur machines automatiques ou semi-automatiques. Les travaux les plus légers sont confiés aux femmes. On expérimente actuellement l'emploi d'anciennes couturières sur des travaux de rectification très délicats. Elles donnent toute satisfaction. Dans l'ensemble les femmes sont plus rapides sur les travaux légers (réduction des temps morts d'alimentation de la machine). «Dans certains ateliers cependant on engage sur ces postes des jeunes gens qui deviennent des professionnels». 39 hommes P.l font le même travail que les précédents mais ils font en plus le réglage de leur machine. «Ce sont d'anciens O.S.2. Les femmes restent toujours O.S.2». E2
Embrayages pour avions et automobiles.
20 femmes O.S.2 font tous les travaux de perçage sur les disques d'embrayage. 169 hommes O.S.3 font, sur les disques d'embrayage, toutes les autres opérations d'usinage qui sont en général plus lourdes (remarquer la différence de qualification). 50 hommes O.S.2 et 30 femmes O.S.2 font des travaux de sciage, perçage et cintrage du ferodo pour le revêtement des embrayages. Les travaux sont identiques mais l'emploi des femmes est limité à cause du poids de certaines pièces. «De plus il est nécessaire de conserver un certain volant de main-d'oeuvre masculine capable de faire à l'occasion des travaux de manutention». E3
Appareils de mesure et de contrôle. Pompes à injection pour moteurs Diesel.
33 femmes et 95 hommes O.S.2 font des opérations de reprise sur des machines d'âges divers. Les machines les plus anciennes où les temps morts sont plus importants, notamment au perçage, sont en général confiées aux femmes. En principe on recherche pour ces postes des hommes à qui on apprend le réglage et qui deviendront P. 1. «On prend des femmes par manque de main-d'oeuvre masculine et on constate d'ailleurs qu'elles ont de meilleurs rendements. Elles ne deviennent jamais P.l». 90 hommes dont 17 P.3, 38 P.2 et 35 P. 1 font des travaux du même ordre que les précédents mais ils font le montage des outils et le réglage de la machine. Les P.2 et les P.3 font les séries les plus délicates. Les P.l sont d'anciens O.S.2 formés dans la maison. Les femmes ne deviennent jamais P.l.
288
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
E4
Outillages à main. 5 femmes O.S.2 font des travaux de reprise de très grandes séries à l'aide de fraiseuses à main et de perceuses pneumatiques. «Les femmes ont, sur les petites pièces et les grandes séries, un rendement supérieur à celui des hommes». 84 hommes O.S.2 travaillent sur des groupes de machines automatiques de reprise (perceuses, fraiseuses, etc.) comportant des systèmes de transfert. L'alimentation de ces machines nécessite des manipulations lourdes. O n y emploie une main-d'oeuvre étrangère et surtout nord-africaine. «L'emploi des femmes n'augmenterait pas le rendement car l'alimentation ne met pas en jeu des qualités de rapidité gestuelle». 22 hommes P.2 travaillent sur d'autres machines automatiques de reprise. Ils assurent le réglage et le montage des outils, d'où leur qualification.
Ee
Robinetterie industrielle. 20 femmes et 29 hommes O.S.l ou O.S.2 suivant la difficulté du travail assurent la finition des pièces, après sortie des tours automatiques, à l'aide de tours revolvers, de petites fraiseuses et de perçeuses multibroches. «Les tâches sont réparties suivant l'effort physique qu'elles impliquent».
E6bis
Tournage et décolletage à façon. 36 femmes O.S.l font des travaux de perçage, de taraudage, de fraisage. «Ces travaux ne sont pas de nature à être exécutés par des hommes. Il y faut la délicatesse, la minutie et la rapidité féminines». 3 hommes O.S.2 travaillent surtout sur rectifieuses. Ils savent changer les meules et préparer le passage du régleur.
E*
Tarauds et filières. 5 femmes «petites O . S . l » et 5 hommes O.S.l travaillent au filetage. Les femmes font les petites pièces et les grandes séries. Les machines utilisées par les hommes sont plus récentes. «Ce sont des machines qui coûtent cher et qu'on ne peut confier à des femmes». 5 femmes et 5 hommes O.S.l travaillent au fraisage. Le travail est identique. O n confie aux femmes les petites pièces «sur lesquelles elles sont plus minutieuses et plus rapides». 8 femmes O.S.l et 20 hommes O.S.2 travaillent à la rectification. Les femmes font la rectification de centres ou de pointes, petits travaux «sur lesquels elles se lassent moins»; les hommes font la rectification de filets, travail plus difficile. Ils sont capables de faire le réglage et le montage de leur machine (remarquer la différence de qualification). 2 femmes O.S. 1 et 18 hommes P. 1 travaillent à l'affûtage. Les femmes font des petites pièces de grande série sur machines automatiques. Les hommes
Opérations de reprise
289
font les séries spéciales sur machines non-automatiques. Ils font le taillage des meules suivant le travail à accomplir. E"
Aimants. 6 hommes O.S.2 travaillent sur des rectifieuses automatiques à plateau circulaire. Il suffit d'alimenter et de décharger le plateau à mesure qu'il tourne. Le travail comporte aussi la surveillance des meules. «On utilise des hommes à cause de la responsabilité qu'implique cette surveillance et parce que ce travail ne met pas e n j e u des qualités féminines la machine n'ayant pas de temps mort». 14 hommes O.S.2 font des travaux de meulage sur des meules électriques. Travail sale et pénible; 12 Nord-Africains sur 14 ouvriers. Pas de femmes à la reprise.
E10
Appareils de sécurité et de régulation pour chauffage au gaz. 14 femmes et 2 hommes O.S.2 assurent les différentes opérations de reprise sur machines rotatives ou semi-automatiques. «Les femmes travaillent sur les petites pièces pour lesquelles elles sont plus rapides».
E10bis Décolletage et petite mécanique. 10 femmes P. 1 et 11 hommes dont 7 P.2 et 4 P. 1 font des travaux de perçage et de fraisage en petites séries. Les femmes et les hommes montent leurs outils. Les P.2 font l'affûtage. «Les femmes seraient capables de l'apprendre mais c'est défendu». E11
Mandrins pour perceuses. 17 femmes et 2 hommes O.S.2 travaillent sur fraiseuses, rectifieuses, tours revolvers. Les femmes sont en général sur les machines les plus petites exigeant un effort de serrage moins grand et font les plus petites pièces. «Dans ce cas leurs rendements sont supérieurs à ceux des hommes».
G3
Polissage, chromage, nickelage, émaillage à façon. 2 femmes O.S.l font du perçage de matière plastique car la maison s'est adjoint un petit atelier de moulage de matière plastique. «Travail simple et léger». Pas d'hommes à la reprise.
J1
Décolletage et matriçage de robinetterie. 30 femmes O.S. 1 effectuent sur des tours semi-automatiques des opérations de reprise des pièces décolletées. «Travail simple comportant une part d'opérations manuelles (alimentation de la machine) pour lesquelles les femmes sont plus habiles et plus rapides». 10 hommes O.S.2 font des opérations de reprise sur tours automatiques. «Opérations plus difficiles faites sur des pièces plus grosses et plus lourdes avec projections d'huile».
290
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
J2
Pièces détachées en acier dur pour l'aviation. 40 femmes O.S.l font sur des machines semi-automatiques des travaux de filetage ou de reprise. «C'est un travail peu pénible sur lequel elles sont adroites». 10 hommes O.S.2 font des travaux de rectification. «Travail plus fatigant car ils travaillent sur deux meules simultanément».
J3
Petite mécanique à façon. 30 femmes O.S.2 et 8 hommes O.S.3 font des opérations de reprise sur tours revolvers à main ou semi-automatiques. Les hommes font les petites séries et les travaux plus lourds. Sur les travaux légers et les longues séries, «les femmes arrivent à faire 1000 pièces à l'heure quand les hommes en font 500».
J4
Petit outillage coupant et mécanique de précision. 4 femmes O.S.l et 8 hommes O.S.3 travaillent a u fraisage. Les femmes font les petites pièces et les grandes séries. Les hommes font les petites séries et les pièces plus lourdes. Ils peuvent faire le réglage et le montage de leurs outils (remarquer la différence de qualification). 8 femmes O.S.l et 17 hommes O.S.2 travaillent sur des rectifieuses automatiques. Le travail est le même. Les femmes font cependant les pièces les plus petites «sur lesquelles elles ont plus de doigté» et les séries les plus longues. Elles font moins souvent les changements de meules (remarquer la différence de qualification).
Je
Pièces décolletées en acier pour automobile et aviation. 18 femmes O.S.l travaillent sur des tours automatiques de reprise. «Travail simple demandant rapidité d'exécution, précision et habileté manuelle». 6 femmes et 7 hommes O.S.2 travaillent à la reprise également mais sur machines semi-automatiques. Ils font aussi le contrôle de leur fabrication. «Les femmes font les plus longues séries et travaillent sur les pièces les plus petites».
J '
Décolletage pour la S.N.C.F. et l'aviation. 10 hommes O.S.2 font les opérations de reprise sur les pièces décolletées. «Il s'agit de pièces lourdes». Pas de femmes à la reprise.
J8
Décolletage. Mécanique générale. 7 femmes O.S.l et 1 homme O.S.2 travaillent à la reprise. L'homme fait les travaux plus lourds (remarquer la différence de qualification).
J*
Boulons spéciaux. 4 femmes O.S.l font le filetage des boulons sur machines à fileter semi-
Opérations de reprise
291
automatiques. «C'est un travail peu pénible et la boulonnerie est une industrie de la Loire où les femmes sont traditionnellement employées au filetage». J10
Matriçage et décolletage de boulons.
5 femmes O.S.l assurent sur fîleteuses et fraiseuses la reprise et la finition des boulons. Travail dans l'huile. Les femmes y réussissent «grâce à leur dextérité et à leur rapidité et parce qu'elles résistent mieux à la monotonie». Pas d'hommes à la reprise. J11
Décolletage à façon.
8 femmes O.S.l travaillent sur de petits tours de reprise, des perceuses et des fraiseuses. «Travail facile; les femmes y sont plus rapides». L'une des ouvrières a 70 ans. Pas d'hommes à la reprise. K
2
Instruments de mesures linéaires.
2 femmes O.S. 1 travaillent sur de petites perceuses sensitives à main au perçage des éléments des mètres. Travail simple «sur lequel les femmes sont rapides». 20 hommes dont 16 O.S.2, 2 P.2 et 2 P.l font les opérations de reprise sur les pièces plus lourdes. Les P.l et les P.2 font le réglage de leurs machines. K4
Charnières, poignées, pièces détachées pour instruments de musique.
6 femmes O.S.l travaillent sur fraiseuses et petites machines à percer. «Les femmes sont particulièrement rapides sur ces travaux. L'une d'elles fait 1000 trous en 30 minutes». Pas d'hommes à la reprise. K6
Voitures d'enfants. Landaux de poupées. Automobiles à pédales.
3 femmes O.S.l font tous les travaux de perçage. «Travaux quelquefois assez lourds mais on préfère avoir une équipe homogène». Pas d'hommes à la reprise. K7
Verrous et cadenas de sûreté.
8 femmes O.S.l travaillent au perçage et 3 femmes O.S.l surveillent et alimentent chacune 2 fraiseuses automatiques. «Travail simple sur lequel les femmes sont rapides». Pas d'hommes à la reprise. L3
Travail à façon des métaux en feuilles (bidons, casques, réservoirs, etc.).
15 hommes et 27 femmes O.S.l alternent des travaux de perçage avec des travaux de montage. Les femmes travaillent sur les pièces les plus légères.
292
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
L6
Lits et armoires métalliques. 9 femmes O.S.2 assurent le perçage et le taraudage des tubes et des tôles. Travail pénible et salissant fait sur des pièces huilées. «On trouve des femmes pour le faire». Pas d'hommes à la reprise.
L8
Tubes souples en plomb ou métal léger. 9 femmes O.S.l travaillent sur des tours à fileter les tubes. «Travail exigeant rapidité et habileté manuelle». Pas d'hommes à la reprise.
L9
Articles de ménage en aluminium. 6 femmes O.S.l travaillent au perçage ou à l'ébavurage suivant les besoins. «Travail simple et léger». Pas d'hommes à la reprise.
M8
Petites pièces détachées pour l'électricité et la radio-électricité. 1 femme O.S.2 est chargée des opérations de taraudage sur certaines pièces. Pas d'hommes à la reprise.
01
Freins pour autos. Lanceurs de démarreurs. 93 femmes et 70 hommes O.S.2 font en très grandes séries les travaux de rectification et de reprise sur les démarreuis. L'effort physique à fournir empêche de mettre des femmes sur certains postes. O n trouve cependant des hommes sur des postes qui pourraient être confiés à des femmes. Ce sont en général des Nord-Africains. 4 hommes et 12 femmes O.S.2B font, sur des rectifieuses ou des meuleuses, les travaux de reprise sur les pièces de freins sortant des tours Gridley. Les hommes travaillent sur les pièces les plus lourdes. «Les femmes vont plus vite sur les petites pièces». 40 hommes O.S.2 font les travaux de reprise (taraudage) sur les cylindres. «Travail lourd avec projections d'huile».
02
Carburateurs pour véhicules automobiles. 110 femmes O.S.l travaillent sur de petites machines à la reprise des petites pièces sortant des tours. «Travail simple exigeant surtout de la dextérité pour l'alimentation de la machine». 85 hommes O.S.2 et 23 femmes O.S.l font l'usinage des pièces venant de la fonderie de zinc (perçage, taraudage, etc.). Les pièces plus importantes sur lesquelles le travail demande un effort physique supérieur sont confiées aux hommes (remarquer la différence de qualification). 9 hommes O.S.2 et 1 homme P.l font l'usinage des pièces de bronze coulées au sable. «Travail dur qui ne peut être confié à des femmes».
Opérations de reprise O4
293
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en particulier).
6 femmes et 1 homme O.S.2 font de petits travaux de perçage et de reprise. «Tous ces travaux pourraient être faits par des femmes qui sont plus rapides mais on conserve dans l'équipe un homme qui fait accessoirement un peu de manutention». 06
Appareils de signalisation pour automobiles.
10 femmes O.S.l assurent toutes les opérations de reprise (perçage, taraudage, etc.) sur de petites machines. «Les femmes sont imbattables sur les petites machines à alimentation manuelle». Pas d'hommes à la reprise. O •
Amortisseurs.
26 femmes O.S.l et 39 hommes O.S.2 travaillent à la reprise. Les uns et les autres font les petits réglages de leurs machines. Les hommes font les travaux les plus lourds nécessitant la station debout (remarquer la différence de qualification). 30 hommes P.l assurent la reprise sur les pièces de haute précision (la maison a un atelier de haute précision qui travaille surtout pour l'aviation). 07
Soupapes pour autos, motos, avions, marine.
58 femmes O.S.2 et 19 hommes O.S.2 font la reprise des pièces tournées. «Le travail diffère par la grosseur des machines et des pièces travaillées». (Les taux de base sont différents). 011
Segments de pistons pour l'automobile et l'aviation.
5 femmes O.S.2 travaillent sur fraiseuses automatiques. «Rapidité nécessaire pour l'approvisionnement de la machine, grandes séries. Un homme P.2 travaillant sur une fraiseuse universelle est affecté aux pièces spéciales en très petites séries». 17 femmes O.S.2 font les autres travaux de rectification; 3 hommes O.S.2 sont spécialement affectés à la rectification des faces sur une machine spéciale dégageant des vapeurs de pétrole. 012
Pistons, chemises et segments pour automobiles.
6 femmes O.S.2 et 9 hommes O.S.3 utilisent des machines semblables pour la rectification et le fraisage. Les femmes ne font pas de réglage. Les hommes font les réglages simples (remarquer la différence de qualification) . P3
Accessoires pour cycles et motocycles (compteurs et dérailleurs).
10 femmes dont 7 O.S.2 et 3 O.S.l (de moins de 18 ans) travaillent sur perceuses et petits tours de reprise. Les ouvrières sont polyvalentes et peuvent passer à tout moment d'un poste à l'autre. «Les femmes sont très rapides sur les petites pièces mais même lorsque celles-ci sont un peu
294
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
plus lourdes, on emploie des femmes car on tient avant tout à l'homogénéité des ateliers». S3
Haut-parleurs. Petits appareils électro-ménagers.
15 femmes O.S.l font sur de petites machines toutes les opérations de reprise. «Travail simple, en grandes séries». Pas d'hommes à la reprise. T1
Matériel téléphonique. Appareils de mesure électrique.
22 femmes O.S.2 et 24 hommes O.S.2 font les travaux de série de perçage et de taraudage. «Travaux simples sans effort physique sur lesquels les femmes sont rapides. Les hommes sont chargés des opérations qui exigent la station debout». 46 hommes P.l et 9 hommes P.2 font des opérations de reprise sur les pièces unitaires. «Travail qualifié qui ne peut être fait par des femmes». T3
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs.
6 femmes O.S.2 font les opérations de reprise (petits perçages, taraudages, etc.) sur les pièces décolletées. Travaux demandant de la dextérité et du soin. L'une d'elles, d'une habileté exceptionnelle, est chargée de travaux délicats que ne pourrait pas faire un homme. «Si elle était un homme elle serait P. 1 ». Pas d'hommes à la reprise. T4
Petits appareils électro-ménagers.
8 femmes O.S.l font les travaux de finition et de reprise. «Il s'agit de petites pièces pour lesquelles les femmes sont particulièrement rapides». T ®
Relais électriques et électroniques.
10 femmes et 12 hommes O.S.2 font les travaux de perçage et de finition des bâtis pour les ensembles de série. Les hommes manipulent les plus grosses pièces. 8 hommes P. 1 font les mêmes travaux pour les nouveaux modèles en très petites séries. T"
Moteurs électriques.
4 femmes et 1 homme O.S.2 travaillent au perçage. Grandes séries, travail debout. «Les femmes arrivent à un meilleur rendement mais on ne peut leur confier toutes les pièces, certaines sont trop lourdes». 13 hommes dont 8 O.S.2, 3 P.2 et 2 P.l font les autres travaux de reprise trop lourds pour des femmes. Les P.2 et les P. 1 font les petites séries, quelquefois même des pièces unitaires. T12
Téléphones. Relais.
69 femmes O.S.l et 44 hommes O.S.2 travaillent sur des machines de
Opérations de reprise
295
reprise de différents modèles. Les travaux sont identiques mais les hommes font toujours les pièces les plus lourdes (remarquer la différence de qualification). U2
Petits roulements à billes.
157 femmes et 15 hommes O.S.2 travaillent à diverses opérations de reprise et de rectification (rectification des encoches, des alésages, des bagues intérieures ou extérieures). On peut constater dans l'atelier en pleine transformation l'existence de trois types de machines : les machines à alimentation manuelle, pièce par pièce, mises en marche par l'ouvrière, les machines automatiques à fonctionnement continu, alimentées par des goulottes dans lesquelles on verse les pièces et les machines-transfert pour lesquelles un dispositif assure le passage des pièces d'une machine à l'autre. Sur le premier type de machine on ne trouve que des femmes «à cause de la monotonie et de l'importance pour le rendement de la rapidité gestuelle des femmes pendant les temps morts de la machine». Sur les deux autres types de machines on trouve encore des femmes mais elles seront progressivement remplacées par des hommes. «Les qualités particulières de la main-d'oeuvre féminine ne sont pas utilisées. On préfère embaucher des hommes pour avoir une réserve de main-d'oeuvre masculine à former et à faire monter à d'autres postes plus qualifiés». 21 hommes O.S.2 travaillent à la rectification des faces et des diamètres, «travail sale» qui se fait sur des machines différentes, plus importantes. U3
Roulements à rouleaux coniques.
20 femmes O.S.2 et 35 hommes dont 20 O.S.2 et 15 P.l font des travaux de rectification. Les hommes O.S.2 font les pièces les plus grosses. Les hommes P. 1 font le réglage de leur machine et le changement de meules. Les femmes O.S.2 font les petites pièces et ne font pas de réglage. «Elles sont plus rapides sur ce genre de travail». U4
Compteurs à gaz et compteurs électriques.
18 femmes O.S.2 font toutes les opérations de reprise (perçage, taraudage, etc.), sur petites machines, des pièces décolletées ou sortant des presses. «Ce sont des travaux simples sur petites pièces, où la dextérité et la rapidité des femmes sont préférables». Pas d'hommes à la reprise. UB
Volants magnétiques. Appareils d'allumage des moteurs. Eclairage pour cycles et motocycles.
2 femmes O.S.2 effectuent les opérations de perçage et de taraudage sur
296
Répartition des hommes et des femmes de Véchantillon
les pièces décolletées. Travail répétitif avec «exigences de rapidité gestuelle». Pas d'hommes à la reprise. U
6
Machines à écrire.
20 femmes O.S.2 font les travaux de perçage. «Elles sont particulièrement rapides sur ce genre de travail». 61 femmes O.S.2 et 16 hommes O.S.2B font les autres travaux de reprise. «La dextérité féminine trouverait à s'exercer sur ce travail de petites pièces mais les hommes font les travaux exigeant des tolérances plus précises» (remarquer la différence de qualification). U
7
Volucompteurs pour appareils de distribution d'essence.
1 femmes et 9 hommes O.S.2 font les travaux de perçage. Les femmes font les petites pièces et les travaux «demandant du soin et de la propreté». Les hommes font les pièces plus lourdes. U8
Compteurs pour motos et autos. Appareils de contrôle.
12 femmes O.S.2 font sur de petites machines à alimentation manuelle tous les travaux de reprise. «Les femmes sont très aptes à ces travaux légers et minutieux». U12
Appareillage pour mesure de la tension artérielle.
2 hommes et 1 femme O.S.2 font toutes les opérations de reprise. Ils sont habitués à passer d'une machine à l'autre. Les hommes sont des ouvriers très anciens. «Si on devait embaucher sur ces postes on prendrait des femmes, elles sont plus soigneuses et rapides sur petites pièces, et elles se lassent moins». TRAVAIL SUR C1
PRESSES
Raccords de fonte malléable et robinetterie industrielle.
10 femmes O.S.l font, à la presse mécanique à pédale, le redressage de certaines pièces. Simplicité du travail. «Rapidité des femmes sur les machines à alimentation manuelle comportant des temps morts». Pas d'hommes sur presses. D3
Petits appareils de chauffage et de cuisine. Pièces détachées pour appareils à gaz.
5 femmes O.S.l et 2 hommes O.S.l travaillent à la presse à pédale de 5 à 50 tonnes. «C'était au départ un poste masculin sur lequel on emploie de plus en plus de femmes reconnues plus rapides. On conserve cependant 2 hommes parce qu'ils font quelquefois des manutentions». E1
Pompes à injection Diesel. Dynamos et démarreurs.
16 femmes et 6 hommes O.S.l travaillent sur presses mécaniques. Les
Travail sur presses
297
hommes sont sur les grosses presses. «Les femmes sont plus rapides sur les petites presses». E2
Embrayages pour avions et automobiles. 2 femmes et 50 hommes O.S.2 travaillent sur des presses au coup de 200 à 300 tonnes. «On employait autrefois uniquement des femmes mais on les remplace progressivement par des hommes car le travail est pénible. Les deux femmes font la découpe des disques et des petits leviers».
E5
Robinetterie industrielle. 13 femmes O.S.2 travaillent soit sur presses à emboutir soit sur presses à matricer. Pour les presses à matricer elles doivent manipuler des pièces préalablement chauffées au gaz. «Travail pénible mais les pièces sont de petites dimensions et le rendement sur ce genre de tâche exige une grande rapidité gestuelle». Pas d'hommes aux presses.
E7
Montage de machines à tricoter. 6 femmes O.S. 1 assurent sur petites presses électromagnétiques ou à main le découpage ou le cambrage de très petites pièces. Ce travail ne peut être fait que par des femmes «car il faut manipuler de très petits objets. Il faut d'autre part une grande résistance à la monotonie». Pas d'hommes aux presses.
E8bi» Petits outillages. 10 femmes O.S.2 travaillent sur presses mécaniques au coup; 7 femmes O.S.2 travaillent sur presses à fonctionnement continu où leur travail consiste essentiellement dans des tâches d'alimentation et de surveillance de la machine «qui exigent une grande rapidité». 7 hommes O.S.2 travaillent sur presses automatiques. «Il s'agit de presses n'exigeant pas un travail d'alimentation pièce par pièce mais une simple tâche de surveillance». Ils aident les femmes des autres presses aux gros travaux de transport des pièces terminées. 11
Travail à façon de transformation de métaux en feuilles (filtres à air, boîtiers d'aspirateurs, etc.). Tous les travaux de découpage et d'emboutissage sont effectués par 10 femmes O.S.2 sur presse mécanique au coup. «Travail exigeant à la fois une régularité, une rapidité gestuelle et une résistance à la monotonie pour lesquelles les femmes sont particulièrement douées». Pas d'hommes aux presses.
12
Emballages métalliques, corps de condensateurs, de compteurs, etc. 35 femmes et 6 hommes O.S.2 travaillent sur presses mécaniques au coup.
298
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
Les hommes sont sur les machines les plus importantes fabriquant les plus grosses pièces. Les séries sont de l'ordre de 100000 pièces. 13
Découpage et emboutissage à façon.
12 hommes et 12 femmes O.S.2 travaillent sur des presses mécaniques de 10 à 185 tonnes. Le poids limite des pièces confiées aux femmes est de 300 grammes environ. Lorsqu'une presse est trop dangereuse (certaines sont sans système de sécurité) on y met plutôt un homme. «Ce n'est pas une question de capacité d'attention mais on a des scrupules à faire courir ce risque à une femme». La main-d'oeuvre masculine est surtout nord-africaine. 14
Découpage et emboutissage à façon. Fabrication d'ustensiles de ménage.
40 hommes et 60 femmes O.S.2 travaillent sur presses mécaniques au coup. On emploie le plus possible de femmes mais l'effort physique nécessaire pour certains travaux amène l'emploi des hommes. Les femmes sont plus rapides et plus actives que les hommes sur les petites pièces; c'est une «disposition naturelle». C'est précisément pour les petites pièces que sont fabriquées les séries les plus longues (certaines vont jusqu'à 20000). «Les femmes se lassent moins sur les longues séries». 16
Découpage, emboutissage, repoussage àfaçon (filtres, flotteurs pour automobile, etc.).
10 femmes O.S.l travaillent sur presses mécaniques au coup. Travail simple sur lequel «les femmes résistent mieux que les hommes». «Comme 11 n'y a pas d'hommes dans l'équipe, les femmes font parfois un peu de manutention». I*
Petites pièces découpées et embouties (boîtes, tubes de rouge à lèvres, etc.).
25 femmes O.S.l travaillent sur des presses mécaniques de toutes puissances. Il existe quelques presses automatiques dans l'entreprise mais on n'y utilise pas de femmes. Elles sont surveillées par les régleurs des presses mécaniques et approvisionnées par des manoeuvres hommes. «La rapidité des femmes ne joue que sur les presses mécaniques à cause des temps morts de la machine». 17
Découpage et emboutissage (boites, tubes, etc.).
45 femmes dont 25 O.S.2 et 20 O.S.l travaillent sur presses mécaniques au coup. Les séries sont souvent très longues (jusqu'à un million de boîtes de la même série). La qualification d'O.S.l ou O.S.2 est basée sur l'habileté et l'ancienneté. Les ouvrières ne font ni réglage ni montage, «on ne leur demande que d'être des robots». La puissance des presses est très variable. On n'utilisait autrefois que de petites presses mais pour toucher une nouvelle clientèle on a acquis un matériel plus puissant. «On
Travail sur presses
299
y emploie tout de même des femmes, cela amène à pousser les salaires mais de toute façon des hommes reviendraient plus cher». Pas d'hommes aux presses. I8
Articles découpés et emboutis sur commande. Pièces de freins pour cycles.
19 femmes O.S.l travaillent sur des presses mécaniques au coup de 50 à 75 tonnes. Les séries faites dans l'entreprise dépassent rarement 5000 objets mais le principe est de ne jamais laisser une ouvrière plus d'une demi-journée sur le même travail, «les gestes sont les mêmes mais les objets sont différents». Les femmes «sont plus sérieuses et plus consciencieuses que les hommes» sur ce genre de travail. Elles ne font ni montage ni réglage. Il peut arriver qu'elles fassent l'approvisionnement. Pas d'hommes aux presses. I*
Objets découpés et emboutis de toutes tailles (pour appareils ménagers en particulier).
18 femmes O.S.l travaillent sur presses mécaniques au coup de 10 à 150 tonnes. Il arrive que les pièces soient de trop grandes dimensions, et que les femmes aient les bras trop courts pour les présenter sous la presse. On emploie alors exceptionnellement un homme manoeuvre mais on préfère avoir sur presses une équipe homogène de femmes «à cause des salaires». J6
Pièces détachées pour la radio-électricité.
9 femmes O.S.2 travaillent sur presses mécaniques au coup de petite et moyenne puissance. On utilise sur ce travail «leur rapidité gestuelle et leur persévérance sur les travaux monotones». Pas d'hommes aux presses. K1
Ressorts à fil ou plats de dimensions variables.
12 femmes O.S.2 sur presses mécaniques à découper ou à emboutir assurent le découpage de lames, le cambrage pour les ressorts plats ou la fabrication des joncs. Les séries sont de 10 à 50000 pièces. Pas d'hommes aux presses. K2
Instruments de mesures linéaires.
10 femmes O.S.l surveillent de petites presses automatiques qui font la découpe des mètres ou des décamètres. Leur travail consiste dans la surveillance de la machine automatique. Elles doivent aussi engager la bande de métal lorsque le rouleau est terminé. Elles font en même temps de petits travaux de sertissage. 1 femme, O.S.l également, fait, sur une petite presse mécanique au coup de 10 tonnes, le découpage des bouts des éléments découpés par la machine automatique. «Travail facile mais exigeant une grande rapidité gestuelle». Pas d'hommes aux presses.
300
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
K3
Ressorts en acier laminé. 34 femmes O.S.l font le découpage sur presses mécaniques au coup des éléments de ressorts les plus petits. «Travail n'impliquant aucune responsabilité, ne comportant aucun appel à des connaissances techniques mais demandant du soin et de la conscience professionnelle car il est difficile de contrôler le rebut». 2 hommes O.S.2 travaillent également sur presses mécaniques mais d'une puissance supérieure pour les ressorts plus gros (remarquer la différence de qualification).
K4
Charnières, poignées. Pièces détachées pour instruments de musique. 6 femmes O.S.l font du découpage sur des presses d'une puissance inférieure à 40 tonnes. «Elles sont particulièrement rapides sur ce genre de travail». 2 femmes manoeuvres sont chargées de la surveillance des presses automatiques. Elles n'engagent pas le ruban de métal. Leur travail consiste à ramasser les pièces qui tombent, à surveiller les bruits anormaux de la machine et à appeler le régleur avec lequel elles font équipe. «Travail simple sur lequel on emploie de jeunes ouvrières de moins de 18 ans». Pas d'hommes aux presses.
K6
Voitures d'enfants. Landaux de poupées. Automobiles à pédales. 6 hommes et 6 femmes O.S.2 font, sur presses mécaniques au coup, les opérations de découpage et d'emboutissage des différentes pièces nécessaires aux fabrications. Les hommes travaillent sur les pièces de plus grandes dimensions ou exigeant un effort physique plus important.
K•
Chaînes, chaînettes et anneaux. 5 femmes O.S.l travaillent sur de petites presses mécaniques. «Elles sont plus rapides que les hommes et de toutes façons on ne trouverait pas d'hommes pour faire un travail aussi ennuyeux».
K7
Verrous et cadenas de sûreté. 4 femmes O.S.l et 4 hommes O.S.l travaillent sur presses mais à des travaux très différents. Les hommes font, sur grosses presses mécaniques à pédales de 100 à 120 tonnes, les opérations demandant un effort physique (découpage ou emboutissage du coffre du verrou, du corps du cadenas, des clefs). «Travail très lent». Les femmes, sur petites presses à pédales de 20 à 30 tonnes, font surtout les opérations de marquage de la boîte ou de décoration de la clé : «opérations délicates, demandant des manipulations rapides et une grande précision gestuelle pour le positionnement des pièces».
Travail sur presses
301
K9
Ressorts plats et à boudins. Le découpage des ressorts se fait en très grande série sur presse automatique. C'est un homme O.S.2 qui est chargé de la surveillance de la machine et de son alimentation (engager le ruban). Le travail pourrait être fait par une femme mais «sur presse automatique l'emploi des femmes n'est pas très avantageux». Pas de femmes aux presses.
L2
Emballages métalliques en fer blanc. 67 femmes O.S.l font les opérations de découpage à la presse mécanique au coup. «Travail simple sur lequel les femmes sont rapides». Atelier nettement séparé car on craint «l'influence de la mentalité des découpeuses sur les ouvrières».
L3
Travail à façon des métaux en feuilles (bidons, casques, réservoirs, etc.). 30 hommes et 30 femmes O.S.2 travaillent sur presses mécaniques à découper et à emboutir au coup ou à fonctionnement continu. Les hommes manient les pièces les plus lourdes, les casques en particulier qui pèsent de 500 à 700 grs, «ce qui fait à la fin de la journée des manipulations de l'ordre de 700 kg à une tonne. O n préfère confier aux femmes les travaux demandant plus de dextérité et où elles sont plus rapides».
L1
Boîtes et emballages métalliques. 34 femmes O.S.l font sur presses mécaniques au coup ou continues le découpage et l'emboutissage des fonds et des couvercles de boîtes: la fabrication se fait en très grandes séries. «Seules les femmes peuvent alimenter les machines à une vitesse convenable et rester sur ce travail». Pas d'hommes aux presses.
L•
Boîtes en fer blanc. 35 femmes O.S.2 travaillent sur presses mécaniques au coup ou continues pour le découpage ou l'emboutissage des éléments des boîtes. Pas d'hommes aux presses.
L7
Fabrique de lustres et d'éléments d'appareils domestiques. 18 femmes et 15 hommes O.S.2 travaillent sur presses mécaniques. Les hommes font les opérations demandant un effort physique plus important. «On conserve ainsi un volant d'hommes pour assurer les manutentions».
L9
Articles de ménage en aluminium. 4 femmes O.S.2 assurent les opérations de découpage et d'emboutissage sur presses mécaniques au coup. Elles travaillent aussi quelquefois a u montage. «Travail léger nécessitant de la rapidité pour l'alimentation de la presse et une grande régularité dans le travail». Pas d'hommes aux presses.
302
Répartition des hommes et des femmes de V échantillon
L10
Articles de ferblanterie pour artistes peintres et écoliers. Equipements pour l'armée. 2 femmes et 3 hommes O.S.2 travaillent à la presse mécanique au coup. Les femmes font les pièces les plus petites et les plus légères sur lesquelles elles sont plus rapides. Les hommes font les pièces plus lourdes et de plus grandes dimensions.
L11
Articles divers en fil de fer. 1 femme et 1 homme O.S. 1 assurent, sur presses mécaniques, les emboutissages et les pliages. L'homme fait aussi des manutentions.
M1
Fermetures à glissière. 6 femmes O.S.2 surveillent les presses automatiques de fabrication des chaînes continues (alimentation rare mais contrôle continu de la qualité, enroulement à la main des chaînes fabriquées). Elles ne font a u c u n réglage. 5 femmes O.S.l travaillent sur petites presses mécaniques à pédale (travaux d'ébavurage). «Travail à rythme très rapide, nécessitant une grande précision pour le positionnement de très petites pièces». Pas d'hommes aux presses.
M2
Petits objets découpés (oeillets, rivets, crochets, agrafes, rondelles, etc.). Tubes pour radio. 30 femmes O.S.l travaillent sur petites presses mécaniques au coup ou continues de 25 à 30 tonnes. Il s'agit essentiellement d'un travail d'alimentation, pièce par pièce, très rapide et portant sur des séries toujours supérieures à 30 000 pièces. «Il faut donc une certaine habileté manuelle et surtout pouvoir s'habituer à un tel travail». 10 femmes O.S.2 et 3 hommes P.l travaillent sur les machines automatiques à fabriquer les oeillets. Chaque ouvrière surveille 4 machines (alimentation en rouleaux de métal, surveillance des bruits, contrôle de la production). Les hommes P.l en assurent le réglage en même temps qu'ils surveillent «les machines les plus compliquées qui feraient peur aux femmes».
M3
Boutons en tous genres. 14 femmes O.S.2 assurent tous les travaux sur presses (presses mécaniques à pédales ou presses à plateaux tournants sur lesquels il faut effectuer un travail d'alimentation à un rythme très rapide imposé par la machine). Elles ne font ni réglage ni montage ni approvisionnement et restent p a r fois trois semaines sur la même série. «Cela plaît à certaines; en tout cas on ne trouverait pas d'hommes pour ce travail».
M*
Boutons militaires et insignes métalliques. 6 femmes O.S.l assurent la surveillance des presses automatiques (ali-
Travail sur presses
303
mentation en rouleaux de métal, surveillance des bruits et de la qualité de la production). Elles ne font aucun réglage. 10 femmes O.S.l travaillent sur des presses à emboutir à plateaux tournants et à fonctionnement continu sur lesquels elles positionnent les boutons. «Travail demandant une grande rapidité et beaucoup de patience». M6
Jouets en métal. 10 femmes O.S.2, sur presses au coup de 15 à 45 tonnes, font le découpage des pièces de métal. «Dans le jouet les salaires sont bas, on ne trouverait pas d'hommes pour de tels salaires».
M6
Fermetures ¿clair. 3 hommes O.S.l alimentent en rouleaux de laiton et surveillent les presses automatiques à fabriquer les chaînes. Ce sont des Nord-Africains. Ils seront sous peu remplacés par des femmes parce que «trop revendicatifs». 8 femmes O.S.l assurent sur des presses à pédales la fabrication des curseurs.
M7
Porte-plume réservoirs. 10 femmes O.S.l alimentent pièce par pièce les presses à plateaux tournants et à fonctionnement continu pour la fabrication des plumes. «Manipulation rapide de très petits objets qui convient particulièrement aux femmes». Pas d'hommes aux presses.
M8
Petites pièces détachées pour Vélectricité et la radio-électricité. 7 femmes O.S.2 font des travaux de découpage sur des presses mécaniques à pédales de 5 à 25 tonnes. «Les femmes sont imbattables sur ces travaux sédentaires et monotones». La maison possède également 8 presses automatiques. Elles sont surveillées par les régleurs et n'utilisent pas un personnel spécial.
M®
Fermetures à glissière. 2 femmes O.S.2 assurent l'alimentation en rouleaux de laiton et la surveillance des presses automatiques à fabriquer les chaînes. «Simple travail de surveillance, elles ne font aucun réglage».
M10
Jouets en métal. Petits accessoires pour l'automobile. Articles ménagers en fil de fer. 11 femmes O.S.l font tous les travaux de découpage sur presses mécaniques au coup de 15 à 60 tonnes. Elles ne font ni entretien ni graissage: «Une femme n'est pas mécanicienne». Les séries vont jusqu'à 500000 pièces. Il arrive même que certaines ouvrières restent à longueur d'année sur les mêmes fabrications. Les femmes sont très rapides sur ce genre de travail mais il y a «de grosses différences d'une femme à une autre. Cer-
304
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon taines arrivent mieux pour les petites presses, d'autres pour les grosses, cela se voit au premier coup d'oeil». Pas d'hommes aux presses.
M11
Petits objets en métal (poudriers, tubes de rouge à lèvres, porte-cigarettes). 4 femmes O.S.2 font sur presses à pédales les travaux de découpage et d'emboutissage. Pas d'hommes aux presses.
M12
Petits articles fantaisie (boutons, boucles de ceintures, etc.). Pièces de patins à roulettes. 4 femmes O.S.l travaillent à l'alimentation et à la surveillance des presses automatiques. 3 femmes O.S.l, travaillant sur presses mécaniques à fonctionnement continu, positionnent pièce par pièce les boutons sur un plateau tournant. «Travail convenant particulièrement à des femmes». Pas d'hommes aux presses.
M13
Fermoirs de sacs. 22 femmes et 1 homme O.S.l travaillent sur petites presses à découper et à emboutir. L'homme fait aussi un peu de manutention.
01
Freins pour autos. Lanceurs de démarreurs. 21 hommes et 27 femmes, tousO.S.2B, font sur de petites presses mécaniques le découpage des segments de freins. «Certains freins exigent de la délicatesse et ne peuvent être faits que par des femmes. O n n'emploie des hommes que lorsque le travail dépasse les possibilités des femmes». 99 hommes et 30 femmes O.S.2C travaillent sur les presses cisailles, très grosses presses à emboutir. Les femmes travaillent sur les presses les moins fortes mais le travail est tout de même pénible. O n a cependant avantage à les employer car «elles sont payées presque autant, mais elles vont plus vite». 18 hommes et 8 femmes O.S.2B travaillent également sur presses à la fabrication des leviers. Le travail est simple et peu pénible mais les machines sont plus modernes, «techniquement plus calées» et «certaines femmes ne peuvent pas travailler sur ces machines». 20 hommes O.S.2G travaillent sur les presses à plateaux, énormes presses à emboutir alimentées par deux ouvriers. «Travail trop dur pour des femmes. O n y emploie des Nord-Africains».
02
Carburateurs pour véhicules automobiles. 7 hommes O.S.2 et 53 femmes O.S.l font les travaux de découpage et d'emboutissage sur presses mécaniques. Le travail est identique mais les
Travail sur presses
305
hommes sont sur les presses dont la puissance dépasse 80 tonnes (remarquer la différence de qualification). 03
Accessoires électriques pour autos. Petits appareils ménagers. Matériel mécanique de précision.
30 femmes O.S.2 travaillent sur de petites presses au coup de 15 tonnes environ. Elles peuvent travailler aussi sur des tours de reprise. Cette polyvalence leur vaut la qualification d'O.S.2. Pas d'hommes aux presses. 04
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en particulier).
2 hommes O.S.2 et 20 femmes O.S.2 travaillent sur presses. On prend indifféremment des hommes et des femmes suivant les hasards de l'embauche mais «si on pouvait choisir on rechercherait plutôt les femmes car elles sont plus rapides sur ce genre de travail». 05
Appareils de signalisation pour automobiles.
6 femmes O.S.2 font du découpage sur petites presses. «Les femmes sont particulièrement rapides sur ces machines à alimentation manuelle». Pas d'hommes aux presses. O •
Amortisseurs.
9 femmes et 2 hommes O.S.2 travaillent sur presses mécaniques au coup. Les hommes sont sur des presses exigeant un effort physique plus important. «Dès que le travail est un peu plus léger, les femmes sont plus rapides». 09
Bougies d'allumage pour moteurs à explosion.
7 femmes O.S.l assurent à l'aide de presses la mise en place des joints d'étanchéité entre la porcelaine et le culot des bougies. «Travail simple et monotone exigeant un coup de main et une grande rapidité gestuelle». Pas d'hommes aux presses. 010
Bougies pour automobile et aviation. Essuie-glaces spéciaux.
5 femmes O.S.2 font le découpage et le sertissage des joints de bougies. Travail demandant un effort physique limité et sur lequel les femmes sont plus rapides. Pas d'hommes aux presses. P2
Selles de bicyclettes et de motocycles.
6 femmes et 3 hommes O.S.2 travaillent au découpage et à l'emboutissage sur presses mécaniques. «Si certains travaux n'étaient pas trop lourds on n'emploierait que des femmes car elles sont plus rapides sur ce genre de machines».
306 P3
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon Accessoires pour cycles et motocycles (compteurs et dérailleurs).
5 femmes O.S.2 travaillent sur de petites presses au coup de 20 à 70 tonnes; «Travail peu pénible mettant e n j e u la dextérité féminine». On n'engage jamais d'hommes sur les presses «car on tient à l'homogénéité de l'atelier dont la discipline est assez sévère». S1
Appareils récepteurs de radio et télévision.
11 hommes O.S.2 et 11 femmes O.S.2 travaillent sur des presses de 5 à 120 tonnes. «Les hommes sont sur les travaux pénibles; sur les autres travaux les femmes vont plus vite». S3
Haut-parleurs et petits appareils électro-ménagers.
Tous les travaux de découpage et d'emboutissage sont faits par 12 femmes O.S.l sur presses mécaniques de 14 à 120 tonnes. «Travail simple, sans initiative, qui convient aux femmes». T1
Matériel téléphonique. Appareils de mesures électriques.
26 femmes et 7 hommes O.S.2 travaillent sur presses. «Les femmes font les pièces détachées et les grandes séries. Les hommes font les travaux lourds». T3
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs.
9 hommes dont 8 O.S.2 et 1 O.S.l font les travaux de découpage et d'emboutissage sur presses de 80 à 300 tonnes. «On y employait autrefois des femmes mais c'est un travail trop dur pour elles et on y a renoncé à cause de la fréquence des accidents». T5
Accumulateurs. Condensateurs.
10 femmes O.S.2 font, sur petites presses de 30 tonnes environ, le découpage et le cambrage de petites pièces en métal léger. «Leur rendement est certainement bien supérieur à ce que serait celui des hommes puisqu'il s'agit de manipuler et de positionner rapidement de petits objets». T'bis
Oeillets métalliques et pièces détachées pour radio, télévision, électronique.
18 femmes O.S.2 font le découpage sur presses mécaniques, 3 femmes O.S.2 surveillent les presses automatiques pour la fabrication des oeillets. Pas d'hommes sur presses. T8
Condensateurs.
L'entreprise possède une seule presse de 15 tonnes pour le découpage et l'emboutissage des boîtes de condensateurs. C'est un ouvrier nordafricain qui y travaille avec une extraordinaire rapidité. T9
Moteurs électriques.
2 hommes et 1 femme O.S.2 travaillent sur presses de 80 à 150 tonnes à la
Travail sur presses
307
découpe de pièces relativement importantes. «Il est difficile de trouver des femmes pour ce travail fatigant». T10
Transformateurs, redresseurs de courant. Construction d'ensembles incluant des transformateurs. 5 femmes et 2 hommes O.S.2 travaillent sur presses à pédale de petite et moyenne puissance. O n confie aux hommes les plus grosses machines. «Sur les autres les femmes ont de meilleurs rendements».
T"
Téléphones. Relais. 19 hommes O.S.2 et 60 femmes O.S.l travaillent sur presse. Ils utilisent des machines de puissances très différentes puisqu'il s'agit de fabriquer les meubles destinés à enfermer les relais aussi bien que de petites pièces qui entrent dans leur fabrication. Les hommes sont sur les presses les plus grosses. Les femmes sont plus adroites sur les petites pièces (remarquer la différence de qualification). A signaler cependant que l'installation d'une presse-transfert surveillée par un technicien et qui fait, pour les petits ressorts de relais, le travail de six ouvrières a diminué le nombre de femmes travaillant sur presses.
U1
Machines de bureau. Le travail sur presses est fait uniquement par 13 hommes O.S.2 travaillant sur presses mécaniques de différents tonnages. O n n'emploie pas de femmes car il s'agit en général de travaux lourds ; «d'une manière générale d'ailleurs les ateliers d'usinage sont exclusivement masculins».
U3
Roulements à rouleaux coniques. 6 femmes O.S.2 sont surtout chargées des opérations d'emboutissage sur petites presses (dispositifs de sécurité à menottes avec bretelles tirant en arrière les mains de l'ouvrière lorsque l'outil descend). 17 hommes font les découpages sur grosses presses ; 11 font le réglage de leurs machines et sont P. 1.
U4
Compteurs à gaz et compteurs électriques. 5 hommes O.S.2 et 19 femmes O.S.2 travaillent sur presses de 10 à 200 tonnes. Système de sécurité à menottes. Les travaux les plus lourds ou les plus encombrants sont confiés aux hommes.
U10
Compteurs à gaz. 4 femmes O.S.2 et 12 hommes O.S.2 travaillent sur presses. Le travail est généralement lourd car on fabrique de gros compteurs industriels, «aussi l'emploi des femmes sur presses se trouve limité».
U11
Matériel dentaire. 1 homme O.S.2 travaille à l'emboutissage des porte-empreintes. «Ce n'est
308
Répartition des hommes et des femmes de V échantillon pas un travail dur mais le poste a toujours été tenu par un homme. O n ne peut pas dire pourquoi».
SOUDURE C2
Fonderie de pièces pour automobiles, camions, tracteurs. 7 hommes P. 1 font de la soudure à l'arc, travail qualifié; 2 hommes O.S.2 font de la soudure à l'étain sur des pièces lourdes. Pas de femmes à la soudure.
C4
Fonderie d'alliages légers. O n trouve à la soudure 3 hommes et 1 femme O.S.2. Les hommes font les plus grosses pièces. «Les femmes sont plus rapides sur les petites pièces» (il s'agit d'un département de mécanique qui n'a aucun rapport avec 1 a fonderie et représente environ 10% des activités de l'entreprise).
D3
Petits appareils de chauffage et de cuisine. Pièces détachées pour appareils à gaz. 2 femmes O.S.l font la soudure électrique par points sur machine à pédales des bâtis de réchauds. «Il faut surtout de la rapidité». 2 femmes O.S.2 font le brasage à bec fixe. C'est un poste pénible nécessitant une grande attention pour saisir le point de fusion. «Toutes les femmes ne sont pas capables de s'adapter à ce poste et de faire le rendement». 3 femmes et 1 homme O.S.2 font le brasage au chalumeau. C'est un travail rapide et délicat «qui se fait debout et qui est pénible pour une femme. Les femmes qui y sont employées ont un rendement très supérieur. L'homme fait 200 pièces à l'heure. Les femmes en font 220».
I1
Travail à façon de transformation de métaux en feuilles (filtres à air, boîtiers d'aspirateurs, etc.). 10 femmes O.S.2 font, au fer à souder, des soudures à l'étain sur petites pièces. Elles utilisent pour les faire des montages préparés à l'avance. «Les femmes ont pour les petites soudures une habileté que n'ont pas les hommes. C'est de plus un travail monotone». 20 hommes P. 1 font, soit à la soudure autogène soit à l'étain, l'assemblage des grosses pièces. «Il faut un effort physique important et aussi une qualification professionnelle que les femmes n'ont pas car il est nécessaire parfois d'ajuster les pièces».
I3
Découpage et emboutissage à façon. 3 femmes O.S.2 font de petits travaux de soudure électrique, travaux moins lourds et plus simples que les travaux faits par les hommes. 3 hommes P.2 font les travaux de soudure autogène. «Travaux qualifiés».
Soudure 15
Découpage, emboutissage, repoussage à façon (filtres, flotteurs pour
automobiles).
5 femmes O.S.l font des travaux de soudure électrique par points. Travail debout demandant de nombreux coups de pédale «mais sur lesquels les femmes vont plus vite car il exige des manipulations rapides». 5 femmes O.S.l font des travaux de soudure à l'étain, simples soudures d'étanchéité, «travaux monotones en grandes séries». 5 femmes O.S.2 font de la soudure autogène. «C'est un travail pénible à cause de la chaleur, des émanations de décapants mais peu qualifié car on ne demande pas de régularité dans les soudures». 20 hommes P. 1 font soit des soudures autogènes soit des soudures à l'étain mais «il s'agit d'assemblages demandant souvent un reformage préalable». K6
Voitures d'enfants, landaux de poupées, automobiles à pédales.
6 hommes P.2 font les travaux de soudure. Ils sont capables de faire, suivant les fabrications, différentes sortes de soudures. «Pareille qualification n'existe pas chez les femmes». Pas de femmes à la soudure. K8
Chaînes, chaînettes et anneaux.
3 femmes O.S.2 travaillent à la soudure autogène de très petits objets (mousquetons ou anneaux de chaîne). «Travail monotone que les hommes ne feraient pas». L2
Emballages métalliques en fer blanc.
20 femmes O.S.2 travaillent sur des machines à souder (elles font rouler les boîtes dans des bains de soudure). Travail simple de manutention fait par de très jeunes filles. Pas d'hommes à la soudure. L3
Travail à façon de métaux en feuilles (bidons, casques, réservoirs, etc.).
3 femmes P. 1 font la soudure autogène des parois des machines à laver. Pour la soudure des réservoirs qui se fait à l'étain on utilise 18 femmes P. 1 et 2 hommes P. 1. On embauche des hommes «faute de trouver assez de personnel féminin qualifié mais on préférerait des femmes qui vont plus vite». Pour la soudure des casques on n'utilise que des hommes, 16 P.l, qui font en même temps le débosselage et la mise en forme «que ne sauraient pas faire des femmes». L4
Boites et emballages métalliques.
7 femmes O.S.l travaillent à l'alimentation des machines à souder. «Travail simple ne demandant aucune qualification spéciale». Pas d'hommes à la soudure.
310 L5
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon Lits et armoires métalliques.
3 femmes et 5 hommes P. 1 travaillent à la soudure autogène. Les hommes sont chargés des pièces les plus lourdes ou de plus grandes dimensions. 10 hommes P. 1 font à la soudure à l'arc l'assemblage des lits. «Traval exigeant un gros effort physique». L7
Fabrique de lustres et d'éléments d'appareils domestiques.
9 hommes et 1 femme P.2 font de la soudure autogène. Leur travail est identique. «Le personnel est difficile à trouver, on prend ce qu'on rencontre suivant les hasards de l'embauche». 5 hommes et 10 femmes font la soudure électrique par points. «Les hommes font les assemblages plus lourds mais les femmes vont plus vite sur ce genre de travaux lorsqu'ils sont légers». L10
Articles de ferblanterie pour artistes peintres et écoliers. Equipements pour l'armée.
3 femmes O.S.2 font toutes les soudures à l'étain sur lesquelles elle sont particulièrement habiles. 10 hommes O.S.2 font toutes les autres soudures à l'arc ou au chalumeau qui sont d'ailleurs beaucoup plus lourdes. M1
Fermetures à glissière.
4 femmes O.S.l travaillent sur de petites machines à souder à pédales. Travail simple et monotone «exigeant surtout de la dextérité». M
3
Boutons en tous genres.
Bien qu'il s'agisse de très petits objets, tous les travaux de soudure (soudure à l'étain) sont faits par 3 hommes O.S.2. «De toute façon il faudrait un homme chef de file, aussi préfère-t-on n'employer que des hommes à la soudure pour avoir une équipe homogène». M10
Jouets en métal. Petits accessoires pour l'automobile. Articles de ménage en fil defer.
6 femmes O.S.l font suivant les fabrications de la soudure autogène ou électrique. Ce sont des travaux exigeant une faible qualification «car on ne demande pas un travail de grande qualité». Pas d'hommes à la soudure. 0
1
Freins pour autos. Lanceurs de démarreurs.
38 hommes O.S.2C et 1 femme O.S.2C font soit des travaux de soudure à l'arc soit des travaux de soudure par points. Travaux lourds sur des pièces sales. Le chef du personnel, jusqu'à notre visite, ignorait la présence d'une femme sur ce poste. C'est une vieille ouvrière. Les hommes sont des Nord-Africains. O
4
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en particulier).
6 femmes O.S.2 travaillent à la soudure électrique par points sur ma-
Soudure
chines à pédales. «Comme il s'agit de petites pièces et que le travail comporte de nombreuses manipulations elles sont très rapides sur ces postes. Les soudeuses constituent une catégorie de personnel particulièrement instable car elles sont très sollicitées par les entreprises voisines». Pas d'hommes à la soudure. O5
Appareils de signalisation pour
automobiles.
2 femmes O.S.l travaillent à la soudure électrique par points. «C'est un travail léger et simple». Pas d'hommes à la soudure. O7
Soupapes pour autos, motos, avions,
marine.
4 hommes O.S.2 travaillent sur machines semi-automatiques à souder. «Le travail est simple mais les machines sont trop grosses pour des femmes». Pas de femmes à la soudure. 010
Bougies pour automobile et aviation. Essuie-glaces
spéciaux.
3 femmes O.S.l travaillent sur machines à souder électriques. Travail simple et léger effectué en grandes séries et demandant «une grande vivacité des gestes». Pas d'hommes à la soudure. P1
Cycles et motocycles.
2 femmes O.S.l font de la soudure électrique par points sur de petites pièces. «Travail simple. Manipulation de pièces de petites dimensions». 8 femmes O.S.2 et 8 hommes dont 5 O.S.2 et 3 P. 1 font des travaux de soudure autogène. Les hommes P. 1 sont d'anciens ouvriers. «On remplace progressivement les hommes par des femmes, formées dans la maison et moins payées, qui s'adaptent bien à ce travail». 4 hommes P.l font de la soudure à l'arc (travail en position accroupie dans de petites loges individuelles avec protection d'un bouclier), technique récemment introduite dans l'entreprise. De jeunes ouvriers ont accepté d'être formés pour ce travail. Les femmes ont refusé «par crainte irrationnelle des radiations». P2
Selles de bicyclettes et de motocycles.
4 hommes P.2 font de la soudure à l'arc. «Travail pénible et qualifié». Pas de femmes à la soudure. R2
Lampes de
T.S.F.
7 femmes O.S.l font sur chaîne la soudure, au bain d'étain, des culots de lampes. Travail facile. Le montage est préparé par l'ouvrière précédente. «Seules des femmes peuvent faire ce travail délicat et rapide». Pas d'hommes à la soudure.
312 R3
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon Lampes électriques et réglettes fluorescentes.
6 femmes O.S.2 font sur de petites soudeuses à électrodes la soudure du pied et de la base de la lampe. Pas d'hommes à la soudure. S2
Appareils récepteurs de radio et télévision.
36 femmes O.S.2 travaillent sur des soudeuses électriques par points. «Travail sur chaîne exigeant des manipulations rapides». Pas d'hommes sur ces postes. S4
Constructions radio-électriques.
10 hommes et 2 femmes O.S.2 sont répartis sur les chaînes, sur des postes de soudure électrique par points. «Les hommes font les pièces les plus grosses mais on utilise des femmes toutes les fois que cela est possible car elles sont plus rapides». T1
Matériel téléphonique. Appareils de mesures électriques.
138 femmes O.S.2 et 15 P.l travaillent à la soudure à l'étain des différentes pièces du téléphone. C'est un travail très délicat qui demande de la dextérité et du soin. Pour pourvoir ces postes, l'entreprise a ouvert une école de soudure pour les femmes. Les P.l sont les ouvrières les plus anciennes. Pas d'hommes à la soudure. T3
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs.
1 femme P.2 et 17 hommes dont 11 P.2,1 P. 1 et 5 O.S.2 font, sur machines à souder, des soudures à l'étain ou des soudures autogènes. C'est un travail lourd et souvent sale. La seule femme occupée sur ce poste est une ancienne ouvrière et «comme elle est Déléguée on l'y laisse». Elle fait les pièces les plus légères. T4
Petits appareils électro-ménagers.
4 femmes O.S.l effectuent un travail très simple en trempant les pièces dans un bain de soudure. Pas d'hommes à la soudure. T5
Accumulateurs. Condensateurs.
48 femmes O.S.2 et 11 «petites mains» travaillent en chaîne à la soudure des connexions. «Travail simple et routinier, peu pénible». Pas d'hommes à la soudure. T*
Relais électriques et électroniques.
8 femmes O.S.2 font la soudure à l'étain des connexions des cosses entre les armatures, les contacts et les bobines qui constituent les relais. «Travail fin demandant de la dextérité, de la précision gestuelle et de la patience».
Magasinage.
Emballage
313
21 femmes et 13 hommes O.S.2 font la mise en place et la soudure des câbles. Les hommes s'occupent des relais de plus grandes dimensions. Les femmes sont cependant plus rapides car il s'agit de petites soudures. T9
Moteurs électriques.
4 femmes O.S.2, soudeuses à l'étain, soudent les entrées et les sorties de bobines. Travail demandant une certaine «finesse des doigts». Pas d'hommes à la soudure. T10
Transformateurs, transformateurs.
redresseurs de courant. Construction d'ensembles incluant des
1 homme P. 1 fait la soudure à l'arc, 1 homme O.S.2 travaille sur machine à souder. «Travail lourd car il s'agit des bâtis des machines». Pas de femmes sur ces postes. T12
Téléphones.
Relais.
135 femmes O.S.2 travaillent à la soudure à l'étain des connexions dans les relais. «Travail sur plans exigeant du soin, de l'attention et du doigté». Pas d'hommes sur ces postes. U1
Machines de bureau.
52 femmes O.S.2 et 14 P.l font, à l'étain et d'après schémas, de petites soudures «qui doivent être impeccablement exécutées. Les femmes réussissent particulièrement sur ce travail». Les P.l font les prototypes. Pas d'hommes à la soudure. U10
Compteurs à gaz-
4 hommes et 3 femmes O.S.2 travaillent à la soudure électrique par points. «Le travail est assez pénible mais les opérations sont simples. Les femmes arrivent à un plus grand nombre de pièces que les hommes mais on n'arrive pas toujours à trouver des femmes pour ce travail». U11
Matériel
dentaire.
I femme P.l fait les petites soudures à l'étain ou à l'argent. «Elle est dans la maison depuis 30 ans et aucun homme ne pourrait faire ce qu'elle fait». MAGASINAGE. G1
EMBALLAGE
Raccords de fonte malléable et robinetterie industrielle.
II femmes O.S.l font les petits empaquetages; 20 hommes O.S.2 font les caisses et les manient (remarquer la différence de qualification). C2
Fonderie de pièces pour automobiles, camions, tracteurs.
Le travail de magasinage est entièrement fait par des hommes, 23 O.S.l et 14 O.S.2, car les pièces sont lourdes. Les O.S.2 font la tenue des fiches. Pas de femmes au magasinage.
3J4 C3
Répartition des hommes et des femmes de Véchantillon Fonderie d'alliages légers pour automobiles, camions, tracteurs.
On ne trouve que des hommes au magasinage car les pièces sont souvent lourdes: 10 O.S.l et 6 O.S.2. Les O.S.2 font la tenue des fiches. Pas de femmes au magasinage. C4
Fonderie d'alliages légers.
1 femme O.S.l fait le comptage et l'emballage des petites pièces; 5 hommes O.S.2 sont affectés aux grosses pièces (remarquer la différence de qualification). C5
Robinetterie de bronze.
3 hommes O.S.2 s'occupent des travaux de magasinage. «Effort physique». Pas de femmes au magasinage. D2
Appareils en laiton pour gaz en bouteille.
3 femmes O.S.l font tous les travaux de conditionnement. «Le travail est parfois lourd pour des femmes mais elles vont plus vite que les hommes». E2
Embrayages pour avions et automobiles.
Les travaux de magasinage et d'emballage sont entièrement confiés à des hommes, 8 O.S.3 et 22 O.S.2. Les O.S.3 font les travaux très lourds. Pas de femmes au magasinage. E3
Appareils de mesure et de contrôle. Pompes à injection pour moteurs Diesel.
Le travail de magasinage est confié à 22 hommes dont 2 P.l, 15 O.S.2 et 5 manoeuvres. Les P. 1 sont d'anciens ouvriers à qui on confie les responsabilités et la surveillance des autres ouvriers. Pièces parfois lourdes. Pas de femmes au magasinage. E1
Outillages à main.
3 femmes O.S.l et 9 hommes O.S.2 sont affectés aux magasins. Les femmes assurent surtout les travaux de rangement sous la direction des hommes (remarquer la différence de qualification). E5
Robinetterie industrielle.
5 femmes O.M.2 font l'emballage des fabrications dans des cartons. «Travail simple et toujours semblable». Un homme P.l surveille les travaux d'emballage et tient la comptabilité du magasin matières. Il peut être aidé pour les manutentions par des manoeuvres hommes. E5bis
Tournage et décoïletage à façon.
3 femmes O.S.l alternent les travaux de magasinage, de contrôle et de montage. Pas d'hommes au magasinage. E7
Montage de machines à tricoter.
2 hommes O.S.2 et 1 P.l procèdent à la distribution des matières pre-
Magasinage.
Emballage
315
mières. Pour les opérations d'emballage, 3 femmes O.S.2 et 2 hommes P. 1 assurent l'emballage des machines dans des cartons. Les hommes sont responsables de l'équipe d'emballage, d'où leur qualification. E9
Aimants.
2 hommes P. 1 assurent la distribution de l'outillage et des matières premières; 2 femmes O.S.2 font l'emballage et l'empaquetage des aimants. «Travail facile et monotone sur lequel les femmes sont plus rapides». E10
Appareils de sécurité et de régulation pour chauffage au gaz.
1 homme O.S.2 fait le contrôle des stocks et la distribution de l'outillage, 1 femme O.S.l l'aide dans le comptage des pièces en stock et prépare les approvisionnements journaliers pour le montage. 2 hommes et 2 femmes O.M.2 assurent l'emballage et l'expédition des pièces terminées. Les femmes font l'emballage des petits appareils. «Elles vont très vite sur ce travail». E10b" Décolletage et petite mécanique.
1 homme et 1 femme P. 1 s'occupent du magasin. Les pièces ne sont pas lourdes. «La femme est une très ancienne ouvrière». G1
Revêtement de métaux à façon.
4 hommes et 3 femmes O.S.l travaillent au magasinage. Les hommes dans le secteur acier-laiton, les femmes dans le secteur oxydation anodique, nettement séparé du précédent et où les manipulations sont très légères. G •
Décoration de métaux. Protection de métaux.
1 femme manoeuvre fait les emballages. «Travail simple demandant du soin et de la patience». 11
Travail à façon de transformation de métaux en feuilles d'aspirateurs, etc.).
(filtres à air, boîtiers
1 femme O.S.l fait le comptage des pièces, la préparation des livraisons pour les ateliers de montage. Travail simple. Elle travaille sous la direction d'un homme, mensuel, qui tient la comptabilité des matières premières et des pièces usinées. «Une femme ne saurait pas faire ce travail». 12
Emballages métalliques. Corps de condensateurs, de compteurs, etc.
3 hommes P. 1 préparent les livraisons de matières premières aux ateliers et tiennent la comptabilité. «On ne peut pas employer de femmes car il y a des travaux lourds; de plus les femmes n'ont pas les connaissances nécessaires».
316
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
13
Découpage et emboutissage à façon. 1 f e m m e O . S . l fait le travail de magasinage. «Travail très simple». Pas d ' h o m m e s a u magasinage.
15
Découpage, emboutissage, repoussage àfaçon (filtres, flotteurs pour automobiles, etc.). 1 h o m m e P. 1, payé a u mois, assure les fonctions de magasinier : c'est u n ancien ouvrier. Pas de femmes a u magasinage.
I*
Petites pièces découpées et embouties (boîtes, tubes de rouge à lèvres, etc.). 2 femmes O . S . l sont occupées a u x t r a v a u x de magasinage. «Travail simple et peu pénible». Pas d ' h o m m e s a u magasinage.
J6
Pièces détachées pour la radio-électricité. 4 femmes et 1 h o m m e O . S . l travaillent a u magasinage mais d a n s deux secteurs différents. L ' h o m m e s'occupe d u magasin des matières premières où les manipulations exigent u n effort plus i m p o r t a n t , les 4 femmes sont a u stockage des pièces usinées b e a u c o u p plus légères.
J •
Pièces décolletées en acier pour automobile et aviation. 1 h o m m e et 1 f e m m e mensuels s'occupent d u magasin. «C'est u n poste de confiance peu pénible attribué à des ouvriers a y a n t u n e g r a n d e a n cienneté dans la maison».
J10
Matriçage et décolletage de boulons. 1 h o m m e P . l s'occupe d u magasin des matières premières et des pièces usinées. «C'est en fait u n ancien ouvrier à q u i la qualification d e P . l a été d o n n é e c o m m e récompense». Pas d e femmes a u magasinage.
J11
Décolletage à façon. 1 f e m m e O . S . l est magasinière. C'est u n travail simple et peu pénible. Elle fait aussi u n p e u d'emballage et de nettoyage. «Elle avait été emb a u c h é e sur m a c h i n e mais n ' a pas p u y rester; c o m m e elle était consciencieuse on l'a gardée». Pas d ' h o m m e s a u magasinage.
K1
Ressorts à fil ou plats de dimensions variables. 2 hommes, anciens ouvriers assimilés P . l , font a u magasin la tenue de fiches et la préparation des livraisons. «Travail c o m p o r t a n t u n e responsabilité». 2 femmes O . M . , dans le m ê m e local, s'occupent d u tri des objets fabriqués et des emballages. «Travail ne d e m a n d a n t a u c u n e compétence spéciale et q u ' o n p e u t confier à des femmes».
Magasinage. K2
Emballage
317
Instruments de mesures linéaires.
3 hommes mensuels «assument les responsabilités»; 3 hommes O.S.2 font les gros emballages. «Effort physique». 1 femme O.S.l fait uniquement les emballages de petits paquets pour la poste. «Travail demandant du soin et de la dextérité». K4
Charnières, poignées, pièces détachées pour instruments de musique.
2 hommes et 2 femmes manoeuvres font la préparation et l'emballage des commandes. Les hommes font des caisses ; les femmes font les paquets plus petits. K5
Voitures d'enfants. Landaux de poupées. Automobiles à pédales.
3 femmes O.M.2 assurent l'emballage des voitures et parfois la mise en cartons. «Travail souvent lourd mais sur lequel les femmes sont plus rapides». Pas d'hommes au magasinage. K8
Chaînes, chaînettes et anneaux.
2 hommes mensuels assurent les fonctions de chefs magasiniers. «Il y a des responsabilités. Il faut aussi savoir marquer et calculer». 1 homme O.S.2 fait les gros travaux. 2 femmes O.S.l comptent les pièces et les mettent en paquets. «C'est un travail peu pénible sur lequel on emploie des ouvrières très anciennes. La moins ancienne a 25 ans de maison». K7
Verrous et cadenas de sûreté.
2 femmes O.S. 1 font le dégraissage des pièces au chiffon, l'emballage sous papier et la mise en caisses. «Travail simple que n'importe quelle femme sait faire». Pas d'hommes au magasinage. L2
Emballages métalliques en fer blanc.
12 femmes O.M.2 et 2 hommes O.M.2 font les opérations d'emballage. Les hommes font les tiavaux plus lourds. L3
Travail à façon des métaux en feuilles (bidons, casques, réservoirs).
2 hommes O.S.2 livrent les matières premières aux ateliers et préparent les livraisons. «Travail qui comporte des responsabilités». Pas de femmes au magasinage. L4
Boîtes et emballages métalliques.
1 homme P. 1 fait fonction de chef magasinier. Il tient la comptabilité de l'état de l'outillage pour l'entretien. «Il faut avoir pour ce poste des connaissances de mécanique». Il est aidé par des manoeuvres hommes pour les manutentions. Pas de femmes au magasinage.
318
Répartition des hommes et des femmes de Véchantillon
L5
Lits et armoires métalliques. 10 hommes, anciens ouvriers payés au mois, font l'emballage des lits les plus lourds; 2 d'entre eux tiennent à jour un état des stocks. 6 femmes O.S.l font l'emballage des chaises et des petits lits. «Elles sont plus rapides que les hommes sur ces travaux. Elles n'ont aucune comptabilité à tenir».
L6
Boites en fer blanc. 15 femmes O.S.l font le comptage des boîtes fabriquées et leur emballage dans des cartons. 1 homme payé au mois fait les travaux plus lourds et tient un état des stocks.
L7
Fabrique de lustres et d'éléments d'appareils domestiques. 1 homme P.l payé au mois tient la comptabilité des stocks des pièces à livrer et vérifie les expéditions. Il est aidé par 4 hommes O.S.l pour les manutentions. «Il faut savoir faire des écritures». Pas de femmes au magasinage.
L8
Tubes souples en plomb ou métal léger. 15 femmes O.S.l font le contrôle d'aspect et l'emballage des tubes dans des cartons. «Travail facile demandant surtout de la rapidité gestuelle». 2 hommes P. 1 payés au mois font les manutentions lourdes et ont la responsabilité de la comptabilité des stocks.
L*
Articles de ménage en aluminium. 6 femmes O.S.l vérifient les assortiments de batteries de casseroles et font l'emballage dans des papiers; 2 femmes O . M . préparent les expéditions. Pas d'hommes à l'emballage.
L11
Articles divers en fil de fer. 2 femmes O.S.l assurent l'emballage sous papier des pièces terminées. «Travail simple». 1 homme P. 1 tient la comptabilité de la production et des stocks, distribue les matières premières et réceptionne les pièces terminées. Travail «comportant des responsabilités».
M1
Fermetures à glissière. 14 femmes O.S.l font la mise en paquets des fermetures éclair, la mise en boîtes et l'étiquetage des boîtes. «Travail facile et léger». Pas d'hommes au magasinage.
Magasinage. Emballage
319
M2
Petits objets découpés (oeillets, rivets, crochets, agrafes, rondelles, etc.) ; tubes pour radio. 21 femmes O.S.l font le triage et l'emballage des pièces. «Travail assis, facile et peu fatigant». Pas d'hommes au magasinage.
M3
Boutons en tous genres. 11 femmes O.S.l payées au mois travaillent au magasinage et à l'emballage des boutons. Les magasinières sont en général d'anciennes ouvrières. Ce sont les seules femmes de l'entreprise payées au mois. U n homme O.S.2 également payé au mois fait les travaux les plus lourds (remarquer la différence de qualification). Tous les hommes de l'entreprise sont payés au mois.
M4
Boutons militaires et insignes métalliques. 11 femmes O.S.l font l'empaquetage et l'emballage. «Travail simple». 1 homme O.S.2 fait, à l'arrivage, la répartition du métal brut. C'est un «poste de confiance».
M6
Jouets en métal. 4 femmes et 2 hommes O.S.l travaillent à l'emballage. Les femmes font les petits emballages pour lesquels elles sont plus rapides.
M '
Porte-plume réservoirs. 1 homme et 1 femme O.S.l travaillent, au magasin, à la réception des matières premières et des pièces fabriquées à l'extérieur. La femme est chargée des travaux légers.
M8
Petites pièces détachées pour l'électricité et la radioélectricité. 1 femme O.S.l est magasinière. Travail simple et «routinier». Pas d'hommes au magasinage.
M9
Fermetures à glissière. 1 femme O.S.l fait l'empaquetage des fermetures. Pas d'hommes au magasinage.
M11
Petits objets en métal (poudriers, tubes de rouge à lèvres, porte-cigarettes). 1 homme O.S.2 payé au mois s'occupe de la répartition des matières premières. «Poste responsable». Pas de femmes au magasinage.
Mla
Petits articles de fantaisie (boutons, boucles de ceintures, etc.). Pièces de patins à roulettes. 3 femmes O.S.l travaillent au magasin. «Travail simple, ne demandant
320
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
pas un gros effort physique. Ce sont des ouvrières anciennes et consciencieuses». Pas d'hommes au magasinage. 0
1
Freins pour autos. Lanceurs de démarreurs.
35 hommes O.S.2B travaillent à la réception des matières premières et à l'expédition. «C'est un travail lourd et souvent sale où on ne peut employer des femmes». 6 hommes et 6 femmes O.S.2A font le rangement et le classement des pièces détachées. Les hommes font les manipulations les plus lourdes. Les femmes font davantage la tenue des fiches. «Elles sont très consciencieuses dans ces travaux». 02
Carburateurs pour véhicules automobiles.
13 femmes O.S.l font les petits emballages pour lesquels elles sont plus rapides; 13 hommes O.S.2 font les travaux demandant plus de force (remarquer la différence de qualification). O®
Accessoires électriques pour autos. Petits appareils ménagers. Matériel mécanique de précision.
17 femmes O.M.l font l'emballage des pièces fabriquées. Travail très simple; «il suffit d'aller vite». Pas d'hommes au magasinage. 04
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en particulier).
17 femmes O.S.l font les petits emballages; 18 hommes O.S.2 font la réception des matières premières, la confection des caisses ou les expéditions. 05
Appareils de signalisation pour automobiles.
30 femmes O.S.l font l'empaquetage des pièces terminées. «Travail simple et monotone». 10 hommes O.S.2 délivrent les pièces aux ateliers et font la tenue des fiches. «Travail pour lequel une petite instruction est nécessaire». 06
Amortisseurs.
4 hommes dont 3 O.S.l et 1 P.l préparent la livraison de matières premières et d'outillage aux ateliers. «Matériel souvent lourd». Le P.l est responsable. Pas de femmes au magasinage. 07
Soupapes pour autos, motos, avions, marine.
4 hommes et 4 femmes manoeuvres font des travaux d'emballage. Les femmes font les travaux les plus légers.
Magasinage. O*
Emballage
321
Bougies d'allumage pour moteurs à explosion.
3 femmes O.M. font l'empaquetage des bougies sous cartons. 1 homme P. 1 fabrique les caisses pour l'expédition, les remplit et les cloue. 010
Bougies pour automobile et aviation. Essuie-glaces spéciaux.
4 femmes O.S.l font l'emballage des bougies. «Il faut être rapide et supporter ce genre de travail». Pas d'hommes au magasinage. 011
Segments de pistons pour l'automobile et l'aviation.
1 homme O.S.2 fait la distribution des outils et le contrôle des stocks. «Travail responsable». 3 femmes O.S.l font l'emballage des segments. «Travail facile». 012
Pistons, chemises et segments pour automobiles.
3 femmes O.S.l emballent et assortissent les pièces suivant les demandes indiquées sur les bons de livraison. «Il faut pour ce travail des femmes consciencieuses». 2 hommes O.M.2, sous la responsabilité du «pointeau», font les gros travaux du magasin. P1
Cycles et motocycles.
2 femmes O.S.2, l'une au magasin des matières premières, l'autre à l'atelier d'émaillage, tiennent la comptabilité des pièces fabriquées et des commandes. «Postes comportant une certaine responsabilité». 5 hommes O.S.2 font les travaux d'emballage. Ceux-ci demandent un effort physique important. P2
Selles de bicyclettes et d* motocycles.
2 femmes O.S.2 font les travaux d'emballage des selles. Travail simple «qui demande surtout de la patience». Pas d'hommes au magasinage. P3
Accessoires pour cycles et motocycles (compteurs et dérailleurs).
4 femmes O.S.2 font les travaux de magasinage. «Il ne s'agit jamais de pièces très lourdes et on tient à l'homogénéité des équipes». Pas d'hommes au magasinage. R1
Lampes électriques pour automobiles.
41 femmes font le marquage des cartons d'emballage et l'emballage des lampes. C'est un poste de fin de chaîne. «Travail simple demandant de la rapidité et une grande légèreté de main». Pas d'hommes au magasinage.
322
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
R2
Lampes de T.S.F. 12 femmes O.S.l, travaillant également en fin de chaîne, essaient les lampes et les rangent dans des cartons. 14 «petites mains» (moins de 18 ans) préparent les boîtes de montage pour les monteuses. «Travail simple et routinier». Pas d'hommes au magasinage.
R3
Lampes électriques et réglettes fluorescentes. 26 femmes O.S.l travaillent à l'emballage. «C'est un travail simple mais demandant beaucoup de soin car il faut manipuler des objets très fragiles». Pas d'hommes au magasinage.
51
Montages d'appareils récepteurs de radio et télévision. 20 hommes O.S.2 et 12 femmes O.S.l font dans les magasins des travaux de rangement, de comptage, de tenue de bons. «Le travail est identique» (remarquer la différence de qualification).
52
Radio- Télévision. 37 femmes dont 29 O . M . 2 et 8 O.S.l, et 12 hommes (jeunes ouvriers de moins de 18 ans embauchés sur ce poste mais qui n'y resteront pas) font en fin de chaîne l'emballage des postes. Les 8 femmes O.S.l assurent la tenue des fiches.
53
Haut-parleurs. Petits appareils électro-ménagers. 7 femmes O.S. 1 font les emballages en fin de chaîne; 3 hommes O.S. 2 font ensuite la préparation des caisses. «Effort physique».
T
T3
2
Fils et câbles électriques. 46 hommes et 15 femmes O.S.l travaillent au magasin à la préparation des commandes de l'atelier. «Les hommes font les travaux les plus gros». 23 femmes O.S.l font «la mise en couronne» des petits câbles à la sortie des machines automatiques. L'ouvrière ficelle la couronne et fait l'emballage sous carton pendant que la machine prépare la couronne suivante. Les femmes sont sur les machines les plus rapides (certaines débitent 450 mètres de câble à la minute). 11 hommes O.S.l font la mise en couronne des gros câbles. Les machines différentes des précédentes sont à rendement beaucoup plus réduit et, si l'effort physique est plus important, le travail est beaucoup plus lent. Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs. 14 hommes dont 3 P . l , 8 O.S.2 et 3 O.S.l travaillent au magasin. Les P.l sont chefs magasiniers. «Certains travaux ne sont pas lourds mais on tient à l'homogénéité de l'atelier». Pas de femmes au magasinage.
Magasinage. T4
Emballage
323
Petits appareils électro-ménagers.
27 femmes O.S.l travaillent soit au comptage et au rangement des pièces dans le magasin soit à l'emballage et à l'expédition. «Travail simple qui convient aux femmes». Pas d'hommes au magasinage. T
4
Relais électriques et électroniques.
3 femmes O.S.2 travaillent à l'emballage. Pas d'hommes au magasinage. T8
Condensateurs.
4 hommes et 4 femmes travaillent au magasinage. Les hommes sont magasiniers de magasin. Les femmes sont magasinières d'atelier (sorte de comptoirs). On y met d'anciennes ouvrières. Les hommes et les femmes font la tenue de fiches. «Travail simple demandant du personnel consciencieux». 1 femme O.S.l travaille à l'emballage. T9
Moteurs électriques.
2 hommes et 2 femmes O.S.2 travaillent au magasin. Les hommes font les manutentions lourdes. «Les femmes aident à l'emballage et remplissent les fiches». T10
Transformateurs,
redresseurs de courant. Construction d'ensembles incluant des
transformateurs.
3 hommes O.M. font des travaux d'emballage. «Travaux en général trop lourds pour des femmes». T11
Lampes de radio. Lampes spéciales pour radars. Tubes électroniques.
6 hommes et 3 femmes O.S.2 travaillent au magasin à la préparation des commandes des ateliers. Les hommes font les travaux les plus lourds. T12
Téléphones. Relais.
67 femmes dont 25 O.S.l et 42 O.S.2 et 67 hommes O.S.l travaillent au magasinage et à l'emballage. Les femmes O.S.2 font la tenue de fiches. U2
Petits roulements à billes.
33 hommes O.S.2 travaillent au magasin, à la réception, à la distribution des matières premières et aux expéditions. Travaux lourds. 13 femmes O.S.l travaillent à envelopper dans des papiers gras les roulements et à les mettre en caisses. «Poste féminin par excellence à cause de la rapidité gestuelle des femmes sur ce travail». U3
Roulements à rouleaux coniques.
7 femmes O.S.l et 18 hommes dont 2 P.3, 4 P.l, 3 O.S.2 et 9 O.S.l travaillent au magasin. On fait peu de stockage de pièces mais surtout des
324
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon travaux d'empaquetage pour l'expédition. «On réserve aux femmes les manipulations les moins lourdes et les postes les plus sédentaires dont elles s'accommodent mieux».
U4
Compteurs à gaz et compteurs électriques. 10 hommes dont 1 P . l , 4 O.S.2 et 5 O.S.l travaillent au magasin. C'est un travail d'«épicier» dans lequel «les qualités des femmes ne sont guère utilisables».
U*
Machines à écrire. 3 femmes O.S.2 tiennent le magasin des pièces détachées et font surtout des travaux de comptage. «Travail léger». 5 hommes O.S.2B tiennent le magasin des matières premières demandant parfois un effort physique.
U
7
Volucompteurs pour appareils distributeurs d'essence. 2 femmes O.S.l travaillent à l'emballage des pièces légères. 10 hommes dont 1 P.3 et 9 O.S.2 travaillent à la réception des matières premières et à la préparation des expéditions.
U8
Appareils dv mesure de pyrométrie. 3 hommes O.S.l travaillent au magasin où les manipulations demandent parfois un effort physique. Pas de femmes au magasinage.
U10
Compteurs à gaz. 2 femmes O.S.l travaillent au tri et au rangement des pièces reçues de l'extérieur. «Il ne faut pour ce travail aucune connaissance mais de l'ordre». Pas d'hommes au magasinage.
U11
Matériel dentaire. 4 femmes O.M.2 travaillent au stockage des matières premières, à la préparation des livraisons et à la tenue de la comptabilité des stocks (remarquer la faible qualification). Pas d'hommes au magasinage. RIVETAGE.
E8
SERTISSAGE
Embrayages pour avions et automobiles 10 femmes O.S.2 font sur chaîne, et à l'aide de petites machines à riveter et à marquer actionnées à la pédale, le rivetage des disques d'embrayage. «C'est u n travail assis et u n travail simple». Pas d'hommes au rivetage.
Rivetage. Sertissage
325
K6
Voitures d'enfants. Landaux de poupées. Automobiles à pédales. 2 hommes O.S.2, à l'aide de riveteuses pneumatiques, assurent l'assemblage des grosses pièces par rivets en acier. «Travail demandant la manipulation de pièces d'un poids assez élevé». Pas de femmes au rivetage.
K6
Chaînes, chaînettes et anneaux. 10 femmes O.S.2 travaillent sur petites riveteuses. «Travail monotone demandant de la dextérité et de la rapidité». Pas d'hommes au rivetage.
L2
Emballages métalliques en fer blanc. 36 femmes O.S.2 travaillent au sertissage et à l'agrafage des boîtes. Les flans leur sont passés, encollés et pliés, par des aides. «Travail simple exigeant des gestes rapides et précis sur lequel les femmes réussissent très bien». Pas d'hommes au sertissage.
L*
Boîtes et emballages métalliques. 13 femmes O.S.l font l'alimentation de machines à sertir les fonds de boîtes. «Travail simple et monotone. Alimentation pièce par pièce». Pas d'hommes au sertissage.
L5
Lits et armoires métalliques. 15 hommes O.S.2 font le rivetage au marteau de grosses pièces. «Effort physique important. Travail au marteau que les femmes apprennent difficilement». Pas de femmes au rivetage.
L•
Boites en fer blanc. 12 femmes O.S.2 travaillant sur chaîne font, à l'aide de petites machines, le sertissage ou l'agrafage des boîtes. «Travail sui lequel les femmes sont très rapides car il exige beaucoup de manipulations et parce qu'il est monotone et effectué en très grandes séries». Pas d'hommes au sertissage.
M1
Fermetures à glissière. 60 femmes O.S.l font en chaîne, sur de petites machines à sertir semiautomatiques, la pose des différents éléments de la fermeture (réunions, godets, bananes, arrêts, curseurs) ; chacune est spécialisée dans une opération. «Il faut pouf ce travail une grande dextérité et surtout être capable de bien faire son travail en pensant à autre chose». Pas d'hommes au sertissage.
M3
Boutons en tous genres. 6 femmes O.S.l font, à l'aide de petites machines, le sertissage de certains
326
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon modèles de boutons. «Travail demandant une certaine légèreté de main et une grande rapidité gestuelle». Pas d'hommes au sertissage.
M • Fermetures éclair. 34 femmes O.S.l font sur machines automatiques les différentes opérations de sertissage sur les fermetures. Pas d'hommes au sertissage. M®
Fermetures à glissière. 24 femmes O.S.l font sur machines semi-automatiques à sertir la pose des attaches, des arrêts, des curseurs, des séparables, etc. Pas d'hommes sur machine à sertir.
S1
Montage d'appareils récepteurs de radio et télévision. 12 femmes O.S.l font sur machines à sertir, le sertissage des cosses sur les châssis des appareils. Travail simple mais exigeant de nombreuses manipulations. Très grandes séries. «Les femmes vont vite sur ces travaux». Pas d'hommes au sertissage.
Ts
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs. 2 hommes et 6 femmes travaillent, sur riveteuses à pédales, à l'agrafage des tôles qui feront les boîtes d'aspirateurs. «On emploie indifféremment des hommes et des femmes. Le travail n'exige pas un gros effort physique».
T4
Petits appareils électro-ménagers. 5 femmes O.S.l font, sur machines à riveter hydropneumatiques, l'emmanchement des collecteurs. Travail simple «mais il faut manier rapidement des objets qui ne sont pas lourds». Pas d'hommes au rivetage.
T
s
Accumulateurs, condensateurs. 30 sertisseuses, dont 19 O.S.l et 11 «petitesmains», et 14 riveteuses O . S . l , réparties sur les chaînes d'assemblage, font sur de petites machines manuelles le rivetage et le sertissage de petites pièces. «C'est une opération simple mais un travail demandant une finesse des doigts et une rapidité qu'on ne peut trouver que chez les femmes». Pas d'hommes au sertissage.
T7
Câbles et cordons téléphoniques. 2 femmes O.S.l procèdent à l'aide de petites sertisseuses à la pose d'oeillets ou de cosses. «Travail simple et monotone». Pas d'hommes au sertissage.
Ua
Roulements à billes. 10 femmes O.S.2 spécialisées dans la pose des rivets à l'aide de petites
Peinture. Emaillage.
Vernissage
327
machines manuelles sont placées en début de chaîne et donnent le rythme au reste de la chaîne. Elles sont les seules sur la chaîne à être payées au rendement. «Travail sur lequel les femmes réussissent car il exige une grande économie de gestes et la manipulation de petites pièces». Pas d'hommes au rivetage. U6
Volants magnétiques. Appareils d'allumage des moteurs. Eclairage pour cycles et motocycles.
6 femmes O.S.2 font sur riveteuses à pédales le rivetage de petites pièces. «La supériorité des femmes sur ce genre de travail est incontestable». Pas d'hommes au rivetage. PEINTURE. ÉMAILLAGE. VERNISSAGE Gs
Fonderie de pièces pour automobiles, camions, tracteurs.
3 hommes O.S.2 font des travaux de peinture au pistolet. Il s'agit de pièces lourdes. Pas de femmes à la peinture. E1
Pompes à injection Diesel. Dynamos et démarreurs.
Les travaux de peinture sont confiés à deux femmes P.l. Peinture au pistolet sur pièces peu lourdes. «Les femmes vont plus vite». Pas d'hommes à la peinture. E3
Appareils de mesure et de contrôle. Pompes à injection pour moteurs Diesel.
4 hommes P.2 font la peinture au pistolet de certaines pièces. «Il s'agit d'un travail qualifié et insalubre». Pas de femmes à la peinture. Ga
Emaillage à façon.
35 femmes, d o n t 2 0 0 . S . 2 et 15 O.S. 1, et 31 hommes tous O.S.2 travaillent à l'émaillage. Les femmes font les pièces les moins lourdes. Les femmes O.S.2 peuvent faire indifféremment l'émaillage au bain ou au pistolet. Les femmes O.S.l ne font que l'émaillage au pistolet. Les hommes peuvent passer au poste de cuiseur et ils travaillent en équipes alternées (3 x 8) tandis que les femmes font la journée normale. Les hommes sont O.S.2 même s'ils ne savent pas faire l'émaillage au bain. G3
Polissage, nickelage, chromage, emaillage à façon.
15 femmes O.S.2 font de la décoration au pinceau, elles peuvent éventuellement passer à des postes de montage ou de petits perçages. 15 hommes O.S.2 font l'émaillage au pistolet. Travail qu'on ne confie pas à des femmes «parce qu'il est malsain et à cause du poids du pistolet».
328
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
G5
Revêtement de métaux et polissage à façon. 1 femme et 2 hommes O.S.2 font du vernissage au pistolet. II y a une différence dans le poids et la dimension des pièces traitées par les hommes et la femme. «Il s'ensuit que la femme fait toujours les séries les plus longues. Les femmes vont plus vite sur les petites pièces et se lassent moins sur les longues séries».
G7
Emaillerie. 2 femmes O.S.2 font l'émaillage au trempé. Il arrive qu'on emploie au lieu de femmes des Nord-Africains sur ce poste pénible. 2 femmes et 7 hommes O.S.2 font l'émaillage au pistolet. Les hommes sont des Nord-Africains. «Il n'y a pas de différence de poids entre les pièces traitées par les hommes et par les femmes. O n trouve difficilement une main-d'oeuvre masculine pour ce travail».
G8
Revêtement. Emaillage. 6 hommes P. 1 font l'émaillage au pistolet. «Travail lourd et insalubre pour lequel on n'emploie pas de femmes». 15 femmes O.S.2 font la reprise de l'émaillage au pistolet ou le tirage à l'écran de soie, 7 femmes également O.S.2 font les lettres et dessins sur panneaux publicitaires. Il s'agit «d'opérations délicates ou demandant une grande précision des gestes qui conviennent particulièrement aux femmes».
11
Travail à façon de transformation dt> métaux en feuilles (filtres à air, boîtiers d'aspirateurs, etc.). 4 femmes O.S.2 font de la peinture au pistolet. «Les femmes sont très rapides sur ce travail». Le transport des pièces se fait par convoyeur. Pas d'hommes à la peinture.
12
Emballages métalliques, corps de condensateurs, de compteurs, etc. 3 femmes O.S.2 assurent la peinture au pistolet sur les différents types de fabrication. «Travaux comportant parfois de très grandes séries». Pas d'hommes à la peinture.
I6
Découpage, emboutissage, repoussage à façon (filtres, flotteurs pour automobiles). 4 femmes O.S.l font la peinture au pistolet des pièces fabriquées. Le travail comporte des manipulations souvent importantes mais «on préfère employer des femmes car la main-d'oeuvre masculine est très instable sur ces postes».
K2
Instruments de mesures linéaires. 2 femmes O.S.l font de la peinture au pistolet. Il s'agit en général de petites pièces «sur lesquelles les femmes sont plus agiles». Pas d'hommes à la peinture.
Peinture. Emaillage. 4
K
Vernissage
329
Charnières, poignées, pièces détachées pour instruments de musique.
1 femme O.S.l fait le vernissage au pistolet. Pas d'hommes au vernissage. K5
Voitures d'enfants. Landaux de poupées. Automobiles à pédales.
7 femmes O.S.2 font la peinture au pistolet. «Travail en grandes séries avec manipulations souvent lourdes mais les femmes sont plus rapides». 1 homme P.2 fait les filets et décorations sur voitures d'enfants. «C'est un ouvrier qualifié». L3
Travail à façon des métaux en feuilles (bidons, casques, réservoirs, etc.).
7 femmes O.S.2 font le vernissage et la peinture au pistolet; 3 femmes O.M.2 font des travaux simples d'alimentation des fours tunnel (séchage des pièces peintes). Pas d'hommes à la peinture. L6
Lits et armoires métalliques.
2 femmes O.S.2 font, au tampon, le vernissage des boiseries des lits. 1 homme et 4 femmes O.S.2 font la peinture au pistolet avant le passage en étuve. Le travail exige des manipulations souvent très lourdes. A la peinture «à la trempe» (trempage dans des bacs de peinture) on n'utilise que des hommes. «C'est un travail pénible et salissant; tous les ouvriers sont Nord-Africains». L
6
Boîtes en fer blanc.
25 femmes O.S.l déposent à l'aide de pistolets à colle une pellicule de colle sur les sertissages pour les rendre étanches. Travail simple effectué en très grandes séries «que des hommes ne feraient pas». Ils peuvent être alternés avec des travaux de comptage et d'emballage des boîtes. Pas d'hommes sur ces postes. L '
Fabrique de lustres et d'éléments d'appareils domestiques.
10 hommes et 5 femmes P.l font la peinture au pistolet. «Les hommes sont chargés des pièces lourdes et encombrantes». L8
Tubes souples en plomb ou métal léger.
15 femmes O.S.2 assurent l'approvisionnement et la décharge des machines automatiques à laquer et à imprimer les tubes. Travail d'une extrême rapidité (il s'agit d'enfoncer les tubes sur des mandrins fixés à une roue qui tourne puis de les enlever) mais très monotone et pratiquement sans aucun changement dans la succession des gestes ou dans leur amplitude. «Seules des femmes peuvent le faire». Pour certaines fabrications il faut procéder au dépôt d'une pellicule de
330
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
vernis à l'intérieur du tube. Ce travail est fait sur appareils spéciaux par 6 femmes O.S. 1. Pas d'hommes sur ces postes. L10
Articles de ferblanterie pour artistes peintres et écoliers. Equipements pour l'armée.
1 homme O.S.2 fait la peinture au pistolet des montages de tôles. «Travaux parfois lourds et nécessitant le port d'un masque». Pas de femmes sur ce poste. M1
Fermetures à glissière.
2 femmes O.S.2 font au pistolet le revêtement des curseurs de fermetures éclair. «Travail simple. Manipulation de petites pièces». Pas d'hommes sur ce poste. «Les chaînes de fabrication sont d'ailleurs entièrement féminines». M2
Petits objets découpés (oeillets, rivets, crochets, agrafes, rondelles, etc.) ; tubes pour radio.
3 femmes O.S.l travaillent au vernissage dans un atelier nettement séparé. Pas d'hommes au vernissage. M4
Boutons militaires et insignes métalliques.
1 femme O.S.2 et 5 O.S.l font des travaux de vernissage. L'O.S.2 travaille au pistolet, les O.S.l font du vernissage au pinceau ou sont «placeuses» pour l'ouvrière au pistolet. «Rien ne vaut les femmes lorsqu'il s'agit d'un travail facile sur des pièces très petites». M11
Petits objets en métal (poudriers, tubes de rouge à lèvres,
porte-cigarettes).
1 femme P.3 procède au vernissage des pièces à l'aide d'un pistolet vaporisateur. Elle est complètement isolée dans une pièce spéciale à cause des vapeurs dégagées. M"
Petits articles fantaisie
(boutons, boucles de ceinture, etc.). Pièces de patins
à
roulettes.
2 femmes O.S.l travaillent au vernissage, l'une dispose les pièces sur le plateau, l'autre fait le vernissage au pistolet. «Travail facile sur petites pièces». Pas d'hommes au vernissage. 0
1
Freins pour autos. Lanceurs de démarreurs.
7 hommes O.S.2 font la peinture au pistolet. «Il s'agit de pièces lourdes». O®
Accessoires électriques pour automobiles. Petits mécanique de précision.
appareils ménagers.
Matériel
Les travaux de peinture occupent des hommes et des femmes mais les attributions sont nettement séparées; 10 femmes O.S.2 font les travaux
Peinture. Emaillage.
Vernissage
33 1
préparatoires à la peinture: ponçage, nettoyage des pièces; 3 hommes P. 1 font la peinture au pistolet. «On ne sait pas pourquoi on n'emploie que des hommes au pistolet, c'est une habitude de la maison, on sait qu'ailleurs ce sont souvent des femmes qui font ce travail». 04
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en particulier).
6 femmes O.S.2 font la peinture au pistolet; leur nombre a été réduit de 12 à 6 par l'installation d'une chaîne de peinture à polarisation avec système de transport des pièces. Les «pistoleuses» qui sont très rapides sur petites pièces font les raccords après passage à la chaîne de peinture. 8 hommes O.S.2 font l'émaillage au bain. «C'est un travail sale qu'on ne confie pas aux femmes». 05
Appareils de signalisation pour automobiles.
2 hommes O.S.2 font au pistolet les raccords de la chaîne de peinture. Pas de femmes à la peinture. P1
Cycles et motocycles.
10 hommes O.S.2 font au pistolet la peinture des cadres et les accrochent pour séchage à l'infra-rouge. Poste pénible à cause du poids des pièces et de la chaleur. 11 femmes O.S.2 font au pinceau la décoration des cadres. «C'était autrefois un poste masculin sur lequel les femmes réussissent très bien. Il n'y a pas deux échecs sur dix». S1
Appareils récepteurs de radio et télévision.
3 femmes dont 1 P. 1 et 2 O.S.2 font au pistolet la peinture de certaines pièces intérieures des appareils. «Travail léger demandant surtout de la rapidité». 3 hommes P.2 font, au tampon, le vernissage des boîtiers des postes. «Travail qualifié». 53
Haut-parleurs et petits appareils électro-ménagers.
2 femmes O.S.2, à l'aide de pistolets, passent à la peinture les hautparleurs ou les coques des moulins et des mixers. «Travail répétitif sur lequel il faut du soin mais aussi de la rapidité pour arriver au rendement». Pas d'hommes sur ces postes. 54
Constructions radio-électriques.
7 femmes P.l font le vernissage au pistolet. «C'est un poste réservé aux anciennes ouvrières». 8 hommes P.l font le vernissage au tampon. «C'est un poste plus pénible que le vernissage au pistolet». T8
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs.
19 hommes O.S.2 font la peinture au pistolet. «C'est un poste dur à cause
332
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
de la dimension des pièces». Beaucoup d'ouvriers sont des Nord-Africains. Pas de femmes à la peinture. T
4
Petits appareils électro-ménagers.
1 femme O.S.l fait l'imprégnation des enduits dans des bacs de vernis. Travail sale. L'ouvrière est isolée dans une pièce à cause de l'odeur du vernis. «Peu d'hommes supporteraient ce travail». T8
Condensateurs.
3 hommes O.S.2 font la peinture au pistolet. «Il s'agit de petites pièces, on ne sait pas pourquoi on n'y employait jusque là que des hommes. On vient d'engager une femme qui doit prendre son travail au début de la semaine. Il s'est trouvé que c'est une femme qui s'est présentée et on a pensé que ce serait plus avantageux». T10
Transformateurs, transformateurs.
redresseurs de courant. Construction d'ensembles incluant des
3 hommes P.2 font au pistolet la peinture des châssis. «C'est un travail dur et salissant qui ne convient pas aux femmes». Pas de femmes à la peinture. T12
Téléphones. Relais.
13 hommes O.S.l font la peinture au pistolet des armoires des relais. «Travail lourd et insalubre». Beaucoup de Nord-Africains parmi les ouvriers. Pas de femmes à la peinture. U4
Compteurs à gaz et compteurs électriques.
10 femmes O.S.2 font au pistolet ou à l'essoreuse la peinture des pièces des compteurs. Certains postes de peinture à l'essoreuse, plus pénibles, étaient tenus par des Nord-Africains, on y a mis des femmes depuis peu ; «elles sont plus stables». U6
Volants magnétiques. Appareils d'allumage des moteurs. Eclairage pour cycles et motocycles.
5 hommes O.S.2 surveillent les étuves où les pièces passent au vernissage. «Ils doivent tenir un cahier de bord. On ne peut donc y employer des femmes». U •
Machines à écrire.
2 femmes O.S.2 et 2 hommes O.S.2 B font la peinture au pistolet. Les femmes passent la première couche et font l'essuyage. Les hommes passent la deuxième couche (effet de «givré» demandant un tour de main). Remarquer la différence de qualification.
Aides U '
333
Volucompteurs pour appareils de distribution d'essence.
3 hommes dont 2 P. 1 et 1 O.S.2 font au pistolet la peinture à l'émail des appareils. «Travail pénible et demandant une qualification». Pas de femmes à la peinture. U11
Matériel
dentaire.
1 homme P.l fait le bouchage, le ponçage et la peinture des pièces. «Il faut pour ce travail une qualification professionnelle». Pas de femmes à la peinture. AIDES E2
Embrayages pour avions et automobiles.
3 femmes O.S.2 dépendant des laboratoires de recherches font des prélèvements dans les ateliers pour effectuer des essais. Travail peu pénible fait par d'anciennes ouvrières. Pas d'hommes sur ce poste. E*
Aimants.
2 femmes O.S.l placent les pièces dans des cadres pour les rectifieuses automatiques et font le serrage des vis. Elles servent d'aides aux hommes qui travaillent sur 6 rectifieuses automatiques. «Le travail est simple mais il faut suivre le rythme des rectifieuses». Pas d'hommes sur ce poste. G1
Revêtement de métaux à façon.
3 hommes O.S.l servent d'aides pour la préparation des bains dans le secteur d'oxydation anodique. «C'est un travail dur avec de lourdes charges à transporter. On y emploie des Nord-Africains». Pas de femmes sur ce poste. I1
Travail à façon de transformation de métaux en feuilles d'aspirateurs, etc.).
(filtres à air, boîtiers
15 femmes O.M.2 font les petits travaux de préparation dans les ateliers de peinture et de ferblanterie. «Il s'agit d'une série de travaux simples permettant l'emploi d'une main-d'oeuvre non qualifiée payée au taux le plus bas». Pas d'hommes sur ce poste. K1
Charnières, poignées, pièces détachées pour instruments de musique.
13 hommes O.M.2 aident au travail au balancier. «Travail demandant un effort physique». Pas de femmes sur ce poste.
334
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
L2
Emballages métalliques en fer blanc. 56 femmes O.M.2 servent les ouvrières sertisseuses en leur passant, pliés et encollés, les flans de métal à sertir. Travail simple «sur lequel les femmes tiennent bien le rythme». Pas d'hommes sur ce poste.
Ls
Travail à façon des métaux en feuilles (bidons, casques, réservoirs, etc.). 44 hommes et 17 femmes O.M.2 aident les ouvriers et les ouvrières sur machines (préparation du travail). Les hommes font les travaux les plus lourds. Ce sont en général des Nord-Africains.
L4
Boîtes et emballages métalliques. 38 femmes O.M.2 font de petites manutentions et aident aux postes doubles sur machines (les trains automatiques en particulier). «Travail facile et peu pénible, trop peu payé pour des hommes». Pas d'hommes sur ces postes.
L6
Lits et armoires métalliques. 3 femmes O.M.2 font à l'aide de plateaux le transport des pièces peintes entre la chambre de peinture et l'étuve. «Travail pénible à cause d u poids des plateaux et des différences de température, on n'y emploie cependant que des femmes à cause des bas salaires».
L•
Boites en fer blanc. 18 O.M.2, jeunes filles de moins de 18 ans, considérées comme apprenties, constituent un volant de main-d'oeuvre pour «boucher les trous» dans la fabrication. Elles travaillent souvent sur machines mais «leur manque d'occupation fixe permet de les laisser dans la catégorie des manoeuvres».
O7
Soupapes pour autos, motos, avions, marine. 9 femmes O.S.2 assurent la chauffe des pièces et les passent aux presseurs (forgerons). «Travail simple de manutention mais il faut savoir aussi apprécier la chauffe». Pas d'hommes sur ce poste.
T2
Fils et câbles électriques. 2 femmes O.S.l appelées «alimenteuses» aident les boudineurs (qui travaillent au revêtement des fils) en leur passant les plaques de gomme. «Ce sont de vieilles ouvrières». 31 hommes O.S.l aident également les boudineurs en préparant les mélanges pour les revêtements et en faisant le malaxage. «Travail sale et malsain auquel on emploie souvent une main-d'oeuvre étrangère».
T3
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs. 2 hommes O.S.l préparent les mélanges pour les mouleurs en matières
Noyautage
335
plastiques. «L'équipe de mouleurs étant entièrement masculine on préfère employer des hommes comme aides». T12
Téléphones. Relais.
6 femmes O.S.l dénudent les câbles afin de les préparer pour la soudure; 34 femmes O.S.l font la préparation et le transport des pièces pour l'atelier de peinture. «On trouve parmi elles beaucoup d'anciennes ouvrières qui ne peuvent plus tenir d'autres postes». Pas d'hommes sur ce poste. NOYAUTAGE C1
Raccords de fonte malléable et robinetterie industrielle.
9 femmes O.S.2 travaillent sur machines à souffler les noyaux. L'introduction des machines à souffler date de cinq ou six ans. On continue toutefois à faire du noyautage à la main, certains noyaux étant trop compliqués pour être faits à la machine. On emploie des femmes sur les machines à souffler surtout à cause du démoulage «qui demande des mains de femmes pour les petits noyaux». 18 femmes O.S.l et 7 hommes O.S.2 font du noyautage à la main. Les femmes font les noyaux les plus petits «pour lesquels les hommes n'auraient pas la main assez légère pour le tassage du sable et le démoulage». Les hommes font les noyaux les plus gros (remarquer la différence de qualification) . 25 femmes O.M.2 font le transport du sable, le raclage des noyaux, le transport vers les fours. Ce sont des «noyauteuses en attente qui sont mises à la production quand le travail presse». C2
Fonderie de pièces pour automobiles, camions, tracteurs.
32 femmes dont 16 P.l et 16 O.S.2 et 15 hommes dont 1 P.l et 14 O.S.2 travaillent au noyautage. Il n'existe que quatre machines à souffler dont trois sont menées par des femmes. Les autres travaux de noyautage sont des travaux manuels comportant pour la plupart un retournement de plaques (machines Osborn ou Citroën). Les travaux les plus lourds sont confiés à des hommes (plaque à retourner pesant jusqu'à 20 Kg). Les travaux exécutés par les femmes nécessitent toutefois pour la plupart un gros effort physique. «Le noyautage est un métier très dur pour une femme, un métier qui se perd et pour lequel on ne trouve plus guère que de vieilles ouvrières. Les jeunes s'en vont dès qu'une autre industrie plus propre s'installe dans le voisinage. Il faudra cependant toujours des femmes au noyautage. Les noyaux pour les circulateurs d'eau par exemple ne peuvent être faits que par elles; on ne peut les faire à la machine à
336
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon souffler et les hommes n'ont pas la main assez délicate pour ce genre de travail».
C3
Fonderie d'alliages légers pour automobile et aviation. 9 femmes dont 8 O.S.l et 1 O.S.2 et 15 hommes O.S.2 travaillent au noyautage. Il existe sept machines à souffler dont six sont confiées à des hommes et une à une femme; les hommes font les noyaux pour lesquels la boîte est lourde à manipuler; la femme O.S.2 travaillant sur machine à souffler atteint au démoulage une rapidité extraordinaire. Parmi les noyauteurs à la main (9 hommes O.S.2 et 8 femmes O.S. 1 ) les femmes font les travaux les plus légers et les grandes séries «à cause de leur rapidité plus grande sur ce genre de travail» (remarquer la différence de qualification) . 30 hommes O.S.2 et 5 femmes O.S.l sont coquilleurs (coulage de métal en fusion dans de petits moules en métal). Les hommes font les plus grosses pièces et les plus compliquées. «Les femmes sont plus rapides sur les petites pièces simples» (remarquer la différence de qualification). Ce travail qui s'exécute debout et avec un grand dégagement de chaleur paraît très pénible.
C4
Fonderie d'alliages légers. 4 femmes P.l et 2 hommes P.2 font du noyautage à la main. Les hommes font la mise au point du travail et l'expliquent ensuite aux femmes. Il existe au noyautage «des travaux particulièrement délicats que les hommes ne peuvent pas faire surtout au démoulage où il faut des mains de sagefemme». 5 hommes et 1 femme O.S.2 sont coquilleurs. «C'est un travail dur pour une femme, celle-ci y est employée depuis 1940. Elle bat les hommes sur les petites pièces».
C5
Robinetterie de bronze. 8 femmes O.S.2 font du noyautage sur machine à souffler. «Il faut pour le démoulage une délicatesse que les femmes seules possèdent pour les petites pièces». 3 femmes O.S.l sont aides-noyauteuses. En temps ordinaire elles apportent le sable et transportent les noyaux pour la cuisson mais si une absence se produit parmi les noyauteuses elles sont capables de faire le travail.
C'
Fonderie pour pièces de compteurs. La maison possède depuis peu une machine à souffler les noyaux qui est conduite par un homme O.S.2 mais celui-ci ne fait pas le démoulage; 2 femmes O.S.2 en sont chargées. «On utilise ainsi les qualités féminines pour le démoulage mais on préfère employer un homme pour le maniement de la machine».
Polissage. Brunissage
337
Pour certaines pièces on a dû conserver le noyautage à la main. On y trouve 8 femmes et 2 hommes O.S.2. Les femmes font les pièces les plus petites en grandes séries. «Elles sont plus adroites pour le tassage du sable et se lassent moins que les hommes à recommencer toujours les mêmes pièces». L'atelier comporte également deux machines à coquiller sur lesquelles travaillent deux hommes O.S.2. «C'est un travail trop pénible pour les femmes à cause de la chaleur». C7
Fonderie de cuivre et de bronze•
1 homme O.S.2 et 2 femmes O.S.l font le noyautage à la main de pièces diverses exécutées sur commande. Les hommes font les pièces les plus grosses, «les femmes sont plus adroites et vont plus vite surtout dans les petites pièces». D1
Turbines, ventilateurs, compresseurs, turboréacteurs.
50 femmes O.S.l travaillent au noyautage à la main. On n'emploie que des femmes car les noyaux sont de petites dimensions. La rapidité féminine sur ces travaux est telle qu'on a dû supprimer les salaires au rendement. «Elles ont fait tomber elles-mêmes les temps». Pas d'hommes au noyautage. E*
Aimants.
4 femmes O.S.l travaillent au noyautage. «C'est chez les femmes qu'on trouve la plus grande habileté manuelle pour ce genre de travail». Pas d'hommes au noyautage. POLISSAGE. D3
BRUNISSAGE
Petits appareils de chauffage et de cuisine. Pièces détachées pour appareils à gaz.
1 homme et 1 femme O.S.2 font du polissage au moyen de brosses métalliques circulaires entraînées par un moteur. «Il n'y a aucune différence dans le travail confié à l'un ou à l'autre. La femme est une vieille ouvrière des métaux entraînée au travail pénible et sale». E2
Embrayages pour avions et automobiles.
8 femmes O.S.2 font, à l'aide de scies à ruban et de petits tours à polir, le sciage et le polissage sur les prélèvements effectués au laboratoire. «Travail facile et peu pénible». E*
Outillages à main.
23 hommes P.2 font le polissage de toutes les pièces sortant du nickelage. «Travail nécessitant une qualification que les femmes n'ont pas et demandant un certain effort physique». Pas de femmes au polissage.
338 G3
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon Polissage, nickelage, chromage, émaillage à façon.
L'entreprise emploie 11 hommes polisseurs dont 2 P.2 et 9 P. 1. «On ne forme pas de femmes polisseuses, c'est un métier». Pas de femmes au polissage. G
4
Revêtement de métaux. Polissage.
15 hommes dont 2 P.2 et 13 P.l travaillent au polissage. «Il s'agit de travaux qualifiés en petites séries pour lesquels la main-d'oeuvre féminine n'existe pas. On cherche une aviveuse sans en trouver». Pas de femmes au polissage. G6
Revêtement de métaux. Polissage à façon.
6 hommes P. 1 travaillent sur tours à polir. «C'est un travail qualifié car l'entreprise travaille à façon sur petites séries». Pas de femmes au polissage. G6
Décoration de métaux, protection de métaux.
1 femme P.l travaillant au couteau à brunir est brunisseuse pour les objets en bronze. «Le brunissage au couteau est un métier essentiellement féminin mais il est en train de disparaître parce que le brunissage est de moins en moins demandé. C'est de plus un métier pénible qui demande un gros effort du poignet». 1 femme et 3 hommes P. 1 travaillent sur tours à polir. «Les hommes font les pièces les plus lourdes et le premier dégrossissage. La femme fait les finitions. Il est très difficile de trouver des ouvriers sérieux au polissage. Cette femme s'est présentée, on l'a prise à l'essai et on en est très content depuis 2 ans». 11
Travail à façon de transformation des métaux (filtres à air, boîtiers d'aspirateurs).
1 homme P.l travaille sur polisseuse à ruban. «C'est un travail qui demande un gros effort musculaire». Pas de femmes au polissage. 12
Emballages métalliques, corps de condensateurs, de compteurs, etc.
1 homme P.l et 2 femmes O.S.2 travaillent au polissage. «L'homme utilise un polissoir garni de cuir qui requiert un effort physique plus important. Les femmes font le polissage des petites pièces en aluminium ou en fer blanc. Elles réussissent très bien là où le travail n'est pas trop pénible». 16
Découpage, emboutissage, repoussage à façon.
3 hommes O.S.2 travaillent sur tourets à polir. «Pour manipuler les pièces et les appliquer contre les polisseuses il faut un gros effort physique. L'emploi des femmes ne donnerait rien sur ce poste». Pas de femmes au polissage.
Polissage. Brunissage K4
339
Charnières, poignées, pièces détachées pour instruments de musique.
6 hommes P. 1 travaillent sur tours à polir. «C'est un métier malsain qui dégage beaucoup de poussières et nécessite un effort physique souvent important. L'entreprise a employé autrefois deux ouvrières au polissage mais on ne trouve plus guère de femmes pour faire ce travail». Pas de femmes au polissage. K7
Verrous et cadenas de sûreté.
3 hommes O.S.2 font du polissage. «C'est un travail pénible et sale». Pas de femmes au polissage. L3
Travail à façon de métaux en feuilles (bidons, casques, réservoirs).
2 hommes P.l font le polissage des casques et de diverses autres pièces. «L'effort musculaire qui leur est demandé est considérable. Des femmes ne réussiraient pas dans ces travaux». Pas de femmes au polissage. L9
Articles de ménage en aluminium.
5 hommes P. 1 font le polissage extérieur des casseroles sur disques de cuir puis de feutre; 3 hommes O.S.2 font, sur de petits tours garnis de toile émeri, le polissage intérieur. «Dans les deux cas il s'agit d'un travail dégageant beaucoup de poussières et d'un travail pénible pour lequel on ne trouverait pas de femmes». Pas de femmes au polissage. M1
Fermetures à glissière.
4 femmes O.S.2 surveillent les machines automatiques. «Il faut de l'attention et de la conscience professionnelle. Les femmes s'adaptent vite à ce travail qui demande des allées et venues continuelles entre les machines». Pas d'hommes au polissage. M3
Boutons en tous genres.
6 femmes O.S.2 et 3 hommes P.3 font du brunissage et du polissage. «Les travaux les plus délicats sont confiés aux hommes mais la qualification supérieure qui leur est donnée vient surtout de ce qu'ils assurent le commandement puisqu'ils font fonction de chefs d'équipe. Les femmes réussissent très bien sur les petits travaux de polissage ou de brunissage car elles ont la main légère». M4
Boutons militaires et insignes métalliques.
7 hommes et 1 femme O.S.2 travaillent sur tours à brunir. «On manque pour ce travail de main-d'oeuvre masculine. Toutes les femmes ne réussissent pas sur ce poste mais la femme qu'on emploie actuellement bat tous les rendements masculins».
340 M7
Répartition des hommes et des femmes de V¿chantillón Porte-plume
réservoirs.
16 femmes O.S.l font sur de petits tourets à polir tous les travaux de polissage; «ce sont des travaux simples que les femmes apprennent en quatre ou six semaines et qui demandent de la rapidité et une main légère car les pièces sont petites». Pas d'hommes au polissage. M*
Fermetures à glissière.
1 femme O.S.l surveille le polissage sur machines automatiques. «Travail facile». M11
Petits objets en métal (poudriers, tubes de rouge à lèvres, porte-cigarettes,
etc.).
2 femmes O.S.2 et 3 hommes P.3 font du polissage sur tourets à polir. «Les hommes travaillent à la toile émeri ou à la peau de buffle et doivent savoir évaluer au jugé la quantité de métal à user. Les femmes travaillent à la flanelle ou à la peau fine; c'est plus simple et moins fatigant et dans ce genre de travail elles sont souvent meilleures que les hommes». M12
Petits articles fantaisie roulettes.
(boutons, boucles de ceintures, etc.). Pièces de patins à
1 homme O.S.2 fait tous les travaux de polissage. «Travaux très variés puisque l'entreprise fabrique une grande quantité d'articles». Pas de femmes au polissage. M13
Fermoirs de sacs.
2 hommes P.3 travaillent au polissage. «C'est un métier difficile pour lequel il faut un apprentissage». Pas de femmes au polissage. O2
Carburateurs pour véhicules automobiles.
4 hommes dont 2 P.2 et 2 O.S.2 travaillent sur tours à polir. «Les qualifications sont différentes suivant la difficulté du travail effectué mais c'est dans tous les cas un travail trop dur pour une femme à cause des poussières et de l'effort physique». Pas de femmes au polissage. 06
Appareils de signalisation pour automobiles.
3 hommes O.S.2 font le polissage. «C'est un poste masculin. On ne trouve pas de femmes pour ce travail». Pas de femmes au polissage. 07
Soupapes pour autos, motos, avions, marine.
4 femmes O.S.l font des travaux simples de polissage sur de petites machines rotatives. «Il ne s'agit pas d'un vrai travail de polisseur. Des femmes ayant un petit entraînement y réussissent bien». Pas d'hommes au polissage.
Polissage. Brunissage P1
341
Cycles et motocycles.
5 hommes O.S.2 sont polisseurs-sableurs au pistolet. «Il s'agit d'un travail pénible et dangereux que seuls des hommes peuvent faire». Pas de femmes au polissage. T3
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs.
36 hommes dont 24 P.2 et 12 O.S.2 travaillent sur tours à polir. «Leur qualification diffère suivant les travaux confiés. C'est de toute façon un travail pénible». Pas de femmes au polissage. T1
Petits appareils électro-ménagers.
12 femmes O.S.l travaillent sur de petits tours de finition munis de brosse pour débarrasser le manche de l'enduit de la soudure ou pour enlever l'excès de vernis. «Ce sont des travaux très faciles qui n'ont rien à voir avec le travail qualifié du polissage». Pas d'hommes au polissage. T11
Lampes de radio. Lampes spéciales pour radars. Tubes électroniques.
12 hommes O.S.2 travaillent au polissage. «Certains travaux sont peu pénibles mais on préfère avoir une équipe homogène». Pas de femmes au polissage. U2
Petits roulements à billes.
36 femmes, dont 33 O.S.2 et 3 O.S.l, et 6 hommes O.S.2 travaillent au polissage. Les femmes O.S.l font le polissage des bagues de roulements sur plateaux pour enlever la rouille avant le montage. Les hommes et les femmes O.S.2 travaillent sur tours à polir mais il en existe deux sortes: des tours à main et des tours semi-automatiques. Sur les tours à main, dont le levier est actionné par l'ouvrière après alimentation de la machine, on n'emploie que des femmes «à cause de la rapidité gestuelle et de la synchronisation des mouvements qui réduit les temps morts de la machine». Sur les tours semi-automatiques on trouve quelques femmes mais «quand on le peut, on préfère embaucher des hommes sur ces machines. La rapidité féminine ne jouerait plus puisqu'il s'agit de machines n'ayant plus de temps mort et on dispose ainsi d'une main-d'oeuvre masculine à faire monter». U8
Roulements à rouleaux coniques.
4 hommes O.S.2 font, sur des bandes de toile émeri, le polissage des roulements spéciaux. «C'est un travail pénible car il faut maintenir la pièce à l'aide d'une pince et la présenter devant la bande. Travail debout, exigeant un gros effort du poignet et qu'on ne peut confier à des femmes». Pas de femmes au polissage.
342
Répartition des hommes et des femmes de Véchantillon
U5
Volants magnétiques. Appareils d'allumage des moteurs. Eclairage pour cycles et motocycles. 9 hommes dont 8 O.S.2 et 1 P.l font le polissage des pièces après l'électrolyse. Le P.l dirige l'équipe. «Travail dans une ambiance insalubre et demandant un effort physique. Il ne peut être confié à des femmes». Pas de femmes au polissage.
U8
Compteurs pour motos et autos. Appareils de contrôle. 4 hommes P.2 travaillent au polissage. «Ils ont été formés dans la maison mais on ne forme pas de femmes pour ce travail car il est impossible de mettre des femmes dans un atelier de polissage à cause de la mentalité qui y règne généralement».
U12
Fabrique d'appareillage pour mesure de la tension artérielle. 1 homme O.S.2 fait le polissage des boîtiers de manomètre. «Il y a des femmes polisseuses mais on n'en a jamais embauché car les polisseurs ont mauvaise réputation et on se méfie encore plus des femmes polisseuses». M O U L A G E DE M A T I È R E S
PLASTIQUES
E2
Embrayages pour avions et automobiles. 20 femmes et 80 hommes O.S.2 travaillent sur presses à moules ou sur boudineuses. «Les femmes sont quelquefois utilisées comme aides mais souvent aussi elles font le même travail que les hommes. O n emploie cependant une majorité d'hommes car certains travaux sont très lourds. C'est l'effort physique à fournir qui limite l'emploi des femmes».
G3
Polissage, nickelage, chromage, émaillage à façon, moulage de matières plastiques. 8 hommes dont 7 O.S.2 et 1 P.2 travaillent sur machines à mouler. Le P.2 fait le réglage des machines. «Il s'agit de grosses machines et d'un travail trop pénible pour des femmes». Pas de femmes au moulage.
M1
Fermetures à glissière. 4 hommes O.S.2 surveillent et alimentent les machines automatiques à mouler sous pression. «Le réglage est fait par le contremaître mais la surveillance comporte une certaine responsabilité». Pas de femmes au moulage.
M8
Petites pièces détachées pour l'électricité et la radio-électricité. 1 femme O.S.2 travaille sur machine à mouler les pièces en matière plastique. «C'est un travail qui n'exige pas une grande précision et sur lequel les femmes réussissent bien». Pas d'hommes au moulage.
Moulage de matières plastiques O3
343
Accessoires électriques pour autos. Petits appareils ménagers. Matériel mécanique de précision.
21 femmes dont 14 O.S.l et 7 O.S.2 travaillent au moulage des pièces en matière plastique sur de très grosses machines modernes. Elles font l'alimentation et la surveillance. «Les femmes qui réussissent bien sur ces tâches sont celles qui ont un travail régulier, un peu comme aux presses». Pas d'hommes au moulage. T2
Fils et câbles électriques.
136 hommes dont 36 O.S.l et 100 O.S.2 travaillent sur les «boudineuses» qui font le revêtement des câbles en matière plastique ou en caoutchouc. Les boudineuses assurent la fonte des matières plastiques, le revêtement du câble et le refroidissement. Le travail est surtout un travail d'alimentation et de surveillance peu pénible (moins pénible que certains travaux faits par des femmes dans la même entreprise) mais «ce sont des machines trop impressionnantes pour des femmes». Pas de femmes au boudinage. T3
Fils et câbles électriques.
25 hommes O.S.2 travaillent sur machines à fabriquer les pièces moulées. «Le travail n'est pas très pénible mais les horaires sont des horaires de travail en équipe et on n'emploie pas les femmes dans l'entreprise au travail en équipe». T4
Petits appareils électro-ménagers.
5 femmes O.S.l travaillent au moulage des pièces en matière plastique. «Ce travail peut être confié à des femmes car la maison elle-même ne fait que les pièces moulées pesant moins de 30 grammes, les pièces plus lourdes sont traitées à l'extérieur». Pas d'hommes au moulage. T6
Accumulateurs.
Condensateurs.
2 hommes O.S.2 travaillent à la presse à mouler. Travail lent, exigeant un effort des bras. «A la rigueur des femmes pourraient le faire mais ce n'est pas l'habitude». Pas de femmes au moulage. U '
Machines à écrire.
3 hommes O.S.2 B conduisent les machines à mouler. «On pourrait y employer des femmes mais la maison est en baisse d'effectifs et il faut réemployer en priorité les hommes licenciés sur d'autres postes».
344
Répartition des hommes et des femmes de Véchantillon DÉCAPAGE.
DÉGRAISSAGE
D8
Petits appareils de chauffage et de cuisine. Pièces détachées pour appareils à gaz. 2 hommes O.M.2 font le dégraissage des pièces au bain d'acide ou au pétrole. «C'est un travail désagréable pour lequel on emploie des NordAfricains». Pas de femmes au dégraissage.
E4
Outillages à main. 2 hommes O.S.2 font le dégraissage au bain avant le nickelage. «Pour ces postes sales et pénibles, on recherche de préférence une main-d'oeuvre étrangère». Pas de femmes au dégraissage.
E6
Robinetterie industrielle. 6 hommes O.M.2 trempent les pièces dans des bains décapants. «Travail pénible et malsain à cause des dégagements importants des bains. O n ne peut y employer des femmes». Pas de femmes au décapage.
G1
Revêtement de métaux à façon. 8 femmes O.S.l et 14 hommes O.S.l travaillent au décapage des pièces dans un bain de soude et au séchage dans la sciure. Bien qu'ayant des dénominations et des qualifications identiques, les travaux sont en réalité très différents et se font dans des locaux séparés : les femmes travaillent dans le secteur d'oxydation anodique et traitent les pièces légères en aluminium; les hommes travaillent dans le secteur où l'on traite les pièces en acier ou en laiton qui sont beaucoup plus lourdes et doivent être manipulées à l'unité.
G2
Emaillage à façon. 1 homme O.S.l fait le décapage au bain des pièces avant émaillage. «Travail sale et nécessitant quelquefois un effort physique. Il vaut mieux à cause de cela y mettre un homme». Pas de femmes au décapage.
G3
Polissage, nickelage, chromage, émaillage à façon. 1 femme O.S.l fait le dégraissage des pièces et le séchage «au tonneau» dans la sciure. «Travail sale parfois pénible. Les femmes jeunes ne veulent pas le faire; c'est une vieille ouvrière qui en est chargée, elle est encore robuste et n'a pas peur de se salir». Pas d'hommes au dégraissage.
Décapage. Dégraissage G7
345
Emaillerie.
2 hommes O.S.2 font, au bain d'acide, le décapage des tôles avant émaillage. «Travail pénible fait par des Nord-Africains». 3 femmes O.S.l sont «dégarnisseuses». Avant la cuisson des pièces, elles débouchent à l'aide de petits tampons les trous bouchés par le dépôt d'émail. «C'est le type même du travail qu'on ne peut confier qu'à des femmes et que les hommes ne voudraient pas faire tellement il est ennuyeux». G8
Revêtement.
Emaillage.
2 hommes O.S.2 font, au bain d'acide, le décapage des tôles avant émaillage. «Travail sale et dangereux». Pas de femmes au décapage. I*
Petites pièces découpées et embouties (boîtes, tubes de rouge à lèvres, etc.).
6 hommes O.S.l font le dégraissage des pièces. «On pourrait employer des femmes mais les hommes peuvent aussi faire le nickelage et travailler sur grosses presses lorsque le travail est trop lourd pour être confié à des femmes. C'est en raison de cette polyvalence qu'on emploie des hommes». Pas de femmes au dégraissage. 17
Découpage et emboutissage (boîtes, tubes, etc.).
1 homme O.S.2 et 2 femmes O.S.l passent les objets dans des bains décapants chauds, les transportent ensuite sur des plateaux jusqu'aux tonneaux à sciure pour le séchage et les débarrassent ensuite de la sciure. L'homme prépare les bains et fait les travaux les plus lourds (remarquer la différence de qualification). «Les femmes vont cependant plus vite, c'est pourquoi on embauche des femmes dans la mesure du possible». J '
Pièces détachées en acier pour automobile et aviation.
1 homme O.M.2 et 3 femmes O.M.2 font le nettoyage des pièces à l'air comprimé. «On emploie un homme parce qu'il fait aussi le nettoyage de l'atelier». K1
Ressorts à fil ou plats de toutes dimensions.
3 hommes O.S.l font le décapage à l'aide de machines à grenailler et le dégraissage au bain. «C'est un travail sale et dur, demandant un effort musculaire important». Pas de femmes au décapage. K2
Instruments de mesures linéaires.
5 femmes O.S.l lavent les pièces dans un bain décapant et les sèchent à la sciure. «C'est un travail facile qui convient à certaines femmes qu'on ne peut mettre à d'autres travaux».
346 L7
Répartition des hommes et des femmes de V échantillon Fabrique de lustres et d'éléments d'appareils domestiques.
3 hommes O.M.2 font le dégraissage au bain. «On ne peut employer des femmes sur ce poste qui expose à des émanations d'acide». Pas de femmes au décapage. M4
Boutons militaires et insignes métalliques.
1 homme O.S.2 et 2 O.S.l font le dégraissage au bain d'acide. «C'est un poste pénible et dangereux sur lequel on emploie des Nord-Africains». M11
Petits objets en métal (poudriers, tubes de rouge à lèvres, porte-cigarettes).
1 homme O.M.2 fait le décapage au bain d'acide. «C'est un NordAfricain». 1 homme O.M.2 et 4 femmes O.S.l font les travaux de nettoyage des pièces avec chiffons et pâtes à récurer et à polir. «C'est un travail que les femmes font naturellement bien. L'homme employé avec elles fait le même travail; c'est un jeune Nord-Africain» (remarquer la différence de qualification). O
4
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en
particulier).
7 hommes O.M.2 font le décapage des pièces et le séchage au tonneau. «C'est un travail demandant un gros effort physique car il faut transporter les pièces». Pas de femmes au décapage. P1
Cycles et motocycles.
3 hommes et 4 femmes O.S.l font le nettoyage des pièces à l'aide de chiffons, de pétrole et de produits de nettoyage. «C'est un travail debout et très sale mais c'est surtout un travail de femmes, proche des travaux ménagers. Les hommes sont des ouvriers âgés, anciens manoeuvres qu'on a reclassés là». P2
Selles de bicyclettes et de motocycles.
3 hommes O.S.2 font le nettoyage au tonneau (roulage). «Il faut transporter des charges lourdes». Pas de femmes au dégraissage. R3
Lampes électriques et réglettes fluorescentes.
1 homme O.S.2 fait les travaux de décapage au bain; «c'est un travail simple ne demandant aucune connaissance spéciale mais c'est un travail insalubre comportant des manipulations fatigantes». Pas de femmes au décapage. S4
Constructions radio-électriques.
1 homme O.S.2 est décapeur au bain d'acide. «Travail insalubre». Pas de femmes au décapage.
Gravure. Imprimerie. T®
Marquage
347
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs.
13 femmes dont 7 O.S.2 et 6 O.S.l font l'essuyage et le nettoyage des frigidaires avec des chiffons et des produits à nettoyer. La qualification d'O.S.2 est donnée à l'ancienneté. «C'est un travail qui convient bien aux femmes». Pas d'hommes au nettoyage. T'bù
Oeillets métalliques et pièces détachées pour radio, télévision, électronique, etc.
2 hommes O.S.2 font le dégraissage au tonneau. «Travail pénible». Pas de femmes au dégraissage. T8
Condensateurs.
2 femmes O.S.l sont «nettoyeuses». Elles font, à l'aide de chiffons, le nettoyage des condensateurs. «Travail simple». Pas d'hommes au nettoyage. GRAVURE. IMPRIMERIE. K2
MARQUAGE
Instruments de mesures linéaires.
5 femmes O.S.l travaillant sur pantographe gravent les repères et les chiffres sur les mètres en métal. «C'est un travail simple, demandant du soin et de la rapidité et qui convient aux femmes. Il serait trop sédentaire pour des hommes». 6 hommes dont 1 P.3, 1 P.l et 4 O.S.2 travaillent sur machines à imprimer pour les autres instruments de mesure. Ils peuvent passer d'une machine à l'autre. Les professionnels font le réglage des machines. Sur certaines d'entre elles l'encrage demande un effort physique assez important. 14 hommes O.S.2 travaillent à la gravure chimique dans des cuves d'acide. «C'est un travail pénible et dangereux. La main-d'oeuvre est nord-africaine». L4
Boîtes et emballages métalliques.
2 hommes P.3 ont la charge du réglage et de la conduite d'un groupe à imprimer (rotatives offset). «Le travail n'est pas pénible mais il exige une qualification et il comporte des responsabilités». Pas de femmes. L5
Lits et armoires métalliques.
10 hommes O.S.2 travaillent sur machines à poinçonner. Ils sont polyvalents et peuvent aussi travailler sur presses ou sur plieuses. «Comme certains de ces travaux sont pénibles il y faut des hommes». Pas de femmes.
348
Répartition des hommes et des femmes de V échantillon
L®
Articles de ménage en aluminium. 1 homme O.S.2 fait le marquage des becs de casseroles à l'aide d'une sorte de gros balancier. «C'est un travail demandant une grande force des bras». Pas de femmes au marquage.
M8
Boutons en tous genres. 1 homme P.l est chargé des travaux de gravure sur des boutons. «C'est un travail varié qui demande une certaine qualification». Pas de femmes sur ces travaux.
M11
Petits objets en métal (poudriers, tubes de rouge à lèvres, porte-cigarettes, etc.). 1 femme O.S.2 et 1 homme P.3 travaillent au «guillochage» des pièces. «Le travail de l'homme est un travail artistique qui nécessite d u goût et une grande habileté manuelle. Il compose les dessins, détermine la profondeur du trait. Le travail de la femme est tout à fait différent, il est tout à fait mécanique et sans responsabilités puisqu'elle travaille sur maquettes établies par le guillocheur et qui guident l'outil».
010
Bougies pour automobiles et aviation. Essuie-glaces spéciaux. 1 femme O.S.2 et 2 hommes P.2 font le marquage des bougies. «La femme travaille avec un simple tampon, les hommes surveillent des machines à imprimer».
Pa
Selles de bicyclettes et de motocycles. 1 homme O.S.2 imprime à l'aide d'une estampeuse la marque de la maison dans le cuir des selles. «Travail demandant un effort physique». Pas de femmes.
Rl
Lampes électriques. 15 femmes O.S.2 font en fin de chaîne le marquage des ampoules. «Travail simple et qui demande de la rapidité en même temps qu'une grande délicatesse du toucher. Il ne peut être fait que par des femmes». Pas d'hommes au marquage.
T8
Condensateurs. 1 femme O.S.2 à l'aide d'une petite machine à tampon imprime une marque sur les boîtiers des condensateurs. «C'est un travail simple et un peu fastidieux mais il nécessite d u soin et une certaine conscience professionnelle car il faut contrôler le numéro de la marque». Pas d'hommes au marquage.
U9
Appareils de mesure de pyrométrie. 1 femme O.S.2 imprime les chiffres sur les cadrans des appareils. «Il faut de la dextérité et du soin. C'est un poste qui convient à une femme». Pas d'hommes à l'impression des cadrans.
Cisaillage
349
CISAILLAGE D3
Petits appareils de chauffage et de cuisine. Pièces détachées pour appareils à gaz-
2 hommes O.S.l travaillent sur cisailles à pédales et font entre temps des travaux de manutention. «C'est un travail pénible car il faut manipuler de grandes feuilles de tôle». Pas de femmes au cisaillage. I1
Travail à façon de transformation de métaux en feuilles d'aspirateurs, etc.).
(filtres à air, boîtiers
4 hommes O.S.2 travaillent sur cisailles à guillotine pour le découpage des flans d'emboutissage. «Gros effort physique pour la manutention des tôles». Pas de femmes au cisaillage. 18
Découpage et emboutissage à façon.
3 hommes O.S.2 font le découpage des flans. «Ils travaillent sur du matériel ancien et le travail est dur». Pas de femmes au cisaillage. 15
Découpage, emboutissage, repoussage à façon (filtres, flotteurs pour automobiles, etc.).
2 hommes O.S.2 travaillent au cisaillage sur cisailles mécaniques à guillotine. Ils règlent la machine suivant les dimensions à fournir. «C'est un travail qui nécessite des manipulations lourdes et de nombreux déplacements». Pas de femmes au cisaillage. 17
Découpage et emboutissage (boites, tubes, etc.).
1 homme O.S.2 est chargé des travaux de cisaillage. «Il passe entre temps sur grosse presse lorsque le travail y est trop lourd pour les femmes». Pas de femmes au cisaillage. K1
Ressorts à fil ou plats de dimensions variables.
4 hommes dont 3 P.l et 1 O.S.2 conduisent des cisailles à découper le métal en bandes. «C'est un travail qui nécessite à la fois une qualification pour la conduite de l'outil et un effort physique; il comporte de plus des responsabilités». Pas de femmes au cisaillage. K2
Instruments de mesures linéaires.
10 hommes dont 1 P.l et 9 O.S.2 conduisent des cisailles à main. Le P.l fait le réglage des cisailles. «C'est un travail qui se fait debout et qui nécessite de la force». Pas de femmes au cisaillage.
35° K3
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon Ressorts en acier laminé.
10 hommes O.S.l travaillent sur grosses cisailles à main. «Le travail demande une force que les femmes n'ont pas». Pas de femmes au cisaillage. K
4
Charnières, poignées, pièces détachées pour instruments de musique.
1 homme O.S.l est cisailleur. Il fait aussi un peu de manutention. «On lui demande surtout de la force physique». Pas de femmes au cisaillage. L2
Emballages métalliques en fer blanc.
15 hommes et 6 femmes O.S.2 travaillent sur cisailles. «On emploie le plus possible de femmes car elles sont moins payées» (remarquer que la qualification est la même). L4
Boites et emballages métalliques.
17 femmes O.S.l sont cisailleuses. Elles approvisionnent des cisailles à rouleaux. «Les feuilles de métal à manier ne sont pas d'un poids excessif. 11 y a seulement un danger de coupure. Les femmes réussissent bien sur ce travail». Pas d'hommes au cisaillage. L10
Articles de ferblanterie pour artistes peintres et écoliers. Équipements pour l'armée.
2 hommes O.S.l travaillent sur cisailles à main au découpage des tôles. «Travail nécessitant un effort physique». Pas de femmes au cisaillage. M2
Boutons militaires et insignes métalliques.
2 hommes O.S.2 découpent à la cisaille les bandes de métal. «Il faut travailler debout et soulever parfois des poids importants». Pas de femmes au cisaillage. M5
Jouets en métal.
1 homme O.S.2 est chargé du cisaillage des feuilles de tôle. Pas de femmes au cisaillage. M10
Jouets en métal. Petits accessoires pour l'automobile. Articles ménagers en fil de fer.
1 homme O.S.2 travaille sur cisaille à main. «Il fait aussi un peu de découpage à la presse lorsque le travail est lourd». Pas de femmes au cisaillage. M12
Petits articles fantaisie
(boutons, boucles de ceinture). Pièces de patins à roulettes.
1 homme O.S.2 fait le cisaillage. Pas de femmes au cisaillage.
Meulage. O3
Ébarbage
35i
Accessoires électriques pour autos. Petits appareils ménagers. Matériel mécanique de précision.
2 hommes P. 1 travaillent au cisaillage. «Travail qualifié comportant des responsabilités et nécessitant un effort physique». Pas de femmes au cisaillage. T1
Matériel téléphonique. Appareils de mesures électriques.
10 hommes O.S.2 sont cisailleurs. «C'est un poste masculin à cause des déplacements et de l'effort physique qu'il demande». Pas de femmes au cisaillage. T8
Condensateurs.
2 femmes O.S.2 sont interchangeables au petit cisaillage et sur les petits travaux de ferblanterie (soudure, travail au balancier, etc.). «Tous ces travaux sont faciles et légers. Il s'agit d'anciennes ouvrières». 2 hommes O.S.2 travaillent sur les grandes cisailles. «Leurs travaux sont plus pénibles que ceux faits par les femmes». T®
Moteurs électriques.
2 hommes O.S.2 font du cisaillage «mais ils peuvent être employés aussi sur d'autres postes de mécanique». Pas de femmes au cisaillage.
MEULAGE. C1
ÉBARBAGE
Raccords de fonte malléable et robinetterie industrielle.
73 hommes dont 52 O.S.l et 21 O.S.2 travaillent à l'ébarbage des pièces moulées. Les qualifications sont différentes suivant la difficulté du travail. «Certaines pièces sont lourdes. Il faut travailler debout. C'est un travail pénible et dangereux». Pas de femmes à l'ébarbage. C2
Fonderie. Pièces pour automobiles, camions, tracteurs.
54 hommes O.S.2 travaillent sur machines à sabler ou sur machines à ébarber. «C'est un travail sale, et pénible, sur lequel on n'utilise généralement pas de femmes. Pendant la guerre 1939-40 l'entreprise a cependant employé des femmes à l'ébarbage». Pas de femmes à l'ébarbage actuellement. C3
Fonderie d'alliages légers pour Vautomobile et l'aviation.
4 femmes O.S.l fies «râpeuses») travaillent à l'ébarbage des noyaux cuits c'est-à-dire des noyaux de sable après leur passage au four. «C'est un travail facile, peu pénible, demandant une certaine légèreté de main car
352
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon 11 ne faut pas déformer le noyau. Il convient très bien aux femmes d'autant plus que les séries sont importantes». 50 hommes O.S.2 et 1 femme O.S.l travaillent sur machines à l'ébarbage des pièces coulées. «La femme ne fait que les petites pièces sur lesquelles elle est plus rapide» (remarquer la différence de qualification). 6 hommes O.S.2 font sur machines à sabler le nettoyage des pièces coulées par projection de sable. «On n'utilise jamais de femmes sur les machines à sabler. Elles sont sales et dangereuses».
G4
Fonderie d'alliages légers. 7 hommes O.S.2 travaillent sur machines à ébarber, «c'est un travail qui se fait debout et qui nécessite un effort physique car l'entreprise fabrique beaucoup de grosses pièces». Pas de femmes à l'ébarbage.
C6
Robinetterie de bronze. 12 hommes O.S.2 font l'ébarbage. «C'est un travail dur et dangereux. O n n'y emploie en général pas de femmes sauf quand il s'agit de petites pièces coulées sous pression ce qui n'est pas le cas pour l'entreprise». Pas de femmes à l'ébarbage.
G*
Fonderie pour pièces de compteurs. 9 hommes O.S.2 travaillent à l'ébarbage. «En fonderie ce n'est pas un travail de femmes». Pas de femmes à l'ébarbage.
C7
Fonderie de cuivre et de bronze. 3 hommes dont 1 P.l et 2 O.S.2 travaillent soit à l'ébarbage de bronze d'art soit à l'ébarbage de robinetterie (d'où la différence de qualification). «L'ébarbage n'est pas un travail de femmes».
G3
Polissage, nickelage, chromage, émaillage à façon. Moulage de matières plastiques. 2 femmes O.S.2 font sur de petites machines l'ébarbage des pièces en matière plastique. «C'est un travail léger demandant beaucoup de manipulations et sur lequel les femmes sont très rapides». Pas d'hommes à l'ébarbage.
G4
Revêtement de métaux. Polissage. I homme O.S.2 travaille au nettoyage des pièces sur machine à sabler. II fait aussi du polissage à temps partiel. «On ne trouverait pas de femmes pour occuper un tel poste». Pas de femmes à l'ébarbage.
K1
Ressorts à fil ou plats de dimensions variables. 9 femmes O.S.l et 2 hommes O.S.2 font, sur meules semi-automatiques
Estampage.
Matrigage
353
ou sur meules à main, l'ébavurage et le planage des extrémités de ressorts à compression. «On confie aux hommes les ressorts les plus gros. Pour les petits ressorts, la main-d'oeuvre féminine convient très bien» (remarquer la différence de qualification). Les femmes font l'alimentation pièce par pièce des meules semi-automatiques à plateaux tournants. K3
Ressorts en acier laminé.
4 hommes O.S.2 font le meulage des ressorts. «C'est un travail que l'entreprise n'a jamais confié aux femmes». Pas de femmes à l'ébarbage. L11
Articles divers en fil de fer.
1 homme O.S.l fait sur machine à ébarber le meulage des pièces après soudure. «C'est un travail facile mais il arrive que les pièces soient trop lourdes ou de trop grandes dimensions pour une femme. Puisqu'on n'y emploie qu'une personne, il vaut donc mieux que ce soit un homme». Pas de femmes à l'ébarbage. 09
Bougies d'allumage pour moteurs à explosion.
2 hommes O.S.2 font sur machines à meuler l'ébarbage des électrodes après soudure. «On pourrait y employer des femmes mais ces hommes font eux-mêmes leurs manutentions qui sont souvent assez lourdes». Pas de femmes à l'ébarbage. 010
Bougies pour automobile et aviation. Essuie-glaces spéciaux.
2 hommes O.S.2 font l'ébarbage des électrodes. «Us font aussi le serrage des bougies qui exige un effort physique. Il vaut donc mieux employer des hommes». Pas de femmes à l'ébarbage. ESTAMPAGE. D2
MATRIÇAGE
Appareils en laiton pour gaz en bouteille.
4 femmes O.S.l font les travaux légers d'estampage à froid. «C'est un poste assis, peu pénible, qui demande de la régularité et de la persévérance». 30 hommes O.S.l font l'estampage à chaud sur presses à balancier. «C'est un travail dur. Une femme l'a fait pendant quelques années, mais c'était exceptionnel. On y emploie des Nord-Africains». D3
Petits appareils de chauffage et de cuisine. Pièces détachées pour appareils à gaz.
2 hommes O.S.l font le matriçage des têtes de brûleurs portées au rouge. Us se relaient alternativement à la presse et au chauffage. «Travail pénible à cause de la chaleur et de l'effort physique». Pas de femmes au matriçage.
354
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
E 6 b i s Tournage et décolletage àfaçon. Matriçage. 5 hommes O.S.2 travaillent au matriçage à chaud. «On n'a jamais eu l'idée d'y employer des femmes mais ce serait peut-être possible. Ce n'est pas tellement pénible». Pas de femmes au matriçage. 18
Découpage et emboutissage à façon. 2 hommes O.S.2 font l'estampage au mouton d'insignes de toutes grosseurs fabriqués dans la maison. «Certains travaux demandent un effort physique trop important pour des femmes». Pas de femmes à l'estampage.
J1
Décolletage et matriçage de robinetterie. 5 hommes O.S.2 et 4 femmes O.S.2 font la chauffe et le matriçage. «C'est un travail pénible mais simple et bien payé. O n ne trouve plus guère de femmes pour le faire, sauf les femmes seules qui veulent essayer de gagner plus. Celles qui travaillent actuellement au matriçage viennent de la reprise. Les hommes sont des Nord-Africains».
J2
Pièces détachées en acier dur pour l'aviation. 20 hommes O.S.2 font du matriçage à chaud. «C'est un travail dur à cause de la chaleur. O n y emploie quelques Nord-Africains». Pas de femmes au matriçage.
J8
Boulons spéciaux. 4 hommes O.S.2 font le matriçage à chaud des boulons. «On n'emploie les femmes dans la maison que pour les travaux peu pénibles physiquement; ceux-ci le sont trop». Pas de femmes au matriçage.
J10
Matriçage et décolletage de boulons. 5 hommes O.S.2 travaillent sur presses à matricer à chaud. «Les mouvements des bras et de la j a m b e gauche nécessitent un effort important. Ce travail ne peut être fait que par des hommes». Pas de femmes au matriçage.
M4
Boutons militaires et insignes métalliques. 4 femmes O.S.2 font, sur balanciers à friction, les gravures les plus légères sur les formats les plus petits. «Elles sont imbattables pour la rapidité». 4 hommes O.S.2 font l'estampage au mouton des pièces en métal plus dur et de grandes dimensions ou demandant des gravures plus profondes. «L'effort physique serait trop important pour des femmes».
Revêtement 0
1
355
Freins pour autos. Lanceurs de démarreurs.
50 hommes P.2 travaillent au matriçage de pièces pour les lanceurs de démarreurs. «Travail qualifié, demandant une grande précision». Pas de femmes au matriçage. REVÊTEMENT (mise au bain) E1
Pompes à injection Diesel. Dynamos et démarreurs.
21 hommes dont 3 P. 1 et 18 O.S.2 sont metteurs au bain pour le revêtement des pièces. Les P.l dirigent les bains. «Le travail exige un effort physique car certaines pièces à plonger sont lourdes». Pas de femmes metteurs au bain. E4
Outillages à main.
4 hommes P.l sont chromeurs-nickeleurs. «Travail qualifié et souvent pénible qui ne peut être fait par des femmes». Pas de femmes au chromage-nickelage. G1
Revêtement de métaux à façon.
4 femmes O.S.2 sont metteuses au bain dans le secteur d'oxydation anodique. «C'est un travail sale mais, dans le secteur d'oxydation anodique où on traite les pièces légères en aluminium, tous les travaux sauf la préparation des bains sont faits par des femmes, tandis que dans le secteur des pièces en acier et en laiton on ne trouve que des hommes. Les metteuses au bain sont les seules femmes O.S.2 du secteur d'oxydation anodique. Elles jouent le rôle de chefs de file et ont des éléments de responsabilité». 9 hommes dont 6 O.S.l et 3 O.S.2 sont metteurs au bain dans le secteur des pièces en acier et en laiton qui demande un plus gros effort physique pour le trempage des pièces. Les O.S.2 sont chefs de groupe. G3
Polissage, nickelage, chromage, émaillage à façon.
6 hommes dont 2 P.l et 4 O.S.2 sont nickeleurs-chromeurs. Les P.l ont la responsabilité de la préparation des bains. «La mise au bain est un travail malsain et pénible. Ce n'est pas un travail de femmes». Pas de femmes sur ce travail. G4
Revêtement de métaux. Polissage.
2 hommes dont 1 P.l et 1 O.S.2 sont nickeleurs-chromeurs. Le P.l prépare les bains. «C'est un travail qui demande des déplacements constants et qui est trop pénible pour des femmes». Pas de femmes au nickelage.
356
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
G5
Revêtement de métaux. Polissage à façon. 1 homme P. 1 est metteur au bain. «C'est un travail qualifié car l'entreprise travaille à façon et il faut savoir doser les bains suivant le travail à faire». Pas de femmes à la mise au bain.
G*
Décoration de métaux. Protection de métaux. 3 hommes P. 1, un nickeleur, un argenteur et un doreur règlent la préparation des bains et des appareils de galvanoplastie. «Ils ont des responsabilités puisque les séries sont très variées suivant les commandes et de plus certains produits sont toxiques. O n ne pourrait donc pas employer de femmes sur ces postes».
11
Travail à façon de transformation de métaux en feuilles (filtres à air, boîtiers d'aspirateurs, etc.). 6 hommes O.S.2 sont chargés du traitement final des pièces et essentiellement de la coloration par mise au bain. «Travail qui demande essentiellement un effort physique et expose à la chaleur et aux émanations». Pas de femmes sur ce poste.
12
Emballages métalliques (corps de condensateurs, de compteurs, etc.). 1 homme et 2 femmes O.S.l travaillent à la mise aux bains décapants ou aux bains de galvanoplastie. «Ils font exactement le même travail. Les femmes sont de vieilles ouvrières».
J2
Pièces détachées en acier pour l'aviation. 2 hommes O.S.2 sont chargés des travaux de protection des pièces fabriquées. «Travail insalubre avec manipulation d'acides». Pas de femmes sur ce poste.
M3
Boutons en tous genres. 3 hommes dont 2 P.3 et 1 O.S.2 font la dorure et le nickelage des objets fabriqués. Les P.3 font en outre la préparation des bains: «Ce sont des travaux demandant certaines connaissances, qui se font debout et qui impliquent la manipulation de produits dangereux. O n ne peut les confier à des femmes».
M4
Boutons militaires et insignes métalliques. 2 hommes dont 1 P.3 et 1 O.S.l font l'argenture et la dorure. «Le P.3 détermine la composition des bains, l'O.S.l lui sert surtout d'aide pour les manipulations». Pas de femmes sur ce poste.
M*
Fermetures à glissière. 1 femme P.3 est chargée des bains de coloration. «Le travail ne demande
Revêtement
357
pas d'effort physique mais il comporte de grandes responsabilités. La femme qu'on y emploie donne toute satisfaction. Dans la maison tout le travail de production est confié à des femmes». Pas d'hommes sur ce poste. M12
Petits articles fantaisie
(boutons, boucles de ceinture). Pièces de patins à roulettes.
1 homme O.S.2 est nickeleur-doreur. «On a toujours employé des hommes sur ce poste». Pas de femmes au nickelage. O3
Accessoires électriques pour autos. Petits appareils ménagers. Matériel mécanique de précision.
24 hommes O.S.2 travaillent au revêtement des pièces fabriquées. «C'est un travail d'homme qui exige beaucoup de déplacements et qui est parfois assez sale». Pas de femmes au revêtement. O6
Appareils de signalisation pour automobiles.
3 hommes O.S.2 sont metteurs au bain à la galvanoplastie. «Ce n'est pas un travail de femme, il suffit de regarder pour s'en convaincre». Pas de femmes sur ce poste. S1
Montage d'appareils récepteurs de radio et de télévision.
2 hommes O.S.2 sont metteurs au bain au zinguage. «C'est un travail trop sale et trop dur pour des femmes». T1
Matériel téléphonique. Appareils de mesures électriques.
19 hommes O.S.2 sont metteurs au bain de nickelage pour certaines petites pièces en grandes séries. «C'est un travail insalubre». Pas de femmes au nickelage. T2
Fils et câbles électriques.
7 femmes O.S.l et 4 hommes O.S.2 travaillent à l'étamage au bain d'étain des fils de cuivre sortant des tréfileuses. Les hommes s'occupent des plus gros fils pour lesquels les manutentions sont plus lourdes. «On utilise le plus possible la main-d'oeuvre féminine car, étant donné les salaires très justes, on trouve difficilement des hommes». T3
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs.
2 hommes O.S.2 travaillent à l'imprégnation des bobines. «C'est un travail sale étant donné la nature du produit employé». Pas de femmes sur ce poste. T11
Lampes de radio. Lampes spéciales pour radars. Tubes électroniques.
24 hommes O.S.2 (graphiteurs, métalliseurs, sédimenteurs) travaillent au revêtement des fils. «On n'emploie, dans ce secteur, des femmes que
358
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon
pour l'attachage. Les autres postes ne leur conviendraient pas, ce ne sont pas des postes sédentaires». Pas de femmes au revêtement. Tla
Téléphones.
Relais.
10 hommes O.S.2 sont nickeleurs. «C'est un travail insalubre. On y emploie beaucoup de Nord-Africains». Pas de femmes au nickelage. U1
Machines de bureau.
10 hommes O.S.2 sont metteurs au bain pour le revêtement de certaines pièces en grandes séries. «C'est un travail insalubre». Pas de femmes metteurs au bain. U
4
Compteurs à gaz et compteurs électriques.
26 hommes O.S.2 travaillent au revêtement en alternant ce travail avec le moulage des pièces en aluminium sous pression. «Les bains sont sales et dangereux, et le moulage sous pression est trop pénible à cause de la chaleur. Double raison pour ne pas employer des femmes. On n'en trouverait pas d'ailleurs qui soient capables de passer ainsi d'un travail à l'autre». Pas de femmes au revêtement. U6
Volants magnétiques. Appareils d'allumage des moteurs. Éclairage pour cycles et motocycles.
26 hommes dont 1 P.2, 19 O.S.2 et 6 O.M.2 sont zingueurs, chromeurs, calamineurs. Le P.2 prépare les bains et sert de chef d'équipe. «Les séries changent constamment et les travaux sont souvent lourds». Pas de femmes sur ces postes. U *
Machines à écrire.
7 hommes O.S.2 font les travaux de nickelage et de chromage. «Travaux sales et insalubres qui ne conviennent pas à des femmes. Dans ce secteur on ne les emploie qu'à l'attachage». Pas de femmes au nickelage. U8
Compteurs pour motos et autos. Appareils de contrôle.
3 hommes O.S.2 sont metteurs au bain. «Travail malsain et lourd». Pas de femmes metteurs au bain. U12
Fabrique d'appareillage de mesure de la tension artérielle.
1 homme O.S.2 est nickeleur-chromeur. «Il ne travaille au nickelage que quelques jours par semaine et fait le reste du temps des travaux de reprise. 11 y a eu autrefois une femme nickeleuse dans la maison, quand elle est partie, c'est un homme qui s'est présenté. Il était autrefois batteur de
Réparation. Pontonniers
359
tapis, c'est dire que le métier n'exige pas de connaissances spéciales». Pas de femmes actuellement au nickelage. RÉPARATION E '
Montage de machines à tricoter.
12 hommes dont 5 P. 1 et 7 P. 2 s'occupent de la réparation des machines renvoyées à l'usine. «Il faut pour ce travail un certain sens mécanique; de plus il comporte des opérations d'ajustage que les femmes ne savent pas faire». Pas de femmes à la réparation. O6
Appareils de signalisation pour automobiles.
3 femmes O.S.l et 2 hommes O.S.2 travaillent à la réparation des pièces défectueuses. «Le travail est identique mais les hommes font en plus le montage sur la voiture du client lorsque c'est nécessaire» (remarquer la différence de qualification). P1
Cycles et motocycles.
6 hommes dont 1 P.l et 5 O.S.2, dans un atelier extérieur au cycle de production, réparent les engins réexpédiés par les concessionnaires. «Il faut connaître la mécanique, les femmes ne pourraient pas faire ce travail». Pas de femmes à la réparation. S4
Constructions radio-électriques.
10 femmes P.l et 19 hommes dont 4 O.S.2, 4 P.l et 11 P.2 font la réparation des postes et le dépannage. «Les hommes P.2 dirigent le travail». U2
Petits roulements à billes.
16 hommes P.l travaillent à la réparation des pièces défectueuses. «Ce n'est pas le genre de travail qui convient à des femmes, de plus il y faut une qualification qu'elles n'ont pas». Pas de femmes à la réparation. PONTONNIERS C3
Fonderie d'alliages légers pour automobile et aviation.
2 femmes O.S.2 et 6 hommes O.S.2 conduisent des ponts roulants. «On emploie des femmes pontonnières depuis deux mois seulement. On s'est aperçu qu'elles avaient la main plus douce». C4
Fonderie d'alliages légers.
1 femme O.S.2 conduit un pont roulant. «On s'est aperçu depuis peu,
360
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon et c'est un fait général, que les femmes sont plus habiles sur ce poste que les hommes». Pas d'hommes pontonniers.
D1
Turbines, ventilateurs, compresseurs, turboréacteurs. 10 femmes O.S.2 manoeuvrent dans les ateliers des ponts roulants. «Ce travail convient bien aux femmes car elles sont très attentives. De plus c'est un travail qui comporte beaucoup de temps morts. Pendant ces temps morts l'homme se morfond, isolé dans sa cabine; la femme, elle, sait s'occuper à lire ou à tricoter». Pas d'hommes pontonniers. M O U L A G E DE
FONDERIE
C2
Fonderie. Pièces pour automobiles, camions, tracteurs. 30 hommes O.S.2 travaillent sur des machines à mouler de types différents suivant les pièces. «C'est un travail demandant un certain effort physique. En fonderie on ne peut guère employer des femmes q u ' a u noyautage». Pas de femmes au moulage.
C3
Fonderie d'alliages légers pour automobile et aviation. 26 hommes O.S.2 font le moulage soit à la machine soit au sable pour les pièces les plus grosses. «Travail demandant un effort physique et une certaine qualification». Pas de femmes au moulage.
C4
Fonderie d'alliages légers. 21 hommes dont 8 P.2, 6 P.l et 7 O.S.2 travaillent au moulage. «La maison fait beaucoup de grosses pièces avec moulage dans le sol. De plus ce travail exige une haute qualification, l'entreprise travaillant sur modèle». Pas de femmes au moulage.
C6
Robinetterie de bronze. 9 hommes O.S.2 travaillent sur machine à mouler. «C'est un travail d u r ; les femmes ne font jamais de moulage en fonderie». Pas de femmes au moulage.
C6
Fonderie pour pièces de compteurs. 10 hommes O.S.2 sont mouleurs sur machine à mouler. «C'est un travail assez lourd». Pas de femmes au moulage.
Bobinage. Tressage de câbles C7
Fonderie de cuivre et de bronze.
7 hommes dont 2 P.3, 2 P.2, 1 P. 1 et 2 O.S.2 travaillent au moulage. Les qualifications sont différentes suivant qu'il s'agit de bronzes d'art ou de robinetterie. «En tous cas ce n'est pas un travail de femmes». Pas de femmes au moulage. D1
Turbines, ventilateurs, compresseurs, turboréacteurs.
10 femmes O.S.l et 45 hommes O.S.2 sont mouleurs sur machine. «Les hommes font les pièces les plus lourdes ; les femmes sont plus expertes et plus rapides sur les petites pièces» (remarquer la différence de qualification) . BOBINAGE. T R E S S A G E DE E1
Pompes à injection Diesel. Dynamos.
CÂBLES
Démarreurs.
36 femmes O.S.2 et 1 femme P.2 font les bobinages pour la fabrication électrique. Les O.S.2 font les fabrications de série. La bobineuse P.2 travaille aux prototypes. «Travail exigeant une grande habileté manuelle». La plupart sont d'anciennes couturières. Pas d'hommes au bobinage. 01
Freins pour autos. Lanceurs de démarreurs.
81 femmes O.S.2B travaillent sur machines à torsader pour faire les câbles de freins. Elles font également la coupe et la soudure de la tête. «Sur les petits câbles les femmes ont plus de dextérité et vont plus vite». O3
Accessoires électriques pour autos. Petits appareils ménagers. Matériel mécanique de précision.
1 femme P. 1 assure les travaux de bobinage hors série. Pour l'essentiel le bobinage est sous-traité. Pas d'hommes au bobinage. O1
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en particulier).
52 femmes O.S.2 font les bobinages pour klaxons. «C'est un travail simple qui exige surtout une grande dextérité manuelle». Pas d'hommes au bobinage. O5
Appareils de signalisation pour automobiles.
47 femmes dont 41 O.S.2 et 6 O.S.l font les bobinages. Ce sont en général des travaux simples (fil non guidé) sur lesquels «les femmes et surtout les anciennes couturières sont imbattables». Les O.S.l font les travaux les plus simples. Pas d'hommes au bobinage.
362 010
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon Bougies pour automobile et aviation. Essuie-glaces spéciaux.
2 femmes O.S.2 font les bobinages pour essuie-glaces. Les femmes réussissent sur ce travail «grâce à la rapidité et à la précision de leurs gestes». Pas d'hommes au bobinage. R2
Lampes de
T.S.F.
22 femmes O.S.l travaillent sur les machines à faire les grilles, «travail qui n'est pas le même que celui des bobineuses mais qui exige aussi une grande légèreté de main». Pas d'hommes sur ces postes. 51
Appareils récepteurs de radio et télévision.
60 femmes O.S.2 font le bobinage des transformateurs; on distingue différentes catégories d'O.S.2 suivant qu'il s'agit de bobinage de soie, de fil fin, de bobinage d'une seule bobine ou de plusieurs bobines sur une machine spéciale. On recherche par annonces les jeunes filles ayant un C.A.P. de couture. «Elles sont plus rapides et ont acquis l'habitude du travail soigné». Pas d'hommes au bobinage. 52
Radio-télévision.
85 femmes dont 75 O.S.l et 10 jeunes ouvrières de moins de 18 ans travaillent à des bobinages simples. «On ne peut employer que des femmes sur ce travail et même seulement des femmes jeunes». Pas d'hommes au bobinage. S3
Haut-parleurs. Petits appareils électro-ménagers.
14 femmes O.S.2 travaillent au bobinage sur enrouleuses. «Celles qui ont fait de la couture sont les meilleures». Pas d'hommes sur ces postes. S4
Constructions radio-électriques.
60 femmes O.S.2 sont bobineuses. Certaines font le guidage du fil à la main. On recherche les jeunes filles de moins de 25 ans ayant le C.A.P. de couture. «Travail féminin par excellence parce que propre et minutieux». Pas d'hommes au bobinage. T1
Matériel téléphonique. Appareils de mesures électriques.
183 femmes sont employées au bobinage: 10 P. 1 font les petites séries, 23 O.S.2 travaillent sur des enrouleuses à enroulement rapide; 150 femmes sans qualification déterminée travaillent à domicile sur de petites machines aux bobinages en grandes séries. «Le bobinage est un travail de femmes. Des hommes ne le feraient pas et iraient moins vite». Pas d'hommes au bobinage.
Bobinage. Tressage de câbles T2
363
Fils et câbles électriques.
54 femmes O.S.2 travaillent sur machines à câbler ou à tresser. «L'emploi des femmes est indispensable pour les fils fins (finesse des doigts pour la réparation des fils) ». T3
Aspirateurs, cireuses, réfrigérateurs.
20 femmes O.S.2 font des bobinages de grosseurs diverses pour frigidaires, cireuses ou aspirateurs. Travail simple demandant surtout «de la rapidité et une grande habileté manuelle». Pas d'hommes au bobinage. T1
Petits appareils électro-ménagers.
26 femmes O.S.l travaillent au bobinage. Le travail est simple. «Les anciennes couturières font merveille sur ces postes». Pas d'hommes au bobinage. T6
Accumulateurs, condensateurs.
63 femmes travaillent au bobinage: 30 O.S.2 font, sur machines automatiques, des enroulements de fil très fin et travaillent sur enroulements simultanés; 20 O.S.2 sont bobineuses à l'unité, elles font équipe avec 13 «petites mains» (jeunes de moins de 18 ans) qui, à l'aide d'un fer à souder, préparent les entrées et les sorties des bobines. «Travaux qui nécessitent beaucoup de soin et de la rapidité». Pas d'hommes au bobinage. T •
Relais électriques et électroniques.
17 femmes O.S.2 travaillent sur machines automatiques à bobiner. «Travail nécessitant de l'attention et une grande résistance à la monotonie». Pas d'hommes au bobinage. T8
Condensateurs.
25 femmes O.S.2 travaillent à des bobinages spéciaux de papier, plus difficiles que les bobinages de fils et pour lesquels le prix élevé de la matière première entraîne un contrôle très strict des déchets; 2 femmes O.S.l font le bobinage de fils. Pas d'hommes au bobinage. T"
Moteurs électriques.
4 femmes O.S.2 font en très grande série le bobinage de fils relativement gros (8/ 10e de mm). «Il faut des femmes pour le bobinage car elles sont habituées à manier le fil». T10
Transformateurs, transformateurs.
redresseurs de courant, construction d'ensembles incluant des
7 femmes O.S.2 font les bobinages courants, 1 femme P. 1 fait les bobinages
364
Répartition des hommes et des femmes de Véchantillon spéciaux. «Il ne viendrait pas à l'idée d'y employer des hommes». Pas d'hommes sur ces postes.
T12
Téléphones. Relais. 83 femmes O.S.2 et 29 apprenties travaillent sur des tourets à bobiner de différents modèles. Les apprenties passent à l'atelier lorsqu'elles ont atteint un rendement estimé suffisant. «On recherche les jeunes filles ayant fait un apprentissage dans la couture». Pas d'hommes au bobinage.
U4
Compteurs à gaz et compteurs électriques. 9 femmes O.S.2 font les travaux de bobinage pour des compteurs électriques. Pas d'hommes au bobinage.
U5
Volants magnétiques. Appareils d'allumage pour moteurs. Eclairage pour cycles et motocycles. 80 femmes O.S.2 font des bobinages de grande série. «Il faut cependant une grande dextérité et une finesse des doigts qu'on ne trouve souvent que chez les anciennes couturières».
U8
Compteurs pour motos et autos. Appareils de contrôle. 2 femmes O.S.2 font, sur chaîne, les travaux de bobinage. Pas d'hommes au bobinage.
U8
Appareils de mesure de pyrométrie. 9 femmes O.S.2 font les travaux de bobinage en séries continues. Le travail est simple; «il n'en faut pas moins savoir faire un travail fin propre et rapide». Pas d'hommes au bobinage. ATTAGHEUSES
E1
Pompes à injection Diesel. Dynamos et démarreurs. 4 femmes O.S. font l'attachage des pièces avant mise au bain. «Travail facile confié à de vieilles ouvrières». Pas d'hommes à l'attachage.
E4
Outillages à main. 19 femmes O. S. 1 sont attacheuses .Elles travaillent sur des séries variab les. L'équipe s'organise elle-même pour attacher et détacher les pièces passant au revêtement mais elle doit suivre le rythme des metteurs au bain. «Travail qui ne demande que de la dextérité et de la rapidité. Aucune responsabilité». Pas d'hommes à l'attachage.
Attacheuses G1
365
Revêtement de métaux à façon.
15 femmes O.S.l sont attacheuses. «C'est le travail le plus simple de l'entreprise. Les hommes ne s'y adapteraient pas et n'atteindraient pas le rendement des femmes». Pas d'hommes à l'attachage. G3
Polissage, nickelage, chromage, émaillage à façon.
1 femme O.S.l fait tous les travaux d'attachage des petites pièces traitées par la maison. Pas d'hommes à l'attachage. G4
Revêtement de métaux. Polissage.
20 femmes O.S.l font l'attachage des pièces pour les bains. «Les hommes s'ennuieraient à faire ce travail et ils ne gagneraient pas assez». G6
Revêtement de métaux. Polissage à façon.
4 femmes O.S.l sont interchangeables à l'attachage et sur des travaux de petits montages. «Ce sont des travaux simples qui demandent surtout de la dextérité et de la rapidité. N'importe qui peut faire ce travail». Pas d'hommes à l'attachage. G6
Décoration de métaux. Protection de métaux.
4 femmes O.S.l alternent les travaux d'attachage et ceux de vernissage au pinceau. «Ce sont des travaux simples ne demandant pas d'apprentissage et qui requièrent surtout une habileté manuelle qui est naturelle aux femmes». Pas d'hommes sur ce poste. K4
Charnières, poignées, pièces détachées pour instruments de musique.
2 femmes manoeuvres font l'attachage dans l'atelier de revêtement. «On ne leur demande que d'aller vite. Elles n'ont rien à penser». Pas d'hommes à l'attachage. L8
Tubes souples en plomb ou métal léger.
2 femmes manoeuvres sont occupées au chargement et au déchargement des chaînes passant dans les fours de cuisson. «Travail simple, toujours le même, seules les femmes peuvent le faire. De plus, le poste serait trop peu payé pour des hommes». Pas d'hommes à l'attachage. M8
Boutons en tous genres.
3 femmes O.S. 1 font l'attachage des pièces qui doivent être mises au bain. Ce sont des jeunes de moins de 18 ans. «Elles vont vite à condition d'être bien surveillées». Pas d'hommes à l'attachage.
366 O3
Répartition des hommes et des femmes de l'échantillon Accessoires électriques pour autos. Petits appareils ménagers. Matériel mécanique de précision.
6 femmes O.S.l accrochent et décrochent les pièces avant et après la mise au bain pour revêtement. «Travail facile pour lequel n'importe quelle femme fait l'affaire même si elle n'est jamais allée en usine». Pas d'hommes à l'attachage. 0
1
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en particulier).
La maison possède une chambre de peinture avec polarisation et système de transport des pièces. 21 femmes O.S.l accrochent les pièces à l'entrée ou les décrochent à la sortie. Pas d'hommes sur ce poste. O6
Appareils de signalisation pour automobiles.
4 femmes O.S.l sont attacheuses dont deux à la galvanoplastie et deux à la chaîne de peinture. «C'est le travail le plus simple de la maison». Pas d'hommes à l'attachage. 011
Segments de pistons pour /'automobile et l'aviation.
3 femmes O.S.2 placent, avant passage au four, les pièces à traiter sur des manchons de métal. «Ce travail demande un effort physique assez important, il exige néanmoins de la rapidité et une bonne résistance à la monotonie». Pas d'hommes sur ce poste. P2
Selles de bicyclettes et de motocycles.
2 femmes O.S.l font l'attachage des pièces pour le cadmiage et 1 femme manoeuvre accroche les pièces à une sorte de train qui les entraîne dans le bain de peinture. «Travail simple et peu payé qui ne peut convenir qu'à des femmes». Pas d'hommes sur ce poste. S1
Montage d'appareils récepteurs de radio et de télévision.
3 femmes O.S.2 sont attacheuses au zinguage. «On leur a donné la qualification d'O.S.2 parce que le travail est assez pénible, mais c'est tout de même un poste très simple». Pas d'hommes à l'attachage. T1
Matériel téléphonique. Appareils de mesures électriques.
3 femmes O.S.2 préparent les pièces détachées pour les bains de revêtement. «Travail simple, toujours le même, ne demandant aucune qualification spéciale». Pas d'hommes à l'attachage. T11
Lampes de radio. Lampes spéciales pour radars. Tubes électroniques.
28 O.S.2 placent les filaments des lampes dans des montures avant la sédi-
Travail sur balanciers
367
mentation. Elles doivent alimenter un dispositif en chaîne. «Travail simple mais rapide, nécessitant une très bonne vue à cause de la dimension de certains filaments. On ne peut y utiliser qu'une main-d'oeuvre jeune». Pas d'hommes sur ce poste. L'atelier est d'ailleurs exclusivement féminin. T12
Téléphones.
Relais.
30 femmes dont 14 O.S.l et 16 O.S.2 attachent les pièces pour les bains de revêtement et les détachent à la sortie. Travail simple. Les O.S.2 sont d'anciennes ouvrières ayant occupé d'autres postes et qui ont été mutées parce que trop âgées. Beaucoup de jeunes parmi les O.S.l. Pas d'hommes à l'attachage. U1
Machines de bureau.
4 femmes O.S.l attachent les pièces sur les cadres pour la mise au bain. «Travail en très grandes séries purement manuel où les femmes réussissent bien». Pas d'hommes à l'attachage. 8
U
Machines à écrire.
22 femmes O.S.l font l'attachage des pièces pour le revêtement après avoir fait le nettoyage. «Travaux simples pour lesquels on ne trouverait pas d'hommes». U8
Compteurs pour motos et autos. Appareils de contrôle.
5 femmes O.S.l préparent les pièces pour la mise au bain. Elles font le décapage, le séchage et l'attachage. «On peut employer sur ces postes des femmes n'ayant jamais travaillé en usine». Pas d'hommes sur ce poste. TRAVAIL SUR 18
BALANCIERS
Articles découpés et emboutis sur commande. Pièces de freins pour cycles.
4 femmes O.S.l travaillent sur balanciers au cambrage de petites pièces. On engage pour ce travail des jeunes de moins de 18 ans qui passeront ensuite aux presses. «Travail facile mais qui demande un coup de main que les femmes acquièrent facilement». Pas d'hommes aux découpoirs. J6
Pièces détachées pour la radio-électricité.
60 femmes O.S. 1 travaillent sur balanciers au cambrage de petites pièces. «Les femmes ont plus d'endurance pour ce genre de travaux rapides exigeant la manipulation de petites pièces et la synchronisation des mouvements des deux mains». Pas d'hommes sur découpoirs.
368 K •
Répartition des hommes et des femmes de V échantillon Chaînes, chaînettes et anneaux.
8 femmes O.S.l font au balancier tantôt de petits découpages tantôt des montages de mousquetons. «Il faut surtout de la rapidité et ne pas se lasser de travailler sur de petits objets». Pas d'hommes sur découpoirs. K8
Fabrication de ressorts plats et à boudins.
6 femmes O.S.l font sur découpoirs à balanciers la reprise du découpage fait par les machines automatiques. «Travail fin qui demande de l'agilité et de la patience». Pas d'hommes sur découpoirs. M1
Fermetures à glissière.
11 O.S.l font à l'aide de petits balanciers la pose des godets sur les fermetures éclair. Travail très rapide fait par de très jeunes ouvrières. Pas d'hommes sur ce travail. M3
Boutons en tous genres.
22 ouvrières dont 20 O.S.l et 2 O.S.2 font au balancier des travaux de cambrage ou de petits montages. Elles sont parfois pendant trois semaines sur la même série. «Cela plaît à certaines». On recherche pour ce travail de jeunes ouvrières. «Elles ont la main plus légère et sont très rapides sur ce genre de travail». Pas d'hommes sur balanciers. M1
Boutons militaires et insignes métalliques.
14 femmes O.S.l font de l'estampage à l'aide de petits découpoirs à balancier. «Il faut surtout de la souplesse et synchroniser les mouvements des deux mains pour le positionnement des pièces et le mouvement du balancier». Pas d'hommes sur balanciers. M •
Fermetures éclair.
3 femmes O.S.l travaillent au balancier à la pose des arrêts. Pas d'hommes sur ce poste. M8
Petites pièces détachées pour l'électricité et la radio-électricité.
15 femmes O.S.l travaillent sur balanciers au cambrage de petites pièces. «Les femmes sont imbattables sur ces postes d'autant plus qu'elles montrent un acharnement extraordinaire pour atteindre le maximum de boni. On observe de ce fait des différences très grandes de rendement suivant les ouvrières». Pas d'hommes sur balanciers.
Travail sur balanciers
369
M9
Fermetures à glissière. 2 O.S.l font sur chaîne, au balancier, la pose des arrêts. Pas d'hommes sur ce poste.
O4
Accessoires électriques pour automobiles (klaxons en particulier). 10 femmes O.S.2 travaillent sur balanciers. «On emploie de préférence les jeunes femmes sur ces postes. Elles sont plus vives». Pas d'hommes sur balanciers.
U•
Machines à écrire. 15 femmes O.S.2 travaillent à la fabrication des caractères sur des balanciers dont certains sont munis de moteurs. «Travail simple mais demandant de la dextérité pour la manipulation des caractères et une bonne résistance à la monotonie».
V. Exemples de tâches féminines groupées suivant la durée du cycle de travail
1.
L I S T E DES T Â C H E S O B S E R V É E S D O N T LE EST I N F É R I E U R A 5 SECONDES1
CYCLE
Cycle moyen : 1 seconde (5 postes dans l'échantillon). - Contrôle visuel de pièces de fonderie. L'ouvrière prend une pièce devant elle, l'examine rapidement et la dépose soit à sa droite soit à sa gauche, suivant qu'elle est intacte ou qu'elle présente des cassures. - Alimentation d'une presse semi-automatique. L'ouvrière enfile un à un sur un poinçon, en les orientant toujours dans le même sens, des oeillets de bottines munis de crochets. U n bras mécanique assure le transport de chaque pièce vers l'outil. Les pièces sont évacuées automatiquement. - Approvisionnement d'une machine semi-automatique à souder à l'étain des flans de boîtes. La machine qui comporte 8 postes de soudure avance d ' u n huitième de tour et s'arrête une seconde. C'est à ce moment que l'ouvrière place le flan. Les pièces sont soudées et éjectées automatiquement. - Approvisionnement d'une presse semi-automatique pour le montage des queues de boutons. L'ouvrière positionne un par un des culots de boutons dans les creux aménagés à cet effet dans un plateau circulaire tournant qui présente les pièces sous l'outil. Elle fait ce travail depuis quinze ans. - Alimentation d'un tour assurant le filetage des tubes. L'ouvrière doit placer un par un les tubes sur un plan incliné, en les orientant toujours dans le même sens. L'ouvrière observée lit en faisant ce travail. Cycle moyen: 2 secondes (11 postes dans l'échantillon). - Emboutissage sur presse semi-automatique de flans de laiton de 2 à 3 centimètres de diamètre. L'ouvrière travaille des deux mains et positionne simultanément deux flans dans des orifices à leur format. Ceux-ci sont emboutis et éjectés automatiquement. - Brunissage de boutons. L'ouvrière place de la main gauche une coquille de 1. Voir tableau XII, p. 161, la répartition des 358 postes féminins observés suivant la durée moyenne du cycle de travail.
Exemples de tâches féminines
371
bouton sur la tête d ' u n petit tour horizontal, applique sur la coquille l'outil à brunir qu'elle tient dans la main droite, la fait sauter du bout d'un doigt de la main gauche et recommence. - 5 postes d'emboutissage ou de perçage à la presse de pièces de très petite dimension. Dans les cinq cas l'opération est commandée par une pédale. L'ouvrière positionne l'objet, donne le coup de pédale qui assure la course du coulisseau, puis évacue la pièce (mouvements coordonnés des deux mains et de la j a m b e répétés toutes les deux secondes). - Cambrage sur balancier d'une petite pièce de laiton. La main gauche prend la pièce et la positionne. La main droite qui a chassé la pièce précédente avec le pouce, tire sur le levier du balancier. - Alimentation d'une machine semi-automatique destinée à meuler l'extrémité de ressorts (machine à plateau tournant). L'ouvrière doit engager dans une bague chaque petit ressort de trois centimètres de long. Elle a des difficultés à les saisir un par un et à suivre le rythme de la machine, car ils sont emmêlés les uns dans les autres. - Cisaillage en quatre bandes, à l'aide d'une cisaille à rouleaux, de petites feuilles de fer blanc de 4 x 20 cm. De la main droite l'ouvrière saisit une feuille et la positionne. De la main gauche, elle pousse en avant le support des rouleaux. Les bandes découpées tombent dans une corbeille. - Filetage de tubes sur un tour à fileter. L'ouvrière enfile de la main gauche le tube sur u n mandrin. Elle abaisse de la main droite un levier qui commande l'outil à fileter, le relève, puis évacue le tube. Cycle moyen: 3 secondes (13 postes dans l'échantillon). - Façonnage de ressorts. Il s'agit d'écarter, en forçant légèrement suivant une dimension donnée, les branches de ressorts déformés après bleuissage et trempage. - Montage de fermetures éclair sur une chaîne continue de fermetures. 2 postes observés: a. pose des curseurs à l'aide d ' u n petit étau à pédale; b. pose des arrêts à l'aide d'une machine à distribution automatique alimentant un dispositif sertisseur dont le levier est actionné par le médius tandis que les autres doigts présentent le ruban au sertissage (le montage d'une fermeture éclair est divisé en 16 opérations et confié à de très jeunes ouvrières). - Découpage à la presse, dans les bords de la carrosserie d'automobiles (jouets), d'agrafes (ou «tenons») permettant la fixation. La presse est actionnée au moyen d'une pédale.
372
Exemples de tâches féminines
- Rivetage, à l'aide d'une riveteuse à pédale, de deux pièces d'un compteur à gaz (un axe de 5 cm 1 /2 de long et un levier de 1 cm 1 /2 de long). - Agrafage, sur machine à agrafer, d'un flan d'aluminium préalablement plié et encollé par une aide et destiné à constituer le corps d'une boîte (la machine est actionnée au moyen d'une pédale). - Sertissage du fond d'une boîte en aluminium (sur machine spéciale actionnée au moyen d'une pédale). - Filetage sur machine semi-automatique à galets d'une pièce en acier dur. La main gauche saisit la pièce à fileter et la positionne sur la machine. La main droite évacue la pièce précédente et commande le fonctionnement de la machine par un bouton poussoir. - Contrôle et tri de mors de perceuses. L'ouvrière doit engager la pièce dans l'orifice d'une contrôleuse graduée, consulter un cadran, retirer la pièce et la placer dans une case correspondant à la position de l'aiguille sur le cadran. - Contrôle de bagues de roulement: 3 postes étudiés: a. Contrôle d u rayon intérieur et extérieur d'une bague extérieure de roulement à l'aide de deux billes montées sur un petit support en forme de fourche. L'ouvrière imprègne les billes de bleu, les fait tourner successivement, l'une à l'intérieur, l'autre à l'extérieur de la bague et vérifie si la trace est régulière. b. Contrôle du diamètre et de l'excentrage d'une bague intérieure de roulement. L'ouvrière engage la bague dans un appareil, lui communique, à l'aide d'une pédale, un mouvement de rotation pour le contrôle du diamètre et la détection du voilage. La lecture se fait sur deux cadrans. Les pièces sont triées d'après les positions des aiguilles. c. Contrôle manuel de la rotation du roulement après montage final. L'ouvrière tient le roulement dans la paume de la main gauche, le fait tourner de la main droite, retourne le roulement et fait un deuxième essai. Cycle moyen: 4 secondes (18 postes dans l'échantillon). - Contrôle de gicleurs de moteurs. Contrôle visuel de la marque et vérification du trou du gicleur (absence de poussières). - Alimentation d ' u n four de réchauffage de barres pour une presse à matricer à chaud. L'ouvrière sert d'auxiliaire au presseur. Elle prend avec une pince une barre chaude dans la tuyère, refroidit l'extrémité dans un bac à eau, place la barre dans l'orifice de la machine à matricer, place une nouvelle barre dans l'orifice resté vide de la tuyère et recommence avec la barre suivante. - 5 postes de découpage et un poste de perçage sur presses actionnées au moyen d'une pédale.
Exemples de tâches féminines
373
- Cambrage au balancier d'une plaquette de 6 x 15 mm (pièce détachée d'un rasoir électrique). La pièce est dégagée avec une aiguille à tricoter ce qui explique que le cycle soit un peu plus long que dans l'exemple précédent de cambrage au balancier. - Décolletage sur tour à barres «Bourrel». Fabrication de bagues de métal à partir de tubes. La main droite assure à l'aide d'une manivelle l'avance et le recul de la tourelle porte-outil. La main gauche débloque puis rebloque l ' a v a n c e d u chariot. Cette avance est assurée au moyen d'une bricole fixée à un levier, et passée autour de la taille de l'ouvrière qui déplace, par des mouvements des hanches, le chariot vers la gauche à mesure du découpage de la barre.
- Rectification sur une rectifieuse à meules de petites pièces cylindriques de 25 x 8 mm. - Contrôle de l'alésage d'une pièce en forme de couronne de 2 cm de diamètre à l'aide d'un appareil à air comprimé actionné par une pédale. La pièce est posée sur un mandrin. Un voyant rouge ou vert s'allume selon que l'air passe trop librement ou non. Les pièces sont triées suivant le signal émis. - Alimentation d'une chaîne de laquage de tubes souples. L'ouvrière prend de la main droite trois tubes sur la chaîne de peinture qui précède la chaîne de laquage (les tubes sont enfilés sur des mandrins). Elle fait passer successivement dans la main gauche deux tubes qu'elle positionne sur les mandrins de la chaîne de laquage, pendant ce temps la main droite positionne le 3 e tube et recommence (le diamètre des tubes est le même que ceux des mandrins). - 5 postes de montage simple dont ceux de la sixième et de la huitième ouvrière de la chaîne de montage de robinets d'appareils à gaz butane dont il a été question p. 160. Cycle moyen: 5secondes (17 postes dans l'échantillon). - Montage d'un corps de pointeau (pose d'un axe et d'une rondelle). - Montage de jouets mécaniques (pose et fixation du pare-brise d'une petite auto sur la carrosserie). - Contrôle de dimension d'une pièce en forme de couronne de 10 cm de diamètre. La pièce est placée sur un socle entre la pointe d'un comparateur et des butées. L'ouvrière fait tourner la pièce sur elle-même en surveillant l'aiguille du comparateur. - Contrôle de soupapes d'automobiles: a. contrôle d'aspect;
Exemples de tâches féminines
374
b. contrôle de la régularité du diamètre du siège au moyen d'un comparateur; c. contrôle du col de la soupape au moyen d'un calibre. - Avivage. Dernière opération de polissage de fermoirs de poudriers sur petit tour à polir muni d'un disque de flanelle. - Emballage. Mise en sachets de jeux assortis de pièces pour la réparation de moteurs d'automobiles. - Cintrage de lames de ressorts de 7 cm de longueur au moyen d'une petite machine à cintrer. La main droite appuie sur le levier de la machine puis le relève. La main gauche saisit la lame, la pose sous l'emboutisseuse, puis la retire. - 7 postes d'emboutissage sur presse à pédale. Les objets à emboutir (carcasse de fer à repasser, porte-bagages de vélosolex, etc.) sont plus importants que pour les postes d'emboutissage à cycles plus courts. - Découpage, sur balancier à main, de colliers de serrage pour cadres de bicyclettes (la pièce est parfois coincée, ce qui allonge la durée moyenne du cycle). - Taraudage des deux trous d'une charnière. La main gauche positionne puis évacue la pièce. La main droite abaisse et relève la manette de la taraudeuse électrique. - Gravure à l'aide d'un pantographe d'un numéro de trois chiffres sur une pièce métallique de 1 0 x 3 cm. II.
E X E M P L E S DE T Â C H E S D O N T LE CYCLE S U P É R I E U R " A CINQ, S E C O N D E S
EST
De 6 à 10 secondes (47 postes dans l'échantillon). - Filetage de vis en acier sur machine à fileter semi-automatique. L'ouvrière assure l'approvisionnement de la machine et le serrage de la pièce. Elle déclenche l'avance du chariot qui s'arrête de lui-même lorsque l'usinage est terminé: 7 secondes. - Perçage, au moyen d'une perçeuse électrique à levier, de quatre trous dans une pièce cylindrique en acier de 15 x 10 m m : 10 secondes. De 11 à 20 secondes (41 postes dans l'échantillon). - Décolletage sur un tour revolver de type ancien d'un bouchon en laiton. Le tour réalise successivement la rectification du fond du bouchon, le traçage de la gorge intérieure et le filetage de la partie centrale. L'ouvrière assure la mise
Exemples de tâches féminines
375
en place et le serrage de la pièce ainsi que le changement d'orientation de la tourelle et l'avance du chariot pour chacune des trois opérations: 12 secondes. - Découpage à la presse de onze pièces dans une bande d'aluminium que l'ouvrière tient des deux mains et dont elle assure l'avance sous l'outil. Les flans ainsi découpés sont en même temps emboutis pour faire des boîtes de crème à raser. L'ouvrière donne onze coups de pédale pendant le cycle de travail: 15 secondes. De 21 à 30 secondes (31 postes dans l'échantillon). - Montage de manches de poêlons par rivetage. L'ouvrière doit procéder à la mise en place et à la fixation de trois rivets. La pose de chaque rivet exige quatre coups de pédale sur la riveteuse : 22 secondes. - Soudure à l'étain d'une toile métallique de 20 x 2,5 cm repliée en forme de cylindre pour constituer un filtre à huile. L'ouvrière doit replier la toile autour d'un gabarit, procéder au décapage de la partie à souder, puis à la soudure (20 cm) au moyen d'un fer à souder: 25 secondes. De 31 secondes à 1 minute (62 postes dans l'échantillon). - Montage puis sertissage au balancier de 12 oeillets et de 4 rondelles isolantes sur un disque en matière plastique percé de 12 trous sur le pourtour et de 4 trous vers le centre. L'ouvrière qui tient d'abord le disque de la main gauche positionne les 12 oeillets. Elle dispose ensuite le disque sur 4 poinçons (correspondant avec les 4 trous du centre) et positionne des deux mains les 4 rondelles isolantes. Elle procède ensuite au sertissage, dégage et vérifie la pièce: 35 secondes. - Bobinage: enroulage de 110 tours de fil de laiton sur une bobine en matière plastifiée de 2 cm 1 ¡2 de long et de 2 cm de diamètre. L'ouvrière positionne la bobine sur l'appareil et la bloque à l'aide d ' u n écrou. Elle engage le fil et déclenche au moyen d'une pédale la rotation de la bobine; pendant l'enroulement elle guide le fil avec la main. Elle arrête lorsque le compteur marque 110 tours (en réalité le volume de la bobine la renseigne et elle ne regarde pas le compteur), coupe le fil avec une pince et l'arrête par un noeud: 40 secondes. De 1 à 2 minutes (24 postes dans l'échantillon). - Attachage : l'ouvrière doit attacher, à l'aide de fils, 5 séries de 7 écrous sur un crochet. Les écrous doivent être accrochés de manière à pouvoir être plongés dans un bain de dorure sans se toucher entre eux: 1 minute. - Réglage de clignotants : le travail comporte quatre temps :
376
Exemples de tâches féminines
a. ramener à vif les contacts; b. préchauffer la pièce; c. la poser sur l'appareil de réglage, compter le nombre de battements à la seconde et procéder au réglage s'il y a lieu ; d. déposer une goutte de vernis sur la vis de réglage afin de bloquer le serrage: 2 minutes. De 2 à 5minutes (33 postes dans l'échantillon). - Peinture au pistolet d'un dessus de table en tôle de 50 x 50 cm. L'ouvrière prend la pièce, la pose sur un tréteau, pulvérise une couche de peinture, retourne la pièce et pulvérise sur l'autre face. Elle porte ensuite la pièce dans l'étuve de séchage (à 12 mètres environ) et revient: 3 minutes 10 secondes. - Soudeuse-câbleuse de relais. Les fils ont été préalablement coupés à la longueur et dénudés. L'ouvrière dispose les fils (6 types, de formes et de longueurs différentes), engage chacun d'eux dans les oeillets des cosses correspondantes en s'aidant d'une pince, procède aux 12 soudures, coupe les extrémités des fils, vérifie leur alignement : 3 minutes. Plus de 5minutes (48 postes dans l'échantillon). - Perçage de 68 trous sur un corps de distributeur d'essence. L'ouvrière travaille sur deux perçeuses successivement (certains trous doivent être taraudés). Le travail exige de nombreuses manipulations : 20 minutes. - Montage de 165 platines et butées et de 100 aiguilles sur le bâti d'une machine à tricoter. La préparation du bâti (ébavurage et nettoyage) dure 5 minutes, la pose des platines et des butées, 14 minutes, celle des aiguilles, 4 minutes. La vérification du fonctionnement dure 4 minutes. Total: 27 minutes. - Etalonnage de compteurs: l'ouvrière procède simultanément au réglage de 21 compteurs électriques disposés en ligne et devant lesquels elle se déplace constamment. Pour chaque compteur il y a 25 opérations de réglage qui se font d'après un compteur pilote : 1 heure 30 minutes pour les 21 compteurs.
377
VI. Quelques biographies d'ouvrières
MME A., 40 ANS, OUVRIÈRE SUR PRESSES
Divorcée, 2 enfants, le dernier est au service militaire. Est allée à l'école jusqu'à 13 ans. A travaillé dans la bonnetterie jusqu'à 16 ans. Quitte à cause des mortes-saisons et entre dans une usine de produits d'entretien (remplissage des boîtes). Se marie. S'arrête un moment de travailler. Prend ensuite un emploi de fille de salle. Ce métier «lui a fait perdre son mari. Il était seul le soir à la maison et a pris l'habitude de sortir». Après son divorce cherche une place dans les métaux «pour avoir quelque chose de stable». Aurait aimé travailler dans la bonnetterie; «c'est plus agréable», mais ne regrette rien («à quoi bon regretter»). Son emploi actuel est très fatigant à cause des cadences, mais elle aime travailler sur machine («gouverner sa machine»). L'atelier est bien sale mais «on n'y peut rien». L'entourage lui plaît; il lui semble qu'elle s'ennuierait ailleurs. Se trouve trop âgée pour essayer de se perfectionner dans son métier. D'ailleurs pour les femmes «c'est ça et pas autre chose». «Ils» ne se soucient guère de donner un métier à une femme. Elle aimerait pourtant faire autre chose que recommencer 10000 fois la même pièce («C'est comme si vous aviez à écrire 10000 fois le même mot»). On accuse les femmes d'étourderie mais «c'est fatal devant un travail toujours le même». A la fin de la journée elle a quelquefois «le coup de masse». Un travail trop «routinier» n'est pas le meilleur, «on s'endort, on ne pense à rien ou trop à ce qu'on va faire à la maison, aux sous qu'on n'a pas dans sa poche». Elle insiste sur le fait qu'elle a le meilleur rendement de l'atelier : les hommes sont «moins acharnés que les femmes à tirer leur journée». Ne s'absente jamais. Ne se souvient pas d'avoir eu une absence depuis au moins 7 ans. («Si j'ai un quart d'heure en moins sur ma quinzaine j'en ai les bras coupés. Ce n'est pas tellement pour l'argent, mais ça me vexe»). Est syndiquée parce que «si on n'avait pas le syndicat, on n'aurait rien pour se défendre». Mme B., 54 ANS, MAGASINIÈRE
Divorcée. Deux enfants mariés. Est allée à l'école jusqu'à 14 ans. N'a pas fait d'apprentissage. S'est mariée et n'a pas travaillé jusqu'à son divorce, à 38 ans.
Biographies d'ouvrières
378
A travaillé ensuite successivement dans six entreprises des métaux, aux presses, au décolletage, au contrôle. A débuté comme soudeuse dans l'entreprise où elle travaille actuellement, mais vient d'être mutée au magasinage parce qu'elle n'allait pas assez vite. Elle gagne moins mais elle cherche à rester car l'entreprise est près de chez elle et elle trouverait difficilement, à cause de son âge, à s'embaucher ailleurs. Ce métier de magasinière, s'il était mieux payé, ne lui déplairait pas. Il est moins malsain que la soudure. De toute façon «il faut conseiller aux femmes d'apprendre un métier car une femme, seule dans la vie, qui ne sait rien faire, c'est dur». N'est pas syndiquée. MELLE
C., 27 ANS, CÂBLEUSE P.l
Célibataire. Vit chez ses parents avec sa soeur. Les deux soeurs ont fait un apprentissage de 3 ans dans la couture et ont obtenu le C.A.P. N ' a pas trouvé de débouché dans la couture. Est entrée avec sa soeur comme câbleuse dans une entreprise fabriquant du petit matériel électrique. Son père est chauffeur dans la même entreprise. Se plaît dans la petite métallurgie. O n est mieux payé que dans la couture et «c'est plus stable». Pense qu'elle restera dans cette entreprise où elle a la chance d'être P.l tandis que beaucoup de ses camarades d'apprentissage ayant un C.A.P. de couture sont O.S.2. Ne trouve pas son travail désagréable. L'atelier est propre et clair et le travail n'est pas salissant. Pour le moment elle arrive à tenir les cadences qui sont assez fortes mais «s'en lassera peut-être». N'est pas syndiquée. MME D., 37 ANS, PERCEUSE
Mariée, un enfant de 9 ans. Son mari, malade depuis 4 ans, touche une pension d'invalidité très faible. Son salaire est donc le revenu essentiel du ménage. Est allée à l'école jusqu'à 13 ans, puis a fait en atelier un apprentissage de cartonnière pendant 3 ans (parle avec fierté de son «livret d'apprentissage»), A d'abord travaillé dans la cartonnerie mais quand son mari est tombé malade, il fallait un salaire plus fort. Elle l'a trouvé dans les métaux «à cause des heures supplémentaires». Elle regrette son ancien métier mais «la question salaire prime tout en ce moment». Trouve son emploi actuel très fatigant. A trouvé aussi l'entourage plus rude que dans la cartonnerie. Mais «il faut s'y mettre et quand on est habituée ce n'est pas désagréable». Ne pense pas se perfectionner dans le métier qu'elle exerce actuellement et
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n'en voit d'ailleurs pas la possibilité. Elle pense toutefois que les femmes pourraient occuper d'autres postes que ceux qui leur sont confiés («c'est sans doute parce qu'ils ne veulent pas»). Elle fait son travail sans déplaisir en pensant surtout à «tirer sa journée». «Au commencement, quand on arrive fatiguée et qu'on se dit qu'il va falloir passer 9 heures on est découragée, mais en travaillant on n'a pas le temps d'y penser». Les cadences sont tout de même très dures et elle s'inquiète parfois en se demandant «si elle va pouvoir tenir». N'est pas syndiquée. MME E., 48 ANS, CONTRÔLEUSE
Divorcée. 1 fils de 24 ans marié. Est allée en classe jusqu'à 11 ans («n'a pas appris grand-chose»), A travaillé aux champs de 12 à 15 ans. Vient ensuite comme bonne dans la région parisienne et reste dans la même place de 15 à 22 ans. Ses patrons la font travailler tous les soirs pour parfaire son instruction. Se marie à 22 ans. S'arrête de travailler. A un fils à 24 ans. Divorce à 26 ans. Entre alors comme ouvrière aux presses dans une entreprise des métaux. Passe ensuite successivement dans deux entreprises d'automobile «pour essayer de gagner plus», toujours aux presses. A deux doigts coupés à 44 ans. Depuis elle est contrôleuse. Aurait aimé être cuisinière. Prépare parfois des banquets le dimanche ou des repas pour des particuliers. Aime beaucoup cela. Son emploi actuel ne lui déplaît pas. Elle préférait cependant les presses «où on ne fixait pas toujours la même chose». Elle ne s'ennuie pas en travaillant sauf quand elle est fatiguée. U n travail «routinier» offre l'avantage de pouvoir penser à ses soucis quand on en a mais pour elle «qui n'a qu'elle à penser» un travail qui absorberait davantage ses pensées lui conviendrait mieux. Elle n'envie pas le sort des femmes qui ne travaillent pas. «Une femme qui est tous les jours chez elle a des soucis et rien pour la distraire». Il y a aussi «moins de sujets de discussion» dans les foyers où la femme travaille. Est syndiquée depuis 20 ans. Le dit avec fierté. Mme F., 24 ANS, OUVRIÈRE SUR MACHINE
Célibataire. Deux enfants de 3 et 5 ans confiés à une voisine dans la journée. Les reprend le soir. Est allée à l'école en Normandie jusqu'à 14 ans. Est placée comme bonne en Normandie de 14 à 18 ans puis, de 18 à 20 ans, fait un apprentissage de couture chez une couturière de campagne. Elle a alors un enfant et vient à Paris comme bonne. Elle devient ensuite «aide couturière» dans une teinturerie pendant
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trois ans. Elle entre «pour gagner plus» dans l'entreprise des métaux où elle travaille actuellement. Aurait aimé faire de la couture. Le regrette un peu car «elle a une vie moins dure mais fait un travail plus ingrat». Son travail est très dur «à cause des autres femmes qui se crèvent, ne savent pas se défendre, se laissent imposer des cadences et foncent dans le travail». Elle aimerait se perfectionner «pour avoir un emploi qui gagne davantage», mais ne voit aucune possibilité. Ne veut pas dire si elle est syndiquée. MME G., 24 ANS, BOBINEUSE
Mariée, 1 enfant de 4 ans. Née à Paris, elle est allée à l'école jusqu'à 15 ans (niveau C.E.P.) puis a été apprentie pendant 4 ans dans u n atelier de haute couture. N'a obtenu aucun diplôme professionnel. Entre à 19 ans comme finisseuse dans un atelier de confection. S'interrompt de 20 à 22 ans (mariage et enfant). Entre à 22 ans comme bobineuse dans une entreprise fabriquant des appareils de radio. Elle aurait aimé rester dans la couture mais «comme bobineuse on gagne mieux». Son emploi ne lui déplaît pas trop. Elle se plaint cependant des rendements élevés qu'il faut atteindre («le soir on est abrutie»). Ne voit pas comment elle pourrait se perfectionner. Elle est O.S.2 et, dans la maison où elle travaille, les femmes «ne vont pas plus haut». Elle n'a pas eu trop de mal à s'adapter à l'usine. D'ailleurs «les bobineuses sont entre elles». Elle pense que son salaire est indispensable à la vie du ménage sinon elle s'arrêterait de travailler. N'est pas syndiquée (ne sait pas s'il y a un syndicat dans la maison). Mme H., 46 ANS, SOUDEUSE
Séparée, sans enfant. Polonaise d'origine a été en classe pendant 2 ans en Pologne. A été ensuite bonne de 9 à 17 ans dans une grande ferme. Vient alors en France où ses soeurs sont déjà. Entre d'abord comme bonne chez u n fermier, puis ses soeurs lui font faire 6 mois d'apprentissage dans la couture. Elle travaille pendant deux ans dans la couture, puis dans la confection, mais les salaires sont bas et les mortes-saisons trop fréquentes. Entraînée par une camarade qui travaille déjà en usine, elle entre alors dans les métaux. Elle apprend la soudure dans l'atelier et a fait depuis trois entreprises comme soudeuse. Son emploi actuel «lui plaît assez». Elle ne s'est pas faite tout de suite à l'entourage, mais maintenant elle y est bien habituée.
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Si elle était plus jeune elle aimerait se perfectionner dans les métaux. Mais elle a passé sa vie à essayer de se perfectionner. Maintenant elle en a assez et «demande à être tranquille». Le métier d'électricien l'aurait tentée mais elle sait «que ce n'est pas pour les femmes». Elle est habituée à son travail et le fait machinalement, mais elle «souffre de faire toujours la même chose». Elle trouve souvent le temps long, surtout l'après-midi, et parle avec animation et spontanément «d'un métier qui l'intéresserait, sur lequel il y aurait à réfléchir». Pense que la femme qui travaille vit mieux à cause du salaire et que les femmes qui restent chez elles sont «plus négligées, plus isolées, plus aigries». Le fait de travailler au dehors apporte moralement beaucoup à une femme mais il faudrait perfectionner les conditions du travail ménager. Est syndiquée et déléguée de son atelier. Lit beaucoup. Préfère Zola, Victor Hugo, Balzac et «nos grands auteurs polonais». MME I., 44 ANS, OUVRIÈRE SUR PRESSES
Mariée, 1 enfant de 18 ans. Est allée en classe jusqu'à 9 ans. A travaillé jusqu'à l'âge de 11 ans comme souffleuse de verre. Tente de gagner plus en allant dans le cartonnage, puis dans la blanchisserie. Quitte la blanchisserie parce que le travail est trop malsain et entre comme ébarbeuse dans les métaux. Est renvoyée à la suite d'une grève. Fait ensuite une série d'entreprises des métaux (cinq ou six) mais n'est gardée nulle part à cause de son action syndicale. Revient pour quelques mois à la blanchisserie puis au travail du raphia. Réussit finalement à revenir dans les métaux (elle s'est mariée entre-temps et a changé de nom). Ne trouve pas son travail ennuyeux, sauf quelquefois en fin de journée «quand on sait qu'il y a du travail à la maison». Aimerait quelquefois avoir un travail plus intéressant: «cela dépend des soucis qu'on a à la maison; quand on a l'esprit libre, on aime s'intéresser à un travail». Aurait aimé faire de la couture «mais l'apprentissage coûtait trop cher» ou travailler dans le commerce «mais elle n'avait pas assez d'instruction». Son travail actuel ne lui déplaît pas. Elle aimerait changer pour un travail moins dur mais «dans les métaux». Elle aimerait se perfectionner dans son emploi pour deux raisons: d'abord pour «ne pas être obligée d'aller chercher les chefs quand quelque chose ne va pas, c'est une question d'amour-propre», ensuite parce qu'elle pense que cela lui procurerait un meilleur salaire. Elle estime que «dans l'industrie la femme est considérée comme inférieure à l'homme alors qu'elle est plus attentive à son travail, plus vive, plus nerveuse».
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Pense que les femmes qui travaillent élèvent mieux leurs enfants «parce qu'elles ont l'esprit plus large, elles savent plus de choses, elles savent mieux leur répondre». Est syndiquée «pour ses droits et ses revendications». («Les patrons le sont bien, pourquoi ne le serions-nous pas?».) MME J., 49 ANS, SOUDEUSE
Mariée, 2 filles de 14 et 15 ans. Est allée à l'école jusqu'à 13 ans. A travaillé jusqu'à 19 ans dans la ferme de ses parents. Vient ensuite à Paris comme bonne dans un café-restaurant pendant quatre ans. Ne peut y rester à cause d'un eczéma et entre en usine, d'abord dans les industries chimiques puis dans les métaux. Elle apprend la soudure dans l'atelier. A fait depuis plusieurs petites maisons, mais a cherché à entrer dans une grande entreprise où les risques de chômage sont plus faibles. Son mari y travaille aussi. N'aimait pas le travail de la campagne mais a aimé le commerce quand elle y était. N'a cependant pas eu de mal à s'accoutumer en usine car «elle se fait dans tous les milieux et à tous les travaux». «Quand on n'a pas de métier il ne faut pas être difficile». Ne voit pas l'utilité qu'il y aurait pour elle à se perfectionner dans son emploi. «C'est déjà beau d'être soudeuse». Ne trouve pas son travail ennuyeux «car les pièces ne sont pas toujours les mêmes». Elle préfère un travail «un peu routinier» qui n'absorbe pas trop son attention, cela lui permet de penser à ce qu'elle va faire à la maison: «Je sais que tout va bien chez moi alors j'aime y penser en travaillant». Pense que la femme qui reste chez elle est plus heureuse parce qu'elle a plus de loisirs. Elle a cependant remarqué «que les femmes qui travaillent ont l'esprit plus large, comprennent mieux les choses». Est syndiquée «comme son mari». MME K., 31 ANS, OUVRIÈRE AU MONTAGE
Mariée, 1 enfant de 4 ans gardé par sa belle-mère. A été élevée dans un couvent jusqu'à 20 ans. Placée ensuite comme femme de chambre à Paris pendant 5 ans. Se marie et entre dans une entreprise de tissage de caoutchouc où elle reste deux ans. Quitte parce qu'elle gagne trop peu et entre dans l'entreprise où elle travaille actuellement. Son mari et son beau-père y travaillent aussi. Avait appris au couvent la couture et le repassage. Aurait aimé être infirmière («ne sait pas pourquoi»). Est entrée en usine parce que son mari et son
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beau-père y étaient, autrement ne l'aurait pas fait: «Ce n'est pas la place d'une femme surtout lorsque les ateliers sont mixtes. Au montage il n'y a que des femmes». Son mari lui parle d'apprendre la soudure mais elle hésite à cause des démarches à faire. Elle a «un beau logement grâce à son travail, elle est satisfaite et n'en demande pas plus». Son travail ne lui semble pas «routinier». Il absorbe toute son attention «pour ne pas se tromper dans les pièces et aller vite». Elle ne s'ennuie pas et pense qu'il y a, au contraire, une tension continuelle qui fait dire: «tiens il est déjà telle heure». Pense qu'une femme qui travaille a malgré tout une vie plus agréable. Le fait de travailler est très important vis-à-vis du mari. Lorsqu'elle a par hasard une discussion avec son mari elle lui dit «qu'elle gagne sa vie aussi bien que lui». N'est pas syndiquée. «La femme qui travaille est fatalement plus au courant de la vie sociale mais elle ne doit pas faire de politique». MME L., 26 ANS, OUVRIÈRE AU MONTAGE
Mariée, sans enfant. Est allée à l'école jusqu'à 12 ans. A quitté l'école «pour motif familial». Reste chez elle pendant deux ans sans travailler ni faire d'apprentissage. Entre à 14 ans dans un petit atelier où on fait des cadres et y reste jusqu'à 17 ans. Est licenciée. De 17 à 18 ans travaille comme manutentionnaire dans une entreprise de bijouterie. Quitte parce que le salaire est trop faible. Entre 18 et 24 ans travaille dans quatre petits ateliers (une parfumerie, une biscuiterie, deux fabriques de lampes). Se marie. Entre à 24 ans comme monteuse dans l'entreprise où elle travaille actuellement (petit équipement automobile). Elle pense y rester. «De toute façon c'est partout et toujours du travail au rendement. On a toujours du mal mais ici on fait davantage d'heures et c'est plus stable». Ne pense pas qu'elle pourra augmenter sa qualification : «Sur la chaîne vous êtes perdue. On a besoin de vous là et il n'est pas question que vous fassiez autre chose. Ce n'est même pas la peine d'essayer». Si elle a des filles elles apprendront un métier. Elle a remarqué partout où elle est passée que «les hommes ont moins de mal». Est syndiquée depuis qu'elle est dans cette entreprise car «il y a des gens qui s'en occupent et j'ai compris qu'il fallait se défendre». Mme M., 17 ANS, ENROULEUSE SUR MACHINE
Mariée, 1 enfant, mari au service militaire. Est allée à l'école jusqu'à 13 ans. N'a fait aucun apprentissage. Entre à 14 ans
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comme manoeuvre dans une fabrique de bonbons. Est licenciée au bout de six mois à la suite d'un changement d'employeur. Entre alors comme enrouleuse sur machine dans un atelier de bobinage. A fait depuis trois entreprises pour gagner plus et se rapprocher de chez elle. A un enfant et se marie. Aurait aimé être vendeuse ou «hôtesse de l'air». Son métier actuel ne lui déplaît pas trop malgré l'abattement de salaire dû à son âge. «On fait toujours la même chose, on finit par ne plus y penser». Pense qu'elle continuera, ne voit pas ce qu'elle pourrait faire d'autre. «Pour être enrouleuse il a fallu que j'apprenne et les femmes ne font pas autre chose dans la maison. Maintenant je m'en tire bien avec le rendement». N'est pas syndiquée. «Dans une petite maison il ne peut pas y avoir de syndicat».
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