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French Pages 212 Year 2005
LE VIVANT DÉCODÉ Quelle nouvelle définition donner à la vie ?
Jean-Nicolas Tournier
E IY SCIENCES
17, avenue du Hoggar Parc d’Activités de Courtabœuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France
ISBN : 2-86883-814-6
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À ma mère, in memoriam. À mon père, à Claire-Lise et mes enfants, à ma famille. Ils forment les traits d’unionfragiles au sein desquels ma vie s’insère et s’illumine.
cc La connaissance isolée qui est obtenue par un groupe de spécialistes dans un champ étroit n’a en elle-même aucune valeur d’aucune sorte ; elle n’a de valeur que dans la synthèse qui la réunit à tout le reste de la connaissance et seulement dans la mesure où elle contribue réellement, dans cette synthèse à répondre à la question : “Qui sommes-nous ?” ». Erwin Schrodinger
SOMMAIRE Introduction .................................................................................................................................. Chapitre I. La vie : une nouvelle définition pour quelle bio-Zogique.................................................................................................. Pourquoi une définition de la vie ?...................................................... La vie :dualité structure cellulaire/ état thermodynamique de la structure .........................................
Chapitre 2. La notion de système cellulaire...................................... Les constituants fondamentaux du système .............................. Les diflérents types cellulaires ..............................................................
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Chapitre 3. Quelques notions de thermodynamique ............. 41 Les principes de la thermodynamique classique : la thermostatique ................................................................................................. les principes de la thermodynamique non linéaire : la notion de système dissipatifs ..............................................................
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Chapitre 4. Le vivant paradigme des systèmes dissipatifs......... 55 . a, 1 etat unicellulaire .......................................................................... La vie 1’
Quelle vie pour u n virus ?............................................................................ La vie sociale :les multicellulaires......................................................
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Chapitre 5. Le temps et sa flèche : un élément fondateur du sens en biologie.............................................................................................................. 69 Chapitre 6. Le temps, quatrième dimension du vivant : la théorie de l’évolution ou l’interaction du temps et du vivant........................................................................................................................................
79 Les péripéties de la genèse d’une théorie : du transformisme à la théorie synthétique de l’évolution .... 81
Le vivant décodé
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Quelques aspects modernes de l’évolution : , . .., une theorze revisztee ?................................................................................... De la théorie de l’évolution à la pratique ...................................
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Chapitre 7 . L’origine de la vie : quelle problématique ................................................................................
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hasard ou p a r nécessité physique > ?............................................................... 111 Émergence de la vie :u n phénomène unique ou une ontogenèse p a r étapes ? ....... ......................................... 116 Hasard ou nécessité de l’émergence de la complexité : le modèle de la sexualité ? ........................................................................ 124
Chapitre 8. La vie est-elle réductible ................................................................. aux biotechnologies ? Chapitre 9. La propriété du vivant : un concept rénové par les biotechnologies .......................................................... La bataille de la brevetabilité .............................................................. L’épouvantail des OGM......................
Chapitre io. Les biotechnologies et l’éthique : une limite de plus en plus imprécise........
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Le clonage reproductif humain : l’épopée de Dolly à Ève .......................................... Le tranfert nucléaire à quelfutur en médecine humaine ?.................................................... Les cellules souches humaines d origine embryonnaire............................................................ 7
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Bibliographie ...................................................................
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Introduction
En ce début de X X I ~siècle, quel regard l’homme peut-il porter sur la vie ? La question peut sembler éculée tant les progrès de la biologie moderne exposés à grand renfort de publicités abondent et saturent la réflexion dans une surenchère constante. Pourtant, à l’aube du troisième millénaire, une célèbre réflexion de John Locke n’a jamais paru aussi moderne : N (...) Il n’y a point de terme plus commun que celui de vie, et il se trouveraitpeu de gens qui ne prissent pour un affront qu’on leur demande ce qu’ils entendent par ce mot. Cependant, (...) il est aisé de voir qu’une idée claire, distincte et déterminée n’accompagne pas toujours l’usage d’un mot aussi connu que celui de vie‘. n Alors que le siècle qui se dessine semble être celui des biotechnologies, que le conflit ouvert entre la puissance envahissante de la biologie et les limitations de l’éthique devient irrémédiable, la notion même de vie semble s’être extirpée du champ de la biologie. N On n’interroge plus la vie dans les laboratoires D s’écriait François Jacob‘. Cette exclamation projette une vérité crue : le scientifique a pour objet de travail du matériel vivant, mais l’objet de son travail n’est pas la vie. La technique envahit le champ du biologiste, prenant le pas sur une réflexion plus large. La technicité l’écrase et il n’y échappe plus que rarement pour tenter d’apercevoir quels sont les contours et les singularités de l’objet qu’il examine quotidiennement. Cette évolution est d’ailleurs très marquée sémantiquement, puisque de la biologie, le glissement s’est effectué vers les bio-techno-logies. I1 émerge enfin une problématique nouvelle, liée à l’explosion du progrès technologique, qui permet une maîtrise chaque jour plus grande du vivant. Des possibilités inédites s’ouvrent quotidiennement, offrant des perspectives fascinantes. Elles peuvent aussi se révéler plus inquiétantes. C’est la rançon du progrès avec sa double facette, sa dualité, son ambivalence lancinante. L’avancée scientifique n’est plus associée mécaniquement à une augmentation du bien-être. De ce fait, le progrès doit-il susciter émerveillement ou suspicion ? Par ailleurs, comment ne pas être admiratif devant les prouesses
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techniques et l’ingéniosité débordante dont font preuve les biologistes pour décrypter le vivant ? Maîtriser mieux le vivant, c’est aussi pouvoir plus, c’est donc augmenter ses capacités à enfreindre des lois établies par la nature. Or, toucher à la vie n’est pas sans risque. Le risque est la rançon du savoir. Mais d u n autre côté, refuser dogmatiquement l’aventure du progrès est potentiellement aussi dommageable. La connaissance ne peut progresser ex nihilo. Le progrès est indissociable de l’expérimentationsur le vivant. Anatomie, biologie cellulaire, puis moléculaire sont apparentées, frappées du même sceau, chacune marquant un progrès pour l’humanité dans la dissection de la grande machinerie du vivant. Dans ces conditions, à quels risques les explorateurs de la biologie nous exposent-ils ? Ils sont multiples et flous. Pourtant, objectivement les dangers tiennent davantage à l’ambiguïté des rapports que l’homme entretient avec la nature, qu’à un risque réel inhérent au progrès. Ainsi, fustiger d’emblée et sans discernement le progrès paraît un peu trivial. La génétique moderne nous fournit un exemple des dangers des mélanges et malentendus à propos de cette science honnie par certains et vénérée par d’autres. Sans le savoir, l’homme utilise cette science depuis des millénaires, et le Monsieur Jourdain de la génétique a eu du succès : les milliers d’espèces, de races utilisées couramment dans l’agriculture (maïs, blé, colza, ...) sont issues de croisements dirigés par une main humaine. Le meilleur (c ami de l’homme >> est aussi le plus ancien animal d’expérimentation génétique. Les races canines, qui nous entourent et nous paraissent si naturelles, sont un pur produit de l’artifice humain. Elles résultent de la sélection par l’homme de critères physiques ou purement esthétiques qui sont ensuite amplifiés jusqu’à former des Paradoxalement, des systèmes dissipatifs, au sens de l’expression forgée par Prigogine en 1969, avaient été décrits depuis longtemps. Mais ils ont longtemps végété dans le domaine de l’anecdote avant d’acquérir leurs lettres de noblesse avec la thermodynamique non-linéaire. Ainsi, dès 1890 le célèbre mathématicien Henri Poincaré avait jeté les bases mathématiques de la théorie des équations différentielles de la dynamique et introduit la notion de bifurcation et de chaos. Moins de dix ans plus tard la première description d’un système dissipatif était réalisée par Henri Bénard, normalien, physicien qui s’intéressa à des tourbillons obtenus dans une nappe liquide soumise à une source de chaleur. Ces tourbillons resteront dans l’histoire des sciences Cette singularité induit une conséquence notable :le système acquiert une dimension historique. Le franchissement d’un point de bifurcation topologique induit une rupture de symétrie temporelle entre l’avant et l’après. Le point de bifurcation est à l’origine de l’historicité du système dont la flèche du temps devient brusquement orientée. Le système n’est plus symétrique et il possède une histoire donnée par les solutions adoptées par celui-ci. L’évolution ultérieure du système dépendra des choix qui auront été e décidés s au point de bifurcation. Ces trois caractéristiques des cellules de Bénard, sont vérifiées par tous les systèmes dissipatifs : corrélation à longue portée, rupture de symétrie et choix multiples. La complexité des cellules de Bénard peut faire sourire. La complexité atteinte par ces systèmes paraît désespérément simple au regard de l’immense complexité de la plus simple des cellules vivantes (Figure 5). I1 n’en reste pas moins que ces systèmes dissipatifs sont indispensables pour appréhender la compréhension des systèmes cellulaires ultra-complexes. En effet, ces notions fondamentales découvertes par Prigogine permettent de concevoir à la fois les caractères primordiaux des systèmes vivants et les mécanismes qui ont présidé à leurs émergences.
Chapitre 4. LE VIVANT, PARADIGME DES SYSTÈMES DISSIPATIFS
Le vivant a été très souvent pris en exemple par Prigogine pour démontrer la pluralité des applications de la thermodynamique de non-équilibre (biologie, sociologie, météorologie en sont les applications les plus souvent discutées)’. Mais l’intérêt de Prigogine pour le vivant fut très important. Sa description servit de point de départ à une nouvelle vision de la biologie. Finalement, il aura définitivement achevé l’élimination du vitalisme. C’est donc un physicien qui aura subrepticement révolutionné la biologie de la fin du XX‘ siècle. Grâce à lui, la biologie moderne peut enfin s’émanciper et s’affirmer dans le monde des sciences. Elle ne doit plus faire appel à quelques forces vitales pour donner un modèle explicatif des phénomènes qu’elle est censée décrire. Les systèmes biologiques ne font plus exception dans la physico-chimie, ils sont régis par des lois universelles, celles de la thermodynamique de non-équilibre. Matières inorganique et organique ne sont plus opposables, elles sont l’une et l’autre deux facettes d u n même monde et l’expression d’une même raison, celle des lois de la physique. La seule différence entre la cellule vivante et le tourbillon de Bénard est le niveau de complexité. La cellule biologique est un système dont le raffinement et la complexité n’ont cessé de croître en quatre milliards d’années d’évolution. La cellule vivante est un système thermodynamiquement ouvert, traversé constamment par un flux d’énergie qui le maintient hors de l’équilibre. Ce principe est connu, Claude Bernard, déjà, l’avait flairé sans en donner la description moderne : > ; ils rencontrent les trois complexes de manière ordonnée, en fonction de leur énergie, grâce à des corrélations à longue portée. Par ailleurs, le système cellulaire va répondre toute sa vie à des choix multiples en fonction d’événements internes ou externes, qui engageront la cellule sur des voies de différenciation, de division des voies végétatives. Ces choix multiples règlent l’ensemble de la vie de la cellule qui est sans arrêt sollicitée. Ainsi, la croissance de la cellule même, dans un système idéal sphérique en autonomie complète, ne peut pas être linéaire. Le volume, fonction cubique du rayon, s’accroît plus vite que la surface qui n’est qu’une fonction carrée. ((
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I1 en résulte une désorganisation de la cellule si celle-ci dépasse le diamètre idéal. La cellule en croissance a donc le choix entre mourir et se diviser. L’aphorisme de François Jacob :