L'Art au XVIe siècle 2754100563, 9782754100564

Le XVIe siècle européen voit la Renaissance triompher d'un bout à l'autre de l'Europe. Les « clefs d'

147 62 38MB

French Pages 384 [194] Year 2005

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD PDF FILE

Recommend Papers

L'Art au XVIe siècle
 2754100563, 9782754100564

  • Similar Topics
  • Art
  • 0 0 0
  • Like this paper and download? You can publish your own PDF file online for free in a few minutes! Sign Up
File loading please wait...
Citation preview

L'Art au XVIe siècle ~

l

f

S

\I

O

r

S

C L f

F S



1

E S

1

1

r

li

X



l

I

S

.\ R

[

1 S T F S

06-1453

8 .P.8 .1

11111111111111~11 0225 242 7231

___ ....

11_._..,....~.,.,,,_,...._..._r""'-,-

....

•"~·" "'-....-- . ...,.,..,.._ _.,.._....,,,,,,,,,..,,_.._. ,

,_ _ _ .. _ _ _ .,...,,~... a. ....... l'.IIH'9•

•_..,....,,._.._r~c1o....t .... ~otndw•. . . _

-r·""'-•1oo.-,,,o1, ·"'*"---·1

~·---..-· ....·--1-.. .,. .11

" " " ' - · - - & , 1 1 0 1 ..... -.... .....-....... ,.... .. _

................. 1.............. - . .. . ....

-d'Albm.MO....«...-d'•"--- .. w..t.,-...·o •-..,.iq.,.,""1...-aml*'I .. Nl, L.,._(.n.....t,r-tra

••'""P

(1555-1560, Mira); villa Barbaro (vers 1560, M aser). ... Façade du palais royal de Hampton Court, vers 1515

126 • LES MOTS CLEFS

.t. Andrea Palladio, vi lla Almerica Capra, ,La Rotonda,, 1555, environs de Vicence

LES MOTS CLEFS • 127

Le théâtre Le rapport avec les arts de la scène fascine auteurs de traités, peintres et architectes: naissent ainsi scénographies monumentales, rendus perspectifs nouveaux, références symboliques et comparaisons avec les théâtres antiques.

Le théâtre

Dès le début du siècle est attestée la réalisation de décors, toiles de fond et scènes éphémères conçus par des peintres pour des

La perspective décentrée, dont le point de fu ite est déplacé sur le côté, accentue l'impression qu'il s'agit d'un plateau théâtral, conforme au modèle classique de la «scène tragique». Le décor en perspective est directement inspiré des traités de Sebastiano Serlio sur l'architecture, diffusés en Europe à partir de 1540.

pièces de théâtre diverses, et c'est à l'architecte Baldassare Peruzzi que Articles en relation Villas et résidences de campagne.

Paris, Londres, Florence, Venise.

l'on doit, peut-être dès les années 1510, la nouveauté de décors perspectifs. Pour la composition même de leurs tableaux, les peintres s' intéressent de plus en plus souvent au point de vue du spectateur dans un théâ tre, si bien que certains, comme le Tintoret, se construisent des maquettes et de petits théâtres, notamment pour étudier les écla irages

Le Tintoret.

et leurs effets. Les théâtres, quant à eux, continuent d'être des aménagements provisoires, avec appareils et « machines» mobiles et éphémères. Dans son Deuxième Livre (1545 ), consacré à la perspective, Sebastiano Serlio définit trois types de plateaux de scène : tragique,

"f Sebastiano Serlio, Perspective, vers 1515 Ferrare, Pinacoteca Nazionale

comique et rustique, et les gravures de son traité deviennent une source d'inspiration pour les scénographes et les peintres. La recherche sur le rapport entre architecture et structure du plateau scénique aboutit à cet apogée que constitue la dernière œ uvre d' Andrea Palladio, un théâtre « en dur » construit à Vicence pour les spectacles de l'Accademia Olimpica. Éd ifié sur une parcelle de terra in limitée, contre un rempart de la ville, le Teatro Olimpico (Théâtre olympique) marque le retour dans l'a rchitecture européenne du théâ tre permanent, abandonné à la fin de l'empire roma in. Palladio meurt le 19 août 1580, au cours du chantier; le théâtre est inauguré cinq ans plus ta rd, après avoir été achevé par Vicenzo Scamozzi, qui en construit un semblable à Sabbioneta, non loin de Mantoue, pour la cour des Gonzague (1588). À la même époque, Bernardo Buontalenti conçoit à Florence des scénographies et des «machines» théâtrales fascinantes pour les spectacles du grand-duc.

128 • LES MOTS CLEFS

Les figures qui «jouent» l'épisode biblique au premier plan ont des attitudes légèrement exagérées, comme pour souligner sa valeur éminemment théâtrale de représentation scénique.

J. Pâris Bordone,

Bethsabée au bain, 1545 Cologne, Wallraf-Richartz Museum

LES MOTS CLEFS • 129

Le théâtre

Le fond de scène est un décor illusionniste, en perspective accélérée. Le Théâtre olympique, achevé par Vincenzo Scamozzi après la mort d'Andrea Palladio, a été inauguré en 1585 avec une représentation de l'Œdipe roi de Sophocle.

Le théâtre a été construit sur une parcelle de terrain irrégulière, contre les remparts de la ville. La salle a une form e semi-circulaire, et son plafond est peint à fresque d'un faux ciel avec quelques nuages, alors que la scène proprement dite est coiffée d'un plafond à caissons.

Le cabinet de curiosités,

ou Wunderkammer (« chambre des

merveilles »), propose une surprenante association entre la nature et l'art, qui va dique

à contre-courant de la classification de plus en plus métho-

à laquelle vise le savoir scientifique.

À partir du milieu

Le cabinet de curiosités

du siècle se constituent de surprenantes collections éclecriques, où les œuvres de l'homme (artificialia) sont mises en rapport avec des objets relevant des sciences

de la nature (naturalia). Une collection de ce type, habituellement exposée dans de vastes salles spécialement aménagées, crée un effet de surprise saisissant et suscite l'admiration pour son ensemble et pour chacun de ses mirabilia, qu'il soit naturel ou artistique. Ce goût pour la collection éclectique est favorisé par la découverte des Amériques, d'où les explorateurs rapportent animaux, végétaux, min éraux ou o bjets manufacturés inconnus: naît ainsi un vif intérêt, voire une curiosité presque obsessionnelle (le collectionnisme pro-

Articles en relation Prague, Bavière, Innsbruck, Bruxelles, Milan, Florence. Giuseppe Arcimboldo, Benvenuto Cellini, Adriaen De Vries, Joseph Heintz, Barcholomeus Spranger. T Wenzel Jamnitzer, Nautile monté en coupe, vers 1570

Munich, Trésor de la Residenz

prement dit), pour tous ces objets provenant des «Indes », sans distinction entre œuvres d'art (comme les ornements de cérémonie faits de plumes), ou objets naturels, du coquillage à la dent de caïman. Les commerçants spécialisés de Londres et d'Amsterdam offrent les échantillonnages d'exotica les plus divers, que convoitent les collection-

neurs de toute l'Europe. !.;idée de

«

nature artificielle »,

chère au maniérisme international, incite à associer la recherche acharnée d'objets naturels étranges, rares, monstrueux, à la réalisation d'œuvres d'art et de pièces La large porte centrale et les deux portes latérales s'ouvrent sur des perspectives imaginaires faisant référence aux rues de la cité grecque de Thèbes, décor où sont censées se dérouler les tragédies classiques.

.t. Andrea Palladio (et, après la mort de celui-ci, Vincenzo Scamozzi), scène du Théâtre olympique, 1580-1585 Vicence

130 • LES MOTS CLEFS

Le décor très élégant du mur de scène, permanent, s'étage sur trois registres. Le Théâtre olympique, qui tire son nom de son commanditaire, la Nobilissima Accademia de' Signori 0/impici (la Très Noble Académie de messieurs les Olympiens), est le plus ancien édifice de ce genre construit depuis I' Antiquité.

r

d'orfèvrerie se présentant comme des manifestations exceptionnelles de la nature. Le style du maniérisme donne une expression visuelle aux manies empreintes de mélancolie des grands collectionneurs de la fin du siècle, comme l'empereur Rodolphe II de Habsbourg, le comte de Tyrol Ferdinand II, les ducs de Bavière Guillaume V et M aximilien Ier, le grand-duc de Toscane François Jcr de Médicis.

• 131

Le cab inet de curiosités La grande voûte en berceau est un élément architectonique de type classique. Friedrich Sustris, peintre de la cour de Bavière, a coordonné la conception des modes de présentation et d'exposition ainsi que la réalisation architecturale et décorative de l'ensemble.

Cette salle témoigne du goût pour le «grotesque », c'est-à-dire pour la décoration insfJirée des éléments d'ornementation découverts, lors des fouilles archéologiques pratiquées à Rome au début du XVI' siècle, dans les ruines de palais enfouies sous la terre (d'où leur nom de «grottes »), comme la Domus aurea de Néron.

Le long de la partie basse des murs s'alignent niches et socles qui accueillent bustes et statues antiques ou classicisantes, avec une préférence marquée pour les sculptures en marbre ;aspé ou de couleur. -' Friedrich Sustris (avec la collaboration de Jacopo Strada], salle de l'Antiquarium dans la Residenz de Munich, réalisée à partir de 1576

132 • LES MOTS CLEFS

Cette statuette raffinée, ici mise en évidence dans la main du modèle, figure aussi dans d 'autres tableaux de Lorenzo Lotto.

L'important développement du goût aristocratique pour la collection est dû notamment à l'activité des «antiquaires», marchands d 'art qui entrent en relation avec des acquéreurs de tous les pays. Aux villes où s'exerce traditionnellement ce type de commerce, Venise et Rome, s'aioutent Anvers et Londres, grands ports où il est possible de trouver toutes sortes de nouveautés, naturelles ou fabriquées par l'homme, que les navigateurs rapportent de leurs voyages au-delà des mers.

Parmi les obiets exposés par le collectionneur «antiquaire » (ait sens d'amateur

d'« antiques », ou antiquités), figurent aussi bien des monnaies et des fragments antiques que des sculptures modernes.

Statues et fragments datant de /'Antiquité classique sont présentés de manière quelque peu dispersée. -' Lorenzo Lotto, Portrait d'Andrea Odoni, 1527 Hampton Court, collections royales

LES MOTS CLEFS • 133

LES LIEUX L'Europe du Nord et du Centre et la branche autrichienne de l'empire des Habsbourg La Scandinavie Moscou Cracovie Prague Augsbourg Nuremberg La Bavière Le bassin du Rhin L'aire danubienne Innsbruck

La branche espagnole de l'empire des Habsbourg La Castille L'Escurial L'Andalousie Anvers Bruxelles et les Flandres ..,. Hans Holbein le Jeune, Les Ambassadeurs (détail; voir l'ensemble p. 316-317), 1533 Londres, National Gallery

Les Provinces- Unies Milan

Les grands royaumes: la France, l'Angleterre et le Portugal Paris Fontainebleau Les châteaux de la Loire Londres Édimbourg Lisbonne

L'Italie Rome, 1500-1534 Rome, 1534-1600 Florence Sienne Venise L'aire lombarde Mantoue, Ferrare et Urbino Gênes

Les nations scandinaves marquent leur place dans l'histoire et l'art européens: le personnage shakespearien du « prince de Danemark » n'apparaît plus comme une figure exotique et lointaine. L'Europe du Nord Une profonde nouveauté politique caractérise

et du Centre

le début du

et la branche autrichienne

siècle: la rupture de l'Union

La Scandinavie

de Kalmar, pacte signé en 1397 entre le Dane-

de l'empire des Habsbourg

La Scandinavie Moscou Cracovie Prague Augsbourg Nuremberg La Bavière Le bassin du Rhin L'aire danubienne Innsbruck

XVI'

Au cours du XVI< siècle, l'Europe du Nord et du Centre est le foyer de la Réforme, et elle subit sur les plans historique et culturel une série de profondes secousses, qui auront aussi des répercussions au siècle suivant. Les événements les plus significatifs pour l'évolution artistique concernent en premier lieu l'Autriche, qui est en deux moments bien distincts le centre rayonnant du Saint Empire romain germanique: d'abord, à l'époque de Maximilien Jer de Habsbourg, lors de la transition entre le gothique tardif et la Renaissance humaniste, puis, après le milieu du siècle et le partage de l'empire décidé par Charles Quint, avec le développement du maniérisme international, en particulier à Prague, élevée au rang de capitale par Rodolphe II de Habsbourg. L'axe de l'économie et de la culture se déplace aussi dans la structure polycentrique traditionnelle de l'Allemagne: les villes de la Hanse sur la Baltique et les ports fiuviaux sur le Rhin perdent de leur importance, tandis que croissent les centres méridionaux de Nuremberg, d'Augsbourg et de Munich, villes auxquelles on peut adjoindre (du fait de leurs liens économiques et artistiques) Cracovie, la fiorissante capitale de la Pologne. Par ailleurs, l'expansionnisme agressif de l'empire ottoman ralentit la prometteuse évolution de l'aire danubienne. Mais ce qui se passe au-delà de l'Europe centrale n'est pas moins important, surtout pour l'avenir: au nord, la Scandinavie connaît une vive évolution, particulièrement dans les rapports confiictuels entre le Danemark et l'ambitieux royaume de Suède, et, à l'est, s'affirme la figure controversée mais assurément marquante du tsar Ivan IV le Terrible, et la nouvelle puissance russe suscite l'inquiétude.

mark, la Norvège et la Suède. Une cause indirecte en est l'affa iblissement progressif de la Ligue hanséatique, qui va aboutir à de nouveaux équilibres des forces commerciales et politiques sur les rives de la mer Baltique. Le facteur déclenchant est la tentative du roi de Danemark Christian II d'affirmer la domination danoise sur Stockholm, notamment en fa isant mettre à mort plus de quatre-vingts nob les suédois (1520). La réaction nationale, dans laquell e la conversion au luthéranisme joue un rôle catalyseur, porte Gustave Vasa sur le trône de

1520 : Gustave Vasa mène la rébellion suédoise contre le roi de Danemark Christian li. 1523: Gustave fer Vasa est couronné ro i de Suède; au Danemark,

Suède (1523). Commence alors la rapide expansion du royaume de

Christian 11 est déposé. 1536: Christian Ill de Danema rk fait de la

Suède, qui entre dans le xvnc siècle comme une nouvelle puissance

Norvège une vassale,

protestante du Nord de l'Europe. Le royaume du Danemark réagit à

résistance en élo ignant

l'indépendance suédoise en resserrant ses liens avec la Norvège, où les

l'archevêque Olav Engelbrektsson et en introduisant le luthéranisme. 1560: mort du roi de Suède Gustave Jcr Vasa. 1561: Éric XN, fil s de Gustave Vasa, empêche la conquête de Tallinn pa r le tsar de Russie Ivan IV le Terrible. 1587-1607: le roi Sigismond (petit-fils de

rois danois possèdent de vastes territoires de chasse et font édifier de gra ndes résidences. Le style architectural scandinave reste longtemps attaché aux références du gothique tardif ou aux matériaux de la tradition loca le; les modèles hollandais introduisent au Danemark un changement marquant, avec des vol umes plus simp les, l'association de la brique et de la pierre, et les caractéristiques pignons à gradins.

dont il brise la

Gustave Vasa, converti

au catholicisme) tente de réunir sur sa tête les

couronnes de Pologne et de Suède.

..,. Le château royal suédois de Gripsholm, construit par Gustave Vasa en 1537 sur la rive du lac Malaren

LES LI EUX • 137

La Scandinavie Le minutieux style descriptif de ce tableau, œuvre d'un peintre local nommé Urban, appartient encore au gothique tardif

Fille mineure du roi Christian 111 de Danemark, veuve à seulement treize ans du duc de M ilan Francesco li Sforza, Christine était une princesse célèbre en Europe pour sa douceur et la beauté de ses mains: elle était surnommée «la splendeur des Flandres ».

Dans la nuit arctique, les orbites des étoiles dessinent des cercles mystérieux: des phénomènes astraux de ce type étaient observés avec une curiosité passionnée au début du XVI• siècle, à la recherche de signes secrets permettant d'interpréter une époque de «révolutions » {par allusion au titre du traité de Copernic).

Après la mort de sa troisième femme, Jane Seymour, en octobre 1537, Henri V III d'Angleterre envisagea d'épouser Christine de Danemark: c'est pourquoi, en mars 1538, il envoya à Bruxelles Hans Holbein, accompagné d'un diplomate, pour qu'il fasse le portrait en pied de cette épouse éventuelle, alors âgée de seize ans et portant encore le deuil.

La séance de pose dura trois heures seulement, temps extrêmement bref mais suffisant à H olbein pour saisir les caractéristiques de la jeune femm e, qu'il traduisit ensuite, d'une façon que l'on déclara « très parfaite», en ce portrait empreint d'énergie et de simplicité.

L'union entre le roi d'Angleterre et la princesse de Danemark aurait pu être à l'origine de nouveaux équilibres politiques dans l'Europe du Nord, mais ce projet de mariage n'aboutit pas, et Henri Vfll épousa Anne de Clèves en 1540. .6. Hans Holbein le Jeune,

Portrait de Christine de Danemark, 1538 Londres, National Ga llery

138 • LES LIEUX

Cette vue aérienne représente avec une certaine précision la ville de Stockholm à la fin du Moyen Âge, construite sur un archipel à la jonction du lac Miilaren et du Saltsjon, bras de la Baltique.

.6. Maitre Urban Malar,

Phénomènes astraux dans le ciel au-dessus de Stockholm, 1537 Stockholm, cathédrale

LES LIEUX • 139

Moscou

« Toutes

les Russies » se réunissent sous l'autorité des princes de Mos covie: c'est ainsi que se justifie le titre de « tsar » (dérivé du latin caesa r) adopté en 1480 par Ivan III, dont l'épouse était la petite-fille du der nier empereur byzantin.

Moscou

Sous le règne de Vassili III, dans les premières décennies du Moscou est définie comme la

«

xv1e

La flèche centrale, plus haute, présente une décoration à arcades superposées, qui est caractéristique de l'architecture religieuse russe.

La différence de hauteur des coupoles à bulbe coiffant les chapelles autour de l'espace central crée un effet de grande variété, mais le plan de l'édifice est relativement simple, et il rappelle symboliquement les victoires d'Ivan IV le Terrible.

siècle,

troisième Rome », héritière de la Rome

antique et de Byzance, et le tsar obtient la consécration religieuse du 1505: Vassili Ill, de toutes les Russies», monte sur

patriarche orthodoxe. Le successeur de Vassili, Ivan IV, dit

« le

Ter-

« autocrate

rible », fait de la Russie une puissance agressive, regardée avec une

le trône et entreprend

préoccupation croissante par de nombreuses nations, de la Scandina

d'importants travaux de construction

vie aux Balkans. Ivan IV affermit le pouvoir des tsars en soumettan1

dans le Kremlin . 1533: Ivan N, « le Terrible », devient tsar. 1552: victoire d'Ivan N à Kazan. 1554: fondation de la « société de Moscovie >>

avec cruauté d'anciennes villes-États (Kazan en 1532, Astrakhan en

pour favoriser

1556, Novgorod en 1570) et en conquérant tout le bassin de la Volga . La guerre victorieuse contre les Tatars, qu i constituaient historique· ment une épine dans le flanc de la Russie, est célébrée par l'édification de la cathédrale Saint-Basile, et celle-ci devient le symbole non seule-

le commerce anglais en Russie. 1555: début de la

ment de la ville de Moscou, mais aussi d'un style « national » russe,

construction de la

construits au xve siècle, en partie selon les projets du Bolonais Aristo-

cathédrale Saint-Basile, consacrée en 1560. 1565: Ivan IV institue I'opritchina ( ((réserve»), apanage administré par sa

police personnelle. 1570: conquête de Novgorod. 1571: incursion des Tatars jusqu'à Moscou. 1584: mort d'Ivan N; son fils Fédor monte sur le trône. 1598: mort de Fédor Je.; son beaufrère Boris Godounov est élu tsar.

La polychromie brillante, devenue l'un des traits distinctifs de la cathédrale Saint-Basile, n'est pas d'origine mais date du XVII' siècle.

différent du style occidental qui caractérisait les bâtiments du Kremlin

tele Fioravanti. Cependant, la peinture d'icônes se poursuit sans inno varions substantielles par rapport aux modèles médiévaux. Ivan IV résout en grande partie les questions politiques intérieures en luttant impitoyablement, et victorieusement, contre les boyards, grands propriétaires terriens. L'expansion vers la Baltique et la Livonie, contrôlée par les chevaliers teutoniques, a moins de succès: dans sa recherche obstinée d'un débouché sur la mer, Ivan le Terrible se heurte à la puis

1> Icône avec le portrait d'lvan le Terrible,

vers 1560 Copenhague, Statens Museum for Kunst

sance maritime de la Ligue hanséatique et des autres États, comme la Suède, la Pologne et le Danemark.

140 • LES LIEUX

Les rampes d'escalier couvertes, avec arcades et pavillons, soulignent le caractère spectaculaire de l'ensemble.

... Maîtres Barma et Postnik, cathédrale Saint-Basile à Moscou, 1555- 1560

LES LIEUX•141

Cracovie En 1574, le sarcophage a été déplacé et retouché par un autre sculpteur italien, Santi Gucci, afin d'installer aussi dans la chapelle le tombeau du roi Sigismond Il.

La Cracovie des Jagellon est l'une des cours d'Europe les plus ambitieuses et les plus splendides: elle passe des commandes prestigieuses à des sculpteurs italiens, à des liciers flamands et à des peintres allemands.

Cracovie

La dynastie des Jagellon règne sur la Pologne pendant presque deux siècles, de 1382 à 1572, instituant de fait une succession héréditaire

La chapelle de Sigismond est considérée comme l'un des chefsd' œu11re absolus de la Renaissance italianisante au nord des Alpes.

bien que la couronne de Pologne et de Lituanie soit théoriquement 1506: le roi Sigismond l" Jagellon

élective. Au xv1e siècle, le royaume connaît une large expansion et agrège la Prusse orientale ainsi que divers territoires de la Lituanie,

monte sur le trône.

1519: il épouse en secondes noces Bona Sforza, fille de l'avantdernier duc de Milan . 1525 : le dernier grandmaître de l'ordre des cheva liers teutoniques reconnaît la suzeraineté de la Pologne. 1548: mort de Sigismond '"; son fils Sigismond Tl Auguste lui succède. 1551: publication à Cracovie de l'édition augmentée du traité

De re110/utionibus orbium coelestiurn de Nicolas Copernic. 1569: Union de Lublin; institution des parlements de Pologne et de Lituanie. 1572: la dynastie des Jagellon s'éteint à la more de Sigismond 11. 1579-1581: campagnes militaires du roi Étienne ' " Bathory contre les Russes; conquête de la Livonie. 1586 : Union de Brzesc entre l'Église catholique polonaise et la hiérarchie orthodoxe de la Lituanie.

de la Biélorussie et de l'Ukra ine: la Pologne, plurilingue et pluriconfessionnelle, s'étend ainsi de la Baltique au Dniestr. La dynastie des Jagellon s'éteint à la mort de Sigismond II Auguste (1572), et, après le bref règne d'Henri de Valois, les brillantes campagnes militaires du roi Étienne je, Bathory, prince de Transylvanie, contiennent l'expansionnisme russe. À Cracovie, la prestigieuse université exerce une vive attraction intell ectuelle et voit naître le gén ie de Copernic, cependant que les salles du palais royal s'ornent d'une splendide collection de tapisseries flamandes et que la cathédrale s'enrichit de chapelles, de sculptures, de reliquaires, de peintures, de monuments funéraires en bronze. Arrivent de Nuremberg Hermann Vischer, le plus habile des fils de Peter Vischer, et Hans Dürer, frère du grand Albrecht. Le domaine le plus riche reste toutefois la sculpture monumentale: après le départ de Veit Stoss, qui retourne à Nuremberg, sont appelés à Cracovie les scu lpteurs toscans Francesco Fiorentino et Bartolomeo Berrecci, qui, dans le premier quart du siècle, laissent dans la cathédra le quelques-uns des

Bien que le personnage soit revêtu de la lourde armure complète chère à la tradition gothique, la statue présente les traits stylistiques de la Renaissance italienne; elle est très probablement l'œuvre du Toscan Bartolomeo Berrecci, peut-être assisté de Giovanni Maria Padovano, qui étaient tous deux venus s'établir à Cracovie.

plus beaux exemples de sculpture Renaissance en dehors de l'Italie, confirmant la fortune du style toscan dans les cours européennes au xv1e siècle.

142 • LES LI EUX

La statue, en marbre rouge, représente le roi endormi dans une position telle qu'il donne l'impression d'être prêt à se relever.

... Reliure originale du traité de Copernic De revolutionibus orbium coe/estium,

édition publiée à Cracovie en 1551 Cracovie, bibliothèque Czartoryski

.t. Bartolomeo Berrecci, Monument funéraire du roi Sigismond I" Jagellon, 1529-1531

Cracovie, cathédrale, chapel le de Sigismond

LES LIEUX • 143

Cracovie Les détails naturalistes des tapisseries les plus petites constituent un extraordinaire répertoire botanique et zoologique.

Les splendides grandes tapisseries avec paysages et animaux ont été tissées vers 15 60 dans les manufactures bruxelloises de Nico las Leyniers et j an Van Tieghem, d'après des cartons réalisés à Anvers par des maîtres de l'atelier de Pieter Van Aelst.

C'est le roi Sigismond fer Jagellon qui a voulu donner un décor Renaissance au palais royal, édifié sur la colline du Wawel à côté de la cathédrale de Cracovie; ce décor est dû d'abord à Francesco Fiorentino (1506), puis à Benedikt de Sandomiersz et enfin à Bartolomeo Berrecci (1533).

L'ordre de présentation des huit grandes tapisseries de la salle des Sénateurs est attesté par une description de 1553: ces scènes bibliques ont été réalisées expressément pour le château, et leurs dimensions ont été déterminées en fonction de celles des murs à orner.

.t. Palais royal du Wawel,

salle des Sénateurs. ou du Trône Cracovie

144 • LES LIEUX

Les scènes principales, larges d'environ huit mètres, sont des chefs-d'œuvre absolus des manufactures de Bruxelles, et en particulier de l'atelier des De Kempeneer. La représentation des grands épisodes bibliques se fonde sur des dessins de Michael Coxcie.

Les principales salles du palais sont caractérisées par l'extraordinaire collection de tapisseries de Bruxelles commandées par le roi Sigismond Il.

LES LIEUX • 145

Prague Avec l'empereur Rodolphe 11 de Habsbourg, Prague devient à la fi11 du xvie siècle le foyer le plus brillant du maniérisme international dans toute l'Europe du Nord et du Centre.

Prague

Le regard volontaire, dirigé vers un lointain horizon, accentue l'impression d'énergie et de puissance que confère à la statue la légère torsion du buste.

Le xv1e siècle s'ouvre sous le signe du gothique flamboyant le plus hardi, avec l'achèvement des salles du château, œuvre de Benedikt Ried. Ailleurs aussi dans le royaume (comme à Kurna Hora et à Brno,

1502: Benedikt Ried achève dans le style gothique tardif la voûte de la salle Ladislas du château. 1516: Ferdinand l" de Habsbou;g est proclamé roi

de Bohême. 1538: début de la construction du Belvédère, pavillon d'été dans les jardins du château, qui marque l'introduction à Prague des modèles de la Renaissance italienne.

1541: un incendie ravage le château et le quartier de Mala Strana. 1547: une révolte contre Ferdinand I" est matée.

1562: achèvement du chantier de la cathédrale. 1576: Rodolphe II de Habsbourg devient empereur. 1583: Rodolphe Il déplace la capitale de l'empire de Vienne à Prague.

où travaillent respectivement le même Benedikt Ried et Anton Pilgram), le début du siècle voit l'ultime floraison du gothique. En 1516, le royaume de Bohême entre dans l'orbite politique des Habsbourg, mais Prague reste quand même dans une position secondaire par rapport à Vienne. Les modèles Renaissance italiens, surtout à Prague, se substituent progressivement aux références gothiques. En 1583, l'em-

La diffusion des portraits

pereur Rodolphe II de Habsbourg prend la décision inattendue de

en buste est ttne

transférer la capitale de son empire de Vienne dans le chef-lieu de Bohême. Dans la Prague kabbaliste de Rabbi Liiw et du Golem, Rodolphe Il accumu le exquises œuvres d'art, trouvailles naturelles insolites, chefs-d'œuvre d'orfèvrerie et de sculpture, produits manufacturés ou objets ésotériques extraordinaires. Autour de la cour se constitue route une école, dont font partie des maîtres de différentes

caractéristique de l'empire habsbourgeois; elle a notamment pour but de multiplier la «présence » de l'empereur dans les différents territoires.

origines, comme le Bâlois Joseph Heintz, !'Allemand Hans Van Aachen, !'Italien Giuseppe Arcimboldo, le Hollandais Adriaen De

La cuirasse est un exemple extrêmement raffiné de décoration: Adriaen De Vries y atteint à la solennité en conjuguant le sens monumental du sculpteur avec l'exécution patiente des détails digne d'un orfèvre.

Vries et l' Anversois Bartholomeus Spranger, que leurs expériences italiennes respectives réunissent dans le choix de très nombreux sujets ouvertement érotiques et d'un goût sensuel charmant; ce goût prévaut jusqu'après la mort de l'empereur et ne s'éteint qu'en 1618, lorsque l'épisode de la seconde

«

défe-

nestration de Prague» ~

La Salle Ladislas du château de Prague (avec les voûtes gothiques de Benedikt Ried), 1607 Prague, musée des Arts décoratifs

déclenche la guerre ·de Trente Ans, qui provoque notamment le sac et la dispersion des collections par les Suédois.

146 • LES LIEUX

Le socle insolite, fait de figures nues, présente une solution analogue à celle utilisée par Leone Leoni pour un buste de l'empereur Charles Quint, acquis par son fils Rodolphe Tl de Habsbourg en 1600 et certainement désigné comme modèle à l'artiste.

J. Adriaen De Vries, Buste de l'empereur Rodolphe Il de Habsbourg, 1603 Vienne, Kunsthistorisches Museum

LES LIEUX • 147

Prague Le regard insistant et la pose offerte d'Athéna s'expliquent par le goût sensuel des commandes de Rodolphe II.

Bartholomeus Spranger, venu s'établir à Prague après avoir travaillé en Italie, est l'un des principaux représentants du maniérisme en Bohême.

Augsbourg occupe le devant de la scène économique et artistique grâce à la découverte de mines d'argent, à l'activité de la dynastie des banquiers Fugger, à un aménagement urbain élégant et à des initiatives civiles innovatrices.

Politiquement su jette des ducs de Bavière, Augsbourg est

~-

·.;

Augsbourg

l' une des villes les plus dynamiques du siècle. Les fondements de sa prospérité sont la finance et les initiatives des banquiers Fugger : c'est au plus célèbre représentant de cette fa mille, Jacob, dit « le Riche », que l'on doit la réalisation à partir de 1514 du quartier d' habitation destiné aux indigents (appelé la Fuggerei), cependant que la chapelle funéraire de la famille, dans l'église Sainte-Anne, marque l'introduction en Allemagne de modèles classiques et italianisants (1509-1512 ), qui trouvent leur expression picturale chez H ans Holbein le Vieux et Hans Burgkmair. En 1518, un an après l'affichage des «quatre-vingt-quin ze thèses », Jacob Fugger favorise la tenue à Augsbourg d' une diète de conciliation entre Luther, l'empereur Maximilien

{er

et le chanoine dominicain Tetzel. Dürer assiste à ces réunions

historiques, et il fait le portrait de quelques-uns des participants. Cette diète est un échec du point de vue religieux, mais c'est à partir de là qu' Augsbourg est le siège de rencontres politiques au plus haut nivea u: en 1530, M elanchthon y présente la profession de foi des luthériens dite

148 • LES LIEUX

Portrait de Jacob Fuggeufe Riche,, 1518

Augsbourg, Staatsgalerie

présente la

«

Confession

d'Augsbourg ». 1540: fondation de la Bourse des valeurs. 1548: « intérim

1555, après des séjours répétés de

bo urg excelle dans la production

... Albrecht Dürer,

de Habsbourg et Dürer. 1519: les grands banquiers Fugger et Welser financent l'élection de l'empereur Charles Quint. 1530: Melanchthon

d' Augsbourg », avec

signée. Sur le plan artistique, Augs-

.t. Bartholomeus Spranger, Athéna et Mercure, vers 1585 Prague, château, Tour blanche

ecclésiastique; y participent aussi Ma x imfüen fer

quelques concessions de Charles Quint aux

entre ca tholiques et protestants y est

Le coq et la chottette, animaux symboliques des deux divinités, apportent ici une aimable note naturaliste.

des indulgences. 1518: diète d' Augsbourg, favorisée par Jacob Fugger dans l'espoir de concilier Luther et la hiérarchie

« Confess ion d' Augsbourg », et, en

Charles Quint, la paix définiti ve

La dynamique figure de Mercure est une citation visiblement emprnntée au très célèbre bronze de Giambologna, multiplié par les copies et devenu une sorte de canon du maniérisme tardif (voir p. 298).

1515: les Fugger sont autorisés à vendre

d'instruments de précision, de pièces d'orfèvrerie et de grands autels en ébène et en argent. Le siècle s'achève sous le signe du maniéri sme, avec les fontaines en bronze d' Adriaen De Vries et les premiers éd ifices d'Elias

princes protestants.

1551: Charles Quint séjo urne de nouveau à Augsbourg, où il est rejoint par Titien. 1555 : déclaration de la paix d' Augsbourg et fin des guerres de religion en Allemagne. 1558: Philippine Welser épouse Ferdinand de Habsbo urg, futur comte de Tyrol. 1560: mort d'Anton Fugger; début du déclin de la maison Fugger.

Héill et Joseph Heintz. LES LIEU X • 149

Augsbourg Peint peu après l'arrivée de Titien à Augsbourg, ce tableau célèbre la victoire de l'empereur Charles Quint à Mühlberg (1547), bataille décisive dans la guerre contre les princes allemands qui avaient adhéré à la Réforme et constitué la Ligue de Schmalkalden.

Sanglé dans sa cuirasse aux reflets brillants, indifférent aux mouvements impatients de sa monture inquiète qui secoue son caparaçon pourpre, l'empereur Charles Quint apparaît comme un héros solitaire devant un vaste paysage qui se perd au loin.

Le bras levé témoigne de l'attention portée par Adriaen De Vries au modèle canonique du Mercure de son maître Giambologna (voir p. 298).

Mercure est le dieu protecteur du commerce: dans une cité marchande et bourgeoise, comme la riche Augsbourg du XVI' siècle, la signification symbolique de l'hommage ainsi rendu apparaissait avec évidence.

Destinée à orner l'une des fontaines de la ville, cette statue est un très élégant exemple du style fin Renaissance. La fonte des modèles d'Adriaen De Vries est l'œuvre de Wolfgang Neidhart.

L'empereur Charles Quint avait appelé Titien auprès de lui à Augsbourg dans les ;ours décisifs de la paix. Il avait réservé au peintre un appartement mitoyen du sien, avec une possibilité d'accès direct.

Titien situe la scène à la tombée du soir. La tout humaine fragilité physique de l'empereur Charles Quint est compensée par son attitude empreinte d'une volonté absolue; et, semblablement, l'écoulement des heures dans le ;our qui meurt se transforme en une perspective d'éternité dans les pages de /'Histoire. .l. Titien, Portrait équestre de l'empereur Charles Quint à la bataille de Mühlberg, 1548 Madrid, Museo del Prado

150 • LES LIEUX

Les dommages subis par la toile lors de l'incendie de /'Alcazar de Madrid en 1734 n'ont pas atténué la gloire du chef militaire victorieux, prototype illustre - et inégalé - d'une série de portraits équestres, de Rubens à Van Dyck, de Rembrandt à Veldzquez, de David à Manet.

Le petit amour qui noue aux chevilles du dieu les lacets de ses sandales ailées présente une torsion du corps en sens contraire de celle de la figure principale, ce qui crée l'impression d'un mouvement circulaire imprimé au groupe tout entier.

i,. Adriaen De Vries, Mercure et Cupidon, autrefois groupe couronnant la fontai ne de la Moritzplatz à Augsbou rg, 1596- 1599 Augsbourg, Stadtische Kunstsammlungen

LESL1EUX•15l

Nuremberg

À l'époque d'Albrecht Dürer, Nuremberg est le principal foyer artistique allemand: à côté d'une intense activité d'imprimerie se développe une brillante école de sculpture, d'orfèvrerie, de peinture et de gravure.

Nuremberg

La figure de Dürer représente bien la vie artistique de Nuremberg dans le premier quart du

XVIe

siècle, et elle est

En argent massif, haute de presque quatre-vingts centimètres, cette nef pèse près de six kilogrammes.

l'expression la plus haute de la culture raffinée de l'une des villes européennes les plus dynamiques sur le plan intellectuel et forte 1519: Veit Stoss sculpte sur bois

L'Annonciation de l'église Saint-Laurent. 1525: la ville adhère officiellement à la Réforme. 1528: mort d' Albrecht Dürer. 1540: fondation de la Bourse des valeurs. 1543: la première édition du traité

De revolutionibus orbium coelestium de Nicolas Copernic est publiée à Nuremberg. 1560: l'enceinte des remparts médiévaux est renforcée

et complétée de neuf tours et portes. 1568: l'astronome Johannes Praetorium réalise le torquetum, instrument mécanique complexe pour mesurer

la position des étoiles.

d'une solide classe marchande prête à accueillir les innovations de la Renaissance humaniste. Le patrimoine artistique de la ville s'enrichit rapidement grâce à l'activité des ateliers de sculpture de Veit Stoss et de Peter Vischer, spécialisés respectivement dans le travail du bois et dans

Sur la nef se trouve un équipage de soixante-quatre

la fonte de bronzes monumentaux. La Réforme interrompt en Allemagne le cours de la Renaissance, qui reprend après quelques décen-

petits 1narins,

nies sous une nouvelle forme, aristocratique et précieuse, grâce au goût

ce qui témoigne de la virtuosité des orfèvres de Nuremberg, qui travaillent aussi bien l'or que l'argent.

des princes de la fin du siècle pour la constitution de collections. Au cours du

XVIe

siècle, Nuremberg est en effet considérée surtout comme

l'un des foyers les plus créatifs de l'orfèvrerie. Et ses objets manufacturés, exportés dans toute l'Europe, sont extrêmement appréciés aussi bien pour leur haute qualité artistique que pour leurs caractéristiques techniques: sont particulièrement recherchés les horloges de table, les automates, les instruments de

Selon une habitude inaugurée au xrve siècle, ces objets servaient de somptueux surtouts.

musique et les appareils de précision pour la navigation et l'astronomie. Au fil du siècle, Nuremberg perd graduellement cette prééminence au profit d'Augsbourg, qui devient la capitale du travail de l'argenterie entre le xv1e et le

xvae siècle; cependant, Nuremberg connaît encore un grand renom .,. Veit Stoss, La Salutation angélique, 1517-1519 Nuremberg, église Saint-Laurent

dans le domaine de l'orfèvrerie pendant l'époque maniériste grâce

à un célèbre maître d'un grand raffinement, Wenzel Jamnitzer.

152 • LES LIEUX

Une sirène émergeant des ondes soutient la nef de ses bras levés.

.t. Orfèvre de Nuremberg, La Nef des Sch/üsselfelder, argent, 1503 Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum

LES LIEUX • 153

Nuremberg Michael Wolgemut, l'un des meilleurs peintres de Nuremberg de la fin du xve siècle, a été le maître d' Albrecht Dürer de 1483 à 1486.

"' Albrecht Dürer, Portrait du peintre Michael Wofgemut, 1516 Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum

154 • LES LIEUX

La première partie de l'inscription en allemand indique qu'« Albrecht Dürer a peint d'après nature son maître Michael Wolgemut en l'an 1516 ». Sans solution de continuité, le peintre ajoute trois ans plus tard: «et il avait 82 ans, et il a vécu jusqu'à l'année 1519, où il est trépassé le jour de la Saint-André, avant le coucher du soleil».

J;inscription apposée par Albrecht Dürer sur le portrait confirme le respect pour le vieux peintre de son ancien élève, désormais protagoniste affirmé de la scène artistique internationale: bien que Dürer ait achevé son apprentissage plus de trente ans auparavant, il appelle encore Wolgemut lermeister, «maître, enseignant».

Ce tableau a pour pendant un portrait analogue, caractérisé par le même fond bleuté, représentant Hieronymus Holzschuler, membre du conseil communal de Nuremberg.

Jacob Muffel exerçait la charge de bourgmestre de Nuremberg à l'époque difficile du passage de la ville à la Réforme; Albrecht Dürer admirait ses qualités de prudence et de modération.

Albrecht Dürer étudie avec une finesse pénétrante les traits et l'esprit du personnage, rendant avec une immédiateté saisissante l'intelligence méditative de l'homme politique et sa solitude dans l'exercice du pouvoir et la prise de décision.

"' Albrecht Dürer, Portrait de Jacob Muffe/, bourgmestre de Nuremberg, 1526 Berlin, Gemaldegalerie

LES LIEUX• 155

La Bavière

Le XVI' siècle voit croître et s'affirmer une nouvelle capitale, Munich, en Bavière, résidence des Wittelsbach, l'une des premières villes d'Europe à s'ouvrir aux formes raffinées du maniérisme.

La Bavière

Bastion catholique de l'Allemagne, la Bavière conquiert un espace autonome dans la géographie politique et culturelle de l'Europe du

XVJ C siècle.

Mais, dans la première partie du

siècle, sa capitale, Munich, n'est assurément pas la ville la plus active: 1505: les provinces bavaroises sont réunies en un État unique dirigé par les Wittelsbach. 1523: révolte des chevaliers. 1525: révolte des paysans, bruta lement massacrés; à Munich, achèvement des tours à bulbe de la Frauenkirche. 1546-1548: les princes protestants, unis dans la ligue de Schmalkalden, combattent contre l'empereur Charles Quint et, vaincus à la batai lle de Mühlberg (154 7), ils signent la paix à Augsbourg en 1548. 1550: Albert V devient duc de Bavière. 1557: les jésuites s'installent à Munich. 1579: le nouveau duc est Guillaume V le Pieux. 1597: consécration de l'église jésuite Saint-Michel. 1598: Guillaume V abdique en faveur de son fi ls Maximilien.

non seulement Nuremberg et Augsbourg, mais aussi les petites cités fortifiées de Nordlingen et de Rothenburg (où travaille le très grand sculpteur Tilman Riemenschneider) ainsi que les danubiennes Ratisbonne et Passau font preuve d' un dynamisme artistique bien plus vif. Dans la seconde moitié du siècle, la cour munichoise connaît une époque particulièrement active. Le promoteur des principales initiatives artistiques est Albert V, grand amateur d'art, commanditaire et collectionneur de tableaux, d'antiques, de pièces d'orfèvrerie et de curiosités exotiques, jusqu'à constituer une célèbre Wunderkammer («chambre des merveilles »). En 1569, est entreprise dans la Residenz la réalisation del' Antiquarium, salle splendide d'inspiration italienne et

landais Friedrich Sustris (voir p. 132). Peu après, lui fait suite l'aménagement de la bizarre cour de la Grotte, nourrie des plus récentes réflexions sur les rapports entre l'art et la nature, cependant que la façade du palais est ornée de la statue en bronze de la Vierge Marie « patronne de la Bavière ». La réalisation de la monumenta le église Saint-Michel et de l'oratoire mitoyen d'une congré-

catholique de la ville et de sa région, et elle confirme l'enracinement des formes architecturales et décoratives de la fin de la Renaissance.

156 • LES LIEUX

La présence de ce léopard exotique n'est pas un détail symbolique, mais elle correspond à la réalité: le comte Ladislas avait reçu cet animal en cadeau à Ferrare, en 1556, lors de son mariage avec Emilia Roverella, apparentée à la maison ducale des Este.

maniériste, œuvre d'un groupe de décorateurs sous la direction du Hol-

gation mariale souligne la fidé lité 1> Atelier d'orfèvre bavarois, statuette-reliquaire de saint Georges, or, émaux, rubis, émeraudes, agate et calcédoine, 1586-1597 Munich, Trésor de la Residenz

Par la fenêtre, dont l'un des panneaux porte ses armoiries, on aperçoit le château de Haag, possession du comte.

Le crucifix, le sablier et le crâne, qui porte une inscription d'avertissement, symbolisent le caractère transitoire et éphémère des gloires terrestres.

La figure élégante du comte, à la fois imposante et préoccupée, est la m étaphore de la crise des petites seigneuries locales: c'est précisément en 1557 que le comté de Haag est absorbé par le duché de Bavière, et Ladislas, après avoir été emprisonné par le duc Albert V, a recouvré la liberté au prix d'une importante rançon.

.i Hans Mielich, Portrait de Ladislas de Frauenberg, comte de Haag, 1557 Vienne, collection des princes de Liechtenstein

LES LIEUX • 157

La Bavière La Rhénanie du XVI' siècle présente une situation artistique et géo-

Le projet général est l'œuvre de Friedrich Sustris, architecte de la cour des ducs de Bavière, qui intervient aussi dans l'aménagement «à l'antique » de la Residenz.

politique complexe et diversifiée, où coexistent chefs-d'œuvre extraordinaires et très vives tensions religieuses.

Dans les années 1510, l'art de l'Allemagne du Sud connaît une florai son

Le bassin du Rhin

magnifique, particulièrement dans les régions de la Fra nconi e, de la Rhénanie (y compris l'Alsace) et de la Forêt-Noire, dans un vaste territoire qui va de Cologne à Bâ le. En cene période heureuse sont actifs des maîtres comme Dürer, Altdorfer, Baldung Grien et Grü newald, et commencent à émerger des artistes comme Hans Holbein le Jeune. Le goût des commanditaires et du public va maintenant à des polyptyques entièrement peints et non plus aux a utels de bois sculptés traditionnels: exempl aire à cet égard est l'ensembl e réalisé par Grünewald pour le couvent d'lssenheim en Alsace (conservé à Colmar), où le peintre témoigne d'une expressivité tumultueuse et dramatique qui fait presque oublier la présence ~e l'encadrement sculpté par H aguenauer (voir p. 310-311) . D'a utre part, la naviga tion marchande entre en crise alors que se développent les puissances commerciales océaniques, ce qui entraîne le déclin de villes comme Cologne. La Rhénanie est déchirée par la Réforme: le puissant archevêq ue de Mayence, Albert de Brandebourg, oriente ailleurs ses commandes, cependant que nombre d'artistes doivent changer d'activité. Plus tard dans le xv1e siècle, les villes du cours moyen du Rhin ne retrouveront pas l'éclat qu'elles avaient au début, et le système politique allemand morcelé se heurtera aux Éta ts-nations prédominants.

Le chœur de l'église Saint-Michel est le premier ensemble religieux du maniéris111e nordique, y compris dans l'utilisation des stucs.

L'imposant maître-autel témoigne du passage définitif de la structure traditionnelle en panneaux à une «machine » sculptée monumentale, désormais au seuil du baroque. Le tableau, avec l'a rchange saint Michel terrassant le démon, est l'œuvre de Christoph Schwarz.

1507: un conseil réuni à Saint-Dié décide de donner au Nouveau Monde le nom d'Amérique en l'honneur

d' Ameriga Vespucci. 1512: Grünewald entreprend son polyptyque pour Issenheim, et Baldung Grien, le sien pour Fribourg-en-Brisgau. 1519: Ulrich Zwingli commence sa

prédication en Suisse. 1521: diète de Worms; Luther, mis au ban de l'empire, se réfugie

en Saxe. 1527: fondation del'université de Marbourg, où, deux ans plus tard, se rencontrent

des luthériens et des réformateurs suisses.

1528: la Réforme gagne Bâle et Strasbourg. 1529: les princes réunis dans la diète de Spire prennent la dénomination de «protestants ». 1531: Zwingli meurt dans la baraille de Kappel. 1535: le mouvement des anaba ptistes est

écrasé à Münster. 1541: échec de la tentative de compromis

J. Friedrich Sustri s, intérieu r de l'église Saint-Michel. consacrée en 1597 Munich

158 • LES LIEUX

Urs Graf, Scène de bataille. 1521 Bâle, Kunstmuseum, collection d'art graphique 1>

politique et religieux à la diète de Ratisbonne.

LES LI EUX • 159

La bassin du Rhin Ce panneau fait partie du polyptyque à volets (voir p. 310-311) peint par Matthias Grünewald et placé dans un encadrement sculpté par Nicolas Haguenauer pour le couvent des antonites d'fssenheim, aujourd'hui disparu.

Les volets étaient ouverts ou fermés selon les fêtes religieuses inscrites au calendrier de l'année liturgique.

La facture de ce nu féminin monumental se situe entre le goût italien du début du XVI' siècle et le style de l'école de Fontainebleau, à l'origine du maniérisme international.

Bartholomiius (ou, plus simplement, Bartel} Bruyn est le principal représentant de l'école de Cologne au cœur du XVI' siècle. Cette grande ville rhénane est en déclin par rapport au siècle précédent, et la vie artistique en pâtit.

Un halo de lumière resplendissante irradie du visage transfiguré de Jésus-Christ.

Le suaire blanc de Jésus se transforme comme magiquement en un tourbillon coloré, qui paraît absorber l'arc-en-ciel de la « nouvelle alliance » scellée entre Dieu et les hommes par la résurrection du Christ.

Le paysage à l'arrière-plan témoigne de l'influence de Léonard de Vinci, qui s'est peutêtre exercée par l'intermédiaire de Joas Van Cleve, avec lequel Bartel Bruyn était en rapport.

Malgré le caractère idéalisé de la pose, il s'agit certainement d'un portrait réel, mais on n'a pas encore pu en identifier le modèle. .t. Matthias Grünewald, La Résurrection de Jésus-Christ, panneau du polyptyque d'lssenheim, 1516 Colmar, musée d'Unterlinden

160 • LES LIEUX

Les soldats de garde au tombeau semblent rouler à terre, frappés par la lumière étincelante.

.t. Bartel Bruyn, Buste de jeune femme, vers 1535 Nuremberg, Germanisches Nationalmuseum

LES LI EUX • 161

La bassin du Rhin

Ces armoiries bien en vue sont celles du cardinal Albert de Brandebourg, l'une des figures les plus importantes de la culture, de la vie religieuse et de la politique allemandes à l'époque de la Réforme, commanditaire de Matthias Grünewald aussi bien dans la région rhénane que dans ses possessions de Halle.

La couronne d'épines encore sur la tête de Jésus-Christ témoigne des tortures qu'il a subies.

Le corps de Jésus-Christ, qui vient d'être détaché de la croix, porte les marques de nombreuses meurtrissures.

Les profondes blessures aux pieds sont l'un des signes qui caractérisent l'interprétation pathétique et déchirante que Matthias Grünewald donne du supplice de j ésus-Christ.

Bouche entrouverte, œil révulsé, joue creusée: le visage de Jésus-Christ donne l'image terrible d'un cadavre où le processus de décomposition commence à produire ses effets.

& Matthias Grünewald,

Le Christ mort, 1523- 1525 Aschaffenburg, collégiale & Hans Holbein le Jeune,

Le Christ mort, 1521 Bâle, Kunstmuseum

162 • LES LIEUX

Thorax et abdomen décharnés et comme vidés, peau tendue et tachée où pointent les os: autant d'aspects qui avivent l'angoisse suscitée par cette représentation, où l'on peut voir une image des tensions religieuses croissantes qui tourmentent alors l'Europe centrale.

La lividité des chairs autour des plaies est un détail macabre d'un réalisme impitoyable. On ignore quelle était à l'origine la destination précise de ce tableau, chef-d'œ uvre de la période bâloise de Hans Holbein le jeune.

La cavité dans laquelle est déposé le corps de j ésus-Christ est manifestement une niche funéraire.

LES LIEUX • 163

L'aire danubienne

Les conquêtes turques dans l'aire balkanique font du Danube un ~euve symbole entre Orient et Occident. Le long de ses rives se développe une culture artistique particulière, empreinte d'un charme passionné.

I:aire danubienne

En 1501, Maximilien

[cr

Ce tableau n'est pas la représentation minutieuse d'un paysage réel, exécutée sur le motif en plein air, mais il apparaît comme la combinaison réélaborée de détails croqués d'après nature.

J; épaisseur des frondaisons est obtenue par la superposition de couches de couleur. Albrecht Altdorfer est peut-être le premier artiste à traiter le paysage pour lui-même, non seulement selon les techniques du dessin ou de l'aquarelle (comme le font Léonard de Vinci et Albrecht Dürer), mais aussi en peinture.

de Habs-

bourg fonde l'université de Vienne, où il invite à enseigner des humanistes et hommes de lettres italiens, 1508: Maximilien Jec de Habsbourg est

alors que s'affirment les correspondances entre la peinture et la poésie de l'époque, qui s' inspi re profondément de la nature: le poète de

proclamé empereur; l'année suivante,

cour Conrad Celtis, recteur de l'université, chante le paysage avec des

il forme la ligue de

expressions qui semblent des descriptions de tableaux de l'école

Cambrai contre Venise.

1519: mort de Maximilien I" . 1521: sous la conduite de Soliman le Magnifique, les Turcs prennent Belgrade. 1526: bataille de Mohacs, où ils conquièrenr presque toute la Hongrie, dont le roi Louis U meurt au combat.

1529: les Turcs poussent jusqu'aux

danubienne, courant pictural inspiré surtout de la magie fascinante des forêts et répandu entre Passau, Ratisbonne et Vienne. L'architecture et la scu lpture restent attachées aux formes gothiques, comme le montrent la large diffusion du modèle de l'égli se à voûtes réticulées et la chaire d' Anton Pilgram dans la cathédrale de Vienne (voir p. 9) . Les peintres de l'école danubienne (Albrecht Altdorfer, Wolf Huber et Lucas Cranach l'Ancien) représentent des paysages mystérieux et suggestifs, avec détails minuscules et personnages bizarrement vêtus, en des compositions très originales et parfois humoristiques, traitées

portes de Vienne. 1531: Ferdinand de Habsbourg est

en touches légères. Dans certains cas, c'est la nature elle-même, saisie

proclamé

tagoniste capitale de la représentation. Au cours du xv1c siècle, le ter-

(< roi

des

dans ses aspects les plus sauvages et les plus âpres, qui devient la pro-

Romains», ce qui lui permettra de prendre

ritoire danubien devient frontière entre l'Occident chrétien et

ultérieurement le titre

l'offensif empire ottoman;

d'«empcreur». 1556: partage de l'empire décidé par Charles Quint; la partie autrichienne et le titre impérial reviennent à Ferdinand I" . 1564: à la mort de Ferdinand Jec, son fils Maximilien U devient empereur. 1576: Rodolphe Il est le nouvel empereur. 1583: il déplace la cour de Vienne à Prague.

après le milieu du siècle, marqué par le partage de l'empire

habsbourgeois,

les modèles classiques de la Renaissance italienne se

diffusent

comme

en

largement, témoignent

Ce tableau est l'un des premiers exemples de paysage «pur », sans que la représentation de celui-ci ait besoin de la justification d'une scène ou de personnages.

exemplairement les édifices publics à arcades et galeries de Graz, en Styrie.

164 • LES LIEUX

La présence vibrante de la nature, où se mêlent rochers, eau courante et arbres élancés, est une caractéristique du cours du Danube entre Ratisbonne, Passau et Vienne, zone de diffusion de la peinture appelée justement «danubienne ». -. Jôrg Breu, Saint Bernard priant pour les récoltes, 1500 Zwettl, pinacothèque de l'abbaye

 Albrecht Altdorfer, Paysage avec un pont, 1518-1520 Londres, National Gallery

LES LIEUX• 165

Innsbruck Innsbruck est l'élégante capitale de la cour de Maximilien f er de Habsbourg, petite mais ambitieuse, où le goût du gothique chevaleresque continue de s'exprimer entre les nouveautés de la Renaissance humaniste.

Innsbruck

Le monument symbole de la cour de Maximilien l"' de Habsbourg est une loggia couverte, de style gothique tardif, qui donne sur la place principale d ' Innsbruck.

Le nom de cette loggia vient de ce que son toit est fait de deux mille petites tuiles dorées.

Élégant, cultivé, imprégné d'humanisme, lié à l'Italie aussi par mariage (sa seconde épouse est Bianca Maria Sforza, petite-fille de Ludovic le More), nullement intimidé par le

développement des autres puissances européennes, Maximilien Ier de 1510: mort de Bianca Maria Sforza, petitefille du duc de Milan, Ludovic le More, et seconde épouse de Maximilien I" de Habsbourg. 1519: mort de Maximilien Jer. 1564: à la mort de l'empereur Ferdinand l", son fils Ferdinand hérite le titre de comte de Tyrol, s'installe à Innsbruck et y entreprend la rénovation du château d'Ambras. 1571: réalisation de la « salle espagnole » à Ambras. 1587: achèvement des travaux de la Hofkirche, église de la cour où se trouve

le cénotaphe de Maximilien l". 1595: mort de Ferdinand de Tyrol.

Habsbourg cherche à donner un aspect nouveau à son empire alpin, auquel il annexe Gorizia et Trieste. Dans sa cour d'Innsbruck, il favorise de grandes entreprises artistiques innovatrices, qui vont des séries de gravures commémoratives aux colossales statues de bronze destinées à son mausolée. Il fait appel aux meilleurs artistes allemands de son temps: Dürer, Altdorfer, Lucas Cranach l'Ancien, Burgkmair et le sculpteur Peter Vischer. Parmi les autres protagonistes de la culture se signalent le poète raffiné Conrad Celtis, le géographe Georg Peutinger, l'astronome Erhard Etzlaub et l'humaniste Willibald Pirkheimer, amj intime de Dürer. La mort de l'empereur en 1519 et le déplacement de l'axe de l'empire décidé par Charles Quint entraînent le brusque déclin du Tyrol, même si les travaux du tombeau de Maximilien Ier se poursuivent des décennies durant. Une

« seconde

époque » s'ouvre pour

Innsbruck vers la fin du siècle: en 1564, l'archiduc Ferdinand de Habsbourg hérite le titre de comte de Tyrol et s'installe dans sa capitale, où il commence aussitôt de grands travaux dans le vieux château d'Ambras pour y disposer toutes ses collections, qui comptent notamment trois cent quarance-sept

quintaux

d'armures et comprennent la série des portraits de farrulle ainsi que les curiosités de sa

... Jôrg Kôlderer, La Cour intérieure de l'arsenal d'lnnsbruck, vers 1507 Vienne, dsterreichische Bibliothek

«

Wunderkammer,

chambre

des

veilles », l'une des plus riches et des plus complètes d'Europe.

166 • LES LIEUX

merLes fresques à l'intérieur de la loggia représentent des dames et des dignitaires de la cour.

La balustrade sculptée comporte des figures de danseurs pleines de dynamisme et de fantaisie.

À Nicklas Türing, le Goldens Dachl (, Petit Toit d'or,), 1507 Innsbruck

LES LIEUX • 167

Innsbruck On ignore pour quelle raison cette salle (aujourd'hui utilisée pour des concerts ou des expositions) est appelée «espagnole »; son style est plutôt italien ou, mieux encore, inspiré du maniérisme international.

Le plafond de bois au décor sobre et raffi.né est l'œuvre de l'ébéniste de cour Conrad Gottlieb (1571).

Un cortège d'empereurs et de reines, sous forme d'imposantes statues de bronze, constitue une «garde d'honneur" symbolique aux côtés du tombeau de Maximilien /cr de Habsbourg.

Les bois de cerf alignés en haut des murs rappellent qu'il s'agit non pas d'un palais urbain, mais d'un château de campagne, construit au milieu des forêts.

Différents maîtres ont travaillé simultanément à la réalisation des sculptures.

Le long des murs se succèdent les portraits de vingt-sept comtes, ducs et princes de Tyrol, œuvres de l'italien Giovan Battista Fontana.

Le grand écu héraldique, la pose noble et la riche armure appartiennent au répertoire de l'idéal chevaleresque, dont Maximilien /cr se sentait l'héritier ultime .

.,.. Peter Vischer l'Ancien et ses fils, Le Roi Arthur, statue latérale du tombeau de Maximilien I" de Habsbourg, 1512-1513 Innsbruck, Hofkirche

168 • LES LIEUX

Ce grand salon confère au vieux château l'allure d'une résidence princière dans le style de la fin de la Renaissance; cette résidence abrite aussi une exceptionnelle Wunderkammer («chambre des merveilles ", ou cabinet de curiosités).

i. La «salle espagnole, du château d'Ambras, près d'lnnsbruck

LES LIEUX • 169

Afin de symboliser toutes les dimensions de son pouvoir, l'empereur Charles Quint choisit pour emblème les colonnes d'Hercule et pour devise Plus ultra («Toujou rs plus oultre ») : l'Espagne devient le cœur d'un empire intercontinental.

Des siècles durant, les souverains d'Europe ava ient rêvé de

La branche espagnole de l'empire des Habsbourg

La Castille L'Escurial L'Andalousie Anvers Bruxelles et les Flandres Les Provinces-Unies Milan

La Castille

fa ire «renaître » l'empire romain, toutefois limité au conti-

1492 est une année décisive pour l'histoire de l'Espagne, non seulement à cause du débarquement de Christophe Colomb sur le sol du Nouveau Monde, destiné à devenir bientôt en grande partie une colonie ibérique, mais aussi en raison de l'unification du pays sous la couronne des rois catholiques à la suite de la défaite du royaume arabe de Grenade. La succession dynastique des Habsbourg amène sur le trône d'Espagne, et peu après sur celui du Saint Empire romain germanique, Charles Quint, figure centrale pour l'Europe tout entière durant la première moitié du xv1e siècle. [;Espagne, engagée dans la conquête des Amériques et son unification nationale, reste toutefois en marge des centres d'intérêt de l'empereur Charles Quint, et, sur le plan artistique, son évolution la mène du gothique tardif à la pleine Renaissance, jusqu'à ce que, dans la seconde moitié du siècle, sous le règne de Philippe li, apparaissent les motifs sévères de la Contre-Réforme, notamment avec les œuvres du dernier Greco. La situation est très différente dans les autres régions occidentales et méditerranéennes de l'empire habsbourgeois. Dans les Flandres, les villes marchandes déclinent (Gand, Bruges), cependant qu'Anvers commence à prospérer, destinée à devenir le plus grand port de l'empire et le foyer d'une très brillante école artistique. A la fin du XVI' siècle, des controverses religieuses et des mouvements d'indépendance secouent les PaysBas: la répression espagnole l'emporte dans les Flandres, mais pas dans les Provinces-Unies, et la jeune nation hollandaise, nouvelle puissance inattendue, prend place sur la scène de l'histoire sous la conduite de Guillaume d'Orange-Nassau. Au sud, l'ancien duché de Milan est sans aucun doute l'un des foyers les plus importants et les plus actifs du débat artistique et religieux international.

nent européen et aux rives de la Méditerranée. L'empereur Charles Quint de Habsbourg (le roi « Carl os Primero » pour les Espagnols), qui succède à son oncle M aximilien [e, en 151 9, gouverne un empire sur lequel

«

le soleil ne se couche jamais », s'étendant d' une partie de l'Eu-

rope (les couronnes d'Aragon, de Castille, d'A utriche et de Bourgogne sont réunies sous l'aigle bicéphale des H absbourg) jusqu 'aux immenses horizons des coloni es américa ines. Né à Gand et profondément lié à l'Europe centra le, Charles Quint ne se fixe pas de résidence permanente en Espagne. Vabsence de continuité dans les commandes roya les explique le fa ible développement d' une école artistique espagnole originale: après avoir admiré le long crépuscule du gothique tardif, l'art espagnol reste tributaire pendant la Renaissa nce des influences étrangères, surtout italiennes, et Charles Quint choisit Titien pour peintre de prédilection. Néan moins, la Castille est l'épicentre du pouvoir roya l: Valladolid est la capitale, où naît l'héritier du trône, le futur Philippe II, Tolède est la ville la plus importante et le séjour préféré de l'empereur, Ségovie voit s'ériger la dernière ca thédrale gothique, Salamanque est un centre universitaire de très haut niveau et, en 1561, Ma dri d devient la nouvelle capitale. Après le partage de l'empire en 1556 décidé par Charles Quint, l'Espagne reste une gra nde puissance coloniale, mais Phili ppe Il peine à l'organiser et

à l'administrer: la désastreuse expédition de la giga ntesque Rotte de !'Invincibl e Armada contre les véloces navires anglais (1588) est ainsi le symbole du fo nctionnement d' un appareil d'État pachydermiq ue, inca pable d'affronter

1512: la Na varre s'unit à la couronne

d'Espagne. 1516 : Charles de Habsbourg, le futur empereur Charles Quint, est roi d'Espagne sous le nom de Charles !«. 1519: Cortez commence la conquête du Mexique. 1520-1521: révolte des villes castillanes. 1527 : naissance à Valladolid du futur roi Philippe Il. 1533: Piza rro tue Atahualpa, souverain des Incas, et affermit la conquête du Pérou. 1556: Charles Quint abdique et laisse à son fils Philippe 11 le royaume d'Espagne. 1559: traité de paix du Cateau-Cambrésis entre la France

et l'Espagne. 1561: Philippe Il établit la capitale à Madrid. 1571: bataille de Lépante. 1588: la flotte anglaise repousse !'Invincible Armada. 1598: mott de Philippe Il. 1600: Philippe Ill établit la capitale à Valladolid.

le cours des temps nouveaux. LES LI EUX • 171

La Castille

Ces grandes fresques illustrant des scènes de la Passion du Christ, d'inspiration manifestement italienne, sont I'œuvre de Juan de Borgoiia.

Le plafond sculpté est un magnifique exemple d'art mudéjar, héritier du style mauresque.

L'intensité de l'expression pathétique du saint est due aux yeux de verre fixés dans ses orbites. La barbe mal rasée est un détail d'un réalisme saisissant.

I.:attitude de L'Enfant Jésus est celle du contrapposto classique: ce détail prouve que l'artiste est parfaitement informé des évolutions stylistiques, même si l'on peut encore percevoir dans cette œuvre pleinement Renaissance le souvenir de la puissante sculpture du gothique tardif.

Juan de ]uni, le plus grand swlpteur espagnol de la pleine Renaissance, est un excellent connaisseur de l'association des différents arts : ainsi, la magnifique sculpture est recouverte d'une polychromie chatoyante et d'une riche dorure.

La forte main de saint Antoine émerge des lourds plis de sa robe de bure et supporte un livre sur lequel L'Enfant jésus se tient debout.

Le point d'appui du groupe tout entier est le tronc d'arbre sur lequel saint Antoine pose le genou ployé.

Au-dessus des sièges s'aligne la série des portraits des archevêques de Tolède. ""' Poge précédente Pompeo Leoni (avec buste réalisé ultérieurement par Balthasar Moll), Portrait du roi Philippe Il, en argent peint, vers 1556 Vienne, Kunsthistorisches Museum

172 • LES LIEUX

J. Sacristie de la cathédrale de Tolède, avec fresques de Juan de Borgoiia, 1514

J. Juan de Juni, Saint Antoine et /'Enfant Jésus, vers 1555 Valladolid, Museo Nacional de Escultura

LES LIEUX• 173

La Castille Le ciel orageux, encombré de nuages sombres chargés d'électricité et traversé de lueurs soudaines, confère au tableau une expressivité inoubliable: le paysage réel devient l'évocation d'un mystère.

L'enceinte des bastions (les célèbres cigara lles) sépare la ville de la campagne sauvage.

La cité historique, gardienne

Avec sa m asse austère de granit et d'ardo ise, ses hauts m urs nus percés

de quelques-uns des plus grands souvenirs du royaume espagnol, sem ble blottie au sommet de la colline; les grands édifices, comme la cathédrale et le château, se distinguent par leurs silhouettes phosphorescentes.

de 2 600 fenêtres, ses quatre tours d 'angle, son plan en damier, l' Escurial exprim e le désir de sécurité de son fon dateur, le roi Philippe II.

Philippe II se refl ète dans l'Escuria l, palais et monastère bâtis

LEscurial

entre 1563 et 1584, même si les trava ux de décorati on se prolongent sur plusieurs décennies avec le concours d'a rti stes italiens. Ce monument célèbre la victoire remportée sur les França is à Sain tQ uentin, le 10 août 1557, jour de la Saint-Laurent. C'est en l' honneur de ce martyr qu e l'Escurial est construit sur un plan en damier s' inspi ra nt d' un gril , instrument de son supplice: le vaste ensemble du qu adri latère s'organ ise autour de 16 cours. Les riches coll ections d'œuvres d'art et les fresq ues de Pelegrino Tiba ldi et du Génois Luca Cambiaso ne peuvent compenser la monotonie sévère de l'édifice. Cloîtres, corridors, salles capitul aires, salons d'a pparat, cabinets obéissent à une géométrie obsess ionnelle, avec 1 200 portes et 86 esca liers. Le centre et cœur de cet ensemble systémati quement ordonné est l'église, version réduite de la basilique Saint-Pierre de Rome : son immense espace, où sont disposés une cinquantaine d'a utels, est fermé par l'impressionnant retable de la Capilla M ayo r ; parmi les statues se distinguent un précieux Christ de marbre blanc par Benvenuto Cellini et les deux groupes monumenta ux en bronze doré représenta nt l'empereur Charles Quint et le roi Philippe

n avec

leur fa mille, qui sont l'œuvre

1557: bataille de SaintQuentin ; le roi Philippe Il vainc les França is et fait le vœu de bâtir en l'honneur de saint Laurent une

église qui soit la plus grande d'Espagne. 1558: mort de l'empereur Charles Quint ; dans ses dernières vo lontés,

l'ex-empereur demande que lui soit construite

une digne sépulture. 1561 : Philippe Tl établit la capitale à M adrid et commence à chercher dans la Sierra

de Guadarrama un lieu idoine pour la construction

du couvent votif et funéraire.

de Leone et Pompeo Leoni (voir p. 122). La réalisa tion de l'Escurial se

1563 : pose de la première pierre

situe à la fin d' une époq ue, la Renaissa nce, mais pas encore a u début

du mo nastère

de cette période baroque qui sera appelée en Espagne, avec un orgueil teinté de mélancolie, le «Siècle d'or ».

de l'Escurial ; l'architecte est Juan Bautista de Toledo. 1567 : Juan de Herrera devient a rchi tee te de l'ensemble à la mort de son prédécesseur. 1584: le chantier est achevé pour l'essentiel; les travaux

de décoration

.._ Le Greco, Vue de Tolède, vers 1597 New York, Metropolita n Museum of Art

174 • LES LI EUX

On reconnaît bien la vallée profonde du Tage, enjambé /Jar le pont d'A lcantara et créant une sorte de fossé naturel autour de la ville.

se po ursuivent.

.,. Vue aérienne de l' Escu ri al, gravure de la fi n du xw siècle

1598: Philippe ll meurt dans son appartement de l'Escurial.

LES LIEUX • 175

L'Escuria l Le centre et cœur du monastère est l'église, édifice religieux typique de la ContreR éforme avec de larges voûtes reposant sur d'épais piliers et une grande coupole inspirée de la basilique Saint-Pierre de Rome, à l'époque encore en construction.

L'intérieur de l'église est un espace immense, et pourtant presque inanimé, où sont disposés une cinquantaine d'autels, et ferm é par l'impressionnant retable de la Capilla Mayor, œuvre d'artistes italiens.

Après la chute du royaume islamique de Grenade, en 1492, l'Andalousie connaît une intense période de christianisation, y compris au moyen des arts.

Lors de ses courts séjours en Espagne, la résidence

.

.....J;-

L Andalousie

préférée de l'empereur Charles Quint était l' Alcazar de Tolède, en Castille, et pourtant nombre des principaux édifices du

xv1e siècle se concentrent en Andalousie, qui connaît une période intense de christianisation et de renouvellement de l'architecture. Naît ainsi le style architectural plateresque (de l'espagnol platero, «orfèvre »), caractérisé par une abondance exubérante d'éléments ornementaux. Au milieu des monuments arabes les plus prestigieux, symboles magnifiques du royaume islamique de Grenade, s'élèvent des édifices de style gothique tardif ou aux formes Renaissance classicisantes: à Grenade, l'a ncienne capitale, une imposante cathédrale est érigée autour de la Capilla Real des « rois catholiques » Ferdinand et Isabelle, tandis qu 'est bâtie, adossée à I' Alhambra, une grande résidence pour Charles Quint, pourvue d' un patio à arcades; à Séville, une impressionnante décoration vient compléter la grande cathédrale, où est célébré le mariage· de Charles Quint avec Isabelle de Portugal en 1526, et plus tard un minaret est transformé en clocher, cependant que le long des rues de la ville arabe et juive se dressent d'éléga nts palais et que dans !'Alcazar est aménagé pour Charles Quint un appartement avec chapelle; à Cordoue, la vieille mosquée, merveille absolue de l'architecture sacrée musulmane, est « profanée » par l'ajout malvenu, entre les petites nefs serrées, d'une médiocre église chrétienne.

1504: mort d'Isabelle de Castille; le pouvoir royal échoit nominalement à sa fille Jeanne « la Folle», mais la régence passe à Ferdinand d'Aragon (« le Catholique»). 1506: début de la construction de la Capilla Real de Grenade, qui sera achevée en 1521. 1523 : début de la construction d'une église chrétienne à l'intérieur même de la grande mosquée de Cordoue. 1526: l'empereur Charles Quint épouse à Séville Isabelle de Portugal. 1528: Diego de Siloé commence la construction de la cathédrale de Malaga. 1568: achèvement de « la Giralda», minaret transformé

en clocher pour la cathédrale de Séville. 1580: Séville est la ville espagnole la plus grande et la plus peuplée.

A Église de l'Escurial, intérieur du chœur avec le retable du maitre-autel

176 • LES LIEUX

Même dans un contexte où tout est gigantesque, l'énorme lutrin en noyer, placé au centre du chœur d'une austérité sévère, est d'une masse impressionnante: son dessin et ses dimensions lui permettent de soutenir les plus grands antiphonaires enluminés de la fin de la Renaissance.

• Tombeaux des crois catholiques, dans la Capilla Real ajoutée à la cathédrale de Grenade

LES LIEUX • 177

Anvers

La ville d'Anvers est le port le plus riche d'Europe, et ses quais le long de l'Escaut offrent le spectacle d'une activité incessante, à quoi s'ajoute le prestige d'une ~orissante école artistique ..

Anvers

Les objets à l'arrière-plan composent une « nature morte », destinée à devenir en quelques décennies un sujet autonome pour la peinture, délivré de la nécessité d'un quelconque prétexte narratif

La dame feuillette un livre d'heures enluminé: c'est un recueil de prières à la Vierge Marie, et la religiosité de l'épouse s'oppose à la concentration toute profane et à la préoccupation mercantile de son mari.

Anvers est le lieu où se concentre le commerce colonial. La ville s'affirme comme la capita le artistique des Flandres, et il s'y forme un courant stylistique qui reprend les modèles italiens. Jérôme Bosch, Quentin Metsys, Mabuse et Jan Van Score! accomplissent des voyages

1507: le commerce des marchandises d'autre-mer des possessions espagnoles se concentre à Anvers.

1520: séjour d' Albrecht Dürer. 1540: un marché de tableaux est institué dans la cour de la Bourse. 1550: le commerce de l'argent (métal) atteint un niveau record.

à Venise et à Rome, où ils acquièrent le sens monumental de la perspective italienne, mais où ils rencontrent aussi d'autres artistes marquants et prennent part à la naissance de la

«

manière moderne ». Ville

sant d'un prestige étendu grâce à ses imprimeries (éd itant en plusieurs langues), Anvers reste liée au catholicisme et se présente comme un avant-poste de la Contre-Réforme face aux Provinces-Unies calvinistes. Elle subit pourtant de violentes vagues de l'iconoclasme protestant, notamment en 1579-1580, qui entraînent la perte de

1560: le roi d'Espagne Philippe II fait banqueroute pour la

nombreuses œuvres d'art, en particulier dans la cathédrale, qui seront

première fois, ce qui entraîne de graves

la massive cathédra le de style gothique tardif, couronnée par la haute

dommages pour l'économie anversoise.

1566: première vague d'iconoclasme.

La quantité de pièces de monnaie de différentes provenances et l'élégance précieuse des objets dans la boutique du changeur sont autant d'indices précis de la richesse croissante d'Anvers, centre à la fois commercial, financier et culturel.

internationale, ouverte et tolérante, riche d'une grande culture, jouis-

remplacées par de grands tableaux de Rubens. Par la suite, autour de

tour aux formes capricieuses de Rombout Keldermans, différents ordres religieux, dont les puissants jésuites, bâtissent de grands ensembles conventuels.

1574: Anvers a le monopole des publications religieuses pour tous les territoires

espagnols; l'imprimeur Christophe Plantin possède 22 presses typographiques et emploie 160 personnes. 1576: Anvers est mise à sac par les troupes espagnoles. 1579: nouvelle vague d'iconoclasme. 1585: la flotte espagnole bloque l'embouchure de l'Escaut et paralyse le port d'Anvers.

178 • LES LIEUX

~\

/;homme tient avec un soin tout professionnel la balance qui permet de mesurer le poids et donc la valeur des monnaies. /;un des phénomènes économiques les plus importants du xv1e siècle est ce que l'on a appelé la « révolution des prix », en partie liée à l'afflux des métaux précieux de l'Amérique du Sud, et qui aura pour conséquence une première diffusion partielle de billets émis par les banques. ..,. Pieter Bruegel l'Ancien, Deux Petits Singes devant l'estuaire de l'Escaut à Anvers représenté à l'arrière-plan, 1562 Berlin, Gemaldegalerie

Un miroir convexe reflète l'intérieur de la pièce: c'est un motif fréquent dans la peinture flamande du xve siècle, de laquelle Quentin Metsys veut se montrer le digne héritier.

â Quentin Metsys, Le Changeur et sa femme, 1514 Paris, musée du Louvre

LES LIEUX • 179

Anvers Les présents des Rois mages, comme leur couronne et leur sceptre, sont de somptueuses pièces d'orfèvrerie de style gothique tardif

La scène architecturale

est puissamment ordonnée et sa composition s'inspire de la monumentalité de la peinture italienne.

Dans la première moitié du XVI' siècle, Bruxelles redevient une élégante cité commerçante et artistique; puis le combat perdu pour l'indépendance ensanglante et appauvrit les Flandres.

Au début du xv1c

siècle, par

Bruxelles et les Flandres

la volonté de la régente Marguerite d'Autriche, Bruxelles laisse à Malines la qualité de chef-lieu de l'ex-duché de Bourgogne. Reco uvrant le rang de capitale

1500: naissance

grâce à l'empereur Charles Quint, né à Gand en 1500 et toujours atta-

à Gand du futur

ché à sa terre d'origine, Bruxelles connaît une brillante époque histo-

Charles Quint. 1507: Marguerite cl ' Autriche est régente des Pays-Bas. 1556: la population de Bruxelles dépasse 100 000 habitants. 1568: exécution des comtes d'Egmonr et de Hornes sur la GrandPlace de Bruxelles

rique et culturelle, sym bolisée à la fois par la construction de la résidence des rois espagnols sur sa Grand-Place (1536) et par sa prééminence dans l'art de la tapisserie. Cependant que l'uni versité de Louvain prend de l'importance, un courant pictural fondé sur les nouvea utés italiennes se développe à partir d'Anvers et se diffuse à Bruxelles et dans les Flandres. Celles-ci présentent toutefois des caractéristiques propres: le goût traditionnel pour les détails descriptifs réa-

ordonnée

listes, favorable à la· naissance de la peinture de genre, la culture

par le duc cl ' Albe. 1576: don Juan d'Autriche est nom1né gouverneur et, l'année suivante, il entreprend une nouvelle campagne de répression des mouvements d' indépendance. 1578: mort de don Juan d'Autriche;

populaire, entre bon sens et irrationnel (a u faîte de sa carrière, Pieter Bruegel l'Ancien quitte Anvers pour Bruxelles), une vive inclination pour la dévotion religieuse (par exemple, les peintres Adriaen lsenbrandt et Lancelot Blondeel, le sculpteur Du Broeucq). Les aspirations à l'indépendance et les suites de l'a bdication de Charles Quint en faveur de Philippe II conduisent à une période de troubles: la répression, menée par le duc

La multiplicité des détails descriptifs, le goût pour les habits fastueux et le traitement minutieux de tous les éléments appartiennent à la tradition flamande.

Mabuse (Jan Gossaert, dit). L'Adorotion des Rois mages, vers 1515 Lond res, Nationa l Gal lery j.

180 • LES LIEUX

La facture du visage de la Vierge Marie indique que le peintre a prêté attention aux modèles de Léonard de Vinci.

Le chien de droite est un hommage explicite aux gravures d' Albrecht Dürer: aux yeux d'un expert, tout le tableau reflète l'éclectisme culturel de Mabuse et constitue donc un bon témoignage sur le caractère international des rapports établis par l'école artistique anversoise.

empereur

le nouveau gouverneur

est Alexandre Farnèse, duc de Parme. 1579: les Pays-Bas se divisent en deux

d'Albe, culmine avec la décapi-

unions, au nord celle

tation sur la Grand-Place des

d'Utrecht et au sud celle d'Arras.

comtes d'Egmont et de Hornes, chefs de la rébellion flamande. La faillite des espérances de liberté et d'indépendance est sanctionnée par la soumission

.,. Bernard Van Orley, Portrait de la régente Marguerite d'Autriche, vers 1530 Bruxelles, Musées royaux des beaux-arts

des protestants en 1585. LES LIEUX• 181

Bruxe lles et les Fl andres La bouche entrouverte du futur empereur Charles Quint est une caractéristique physiognomonique héréditaire des Habsbourg, très souvent affectés d'un prognathisme disgracieux.

Sur la poitrine du tout jeune empereur resplendit le collier de la Toison d'or, le plus grand ordre de chevalerie européen.

L'épée brandie en signe de victoire rappelle la guerre entre l'empereur Charles Quint et le roi de France François [cr, qui culmina à la bataille de Pavie (1525).

Une complexe hiérarchie héraldique est dominée par l'écu impérial des Habsbourg portant l'aigle bicéphale et entouré du collier de l'ordre de la Toison d'or.

Selon une habitude caractéristique de la manière de Lancelot Blondeel, tous les éléments de la décoration appartiennent au répertoire Renaissance, n1ais l'accumulation résultant de l'horror vacui («horreur du vide») est une rém iniscence du style gothique tardif

Charles Quint, ici encore adolescent, était très conscient de son aspect peu attrayant: il était pourtant tout à fait favorable à la multiplication des portraits réalistes de tout type (sculptures, peintures, gravures), convaincu que les spectateurs qui le verraient ensuite en personne ne le trouveraient pas aussi laid qu'ils l'avaient imaginé.

Conrad Meyt (attribué à), Buste du jeune Charles Quint, vers 1518 Bruges, Gruuthuse Museum À

182 • LES LIEUX

Le genre des portraits en buste, déjà en usage dans le xve siècle toscan, connaît un vif développement au siècle suivant, surtout sous l'impulsion de la dynastie des Habsbourg.

Cette somptueuse œ uvre sculptée est un présent de la ville de Bruges en hommage à l'empereur.

La présence du globe, symbole impérial par antonomase, rapproche encore davantage cette image de Charles Quint de la représentation traditionnelle de Charlemagne, fondateur du Saint Empire romain germanique.

À Sur un dessin de Lancelot Blondeel, Sculpture en l'honneur de l'empereur Charles Quint, 1528 Bruges, Stedelijke Musea

LES LIEUX • 183

Bruxelles et les Flandres Cette tenture appartient à un cycle de sept grandes tapisseries, qui ont orné le palais impérial de Bruxelles pendant plusieurs années.

À Manufacture bruxelloise. d'après des cartons de Bernard Van Orley, François I", roi de France, est fait prisonnier à lo bataille de Povie, ver, 1530 Naples, Galleria Nazionale di Capodimonte

184 • LES LIEUX

Le chef militaire victorieux à Pavie (1525) est don Ferrante d'Avalos, marquis de Pescara, l'un des premiers stratèges à comprendre l'importance des armes à feu individuelles (escopettes et arquebuses), qui pouvaient perforer les cuirasses des cavaliers français .

Le roi de France descend de cheval et est fait prisonnier; c'est alors qu'il aurait prononcé la célèbre phrase: « Tout est perdu, fors l'honneur. »

J

Outre qu'elles ont une valeur documentaire, les tentures de la bataille de Pavie marquent une évolution importante dans l'histoire de la tapisserie: elles introduisent la représentation d'arrière-plans en perspective et témoignent d'un sens narratif qui développe aussi la scène dans la profondeur de l'espace.

Ces tapisseries ont bénéficié de bonnes conditions de conservation et elles ont gardé en grande partie la vivacité de leurs couleurs d'o rigine, ce qui permet d'apprécier la finesse des dégradés chromatiques, en particulier dans les paysages.

Dans tout ce cycle de tapisseries, on peut noter l'aspect pimpant des costumes des lansquenets, dont la troupe était constituée pour l'essentiel de mercenaires suisses.

LES LIEUX • 185

Les Provinces- Unies

Avec le mouvement d'indépendance mené par les Orange-Nassau, les Pays-Bas septentrionaux engagent l'évolution économique et culturelle qui culminera au XVII' siècle, le « siècle d'or » des Pays-Bas.

Les Provinces-Unies

I.:inscription, bien mise en évidence, rappelle la mort de Guillaume le Taciturne en 1584 : « li fut tué cette année à Delft, ce qui a affligé beaucoup de monde.»

Ce portrait de Cornelis Schellinger, bourgeois aisé d'Amsterdam, vêtu avec sobriété mais avec élégance, est le prototype des portraits hollandais du XVII< siècle.

Le territo ire de la H o ll a nde actuelle connaît to ut a u lo ng du xv1e siècl e une a nim atio n

culturelle croissante, reflet d'une situation économique de plu s en plus 1535: révolte anabaptiste à Amsterdam. 1543: le duché de G ueldre est uni aux Pays-Bas, qui comptent trois millio ns d' habitants. 1555 : début de la réalisation des vitraux de l'église Saint-Jean à Gouda. 1566: vague

fl o rissa nte. Érasme, natif de Ro tterdam, est la

«

po inte de dia ma nt »

du mouvement humaniste de la Renaissa nce, qui entraîne des peintres impo rta nts comme Lucas de Leyde et Jérô me Bosch lui-même, o riginaire de la cité brabançonne de 's H ertogenbosch (Bo is-le-Duc); pa r la suite, se distinguent les écoles d' Utrecht et de Haa rlem, sensibles a ux mo dèles italiens et au ma niérisme. La seconde mo itié du siècle est une époque difficile et tourmentée: les Flandres et les provinces septentrionales, cherchant à se libérer de la do minati on espagnol e, connaissent des révoltes et des guerres sa nglantes. Scènes terribles mais sur un

iconoclaste protestante.

1571 : les ca lvinistes chassent les catholiques d'Amsterdam. 1572: révolte des Gueux de Hollande et de Zélande contre la domination espagno le. 1578: l' union d' Utrecht marque la naissance

de la république hollandaise, dont Amsterdam est proclamée la capitale. 1584: assassinat de Guillaume d'O ra nge- Nassau, dit le Taciturne, à Delft. 1586: le gouvernement républicain s'établit à La Haye. 1593: le botaniste Ca rolus Clusius apporte à Leyde des bulbes de tuli pe. 1597: l'explo rateur Willem Barents découvre le passage maritime vers l'Arctique.

fond de grande prospérité économique: en effet, grâce à l'excellence de leur équipement po rtu aire et naval ainsi que de leurs techniques commerciales, les villes riveraines de la mer du N o rd so nt les mi eux préparées et les plu s aptes à tirer parti des ext raordinaires resso urces

Jean: Bruxelles, vers 1485 - Paris, 1540;

XVI'

siècle.

Résidence principale Paris. Voyages Différents voyages en France, selon les déplacements de la cour et pour la réalisation de portraits. Œuvres principales Pour tous deux, série de « crayons » (portra its

à la pierre noire et à la sanguine): pour Jean, Portrait du roi de France François I"' (1525, Paris, musée du Louvre, voir p. 196); pour François, Dame au bain (vers 1570, Washington, National Gallery of Arr, voir p. 278). Relations avec d'autres artistes

Tous les artistes de l'école de Fontainebleau, à partir du règne de François !«. François Clouet, Portrait équestre du rai de France François fer, vers 1540 Florence, Galleria degli Uffizi Raphaël,

Ulysse et Pénélope, vers 1545

Autoportrait, 1509

Toledo (Ohio), Museum of Art

Florence, Galleria degli Uffizi

338 • LES ARTISTES

les thèmes du tout pro-

le Pérugin pendant sa jeunesse, Léonard de Vinci à Florence, Michel-Ange, Bramante et Sebastiano del Piombo à Rome.

chain maniérisme.

LES ARTISTES • 339

Raphaël La tonalité «populaire » de la scène est due au caractère insolite du vêtement de la Vierge Marie, la tête coiffée d'une sorte de turban et les épaules couvertes d'un châle multicolore.

Le format du rondo («rond») suggère une composition fortement centripète: les regards des deux principaux personnages, dirigés vers le spectateur, créent une sorte de circulation des sentiments (ou «affects »).

Le groupe de la Vierge Marie et de /'Enfant jésus atteint un équilibre difficilement égalable entre réalisme et idéalisation, sens de la nature et modèle classique.

Le visage de la Vierge Marie rappelle celui de la maîtresse de Raphaël, Margherita Luti, fille d 'u n boulanger d'origine siennoise établi à Rome dans le quartier de Santa Dorotea, devenue célèbre sous l'appellation de « la Fornarina » («la boulangère »).

Ce retable était installé en fonction de l'emplacement de la baie absidiale: Raphaël donne l'illusion d'une fenêtre réelle, aux rideaux tirés et dont on aperçoit l'appui en bas.

Ce tableau tire son titre du siège de la Vierge Marie: on voit un montant en bois tourné de son dossier, dont l'élégance laisse toutefois à penser qu'il s'agit non pas d'une simple chaise, mais plutôt d'un meuble raffiné. .A. Raphaël, La Vierge à la chaise, 1513

Florence, Palauo Pitti, Galleria Palatina

340 • LES ARTISTES

La figure du petit saint j ean-Baptiste rééquilibre la composition sur le côté droit.

Le cœur de toute la composition est le coude de /'Enfant Jésus, qui coïncide presque avec le centre géométrique du cercle et qui, frappé d'un rayon de lumière, pointe vers le spectateur.

Le titre du tableau est dû à son emplacement originel dans l'église San Sisto, à Plaisance. Saint Sixte est l'évêque représenté à gauche.

La présence de ces très célèbres angelots, souvent reproduits seuls, souligne l'aspect illusionniste du rebord de fenêtre (ou repoussoir) sur lequel ils sont appuyés.

Sur un fond de nuages (à les regarder de près, ils sont constitués des petits visages d'innombrables chérubins), la figure enchanteresse de la Vierge Marie semble s'avancer vers le spectateur en un léger mouvement descendant.

.A. Raphaël, La Madone Sixtine, 1515-1516 Dresde, Gemiildegalerie

LES ARTISTES • 341

Raphaël Ce grand retable a été commandé par le cardinal jules de Médicis, le futur pape Clément VII, en même temps que La Résurrection de Lazare de Sebastiano del Piombo (vo ir p. 352), et il était destiné à la cathédrale de Narbonne.

Cette œuvre présente des solutions novatrices dans le rendu des émotions et « mouvements de l'âme », et elle semble faire le lien entre Léonard de Vinci et le Caravage.

Quoiqu'il utilise dans le bas du tableau un répertoire théâtral de gestes, d'expressions et de sentiments, Raphaël réussit à relier les deux situations simultanées et vivement contrastées, distribuées dans les deux moitiés du tableau.

.1. Raphaë l, La Transfiguration, 1520 Cité du Vatica n, Pinacothèque vaticane

342 • LES ARTISTES

Dans la partie supérieure de la composition se déroule la scène mystique silencieuse de la Trans-figuration: sur le mont Thabor, Jésus-Christ s'élève dans le ciel entre les prophètes Élie et Moise.

Les choix audacieux de cet auteur de chefs-d'œuvre spectaculaires en font un artiste «maudit» avant la lettre, témoin de la fin de la Renaissance.

La ca rrière de ce gra nd sculpteur tourmenté, Le tableau est resté inachevé dans certaines zones marginales à cause de la mort de Raphaël, due à une attaque de fièvre en avril 1520. Il fut utilisé comme « toile de fond » pour le catafalque de l'artiste. Dans la partie inférieure de la composition, les personnages se divisent en deux groupes, ceux qui désignent la Transfiguration elle-même et ceux qui assistent à la guérison miraculeuse d'un jeune garçon possédé du démon.

d'origine lorra ine, est précédée d'une longue

Ligier Richier

période de formation à Rome, de 1515 à 1520, pendant laquell e il approche Michel-Ange. De retour dans sa région nata le, il travaille pour des commanditaires de plus en plus importants. En 1531 et en 1540, il sculpte deux groupes monumentaux spectacu laires de même sujet, La D éploration, po ur les églises de la petite ville de Saint-Mihiel, dans lesquels une virtuosité encore gothique s'allie à une totale maîtrise de la matière et surtout à une expression énergique des tensions de l'époque vivement ressenties (voir ci-dessous). Vers 1544, il réalise le tombeau de René de Chalon, prince d'OrangeNassau, où un squelette s'arrache le cœur (voir p. 84): cette œuvre fait le lien entre les

« danses

macabres» du Moyen Âge et les

« triomphes

de la M o rt » de l'époque baroque. Quelques années plus tard, il exécute dans des marbres blancs et noirs le gisant de la duchesse de Gueld re, seconde épouse de René II de Lorraine, dans l'église des Cordeliers à Nancy. Après avoir réalisé un grand autel à Bar-le-Duc, il adhère à la Réforme protestante et cesse pratiquement de travailler. En 1564, il émigre à Lausanne, où il meurt trois ans plus tard. S'achève ai nsi l'existence complexe et tourmentée d'un maître qui vit en pleine Renaissa nce mais qui, réagissant au conformisme classique, sait être à la fois gothiqu e et baroque, retardataire et pionnier.

La torsion du corps de la femme agenouillée au centre et le contrapposto de saint Pierre assis à gauche seront des modèles extrêmement importants pour le maniérisme.

Saint-Mihiel, vers 1500 Lausanne, 1567. École nationale Française. Résidence principale La Lorraine. Voyage Long séjour de formation à Rome. Œuvres principales Groupe de

La Déploration sur le Christ mort (1531, Saint-Mihiel, église abba tiale, voir cicontre) ; tombeau de René de Chalon, prince d' Orange-Nassau (vers 1550, Bar-le-Duc, collégiale Saint-Pierre, voir p. 84). Relations avec d'autres artistes On a supposé qu'il aurait été élève auprès de Michel-Ange.

.,. Ligier Richier, La Déploration sur le Christ mort, 1531 Saint-Mihiel, église abbatiale

LES ARTISTES • 343

Tilman Riemenschneider

Les sentiments, les émotions, les passions trouvent en Ti/man Riemenschneider un interprète sensible: ses inoubliables chefs-d'œuvre portent à sa pleine maturité le genre de l'autel à volets en bois.

Certains détails, comme les baies gothiques géminées et les barbes par trop bouclées, appartiennent à la tradition du xve siècle, mais l'ensemble de la composition est pleinement Renaissance.

Tilman Riemenschneider

Au contraire de ses prédécesseurs, Ti/man Riemenschneider renonce à peindre ses statues de couleurs vives et préfère la simple et chaude tonalité chromatique du bois pour exalter ainsi la qualité de son travail de sculpture.

Pour la première fois, Ti/man Riemenschneider «ouvre» l'arrière-plan du compartiment central d'un autel, montrant une série de baies gothiques à deux ou trois fenêtres avec vitraux.

Le plus grand sculpteur sur bois de la Renaissance allemande est un Osterdode, vers 1460 Wurtzbourg, 15 31. École nationale Allemande. Résidence principale Wurtzbourg.

artiste éclectique et dynamique. Grâce à sa formation entre la Saxe et la Bavière (Erfurt, Ulm ), il acqu iert une habileté égale dans le travail de la pierre, du marbre et du bois. Son style se caractérise par l'exaltation des va leurs tactiles et chromatiques des matériaux, sans les dorures et polychromies acco utumées, comme dans sa première œuvre monumentale, l'autel de Münnerstadt (partiellement démembré), exé-

Voyages Nombreux déplacements dans l'Allemagne

cuté en collaboration avec Veit Stoss. Bien qu'il excelle dans le travail

méridionale, en partic ulier entre

Roth enburg (page ci-contre) et Creglingen, chefs-d'œuvre de la scu lp-

la Souabe, la Rhénanie

ture européen ne entre l'épu isement du style gothiqu e et l'éclosion de

et la Franconie.

Œuvres principales Autel du Saint-Sang (1504, Rothenburg, église Sankt Jacob, voir page ci-contre); a utel de I' Annonciation (1510, C reglingen, église pa roissia le); tombeau de l'empereur Henri Il (1513, Ba mberg, cathédra le) . Relations avec d'autres artistes

Formé dans l'atelier de Jorg Syrlyn à Ulm, il est en rapport direct avec Veit Stoss.

du bois, il fa it alterner les matériaux: les grands autels en bois de

la Renaissance nordique, sont suivis du monument funéraire en albâtre de l'empereur H enri II dans la cathédra le de Bamberg et des tombeaux en calca ire pour la cathédrale de Wurtzbourg. Dans tous les cas, les sentiments des personnages sont exprimés dans les visages et les gestes avec une même tension, à la fo is sa isissante, noble et contrôlée. Tilman Riemenschneider conn aît une existence au déroulement contrasté, où les moments de grande célébrité (a ttestés par le succès de son atelier à Rothenburg et par l'importance croissa nte des charges officielles qui lui sont confiées) alternent avec des phases d'obscuri té; engagé dans les mouvements

~ Ti lman Riemenschneider, Sainte Barbe, vers 1510 Munich, Bayerisches Museum

Les groupes des apôtres sont sculptés dans différentes billes de bois de tilleul: Ti/man Riemenschneider cache les joints entre elles avec une exceptionnelle habileté, assurant efficacement à la scène son unité.

populaires nés de la Réforme, il est arrêté, alors qu'il est déjà d'un âge avancé, et, après avoir risqué de se voir couper la main droite, il doit cesser de travailler.

344 •

La noble et mélancolique figure de l'apôtre Jean désigne de la main le centre de la scène, l'institution du sacrement de l'eucharistie.

.l. Tilman Riemenschneider, La Cène, compartiment central de l'autel du Saint-Sa ng, 1499- 1504 Rothenburg ob der Tauber, ég lise Sankt Jacob

LES ARTISTES • 345

Rosso Fiorentino

Résolument ouvert aux expérimentations, jusqu'à mettre en cause l'idée de «grâce » Renaissance, Rosso Fiorentino est l'artiste clef pour la transmission de la «manière moderne » de l'Italie à l'Europe.

Rosso Fiorentino

Ce grand tableau d'autel est l'une des œuvres symboles du premier maniérisme toscan par la violente déformation des figures et la tonalité métallique des couleurs vives, d'une acidité surprenante.

Le jeu irréel d'un réseau d'échelles et de montants de bois poli enferme les personnages, pétrifiés dans des attitudes théâtrales.

Protagon iste de la première phase, fondatrice, du maniérisme florentin, Rosso Fiorentino se forme avec le

Pontormo dans l'ateli er d' Andrea del Sarto, et il trava ille à leurs côtés Giovan Battista di Jacopo; Florence, 1495 - Fontainebleau, 1540. École nationale Toscane.

pour les fresq ues du cloître des Ex-voto de l'égli se de la Santissima Annunziata, où ses personnages ont souvent des allures bizarres, qui jettent les commanditaires dans la perplexité. La Descente de croix de Volterra (1521, voir page ci-contre) est embléma tique de sa manière par la violence déconcertante, la déformation des figures et la stri-

Résidences principales Florence, puis Fontainebleau.

dence des cou leurs. En quelques années, Rosso Fiorentino enrichit sa

Voyages À part quelques déplacements en Toscane (Volterra), il vit à Florence jusqu'à sa maturité. En 1523, il se rend à Rome, qu'il quitte lo rs du sac de 1527. Il s'établit définitivement à Fontainebleau en 1530.

puis se confronte avec le Parmesan. Après le sac de Rome (1527), son

Œ uvres principales

La Descente de croix

Le ciel est impressionnant par sa couleur pâle, dense et lourde, comme une chape de plomb verni, d'une opacité irréelle.

formation fl orentine initia le de l'influence romaine de Michel-Ange,

style déjà an imé se fait plus âpre, l'i ntensité de ses compositions, plus dramatique, et ses teintes, plus livides. En 1530, il s'établit en France à la demande du roi François Ier, qui lui confie les travaux d'agra ndissement et de décoration du château de Fontainebleau: à la tête

La figure de l'apôtre Jean en pleurs, monumentale et dramatique, domine le côté droit de la composition, en forte asymétrie avec le groupe des saintes femmes sur la gauche.

d' une équipe, dont fa it aussi partie le Primatice, et qui ne tarde pas à prendre l'allu re d' une véritable école, il réalise la grandiose ga lerie reliant l'ancien et le nou vea u château (1532-1537), monument fondamental pour la diffusion de l'esthétique maniériste en Europe.

(1521, Volterra, Pinacoteca Comunale); galerie de François Je. dans le château de Fontainebleau (1534-1537). Relations avec d'autres artistes À Florence, il est l'élève d' Andrea del Sarto avec le Pontormo. À Rome, il est en rapport avec le Parmesan et Jules Romain. À Fontainebleau, il travaille avec le Primatice.

346 • LES ARTISTES

.,. Rosso Fiorentino, La Pietà, 1535-1538 Paris, musée du Louvre

La Vierge Marie sur le point de défaillir est soutenue par deux saintes femmes cependant que Marie-Madeleine se jette à ses pieds.

• Rosso Fiorentino, La Descente de croix, 1521 Volterra, Pinacoteca Comunale

LES ARTISTES • 34 7

Les canons du classicisme deviennent la marque symbolique obligée de la représentation du pouvoir politique, y compris par la référence explicite aux monuments de /'Antiquité.

Jacopo Sansovino

Il est l'un des grands interprètes du classicisme assuré, ample et serein

Le plus raffiné des peintres originaires de Brescia, attentif aux effets de lumière, est un prédécesseur direct du Caravage par son équilibre entre la couleur vénitienne et le réalisme lombard.

Giovan Gerolamo Savoldo

de la pleine Renaissance. Lors de ses débuts florentins, il réalise surtout des sculptures en marbre, marquées Jacopo Tatti, dit Sansovino; Florence,

1486 - Venise, 1570. École nationale Italienne.

Même si Savoldo passe la presque totalité de sa vie artistique à Venise,

par l'influence de son maître Andrea Contucci (dit Sansovino, qui

il convient de l'inscrire dans l'école de Brescia non seulement à cause

l'adopte et dont il reprend le surnom), par exemple le Bacchus du

des nombreuses commandes de sa ville d'origine, mais aussi en raison

Museo del Bargello (1512). Lors d'un long séjour à Rome (1516-

de ses indiscutables liens avec le courant réaliste attentif à l'interpré-

1527), il se tourne plus résolument vers l'architecture. Il quitte Rome

tation psychologique qui se manifeste à Brescia même (Romanino, le

lors du sac de 1527 et s'arrête presque par hasard à Venise, qui devient

Moreno) et à Bergame (Lotto, puis Moroni). L'activité de Savoldo en

sa ville d'adoption. Deux ans après son arrivée, il est nommé respon-

Vénétie débute de façon un peu inattendue vers 1520, lorsqu'il est

Voyages Deux longs séjours à Rome (1506-1511 et 151 6-1527).

sable des éd ifices publics de la République, charge qu'il exerce plus de

appelé à terminer le grand retable de l'église San Nicolô à Trévise. Peu

quarante ans. La faveur du doge Andrea Gritti (p. 232) ainsi que l'ami-

après, le Retable des ermites (Venise, Accademia) et, plus encore, la

tié de Titien et de I' Arétin lui donnent l'occasion d'intervenir de

grande Sainte Conversation pour les dominicains de Pesaro (1524,

Œuvres principales La Libreria Marciana (commencée en 1537); la Scala d'oro (escalier d'honneur) dans le palais des Doges (1544).

manière décisive sur le visage de la « nouvelle Venise »; il est ainsi l'au-

Milan, Brera) marquent les étapes rapides d' une solide carrière. À côté

teur d'aménagements dans le palais des Doges et surtout d'édifices

des tableaux d'autel se multiplient les portraits, les tableaux religieux

monumentaux d'une très haute va leur symbolique dans les principaux

de dévotion privée, parfois en plusieurs répliques, comme Sainte

lieux de la ville, par exemple, autour de la place Saint-Marc, les Pro-

Marie-Madeleine ou Le Repos pendant la fuite en Égypte. Dans cette

Résidence principale Venise.

curaties neuves, la Logetta («Petite Loge ») du campanile, la Libreria

phase, sa peinture se caractérise par des couleurs vives et des effets de

avec d'autres artistes

(« Bibliothèque ») Marciana et la Monnaie. li a aussi la possibilité de

lumière aux accents argentés. Dans les années 1530, lors de son séjour

Étroite et durable

réaliser des sculptures, surtout en bronze, où se manifeste précocement

à Milan, où il travaille pour le duc François Il Sforza, sa luminosité

Relations

am itié avec Titien.

En outre, a u fil de son

le style ca lligraphique maniériste, par exemple dans les bas-reliefs pour

tend à diminuer au profit de passages

activité d'architecte

la Logetta et pour les tribunes des chantres de la basilique Saint-Marc.

délicatement adoucis, d'une poé-

et de sculpteur, il est en contact avec

tous les artistes les plus importants, comme

Raphaël, Michel-Ange, Andrea del Sarto entre Rome et Florence, et le Tintoret, Véronèse

et Alessandro Vittoria à Venise. .- Jacopo Sansovino, façade de la Libreria Marciana, à Venise, commencée en 1537

sie intime et mélancolique. Les deux chefs-d'œuvre de la Pinacoteca Tosio Martinengo à Brescia, le Portrait d'un ;eune ;oueur de

flûte et la meilleure version de son thème préféré, L' Adoration des ber-

gers (p. 350), sont au nombre des « précédents lombards » les plus importants qui ont influé sur la

Brescia, 1480-1485 vers 1548. École nationale Italie du Nord, vénitienne. Résidence principale Venise. Voyages Nombreux déplacements à Brescia, sa ville natale; voyage à Milan en 1534. Œuvres principales La Vierge Marie avec /'Enfant jésus, des anges et des saints (1524, Milan, Pinacoteca di Brera); Saint Matthieu et l'ange (1534, New York, Metropolitan Museum of Art). Relations avec d'autres artistes

En dia logue constant avec les autres maîtres

de Brescia ( Romanino, le Moretto), il est bien inséré dans le milieu artistique vénitien (Titien, Lotto, Sansovino). .,. Giovan Gerolamo Savoldo, Sainte Marie-Madeleine (détail), vers 1530 Londres, National Gallery

formation du Caravage.

348 • LES ARTISTES

• 349

Giovan Gerolamo Savoldo La présence du berger appuyé sur le muret bas devrait accroître l'aspect populaire de la scène, mais le raffinement de son exécution est un signe de la grande noblesse de la manière de Giovan Gerolamo Savoldo. À l'arrière-plan, tout au loin, une lueur dans le ciel signale l'apparition de l'ange aux bergers: c'est la seule présence surnaturelle dans une scène solidement ancrée dans la réalité.

La petite fenêtre au fond de la cabane, par où regarde un berger barbu, accompagné d'un autre qui semble réclamer la possibilité de regarder

Protagoniste de l'art dans deux capitales, Sebastiano del Piombo nourrit un dialogue d'égal à égal avec tous les grands artistes de la première moitié du

xv1e siècle, et il en tire un style personnel robuste et efficace.

,., ....

à son tour, est une innovation efficace,

qui ouvre des espaces inattendus et accroît la luminosité de la scène.

Formé dans le cercle

Sebastiano del Piombo

de Giorgione, Sebastiano del

Piombo

débute à Venise avec des œuvres importantes vers 1510, moment où se dessine la transition entre la chaude harmonie de son maître et la vivacité de Titien. C'est précisément le succès de ce dernier qui le pousse à accepter en 1511 l'invitation du banquier Agostino Ch igi d'aller s'ins-

Sebastiano Luciani, dfr

Sebastiano del Piombo; Venise, vers 1485 Rome, 1547.

taller à Rome, où il travaille au côté de Raphaël à la villa Farnésine

École nationale

(fresques avec des scènes des Métamorphoses): il commence ainsi à

Vénitienne à ses

débuts, puis romaine.

jouer le rôle de médiateur entre la couleur vénitienne et la recherche expressive de l'école romaine, en particulier celle de Michel-Ange, dont il devient l'ami et confident, jusqu'à utiliser des dessins de celui -ci pour

Voyages

sa grande Résurrection de Lazare (1519, p. 352), peinte en une sorte

Vénitien de naissance,

de compétition avec La Transfiguration de Raphaël (p. 342). La référence ouverte à Michel-Ange, non seulement dans le style de ses nus masculins mais aussi dans sa religiosité austère et dramatique, se manifeste dans la Pietà de Viterbe et dans les fresques de l'église _San Pietro in Montorio à Rome (La Flagellation et d'autres scènes dans la chapelle Borgherini,

1517-1524),

tandis que ses nombreux portraits, pleins de vitalité, traduisent son origine vénitienne,

jamais

oubliée.

Resté à Rome a près le sac de la ville (1527), en 1531 il reçoit du pape Clément VII Les personnages de saint joseph et de la Vierge Marie ont la physionomie de gens simples, presque rustiques; la pauvreté des souliers de joseph ajoute une note supplémentaire de vérité humaine. .l Giovan Gerolamo Savoldo, L'Adorotion des bergers, vers 1540 Brescia, Pinacoteca Tosio Martinengo

350 • LES ARTISTES

Giovan Gerolamo Savoldo, natif de Brescia mais installé à Venise, fait glisser sur le manteau et la robe de la Vierge Marie la lumière caractéristique de la peinture vénitienne.

Résidence principale Rome.

il s'installe à Rome en 1511, puis fait quelques brefs voyages. Œuvres principales Volet d'orgue de l'église San Bartolomeo (1510, Venise, Gailerie deil'Accademia); La Résurrection de Lazare, (1519, Londres, National Gallery, voir page suivante). Relations avec d'autres artistes

À Venise, Giorgione et Titien; à Rome, Raphaël, le Sodoma et Michel-Ange.

(voir p. 217) la charge lucrative de chancelier des bulles (ou

«

d'où

surnom

son

du plomb », «

del

Piombo » ); dès lors, son

... Sebastiano del Piombo, Portrait de jeune femme (,Dorotea»), 1512-1513 Berlin, Gemiildegalerie

activité picturale se ralentit.

LES ARTISTES • 351

Sebastiano del Piombo

A l'arrière-plan, le paysage au ciel nuageux traversé d'une grande éclaircie est un apport original de Sebastiano del Piombo, rappel évident de sa formation vénitienne.

Ce grand retable, peint en compétition avec La Transfiguration de Raphaël (voir p. 342), est l'épisode culminant, et malheureusement le dernier, de l'échange dialectique entre le style du maître ombrien et celui du duo Michel-Ange et Sebastiano del Piombo: ces deux tableaux ont été en effet commandés ensemble par le cardinal jules de Médicis (le futur pape Clément VI/) pour la cathédrale de Narbonne.

Maître synthétisant le dernier maniérisme européen, il est l'un des protagonistes de la saison artistique de la cour de l'empereur Rodolphe II de Habsbourg, à laquelle il apporte une note d'érotisme complaisant.

Après sa formation

à Anvers, marquée

Bartholomeus Spranger

par le goût italianisant, il part pour l'Italie en 1565. Il passe par Paris et Fontainebleau, où il étudie le style maniériste; puis il se rend à Milan, où il prend connaissance des dernières évolutions de l'art lombard, et à Parme, où il adm ire le Corrège et le Parmesan; il arrive enfin à Rome, où il exerce des charges prestigieuses auprès des Farnèse, notamment dans leur palais de Caprarola, véritable microcosme du maniérisme aristocratique, et il s'imprègne du goût romain calligraphique et classicisant au point d'être nommé peintre du pape Pie V. Toutefois, ses œuvres de sujet religieux sont rares, et il préfère les thèmes mythologiques et littéraires. Il affine sa manière propre, où les intellectuels peuvent reconnaître avec plaisir références artistiques et culturelles, mais il l' imprègne en même temps d' une sorte de sensualité froide, d'autant plus provocante qu'elle est apparemment détachée. Il part travailler au

Anvers, 1546 - Prague, 1611. École nationale Maniérisme international. Résidences principales Rome, puis Prague. Voyages Séjour de jeunesse en France (Fontainebleau) et en Italie (Milan, Parme et Rome); il s'établit à Vienne (1575-1580), puis à Prague; voyage dans les Pays-Bas (1602).

service de l'empereur Rodolphe II de Habsbourg d'abord à Vienne, en

Œuvres principales

1575, puis, à partir de 1581, à Prague, où il suit l'empereur et la cour.

li entre en relation avec les peintres Giuseppe Arcimboldo, Joseph

Hercule et Omphale, Hermaphrodite et Sa/macis (1582,

Heintz et Hans von Aachen, ainsi qu'avec le sculpteur Adriaen De

Vienne, Kunsthistorisches Museum).

Vries et les maîtres milanais de la grav ure et de l'orfèvrerie. Ses œuvres les plus appréciées par l'empereur sont celles où, sous le

prétexte

d'illustrer

des

myth es de I' Antiquité classique, il met en scène de gra nds et

Relations avec d'autres artistes En Italie, il étudie le Parmesan et le Corrège, et son style s'inspire du

maniérisme tardif romain. À la cour de l'empereur Rodolphe TI de Habsbourg, il est au cœur de l'école de Prague.

lumineux nus féminins (voir

.._ Sebastiano del Piombo,

La Résurrection de Lazare, 1517-1519 Londres, National Gallery

352 • LES ARTISTES

La commande était nominalement destinée à Sebastiano del Piombo, mais, en réalité, le tableau devait être «conforme à l'ordre et dessin de Michel-Ange dans certaines parties», comme on le voit, par exemple, dans la figure monumentale de Lawre.

La collaboration du duo Sebastiano del Piombo et Michel-Ange ne peut dissimuler un certain aspect rhétorique de la composition, peut-être peuplée de trop nombreuses figures.

p. 59, 148 et 354); diffusés par les estampes de Hendrick Goltzi us, ces tableaux connaissent

-. Bartholomeus Spranger, Autoportrait, 1580-1585 Vienne, Kunsthistorisches Museum

une immense célébrité.

LES ARTISTES • 353

Bartholomeus Spranger Ce tableau fait partie d'une série de toiles à sujet mythologique destinée à l'empereur Rodolphe Il de Habsbourg et inspirée des amours des dieux relatées par Ovide dans

Les Métamorphoses (en l'occurrence, X [II, 898-968).

Le contraste entre un monstre marin et la séduisante nymphe aux chairs lumineuses est caractéristique du maniérisme tardif en faveur à la cour pragoise de l'empereur Rodolphe Il .

Le chromatisme marqué par la prédilection pour les tons changeants s'inspire du maniérisme italien tardif

Attentif à l'art de Michel-Ange et

à la « manière moderne », le Tintoret

introduit dans la peinture vénitienne des corps musculeux, des gestes grandioses et d'audacieuses vues en perspective.

Fils d'un teinturier originaire de Lucques (d'où son surnom), le Tintoret obtient sa première consécration au sein

Le Tintoret

de l'école vénitienne en 1548, lorsque la confrérie de San Marco lui commande Saint Marc délivrant un esclave (page suivante): par une coïncidence qui n'a peut-être rien de fortuit, Titien n'est pas à Venise, mais à Augsbourg, auprès de l'empereur Charles Quint, et, en

Jacopo di Robusri; Venise, 1519-1594.

l'absence de ce chef de file incontesté, la saisissante nouveauté du

École nationale

tableau du Tintoret s'impose dans le milieu artistique. Dans les années 1550, le Tintoret peint des scènes mythologiques et religieuses avec une grande facilité d'exécution, alternant poses fougueusement

Voyages

contorsionnées et solutions à la Véronèse (Suzanne et les vieillards,

Peu importants.

vers 1555, ci-dessous) . Nullement intimidé par les entreprises colos-

Œ uvres principales À Venise, Scuola Grande di San Rocco (voir p. 234), la Madonna dell'Orto et • le palais des Doges.

sales, il commence en 1564 la décoration de la Scuola Grande di San Rocco, pour laquelle il réalise plus de cinquante toiles en une vingtaine d'années (voir p. 234), au fil desquelles son style évolue: des premières scènes gra ndiloquentes aux personnages nombreux, il passe à des compositions où la recherche expressive se fait plus intense, enfin à des représentations visionnaires (dans la salle du rez-de-chaussée). Il réalise aussi des dizaines de tableaux d'autel pour des églises vénitiennes et, à la tête d'un atelier efficace, il coordonne les nouveaux travaux de décoration du palais des Doges nécessaires après l'incendie de 1577, peignant notamment l' immense toile du Paradis pour la salle du Grand Conseil. Après la mort de Titien et de Véronèse, il enveloppe de Dans la sensualité intense et calculée de cette œuvre, on perçoit des échos manifestes de la peinture du Corrège et du Parmesan; c'est en particulier .i. Bartholomeus Spranger, de ce dernier que dérive la douce Glaucus et Scylla, vers 1582 sinuosité des formes étirées. Vienne, Kunsthistorisches Museum

354 • LES ARTISTES

mystère et de ·magie ses derni ères œuvres, comme .. Le Tintoret, Suzanne et les vieillards, vers 1555 Vienne, Kunsthistorisches Museum

Vénitienne. Résidence principale Venise.

La Cène de l'église San

Giorgio Maggiore.

Relations avec d'autres artistes

Rapports indirects avec les artistes de l' Italie centrale, conune

Michel-Ange.

Le Tintoret Aucun des nombreux personnages ne s'aperçoit de /'apparition de saint Marc, mais tous regardent avec stupéfaction le brisement miraculeux des chaînes et des instruments de torture.

De la grâce et de l'harmonie de ses débuts jusqu'à l'éclat dramatique de

Représenté en un raccourci hardi, saint Marc, patron de Venise, surgit du haut du ciel pour délivrer de ses chaînes un esclave qui allait être torturé et mis à mort.

ses dernières œuvres, l'évolution de l'art de Titien permet de suivre presque un siècle entier de peinture Renaissance.

À l'arrière-plan apparaissent quelques édifices d'une architecture au goût du iour, proche du style classicisant des constructions vénitiennes de Jacopo Sansovino (voir p. 348) et des premières œuvres d'Andrea Palladio (voir p. 127).

La longue vie de Titien, suite continue de succès et d' honneurs, est l'itinéraire d' une constante recherche menée avec une inépuisable capacité

Titien

de se mettre à l'épreuve, de relever les nouveaux défis, de rivaliser avec la nature et les moyens de l'art. D'a bord élève des Bellini, puis travaillant dans le cercle de Giorgione (voir p. 38 et 300-301), il ne tarde pas à conquérir la première place de l'école vénitienne grâce à la richesse de ses couleurs et au dynamisme de ses compositions: en 1516, il est peintre officiel de la Sérénissime, charge qu 'il conservera jusqu'à la fin de sa vie. Tandis que son retable de L'Assomption révolutionne

Tiziano Vecellio, dit Titien; Pieve di Cadore (province de Belluno), 1488-1490- Venise, 1576. École nationale Vénitienne.

la conception et la mise en page du tableau d'autel (p. 231), son cycle des Bacchanales pour le duc de Ferrare Alphonse Iec d'Este entrepris en 1518 marque le début de son activité pour les cours princières (p. ·240); suivront bientôt des œuvres pour les Gonzague (p. 239) et, plus tard, pour les Della Rovere (p. 2 et 242) ainsi que pour les Farnèse (p. 220). En 1530, il entre en rapport avec Charles Quint, qui devient son plus prestigieux commanditaire (p. 150). Le dynamisme expressif et vibrant de sa manière se tempère vers 1540, lorsqu'il se confronte avec les maniéristes. Un voyage à Rome en 1545-1546 lui permet de suivre de près l'évolution de la peinture et de se confronter avec Michel-Ange. Après deux voyages en Allemagne, à partir de 1551 il

Bien que sacrifiant ici, dans cette figure vue de dos, au goût répandu du maniérisme, le Tintoret reste toujours fermement attaché aux formes solides et robustes. À

Le Tintoret,

Saint Marc délivrant un esclave, 1548 Venise, Gallerie dell'Accademia

356 • LES ARTISTES

se consacre à la réalisation de

Représenté en raccourci étendu à terre, le corps vigoureux de l'esclave constitue presque le pendant de celui de saint Marc dans le ciel.

retables

saisissants pour

des

églises vénitiennes et de tableaux mythologiques conçus comme un miroir tragique de la condition

Le traitement de la musculature de certains personnages rappelle le mot d'ordre que, selon la tradition, le Tintoret aurait affiché dans son atelier: « La couleur de Titien, le dessin de Michel-Ange.»

humaine, traités selon une tech~

Titien,

Autoportrait. vers 1570 Madrid, Museo del Prado

Résidence principale Venise. Voyages Séjours à Padoue, Ferrare et Mantoue; voyage à Rome en 1545-1546; à Augsbourg, auprès de Charles Quint, en 1548 et 1551. Œuvres principales

/.:Assomption (15161518, p. 231); Portrait équestre de l'empereur Charles Quint à la bataille de Mühlberg (1548, p. 150); La Pietà (vers 1576, p. 362). Relations avec d'autres artistes Figure centrale de la Renaissance, Titien est pendant au moins trois générations la référence de la peinture vénitienne. Contacts directs avec MichelAnge à Rome en 1545.

nique très personnelle de larges touches de couleur d'une densité matiériste.

LES ARTISTES • 357

Titien

A la sérénité bucolique des paysages de Giorgione, Titien oppose un arrière-plan animé: personnages, animaux, cours d'eau, frondaisons, nuages, vents, tout participe à l'inépuisable rythme vital de l'univers.

Dans cette œuvre à la signification allégorique particulièrement complexe, le jeune Titien donne du classicisme une interprétation joyeuse pleine de vitalité. Ce tableau est une commande de l'influent patricien vénitien Nicolà Aurelio pour en faire un présent « de bon augure» à son épouse Laura Bagarotto à l'occasion de leur mariage.

Les deux jeunes femmes d'une beauté splendide, semblables au point de paraître des sœurs jumelles, sont présentées de manière tout à fait différente: l'une est habillée de vêtements somptueux, qui font allusion à la cérémonie d'un mariage, l'autre est pratiquement nue.

358 • LES ARTISTES

Des éléments païens et chrétiens se fondent dans cette composition où Titien, influencé par la philosophie néoplatonicienne, célèbre dans la beauté terrestre le reflet de la perfection divine.

La femme vêtue fait référence à l'amour dans le mariage, et la femme nue élève ce même amour sur un plan céleste et éternel, symbolisé par la lampe qu'elle tient dans la main gauche.

Selon une tradition iconographique antique et médiévale, la présence simultanée de deux figures, l'une nue et l'autre vêtue, signifie une complémentarité et non pas une opposition (à laquelle renvoie le titre donné par erreur au tableau).

 Titien, L'Amour sacré et l'Amour profane, 1514 Rome, Galleria Borghese

LES ARTISTES • 359

Titien Commandé par l'évêque Jacopo Pesaro, ce retable est resté à son emplacement d'origine, l'autel de l'immaculée Conception dans la basilique Santa Maria Gloriosa dei Frari.

Les membres de la famille Pesaro, accompagnés des saints protecteurs de leur maison et de personnages faisant référence aux victoires militaires remportées par le chef de famille, sont tournés vers la Vierge Marie en une composition qui révolutionne le schéma triangulaire canonique des « saintes conversations » .

Les couleurs sont extrêmement lumineuses, avec une nette préférence pour les tons purs et un refus tout aussi net des demi-teintes fondues. .A. Titien, La Vierge Marie et /'Enfant Jésus avec des saints et des membres de la famille Pesaro, dit aussi Retable Pesaro, 1519-1525 Venise, basilique Santa Maria Gloriosa dei Frari

360 • LES ARTISTES

La nouveauté du tableau tient en particulier à l'aspect inédit de ses éléments architecturaux, comme les deux puissantes colonnes qui sortent du cadre.

Le sommeil d'Amour symbolise la volonté «sportive» d'Adonis, qui ne cède pas à l'étreinte de Vénus et s'apprête à partir pour la chasse fatale.

Ce tableau fait partie du groupe de toiles à sujet mythologique que Titien envoya à la cour d'Espagne et qu'il appelait lui-même des poesie (« fab les»).

Les chiens de chasse frémissent d'impatience: ils ont déjà senti la proie toute proche et semblent entraîner Adonis vers la forêt.

Compte tenu de l'emplacement du retable sur un mur latéral dans le bas-côté gauche de la basilique franciscaine, Titien déplace résolument le siège de la Vierge Marie du centre vers la droite, ce qui modifie la symétrie , habituelle de la présentation des figures.

I:aspect le plus novateur du tableau consiste dans la structure de sa composition, qui abandonne définitivement l'organisation géométrique des retables de la fin du xve siècle.

Vénus, dans une pose difficile, cherche inutilement à retenir Adonis, qui va périr dans un accident de chasse.

...

Dans sa lettre accompagnant l'envoi de ce tableau au roi d'Espagne Philippe Il, Titien indique que, pour créer une agréable confrontation dans la collection royale, il a choisi de donner à Vénus une pose de dos qui complète en quelque sorte la pose fronta le de Danaé dans une autre toile.

Le Pfsonnage d'Adonis est representé dans le contrapposro classique, mais Titien reste éloigné des citations et raffinements maniéristes.

.A. Titien, Vénus et Adonis, 1553 Madrid, Museo del Prado

LES ARTISTES • 36 1

Titien De part et d'autre de la niche centrale, les deux statues de Moïse et de la sibylle de /'Hellespont (ou marpésienne) ont l'aspect évanescent de fantômes.

Artiste capital de l'école anversoise, Joas Van Cleve recueille et interprète avec sensibilité les enseignements de ses nombreux voyages et il synthétise en son style éclectique maints modèles artistiques européens.

La scène est située dans une niche flanquée de pilastres et surmontée d'un fronton à bossages, avec un cul-de-four revêtu de mosaïques dorées.

À la mCJrt de Titien, cette toile n'était pas parfaitement terminée; les quelques zones inachevées, comme l'angelot portant une grande torche, ont été complétées par Palma le j eune.

Par son activité qui s'étend de la tra dition des « primitifs » flamands jusqu'au cœur du

un rôle crucial, à la fois recueillant et diffusant les leçons de la peinture internationale. À cet égard, son goût des voyages le conduit naturellement dans plusieurs pays, tout en restant fid èle à la ville d'A nvers et à la guilde locale des peintres, où il est inscrit en 1511,

iconographiques et stylistiques italiens. L'œuvre principa le de sa première période d'activité anversoise est le triptyque de La Mort de la

Vierge Marie (1515, aujourd'hui conservé à Cologne). Vers 1520, il fait un voyage à travers l'Europe (mais les documents font défaut), dont l'une des étapes principales est l'Italie, et en particulier Gênes, où il peint pour l'église Santa Maria della Pace le retable de

La Déploration aujourd'hui conservé au musée du Louvre. Lors de

Résidence principale Anvers. Voyages Nombreux, mais pas tous attestés: pendant sa jeunesse, séjours

à Bruges, et, dans sa maturité, séjours probables à Gênes et à Fontainebleau.

du roi François Jcr, et enfin en Angleterre, sa manière s'enrichit de

à Joachim Patenier (dans ses paysages rocheux largement o uverts)

et

l' hommage

à

Albrecht Dürer (dans ses portra its raffinés, dont ceux de François Jcr et de son épouse Éléonore de Habsbourg exé-

362 • LES ARTISTES

École nationale Flamande.

Œuvres principales

la Vierge Marie ), la référence

.a. Titien, La Pietà, vers 1576 Venise, Gallerie dell'Accademia

Joos Yan der Beke, dit Van Cleve; Clèves ou Anvers, vers 1485 Anvers, 1540.

La Mort de la Vierge Marie (1515, Cologne,

Vinci (manifeste surtout dans

~ Joas Van Cleve, Portrait d'Éféonore de Habsbourg, sœur de l'empereur Charles Quint et épouse du roi de Fronce François I" , 1530 Vienne, Kunsthistorisches Museum

)

ses nombreux voyages ultérieurs, en Allemagne, en France, à la cour

la typologie de ses visages de

En bas à droite, Titien a appuyé au socle de la statue un ex-voto demandant à la Vierge Marie que son ris Orazio et lui-même échappent à la peste: néanmoins, tous deux mourront pendant l'épidémie de 1576, Orazio de la peste proprement dite, au lazaret, et Titien d'une maladie restée indéterminée.

,.

,.....

maniérisme internation al, le peintre anversois Joos Van Cleve joue

com posa ntes éclectiques , où l'on perçoit l'influence de Léo nard de

Le corps de JésusChrist, inanimé et portant les marques de son martyre, est un exemple extrême de non finito («inachevé »).

... -..

'

Joos Van Cleve

mais dans laquelle il se fait le promoteur de l'introduction de motifs Titien, alors âgé de plus de quatre-vingts ans, a donné ses propres traits au personnage du vieillard Nicodème: ce tableau était destiné à orner son tombeau, mais il n'a jamais été utilisé à cette rn.

.·,,.... ·."

cutés en 1530, lors de son séjour à Fontainebleau, voir

Wallraf-Richartz Museum); La Déploration (15251527, Paris, Louvre) . Relations avec d'autres artistes

Élève de Jan Joest, il fait à Bruges la connaissance de Gérard David. À Anvers, il est en rapport avec les maîtres locaux

(Mabuse, Patenier, Metsys). À l'occasion de ses voyages, il encre en contact avec

des artistes de diverses écoles (les léonardesques, Fontainebleau).

ci-contre).

LES ARTISTES • 363

Maerten Va n Heemskerck

Élève de Jan Van Score/, puis son rival, il est l'un des peintres hollandais du XVI• siècle les plus intéressants et l'un des plus insaisissables. Sa production, variée et empreinte de vivacité, offre de remarquables surprises.

Maerten Van Heemskerck

Il s'agit en réalité d'un «double » autoportrait, où l'on perçoit une touche de souriante complicité.

Recouvert d'une végétation grim pante, le Colisée incite à la réflexion sur la grandeur et la décadence de /'Antiquité classique.

Les fortes différences de suj et et de manière qui ma rquent sa longue 1-leemskerk (Utrecht), 1498 - Haa rlem, 1574.

carrière semblent la caractéristique majeure de sa production : il présente de son époq ue une interprétation vive et vari ée, dans un style

École nationale Hollandaise.

so uple caractérisé par l'excell ence constante du dessin . La première

Résidence principale H aarlem.

portrait, genre où il s'affirme ra pidement (voir p. 70), au point de sus-

phase de son activité, dans l'a telier de Jan Van Score!, est consacrée au

Voyages Long séjour à Ro me (1532-1536); déplacements à Anvers.

citer la jalousie de son maître et d'être conduit à partir pour Rome

Œ uvres principales Groupe familial (vers 1530, Kassel, Staatliche Ku nstsammlungen, voir p. 70); Vénus et Amour (1545, Cologne, WallrafRichartz Museum, voir ci-contre).

capable de dépasser la manière raphaélesque des « romanistes » d' An -

Relations avec d'autres artistes Penda nt son séjour

réa lisatio n de ces œuvres «élevées » alterne avec la production de por-

à Rome, il rencontre Michel-Ange. li est en rapport avec les milieux artistiques flamands (Anvers) et hollandais (Utrecht).

compositions aux détails surprenants, qui laissent présager les déve-

(] 532 ). Les quatre années qu ' il passe dans la Vi ll e éternelle font de lui l' un des artistes no rdiqu es les plus informés et les plus origina ux,

vers grâce à la fo rce plastique et dramatique de la sculpture classique et de Michel-Ange (voir p . 45 ). De reto ur dans sa patrie, il donn e à son style un to ur maniériste particulier, qui s'exprime dans les épisodes mythologiques comme dans les scènes religi euses a u graphisme nerveux , où se perçoit le souvenir du Po ntormo et du Parmesan. La

traits prosaïques et efficaces, de natures mortes, paysages et a utres

loppements futurs de la peinture « de genre » dans les Pays-Bas.

Le peintre se montre au tout premier plan à gauche, alors dans son âge mûr, et en m ême temps il rappelle son séjour à Rome il y a quelque vingt ans en se représentant sous l'aspect d'une petite figure occupée à dessiner l'immense squelette du Colisée. • Maerten Van Heemskerck,

Vénus et Amour, 1545 Cologne, Wallraf- Richartz Museum

.t. Maerten Van Heemskerck,

Autoportrait devant le Colisée, 1553 Cambridge, Fitzwilliams Museum

364 • LES ARTISTES

LES ARTISTES • 365

·~ Successeur de Raphaël dans la charge de conservateur des antiquités vaticanes, Jan Van Score/ est l'artiste emblématique du goût italianisant qui imprègne l'art hollandais et flamand.

Venise doit à la lumineuse palette iridescente de Véronèse la plus heureuse image de sa gloire: le peintre sait transformer quelque sujet que ce soit en une allégresse solaire.

1

Jan Van Scorel Schoorl (Alkmaar), 1495 - Utrecht, 1562. École nationale Hollandaise. Résidence principale Haarlem. Voyages Expérience de jeunesse de « Wanderjiihre » («années de voyages»): après quelques étapes dans son pays (Amsterdam, Utrecht), long voyage entre l'Allemagne (Nuremberg) et l'Italie (Venise et Rome).

Jan Van Score!, dont le surnom rappelle la cité

Véronèse fait son apprentissage dans l'atelier du peintre véronais

hollandaise dont il est originaire, s'est formé

Antonio Badile, et le Retable Giustiniani pour l'église San Francesco

dans la ville voisine d' Alkmaar, petit centre artistique dont la tradi-

della Vigna marque en 1551 ses débuts sur la scène vénitienne; il en

tion picturale est caractérisée par un sens aigu du réalisme. li com-

devient rapidement l'un des protagonistes les plus admirés grâce à son

plète ses expériences de jeunesse à la faveur de séjours à Amsterdam

exceptionnelle capacité de rendre vivantes et concrètes les allégories

de s'établir à Haarlem, il entreprend un long voyage à travers l'Eu-

diatement aimable. Son succès se mesure au nombre sans cesse crois-

Vénitic.:1111l',

rope qui, en quatre ans, le conduit jusqu'en Palestine en passant par

sant des commandes, dans les domaines les plus divers: tableaux

des étapes fondamentales comme Nuremberg, où il fait la connais-

d'autel, œuvres pour collectionneurs, grandes allégories officielles

Résidence principale Vc,m,·.

sance d' Albrecht Dürer, Venise et surtout Rome. Dans la Ville éter-

(voir ci-dessous et p. 369), fresques dans les villas de l'arrière-pays

École nation.tic

nelle, où son séjour coïncide avec le court pontificat de son

vénitien, comme le cycle de la villa palladienne Barbaro, à Maser (voir

compatriote Adrien VI d'Utrecht, il étudie les œuvres de Michel-

p. 106). Ses compositions profanes, abondant en figures vêtues de

Ange et de Raphaël, et il exerce la haute charge de conservateur des

parures somptueuses et vibrant souvent d'une touche de séduisante

antiquités vaticanes. Au retour dans sa patrie, il met à profit ces mul-

sensualité, ont un succès constant sur le marché, au point qu'il produit

tiples expériences culturelles en proposant une peinture nouvelle,

nombre de répliques de certains de ses sujets. L'un de ses préférés est le « festin », qu'il traite en de vastes compositions où le thème sacré

Sainte Marie-Madeleine

(par exemple, la Cène ou les noces de Cana) se traduit en une specta-

(vers 1528, voir ci-contre).

résolument tournée vers le maniérisme

culaire fête princière; toutefois, les réactions de !'Inquisition à l'en-

naissant. Dans cette orientation, il est

contre du Repas chez Lévi (1573, Venise, Gallerie dell'Accademia,

.. Jan Van Scorel, Sainte Marie-Madeleine (détail), vers 1528 Amsterdam, Rijksmuseum

366 •

Véronèse; Vt.•rrnu· 1

les plus complexes, auxquelles il donne une force expressive immé-

de la tradition flamande et au contraire

Albrecht Dürer, les maîtres vénitiens du début du XVI' siècle et Raphaël. Parmi ses élèves se distingue Maerten Van Heemskerck.

Paolo Calia11, d,t l'.1111

et à Utrecht (1517-1519), où il étudie la peinture de Mabuse. Avant

Œuvres principales

il connaît directement

1

1528 - Venise, 1SHH

presque totalement affranchie du souvenir

Relatio ns avec d'autres artistes Dans sa jeunesse,

Véronese

intéressant de noter la présence d'éléments vénitiens (Giorgione et Titien) qui se substituent aux scénographies fantastiques de Joachim Jérôme Bosch. Parmi les meilleurs élèves

voir p. 3 70-3 71) mettent un frein

à son exubérance. Une subtile mélancolie aristocratique imprègne parfois dernières œuvres et se

transforme

en

qu'il a formés, il faut signa-

une profonde médi-

ler Maerten Van Heem-

tation des mystères

skerck, dont le talent précoce

chrétiens dans ses

suscite sa jalousie et son antipathie.

ultimes religieux.

tableaux

Voyage, Différc,m déplacemenis en Vénétie. Œuvres principales Fresques dans la villa Barbara, à Maser (vers 1560, voir p. 106); ensemble de tableaux dans le pa lais des Doges (voir p. 233 et 369);

Le Repas chez Lévi (1573, Venise, Gallerie del!' Accademia, voir p. 370-371 ). Relations avec d'autres artistes Très intenses avec tous les artistes vénitiens du xv1e siècle, en particulier avec Giambattista Zelotti, Titien, le Tintoret, Andrea Palladio et le sculpteur Alessandro Virtoria (voir p. 89).

-. Véronèse, La Musique, 1556-1557 Venise, Libreria Marciana

LES ARTISTES • 367

Véro nése Les grandes colonnes cannelées et la composition en diagonale sont un témoignage manifeste de l'admiration que Véronèse porte au Retable Pesaro de Titien, peint quelque cinquante ans plus tôt (voir p. 360).

Junon, la reine de /'Olympe classique, fait pleuvoir du haut du ciel des dons précieux: gloire, paix, majesté, richesses.

Cette toile a une profonde signification politique: parmi les «dons» de Junon figure bien en vue le bonnet à corne, couvre-chef symbolique du pouvoir du doge.

A peine âgé de vingt-cinq ans, Véronèse inaugure avec cette œuvre sa longue activité dans le palais des Doges, et il devient bien vite le principal res/Jonsable des entreprises décoratives officielles de la République sérénissime.

La figure allégorique de Venise, assise sur un lion, animal emblématique de saint Marc, est une jeune femme blonde, d 'une beauté florissante. .à Véronèse,

Le Mariage mystique de sainte Catherine, 1575 Venise, Gallerie dell'Accademia

Le goût habituel de Véronèse pour un chromatisme exceptionnellement riche, rehaussé d'éclatants effets de lumière, atteint ici carrément au fastueux, que les anciens commentateurs célébraient déjà.

Marco Boschini (1613-1678), auteur de traités et de «critiques » sur l'art aussi bien en prose qu'en vers, écrit que Véronèse « recouvre les habits d'or, et de perles, et de rubis, et d'émeraudes, et de saphirs plus que fins, et de diamants très purs et parfaits ».

~ Véronèse, Junon répond ses dons sur Venise, 1553- 1554 Venise, palais des Doges, salle du Conseil des Dix

LES ARTISTES • 369

Véronèse Véronèse situe la scène sous trois grandes arcades de style palladien qui donnent une impression de décor pour spectacle théâtral, impression renforcée par les édifices représentés en perspective à l'arrière-plan, comme sur une toile de fond. Cette composition grandiose était destinée au réfectoire du couvent dominicain des Santi Giovanni e Paolo (ou San Zanipolo en vénitien); elle avait été commandée pour remplacer une Cène de Titien détruite par un incendie en 1571, alors que le local avait été affecté à des usages militaires à l'époque de la guerre contre les Turcs.

L'affairement avec lequel serviteurs, bouffons et invités se pressent sur les escaliers et le palier est particulièrement spectaculaire, et il suggère bien l'animation d'un fastueux banquet profane.

.l Véronèse, Le Repas chez Lévi, 1573 Venise, Gallerie dell'Accademia

370 • LES ARTISTES

Jésus-Christ et les apôtres sont environnés d'une foule de personnages en vêtements contemporains, dont bon nombre, dans des attitudes désinvoltes, semblent tout à fait indifférents à l'épisode évangélique.

Le tribunal de /'Inquisition, réuni à la demande des pères du couvent dominicain, estima cette représentation inacceptable: il accusa le peintre de manquer aux préceptes de l'iconographie catholique et lui demanda de respecter la sobriété et la lisibilité qui conviennent à un sujet religieux. Pour sa défense, Véronèse, tout en jouant la candeur, plaida avec fermeté la liberté de l'artiste.

Au terme du procès, Véronèse n'accepta d'apporter à son œuvre que quelques rares modifications, mais il en changea le titre, de Cène en Repas chez Lévi, ce qui démontrait que les inquisiteurs avaient eu raison de stigmatiser la difficulté d'identifier le sujet exact de la toile.

LES ARTISTES• 371

Peter et Hermann Vischer

Peter Vischer et son fils Hermann, membres d'une famille renommée de sculpteurs du XVI• siècle, assurent la transition du style gothique tardif à une forme de Renaissance nordique.

Plutôt que d'une sculpture, on peut parler d'un chef-d'œuvre d'orfèvrerie de taille monumentale, qui confirme la vocation particulière de Nuremberg pour le travail raffiné des métaux.

Cette magnifique tombe reliquaire en bronze est extrêmement originale: il s'agit en effet d'une sorte de baldaquin, soutenu par de fines colonnes et couronné de trois petits dômes ajourés avec arcs-boutants et flèches.

Peter et Hermann Vischer Les Vischer sont les principaux représentants de la sculpture en bronze Peter l'Ancien: Nuremberg, vers 1460-1529; Hermann: Nuremberg, vers 1486 -1517. École nationale Allemande. Résidence principale Nuremberg. Voyages Déplacements dans l'Allemagne et le Tyrol; pour Hermann,

voyages aussi à Meissen et à Cracovie.

Œuvres principales Statues monumentales

pour la tombe de l'empereur Maximilien Je, de Habsbourg (1513, Innsbruck, Hofkirche, voir p. 168). Relations avec d'autres artistes

En rapport avec le milieu artistique de Nuremberg (Albrecht Dürer, Veit Stoss) et avec la cour de Maximilien (er

(Albrecht Altdorfer). ~

Peter Vischer l'Ancien,

Autoportrait, détail du tombeau reliquaire de saint Sébald, vers 1519 Nuremberg, ég lise Saint-Sébald

de la Renaissance allemande. S'appuyant sur la tradition artisana le de sryle gothique (tombe d'un archevêque dans la cathédra le de Magdebourg, 1488), et grâce à la connaissance de l'art italien qu'il acquiert par l'intermédiaire des humanistes de sa cité, Peter l'Ancien prend progressivement une conscience plus « intellectuelle ,, de sa manière. Son activité se développe à l'époque de l'apogée artistique de Nuremberg, ville ouverte à la culture Renaissance mais en même temps gardienne d'une tradition artisanale de haute qualité; il noue un dialogue profitable avec son concitoyen Dürer, dont il partage a u moins en partie l'évolution srylistique et même quelques moments de la carrière, par exemple auprès de Maximilien Jer en 1513. En 1519, il réalise quelques-unes des statues de bronze encadrant le tombeau de l'empereur dans la Hofkirche d'lnnsbruck (p. 168) et, cette même année, il achève la tombe reliquaire du saint éponyme dans l'église Saint-Sébald de Nuremberg (ci-dessous et ci-contre). À l'exécution compliquée de ce chef-d'œuvre, éta lée sur plusieurs années avec de notables modifications du projet originel, concourt notamment Hermann, l'aîné et le plus doué de ses fils, dont la mort précoce interrompt la carrière très prometteuse (œuvres pour Meissen et la cathédrale de Cracovie). La tradition familiale se poursuit avec les deux autres fils de Peter l'Ancien, Peter le Jeune et Hans, qui collaborent d'abord avec leur père, puis suivent une voie autonome vers le maniérisme.

372 • LES ARTISTES

Le petit édifice à la fine Tous les éléments ornementaux, architecture créé par Peter des minces colonnes aux Vischer soutient et nombreuses statuettes, s'inspirent clairement d'un vocabulaire abrite la châsse reliquaire de saint Sébald, œuvre classique, mais l'ensemble témoigne encore du goût du gothique tardif en argent doré plus ancienne et bien mise en valeur. pour la virtuosité.

.i. Peter Vischer l'Ancien et son atelier, tombeau reliquaire de saint Sébald, 1507-1519 Nuremberg, ég lise Saint-Sébald

LES ARTISTES • 373

ANNEXES Chronologie Index des artistes

.,. Pieter Bruegel l'Ancien, Noce paysanne (détail, voir l'ensemble p. 271). vers 1568 Vienne, Kunsthistorisches Museum

Matthias Grünewald achève le Retable d'Issenheim (voir p. 160 et 310-311). Mort de Giovanni Bellini; Titien (voir p. 357) devient le peintre officiel de la République

1521

1513

sérénissime de Venise.

de « manuélin » au style

À la mort de Jules ll, le Florentin Jean de Médicis, fils de Laurent le Magnifique, est élu pape et prend le nom de Léon X (voir p. 215). Composition de deux traités fondamentaux sur la politique et la vie de cour, Le Prince, de Nicolas Machiavel, et Le Parfait Courtisan, de Baldassare Castiglione.

1517

À Rome, Michel-Ange achève la voûte de la chapelle Sixtine (voir p. 48, 79, 98-99, 214 et 324-325)

Chronologie

et commence à travailler au monument funéraire du pape

Jules 11.

1500 Naissance à Gand de Charles de Habsbourg, le futur empereur Charles Quint (voir p. 119, 122, 150, 182 et 183). Pedro Alvarez Cabral prend possession du Brésil au nom du Portugal. À Rome, Michel-Ange achève La Pietà de la basilique Saint-Pierre. Albrecht Dürer célèbre sa réussite sociale avec un Autoportrait, conservé aujourd'hui à Munich (voir p. 247).

1501 Michel-Ange commence son David (voir p. 15). Fondation de l' université de Vienne.

1502 À Florence, il est décidé de décorer la Salle des Cinq Cents du Palazzo Vecchio avec deux Batailles, l'une commandée à Léonard de Vinci et l'autre à Michel-Ange. Léonard de Vinci commence La Joconde (voir p. 14). À Venise, Vittore Carpaccio commence le cycle de peintures destiné à la Scuola di San Giorgio degli Schiavoni. Albrecht Dürer commence la série de gravures de la Vie de la Vierge Marie.

Pie Ill, le cardinal Giuliano Della Rovere est élu pape et prend le nom de Jules Il. Vers cette époque, Jérôme Bosch peint le triptyque du Jardin des délices (voir p. 263).

1504 Mort d' Isabelle la Catholique; sa fille Jeanne la Folle devient reine de Castille.

À Rome, Bramante commence la Cour du Belvédère au Vatican.

1505 En Amérique du Nord, Sébastien Cabot explore l'estuaire de !'Hudson . Vers cette époque, Giorgione peint le Retable de Caste/franco et La Tempête (voir p. 37).

1506

1508 Maximilien I" de Habsbourg, proclamé empereur, remporte de grandes victoires contre les possessions de Venise. À Rome, Michel-Ange est chargé de peindre à fresque la voûte de la chapelle Sixtine (voir p. 48, 79, 98-99, 214 et 324-325); Raphaël (voir p. 339) commence la Chambre de la Signature (voir p. 16-17).

Giovanni Bellini peint La Fête des dieux pour Alphonse d'Este, duc

de Ferrare, conservée aujourd'hui à Washington.

1509 Henri VIII Tudor est proclamé roi d'Angleterre (voir p. 206). Érasme, natif de Rotterdam (voir p. 21), publie l'Elogium insaniae (Éloge de la folie).

J

1510

Albrecht Dürer est en Italie pour la deuxième fois. Il peint La Madone du Rosaire (ou La Fête du Rosaire), conservée aujourd'hui à Prague (voir p. 43). Mort d' Andrea Mantegna à Mantoue. Sigismond I" Jagellon monte sur le trône de Pologne (voir p. 143). À Rome, est retrouvé le groupe de marbre du Laocoon (voir p. 32), cependant que Bramante jette les fondations de la nouvelle basilique Saint-Pierre.

1511

Après avoir vaincu à Marignan les mercenaires suisses alliés au

Les découvertes se poursuivent

au-delà des mers; les Espagnols exploitent des mines d'or à Cuba, les Portugais occupent Malacca. À Rome, Raphaël achève la Chambre de la Signature et commence la Chambre d'Héliodore (voir p. 18-19). À Nuremberg, Albrecht Dürer peint L' Adoration de la Sainte Trinité (Autel Landauer), conservée aujourd'hui à Vienne (voir p. 290).

1507

1512

La régente Marguerite d'Autriche

Après la mort d'Alexandre Vl Borgia et le bref pontificat de

(voir p. 181) fait de Bruxelles la capitale des Pays-Bas.

Les Médicis reprennent le pouvoir à Florence avec l'appui du roi de France Louis XII.

Bramante meurt à Rome. Quentin Metsys, représentant de l'école naissante d'Anvers, peint Le Changeur et sa femme, conservé aujourd'hui à Paris (voir p. 179). Albrecht Dürer grave Melencolia T (voir p. 108).

1515

Mort de Giorgione à Venise et de Sandra Botticelli à Florence.

1503

376 • ANNEXES

1514

)

duc Massimiliano Sforza, le roi de France François J" (voir p. 41, 196 et 277) occupe Milan. Le sculpteur Anton Pilgram achève la chaire de la cathédrale SaintÉtienne à Vienne (voir p. 9). Achèvement du palais de Hampton Court, aux portes de Londres, destiné au cardinal et lord-chancelier Wolsey (voir p. 126).

1516 À la mort de Ferdinand le Catholique, C ha rles de Habsbourg devient roi d'Espagne sous le nom de Charles Je< («Carlos Primera ») . Traité de Noyon entre l'empereur

Maximilien fer et Venise.

Martin Luther (voir p. 60) affiche ses

>,

ouvrant ainsi une crise irréversible

dans la chrétienté occidentale. À Florence, Andrea del Sarto peint La Madone aux harpies (voir p. 253). Introduction du café en Europe; le cacao arrivera trois ans plus tard.

1518 Paix de Londres entre l'Angleterre, la France, l'Espagne, le Saint Empire et la papauté. À Venise, Titien peint L'Assomption de la Vierge Marie (voir p. 231). À Parme, le Corrège peint à fresque la Camera della Badessa dans le couvent San Paolo (voir p. 279).

1519 Mort de Maximilien J" de Habsbourg; Charles J" d'Espagne est élu empereur (Charles Quint). Mort de Léonard de Vinci au Clos-Lucé, près d'Amboise. Le Portugais Fernao de Magalhiies (Fernand de Magellan) entreprend le premier voyage de

Les Turcs conquièrent Belgrade. Mort du roi du Portugal Manuel J" le Grand, qui a encouragé les grandes explorations géographiques; on a donné le nom Renaissance portugais (voir p. 21 l). Melanchthon publie les Loci communi rerum theologicarum, principal ouvrage doctrinal des premières années de la Réforme. CEspagnol Hernan Cortés (ou Fernand Cortez) conquiert l'empire aztèque au Mexique. Rosso Fiorentino peint La Descente de croix pour Volterra (voir p. 34 7).

1522 Le Flamand Adrien Floriszoon est élu pape et prend le nom d' Adrien Vl.

1523 À la mort d ' Adrien Vl, Jules de Médicis est élu pape et prend le nom de Clément VII (voir p. 217); il poursuit la politique de commandes artistiques de son oncle et prédécesseur Léon X. Gustave Vasa devient roi de Suède. Andrea Grirri est élu doge de Venise (voir p. 232) et incite à une profonde rénovation urbaine.

Hans Holbein le Jeune peint le Portrait d'Érasme, conservé aujourd' hui à Paris.

circumnavigation .

1524

En Suisse, Ulrich Zwingli prêche la Réforme.

Giovanni da Verrazano explore la côte est de l'Amérique du Nord.

1520

1525

Le pape Léon X excommunie Martin Luther. Soliman le Magnifique devient sultan. Révolte en Suède contre le roi de Danemark C hristian Il. À Rome, mort de Raphaël, qui laisse inachevée La Transfiguration (voir p. 342).

Débuts de la guerre des Paysans en Allemagne. Albert de Hohenzollern, dernier grand maître de l'ordre des chevaliers teutoniques, reconnaît la suzeraineté du roi

de Pologne Sigismond '" Jagellon. Bataille de Pavie (voir p. 184- 185): les Espagnols l'emportent

CHRONOLOGIE• 377

définitivement sur les Français pour la domination de l'Italie.

Rhodes en 1522 par les Turcs, s'installent à Malte.

1526

1531

Bataille de Mohacs: les Turcs

Les princes allemands partisans de la Réforme constituent la ligue de Schmalkalden contre l'empereur Charles Quint.

entreprennent la conquête

de presque toute la Hongrie. Luther publie les deux volumes de son Catéchisme; la Réforme est désormais répandue dans une grande partie de l'Allemagne. Lucas de Leyde peint dans sa ville natale le Triptyque du Jugement dernier. Albrecht Dürer peint Les Quatre Apôtres, conservés aujourd'hui à Munich (voir p. 291).

1527 Sac de Rome par les troupes de l'empereur Charles Quint; la dispersion internationale des artistes qui en résulte permettra notan1ment le lancement

du chantier du nouveau château de Fontainebleau. À Florence, la république est rétablie. Naissance à Valladolid du futur roi d'Espagne Philippe ]] (voir p. 171 et 188).

1528

1532 Début des travaux de la galerie François Jec à Fontainebleau (voir p. 199). À Mantoue, Jules Romain commence à peindre la salle des Géants dans le Palazzo del Te (voir p. 52-53). Rabelais publie Pantagruel, qui sera suivi de Gargantua en 1534.

1533 Naissance de la future reine

Élisabeth Jce d'Angleterre (voir p. 188 et 204), fille du roi Henri VIII Tudor et d'Anne Boleyn. Francesco Pizarro conquiert

l'empire des Incas au Pérou. Hans Holbein le Jeune peint à Londres Les Ambassadeurs (voir p. 134 et 316-317). I.:empereur Charles Quint nomme Titien pintor primera (