Les nouvelles théories des rapports mathématiques du XIVe au XVIe siècle 9782503530673, 2503530672

Entre le XIIIe siècle et le XVIe siècle se développent en Europe de nouvelles théories des rapports et des proportions m

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Les nouvelles théories des rapports mathématiques du XIVe au XVIe siècle
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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES DU XIVe AU XVIe SIÈCLE

DE DIVERSIS ARTIBUS COLLECTION DE TRAVAUX

COLLECTION OF STUDIES

DE L’ACADÉMIE INTERNATIONALE

FROM THE INTERNATIONAL ACADEMY

D’HISTOIRE DES SCIENCES

OF THE HISTORY OF SCIENCE

DIRECTION EDITORS

EMMANUEL

POULLE

ROBERT

HALLEUX

TOME 92 (N.S. 55)

F

LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES DU XIVe AU XVIe SIÈCLE

Sabine ROMMEVAUX

F

Publié avec le soutien de la Région Wallonne.

© 2014 Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise, without the prior permission of the publisher

D/2014/0095/42 ISBN 978-2-503-53067-3 Printed on acid-free paper

INTRODUCTION1

Au XIVe siècle, à Oxford, des maîtres ès arts, dont Thomas Bradwardine, William Heytesbury, Richard Kilvington ou Richard Swineshead, s’interrogent sur la question du mouvement2. Ils se demandent quelle relation on peut établir entre la rapidité d’un mouvement, la puissance du moteur et la résistance du mobile3. Dans sa Physique, Aristote avait expliqué, par exemple, que si un moteur meut un mobile avec une certaine rapidité, un moteur de puissance double meut un mobile ayant une résistance double avec la même rapidité4. Il y aurait ainsi une relation de proportionnalité entre les rapidités, les puissances des moteurs et les résistances des mobiles. Les maîtres d’Oxford proposèrent d’interpréter cette proportionnalité ainsi : les rapidités sont proportionnelles aux rapports entre puissances et résistances5. Cette règle du mouvement fait l’objet du Traité sur les rapports ou traité Sur les rapports entre les rapidités dans les mouvements rédigé en 1328 par Thomas Bradwardine (ca. 1300-1349)6. À cette occasion, ce dernier propose un exposé de la théorie des rapports et des proportionnalités arithmétiques, géométriques et harmoniques. Le Traité sur les rapports eut un succès immédiat et fut connu dans les universités de toute l’Europe, dès le milieu du

1. Je remercie Edith Sylla pour ses remarques qui m’ont poussée à consolider mon argumentation. 2. Voir par exemple John Murdoch & Edith D. Sylla, « The science of motion », in David C. Lindberg (ed.), Science in the Middle Ages, Chicago-London, The University of Chicago Press, 1978, p. 206-264 ; en particulier p. 223-231. 3. Reprenant le vocabulaire aristotélicien, ces auteurs parlent de « moteur » c’est-à-dire de ce qui meut, et de « mobile » c’est-à-dire de ce qui est mû. La puissance du moteur est sa capacité d’agir ; la résistance du mobile, ou sa puissance résistive, est sa capacité à s’opposer à l’action du moteur. 4. Aristote, Physique, VII, V, 250a 4-6. 5. Cette règle du mouvement est en général attribuée à Thomas Bradwardine. Elzbieta Jung soutient que la règle a d’abord été énoncée par Richard Kilvington, dans ses Questions sur la Physique (voir Elzbieta Jung-Palczewska, « Works by Richard Kilvington », Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 67 (2000), p. 181-223 ; en particulier, p. 207-214). Mais la chronologie entre les œuvres de ces deux auteurs n’est pas totalement assurée. Et il faut noter que Kilvington ne donne pas un énoncé général de la règle du mouvement, mais se contente de cas particuliers.

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siècle7. Les notions fondamentales de la théorie des rapports qui y sont présentées seront reprises jusqu’au XVIe siècle. Parmi les auteurs qui ont repris la règle du mouvement de Thomas Bradwardine figure Nicole Oresme, maître ès arts parisien (ca. 1320-1382). Dans son traité Sur les rapports de rapports8, composé entre 1351 et 1360, ce dernier développe une théorie permettant de donner un fondement mathématique solide à la règle du mouvement. Il s’agit en effet d’expliquer comment on peut définir une proportionnalité entre d’une part des rapidités et d’autre part des rapports entre des puissances et des résistances, soit entre des choses quantifiables (les rapidités) et des relations (un rapport est défini comme étant une relation entre des quantités) ; traditionnellement, on n’a de proportionnalité qu’entre des quantités. Pour ce faire, Nicole Oresme met en place une théorie des rapports, inspirée par sa lecture du traité de Thomas Bradwardine. Cette théorie des rapports, esquissée par Thomas Bradwardine et développée par Nicole Oresme, est l’objet de ce livre. Nous montrerons dans quelles traditions elle s’ancre et comment elle les dépasse par des glissements conceptuels ou l’introduction de notions nouvelles. Nous verrons comment elle a été reprise, amplifiée ou rejetée. Nous examinerons aussi les innovations qu’elle permet. Nous accorderons une place importante à la théorie oresmienne des rapports de rapports, dont la construction théorique est particulièrement intéressante pour l’histoire des mathématiques, en raison de la maîtrise des XIV

6. Thomas Bradwardine rédigea ses ouvrages de mathématiques, de logique et de philosophie naturelle, alors qu’il était fellow au collège de Merton, entre 1324 et 1335. Il rejoignit ensuite l’entourage de Richard de Bury, alors évêque de Durham et entama une carrière ecclésiastique. Il écrivit alors son fameux ouvrage polémique, le De causa Dei contra Pelagium. Bradwardine mourut quelques semaines après avoir été nommé archevêque de Cantorbery en 1349 (voir la notice « Thomas Bradwardine » de Jean Celeyrette dans Dictionnaire du Moyen Âge, sous la direction de Claude Gauvard, Alain de Libera, Michel Zink, Paris, Presses Universitaires de France, 2002, p. 1385-1387). Le traité sur les rapports a été édité et traduit en anglais par H. Lamar Crosby dans Thomas Bradwardine. His Tractatus de Proportionibus. Its significance for the Development of Mathematical Physics, Madison, The University of Wisconsin Press, 1955. Voir aussi la traduction française de ce traité : Thomas Bradwardine, Traité des rapports entre les rapidités dans les mouvements, suivi de Nicole Oresme, Sur les rapports de rapports, Introduction, traduction, et commentaires de Sabine Rommevaux, Paris, Les Belles Lettres, 2010. Nous ferons référence au texte latin édité par Crosby sous la forme : Bradwardine, Tractatus de proportionibus, et à la traduction française : Bradwardine, Traité des rapports. 7. Voir Clagett, Marshall, The Science of Mechanics in the Middle Ages, Madison, The University of Wisconsin Press, 1959. 8. Nicole Oresme composa ses ouvrages de mathématiques et de philosophie naturelle alors qu’il enseignait les arts au collège de Navarre entre 1341-1342 et 1356. Devenu maître en théologie en 1356, il fut nommé Grand Maître du Collège de Navarre. À partir de 1362, il commença une brillante carrière ecclésiastique et politique, dans l’entourage du roi Charles V. En 1377, il fut nommé évêque de Lisieux (voir la notice « Nicole Oresme » de Jean Celeyrette dans Dictionnaire du Moyen Âge, op. cit., p. 987-989). Le traité sur les rapports de rapports a été édité et traduit en anglais : Nicole Oresme, De proportionibus proportionum and Ad pauca respicientes, English Translations and Critical Notes by Edward Grant Edited with Introductions, Madison, The University of Wisconsin Press, 1966. Voir aussi la traduction française citée dans la note précédente. Nous ferons référence au texte latin édité par Grant sous la forme : Oresme, De proportionibus proportionum, et à la traduction française : Oresme, Sur les rapports de rapports.

INTRODUCTION

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concepts dont elle fait preuve et des intuitions mathématiques qu’elle dévoile. Nous passerons sous silence le contexte de la théorie du mouvement dans lequel les théories bradwardinienne et oresmienne sont apparues9, afin de porter notre attention sur la construction mathématique. Les sources de la théorie des rapports de Thomas Bradwardine et de Nicole Oresme Lorsque Thomas Bradwardine rédige son Traité sur les rapports, il est l’héritier des mathématiciens grecs et arabes qui lui ont transmis plusieurs théories des proportions. Il y a avant tout Euclide, qui a exposé dans les livres V et VII de ses Éléments, d’une part une théorie des proportions entre grandeurs continues (c’est-à-dire divisibles à l’infini en grandeurs plus petites), et d’autre part une théorie de la proportionnalité numérique10 ; il faut aussi ajouter le livre X qui présente une théorie de la commensurabilité et de l’incommensurabilité des grandeurs et des lignes, dans laquelle les théories des livres V et VII sont réunies11. On trouve aussi des applications de la théorie des rapports au livre VI pour les figures géométriques planes et aux livres XI à XIII pour les solides. Thomas Bradwardine a accès au traité euclidien grâce à la version composée par Campanus au XIIIe siècle (vraisemblablement dans les années 1260)12. Campanus ne propose pas une traduction des Éléments, mais une version commentée et remaniée pour laquelle il se fonde sur une des versions exécutées au XIIe siècle par Robert de Chester à partir d’une ou de plusieurs traductions ara-

9. Pour une analyse de la théorie du mouvement proposée par Bradwardine et Oresme dans leur traité, voir notre introduction à la traduction française de ces traités. 10. Sur la dichotomie entre grandeurs continues et nombres, qui tous appartiennent à la catégorie aristotélicienne de quantité, voir le commentaire de Bernard Vitrac dans Euclide, Les Éléments. Volume 2. Livres V à IX, « Bibliothèque d’histoire des sciences », Paris, Presses Universitaires de France, 1994, notamment p. 57 (dorénavant cité : Euclide, Les Éléments, vol. 2). Bernard Vitrac revient dans son commentaire (p. 507-508) sur une lecture archéologique des livres d’Euclide qui fait du livre VII la trace d’une théorie des rapports plus ancienne que celle du livre V, expliquant ainsi le double traitement de la proportionnalité, au livre VII pour les nombres et au livre V pour les grandeurs (la plupart des tenants de cette lecture soutiennent que les grandeurs du livre V contiennent aussi les nombres, de sorte que livre VII se trouve être redondant). B. Vitrac critique cette lecture et soutient que c’est la dichotomie entre nombres et grandeurs continues qui justifie que le livre VII soit consacré aux nombres et le livre V aux grandeurs continues desquelles ne font pas partie ces nombres. 11. En effet, les propositions 5 et 6 du livre X expliquent que le rapport entre deux grandeurs continues est comme le rapport d’un nombre à un nombre, si et seulement si ces grandeurs sont commensurables. 12. La version de Campanus a été éditée par Hubert L. L. Busard, Campanus of Novara and Euclid’s Elements, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2005 (cette édition diffère sur de nombreux points de l’édition de Ratdolt de 1482). Nous ferons référence à l’édition moderne sous la forme : Campanus, Elements.

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bes13. John Murdoch a bien montré que Campanus avait hérité de définitions corrompues dans le livre V, qui ont entaché sa compréhension de la théorie euclidienne des proportions, notamment du rôle de l’équimultiplicité dans cette théorie14. Par ailleurs, Campanus modifie significativement la théorie de la proportionnalité en introduisant dans les définitions du livre VII la notion de dénomination d’un rapport qu’il reprend à l’Arithmétique de Jordanus (XIIIe siècle)15. Campanus hérite aussi d’une théorie de l’irrationalité des lignes, dans le livre X, qui se trouve modifiée par rapport au projet euclidien tel qu’on peut le trouver dans les manuscrits grecs16. C’est donc à ces théories, qui ne sont plus tout à fait euclidiennes, que Thomas Bradwardine a eu accès. Ce dernier est aussi l’héritier de Nicomaque de Gérase, dont l’Arithmétique est transmise dans le monde latin par Boèce (début VIe siècle)17. Il en retient la division des rapports numériques en différents genres et espèces, la nomenclature de ces rapports qui en découle, ainsi qu’une théorie des proportionnalités ou médiétés arithmétiques, géométriques et harmoniques. Thomas Bradwardine fait par ailleurs référence à un traité sur les rapports – que Hubert Busard attribue à Jordanus18 –, dans lequel il retrouve la notion de dénomination d’un rapport présente dans le livre VII de la version des Éléments de Campanus. Il cite enfin l’Épître sur le rapport et la proportion d’A|mad ibn Ynjsuf, mathématicien d’origine égyptienne qui a travaillé à la 13. L’histoire de la version que l’on attribue à Robert de Chester est complexe ; il en existerait plusieurs états. Initialement, le texte ne comporterait que les énoncés compilés à partir d’une ou de plusieurs traductions arabes, comme en témoignent les plus vieux manuscrits conservés. Puis l’auteur, vraisemblablement Robert de Chester, aurait ajouté, en marge, des preuves, souvent résumées. Ces preuves ont été insérées dans le texte par les utilisateurs de cette version, qui les ont retravaillées. Il y a donc des divergences importantes entre les manuscrits au niveau des preuves, mais les énoncés sont semblables (voir Hubert L. L. Busard & Menso Folkerts, Robert of Chester (?) Redaction of Euclid’s Elements, the so-called Adelard II version, Basel-Boston-Berlin, Birkhaüser Verlag, 1992, p. 29-30). Une comparaison des énoncés de Campanus et des énoncés de la version éditée par H. L. L. Busard et Menso Folkerts montre que Campanus a utilisé un texte de cette tradition. 14. Voir John Murdoch, « The Medieval Language of Proportions : Elements of the Interaction with Greek Foundations and the Development of New Mathematical Techniques », in Alistair Cameron Crombie (ed.), Scientific Change, Londres, Heinemann, 1963, p. 237-271 ; en particulier p. 251-261. Voir aussi Sabine Rommevaux, « La similitude des équimultiples dans la définition de la proportion non continue de l’édition des Éléments d’Euclide par Campanus : une difficulté dans la réception de la théorie des proportions au Moyen Âge », Revue d’histoire des mathématiques 13/2 (2007), p. 301-322. 15. Nous y reviendrons dans notre chapitre IV. Voir aussi Sabine Rommevaux, « La proportionnalité numérique dans le livre VII des Éléments de Campanus », Revue d’histoire des mathématiques 5 (1999), p. 83-126. 16. Nous y reviendrons dans notre chapitre III. Voir aussi Sabine Rommevaux, « Rationalité et exprimabilité : une relecture médiévale du livre X des Éléments d’Euclide », Revue d’histoire des mathématiques 7 (2001), p. 91-119. 17. Boèce, Institution arithmétique, texte établi et traduit par Jean-Yves Guillaumin, Paris, Les Belles Lettres, 1995. 18. Ce court traité a été édité, avec un traité fort semblable attribué à Campanus, dans Hubert L. L. Busard, « Die Traktate De proportionibus von Jordanus Nemorarius and Campanus », Centaurus 15 (1971), p. 193-227. L’attribution à Jordanus et Campanus que l’on peut lire dans certains manuscrits n’est pas assurée. Nous parlerons donc des auteurs de ces traités en tant que Ps-Jordanus et Ps-Campanus.

INTRODUCTION

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Maison de la Sagesse à Bagdad au IXe siècle. Cette épître a été traduite en latin au XIIe siècle par Gérard de Crémone19. S’appuyant sur ces autorités, Thomas Bradwardine présente un exposé sur les rapports et les proportionnalités dans son Traité sur les rapports, mais aussi dans sa Géométrie spéculative20 ; il existe quelques différences entre ces exposés, comme nous le verrons. Quant à Nicole Oresme, il puise aux mêmes sources que Thomas Bradwardine, avec une utilisation privilégiée des Éléments de Campanus, en n’oubliant pas ses commentaires. Il cite aussi l’Arithmétique de Jordanus21, le traité d’arithmétique spéculative le plus important du XIIIe siècle, auquel Thomas Bradwardine ne fait pas référence. Nous ne proposerons pas ici un exposé systématique des traités de Thomas Bradwardine et de Nicole Oresme ; nous en retiendrons les éléments fondamentaux qui dessinent le contenu de la théorie des rapports de rapports développée par Nicole Oresme, qui est au cœur de l’étude du mouvement proposée par Thomas Bradwardine. Les notions fondamentales de la théorie des rapports Nous commencerons notre étude en nous penchant sur la manière dont Nicole Oresme construit les rapports de rapports. Dans notre exposé de la théorie oresmienne, nous insisterons sur le rôle qu’y jouent la notion de partie d’un rapport et la conception de la composition des rapports comme une addition. Ce rôle est occulté dans les transcriptions modernes qui interprètent la construction oresmienne à l’aide des puissances fractionnaires de fractions22. L’enjeu de la théorie des rapports de rapports est de pouvoir considérer les rapports comme des quantités susceptibles d’avoir entre elles des rapports. On peut alors leur appliquer la théorie du livre V, mais aussi les définitions du livre X des Éléments. Nicole Oresme parle ainsi de rapports commensurables ou incommensurables entre eux. Nous verrons, dans le chapitre II, selon quels critères il est possible de déterminer si deux rapports donnés sont commensurables ou non. Là encore, la notion de partie d’un rapport joue un rôle fondamental.

19. Voir Sister M. Schrader, The « Epistola De Proportione et Proportionalitate » of Ametus filius Iosephi, Ph. D, The University of Wisconsin, 1961. 20. La Géométrie spéculative n’est pas datée. Elle a sans doute été composée alors que Thomas Bradwardine était fellow au collège de Merton, entre 1324 et 1335. Voir Thomas Bradwardine, Geometria speculativa, Latin Text and English Translation with an Introduction and a Commentary by George Molland, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1989 (cité dorénavant : Bradwardine, Geometria speculativa). 21. Hubert L. L. Busard, Jordanus de Nemore, De Elementis Arithmetice Artis. A Medieval Treatise on Number Theory, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1991 ; cité dorénavant : Jordanus, Arithmetica. 22. Cette transcription est utilisée par Edward Grant dans le commentaire qui accompagne son édition du traité oresmien. Elle est reprise dans de nombreuses études sur le traité oresmien.

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La théorie mise en place par Nicole Oresme, à la suite de Thomas Bradwardine, vaut pour tous les rapports, rationnels et irrationnels. Dans notre chapitre III, nous étudierons la théorie de l’irrationalité qui se cache derrière cette distinction. Il nous faudra revenir sur le livre X dans le texte grec des Éléments et dans la version de Campanus. Et nous verrons que Thomas Bradwardine propose une théorie de l’irrationalité qui s’éloigne de la théorie euclidienne. Notre chapitre IV est consacré à la notion de dénomination, présente dans les traités de Bradwardine et Oresme, sans que ces derniers n’éprouvent le besoin de la définir ; il semble que cette notion leur soit familière. Pour les rapports rationnels, la dénomination – qui est un nombre associé au rapport permettant de nommer le rapport – est définie dans plusieurs textes, mais sous des formes variées. Nous nous poserons la question de l’origine de ces définitions, notamment de leur ancrage dans la tradition grecque. Pour les rapports irrationnels, l’enjeu n’est pas d’associer un nombre aux rapports, mais de les nommer, comme nous le verrons. La construction oresmienne des rapports de rapports a été reçue en Italie, notamment. Elle a suscité des critiques que nous examinerons dans notre chapitre V. Nous verrons qu’elle est en concurrence avec une autre théorie, applicable uniquement aux rapports rationnels, théorie dans laquelle la notion de dénomination joue un rôle central. Un des résultats auxquels nous souhaitons aboutir à l’issue de cette étude est que la notion de rapport est au cœur des théories développées par tous les auteurs étudiés ici, notamment par Thomas Bradwardine et Nicole Oresme qui en font l’objet principal de leurs traités. Il semblerait que cet objet soit plus secondaire dans la théorie euclidienne qui fait plutôt la part belle à la relation de proportionnalité. Pour Bradwardine et Oresme, le rapport est bien au centre : ils se posent la question de sa nature, entre relation et quantité, de ses divisions et de sa dénomination, c’est-à-dire de la manière dont il convient de le nommer. Nicole Oresme en fait aussi un objet de calcul, dans son Algorithme des rapports que nous étudierons dans le chapitre VI et dont nous donnons une édition critique et une traduction française en annexe. La postérité de la théorie des rapports Pour l’examen de toutes ces notions et des questions qu’elles soulèvent, nous ne nous contentons pas d’étudier les traités de Thomas Bradwardine et de Nicole Oresme. Nous élargissons notre corpus à quelques textes des XVe et e XVI siècles dont les auteurs ont eu connaissance de la théorie des rapports de Bradwardine et Oresme23. Notre choix de ces textes a été guidé, avant tout, par 23. Le traité Sur les rapports entre les rapidités dans les mouvements de Thomas Bradwardine a été publié à Paris en 1481 et à Venise en 1505. Dans cette même édition de Venise on trouve le traité Sur les rapports de rapports de Nicole Oresme.

INTRODUCTION

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des considérations théoriques. Il s’agit de prendre en compte des auteurs dont les réflexions mettent en lumière les spécificités mais aussi les questions ou les difficultés posées par la théorie mathématique mise en place par Bradwardine et développée par Oresme. Nous avons accordé une place importante à ceux qui ont critiqué cette théorie, car les critiques permettent souvent de préciser les enjeux, de mettre en lumière les points difficiles ou les incompréhensions. Nous avons aussi choisi d’examiner des théories concurrentes à celle proposée par Bradwardine et Oresme pour montrer que d’autres constructions sont possibles. Afin de rendre compte des difficultés posées par la théorie de Bradwardine et d’Oresme, nous utiliserons les Questions sur le traité des rapports du maître Thomas Bradwardine de Blaise de Parme qui sont un commentaire du traité du maître d’Oxford. Blaise de Parme fut professeur dans plusieurs universités du nord de l’Italie à la fin du XIVe siècle et au tout début du XVe (il est mort à Parme en 1416)24. Il existe deux rédactions des Questions sur le traité des rapports. La première se trouve dans un manuscrit conservé à la bibliothèque Ambrosiana de Milan ; elle date probablement des années 138025. Elle se compose de onze questions, dont les six premières concernent la théorie des rapports. Blaise de Parme rédige une seconde version, quelques années plus tard, alors qu’il enseigne la philosophie naturelle et, dans ce cadre, les mathématiques, à Pavie et à Plaisance, entre 1389 et 140726. Cette seconde rédaction, qui comporte douze questions, dont sept sont consacrées à la théorie des rapports, diffère sensiblement de la première. L’intérêt de ces textes pour notre propos vient du fait que Blaise de Parme y discute les fondements des théories de Thomas Bradwardine et de Nicole Oresme. Nous verrons en particulier qu’il soulève les paradoxes que le choix de certains vocables ou l’énoncé de certaines propriétés peuvent induire. Les critiques et les remarques de Blaise de Parme sont à l’origine d’une tradition textuelle dans lesquelles elles furent reprises27. À cette tradition appartient la Discussion sur le rapport de rapports de Volumnius Rodulphus de Spolète (publiée à Rome en 1516)28, dont nous ne savons rien et auquel aucune

24. Pour une biographie de Blaise de Parme voir Blaise de Parme, Questiones super tractatus logice magistri Petri Hispani, édité par Joël Biard et Graziella Federici Vescovini, « Textes philosophiques du Moyen Âge », Paris, Vrin, 2001, « Introduction », p. 1-14. 25. Voir l’introduction à l’édition de la seconde version de ces Questions dans Blaise de Parme, Questiones circa Tractatum proportionum magistri Thome Braduardini, Introduction et édition critique de Joël Biard et Sabine Rommevaux, « Textes philosophiques du Moyen Âge », Paris, Vrin, 2005, p. 47-48 (cité dorénavant : Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum). 26. Voir Blaise de Parme, Questiones super tractatus logice…, « Introduction », p. 11. 27. Voir, à ce propos, Joël Biard, « La Question sur le rapport entre les mouvements d’Alexandre Achillini », in Joël Biard et Sabine Rommevaux (eds.), Mathématiques et Théorie du mouvement (XIVe-XVIe siècles), Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008, p. 59-80. 28. Volumnii Rodulphi Spoletani de proportione proportionum disputatio, Romae, apud Iacobum Mazochium, 1516.

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étude n’a, à notre connaissance, été consacrée. Nous avons choisi d’examiner ce texte plutôt que d’autres textes appartenant à la même tradition, car il est cité par Christoph Clavius (1538-1612) dans son commentaire au livre V des Éléments d’Euclide (première édition en 1574). Ainsi, c’est grâce à cet ouvrage que le mathématicien jésuite se fait encore l’écho, à la fin du XVIe siècle, des discussions suscitées par la lecture de la théorie des rapports de Thomas Bradwardine et de la théorie des rapports de rapports de Nicole Oresme que Volumnius rejette29. Or l’importance de l’édition des Éléments d’Euclide par Christoph Clavius n’est plus à démontrer. Ses commentaires, en particulier, forment une somme de tout ce qu’il a pu trouver chez ses prédécesseurs ou ses contemporains qui permet une meilleure compréhension du traité euclidien ou qui le prolonge30. L’édition de Clavius des Éléments d’Euclide est un des témoins, parmi d’autres, de la survivance des théories médiévales des rapports à la fin de la Renaissance. À côté de ces textes qui critiquent la construction bradwardinienne et oresmienne, nous examinerons des auteurs qui l’acceptent, la restituent, voire la dépassent. Nous aurons ainsi recours au Livre sur les trois mouvements publié à Paris, en 1509, par le régent portugais Alvarus Thomas (ca. 1485ca. 1521)31. Une partie de ce livre est consacrée à la théorie des rapports : il s’agit pour Alvarus de clarifier les calculs sur les rapports de Richard Swineshead32. Pour ce faire, il s’appuie sur les traités de Thomas Bradwardine et de Nicole Oresme, ainsi que sur le Traité des rapports d’Albert de Saxe qui est un résumé des thèses développées par Bradwardine33. Nous étudierons aussi la partie que Pedro Nuñez (1502-1578) – professeur de mathématiques à l’université de Coimbra et cosmographe du Roi – consacre à la théorie des rapports et des proportionnalités dans son Livre d’algèbre en arithmétique et en géométrie, publié à Anvers en 156734. Il n’est pas étonnant que cette théorie soit évoquée dans un traité d’algèbre puisque, bien souvent,

29. Voir Sabine Rommevaux, Clavius : une clé pour Euclide au XVIe siècle, « Mathesis », Paris, Vrin, 2005, p. 69-72. 30. Ibid., p. 31-58. 31. Alvarus Thomas, Liber de triplici motu proportionibus annexis magistri Thome Ulixbonensis philosophicas Suiset Calculationes ex parte declarans, Paris, Poncet le Preux, 1509 (cité dorénavant : Alvarus Thomas, De triplici motu). Sur Alvarus Thomas, voir Pierre Duhem, Études sur Léonard de Vinci, vol. 3 : Les Précurseurs parisiens de Galilée, Paris, Hermann et Fils, 1913, p. 531-543. 32. Voir Edith D. Sylla, « Mathematics in the Liber de Triplici Motu of Alvarus Thomas of Lisbon », Proceedings of the International Conference : The Practice of Mathematics in Portugal (November 16-18, 2000), Coimbra, The University of Coimbra Press, 2005, p. 109-161. 33. Hubert L. L. Busard, Der Tractatus Proportionum von Albert von Sachsen, Wien-New York, Springer, 1971. 34. Pedro Nuñez, Libro de algebra en arithmetica y geometria, Antwerpen, en la casa de los herederos d’A Birkman, 1567 (cité dorénavant : Nuñez, Algebra). Voir aussi Pedro Nuñez, Obras. Nova ediçao... Vol. 6. Libro de algebra en arithmetica y geometria, Academia de ciencias de Lisboa, Lisboa, Impr. nacional, 1956.

INTRODUCTION

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les proportions sont un des outils utilisés pour démontrer les résultats algébriques. Mais il est remarquable que Pedro Nuñez lui consacre toute une partie, subdivisée en plusieurs chapitres sans lien direct avec le sujet principal de son livre, l’algèbre35. Dans ces chapitres, Pedro Nuñez revient sur les points fondamentaux de l’exposé de Thomas Bradwardine et propose une théorie des rapports de rapports qui s’éloigne sur certains points de celle de Nicole Oresme, même si Pedro Nuñez ne fait pas référence à Bradwardine ou Oresme, ni même à aucun traité qui reprendrait leurs exposés. Nous aurions pu étendre notre corpus à d’autres textes, contemporains de Bradwardine à Oxford, ou postérieurs à Oresme en Europe. Nous avons choisi ceux-ci car ils présentent un intérêt particulier en raison des questions qui y sont soulevées ou des théories alternatives à celles de Thomas Bradwardine et Nicole Oresme que certains proposent.

35. L’histoire de la composition du traité de Pedro Nuñez est complexe et il est probable que la partie sur la théorie des rapports ait d’abord été conçue comme un traité indépendant ajouté ensuite à l’Algebra (voir le commentaire de Victor Hugo Duarte de Lemos dans Pedro Nuñez, Obras. Nova ediçao... Vol. 6..., p. 425-426).

CHAPITRE PREMIER

LES RAPPORTS DE RAPPORTS

Dans son Traité sur les rapports, Thomas Bradwardine énonce la fameuse règle du mouvement comme proportionnalité entre d’une part les rapidités des mouvements et d’autre part les rapports entre les puissances des moteurs et les résistances des mobiles : « […] les rapports des puissances motrices aux puissances résistives et les rapidités dans les mouvements sont proportionnels dans le même ordre, et de même inversement. Et on doit comprendre ici qu’il s’agit d’une proportionnalité géométrique »1.

Lorsque Nicole Oresme, dans son traité Des rapports de rapports, rappelle la règle de Thomas Bradwardine, il en propose aussitôt une reformulation équivalente en termes de rapports de rapports : « La rapidité suit du rapport de la puissance motrice au mobile ou à sa résistance. D’où le rapport d’une rapidité à une autre est comme le rapport du rapport de la puissance de l’un des moteurs à son mobile au rapport de la puissance de l’autre moteur à son mobile »2.

Ainsi, pour deux moteurs A et B donnés qui meuvent respectivement un mobile C et un mobile D, on doit considérer le rapport entre le rapport de PA, la puissance motrice de A, à RC, la résistance de C et le rapport de PB, la puissance motrice de B à RD, la résistance de D et ce rapport de rapports est égal au rapport entre les rapidités rC et rD de ces mouvements :

1. [...] proportiones potentiarum moventium ad potentias resistivas, et velocitates in motibus, eodem ordine proportionales existunt, et similiter econtrario. Et hoc de geometrica proportionalitate intelligas (Bradwardine, Tractatus de proportionibus, p. 112 ; Traité des rapports, p. 49). 2. [...] velocitas sequitur proportionem potentie motoris ad mobile seu ad resistentiam eius. Unde proportio unius velocitatis ad alteram est sicut proportio proportionis potentie unius motoris ad suum mobile ad proportionem potentie [corr. proportionis] alterius motoris ad suum mobile (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 262 ; Sur les rapports de rapports, p. 149).

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(rC : rD) = ((PA : Rc) : (PB : RD)). Parler ici de rapport entre des rapports ne va pas de soi ; il faut, en effet, assimiler les rapports, qui sont des relations, à des quantités susceptibles d’avoir entre elles des rapports. La théorie oresmienne des rapports de rapports Nicole Oresme remarque que tout rapport peut être divisé à l’infini en autant de rapports que l’on veut par l’insertion de médians, entiers ou non, entre ses termes : un rapport de a à b est divisé en deux rapports par l’insertion d’un médian c entre a et b, puisque le rapport de a à b est composé du rapport de a à c et du rapport de c à b ; nous noterons (a : b) = (a : c)•(c : b). Ainsi, le rapport se comporte comme une quantité continue. Nous allons voir que sur cette base, Nicole Oresme met en place une théorie des rapports de rapports qui rend mathématiquement légitime la formulation que l’on trouve dans la règle du mouvement que propose Thomas Bradwardine dans son Traité des rapports. Le rapport comme quantité indéfiniment divisible C’est à Campanus que Nicole Oresme se réfère lorsqu’il évoque la composition des rapports3. Ce dernier explique dans son commentaire à la définition 11 du livre V des Éléments d’Euclide que « dans la proportionnalité continue, le rapport des extrêmes est produit à partir de tous les rapports intermédiaires »4. Cette remarque donne lieu à une définition au début du livre VII, pour les rapports numériques (définition 19, qui n’est pas dans la version grecque des Éléments) :

3. Voir le texte cité plus bas, p. 17, n. 8. 4. […] in proportionalitate continua extremorum proportio producitur ex omnibus proportionibus intermediis (Campanus, Elements, vol. I, p. 170). On ne trouve pas une telle définition dans les Éléments d’Euclide. Toutefois il est question de composition des rapports dans l’énoncé de la proposition 23 du livre VI « Les parallèlogrammes équiangles ont, l’un relativement à l’autre, le rapport composé à partir de ceux des côtés » et dans le cours de la démonstration, on peut lire : « Mais le rapport de K relativement à M est composé du rapport de K relativement à L et de celui de L relativement à M [...] » (Euclide, Les Éléments, vol. 2, p. 214). Lorsque Campanus reprend cette proposition (c’est la 24 pour lui), il fait référence, à cet endroit de la démonstration, à son commentaire à la définition V. 11 : [...] quia f ad h producitur ex f ad g et g ad h ut dictum est in fine expositionis 11 diffinitionis quinti [...] (Campanus, Elements, p. 221). Voir à ce sujet Edtih Dudley Sylla, « The origin and fate of Thomas Bradwardine’s De proportionibus velocitatum in motibus in relation to the history of mathematics », in Walter Roy Laird & Sophie Roux (eds.), Mechanics and Natural Philosophy before the Scientific Revolution, Dordrecht, Springer, 2008, p. 67-119 ; en particulier p. 70-71 et p. 85.

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« Lorsque des rapports semblables ou différents sont continués, on dira que le rapport du premier nombre au dernier est composé de tous les rapports »5.

Que les rapports soient continués signifie que le second terme ou le conséquent de n’importe lequel de ces rapports est égal au premier terme ou à l’antécédent du rapport suivant ; en d’autres termes, on considère les rapports de a à b, de b à c, de c à d, etc. Et dans ce cas, on dit que le rapport de a à d se compose du rapport de a à b, du rapport de b à c et du rapport de c à d et on notera : (a : d) = (a : b)•(b : c)•(c : d). Nicole Oresme reprend cette définition pour tous les rapports, rationnels ou non : « Et, de manière générale, j’appelle médian ce qui est plus grand que c et plus petit que b 6. Soit, en effet, d un médian entre b et c. Puisque le rapport de la première à la troisième est composé du rapport de la première à la deuxième et de la deuxième à la troisième, – comme cela est suffisamment clair d’après la définition 10 et, bien plus, d’après le commentaire7 à la définition 11 du livre V d’Euclide et le début du livre VII –, il s’ensuit que le rapport A, qui est entre b et c, est composé du rapport de b à d et du rapport de d à c »8.

De là, on peut diviser tout rapport de plus grande inégalité (c’est-à-dire un rapport entre a et b avec a > b) en plusieurs rapports, par l’insertion de médians entre ses termes : « Diviser un rapport de plus grande inégalité, c’est placer entre ses termes un médian ou des médians »9.

Et cela vaut tout autant, a priori, pour les rapports de plus petite inégalité (rapport entre a et b avec a < b), même si nous verrons que ces rapports posent des difficultés particulières qui amèneront Oresme à moduler son propos à leur sujet.

5. Cum continuate fuerint eedem vel diverse proportiones, dicetur proportio primi ad ultimum ex omnibus composita (Ibid., p. 230). Notons que, dans la définition V. 11 et dans la proposition VI. 24, Campanus parle de rapport « produit » à partir d’autres rapports, alors que dans la définition VII. 19, il utilise le terme « composé ». Nous reviendrons plus loin sur ces deux termes, qui ici sont équivalents (voir p. 116). 6. Nicole Oresme considère ici un rapport entre b et c, avec b plus grand que c. 7. Il s’agit du commentaire de Campanus. 8. Voco, autem, medium generaliter quicquid est maius C et minus quam B. Sit enim D medium inter B et C. Cum igitur proportio primi ad tertium componitur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium ut satis patet ex decima diffinitione et expresse ex commento undecime diffinitionis quinti Euclidis et in principio septimi sequitur quod A proportio, que est inter B et C, sit composita ex proportione B ad D et ex proportione D ad C (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 138 et 140 ; Sur les rapports de rapports, p. 79-80). 9. Proportionem maioris inequalitatis dividere est inter aliquos terminos medium seu media assignare (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 138 ; Sur les rapports de rapports, p. 79).

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Par ailleurs, Nicole Oresme précise que les médians ne sont pas nécessairement des entiers et que, par conséquent, ils peuvent avoir des rapports irrationnels relativement aux termes du rapport initial (comme le rapport qui existe entre la diagonale et le côté d’un même carré). Il précise aussi que le médian peut être quelconque ou qu’il peut être proportionnel (c est médian proportionnel entre a et b si (a : c) = (c : b)) : « Le médian non proportionnel se dit de trois manières. L’un est celui auquel chacun des extrêmes a un rapport rationnel, comme 8 est médian entre 9 et 4. L’autre est celui auquel chacun des extrêmes a un rapport irrationnel, comme la diagonale du carré entre le côté et le triple du côté. Le dernier est celui auquel l’un des extrêmes a un rapport rationnel et l’autre un rapport irrationnel, comme le côté est médian entre sa moitié et la diagonale du carré. Le médian proportionnel est de deux sortes : l’un est selon un rapport rationnel, comme 2 entre 4 et 1, et l’autre est selon un rapport irrationnel, comme la diagonale du carré entre le côté et le double du côté »10.

De même, le rapport initial n’est pas nécessairement rationnel. Ainsi, Nicole Oresme explique que tout rapport, qu’il soit rationnel ou irrationnel, est indéfiniment divisible. Il suffit pour cela d’insérer entre ses termes, entiers ou non, un nombre quelconque de médians, entiers ou non : « […] n’importe quel rapport est divisible à l’infini, puisque, d’après la première supposition, on trouve tout rapport dans les quantités continues, que, d’après la première définition, diviser un rapport, c’est trouver des médians entre les extrêmes et que, d’après le premier postulat, entre deux quantités continues inégales quelconques il est possible de trouver des médians à l’infini »11.

Ce faisant, les rapports peuvent être considérés comme des quantités continues :

10. Medium improportionale tripliciter dicitur. Quoddam est quod ad utrumque extremorum habet proportionem rationalem sicut 8 est medium inter 9 et 4. Aliud est quod ad utrumque habet proportionem irrationalem sicut dyameter quadrati inter costam et triplum coste. Aliud est quod ad unum extremorum habet proportionem rationalem et ad aliud irrationalem et sic costa est medium inter medietatem suam et diametrum quadrati. Medium proportionale est duplex, unum secundum proportionem rationalem ut 2 inter 4 et 1, aliud secundum proportionem irrationalem sicut dyameter quadrati inter costa et duplum coste (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 154 et 156 ; Sur les rapports de rapports, p. 87-88). En termes modernes, ¥2 est médian entre 1 et 3 ; 1 est médian entre 1/2 et ¥2 ; ¥2 est médian proportionnel entre 1 et 2. 11. […] quelibet proportio est divisibilis in infinitum quia per primam suppositionem omnis proportio reperitur in quantitatibus continuis et per primam diffinitionem proportionem dividere est media inter extrema assignare et per primam petitionem inter quelibet duo continua inequalia in infinitum possibile est media assignare (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 158 ; Sur les rapports de rapports, p. 89-90).

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« […] n’importe quel rapport est comme une quantité continue du fait qu’il est divisible à l’infini, comme la quantité continue […] »12.

On voit ici qu’il ne s’agit pas d’identifier les rapports à des quantités, mais de montrer que les rapports, munis de l’opération de composition, se comportent comme les quantités continues munies de l’opération d’addition. Comparaison des rapports Que les rapports se comportent comme des quantités continues ne suffit pas à faire des rapports des quantités susceptibles d’avoir entre elles un rapport. Il faut encore vérifier qu’il existe une relation d’ordre sur les rapports qui soit telle que si l’on se donne deux rapports, le plus petit peut être augmenté, par composition, jusqu’à devenir plus grand que le plus grand13. Cette dernière propriété est vraie si l’on considère deux rapports de plus grande inégalité et la relation d’ordre usuelle sur ces rapports : le plus petit A, composé par luimême autant qu’il est nécessaire, devient plus grand que le plus grand B. Par exemple, le rapport double et le rapport septuple sont susceptibles d’avoir entre eux un rapport car le rapport double, composé deux fois de suite avec luimême, donne le rapport octuple, plus grand que le rapport septuple. Ceci n’est pas vrai si l’on considère un rapport de plus petite inégalité et un rapport de plus grande inégalité. C’est ce qu’a bien remarqué Thomas Bradwardine dans son Traité des rapports, lorsqu’il explique qu’« aucun rapport n’est plus grand ou plus petit qu’un rapport d’égalité »14 : « […] si le rapport de plus grande inégalité était plus petit que le rapport d’égalité, alors, pris un certain nombre de fois, il lui serait égal ou plus grand. Ceci est faux, puisqu’un rapport de plus grande inégalité, pris un nombre quelconque de fois, produit toujours un rapport de plus grande inégalité plus grand […]. De même, on peut montrer que le rapport d’égalité n’est pas plus petit qu’un rapport de plus grande inégalité, puisque, pris un certain nombre de fois, il lui serait alors égal ou plus grand. Le conséquent est faux puisque, des choses égales étant interposées un nombre quelconque de fois, le rapport de la première à

12. [...] quelibet proportio est sicut quantitas continua in hoc, quod in infinitum est divisibilis sicut quantitas continua [...] (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 158 ; Sur les rapports de rapports, p. 90). 13. C’est parce que l’angle de contingence (angle que fait la circonférence d’un cercle avec l’une de ses tangentes) et l’angle rectiligne ne vérifient pas cette propriété qu’ils n’ont pas entre eux de rapport, comme l’explique Campanus dans son commentaire à la proposition 1 du livre X (Campanus, Elements, vol. I, p. 307). Ce commentaire est bien connu des médiévaux, qui prennent souvent ce cas comme exemple de deux quantités qui ne peuvent être mises en relation. Rappelons ici que la définition du livre V des Éléments selon laquelle deux grandeurs ont entre elles un rapport quand elles sont capables, en étant multipliées, de se surpasser l’une l’autre ne figure pas dans la version de Campanus. Mais c’est bien cette propriété qui est mise en défaut pour l’angle de contingence et l’angle rectiligne dans le commentaire de Campanus à la proposition X. 1. 14. Septima conclusio : Proportione aequalitatis nulla proportio est maior vel minor (Bradwardine, Tractatus de proportionibus, p. 80 ; Traité des rapports, p. 19).

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la dernière n’est pas plus grand que le rapport de la première à la deuxième, mais toutes restent entièrement dans un même rapport d’égalité. Et un rapport de plus petite inégalité n’est pas plus grand ou plus petit qu’un rapport d’égalité, ce qui peut être démontré comme pour le rapport de plus grande inégalité »15.

En d’autres termes, si un rapport R est plus petit qu’un rapport S, il doit exister n tel que R composé n fois par lui-même soit égal à S ou lui soit plus grand. Mais cette propriété, dite aussi « axiome d’Archimède », n’est pas vérifier si R et S sont de genres différents ; ces deux rapports ne sont donc pas comparables. Pour sa part, Nicole Oresme propose une propriété plus faible. Il considère la différence c entre le plus grand terme a d’un rapport de plus grande inégalité et son plus petit terme b. Il explique que diminuer le rapport consiste à diminuer cette différence c, soit par l’augmentation du plus petit terme b, soit par la diminution du plus grand terme a16. Il ajoute : « Ainsi, pour autant que c est diminuée, on n’aura jamais l’égalité, puisque quelque chose reste malgré tout »17.

Nicole Oresme n’envisage pas que la différence puisse devenir nulle. Par conséquent, un rapport de plus grande inégalité ne peut pas être diminué jusqu’à devenir égal au rapport d’égalité (rapport entre a et b avec a = b). De même, un rapport de plus petite inégalité ne peut pas être augmenté jusqu’à devenir égal au rapport d’égalité : « Et pour autant que le rapport de plus petite inégalité est augmenté, il n’atteindra jamais le rapport d’égalité ; de même pour la diminution du rapport de plus grande inégalité »18.

15. [...] si proportio maioris inaequalitatis esset minor proportione aequalitatis, tunc aliquotiens sumpta illam praecise redderet vel maiorem. Quod est falsum, quia quotienscumque proportio maioris inaequalitatis sumatur, semper maiorem proportionem inaequalitatis maioris constituit [...]. Similiter potest ostendi quod proportio aequalitatis non sit minor proportione inaequalitatis maioris, quia tunc aliquotiens sumpta illam redderet vel maiorem, consequens falsum, quia quotienscumque aequalia apponantur proportio primi ad ultimum non est maior proportione primi ad secundum, sed omnia in aequali proportione aequalitatis integre perseverant. Nec aliqua proportio minoris inaequalitatis, aliqua proportione aequalitatis est maior vel minor, quod sicut de proportione inaequalitatis maioris poterit demonstrari (Bradwardine, Tractatus de proportionibus, p. 82 ; Traité des rapports, p. 21) 16. Voir Oresme, De proportionibus proportionum, p. 144 ; Sur les rapports de rapports, p. 83. 17. Et sic quantumcumque C diminueretur dum tamen aliquid remaneret numquam equalitas haberetur (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 146 ; Sur les rapports de rapports, p. 83). 18. Quantumcumque proportio minoris inequalitatis augeretur numquam ad equalitatem attingeret ; et ita de diminutione proportionibus maioris inequalitatis (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 146 et 148 ; Sur les rapports de rapports, p. 83).

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Et il conclut : « De là, il est clair que le rapport d’égalité excède à l’infini le rapport de plus petite inégalité et est excédé à l’infini par n’importe quel rapport de plus grande inégalité […] »19.

Pour comprendre cet excès à l’infini du rapport de plus grande inégalité sur le rapport d’égalité, il faut nous reporter aux Questions sur la physique de Nicole Oresme20. Dans la question 5 du livre VII, Oresme discute de la possibilité ou non de comparer entre elles deux choses quelconques. Il distingue alors différents modes de comparaison21. Parmi ceux-ci figure la comparaison improportionnelle (comparatio improportionalis), qui se divise en un mode infini et un mode fini. Comme exemples du mode de comparaison improportionnelle infinie, Nicole Oresme donne la comparaison d’une ligne avec une surface ou d’un angle de contingence avec un angle rectiligne22. On peut lire en effet dans le commentaire de Campanus à la proposition X. 1 des Éléments : « Mais il n’advient pas que l’angle de contingence soit pris autant de fois qu’il le faut pour qu’il excède n’importe quel angle rectiligne […]. On a donc clairement que n’importe quel angle rectiligne est plus grand à l’infini que l’angle de contingence »23.

On peut donc supposer que pour Nicole Oresme, le rapport de plus grande inégalité serait comparable au rapport d’égalité – il l’excède –, mais selon le mode de comparaison improportionnelle infinie qui ne permet pas de définir entre eux des rapports :

19. Unde patet quod proportio equalitatis excedit in infinitum proportionem minoris inequalitatis et exceditur in infinitum a qualibet proportione inequalitatis maioris [...] (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 148 ; Sur les rapports de rapports, p. 83 ; voir aussi p. 138 dans le latin et p. 79 dans la traduction française). 20. Je remercie Jean Celeyrette qui m’a éclairée sur ce point. Voir Nicole Oresme, Questiones super Physicam (Books I-VII), édité par Stefano Caroti, Jean Celeyrette, Stefan Kirschner et Edmond Mazet, Leiden, E. J. Brill, 2012. On peut aussi trouver des extraits des Questions sur la physique dans S. Kirschner, Nicolaus Oresmes Kommentar zur Physik des Aristoteles mit Edition der Quaestiones zu Buch 3 und 4 der aristotelischen Physik sowie von vier Quaestionen zu Buch 5, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1997. 21. Voir Edmond Mazet, « Pierre Ceffons et Oresme – Leur relation revisitée », in Stefano Carotti et Jean Celeyrette (eds.), Quia inter doctores est magna dissensio. Les débats de philosophie naturelle à Paris au XIVe siècle, Firenze, Leo S. Olschki, 2004, p. 175-194, en particulier p. 185-186. 22. Tertia distinctio est de comparatione improportionali, quia quedam est infinita, sicut linee ad superficiem vel anguli contingentie ad rectilineum, qui sunt diversarum rationum (Nicole Oresme, Questiones super Physicam, p. 748) 23. At vero nec angulum contingentie totiens contingit sumi ut qualemcumque rectilineum excedat [...]. Palam ergo est quemlibet angulum rectilineum infinitis angulis contingentie esse maiorem (Campanus, Elements, vol. I, p. 307).

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

« D’où il est clair qu’il n’y a aucun rapport entre un rapport d’inégalité et un rapport d’égalité et entre un rapport de plus grande inégalité et un rapport de plus petite inégalité, comme de l’un à l’autre »24.

La conséquence de cette impossibilité de mettre en rapport des rapports de genres différents est qu’il est nécessaire de construire la théorie des rapports de rapports, d’une part pour les rapports de plus grande inégalité (qui s’excèdent les uns les autres de manière finie) et d’autre part pour les rapports de plus petite inégalité ; une théorie des rapports de rapports pour les rapports d’égalité qui sont tous égaux entre eux n’aurait que peu d’intérêt : « On doit donc seulement considérer les rapports de plus grande inégalité entre eux et les rapports de plus petite inégalité entre eux »25.

Les deux constructions peuvent être différentes, comme nous allons le voir. Commençons par nous intéresser aux rapports de plus grande inégalité. Parties d’un rapport de plus grande inégalité Nicole Oresme prend implicitement pour modèle le livre VII des Éléments d’Euclide, dans la version de Campanus, pour construire les rapports rationnels entre les rapports de plus grande inégalité. Le fondement de la construction est la notion de partie aliquote26. Nous avons vu en effet comment, par l’insertion de médians entre les extrêmes d’un rapport, on peut diviser ce rapport en autant de rapports que l’on veut : « […] le rapport A, qui est entre b et c, est composé du rapport de b à d et du rapport de d à c. Et puisque toute chose est résolue ou divisée en ces choses dont elle est composée, il est clair que le rapport A est divisé en deux rapports par d, le médian choisi. Et si, entre b et c, sont placés deux médians, alors le rapport A est divisé en trois parties ou en trois rapports, et si sont placés trois médians, il est alors divisé en quatre, si quatre, en cinq, et il est ainsi toujours divisé indéfiniment en autant de parties que sont placés de médians plus une unité […] »27.

24. Unde patet quod nulla est proportio inter proportionem inequalitatis et equalitatis et inter proportionem maioris inequalitatis et proportionem minoris inequalitatis, scilicet unius ad alteram (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 138 ; Sur les rapports de rapports, p. 79). 25. Quare tantummodo dicendum est de proportionibus maioris inequalitatis inter se et de proportionibus minoris inequalitatis inter se (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 138 ; Sur les rapports de rapports, p. 79). 26. Une quantité n est une partie aliquote d’une quantité N, s’il existe un entier k tel que k.n = N. 27. [...] A proportio, que est inter B et C, sit composita ex proportione B ad D et ex proportione D ad C. Et quia unumquodque resolvitur et dividitur in ea ex quibus componitur patet quod A proportio dividitur in duas proportiones per D medium assignatum. Quod si inter B et C duo media assignarentur tunc A proportio esset divisa in tres partes vel in tres proportiones et si tria media assignarentur tunc esset divisa in quatuor et si quatuor in quinque et sic in infinitum semper in tot partes dividitur quod media assignatur addita unitate [...] (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 140 ; Sur les rapports de rapports, p. 80).

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Si l’on choisit des médians proportionnels, ces rapports sont égaux entre eux ; on divise ainsi tout rapport en parties égales. Si l’on insère, par exemple, deux médians proportionnels c et d entre les termes a et b du rapport de a à b, on a (a : b) = (a : c)•(c : d)•(d : b), les trois rapports (a : c), (c : d) et (d : b) étant égaux entre eux. On dit alors que le rapport de a à c est le tiers du rapport de a à b, ou que le rapport de a à b est le triple du rapport de a à c. Ainsi, le rapport entre le rapport de a à b et le rapport de a à c est le rapport triple, de 3 à 1. Par exemple, le rapport double est le tiers du rapport octuple puisque, entre les termes 8 et 1 du rapport octuple, on peut insérer les deux médians proportionnels 4 et 2 dans le rapport double. Prenons maintenant le rapport de 32 à 1 et le rapport octuple. Nous avons vu que le rapport double est le tiers du rapport octuple. De même le rapport double est le cinquième du rapport 32-uple puisque, entre les termes 32 et 1 du rapport, on peut insérer quatre médians proportionnels, 16, 8, 4 et 2, dans le rapport double28. Ainsi, le rapport double est une partie commune des rapports octuple et 32-uple. On dira donc que le rapport octuple est des parties du rapport 32-uple ; plus précisément, il est les trois cinquièmes du rapport octuple. Donc le rapport entre le rapport octuple et le rapport 32-uple est le rapport de 3 à 5 ; ou encore, le rapport entre le rapport 32-uple et le rapport octuple est le rapport de 5 à 3, soit le rapport superbipartient des troisièmes29. Dans les exemples donnés précédemment, les médians ont été pris entiers. Mais les définitions valent tout autant pour des médians non entiers. Ainsi, entre 2 et 1, il n’y a pas de médian entier, mais on peut diviser le rapport double en deux rapports égaux par l’insertion d’une quantité non entière, qui, en termes modernes, vaut ¥2. Le rapport de ¥2 à 1 est ainsi la moitié du rapport double. Nicole Oresme n’évoque jamais le rapport de ¥2 à 1 (il ne donne pas d’exemples numériques avec des radicaux), mais il parle à plusieurs reprises du rapport « moitié du rapport double » à propos du rapport de la diagonale et du côté d’un même carré. Signalons que cette notion de rapport de rapports n’est pas à proprement parler une invention des médiévaux, même si Nicole Oresme est le premier à en proposer une théorie. On en trouve un cas particulier dans le livre II du traité De la sphère et du cylindre d’Archimède, à la proposition 830 : « Si une sphère est coupée par un plan ne passant pas par le centre, le rapport du plus grand des segments au plus petit est inférieur au carré du rapport entre 28. (8 : 1) = (8 : 4)•(4 : 2)•(2 : 1) et (32 : 1) = (32 : 16)•(16 : 8)•(8 : 4)•(4 : 2)•(2 : 1). 29. Les deux exemples que nous venons de présenter se trouvent dans le texte de Nicole Oresme, dans la conclusion 10 du chapitre II (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 206 et 208 ; Sur les rapports de rapports, p. 117-118). Pour la nomenclature des rapports, voir plus loin notre chap. IV, p. 90. 30. Je remercie Fabio Acerbi qui m’a donné cette information.

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la surface du plus grand des segments et la surface du plus petit, et supérieur à la puissance trois demis de ce rapport »31.

Ce que le traducteur Charles Mugler a traduit, en modernisant, par « supérieur à la puissance trois demis de ce rapport » est en fait l’expression grecque PHg]RQD G ¢ CKPL´OLRQ qui, littéralement, peut être rendue par « supérieur à l’hémiole de ce rapport », « hémiole » étant le nom que l’on donne au rapport entre 3 et 2. Ainsi, Archimède explique que le rapport entre le rapport du plus grand des segments au plus petit et le rapport entre la surface du plus grand des segments et la surface du plus petit est plus grand que le rapport de 3 à 2. Thomas Bradwardine propose lui aussi un exemple concernant la sphère : « On montre que le rapport entre deux sphères quelconques a, relativement au rapport de leurs surfaces prises dans le même ordre, le rapport sesquialtère. Soient deux sphères A et B. Soit C le rapport de A à B, soit D le rapport de la surface de A à la surface de B et soit E le rapport du diamètre de A au diamètre de B. Alors, […] D est le double de E. Donc D contient précisément deux fois E. Et […] C est le triple de E. Donc C contient précisément trois fois E. Donc C contient D une seule fois et sa moitié. Donc, d’après la définition du rapport sesquialtère, C est sesquialtère de D. Et c’est ce que nous voulions démontrer »32.

Détermination du rapport entre deux rapports donnés Ayant défini la partie aliquote d’un rapport, on peut étendre aux rapports les définitions des grandeurs commensurables et incommensurables du livre X des Éléments. On peut dire en effet que deux rapports sont commensurables s’ils ont une partie commune et que deux rapports sont incommensurables s’ils n’en ont pas. Prenons deux rapports rationnels A et B. S’ils sont incommensurables, on ne peut pas déterminer leur rapport. Mais s’ils sont commensurables, cela signifie qu’ils ont une partie commune C. Appelons n le nombre de fois que C est dans A, et m le nombre de fois que C est dans B. Alors le rapport de A à B est le rapport de n à m33.

31. Archimède, De la sphère et du cylindre, texte établi et traduit par Charles Mugler, Paris, Les Belles Lettres, 1970, p. 123. 32. Quarumlibet duarum spherarum proportio ad proportionem superficierum suarum eodem ordine sesquialtera comprobatur. Sint duae spherae A et B. Proportio vero A ad B sit C ; et sit D proportio superficiei A ad superficiem B ; et sit E proportio diametri A ad diametrum B. Tunc [...] D est duplum E. Ergo D continet praecise duo E. Et [...] C est triplum E. Igitur C continet tripla E praecise. Igitur C continet D semel et eius medietatem. Igitur (per definitionem sesquialteri) C est sesquialterum D. Et hoc est quod ostendere volebamus (Bradwardine, Tractatus proportionum, p. 126 ; Traité des rapports, p. 64). 33. Nous verrons, dans notre chapitre II, comment Nicole Oresme démontre ce résultat (p. 36 à 42).

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Par ailleurs, on peut facilement déterminer le rapport entre un rapport rationnel et le rapport irrationnel qui en est une partie ou des parties. Si le rapport irrationnel B est les p q-ièmes parties du rapport rationnel A, alors le rapport de A à B est le rapport de q à p. On peut aussi facilement trouver le rapport entre deux rapports irrationnels qui sont des parties de rapports rationnels commensurables. Nicole Oresme en donne un exemple vers la fin du premier chapitre : « Mais si on cherche le rapport entre la moitié du rapport double et le tiers du rapport quadruple, je dis que le rapport quadruple et le rapport double sont commensurables, comme on le verra plus loin, et que par conséquent n’importe quelle partie aliquote de l’un est commensurable à n’importe quelle partie aliquote de l’autre. Et le rapport du rapport quadruple au rapport double sera clair d’après ce qui sera enseigné. Alors, ayant le rapport du tout au tout, on trouvera facilement le rapport de la partie à la partie de cette manière : en effet, puisque l’on fait la demande au sujet du tiers du rapport quadruple et de la moitié du rapport double et que le rapport quadruple est le double du rapport double, comme cela sera clair plus loin, prenons un nombre ayant une troisième partie et qui soit double d’un autre nombre ayant une moitié ou une demi-part. Ensuite, prenons le tiers du plus grand et la moitié du plus petit. Le rapport de l’une de ces parties à l’autre sera comme le rapport entre les rapports susdits. Et l’on pourra opérer de la même manière pour les autres rapports. Par exemple, 12 est un nombre ayant une troisième partie et il est le double de 6, qui a une moitié. Donc 12 est pris à la place du rapport quadruple et 6 à la place du rapport double. Ainsi, le rapport de 4, qui est le tiers de 12, à 3, qui est la moitié de 6, est comme le rapport du tiers du rapport quadruple à la moitié du rapport double, à savoir le rapport sesquitièrce. Et l’on doit agir de même pour les autres rapports »34.

Nicole Oresme considère le rapport A, tiers du rapport quadruple, c’est-àdire que A•A•A = (4 : 1), et le rapport B, moitié du rapport double, c’est-à-dire que B•B = (2 : 1)35. Il cherche à déterminer le rapport entre A et B. Le rapport

34. Si, vero, queratur de medietate duple et tertia parte quadruple dico quod quadrupla et dupla sunt commensurabiles, ut post videbitur, ideo quelibet pars aliquota unius est commensurabilis cuilibet parti alterius. Proportio vero quadruple ad duplam per docenda patebit et tunc, habita proportione totius ad totum, proportionem partis ad partem faciliter invenies per hunc modum : Cum, enim, queris de tertia parte quadruple et de medietate duple et proportio quadrupla sit dupla ad proportionem duplam, sicut patebit post, capias unum numerum habentem medietatem vel duplam partem. Deinde accipe tertiam partem maioris et medietatem minoris et qualis erit proportio unius istarum partium ad alteram talis erit proportio proportionum predictarum. Et ita poterit in aliis operari. Verbi gratia, 12 est unus numerus habens tertiam duplus ad 6 qui habet medietatem. Est igitur 12 loco proportionis quaduple, et 6 loco duple. Qualis est itaque proportio 4, que est tertia pars 12, ad 3, que est medietas 6, talis est proportio tertie partis quadruple ad medietatem duple, scilicet proportio sesquitertia. Et eodem modo in aliis est agendum (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 166 et 168 ; Sur les rapports de rapports, p. 94-95). 35. En termes modernes, on a A = (3¥4 : 1) et B = (¥2 : 1).

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quadruple étant le double du rapport double, on remarque que A•A•A = B•B•B•B. Donc A est quatre tiers de B. Ainsi, le rapport de A à B est le rapport de 4 à 3. Nicole Oresme l’exprime de manière un peu plus compliquée. Il dit en effet que l’on doit considérer un nombre N qui a une troisième partie (N = 3n) et une moitié (N = 2D) qui a elle-même une moitié (D = 2d). Alors le rapport de A à B est comme le rapport de n à d (3n = 2D = 4d, donc n est à d comme 4 à 3). Pour finir, lorsque les deux rapports donnés, rationnels ou irrationnels, sont incommensurables entre eux, c’est-à-dire que leur rapport est irrationnel, Nicole Oresme avoue qu’il est souvent impossible de le déterminer, car on ne sait nommer que les rapports irrationnels qui sont des parties d’un rapport rationnel et que tous les rapports irrationnels ne sont pas ainsi36. Opérations sur les rapports de plus grande inégalité Nous avons vu le rôle crucial joué par la composition des rapports dans la construction des rapports de rapports de plus grande inégalité. Cette opération concerne les rapports qui ont un terme commun (le conséquent du premier rapport est égal à l’antécédent du second). Nicole Oresme l’étend à tous les rapports et nomme cette nouvelle opération une addition. Il la définit ainsi pour les rapports de plus grande inégalité : « Quant à ajouter un rapport à un autre rapport, c’est poser l’un d’eux en ses termes et, ensuite, trouver un troisième terme qui soit au plus grand terme selon le rapport que l’on veut ajouter, ou auquel le plus petit terme est dans le rapport à ajouter »37.

On remarque immédiatement que l’addition des rapports définie ici par Nicole Oresme ne correspond pas à l’addition des fractions correspondantes aux rapports. On considère en effet deux rapports de plus grande inégalité quelconques, (a : b) et (c : d), et on est conduit à la composition grâce à la détermination de e tel que le rapport (c : d) soit le rapport (b : e)38, qui a un terme commun avec le rapport (a : b). Ainsi, ajouter le rapport (a : b) au rapport (c : d) revient à composer le rapport (a : b) avec le rapport (b : e) : (a : b)+(c : d) = (a : b)•(b : e) = (a : e).

36. Voir notre chapitre IV, p. 103-109. 37. Proportionem, vero, alteri addere est unam earum in terminis ponere et deinde tertium terminum invenire qui se habeat ad maiorem aliam secundum proportionem quam tu vis addere, vel ad quem minor se habeat in proportione addenda (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 142 ; Sur les rapports de rapports, p. 81). 38. Il est à noter que a, b, c, d et e sont des quantités quelconques, pas nécessairement entières ; l’existence de e ne fait alors aucun doute.

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Par exemple, la somme du rapport de 5 à 4 et du rapport de 2 à 1 donne le rapport de 5 à 2, puisque le rapport de 5 à 2 est composé du rapport de 5 à 4 et du rapport de 4 à 2 qui est égal au rapport de 2 à 139. Nicole Oresme définit aussi la soustraction : « Quant à soustraire un rapport d’un autre rapport, c’est placer entre les termes du plus grand un médian qui soit au plus petit terme ou auquel le plus grand terme soit selon le rapport à soustraire »40.

Pour soustraire le rapport de c à d du rapport de a à b, on détermine e tel que le rapport de c à d soit égal au rapport de e à b ; le résultat de la soustraction est le rapport de a à e : (a : b)-(c : d) = (a : b)-(e : b) = (a : e) avec (c : d) = (e : b). Et on remarque que (a : e)+(c : d) = (a : e)•(e : b) = (a : b). On peut aussi déterminer f tel que le rapport de a à f soit le rapport de c à d ; le résultat de la soustraction est le rapport de f à b : (a : b)-(c : d) = (a : b)-(a : f) = (f : b) avec (c : d) = (a : f). On a bien : (c : d)+(f : b) = (a : f)•(f : b) = (a : b). Par exemple, si l’on souhaite soustraire le rapport de 2 à 1 du rapport de 8 à 3, on considère le nombre 6 qui est à 3 dans le rapport de 2 à 1. Le résultat de la soustraction est le rapport de 8 à 6 ou de 4 à 341. Les rapports de plus petite inégalité Nous avons remarqué au début de ce chapitre qu’il était nécessaire de considérer indépendamment les rapports de plus grande inégalité et ceux de plus petite inégalité pour la construction des rapports de rapports. Voyons maintenant ce qu’il en est des rapports de plus petite inégalité. Nicole Oresme commence par remarquer que si l’on considère deux quantités a et b avec a plus grande que b, le rapport de plus grande inégalité de a à b est augmenté par l’augmentation de la différence c entre a et b et est diminué par sa diminution, alors qu’inversement, le rapport de plus petite inégalité

39. Cet exemple n’est pas dans le texte de Nicole Oresme. 40. Proportionem, vero, ab alia subtrahere est inter terminos maioris medium assignare quod se habeat ad minorem terminum, vel ad quod maior terminus se habeat secundum proportionem subtrahendam (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 142 ; Sur les rapports de rapports, p. 81). 41. Cet exemple n’est pas dans le texte de Nicole Oresme.

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de b à a est augmenté par la diminution de c et diminué par son augmentation42. Il remarque aussi que les rapports de plus petite inégalité augmentent si l’on insère entre leurs termes un médian. Autrement dit, si le rapport de b à a est un rapport de plus petite inégalité (b < a) et si on prend c entre b et a, alors le rapport de b à c est plus grand que le rapport de b à a. Par contre, si l’on choisit d en dehors des extrêmes, par exemple d plus grand que a, alors le rapport de b à d est plus petit que le rapport de b à a : « Quatrièmement, je dis, en liaison avec ce qui vient d’être exposé, qu’augmenter un rapport de plus petite inégalité, c’est placer un médian entre ses extrêmes, et le rapport est augmenté continûment, si le médian est posé plus proche de l’extrême que ce qu’il était. Et le diminuer, c’est placer un extrême ou des extrêmes plus écartés »43.

La situation est ici exactement inverse de ce que l’on a pu constater pour les rapports de plus grande inégalité : pour ces derniers, en effet, placer un médian entre les termes du rapport diminue ce rapport et choisir un terme au delà des extrêmes l’augmente. Nicole Oresme remarque enfin que si un rapport de plus grande inégalité est plus grand qu’un autre rapport de plus grande inégalité, l’inégalité est inversée pour les rapports de plus petite inégalité correspondants44. Ainsi, le rapport quadruple est plus grand que le rapport double alors que le rapport sous-quadruple est plus petit que le rapport sous-double. Nicole Oresme revient alors sur la composition des rapports et sur la définition du rapport doublé. Il rappelle que si on a trois quantités a, b et c continûment proportionnelles, le rapport de a à c est composé du rapport de a à b et du rapport de b à c et que le rapport de a à c est dit le rapport de a à b doublé, ou encore le double du rapport de a à b. Et il ajoute qu’il est nécessaire que a soit plus grand que c 45. On comprend cette restriction grâce au commentaire

42. [...] dico quod proportio maioris inequalitatis que est proportio A ad B augetur per augmentum differentie que est C et per diminutionem diminuitur. Proportio, vero, minoris inequalitatis, scilicet proportio B ad A, per augmentum huius differentie minuitur et per diminutionem augetur (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 144 ; Sur les rapports de rapports, p. 82). 43. Quarto dico ad propositum quod proportionem minoris inequalitatis augere est medium inter extrema statuere que continue augeretur si medium extremo versus quam erat propinquius signaretur. Ipsam vero diminuere est extremum vel extrema remotius assignare (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 152 ; Sur les rapports de rapports, p. 86). 44. Quinto dico quod per predicta et per quintum Euclidis satis potest apparere quod quanto proportio maioris inequalitatis est maior tanto proportio minoris inequalitatis sibi correspondens est minor et econverso (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 154 ; Sur les rapports de rapports, p. 87). 45. Tertio dico quod sequitur ex dictis quod si fuerint tres termini continue proportionales et maior vocetur primus, medius vero secundus et minor tertius, tunc proportio primi ad tertium componitur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium et est proportio primi ad secundum duplicata. [...] Et semper per primum debemus intellegere maius et per ultimum minus (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 150 ; Sur les rapports de rapports, p. 85).

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qui suit. Nicole Oresme remarque que dans le cas où a est plus grand que c, il est juste de dire que le rapport de a à b est une partie du rapport de a et c, puisqu’il lui est plus petit. Alors que si l’on considère les rapports de plus petite inégalité correspondants, on ne peut pas dire, selon lui, que le rapport de c à a est composé du rapport de c à b et du rapport de b à a, car la partie serait plus grande que le tout. On ne peut pas dire non plus, à moins d’un abus de langage, que le rapport de c à a est le rapport de c à b doublé, car un rapport plus petit serait le double d’un rapport plus grand : « Donc, puisque le rapport du premier au deuxième est une partie du rapport du premier au troisième et qu’il lui est plus petit, alors le rapport du deuxième au premier est plus grand que le rapport du troisième au premier, mais il ne compose pas le rapport du troisième au premier, sauf si l’on disait qu’un plus petit est composé à partir d’un plus grand et qu’un plus petit est un plus grand doublé, ce qui semblerait plutôt un abus de langage »46.

Prenons un exemple. Considérons les trois nombres continûment proportionnels 8, 4, 2. On peut dire que le rapport de 8 à 2 est composé du rapport de 8 à 4 et du rapport de 4 à 2, puisque le rapport de 8 à 4 et le rapport de 4 à 2, qui sont des rapports doubles, sont bien plus petits que le rapport quadruple de 8 à 2. Mais ce serait un abus de langage de dire que le rapport de 2 à 8 est composé du rapport de 2 à 4 et du rapport de 4 à 8, car dans ce cas, le tout, à savoir le rapport sous-quadruple de 2 à 8, serait plus petit que ses parties, les rapports sous-doubles de 2 à 4 et de 4 à 8. De même, on peut bien dire que le rapport de 8 à 2 est le rapport de 4 à 2 doublé. Mais on ne peut pas dire que le rapport de 2 à 8 est le rapport de 2 à 4 doublé. Nicole Oresme inverse alors la définition du rapport doublé pour les rapports de plus petite inégalité ; c’est le rapport de c à b ou de b à a qui doit être dit le rapport de c à a doublé (avec a > b > c), car ainsi un rapport plus grand est bien le double d’un rapport plus petit : « Mais si on a trois termes comme auparavant, et que le premier est le plus grand, le rapport du deuxième au premier est aussi le rapport du troisième au premier doublé »47.

Nicole Oresme donne l’exemple du rapport quadruple, de 4 à 1, double du rapport double, de 4 à 2, alors que le rapport sous-double, de 2 à 4, est le rap46. Unde sicut proportio primi ad secundum est pars et minor proportione primi ad tertium ita proportio secundi ad primum est maior proportione tertii ad primum nec componit proportionem tertii ad primum nisi diceretur quod minus componitur ex maiori et quod minus est maius duplicatum quod potius verborum abusio videretur (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 150 ; Sur les rapports de rapports, p. 85). 47. Sed si fuerint tres termini etiam ut prius et primus sit maior etiam proportio secundi ad primum est proportio tertii ad primum duplicata (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 150 ; Sur les rapports de rapports, p. 85).

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port sous-quadruple, de 1 à 4, doublé48. Ainsi, le rapport sous-double est bien le « double » d’un rapport qui lui est plus petit. On a la même chose pour les parties d’un rapport : si un rapport de plus grande inégalité A est une partie d’un rapport de plus grande inégalité B, le rapport de plus petite inégalité B’ correspondant à B est dit être la même partie du rapport de plus petite inégalité A’ correspondant à A. Ainsi, le rapport double est la moitié du rapport quadruple, et le rapport sous-quadruple est dit être la moitié du rapport sous-double : « […] soit le rapport sous-double de 4 à 8, je dis que le diminuer, c’est trouver un extrême ou des extrêmes plus écartés, comme ici, 2, 4, 8. De là, le rapport de 2 à 8 est plus petit que le rapport de 4 à 8, puisque c’est sa moitié »49.

Nicole Oresme donne aussi l’exemple du rapport sous-octuple qui est dit être le tiers du rapport sous-double : « Et si on assigne un autre terme plus loin, comme ici 1, 2, 4, 8, alors le rapport de 1 à 8, qui est le rapport sous-octuple, est la troisième partie du rapport sousdouble, à savoir de 4 à 8 »50.

Nicole Oresme explique enfin que l’on doit inverser les opérations : à l’addition des rapports de plus grande inégalité correspond la soustraction des rapports de plus petite inégalité et à la soustraction correspond l’addition51. On a ainsi pour c < b < a52 : (c : a)+(b : a) = (c : b). (c : b)-(b : a) = (c : a).

48. Exemplum : proportio 4 ad 1 est dupla proportioni 4 ad 2, sed proportio 2 ad 4 est proportio 1 ad 4 duplicata (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 152 ; Sur les rapports de rapports, p. 85-86). 49. [...] sit proportio subdupla 4 ad 8. Dico quod eam diminuere est extremum vel extrema remotius invenire ut hic 2, 4, 8. Unde proportio 2 ad 8 est minor quam proportio 4 ad 8 quia est medietas eius (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 152 ; Sur les rapports de rapports, p. 86). 50. Et si adhuc signes longius ut hic 1, 2, 4, 8, tunc proportio 1 ad 8 que est suboctupla est tertia pars subduple, scilicet 4 ad 8 (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 152 ; Sur les rapports de rapports, p. 86). 51. Divisio, vero, et augmentatio, additio (duplatio, triplatio, et cetera) subtractio in proportionibus minoris inequalitatis fuit econtrario [...] (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 144 ; Sur les rapports de rapports, p. 82) 52. Il faut bien faire attention que les relations qui suivent ne valent que si a, b et c ne sont pas égaux.

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Et on remarque que dans les deux cas (c : b) > (c : a). L’ajout d’un rapport donne un rapport plus grand et le retranchement d’un rapport donne un rapport plus petit53. On comprend que Nicole Oresme choisit ces définitions afin de ne pas tomber dans le paradoxe évoqué plus haut, à savoir qu’une partie soit plus grande que le tout. Toutefois, ces définitions ne sont pas sans susciter une difficulté importante : le lien entre la notion de partie et l’addition des rapports de plus petite inégalité n’est plus établi, alors qu’il l’est pour les rapports de plus grande inégalité. Par exemple, on a vu que le rapport sous-quadruple, de 1 à 4, est dit être la moitié du rapport sous-double, de 1 à 2. Mais : (1 : 4)+(1 : 4) = (1 : 1)  (1 : 2). Il est difficile d’aller beaucoup loin dans cette théorie des rapports de plus petite inégalité. En effet, Nicole Oresme n’est pas plus explicite à ce sujet et se contente, après avoir noté comment déterminer le rapport entre deux rapports de plus petite inégalité à partir du rapport entre les rapports de plus grande inégalité correspondants, de poursuivre son étude pour les rapports de plus grande inégalité : « D’où le rapport entre des rapports de plus petite inégalité est comme le rapport entre les rapports de plus grande inégalité qui leur correspondent ou auxquels ils sont opposés, le nom relatif de superposition étant cependant changé en relatif de sous-position. Par exemple, si le rapport quadruple est le double du rapport double alors le rapport sous-quadruple est le sous-double du rapport sous-double. Et si le rapport triple est incommensurable au rapport double, de même le rapport sous-triple sera incommensurable au rapport sous-double. C’est pourquoi, il est suffisant d’examiner seulement le rapport entre les rapports de plus grande inégalité grâce auquel on peut avoir le rapport entre les rapports de plus petite inégalité. Je ne dirai rien de plus que cela à propos des rapports de plus petite inégalité »54.

53. Nicole Oresme ne présente pas l’addition et la soustraction des rapports de plus petite inégalité selon les formulations que l’on vient d’exposer, mais on peut les déduire facilement des définitions de l’addition et de la soustraction des rapports de plus inégalité. En fait, Nicole Oresme définit les deux opérations sur les rapports de plus petite inégalité à partir des dénominations (voir plus loin, notre chapitre IV, p. 91, n. 22). 54. Unde proportio proportionum minoris inequalitatis est sicut proportio proportionum maioris inequalitatis sibi correspondens vel quibus opponitur relative mutato tamen nomine relative superpositionis in relativum suppositionis. Verbi gratia si proportio quadrupla sit dupla proportioni duple tunc proportio subquadrupla est subdupla subduple. Si vero tripla est incommensurabilis duple et similiter subtripla erit incommensurabilis subduple. Sufficit igitur tantummodo investigare proportionem proportionum maioris inequalitatis per quam haberi potest proportio proportionum minoris inequalitatis. Nec de proportionibus minoris inequalitatis quo ad hoc plura dicam (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 154 ; Sur les rapports de rapports, p. 87).

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Disons quelques mots, pour finir, sur les interprétations modernes de la théorie oresmienne qui en font la première construction des puissances fractionnaires des nombres fractionnés ; les p q-ièmes parties du rapport entre a et b sont notées (a/b)p/q. Cette interprétation masque la construction oresmienne, notamment en passant sous silence son ancrage euclidien et les rôles joués par la composition des rapports – considérée comme une addition –, et par l’insertion des médians. Elle fait aussi du rapport la fraction de ses termes, alors que nous avons vu que, si Nicole Oresme montre que le rapport peut être considéré comme une quantité, le rapport n’en reste pas moins une relation différente de la fraction de ses termes. Enfin, elle conduit à interpréter faussement la construction oresmienne pour les rapports de plus petite inégalité. Nicole Oresme demande, en effet, que les définitions de la partie et des différentes opérations sur les rapports de plus petite inégalité soient contraires à celles qu’il a données pour les rapports de plus grande inégalité. Il est ainsi conduit à dire que le rapport sousdouble est le rapport sous-quadruple doublé. En utilisant l’écriture moderne usuelle, cela reviendrait à dire que : (1/2) = (1/4)2 ce qui est manifestement faux. Ceci fait dire à Edward Grant que Nicole Oresme s’est trompé55. Paul Rusnock a bien montré que c’était la transcription moderne qui était en cause et non pas la théorie oresmienne56. Conclusion Nicole Oresme met en place une théorie des rapports de rapports qui s’ancre profondément dans les Éléments d’Euclide. Au fondement de cette théorie est la possibilité de considérer les rapports comme des quantités continues auxquelles on peut appliquer la théorie euclidienne des proportions. Ceci est réalisé grâce à l’opération de composition des rapports, considérée comme une addition, qui permet de diviser le rapport donné en autant de rapports que l’on veut par l’insertion de médians entre les termes du rapport donné. Thomas Bradwardine donne cette propriété d’insertion, au début de son traité57. Il parle lui aussi de rapport double, triple etc., d’un autre rapport58. Et il démontre que les rapports de plus grande inégalité ne sont pas comparables aux rapports d’égalité ou de plus petite inégalité, comme nous l’avons vu. Ainsi, les éléments qui sont au fondement de la théorie des rapports de rap55. Voir les remarques d’Edward Grant dans Nicole Oresme, De proportionibus proportionum, p. 151 et 153. 56. Voir Paul Rusnock, « Oresme on Ratios of Lesser Inequality », Archives Internationales d’Histoire des Sciences, fasc. 135, n° 45 (1995), p. 263-272.

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ports sont déjà présents dans le traité du maître d’Oxford. Toutefois, c’est bien à Nicole Oresme que l’on doit la réalisation de la construction des rapports de rapports. Ainsi, Thomas Bradwardine ne dit pas explicitement que les rapports peuvent être considérés comme des quantités susceptibles, pour certains d’entre eux, d’être mis en rapport. Il ne parle pas, sauf dans des cas particuliers, de partie d’un rapport, ni de rapport entre des rapports59. Seul Nicole Oresme expose, de manière générale, la détermination du rapport entre deux rapports donnés quand elle est possible, aussi bien pour des rapports rationnels que pour des rapports irrationnels. Thomas Bradwardine ne parle pas non plus de rapports commensurables ou incommensurables entre eux, alors que Nicole Oresme consacre un long développement à la commensurabilité des rapports, comme nous allons le voir dans le chapitre suivant. Si on a la preuve que le traité de Nicole Oresme a été lu en Italie dès la fin du XIVe siècle et qu’il a été édité à Venise puis à Paris au XVIe siècle, il semble, dans l’état actuel de nos connaissances, que la théorie oresmienne des rapports de rapports n’a eu que peu d’impacts sur le développement des mathématiques, même si le rôle qu’elle a pu jouer dans la construction des logarithmes reste à apprécier. Il est intéressant de noter à ce propos que Pietro Mengoli, dans ses Geometriæ speciosæ elementa (1659), élabore une théorie des rapports des rapports pour donner un cadre euclidien à sa théorie des logarithmes de rapports et en légitimer ainsi la construction60. Mengoli construit alors le même 57. Bradwardine, Tractatus proportionum, p. 76 : Quibuscumque duobus extremis, interposito medio, cuius ad utrumque est aliqua proportio, erit proportio primi ad tertium composita ex proportione primi ad secundum et proportione secundi ad tertium. [...] Duobus vel quotcumque mediis interpositis duobus extremis, proportio primi ad extremum producitur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium et tertii ad quartum et sic deinceps usque ad extremum (Traité des rapports, p. 15 : « Étant donnés deux extrêmes quelconques et un médian étant interposé ayant à chacun d’eux un rapport, le rapport du premier au troisième sera composé du rapport du premier au deuxième et du rapport du deuxième au troisième. [...] Deux ou autant de médians que l’on veut étant interposés entre deux extrêmes, le rapport du premier au dernier est produit à partir du rapport du premier au deuxième, du deuxième au troisième, du troisième au quatrième, et ainsi de suite jusqu’au dernier »). 58. Bradwardine, Tractatus proportionum, p. 78 : Prima conclusio : Si fuerit proportio maioris inequalitatis primi ad secundum ut secundi ad tertium, erit proportio primi ad tertium praecise dupla ad proportionem primi ad secundum et secundi ad tertium [...]. Secunda est ista : Si fuerint quattuor termini continue proportionales, proportio primi ad ultimum, cuiuslibet proportionis alicuius illorum terminorum ad proximum sequentem est tripla. Si quinque, quadrupla, et sic in infinitum [...] (Traité des rapports, p.16 et 17 : « Si l’on a un rapport de plus grande inégalité d’une première grandeur à une deuxième, comme de la deuxième à une troisième, le rapport de la première à la troisième sera précisément le double du rapport de la première à la deuxième ou du rapport de la deuxième à la troisième. [...] La deuxième conclusion est celle-ci : Si on a quatre termes continûment proportionnels, le rapport du premier au dernier est le triple de n’importe lequel des rapports de l’un de ces termes à celui qui le suit immédiatement ; si on a cinq termes, ce sera le quadruple, et ainsi à l’infini [...] »). 59. Il évoque seulement la moitié du rapport double, la moitié du rapport sesquioctave et le rapport des sphères qui est sesquialtère du rapport de leurs surfaces. 60. Voir Maria Rosa Massa Estève, « La théorie euclidienne des proportions dans les Geometriae speciosae elementa (1659) de Pietro Mengoli », Revue d’histoire des sciences 56/2 (2003), p. 457-474.

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objet que Nicole Oresme, mais sur des bases différentes (et, semble-t-il, indépendamment d’Oresme). Mengoli s’appuie uniquement sur le livre V et la théorie de l’équimultiplicité, quand Oresme s’était tourné vers le livre VII et la division en parties.

CHAPITRE II

COMMENSURABILITÉ ET INCOMMENSURABILITÉ DES RAPPORTS ENTRE EUX

Nous avons vu, dans le chapitre précédent, comment tout rapport, rationnel ou irrationnel, peut être considéré comme une quantité divisible en autant de parties que l’on veut. Par ailleurs, les rapports de plus grande inégalité vérifient la propriété dite « axiome d’Archimède », c’est-à-dire que deux rapports de plus grande inégalité étant donnés, le plus petit peut-être composé autant de fois qu’il est nécessaire pour dépasser le plus grand. Ce faisant, on peut appliquer aux rapports de plus grande inégalité la théorie de la commensurabilité du livre X des Éléments. On dira ainsi que deux rapports sont commensurables entre eux s’ils ont une partie aliquote commune et qu’ils sont incommensurables dans le cas contraire. Par exemple, le rapport octuple et le rapport quadruple sont commensurables, puisque le rapport double est une partie commune aux deux rapports ; par contre, le rapport quadruple et le rapport triple sont incommensurables. Nicole Oresme développe ainsi dans son traité Sur les rapports de rapports une théorie de la commensurabilité des rapports que nous allons examiner maintenant. Nous verrons ensuite comment cette théorie a été reçue par les lecteurs du traité oresmien. La commensurabilité des rapports dans le traité Sur les rapports de rapports de Nicole Oresme Dans la première partie du chapitre II de son traité Sur les rapports de rapports, Nicole Oresme présente plusieurs conclusions dont la finalité est de fournir un critère permettant de déterminer si deux rapports rationnels donnés sont commensurables ou incommensurables entre eux. Dans le chapitre III, Nicole Oresme applique ce critère aux rapports multiples (rapports entre a et b avec a = n.b, n entier, n > 1) et superparticuliers (rapports entre a et b avec a = b+(1/k)b, k entier, k > 1). Finalement, il démontre que, étant donnés deux rapports quelconques, il est vraisemblable qu’ils soient incommensurables

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entre eux1. Ce résultat trouvera son application au chapitre IV dans lequel Nicole Oresme montre que, étant donné deux corps célestes, il est vraisemblable que leurs mouvements soient incommensurables. Critères de commensurabilité des rapports rationnels entre eux Nous allons examiner en détail certaines des conclusions de la première partie du chapitre II, même si ces développements peuvent paraître parfois fastidieux. Nous souhaitons, en effet, mettre en évidence la manière dont Nicole Oresme met en œuvre ici la décomposition des rapports en parties par l’insertion de médians entre les termes des rapports. Toutes les parties dont il sera question dans ce chapitre sont des parties aliquotes. Nicole Oresme commence par démontrer que, si entre les plus petits termes d’un rapport rationnel on ne peut pas trouver un nombre entier qui soit un médian proportionnel, ou des nombres entiers qui soient des médians proportionnels, alors aucun rapport rationnel ne peut en être une partie (deuxième conclusion de la première partie du chapitre II)2. Le raisonnement est conduit par l’absurde : supposons qu’un rapport A donné vérifie les conditions de l’énoncé et qu’il se divise en deux rapports rationnels égaux. Cela revient à dire qu’il existe deux nombres d et f dans le rapport A, tels qu’il existe entre eux un médian entier proportionnel e, de sorte que A se divise en le rapport de d à e et le rapport de e à f, ces deux rapports étant égaux. Mais la proposition 8 du livre VIII des Éléments d’Euclide nous apprend que : « Si entre deux nombres tombent autant de nombres que l’on veut en proportion continue, il est nécessaire qu’il tombe autant de nombres entre deux nombres quelconques reliés selon le même rapport »3. Donc il existe aussi un médian entre les plus petits termes du rapport A, ce qui est contraire à l’hypothèse. Ici, la propriété fondamentale est la proposition 8 du livre VIII des Éléments. Elle nous enseigne que la possibilité de décomposer un rapport rationnel en rapports rationnels égaux est une propriété valable quel que soit le représentant du rapport donné. Ainsi, le fait de pouvoir décomposer le rapport de 8 à 1 en trois rapports égaux au rapport double par l’insertion des deux

1. Nous ne reviendrons pas ici sur cette conclusion et son application à l’astronomie que nous avons analysées dans l’introduction à notre traduction française des traités de Thomas Bradwardine et de Nicole Oresme. Voir aussi Norbert Meusnier, « À propos de l’utilisation par Nicole Oresme d’une argumentation ‘probabiliste’ », in Pierre Souffrin & Alain Segonds (eds.), Nicolas Oresme. Tradition et innovation chez un intellectuel du XIVe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 1988, p. 165177. 2. Secunda conclusio. Si inter duos numeros minores alicuius proportionis rationalis non fuerit numerus medio loco proportionalis sive numeri talis proportio non potest dividi in plures proportiones rationales equales et propter hoc nulla proportio rationalis est pars eius aliquota (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 176 ; Sur les rapports de rapports, p. 101). 3. Si inter duos numeros numeri quotlibet in continua proportionalitate ceciderint, totidem inter omnes duos in eadem proportione relatos cadere necesse est (Campanus, Elements, vol. I, p. 269).

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médians 4 et 2 est valable pour tous les rapports octuples. Par exemple, entre 16 et 2, on peut insérer 8 et 4, etc. De la même manière, on remarque que l’on ne peut pas insérer de médian proportionnel entier entre 3 et 1, et ce ne sera pas non plus le cas entre tous les multiples de 3 et 1, par exemple entre 9 et 3, etc., donc le rapport triple ne peut pas être divisé en deux rapports rationnels égaux. La conséquence de cette propriété fondamentale est qu’il suffit d’examiner les plus petits termes d’un rapport rationnel donné pour savoir s’il peut être décomposé en parties égales ou non. Ce faisant, la commensurabilité ou l’incommensurabilité de deux rapports rationnels donnés s’exprime à l’aide de la possibilité ou non d’insérer entre les plus petits termes du rapport des médians proportionnels entiers. C’est ce que va montrer Nicole Oresme en procédant par étapes. Après avoir montré que, si entre les premiers termes d’un rapport rationnel il n’y a pas un médian ou des médians proportionnels entiers, aucun rapport rationnel ne peut en être une partie (conclusion examinée précédemment), Nicole Oresme montre qu’aucun rapport rationnel ne peut en être des parties (conclusion 4)4. Une manière rapide de démontrer ce résultat consiste à dire que, si B est des parties de A, par exemple les p q-ièmes parties, alors il existe un rapport R rationnel tel que A se compose en q rapports égaux à R et que B se décompose en p rapports égaux à R5. Mais dans ce cas, R serait une partie de A, ce qui est impossible d’après la conclusion précédente. Mais ce n’est pas ainsi que procède Nicole Oresme. Il part d’une hypothèse beaucoup plus faible : si B est des parties de A, cela signifie qu’il n’est pas une partie de A. Il lui faut alors, par un long raisonnement, examiner tous les cas de figure de décomposition de A à partir de B pour finalement aboutir à la mise en évidence du rapport R, partie commune à A et B. Il suppose donc que le rapport A remplissant les conditions susdites est tel qu’il existe un rapport B rationnel qui en est des parties. Il appelle C le rapport qui, composé avec B, donne A (A = B•C). Alors C est nécessairement rationnel (conclusion 1)6. Considérons en effet d, e et f tels que B soit le rapport de 4. Quarta conclusio. Si inter numeros primos alicuius proportionis non fuerit numerus medio loco proportionalis seu numeri nulla proportio rationalis est partes aliquote ipsius (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 184 ; Sur les rapports de rapports, p. 105). 5. A = qR et B = pR donc B = (p/q)A. C’est ainsi que Campanus définit la relation « être des parties » dans les nombres, au début du livre VII (Elements, vol. I, p. 230) : Quando duo numeri partem habuerint communem, tot partes maioris dicetur esse minor, quoties eadem pars fuerit in minore, totae vero, quoties ipsa fuerit in maiore (Quand deux nombres ont une partie commune, le plus petit est dit être autant de parties du plus grand que la partie commune est dans le plus petit et ce sont les parties que celle-ci est du plus grand). 6. Oresme, De proportionibus proportionum, p. 172 : Prima conclusio. Nulla proportio rationalis est divisibilis [...] per rationalem et irrationalem, vel per rationales et irrationalem, vel per rationalem vel rationales et irrationales, que non faciant unam rationalem (Sur les rapports de rapports, p. 99 : « Première conclusion : aucun rapport rationnel n’est divisible [...] en un rapport rationnel et un rapport irrationnel, ou bien en des rapports rationnels et un rapport irrationnel, ou bien en un rapport rationnel ou des rapports rationnels et des rapports irrationnels qui ne font pas un rapport rationnel »).

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d à e et C le rapport de e à f, alors A est le rapport de d à f. B est rationnel, dont e est commensurable à d. Et A est rationnel, donc f est commensurable à d. D’après la proposition 8 du livre X selon laquelle « si deux quantités sont commensurables à une même quantité, il est nécessaire qu’elles soient aussi commensurables entre elles »7, on en déduit que e est commensurable à f, c’est-à-dire que C est rationnel. C ne peut pas être une partie de A, d’après ce que l’on a démontré précédemment. Supposons alors que C soit des parties de A. Plusieurs cas de figure peuvent se présenter, selon que C est égal, plus petit ou plus grand que B. Supposons premièrement que C soit être égal à B. Alors B et C seraient chacun la moitié de A, ce qui est impossible d’après ce qui a été prouvé auparavant. Supposons que C soit plus petit que B. On cherche alors à démontrer qu’il existerait dans ce cas un rapport rationnel R qui serait une partie de C et une partie de B. R serait alors une partie rationnelle de A, ce qui est impossible. Afin de déterminer R, Nicole Oresme applique à B et C ce que l’on a coutume d’appeler l’algorithme d’Euclide et qu’il a exposé, pour les quantités, dans la troisième conclusion de la première partie du chapitre II : « Si une quantité est divisée en deux quantités inégales dont n’importe laquelle en est une partie ou des parties, ces deux quantités sont comme les deux plus petits nombres d’un rapport. D’où il est clair que, si le plus petit est retranché du plus grand et le reste, s’il y en a un, du plus petit, et ainsi de suite, on arrivera finalement à quelque chose qui sera une partie de chacun des dividendes et du divisé »8.

Appliquons cette proposition aux rapports B et C. On commence par diviser B par C. Soit B se décompose exactement en des rapports égaux à C (B = DC), mais alors A se décompose lui aussi en rapports égaux à C (A = B•C = (D+1)C), et par conséquent C, rationnel, est une partie de A, ce qui est impossible. Soit B se décompose en un certain nombre de rapports égaux à C et en un rapport rationnel R1 plus petit que C (B = DC•R1, avec R1 < C ; R1 étant appelé le reste). Là encore, deux cas se présentent. Premier cas, le rapport C se décompose exactement en des rapports égaux à R1 (c’est-à-dire que R1 est une partie de C : C = kR1). Mais alors B se décompose lui aussi en des rapports égaux à R1 (B = DC•R1 = (Dk+1)R1), et par conséquent le rapport rationnel R1 est une partie de A, ce qui est impossible. Deuxième cas, C se compose en des rapports égaux à R1 et en un rapport R2 plus petit que R1 (C = ER1•R2, 7. Si fuerint due quantitates uni quantitati communicantes, ipsas quoque invicem commensurabiles esse necesse est (Campanus, Elements, vol. I, p. 310). 8. Tertio conclusio. Si aliqua quantitas in due inequalia dividatur, quorum quodlibet sit pars eius aut partes illa duo sunt sicut duo numeri minimi. Unde manifestum est quod si minus subtrahatur a maiori et residuum, si fuerit, a minori et sic ultra tandem erit devenire ad aliquid quod erit pars utriusque, dividentium et divisi (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 180 ; Sur les rapports de rapports, p. 103).

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avec R2 < R1). Pour les mêmes raisons que précédemment, R2 ne peut pas être une partie de R1. On poursuit ainsi le processus. Mais puisque l’on a supposé que C est des parties de A, le processus s’arrête nécessairement au bout d’un certain nombre d’étapes9 : il existe un rapport Rn qui divise exactement C. Alors Rn divise B et par conséquent Rn est une partie de A, ce qui est impossible. Ainsi, C ne peut pas être plus petit que B. On montre par le même type de raisonnement que C ne peut pas être plus grand que B (on fait la division euclidienne de C par B). Donc C ne peut pas être des parties de A. Et par conséquent l’hypothèse initiale est fausse : B ne peut pas être des parties de A. Afin d’illustrer son propos, Nicole Oresme propose deux exemples d’application de l’algorithme d’Euclide. Il suppose tout d’abord que B est 3/5 de A. Alors C est 2/5 de A. Donc il existe D tel que B = CxD et D est 1/5 de A10. Prenons maintenant B égal à 8/11 de A. Alors C est égal à 3/11 de A. B contient C deux fois et un reste D, qui vaut 2/11 de A. Et C contient D une fois et il reste E qui vaut 1/11 de A11. Nicole Oresme déduit immédiatement des deux conclusions précédentes que tout rapport rationnel entre les plus petits termes duquel on ne peut pas insérer un médian proportionnel entier, ni des médians proportionnels entiers, est incommensurable à tout rapport rationnel qui lui est plus petit, puisque ce rapport ne peut pas en être une partie, ni des parties (première partie de la conclusion 5). Il montre enfin que ce même rapport est incommensurable à tout rapport rationnel plus grand qui n’en est pas un multiple (deuxième partie de la conclusion 5)12. Considérons, en effet, le rapport rationnel donné A et un rapport rationnel C plus grand que A. Faisons, là encore, un raisonnement par l’absurde : supposons que C soit commensurable à A et que C ne soit pas un multiple de A. Alors le rapport de C à A est un rapport de plus grande inégalité qui n’est pas un rapport multiple : C contient A une ou plusieurs fois et une ou des parties de A. Appelons D la partie ou les parties de A qui restent lorsque l’on a retranché de C autant de rapports égaux à A que l’on pouvait (C = nA•D). D ne peut pas être irrationnel, car, s’il l’était, le rapport rationnel C serait décomposé en un ou plusieurs rapports rationnels et en un rapport irra-

9. C’est ce que Nicole Oresme a démontré dans la conclusion 3 (voir, n. 8). 10. Et ut facilius videatur ponatur exemplum in numeris quia si B proportio sit partes A utraque est ut numerus per quintam decimi. Sit igitur B 3/5 ipsius A et tunc necesse per precedentem quod C sit 2/5. Subtrahendo, igitur, C ab B, remanet 1/5, que est pars ipsius quia est 1/5 ipius A (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 188 ; Sur les rapports de rapports, p. 108). 11. Si autem B fuerit 8/11 ipsius A tunc C erit 3/11. Subtracto, igitur, C a B quotiens potest remanet 2/11. Et iterum isto residuo subtracto a C quantum potest remanet 1/11 que est pars ipius A de qua arguitur sicut prius (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 188 et 109 ; Sur les rapports de rapports, p. 108). 12. Quinta conclusio. Si fuerit aliqua proportio inter cuius primos numeros nullus fuerit numerus medius proportionalis seu numeri illa erit incommensurabilis cuicumque minori rationali ea et cuilibet maiori que non est multiplex ad ipsam (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 190 ; Sur les rapports de rapports, p. 109).

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tionnel, ce qui est impossible comme on l’a vu plus haut (conclusion 1). Mais D ne peut pas être non plus rationnel car D est une partie ou des parties de A et qu’un rapport rationnel ne peut pas avoir pour partie ou pour parties un rapport rationnel (conclusions 2 et 3). Donc C n’est pas commensurable à A. Nicole Oresme considère maintenant les rapports entre les plus petits nombres desquels il y a un médian ou des médians proportionnels entiers. Dans un premier temps, il démontre que, si un rapport A est un multiple d’un rapport B, A n-uple de B, alors il y a, entre les termes du rapport A, n-1 médians selon le rapport B, que les termes du rapport A soient les plus petits ou non (conclusion 6)13. Ceci est immédiat si l’on se souvient que la division de A en des rapports égaux à B se fait par l’insertion entre les termes de A de médians proportionnels dans le rapport B14. Dans un deuxième temps, Nicole Oresme montre que si un rapport A est commensurable à un rapport B plus petit, et si A n’est pas un multiple de B, il existe un rapport D tel que, entre les termes de A, il y a des médians selon le rapport D et, entre les termes de B, il y a aussi des médians selon D (conclusion 7)15. En effet, dans ce cas, B est des parties de A, car il existe un rapport D qui est une partie commune à A et B. Or A et B se décomposent en rapports égaux à D si et seulement si, entre les termes de A et B, il existe des médians selon D, d’après ce qui précède. On a aussi la réciproque : si A et B sont tels qu’il existe, entre les termes de A, un médian ou des médians selon le rapport B, ou selon un rapport D tel qu’il existe aussi, entre les termes de B, des médians selon D, alors A et B sont commensurables (conclusion 8)16. Là encore la démonstration est fondée sur le lien qui existe entre la composition des rapports et l’insertion de médians entre les termes de ces rapports. L’ensemble des résultats auxquels on est finalement parvenu est résumé dans la neuvième conclusion de la première partie du chapitre II : « Étant donnés deux rapports, savoir s’ils sont commensurables.

13. Sexta conclusio. Si proportio maior fuerit multiplex ad minorem ut dupla ad minorem aut tripla et cetera, tot media proportionalia secundum proportionem minorem erunt inter extrema maioris quotiens ipsa maior minorem continet uno dempto et totidem numeros medios secundum proportionem minorem inter primos numeros maioris necesse est inter esse (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 192 ; Sur les rapports de rapports, p. 110). 14. Si A = (a : b), A = (a : a1)•(a1 : a2)•…•(an : b) avec (a : a1) = ... = (an : b) = B. 15. Septima conclusio. Si proportio maior fuerit commensurabilis minori et non sit multiplex ad eam sed in aliqua proportione quam volueris necesse est ut inter primos numeros minoris sit numerus aut numeri medii proportionales et quod inter primos numeros maioris sint numeri medii secundum illam proportionem seu proportionalitatem secundum quam inter primos numeros minoris est numerus seu numeri medii (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 194 ; Sur les rapports de rapports, p. 112). 16. Octava conclusio. Si fuerint due proportiones et inter primos numeros maioris fuerit numerus medius vel numeri medii secundum proportionem minorem aut secundum aliquam proportionem secundum quam inter primos numeros minoris sit numerus aut numeri medii ille due proportiones commensurabiles erunt. Hec est quasi conversa duarum precedentium (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 198 ; Sur les rapports de rapports, p. 113-114).

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Soit, comme auparavant, A un rapport plus grand et B un plus petit. Exprimons chacun d’eux sous sa forme première, en ses premiers nombres. On pourra le faire grâce à l’algorithme proposé plus loin. Ensuite, voyons si, entre ces nombres ainsi obtenus, il y a un nombre ou des nombres médians proportionnels et voyons combien ils sont et selon quel rapport, comme cela sera clair, du moins en partie, dans l’algorithme qui suit. Je dis alors, premièrement, que si, entre les premiers nombres de A, le plus grand, il n’y a pas un nombre médian ou des nombres médians, les rapports donnés sont incommensurables, d’après la cinquième conclusion. Deuxièmement, si, entre les premiers nombres de A, il y a un nombre médian ou des nombres médians selon le plus petit rapport B, alors A sera commensurable à B et il est un multiple de B, d’après la huitième conclusion. Troisièmement, si, entre les nombres de A, il y a un nombre, etc., mais pas selon le rapport B, alors A ne sera pas un multiple de B, d’après la sixième conclusion. Quatrièmement, si, entre les nombres de A, il y a un nombre etc., pas selon le rapport B, mais selon un autre rapport selon lequel, entre les premiers nombres de B, il y a un nombre médian etc., A et B seront commensurables, d’après la huitième conclusion. Cinquièmement, si, entre les nombres de A, il y a un nombre médian etc., pas selon B, ni selon un autre rapport selon lequel il y aurait, entre les premiers nombres de B, un nombre etc., ces rapports seront incommensurables, d’après la septième conclusion »17.

Nicole Oresme présente un exemple de chacun de ces cas : « Un exemple de la première serait le rapport triple et le rapport double. En effet, entre les nombres du plus grand, à savoir du rapport triple, qui sont 3 et 1, il n’y a aucun nombre médian etc. ; je dis donc qu’ils sont incommensurables.

17. Nona conclusio. Datis duabus proportionibus si sint commensurabiles invenire. Sit ut prius A proportio maior, B minor, tunc utraque earum primitus in primis numeris eius statuere et hoc poteris facere ex practica sequenti. Deinde vide si inter numeros illos iam habitos fuerit aliquis numerus medius proportionalis seu numeri et quot fuerint et secundum quam proportionem sicut in sequenti practica saltem pro parte patebit. Dico, igitur, primo quod si inter primos numeros A maioris nullus fuerit numerus medius seu numeri, proportiones date sunt incommensurabiles per quintam conclusionem. Secundo, si inter primos numeros A sit numerus medius seu numeri secundum B proportionem minorem, tunc A erit commensurabilis B et multiplex ad B per octavam. Tertio, si inter numeros A fuerit numerus, et cetera, non tamen secundum B, tunc A non erit multiplex ad B per sextam. Quarto, si inter numeros A fuerit numerus, et cetera, non tamen secundum B proportionem sed secundum aliquam aliam proportionem secundum quam inter primos numeros B est numerus medius, et cetera, A et B erunt commensurabiles per octavam. Quinto, si inter numeros A fuerit numerus medius non tamen secundum B, nec secundum aliam proportionem secundum quam inter primos numeros B sit numerus, et cetera, ille erunt incommensurabiles per septimam conclusionem (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 200 et 202 ; Sur les rapports de rapports, p. 115).

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Un exemple de la deuxième serait le rapport quadruple et le rapport double. En effet, entre les nombres du rapport quadruple, qui sont 4 et 1, il y a un médian selon le rapport double, à savoir 2 ; je dis donc qu’ils sont commensurables et le plus grand est multiple du plus petit. Un exemple de la troisième serait le rapport nonuple et le rapport double. En effet, entre les nombres du plus grand, qui sont 9 et 1, il y a un médian selon le rapport triple, à savoir 3, et non selon le plus petit rapport donné, à savoir le rapport double ; je dis donc que le plus grand n’est pas un multiple du plus petit. Un exemple de la quatrième serait le rapport octuple et le rapport quadruple. En effet, entre les premiers nombres de chacun d’eux, il y a un médian etc., selon le même rapport, à savoir le rapport double ; je dis donc qu’ils sont commensurables. Un exemple de la cinquième serait le rapport nonuple et le rapport quadruple. Entre les nombres de n’importe lequel d’entre eux, il y a un médian, mais puisque ce n’est pas selon le même rapport, mais selon le rapport triple entre les nombres du plus grand et selon le rapport double entre les nombres du plus petit, alors ils sont incommensurables »18.

Commensurabilité selon le genre du rapport rationnel Nicole Oresme revient sur la question de la commensurabilité ou de l’incommensurabilité des rapports rationnels dans le chapitre III. Il s’intéresse cette fois plus particulièrement aux rapports multiples et aux rapports superparticuliers. Il commence par poser plusieurs suppositions. Il demande ainsi qu’il n’existe pas de nombre médian proportionnel ni de nombres médians proportionnels entre les premiers termes d’un rapport multiple, si ce n’est selon un rapport multiple (supposition 4)19 et qu’il n’y a pas de nombre médian ou de 18. Exemplum de prima sint tripla et dupla. Cum igitur inter numeros maioris, scilicet triple, qui sunt 3 et 1, nullus est numerus medius, et cetera, dico quod sunt incommensurabiles. Exemplum de secundo sint quadrupla et dupla. Quia inter numeros quadruple, qui sunt 4 et 1, est medium secundum proportionem duplam, scilicet 2, dico quod sunt commensurabiles et maior est multiplex ad minorem. Exemplum tertii sint nonacupla et dupla. Cum igitur inter numeros maioris, qui sunt 9 et 1, sit medium secundum proportionem triplam, scilicet 3, et non secundum proportionem minorem propositam, scilicet secundum duplam, dico quod maior non est multiplex ad minorem. Exemplum quarti sunt octupla et quadrupla. Et quia inter utriusque primos numeros est medium, et cetera, secundum eandem proportionem, scilicet duplam, dico quod sunt commensurabiles. Exemplum quinti sint nonacupla et quadrupla. Et inter cuiuslibet numeros est medium sed quia non secundum eandem proportionem sed inter numeros maioris secundum triplam et inter numeros minoris secundum duplam, ideo sunt incommensurabiles (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 202 et 204 ; Sur les rapports de rapports, p. 115-116). 19. Quarta est nullus est numerus medius proportionaliter seu numeri inter primos numeros proportionis multiplicis nisi secundum proportionem multiplicem (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 222 ; Sur les rapports de rapports, p. 127-128). Cette supposition correspond à la proposition 60 du livre IX de l’Arithmétique de Jordanus : Multiplex proportio in aliquot equales proportiones distribui non potest preter multiplices (Jordanus, Arithmétique, p. 193). Sa démonstration est la suivante : Sit multiplex proportio inter a et b. Atque eadem composita ex duabus vel tribus si placet sitque a et c sicut c ad d et d ad b. Quia igitur b est multiplex ad a, erit et c multiplex ad eandem per xiiiam quarti. Et sic constat propositio (Soit un rapport multiple entre a et b. Et qu’il soit composé de deux, ou de trois rapports s’il l’on veut, et que a à c soit comme c à d et d à b. Alors, puisque b est multipe de a, c sera aussi multiple du même, d’après la proposition 13 du livre IV. Et ainsi on a ce qui a été proposé.)

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nombres médians selon un rapport multiple entre les premiers nombres d’un rapport non multiple (supposition 6)20. Il explique alors qu’aucun rapport multiple n’est commensurable à un rapport non multiple (conclusions 1 à 3 du chapitre III)21. Ce résultat découle des conclusions du chapitre II. En effet, prenons un rapport A multiple et un rapport B non multiple. Supposons dans un premier temps que B est plus petit que A. Si A et B étaient commensurables, B serait une partie ou des parties de A. Si c’était une partie, alors il y aurait, entre les plus petits termes de A, un médian ou des médians selon le rapport B, ce qui contredit la supposition 4. Et si B étaient des parties de A, alors il existerait, entre les premiers termes de A, un médian ou des médians selon un rapport D tel qu’il existerait aussi, entre les premiers termes de B, des médians selon D, ce qui est impossible selon les suppositions 4 et 6. Et si B est plus grand que A, le raisonnement est le même. Nicole Oresme démontre ensuite que tout rapport superparticulier est incommensurable à n’importe quel autre rapport, qui n’en est pas un multiple, et que tout rapport superparticulier n’est le multiple d’aucun rapport (conclusion 5)22. En effet, les premiers termes des rapports superparticuliers diffèrent seulement d’une unité, par conséquent il ne peut pas y avoir entre eux un nombre médian ou des nombres médians proportionnels entiers23. Revenant aux rapports multiples, Nicole Oresme explique que sont commensurables ceux dont les dénominations24 appartiennent à une même suite de

20. Sexta est nullus est numerus medius seu numeri medii inter primos numeros proportionis non multiplicis secundum proportionem multiplicem (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 222 ; Sur les rapports de rapports, p. 128). 21. Prima conclusio. Nulla proportio multiplex sive de genere multiplici est commensurabilis proportioni non multiplici vel de alio genere minori ea. [...] Secunda conclusio. Nulla proportio multiplex est commensurabilis alicui non multiplici maiori ea. [...] Tertia conclusio. Nulla proportio de genere multiplici est commensurabilis alicui que non sit de genere multiplici (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 222 et 224 ; Sur les rapports de rapports, p. 128-129). 22. Quinta conclusio. Omnis proportio de genere superparticulari est incommensurabilis cuilibet superparticulari et cuilibet alteri que non est multiplex ad ipsam impossibile est esse de genere multiplici (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 228 ; Sur les rapports de rapports, p. 131). La seconde partie de cette conclusion est démontrée par Jordanus à la proposition 61 du livre IX : Nulla superparticularis proportio in aliquot equales proportiones est divisibilis (Jordanus, Arithmétique, p. 193) Sa démonstration est la suivante : Sit inter a et d proportio superparticularis. Ponanturque unus vel duo medii, si possibile est, sintque b et c. Sint autem minimi eiusdem proportionis e f g h. Et quia h ad e sicut d ad a, tunc h continebit e et eius partem que sit z. Numerabit igitur z et h, erunt ergo h et e commensurabiles. Quod est contrarium premissis. [...] (Soit un rapport superparticulier entre a et d. Que l’on pose un ou deux médians, si c’est possible, et que ce soient b et c. Soient e f g h les plus petits termes de cette proportion. Et puisque h est à e comme d à a, alors h contiendra e et sa partie, qui soit z. Alors z nombrera aussi h et h et e seront donc commensurables. Ce qui est contraire aux prémisses.) 23. Cuiuslibet enim proportionis superparticularis primi numeri differunt sola unitate ita quod maior excedit minorem solum per unitatem. Cum igitur inter tales numeros nullus sit numerus medius sequitur quod inter nullius proportionis superparticularis primos numeros est numerus medius (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 228 ; Sur les rapports de rapports, p. 131) Les premiers termes d’un rapport superparticuliers sont de la forme k+1 et k, puisque ce sont des rapports entre a et b avec a = b+(1/k)b. 24. La dénomination d’un rapport multiple entre a et b tels que a = n.b est le nombre n. Pour la notion de dénomination d’un rapport rationnel, voir notre chapitre IV.

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nombres géométriquement proportionnels commençant à 1 (conclusion 6)25 : par exemple, le rapport double, le rapport octuple et le rapport sédécuple sont commensurables, car leurs dénominations 2, 8 et 16 appartiennent à la même suite géométrique de raison 2. Et finalement, Nicole Oresme présente un critère simple permettant de déterminer, parmi les rapports non multiples, ceux qui sont commensurables. Il suffit que leurs plus grands termes appartiennent à une même série géométrique commençant à 1 et que leurs plus petits termes appartiennent aussi à une même série géométrique commençant à 1, au même rang (conclusion 7)26. Ainsi, si l’on considère la série de raison 2 : 1, 2, 4, 8, etc., et la série de raison 3 : 1, 3, 9, 27, etc., on constate que le rapport de 9 à 4 est commensurable au rapport de 3 à 2 (il en est le double) et que le rapport de 27 à 8 est commensurable au rapport de 3 à 2 (il en est le triple). Tout autre rapport qui n’est pas construit à partir de ces suites est incommensurable au rapport de 3 à 2. La commensurabilité des rapports dans la première rédaction des Questions sur les rapports de Blaise de Parme On trouve la trace de la théorie oresmienne de la commensurabilité des rapports rationnels dans la première rédaction des Questions sur le traité des rapports de Blaise de Parme27. Dans le deuxième article de la question 2 sont proposées trois conclusions. On reconnaît dans la première conclusion l’énoncé de la troisième conclusion proposée par Nicole Oresme au chapitre III de son traité : « aucun rapport du genre du multiple n’est commensurable à un autre rapport d’un genre non multiple »28. L’incommensurabilité des rapports était liée, chez Nicole Oresme, à l’impossibilité d’insérer entre les plus petits termes du rapport multiple des médians proportionnels selon le rapport non multiple, ou inversement. La démonstration que Blaise de Parme propose du

25. Sexta conclusio. Omnes proportiones de genere multiplici sunt commensurabiles et solum tales quarum denominationes sunt de numero numerorum qui in eadem serie ab unitate continue proportionaliter ordinantur (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 228 ; Sur les rapports de rapports, p. 132). 26. Septima conclusio. Nulla proportio de alio genere quam de multiplici est commensurabilis alteri nisi maior de primis numeris maioris et maior de primis numeris minoris sunt de numeris aliquorum numerorum qui in eadem ordinatione ab unitate continue proportionaliter ordinantur et similiter cum hoc minor maioris et minor minoris sunt de quadam alia serie numerorum qui continue ab unitate proportionaliter ordinantur quod si fuerint continue erunt commensurabiles (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 232 ; Sur les rapports de rapports, p. 134). 27. Cette première rédaction se trouve dans le manuscrit de Milan, Ambrosiana, F. 145 sup, fos 5va-18rb, dorénavant noté M. Les extraits du manuscrit M sont tirés d’une transcription à ce jour inédite réalisée par Joël Biard et moi-même. 28. Nulla proportio de genere multiplici alie (corr. aliam M) de genere non multiplici est commensurabilis (M, fo 6ra). Voir la conclusion de Nicole Oresme, p. 43, n. 21.

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même résultat est beaucoup moins rigoureuse, voire non probante29. Blaise cherche à montrer que si un rapport multiple était commensurable à un rapport non multiple, alors il s’ensuivrait qu’à un rapport multiple serait associé, d’une part, un nombre entier et, d’autre part, un entier et une fraction ou des fractions, ce qui est impossible. Il commence par examiner le cas où les deux rapports seraient égaux. Alors le nombre associé au rapport multiple, qui est un entier, serait égal à un entier et une fraction ou des fractions associés à un rapport non multiple30, ce qui est impossible. Blaise suppose dans un second temps que le rapport non multiple est plus grand que le rapport multiple ; il prend l’exemple d’un rapport non multiple qui serait deux fois le rapport double. Alors le rapport non multiple serait égal au rapport quadruple. Donc le rapport quadruple est, d’une part, dénommé par 4 et, d’autre part, dénommé par un entier et une fraction ou des fractions, puisqu’il est égal à un rapport non multiple. La démonstration est insatisfaisante, car on ne voit pas pourquoi un rapport non multiple plus grand qu’un rapport multiple en serait nécessairement un multiple, comme le double. Blaise tire de cette conclusion plusieurs corollaires. Premier corollaire : le rapport sesquialtère (entre 3 et 2) n’est pas une partie aliquote du rapport double. En effet, s’il l’était, ces rapports seraient commensurables31. Deuxième corollaire : le rapport sesquialtère et le rapport sesquitièrce (de 4 à 3) sont incommensurables, puisqu’ils composent le rapport double et que le rapport sesquialtère est incommensurable au rapport double32. Ces deux corollaires peuvent être rapprochés d’un des corollaires que l’on trouve à la suite de la conclusion 3 dans le traité de Nicole Oresme : 29. Probatur conclusio sic : quoniam si non est ita, sequitur quod proportio multiplex non solum denominaretur ab integra precise, sed [in] a fractione. Consequens est falsum et contra auctorem nostrum De proportionibus prima parte capituli primi. Probatur consequentia, et sit proportio de genere non multiplici equalis proportioni multiplici, tunc ex consequenti est sibi commensurabilis, tunc sic proportiones date sunt equales, igitur denominationes sunt eadem. Sed quod est denominatio proportionis non multiplicis est integrum cum fractionibus vel fractione, ut preallegatum est, et denominatio multiplicis non, igitur etc. Prima conclusio patet per Iordanum II° sue Arismetice. Si autem dicatur quod non sint equales, sit ergo earum una altera maior et ergo sit proportio non multiplex proportione multiplici maior et sit, gratia exempli, dupla duple (corr. triple M). Tunc arguo sic : proportio de genere non multiplici est dupla duple, igitur est equalis quadruple. Consequentia patet per prima parte none Vi Euclidis et per consequens eandem denominationem habebit, ut patet II° Arismetice Iordani (M, fo 6ra). 30. Si le rapport entre a et b n’est pas multiple, alors a = n.b+(p/q)b, avec éventuellement p = 1. Et on associe au rapport le nombre n+p/q. Ce nombre est appelé dénomination du rapport comme on le verra dans le chapitre IV. 31. Ex illa conclusione sequitur quod proportio sexquialtera componens duplam non est pars duple aliquota. Probatur sic, quia sequitur quod esset sibi communicans. Consequens est contra conclusionem et tenet consequentia ex diffinitione partis aliquote et communicantium quantitatum (M, fo 6ra-rb). 32. Ex quo sequitur ulterius quod sexquitertia et sexquialtera sunt incommensurabiles. Probatur : dupla componitur ex illis, ut patet calculanti, et dupla est incommensurabilis sexquialteri, ut patet per primam conclusionem, igitur erit etiam incommensurabilis sexquitertie (M, fo 6rb).

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« En outre, il s’ensuit que, si un rapport multiple est composé de plusieurs rapports non multiples, comme le rapport double est composé du rapport sesquialtère et du rapport sesquitièrce, ou s’il est composé d’un rapport multiple et d’autres rapports, comme le rapport triple est composé du rapport double et du rapport sesquialtère, n’importe lequel de ces composants sera incommensurable au composé et les composants seront aussi incommensurables entre eux »33.

Dans un troisième corollaire, Blaise explique que la consonance diapente (quinte) est incommensurable à la consonance diatesseron (quarte), puisque la première correspond au rapport sesquialtère et la seconde au rapport sesquitièrce34. Du deuxième corollaire, Blaise tire immédiatement la deuxième conclusion : les rapports sesquialtère et sesquitièrce ne sont pas entre eux selon le rapport de leurs dénominations, puisqu’ils sont incommensurables, alors que leurs dénominations (1+1/2 et 1+1/3) sont commensurables35. Blaise ne reviendra pas sur la commensurabilité des rapports dans la seconde rédaction de ses Questions sur les rapports, mais on a ici un premier indice suggérant qu’il pourrait avoir eu connaissance du traité de Nicole Oresme Sur les rapports de rapports dès les années 1380 (rappelons que le traité de Nicole Oresme a été rédigé entre 1351 et 1360). La commensurabilité des rapports dans Le Livre sur les trois mouvements d’Alvarus Thomas Au chapitre 6 de la partie II de son Livre sur les trois mouvements, Alvarus Thomas reprend explicitement certaines des conclusions de Nicole Oresme concernant la commensurabilité ou l’incommensurabilité des rapports selon leurs genres. Il propose ainsi une série de sept conclusions36 : aucun rapport

33. Item sequitur quod si aliqua multiplex componitur ex pluribus non multiplicibus, sicut dupla ex sexquialtera, vel ex multiplici et alia, sicut tripla ex dupla et sexquialtera, quelibet componentium erit incommensurabilis composite et etiam erunt incommensurabiles inter se (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 226 ; Sur les rapports de rapports, p. 130). 34. Ex isto consequenter sequitur quod consonantia que est diapente est incommensurabilis consonantie que dicitur diatesseron [corr. dixteseron M]. Patet ex eo quod prima consistit in proportione sexquialtera sed secunda consistit in proportione sesquitertia (M, , fo 6rb). 35. Secunda conclusio : proportiones sexquialtera et sexquitertia non sunt secundum proportionem denominationum earum capiende. Probatur eo quod dicte proportiones sunt incommensurabiles, ut patet per corollarium secundum, sed denominationes proportionum sunt commensurabiles, ut patet, quia inter eas est proportio sexquialtera, ut patet calculanti (M, fo 6rb). 36. Prima conclusio : Nulla proportio multiplex est pars aliquota alicuius proportionis non multiplicis. [...] Secunda conclusio : Nulla proportio multiplex est commensurabilis alicui proportioni superparticulari aut superpartienti. [...] Tertia conclusio : Nulla proportio multiplex est commensurabilis alicui multiplici superparticulari aut multiplici superpartienti. [...] Quarta conclusio : Nulla proportio multiplex est commensurabilis alicui proportioni rationali non multiplici. [...] Quinta conclusio : Nulla proportio superparticularis est commensurabilis alicui proportioni superparticulari. [...] Sexta conclusio : Inter rationales tantum proportio multiplex commensuratur proportioni multiplici. [...] Septima conclusio : Omnes proportiones multiplices quarum denominationes sunt de numero numerorum sunt inter se commensurabiles (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo d4ra-vb).

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multiple n’est la partie aliquote d’un rapport non multiple (conclusion 1) ; aucun rapport multiple n’est commensurable à un rapport superparticulier ou superpartient (rapport entre a et b tels que a = b+(p/q)b, avec p • 1 et p < q) (conclusion 2) ; aucun rapport multiple n’est commensurable à un rapport multiple superparticulier ou multiple superpartient (rapport entre a et b tels que a = n.b+(p/q)b, avec n > 1, p • 1 et p < q) (conclusion 3) ; aucun rapport multiple n’est commensurable à un rapport rationnel non multiple (conclusion 4) ; aucun rapport superparticulier n’est commensurable à un rapport superparticulier (conclusion 5) ; parmi les rapports rationnels, seul un rapport multiple est commensurable à un rapport multiple (conclusion 6) ; tous les rapports multiples dont les dénominations appartiennent à la même série géométrique commençant à l’unité sont commensurables (conclusion 7). Alvarus Thomas reconnaît lui-même que les deuxième, troisième, quatrième, cinquième et septième conclusions correspondent à des conclusions de Nicole Oresme, même si les énoncés et les preuves diffèrent : « Ces conclusions, à l’exception de la première et de la sixième sont de Nicole Oresme ainsi que leurs démonstrations, ou du moins les principes des preuves et leurs fondements sont tirés de lui »37.

Voyons, par exemple, la deuxième conclusion. Elle correspond à la première conclusion de la partie III du traité de Nicole Oresme, selon laquelle aucun rapport multiple n’est commensurable à un rapport rationnel qui lui est plus petit38. Alvarus Thomas précise que ce rapport plus petit est soit superparticulier, soit superpartient. Pour démontrer cette proposition, Alvarus commence par rappeler que le plus petit terme d’un rapport multiple est l’unité. Il considère alors un rapport multiple A et suppose qu’il est commensurable à un rapport B superparticulier ou superpartient. Puisque A et B ont été posés commensurables, alors il existe un rapport C qui est une partie aliquote de chacun d’eux. En particulier, C est une partie de A. Donc A peut être décomposé en plusieurs rapports égaux à C. En conséquence, il existe un terme médian entre les termes de A tel que C soit le rapport de ce terme médian au plus petit terme de A, c’est-à-dire à l’unité. Or C n’est pas un rapport multiple, puisqu’il est aussi une partie aliquote de B, non multiple, et qu’il a été démontré dans la première conclusion qu’aucun rapport multiple n’est la partie aliquote d’un rapport non multiple. Par conséquent, puisque C n’est pas multiple, son plus petit terme ne peut pas être l’unité ; il ne peut pas être une partie de A. On aboutit donc à une contradiction39.

37. Iste conclusiones dempta prima et sexta sunt Nicholai Horem cum suis probationibus saltem virtutes probationum et fundamenta sunt ex ipso (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, o d4vb). f 38. Voir plus haut, p. 43, n. 21.

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Dans la preuve de Nicole Oresme, nous avions vu que plusieurs cas de figures étaient envisagés selon que le rapport B est une partie ou des parties de A et que, dans chacun des cas, c’était l’impossibilité d’insérer des médians proportionnels entre les premiers termes des rapports qui entraînait la conclusion40. En effet, Nicole Oresme avait posé comme suppositions qu’il n’existe pas de médian proportionnel ni de médians proportionnels entre les premiers termes d’un rapport multiple, si ce n’est selon un rapport multiple, et qu’il n’y a pas de médian ou de médians selon un rapport multiple entre les premiers nombres d’un rapport non multiple. Ici Alvarus Thomas prend comme point de départ la définition de la commensurabilité des rapports : des rapports sont commensurables s’ils ont une partie commune. Et la preuve est fondée sur deux propriétés qu’il a énoncées dans des suppositions : premièrement, si un rapport C est la partie aliquote d’un autre rapport A, il existe entre les termes de A un médian tel que C soit le rapport de ce médian au plus petit terme de A ; deuxièmement, le plus petit terme d’un rapport multiple est l’unité. Alvarus Thomas va émettre des critiques à l’encontre de cette dernière supposition : « Mais ces preuves me semblent inefficaces. En effet, les preuves de la deuxième, de la troisième et de la quatrième sont principalement fondées sur cette supposition que pour n’importe quel rapport multiple le plus petit terme est l’unité. En effet, cette supposition est fausse, puisque 8 à 4 est un rapport multiple et, cependant, aucun de ses extrêmes n’est l’unité »41.

Ce qui est en jeu ici, c’est ce qu’il faut entendre par « rapport ». Reprenons l’exemple donné par Alvarus : le rapport de 8 à 4 est un rapport multiple, c’est même le rapport double. On peut alors poser, comme semble le faire ici Alvarus, que le rapport de 8 à 4 n’est pas le même que le rapport de 2 à 1, ou de 16 à 8, même si ces rapports sont tous des rapports doubles. Dans ce cas, le

39. Probatur quoniam cuiuslibet proportionis multiplicis unitas est minimum extremum, igitur nulla proportio multiplex est commensurabilis alicui proportioni superparticulari aut suprapartienti. Antecedens patet ex quinta suppositione et consequentia probatur quia detur oppositum consequentis et sit illa proportio superparticularis aut superpartiens b et multiplex et commensurabilis a et sequitur quod aliqua proportio est pars aliquota ipsius b et ipsius a ut patet ex secunda suppositione, sit igitur illa proportio que est pars aliquota c et arguitur sit : c est pars aliquota ipsius a igitur a ex aliquot c proportionibus adequate componitur. Patet hec consequentia ex definitione partis aliquote, et ultra ex aliquot proportionibus c adequate componitur, ergo altera illarum c proportionum est alicuius termini intermedii ad minimum extremum ipsius proportionis a. Patet hec consequentia ex tertia suppositione et c non est proportio multiplex ut constat, cum sit pars aliquota proportionis qualibet multiplice minoris, ergo sequitur quod minimum extremum talis proportionis c non est unitas, et illud minimum extremum proportionis c est minimum extremum proportionis a non est unitas, et a est multiplex per te, ergo non cuiuslibet multiplicis unitas est minimum extremum quod est oppositum antecedentis consequentie probande et quinte suppositionis (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo d4rb). 40. Voir plus haut, p. 43. 41. Sed videntur mihi ille probationes inefficaces fundatur enim principaliter probatio secunde, tertie et quarte in hac suppositione cuiuslibet proportionis multiplicis unitas est minimum extremum. Modo illa suppositio falsa est quoniam octo ad quatuor est proportio multiplex, tamen neutrum extremorum eius est unitas (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo d4vb).

COMMENSURABILITÉ ET INCOMMENSURABILITÉ DES RAPPORTS ENTRE EUX 49

plus petit terme du rapport de 8 à 4 est 4, celui de 2 à 1 est 1, et on ne peut donc pas parler du plus petit terme du rapport double. Mais on peut aussi comprendre qu’il existe un seul rapport double, qui peut s’exprimer de différentes manières, comme le rapport de 2 à 1, ou de 8 à 4. Si l’on choisit cette interprétation, on peut alors parler des plus petits nombres dans un rapport numérique donné ; pour le rapport double, il s’agit de 2 et 1. En termes modernes, la question est donc de savoir s’il faut considérer séparément toutes les relations dites « rapport double » ou si l’on peut considérer le « rapport double » comme le représentant de la classe d’équivalence que constitue l’ensemble de ces rapports. Lorsque Nicole Oresme dit que tout rapport multiple a l’unité pour plus petit terme, il se place dans le second cas : un rapport multiple est le représentant d’une infinité de couples de termes dans la même relation et parmi tous ces couples, il y a un couple composé des plus petits termes (Nicole Oresme les appelle les premiers termes du rapport). Mais, en fin de compte, c’est la portée universelle de la preuve de la conclusion 2 qui est mise en doute par Alvarus. La démonstration a été faite dans le cas particulier d’un rapport multiple représenté par ses plus petits termes. Est-ce qu’elle est toujours valable pour un autre rapport multiple de la même espèce ? Alvarus Thomas pense connaître la réponse de Nicole Oresme à cette question : « Nicole dirait qu’il est suffisant d’avoir qu’un rapport double n’est pas commensurable à un rapport non multiple rationnel, puisque, du fait que tous les rapports doubles sont égaux, tout rapport qui n’est pas commensurable à l’un n’est pas commensurable à l’autre »42.

Il suffit pour cela d’appliquer la propriété suivante : « Il est à noter en effet que si une chose est incommensurable à une chose, elle sera aussi incommensurable à n’importe laquelle des choses qui sont égales à cette chose, puisque des choses égales sont comparées adéquatement à des choses égales »43.

Puisque la commensurabilité ou l’incommensurabilité sont des propriétés qui s’étendent aux choses égales, il suffit de démontrer la propriété pour un des rapports doubles et ce sera vrai pour tous les rapports doubles qui lui sont égaux. Il nous semble que la réponse de Nicole Oresme serait tout autre. Assurément, au cours de la démonstration, celui-ci considère les rapports selon leurs

42. Se diceret Nicholaus quod satis ei est habere quod una proportio dupla non est commensurabilis alicui proportioni non multiplici rationali quoniam cum omnes duple sint equales quicquid non est commensurabile uni certe non est commensurabile alteri (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo d5ra). 43. Notum enim est quod si aliquid est incommensurabile uni equalium etiam cuilibet erit incommensurabile, quoniam omnia equalia ex equalibus adequate componuntur (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo d5ra).

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plus petits termes. Mais rappelons que lorsque ce dernier avait démontré, au chapitre II, que « si, entre les deux plus petits nombres d’un rapport rationnel quelconque, il n’y a pas un nombre ou des nombres proportionnels en place médiane, un tel rapport ne peut pas être divisé en plusieurs rapports rationnels égaux et, pour cette raison, aucun rapport rationnel n’en est une partie aliquote »44, il avait invoqué la proposition 8 du livre VIII des Éléments selon laquelle « si entre deux nombres tombent autant de nombres que l’on veut en proportion continue, il est nécessaire qu’il tombe autant de nombres entre deux nombres quelconques reliés selon le même rapport ». Nous avions souligné que cette proposition permettait à Nicole Oresme de n’envisager que les plus petits termes des rapports donnés. En effet, la possibilité ou non de diviser un rapport en parties égales s’exprime de la même manière, que le rapport soit représenté par ses plus petits nombres ou non. Quoi qu’il en soit, Alvarus Thomas présente une dernière objection. Il explique, en effet, qu’un rapport A peut très bien être une partie d’un rapport B, sans que ce même rapport A soit une partie d’un rapport égal à B. Il donne l’exemple du rapport de 8 à 4, qui se compose du rapport sesquialtère et du rapport sesquitièrce (par l’insertion de 6 entre 8 et 4), alors que ce n’est pas vrai pour le rapport de 2 à 1 (il n’y a pas de médian entier entre 2 et 1, donc ce rapport ne peut être divisé d’aucune manière)45. Il faut noter qu’il est question ici de partie au sens large, alors que Nicole Oresme parlait de partie aliquote. Or nous avons vu que, pour les parties aliquotes, si la division peut être faite à partir des plus petits termes du rapport, elle peut l’être pour tout autre représentant du même rapport, ou inversement. L’objection ne vaut pas. Mais Alvarus Thomas met le doigt sur un point important : même si tous les rapports de la même espèce, par exemple « double », sont égaux entre eux, ou semblables, il convient toutefois de vérifier si une propriété valable pour l’un de ces rapports est encore valable pour tous les rapports de la même espèce. Et c’est bien ce que fait Nicole Oresme lorsqu’il invoque la proposition VIII. 8. Par contre, c’est ce que ne fait pas Alvarus Thomas lui-même dans sa démonstration de la deuxième conclusion (ni dans les autres conclusions qu’il dit devoir à Nicole Oresme). Ayant choisi de ne reprendre que certains résultats de la partie III du traité d’Oresme, il lui manque la propriété qui rend légitime les démonstrations oresmiennes, et qui figurait dans la partie II. 44. Il s’agit de la deuxième conclusion du deuxième chapitre (voir plus haut, p. 36). 45. Sed contra diceret proteruus quia dabiles sunt due proportiones equales et tamen aliqua proportio est pars unius et nec illa nec aliqua proportio est pars alterius, igitur non est inconveniens aliquas duas proportiones esse equales et aliquid esse partem unius et nec illud nec tantum esse partem alterius, et per consequens pari ratione posset dici quod quamuis omnes duple sint equales, aliquid tamen est pars aliquota unius quod non est pars aliquota alterius nec tantum quemadmodum aliqua proportio est pars alicuius proportionis duple, et tamen nec illa nec ei equalis est pars alterius duple. Probatur assumptum de his duabus duplis quarum una est 8 ad 4 et altera 2 ad 1. Nam illa que est 8 ad 4 componitur ex proportione sexquialtera et sexquitertia que mediant inter sua extrema, illa vero que est duorum ad unum ex nulla sexquialtera aut sexquitertia componitur, quoniam nullus numerus mediat inter extrema illius (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo d5ra).

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La commensurabilité des rapports dans le Livre d’algèbre en arithmétique et en géométrie de Pedro Nuñez Dans le chapitre 9 de la seconde partie de son Livre d’algèbre en arithmétique et en géométrie, Pedro Nuñez cherche à déterminer, en fonction des différents genres de rapports rationnels, s’ils sont commensurables ou non entre eux. Pour cette étude, Pedro Nuñez choisit une autre voie que celle empruntée par Nicole Oresme. Ce dernier envisageait seulement la décomposition des rapports rationnels en rapports rationnels ; Pedro Nuñez introduit les rapports irrationnels. Mais un des résultats auxquels Nuñez va parvenir fournit une justification a posteriori de la démarche de Nicole Oresme, comme nous allons le voir. Pedro Nuñez conduit son étude par étapes, en vingt-cinq règles. Dans un premier groupe de propositions, il s’intéresse à la décomposition des rapports rationnels en rapports égaux. Les deux premières règles concernent les rapports rationnels en général. Pedro Nuñez remarque que si un rapport est composé de plusieurs rapports rationnels, il est lui-même rationnel (règle 1)46, puis qu’aucun rapport rationnel n’est composé d’un rapport rationnel ou de plusieurs rapports rationnels et d’un rapport irrationnel ou de plusieurs rapports irrationnels ne formant pas un rapport rationnel (règle 2)47. Il s’intéresse ensuite aux rapports d’égalité et à ceux de plus grande ou de plus petite inégalité : un rapport de plus grande inégalité peut être composé d’un rapport d’égalité et d’un rapport de plus grande inégalité, ou d’un rapport d’égalité, d’un rapport de plus grande inégalité et d’un rapport de plus petite inégalité (règle 3)48, mais ne peut être composé ni de plusieurs rapports d’égalité, ni de plusieurs rapports de plus petite inégalité, ni d’un rapport d’égalité et de plusieurs rapports de plus petite inégalité (règle 4)49, etc50. Il en vient ensuite aux différents genres de rapports de plus grande inégalité. Ainsi, dans la règle 7, il explique qu’aucun rapport multiple n’est composé de

46. [...] si una proporcion fuere justamente compuesta de dos o muchas proporciones racionales, necessariamente sera racional (Nuñez, Algebra, fo 87r). 47. 2. Y que ninguna proporcion racional es justamente compuesta de una racional, y de otra irracional, ny de muchas racionales, y una irracional. Mas podera ser compuesta de muchas irracionales, y de una racional, quando las irracionales constituien una racional (Nuñez, Algebra, fo 87r). C’est la conclusion 1 de la première partie du chapitre II dans le traité d’Oresme (voir plus haut, p. 37, n. 6). 48. 3. Y que la proporcion de mayor desigualdad puede justamente ser compuesta de una proporcion de ygualdad, y de otra de mayor desigualdad. Y puede ser compuesta de tres proporciones, una de las quales sera de ygualdad, y otra de mayor desigualdad, y otra de menor desigualdad (Nuñez, Algebra, fo 87r). 49. 4. Mas no podera ser compuesta justamente de muchas de ygualdad, ny de muchas de menor desigualdad, ny de una de ygualdad, y de otra de menor desigualdad (Nuñez, Algebra, fo 87r). 50. Pedro Nuñez ne démontre aucune de ces règles mais il explique qu’elles découlent immédiatement de ce qu’il vient d’exposer, dans le même chapitre, sur la composition des rapports.

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rapports rationnels égaux qui ne soient pas multiples51. Il le démontre en considérant un rapport de a à f, multiple, composé des rapports de a à b, de b à c, de c à d, de d à e et de e à f, tous égaux et non multiples. Il explique alors que f n’étant pas une partie aliquote de e (sinon le rapport de e à f serait multiple), f n’est pas non plus une partie aliquote de a, ce qui contredit le fait que le rapport de a à f a été posé multiple. Dans la règle 8, il ajoute que tout rapport composé de rapports multiples égaux ou inégaux est multiple52. Dans la règle 9, il en vient aux rapports superparticuliers pour lesquels il démontre qu’ils ne peuvent pas être composés de rapports rationnels égaux53. Supposons, en effet, qu’un rapport superparticulier puisse être composé de rapports rationnels égaux. Entre les termes du rapport obtenu par composition de rapports rationnels égaux il y a plusieurs nombres en proportion continue et, par conséquent, il devrait y avoir autant de nombres entre les plus petits termes du rapport superparticulier, ce qui est impossible puisque ces termes ne diffèrent que d’une unité. Il en conclut qu’une partie aliquote d’un rapport superparticulier est nécessairement un rapport irrationnel54. Dans la règle 10, Pedro Nuñez explique qu’un rapport rationnel ou irrationnel ne peut pas être une partie commune à un rapport multiple et un rapport non multiple55. Il le démontre par l’absurde, en supposant qu’un rapport B est 51. 7. Y ninguna proporcion multiplice puede justamente ser compuesta de proporciones racionales yguales que no sean multiplices. Porque si la proporcion de a para f fuere multiplice, y fuere compuesta de las proporciones de a para b y de b para c y de c para d y de d para e y de e para f y fueren estas proporciones yguales racionales, y no multiplices, no sera luego f parte aliquota de e y por la 7 del 8 libro de Euclides, facilmente se podra demonstrar, que ny sera parte aliquota de a y non sera luego multiplice la proporcion de a para f contra lo que de principio de propuso (Nuñez, Algebra, fo 87v). 52. 8. Y toda proporcion que de multiplices proporciones fuere justamente compuesta, ora sean yguales, ora desiguales, sera multiplice (Nuñez, Algebra, fo 87v). 53. 9. Y ninguna superpaticular podra justamente ser compuesta de proporciones yguales racionales. Porque si lo pudiese ser, podrian luego caber entre los extremos numeros de la proporcion compuesta otros numeros en una misma proporcion continua, y por la 8 del octavo libro de Euclides, otros tantos numeros han de caber entre los minimos numeros de la dicha proporcion superparticular, lo qual es impossible, porque los minimos numeros de qualquier proporcion superparticular son immediatos, queremos dezir, que el mayor excede al menor en la unidad. Por esta razon qualquier proporcion que fuere parte aliquota de proporcion superparticular sera irracional (Nuñez, Algebra, fo 87v-88r). 54. On trouve des propositions équivalentes aux règles 7 à 9 dans l’Arithmétique de Jordanus (Arithmetica, p. 177 et 193). La règle 7 correspond à la proposition 60 du livre IX (Multiplex proportio in aliquot equales proportiones distribui non potest preter multiplices), la règle 8 à la proposition 22 du livre IX (Si due multiplices coniungantur, composita erit multiplex) et la règle 9 à la proposition 61 du livre IX (Nulla superparticularis proportio in aliquot equales proportiones est divisibilis). 55. 10. Y ninguna proporcion podra ser parte aliquota de una proporcion multiplice, y de otra racional no multiplice. [...] Pero non aura proporcion ny racional, ny irracional, que sea parte aliquota de una proporcion multiplice, y de otra racional no multiplice. Porque si nos dixeren que puede auer proporcion parte aliquota de una multiplice, y de otra racional no multiplice, sea essa proporcion b y sea a la proporcion multiplice de la qual es parte aliquota, y sea c otra proporcion racional no multiplice de la qual tambien b es parte aliquota, y quan multiplice es a de b tan multiplice sea la porporcion d de la proporcion c y porque las quantidades que ygualmente son multiplices de otras, tienen entre si aquella proporcion, que tienen entre si las sus submultiplices por la 15 proposicion del quinto, pues la proporcion c es multiplice de la proporcion b tambien d sera multiplice de la proporcion a y ygualmente multiplice, y porque a es proporcion multiplice, necessario es que la proporcion d sea multiplice por el 8 documento, y porque c es parte de d que auemos demonstrado ser multiplice, tambien c sera multiplice por el 7 documento, y esto es contradicion, falso es luego que c es racional no multiplice (Nuñez, Algebra, fo 87r-v).

COMMENSURABILITÉ ET INCOMMENSURABILITÉ DES RAPPORTS ENTRE EUX 53

la partie aliquote d’un rapport multiple A et d’un rapport non multiple C. Il considère alors le rapport D tel que A soit multiple de B autant que D est multiple de C 56. Donc C est multiple de B comme D est multiple de A57. Or A est un rapport multiple, donc D est aussi un rapport multiple, et comme C est une partie aliquote de D, alors C est un rapport multiple, d’après la règle 7. Ceci contredit l’hypothèse. Dans la règle 11, Pedro Nuñez montre qu’aucun rapport rationnel ne peut être composé d’un ou de plusieurs rapports superparticuliers égaux et d’une partie ou des parties de ce même rapport superparticulier (en d’autres termes, il ne peut pas y avoir un rapport non multiple entre un rapport rationnel et un rapport superparticulier)58. En effet, il a été montré, dans la règle 9, que la partie ou les parties aliquotes d’un rapport superparticulier sont des rapports irrationnels et, selon la règle 2, un rapport rationnel ne peut pas être composé d’un ou de plusieurs rapports rationnels et d’un ou de plusieurs rapports irrationnels. La règle 12 présente les cas dans lesquels on peut avoir décomposition. Ainsi, on peut avoir un rapport superpartient composé de rapports superpartients égaux (exemple donné par Pedro Nuñez : 49 à 25 est composé de 49 à 35 et de 35 à 25) ; un rapport superpartient composé de rapports superparticuliers égaux (16 à 9 est composé de 16 à 12 et de 12 à 9) ; un rapport multiple superparticulier composé de rapports superpartients égaux (49 à 16 est composé de 49 à 28 et de 28 à 16) etc59. Les règles 13 et 14 sont des résultats charnières qui font le lien entre la décomposition en rapports rationnels égaux et la commensurabilité. En effet, dans la règle 13, il est démontré que, si pour deux rapports rationnels de plus grande inégalité donnés il n’existe pas de rapport rationnel qui en soit une partie aliquote commune, alors il n’existe pas non plus de rapport irrationnel qui en soit une partie aliquote commune60. On en déduit immédiatement, dans la règle 14, que si on a deux rapports rationnels de plus grande inégalité tels qu’il 56. Il faut faire attention que « multiple » a deux sens ici. D’une part, on parle du rapport A qui est multiple, c’est-à-dire que c’est un rapport entre deux quantités dont la première est un multiple de la seconde ; d’autre part, on dit que D est multiple de C, c’est-à-dire que le rapport D se compose de plusieurs rapports égaux à C. 57. On a A = nB et C = kB. On prend D tel que D = nC alors D = n(kB) = k(nB) = kA. 58. 11. Y ninguna proporcion racional podra ser compuesta de una o muchas proporciones superparticulares yguales, con parte aliquota o partes de la misma superparticular. Porque la parte o partes aliquotas de la superparticular constituyen proporcion irracional, la qual si juntamos con proporcion racional, haremos una irracional, si fuere una sola parte, sera irracional por el 9 documento, y si son muchas partes, pongamos por exemplo que sean 3 de 5 y seran estas 3 partes necessariamente una proporcion irracional, porque si la constituida dellas es racional, seran luego las dos partes que quedan de la superparticular otra racional, y facando la compuesta de dos partes de la compuesta de tres, racional de racional, quedara una parte aliquota que es necessario que tambien sea racional contra el mismo 9 documento (Nuñez, Algebra, fo 88v). 59. Nuñez, Algebra, fos 88v-89r. 60. 13. Si dos proporciones racionales de mayor desigualdad no tuuieren commun parte aliquota racional, ny una fuere parte aliquota de otra, no podran communicar en parte aliquota que sea proporcion irracional (Nuñez, Algebra, fo 89r).

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

n’existe pas de rapport rationnel qui en soit une partie aliquote commune, et tels que le plus petit rapport ne soit pas une partie aliquote du plus grand, alors ces rapports sont incommensurables ; et s’ils sont commensurables, ou bien l’un est une partie de l’autre, ou bien ils ont une partie aliquote commune qui est un rapport rationnel61. Ainsi, lorsque l’on cherche à déterminer si deux rapports donnés, dont l’un n’est pas un multiple de l’autre, sont commensurables, il est inutile d’examiner les rapports irrationnels qui en serait des parties aliquotes, car ceux-ci ne pourraient en aucune manière être une partie aliquote commune aux deux rapports rationnels donnés. Cette propriété permet de justifier que, dans sa recherche de la commensurabilité des rapports rationnels, Nicole Oresme ne considère que des rapports rationnels. La démonstration de la règle 13 est fondée sur le fait que si deux rapports ont une partie commune, c’est qu’ils ont entre eux un rapport rationnel, ou si l’on veut, qu’ils sont dans le même rapport que deux nombres. Si l’on applique l’algorithme d’Euclide à ces deux nombres, c’est-à-dire que l’on soustrait le plus petit du plus grand autant de fois que l’on peut, puis que l’on soustrait le reste du plus petit autant de fois que l’on peut, et ainsi de suite, on arrive nécessairement à l’unité. Donc, si l’on effectue les mêmes opérations sur les rapports (notons-les A et B), le processus va s’arrêter, comme pour les nombres, et on arrivera à un rapport (notons-le D) qui sera une partie commune à ces deux rapports. Mais, à chaque étape du processus, on a décomposé un rapport rationnel en des rapports rationnels égaux et en un autre rapport qui est nécessairement rationnel, d’après la règle 2 (par exemple, à la première étape, A = nB•C, avec A et B rationnels, et par conséquent C est rationnel). Ainsi, la partie commune D est un rapport rationnel62. 61. 14. Siguede desto, que si nos dieren dos proporciones racionales de mayor desigualdad, y no tuuieren parte aliquota commun que sea proporcion racional, ny la menor fuere parte aliquota de la mayor, no seran commensurables. Y si fueren commensurables, o la menor dellas sera parte aliquota de la mayor, o ternan parte aliquota commun, que sera proporcion racional (Nuñez, Algebra, fos 89v-90r). 62. Porque sean dos proporciones racionales de mayor desigualdad, A mayor, y B menor, y no sea B parte de A, ny communiquen en parte aliquota que sea proporcion racional, digo, que ny podran communicar en parte aliquota que sea proporcion irracional. Porque si nos dan el contrario .s. que B no es parte aliquota de A, ny communican en parte aliquota que sea proporcion racional, pero que communican en parte aliquota, que es proporcion irracional, demonstraremos esto ser impossible por este modo : porque quando dos quantidades son communicantes en parte aliquota, tienen entre si proporcion como un numero a otro numero, tomaremos la proporcion que tiene A para B en los minimos numeros, los quales sean K y L. Sera luego de A para B como de K para L, y no ternan K y L otra parte aliquota commun sino la unidad. Sacaremos L de K quantas vezes pudieremos, y quede M, y sacaremos B de A quantas vezes pudieremos, y quede C y sacaremos M de L quantas vezes pudieremos, y quede N y C de B quantas vezes pudieremos, y quede D, y porque en esta deminuicion de K, L, M, N, necessariamente auemos de llegar ala unidad, la qual sacando del numero precedente quantas vezes pudieremos, ninguna cosa queda, y ella es la commun parte aliquota de K y L. Sea en este exemplo N la unidad, y sera luego D commun parte aliquota de A y de B, y desto se sigue, que D es proporcion racional. Porque pues A y B son proporciones racionales, sacando B de A una vez o muchas vezes, quedara proporcional, y essa sera C y por la misma razon sacando C de B una vez o muchas vezes, la proporcion D que queda sera racional, que es lo contrario de lo que nos dezian, y es por tanto verdadero este 13 documento (Nuñez, Algebra, fo 89r-v). On peut rapprocher cette démonstration de la preuve que propose Nicole Oresme pour la conclusion 4 de la première partie du chapitre II de son traité (voir plus haut, p. 37-39).

COMMENSURABILITÉ ET INCOMMENSURABILITÉ DES RAPPORTS ENTRE EUX 55

Dans les règles 15 à 25, Pedro Nuñez cherche à déterminer si deux rapports donnés sont commensurables ou non. Ainsi, dans la règle 15, il montre qu’un rapport multiple et un rapport non multiple sont incommensurables63. On reconnaît ici la conclusion 3 du troisième chapitre du traité de Nicole Oresme64. Dans la règle 16, il est démontré que des rapports multiples sont commensurables si et seulement s’ils sont de même ordre, c’est-à-dire que leurs plus petits termes appartiennent à la même série géométrique (c’est la conclusion 6 du chapitre III du traité de Nicole Oresme)65. Dans la règle 17, Pedro Nuñez prouve qu’aucun rapport superparticulier n’est commensurable à un autre rapport superparticulier (conclusion 5 du chapitre III dans le traité de Nicole Oresme)66. Et la règle 12 lui permet de donner une suite d’exemples67 : il existe un rapport superparticulier commensurable à un rapport multiple superparticulier (règle 18) ; il existe un rapport superparticulier commensurable à un rapport multiple superparticulier (règle 19) ; il existe un rapport superparticulier commensurable à un rapport multiple superpartient (règle 20), etc. La règle 25 est présentée par Pedro Nuñez comme le fruit de la théorie de la composition des rapports et de la commensurabilité des rapports rationnels de plus grande inégalité68. Y sont tirées les conséquences des règles précédentes, puisqu’il s’agit de déterminer, pour deux rapports rationnels de plus grande inégalité donnés, s’ils sont commensurables ou incommensurables entre eux69 : – si ce sont des rapports multiples de même ordre, ils sont commensurables, et ils sont incommensurables dans le cas contraire ; – si l’un des rapports est multiple et l’autre rapport est d’un autre genre, ils sont incommensurables ; – si les deux rapports sont superparticuliers, ils sont incommensurables ; – si le plus grand rapport est superparticulier et le plus petit superpartient, ils sont incommensurables ; 63. 15. Y dada qualquier proporcion multiplice, hallaremos otras multiplices, que con ella seran commensurables. Ny puede la proporcion multiplice ser commensurable con proporcion de otro genero (Nuñez, Algebra, fo 90r). 64. Voir plus haut, p. 43, n. 21. 65. 16. Si dos proporciones multiplices fueren de una misma orden, seran commensurables, y si fueren commensurables, seran de una misma orden. […] Llamamos una misma orden los numeros continuados en una specie de proporcion (Nuñez, Algebra, fo 90r). Pour la conclusion de Nicole Oresme correspondante, voir plus haut, p. 44, n. 25. 66. 17. Y ninguna proporcion superparticular es commensurable con otra superparticular (Nuñez, Algebra, fo 91r). Pour la conclusion de Nicole Oresme correspondante, voir plus haut, p. 43, n. 22. 67. Nuñez, Algebra, fo 91v. 68. Documento 25 y principal en el qual esta y fructo de toda esta doctrina de la composicion y commensuracion de las proporciones racionales de mayor desigualdad (Nuñez, Algebra, o 91v). f 69. Voir le résumé qui en est fait au folio 95v.

56

LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

– si le plus petit rapport est superparticulier et le plus grand superpartient, ou multiple superparticulier ou multiple superpartient, et si le plus petit rapport n’est pas une partie aliquote du plus grand, alors ils sont incommensurables ; – si les deux rapports sont superpartients, ou les deux multiples superparticuliers, ou les deux multiples superpartients, ou si l’un des rapports est d’un de ces trois genres et l’autre d’un autre de ces trois genres, on effectue l’algorithme d’Euclide sur ces deux rapports et si, à une étape du processus, l’un des restes est une partie aliquote du reste précédent, les deux rapports sont commensurables ; ils sont incommensurables dans le cas contraire. Conclusion Dans la partie II de son traité Sur les rapports de rapports, Nicole Oresme propose un ensemble de critères permettant de déterminer si deux rapports rationnels donnés sont commensurables ou non. Le manque d’écriture symbolique rend son exposé souvent long et fastidieux. Mais l’idée est simple : afin de déterminer si deux rapports rationnels sont commensurables, il faut savoir si l’un est une partie de l’autre ou s’ils ont une partie commune qui soit un rapport rationnel. Or, pour qu’un rapport ait une partie, il faut que l’on puisse insérer entre ses termes des médians proportionnels entiers. Et cette propriété d’insertion, il suffit de la vérifier sur les plus petits termes du rapport d’après la proposition 8 du livre VIII des Éléments. Ainsi, les deux rapports étant donnés, il suffit d’examiner si entre les plus petits nombres en ces rapports il existe des médians proportionnels entiers et de déterminer selon quel rapport, et on saura si les rapports donnés sont commensurables ou non. Dans la partie III, Nicole Oresme applique le critère précédent aux rapports selon leur genre (multiple, superparticulier). C’est uniquement de cette partie que l’on trouve des traces dans la première rédaction des Questions sur le traité des rapports de Blaise de Parme70. C’est aussi à la partie III qu’Alvarus Thomas reprend certains résultats, mais dans une formulation et avec des preuves différentes. Comme Nicole Oresme, il fait les démonstrations sur les plus petits nombres des rapports donnés. Mais comme il oublie de mentionner la proposition VIII. 8 qui, comme nous l’avons vu, permet de justifier que l’on peut se restreindre ainsi aux seuls premiers termes, il s’interroge sur la validité des démonstrations. 70. Avant Blaise de Parme, Messino da Codronchi reprend, dans ses Questiones super questionem Joannis Casalis, les conclusions de la partie III du traité oresmien. Il remplace alors les rapports par des rapidités, ce qui est légitime puisque toute rapidité s’exprime comme le rapport d’une puissance à une résistance, selon la règle du mouvement de Bradwardine. Voir Jean Celeyrette, « Le mouvement selon la cause chez Messino da Codronchi et Angelo de Fossombruno », in Joël Biard & Sabine Rommevaux (eds.), Mathématiques et Théorie du mouvement (XIVe-XVe siècles), Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008, p. 15-29.

COMMENSURABILITÉ ET INCOMMENSURABILITÉ DES RAPPORTS ENTRE EUX 57

Plus intéressant est le traitement que fait Pedro Nuñez de la commensurabilité des rapports dans la seconde partie de son Livre d’algèbre en arithmétique et en géométrie. Là encore, Nuñez ne s’intéresse qu’aux rapports selon leurs genres. Mais sa démarche est bien différente de celle de Nicole Oresme. En effet, il n’établit pas de lien systématique entre la commensurabilité des rapports et l’insertion de médians proportionnels, même si ce lien peut apparaître au détour d’une démonstration. Il choisit plutôt de souligner le parallélisme que l’on peut établir entre les quantités et les rapports71. Ainsi, alors que Nicole Oresme propose un critère de commensurabilité des rapports non multiples en montrant que les termes des rapports commensurables doivent appartenir à des suites géométriques commençant à 1, Pedro Nuñez choisit plutôt d’appliquer l’algorithme d’Euclide aux rapports, comme Euclide l’avait fait pour les grandeurs au début du livre X. Ce faisant, le critère qu’il donne est plus difficile à manier que celui qu’avait proposé Nicole Oresme. Mais nous avons vu que le résultat le plus important démontré par Pedro Nuñez dans ce chapitre sur la commensurabilité des rapports se trouve dans les règles 13 et 14. Il y montre que, si un rapport est une partie commune à deux rapports rationnels donnés, ce rapport est nécessairement rationnel. Ainsi, dans la recherche de la commensurabilité ou non de deux rapports rationnels donnés, il n’est pas nécessaire de prendre en compte les rapports irrationnels qui pourraient être des parties des rapports rationnels, ce qui justifie la démarche de Nicole Oresme.

71. Ce parallélisme entre rapports et quantités est constant dans tout le Livre d’algèbre.

CHAPITRE III

IRRATIONALITÉ

La distinction entre rapports rationnels et rapports irrationnels est très présente dans les traités de Thomas Bradwardine et de Nicole Oresme. Si ces deux types de rapports apparaissent dans le commentaire de Campanus à son édition des Éléments d’Euclide1, les notions de rapports rationnels et rapports irrationnels ne sont pas euclidiennes. Toutefois, c’est bien en référence au livre X des Éléments qu’elles sont définies, puisque est dit rationnel un rapport entre des grandeurs commensurables et irrationnel un rapport entre des grandeurs incommensurables et que les notions de commensurabilité et d’incommensurabilité font l’objet des premières définitions de ce livre2. Il est nécessaire de revenir sur ces premières définitions telles que Campanus les formule dans son édition. Car, comme nous allons le voir, Campanus modifie le texte euclidien et de ce fait change la nature de la théorie de l’irrationalité dont sont héritiers Thomas Bradwardine et Nicole Oresme et, à leur suite, de nombreux auteurs médiévaux. Un exemple emblématique des rapports irrationnels est le rapport entre la diagonale et le côté d’un même carré, qui vaut la moitié du rapport double. Ce rapport est cité par tous les auteurs que nous avons étudiés et il fait même l’objet de questions qui lui sont entièrement consacrées. Nous verrons quelles

1. Voir son long commentaire qui suit les définitions du livre V (Campanus, Elements, vol. I, p. 174-175). 2. On peut lire ainsi dans le traité Sur les rapports de rapports de Nicole Oresme (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 158 ; Sur les rapports de rapports, p. 89) : omnium commensurabilium proportio est rationalis et similiter, econverso, omnis proportio rationalis est commensurabilium. Et omnium incommensurabilium proportio est irrationalis et similiter, econverso, omnis proportio irrationalis est incommensurabilium. Totum hoc patet ex quinta et sexta decimi, et ex diffinitionibus commensurabilium et incommensurabilium datis in decima, et ex principiis septimi, et ex commento tertie diffinitionis quinti (un rapport entre n’importe quelles quantités commensurables est rationnel, et de même, inversement, tout rapport rationnel est entre des quantités commensurables. Un rapport entre n’importe quelles quantités incommensurables est irrationnel, et de même, inversement, tout rapport irrationnel est entre des quantités incommensurables. Tout cela est clair d’après les propositions 5 et 6 du livre X, d’après les définitions des quantités commensurables et incommensurables données dans le livre X, et d’après les principes du livre VII ainsi que le commentaire à la troisième définition du livre V).

60

LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

sont les démonstrations qui ont été proposées de l’incommensurabilité de la diagonale et du côté. Théories de l’irrationalité Avant d’examiner la théorie de l’irrationalité dans le livre X des Éléments selon Campanus, puis chez Thomas Bradwardine, rappelons les fondements de cette théorie dans le traité euclidien tel qu’il nous a été transmis dans les manuscrits grecs3. Exprimabilité et irrationalité dans le texte grec des Éléments Le livre X des Éléments a pour objet une classification des droites irrationnelles. Il débute par une série de quatre définitions dans lesquelles sont présentées les notions fondamentales de la théorie euclidienne de l’irrationalité. S’y trouvent définis deux couples de termes, commensurabilité / incommensurabilité et exprimable / irrationnelle, qui, comme nous allons le voir, ne se recouvrent pas. La première définition concerne le premier couple de termes : « Sont dites commensurables les grandeurs qui sont mesurées par la même mesure, et incommensurables celles pour lesquelles aucune commune mesure ne peut être produite »4.

Cette définition concerne les grandeurs en général, qui sont dites commensurables (V¼PPHWURL), si elles ont un diviseur commun, et incommensurables („V¼PPHWURL), si elles n’en ont pas. Selon cette définition, la diagonale et le côté d’un même carré sont incommensurables. Il est à noter que dans les propositions, lorsque les grandeurs sont des droites, on parle alors de commensurabilité ou d’incommensurabilité en longueur, en opposition avec les notions de commensurabilité ou d’incommensurabilité en puissance des droites entre elles, présentées dans la deuxième définition5 : 3. Nous nous basons sur la traduction française du livre X faite par Bernard Vitrac à partir de l’édition du texte grec établie par Heiberg : Euclide, Les Éléments. Volume 3. Livre X, « Bibliothèque d’histoire des sciences », Paris, Presses Universitaires de France, 1998 (dorénavant cité : Euclide, Les Éléments, vol. 3). 4. Euclide, Les Éléments, vol. 3, p. 25. Nous avons légèrement modifié la traduction de Bernard Vitrac. 5. À ce propos, Clavius note dans son commentaire à la définition de la commensurabilité en puissance (Clavius, Opera mathematica, Moguntiae, sumptibus A. Hierat, Excudebat R. Eltz, 1611-1612, vol. I, p. 396) : Quod si quis roget, cur Euclidis definierit seorum lineas potentia commensurabiles, non autem commensurabiles longitudine, respondendum est lineas longitudine commensurabiles satis superque esse explicatas in definitione commensurabilium magnitudinum, cum huiusmodi lineas una communis mensura metiatur, ut dictum est (Et si quelqu’un demande pourquoi Euclide a défini séparément les lignes commensurables en puissance, mais non les lignes commensurables en longueur, on doit répondre que les lignes commensurables en longueur sont suffisamment expliquées dans la définition des grandeurs commensurables, puisqu’une mesure commune mesure de telles lignes, comme il a été dit).

IRRATIONALITÉ

61

« Des droites sont, en puissance, commensurables, quand les carrés décrits sur elles sont mesurés par la même aire, et incommensurables, quand aucune aire, commune mesure aux carrés décrits sur elles, ne peut être produite »6.

En d’autres termes, des droites sont commensurables en puissance, si leurs carrés le sont et incommensurables en puissance, dans le cas contraire. Si l’on reprend l’exemple précédent, puisque le carré construit sur la diagonale d’un carré est le double de ce carré, ces deux carrés sont commensurables et, par conséquent, la diagonale et le côté du carré sont commensurables en puissance. Il est à noter que la commensurabilité en puissance est un cas particulier d’incommensurabilité. Les notions de commensurabilité et d’incommensurabilité, en longueur ou en puissance, sont des notions relatives à des couples de droites quelconques. Par contre, dans la troisième définition, on pose une droite de référence, à laquelle on compare les autres droites : « Cela étant supposé, il est démontré que par rapport à une droite proposée, il existe des droites, infinies en multitude, commensurables ou incommensurables avec elle, les unes en longueur seulement, les autres aussi en puissance. D’une part donc, que la droite proposée soit appelée exprimable, et celles qui sont commensurables avec elle, soit en longueur et en puissance, soit en puissance seulement, exprimables ; d’autre part, que celles qui sont incommensurables7 avec elle soient appelées irrationnelles »8.

On pose donc une droite de référence, notons-là E, qui est appelée exprimable (šKW). Sont aussi dites exprimables les droites qui sont commensurables à E, que ce soit en longueur ou seulement en puissance. Les autres, c’est-à-dire celles qui sont incommensurables en puissance à E, sont dites irrationnelles (‡ORJRL). Ainsi, si l’on prend comme droite de référence le côté d’un carré qui, par conséquent, est dit exprimable, la diagonale est elle aussi dite exprimable, puisque commensurable en puissance au côté. La quatrième définition concerne les carrés : « Et que d’une part soit appelé exprimable le carré décrit sur la droite proposée et exprimables les aires commensurables avec celui-ci, irrationnelles d’autre part celles qui sont incommensurables avec celui-ci et irrationnelles les droites pouvant les produire : s’il s’agit de carrés, les côtés eux-mêmes, s’il s’agit de certaines autres figures rectilignes, celles qui décrivent des carrés qui leur sont égaux »9.

6. Euclide, Les Éléments, vol. 3, p. 27. 7. Il faut sous-entendre ici qu’elles sont incommensurables en puissance pour garder la dichotomie. 8. Euclide, Les Éléments, vol. 3, p. 34. 9. Euclide, Les Éléments, vol. 3, p. 37.

62

LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

Le carré construit sur la droite de référence E est appelé exprimable, de même que toute surface commensurable au carré décrit sur E. Et si une surface est incommensurable à ce carré, elle est dite irrationnelle. Ainsi, si l’on pose comme exprimable le côté d’un carré, ce carré sera dit exprimable, de même que le carré construit sur la diagonale (car il est le double du carré initial). Par ailleurs, Euclide précise que le côté d’un carré égal à une surface irrationnelle est irrationnel. Ce côté est à juste titre appelé irrationnel, puisqu’il est bien incommensurable en puissance à la droite de référence E. En effet, soit S une surface irrationnelle, et soit K le carré égal à S, K est incommensurable au carré construit sur E, puisque S l’est. Donc, selon la définition 2, le côté du carré K est incommensurable en puissance à E, et selon la définition 3, ce côté est irrationnel. En résumé, pour les droites, les couples de notions commensurabilité / incommensurabilité et exprimabilité / irrationalité ne se recouvrent pas. En effet, l’exprimabilité recouvre, d’une part, la commensurabilité en longueur et, d’autre part, la commensurabilité en puissance, qui est un cas d’incommensurabilité : D et E commensurables D et E incommensurables

D commensurable en longueur à E D commensurable en puissance seulement à E D incommensurable en puissance à E

D exprimable D irrationnelle

Rationalité et irrationalité dans la version de Campanus Dans la version de Campanus, les définitions des quantités commensurables (communicantes ou commensurabiles) et incommensurables sont semblables à celles que l’on a pu trouver dans l’édition du texte grec : « Des quantités pour lesquelles on a une quantité commune les mesurant sont dites commensurables. Et celles pour lesquelles il n’y a pas de quantité commune les mesurant sont dites incommensurables »10.

Pas de différence non plus dans les définitions des droites commensurables en puissance et incommensurables en puissance, même si Campanus est plus explicite que le texte grec dans lequel il fallait comprendre que « en puissance » était commun à commensurables et incommensurables :

10. Quantitates quibus fuerit una quantitas communis eas mesurans dicentur communicantes. Quibus vero non fuerit una communis quantitas eas numerans dicentur incommensurabiles (Campanus, Elements, vol. I, p. 307).

IRRATIONALITÉ

63

« Sont dites commensurables en puissance les lignes pour lesquelles une surface commune mesure les surfaces carrées. Et sont dites incommensurables en puissance les lignes pour lesquelles une surface commune ne mesure pas les surfaces carrées »11.

Par contre, la définition des droites rationnelles (exprimables en grec) diffère sensiblement de la définition euclidienne : « Et puisque les choses sont ainsi, il est clair que toute ligne étant posée, beaucoup d’autres sont incommensurables, certaines en longueur seulement et certaines en longueur et en puissance. Mais que toute ligne donnée, avec laquelle nous raisonnons, soit appelée rationnelle. Les lignes qui lui sont commensurables sont dites rationnelles. Mais celles qui lui sont incommensurables sont dites irrationnelles ou sourdes »12.

Passons rapidement sur l’ajout « avec laquelle nous raisonnons » qui sert à préciser que la droite dont il est ici question sera la droite de référence pour les autres droites qui seront dites ensuite rationnelles ou irrationnelles. Plus importante est l’absence de la précision sur la commensurabilité des droites. En effet, dans le texte grec, il était dit que les droites sont exprimables, si elles sont commensurables en longueur ou en puissance à la droite de référence donnée. Dans le texte de Campanus, il est seulement spécifié que les droites doivent être commensurables13. On peut comprendre alors que les droites rationnelles sont uniquement celles qui sont commensurables au sens donné à ce terme dans la première définition, c’est-à-dire commensurables en longueur. Dans ce cas la notion de rationalité des lignes, dans la version de Campanus, ne recouvrirait pas la notion d’exprimabilité des droites dans le texte grec. Mais en fait, les choses ne sont pas aussi claires. En effet, Campanus reprend la définition des carrés rationnels et irrationnels : « Quant à toute surface carrée avec laquelle, par hypothèse, nous raisonnons, elle est dite rationnelle. Et les surfaces qui lui sont commensurables sont dites rationnelles. Mais les surfaces qui lui sont incommensurables sont dites irration-

11. Linee in potentia communicantes dicuntur, quarum superficies quadratas una communis superficies numerat. Linee incommensurabiles in potentia dicuntur, quarum superficies quadratas non numerat una communis superficies (Campanus, Elements, vol. I, p. 307). 12. Que cum ita sint, manifestum est quia omni linee posite multe alie sunt incommensurabiles, quedam in longitudine tantum, quedam in longitudine atque potentia. Omnis autem linea cum qua ratiocinamur posita vocetur rationalis. Lineeque ei communicantes dicuntur rationales. Eidem autem incommunicantes dicuntur irrationales sive surde (Campanus, Elements, vol. I, p. 307). 13. Cette lacune n’est pas propre à Campanus. On la trouve aussi dans les versions médiévales, arabes ou latines (voir le tableau comparatif des définitions dans Sabine Rommevaux, Ahmed Djebbar et Bernard Vitrac, « Remarques sur l’Histoire du Texte des Éléments d’Euclide », Archive of History of Exact Sciences 55 (2001), p. 221-295 ; précisément p. 287-290).

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nelles ou sourdes. Et les côtés qui sont en puissance dans ces carrés sont dits irrationnels »14.

On peut interpréter la dernière phrase en disant que, si les côtés des carrés irrationnels sont irrationnels, alors les côtés des carrés rationnels doivent être dits rationnels. Or un carré C est rationnel s’il est commensurable au carré décrit sur la droite E de référence posée comme rationnelle, ce qui implique que le côté du carré C est commensurable en longueur ou en puissance à la droite de référence E. Par conséquent, si l’on veut que la dernière phrase de la définition précédente présente un critère discriminant entre les côtés des carrés, il faut poser que les côtés sont rationnels quand ils sont commensurables en longueur ou en puissance à la droite de référence. On retrouve alors la théorie euclidienne. En l’absence de commentaire de la part de Campanus sur ce point, il est impossible de trancher. Mais nous verrons bientôt comment Thomas Bradwardine a interprété les définitions de Campanus15. Ajoutons une dernière remarque à propos de la version de Campanus. On y trouve, dans certaines propositions du livre X, les notions non euclidiennes de droites rationnelles en longueur et de droites rationnelles en puissance16, qui permettent de faire un parallèle strict entre les notions de commensurabilité et de rationalité : une droite est rationnelle en longueur si elle est commensurable en longueur à la droite de référence, et elle est rationnelle en puissance si elle est commensurable en puissance à cette droite. Reste à savoir si la rationalité en puissance est un cas particulier de la rationalité ou de l’irrationalité. Nous avons vu que les définitions données par Campanus ne permettent pas de trancher cette question. On peut toutefois résumer ainsi la situation dans la version de Campanus : D et E commensurables D et E incommensurables

D commensurable en longueur à E

D rationnelle en longueur

D commensurable en puissance à E

D rationnelle en puissance

D incommensurable en puissance à E

D irrationnelle

14. Omnis vero quadrata superficies de qua per ypothesim ratiocinamur dicitur rationalis. Superficies vero ei communicantes dicuntur rationales. Eidem autem incommensurabiles superficies dicuntur irrationales sive surde. Latera vero qui in illas quadratas possunt dicuntur irrationalia (Campanus, Elements, vol. I, p. 307). 15. Tartaglia, qui, dans son édition des Éléments, présente en parallèle les définitions du livre X dans la version de Campanus et dans la traduction de Zamberti (qui est proche du grec) interprète les définitions de Campanus en expliquant que les droites rationnelles sont uniquement celles qui sont commensurables en longueur à la droite de référence. Voir Niccolo Tartaglia, Euclide… diligentemente rassetato… per… Nicolo Tartalea, In Venetia, Appresso Curtio Troiano, 1565, fo 175v. 16. Nous avons montré que l’introduction de ces notions change le contenu de certaines propositions par rapport au traité grec. Voir Sabine Rommevaux, « Rationalité et exprimabilité : une relecture médiévale du livre X des Éléments d’Euclide », Revue d’histoire des mathématiques 7 (2001), p. 91-119 ; en particulier p. 101-105.

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Reprenons l’exemple de la diagonale et du côté d’un même carré. Si l’on pose que le côté est la droite de référence rationnelle, la diagonale sera rationnelle en puissance seulement. Rappelons que pour Euclide elle était exprimable. Rationalité des lignes et des rapports dans la Géométrie spéculative de Thomas Bradwardine Le premier chapitre de la troisième partie de la Géométrie spéculative de Thomas Bradwardine traite des rapports. On y trouve une classification des rapports, tout d’abord en deux espèces, selon que les quantités mises en rapport sont commensurables ou non : si elles sont commensurables (Bradwardine dit « communicantes »), le rapport est rationnel ; si elles sont incommensurables, le rapport est irrationnel17. À ce propos, Thomas Bradwardine rappelle les définitions des quantités commensurables et incommensurables18. Il propose ensuite une division du rapport irrationnel en deux espèces selon que les quantités, ou plutôt les lignes, sont incommensurables en longueur seulement ou aussi en puissance : « Et ce rapport est divisé en deux espèces qui sont obtenues par comparaison aux quantités incommensurables et au mode de divergence entre elles, en effet, à titre d’exemple, j’en viens aux lignes »19.

Il rappelle alors les définitions des lignes incommensurables en longueur ou en puissance. Ces définitions découlent immédiatement des définitions qui se trouvent au début du livre X, dans la version de Campanus : « Certaines lignes sont incommensurables en longueur seulement, certaines sont incommensurables à la fois en longueur et en puissance. Incommensurables en longueur seulement sont les lignes dont les longueurs ne sont pas commensurables, mais dont les surfaces carrées qu’elles peuvent produire sont commensurables ; elles sont alors incommensurables en longueur mais commensurables en

17. Proportio rationalis debetur quantitatibus communicantibus [...]. Irrationalis autem proportio quantitatibus incommensurabilibus debetur [...] (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 88). 18. Bradwardine, Geometria speculativa, p. 88 : Quantitates que dicuntur communicantes sunt ille quibus est una quantitas communis eas numerans. Dicitur autem una quantitas numerare aliam que secundum aliquem numerum accepta producit ipsam seu equalem, [...]. Quantitates vero quibus non est una communis quantitas eas numerans dicuntur incommensurabiles, cuiusmodi sunt dyameter et latus quadrati (Sont dites communicantes les quantités pour lesquelles il existe une quantité commune qui les mesure. Et on dit qu’une quantité en mesure une autre lorsque prise selon un certain nombre elle la produit ou lui est égale, [...]. Mais sont dites incommensurables les quantités pour lesquelles il n’existe pas une quantité commune qui les mesure, comme sont la diagonale et le côté d’un carré). 19. Dividitur autem hec proportio in duas species que accipiuntur per comparationem ad quantitates incommensurabiles et ad modum diversificationis in eius [...] (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 88).

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puissance. Et on a la première espèce. On en a un exemple avec la diagonale et le côté du carré, puisqu’ils ne sont pas commensurables mais que leurs carrés sont commensurables selon le rapport double. Mais si les surfaces carrées que les deux lignes incommensurables en longueur peuvent produire sont incommensurables, alors ces lignes sont dites incommensurables en longueur et en puissance. Et on a la seconde espèce. On en a un exemple lorsque l’on prend la ligne en place médiane, proportionnelle, entre la diagonale et le côté selon la manière que je présente plus bas. En effet, dans ce cas, le côté du carré et la ligne posée en place médiane sont incommensurables en longueur. On le constate puisque, du fait que les extrêmes étaient incommensurables entre eux, ils seront aussi incommensurables à la ligne médiane qui se trouve entre eux selon une proportionnalité continue, comme je l’obtiendrai dans ce qui suit. Les mêmes lignes sont aussi incommensurables en puissance, puisque leurs carrés ne sont pas commensurables. En effet, d’après la proposition 17 du livre VI d’Euclide, pour trois lignes quelconques continûment proportionnelles, autant la première est à la troisième, autant est aussi le carré de la première au carré de la deuxième20. Mais21 la première, qui est le côté, est incommensurable à la troisième, qui est la diagonale, donc les carrés de la première et de la deuxième, qui est proportionnelle en place médiane, seront incommensurables. Et on dit que les carrés sont leurs puissances. Par conséquent, elles sont incommensurables non seulement quant aux lignes mais aussi quant aux puissances »22.

De la première espèce, à savoir incommensurables en longueur seulement, sont la diagonale et le côté, comme nous l’avons déjà vu. De la seconde espèce, incommensurables en longueur et en puissance, sont le côté du carré et la ligne posée proportionnellement entre le côté et la diagonale23. On considère, 20. Linearum quedam sunt incommensurabiles in longitudine tantum, quedam sunt incommensurabiles in longitudne et potentia simul. Incommensurabiles in longitudine tantum sunt linee quarum longitudines non communicant, si autem superficies quadrate in quas possunt communicent, tunc sunt incommensurabiles in longitudine tantum communicantes autem in potentie. Et hec est prima specie, et huius exemplum est in dyametro et latere quadrati, quoniam ipsa non communicant, quadrata autem eorum communicant secundum proportionem duplam. Si vero superficies quadrate in quas possunt due linee incommensurabiles in longitudine sunt incommunicantes, tunc ille linee dicuntur incommensurabiles in longitudine et potentia. Et hec est secunda species. Exemplum habes cum acceperis lineam medio loco proportionalem inter dyametrum et costam secundum artem quam inferius ponam, ibi enim latus quadrati et illa linea media inventa sunt incommensurabiles in longitudine ; constat quia, cum extrema fuerint incommensurabilia inter se, erunt et incommunicantes cum medio quod est secundum continuam proportionalitatem inter ipsa, sicud ostendam in sequentibus. Sunt et eedem linee incommensurabiles in potentia, quoniam quadrata eorum non commnunicant, nam ex septimadecima sexti Euclidis omnium trium linearum continue proportionalium quanta est prima ad tertiam tantum est etiam quadratum prime ad quadratum secunde (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 88 et 90). 21. Nous reprenons à partir de ce point l’ajout qui se trouve dans l’édition de Pedro Sanchez Cirvelo, publiée en 1495 à Paris et que Molland reproduit en note dans son édition. 22. Sed prima que est costa est incommensurabilis tertie que est diametrum igitur quadrata prime et secunde que est in medio loco proportionalis erunt incommensurabilia que quadrate dicuntur potentie earum et per consequens non communicant quo ad lineas solum sed etiam quo ad potentias (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 91, n. 10). 23. En termes modernes, si l’on pose que le côté du carré vaut 1, la diagonale vaut ¥2 et la ligne médiane proportionnelle entre le côté et la diagonale vaut 4¥2.

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en effet, la ligne L entre le côté C et la diagonale D telle que C, L et D soient continûment proportionnels. Alors, C et D étant incommensurables, L est aussi incommensurable à l’un et à l’autre24. En particulier, L est incommensurable en longueur à C. Par ailleurs, selon la proposition 17 du livre VI, le rapport de C à D est le rapport du carré de C au carré de L25. Or C est incommensurable à D, donc le carré de C est incommensurable au carré de L. Ainsi, L et C sont incommensurables en puissance. Thomas Bradwardine ajoute, pour finir, qu’il existe sans doute d’autres exemples de lignes de la première espèce (il n’en donne pas) et une infinité d’autres de la seconde espèce (il suffit de prendre une ligne posée proportionnellement entre C et L, puis entre C et cette médiane, etc.) : « Et chacune de ces espèces peut être subdivisée en autant d’espèces qu’il y a de manières que des lignes soient incommensurables de telle ou telle façon. En effet, non seulement les lignes peuvent être incommensurables en longueur seulement parce qu’elles sont comme la diagonale et le côté, mais aussi d’autres manières, peut-être en nombre infini. Je dis de même, au sujet des lignes incommensurables en longueur et en puissance, que non seulement ce sont celles qui sont prises médianes entre le côté et la diagonale, et les médianes entre cette médiane et celles-ci, et de nouveau entre ces médianes, et ainsi de suite à l’infini, mais aussi beaucoup d’autres »26.

On trouve une allusion à ces deux espèces du rapport irrationnel dans la question 3 de la seconde rédaction des Questions sur le traité des rapports de Thomas Bradwardine de Blaise de Parme. Ce dernier écrit en effet : « Le rapport irrationnel se divise en deux classes, selon ce qui est écrit au livre X d’Euclide, puisque certains rapports irrationnels se trouvent entre des quantités incommensurables en puissance [seulement]27 et certains en acte seulement.

24. On peut déduire facilement ce résultat de la proposition X. 10 qui dans la version de Campanus est la suivante (Elements, vol. I, p. 312) : Omnium quattuor quantitatum proportionalium [...] si vero prima incommensurabilis fuerit secunde, tertia quoque erit incommensurabilis quarte (Pour quatre quantités proportionnelles quelconques [...], si la première est incommensurable à la deuxième, la troisième est aussi incommensurable à la quatrième). 25. Il s’agit en fait du corollaire à la proposition VI. 17 dans la version de Campanus (Campanus, Elements, vol. I, p. 214) : Manifestum etiam ex hoc, quod omnium trium linearum continue proportionalium quanta est prima ad tertiam, tanta erit superficies constituta super primam ad superficiem constitutam super secundam [...] (Il est aussi clair, à partir de cela, que pour trois lignes continûment proportionnelles quelconques, la première est à la troisième autant que sera la surface construite sur la première à la surface construite sur la deuxième [...]). 26. Potest autem uterque species subdividi in tot species quot modis accidit lineas sic vel sic esse incommensurabiles, nam non solum linee possunt esse incommensurabiles in longitudine tantum dum se habent sicud dyameter et costa, sed allis modis, forte infinitis. Similiter dico de lineis incommensurabilibus in longitudine et potentia, quia non solum sunt ille que accipiuntur medie inter costam et dyametrum, et medie inter illam mediam et istas, et iterum inter medias alias, et sic in infinitum, sed etiam alie plurime (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 90). 27. Cet ajout de « seulement » est incorrect : des quantités qui sont incommensurables en puissance, c’est-à-dire dont les carrés sont incommensurables, sont aussi incommensurables en longueur, ou en acte selon la terminologie de Blaise. Il est probable que ce « en puissance seulement » ait été appelé par le « en acte seulement » qui suit.

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Par exemple, la diagonale et le côté d’un même carré sont des quantités mutuellement incommensurables en acte, puisqu’il n’y a aucune quantité qui les mesure ; mais elles sont cependant commensurables en puissance, parce que le carré de la diagonale est dit être le double du carré du côté »28.

Blaise fait ici référence au livre X d’Euclide, mais Campanus n’évoque à aucun moment cette distinction entre les rapports irrationnels. Toutefois, nous n’avons pas la preuve que Blaise ait lu la Géométrie spéculative de Thomas Bradwardine, même si nous retrouvons dans les Questions de Blaise une démonstration de l’incommensurabilité de la diagonale et du côté d’un carré proposée par Bradwardine dans ce traité29. Rationalité des lignes et des rapports dans le Traité sur les rapports de Thomas Bradwardine Dans son Traité sur les rapports, Thomas Bradwardine identifie là encore le rapport rationnel au rapport entre quantités commensurables et le rapport irrationnel au rapport entre quantités incommensurables : « Le rapport rationnel diffère du rapport irrationnel, puisque l’on trouve le premier seulement dans les quantités commensurables ou rationnelles et que l’on trouve le second seulement dans les quantités incommensurables ou irrationnelles. Les quantités communicantes, commensurables ou rationnelles sont celles pour lesquelles il existe une mesure commune mesurant précisément n’importe laquelle d’entre elles, comme une ligne de deux pieds et une ligne de trois pieds pour lesquelles une ligne d’un pied mesure précisément chacune d’elles. Et les quantités non communicantes, incommensurables ou irrationnelles sont celles pour lesquelles il n’existe pas de mesure commune mesurant précisément n’importe laquelle d’entre elles ; de cette sorte sont la diagonale et le côté d’un carré »30.

Soulignons ici l’usage des termes rationnels et irrationnels pour qualifier les quantités, alors que ces termes sont initialement, dans la version des Éléments 28. [...] proportio irrationalis est duplex, secundum quod scribitur Xo Euclidis, quia quedam est quantitatum incommensurabilium in potentia tantum, quedam in actu tantum. Verbi gratia dyameter et costa eiusdem quadrati sunt quantitates incommensurabiles invicem secundum actum quia nulla est quantitas mensurans istas, sed tamen ipse sunt commensurabiles in potentia, unde quadratum dyametri dicitur esse duplum ad quadratum coste (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 71-72). 29. Voir plus loin p. 78. 30. Proportio autem rationalis differt a proportione irrationali, quia haec tantum in quantitatibus commensurabilibus seu rationabilibus reperitur ; illa in solis quantitatibus incommensurabilibus seu irrationabilibus invenitur. Quantitates communicantes seu commensurabiles seu rationales sunt quibus est una mensura communis, illarum quamlibet praecise mensurans : sicut linea bipedalis et linea tripedalis, quarum utramque linea pedalis praecise mensurat. Quantitates autem non-communicantes seu incommensurabiles sive irrationales sunt quibus non est aliqua mensura communis, quamlibet illarum praecise mensurans : cuiusmodi sunt diameter et costa quadrati (Bradwardine, Tractatus de proportionibus, p. 66 ; Traité des rapports, p. 6).

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de Campanus, définis pour les lignes seulement en relation à une droite posée comme référence. En étendant ces notions aux quantités, Thomas Bradwardine effectue un glissement : il identifie commensurabilité (resp. incommensurabilité) et rationalité (resp. irrationalité) et, ce faisant, il établit un parallèle strict entre les deux couples de notions. Si l’on reprend l’exemple de la diagonale et du côté d’un même carré, pour Thomas Bradwardine la diagonale est irrationnelle (si l’on prend une unité qui mesure le côté du carré), alors qu’elle est exprimable pour Euclide et qu’elle est rationnelle en puissance seulement pour Campanus. Et le rapport de la diagonale au côté est irrationnel. Par ailleurs, il semble que Thomas Bradwardine introduise dans ce passage l’idée d’une unité de mesure posée a priori, commune à toutes les quantités. C’est ce que suggère le membre de phrase : « il existe une mesure commune mesurant précisément n’importe laquelle d’entre elles ». Dans le traité euclidien, la droite de référence à laquelle sont rapportées les autres droites est posée selon les nécessités du problème à traiter (ce peut être le côté d’un carré, le diamètre d’un cercle, etc)31. Il fait peu de doute que le glissement de la notion de rationalité des lignes aux quantités est suscité par l’usage d’un vocabulaire identique pour désigner d’une part les rapports et d’autre part les quantités. Il peut sembler logique de demander que tout rapport rationnel puisse s’exprimer comme le rapport entre une quantité rationnelle et l’unité et que tout rapport irrationnel puisse être trouvé entre une quantité irrationnelle et l’unité. Ainsi, le rapport de la diagonale au côté étant irrationnel, il est tentant de poser que la diagonale est irrationnelle. Et on voit la nécessité, dans ce cadre, de poser a priori une unité à laquelle toutes les quantités sont rapportées. Notons pour finir que si Nicole Oresme explique que tout rapport entre des quantités commensurables (resp. incommensurables) est rationnel (resp. irrationnel), et inversement32, il ne parle pas de quantité rationnelle ou irrationnelle. Le rapport entre la diagonale et le côté d’un même carré Démonstration de l’incommensurabilité de la diagonale et du côté dans le commentaire de Campanus aux Éléments d’Euclide Dans la troisième partie de la proposition 7 du livre X, il est prouvé que « si le rapport d’une surface carrée à une surface carrée n’est pas comme le rapport d’un nombre carré à un nombre carré, les côtés de ces surfaces seront incom31. Voir le commentaire de Bernard Vitrac dans Euclide, Les Éléments, vol. 3, p. 43-51. 32. Nicole Oresme, De proportionibus proportionum, p. 158 ; Sur les rapports de rapports, p. 89.

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mensurables en longueur »33. Campanus ajoute, à la suite de la démonstration de cette proposition, deux preuves de l’incommensurabilité de la diagonale et du côté d’un même carré. La première est la suivante : « À partir de la troisième partie de cette proposition, note que la diagonale est incommensurable au côté. En effet, puisque le carré de la diagonale est le double du carré du côté, et que le rapport double n’est pas comme entre des nombres carrés, il s’ensuit que la diagonale est incommensurable au côté en longueur. Autrement, puisque quatre est un nombre carré, tous les pairement pairs34 seraient des carrés et aussi une infinité d’autres nombres qui ne sont pas des carrés »35.

Campanus explique que, si la diagonale et le côté étaient commensurables, tous les nombres pairement pairs, c’est-à-dire ici toutes les puissances de 2, seraient des nombres carrés. En effet, si la diagonale et le côté étaient commensurables, le rapport de la diagonale au côté serait le rapport d’un nombre à un nombre et, par conséquent, le rapport double, qui est le rapport entre leurs carrés, serait le rapport d’un nombre carré à un nombre carré. Or 4 est un nombre carré, donc 8, le double de 4, serait un nombre carré, car il est dans le rapport double relativement à 4 ; de même 32, le double de 16, serait un nombre carré, et ainsi de suite. Pour la seconde preuve, Campanus fait référence à Aristote : « Mais Aristote mène à cet inconvénient : si la diagonale est posée commensurable au côté, un nombre impair sera égal à un nombre pair »36.

Dans les Premiers analytiques, Aristote donne comme exemple d’un raisonnement par l’absurde la démonstration de l’incommensurabilité de la diagonale et du côté d’un même carré :

33. Quod si fuerit proportio superficiei quadrate ad superficiem quadratam non velut numeri quadrati ad numerum quadratum, latera earum erunt in longitudine incommensurabilia (Campanus, Elements, vol. I, p. 309). 34. Il faut prendre ici la définition du nombre pairement pair que l’on trouve dans l’Arithmétique de Nicomaque reprise par Boèce dans son Institution arithmétique (p. 16) : « Le nombre pairement pair est celui qui peut être divisé en deux parties paires, et sa partie en deux autres parties paires, et la partie de cette partie en deux autres parties paires et, ainsi de suite, jusqu’à ce que la division des parties parvienne à l’unité, qui est indivisible par nature » ; en d’autres termes il s’agit des puissances de 2. Cette définition diffère de celle que l’on trouve au début du livre IX de Campanus (ou au début du livre VII dans l’édition grecque des Éléments) selon laquelle un nombre pairement pair est le produit de deux nombres pairs (Campanus, Elements, vol. I, p. 280). 35. Ex tertia parte huius nota diametrum esse incommensurabilem coste. Cum enim sit quadratum diametri duplum quadrato coste, dupla vero proportio non sit sicut numerorum quadratorum, sequitur diametrum esse incommensurabilem coste in longitudine. Alioquin cum quaternarius sit numerus quadratus, essent omnes pariter pares quadrati et etiam alii infiniti qui non sunt quadrati (Campanus, Elements, vol. I, p. 310). 36. Ducit autem Aristoteles ad illud inconveniens : Si diameter ponatur commensurabilis coste, quod impar numerus erit equalis pari (Campanus, Elements, vol. I, p. 310)

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« Toujours en effet quand on effectue un raisonnement par l’absurde, on conclut le faux par syllogisme, mais la proposition initiale à démontrer est prouvée hypothétiquement quand une impossibilité résulte de la proposition contradictoire . On prouve par exemple l’incommensurabilité de la diagonale, par cette raison que les nombres impairs deviendraient égaux aux nombres pairs, si on posait la diagonale commensurable ; on tire alors la conclusion que les nombres impairs deviennent égaux aux nombres pairs, et on prouve hypothétiquement l’incommensurabilité de la diagonale par ce qu’une conclusion fausse découle de la proposition contradictoire »37.

Aristote ne dit rien de plus à propos de cette démonstration par le pair et l’impair. Voici la preuve apportée par Campanus : « Ce qui est clair ainsi : en effet, soit la diagonale ab commensurable au côté ac, ab sera à ac comme quelque nombre à un autre nombre, selon la proposition 5. Que ces nombres soient alors e et f, et que ce soient les plus petits en leur rapport ; en raison de cela, l’un d’eux sera impair. En effet, si chacun d’eux est pair, ce ne seront pas les plus petits. Soient aussi leurs carrés, g et h. Alors, si e est impair, g sera aussi impair, d’après la proposition 30 du livre IX. C’est pourquoi, que k soit le double de h, alors k sera pair, par définition. Alors, puisque ab est relativement à ac comme e à f, le carré de ab sera au carré de ac comme g à h, d’après la proposition 8 du livre VI et la proposition 11 du livre VIII. Donc g est le double de h ; en effet, ainsi est le carré de ab au carré de ac, d’après la pénultième proposition du livre I38. Et puisque k est aussi le double de h, il s’ensuit, d’après la proposition 9 du livre V, que g, nombre impair, est égal à k, nombre pair. Et si e est pair et f impair, le rapport de f à la moitié de e (que ce soit l) est comme ac à la moitié de ab (que ce soit ad) et, par conséquent, le rapport du carré de ac au carré de ad sera comme le rapport du nombre h, qui est impair, d’après la proposition 30 du livre IX, au carré du nombre l (que ce soit m, duquel k est posé être le double). k sera pair, par définition. Et puisque le carré de ac est le double du carré de ad, d’après la pénultième proposition du livre I, h sera le double de m, et puisque k est le double de m, le nombre impair h sera égal au nombre pair k, d’après la proposition 9 du livre V. C’est ce qui a été proposé »39. 37. Aristote, Organon, III, Les premiers analytiques, traduction de J. Tricot, Paris, Vrin, 2001, livre I, chap. 23, 41 a23-27, p. 121-122. 38. Il s’agit du théorème de Pythagore. 39. Quod sic patet : Sit enim diameter ab commensurabilis lateri ac eritque per 5 ab ad ac sicut aliquis numerus ad alium. Sint ergo hii numeri e et f qui sint minimi in sua proportione eritque ob hoc alter eorum impar. Si enim uterque par, non erunt minimi. Quadrati quoque horum sint g et h. Si ergo e est impar, erit quoque per 30 noni g impar. Sit itaque k duplus ad h eritque k ex diffinitione par. Quia igitur ab ad ac ut e ad f, erit per 8 sexti et 11 octavi quadratum ab ad quadratum ac ut g ad h. Est itaque g duplus ad h. Sic enim est quadratum ab ad quadratum ac per penultimam primi. Et quia etiam k est duplus ad h, sequitur per 9 quinti ut g numerus impar sit equalis k numero pari. Quod si e sit par et f impar, erit proportio f ad dimidium e quod sit l sicut ac ad dimidium ab quod sit ad et ideo erit proportio quadrati ac ad quadratum ad sicut proportio numeri h qui est impar per 30 noni ad quadratum numeri l qui sit m cui k ponatur esse duplus. Eritque k per diffinitionem par. At quia quadratum ac duplum est ad quadratum ad per penultimam primi, erit h duplus ad m cumque k sit etiam duplus ad m, erit per 9 quinti h numerus impar equalis k numero pari. Quod est propositum (Campanus, Elements, vol. I, p. 310).

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

Les nombreuses notations qu’introduit Campanus rendent le texte obscur, mais la démonstration est simple. On suppose que la diagonale ab est commensurable au côté ac. Alors le rapport de ab à ac est comme le rapport d’un nombre e à un nombre f. On choisit e et f les plus petits, donc l’un ou l’autre est impair. Premier cas : e est impair. Le rapport entre le carré de ab et le carré de ac est le rapport double, donc e2 est le double de f 2. Mais puisque e est impair, e2 est impair. Donc le nombre impair e2 est égal au nombre pair 2f 2. Deuxième cas : e est pair et f est impair. On note l la moitié de e et ad la moitié de ab. On a que le rapport de f 2 à l 2 est égal au rapport de ac2 à ad2. Or ce dernier rapport est le rapport double. Donc f 2 est le double de l 2. Et là encore, f 2, qui est impair puisque f est impair, est égal au nombre pair 2l 2. À la suite de Campanus, cette démonstration de l’incommensurabilité de la diagonale et du côté par le pair et l’impair est reprise par de nombreux auteurs. On la trouve ainsi dans la Géométrie spéculative de Thomas Bradwardine, qui fait alors clairement référence à Campanus et aux Premiers Analytiques d’Aristote40. Détermination du rapport entre la diagonale d’un carré et son côté dans la Géométrie spéculative de Thomas Bradwardine Dans sa Géométrie spéculative (troisième conclusion du quatrième chapitre de la partie III), Thomas Bradwardine démontre que le rapport entre la diagonale d’un carré et son côté est la moitié du rapport double. Il commence pour cela par démontrer que la diagonale est incommensurable au côté41 :

40. Ad confirmandum hanc sententiam de dyametro et costa inducit Campanus decimo Geometrie commento septimo consequentiam quam facit Aristoteles primo Priorum, scilicet quod, si dyameter est commensurabilis coste, erit igitur proportio AB dyametri ad AC costam sicud alicuius numeri ad aliquem numerum, ex secunda precedentis capituli et ex diffinitione quantitatum communicantium. Sint ergo dati numeri D et E, et sint isti numeri secundum suam proportionem minimi. Non erit igitur uterque eorum par. Alioquin numeraret eos binarius, et per consequens non essent secundum suam proportionem minimi [quia non essent contra se primi]. Sit ergo D impar et maior. Igitur quadratum eius erit impar, quia quadratum omnis imparis est impar, sicud inductive patet et arismetica testatur, quia, si impares secundum numerum imparem coacerventur, compositus erit impar. Sed per premissam immediate, que est septima decimi, quadratum AB ad quadratum AC est tanquam proportio quadrati D ad quadratum E. Cum ergo quadratum AB sit duplum ad quadratum AC, ut premissum est, ergo quadratum D est duplum ad quadratum E. Sed constat quod ad quadratum E sit aliquis numerus par duplus. [Patet duplando ipsum quadratum E.] Ergo, cum quadratum D sit numerus impar ex ypothesi, sequitur quod numerus par et numerus impar erunt equimultiplices respectu eiusdem numeri, et ita erunt equales, per quintam tertii capituli precedentis. Si vero E sit impar et minor, dividatur AB in duas medietates ducta GC linea, perficiaturque quadratum ductis AF et CF lineis. Si ergo proportio AB ad AC est tanquam proportio D ad E, igitur conversa proportio AC ad AB est tanquam proportio E ad D. Igitur proportio AC ad medietatem AB, puta ad AG, est tanquam proportio E ad medietatem D. Igitur proportio quadrati AC ad quadratum AG est sicud proportio quadrati E ad quadratum medietatis D. Igitur, ut prius, quadratum E erit duplum ad quadratum medietatis D. Igitur numerus impar erit equalis numero pari, sicud prius (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 108 et 110). 41. La preuve qu’il propose ici est différente de celle qu’il proposera plus loin, par le pair et l’impair (voir note précédente).

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« Troisième conclusion. La diagonale d’un carré a au côté du même carré un rapport irrationnel et toute diagonale est asymétrique42 à son côté. Ceci est clair, d’après ce qui précède, puisque le rapport du côté du carré à la diagonale n’est pas comme d’un nombre à un nombre. Je le prouve : en effet, la diagonale est un médian proportionnel entre les extrêmes du rapport double, comme je le montrerai. Mais il est impossible de trouver dans les nombres un nombre médian proportionnellement entre un nombre double et sa moitié. Donc la diagonale n’a pas relativement au côté un rapport selon la manière d’être d’un nombre à un nombre »43.

Le principe de la démonstration est clair. Si l’on peut prouver que la diagonale est un médian proportionnel entre le côté et une autre ligne qui est le double de ce côté, alors la diagonale sera incommensurable au côté. En effet, on ne peut pas trouver, dans les nombres, un médian proportionnel entre 2 et 1. Pour démontrer que la diagonale est médian proportionnel entre les termes d’un rapport double, Thomas Bradwardine construit le carré sur la diagonale, dont la diagonale est le double du côté du carré initial : « Je prouve la mineure ainsi : Soit EC le côté du carré et DC la diagonale du même carré. Sur la ligne DC je construis un autre carré ; que ce soit ABCD. Que je trace sa diagonale AC. On constate que AC est le double de EC. Mais comme EC est à DC, ainsi est DC à AC, puisque des deux côtés on a la comparaison du côté du carré à sa diagonale. Donc ces trois lignes EC, DC et AC sont selon une proportionnalité continue. Donc DC est en place médiane proportionnelle entre EC et AC, qui sont les extrêmes du rapport double. Donc la proposition est claire »44.

42. Dans la preuve qui suit, Bradwardine expliquera que « asymétrique » signifie incommensurable (Geometria speculativa, p. 102) : Quod autem adiungitur in theoremate, quod omnis dyameter est assimeter coste, est iteratio sententie premisse in verbis apud Aristotelem usitatis. Et est simetrum idem quod commensurabile, et assimetrum idem quod incommensurabile (Et ce qui est ajouté dans le théorème, à savoir que toute diagonale est asymétrique au côté, est la reprise d’une opinion précédente dans les termes utilisés par Aristote. Et symétrique est la même chose que commensurable et asymétrique est la même chose qu’incommensurable). Bradwardine s’inspire ici du terme grec „V¼PPHWURX (voir plus haut, p. 60). 43. Tertia conclusio : dyameter quadrati ad latus eiusdem est proportio irrationalis. Estque omnis dyameter sue coste assimeter. Ista patet ex premissa, quoniam proportio lateris quadrati ad dyametrum non est sicud proportio numeri ad numerum. Hoc probo, quoniam dyameter est medium proportionale inter extrema duple proportionis, ut ostendam. Sed in numeris impossibile est invenire numerum proportionaliter medium inter numerum duplum et subduplum. Ergo dyameter ad costam non est proportio secundum habitudinem numeri ad numerum (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 100 et 102). 44. Assumptum probo sic. Sit EC latus quadrati et DC dyameter eiusdem. Super lineam DC constituo quadratum aliud, et sit ABCD, et ducatur AC dyameter eius. Constat quod AC est dupla ad EC. Sed sicud se habet EC ad DC ita se habet DC ad AC, quia utrobique est comparatio lateris quadrati ad suam dyametrum. Igitur iste linee EC et DC et AC habent se secundum continuam proportionalitatem. Ergo DC est medio loco proportionalis inter EC et AC, que sunt extrema proportionis duple. Patet ergo propositio (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 102).

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La preuve repose sur la proportionnalité, pour deux carrés donnés, entre les diagonales et les côtés. La démonstration se termine en montrant que le rapport de la diagonale au côté vaut la moitié du rapport double : « À partir de ce qui a déjà été dit on voit clairement comment doit être appelé le rapport de la diagonale au côté, puisqu’il est la moitié du rapport double. En effet, le rapport double de AC à EC est composé des rapports du plus grand au médian, à savoir de AC à DC et du médian au plus petit, à savoir de DC à EC, qui sont des rapports égaux et semblables. Pour cette raison, chacun d’eux et n’importe quel rapport semblable doit être dit ‘moitié du rapport double’ »45.

Questions sur l’incommensurabilité de la diagonale et du côté aux XIVe et XVe siècles Les démonstrations que nous venons de voir se retrouvent, avec des variantes, dans de nombreux textes. Ainsi, l’incommensurabilité de la diagonale et du côté d’un même carré et la détermination de leur rapport font l’objet des questions 6 à 9 des Questions sur la géométrie d’Euclide de Nicole Oresme (probablement composées dans les années 1350)46. Dans la question 6, Nicole Oresme commence par montrer que la diagonale est plus grande que le côté puisque, dans le triangle ABC formé par la diagonale et deux côtés consécutifs du carré, l’angle en B que sous-tend la diagonale est plus grand que l’angle en C que sous-tend un côté du carré47.

45. Ex iam dictis patet qualis dici debeat proportio dyametri ad costam, quoniam est medietas proportionis duple, nam proportio dupla AC ad EC componitur ex proportionibus maioris ad medium, scilicet AC ad DC, et medii ad minimum, scilicet DC ad EC, que sunt proportiones equales et similes, quapropter alterutra earum et quelibet similis debet dici proportionis duple medietas (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 102). 46. Nicole Oresme, Questiones super geometriam Euclidis, édition critique de Hubert L. L. Busard, Leiden, Brill, 1961. 47. [...] dyameter est maior costa in eodem quadrato et demonstrabitur postea, quod sunt incommensurabilia. Et potest argui, quod dividit quadratum in duos triangulos, et sumpto uno istorum, arguitur per 19am, quod maius latus opponitur maiori angulo (Nicole Oresme, Questiones super geometriam Euclidis, p. 14).

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Dans la question 7, Nicole Oresme démontre l’incommensurabilité de la diagonale et du côté par une réduction à l’absurde : « Suit la conclusion que la diagonale et le côté du carré sont des lignes incommensurables [...] et on le démontre en posant d’abord quatre suppositions. La première est que le carré de la diagonale est le double du carré du côté, ce qui est clair d’après la proposition pénultième du premier livre de celui-ci48. La deuxième est qu’aucun nombre carré n’est le double d’un autre nombre carré ; et cela est clair dans le commentaire à la proposition 6 du dixième livre de celui-ci49, puisqu’il s’ensuit que tous les pairement pairs seraient des carrés50. La troisième est que si quelques lignes sont entre elles comme un nombre à un nombre, le rapport de leurs carrés est aussi comme d’un nombre carré à un nombre carré, et cela suit du dixième livre de celui-ci. La dernière est que le rapport entre n’importe quelles lignes commensurables est comme d’un nombre à un nombre, d’après la proposition 5 du dixième livre de celui-ci. Ceci étant posé j’argumente ainsi : la diagonale et le côté sont commensurables, donc leur rapport est comme d’un nombre à un nombre, d’après la quatrième supposition. Alors le rapport entre leurs carrés est comme le rapport entre deux nombres carrés, d’après la troisième supposition, mais aucun nombre carré n’est le double d’un autre nombre carré, d’après la deuxième supposition. Donc le carré de la diagonale n’est pas le double du carré du côté, ce qui est contre la première supposition »51.

La démonstration est fondée sur la propriété qu’un carré ne peut être le double d’un autre carré. Nicole Oresme le prouve dans la question 8, en reprenant la démonstration de Campanus. Là encore, il pose quelques prémisses :

48. Il s’agit du livre que Nicole Oresme est en train de commenter, c’est-à-dire les Éléments d’Euclide. La pénultième proposition du livre I est le théorème de Pythagore. 49. Comme nous l’avons vu il s’agit plutôt du commentaire à la proposition X. 7, à moins que dans la version des Éléments de Campanus que Nicole utilise la proposition 6 corresponde à la proposition 7 de l’édition de Busard. 50. Nicole Oresme fait allusion au début du commentaire dans lequel Campanus explique que si la diagonale et le côté étaient commensurables, tous les nombres pairement pairs seraient des carrés (voir plus haut, p. 70). 51. Sequitur conclusio, quod dyameter et costa quadrati sunt linee incommensurabiles […] ; et hoc demonstratur primo ponendo quattuor supposiciones. Prima est, quod quadratum dyametri est duplum quadrato coste, quod patet ex penultima primi huius. Secunda est, quod nullus numerus quadratus est duplus ad alium numerum quadratum ; et hoc patet in commnento 6a 10i huius, quia sequitur, quod omnes pariter pares essent quadrati. Tercia est quod, si alique linee se habeant ad invicem sicut numerus ad numerum, eciam proporcio suorum quadratorum est et hoc sequitur ex 10o huius. Ultima est, quod omnium commensurabilium proporcio est sicut numerus ad numerum per 5am 10i huius. His suppositis arguo sic : dyameter et costa sunt commensurabiles, ergo proporcio earum est sicut numerus ad numerum per 4am suppositionem, igitur proporcio suorum quadratorum est sicut proporcio duorum quadratorum numerorum per 3am supposicionem, sed nullus numerus quadratus est duplus ad alium quadratum per 2am, ergo quadratum dyametri non est duplum quadrato coste, quod est contra primam (Oresme, Questiones super geometriam Euclidis, p. 17).

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« Deuxièmement, je pose la conclusion posée auparavant à savoir que la diagonale, etc., et j’ajoute une brève démonstration, qui est dite démonstration d’Aristote, comme le dit le commentateur dans le commentaire à la proposition 6 du livre X de celui-ci52. Et Aristote mène à cet inconvénient que, s’ils étaient commensurables, un nombre pair et un nombre impair seraient égaux. Et on a quelques suppositions. La première est que le carré de la diagonale est le double du carré du côté, comme le dit la pénultième proposition du livre I de celui-ci. La deuxième est que le double d’un nombre pair est pair et semblablement le double d’un nombre impair est pair, et cela est clair d’après la proposition 21 du livre IX de celui-ci. La troisième est que le carré d’un nombre pair est pairement pair53, que sa moitié est paire, et que le carré d’un nombre impair est impair. La quatrième est que le rapport entre n’importe quelles lignes commensurables entre elles est comme le rapport entre un nombre pair et un nombre impair [...]. Ceci étant posé, on argumente ainsi : la diagonale et le côté sont commensurables, donc d’après la quatrième supposition, l’un d’eux est comme un nombre impair. Que la diagonale soit donc comme un nombre impair. Alors, d’après la troisième supposition, son carré sera comme un nombre impair. Et que le côté soit comme un nombre pair, alors son carré sera comme un nombre pair, d’après la troisième supposition. Donc son double sera un nombre pair, d’après la deuxième supposition. Mais son double est le carré de la diagonale, d’après la première supposition. Donc le carré de la diagonale est comme un nombre pair. Donc le carré de la diagonale sera tel que sa moitié sera paire, d’après la troisième supposition. Et si la diagonale est paire, le côté sera impair. Donc, d’après la troisième supposition, son carré sera impair. Donc le carré du côté sera comme un nombre impair, et avec cela comme un nombre pair du fait qu’il est la moitié du carré de la diagonale, d’après la première supposition. Et ainsi identiques seront le pair et l’impair »54.

52. Là encore il s’agit du commentaire de Campanus à la proposition 7 du livre X. 53. Ici pairement pair s’entend selon la définition euclidienne, c’est-à-dire divisible en deux parties paires. 54. Secundo pono conclusionem prius positam scilicet quod dyameter etc. ; et adduco parvam demonstracionem, que dicitur demonstracio Aristotelis, sicut dicit commentator in commento 6a 10i huius ; et Aristoteles ducit ad illud inconveniens quod, si essent commensurabiles, numerus par et impar essent equales. Et sunt alique supposiciones. Prima est, quod quadratum dyametri est duplum quadrato coste, sicut dicit penultima pars huius. Secunda est, quod duplum numeri paris est par et similiter duplum numeri imparis est par et patet ex 21a 9i huius. Tercia est, quod quadratum numeri paris est pariter par, quod sua medietas est par, et quadratum imparis est impar. Quarta est, quod omnium commensurabilium ad invicem proporcio est sicut numeri paris ad numerum imparem [...]. Istis suppositis arguitur sic : dyameter et costa sunt commensurabiles, ergo per 4am supposicionem alter eorum est sicut numerus impar. Sit ergo dyameter sicut numerus impar, ergo per 3am supposicionem quadratum eius erit sicut numerus impar et sit costa sicut numerus par, ergo quadratum eius erit numerus par per 3am supposicionem, ergo duplum eius erit numerus par per 2am, sed illud duplum est quadratum dyametri per primam, ergo quadratum dyametri est sicut numerus par et sicut numerus impar. Si vero ponatur, quod dyameter sit sicut numerus par, ergo quadratum dyametri erit tale, quod medietas eius erit par per 3am ; et si dyameter erit par, costa erit impar, igitur per 3am erit quadratum eius impar, igitur quadratum coste erit sicut numerus impar et cum hoc sicut numerus par, eo quod est medietas quadrati dyametri per primam supposicionem et sic idem erit par et impar (Oresme, Questiones super geometriam Euclidis, p. 20-21).

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Il est postulé, dans la supposition 4, que tout rapport peut être représenté comme le rapport entre un nombre pair et un nombre impair. Mais ceci est faux : les plus petits nombres d’un rapport peuvent être tous les deux impairs. Et ainsi, dans le cours de la preuve, Nicole Oresme n’envisage pas le cas où la diagonale et le côté seraient tous les deux impairs (cas qui se traiterait comme le cas où la diagonale est impaire et le côté pair). Ce point mis à part, les preuves proposées par Nicole Oresme et Campanus sont mathématiquement semblables. Mais Oresme dégage les propriétés qui sont au fondement de la preuve en les mettant en avant, sous forme de suppositions. Nicole Oresme démontre pour finir, dans la question 9, que le rapport de la diagonale et du côté est la moitié du rapport double et que, par conséquent, il est irrationnel : « Deuxièmement, ceci étant posé, suit la démonstration de la conclusion, qui présuppose quelques suppositions. La première est que le rapport du carré de la diagonale au carré du côté est le rapport double. La deuxième est que le rapport entre des surfaces semblables quelconques est deux fois plus grand que le rapport de leurs côtés [...]. La troisième est que la moitié du rapport double est irrationnelle, et la cause en est qu’entre les premiers de ses termes, à savoir 2 et 1, il n’y a pas de nombre médian, donc ce rapport n’a pas de moitié dans les nombres [...]. Ceci étant posé, on argumente ainsi : le rapport de la diagonale au côté est la moitié du rapport double, donc ces lignes sont incommensurables. On prouve l’antécédent : puisque le rapport entre les carrés est le rapport double, d’après la première supposition, alors le rapport entre les côtés est la moitié du rapport double, d’après la deuxième supposition ; ce qui a été proposé. Et la conséquence est claire : puisque ce rapport est la moitié du rapport double, alors il est irrationnel, d’après la troisième supposition. Donc, d’après la description, ces lignes sont incommensurables, ce qui a été proposé »55.

Si le début de la démonstration est semblable au début de la preuve que l’on a pu lire dans la Géométrie spéculative de Thomas Bradwardine, la seconde partie diffère. En effet, la preuve de Bradwardine était fondée sur la proportionnalité, pour deux carrés donnés, entre leurs diagonales et leurs côtés. Ici, la

55. Secundo his positis sequitur demonstracio ad conclusionem, que presupponit aliqua : prima est, quod proporcio quadrati dyametri ad quadratum coste est dupla ; secunda, quod omnium superficierum similium est proporcio dupla maior quam suorum laterum [...] ; tertia est, quod medietas proporcionis duple est irracionalis ; et causa est, quia inter primos eius numeros, scilicet 2 et unum, nullus est numerus medius, ideo ipsa non habet in numeris medietatem [...]. His suppositis arguitur sic : proporcio dyametri ad costam est medietas duple, igitur iste linee sunt incommensurabiles. Antecedens probatur, quia proporcio quadratorum est dupla per primam supposicionem, igitur proporcio quadratorum est dupla per primam supposicionem, igitur proporcio laterum est medietas duple per secundam supposicionem, quod est propositum ; et patet consequencia, quia ista proporcio est medietas duple, igitur est irracionalis per tertiam supposicionem, igitur illa sunt incommensurabilia per descripcionem, quod est propositum (Oresme, Questiones super geometriam Euclidis, p. 23).

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propriété mise en avant est que, pour deux carrés donnés, le rapport entre ces carrés est le rapport doublé de leurs côtés (Oresme dit que le premier rapport est deux fois plus grand que le second). Nicole Oresme tire des différentes preuves de l’irrationalité de la diagonale et du côté des corollaires et de nombreux développements, tant mathématiques que physiques56. L’incommensurabilité de la diagonale et du côté fait l’objet d’une question anonyme publiée en 1887 par Heinrich Suter57. Nous avons montré qu’il s’agissait d’un remaniement des questions 6 à 9 des Questions sur la géométrie d’Euclide de Nicole Oresme58. Et on retrouve de nombreux éléments proposés par ce dernier dans la question 4 de la seconde version des Questions sur le traité des rapports de Thomas Bradwardine de Blaise de Parme59. On y trouve aussi la première démonstration de la Géométrie spéculative de Thomas Bradwardine60. Incommensurabilité de la diagonale et du côté dans le Livre sur les trois mouvements d’Alvarus Thomas Dans le troisième chapitre de la partie I de son Livre sur les trois mouvements, Alvarus Thomas propose un traitement original de la question de la commensurabilité de la diagonale et du côté d’un même carré61. En effet, afin de montrer que le rapport de la diagonale et du côté n’est pas rationnel, il va prouver successivement qu’il n’est ni multiple, ni multiple superparticulier, ni multiple superpartient, puis qu’il n’est pas superparticulier et enfin qu’il n’est pas superpartient. Ainsi, ce rapport n’appartient à aucun des cinq genres du rapport rationnel, il est donc irrationnel. Alvarus Thomas commence par démontrer que le rapport de la diagonale au côté n’est ni multiple, ni multiple superparticulier, ni multiple superpartient. La raison en est simple : les rapports multiples, multiples superparticuliers et multiples superpartients sont égaux ou plus grands que le rapport double62, alors que le rapport de la diagonale au côté est plus petit que le rapport double. En effet, Alvarus a démontré que ce rapport vaut la moitié du rapport double (car 56. Voir Sabine Rommevaux, « Un exemple de Question mathématique au Moyen Âge », Annals of Science 63/4 (octobre 2006), p. 425-445 ; en particulier p. 433-435. 57. Heinrich Suter, « Die Quaestio De proportione dyametri quadrati ad costam ejusdem des Albertus de Saxiona », Zeitschrift für Mathematik und Physik 32 (1887), 41-56. 58. Voir Sabine Rommevaux, « Un exemple de Question mathématique... », p. 435-439. 59. Voir ibid., p. 439-443. Voir aussi Sabine Rommevaux, « L’irrationalité du rapport de la diagonale et du côté d’un même carré dans les Questions de Blaise de Parme sur le Traité des rapports de Bradwardine », Revue d’histoire des sciences 56/2 (2003), p. 267-274. 60. Voir la conclusion 3 de la question 4 (Blaise, Questiones circa tractatum proportionum, p. 81). 61. Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fos a3va-a4rb. 62. Les rapports multiples superparticuliers et multiples superpartients se trouvent entre a et b tels que a = nb+(p/q)b avec n, p, q entiers, n > 1, p • 1 et p < q.

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le rapport entre les carrés, qui est le double du rapport des côtés, vaut le rapport double)63. Or une moitié est plus petite que son tout. Donc le rapport de la diagonale au côté est plus petit que le rapport double. Le rapport de la diagonale au côté n’est pas non plus un rapport superparticulier (rapport entre a et b avec a = b+(1/k)b, k > 1)64. En effet, tout rapport superparticulier est soit un rapport sesquialtère (entre 3 et 2 ; k = 2), soit un rapport sesquitièrce (entre 4 et 3 ; k = 3), soit un rapport plus petit qu’un rapport sesquitièrce. Or le rapport double est composé d’un rapport sesquialtère et d’un rapport sesquitièrce ((4 : 2) = (4 : 3)•(3 : 2)). Et puisque le rapport sesquialtère est plus grand que le rapport sesquitièrce, on en déduit que le rapport sesquialtère est plus grand que le rapport moitié du rapport double et que le rapport sesquitièrce lui est plus petit : (3 : 2) > ½ (4 : 2) > (4 : 3). Ainsi, le rapport de la diagonale au côté est plus petit que le rapport sesquialtère et plus grand que le rapport sesquitièrce et par conséquent plus grand que tous les autres rapports superparticuliers. Il n’est donc égal à aucun rapport superparticulier. Il reste maintenant à démontrer que le rapport de la diagonale au côté n’est pas un rapport superpartient (rapport entre a et b avec a = b+(p/q)b, p > 1, p < q)65. La démonstration est faite par l’absurde en montrant que, si tel était le cas, un nombre pair serait égal à un nombre impair. La preuve diffère de celles que l’on a pu voir précédemment. La première partie est toutefois semblable : tout rapport superpartient peut se trouver entre deux nombres dont l’un est impair. Donc, si le rapport de la diagonale au côté est un rapport superpartient, soit la diagonale, soit le côté est comme un nombre impair. Supposons que la diagonale soit un nombre impair. Son carré est impair et, par conséquent, il ne peut pas être le double du carré du côté.

63. Tertia suppositio. Diametri ad costam est proportio que est medietas duple. Probatur quia quadrati diametri ad quadratum coste est proportio dupla, ut patet ex secunda suppositione, ergo diametri ad costam est proportio subdupla ad duplam, et per consequens medietas dupla. Patet consequentia ex prima suppositione ; quoniam semper proportio quadratorum est dupla ad proportionem costarum. Et sic proportio costarum est medietas proportionis quadratorum. Cum igitur proportio quadratorum fuerit dupla, costarum proportio erit medietas duple (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo a3va). 64. Secunda conclusio. Nulla proportio diametri ad costam est aliqua proportio supraparticularis. Probatur quia omnis proportio supraparticularis est sexquialtera vel sexquitertia vel minor sexquitertia. Et nulla proportio diametri ad costam est sexquialtera, vel sexquitertia vel minor sexquitertia, ergo nulla proportio diametri ad costam est supraparticularis. Consequentia patet cum maiore manifeste, et probatur minor, quoniam omnis proportio sexquialtera vel sexquitertia vel minor sexquitertia est maior vel minor medietate duple et nulla proportio diametri ad costam est maior vel minor medietate duple quia est equalis medietati duple, ut patet ex tertia suppositione. Igitur nulla proportio diametri ad costam est sexquialtera vel sexquitertia vel minor sexquitertia. Consequentia patet cum minore et maior probatur, quia sexquialtera est maior quam medietas duple et sexquitertia minor quam medietas duple et ex consequenti per locum a maiori quelibet minor sexquitertia est minor quam medietas duple, ergo omnis proportio sexquialtera vel sexquitertia vel minor sexquitertia est maior vel minor medietate duple. Probatur tamen antecedens quia dupla componitur adequate ex sexquialtera et sexquitertia, ut patet ex secunda parte, et sexquialtera est maior et sexquitertia est minor, igitur sexquialtera est maior quam medietas duple et sexquitertia minor quam medietas duple (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo a3vb-a4rb).

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Deuxième partie de la démonstration : supposons maintenant que ce soit le côté C qui soit impair. On considère un carré plus petit dont la diagonale soit ce côté.

C étant impair, le carré de C est impair, donc le carré de la diagonale du petit carré est impair. Par conséquent, la diagonale du petit carré elle-même est impaire (car seul le carré d’un nombre impair peut donner un nombre impair). Ainsi, on est ramené au premier cas, qui, comme nous l’avons vu, conduit à une impossibilité. Conclusion Campanus reçoit de Robert de Chester un texte des Éléments d’Euclide dans lequel des petits changements par rapport au traité grec que nous connaissons modifient profondément certains aspects des théories qui y sont exposées. C’est le cas pour la théorie de l’irrationalité présentée au livre X. Dans la version de Campanus, un parallélisme entre commensurabilité et rationalité est

65. Tertia conclusio. Nulla proportio diametri ad costam est aliqua proportio suprapartiens. Probatur quia omnis proportio suprapartiens reperibilis est inter duos numeros quorum alter est impar et nulla proportio diametri ad costam reperibilis est inter duas numeros quorum alter est impar ergo nulla proportio diametri ad costam est aliqua proportio suprapartiens. Patet consequentia in secundo secunde ut prius et maior ex quarta suppositione et minor probatur, quia si non detur oppositum videlicet quod proportio diametri ad costam reperitur inter duos numeros quorum alter est impar ita quod diameter et costa se habere possunt ut duo numeri, quorum alter est impar vel igitur diameter erit numerus impar, vel costa. Si diameter, sequitur quod quadratum ipsius diametri erit numerus impar. Patet consequentia ex quinta suppositione et ultra quadratum diametri est numerus impar, ergo quadratum diametri non est duplum ad quadratum coste. Patet consequentia ex sexta suppositione et consequens est falsum ut patet ex secunda suppositione, igitur et antecedens. Non est igitur dicendum quod diameter est numerus impar respectu coste. Si vero costa sit numerus impar respectu diametri, sequitur quod quadratum eius erit numerus impar, sed quadratum eius est etiam quadratum diametri, quoniam ipsa costa est diameter minori quadrati, ut patet in superiori figura. Igitur quadratum diametri est numerus impar. Patet consequentia ex quinta suppositione et per consequens quadratum diametri non est duplum ad quadratum coste. Patet consequentia ex sexta suppositione et consequens est falsum ut patet ex secunda suppositione, igitur et antecedens. Et sic patet, quod nec diameter se habet sicut numerus impar, nec costa (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo a4ra).

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établi, alors que, dans le grec, la notion d’irrationalité ne recouvre pas l’incommensurabilité. Lorsque Thomas Bradwardine reprend les définitions du livre X qu’il a pu trouver dans la version de Campanus, il accentue encore ce rapprochement entre rationalité et commensurabilité, par le biais des rapports. Il appelle rationnelles les quantités commensurables et irrationnelles celles qui sont incommensurables à une unité de mesure posée a priori. Il peut alors écrire que les rapports rationnels se trouvent entre les quantités rationnelles et les rapports irrationnels entre les quantités irrationnelles. Cette identification entre commensurabilité et rationalité ouvre la voie à une lecture arithmétique du livre X des Éléments d’Euclide qui ne sera faite que plus tard, en Occident66.

66. Cette arithmétisation du livre X a commencé dans les mathématiques de langue arabe, par exemple chez al-MahƗnƯ (IXe siècle). En Occident, on trouve un telle lecture dans le livre II de l’Arithmetica integra de Michael Stifel (1544).

CHAPITRE IV

DÉNOMINATION DES RAPPORTS RATIONNELS ET IRRATIONNELS

Lorsque Thomas Bradwardine débute son traité sur les rapports, il introduit aussitôt la notion de dénomination, qui lui permet de diviser les rapports en rapports rationnels et rapports irrationnels : est rationnel un rapport immédiatement dénommé par un nombre et est irrationnel celui qui ne l’est que médiatement un rapport rationnel1. Bradwardine illustre cette assertion de quelques exemples, mais il n’en dit pas plus. Nous verrons dans ce chapitre quel sens on doit donner à cette dénomination immédiate ou médiate des rapports. Et nous nous interrogerons sur l’origine de cette notion. Les définitions de la dénomination des rapports rationnels Dans les mathématiques médiévales, puis renaissantes, on trouve deux définitions de la dénomination d’un rapport numérique. Selon la première définition, la dénomination est le résultat de la division de l’antécédent du rapport par le conséquent de ce même rapport. Selon la seconde définition, la dénomination est un nombre, mis sous la forme n+k/l (n, k, l étant des entiers, avec k < l), qui exprime la manière dont le plus petit terme d’un rapport se comporte vis-à-vis du plus grand, à savoir que le plus grand terme contient n fois le plus petit et k l-ièmes parties de celui-ci. Ces deux définitions apparaissent dans plusieurs textes du XIIIe siècle, la première dans les deux petits traités sur la composition des rapports de Ps-Jordanus et Ps-Campanus2, la seconde dans l’Arithmétique de Jordanus et à sa suite dans les Éléments de Campanus.

1. Voir plus loin, p. 104. 2. Hubert L. L. Busard, « Die Traktate De proportionibus von Jordanus Nemorarius and Campanus », Centaurus 15 (1971), p. 193-227. Voir notre introduction, p. 8, n. 18.

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La dénomination comme division des termes L’objet principal des deux petits traités de Ps-Jordanus et de Ps-Campanus est le problème suivant3 : étant données six quantités a, b, c, d, e et f, dénombrer et établir toutes les relations de la forme (x1 : x2) = (x3 : x4)•(x5 : x6) que l’on peut déduire de la relation initiale (a : b) = (c : d)•(e : f) : par exemple, (d : e) = (b : a)•(c : f). Les deux traités, fort similaires dans leur structure, commencent par une liste de définitions. Dans le traité de Ps-Jordanus, ce sont les suivantes : « Un rapport est une relation déterminée d’une chose à une chose, selon la quantité. La détermination est rendue manifeste par la dénomination. Et la dénomination du rapport de l’une à l’autre est ce qui est obtenu à partir de la division de l’une par l’autre. Produire ou composer un rapport à partir de rapports, c’est produire la dénomination d’un rapport à partir des dénominations des rapports, l’une étant multipliée par l’autre »4.

Notons que l’auteur de ce traité ne précise pas sur quels types d’objets est défini le rapport. Il utilise le terme vague de « chose » (res). Toutefois, puisque dans la suite il est demandé de pouvoir diviser l’une de ces choses par l’autre, il est nécessaire que ces choses soient quantifiables. Le rapport est défini comme une relation quantitative et la dénomination est introduite afin de déterminer le type de relation dont il s’agit. De fait, il peut exister plusieurs relations quantitatives entre deux choses quantifiables données. On peut mettre en relation les quantités en comparant leurs différences de sorte que les quantités mises en relation sont celles dont les différences sont égales, c’est-à-dire celles qui appartiennent à une même progression arithmétique5. Ici, c’est à partir du quotient des quantités, ou si l’on préfère de la déno3. Cet exercice de combinatoire trouve son origine dans une proposition du chapitre IX de l’Almageste de Ptolémée dans laquelle est établie une relation de ce type à propos de ce que les mathématiciens arabes puis latins appellent la « figure sécante ». On trouve naturellement cet exercice dans des commentaires à l’Almageste, mais aussi dans des commentaires aux Sphériques de Ménélaüs. Il fait, par ailleurs, l’objet de petits traités qui lui sont entièrement consacrés. Et on le trouve enfin dans des textes consacrés à la théorie des rapports. Voir à ce sujet, Sabine Koelblen (Rommevaux), « Un exercice de combinatoire : les six grandeurs en proportion », Sciences et techniques en perspective 26 (1993), p. 1-21 ; ead., « Une pratique de la composition des raisons dans un exercice de combinatoire », Revue d’histoire des sciences XLVII/2 (1994), p. 209-247. 4. Proporcio est rei ad rem determinata secundum quantitatem habitudo. Determinacio ex denominacione manifestatur. Denominacio vero proporcionis huius ad illud est quod exit ex divisione huius per illud. Proporcionem produci vel componi ex proporcionibus est denominacionem proportionis produci ex denominacionibus proporcionum altera in alteram ductis (Busard, « Die Traktate De proportionibus… », p. 205). 5. Voir à ce propos le commentaire de Bernard Vitrac, dans Euclide, Les Éléments, vol. 2, p. 58-59.

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mination, que l’on détermine la relation nommée « rapport ». Prenons par exemple le rapport entre les nombres 8 et 4 ; ce rapport est déterminé par le quotient de 8 à 4, soit 2. La dénomination étant définie comme le résultat de la division des termes du rapport, il faut sans doute supposer que les termes sont commensurables, c’est-à-dire que le rapport est rationnel. Dans le cas d’un rapport irrationnel le quotient n’est pas exprimable simplement (par exemple le quotient entre la circonférence d’un cercle et son diamètre). Les rapports étant ainsi déterminés par leurs dénominations, Ps-Jordanus définit l’opération de composition des rapports comme multiplication des dénominations de ces rapports : le produit de ces dénominations donne la dénomination du rapport composé. Par exemple, si l’on compose un rapport double, de dénomination 2, avec un rapport triple, de dénomination 3, on obtient un rapport de dénomination 6, soit le rapport sextuple. Venons-en maintenant au traité de Ps-Campanus ; on y trouve les définitions suivantes : « Un rapport est une relation mutuelle entre deux quantités de même genre. Lorsque, pour deux quantités de même genre, l’une divise l’autre, ce qui est obtenu est dit dénomination du rapport de celle qui est divisée à celle qui divise. Produire ou composer un rapport à partir de rapports, c’est produire une dénomination à partir des dénominations. Diviser un rapport par un rapport ou soustraire ce qui divise de ce qui est divisé, c’est diviser la dénomination de ce qui est divisé par la dénomination de ce qui divise »6.

Ps-Campanus est plus précis que Ps-Jordanus dans sa définition du rapport : le rapport concerne uniquement les quantités de même genre (on peut avoir un rapport entre un nombre et un nombre, une ligne et une ligne, ou un temps et un temps, etc., mais pas entre un nombre et une surface, ou une ligne et un temps). Contrairement à Ps-Jordanus, il ne précise pas que la relation en question est déterminée et qu’elle l’est grâce à la dénomination. Comme chez PsJordanus, il définit la dénomination comme quotient. Il précise que la plus petite quantité divise la plus grande, ce qui implique que les deux quantités sont commensurables. Ainsi, cette définition de la dénomination ne concerne que les rapports rationnels. Enfin, à la définition de la composition des rapports, Ps-Campanus ajoute l’opération inverse : la division ou la soustraction.

6. Proportio est duarum quantitatum eiusdem generis ad invicem habitudo. Cum duarum quantitatum eiusdem generis una dividit aliam quod exit dicitur denominatio proportionis divise ad dividentem. Proportionem produci aut componi ex proportionibus est denominationem produci ex denominationibus. Proportionem dividi per proportionem aut dividentem abiici ex dividenda est denominationem dividende dividi per denominationem dividentis (Busard, « Die Traktate De proportionibus… », p. 213).

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À la suite de ces définitions, Ps-Jordanus et Ps-Campanus proposent une série de propositions préparatoires à leur étude de la relation entre six quantités en proportion. Ils démontrent ainsi que si, entre les termes a et c d’un rapport donné, on interpose un terme médian b, le rapport de a à c donné est composé du rapport de a à b et du rapport de b à c. Le schéma de la démonstration proposée par Ps-Campanus7 est le suivant (la preuve donnée par Ps-Jordanus est plus complexe, mais est fondée sur les mêmes principes) : On appelle d, e et f les dénominations des rapports de a à b, de b à c et de a à c respectivement. Il a été prouvé dans la proposition précédente que, si l’on multiplie le conséquent ou le second terme du rapport par la dénomination, on obtient l’antécédent ou le premier terme du rapport, donc fc = a et ec = b. De ces égalités on déduit que f est à e comme a est à b. Donc la dénomination d du rapport de a à b est égale à la dénomination du rapport de f à e, puisque ces rapports sont égaux. Par conséquent, d étant la dénomination du rapport de f à e, on a de = f. Il suffit alors d’appliquer la définition de la composition des rapports comme multiplication des dénominations pour en déduire que le rapport de a à c, de dénomination f, est composé du rapport de a à b, de dénomination d, et du rapport de b à c, de dénomination e. Dans la suite des deux traités cette propriété de division d’un rapport par l’insertion d’un médian entre les termes du rapport sera au cœur des démonstrations et il ne sera plus question de la dénomination des rapports. L’introduction de la dénomination du rapport sert donc à fonder cette propriété, qui était généralement admise sans démonstration par les mathématiciens, depuis l’Antiquité, et qui, comme nous l’avons vu, joue un rôle central dans la construction oresmienne des rapports de rapports. Mise en évidence de la relation entre les termes On retrouve la notion de dénomination d’un rapport dans l’Arithmétique de Jordanus, au début du livre II. Elle n’est définie que pour les rapports numériques :

7. Duobus quibuslibet interposito medio cuius ad utrumque eorum duorum fit aliqua proportio, componetur primi ad tertium ex primi ad medium et medii ad tertium proportionibus. Sit enim inter a et c b medium, sitque ipsius b ad utrumque eorum aliqua proportio. Erunt ergo ex prima diffinitione a b c eiusdem generis quarum per eandem inter a et c erit aliqua proportio, dico ergo eam componi ex ea que est a ad b et ex ea que est b ad c. Sit enim d denominatio eius que est a ad b et e eius que est b ad c, f vero eius que est inter a et c. Quia ergo ex f in c fit a et ex e in c fit b per primam propositionem, erit f ad e ut a ad b. Quare d, cum sit denominatio a ad b, erit etiam denominatio f ad e. Quare per eandem ex d in e fit f. Quia ergo denominatio a ad c producitur ex denominatione a ad b et ex denominatione b ad c, erit per tertiam diffinitionem a ad c composita ex a ad b et b ad c (Busard, « Die Traktate De proportionibus… », p. 213-214 ; nous avons parfois changé la ponctuation).

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« On appelle dénomination d’un rapport, du moins d’un plus petit à un plus grand, la partie ou les parties que le plus petit est du plus grand ; et d’un plus grand à un plus petit, le nombre selon lequel il le contient et la partie ou les parties du plus petit qui sont en plus dans le plus grand »8.

La dénomination est donc un nombre. Dans le cas d’un rapport de plus petite inégalité entre a et b (a < b), la dénomination est la fraction p/q si a est les p q-ièmes parties de b (a = (p/q)b). Dans le cas d’un rapport de plus grande inégalité entre c et d (c > d), on détermine combien de fois c contient d, soit n, puis la partie ou les parties que le reste est de d, soit k/l (c = n.d+(k/l).d) ; la dénomination est alors n+k/l. Il va sans dire qu’un moyen pour obtenir la dénomination est de diviser entre eux les termes du rapport, comme le remarqueront certains des auteurs que nous étudierons bientôt. Mais il faut souligner ici la forme sous laquelle est mise la dénomination, p/q ou n+k/l, qui permet de mettre en évidence la manière dont se comportent les deux termes du rapport. Nous verrons plus loin quel usage est fait de cette forme particulière. Nous avons vu que, dans le petit traité sur les rapports de Ps-Jordanus, la dénomination sert à déterminer la relation quantitative qu’est le rapport. Dans l’Arithmétique, il n’en est rien. Par contre, la dénomination sert à caractériser la comparaison des rapports : « Des rapports qui reçoivent la même dénomination sont dits semblables ou l’on dit que l’un est le même que l’autre. Est dit plus grand celui qui reçoit une dénomination plus grande, et plus petit celui qui en reçoit une plus petite »9.

Ainsi, Jordanus introduit la dénomination dans le livre II de son Arithmétique afin de fonder la similitude des rapports sur l’identité de leurs dénominations et de donner un critère simple permettant de savoir, dans le cas où deux rapports seraient inégaux, lequel est le plus grand. Signalons aussi que Jordanus définit la composition et la division des rapports, ou plutôt l’addition et la soustraction, au début du livre V de son Arithmétique. Il choisit alors de définir ces opérations, non pas à partir de la multiplication et de la division des dénominations, mais à partir de la mise en continuité des rapports10. Un rapport de a à b est mis en continuité avec le rapport de c à d, si l’on détermine e tel que le rapport de c à d soit égal au rapport de b à e ; ainsi les rapports de a à b et de b à e ont un terme commun et on dit 8. Denominatio dicitur proportionis minoris quidem ad maiorem pars vel partes quote illius fuerit, maioris vero ad minus numerus secundum quem eum continet et pars vel partes minoris que in maiore superfluunt (Jordanus, Arithmetica, p. 75). 9. Similes sive una alii eadem dicuntur proportiones que eandem recipiunt denominationes. Maior vero que maiorem et minor que minorem (Jordanus, Arithmetica, p. 75). 10. Omnis proportio super aliam quamlibet addere dicitur proportionem que cum illa continua ipsam componit. Differentia proportionis ad aliam vocatur illa proportio qua eadem super reliquam habundare dicitur (Jordanus, Arithmetica, p. 107).

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que a, b et e forment une proportion continue. Dans ce cas, si l’on compose le rapport de a à b avec le rapport de b à e, on obtient le rapport de a à e11. Et notons que l’on trouve la multiplication des dénominations dans la preuve de la proposition 8 du livre IX dans laquelle il s’agit de montrer que « Tout rapport composé à partir de deux rapports est produit à partir de la multiplication de l’un par l’autre »12. On retrouve les définitions de la dénomination et de la comparaison des rapports dans l’édition par Campanus des Éléments d’Euclide, au début du livre VII13 : « Est dite dénomination d’un rapport, du moins d’un plus petit nombre à un plus grand, la partie ou les parties de ce plus petit nombre qui sont dans le plus grand ; et d’un plus grand à un plus petit, le tout, ou le tout et la partie ou les parties pour autant que le plus grand dépasse le tout. Des rapports qui reçoivent la même dénomination sont dits semblables ou l’on dit que l’un est le même que l’autre. Est dit plus grand celui qui reçoit une dénomination plus grande, et plus petit celui qui en reçoit une plus petite »14.

Campanus, qui s’appuie pour son édition sur la version des Éléments attribuée à Robert de Chester, pouvait y trouver une définition de la proportionnalité des nombres et, par conséquent, de la similitude des rapports, en ces termes :

11. On retrouve ici la définition de Nicole Oresme ; voir p. 26. 12. Omnis proportio ex duabus composita ex ductu unius earum in reliquam producitur (Jordanus, Arithmetica, p. 172). La démonstration est la suivante : Continuentur ille due proportiones inter a et b et c. Dico quoniam proportio a ad c que ex eis composita est, fit ex ductu unius in aliam. Nichil autem aliud est nisi quod denominatio ipius producitur ex ductu denominationis unius in denominationem alterius. Sit autem e denominans primam et d alteram et f compositam. Et quia per premissam f in a facit c et e in a facit b, erit c ad f sicut b ad e et permutatim c ad b sicut f ad e. Per premissam vero b in d facit c. Itaque per eandem d in e facit f. Et hoc est quod volumus ostendere. On peut comparer cette démonstration et l’énoncé de la proposition à la proposition sur la composition des rapports que l’on trouve dans Ps-Campanus ou Ps-Jordanus (voir plus haut, p. 86, n. 7). 13. Il ne fait pas de doute que Campanus emprunte ces définitions à Jordanus. En effet, s’il ne le cite pas à cet endroit, il fait référence à l’Arithmétique dans son commentaire à la définition 16 du livre V (Campanus, Elements, vol. I, p. 174-175) : Unde Jordanus in secundo arismetice sue diffiniens que proportiones sunt eedem et que diverse, dicit easdem esse que eandem denominationem recipiunt, maiorem vero que maiorem et minorem, que minorem (De là Jordanus, dans le deuxième livre de son Arithmétique, définissant quels sont les rapports semblables et lesquels sont différents, dit que sont les mêmes ceux qui reçoivent la même dénomination, et est plus grand celui qui en reçoit une plus grande et plus petit, une plus petite). 14. Denominatio dicitur proportionis minoris quidem numeri ad maiorem pars vel partes ipsius minoris que in maiore sunt. Maioris autem ad minorem totum vel totum et pars vel partes prout maior superfluit. Similes sive una alii eadem dicuntur proportiones que eandem denominationes recipiunt. Maior vero que maiorem. Minor autem que minorem (Campanus, Elements, vol. I, vol. I, p. 230).

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« Proportionnels sont les nombres dont le premier est dans le deuxième de la même manière que le troisième est dans le quatrième ou dont le deuxième est dans le premier de la même manière que le quatrième est dans le troisième »15.

Il faut croire que cette définition ne satisfaisait pas Campanus, puisqu’il la remplace par les définitions de Jordanus. Sans doute préfère-t-il ces dernières car l’introduction de la dénomination permet de préciser en quel sens il faut entendre la manière d’être des nombres les uns par rapport aux autres, seulement évoquée dans la définition de Robert de Chester. Par ailleurs, la définition de la dénomination doit être rapprochée de la définition du rapport numérique qui est ajoutée au début du livre VII et qui est absente de la version de Robert de Chester et aussi du texte grec des Éléments : « Est dit rapport d’un nombre à un nombre, du moins d’un plus petit à un plus grand, ce en quoi il est une partie ou des parties du plus grand ; et d’un plus grand à un plus petit, ce selon quoi il le contient, et sa partie ou ses parties »16.

La dénomination permet précisément de mettre en évidence de quelle manière un plus petit nombre est une partie ou des parties d’un plus grand ou de quelle manière un plus grand nombre contient un multiple d’un plus petit nombre et une partie ou des parties de ce plus petit nombre. Par exemple, si la dénomination du rapport entre deux nombres est 2, on saura que le plus grand contient le plus petit deux fois et que par conséquent le rapport est un rapport double. Ou encore, si la dénomination est 1+1/2, cela signifie que le plus grand nombre contient une fois le plus petit nombre et sa moitié, et tous les couples de nombres qui se comportent de la même manière sont dans le même rapport, le rapport sesquialtère. Détermination de la dénomination selon le genre du rapport rationnel Dans le traité Sur les rapports de rapports de Nicole Oresme La notion de dénomination d’un rapport numérique ou d’un rapport rationnel fait l’objet d’un développement assez important dans le traité Sur les rapports de rapports de Nicole Oresme (début de la deuxième partie du deuxième 15. Numeri proporcionales sunt quorum primus in secundo tamquam tertius in quarto aut in primo secundus tamquam in tercio quartus (Hubert L. L. Busard et Menso Folkerts, Robert of Chester (?) Redaction of Euclid’s Elements, the so-called Adelard II version, Basel, Boston, Berlin, Birkhaüser Verlag, 1992, vol. I, p. 187). Cette définition diffère de celle que l’on trouve dans l’édition du texte grec des Éléments : « Des nombres sont en proportion quand le premier, du deuxième, et le troisième, du quatrième, sont des équimultiples, ou la même partie, ou les mêmes parties » (Euclide, Les Éléments, vol. 2, p. 262). 16. Numeri ad numerum dicitur proportio minoris quidem ad maiorem in eo quod maioris pars est aut partes. Maioris vero ad minorem secundum quod eum continet et eius partem vel partes (Campanus, Elements, vol. I, p. 230).

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chapitre). Il est à noter qu’à aucun moment dans le traité cette notion n’est définie ; Oresme se contente de montrer comment on peut la déterminer selon le genre du rapport. Il explique aussi quel est le lien entre la dénomination et les plus petits termes du rapport. Nicole Oresme commence donc par exposer la manière dont on détermine la dénomination pour les rapports de plus grande inégalité17. Si le rapport est multiple, la dénomination est un nombre entier ; plus précisément, le rapport double est dénommé par 2, le rapport triple par 3, etc. Un rapport superparticulier est dénommé par une unité et une fraction de l’unité : ainsi le rapport sesquialtère (de 3 à 2) est dénommé par 1+1/2, le rapport sesquitièrce (de 4 à 3) par 1+1/3, etc. La dénomination des rapports superpartients est composée d’une unité et de fractions de l’unité, de sorte que la dénomination du rapport superbipartient des troisièmes (ou du rapport superpartient deux tiers, comme l’appelle Nicole Oresme) est 1+2/3. Pour les rapports multiples superparticuliers et multiples superpartients, l’unité est remplacée par un entier ; ainsi la dénomination du rapport triple sesquiquarte est 3+1/4 et celle du rapport triple supertripartient des septièmes (ou triple superpartient trois septièmes) est 3+3/718. Nicole Oresme explique ensuite comment déterminer les plus petits termes d’un rapport de plus grande inégalité à partir de la connaissance de sa dénomination19. Pour les rapports multiples, le plus grand terme est la dénomination et le plus petit est l’unité ; pour les autres rapports, de dénomination n+k/l, avec éventuellement n égal à 1 ou k égal à 1, le plus petit nombre est le dénominateur de la partie ou des parties, soit l, et le plus grand nombre est obtenu en multipliant l par n et en ajoutant k (l.n+k). Enfin, Nicole Oresme explique comment obtenir la dénomination d’un rapport de plus petite inégalité à partir des plus petits nombres du rapport de plus

17. De genere multiplici dico quod prima species, scilicet dupla, denominatur numero binario. Denominatio vero triple est 3, quadruple 4, quintuple 5, et cetera. Superparticularis autem denominatur integro vel unitate et fractione ut sexquialtera 1 1/2, sexquitertia 1 1/3, sexquiquarta 1 1/4, sexquiquinta 1 1/5, et cetera. Superpartiens denominatur integro seu unitate et fractionibus ut superpartiens duas tertias 1 2/3, superpartiens tres quintas 1 3/5, et cetera. Multiplex superparticularis integris seu numero et fractione isto modo : dupla sexquialtera 2 1/2, dupla sexquitertia 2 1/3, tripla sexquiquarta 3 1/4, et cetera. Multiplex superpartiens denominatur numero et fractionibus ut dupla superpartiens duas tertias 2 2/3, tripla superpartiens tertias septimas 3 3/7, et sic ultra cuiusvis proportionis denominatione inventa (Nicole Oresme, De proportionibus proportionum, p. 210 ; Sur les rapports de rapports, p. 119-120). 18. Si Thomas Bradwardine évoque la classification des rapports rationnels et leur nomenclature, il ne fait pas le lien entre la dénomination et le nom du rapport, comme le fait Nicole Oresme. 19. Primos eius numeros seu minimos invenies per hunc modum : primo, in multiplicibus non est difficultas cuiuslibet namque proportionis de genere multiplici minor numerus est unitas, maior vero est sua denominatio. [...] In aliis, tamen, generibus taliter est agendum : primo, denominationem proportionis de qua queris scribe per suas figuras. Deinde accipe denominatorem fractionis vel fractionum pro numero minori qui ab aliquibus vocatur comes radicum. Et postea eundem numerum multiplica per integrum vel integra in denominatione posita et producto adde numeratorem fractionum et tunc habebis numerum maiorem quem aliqui vocant ducem radicum (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 210-212 ; Sur les rapports de rapport, p. 120).

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grande inégalité correspondant20. Si on a un rapport de plus petite inégalité de a à b, le rapport de plus grande inégalité correspondant est le rapport de b à a et si c et d sont les plus petits nombres en ce rapport (c > d), la dénomination du rapport de plus petite inégalité de a à b sera la fraction d/c. Par ailleurs, dans le premier chapitre, Nicole Oresme reprend la définition de la comparaison des rapports à l’aide de la comparaison des dénominations en faisant référence au livre II de l’Arithmétique de Jordanus21. Et il explique que l’addition et la soustraction des rapports, de plus grande inégalité ou de plus petite inégalité, peuvent s’obtenir à partir de la multiplication et de la division des dénominations correspondantes22. Dans le commentaire de Christoph Clavius au livre V des Éléments d’Euclide On retrouve le même type d’exposé, beaucoup plus développé, dans le très long commentaire que Christoph Clavius consacre à la définition du rapport (définition 4) dans le livre V de la seconde édition de ses Éléments d’Euclide, datée de 158923. Dans ce commentaire, on trouve un paragraphe intitulé « Des dénominations des rapports rationnels »24. Clavius y définit la dénomination 20. Ex istis, si volueris, poteris accipere denominationes proportionum minoris inequalitatis quarum quilibet denominatur fractione vel fractionibus. Submultiplices fractiones, fractionibus habitis igitur primis numeris alicuius proportionis maioris inequalitatis, illi eidem numeri sunt primi numeri proportionis minoris inequalitatis sibi correlative correspondentes quorum minor est numerator et maior denominator (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 212 ; Sur les rapports de rapport, p. 120-121). 21. Oresme, De proportionibus proportionum, p. 148 : [...] cuius proportionis denominatio est maior ipsa est maior, cuius vero minor ipsa est minor ut vult Jordanus in secundo Arismetice sue et recitatur in commento sexte decime diffinitionis quinti. Semper loquor de commentis Campani » ; Sur les rapports de rapports, p. 84 : « [...] le rapport dont la dénomination est plus grande est plus grand, et celui dont elle est plus petite est plus petit, comme le veut Jordanus dans le deuxième livre de son Arithmétique et comme cela est dit dans le commentaire de la seizième définition du livre V (je parle toujours du commentaire de Campanus) ». 22. Oresme, De proportionibus proportionum, p. 142 et 144 : Si autem volueris per artem proportionem maioris inequalitatis alteri addere tunc oportet denominationem unius per denominationem alterius multiplicare. Et si volueris unam ab altera subtrahere hoc facies denominationem unius per denominationem alterius dividendo ; Sur les rapports de rapports, p. 81-82 : « Et si on veut, à l’aide d’un procédé, ajouter un rapport de plus grande inégalité à un autre, alors il est nécessaire de multiplier la dénomination de l’un par la dénomination de l’autre. Et si on voulait soustraire l’un de l’autre, on le ferait en divisant la dénomination de l’un par la dénomination de l’autre ». Pour les rapports de plus petite inégalité le procédé est inversé. Oresme, De proportionibus proportionum, p. 152 et 154 : Si autem volueris per artem proportionem minoris inequalitatis alteri addere vel subtrahere oportet econtrario modo agere quo fit in proportionibus maioris inequalitatis. In additione denominatio unius per denominationem alterius dividitur, in subtractione denominatio unius per denominationem alterius multiplicetur ; Sur les rapports de rapports, p. 86-87 : « Mais si l’on voulait, à l’aide d’un procédé, ajouter un rapport de plus petite inégalité à un autre, ou le soustraire, on doit agir selon une méthode contraire à celle qui a été menée pour les rapports de plus grande inégalité. Pour l’addition, la dénomination de l’un est divisée par la dénomination de l’autre ; pour la soustraction, la dénomination de l’un est multipliée par la dénomination de l’autre ». 23. Christoph Clavius, Euclidis Elementorum Libri XV, Romae, apud Bartholomaeum Grassium, 1589 ; édition reprise dans les Opera mathematica, Moguntiae, sumptibus A. Hierat, Excudebat R. Eltz, 1611-1612, vol. I. 24. La composition des rapports et son lien avec la multiplication des dénominations fait l’objet d’un commentaire qui se trouve à la fin du livre IX.

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comme « ce nombre qui exprime nettement et clairement la relation d’une quantité à une autre »25, c’est-à-dire que la dénomination sert à déterminer quel est le type de relation que l’on a entre deux termes mis en rapport (on retrouve une idée déjà exprimée dans le petit traité de Ps-Jordanus). Clavius explique alors, comme l’a fait Nicole Oresme, de quelle manière s’exprime la dénomination selon le genre du rapport de plus grande inégalité26. Il montre aussi comment déterminer les plus petits termes du rapport à partir de la dénomination et traite le cas des rapports de plus petite inégalité, comme Oresme. Il explique alors quel lien étroit existe entre le nom donné aux rapports et leur dénomination. À ce propos, il fait une distinction entre les rapports de plus petite inégalité et ceux de plus grande inégalité ; pour les premiers, la dénomination est sans lien avec le nom du rapport, pour les seconds, le nom du rapport dérive immédiatement de la dénomination : « À partir de ce que nous avons dit au sujet des dénominations des rapports, je pense qu’il est évident que les dénominations des rapports de plus grande inégalité dénomment réellement et nominalement ces rapports de plus grande inégalité, mais que les dénominations des rapports de plus petite inégalité dénomment seulement réellement mais pas verbalement ou nominalement les rapports de plus petite inégalité. En effet, par exemple, la dénomination du rapport triple superquadripartient des neuvièmes, qui est 3+4/9, c’est-à-dire l’entier 3 et quatre neuvièmes parties, dénomme réellement et verbalement ce rapport, puisqu’elle nous indique distinctement et clairement qu’en lui la quantité la plus grande contient trois fois la plus petite et en plus quatre de ses neuvièmes parties. Mais la dénomination du rapport sous-triple superquadripartient des neuvièmes correspondant, c’est-à-dire 9/31, à savoir neuf trente-et-unièmes parties, dénomme assurément réellement le rapport sous-triple superquadripartient des neuvièmes, puisqu’elle signifie justement qu’en lui la plus petite quantité est les neuf trente-et-unièmes parties de la plus grande, ce qui est tout à fait nécessaire pour que la plus petite quantité ait à la plus grande le rapport sous-triple superquadripartient des neuvièmes ; mais elle ne dénomme nullement ce rapport verbalement ou nominalement, puisque l’on voit que 9/31, c’est-à-dire les neuf trente-et-unièmes parties, n’ont assurément rien de commun avec le nom du rapport sous-triple superquadripartient des neuvièmes, mais sont en profond désaccord avec lui »27.

De fait, un rapport de dénomination n est dit n-uple ou, selon la terminologie usuelle, double, triple, etc. Si la dénomination est 1+1/q, le nom du rapport superparticulier correspondant est formé du préfixe sesqui suivi du nom de la partie ; on a ainsi le rapport sesquialtère (quand la partie est la moitié), le rap-

25. Denominator ergo cuiuslibet proportionis, dicitur is numerus, qui exprimit distincte, et aperte habitudinem unius quantitatis ad alteram (Clavius, Opera mathematica, vol. I, p. 176 ; traduction française dans Sabine Rommevaux, Clavius : une clé pour Euclide au XVIe siècle, « Mathesis », Paris, Vrin, 2005, p. 143). 26. Clavius, Opera mathematica, vol. I, p. 176-178 ; trad. cit., p. 143-148.

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port sesquitièrce, le rapport sesquiquarte, etc. Si la dénomination est 1+p/q, le rapport est dit super-p-partient des q-ièmes (ou, chez Nicole Oresme, superpartient p q-ièmes) ; on a ainsi le rapport superbipartient des troisièmes (de dénomination 1+2/3). Enfin, le nom d’un rapport multiple superparticulier ou superpartient est obtenu à partir du nom du rapport multiple suivi de celui du rapport superparticulier ou superpartient qui le compose ; on parle ainsi de rapport triple sesquialtère (de dénomination 3+1/2), ou de rapport double supertripartient des quatrièmes (de dénomination 2+3/4). Clavius souligne alors la différence qui existe entre la dénomination du rapport et les plus petits termes du rapport (la dénomination du rapport sesquialtère est 1+1/2 et ses plus petits nombres sont 3 et 2) ; seule la dénomination permet de préciser quel type de relation existe entre les termes du rapport : « Et bien que n’importe quel rapport puisse être exprimé par ses plus petits nombres, comme nous l’avons dit, la connaissance de la dénomination de ce même rapport est absolument nécessaire pour connaître la relation d’un nombre à l’autre. En effet, même si quelqu’un dit que le rapport des nombres 1700 à 400 est celui des nombres 17 à 4, je ne concevrai pas distinctement quel est ce rapport tant que je ne connaîtrai pas sa dénomination qui est 4+1/4. En effet, celle-ci montre clairement que le plus grand nombre contient le plus petit quatre fois et en plus sa quatrième partie »28.

Christoph Clavius explicite ainsi le lien entre la dénomination et le nom du rapport, bien plus que ne le faisaient les auteurs que nous avons évoqués auparavant.

27. Ex hiis, qua de proportionum denominatoribus diximus, perspicuum esse puto, denominatores proportionum maioris inequalitatis re, et nomine ipsas proportiones maioris inequalitatis denominare ; denominatores vero proportionum minoris inequalitatis re tantum, non autem et verbo sive nomine, denominare proportiones minoris inequalitatis. Id quod ex prolatis exemplis liquido constat. Nam denominator, verbi gratia, proportionis triplae superquadrupartientis nonas, qui est 3+4/9, hoc est, tria integra et quatuor nonae partes, re et verbo denominat eam proportionem, cum distincte, aperteque nobis indicet, in ea maiorem quantitatem continere minorem ter, et insuper quatuor eius partes nonas. At vero denominator correspondentis proportionis subtriplae superquadrupartientis nonas, nimirum 9/31 id est, nonem trigesimaeprimae partes, re quidem ipsa proportionem subtriplam superquadrupartientis nonas denominat, cum vere significet, minorem quantitatem in ea esse maioris nonem partes trigesimasprimas, quod omnino necessarium est, ut minor quantitas ad maiorem habeat proportionem subtriplam superquadrupartientis nonas. Verbo vero autem, sive nomine, eam proportionem nequaquam denominat, quippe cum 9/31, hoc est nonem partes trigesimaeprimae cum nomine proportionis subtriplae superquadrupartientis nonas nihil videantur habere commune, sed penitus ab eo descrepare (Clavius, Opera mathematica, vol. I, p. 178-179 ; trad. cit., p. 149). 28. Quanquam autem proportio quaelibet exprimi possit per minimos eius numeros, ut diximus, per necessaria tamen est cognitio denominatoris eiusdem proportionis, ut habitudinem unius numeri ad alterum cognoscamus. Nam etiamsi aliquis proportionem numeri 1700 ad 400 dicat esse eam, quae est numeri 17 ad 4, non intelligam tamen plane quaenam sit ita proportio, nisi eius denominatorem cognovero, qui est 4+1/4. Hic enim manifeste declarat, maiorem numerum continere minorem quater et insuper quartam eius partem (Clavius, Opera mathematica, vol. I, p. 179 ; trad. cit., p. 150).

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Définition de la dénomination dans le Livre sur les trois mouvements d’Alvarus Thomas Signalons qu’Alvarus Thomas, dans son Livre sur les trois mouvements, donne une définition, qui lui est propre, des plus petits termes d’un rapport donné, demandant que l’un de ces termes soit l’unité. Il en déduit une définition nouvelle de la dénomination des rapports rationnels à partir de ces plus petits termes29 : « Les premiers nombres d’un rapport sont ceux qui sont les plus petits en leur rapport. Et les plus petits termes d’un rapport (et je parle pour les quantités continues comme pour les quantités discrètes) sont ceux pour lesquels le plus petit est dénommé par l’unité et le plus grand par un nombre ou par un nombre avec une fraction ou par une unité avec une fraction. […] La dénomination d’un rapport est celle qui est obtenue à partir du plus grand des premiers termes de ce rapport, de sorte que la dénomination du rapport double est obtenue à partir de deux, qui est le plus grand des premiers termes du rapport double, et la dénomination du rapport sesquialtère est obtenue à partir de l’unité avec un demi »30.

Les plus petits termes d’un rapport quelconque sont donc, pour Alvarus Thomas, un nombre de la forme n+p/q et l’unité. Il en déduit immédiatement que la dénomination est le nombre n+p/q. Alvarus précise qu’il parle aussi bien des rapports entre nombres entiers que des rapports entre quantités continues, mais il faut souligner que sa définition ne vaut que pour les rapports rationnels. Ainsi, le rapport entre la diagonale et le côté d’un même carré, qui en termes modernes aurait pour dénomination ¥2, ne peut pas être mis sous la forme d’un rapport entre un nombre de la forme n+p/q et 1. La dénomination comme quantité du rapport Venons-en maintenant à la question de l’origine de la notion de dénomination. Plusieurs historiens la rapprochent de la notion de SKOLN´WKM que l’on trouve dans la définition 5 du livre VI des Éléments d’Euclide31 : 29. Voir Edith D. Sylla, « Mathematics in the Liber de Triplici Motu of Alvarus Thomas of Lisbon », Proceedings of the International Conference : The Practice of Mathematics in Portugal (November 16-18, 2000), Coimbra, The University of Coimbra Press, 2005, p. 109-161 ; en particulier, p. 114, n. 7. 30. Primi termini alicuius proportionis sunt illi qui in sua proportione sunt minimi. Minimi autem termini alicuius proportionis (et loquor tam in quantitate continua quam discreta) sunt quorum minor denominatur ab unitate, maior vero a numero vel numero cum fractione vel unitate cum fractione. [...] Denominatio alicuius proportionis est illa que sumitur a maiori primorum terminorum talis proportionis, ut denominatio duple sumitur a binario qui est maior terminorum primorum proportionis duple et denominatio sexquialtere ab unitate cum dimidio (Alvarus Thomas, De triplici motu, fo c3rb). 31. Voir par exemple Edtih Dudley Sylla, « The origin and fate of Thomas Bradwardine’s De proportionibus velocitatum in motibus in relation to the history of mathematics », in Walter Roy Laird & Sophie Roux, Mechanics and Natural Philosophy before the Scientific Revolution, Dordrecht, Springer, 2008, p. 67-119 ; en particulier p. 80-81.

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« Un rapport est dit être composé à partir de rapports quand les valeurs (SKOLN´WKWHM) des rapports, étant multipliées entre elles, produisent quelque chose »32.

Il est un fait que cet énoncé ressemble à la définition qui présente la composition des rapports à l’aide de la multiplication des dénominations. Et le rapprochement est fait par les commentateurs des Éléments d’Euclide au e XVI siècle. Toutefois, nous allons voir qu’il est, dans l’état actuel de nos connaissances, difficile d’établir un lien textuel entre ces définitions. Les commentaires aux Éléments d’Euclide du XVIe siècle La première version imprimée des Éléments d’Euclide est celle de Campanus, qui paraît à Venise en 148233 ; elle ne contient pas la définition de la composition des rapports du livre VI. Par contre, en 1505, Bartolomeo Zamberti publie une nouvelle traduction latine, faite à partir d’un manuscrit grec, dans laquelle on trouve cette définition34. Elle est aussi présente dans la première édition du texte grec publiée en 1533 par Simon Grynaeus35. Et ainsi, elle est dans toutes les versions du XVIe siècle. Dans tous ces textes, le terme grec SKOLN´WKM est rendu par le terme latin quantitas. Mais certains commentateurs font le lien entre la « quantité » du rapport et ce que les médiévaux appellent la dénomination du rapport. Ainsi, lorsque Oronce Finé commente la définition de la composition des rapports dans son édition des six premiers livres des Éléments d’Euclide36, il écrit : « Un rapport est dit être composé (constare) à partir de deux rapports ou de plusieurs, quand les quantités des rapports, multipliées, font quelque quantité. […] Et ce qu’Euclide appelle ici les quantités des rapports ne sont pas celles qui sont contenues sous les rapports donnés37, mais sont rapportées aux nombres par lesquels ces rapports sont dénommés »38.

32. Euclide, Les Éléments, vol. 2, p. 150. 33. Campanus, Preclarissimus liber elementorum Euclidis, Veneziae, Erhardus Ratdolt, 1482. 34. Bartolomeo Zamberti, Euclidis megarensis… Elementorum libros XIII, cum expositione Theonis…, Venetiis, in aed. Joannis Tacuini librarii, 1505. 35. Simon Grynaeus, Eukleidou Stoicheion Biblia…, Basileae, apud Iohannem Hervagius, 1533. 36. Oronce Finé, In sex priores libros geometricorum elementorum Euclidis... demonstrationes, quibus ipsius Euclidis textus graecus suis locis insertus est, una cum interpretatione latina Bartholamaei Zamberti... ad fidem geometricam per eundem Orontium recognita, Parisiis, apud S. Colinaeum, 1536 ; 3e éd., Lutetiae Parisiorum, apud Reginaldum Calderium, 1551. 37. C’est-à-dire les termes de ce rapport. 38. Ratio ex duabus rationibus, aut ex pluribus constare dicitur, quando rationum quantitates multiplicatae, aliquam efficiunt quantitatem. [...] Quantitates autem rationum hic vocat Euclides, non illas quae sub datis continentur rationibus, sed ad numeros relatas, a quibus rationes ipsae denominantur (Finé, 1551, p. 87-88).

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Oronce Finé fait ici la différence entre les termes du rapport et sa dénomination, expliquant que cette dernière est appelée par Euclide « quantité du rapport ». Il explique ensuite comment déterminer les dénominations des rapports rationnels de plus grande inégalité selon leur genre. Christoph Clavius, dont nous avons déjà évoqué le long commentaire sur la notion de dénomination dans sa deuxième édition des Éléments de 1589, fait lui aussi le lien entre la notion de dénomination et celle de quantité d’un rapport, en expliquant que la dénomination permet de mettre en évidence la grandeur ou la quantité d’un des termes du rapport relativement à l’autre : « Donc, est appelé dénomination de n’importe quel rapport ce nombre qui exprime nettement et clairement la relation d’une quantité à une autre. Ainsi, la dénomination du rapport octuple est 8. En effet, ce nombre indique que la plus grande quantité du rapport octuple contient la plus petite huit fois. De même, la dénomination du rapport sesquiquinte est 1+1/5, puisque ce nombre signifie que la plus grande quantité du rapport sesquiquinte contient la plus petite une seule fois et sa cinquième partie. Et on devra dire de même à propos des dénominations des autres rapports. Et de là vient, je le pense, qu’au livre VI, Euclide et la plupart des autres mathématiciens appellent la dénomination de n’importe quel rapport sa ‘quantité’, puisque la dénomination, comme nous l’avons dit, montre combien grande est une quantité relativement à une autre avec laquelle elle est comparée, comme cela est clair dans les exemples proposés »39.

Les versions médiévales des Éléments d’Euclide Revenons maintenant à l’époque médiévale. Il convient tout d’abord de souligner que les historiens du texte euclidien jugent que la définition 5 du livre VI a été interpolée tardivement, sans doute par Théon40. Si elle apparaît dans tous les manuscrits grecs que nous possédons (même si c’est seulement en marge, dans l’un d’eux), on ne la trouve pas dans la plupart des versions médiévales. Ainsi, elle est absente des versions latines faites à partir de traductions arabes, au XIIe siècle, par Adélard de Bath (version dite Adélard I), Hermann de Carinthie, Jean de Tinemue (version dite Adélard III) et Robert de

39. Denominator ergo cuiuslibet proportionis, dicitur numerus, qui exprimit distincte et aperte habitudinem unius quantitatis ad alteram. Ut denominator proportionis octuplae est 8. Nam hic numerus indicat, maiorem quantitatem proportionis octuplae continere minorem octies. Similiter denominator proportionis sesquiquintae est 1+1/5 quoniam iste numerus significat, maiorem quantitatem proportionis, sesquiquintae, continere minorem semel et quintam eiusdem partem. Atqui ita de reliquarum proportionum denominatoribus dicendum erit. Inde factum est, ut arbitror, quod Euclides in lib. 6 et plerique alii Mathematici appellent denominatorem cuiusuis proportionis, quantitatem illius, quia denominator, ut diximus, ostendit, quanta sit una quantitas ad alteram, cum qua confertur, ut ex propositis exemplis constat (Clavius, Opera Mathematica, vol. I, p. 176 ; trad. cit., p. 143). 40. Voir le commentaire de Thomas L. Heath dans Euclide, The Thirteen Books of Euclid’s Elements, New-York, Dover Pub., 1956, vol. 2, p. 189-190 et celui de Bernard Vitrac dans Euclide, Les Éléments, vol. 2, p. 150. Voir aussi E. Sylla, « The origin and fate of Thomas Bradwardine’s De proportionibus velocitatum in motibus… », p. 80.

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Chester (version dite Adélard II)41. On ne la trouve pas non plus dans la version de Campanus. Par contre, on la trouve, au XIIe siècle, dans une version anonyme faite à partir d’un manuscrit grec : « Un rapport est dit être composé (constare) de rapports, lorsque les quantités (quantitates) des rapports multipliées entre elles font quelque chose »42.

Il semblerait que Campanus connaissait la version gréco-latine anonyme43. Mais on a vu qu’il a emprunté à l’Arithmétique de Jordanus sa définition complexe de la dénomination. Dans une autre traduction, faite par Gérard de Crémone au XIIe siècle, à partir d’un texte arabe, on peut lire : « Thebit44 dit : ‘À cet endroit45, on trouve dans un autre manuscrit : on dit que le rapport est agrégé (aggregatur) à partir de rapports, lorsque, à partir de la multiplication de la quantité (quantitatis) des rapports, quand ils sont multipliés entre eux, provient un certain rapport. On dit qu’un rapport est divisé en rapports lorsque, à partir de la division des rapports, quand les uns sont divisés par les autres, provient un rapport quelconque’ »46.

Si l’on reconnaît dans le premier énoncé la définition euclidienne, il n’est pas sans poser des problèmes47. On s’attendrait, en effet, à ce que « quantité » soit au pluriel, afin que la composition soit obtenue à partir de la multiplication

41. Voir Hubert L. L. Busard, The First Latin Translation of Euclids Elements commonly ascribed to Adelard of Bath, Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, 1983 ; Hubert L. L. Busard, Johannes de Tinemue’s Redaction of Euclid’s Elements, the so-called Adelard III Version, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2001 ; Hubert L. L. Busard, The Translation of the Elements of Euclid from the Arabic into Latin by Hermann of Carinthia (?). Books I-VI, Leiden, E. J. Brill, 1968 ; Hubert L. L. Busard, The Translation of the Elements of Euclid from the Arabic into Latin by Hermann of Carinthia (?). Books VII-XII, Amsterdam, Mathematisch Centrum, 1977 ; Hubert L. L. Busard & Menso Folkerts, Robert of Chester (?) Redaction of Euclid’s Elements, the socalled Adelard II version, Basel, Boston, Berlin, Birkhaüser Verlag, 1992. 42. Cette définition se trouve en troisième place dans le livre VI de cette traduction (dans les manuscrits grecs, la définition se trouve en troisième ou en cinquième place) : Proportio ex proportionibus constare dicitur quando proportionum quantitates in se ipsas multiplicate fecerint aliquam (Hubert L. L. Busard, The Medieval Latin Translation of Euclid’s Elements made directly from the Greek, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1987, p. 125). 43. Voir le commentaire de H. L. L. Busard dans Campanus, Elements, vol. I, p. 36-38. 44. Gérard cite ici un commentaire de ThƗbit ibn Qurra, qui a révisé la traduction arabe de Is|Ɨq ibn ðunayn. 45. Soit à la suite de la définition 2 du livre VI. 46. Dixit Thebit : In hoc loco inveni in alia scriptura : Dicitur quod proportio ex proportionibus aggregatur, quando ex multiplicatione quantitatis proportionum, cum multiplicantur in seipsas, provenit proportio aliqua. Dicitur quod proportio dividitur in proportiones cum ex divisione proportionum, quando alie per alias dividuntur, provenit proportio quelibet (Hubert L. L. Busard, The Latin Translation of the Arabic Version of Euclid’s Elements commonly ascribed to Gerard of Cremona, Leiden, New Rhine Publishers, 1983, c. 137). 47. Busard ne note pas de variantes entre les manuscrits qu’il a utilisés pour son édition dans cette portion du texte.

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des quantités. Mais comme ce terme est au singulier, le verbe multiplicantur, qui est au pluriel, ne peut se rapporter qu’à proportionum (rapports). Il convient sans doute de corriger le texte afin d’avoir l’énoncé suivant48 : « on dit que le rapport est agrégé à partir de rapports lorsque, à partir de la multiplication des quantités des rapports, quand elles sont multipliées entre elles, provient un certain rapport ». De même, dans le second énoncé, il n’est plus question des quantités des rapports. Il faut sans doute là aussi corriger le texte en : « on dit qu’un rapport est divisé en rapports lorsque, à partir de la division des quantités des rapports, quand les unes sont divisées par les autres, provient un rapport quelconque ». Malgré les problèmes que pose le texte de Gérard de Crémone, il est tentant de le rapprocher des définitions que l’on a pu trouver dans le petit traité sur les rapports de Ps-Campanus49. Mais on doit souligner que la traduction de Gérard de Crémone a été peu diffusée et nous n’avons pas la preuve que l’auteur de ce traité en avait connaissance. Quoi qu’il en soit, il est important de souligner que l’auteur de la traduction gréco-latine et Gérard de Crémone utilisent l’expression « quantité du rapport », alors que les auteurs des petits traités sur les rapports parlent de « dénomination du rapport ». Or ces deux expressions ont des significations très éloignées ; dans le terme latin denominatio, il n’est pas question de quantifier le rapport mais de le nommer. Pour pouvoir affirmer que les définitions que l’on peut trouver dans les petits traités sur les rapports de Ps-Campanus et de Ps-Jordanus prennent leur origine dans la définition de la composition du livre VI des Éléments, il convient d’expliquer quand et dans quel contexte le terme quantitas a été remplacé par le terme denominatio. En conclusion, en attendant que de nouveaux textes latins ou arabes nous éclairent, il est impossible d’établir un lien textuel explicite et irréfutable entre la définition 5 du livre VI des Éléments d’Euclide et les définitions que l’on trouve dans les traités de PsJordanus et Ps-Campanus. Le commentaire de Eutocius à Sphère et Cylindre d’Archimède Il est un autre passage des mathématiques grecques dont lequel on trouve la notion de SKOLN´WKM, le commentaire d’Eutocius à la proposition 4 du livre II de Sphère et Cylindre d’Archimède50 : 48. Cette correction a été suggérée par M. Clagett dans Archimedes in the Middle Ages. Vol. 1. The Arabo-Latin Tradition, Madison, The University of Wisconsin press, 1964, p. 16, n. 6. 49. Voir plus haut, p. 85. 50. Voir à ce propos Bernard Vitrac, « ¼Umar al ³ayyƗm et Eutocius : les antécédents grecs du troisième chapitre du commentaire Sur certaines prémisses problématiques du livre d’Euclide », FAHRANG, Quaterly Journal of Humanities and Cultural Studies 12 (2000), p. 51-105, et son commentaire dans Les Éléments, vol. 2, p. 152-153. On trouve aussi la notion de SKOLN´WKM dans le commentaire de Théon à l’Almageste de Ptolémée (voir ibid., p. 151-152). L’Almageste a été traduit en latin par Gérard de Crémone au XIIe siècle, mais sans le commentaire de Théon, qui n’est connu en Occident qu’à partir du XIVe siècle.

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« Il faut donc rappeler d’abord ce qu’on entend par l’affirmation qu’un rapport est composé d’autres rapports. D’après les Éléments (sc. il a composition de rapports), si les quantités (SKOLN´WKWHM) des rapports multipliées entre elles produisent une quantité, le terme quantité désignant évidemment le nombre qui donne son nom au rapport donné, d’après Nicomaque, dans le premier livre de son traité De la musique, et Héronas, dans son commentaire à l’Introduction à l’arithmétique (sc. de Nicomaque), ce qui revient à dire que le nom quantité désigne le nombre dont le produit par le terme conséquent du rapport donne le terme antécédent. C’est principalement dans les multiples qu’on peut prendre la quantité, alors que dans les épimores ou épimères51 il n’est guère possible de prendre la quantité en respectant l’indivisibilité de l’unité, en sorte que dans ces derniers l’unité doit être divisée, ce qui n’est pas conforme aux règles de l’arithmétique, mais bien plutôt à celles de l’art du calcul. Or l’unité se divise suivant une partie ou des parties qui donnent le nom au rapport ; ainsi, pour parler plus clairement, la quantité du rapport sesquialtère comprend l’unité et la moitié de l’unité, celle du rapport épitrite52 comprend l’unité et le tiers de l’unité, de manière que, comme nous l’avons dit plus haut, le produit de la quantité du rapport par le terme conséquent fait le terme antécédent. Dans le rapport sesquialtère, en effet, de neuf à six, la quantité, à savoir la somme de l’unité et de la moitié, multipliée par six donne neuf, et on peut faire les mêmes réflexions sur les autres (sc. quantités de rapports) »53.

On reconnaît, au début de la citation, la définition 5 du livre VI des Éléments. Puis Eutocius fait le lien entre la notion de SKOLN´WKM et la nomenclature des rapports due à Nicomaque. Il explique alors que, pour les rapports multiples, le second terme du rapport divise le premier, de sorte que l’on trouve immédiatement la SKOLN´WKM du rapport dans les nombres entiers ; on reste ainsi dans le cadre de l’arithmétique. Mais pour les rapports superparticuliers ou superpartients (il n’évoque pas les rapports multiples superparticuliers et multiples superpartients), la SKOLN´WKM contient des fractions de l’unité de sorte que l’on sort du cadre de l’arithmétique pour entrer dans celui de la logistique. Enfin, Eutocius remarque que, si l’on multiplie la premier terme du rapport par le SKOLN´WKM, on trouve le second terme. Nicole Oresme a eu connaissance de la traduction du commentaire d’Eutocius faite par Guillaume de Moerbeke, en 1269, du grec en latin54. Il est possible que cette longue remarque d’Eutocius lui ait inspiré son développement sur les dénominations, sans que l’on puisse l’affirmer avec certitude.

51. Epimore et épimère correspondent à superparticulier et superpartient. 52. C’est le rapport de 4 à 3, soit le rapport sesquitièrce. 53. Archimède, Tome VI. Commentaires d’Eutocius et fragments, texte établi et traduit par Charles Mugler, Paris, Les Belles Lettres, 1972, p. 82-83. 54. Voir Marshall Clagett, Archimedes in the Middle Ages, vol. 1, p. 12.

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Avant 1269, il n’existait pas de traduction latine de ce commentaire d’Eutocius55, de sorte qu’il est de nouveau difficile de faire un lien entre ce commentaire et la définition de la dénomination que l’on trouve dans les petits traités sur les rapports des Ps-Jordanus et Ps-Campanus, à moins de supposer que ces traités soient postérieurs à 1269. Busard ne donne pas de datation précise de ces textes ; il signale seulement que l’un des manuscrits utilisés pour l’édition du traité qu’il attribue à Jordanus est du XIIIe siècle56. Et pour finir sur ce point, on doit là encore remarquer que Moerbeke traduit le terme SKOLN´WKM par quantitas et qu’il n’utilise pas le terme denominatio57. Là encore, si l’on veut faire l’hypothèse que le commentaire d’Eutocius est une source pour la notion de dénomination, il faut expliquer quand et comment on est passé de quantitas à denominatio. L’Épître sur le rapport et la proportion d’A|mad ibn Ynjsuf Tournons-nous alors dans une autre direction. Les petits traités sur les rapports des Ps-Campanus et Ps-Jordanus ont sans doute comme origine un ou plusieurs textes de langue arabe. Mais en l’état actuel de nos connaissances, ces textes n’ont pas été identifiés. Certes, l’un des manuscrits du traité de PsJordanus l’attribue à Thebith (ThƗbit ibn Qurra)58. Il existe bien un traité du mathématicien de Bagdad concernant les dix-huit relations que l’on peut obtenir à partir de six quantités en proportion, comme dans le traité de Ps-Jordanus. Toutefois, le texte de ThƗbit, traduit en latin par Gérard de Crémone, diffère totalement du texte de Ps-Jordanus (et aussi de celui de Ps-Campanus). On n’y trouve pas en particulier les définitions qui ouvrent les deux traités latins et, par conséquent, la notion de dénomination d’un rapport n’y figure pas ; les 55. Ibid, p. 3-7. 56. Voir H. Busard, « Die Traktate De proportionibus von Jordanus Nemorarius and Campanus », p. 197. 57. La traduction du commentaire d’Eutocius par Moerbeke est éditée par Marshall, Clagett dans Archimedes in the Middle Ages. Vol. 2. The translations from the Greek…, Philadelphia, American Philosophical Society, 1976. L’extrait suivant se trouve p. 255 : Remorandum igitur prius qualiter dicibatur proportio ex proportionibus componi. Ut enim in elementatione, quando proportionum quantitates in seipsas multiplicate faciunt aliquam, quantitate, videlicet, dicta numeri, cuius denominativa est data proportio […] Dividitur autem unitas secundum partem vel partes a quibus nominata est proportio […] ita ut sicut et superius dictum est quantitatem proportionis in sequentem terminum multiplicatam facere precedentem (c’est moi qui souligne ; M. Clagett ne signale pas de variantes entre les manuscrits pour les termes quantitate et quantitatem de la citation). M. Clagett remarque que l’on trouve dans la Perspective de Witelo, contemporain de Moerbeke, une définition de la composition des rapports proche de celle d’Eutocius et identique à celle que l’on trouve dans le petit traité de Ps-Jordanus. Il souligne que Witelo utilise le terme denominatio et non quantitas, mais il ajoute que ceci est de peu d’importance puisque les deux notions sont mathématiquement identiques (« This last divergence is perhaps less significant when we realize that both authors defined the denomination or quantity of a ratio as the number or quantity which when multiplied by the consequent (Eutocius) or lesser term (Witelo) produces the antecedent (Eutocius) or greater term (Witelo) » ; Ibid., p. 19). 58. Il s’agit du manuscrit d’Oxford, Bodleian Library, Saville 21 (voir Busard, « Die Traktate De Proportionibus... », p. 197).

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démonstrations des dix-huit règles et leur mode d’exposition sont aussi différents59. Quant au traité de Ps-Campanus, il est présenté dans un des manuscrits comme un traité sur l’Almageste d’al-KindƯ60 ; à notre connaissance, ce texte n’a pas été identifié. Un autre manuscrit l’attribue à A|mad ibn Ynjsuf61. On connaît le traité d’A|mad sur les dix-huit règles de composition, l’Épître sur le rapport et la proportion, traduit en latin par Gérard de Crémone62, et là encore les textes diffèrent totalement63. Signalons toutefois que, vers le milieu de l’Épître, A|mad propose une série de propositions dans lesquelles il cherche à déterminer des grandeurs inconnues à partir de grandeurs connues64. Dans la traduction latine, en préambule à ces propositions, on peut lire la phrase suivante : Sed proportio scita est denominans aliquem numerum (Mais un rapport qui dénomme quelque nombre est connu)65. On voit apparaître le verbe denominare. Mais on a ici le contraire de ce à quoi on s’attendrait. Dans tous les textes que nous avons étudiés jusqu’ici, ce n’est pas le rapport qui dénomme un nombre, mais un nombre qui dénomme le rapport. Il est à noter que dans l’apparat critique on ne trouve pas de variantes entre les manuscrits à propos de cette phrase66, qui reste énigmatique. A|mad ne dit rien de plus à propos de cette dénomination : il ne parle pas de composition des rapports, il n’explique pas comment on détermine la dénomination. Il est donc difficile de voir dans la traduction latine du traité d’A|mad l’origine des définitions des petits traités sur les rapports et encore moins des définitions plus complexes de l’Arithmétique de Jordanus ou du livre VII des Éléments de Campanus. La question de l’origine textuelle des différentes définitions de la dénomination du rapport que l’on trouve dans les textes du XIIIe siècle reste donc ouverte. Mais nous voudrions tout de même proposer une hypothèse quant à 59. La traduction latine du traité de ThƗbit ibn Qurra a été éditée par Axel Björnbo, « Thabits Werk über den Transversalensatz (liber de figura sectore). Mit Bemerkung von H. Suter. Herausgegeben und ergäntz durch Untersuchungen über die Entwicklung der muslimischen sphärischen Trigonometrie von Dr. H. Bürger und Dr. K. Kohl », Abhandlungen zur Geschichte der Naturwissenschaften und der Medizin VII (1924). Pour une comparaison entre le texte de ThƗbit et ceux de Ps-Jordanus et Ps-Campanus, voir Sabine Koelblen (Rommevaux), « Un exercice de combinatoire... » et ead., « Une pratique de la composition des raisons... ». 60. Il s’agit du manuscrit de Milan, Ambrosiana A. 203 (voir Busard, « Die Traktate De Proportionibus... », p. 198). 61. Il s’agit du manuscrit de Paris, Bibliothèque Nationale, lat. 7377 B (voir Busard, « Die Traktate De Proportionibus... », p. 198). 62. La traduction latine a été éditée par Sister M. Schrader, The « Epistola De Proportione et Proportionalitate » of Ametus filius Iosephi, Ph. D, The University of Wisconsin, 1961. 63. Voir les deux articles de Sabine Koelblen cités dans une note précédente. 64. Schrader, The « Epistola De Proportione et Proportionalitate » of Ametus filius Iosephi, p. 129sq. 65. Ibid., latin, p. 121 ; trad. anglaise p. 122 : « But the ratio designating any number is know ». Je remercie Edith Sylla qui m’a signalé ce passage. 66. Nous avons vérifié quelques uns des manuscrits latins de ce traité et nous n’avons pas trouvé de variantes, en effet.

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l’origine des définitions très particulières que l’on trouve dans l’Arithmétique de Jordanus et, à sa suite, dans les Éléments de Campanus. L’Arithmétique de Boèce Puisque la nomenclature des rapports numériques se trouve, à la suite de Nicomaque, dans l’Arithmétique de Boèce, tournons-nous vers ce texte. Le terme denominatio et le verbe denominare s’y trouvent à plusieurs reprises, à propos des parties d’un nombre. Ainsi, par exemple, Boèce explique que les nombres pairement impairs, c’est-à-dire les doubles des nombres impairs, sont tels que : « […] ils ont toutes leurs parties dénommées de façon contraire aux quotités des parties ainsi nommées. […] Par exemple, pour 18, sa seconde partie, c’est-àdire sa moitié, dont le nom relève du pair, est 9, qui est une quotité impaire ; mais son tiers, qui est une dénomination impaire, est 6, dont la pluralité est paire »67.

On comprend ici qu’à une partie est associé un nombre qui donne le nom de la partie. Ainsi, la moitié a pour dénomination 2 et le tiers a pour dénomination 3. Jordanus reprend cette notion de dénomination d’une partie au livre I de son Arithmétique et à sa suite, Campanus, dans son édition des Éléments d’Euclide, au début du livre VII : « Dénommant est le nombre selon lequel une partie est prise dans son tout »68.

En d’autres termes, la dénomination d’une partie est le nombre de fois que cette partie est comprise dans le tout. Jordanus puis Campanus ajoutent un critère de similitude des parties ; des parties sont semblables si elles ont la même dénomination : « Semblables sont dites les parties qui sont dénommées par le même nombre »69.

Ces définitions, qui concernent les parties, peuvent être rapprochées de la définition qui présente la dénomination des rapports et de la définition qui explique la similitude des rapports à partir de l’égalité de leurs dénominations et que l’on trouve dans le livre II de l’Arithmétique de Jordanus puis dans le 67. [...] omnes partes contrarie denominatas habent quam sunt quantitates ipsarum partium quae denominantur. [...] ut in XVIII secunda eius pars, id est media, quod paritas nomen est, VIII, quae impar est quantitas ; tertia vero, quae impar est denominatio, VI, cui par pluralitas est (Boèce, Institution arithmétique, trad. française p. 20 et 22 ; texte latin p. 21 et 23). 68. Denominans est numerus secundum quem pars sumitur in suo toto (Jordanus, Arithmetica, p. 64 ; Campanus, Elements, vol. I ; p. 230). 69. Similes dicuntur partes que ab eodem numero denominantur (Jordanus, Arithmetica, p. 64 ; Campanus, Elements, vol. I ; p. 230).

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livre VII des Éléments de Campanus70. Comme pour les parties, la dénomination d’un rapport exprime la manière dont la plus petite quantité est comprise dans la plus grande ; et la similitude des rapports, comme la similitude des parties, s’explique par l’égalité des dénominations. La définition boécienne de dénomination d’une partie a pu servir de modèle à la définition complexe de la dénomination d’un rapport que l’on trouve dans l’Arithmétique de Jordanus et dans les Éléments de Campanus. Dénomination des rapports irrationnels Jusqu’à présent, dans ce chapitre, il n’a été question que des rapports rationnels. Mais les auteurs que nous avons étudiés s’intéressent aussi à la manière dont il convient de nommer les rapports irrationnels. Nous avons vu un exemple d’une telle dénomination avec le rapport de la diagonale d’un carré à son côté ; il est dit « moitié du rapport double » car, s’il est composé une fois par lui-même, il produit le rapport double. De même, on peut dénommer tous les rapports irrationnels qui sont une partie ou des parties d’un rapport rationnel. Un rapport irrationnel I qui est les m n-ièmes parties d’un rapport rationnel R est dénommé grâce à ce rapport R : il est appelé « les m n-ièmes parties de R » ; et si c’est R qui est les m n-ièmes parties de I, alors le rapport de I à R est le rapport de plus grande inégalité de n à m, par exemple le rapport sesquialtère et ainsi I est dit « rapport sesquialtère de R », et de même pour les autres types de rapports. C’est ce que Nicole Oresme exprime en ces termes : « Quant au rapport irrationnel, on dit qu’il est dénommé médiatement par quelque nombre quand il est une partie aliquote ou des parties de quelque rapport rationnel […]. Par exemple, le rapport de la diagonale au côté est la moitié du rapport double »71.

Et plus loin : « Mais si le rapport irrationnel donné est dénommé par un rapport rationnel plus petit que lui, alors il n’en sera pas un multiple, […] mais il pourra être indifféremment dans n’importe quel autre rapport, comme le superparticulier, le superpartient, etc »72.

70. Voir plus haut, p. 87-88. 71. Proportio, vero, irrationalis dicitur mediate denominari ab aliquo numero quando ipsa est pars aliquota aut partes alicuius proportionis rationalis […], sicut proportio dyametri ad costam est medietas duple proportionis (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 160 ; Sur les rapports de rapports, p. 90-91). 72. Si autem, irrationalis data denominatur ab aliqua rationali minori ea, tunc non erit multiplex ad eam [...]. Sed indifferenter poterit esse in qualibet alia proportione sicut superparticulari, superpartienti, et cetera (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 296 ; Sur les rapports de rapports, p. 166).

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Cette dénomination est dite médiate par Nicole Oresme, à la suite de Thomas Bradwardine : « Quant au rapport pris au sens propre, il ne se trouve que dans les quantités, et on le définit de cette manière : le rapport est, pour deux quantités de même genre, la relation de l’une à l’autre. Ce rapport se divise en deux classes : en effet, est rationnel et du premier rang de la proportionnalité celui qui est immédiatement dénommé par quelque nombre, comme le rapport double, triple, etc. ; et occupe le second rang celui qui est appelé irrationnel, qui n’est pas immédiatement dénommé par quelque nombre, mais seulement médiatement – puisque immédiatement dénommé par quelque rapport, qui est immédiatement dénommé par un nombre –, comme la moitié du rapport double, qui est le rapport de la diagonale au côté, et la moitié du rapport sesquioctave, qui constitue la moitié du ton »73.

En effet, le rapport irrationnel n’est pas dénommé immédiatement par un nombre, comme l’est le rapport rationnel. Il est dénommé par un rapport rationnel, c’est-à-dire qu’il reçoit son nom d’un rapport rationnel, qui luimême est dénommé par un nombre. Edward Grant, qui a édité le traité de Nicole Oresme, explique que le rapport rationnel est la « base » qui permet de dénommer le rapport irrationnel qui en est les n m-ièmes parties, et que pour distinguer les rapports irrationnels qui ont la même base, on doit considérer les différentes fractions n/m (Edward Grant note (A/B)n/m le rapport irrationnel qui est les n m-ièmes parties du rapport rationnel de A à B). Il en déduit que le nombre qui dénomme médiatement le rapport est la fraction n/m74. Nous ne partageons pas cette opinion qui semble avant tout induite par l’écriture symbolique qu’utilise Edward Grant. On doit ainsi noter que Nicole Oresme ne parle jamais de la fraction n/m, il parle seulement du dénominateur et du numérateur de la partie du rapport rationnel qu’est le rapport irrationnel. L’interprétation que fait Edward Grant des rapports de rapports en termes de puissances fractionnaires de fractions le conduit à vouloir faire du rapport irrationnel un nombre, ou pour le moins à vouloir lui associer un nombre, qui serait sa dénomination. Pour notre part, nous pensons que la dénomination du rapport irrationnel n’est pas un nombre, mais que c’est le nom que l’on peut donner au rapport 73. Proportio autem quae proprie est accepta, in solis quantitatibus reperitur. Quae definitur hoc modo : proportio est duarum quantitatum eiusdem generis unius ad alteram habitudo. Et haec est duplex ; nam rationalis, et in primo gradu proportionalitatis, est illa quae immediate denominatur ab aliquo numero : sicut proportio dupla, et tripla, et sic de aliis. Secundum vero gradum illa tenet quae irrationalis vocatur, quae non immediate denominatur ab aliquo numero, sed mediate tantum (quia immediate denominatur ab aliqua proportione, quae immediate denominatur a numero), sicut medietas duplae proportionis, quae est proportio diametri ad costam, et medietas sesquioctavae proportionis, quae toni medietatem constituit (Bradwardine, Tractatus de proportionibus, p. 66 ; Traité des rapports, p. 5). 74. Voir le commentaire d’Edward Grant dans Nicole Oresme, De proportionibus proportionum, p. 31-33.

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irrationnel grâce au rapport rationnel auquel il est associé, et ce nom, on l’obtient grâce à la donnée de trois éléments, dans le cas où un rapport irrationnel I est les m n-ièmes parties d’un rapport rationnel R : le numérateur des parties, c’est-à-dire le nombre n de parties, le dénominateur ou la dénomination des parties, c’est-à-dire le nombre m qui permet de nommer la partie (3 pour le tiers, 4 pour le quart, etc.), et le rapport rationnel R, qui est lui-même dénommé grâce à un nombre (Nicole Oresme est très clair à ce sujet dans son Algorithme des rapports75). Ainsi, le nom d’un rapport irrationnel est obtenu en deux étapes : il convient, dans un premier temps, de déterminer le nom du rapport rationnel grâce à sa dénomination et, dans un second temps, de nommer les parties que le rapport irrationnel est du rapport rationnel. On parle ainsi de moitié du rapport double, de deux tiers du rapport nonuple, etc. Le processus est le même pour les rapports irrationnels qui sont dénommés par des rapports rationnels plus petits qu’eux. Nous avons vu comment on pouvait parler de rapport sesquialtère du rapport double, par exemple76. C’est ce processus que Thomas Bradwardine décrit en disant qu’un rapport irrationnel est médiatement dénommé par un nombre, car immédiatement dénommé par un rapport rationnel (c’est-à-dire que ce rapport rationnel lui donne immédiatement son nom), lequel rapport rationnel est immédiatement dénommé par un nombre. On peut alors se demander si tous les rapports irrationnels peuvent ainsi être dénommés à partir d’un rapport rationnel. C’est ce que semble suggérer Thomas Bradwardine dans son Traité sur les rapports lorsqu’il présente sa dichotomie entre les deux types de rapports. Il est plus nuancé dans la Géométrie spéculative. Il y explique que les rapports rationnels sont immédiatement dénommés par un nombre, alors que les rapports irrationnels ne le sont pas. Pour les rapports rationnels, il met alors en évidence le lien entre la dénomination et l’opération de mesure des quantités entre elles : « C’est pourquoi le rapport rationnel est dénommé immédiatement par un nombre. En effet, puisqu’il existe pour des quantités commensurables, il est nécessaire que la plus petite ou une partie de la plus petite mesure la plus grande selon un certain nombre, en raison de ce que dit Euclide, à savoir que pour deux quantités commensurables quelconques le rapport de l’une à l’autre est comme d’un nombre à un nombre […] »77.

Il poursuit : 75. Voir l’édition en annexe, p. 173. Edward Grant l’avait déjà remarqué (De proportionibus proportionum, p. 33, n. 48). 76. Si l’on reprend l’écriture adoptée par Edward Grant il s’agit du rapport correspondant à (2/1)3/2. 77. Proportio igitur rationalis denominatur immediate ab aliquo numero, cum enim sit quantitatum communicantium, oportet quod secundum aliquem numerum minor vel aliqua pars minoris maiorem numerat, propter quod dicit Euclides quod omnium duarum quantitatum communicantium est proportio alterius ad alteram tanquam numeri ad numerum [...] (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 88).

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« Mais le rapport irrationnel n’est pas dénommé ainsi immédiatement par un nombre ou par quelque rapport numérique, puisqu’il n’est pas possible ici qu’une partie de la plus petite quantité mesure la plus grande quantité selon quelque nombre. Cependant, il arrive qu’un rapport irrationnel soit dénommé par un nombre de manière médiate, comme le rapport de la diagonale au côté est la moitié du rapport double »78.

En utilisant la formule « cependant, il arrive que... » (tamen contingit quod…), Thomas Bradwardine semble suggérer que des rapports irrationnels peuvent ne pas être dénommés à l’aide d’un rapport rationnel. Et nous savons aujourd’hui que c’est bien le cas : par exemple, le rapport entre la circonférence d’un cercle et le diamètre de ce cercle est un rapport irrationnel qui ne peut pas s’exprimer comme la partie ou les parties d’un rapport rationnel. En effet, S est transcendant, c’est-à-dire qu’il n’est pas égal à un nombre du type (k/l)p/q. Nicole Oresme a, quant à lui, l’intuition qu’il existe de tels rapports irrationnels qui ne peuvent pas être dénommés par un rapport rationnel, ou, ce qui revient au même, qui sont incommensurables à tout rapport rationnel. Il ajoute même que de tels rapports sont en nombre infini, usant, de manière détournée, d’un passage que l’on trouve dans le commentaire de Campanus : « Ainsi, on peut sans doute avoir un rapport irrationnel qui est incommensurable à n’importe quel rapport rationnel. […] Cela apparaît aussi clairement dans le commentaire de la dernière définition du livre V d’Euclide où il est dit que : ‘les rapports irrationnels, dont on ne peut connaître la dénomination, sont en nombre infini’ »79.

Certes, Campanus évoque la dénomination des rapports irrationnels dans le long commentaire qui suit les définitions du livre V. Il y explique qu’Euclide a été contraint d’introduire les équimultiples dans la définition de la proportionnalité des grandeurs du livre V car « en nombre infini sont les rapports irrationnels dont la dénomination est inconnue » (si tous les rapports étaient rationnels, il suffirait de définir la similitude ou la dissemblance des rapports par l’égalité ou l’inégalité des dénominations)80. Il nous semble qu’il faut ici

78. Proportio autem irrationalis non denominatur sic immediate ab aliquo numero aut ab aliqua proportione numerali, quoniam non est ibi possibile ut secundum aliquem numerum pars aliqua minoris maiorem numeret. Contingit tamen mediate denominari proportionem irrationalem a numero, ut proportio dyametri ad costam est medietas duple proportionis (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 88). 79. Et sic forte, poterit esse aliqua irrationalis que est incommensurabilis cuilibet rationali. [...] Hoc etiam patet in commento ultime diffinitionis quinti Euclidis ubi dicitur quod infinite sunt proportiones irrationales quarum denominatio scibilis non est (Oresme, De porportionibus proportionum, p. 162 ; Sur les rapports de rapports, p. 92). 80. Et si esset omnis proportio scita sive rationalis, tunc facile esset intellectui cognoscere que proportiones essent una et que diverse. Que enim habent unam denominationem essent una, que autem diversas diverse. [...] Sed infinite sunt proportiones irrationales quarum denominatio scibilis non est [...]. Diffinitionem autem oportet fieri ex notis, unde malitia proportionum irrationalium coegit Euclidem tales diffinitiones ponere (Campanus, Elements, vol. I, p. 174-175).

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interpréter l’énoncé de Campanus comme la constatation que, d’une part, les rapports irrationnels n’ont pas de dénomination qui soit un nombre et que, d’autre part, les rapports irrationnels sont en nombre infini. Quoi qu’il en soit, Nicole Oresme tente de justifier son intuition, tout en étant conscient des limites de son raisonnement. Celui-ci est fondé sur la possibilité de diviser toute quantité continue (donc aussi le rapport) en parties incommensurables : « Je dis donc qu’il ne semble pas vrai que tout rapport irrationnel soit commensurable à un rapport rationnel. Et la raison en est que tout rapport est comme une quantité continue quant à la division, comme cela est clair d’après la dernière supposition. Donc il peut être divisé en deux parties dont n’importe laquelle est incommensurable au tout81, d’après la proposition 9 du livre X. C’est pourquoi, on aura un rapport qui sera une partie du rapport double et cependant ne sera pas la moitié du double, ni le tiers, ni le quart, ni les deux tiers etc., mais sera incommensurable au rapport double. Par conséquent, il sera incommensurable à n’importe quel rapport commensurable au rapport double, d’après le commentaire à la proposition 8 du livre X. De plus, pour la même raison, un rapport pourra être incommensurable au rapport double, au rapport triple et à n’importe quel rapport commensurable à l’un de ceux-là, comme est la moitié du rapport sesquitièrce. Et la même chose peut être dite pour d’autres rapports. Ainsi, on peut sans doute avoir un rapport irrationnel qui est incommensurable à n’importe quel rapport rationnel. On en voit maintenant la raison : s’il existe quelque rapport incommensurable à deux rapports, s’il existe quelque rapport incommensurable à trois et ainsi de suite, alors il existe quelque rapport qui est incommensurable à n’importe quel rapport, tout comme quelque quantité continue est incommensurable à toutes les quantités d’une suite, même si cela ne découle pas de la forme d’argumentation. Cependant, je ne sais pas le démontrer, mais que l’opposé soit vrai est indémontrable et inconnu »82.

Nicole Oresme explique donc qu’un rapport peut être divisé en deux parties dont n’importe laquelle est incommensurable au tout, comme cela peut être fait

81. Ici « partie » est utilisé au sens commun : le rapport rationnel est composé de deux rapports irrationnels qui ne sont pas nécessairement égaux. 82. Dico, ergo, quod non apparet verum quod omnis proportio irrationalis sit commensurabilis alicui rationali. Et ratio est quia omnis proportio est sicut quantitas continua quo ad divisionem ut patet per ultimam suppositionem. Ergo potest dividi in duo quorum quodlibet est incommensurabile toti per nonam decimi. Igitur erit aliqua proportio que erit pars duple et tamen non erit medietas duple, nec tertia pars, nec quarta, nec due tertie, et cetera, sed erit incommensurabilis duple et per consequens cuicumque commensurabili ipsi duple per commentum octave decimi. Et iterum, pari ratione, aliqua poterit esse incommensurabilis duple et etiam triple et cuilibet commensurabili alicui istarum sicut est medietas sesquitertie, et sic de aliis. Et sic, forte, poterit esse aliqua irrationalis que est incommensurabilis cuilibet rationali. Nunc videtur ratio si aliqua est incommensurabilis duabus et aliqua tribus et sic ultra quoniam sit aliqua que sit incommensurabilis cuilibet licet non sequatur ex forma argumendi sicut aliqua quantitas continua omnibus quantitatibus unius ordinis est incommensurabilis. Istud, tamen, nescio demonstrare sed si oppositum sit verum est indemonstrabile et ignotum (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 160-162 ; Sur les rapports de rapports, p. 91-92).

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dans les quantités continues selon ce qu’enseigne Euclide au livre X de ses Éléments83. Ainsi, le rapport double peut être divisé en deux parties qui lui sont incommensurables. Ces parties sont alors incommensurables à tout rapport commensurable au rapport double. Par ailleurs, Nicole Oresme suppose que l’on peut aussi déterminer un rapport qui soit une partie du rapport double et du rapport triple et qui soit incommensurable aux deux. Par conséquent, ce rapport sera incommensurable à tout rapport commensurable au rapport double ou au rapport triple. Il suppose enfin que l’on peut généraliser ce résultat et qu’il existe un rapport qui est incommensurable à tous les rapports rationnels. Cette ébauche de raisonnement ne sera reprise par aucun des auteurs que nous avons pu étudier. Notons pour finir que Nicole Oresme donne des exemples de construction de rapports irrationnels qui ne sont pas dénommés par un rapport rationnel, vers la fin du premier chapitre, lorsqu’il cherche à déterminer le rapport entre deux rapports donnés. Il écrit : « Si les rapports donnés sont incommensurables, je n’ai pas l’intention de chercher plus avant si le rapport de l’un à l’autre, qui est irrationnel, est la moitié du rapport double, ou le tiers, ou le quart, etc., puisqu’il peut arriver qu’il ne soit la partie aliquote d’aucun rapport rationnel. Et si c’est le cas84, c’est trop difficile et peut-être impossible à trouver, puisque sa dénomination peut ne pas être connue, comme cela est clair d’après l’autorité mentionnée plus haut »85.

Prenons, par exemple, un rapport A incommensurable au rapport double. Nicole Oresme envisage que le rapport entre A et le rapport double soit le rapport moitié du rapport double, ou tout autre rapport irrationnel qui soit une partie ou des parties d’un rapport rationnel. Il envisage aussi que ce rapport entre A et le rapport double soit un rapport irrationnel qui ne s’exprime pas comme la partie ou les parties d’un rapport rationnel. En reprenant les notations d’Edward Grant, Nicole Oresme envisage ici des rapports A correspondant à

83. Dans la version de Campanus, la proposition X. 9 est la suivante (Campanus, Elements, vol. I, p. 311) : Si fuerint due quantitates communicantes, totum quoque ex hiis confectum utrique earum erit communicantes. Si vero fuerit totum utrique commensurabile, erunt ambe commensurabiles (Si on a deux quantités commensurables, le tout qui est obtenu à partir d’elles sera commensurable à chacune d’elles. Et si le tout est commensurable à chacune d’elles, elles seront commensurables entre elles). 84. C’est-à-dire si les rapports donnés sont incommensurables. 85. Et posito quod proportiones date sint incommensurabiles non intendo ulterius inquirere utrum proportio unius ad alteram que est irrationalis sit medietas duple aut tertia pars triple vel quadruple et cetera, quia forte esset talis que nullius proportionis rationalis esset pars aliquota. Et dato quod esset, tamen, foret nimis difficile et forte impossibile reperire quia forte eius denominatio non esset scibilis ut patet ex auctoritate superius allegata (Oresme, De proportionibus proportionum, p. 164 et 166 ; Traité sur les rapports, p. 93-94). L’autorité en question est Campanus qui a expliqué qu’il y avait une infinité de rapports irrationnels dont la dénomination n’était pas connue.

DÉNOMINATION DES RAPPORTS RATIONNELS ET IRRATIONNELS peq

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kel

, où p/q est une fraction plus petite que 1, et même à (2/1)x avec x transcendant, sans qu’il puisse les construire explicitement. 2 e 1

Conclusion Selon les textes que nous avons étudiés, la notion de dénomination d’un rapport rationnel joue des rôles différents. Dans les petits traités sur la composition des rapports de Ps-Jordanus et de Ps-Campanus, elle est définie comme division des termes du rapport et elle permet de spécifier quel type de relation quantitative on entend par « rapport ». Elle sert aussi à définir la composition des rapports à partir de la multiplication des dénominations. Dans l’Arithmétique de Jordanus et dans la version de Campanus des Éléments d’Euclide, la dénomination est mise sous la forme particulière d’un nombre entier et d’une fraction qui exprime la manière d’être des termes du rapport l’un relativement à l’autre. Pour Nicole Oresme et à sa suite de nombreux auteurs jusqu’à la Renaissance, la forme particulière de la dénomination permet de nommer immédiatement le rapport rationnel selon la nomenclature de Nicomaque transmise par Boèce. Si l’on peut rapprocher mathématiquement la notion de dénomination de celle de SKOLN´WKM présente en particulier dans la définition VI. 5 des Éléments, nous avons vu qu’il était impossible dans l’état actuel de nos connaissances d’établir un lien textuel entre les deux notions. Et on ne sait rien aujourd’hui d’une origine arabe éventuelle du terme « dénomination » pour les rapports ; le terme grec SKOLN´WKM, qui renvoie à la possibilité de quantifier le rapport, est traduit en arabe comme en latin, par « quantité ». Par ailleurs, on ne connaît pour l’heure aucun texte grec ou arabe dans lequel est posée la question de la dénomination des rapports irrationnels.

CHAPITRE V

UNE THÉORIE ALTERNATIVE À LA CONSTRUCTION ORESMIENNE DES RAPPORTS DE RAPPORTS

La notion de dénomination dont nous venons de voir les développements est au cœur d’une théorie alternative à la construction oresmienne des rapports de rapports. Cette théorie, qui ne peut s’appliquer qu’aux rapports rationnels, se trouve en particulier dans la première rédaction des Questions sur le traité des rapports de Blaise de Parme. Et elle est en arrière-plan des critiques que Blaise adresse à l’encontre de la théorie bradwardinienne et oresmienne dans la seconde version de ces Questions. Blaise remet en cause notamment la conception additive de la composition des rapports qui est au cœur de cette théorie. Il lui préfère une conception multiplicative, à partir des dénominations. Les critiques de Blaise sont reprises, à sa suite, dans plusieurs traités en Italie, par exemple dans la Question sur le rapport entre les mouvements d’Alessandro Achillini1, ou encore dans la Question sur le rapport entre les mouvements quant à la rapidité de Giovanni Marliani, publiée à Pavie en 14822. C’est dans la lignée de ces traités que se situe la Discussion sur les rapports de rapports de Volumnius Rodulphus de Spolète (Rome, 1516), même si ce dernier ne cite pas Blaise de Parme3. Il semble aussi que les critiques émises par Blaise, et reprises par d’autres à sa suite, aient été connues de Pedro Nuñez, sans que nous sachions par quel biais4. Nous verrons comment il y 1. Voir Joël Biard, « La Question sur le rapport entre les mouvements d’Alexandre Achillini », in Joël Biard & Sabine Rommevaux (eds.), Mathématiques et Théorie du mouvement (XIVee XVI siècles), Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2008, p. 59-80. 2. Voir Marshall Clagett, Giovanni Marliani and Late Medieval Physics, New York, The Columbia University Press, 1941. 3. Volumnii Rodulphi Spoletani de proportione proportionum disputatio, Romae, apud Iacobum Mazochium, 1516. 4. Bassanus Politus developpe une théorie proche de celle développée par Blaise de Parme dans son Tractatus proportionum introductorius ad calculationes Suiset, publié à Venise en 1505, dans le même volume que les traités de Bradwardine et Oresme. Alvarus Thomas reprend et réfute l’exposé de Bassanus dans son De triplici motu (Paris, 1509).

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répond, lui qui propose une construction des rapports de rapports du même type que celle d’Oresme. Les critiques de la théorie oresmienne des rapports de rapports par Blaise de Parme Dans la question 5 de la seconde version de ses Questions sur le traité des rapports, Blaise de Parme se demande si tous les rapports dont les dénominations sont égales sont égaux5. Parmi les arguments quod sic qui ouvrent la question6, on trouve le raisonnement suivant : « Si les rapports suivent leurs dénominations, il s’ensuit que, comme la dénomination est à la dénomination, le rapport est au rapport. Et si on concède cela, il s’ensuit que comme 8 est à 4, ainsi le rapport octuple est au rapport quadruple. Mais cela est faux, puisque 8 à 4 n’est rien d’autre que le rapport double, alors que le rapport octuple n’est en aucune manière double du rapport quadruple, mais seulement sesquialtère de ce rapport »7.

Blaise explique que le rapport entre le rapport octuple et le rapport quadruple est le rapport sesquialtère. On remarque en effet que le rapport octuple et le quadruple ont une partie commune, le rapport double, qui vaut un tiers du rapport octuple et la moitié du rapport quadruple ; donc le rapport quadruple vaut deux tiers du rapport octuple. En d’autres termes, le rapport octuple est au rapport quadruple dans le rapport de 3 à 2, c’est-à-dire dans le rapport sesquialtère. Par contre, le rapport de leurs dénominations est le rapport de 8 à 4, c’est-à-dire le rapport double. Ce raisonnement n’est pas dans l’argument quod sic, mais on le trouve dans la détermination de la question (dernière conclusion de l’article II), lorsque Blaise reprend ce résultat : « Dernière conclusion : ce n’est pas le cas que, comme la dénomination est à la dénomination, le rapport est au rapport. On le fait voir clairement : en effet, ce n’est pas le cas que comme 8 est à 4, ainsi le rapport octuple est au rapport quadruple. Cela est clair, puisque le rapport du rapport octuple au rapport quadruple est le rapport sesquialtère, du fait que le rapport octuple contient en lui trois rap5. Queritur quinto utrum omnes proportiones sint equales quarum denominationes sunt equales (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 87). 6. Une Question est un genre littéraire codifié. Elle est généralement divisée en deux parties. Dans une première partie sont présentés des arguments pour ou contre la question posée (quod sic et quod non). Dans une seconde partie, l’auteur présente sa propre thèse et répond aux arguments qui vont contre la réponse qu’il propose. Voir Sabine Rommevaux, « Un exemple de Question mathématique au Moyen Âge », Annals of Science 63/4 (2006), p. 425-445. 7. [...] si proportiones insequuntur denominationes ipsarum, sequitur quod sicut denominatio ad denominationem, ita proportio ad proportionem. Et si illud concedatur, sequitur quod sicut 8 ad 4 ita proportio octupla se haberet ad proportionem quadruplam. Sed hoc est falsum, quia 8 ad 4 non est nisi proportio dupla, sed proportio octupla nullo modo est dupla ad quadruplam, sed solum sexquialtera (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 88-89).

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ports doubles et que le rapport quadruple contient en lui deux rapports doubles. Or, trois rapports doubles sont dans le rapport sesquialtère relativement à deux rapports doubles »8.

Ainsi, dans la question 5, Blaise adhère à la théorie oresmienne des rapports de rapports. Toutefois, dans la question 6, il en critique un des fondements, la composition des rapports. La composition des rapports La question 6 a pour intitulé : « On demande sixièmement si, deux extrêmes quelconques étant donnés et un médian ou plusieurs médians étant interposés de telle sorte qu’ils aient quelque rapport à chacun des extrêmes, le rapport de l’extrême à l’extrême est composé du rapport du premier au deuxième et du rapport du deuxième au troisième, et ainsi de suite »9. Les premiers arguments quod non qui ouvrent la question s’appuient sur un paradoxe déjà soulevé par Nicole Oresme à propos des rapports de plus petite inégalité : si l’on décompose un rapport en deux rapports par l’insertion d’un médian quelconque entre les termes du rapport, il peut arriver que la partie soit plus grande que le tout. Il peut aussi arriver qu’elle soit égale au tout. En effet, si l’on interpose le médian 8 entre les extrêmes 8 et 4 du rapport double, on aura que le rapport double est composé du rapport d’égalité et du rapport double. Ainsi, le rapport double serait une partie de lui-même10. Avec un raisonnement similaire, il peut se trouver que la partie soit plus grande que le tout. Il suffit pour cela d’interposer le médian 16 entre les extrêmes 8 et 4 du rapport double. On aura alors que le rapport de 16 à 4, c’est-à-dire le rapport quadruple, est une partie du rapport double11.

8. Ultima conclusio : non sicut denominatio ad denominationem, ita proportio ad proportionem. Declaratur : non enim sicut 8 ad 4, ita octupla proportio ad quadruplam proportionem. Patet hoc quia octupla ad quadruplam est proportio sexquialtera, eo quod octupla continet in se tres duplas et quadrupla continet in se duas duplas, modo tres duple sexquialterant duas duplas (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 93). 9. Queritur sexto utrum quibuscumque duobus extremis datis, interposito medio uno vel pluribus cuius ad utrumque extremorum sit aliqua proportio, proportio extremi ad extremum componatur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium et sic deinceps (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 96). 10. Primum inconveniens est quia tunc sequeretur partem toti adequari. Probatio consequentie quia capiantur hec duo extrema 8 et 4, inter que ponantur 8, modo constat quod huius medii ad utrumque extremorum est certa proportio. Ergo si questio sit vera, proportio extremi ad extremum componitur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium tamquam ex duabus eius partibus. Sed proportio secundi ad tertium est equalis proportioni extremi ad extremum, igitur etc. Et sic patet primum inconveniens (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 96). 11. Quartum inconveniens : si questio sit vera, sequitur proportionem quadruplam esse partem proportionis duple, et sic sequitur partem esse maiorem toto suo. Probatur consequentia, quia datis duobus extremis ut supra, sicut 8 ad 4, interponitur medium ut 16, tunc si questio sit vera, proportio 8 ad 4 componitur ex proportione 8 ad 16 et 16 ad 4 tamquam ex duabus partibus. Sed 16 ad 4 est proportio quadrupla et proportio extremi ad extremum est solum dupla. Et sic proportio quadrupla erit pars duple, quod fuit probandum. Hoc autem esse non potest. Et sic habetur quartum inconveniens (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 97).

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Deux autres arguments quod non sont fondés sur le fait que, comme l’a expliqué Thomas Bradwardine, les rapports d’égalité ne sont pas comparables aux rapports de plus grande ou de plus petite inégalité, et les rapports de plus grande inégalité ne sont pas comparables aux rapports de plus petite inégalité (Blaise de Parme y reviendra dans la question suivante). On peut alors montrer qu’un tout pourrait ne pas être plus grand, ni plus petit, ni égal à sa partie. Il suffit de reprendre le premier exemple : de l’insertion de 8 entre 8 et 4, on déduit que le rapport double est composé du rapport d’égalité et du rapport double ; ainsi, le rapport d’égalité est une partie du rapport double, alors qu’il ne peut pas lui être comparé12. Toujours à partir du même exemple on peut démontrer qu’un tout peut être divisé en deux parties qui ne sont pas comparables entre elles ; en effet, le rapport double et le rapport d’égalité qui composent le rapport double ne sont pas comparables entre eux13. Le même type d’argument est au fondement de l’opinion que Blaise rapporte dans le premier article de la détermination de la question. L’exposé débute par l’énoncé de quatre suppositions : tout rapport est une certaine quantité ; toute totalité est plus grande que sa partie ; aucun rapport n’est plus grand ou plus petit qu’un rapport d’égalité ; un rapport de plus petite inégalité et un rapport de plus grande inégalité ne sont ni égaux, ni inégaux entre eux14. Viennent ensuite quatre conclusions. Première conclusion : si on interpose un médian entre les termes d’un rapport d’égalité, le rapport des extrêmes n’est pas composé des rapports intermédiaires15. En effet, si le médian est égal aux extrêmes, le tout est égal à sa partie, et si le médian est plus grand ou plus petit que les extrêmes, la partie n’est pas comparable au tout. Deuxième conclusion : si on a deux extrêmes inégaux et si le médian est plus grand que les deux extrêmes, alors il n’y a pas non plus de composition 12. Secundum inconveniens est quia, si questio sit vera, sequitur aliquod totum non esse maius nec minus sua parte nec equale. Probatur consequentia quia, acceptis terminis predictis et situatis precise ut supra, tunc proportio extremi ad extremum, ut 8 ad 4, est proportio maioris inequalitatis quia dupla. Sed proportio primi ad secundum, ut 8 ad 8, est proportio equalitatis. Modo proportione equalitatis nulla alia proportio est maior nec minor neque equalis. Et hoc declarabitur in questione sequenti (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 96). 13. Tertium inconveniens : si questio sit vera, sequitur aliquod totum esse divisum vel posse dividi in duas partes que nec sunt invicem equales, nec inequales. Declaratur acceptis terminis ut supra et eodem modo dispositis, unde patet quod proportio extremi ad extremum est divisa in proportione primi ad secundum que est proportio equalitatis et in proportione secundi ad tertium que est proportio maioris inequalitatis, et, ut constat, nulle due tales proportiones sunt invicem equales nec inequales, ut questio sequens declarabit (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 96-97). 14. Omnis proportio est quedam quantitas. [...] Secunda propositio : omne totum est maius sua parte. [...] Tertia propositio : proportione equalitatis nulla est maior neque minor. [...] Ultima propositio : proportio maioris inequalitatis et proportio minoris inequalitatis nec sunt invicem equales, nec inequales (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 98). 15. Tunc ad questionem sit prima conclusio : propositis duobus extremis invicem equalibus, medio interposito, tunc proportio extremi ad extremum non componitur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 98).

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des rapports16. En effet, s’il y avait composition, le tout serait plus petit que sa partie, puisque le rapport du médian à l’un des extrêmes serait plus grand que le rapport entre les extrêmes. Troisième conclusion : même chose que dans la deuxième conclusion, mais dans le cas où le médian est plus petit que chacun des extrêmes17. Quatrième conclusion : finalement, le seul cas de composition advient lorsque les extrêmes sont inégaux et que le médian est plus grand que le plus petit extrême et plus petit que le plus grand extrême ((a : c) = (a : b)•(b : c) avec a < b < c)18. On retrouve ici la restriction proposée par Nicole Oresme19. Dans son Traité sur les rapports, Thomas Bradwardine demande seulement que les médians ne soient pas égaux aux extrémités20. Blaise termine l’article I en notant que selon le maître qui soutient l’opinion qu’il vient de rapporter et qu’il ne nomme pas (mais plus loin, dans le même article, il cite Thomas Bradwardine21), le rapport quadruple est le double du rapport double, car divisible en deux parties égales au rapport double, et le rapport octuple est le triple du rapport double, car divisible en trois parties égales au rapport double22. Il ajoute aussi que, toujours selon cette opinion, un rapport n’est pas relativement à un rapport comme la dénomination à la dénomination, en prenant l’exemple du rapport nonuple et du rapport triple : le rapport 16. Secunda conclusio : duobus extremis inequalibus datis, interposito medio quod est utroque extremorum maius, proportio extremi ad extremum non componitur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 99). 17. Tertia conclusio : duobus extremis inequalibus datis, interposito medio quod utroque extremorum est minus, proportio extremi ad extremum non componitur etc. (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 99). 18. Ultima conclusio : quibuscumque duobus extremis inequalibus datis, medio interposito quod sit minus maiore et maius minore, proportio extremi ad extremum componitur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 99). 19. Voir notre chapitre premier, p. 28. 20. Dans la supposition 2 de la troisième partie du chapitre I, Thomas Bradwardine pose (Tractatus de proportionibus, p. 76) : Quibuscumque duobus extremis, interposito medio, cuius ad utrumque est aliqua proportio, erit proportio primi ad tertium composita ex proportione primi ad secundum et proportione secundi ad tertium ; (Traité sur les rapports, p. 15) : « Étant donnés deux extrêmes quelconques et un médian étant interposé en ayant à chacun d’eux un rapport, le rapport du premier au troisième sera composé du rapport du premier au deuxième et du rapport du deuxième au troisième ». Et plus loin dans le traité il précise (Tractatus de proportionibus, p. 84) : [...] secunda suppositio intelligitur de talibus extremis et medio, quorum primum est inaequale tertio, medium quoque utroque (Traité sur les rapports, p. 23) : « [...] la deuxième supposition doit être comprise pour des extrêmes et un médian tels que le premier est différent du troisième et le médian différent de chacun d’eux ». 21. Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 101 : Et hec omnia fatetur et concedit tamquam vera et demonstrata Magister Thomas Braduardinus [...] (Et tout ceci est reconnu et concédé comme vrai et démontré par le maître Thomas Bradwardine [...]). 22. Et infert ulterius iste Magister ex eius que dicta sunt quod quadrupla est dupla ad duplam, quia quadrupla divisibilis est in duas partes equales tamquam in duas duplas, et per consequens ad quamlibet est dupla. Et sic quadrupla est dupla ad duplam. Ex eadem radice, dicit quod octupla est tripla ad duplam, quia octupla est divisibilis in tres partes equales et per consequens ad quamlibet earum est tripla (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 100).

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entre les rapports est le rapport double et le rapport entre les dénominations est le rapport de 9 à 3, c’est-à-dire le rapport triple23. Ainsi, dans cet article I, Blaise présente en quelque sorte un résumé de la théorie bradwardinienne et oresmienne des rapports. Dans l’article II, Blaise critique cette théorie et propose de donner la « vérité » sur cette sixième question24. Ce deuxième article s’ouvre sur une série de quatre conclusions, dans lesquelles Blaise explique que si l’on se donne deux quantités continues, ou deux nombres, égaux ou inégaux, et que l’on interpose entre ces deux termes un ou des médians de même genre, le rapport du premier terme au dernier est produit à partir des rapports intermédiaires25. Par contre il n’est pas toujours vrai que ce même rapport soit composé des rapports intermédiaires26. On voit ici apparaître deux termes, « composé » et « produit ». Dans le petit traité consacré aux rapports de Ps-Jordanus, ces deux termes sont synonymes : « Produire ou composer un rapport à partir de rapports, c’est produire la dénomination d’un rapport à partir des dénominations des rapports, l’une étant multipliée par l’autre »27.

Et c’est à ce traité que Thomas Bradwardine reprend deux propositions dans lesquelles il est question de composition ou de production des rapports : « […] Étant donnés deux extrêmes quelconques et un médian étant interposé ayant à chacun d’eux un rapport, le rapport du premier au troisième sera com-

23. Et ex eadem radice, dicit quod nonecupla est dupla ad triplam, quia nonecupla est divisibilis in duas triplas tamquam in duas partes equales. Ex quod infertur quod non sicut denominatio ad denominationem ita proportio ad proportionem, ut apparet, quia, ut dictum est, nonecupla est dupla ad triplam et tamen numerus ut 9 non est duplus ad 3 (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 100-101). 24. Quantum ad secundum articulum, restat de proposita materia fateri veritatem [...] (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 101). 25. La conclusion 1 présente le cas des quantités continues : [...] prima conclusio : quibuscumque duobus extremis de genere continuorum datis, sive equalibus sive inequalibus, medio interposito uno vel pluribus eiusdem generis, proportio primi ad ultimum producitur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium ; la conclusion 2 celui des nombres : Secunda conclusio : quibuscumque duobus extremis de genere discretorum datis, sive equalibus sive inequalibus, medio eiusdem generis uno vel pluribus interposito, proportio primi ad ultimum producitur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium ; la conclusion 3 généralise à tous les cas : quibuscumque duobus extremis absque ulla limitatione proposita, medio eiusdem generis interposito uno vel pluribus, proportio extremi ad extremum producitur ex proportione primi ad secundum etc. (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 101). 26. Quarta et ultima conclusio : non quibuscumque extremis datis, interposito medio eiusdem generis uno vel pluribus, proportio extremi ad extremum componitur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 101). 27. Proporcionem produci vel componi ex proporcionibus est denominacionem proportionis produci ex denominacionibus proporcionum altera in alteram ductis (Busard, « Die Traktate De proportionibus… », p. 205).

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posé du rapport du premier au deuxième et du rapport du deuxième au troisième. […] Deux ou autant de médians que l’on veut étant interposés entre deux extrêmes, le rapport du premier au dernier est produit à partir du rapport du premier au deuxième, du deuxième au troisième, du troisième au quatrième, et ainsi de suite jusqu’au dernier. La première de ces deux dernières suppositions est la deuxième proposition du traité Sur les rapports, et la deuxième est la troisième proposition du même ouvrage »28.

Produire et composer ont ici le même sens29. Blaise, quant à lui, demande de faire une distinction entre composition et production, comme il l’explique plus loin, quand il revient sur la quatrième conclusion afin de la démontrer : « Maintenant suit la quatrième conclusion qui était : il n’est pas vrai qu’étant donnés deux extrêmes, etc., le rapport est composé etc. Et on dit dans la conclusion ‘est composé’ de sorte que l’on fait une différence entre composer et produire »30.

28. Thomas Bradwardine, Tractatus de proportionibus, p. 76 ; Traité sur les rapports, p. 15 (c’est moi qui souligne) : Quibuscumque duobus extremis, interposito medio, cuius ad utrumque est aliqua proportio, erit proportio primi ad tertium composita ex proportione primi ad secundum et proportione secundi et tertium. […] Duobus vel quotcumque mediis interpositis duobus extremis, proportio primi ad extremum producitur ex proportione primi ad secundum et secundi ad tertium et tertii ad quartum et sic deinceps usque ad extremum. Harum autem duarum prima est secunda De proportionibus, secunda vero tertia est eiusdem. Je note que Crosby n’a rapporté aucune variante dans les manuscrits pour ces deux termes (voir l’apparat critique, p. 151). Par ailleurs, ces définitions sont identiques, presque au mot près, aux énoncés de Ps-Jordanus (Busard, « Die Traktate De proportionibus... », p. 206) : Quocumque duobus interposito medio cuius ad utrumque aliqua proporcio, erit proporcio primi ad composita ex proporcione primi ad secundum et secundi ad tercium. […] Duobus vel quotcumque mediis inter duo extrema positis, proporcio primi ad extremum producitur ex proporcione primi ad secundum et secundi ad tercium et tercii ad quartum et sic deinceps usque ad extremum in proporcionibus (c’est moi qui souligne). 29. Edith Sylla rattache ces deux termes à deux traditions de la composition des rapports, qui remonteraient aux mathématiques grecques : selon l’une, la composition est définie comme multiplication des SKOLN´WKWHM des rapports (SKOLN´WKM que Sylla assimile à la dénomination latine, mais nous avons vu qu’il fallait être prudent sur ce point) ; selon l’autre, la composition est définie à l’aide de l’insertion de médians et est assimilée à une addition (voir Edith Dudley Sylla, « The origin and fate of Thomas Bradwardine’s De proportionibus velocitatum in motibus... », p. 79-90). Par ailleurs, Edith Sylla soutient que dans son traité sur les rapports Thomas Bradwardine rejette consciemment la composition des rapports comme multiplication des dénominations (Ibid., p. 90 : « It appears, then, that Bradwardine’s exclusion of the Theonine compounding of proportions by multiplication of denominations was a conscious strategy in On the ratios of velocities in motions, and not inadvertent »). Elle remarque toutefois que le terme producitur est utilisé par Bradwardine pour parler de composition (Ibid., p. 90, n. 57). On peut se demander jusqu’à quel point Thomas Bradwardine était conscient qu’il existe deux traditions de la composition auxquelles on doit rattacher deux usages différents des termes producitur et componitur. Dans l’extrait donné dans la note précédente, il semble bien que Bradwardine, comme Ps-Jordanus, utilise les deux termes de manière synonyme. Toutefois, on retient de l’article d’Edith Sylla l’idée de deux théories concurrentes au Moyen Âge. C’est donc à sa suite que nous parlons de théorie alternative à la théorie de Thomas Bradwardine et de Nicole Oresme, dans ce chapitre. 30. Nunc sequitur quarta conclusio que fuit : non quibuscumque duobus extremis datis etc, proportio componitur etc. Et dicitur in conclusione « componitur » ut fiat differentia inter componi et produci (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 108).

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La suite de la démonstration montre immédiatement que cette distinction est motivée par la volonté de ne pas tomber dans les paradoxes qu’il a évoqués au début de la question, à savoir que le tout pourrait être égal ou plus petit qu’une de ses parties : « La conclusion est claire puisque, si la conclusion n’est pas maintenue, il s’ensuit qu’une partie serait égale au tout, qu’une partie serait plus grande que le tout et beaucoup d’autres inconvénients qui ont été présentés au début de la question »31.

Blaise ajoute un peu plus loin que, toutefois, ces notions coïncident souvent (quand les médians se situent entre les extrêmes) : « De cette conclusion il s’ensuit qu’autre est un rapport composé à partir de rapports et autre est un rapport produit à partir de rapports. Cependant, on sait que souvent ils coïncident. Ainsi, on accepte bien que le rapport quadruple, qui est de 4 à 1, est composé à partir de deux rapports doubles et qu’il est semblablement produit à partir de deux rapports doubles »32.

Il ne donne pas à proprement parler de définitions de la composition et de la production des rapports. Il se contente d’un exemple, qui n’est pas lié aux rapports, mais aux nombres : « Ainsi, comme il a été dit, il y a une grande différence entre composer et produire, puisqu’il ne fait pas de doute que 100 ne compose pas 2, mais que 100 multiplié par quelque fraction produit 2 »33.

De cet exemple, on comprend que pour qu’il y ait composition, il faut que les termes qui composent le tout soient plus petits que ce tout, et ce faisant l’analogie entre la composition et l’addition des entiers peut fonctionner. Par contre, cette restriction n’est pas nécessaire pour la production d’un terme à partir de deux termes. C’est d’ailleurs bien de cette manière que les lecteurs de Blaise de Parme comprennent cette question. Ainsi, dans sa Question sur le rapport entre les mouvements, Alexandre Achillini (1463-1512), qui reprend les arguments de Blaise, demande que l’on distingue « produire » de « composer », puisque, pour qu’il y ait composition, il est nécessaire qu’il y ait accrois-

31. Patet conclusio quia, si conclusio non staret, sequitur partem adequari toti, et partem esse maiorem toto, et multa inconvenientia alia que adducta fuerunt a principio questionis (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 108). 32. Ex qua conclusione sequitur quod aliud est proportionem componi ex proportionibus et aliud est proportionem produci ex proportionibus. Scias tamen quod sepe coincidunt. Unde bene concedo quod proportio quadrupla, ut est 4 ad 1, componitur ex duabus duplis et similiter producitur ex duabus duplis (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 108). 33. Modo, ut dictum est, magna differentia est inter componi et produci, quia non est dubium quod centenarius non componit binarium, tamen centenarius productus in aliqua fractione producit binarium (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 109).

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sement34. Ainsi, la composition des rapports renvoie à une addition, alors que la production des rapports se rattache à la multiplication des dénominations. On a la confirmation de ce dernier point dans la démonstration de la conclusion 2 selon laquelle, si l’on interpose un médian ou des médians entre les termes d’un rapport numérique, ce rapport est produit à partir des rapports intermédiaires. Blaise conduit cette démonstration à partir d’exemples35. Il commence par interposer entre les termes 2 et 1 du rapport double, le médian 100. Il veut montrer que le rapport double est produit à partir du rapport de 2 à 100 et du rapport de 100 à 1. Il explique que le rapport de 2 à 100 est dénommé par 1/50 et que le rapport centuple est dénommé par 100. Le produit de ces deux dénominations donne 2, qui est la dénomination du rapport double. Il en déduit le résultat cherché. Il note alors que, de même, le rapport sous-double, de 1 à 2, est produit à partir du rapport de 1 à 100 et du rapport de 100 à 2, en multipliant là encore les dénominations. Dernier exemple : entre les termes 4 et 4 du rapport d’égalité il interpose le médian 4. Il remarque que chacun des rapports est dénommé par 1. Donc le produit des dénominations vaut 1, qui est la dénomination du rapport d’égalité initial. Il a ainsi examiné tous les cas de figure, et on voit comment le produit des rapports est ici assimilé à celui des dénominations. Pour la démonstration de la conclusion 1, qui est identique à la conclusion 2 mais pour les quantités continues, Blaise fait le même type de démonstration mais sur des quantités quelconques désignées par des lettres.

34. Voir Joël Biard, « La Question sur le rapport entre les mouvements d’Alexandre Achillini », art. cit., p. 62-63. 35. Hiis premissis, deducitur conclusio que fuit in hac forma secunda in ordine : quibuscumque duobus extremis de genere discretorum propositis interposito medio etc., proportio extremi ad extremum producitur etc. Probatur quia datis illis duobus extremis que, gratia exempli, sint 2 et 1, vel medium interpositum erit maius istis extremis, vel equale, vel minus. Si maius, sit ut 100. Modo dico quod proportio dupla, que est 2 ad 1, interposito centenario, producitur ex proportione 2 ad 100 et ex proportione 100 ad 1. Quod patet per unam suppositionem quia per illam ducatur denominatio prime proportionis in denominationem secunde. Denominatio prime proportionis est una quinquagessima, quia 2 ad 100 est subquinquagecupla proportio, cuius denominatio est una quinquagessima unius integri, et denominatio proportionis 100 ad 1, que fit alia proportio, est centenarius, quia proportio 100 ad 1 est centecupla et sic denominatur a centenario. Ducatur igitur 100 in unam quinquagessimam et inde veniunt centum quinquagessime, modo centum quinquagessime faciunt 2, et talis erat denominatio proportionis date, ut 2 ad 1. Et patet sic quod proportio dupla producitur ex proportione subquinquagecupla et centecupla. Eodem modo probabitur quod subdupla producitur ex proportione unitatis ad 100 et 100 ad 2, quia unitas ad 100 est subcentecupla proportio, cuius denominatio est centesima pars unius integri, et 100 ad 2 est proportio quinquagecupla, cuius denominatio est 50. Modo ducendo denominationem in denominationem veniunt quinquaginta centessime unius integri. Modo quinquaginta centessime sunt medietas unius integri. Proportio autem 1 ad 2 est subdupla, que proportio a medietate nuncupatur. Si autem medium fuerit equale extremis, ut sint gratia exempli isti tres termini 4, 4, 4, tunc patet quod proportio extremi ad extremum est proportio equalitatis, que proportio per unam evidentiam ab uno denominatur. Et quia denominatio proportionis primi ad secundum est unitas et similiter secundi ad tertium est unitas, patet per ultimam evidentiam quod unitas in se ducta unitatem producit. Et sic patet conclusio sufficienter deducta (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 106-107).

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Dupla, duplicata À la fin de la question 6, Blaise propose une autre distinction terminologique. Il remet en cause l’usage par Thomas Bradwardine du terme dupla pour désigner le fait que si l’on considère trois termes en proportion continue, le rapport du premier au troisième est le rapport du premier au deuxième doublé36. Quant à lui, Blaise utilise dans ce cas le terme duplicata : « Autre conclusion : tout rapport constitué à partir de trois termes proportionnels est comme le rapport du premier au deuxième doublé (duplicata) »37.

Il réserve le terme dupla pour désigner la multiplication par 2 d’un rapport comme on peut le voir dans les conclusions qui suivent, dans lesquelles il explique que le rapport nonuple n’est pas le double du rapport triple mais le double du rapport quadruple sesquialtère de dénomination 4+1/2 : « Autre conclusion : le rapport nonuple, comme est de 9 à 1, est plus que le double (dupla) du rapport triple. On démontre la conclusion : le rapport nonuple constitué à partir de trois termes proportionnels est, selon un corollaire, dénommé par un nombre carré dont la racine est 3, comme cela est clair. Et n’importe quel nombre, en dehors de 2, lorsqu’il est multiplié par lui-même, produit un nombre plus grand que son double. Donc la conclusion est vraie. Et on a eu raison de dire ‘en dehors de 2’, puisque 2 multiplié par lui-même produit un nombre qui en est le double et n’est pas plus grand. N’importe quel autre nombre multiplié par lui-même produit un nombre plus grand que s’il était doublé. Autre conclusion : le rapport nonuple est précisément le double du rapport quadruple sesquialtère. Cela est clair puisque comme 9 est à 4 et un demi, ainsi est le rapport nonuple au rapport quadruple sesquialtère »38.

Dans la dernière conclusion, le rapport entre le rapport nonuple et le rapport quadruple sesquialtère est égal au rapport entre les dénominations. Blaise

36. On peut lire en effet dans le traité sur les rapports de Thomas Bradwardine : Si fuerit proportio maioris inaequalitatis primi ad secundum ut secundi ad tertium, erit proportio primi ad tertium praecise dupla ad proportionem primi ad secundum et secundi ad tertium (Thomas Bradwardine, Tractatus de proportionibus, p. 78 ; Traité sur les rapports, p. 16 ; c’est moi qui souligne). 37. Alia conclusio : omnis proportio ex tribus terminis proportionalibus constituta est sicut proportio primi ad secundum duplicata (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 110). 38. Alia conclusio : proportio nonecupla, ut est 9 ad 1, est plus quam dupla ad triplam. Probatur conclusio : proportio nonecupla constituta ex tribus terminis proportionalibus denominatur a numero quadrato, per unum corollarium, cuius radix est ternarius, ut patet. Et quilibet numerus preter binarium in se ductus producit maiorem numerum quam sit ipse duplicatus. Ergo conclusio vera. Et dicitur bene « preter binarium », quia binarius in se ductus producit numerum ad ipsum duplum et non maiorem. Quilibet alius numerus in se ductus producit maiorem numerum quam sit ipse duplicatus. Alia conclusio : proportio nonecupla est precise dupla ad quadruplam sexquialteram. Patet quia sicut 9 ad 4 cum dimidio, ita nonecupla ad quadruplam sexquialteram (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 110).

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abandonne, sur cet exemple, la théorie bradwardinienne et oresmienne des rapports de rapports. Signalons ici que, dans la question 4 de la première rédaction des Questions sur le traité des rapports, Blaise tente de démontrer que « le rapport entre n’importe quels rapports est tel que le rapport entre les dénominations de ces mêmes rapports »39. Mais puisqu’il n’a pas défini, par ailleurs, le rapport de rapports, il est inévitable que la preuve qu’il propose repose sur une pétition de principe. De fait, à une étape de la démonstration, il suppose implicitement qu’un rapport peut être identifié à sa dénomination : « On le prouve : soient A et B deux rapports, soit c la dénomination du rapport A et d la dénomination du rapport B. Que l’on dispose trois termes, à savoir h, i, k, de telle sorte que le rapport du premier au deuxième soit B et que le rapport du premier au troisième soit A. Et soit E le rapport du deuxième au troisième, dont la dénomination soit f. Alors, d’après la première conclusion40, le rapport A est produit à partir de B dans E. Donc, d’après la première partie de la quatrième supposition41, E est la dénomination du rapport de A à B. Et semblablement, d’après la première conclusion, c est produit à partir de d et f. Donc le rapport de c à d est dénommé par f. Donc, d’après la notion commune, à savoir que les rapports dont les dénominations sont égales sont égaux, il s’ensuit que comme est le rapport de A à B, ainsi est le rapport de c à d. Mais A et B sont deux rapports et c et d leurs dénominations. Donc, comme est le rapport des rapports, ainsi est le rapport des dénominations ou il est le même »42.

Blaise considère le rapport A de dénomination c et le rapport B de dénomination d. Il veut montrer que le rapport de A à B est le rapport de c à d.

39. Secunda conclusio : quarumlibet proportionum talis est proportio qualis inter earumdem proportionum denominationes (M, fo 9va). 40. La première conclusion est la suivante (M, fo 9va) : [...] quibuscumque extremis datis, medio uno vel pluribus interpositis cuius ad utrumque extremorum sit aliqua proportio, primi ad ultimum proportio producitur ex proportionibus primi ad secundum et secundi ad tertium ([...] étant donnés deux extrêmes, et un médian ou des médians étant interposés pour lesquels on a quelque rapport relativement à chacun des extrêmes, le rapport du premier au dernier est produit à partir du rapport du premier au deuxième et du deuxième au troisième). 41. Quatrième supposition de l’article II (M, fo 9rb) : Quarta : si aliquid ex duabus lateribus vel numeris producatur, producti proportio ad aliam partem ab alia parte denominatur, et econtra (Quatrième supposition : si quelque chose est produit à partir de deux côtés ou de deux nombres, le rapport du produit à l’une des parties est dénommé par l’autre partie, et inversement). 42. Probatur : sint a, b due proportiones, sit c denominatio a proportionis, d denominatio b proportionis. Disponantur tres termini, scilicet h, i, k quorum primi ad secundum sit b, et proportio primi ad tertium sit a, et sit e proportio secundi ad tertium cuius denominatio sit f. Tunc sic ex prima conclusione, a proportio producitur ex b in e. Igitur per primam partem quarte suppositionis, e est denominatio proportionis a ad b, similiter ex prima conclusione c producitur ex d f, igitur proportio c ad d denominatur ab f. Igitur per communem animi conceptionem, scilicet quod proportiones sunt equales quarum denominationes sunt equales, sequitur quod qualis est proportio a ad b, talis est proportio c ad d. Sed a et b sunt due proportiones et c et d earum denominationes. Igitur qualis est proportio proportionum, talis est denominationum vel eadem (M, fo 9va-9vb).

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

Il introduit h, i et k tels que B = (h : i) et A = (h : k). Puis il considère le rapport E = (i : k) de dénomination f. D’une part, on a A = BxE car (h : k) = (h : i)x(i : k) (on applique la conclusion 1 sur l’insertion de médians entre deux extrêmes). Blaise en déduit que E est la dénomination du rapport entre A et B, car on sait que si x = y.t, alors t est la dénomination du rapport entre x et y. Pour pouvoir appliquer ce résultat aux rapports A, B et E, il lui faut identifier ces rapports à des quantités ; dans une autre supposition, Blaise avait noté que : « tout rapport se comporte comme une quantité »43. D’autre part, on a c = d.f car là encore (h : k) = (h : i)x(i : k) (Blaise conçoit ici la composition des rapports comme multiplication des dénominations). Il en déduit que f est la dénomination du rapport de c à d. Il a ainsi obtenu que E est la dénomination du rapport de A à B et que f, la dénomination de E, est la dénomination du rapport de c à d. Il en déduit que le rapport de A à B est le même que le rapport de c à d, car ces deux rapports ont la même dénomination. Il doit ici identifier E à sa dénomination f. Revenons à la seconde rédaction des Questions. Fort de l’argument sur le double du rapport quadruple sesquialtère, Blaise demande de bien faire la distinction entre double (dupla) et doublé (duplicata) : « Et de là il est clair qu’il est très important de dire ‘double’ et ‘doublé’, puisque, comme le dit une conclusion, lorsque l’on a trois termes proportionnels, le rapport du premier au dernier est comme le rapport du premier au deuxième doublé, et il ne faut pas qu’il soit le double, puisque, comme il a été dit, le rapport nonuple est plus grand que le double du rapport triple et cependant le rapport nonuple est produit à partir de deux rapports triples »44.

Et il attaque Thomas Bradwardine qu’il accuse de se tromper : « Et en cela le maître Thomas Bradwardine se trompe beaucoup, comme cela a été dit plus haut. Il croit en effet que, puisque le rapport nonuple est composé de deux rapports triples, alors il serait le double de n’importe lequel d’entre eux »45.

43. Prima : omnis proportio se habet per modum quanti (M, fo 9rb). 44. Ex quo patet quod multum refert dicere « dupla » et « duplicata » quia, ut dicit una conclusio, cum fuerint tres termini proportionales, proportio primi ad ultimum est sicut proportio primi ad secundum duplicata, et non oportet quod sit dupla quia, sicut dictum est, nonecupla est maior quam dupla ad triplam et tamen nonecupla producitur ex duabus triplis (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 110). 45. Et in hoc erravit multum Magister Thomas Braduardinus, ut supra dictum fuit. Credidit enim quod sicut bipedale componitur ex duobus pedalibus ad quorum quodlibet est duplum, ita proportio nonecupla componeretur ex duabus triplis ad quarum quamlibet esset dupla (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 110).

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On sait bien en quel sens Bradwardine emploierait dupla dans ce cas. La remarque de Blaise n’est donc pas justifiée. Toutefois, la précision terminologique demandée par Blaise est sans doute motivée par le souci d’éviter la confusion. Mais l’usage de duplicata renvoie à une conception multiplicative de la composition des rapports, alors que l’emploi du terme dupla par Bradwardine et Oresme renforce le parallélisme que l’on peut établir entre la composition des rapports et l’addition des quantités qui, comme nous l’avons vu, est au cœur de leur théorie des rapports de rapports. La comparaison des rapports Dans la question 7, Blaise s’interroge sur un dernier point du traité de Thomas Bradwardine qui peut poser un problème d’interprétation. Il s’agit de la comparaison des rapports d’égalité et des rapports d’inégalité. L’intitulé de la question 7 est en effet le suivant : « On demande septièmement si un rapport peut être plus grand qu’un rapport d’égalité »46. Dans le titre de la question de Blaise, il n’est pas précisé en quel sens il faut entendre « plus grand ». Il peut sembler légitime de répondre que tout rapport de plus grande inégalité est plus grand que le rapport d’égalité puisque sa dénomination est plus grande que 1 (c’est le premier argument quod sic47). Blaise est alors conduit, dans la détermination de la question, à distinguer deux sens de « plus grand » pour les rapports : « On note troisièmement que l’on peut dire qu’un rapport est plus grand qu’un autre de deux manières : d’une première manière, lorsque le plus petit rapport pris autant de fois que l’on veut devient précisément le plus grand rapport ou le dépasse48 ; d’une autre manière, lorsqu’il reçoit la plus grande dénomination »49.

Selon le premier sens, tout rapport de plus grande inégalité n’est pas plus grand que le rapport d’égalité50, mais il l’est selon le deuxième sens. Et c’est selon ce premier sens qu’il faut comprendre la conclusion de Thomas Brad-

46. Septimo queritur utrum proportione equalitatis sit aliqua proportio maior (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 112). 47. omnis proportio maioris inequalitatis denominatur a numero, igitur omnis proportio maioris inequalitatis est proportione equalitatis maior, cum proportio equalitatis denominetur ab unitate et omnis numerus unitate est maior (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 114). 48. Blaise ne présice pas ici en quel sens il faut comprendre ce dépassement, mais on peut comprendre qu’un rapport B est dit plus grand que le rapport A, si, en composant A suffisament de fois par lui-même, on obtient un rapport qui a une dénomination plus grande que celle de B. 49. Noto tertio quod dupliciter potest dici aliqua proportio altera maior : uno modo quia minor aliquotiens sumpta redit maiorem precise vel ultra ; alio modo quia maiorem recipit denominationem (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 116). 50. Voir la conclusion 4 : Quarta conclusio : proportio maioris inequalitatis non est proportione equalitatis maior nec minor nec equalis (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 116).

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wardine selon laquelle aucun rapport n’est plus grand ou plus petit qu’un rapport d’égalité. Signalons ici que, dans son Traité sur les rapports, Thomas Bradwardine formule plusieurs objections à l’encontre de cette conclusion. Il écrit ainsi, à la fin du premier chapitre : « Mais on peut objecter contre cette conclusion de cette manière : soit A égal à B, C plus grand et D plus petit. Alors, d’après la cinquième supposition, C a un plus grand rapport à B que A à B, et D un plus petit. Et le rapport de A à B est d’égalité, donc etc »51.

Thomas Bradwardine considère deux quantités égales, A et B (par exemple égales à 2), une quantité C plus grande que A (par exemple égale à 3) et une quantité D plus petite (par exemple égale à 1). Il évoque alors la supposition 5 selon laquelle « si deux quantités inégales sont comparées à une même quantité, la plus grande aura un plus grand rapport et la plus petite un plus petit » (cet énoncé correspond à la proposition 8 du livre V d’Euclide52). Ainsi, selon cette supposition, le rapport de C à B (soit de 3 à 2) est plus grand que le rapport de A à B (soit de 2 à 2), mais le rapport de C à B est de plus grande inégalité et le rapport de A à B est le rapport d’égalité. En considérant A, B et D, on arrive de même à ce qu’un rapport d’égalité est plus grand qu’un rapport de plus petite inégalité. Tout ceci semble contredire la conclusion de Thomas Bradwardine selon laquelle les rapports de genres différents ne sont pas comparables. Thomas Bradwardine répond à l’objection en expliquant que la proposition euclidienne ne vaut pas quand A est égal à B ; il prétend même qu’Euclide exclut ce cas : « En réponse à la première objection, on doit dire qu’Euclide entend la cinquième supposition pour des quantités inégales comparées à une troisième selon le même genre de rapport, de sorte que chacune est comparée à celle-là selon un rapport de plus grande inégalité, ou chacune selon un rapport de plus petite inégalité »53.

Les trois autres objections sont du même type et Thomas Bradwardine répond de la même manière en restreignant le champ d’application de certaines 51. Sed contra istam conclusionem potest sic obici : Sit A aequale B, C autem maius, D vero minus. Tunc, per quintam suppositionem, C habet maiorem proportionem ad B quam habet A ad B, et D minorem. Et proportio A ad B est aequalitatis, igitur et cetera (Thomas Bradwardine, Tractatus de proportionibus, p. 82 ; Traité sur les rapports, p. 22). 52. Voir Campanus, Elements, vol. I, p. 181. 53. Pro primo istorum dicendum quod Euclides intelligit quintam suppositionem de quantitatibus inaequalibus comparatis ad tertiam eodem genere proportionis, ita quod utraque comparetur illi in proportione inaequalitatis minoris, vel utraque in proportione inaequalitatis minoris (Bradwardine, Tractatus de proportionibus, p. 84 ; Traité sur les rapports, p. 23).

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propositions d’Euclide. Bradwardine ne semble pas appréhender ce qui est en jeu ici, à savoir deux conceptions différentes de l’inégalité des rapports. Blaise de Parme l’a bien compris en distinguant deux sens de la relation « être plus grand » pour les rapports. Après avoir admis que tout rapport de plus grande inégalité n’était pas plus grand que tout rapport d’égalité, selon le premier sens qu’il faut donner à « plus grand », Blaise ajoute que « tout rapport de plus grande inégalité est plus grand à l’infini qu’un rapport d’égalité »54. Cette conclusion suit immédiatement la conclusion précédente dans laquelle il démontre que « tout rapport de plus grande inégalité contient une infinité de rapports dont n’importe lequel est un rapport d’égalité »55. La preuve en est la suivante : « Cela est clair si l’on se donne un rapport double, comme d’une ligne de deux pieds à une ligne d’un pied. En effet, dans la ligne de deux pieds tu peux distinguer une infinité de parties dont n’importe laquelle est plus grande que la ligne d’un pied. Et semblablement tu peux distinguer une infinité de parties dont n’importe laquelle est égale à la ligne d’un pied. Et qu’il en soit fait ainsi en parcourant, à partir de différents points, les différents points de la ligne de deux pieds donnée »56.

L’infinité de parties d’un pied que Blaise construit à partir de l’infinité de points qui composent la ligne de deux pieds donnée forment une infinité de rapports d’égalité par rapport à la ligne d’un pied qu’il a posée. Ainsi, le rapport double de la ligne de deux pieds à la ligne d’un pied est composé d’une infinité de rapports d’égalité. C’est ce qui fait dire à Blaise, dans la conclusion suivante, que tout rapport de plus grande inégalité surpasse à l’infini le rapport d’égalité. Il évoque alors l’angle de contingence : « Et cela est semblable à ce qu’il advient pour l’angle droit et l’angle de contingence. En effet, les mathématiciens disent que l’angle droit est plus grand à l’infini que l’angle de contingence, car il contient en lui une infinité d’angles dont n’importe lequel est plus grand que l’angle de contingence »57.

54. C’est la troisième conclusion de l’article II de la question 7 : Tertia conclusio : omnis proportio maioris inequalitatis est proportione equalitatis in infinitum maior (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 118). 55. Secunda conclusio : omnis proportio maioris inequalitatis infinitas continet proportiones quarum quelibet est proportio equalitatis (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 118). 56. Patet, data proportione dupla ut bipedalis ad pedale, unde in bipedali tu potes signare infinitas partes quarum quelibet est pedali maior. Et similiter potes signare infinitas partes quarum quelibet est pedali equalis. Et hoc fiet discurrendo a diversis punctis diversa puncta bipedalis dati (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 118). 57. Et est simile sicut de angulo recto et de angulo contingentie, unde [sicut] angulus rectus dicitur a mathematicis in infinitum maior angulo contingentie quia continet in se infinitos angulos quorum quilibet est maior angulo contingentie (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 118).

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Il poursuit en appliquant aux angles, puis aux rapports, la propriété dite « axiome d’Archimède »58 : « Par ailleurs, comme l’angle de contingence multiplié par lui-même autant de fois que l’on veut59 ne devient jamais égal à l’angle droit ni plus grand que l’angle droit, de même le rapport d’égalité, multiplié par lui-même autant de fois que l’on veut, ne forme jamais un rapport de plus grande inégalité ni quelque chose de plus grand60 que lui. Cela est clair car, comme il a été dit souvent, le rapport d’égalité est dénommé par 1 et l’unité, multipliée par elle-même, ne produit jamais un nombre, et par conséquent le rapport d’égalité ne pourrait jamais produire un rapport de plus grande inégalité »61.

La Discussion sur les rapports de rapports de Volumnius Rodulphus Dans sa Discussion sur les rapports de rapports, Volumnius Rodulphus rejette lui aussi la théorie bradwardinienne et oresmienne des rapports et propose une théorie des rapports de rapports comme multiplication des dénominations. Nous donnons une description linéaire rapide de ce traité car il est peu connu et qu’il est représentatif d’autres traités sur le même sujet. Dès l’introduction de son ouvrage, Volumnius fait référence à la question soulevée chez les auteurs anciens, dit-il, par la théorie des rapports de rapports, à savoir : est-ce que le rapport de rapports est déterminé (censeretur) à partir du rapport des dénominations ?62 Il explique que cette question a été traitée, soit pour elle-même, soit en liaison avec la connaissance des rapidités des mouvements63 et qu’elle a reçue de nombreuses interprétations fausses en raison des erreurs de Thomas Bradwardine64. Il se propose de faire état de ces 58. Blaise reprend ici un argument de Thomas Bradwardine. Voir plus haut p. 20-21. 59. On ne voit pas bien ici à quoi correspondrait géométriquement un angle de contingence multiplié par lui-même. 60. Ici « plus grand » s’entend selon le second sens proposé par Blaise. 61. Item ex alio, quia sicut angulus contingentie, quantumcumque multiplicatur in se, nunquam reddit rectum neque maiorem recto, sic proportio equalitatis, quamtumcumque in se multiplicata fuerit, nunquam constituit proportionem maioris inequalitatis nec aliquid ultra ipsum. Patet hoc quia, ut dictum est sepe, proportio equalitatis denominatur ab 1 et unitas in se ducta nunquam producit numerum et, per consequens, nunquam produceret proportionem maioris inequalitatis (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum,, p. 118-119). 62. Hinc apud vetustos sapientes questio viguit an proportio proportionum ex proportione denominationum censeretur (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Aii r). 63. [...] que non tam per sese tractabatur quam ut eius ipsius cognitione velocitates motuum certissimis rationibus deprehendi commonstrarique possent (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Aii r). 64. Et posteris etiam seculis in ea perseverarunt inquisitione multi disputantes de proportionibus, que quidem res et si parvo negotio sincere copioseque ab antiquis probatisque authoribus haberi potuerit nihilominus offusa multis (propter errores Thome Braduardini) caligo revocavit in dubium id quod alioquin facile cognitu perspicuumque fuerat (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Aii r).

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théories fausses et d’en corriger les erreurs en s’appuyant sur les écrits des anciens, en particulier Euclide, Ptolémée et Jordanus65. Dans la première partie de son traité, Volumnius Rodulphus présente la théorie des rapports selon un plan qui offre des similitudes avec le plan du début du Traité sur les rapports de Thomas Bradwardine, même s’il s’éloigne de ce traité quant à son contenu. Il commence par donner la définition de la quantité, comme ce qui peut se diviser en parties66. Il rappelle que la quantité est soit continue, quand les parties ont un terme commun, soit discrète, dans le cas contraire67. Il définit alors les quantités commensurables et incommensurables en reprenant les définitions euclidiennes du livre X des Éléments selon lesquelles sont commensurables les quantités qui ont une partie commune, et incommensurables les autres, mais il ajoute que les quantités commensurables sont telles que l’une est une partie ou des parties multiplicatives de l’autre et que les quantités incommensurables sont les autres68. Volumnius en vient au rapport qu’il définit comme une relation déterminée (certa) entre deux quantités de même genre, qu’elles soient commensurables ou incommensurables ; il fait alors référence à Boèce, Euclide et Jordanus69. Si les quantités sont égales, le rapport est d’égalité ; si l’on compare une quantité plus grande à une quantité plus petite, le rapport est de plus grande inégalité et il est de plus petite inégalité dans le cas contraire ; si les quantités sont commensurables, le rapport est rationnel et, si les quantités sont incommensurables, le rapport est irrationnel. Volumnius explique ensuite que le rapport rationnel reçoit son nom d’un nombre ou d’un nombre et des fractions, alors que ce n’est pas le cas pour les rapports irrationnels70. À propos de ces der65. Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Aii r-v. 66. Quantitas itaque id esse dicitur quod per si meritoque proprio in partes est deducibile (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Aiii r). 67. Continuam dicitur cuius partes communi uno eodemque termino coniunguntur. [...] Quantitas discreta est cuius partes minime termino aliquo communi coherent adglutinanturque, ut senarii partes duo ternarii separatim semper ac seiuncti manent nullo termino, qui finis sit unius et principium alterius copulati (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Aiii r-v). Sa définition de la quantité diffère de celle de Nicole Oresme. Pour ce dernier une quantité est continue si elle est divisible à l’infini (voir notre chapitre premier, p. 19). 68. Rursus quantitatum tam unius quam alterius generis alique sunt quarum una est pars aut partes multiplicative alterius, seu que una eademque mensurantur quantitate, quales sunt omnes promiscue mumeri, ut quaternarius et senarius cum utrumque et unitas et binarius metiatur, ac minor duas maioris tertias partes compleat. Alique sunt quarum una non est pars aut partes alterius multiplicative, neque illas una eademque metitur quantitas, quales sunt latus et dimetiens eiusdem quadrati. Illas commensurabiles Euclidis in 10, has vero incommensurabiles vocauit (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Aiii v - iv r). 69. Porro ex alterna quantitatum tum commensurabilium tum etiam incommensurabilium comparatione, ut severinus Boetius in primo libro arithmetices et pulcherrime et copiosissime tradidit, gignitur coalescitque proportio, quae ut ab Euclide et Iordani describitur, duarum est eiusdem generis quantitatum certa alterius ad alteram habitudo (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo iv r). 70. Rationalis proportio est quae ab aliquo certo numero, seu numero et minutie asciscit ac vere dicat sibi nomen, uti dupla a binario et sexquialtera ab unitate et dimidio nuncupantur. Irrationalis est quae inter quantitates non commensurabiles exorta non statim a numero vel solo vel cum minutie nomen assumit, qualis est proportio dimentientis ad costam eiusdem quadrati, et quecunque fuerit alia cuius quadratum a numero non quadrato nominetur (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo iv v).

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niers, il évoque alors le rapport de la diagonale et du côté d’un même carré et tous les rapports dont le carré n’est pas nommé par un nombre carré, mais il ne reprend pas à cette occasion la dénomination médiate des rapports irrationnels introduite par Thomas Bradwardine. Suit la description des cinq genres du rapport rationnel de plus grande inégalité. Volumnius revient alors sur la notion de dénomination d’un rapport rationnel et il reprend les définitions que Campanus donne au début de livre VII de sa version des Éléments71. Il explique comment on peut trouver les différents rapports rationnels à l’aide de tables de nombres entiers. Suit la description des proportionnalités arithmétique, géométrique et harmonique et la recherche de médians proportionnels. La première partie se termine par la détermination des plus petits termes d’un rapport rationnel donné à l’aide de sa dénomination. Dans la deuxième partie, Volumnius Rodulphus en vient aux notions qui sont au cœur de la théorie des rapports de rapports. Il commence ainsi par rappeler que multiplier ou diviser des rapports entre eux revient à multiplier ou diviser leurs dénominations72. Il explique aussi comment effectuer la multiplication ou la division à partir des termes des rapports73. Il fustige alors ceux qui assimilent la multiplication ou la composition des rapports à une addition74. Et il rappelle la définition 10 du livre V selon laquelle, si l’on a trois quantités continûment proportionnelles, le rapport de la première à la troisième est dit le rapport doublé (duplicata) de la première à la deuxième, c’est-à-dire, selon le commentaire de Campanus à cette définition, qu’il est ce rapport composé ou multiplié par lui-même ; de même pour quatre quantités, le rapport de la première à la quatrième est le rapport de la première à la deuxième triplé (triplicata), c’est-à-dire multiplié deux fois par lui-même75. Il évoque la définition 5

71. Denominatio dicitur proportionis minoris quidem numeri ad maiorem pars vel partes ipsius minoris que in maiore sunt. Maioris vero ad minorem totum vel totum et pars vel partes prout maior (Ibid. fo Bi v). 72. Idcirco si usus venerit ut proportio proportionem multiplicet ducendus est denominator unius in denominatorem alterius, et productum eam nuncupabit proportionem, que ex ductu propositarum proportionum unius in aliam prodierit (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Ci v) ; At si dissoluenda fuerit proportio aliqua dividendaque in proportionem aliam rursus confugendium est ad denominatores, ex illorum enim unius in alium iuxta divisione proportio quedam obvenit a qua proportio ea nuncupabitur que ex partitione assignate proportionis exierit (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Cii r). 73. Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fos Ci v - Cii v. 74. Hoc in loco redarguendi sunt meo iudicio reiiciendique veteres scriptores complures et iuniores fere omnes quecumque de proportionibus aliquid commentati sunt, quando cecutientes totaque ex integro aberrantes veritate constanter credidere proportiones productas ex ductu aliquarum proportionum unius in aliam vera compositione ex proportionibus producentibus componi, ita quod addere ac multiplicare proportiones existimaverint non esse distinctas species supputandi, quemadmodum nec subtractione a partitione seiungi separarique voluerunt (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Cii v). 75. Nam Euclidis in quinto elementorum diffinitione decima docuit quod si fuerint tres quantitates continuo proportionales dicetur proportio prime ad tertiam proportio prime ad secundam duplicata quasi diceret ex duabus talibus composita seu in se multiplicata ut Campanus locum illum exponens commemorat. Et statim subiunxit Euclidis si fuerint quattuor quantitatis continue proportionales proportio prime ad quartam dicetur proportio prime ad secundam triplicata. Hoc est ex tribus talibus composita, seu in se prius, mox in productum multiplicata ex eiusdem Campani expositione (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Cii v).

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du livre VI, pour rappeler que la composition des rapports équivaut à la multiplication des quantités (quantitates) de ces rapports76. Et il fait référence à la Perspective ou Optique de Vitellion et à un Traité des rapports d’al-KindƯ77 à propos de la production d’un rapport à partir des rapports intermédiaires, lorsque l’on insère des médians entre les termes du rapport (il utilise alors le terme produciturȌ78. Fort de ces autorités, il répète que la composition des rapports doit être considérée comme une multiplication et non pas comme une addition. Il précise alors que si d’aucuns persistaient cependant à vouloir considérer la composition comme une addition, ils s’exposeraient à tomber dans de graves erreurs. Il s’ensuivrait en effet que le rapport de plus grande inégalité ne serait pas comparable au rapport de plus petite inégalité, ni au rapport d’égalité, ou que les rapports entre les rapports ne seraient pas identiques aux rapports entre les dénominations79. Il expose alors la thèse de ceux qu’il critique. Selon lui, elle est fondée sur quatre principes : premièrement, les rapports dont les dénominations sont égales sont égaux entre eux ; deuxièmement, si entre deux rapports on interpose un médian, le rapport des extrêmes est composé des rapports intermédiaires ; troisièmement, des quantités égales ont des rapports égaux à une même quantité ; et quatrièmement, toute quantité contient sa moitié deux fois80. Il rapporte ensuite certaines des conclusions qui en sont déduites. Première conclusion : si on a un rapport de plus grande inégalité entre le plus grand terme et le médian, comme du médian au plus petit terme, le rapport du premier au dernier est le double (dupla) du rapport du premier au médian ou du médian au deuxième. En effet, les dénominations de ces deux rapports sont égales ; il suffit alors d’appliquer la définition de « double »81. Deuxième conclusion : aucun rapport de plus grande inégalité n’est plus grand ou plus petit qu’un rapport d’égalité (de même pour le rapport de plus petite inégalité).

76. Omnis proportio ex duabus composita ex ductu unius in reliquam producitur et Euclidis quinta diffinitione sexti ita scriptum reliquit, proportio ex duabus proportionibus, aut pluribus constare dicitur quando proportionum quantitates multiplicate aliquam efficiunt quantitatem (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Ciii r). 77. Il s’agit sans doute du traité sur les rapports de Ps-Campanus ; comme nous l’avons vu, un des manuscrits de ce texte l’attribue à al-KindƯ. Voir notre chapitre IV, p. 101. 78. Apud Vitellionem ample authoritatis et prestabilis scientie virum de huiusmodi compositione hec in primo sue perspective leguntur, quorumlibet trium quantitatum quocunque ordine dispositarum quarum medie ad utramque extremorum aliqua sit proportio erit proportio prime ad tertiam composita ex proportione prime ad secundam et secunde ad tertiam, ex quo patet proportiones extremorum adinvicem semper componi ex proportione mediorum adinvicem, et ad ipsa exterma. Idem et Alchindus in suo libello de proportionibus videtur manifestissime ostendere (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Ciii r). 79. Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, Ciii r. 80. Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, Ciii v. 81. Postmodum inter alias multas conclusiones probant ostensive (ut dicunt) quod si fuerit ratio maioris inequalitatis maximi termini ad medium, qualis est medii ad minimum, erit ratio primi ad ultimum dupla ad rationem primi ad medium, et medii ad postremum. Cum enim similes eedemque sint denominationes rationum primi termini ad secundum et secundi ad tertium dicunt relinqui rationes illas adiuuante prima suppositione esse equales, et ex illis per secundam suppositionem componi rationem termini primi ad tertium, et propterea ex diffinitione dupli ipsam esse ad quamlibet illarum duplam (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, Ciii v).

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Volumnius propose la démonstration suivante de cette assertion : prenons A un rapport de plus grande inégalité et B un rapport d’égalité et supposons que A soit le double de B. Soient c et e les termes du rapport A entre lesquels on insère le médian proportionnel d. Alors A est, d’une part, le double du rapport de c à d (ou de d à e), qui est un rapport de plus grande inégalité, et, d’autre part, A est le double de B, qui est un rapport d’égalité. Donc un rapport de plus grande inégalité serait égal à un rapport d’égalité, ce qui est faux82. Autre conclusion : les rapports ne sont pas entre eux comme leurs dénominations ; en effet, le rapport octuple n’est pas le double du rapport quadruple, alors que 8 est le double de 483. Dans la troisième partie, Volumnius présente un autre paradoxe auquel on aboutit lorsque l’on considère la composition comme une addition : le tout pourrait être plus petit que sa partie. Il propose l’exemple du rapport de 6 à 4, entre les termes duquel on interpose 2, de sorte qu’il est composé du rapport de 6 à 2 (qui est plus grand que lui) et du rapport de 2 à 484. Il explique alors que pour éviter ce paradoxe certains auteurs ont ajouté une condition : il ne peut y avoir de composition que si tous les rapports sont de même genre. Ainsi, l’exemple précédent n’est pas recevable, puisque le rapport de 6 à 2 est multiple et celui de 2 à 4 est sous-multiple85. Volumnius souligne que l’on ne trouve pas cette condition dans les traités des autorités comme Euclide, Ptolémée, Jordanus ou Vitellion. Volumnius présente alors toute une série d’exem-

82. His iactis fundamentis volentes primum ostendere proportione equalitatis nullam esse proportionem aut maiorem aut minorem hoc maxime modo conantur impellere, precipitemque agere adversarium in non toleranda incommoda. Esto inquiunt gratia exempli a proportio maioris inequalitatis in duplo maior quam sit b proportio equalitatis, sintque eius extrema c maius et e minus, tunc ita ratiocinantur, si a est in duplo maior quam sit b, conuincitur apertissima ratione proportionem maioris inequalitatis, et proportionem equalitatis esse equales, quod cum sit per falsum, et supra captum humane mentis, evenit et assumptum esse tale consecutionem. Ubi ex doctrina none propositionis sexti Euclidis d medium proportionale collocaverint inter c et e a proportionis extrema, in hunc modum explicant proportio a ex postulato componitur ex proportionibus c ad d ad e et per conclusionem est dupla ad quamlibet illarum. Et etiam ex hypothesi esset dupla ad b, ergo per ultimam suppositionem proportio c ad d que esset maioris inequalitatis, ut intelligentibus liquet, et b que est proportio equalitatis sunt equales, quod demonstrare volebant (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, Ciii v - Civ r). 83. [...] non talem esse inter proportiones qualis sit inter ipsarum denominatores proportio alioquin fuerunt nullo negotio coniunceretur octuplam proportionem esse duplam ad quadruplam, quotuplus est denominator octuple ad denominatorem quadruple (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, Civ v). 84. Nam qui id defendere non pertimuerint eas angustias in primis subire necessarium est, totum esse minus sua parte, quod non est impendio laboriosum ostendere. Sint gratia exempli due quantitates inequales una sicut 6 alia sicut 4 colloceturque inter illas quantitas sicut 2, et proportio prime quantitatis ad secundam appelletur a, secunde ad tertiam b, prime vero ad postremam dicatur f. Tunc proportio f vera compositione (ut adversarii volunt) ex a et b proportionibus componitur et est minor quam sit a testimoni octave propositionis quinti Euclidis et none secundi Iordani. Relinquimus igitur compositum minus esse parte componente (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fo Dii v). 85. [...] propterea quod veteres authores tunc voluerint proportionem extremorum vere componi ex interceptis proportionibus cum omnes termini in eodem genere proportionis comparantur, idque in proposito argumento minime observari, cum primus terminus ad secundum mutiplex, secundus ad tertium submultiplex habeatur (Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, Diii r).

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ples arithmétiques puis géométriques, tirés des traités d’Euclide et de Ptolémée, qui infirment l’hypothèse limitative précédente86. Volumnius présente alors sa propre théorie : les rapports se comportent comme leurs dénominations, c’est-à-dire que les opérations sur les rapports sont définies à partir des opérations sur leurs dénominations (l’addition correspond à l’addition, la multiplication ou la composition à la multiplication, etc.) ; la comparaison des rapports s’effectue à l’aide de la comparaison des dénominations ; le rapport de rapports est défini comme le rapport des dénominations87. La théorie des rapports de rapports dans le Livre d’algèbre en arithmétique et en géométrie de Pedro Nuñez Dans le Livre d’algèbre en arithmétique et en géométrie de Pedro Nuñez on retrouve des interrogations du même type que celles que nous venons d’examiner chez Blaise de Parme et Volumnius Rodulphus. La comparaison des rapports La théorie des rapports occupe la troisième partie de la deuxième partie principale du traité d’algèbre de Pedro Nuñez. Dans le chapitre 6, ce dernier évoque la question de la comparaison entre les trois genres du rapport, le rapport de plus grande inégalité, le rapport d’égalité et le rapport de plus petite inégalité88. Il commence par rappeler que la dénomination d’un rapport de plus grande inégalité étant supérieure à l’unité, celle d’un rapport d’égalité étant l’unité, et celle d’un rapport de plus petite inégalité étant inférieure à l’unité, tout rapport de plus grande inégalité est supérieur au rapport d’égalité qui est lui-même supérieur à tout rapport de plus petite inégalité. Après avoir donné des exemples il ajoute que, bien qu’il en soit ainsi, il n’existe pas de rapport entre des rapports de genres différents, car le rapport d’égalité ou n’importe quel rapport de plus petite inégalité, multiplié par lui-même autant de fois que l’on veut, ne peut pas excéder un rapport de plus grande inégalité, de même que tout rapport de plus petite inégalité, multiplié par lui-même autant de fois que l’on veut, ne peut pas excéder le rapport d’égalité. Il évoque lui aussi l’angle de contingence qui ne peut pas être mis en rapport avec n’importe quel angle rectiligne89. Ici, Pedro Nuñez fait clairement référence à la définition 86. Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fos Diii r - Ei v. 87. Volumnius Rodulphus, De proportione proportionum disputatio, fos Fiv r - v. 88. Nuñez, Algebra, fo 77r-78r. 89. Pero aun que assi sea, que qualquier proporcion de mayor desigualdad es mayor que qualquier proporcion de los otros dos generos, ninguna proporcion puede auer entre las proporciones de diversos generos, porque la proporcion de ygualdad, o de menor desigualdad por mas que se multiplique ny puede exceder la proporcion de mayor desigualdad, ny hazer proporcion de tanta denominacion. Ny la proporcion de menor desygualdad por mas que se multiplique puede exceder la proporcion de ygualdad, ny llegar a su quantidad, assi como auemos dicho del angulo de la contingencia, que puesto que sea quantidad y menor que el angulo rectilineo, no tiene con el proporcion (Nuñez, Algebra, fos 77v-78r).

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euclidienne du livre V (connue comme « l’axiome d’Archimède »), selon laquelle deux grandeurs ont entre elles un rapport si la plus petite multipliée par elle-même un certain nombre de fois excède la plus grande, définition qu’il a rappelée au début de cette troisième partie, à la suite de la définition du rapport90. Pedro Nuñez poursuit en expliquant que si l’on se donne deux rapports de plus grande inégalité, le plus petit peut, en étant multiplié adéquatement, dépasser le plus grand ; en conséquence, on peut définir un rapport entre deux rapports de plus grande inégalité. Et il ajoute aussitôt que ce rapport n’est pas égal au rapport entre les dénominations91. Il donne l’exemple du rapport sextuple, de dénomination 6, qui n’est pas double du rapport triple, de dénomination 3. Il renvoie alors à la composition des rapports qui fait l’objet du chapitre 7. La composition des rapports Pedro Nuñez commence le chapitre 7 en rappelant que, selon la doctrine commune des mathématiciens, lorsque l’on a deux quantités de même nature et que l’on insère entre elles une troisième quantité de même nature, le rapport entre les deux premières quantités est dit être composé du rapport de la première à la troisième et de la troisième à la deuxième92. Il donne l’exemple du rapport sextuple qui est composé du rapport double et du rapport triple par l’insertion de 3 entre 6 et 1. De même, le rapport sous-sextuple est composé du rapport sous-triple et du rapport sous-double. Il remarque que, dans ce dernier exemple, les parties du rapport composé sont plus grandes que le rapport composé. Il donne ensuite l’exemple du rapport de 1 à 6 composé du rapport de 1 à 10, plus petit, et du rapport de 10 à 6, plus grand ; puis l’exemple du rapport de 10 à 2 composé du rapport de 10 à 5, plus grand, et du rapport de 5 à 2, plus petit. Pedro Nuñez explique plus loin que l’on ne doit pas s’étonner que, dans les rapports, la partie puisse être plus grande que le tout, car le rapport est une relation ou une comparaison et qu’il n’est pas à proprement parler une quantité, puisqu’il n’est pas discret comme le nombre et qu’il n’est pas étendu 90. Proporcion es el respecto o comparacion que ha entre dos quantidades de una misma naturaleza, quando son comparadas en la quantidad. Y aquellas quantidades llamamos en esta materia de una misma naturaleza, que son tales, que la menor dellas mutiplicada puede exceder la mayor (Nuñez, Algebra, fo 66r). 91. Pero porque en la proporcion de mayor desygualdad ha muchas y muy differentes especies, y las unas son mayores proporciones que las otras, y puede una por multiplicacion exceder a la otra, por esta causa las proporciones de mayor desigualdad, tienen proporcion las unas con las otras, mas non tienen entre si aquella proporcion, que entre si tienen las sus denominaciones (Nuñez, Algebra, fo 78r). 92. Segun commun doctrina de los Mathematicos, quando entre dos quantidades de una misma naturaleza nuestro entendimiento pufiere qualquier otra quantidad de la naturaleza de entrambas, diremos que la proporcion de una destas dos quantidades para la otra, es compuesta de la proporcion que tiene para la tercera que esta entre ellas, y de la proporcion dessa tercera para la otra (Nuñez, Algebra, fo 78v).

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comme la ligne, le corps et la surface ; pour cette raison, le principe selon lequel le tout est plus grand que la partie ne s’applique pas aux rapports93. La position de Pedro Nuñez est originale et vaut la peine d’être soulignée. Seul, peut-être, l’exemple des ensembles infinis avait pu ainsi conduire certains de ses prédécesseurs à remettre en cause cet axiome du tout et de la partie. Pedro Nuñez ajoute par ailleurs que la composition des rapports est imaginaire, que c’est un produit de l’esprit, de sorte que, lorsque l’on interpose une quantité entre deux autres, ce n’est pas réel94. Si, comme le demande Nicole Oresme, le rapport peut être considéré comme une quantité continue du fait qu’il est divisible à l’infini par l’insertion de médians entre ses termes, pour Pedro Nuñez cette division du rapport est bien plus imaginaire que la division de la quantité, qui s’ancre davantage dans le réel. On comprend alors pourquoi l’axiome du tout et de la partie peut ne pas s’appliquer dans ce contexte. Pedro Nuñez évoque aussi la question des rapports doublés, triplés, etc. Il rappelle la définition 10 du livre V des Éléments, qu’il énonce ainsi : si trois quantités sont proportionnelles, le rapport de la première à la troisième est le double (dupla) du rapport de la première à la deuxième95. Il remarque alors que pour les rapports de plus petite inégalité, la moitié est plus grande que le tout (le rapport de 1 à 4 est le double du rapport de 1 à 2 qui lui est plus grand). C’est cette constatation qui avait poussé Nicole Oresme à donner une autre définition du rapport doublé pour les rapports de plus petite inégalité96. Pedro Nuñez propose lui aussi de faire une distinction entre les rapports de plus grande inégalité et ceux de plus petite inégalité. Mais la solution qu’il préconise est différente de celle d’Oresme. Ce dernier, en effet, avait demandé que l’on inverse la relation : si le rapport quadruple est le double du rapport double, c’est le rapport sous-double qui est dit être le double du rapport sous-quadruple. Pedro Nuñez n’inverse pas la relation. Il demande seulement de préciser que, dans le cas des rapports de plus grande inégalité, le rapport doublé est plus grand que le rapport dont il est le double, alors que, dans les rapports de plus petite inégalité, le rapport doublé est plus petit. Ainsi, pour les rapports de plus grande inégalité, il propose que l’on dise que le rapport de la première quantité

93. Y no es de marauillar ser la parte mayor que el todo en las proporciones, porque el ser de la proporcion es un respecto o comparacion, el qual non es propriamente quantidad, ny tiene quantidad, porque no es discreta, como es el numero, ny tan poquo tiene extension, porque no es cosa extensa, como la linea, y la superficie, y el cuerpo. Ny este principio, el todo es mayor que su parte, se deve de entender en las proporciones, porque seria falso (Nuñez, Algebra, fo 80v). 94. Porque la composicion de las proporciones es imaginaria, hecha por obra del entendimiento, interponiendo una quantidad en la fantasia entre otras, y no es real (Nuñez, Algebra, o 80v). f 95. [...] por la definicion del 5 libri de Euclides, quando tres quantidades fueren proporcionales, de la primera para la segunda, como de la segunda para la tercera, en tal caso la proporcion de la primera para la tercera sera dupla de la proporcion de la primera para la segunda (Nuñez, Algebra, fo 79r). 96. Voir notre chapitre premier, p. 29.

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à la troisième est deux fois plus grand (en duplo mayor) que le rapport de la première à la deuxième, alors que pour les rapports de plus petite inégalité, on dira qu’il est deux fois plus petit (en duplo menor)97. Si l’on reprend l’exemple précédent, le rapport quadruple est dit deux fois plus grand que le rapport double et le rapport sous-quadruple est deux fois plus petit que le rapport sousdouble. Et Pedro Nuñez explique que, lorsque Euclide dit que le rapport de la première quantité à la troisième est le double du rapport de la première à la deuxième, il ne veut pas dire que le premier rapport est deux fois plus grand ou deux fois plus petit que le second, mais que le premier est composé de deux rapports égaux au second98. Pedro Nuñez termine le chapitre 7 en évoquant le lien entre le rapport entre les rapports et le rapport entre les dénominations. Il rappelle que si un rapport plus grand a bien une dénomination plus grande, pour autant on n’a pas proportionnalité entre les rapports et les dénominations, sauf dans un cas, celui du rapport quadruple et du rapport double99. Par conséquent, le raisonnement suivant ne vaut pas : « Si les dénominations des deux rapports sont égales, ces rapports seront égaux, et si l’une de ces dénominations est plus grande que l’autre, le rapport qui a la plus grande dénomination est le plus grand, et le rapport ayant la dénomination la plus petite est plus petit, donc autant la dénomination est grande, autant le rapport est grand »100.

97. […] y la solucion sera esta : que quando la proporcion fuere de mayor desigualdad, la proporcion de la primera quantidad para la tercera sera en duplo mayor, que la proporcion de la primera para la segunda. […] Y quando la proporcion es de menor desigualdad, porque va menguando, resulta la proporcion de la primera quantidad para la tercera en duplo menor, de lo que es la proporcion de la misma primera para la segunda (Ibid. fo 79v). 98. Otro entendimiento podremos dar mas llano aquella definicion 10 del 5 libro de Euclides, puesto que sea verdad lo que agora diximos, y es que quando el dize, que la proporcion de la primera quantidad para la tercera es dupla de la proporcion que tiene la misma primera para la segunda, no quiere dezir, que es en duplo mayor, ny que es en duplo menor, sino que la proporcion de la primera para la tercera, tiene en si dos vezes la proporcion que ha de la primera para la segunda justamente, porque de la primera para la segunda, es como de la segunda para la tercera, y por esto la proporcion que ha de la primera para la tercera es compuesta de dos proporciones yguales, y por esta causa se dize dupla de cada una dellas, y no porque sea en duplo mayor ny en duplo menor (Nuñez, Algebra, fos 79v-80r). 99. Y por lo que en esta materia auemos dicho, claramente se muestra, que puesto que la proporcion mayor tenga mayor denominacion, no se sigue que tanto sera una proporcion mayor que otra, quanto la su denominacion fuere mayor. Porque en la dupla y en la quadupla es verdad, que quanto la denominacion de la quadrupla, la qual es 4 es mayor que la denominacion de la dupla, la qual es 2, tanto la quadrupla es mayor que la dupla. Pero en las otras proporciones de mayor desigualdad no es esto assi (Nuñez, Algebra, fo 81r). 100. Y no vale este argumento : si los denominadores de dos proporciones fueren yguales, las proporciones seran yguales, y si el uno de los denominadores fuere mayor que el otro, la proporcion que tiene mayor denominador, sera mayor, y si el denominador fuere menor, la proporcion dese denominador, fera menor : luego quanto el denominador fuere mayor, tanto la proporcion sera mayor (Nuñez, Algebra, fo 81v).

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En d’autres termes, le fait que les rapports et leurs dénominations soient dans le même ordre quant à la relation d’inégalité n’implique pas nécessairement que les rapports et les dénominations soient proportionnels. Pedro Nuñez illustre son propos par un exemple géométrique : il considère deux triangles abc et def, tels que les côtés ab, ac, de et df soient égaux entre eux.

Lorsque l’angle en a est égal à l’angle en d, la base bc est égale à la base ef, et lorsque l’angle en a est plus grand (respectivement plus petit) que l’angle en d, la base bc est plus grande (respectivement plus petite) que la base ef. Toutefois, on ne peut pas en déduire que les angles en a et b sont proportionnels aux bases bc et ef 101. De la même manière, le parallélisme entre la comparaison des rapports et la comparaison de dénomination n’implique pas nécessairement la proportionnalité des rapports et des dénominations. Notons pour finir qu’au chapitre 9 Pedro Nuñez fait le lien entre composition des rapports rationnels et multiplication des dénominations. Il explique alors que c’est un moyen simple de procéder102.

101. Porque tomaremos dos triangulos abc, y def cuyos lados ab, ac, de y ef [à corriger en df] sean entre si yguales, y tratando de las bases bc y ef no valdra el argumento diziendo assi, si el angulo a fuere ygual al angulo d sera la base bc ygual a la base ef y si fuere mayor, la base sera mayor, y si fuere menor, la base sera menor : luego la proporcion del angulo a para el angulo d sera como de la base bc para la base ef. Porque puesto que sea demonstrado por Euclides, que en esto dos triangulos, quando los angulos a y d fueren yguales, las bases bc y ef seran eguales, y quando el angulo a fuere mayor que el angulo d la base bc sera mayor que la base ef y quando el angulo a fuere menor que el angulo d la base bc sera menor que la base ef. La proporcion pero del angulo a para el angulo d quando fueren desyguales, siempre fera mayor que la proporcion de la base bc para la base ef como auemos demonstrado en el libro que compusimos, y diuulgamos de los yerros de Oroncio (Nuñez, Algebra, fos 81v-82r). 102. Y por noticia delos denominadores podremos en las proporciones racionales hazer la composicion muy facilmente, multiplicando denominador por denominador (Nuñez, Algebra, fo 85r). Nicole Oresme expliquait lui aussi que c’était un bon procédé (voir plus haut, notre chapitre IV, p. 91, n. 22).

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Dénomination et statut du rapport Nous terminons ce chapitre par quelques considérations sur le statut du rapport chez Blaise de Parme et Alvarus Thomas. Nous avons vu que dans la première version de ses Questions sur le traité des rapports, Blaise de Parme considère que le rapport rationnel se comporte comme une quantité et qu’il identifie implicitement ce rapport à sa dénomination103. Dans la seconde rédaction de ces Questions, Blaise revient sur la notion de dénomination qui donne lieu à une réflexion intéressante sur le statut du rapport. Alvarus Thomas s’interroge lui aussi sur le mode d’existence du rapport dans le cadre de la logique médiévale. Statut du rapport dans la seconde rédaction des Questions sur le traité des rapports de Blaise de Parme La dénomination apparaît une première fois à la question 3 de la seconde rédaction des Questions sur le traité des rapports de Blaise, dans laquelle il est demandé si un rapport irrationnel peut être trouvé dans les nombres. À propos du rapport rationnel, Blaise explique que l’on obtient sa dénomination en divisant l’un des termes du rapport par l’autre. Il en donne la raison suivante : « Et la raison de cette règle est que ce qui résulte [de la division] te dit combien de fois la plus petite quantité est contenue dans la plus grande. Or une quantité est autant de fois contenue dans une autre qu’est la dénomination du rapport »104.

On retrouve ici l’idée que la dénomination permet d’exprimer la manière dont un terme du rapport est contenu dans l’autre. Blaise revient sur la notion de dénomination à la question 5 dans laquelle il est demandé si tous les rapports dont les dénominations sont égales sont égaux entre eux. Dans l’article II, il explique que, du fait que les rapports sont susceptibles d’être comparés entre eux grâce à leurs dénominations, ils peuvent être considérés comme des quantités ; en effet, le propre d’une quantité est de pouvoir être dite plus grande ou plus petite qu’une autre : « Première conclusion : tout rapport est une certaine quantité ou a le caractère d’une quantité105. Cela est clair puisque tout rapport a une dénomination selon laquelle il est dit rapport d’égalité ou d’inégalité, et par conséquent selon

103. Voir plus haut, p. 122. 104. Et ratio huius regule est quia illud quod exit, dicit tibi quotiens continetur minor quantitas in maiori. Modo quanta est aliqua quantitas ad aliquam aliam, tanta est denominatio proportionis (Blaise, Questiones circa tractatum proportionum, p. 70). 105. C’est-à-dire qu’il peut être considéré comme une quantité.

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laquelle ce rapport est dit être égal ou inégal à un autre. Et puisque cela est propre à la quantité, alors tout rapport sera une certaine quantité »106.

Blaise s’interroge ici sur le statut du rapport. Nous avons vu que la comparaison des dénominations des rapports permet la comparaison des rapports eux-mêmes ; on peut dire que des rapports sont égaux ou qu’un rapport est plus grand ou plus petit qu’un autre rapport en comparant leurs dénominations. Or, selon Blaise, l’égalité et l’inégalité sont le propre de la quantité. Par conséquent, il peut sembler légitime de considérer le rapport comme une quantité. Bien plus, puisque nous avons vu que les dénominations permettent de déterminer les rapports rationnels, qu’elles permettent de les comparer et aussi de définir sur eux des opérations, on pourrait être tenté d’identifier le rapport rationnel à sa dénomination. Mais ce n’est pas ce que fait Blaise ici. S’il admet que les rapports se comportent comme des quantités du fait qu’ils peuvent être comparés entre eux, il n’oublie pas que les rapports sont des relations. Ainsi, Blaise ajoute aussitôt après la citation donnée précédemment que : « si on demande ce que c’est que le rapport, on répond qu’il s’agit d’une relation entre des quantités »107. Il nous faut donc comprendre en quel sens le rapport peut être considéré comme une quantité et quel est précisément le rôle de la dénomination dans cette histoire. Pour cela, il faut nous reporter à la question 2 intitulée « Par conséquent, deuxièmement, est-ce que le rapport proprement dit est la relation mutuelle entre deux quantités, l’une relativement à l’autre ? ». Dans cette question, Blaise s’interroge une première fois sur le statut du rapport. Il explique que « le rapport est les choses rapportées entre elles et il n’est pas une autre chose, ni d’autres choses »108, c’est-à-dire que le rapport n’a pas d’existence propre en dehors des choses qui sont mises en rapport. En d’autres termes, le rapport de 2 à 1 n’est rien d’autre que les nombres 2 et 1, ou encore le rapport d’égalité entre un âne et lui-même n’est rien d’autre que l’âne lui-même (c’est un exemple donné par Blaise109). Blaise réduit ici la relation aux termes mis en relation ; il refuse à la relation un statut de chose indépendante des termes110. Blaise en tire immédiatement une conséquence, qui est paradoxale aux 106. Prima conclusio : omnis proportio est quedam quantitas vel habet rationem quantitatis. Patet quia omnis proportio habet denominationem secundum quam dicitur proportio equalitatis vel inequalitatis, et per consequens secundum quam ista proportio dicitur esse equalis vel inequalis alteri. Et quia hoc est proprium quantitati, ideo omnis proportio erit quedam quantitas (Blaise, Questiones circa tractatum proportionum, p. 91). 107. Unde si dicatur quid est proportio, dicitur quod est duarum quantitatum invicem habitudo (Blaise, Questiones circa tractatum proportionum, p. 91). 108. [...] proportio est res invicem proportionate nec est aliud nec alia (Blaise, Questiones circa tractatum proportionum, p. 63). 109. Voir plus loin la citation de la p. 139. 110. À propos du statut de la relation chez Blaise de Parme, voir Joël Biard, « Mathématiques et philosophie dans les Questions de Blaise de Parme sur le Traité des rapports de Thomas Bradwardine », Revue d’histoire des sciences 56/2 (2003), p. 383-400, en particulier p. 390-396.

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yeux d’un mathématicien, à savoir que le rapport de plus grande inégalité et le rapport de plus petite inégalité correspondant sont la même chose111. En effet, le rapport double et le rapport sous-double ne sont pas autre chose que les nombres 2 et 1. Blaise défend ici une position opposée à celle de Thomas Bradwardine. Si celui-ci ne dit rien à propos du statut du rapport dans son Traité sur les rapports, il en dit quelques mots dans sa Géométrie spéculative. Après avoir démontré que les rapports dont les dénominations sont égales sont égaux, il ajoute : « De cela on peut tirer un argument pour démontrer que la relation est une chose distincte des choses mises en relation, puisque, si une ligne A est plus grande qu’une ligne B, les quantités seront inégales, alors que les rapports de ces quantités à leurs moitiés sont égaux »112.

De l’inégalité des grandeurs on ne déduit pas nécessairement l’inégalité des rapports, ce qui fait dire à Thomas Bradwardine que la relation est une chose distincte de ses termes. En effet, les rapports de A à A/2 et de B à B/2 sont égaux, puisque tous les deux valent le rapport double. Or les termes de ces rapports sont, d’une part, A et A/2 et, d’autre part, B et B/2. Mais A et B sont inégaux, donc ces termes sont différents. Ainsi les rapports sont distincts de leurs termes. Mais revenons à la question 5 de Blaise. À la suite de la conclusion selon laquelle le rapport serait une quantité, Blaise propose une objection : le rapport ne peut pas être une quantité, puisqu’il n’a pas de longueur, de largeur et de profondeur113. Blaise accepte cette objection, mais il souligne qu’elle prouve seulement que le rapport n’est pas une quantité continue114. On peut alors se demander si c’est une quantité discrète, du fait que le rapport est dénommé par un nombre. Mais on peut objecter que le rapport n’est ni pair, ni impair115. Blaise reprend à ce stade une distinction, qu’il a introduite plus haut, entre deux manières de considérer le rapport : « Je note quatrièmement qu’au sujet du rapport on s’exprime de deux manières. Premièrement, on peut parler du rapport comme des choses comparées entre 111. Secunda conclusio corollaria : eadem res est proportio maioris inequalitatis et proportio minoris inequalitatis (Blaise, Questiones circa tractatum proportionum, p. 64). 112. Ex isto potest sumi argumentum ad probandum quod relatio sit res distincta a rebus relatis, quoniam, si linea A esset maior linea B, quantitates erunt inequales, proportiones tamen sunt equales illarum ad suas medietates [...] (Bradwardine, Geometria speculativa, p. 96 et 98). 113. nulla proportio dicitur longa, lata vel profunda, ergo nulla proportio est quantitas (Blaise, Questiones circa tractatum proportionum, p. 91). 114. Sed forte dices quod illud argumentum probat proportionem non esse quantitatem continuam. Et hoc est verum (Blaise, Questiones circa tractatum proportionum, p. 91). 115. ymmo omnis proportio est quantitas discreta, postquam, ut dictum est, omnis proportio denominatur ab aliquo numero immediate vel mediate. Contra hanc responsionem arguitur sic : nulla proportio est numerus par nec aliqua est numerus impar, ergo nulla proportio est quantitas discreta (Ibid. p. 91-92).

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elles. Deuxièmement, on peut parler du rapport comme des choses comparées selon la raison selon laquelle elles sont dites égales ou inégales en extension ou en perfection etc »116.

Dans les deux cas, le rapport n’est rien d’autre que les choses qui sont comparées entre elles, comme nous avons pu le voir dans la question 2. Mais dans le premier cas, on s’arrête à cette seule considération, alors que, dans le second cas, on envisage ce que Blaise appellera plus loin la raison formelle du rapport, à savoir le point de vue conceptuel selon lequel on considère la manière dont les choses sont rapportées les unes aux autres (ici, selon qu’elles sont égales ou inégales)117. Considéré ainsi, le rapport peut être étudié pour lui-même, et c’est ce que fait le mathématicien qui le manipule et le compare (ainsi, du point de vue du mathématicien, le rapport double est bien différent du rapport sous-double). Et en tenant compte de cette raison formelle, on peut considérer le rapport comme une quantité, car dans la comparaison des choses mises en rapport ce qui est en jeu est la quantité de l’une en relation à l’autre : « À cet argument on doit répondre118 en soulignant ce qui a été dit dans la question, à savoir que le rapport peut être considéré de deux manières. Première manière : le rapport est les choses rapportées l’une à l’autre, en ne connotant rien d’autre, et ainsi on doit concéder qu’un certain rapport est une ligne ou plusieurs, et qu’un certain rapport est un corps ou plusieurs, comme le rapport d’une grandeur de deux pieds à une grandeur d’un pied est un rapport double. Semblablement, un certain rapport est un nombre ou quelque unité. Et semblablement, un certain rapport est un âne ou plusieurs, puisque n’importe quelle chose est comparable à elle-même. Le rapport peut être considéré d’une autre manière, selon sa raison formelle. Et ainsi, en parlant au sens propre, on dit que le rapport n’est pas une quantité mais a le caractère d’une quantité. Et cela revient à dire que sa raison formelle est expliquée par les termes de la catégorie de la quantité et non autrement. Et ainsi la solution à l’argument est claire »119.

116. Noto quarto quod de proportione potest esse duplex sermo. Uno modo potest esse sermo de proportione tamquam de rebus invicem comparatis. Alio modo potest esse sermo de proportione tamquam de rebus comparatis secundum rationem secundum quam dicuntur equales vel inequales in extensione vel perfectione, et sic de aliis (Blaise, Questiones circa tractatum proportionum, p. 90). 117. Voir Joël Biard, « Mathématiques et philosophie dans les Questions de Blaise de Parme ... », p. 396. 118. Blaise répond ici à l’argument évoqué plus haut selon lequel le rapport ne peut pas être une quantité continue puisqu’il n’a ni largeur, ni longueur, ni profondeur, et qu’il n’est pas non plus un nombre puisqu’il n’est ni pair, ni impair. 119. Ad hec argumenta respondendum est notando illud quod fuit dictum in questione, ut quod proportio potest considerari dupliciter. Uno modo ut proportio est res invicem proportionate non aliud conotando, et sic concedendum est quod aliqua proportio est linea una vel plures, et aliqua proportio est corpus unum vel plura, sicut est proportio dupla bipedalis ad pedale. Similiter aliqua proportio est numerus et aliqua unitas. Et similiter aliqua proportio est asinus unus vel plures, cum quelibet res sit comparabilis sibi ipsi. Alio modo potest considerari proportio secundum eius formalem rationem. Et sic loquendo proprie, dico quod proportio non est quantitas sed habet rationem quantitatis. Et hoc est dicere quod ratio eius formalis explicatur per terminos de predicamento quantitatis et non aliter. Et sic patet solutio ad argumenta (Blaise, Questiones circa tractatum proportionum, p. 92).

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

Ainsi, il ne s’agit pas pour Blaise d’identifier ici le rapport rationnel à sa dénomination, comme il est tenté de le faire par ailleurs, car cela reviendrait à identifier une relation à un nombre entier ou fractionnaire. Mais la dénomination permet de mettre en évidence que la raison formelle du rapport est liée à la quantité, puisque c’est selon la quantité que les choses sont rapportées entre elles. C’est donc par l’intermédiaire de sa raison formelle que le rapport peut être considéré comme une quantité. Statut du rapport dans le Livre sur les trois mouvements d’Alvarus Thomas On trouve des considérations analogues sur le statut du rapport dans le Livre sur les trois mouvements d’Alvarus Thomas, même s’il n’y est pas fait référence à la dénomination. Après avoir rappelé que le rapport est une certaine relation entre deux nombres ou deux quantités, Alvarus Thomas dit : « Le rapport est en effet un terme collectif qui suppose pour deux choses, significativement en tant qu’elles sont quantifiées, ou pour plusieurs, en connotant qu’elles sont égales ou que l’une dépasse l’autre par quelque excès »120.

Reprenant ici le vocabulaire de la logique médiévale, Alvarus Thomas explique que le rapport est un terme collectif, c’est-à-dire qu’il suppose pour deux ou plusieurs choses ou qu’il s’y réfère, ces choses étant considérées selon le point de vue de la quantification (par exemple, deux lignes peuvent être mises en rapport quant à leur longueur, ou deux fourmis quant à leur perfection). Et le terme rapport connote le fait que ces choses sont égales ou inégales (on retrouve ici l’équivalent de la raison formelle du rapport selon Blaise). Alvarus Thomas ajoute : « Donc cette conséquence n’est en rien valide : ‘ce rapport est un rapport, donc c’est un étant’, puisque, si l’on montre une chose d’un pied et une chose de deux pieds ne formant pas une seule chose, il est vrai de dire à leur sujet qu’elles ont quelque rapport, précisément le rapport double, et cependant ces deux choses ne sont pas un seul étant »121.

Comme Blaise, Alvarus Thomas considère que le rapport n’est pas un étant indépendant des deux choses mises en rapport : il n’est rien d’autre que ces deux choses. Comme Blaise, il remarque alors que le rapport de plus grande inégalité et le rapport de plus petite inégalité se réfèrent aux deux mêmes nom120. Proportio enim est terminus collectivus pro duabus rebus et signanter quantis vel pro pluribus supponens, connotando ipsas esse equales vel unam alteram aliquo excessu excedere (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo a2rb). Citation donnée par Edith D. Sylla dans « Mathematics in the Liber de Triplici Motu... », p. 124. 121. Unde iste consequentia nihil valet : hec proportio est una proportio, ergo est unum ens, quia demonstrato pedali et bipedali non constituentibus unum de illis est verum dicere quod sunt aliqua proportio dupla et tamen illa duo non sunt unum ens (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo a2rb). Voir Edith D. Sylla, « Mathematics in the Liber de Triplici Motu... », p. 124-125.

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bres ou quantités. Toutefois, il précise aussitôt qu’ils ne connotent pas la même chose, puisque l’un connote que l’antécédent du rapport est plus grand que le conséquent, alors que l’autre connote l’inverse : « De là il s’ensuit que ces deux termes ‘rapport de plus grande inégalité’ et ‘rapport de plus petite inégalité’ supposent pour les mêmes choses. Cependant, le rapport de plus grande inégalité connote le fait que le plus grand nombre excède le plus petit, alors que le rapport de plus petite inégalité connote le fait que le plus petit nombre ou la plus petite quantité est excédé par le plus grand »122.

Alvarus Thomas propose même une autre manière de distinguer le rapport de plus grande inégalité du rapport de plus petite inégalité : « Cependant, parfois, le rapport de plus grande inégalité n’est pas pris pour l’ensemble des nombres ayant le rapport d’inégalité, mais pour le plus grand nombre, et le rapport de plus petite inégalité pour le plus petit nombre. Et en ce sens les termes ne sont pas équivalents. En effet, le rapport étant pris de cette manière, que 8 soit par exemple comparé à 4, 8 est le rapport de plus grande inégalité et 4 celui de plus petite inégalité »123.

Le texte d’Alvarus Thomas, pris à la lettre, suggère que les rapports ne se réfèrent pas aux deux termes mis en relation, mais que le rapport de plus grande inégalité ne réfère uniquement au plus grand de ces termes et le rapport de plus petite inégalité au plus petit de ces termes. Cette position n’est pas tenable ; on n’aurait aucun moyen de distinguer, par exemple, le rapport de plus grande inégalité entre 4 et 2 du rapport de plus grande inégalité entre 4 et 3, puisque l’un et l’autre se réfèreraient au même nombre 4. Une manière de sauver ce texte pourrait être de dire que les rapports se réfèrent bien aux deux termes mis en relation, mais que, lorsque l’on considère les rapports de plus grande inégalité et les rapports de plus petite inégalité, l’accent est mis sur l’un des deux termes. Ainsi le rapport de plus grande inégalité entre 3 et 2 se réfère aux nombres 3 et 2, mais connote de manière seconde le nombre 3.

122. Ex quo sequitur quod pro eisdem supponunt isti duo termini proportio maioris inequalitatis et proportio minoris inequalitatis. Connotat tamen iste terminus proportio maioris inequalitatis quod numerus maior excedat minorem, iste vero terminus proportio minoris inequalitatis connotat quod numerus (corr. numero) minor sive quantitas (corr. quantitatis) minor exceditur a maiore (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo a2rb). Edith Sylla ne commente pas cette partie du texte, ni la suivante, dans l’article cité. 123. Quandoque tamen proportio maioris inequalitatis non capitur pro aggregato ex numeris proportionem habentibus inequalitatis, sed pro maiore numero, proportio vero minoris inequalitatis pro minore. Et isto modo non sunt termini convertibiles. Nam isto modo capiendo scilicet 8 comparentur ad 4, 8 sunt proportio maioris inequalitatis et 4 minoris inequalitatis (Alvarus Thomas, Liber de triplici motu, fo a2rb).

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

Conclusion De l’ensemble des textes que nous avons étudiés se dégagent deux théories des rapports, basées sur deux conceptions différentes de la composition des rapports. L’une, qui convient à l’ensemble des rapports, rationnels et irrationnels, est développée par Nicole Oresme qui, comme nous l’avons vu, en donne les fondements et les développements mathématiques à peine esquissés par Thomas Bradwardine. La composition des rapports, considérée comme une addition, est au cœur de cette théorie. La seconde théorie a une portée plus restreinte ; elle ne s’applique qu’aux rapports rationnels. À ceux-ci sont associés leurs dénominations, qui sont des nombres entiers ou fractionnaires, et les opérations sur les rapports sont définies à l’aide des opérations sur leurs dénominations. Cette construction tend à identifier le rapport à sa dénomination et à considérer finalement le rapport comme une quantité. Blaise de Parme connaît les deux théories dont il rend compte dans les deux versions de ses Questions sur le traité des rapports, tout en privilégiant la seconde. On doit rappeler ici que, si dans la première version de ses Questions Blaise accepte la règle du mouvement de Bradwardine, à laquelle il apporte seulement quelques restrictions, dans la seconde version il la rejette124. Alors que Thomas Bradwardine explique que le rapport entre les rapidités de deux mouvements est comme le rapport entre les rapports des puissances aux résistances, Blaise demande que le rapport entre les rapidités soit le rapport entre les dénominations des rapports des puissances aux résistances. Il remplace donc le rapport de rapports par le rapport des dénominations. Les critiques qu’adresse Blaise à l’encontre de la construction oresmienne des rapports de rapports doivent être replacées dans ce contexte. Il ne s’agit pas d’une incompréhension de la théorie bradwardinienne et oresmienne de la part de Blaise ; celui-ci veut saper les fondements mathématiques de la règle du mouvement de Thomas Bradwardine qu’il rejette par ailleurs avec des arguments physiques. Volumnius Rodulphus reprend et développe des arguments qui ont été avancés par Blaise de Parme à l’encontre de la théorie des rapports de rapports (même s’il ne cite pas Blaise). On peut souligner l’usage qu’il fait des autorités pour appuyer sa critique. Mais contrairement à Blaise qui fait preuve d’une bonne connaissance de cette théorie, Volumnius ne semble pas en comprendre la portée et en ignore les enjeux. Ainsi, le contexte de la question du mouvement est passé sous silence alors qu’elle a une place très importante dans les questions de Blaise. Pedro Nuñez, quant à lui, propose une théorie des rapports semblable à celle de Nicole Oresme. Toutefois, il n’est pas insensible aux critiques qui ont été formulées à son encontre et y répond de manière originale. 124. Voir Sabine Rommevaux, « Les règles du mouvement de Blaise de Parme », in Joël Biard & Sabine Rommevaux (eds.), Mathématiques et Théorie du mouvement..., p. 31-57.

CHAPITRE VI

LE CALCUL SUR LES RAPPORTS

Nicole Oresme, dans un traité intitulé Algorithme des rapports, fait du rapport un objet de calcul. Il propose une notation de certains rapports et il explique comment effectuer l’addition et la soustraction de ces rapports. Par ailleurs, il présente une série de problèmes illustrant ces opérations. Si ce traité a sans doute été moins diffusé que le traité Sur les rapports de rapports, on peut toutefois montrer que Blaise de Parme en a eu connaissance, au moins de sa première partie qui concerne les opérations sur les rapports. L’Algorithme des rapports de Nicole Oresme L’Algorithme des rapports1 s’ouvre sur un prologue dans lequel Nicole Oresme dédie son traité à l’évêque de Meaux, Philippe de Vitry (Reverende Presul Meldensis Philippe)2. Ceci indique que ce traité a été composé entre 1351 et 1361, période durant laquelle Philippe de Vitry fut évêque de Meaux3. 1. L’Algorismus proportionum a été édité une première fois, en entier, à partir d’un seul manuscrit, par Maxilian Curtze, dans Der Algorismus proportionum des Nicolaus Oresme ; zum ersten Male nach der Lesart der Handschrift R.4°.2. der königlichen Gymnasialbibliothek zu Thorn, Berlin, Calvary, 1868. La première partie de ce traité ainsi que le prologue ont été édités à partir de treize manuscrits par Edward Grant, dans The Mathematical Theory of Proportionality of Nicole Oresme, Ph. D. Diss., The University of Wisconsin, 1957, pp. 331-339. Edward Grant propose une traduction anglaise commentée de son édition dans « Part I of Nicole Oresme’s Algorithmus proportionum », Isis 56 (1965), p. 335-341, reprise avec des commentaires allégés dans Edward Grant, A Source Book in Medieval Science, Cambridge (Mass.), The Harvard University Press, 1974, p. 150-157. On trouve par ailleurs une analyse partielle de la première partie par Max Lejbowicz, « Nicole Oresme dans la lumière de l’urbanité », in Paul J. J. M. Bakker (ed.), Chemins de la pensée médiévale. Études offertes à Zénon Kaluza, Turnhout, Brepols, 2002, p. 675-708. Nous proposons en annexe une édition critique de l’ensemble du traité ainsi qu’une traduction française. Nous ferons référence ici à cette édition et cette traduction. 2. Voir annexe, p. 176. 3. Voir le commentaire d’Edward Grant dans Nicole Oresme, De proportionibus proportionum, p. 12.

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

La chronologie des œuvres de Nicole Oresme n’est pas certaine, mais il est très probable que l’Algorithme des rapports a été écrit après le traité Sur les rapports de rapports4. On peut noter en particulier que dans l’Algorithme des rapports la notion de partie d’un rapport est présupposée. Dans le traité Sur les rapports de rapports, Nicole Oresme montre que les rapports peuvent être considérés comme des quantités sur lesquelles il définit deux opérations qu’il nomme addition et soustraction. Dans l’Algorithme des rapports, il revient sur ces opérations en montrant comment on les manie et quelles applications on peut en tirer pour la résolution de problèmes. Le titre du traité, Algorithme des rapports, fait référence à un type d’écrits, les Algorithmes, qui apparaissent dès le XIIIe siècle, parallèlement aux traités d’abaque5. Contrairement à ces derniers, les Algorithmes sont de courts traités. Ils sont généralement composés de trois parties : sont présentées dans une première partie les notations des nombres, puis dans une seconde partie les différentes opérations sur les nombres – addition, soustraction, multiplication, division, division par deux, duplication – et dans une troisième partie l’extraction des racines carrées et cubiques. Les descriptions des différentes règles sont courtes, éventuellement accompagnées de quelques exemples numériques. Mais, contrairement aux traités d’abaque, on ne trouve pas dans les Algorithmes d’exemples d’applications de ces règles à la résolution de problèmes. Si initialement les Algorithmes concernent les nombres entiers, on trouve aussi de tels traités consacrés aux fractions décimales et sexagésimales. Le traité de Nicole Oresme se compose de trois parties. L’Algorithme des rapports est en fait le titre de la première partie6. On y trouve tout d’abord une description de la manière dont on peut écrire les rapports rationnels de plus grande inégalité et les rapports irrationnels qui sont une partie ou des parties de ces rapports. Suivent des règles concernant les opérations sur ces rapports, qui ici sont au nombre de deux : l’addition et la soustraction. Dans les deuxième et troisième parties, Nicole Oresme présente des applications directes du calcul sur les rapports, principalement en géométrie. Notations des rapports Les historiens ont porté une attention toute particulière à la première partie du traité oresmien dans laquelle ils ont cru reconnaître la première notation des

4. Voir Edward Grant, Nicole Oresme and the Kinematics of Circular Motion, « Tractatus de commensurabilitate vel incommensurabilitate motuum celi », Madison - Milwaukee - London, The University of Wisconsin Press, 1971, p. 1-5. 5. Voir Warren Van Egmond, « How Algebra Came to France », in Cynthia Hay (ed.), Mathematics from Manuscript to Print 1300-1600, Oxford, Clarendon Press, 1988, p. 128-144 ; en particulier p. 134. 6. Dans la plupart des manuscrits cette première partie s’achève sur ces mots : explicit algorismus proportionum.

LE CALCUL SUR LES RAPPORTS

145

puissances fractionnaires de nombres fractionnés7. Nous avons déjà montré qu’il n’est nullement question de puissances fractionnaires dans les traités de Nicole Oresme mais de rapports irrationnels présentés comme parties de rapports rationnels. Ceci étant, il n’est sans doute pas inutile de revenir ici sur cette première partie afin de mesurer la portée réelle des notations qui y sont introduites. Le traité commence donc par la mise en place de notations, dans un premier temps pour les fractions et dans un second temps pour les rapports de plus 1 grande inégalité. Ainsi, Nicole Oresme explique qu’une moitié s’écrit --- , 2

1 2 qu’un tiers se note --- et deux tiers, --- , etc8. Il rappelle alors que « le nombre 3

3

qui est au dessus de la barre est appelé le numérateur, et celui qui est sous la barre est appelé le dénominateur »9. Cette manière de noter les fractions n’est pas propre à Nicole Oresme. Elle est ainsi régulièrement utilisée dans les œuvres de Léonard de Pise, mais semble plus rare dans les ouvrages du XIVe siècle10. Les notations des rapports varient selon les manuscrits11. Pour le rapport double, on trouve 2la, 2pla ou encore 2p ; pour le rapport triple 3la, 3pla ou 3p. Il est important de souligner que des variations peuvent intervenir à l’intérieur d’un même manuscrit : ainsi le manuscrit de Paris (bibliothèque nationale, lat. 7368, noté S) demande que l’on écrive le rapport double 2la et le rapport triple 3p. Il semble qu’il y ait ici une confusion, de la part des copistes, entre notation et abréviation. Une expression ne peut jouer le rôle de notation que si elle ne varie pas au cours du texte. Par contre, comme chacun sait, les scribes du Moyen Âge utilisent des abréviations, plus ou moins standardisées, pour les mots usuels ou certaines terminaisons grammaticales, et ces abréviations varient souvent dans un même texte. Ainsi, à la place des termes dupla ou tripla on trouve couramment les abréviations 2la ou 2pla et 3la ou 3pla dans les manuscrits des XIVe et XVe siècles, que ce soit dans un contexte mathématique ou non. Par contre, les notations 2p et 3p ne correspondent à aucune abrévia-

7. Ainsi, l’Algorithme des rapports de Nicole Oresme fait l’objet d’un chapitre dans Florian Cajori, A History of Mathematical Notations, New-York, Dover 1993 (1re éd. : 1928-1929), t. 1, p. 91-93. F. Cajori note alors : He was the first to conceive the notion of fractional powers which was afterward rediscovered by Stevin. More than this he suggested a notation for fractionnal powers. Et Edward Grant note : The importance of the first part of Nicole Oresme’s Algorimus proportionum (Algorism of Ratios) has long been recognized and appreciated. Thus far it stands as the first known systematic attempt to present operational rules for multiplication and division (called addition and substraction by Oresme) of ratios involving integral and fractionnal exponents (E. Grant, « Part I of Nicole Oresme’s Algorismus proportionum », p. 327). 8. Dans le manuscrit de Thorn utilisé par M. Curtze, ces fractions sont entourées d’un cadre. 9. Annexe, p. 176-177 et p. 261. 10. Voir F. Cajori, op. cit., p. 310. 11. Voir ce que dit à ce sujet Edward Grant dans son article, « Part I of Nicole Oresme’s Algorismus proportionum », n. 6, p. 329. Voir aussi l’apparat critique de notre édition.

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

tion usuelle, mais il semble bien qu’elles soient pensées comme telles par les copistes. Les notations des rapports rationnels non multiples varient elles aussi selon 1 p1 les manuscrits. Ainsi, on trouve les notations 1p --- ou --- --- (avec ou sans bar2

12

res de fraction) pour le rapport sesquialtère (entre 3 et 2). Cette écriture met en évidence la dénomination du rapport qui, rappelons-le, est 1+1/2. De même, le 1 p1 rapport sesquitièrce (entre 4 à 3) est noté 1p --- ou --- --- . Ainsi les rapports 3

13

1 p1 superparticuliers, de dénominations 1+1/n, sont notés 1p --- ou --- --- 12. C’est n

1n

sur le même principe que sont notés les rapports superpartients, de dénomina2 tions 1+m/n. Ainsi, le rapport entre 5 à 3, de dénomination 1+2/3, s’écrit 1p --3

p2 ou --- --- ; Nicole Oresme le nomme superpartient deux tiers. 13

Pour les rapports multiples superpartients ou multiples superparticuliers, de dénominations k+m/n, on retrouve le même problème que pour les rapports m pm multiples. Selon les manuscrits ils s’écrivent, en effet, kp ---- ou --- ---- , mais n

k n

m aussi parfois kla ---- 13. Oresme donne l’exemple du rapport double superparn

3 p3 3 tient trois quarts qui est noté 2p --- , --- --- ou 2la --- selon les manuscrits. 4 24

4

C’est d’après un principe analogue que sont notés certains rapports irration1 1p nels. Ainsi le rapport appelé « moitié du rapport double » s’écrit --- 2p ou --- --- , 2

22

1 mais aussi parfois --- 2pla. De même le rapport irrationnel qui est la quatrième 2

1 1 1p1 partie du rapport double sesquialtère s’écrit --- 2p --- ou --- --- --- , ou encore

4 2 422 1--- la 1--2 . On peut ainsi noter tous les rapports irrationnels qui sont une partie 4 2

ou des parties d’un rapport rationnel, dont il est seulement question dans ce traité, comme le souligne Nicole Oresme14. En l’absence d’un manuscrit autographe de Nicole Oresme, il est bien sûr impossible de savoir quelle était la notation qu’il avait proposée. Il est possible a m qu’il s’agisse de l’écriture --- kp ---- , que l’on retrouve plus ou moins dans tous b

n

les manuscrits, même si ce n’est pas de manière systématique, comme nous l’avons vu. Il semble en tout cas que les scribes n’aient pas été sensibles à la portée symbolique de cette notation que l’on peut facilement généraliser à tous les rapports rationnels ou les rapports irrationnels qui sont une partie ou des 12. Cette notation générale n’existe pas dans le texte de Nicole Oresme : il ne donne que des exemples. 13. Même remarque que dans la note précédente. 14. Annexe, p. 178 et p. 261.

LE CALCUL SUR LES RAPPORTS

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parties d’un rapport rationnel. Ils y ont plutôt vu un nouveau type d’abréviation, qu’ils mélangent aux abréviations usuelles. On doit enfin souligner que, si ces notations ont été reprises par des lecteurs de Nicole Oresme, nous n’en avons pas trouvé la trace. Ainsi, on ne les trouve pas dans les Questions de Blaise de Parme, comme nous le verrons plus loin. Opérations sur les rapports Nous avons vu comment Nicole Oresme, dans son traité Sur les rapports de rapports, définit l’addition et la soustraction, ou si l’on préfère la composition et la division des rapports, d’une part de plus grande inégalité, et d’autre part de plus petite inégalité15. Dans son Algorithme des rapports, il revient sur ces opérations ; il en propose des définitions différentes, en distinguant le cas des rapports rationnels de celui des rapports irrationnels qui sont une partie ou des parties de rapports rationnels. Ainsi, il explique que pour ajouter un rapport rationnel à un autre rapport rationnel il suffit de multiplier entre eux, d’une part leurs plus grands nombres et d’autre part leurs plus petits nombres ; le rapport entre les produits ainsi obtenus est la somme des rapports initiaux (règle 1)16. Il donne l’exemple du rapport de 4 à 3 ajouté au rapport de 5 à 1 qui donne le rapport de 20 à 317. Pour soustraire, il convient de faire des multiplications croisées : le plus petit terme d’un rapport doit être multiplié par le plus grand terme de l’autre (règle 2)18. Nicole Oresme donne alors l’exemple du rapport de 4 à 3 qui, soustrait du rapport de 3 à 2, donne le rapport de 9 à 819. Nicole Oresme ne précise pas si ces définitions ne concernent que les rapports de plus grande inégalité, comme dans ces exemples, ou tous les rapports rationnels. Toutefois, on note que ces opérations correspondent seulement à l’addition et la soustraction des rapports de plus grande inégalité telles que Nicole Oresme les avait définies dans son traité Sur les rapports de rapports. Par ailleurs, à la fin de la présentation de la soustraction, il précise qu’un rapport A est plus grand qu’un rapport B si le plus grand terme de A multiplié par le plus petit terme de B est plus grand que le plus grand terme de B multiplié par le plus petit terme de A20. Ce critère n’est valable que pour les rapports de plus grande inégalité. Il semble donc que Nicole Oresme ne considère ici que les rapports de plus grande inégalité. Pour les rapports irrationnels, Nicole Oresme a besoin d’établir un lemme. Comme nous l’avons vu, certains rapports irrationnels peuvent être définis

15. 16. 17. 18. 19. 20.

Voir notre chapitre Premier. Annexe, p. 179 et p. 262. (4 : 3)+(5 : 1) = (4.5 : 3.1) = (20 : 3). Annexe, p. 181 et p. 262. (3 : 2)-(4 : 3) = (3.3 : 2.4) = (9 : 8). Annexe, p. 181-182 et p. 262 (a : b) > (c : d) avec a > b et c > d, si a.d > b.c

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comme des parties d’un rapport rationnel, par exemple les deux tiers du rapport quadruple. Oresme explique que l’on peut déterminer un rapport rationnel de sorte qu’un tel rapport irrationnel puisse en être seulement une partie (règle 3)21. En effet, soit B un rapport irrationnel qui est des parties d’un rapport rationnel A. Supposons que ces parties soient de dénominateur d et qu’il y en ait n, c’est-à-dire que B est les n d-ièmes parties de A (B = (n/d)A ou, si l’on adopte une écriture multiplicative, B = An/d). Il suffit de prendre le rapport rationnel C qui est au rapport A dans le rapport multiple de n à 1 (c’est-à-dire que l’on compose A par lui-même n-1 fois ; C = nA ou si l’on préfère C = An) ; alors B sera une partie de C de même dénominateur d (B = (1/d)C ou B = C1/d)22. Ainsi, le rapport irrationnel qui est les deux tiers du rapport quadruple est aussi le tiers du rapport sédécuple (entre 16 et 1). Nicole Oresme explique alors comment trouver la dénomination la plus adéquate (proprissime) d’un rapport irrationnel (règle 4)23. Il divise pour cela les rapports rationnels en deux catégories : les rapports primaires (proportiones rationales primaria) qui ne peuvent pas être divisés en rapports rationnels égaux ; et les rapports secondaires (proportiones rationales secundaria) qui sont divisibles de cette manière. Reprenant un résultat du traité Sur les rapports de rapports, Nicole Oresme explique que les rapports primaires sont ceux entre les plus petits termes desquels on ne peut pas trouver un médian entier proportionnel ni des médians entiers proportionnels24. Il donne l’exemple des rapports double, triple et sesquialtère. Comme exemples de rapports secondaires, il donne le rapport quadruple, divisible en deux rapports doubles, et le rapport nonuple, divisible en deux rapports triples. Prenons maintenant un rapport irrationnel B. S’il est donné comme des parties d’un rapport rationnel A, on le met immédiatement sous la forme d’une partie d’un autre rapport rationnel C, comme on l’a vu précédemment. Si C est primaire, on dit que B est convenablement dénommé. Par exemple, le tiers du rapport sextuple, ou le tiers du rapport double25. Si C est secondaire, posons que B est la d-ième partie de C (B = C1/d) ; d est appelé le dénominateur de B comme nous l’avons vu plus haut. Puisque C est secondaire, il existe un rapport rationnel D qui est une partie de C ; que ce soit la n-ième partie (D = C1/n). Alors, si d et n sont premiers entre eux (Oresme dit incommunicantes), la dénomination de B comme « d-ième partie de C » est correcte. Nicole Oresme donne l’exemple de la moitié du rapport 21. Annexe, p. 182 et p. 263. 22. Dans la suite, afin de rendre les explications plus lisibles par un lecteur moderne, nous utiliserons l’écriture multiplicative, malgré toutes les réserves que nous avons faites à l’égard de cette écriture. 23. Annexe, p. 184 et p. 263. 24. Voir la quatrième conclusion du deuxième chapitre du traité Sur les rapports de rapports ; voir aussi notre chapitre III, p. 37. 25. Annexe, p. 185 et p. 263-264.

LE CALCUL SUR LES RAPPORTS

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octuple. Cette dénomination est convenable car le rapport octuple se divise en trois rapports doubles et que 3 est premier avec le dénominateur 2 du rapport irrationnel. Si maintenant d et n ne sont pas premiers entre eux, on détermine leur plus grande partie commune m ; appelons p le nombre de fois que m est dans n et q le nombre de fois que m est dans d (p.m = n et q.m = d), alors Dp est le rapport rationnel qui dénomme correctement B et dans ce cas B est la q-ième partie de Dp26. Nicole Oresme propose l’exemple du rapport irrationnel qui est les trois quarts du rapport quadruple. On le ramène d’abord à une partie d’un rapport rationnel : c’est le quart du rapport 64-uple. Ce rapport est composé de 6 rapports doubles, et le dénominateur du rapport irrationnel est 4. La plus grande partie commune à 6 et 4 est 2. On doit donc considérer le rapport composé de 6/2 = 3 rapports doubles, soit le rapport octuple, et le dénominateur de la partie du rapport devient 6/3 = 2 ; ainsi le rapport trois quarts du rapport quadruple est correctement dénommé moitié du rapport octuple. En résumé, un rapport irrationnel est convenablement dénommé s’il est considéré comme une partie d’un rapport rationnel, ce rapport rationnel étant le plus petit possible. Tous les rapports irrationnels que l’on considère dorénavant seront dénommés de cette manière. Si l’on souhaite maintenant ajouter un rapport irrationnel B à un rapport rationnel A (règle 5)27, considérons le rapport rationnel C grâce auquel B est convenablement dénommé, et soit d le dénominateur de la partie dans la dénomination de B (B = C1/d) ; on compose A d-1 fois à lui-même, puis à C, et on obtient D (D = Ad•C). Alors la somme (aggregatum) de A et de B est le rapport irrationnel qui est la d-ième partie de D28. Nicole Oresme donne l’exemple de l’addition du rapport sesquialtère (entre 3 et 2) au tiers du rapport double. On compose le rapport sesquialtère deux fois à lui-même et une fois au rapport double et on obtient le rapport sextuple superpartient trois quarts, de 27 à 4. Donc le rapport résultant de l’addition est le tiers de ce rapport, qui, selon les notations introduites par Nicole Oresme, s’écrit 1 p 3 .

3

6

4

Nicole Oresme explique ensuite comment soustraire un rapport irrationnel d’un rapport rationnel ou inversement un rapport rationnel d’un rapport irrationnel. Appelons A le rapport rationnel et B le rapport irrationnel qui est la dième partie d’un rapport rationnel D (D = Bd). On suppose que A est plus grand que B et on veut donc soustraire B de A. On compose le rapport A d-1

26. B = C1/d et D = C1/n avec n = p.m et d = q.m. Donc B = C1/qm = Cp/qn = Dp/q = (Dp)1/q. 27. Annexe, p. 189 et p. 264. 28. A+B = A•C1/d = (Ad•C)1/d = D1/d.

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fois à lui-même et on obtient le rapport C (C = Ad). C est plus grand que D puisque A est plus grand que B ; donc on soustrait D de C en appliquant la règle 2, puisqu’ils sont tous les deux rationnels, et on obtient le rapport F (C = D•F). Le résultat de la soustraction de B à A est la d-ième partie de F29. Nicole Oresme donne alors l’exemple suivant : soustraire le rapport sesquitièrce (de 4 à 3) du rapport moitié du rapport double. Il lui faut composer une fois le rapport sesquitièrce à lui-même et il obtient le rapport de 16 à 9, qui est plus petit que le rapport double. Il retranche le rapport de 16 à 9 du rapport de 2 à 1, en faisant une multiplication croisée comme l’a enseigné la règle 2 ; il obtient le rapport de 18 à 16, ou de 9 à 8, c’est-à-dire le rapport sesquioctave. Donc le résultat de la soustraction du rapport sesquitièrce du rapport moitié du rapport double est le rapport moitié du rapport sesquioctave. Avant d’expliquer l’addition des rapports irrationnels entre eux, Nicole Oresme propose une « règle générale » pour l’addition des parties de n’importe quelles quantités30. Il considère une quantité C qui est la e-ième partie d’une quantité A, et une quantité D qui est la f-ième partie d’une quantité B. Il construit G qui est obtenue à partir de A ajoutée à elle-même f-1 fois et H obtenue à partir de B ajoutée à elle-même e-1 fois. Il explique alors que C est une partie de G dénommée par ef, de même que D est une partie de H dénommée par ef. Il en déduit que la somme de C et D est la partie de la somme de G et H dénommée par ef. De même, la différence entre C et D est la partie de la différence entre G et H dénommée par ef 31. Il applique cette règle aux rapports irrationnels sur un exemple : ajouter la moitié du rapport double au tiers du rapport triple. Ici, on a e = 2 et f = 3. Il doit donc composer le rapport double deux fois à lui-même et il obtient le rapport octuple. Quant au rapport triple, composé une fois à lui-même, il donne le rapport nonuple. Donc d’après ce qui précède, la somme de la moitié du rapport double et du tiers du rapport triple est la sixième partie de la somme du rapport octuple et du rapport nonuple, c’est-à-dire la sixième partie du rapport 72-uple.

29. A = C1/d = (D•F)1/d = (Bd•F)1/d = B•F1/d. 30. Annexe, p. 194 et p. 266. 31. En utilisant un langage moderne, additif, on a : C = (1/e)A et D = (1/f)B, donc C = (1/ ef)fA = (1/ef)G et D = (1/ef)eB = (1/ef)H. Donc C+D = (1/ef)(G+H) et C-D = (1/ef)(G-H). Si l’on utilise maintenant le langage multiplicatif qui correspond à la composition ou l’addition des rapports on a : C = A1/e et D = B1/f, donc C = (Af)1/ef = G1/ef et D = (Be)1/ef = H1/ef. Donc C.D = (G.H)1/ef.

LE CALCUL SUR LES RAPPORTS

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Applications des opérations sur les rapports Ces opérations sont mises en pratique dans les parties II et III du traité afin de résoudre un certain nombre de problèmes, principalement géométriques. Nous en donnons ici un large aperçu car ces parties du traité n’ont, à notre connaissance, jamais été étudiées. La partie II est composée de deux séries de problèmes. Dans une première série, Nicole Oresme présente quatre problèmes de géométrie, dans lesquels il s’agit de déterminer un rapport obtenu par l’addition ou la soustraction de rapports donnés. Dans la seconde série de problèmes il s’agit de déterminer des rapports dont les termes sont des multiples des termes de rapports donnés. Dans le premier exercice de la première série sont donnés deux cubes a et b tels que la base carrée de a soit le double de la base carrée de b32. On cherche alors à déterminer le rapport entre les cubes a et b, c’est-à-dire le rapport entre leurs volumes. On sait, d’après deux propositions des Éléments d’Euclide, que le rapport des cubes est le rapport triplé des côtés et que le rapport des bases est ce même rapport des côtés doublé. On en déduit que le rapport des cubes est le rapport sesquialtéré des bases ou, selon la terminologie des parties d’un rapport, c’est trois demis du rapport des bases33. Puisque le rapport des bases est le rapport double, par hypothèse, il s’agit donc de déterminer trois demis du rapport double, soit d’ajouter le rapport double à sa moitié. La règle 5 de la première partie de l’Algorithme nous a appris à ajouter un rapport irrationnel B à un rapport rationnel A : si C est le rapport rationnel dont B est la d-ième partie, on compose A d-1 fois à lui-même puis à C, la somme est la d-ième partie du rapport ainsi obtenu. Ici, B est le rapport moitié du rapport double et A est le rapport double. Il s’agit donc de composer le rapport double deux fois à lui-même et on obtient le rapport octuple. La somme cherchée est donc la moitié du rapport octuple. Ainsi, le rapport entre les cubes est le rapport moitié du rapport octuple34. Deuxième problème de la première série : soient trois cubes a, b et c tels que a soit le triple de c et la base de a le double de la base de b, on cherche à déterminer, d’une part, les rapports entre les volumes de ces différents cubes et, d’autre part, les rapports entre les surfaces de leurs bases35. D’après le problème précédent, on sait que le rapport de a à b est le rapport moitié du rapport octuple. Par hypothèse, le rapport de a à c est le rapport triple. Le rapport de b à c s’obtient alors en soustrayant le rapport de a à b du rapport de a à c. On applique la règle 8 de la première partie afin de soustraire le rapport moitié du 32. Annexe, p. 202 et p. 268. 33. En termes modernes, appelons Va et Vb les volumes des cubes a et b, Sa et Sb les surfaces de leurs bases et Ca et Cb leurs côtés. On a (Va : Vb) = (Ca : Cb)3 et (Sa : Sb) = (Ca : Cb)2, donc (Va : Vb) = (Sa : Sb)3/2. 34. On a, par hypothèse, (Sa : Sb) = (2 : 1). Donc (Va : Vb) = (2 : 1)3/2 = (8 : 1)1/2. 35. Annexe, p. 203 et p. 268.

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rapport octuple du rapport triple, et on obtient le rapport moitié du rapport sesquioctave pour le rapport du cube b au cube c36. Par ailleurs, le rapport des bases est le rapport sous-sesquialtéré des volumes ou, en d’autres termes, deux tiers du rapport entre les volumes. Donc le rapport entre la base de a et la base de c est deux tiers du rapport triple, soit un tiers du rapport nonuple. Et le rapport de la base de a à la base de b est par hypothèse le rapport double. Donc on obtient le rapport de la base de b à la base de c en soustrayant le rapport double du tiers du rapport nonuple. Ainsi le rapport de la base de b à la base de c est le tiers du rapport sesquioctave37. Les deux autres exemples suivent le même schéma. En introduction à la seconde série de problèmes Nicole Oresme présente une règle générale38 : soient a et b deux quantités telles que a soit plus grande que b ; on suppose que le rapport de a à b est donné. On considère alors d un multiple de a selon le nombre e (d = e.a) et f un multiple de b selon le nombre g (f = g.b). On suppose que le rapport entre e et g est donné. On cherche à déterminer le rapport entre les multiples d et f. Un lecteur moderne écrirait aussitôt : (d : f) = (ae : bg) = (a : b)•(e : g). Mais Nicole Oresme doit distinguer trois cas, selon que e est supérieur à g, que e est égal à g ou que e est plus petit que g, car il n’a défini l’addition ou la composition que pour les rapports de plus grande inégalité. Donc, si e est égal à g, le rapport de d à f est égal au rapport de a à b. Si e est plus grand que g, le rapport de d à f est la somme ou le composé du rapport de a à b et du rapport de e à g. Et enfin, si g est plus grand que e, on doit distinguer, de nouveaux, deux cas : soit le rapport de a à b est égal au rapport de g à e et alors f est égal à d ; soit le rapport de a à b est différent du rapport de g à e et alors on retranche le plus petit du plus grand pour obtenir le rapport entre d et f cherché39. Nicole Oresme applique cette règle à la résolution d’un certain nombre de problèmes. Nous en donnons quelques exemples. Premier problème40 : soient deux cubes a et b tels que la base de a soit le triple de la base de b ; on cherche à déterminer le rapport entre a et 5b. On se trouve donc dans le troisième cas de figure de la règle précédente (g, qui vaut 5, est plus grand que e, qui est égal à 1). On sait que le rapport entre les cubes est trois demis du rapport entre leurs bases, donc le rapport entre a et b est trois demis du rapport triple, soit la moi-

36. Avec les mêmes notations que précédemment, on a (Va : Vb) = (8 : 1)1/2 et (Va : Vc) = (3 : 1). Donc (Vb : Vc) = (Va : Vc)-(Va : Vb) = (Va : Vc)•(Vb : Va) = (3 : 1)•(1 : 8)1/2 = (9 : 1)1/2•(1 : 8)1/2 = (9 : 8)1/2. 37. (Sb : Sc) = (Sa : Sc)-(Sa : Sb) = (9 : 1)1/3•(1 : 2) = (9 : 1)1/3•(1 : 8)1/3 = (9 : 8)1/3. 38. Annexe, p. 214 et p. 272. 39. Dans ce dernier cas, on a : si (a : b) > (g : e) alors (a : b)-(g : e) = (a : b)•(e : g) = (ae : bg) = (d : f) ; si (a : b) < (g : e) alors (g : e)-(a : b) = (g : e)•(b : a) = (gb : ea) = (f : d). 40. Annexe, p. 218 et p. 273.

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tié du rapport de 27 à 1. Et ce dernier rapport est plus grand que le rapport quintuple. Il faut donc soustraire le rapport de 5 à 1 du rapport de a à b soit le rapport quintuple de la moitié du rapport de 27 à 1 et on obtient que le rapport de a à 5b est la moitié du rapport de 27 à 2541. Comme deuxième problème42, Nicole Oresme considère deux dés a et b inégaux tels que la base du plus grand dé a soit le double de la base du plus petit dé b. On lance les dés et on note n le nombre inscrit sur la face supérieure de a et p le nombre inscrit sur la face supérieure de b ; on cherche à déterminer le rapport entre n.a et p.b. Nicole Oresme prend l’exemple suivant : après avoir lancé les dés, le nombre 1 est inscrit sur la face de a et le nombre 3 sur la face de b. On cherche donc à déterminer le rapport entre a et 3b. Comme dans le problème précédent le rapport de a à b est trois demis du rapport entre les bases, soit trois demis du rapport double, c’est-à-dire la moitié du rapport octuple. Ce rapport est plus petit que le rapport triple. On est donc toujours dans le troisième cas de figure de la règle précédente, mais cette fois c’est le rapport de a à b que l’on doit soustraire du rapport de 3 à 1. On obtient alors le rapport de 3b à a qui vaut la moitié du rapport sesquioctave, de 9 à 843. Autre problème44 : soit un cercle c double d’un cercle d (c’est-à-dire que leurs surfaces sont dans un rapport double), on suppose que a se meut sur c et que b se meut sur d de telle sorte que a fait 5 tours dans le temps pendant lequel b fait 7 tours. On cherche à déterminer le rapport entre les rapidités de a et b. On sait que le rapport entre les surfaces des cercles est le rapport doublé de leurs circonférences, donc le rapport entre la circonférence e de c et la circonférence f de d est la moitié du rapport double. Mais le rapport entre les rapidités est égal au rapport entre les distances parcourues, selon une règle du mouvement communément admise à l’époque45. Donc le rapport entre la rapidité de a et la rapidité de b est le rapport entre 5e et 7f. Or le rapport de e à f est égal à la moitié du rapport double, qui est plus grand que le rapport de 7 à 5. On retranche le rapport de 7 à 5 à la moitié du rapport double et on obtient la moitié du rapport de 50 à 49, qui est le rapport 5e à 7f, ou le rapport de la rapidité de a à celle de b46. Venons-en à la partie III. Nicole Oresme propose, dans un premier temps, de déterminer les rapports entre des éléments de figures géométriques élémentaires inscrites dans un cercle, comme le triangle, l’hexagone, le carré, l’octogone, et dans un second temps de déterminer les rapports entre les éléments de soli-

41. (a : 5b) = (a : b)-(5 : 1) = (27 : 1)1/2•(1 : 5) = (27 : 25)1/2. 42. Annexe, p. 219 et p. 274. 43. (3b : a) = (3 : 1)-(a : b) = (3 : 1)•(1 : 8)1/2 = (9 : 8)1/2. 44. Annexe, p. 222 et p. 274. 45. Cette règle se trouve en particulier dans le Traité sur les rapports de Thomas Bradwardine (Tractatus de proportionibus, p. 130, l. 144-145). 46. (5e : 7f) = (e : f)-(7 : 5) = (2 : 1)1/2•(5 : 7) = (50 : 49)1/2.

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des inscrits dans une sphère, à savoir la pyramide ayant quatre faces triangulaires équilatérales, l’octaèdre (que Nicole Oresme nomme octocedron) et le cube. Pour les figures planes, Nicole Oresme rappelle un certain nombre de résultats qu’il tire, pour la plupart, des Éléments d’Euclide et qu’il nomme des suppositions47. Il considère ainsi un triangle équilatéral abc inscrit dans le cercle de diamètre ae qui divise le côté bc du triangle au point d.

Première supposition : le rapport entre le carré de diamètre ae et le carré de côté ac est le rapport sesquitièrce, de 4 à 3. Il s’agit d’une conséquence immédiate de la proposition 8 du livre XIII des Éléments dans la version de Campanus48, dont Nicole Oresme reprend ici en partie la démonstration : L’angle ace est droit, donc quad(ae) = quad(ac)+quad(ce)49. Or ce est le côté de l’hexagone inscrit dans le cercle, donc ce est la moitié du diamètre du cercle, soit la moitié de ae (Oresme ne le démontre pas), et par conséquent, quad(ae) = 4.quad(ce). En revenant à la première équation, on obtient : 4.quad(ce) = quad(ac)+quad(ce). Donc 3.quad(ce) = quad(ac). Et on a aussi quad(ae) = 4.quad(ce).

47. Dans les traités de philosophie naturelle de cette époque, les suppositiones sont des propositions, démontrées ou non, qui constituent le cadre dans lequel on place la discussion et dont sont tirées les conclusions. Ces suppositions se trouvent dans l’annexe, p. 225-230 et p. 276-278. 48. Proposition XIII. 8 dans la version de Campanus, qui correspond à la proposition 12 dans le texte grec (Campanus, Elements, vol. I, p. 467) : Omnis trianguli equilateri, quod a latere suo quadratum describitur, triplum est quadrato dimidii diametri circuli, a quo triangulus ipse circumscribitur (Pour tout triangle équilatéral, le carré qui est décrit à partir de son côté est le triple du carré de la moitié du diamètre du cercle par lequel le triangle est circonscrit). 49. On note quad(ae) le carré construit sur ae.

LE CALCUL SUR LES RAPPORTS

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Donc quad(ae) = 4/3.quad(ac). Deuxième supposition : le rapport entre le carré construit sur ac et le carré construit sur ad est le rapport sesquitièrce, de 4 à 3. Même type de démonstration que précédemment. Troisième supposition : le carré construit sur ad est le triple du carré construit sur cd. Ce résultat se déduit immédiatement des suppositions précédentes. Quatrième supposition : le rapport entre le carré construit sur ad et le triangle équilatéral est la moitié du rapport triple. En effet, quad(ad) = 3.quad(cd), d’après la supposition 3. Donc le rapport de ad à cd est la moitié du rapport triple. On considère alors le terme df, médian proportionnel entre ad et cd, c’està-dire que (ad : df) = (df : cd). On a (quad(ad) : quad(df)) = (ad : cd), d’après la proposition VI. 17 des Éléments50. Donc le rapport entre quad(ad) et quad(df) est la moitié du rapport triple. Par ailleurs, quad(fg) = ad.cd, d’après la proposition VI. 1651, et ad.cd est la surface du triangle équilatéral abc, donc quad(fg) est la surface du triangle équilatéral. Mais le rapport entre quad(ad) et quad(df) est la moitié du rapport triple, donc le rapport entre quad(ad) et le triangle équilatéral est la moitié du rapport triple. Cinquième supposition : le carré circonscrit est le double du carré inscrit. En effet, le diamètre du carré inscrit est égal au côté du carré circonscrit.

50. Il s’agit en fait du corollaire à la proposition VI. 17 dans la version de Campanus (Campanus, Elements, vol. I, p. 214) : Manifestum etiam ex hoc, quod omnium trium linearum continue proportionalium quanta est prima ad tertiam, tanta erit superficies constituta super primam ad superficiem constitutam super secundam [...] (À partir de là il est aussi clair que pour trois lignes quelconques continûment proportionnelles, autant la première est à la troisième, autant la surface construite sur la première sera à la surface construite sur la deuxième [...]). 51. Proposition VI. 16 dans la version de Campanus (Elements, vol. I, p. 214) : Si fuerint tres linee proportionales, quod sub prima et tertia rectangulum continetur, equum erit ei quod a secunda quadrato describitur (Si on a trois lignes proportionnelles, le rectangle qui est contenu par la première et la troisième sera égal au carré qui est décrit par la deuxième).

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Sixième supposition : le triangle circonscrit est le quadruple du triangle inscrit. En effet, le triangle circonscrit se divise en quatre triangles égaux au triangle inscrit, comme on peut le voir sur la figure.

Nicole Oresme en déduit cinq conclusions concernant les rapports entre les surfaces construites à partir de ces différentes figures52. Conclusion 1 : le rapport entre le carré construit sur le côté d’un triangle équilatéral et le triangle équilatéral est la moitié du rapport de 16 à 3. On reprend les notations de la figure 1 précédente. D’après la supposition 2, le rapport entre le carré construit sur ac et le carré construit sur ad est le rapport sesquitièrce, de 4 à 3. Et d’après la supposition 4, le rapport entre le carré construit sur ad et le triangle équilatéral est la moitié du rapport triple. On ajoute ces deux rapports et on obtient le rapport entre le carré construit sur ac et le triangle qui vaut la moitié du rapport de 16 à 3. Conclusion 2 : le rapport entre le cercle circonscrit et le triangle inscrit est la moitié du rapport de 256 à 27. En effet, le carré circonscrit est égal au carré construit sur ae, et le rapport entre le carré sur ae et le carré sur ac est le rapport sesquitièrce, d’après la supposition 1. Par ailleurs, le rapport entre le carré sur ac et le triangle est le rapport moitié du rapport de 16 à 3, d’après la conclusion 1. On ajoute les deux rapports et on obtient le rapport entre le carré sur ae et le triangle qui vaut la moitié du rapport de 256 à 27. Conclusion 3 : le rapport entre le triangle circonscrit et le carré circonscrit est la moitié du rapport de 27 à 16. En effet, d’après la supposition 6, le rapport entre le triangle circonscrit et le triangle inscrit est le rapport quadruple. Et d’après la conclusion 2, le rapport entre le carré circonscrit et le triangle inscrit est la moitié du rapport de 256 à 27. On fait la différence entre ces deux rapports et on obtient le rapport entre 52. Annexe, p. 230-234 et p. 278-279.

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le triangle circonscrit et le carré circonscrit égal à la moitié du rapport de 27 à 1653. Selon le même principe, on obtient que le rapport entre le carré inscrit et le triangle inscrit est la moitié du rapport de 64 à 27 (conclusion 4) et que le rapport entre le triangle circonscrit et le carré inscrit est la moitié du rapport de 27 à 4 (conclusion 5). Nicole Oresme introduit alors une figure supplémentaire, l’hexagone. Il ajoute une septième supposition : l’hexagone inscrit est le double du triangle inscrit et le triangle circonscrit est le double de l’hexagone inscrit54. Il montre ensuite, selon le même schéma que pour les conclusions précédentes, que le rapport entre l’hexagone inscrit et le carré inscrit est la moitié du rapport de 27 à 16 (conclusion 7)55. Il ajoute enfin une huitième supposition selon laquelle le rapport entre l’hexagone circonscrit et l’hexagone inscrit est le rapport sesquitièrce, de 4 à 3 56. Il explique alors que l’on peut ainsi déterminer vingt-sept proportions entre les différentes figures. Et il remarque que ces rapports sont soit des rapports rationnels entre un multiple de 3 et un multiple de 2, qu’il nomme harmoniques, soit des rapports irrationnels, moitiés de ces rapports harmoniques57. Cette série de conclusions s’achève par la démonstration du fait que l’octogone inscrit dans un cercle est médian proportionnel entre le carré inscrit et le carré circonscrit58. La deuxième série de conclusions de la partie III concerne les corps réguliers. Là encore, Nicole Oresme rappelle au titre de suppositions trois propositions des Éléments, dont la première est la suivante : « Premièrement, on doit supposer que le rapport du diamètre de la sphère au côté de la pyramide ayant quatre faces triangulaires équilatérales inscrite dans cette sphère est la moitié du rapport sesquialtère »59.

Nicole Oresme cite alors le corollaire à la proposition 13 du livre XIII des Éléments. Son énoncé est le suivant dans la version de Campanus : « On prouve donc que les diamètres de cette sphère ont au côté de cette pyramide, en puissance, un rapport sesquialtère »60.

53. (4 : 1)-(256 : 27)1/2 = (4 : 1)•(27 : 256)1/2 = (27 : 16)1/2. 54. Annexe, p. 234 et p. 279. 55. Annexe, p. 236 et p. 280. 56. Annexe, p. 237 et p. 280. 57. Annexe, p. 239 et p. 281. 58. Annexe, p. 242 et p. 282. 59. Annexe, p. 246 et p. 283. 60. Huius ergo spere diametros ad latus ipsius piramidis sesquialteram proportionem potentialiter habere probatur (Campanus, Elements, vol. I, p. 476).

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L’expression « en puissance » exprime ici le fait que ce sont les carrés construits sur les diamètres et le côté qui sont dans le rapport sesquialtère. On ne trouve pas dans les Éléments, même dans la version de Campanus, l’expression « moitié du rapport sesquialtère ». Deuxième supposition : le rapport entre le diamètre de la sphère et le côté du cube inscrit est la moitié du rapport triple61. Nicole Oresme cite le corollaire à la proposition XIII. 1462. Là encore il est question de rapport en puissance dans les Éléments. Même chose pour la supposition 3, qui correspond à la proposition XIII. 15 : Le rapport entre le diamètre de la sphère et le côté de l’octaèdre est la moitié du rapport double63. Ces suppositions permettent de démontrer neuf conclusions dans lesquelles sont déterminés les rapports entre les surfaces des corps inscrits dans la sphère. Voyons, par exemple, les conclusions 1, 2, 4 et 7 qui forment une chaîne déductive64. Conclusion 1 : le rapport entre le triangle inscrit dans le grand cercle de la sphère et la base de la pyramide inscrite est le rapport sesquioctave, de 9 à 8. En effet, le rapport entre le diamètre du grand cercle et le côté du triangle inscrit dans ce cercle est la moitié du rapport sesquitièrce, d’après la première supposition qui précède les conclusions précédentes sur les figures planes inscrites dans le cercle. Et le rapport entre le diamètre du cercle et le côté de la pyramide est la moitié du rapport sesquialtère, d’après la première supposition faite ici. En soustrayant le premier rapport du second, on obtient que le rapport du côté du triangle au côté de la pyramide est la moitié du rapport sesquioctave65. Or les surfaces sont dans le rapport doublé de leurs côtés, donc le rapport entre le triangle et la base de la pyramide est le rapport sesquioctave. Conclusion 2 : le rapport entre le carré inscrit dans le grand cercle et la base du cube inscrit dans la sphère est le rapport sesquialtère. En effet, le rapport entre le diamètre de la sphère ou du grand cercle et le côté du carré est la moitié du rapport double. Et le rapport entre le diamètre de la sphère et le côté du cube inscrit dans la sphère est la moitié du rapport triple,

61. Annexe, p. 246 et p. 283. 62. Corollaire à la proposition XIII. 14 dans la version de Campanus (Elements, vol. I, p. 479) : Eiusdem autem spere diametrum lateri ipsius cubi potentialiter triplicem esse manifestum erit (Il sera clair que le diamètre de la même sphère est, en puissance, le triple du côté de ce carré). 63. Proposition XIII. 15 dans la version de Campanus (Elements, vol. I, p. 480) : Eritque palam eiusdem spere diametrum lateri ipsius corporis duplicem esse potentialiter (On aura manifestement que le diamètre de la même sphère est, en puissance, le double du côté de ce corps). Il est à noter que là où Nicole Oresme utilise le terme octocedron pour désigner l’octaèdre, Campanus utilise l’expression « corps ayant huit bases triangulaires et équilatérales » (corpus octo basium triangularium et equilaterum). 64. Annexe, p. 246-249 et p. 283-285. 65. (3 : 2)1/2-(4 : 3)1/2 = (3 : 2)1/2•(3 : 4)1/2 = (9 : 8)1/2.

LE CALCUL SUR LES RAPPORTS

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d’après la supposition 2 posée ici. On retranche le premier rapport du second et on obtient le résultat cherché66. Conclusion 4 : le rapport entre la base du cube inscrit dans la sphère et le triangle inscrit dans le grand cercle est la moitié du rapport de 256 à 243. En effet, le rapport entre le carré inscrit dans le grand cercle et la base du cube inscrit est le rapport sesquialtère, d’après la conclusion 2 précédente. Et le rapport entre le carré inscrit dans le grand cercle et le triangle inscrit dans le même cercle est la moitié du rapport de 64 à 27, d’après la conclusion 4 du groupe précédent. On retranche le premier rapport du second et on obtient le résultat cherché67. Conclusion 7 : le rapport entre la base du cube inscrit dans la sphère et la base de la pyramide inscrite dans la sphère est la moitié du rapport sesquitièrce. En effet, le rapport entre la base du cube et le triangle inscrit dans le plus grand cercle est la moitié du rapport de 256 à 243, d’après la conclusion 4 précédente. Et le rapport de ce même triangle à la base de la pyramide est le rapport sesquioctave, d’après la conclusion 1 précédente. Donc en ajoutant les deux rapports on a le résultat cherché68. Cette série de conclusions se termine par une observation semblable à celle que nous avons rapportée à propos des figures planes inscrites dans un cercle, à savoir que les rapports entre les figures de mêmes espèces (des carrés, ou des triangles etc.) sont des rapports rationnels et que les rapports entre des figures d’espèces différentes sont les moitiés de ces rapports rationnels69. Le traité se termine par une conclusion qui concerne l’astronomie70. Nicole Oresme considère en effet quatre cordes issues d’un même point placé sur un cercle, cordes qui représentent quatre aspects du ciel71.

66. (3 : 1)1/2-(2 : 1)1/2 = (3 : 1)1/2•(1 : 2)1/2 = (3 : 2)1/2. 67. (64 : 27)1/2-(3 : 2) = (64 : 27)1/2•(2 : 3) = (256 : 243)1/2. 68. (256 : 243)1/2+(9 : 8) = (256 : 243)1/2•(9 : 8) = (4 : 3)1/2. 69. Annexe, p. 251 et p. 286. 70. Annexe, p. 252 et p. 286. 71. Les aspects des signes du ciel sont définis par Robertus Anglicus dans son commentaire à La Sphère de Sacrobosco (1271). Voir Lynn Thorndike, The Sphere of Sacrobosco and its Commentators, Chicago, The University of Chicago Press, 1949, p. 175-176 : Ad evidentiam predictorum notandum quod quadruplex est aspectus signorum et etiam planetorum in signis, scilicet, oppositio, aspectus sextilis, quartilis et trinus. Aspectus oppositionis est ratione oppositionis, unde omne signum oppositum alteri in Zodiaco respicit ipsum ex oppositione, et stelle similiter existens in signis oppositis aspiciunt se isto aspectu. Sextilis aspectus est quando inter duas stellas sive planetas est sexta pars zodiaci, hoc est, duo signa, ut si Saturnus sit in principio Leonis et Iupiter in principio Libre, tunc aspiciunt se sextili aspectu. Quartilis aspectus est quando inter duos planetas sunt tria signa, que sunt quarta pars Zodiaci. Trinus aspectus est quando inter duos planetas sunt quattuor signa, que sunt tertia pars Zodiaci ; traduction anglaise p. 245 : Continuing the aforesaid, it should be noted that the aspect of the signs is quadruple, and also of the planets in the signs, namely, opposition, sextile aspect, quartile, and trinal. The aspect of opposition is by reason of opposition, and similarly, stars existing in opposite signs face each other in that aspect. Sextile aspect is at a time when between two stars or planets there is a sixth part of the zodiac, that is, two signs, so that if Saturn is in the beginning of Leo and Jupiter in the beginning of Libra, then they face each other in sextile aspect. Quartile aspect is at a time when between two planets there are three signs, which are a fourth part of the zodiac. Trinal aspect is at a time when between two planets there are four signs, which are a third part of zodiac.

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

La corde ae correspond à l’aspect dit « sextile », c’est-à-dire que l’angle que fait ae avec l’horizon, ici représenté par la ligne ab est de 60 degrés, et par conséquent ae est un côté d’un hexagone inscrit dans le cercle. La corde ad correspond à l’aspect « quartile » : l’angle entre ad et l’horizon est de 45 degrés, donc ad est le côté d’un carré inscrit dans le cercle. La corde ac correspond à l’aspect « trine » : l’angle est de 30 degrés et ac est le côté d’un triangle inscrit. Enfin, la corde ab correspond à l’aspect « opposé », donc ab est l’horizon et c’est le diamètre du cercle ou encore la diagonale du carré de côté ad. On cherche à déterminer les rapports entre ces différentes cordes. On a immédiatement que le rapport de ab à ad est la moitié du rapport double, puisqu’il s’agit du rapport entre la diagonale et le côté d’un même carré. Par ailleurs, le rapport de ab à ae est le rapport double, puisque ae est le côté de l’hexagone inscrit dans le cercle de diamètre ab. Donc, si l’on retranche le premier rapport du second, on obtient que le rapport de ad à ae est la moitié du rapport double72. On sait aussi que le rapport entre le carré construit sur ab et celui construit sur ac est le rapport sesquitièrce, d’après la supposition 1 du premier groupe de conclusions. Donc le rapport de ab à ac est la moitié du rapport sesquitièrce. On retranche alors le rapport de ab à ad du rapport de ab à ac et on obtient le rapport de ab à ac égal à la moitié du rapport sesquialtère73. Enfin, on ajoute le rapport de ac à ad au rapport de ad à ae et on obtient le rapport de ad à ae égal à la moitié du rapport triple74. Ainsi se termine l’Algorithme des rapports de Nicole Oresme.

72. (ad : ae) = (ab : ae)-(ab : ad) = (2 : 1)•(1 : 2)1/2 = (2 : 1)1/2. 73. (ac : ad) = (ab : ad)-(ab : ac) = (2 : 1)1/2•(3 : 4)1/2 = (3 : 2)1/2. 74. (ac : ae) = (ac : ad)+(ad : ae) = (3 : 2)1/2•(2 : 1)1/2 = (3 : 1)1/2.

LE CALCUL SUR LES RAPPORTS

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Blaise de Parme, lecteur de l’Algorithme des rapports de Nicole Oresme Dans la question 7 de la seconde version de ses Questions sur le traité des rapports de Thomas Bradwardine, Blaise de Parme présente, dans l’article III, des règles sur l’addition et la soustraction des rapports rationnels et irrationnels qui ne sont pas sans rappeler les règles que l’on trouve dans l’Algorithme des rapports de Nicole Oresme, même si Blaise ne fait pas référence à cet ouvrage. Toutefois, ne figurent pas dans la question de Blaise les notations qui étaient présentées au début du traité de Nicole Oresme. Blaise commence par rappeler qu’additionner des rapports rationnels entre eux revient à multiplier le plus grand extrême de l’un par le plus grand extrême de l’autre et le plus petit par le plus petit, et que soustraire un rapport rationnel d’un rationnel revient à faire des multiplications croisées75. Blaise reprend les règles proposées par Nicole Oresme et comme lui, il fait référence à l’Arithmétique de Jordanus. Toutefois, les deux auteurs ne présentent pas les mêmes exemples numériques. Nicole Oresme demandait d’ajouter un rapport sesquitièrce à un rapport quintuple ; Blaise présente deux exemples : l’addition du rapport double à lui-même et l’addition du rapport sesquialtère au rapport double. Par ailleurs, Nicole Oresme soustrait le rapport sesquitièrce du rapport sesquialtère, alors que Blaise soustrait le rapport sesquialtère du rapport double. Avant de passer au cas des rapports irrationnels, Blaise donne quelques principes, qui, selon ses dires, ont été posés ailleurs (alibi). Premier principe : « Tout rapport irrationnel est dénommé par un rapport rationnel, de telle sorte qu’il est dit en être une partie ou des parties, comme en parlant de la moitié du rapport double on dit qu’il est une partie du rapport double. Mais deux tiers du rapport quadruple sont dits des parties et non une partie »76.

75. Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 120 : Prima regula : ex ductu maximi extremi unius proportionis in maximum extremum alterius et ex ductu minimi in minimum addere proportionem rationalem rationali concluditur. Hoc habetur ex sexta conclusione Arismetrice Iordani. [...] Secunda regula de subtractione sit hec : ex contradictorio ductu primi termini unius proportionis in secundum alterius, et secundi prime in primum secunde, proportionem rationalem subtrahere ab alia rationali convincitur. Et habetur hoc ex secunda conclusione Arismetrice Iordani (Première règle : de la multiplication du plus grand extrême de l’un des rapports par le plus grand extrême de l’autre et de la multiplication du plus petit par le plus petit on déduit l’addition d’un rapport rationnel à un rapport rationnel. On obtient cela à partir de la sixième conclusion de l’Arithmétique de Jordanus. [...] La deuxième règle au sujet de la soustraction est la suivante : de la multiplication croisée du premier terme d’un des rapports par le deuxième de l’autre et du deuxième du premier par le premier du deuxième, on convainc qu’un rapport rationnel est soustrait d’un rapport rationnel. Et on obtient cela à partir de la deuxième conclusion de l’Arithmétique de Jordanus). 76. Primum est : omnis proportio irrationalis a proportione rationali denominatur, taliter quod dicitur pars eius vel partes, sicut dicendo una medietas duple, dicitur esse pars unius duple. Sed due tertie quadruple dicuntur esse partes et non pars (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 121).

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

Deuxième principe : « Dans la dénomination d’un rapport irrationnel il y a trois termes, à savoir le dénominateur, le numérateur et le rapport rationnel à partir duquel le rapport irrationnel est dénommé. Par exemple, lorsque l’on dit ‘une moitié du rapport double’, alors l’unité est dite le numérateur, la moitié est le dénominateur et le rapport double est ce rapport à partir duquel celui-ci est dénommé et dont le rapport irrationnel est la partie ou les parties »77.

On reconnaît ici un passage de l’Algorithme des rapports, avec le même exemple numérique : « De là, il est clair que dans la dénomination d’un tel rapport irrationnel il y a trois termes, à savoir le numérateur, le dénominateur et le rapport rationnel à partir duquel il est dénommé, à savoir celui dont le rapport irrationnel est dit être une partie ou des parties, comme lorsque l’on dit ‘une moitié du rapport double’, l’unité est le numérateur ou à la place du numérateur, deux est le dénominateur et le rapport double est celui à partir duquel il est dénommé »78.

Dans le troisième principe, Blaise reprend la troisième règle de l’Algorithme des rapports dans laquelle Nicole Oresme explique que tout rapport irrationnel qui est des parties d’un rapport rationnel peut aussi être envisagé comme la partie d’un autre rapport rationnel79. Ce dernier donnait alors l’exemple du rapport deux tiers du rapport quadruple qui est aussi un tiers du rapport sédécuple. Il terminait la règle en expliquant : « […] de manière générale, le tiers d’un tout est les deux tiers de la moitié ou du sous-double et, inversement, les deux tiers du sous-double sont un tiers du double, et de même pour n’importe quelles parties »80.

Blaise reprend cette explication au début du troisième principe et, après l’énoncé de la règle, il donne l’exemple proposé par Nicole Oresme : « Troisième principe : le tiers d’un tout est toujours les deux tiers du sous-double et les deux tiers du sous-double sont un tiers du tout. Semblablement, les deux quarts du sous-double sont un quart du tout et inversement. Et cela est vrai pour toutes les parties. Et de là, il s’ensuit que, si un rapport irrationnel est des parties de quelque rapport rationnel, il sera une partie d’un rapport rationnel multiple

77. Secundum est hoc : in denominatione proportionis irrationalis sunt tria, scilicet denominator, numerator et proportio rationalis a qua ipsa irrationalis denominatur. Verbi gratia, cum dicitur « una medietas duple proportionis », tunc unitas dicitur numerator et medietas denominator, et proportio dupla est illa proportio a qua illa denominatur, cuius proportio irrationalis erat pars vel partes (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 121). 78. Annexe p. 179 et p. 262. 79. Annexe p. 182 et p. 263 ; et voir plus haut notre explication p. 148. 80. Annexe, p. 184 et p. 263.

LE CALCUL SUR LES RAPPORTS

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du premier, le dénominateur ne changeant pas. C’est clair : lorsque l’on propose le rapport irrationnel qui est les deux tiers du rapport quadruple, puisque 2 est le numérateur, celui-ci sera un tiers d’un rapport multiple du rapport quadruple, de sorte que ce sera un tiers du rapport quadruple doublé, et par conséquent, ce sera un tiers du rapport sédécuple ; et de même pour les autres. Et il n’y a pas d’autre raison à cela si ce n’est que, quelle que soit la chose qui est des parties du sous-double, c’est une partie du double, le dénominateur ne changeant pas »81.

Blaise en vient alors aux règles d’addition et de soustraction d’un rapport rationnel et d’un rapport irrationnel : « Première règle : il est permis d’ajouter un rapport irrationnel à un rapport rationnel. On le montre ainsi : soit b un rapport irrationnel que l’on doit ajouter à un rapport rationnel, qui est a, et soit d ce rapport rationnel dont b est une partie et non des parties, comme cela peut être fait grâce à la méthode précédente. Alors, que l’on prenne le dénominateur de b et tout autant celui du rapport rationnel a, et que a soit ajouté au rapport rationnel d, précisément autant de fois qu’est ce dénominateur, et que la somme soit c. Je dis par conséquent que le rapport composé à partir de a et de b sera la partie de c dénommée par le même dénominateur par lequel b était dénommé comme partie de rapport »82.

Blaise reprend ici la démonstration de Nicole Oresme, presque mot pour mot. Ce dernier écrivait en effet : « Cinquième règle : ajouter un rapport irrationnel à un rapport rationnel. Soit b un rapport irrationnel que l’on doit ajouter au rapport rationnel a. Et soit d le rapport rationnel dont b est une partie et à partir duquel il est dénommé de la manière la plus adéquate selon les règles précédentes. Alors, que l’on prenne le dénominateur de b et que l’on ajoute, selon la première règle, autant de fois a au rapport d, c’est-à-dire autant qu’est le dénominateur, et que la somme soit

81. Tertium principium : una tertia totius semper est due tertie subduple, et due tertie subduple sunt una tertia totius. Similiter due quarte subduple sunt una quarta totius et econtra. Et hoc est verum in omnibus. Et ex hoc sequitur quod si proportio irrationalis fuerit partes alicuius rationalis, illa erit pars rationalis multiplicis ad primam, denominatore non mutato. Patet quia proponatur proportio irrationalis que sit due tertie unius quadruple, et quia 2 est numerator, ipsa erit una tertia multiplicis proportionis ad quadruplam, ita quod erit una tertia quadruple duplicate, et per consequens erit una tertia proportionis sedecuple, et sic de aliis. Et non est alia ratio nisi quod quidquid est partes subdupli est pars dupli, denominatore non mutato (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 122). 82. Prima regula : proportionem irrationalem porportioni rationali addere conceditur. Declaratur sic : sit b proportio irrationalis addenda proportioni rationali que sit a, et sit d illa proportio rationalis cuius b est pars et non partes, postquam hoc potest fieri per doctrinam precedentem. Tunc capiatur denominator ipsius b et totidem ipsius a proportionis rationalis, addatur d proportioni rationali, scilicet quotus est ille denominator, et totum aggregatum sit c. Dico igitur quod proportio composita ex a et b erit pars ipsius c, denominata eodem denominatore quo b denominabatur esse pars proportionis (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 122).

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

c. Je dis alors que le rapport composé à partir de b et a sera la partie de c dénommée par le même dénominateur par lequel b était dénommé être une partie de son rapport dénommant, à savoir d »83.

Blaise reprend aussi l’exemple numérique présenté par Nicole Oresme : l’addition du tiers du rapport double au rapport sesquialtère. Pour la soustraction, Blaise est très bref : « Cette règle étant comprise, tu peux en guise de deuxième règle, soustraire un rapport irrationnel d’un rapport rationnel et inversement »84.

Ici s’arrête la similitude entre la question de Blaise et l’Algorithme des rapports de Nicole Oresme. En effet, la question 7 de Blaise s’achève sur une série de règles qui expliquent ce qu’il advient lorsque dans un rapport de plus grande inégalité donné, l’un des termes varie. Signalons que Nicole Oresme, dans le premier chapitre de son traité Sur les rapports de rapports, note à propos de la différence c entre les termes a et b d’un rapport de plus grande inégalité donné : « Et si la différence c est augmentée par l’augmentation de a et la diminution de b simultanément ou encore, si chacun d’eux est augmenté, mais a plus rapidement que b, ou si chacun d’eux est diminué, mais b plus rapidement que a et de même si c est diminué selon les mêmes modalités, on ne s’en soucie pas pour notre propos »85.

Il est possible que Blaise de Parme se soit inspiré de cette remarque de Nicole Oresme. Mais il est plus probable que Blaise reprenne ici des considérations sur la variation du rapport de a et b quand ses termes varient, uniformément ou non, que l’on trouve dans le traité I du Liber calculationum de Richard Swineshead,86 et des applications au mouvement que l’on trouve dans les traités XIV et XV87. Blaise de Parme traite par exemple le cas suivant : si dans le rapport de a à b, b décroît uniformément (c’est-à-dire que la diminution est constante sur toute la durée) et que a ne varie pas, il est démontré que le rapport augmente difformément (l’accroissement est inégal), de plus en plus vite. Pour cela,

83. Annexe p. 189 et p. 264. 84. Ista regula intellecta, potes pro secunda regula proportionem irrationalem a rationali subtrahere aut econtra (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 123). 85. Si autem C differentia augeatur per augmentationem A et diminutionem B copulate vel etiam si utrumque augeretur A, tamen, velocius quam B vel si utrumque minueretur B velocius quam A, et ita de diminutione C quod ad propositum non est cura (Nicole Oresme, De proportionibus proportionum, p. 148 ; Sur les rapports de rapports, p. 83-84). 86. Ce traité a édité à Venise, en 1520. 87. Je remercie Edmond Mazet qui m’en a fait la remarque.

LE CALCUL SUR LES RAPPORTS

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Blaise considère l’exemple suivant88 : soit le rapport de a à b avec a égal à 8 et b égal à 6. On suppose que b perd une unité tous les quarts d’heure. Au bout d’une demi-heure, b a perdu deux unités, il est égal à 4. Donc le rapport de a à b croît du rapport de 8 à 6 au rapport de 8 à 4 et l’accroissement est égal au rapport de 6 à 4 (en effet, le rapport de 8 à 4 est composé du rapport de 8 à 6 et du rapport de 6 à 4). Au bout de la seconde demi-heure, b perd de nouveau deux unités et devient 2. Le rapport de a à b croît du rapport de 8 à 4 au rapport de 8 à 2 : l’accroissement est donc égal au rapport de 4 à 2 (car le rapport de 8 à 2 est composé du rapport de 8 à 4 et du rapport de 4 à 2). Ainsi, l’accroissement du rapport de a à b n’est pas égal sur les deux moitiés de l’heure, c’est-à-dire que l’accroissement du rapport n’est pas uniforme, et il est plus rapide sur la seconde demi-heure que sur la première. De même, on peut montrer que si a augmente uniformément et que b reste constant, le rapport de a à b augmente difformément de plus en plus lentement89. Suivent d’autres règles du même type. Et Blaise conclut en présentant une application de ces règles à la théorie du mouvement : « À partir de ces règles, en supposant que la rapidité suit du rapport, on peut tirer beaucoup de corollaires sur les choses de la nature. Par exemple, si une puissance meut un mobile selon n’importe quel mouvement à une certaine rapidité, de là, si la puissance augmente uniformément selon le temps, la résistance

88. Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 123 : Alia regula : si fuerit a ad b proportio maioris inequalitatis, b uniformiter per tempus decrescente, a non variato per idem tempus, difformiter augetur proportio semper velocius et velocius. Declaratur, quia sit a ut 8, b vero ut 6, et decrescat b per horam uniformiter, ita quod in qualibet quarta hore deperdit unitatem. Tunc patet quod in prima medietate hore, proportio primo data aucta est per unam sexquialteram tanquam per unam proportionem que est 6 ad 4, quia in prima medietate, b deperdit duas unitates, sed in secunda medietate, facta est additio per unam duplam. Cum igitur in prima medietate non fuerit facta sibi additio nisi per unam sexquialteram et in secunda per duplam, patet quod plus augetur in secunda medietate quam in prima (Autre règle : si a à b est un rapport de plus grande inégalité, que b décroît uniformément durant un certain temps et que a ne varie pas durant le même temps, le rapport augmente difformément toujours de plus en plus vite. On le démontre : en effet, que a soit comme 8 et b comme 6, et que b décroisse uniformément en une heure, de sorte qu’il perde une unité dans n’importe quel quart d’heure. Alors, il est clair que, dans la première moitié de l’heure, le premier rapport donné est augmenté selon un rapport sesquialtère, c’est-à-dire selon le rapport de 6 à 4, puisque dans la première moitié b perd deux unités. Mais dans la seconde moitié, l’accroissement est selon un rapport double. Donc, puisque dans la première moitié a été fait un accroissement selon le rapport sesquialtère et dans la deuxième moitié selon le rapport double, il est clair que l’accroissement est plus grand dans la seconde moitié que dans la première). 89. Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 123 : Alia regula : cum fuerit a ad b proportio maioris inequalitatis, ut supra vel quomodolibet aliter, et augeatur a uniformiter per tempus b non variato, maiorabitur difformiter proportio tardius et tardius continue. Hanc regulam potes verificare calculando in numeris (Autre règle : lorsque a à b est un rapport de plus grande inégalité, comme plus haut ou de n’importe quelle autre manière, et que a croît uniformémement durant un certain temps, b ne variant pas, le rapport augmente difformément et continûment de plus en plus lentement. Cette règle peut être vérifiée en calculant avec des nombres).

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ne changeant pas, on ne soutient pas que le mouvement s’accroît uniformément »90.

En effet, selon la règle du mouvement admise à la suite de Thomas Bradwardine, la rapidité est proportionnelle au rapport de la puissance à la résistance. Si la puissance augmente uniformément et que la résistance ne change pas, selon la règle précédente, le rapport de la puissance à la résistance, et par conséquent la rapidité, s’accroissent, mais de manière non uniforme. Conclusion Nicole Oresme, dans la première partie de son Algorithme des rapports, propose, sur des exemples, une notation des rapports rationnels de plus grande inégalité et d’une certaine catégorie de rapports irrationnels, ceux qui peuvent s’exprimer comme une partie ou des parties d’un rapport rationnel. Toutefois, les copistes qui nous ont transmis ce texte ont bien souvent confondu notation et abréviation, affaiblissant ainsi la portée des notations. Par ailleurs, celles-ci ne jouent aucun rôle dans la présentation des opérations sur les rapports, ni dans les applications qui en sont faites dans les deuxième et troisième parties du traité. Et nous n’avons pas connaissance de traités dans lesquels les notations des rapports auraient été utilisées. Ainsi Blaise de Parme n’en fait pas mention dans la seconde rédaction de ses Questions sur le traité des rapports de Thomas Bradwardine, alors que nous avons montré qu’il connaissait le traité oresmien. Ces Questions fournissent par ailleurs la preuve que l’Algorithme des rapports a circulé en Italie au XVe siècle. Mais il ne semble pas, toutefois, que ce traité ait eu une grande influence malgré le nombre relativement élevé de manuscrits (une quinzaine) que l’on trouve dans les bibliothèques de toute l’Europe. L’intérêt du traité de Nicole Oresme ne doit pas être cherché du côté de cette écriture abrégée de certains rapports, alors que c’est ce point qui a retenu l’attention des historiens. Il vaut surtout pour la place qui y est accordée à ces rapports. Écrire un Algorithme des rapports sur le modèle des algorithmes des nombres entiers ou des fractions revient à accorder aux rapports le statut d’objets, ou plus précisément de quantités sur lesquelles on peut définir des opérations. Nous avions déjà vu comment Nicole Oresme, dans son traité Sur les rapports des rapports, considérait le rapport comme une quantité continue, indéfiniment divisible. Dans son Algorithme des rapports, il tire toutes les conséquences de cette manière de considérer les rapports, au moins pour certains d’entre eux.

90. Ex quibus, supposito quod velocitas insequatur proportionem, possent multa corollaria in naturalibus elici, ut quod si aliqua potentia moveat aliquod mobile quovis motu certa velocitate, non ex hoc quod potentia augeatur per tempus uniformiter, resistentia non mutata, intendetur motus uniformiter (Blaise de Parme, Questiones circa tractatum proportionum, p. 124).

CONCLUSION : THÉORIES DES RAPPORTS

Certains spécialistes contemporains des mathématiques grecques considèrent que la notion de rapport est absente des Éléments d’Euclide. Ou, plus précisément, si, au livre V, le rapport y est défini comme relation quantitative entre des grandeurs, il n’est pas un objet d’étude pour Euclide ; seules les grandeurs sont les objets de la théorie des proportions et la seule relation qui donne lieu à un traitement mathématique est la relation à quatre termes « être en proportion » et non pas la relation à deux termes qu’est le rapport1. Il ne saurait être question ici de porter un jugement sur cette opinion. Quoi qu’il en soit de la théorie euclidienne, il ne fait pas de doute que, dans les traités de Thomas Bradwardine et Nicole Oresme, l’objet sur lequel porte leur théorie est le rapport. Objet est ici à prendre dans le sens vague de sujet d’étude. Tous les auteurs que nous avons étudiés ne s’accordent pas quant au mode d’existence du rapport. Ainsi, Thomas Bradwardine considère que le rapport est une chose distincte des termes sur lesquels il porte. Blaise de Parme et Alvarus Thomas soutiennent quant à eux que le rapport n’est rien d’autre que les choses qu’il met en relation, il n’a pas un statut d’étant indépendant de ses termes. Toutefois, le mathématicien est en droit de considérer le rapport pour lui-même, comme sujet de son étude. Il peut faire comme si c’est un objet et s’interroger à son sujet de la même manière que le physicien traite les choses de la nature. À cette chose qu’est le rapport est associée une opération, la composition. Celle-ci apparaît dans les Éléments, dans une définition du livre VI selon laquelle des rapports sont composés lorsque leurs quantités (SKOLN´WKWHM) sont multipliées entre elles. Mais si cette définition apparaît dans tous les manuscrits grecs, elle est jugée comme inauthentique. Elle est d’ailleurs absente de la version de Campanus utilisée par les auteurs que nous avons étudiés. Mais ces derniers trouvent une définition presque équivalente, à l’aide de la multiplication des dénominations, dans l’Arithmétique de Jordanus ou encore dans

1. C’est en particulier l’opinion défendue par Jean-Louis Gardies, dans L’Héritage épistémologique d’Eudoxe de Cnide, Paris, Vrin, 1988 (voir le chap. IV, p. 69-87). Voir le commentaire de Bernard Vitrac à ce sujet, dans Euclide, Les Éléments, vol. 2, p. 552-554.

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

deux petits traités sur les rapports des Ps-Jordanus et Ps-Campanus. Il faut noter que cette définition ne vaut que pour les rapports rationnels (la dénomination des rapports irrationnels, lorsqu’ils en ont une, n’est pas une quantité que l’on peut multiplier afin d’obtenir le rapport composé). Mais on trouve dans de nombreux textes une autre définition de la composition par l’insertion de médians entre les termes d’un rapport donné : si entre les extrêmes du rapport on insère des médians, on dit qu’il est composé des rapports intermédiaires. Et cette définition vaut pour tous les rapports, rationnels ou non. C’est elle qui est au cœur de la théorie des rapports de rapports. Cette opération de composition permet en effet à Nicole Oresme de considérer le rapport comme une quantité continue. Par l’insertion d’autant de médians que l’on veut entre les termes du rapport rationnel ou non (ces médians étant entiers ou non), on peut diviser le rapport à l’infini. Il faut souligner qu’il ne s’agit pas alors d’identifier le rapport à une quantité. Le rapport reste une relation ; mais il peut être considéré comme une quantité. Bien plus, les rapports de plus grande inégalité d’une part et ceux de plus petite inégalité d’autre part peuvent être considérés comme des quantités susceptibles d’avoir entre elles un rapport. Nicole Oresme définit ainsi le rapport entre des rapports de la même manière qu’Euclide a défini au livre V le rapport entre les grandeurs. Et c’est la théorie du livre VII que Nicole Oresme prend comme modèle pour sa construction des rapports rationnels entre rapports, puisqu’il la fonde sur la notion de partie. Dans toute cette théorie, les rapports sont donc considérés comme des objets, plus précisément des quantités, auxquels sont associées l’opération de composition (nommée addition) et l’opération inverse, la division (ou soustraction). Nicole Oresme fait même de certains rapports des objets de calcul, au même titre que les nombres entiers ou fractionnaires. Il leur consacre, en effet, un Algorithme. Il invente pour eux une notation, même si nous avons vu qu’il fallait en limiter la portée. Il montre par quels algorithmes il convient de les additionner ou les soustraire. Et il présente des applications de ces opérations dans différents domaines. Le parallélisme qui est établi entre les rapports et les quantités est par ailleurs accentué, pour les rapports rationnels, par l’introduction de la notion de dénomination. À chaque rapport rationnel est associé un nombre, mis en général sous la forme n+p/q, qui, d’une part permet de mettre en évidence la manière dont un terme du rapport est inclus dans l’autre, et d’autre part de donner un nom au rapport selon la nomenclature de Nicomaque transmise par Boèce. Est-ce que pour autant le rapport rationnel est identifié à un nombre ? Dans un premier temps, la réponse est négative ; tous les auteurs étudiés réaffirment que le rapport est une relation. Blaise de Parme s’exprime clairement à ce sujet. La dénomination permet seulement de donner la raison formelle de la relation qu’est le rapport, c’est-à-dire le point de vue selon lequel on considère cette relation : elle est quantitative. De même, dans un des petits traités

CONCLUSION : THÉORIES DES RAPPORTS

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sur les rapports, l’auteur explique que la dénomination permet de spécifier la relation qu’est le rapport parmi toutes les relations quantitatives possibles entre deux termes donnés. Toutefois, nous avons vu que, dans la théorie alternative à celle de Bradwardine et Oresme, qui présente la comparaison des rapports et les opérations sur les rapports à l’aide des dénominations, la tentation est forte d’identifier le rapport rationnel à sa dénomination. La dénomination permet aussi de donner un nom à tout rapport rationnel. Cette fonction est essentielle. Pouvoir nommer les rapports rationnels renforce leur statut d’objets. Mais peut-on aussi nommer les rapports irrationnels ? Oui, s’ils sont commensurables à un rapport rationnel. Mais tous les rapports irrationnels ne sont pas ainsi ; certains ne peuvent pas être nommés à partir des rapports rationnels. Il est difficile de savoir si les auteurs que nous avons étudiés étaient pleinement conscients de ce fait. Thomas Bradwardine n’est pas clair à ce propos. Seul Nicole Oresme énonce ce résultat et tente maladroitement de le démontrer. Les autres ne se prononcent pas. Il est un autre domaine où le rapport est au centre pour Thomas Bradwardine : la théorie de l’irrationalité. Au livre X des Éléments d’Euclide sont d’abord définies les notions de droites commensurables et incommensurables en longueur ou en puissance, puis de droites exprimables et irrationnelles. Dans les propositions 5 et 6, il est démontré que des droites sont commensurables si et seulement si elles ont entre elles un rapport qui est semblable au rapport d’un nombre entier à un nombre entier, mais que ce n’est pas le cas des droites incommensurables. Il n’est jamais question dans les Éléments d’Euclide de rapports rationnels ou irrationnels. Dans le Traité sur les rapports de Thomas Bradwardine les notions de rapports rationnels et irrationnels sont premières. Ces rapports sont d’abord définis à l’aide de leur dénomination : les rapports rationnels sont immédiatement dénommés par un nombre alors que les rapports irrationnels ne le sont que médiatement un autre rapport rationnel. De là découlent les définitions des quantités commensurables et incommensurables : les premières ont un rapport rationnel et les secondes un rapport irrationnel. Thomas Bradwardine qualifie même les quantités commensurables de quantités rationnelles et les quantités incommensurables de quantités irrationnelles, effectuant un glissement terminologique des rapports vers les quantités. Cette terminologie se retrouve jusqu’à la Renaissance. Dans tous les textes que nous avons étudiés se trouvent ainsi développées des théories qui ont pour objets les rapports. Ces théories s’ancrent à la fois dans la tradition des livres V, VII et X des Éléments d’Euclide, mais aussi dans la tradition de l’Arithmétique de Nicomaque transmise au monde latin par Boèce. Si ces ancrages sont réels et profonds, il n’en reste pas moins que ces théories sur les rapports sont nouvelles en ce qu’elles présentent des glissements conceptuels (notamment à propos de l’irrationalité), mais aussi de nouveaux concepts (comme la notion de dénomination d’un rapport irrationnel). Ces théories sont aussi innovantes, lorsqu’elles permettent de parler de rapports de rapports.

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LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

Ces théories sont diffusées jusqu’à la Renaissance. On en trouve même des échos plus ou moins importants dans les commentaires aux Éléments d’Euclide du XVIe siècle. Il est probable qu’elles jouent encore un rôle au XVIIe siècle lorsque les rapports, rationnels ou irrationnels, entrent pleinement dans le domaine des quantités.

NICOLE ORESME ALGORITHME DES RAPPORTS

ANNEXE :

NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

Les manuscrits Dans sa thèse, Edward Grant présente une liste de dix-sept manuscrits contenant l’Algorismus proportionum de Nicole Oresme1. Lui-même n’en a retenu que treize pour son édition de la première partie de ce traité (je reprends dans ce qui suit les sigles de ces treize manuscrits tels que Grant les a proposés) et n’en a collationné que cinq en entier. Pour ma part, j’ai retenu quatorze manuscrits que j’ai transcris entièrement. Je n’ai pas utilisé le manuscrit de Florence, Biblioteca Nazionale, convent. soppr., J. IX. 26, que je n’ai pas pu consulter ; ni le manuscrit d’Oxford, Bodleian Library, St John’s College 188 et le manuscrit de Cambridge, Peterhouse 277, Bibliotheca Pepysiana 2329, qui ne contiennent que le prologue et le début de la première partie. J’ai donc utilisé pour l’édition critique de l’ensemble de l’Algorismus proportionum les quatorze manuscrits suivants : 1) A : Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, ms. lat. 522, fos 121r-125r + demifeuillet inséré entre le folio 125 et le folio 126. Manuscrit de la fin du XIVe siècle. 2) B : Bruges, Stadsbibliotheek, ms. lat. 530, fos 25r-30v. Manuscrit du e XIV siècle. 3) D : Bâle, Bibliothèque universitaire, F. II 33, fos 95v-98v. Manuscrit du e XIV siècle. Les folios 96 et 97 sont inversés. 4) E1 : Erfurt, Universitätsbibliothek, Amplonius, Q. 348, fos 39r-45v (non examiné par Grant). 5) E2 : Erfurt, Universitätsbibliothek, Amplonius, Q. 349, fos 22v-28v (non examiné par Grant).

1. Voir Edward Grant, The Mathematical Theory of Proportionality of Nicole Oresme, Ph. D. Diss., The University of Wisconsin, 1957, p. 307-326.

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6) E3 : Erfurt, Universitätsbibliothek, Amplonius, Q. 365, fos 91r-98v (non examiné par Grant). Le manuscrit se termine brutalement au milieu du troisième traité. 7) L : Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Ashburnham 210, fos 172r-177v. Manuscrit du début du XVe siècle. 8) M : Venise, Biblioteca Nazionale Marciana, lat. VI. 133 (=2494), fos 65v70r. Manuscrit du XIVe siècle. 9) Mo : Munich, Bayerische Staatsbibliothek, codex latinus Monacensis 14908, fos 208(227)r-220(239)v (non examiné par Grant) ; daté de 1456. 10) N : Paris, Bibliothèque Nationale, lat. 7197, fos 74r-79r. Manuscrit du XVe siècle. 11) Q : Vatican, Bibliotheca Apostolica Vaticana, lat. 4082, fos 109r-113v ; daté de 1401. 12) R : Bruxelles, Bibliothèque Royale de Belgique, ms. 1043, fos 217r222v. 13) S : Paris, Bibliothèque Nationale, lat. 7368, fos 1r-13v. 14) T : Thorn, Gymnasialbibliothek, ms. R 4° 2, p. 82-93. Ce manuscrit a été édité par M. Curtze dans Der Algorismus proportionum des Nicolaus Oresme, zum ersten Male nach der Lesart der Handschrift R. 4°. 2. der Königlichen Gymnasial-Bibliothek zu Thorn herausgegeben, Berlin, S. Calvary & co., 1868. Cette édition comporte de nombreuses erreurs, que j’ai corrigées par la lecture du manuscrit. 15) U : Utrecht, Bibliotheek der Rijksuniversiteit, 725, fos 165r-171r. On peut regrouper ces manuscrits en deux familles. Les neuf manuscrits B, D, E1, E2, Mo N, R, S, T présentent une lacune importante par rapport aux cinq autres manuscrits A, L, M, Q, U (à moins que ce soit ces derniers manuscrits qui présentent un ajout) : les neuf manuscrits ne contiennent pas le dernier argument de la troisième partie du traité, à savoir l’argument qui concerne la configuration du ciel et qui commence par Ponantur rursum quattuor linee recte... Par ailleurs, seuls les manuscrits A, L et U contiennent un prologue. N’ayant pas suffisament d’informations sur les différents manuscrits, notamment leur datation, je n’ai pas pu réaliser de stemma. Pour l’édition, je n’ai privilégié aucun de ces manuscrits, préférant proposer un texte qui soit cohérent à la fois grammaticalement et mathématiquement. J’ai allégé l’apparat critique, déjà très important en raison du nombre de manuscrits considérés, en ne notant pas les variantes d’écriture ou les synonymes comme igitur – ergo, scilicet – videlicet, vel – sive – seu, aut – vel, ut – sicut – sic, econtrario – econverso, iste – ille, super – supra. Je n’ai pas signalé les répétitions, ni les inversions de mots, sauf si elles étaient significatives. Je

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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n’ai pas noté les variantes 2 – duo, 3 – tres, etc. Et je n’ai pas noté l’absence ou la présence de « et ». Les manuscrits B D E1 E2 E3 L N Q S T comportent des figures et des schémas, plus ou moins complets et plus ou moins exacts. Les figures et les schémas que j’ai proposés dans l’édition critique ont été reconstruits à partir d’eux. La notation des rapports Comme nous l’avons vu dans le chapitre VI qui précède2, la notation des rapports fluctue beaucoup selon les manuscrits. Il était nécessaire d’harmoniser les notations. Dans la première partie, lorsque Nicole Oresme présente les m notations des rapports, j’ai choisi de noter kp ---- le rapport rationnel dont la m n

a b

m n

n

dénomination est k+ ---- et de noter --- kp ---- , le rapport irrationnel qui est les a bième parties du rapport précédent. J’ai mis en note toutes les variantes des manuscrits (toutefois, je n’ai pas reporté le cadre qui entoure les fractions dans le manuscrit T). Dans le reste du texte, je n’ai pas utilisé ces notations, sauf si elles se trouvaient dans les manuscrits. En effet, les copistes, dans leur grande majorité, désignent les rapports par leur nom complet ou par des abréviations. J’ai ainsi transcrit 2la par dupla, etc. J’ai toutefois mis en note les notations trouvées dans les manuscrits. Sigles < > litteras vel voces textui addendas [ ] litteras vel voces textui delendas add. : addit corr. : correxi in marg. : in margine om. : omittit

2. Voir p. 145-146.

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PROLOGUS1 MAGISTRI NYCOLAI ORESME IN TRACTATUM ALGORITHMI PROPORTIONUM /A : 121ra ; L : 172ra ; U : 165r/ Algorismum2 proportionum Reverende Presul Meldensis Philippe quem Pithagoram3 dicerem si4 fas esset credere sententie5 ipsius de reditu animarum, vestre Excellentie, si placeat6, offero7 corrigendum ipsum8 quem audacter proferam /L : 172rb/ in medium, si tanti viri auctoritate probatum et examine fuerit emendatum. Nam omne quod fuerit9 lima correctionis /A : 121rb/ vestre politum, etsi detractor latrare potuit, ubi tamen dentem lividum10 figeret, non invenit. /B : 25r ; D : 95v ; E1 : 39r ; E2 : 22v ; E3 : 91r ; M : 65va ; Mo : 208(227)r ; N : 74r ; Q : 109ra ; R : 217r ; S : 1r ; T : 82/ INCIPIT11 ALGORISMUS12 PROPORTIONUM13 1 1 Una medietas14 scribitur sic --- , et una tertia15 sic16 --- , et17 due tertie sic18

2 3 2--- 19 , et sic20 de21 aliis. Et22 numerus qui23 est24 supra25 virgulam dicitur 3 1. prologus… proportionum] om. A B D E1 E2 E3 M Mo N Q R S T incipit algorismus proportionum L 2. algorismum… invenit] om. B D E1 E2 E3 M Mo N Q R S T 3. pithagoram] pictagoram L 4. si] nisi A 5. sententie] finem A 6. placeat] placet L 7. offero] afficio A 8. ipsum quem] ipsumque L 9. fuerit] fuit A U 10. lividum] laniandi U 11. incipit] om. A E1 E2 E3 M Mo N R S T de modo scribendi proportiones L 12. algorismus] om. A E1 E3 L M R S T 13. proportionum] om. A E1 E3 L M R S T de proportionibus D Nicolai Orem 1456 add. Mo 14. medietas… sic] media debet sic scribi D T 15. tertia] scribitur add. E1 E3 N R 16. sic] om. U 17. et… tertie] om. U 18. sic] scribuntur add. L om. U 2 19. --- ] om. U 3 20. sic] ita M Q cetera U 21. de aliis] om. U 22. et numerus] autem add. E2 ille add. Q numerusque U 23. qui] superior add. D om. U 24. est] scilicet add. D superius add. M Q om. R T U 25. supra virgulam] suprapositus U

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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numerator1. Ille2 vero qui3 est4 sub5 virgula6 dicitur denominator7. Proportio dupla scribitur isto8 modo 2p 9, et10 tripla isto11 modo 3p 12, 1 et13 sic de aliis. Proportio sexquialtera scribitur sic14 1p --- 15, et sexquitertia 2

1 2 sic16 1p --- 17. Proportio superpartiens18 duas19 tertias scribitur20 sic21 1p --- 22, 3

3 dupla superpartiens23 tres24 quartas25 ita26 2p --- 27, et28 sic de aliis.

3

4

1 Medietas29 duple scribitur30 sic --- 2p 31, et quarta pars32 duple33 sexquial2

1. numerator] denominator E1 2. ille vero] om. E2 N U 3. qui] vero add. N om. U 4. est] inferior add. D om. E2 U inferius add. M Q 5. sub] infrapositus U 6. virgula dicitur] om. E2 U 7. denominator] numerator E1 8. isto modo] sic M Mo N Q 9. 2p] 2pla A E2 L 2la D Q S T U 2.p Mo 10. et] proportio add. E1 M 11. isto modo] sic E1 E2 M Q 12. 3p] 3pla A E2 L 3la D Q T U 3.p Mo 13. et… aliis] et cetera E2 14. sic] om. A isto modo D p 1 1 p 1 1 1 15. 1p --- ] --- --- D Mo T 1p et --- E2 1p 21 M --- N 2la --- 2la Q 1 2 2 1 2 2 2 16. sic] om. Q p 1 1 p 1 1 1 17. 1p --- ] --- --- D Mo T 1p et --- E2 1p 31 M --- N 2la --- Q 1 3 3 1 3 3 3 18. superpartiens] superbipartiens Mo N R 19. duas] om. E2 Mo N R 20. scribitur] om. N R 21. sic] ita A B E1 L om. S 2 2 p 1 1 p 2 2 p 2 22. 1p --- ] --- --- D 1p --- E3 1p 32 M --- --- sed Mo 1p sed N 2la --- Q --- --- proportio T 3 3 1 3 3 1 3 3 1 3 23. superpartiens] duas add. L supertripartiens Mo N R 24. tres] duas D T tertias M om. E3 Mo N R 25. quartas] scribitur add. E1 T scribitur E3 26. ita] sic E2 M Q U sic 3 quartas E3 scribitur sic Mo N R p3 3 p 2 p 3 3 27. 2p --- ] --- --- D T 2p 43 M --- --- Mo N 2la --- Q 4 1 4 2 4 4 24 28. et… aliis] et cetera E2 1 1 29. medietas… --- 2p --- ] in mg. Mo 4 2 30. scribitur] om. E2 1 2 1p p 1 p 1 p 1 31. --- 2p] 21 2p A --- 2p B ------ D 21 --- L --- --- Mo T --N --- 2la Q 2 1 2 2 2 2 2 2 2 32. pars] om. S 33. duple] 2p E3

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1

1

tere1 sic --- 2p --- 2, et3 sic de aliis. Et quandoque4 proportio rationalis5 scribitur 4 2 per suos6 terminos seu numeros minimos7 sicut8 diceretur9 proportio 13 ad 9 que vocatur10 superpartiens11 quattuor12 nonas13. Similiter proportio irrationalis14 sicut medietas15 superpartientis16 duas17 tertias18 scribitur19 sicut medietas proportionis 5 ad 320, et ita21 de aliis22. Omnis proportio irrationalis23 de qua nunc24 est intentio25 denominatur a proportione rationali26 taliter quod dicitur pars eius sive partes27, sicut dicendo28 medietas duple29 sive tertia30 pars quadruple31 vel32 due33 tertie

1. sexquialtere] scribitur add. E1 E3 M Q R T 1 1 1 p 1 2 1 1 p 1 1 2. --- 2p --- ] --- --- --- A D E3 L T --- 2p --- M --- --- N --- 2la 4 2 4 2 2 4 2 4 2 2 4 3. et…aliis] om. A L Mo N U et cetera E2 4. quandoque] quandocumque D E3 T 5. rationalis] om. Q 6. suos] minimos add. R 7. minimos] scribi debet add. E2 om. R 8. sicut] si add. E3 N R 9. diceretur] om. M dicetur N T 10. vocatur] superquadriquartiens nonas vel add. Mo 11. superpartiens] superquadripartiens N R 4 12. quattuor] --- D om. N R 9 13. nonas] om. D 14. irrationalis] rationalis Q 1 15. medietas] --- N 2 16. superpartientis] superpartiens D E1 E2 superbipartientis 2 17. duas] --- D T om. Mo N R 3 18. tertias] om. D T 3 E1 19. scribitur] describitur Q 1 5 20. 3] --- --- add. Mo 2 3 21. ita] sic D Mo U 22. aliis] est dicendum add. A 23. irrationalis] rationalis Q 24. nunc] non add. D hic Q 25. intentio] mentio T 26. rationali] irrationali E3 27. partes] om. E3 28. dicendo] dicitur Mo 29. duple] proportionis add. Q 30. tertia] quarta L 2 31. quadruple] 4p A B E3 L duple D 4p aut --- 4p E1 3p T 3 32. vel] om. N Q 2 33. due tertie] --- E1 D U om. N Q 3

1 --- Q 2

Mo R supertripartientis N

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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quadruple1. Unde patet quod2 in3 denominatione4 talis proportionis5 irrationalis6 sunt tria7, videlicet numerator, denominator et proportio rationalis a qua ipsa8 denominatur9, scilicet10 cuius illa11 irrationalis12 dicitur pars sive partes, sicut cum13 dicitur una14 medietas duple15, unitas est16 numerator17 sive loco18 numeratoris, duo19 est20 denominator et proportio dupla est illa21 a qua ipsa22 denominatur, et ita23 potest24 patere25 faciliter de26 aliis27. Prima28 regula : proportionem rationalem proportioni29 rationali addere. Ponatur30 utraque in suis minimis31 numeris32 et multiplicetur minor33 terminus34 sive35 numerus36 /Mo : 208(227)v/ unius per minorem37 alterius et

1. quadruple] 4p A B E1 L om. N Q 2. quod] om. E3 3. in] om. M 4. denominatione] denominatoris T 5. proportionis] om. E2 6. irrationalis ] om. Q 7. tria] termini add. Q 8. ipsa] om. D T sit E2 9. denominatur] denominatio E2 10. scilicet] om. D T 11. illa] illud E1 12. irrationalis] rationalis Q T 13. cum dicitur] habetur M tamen Q 1 p 14. una… duple] --- N 2 2 15. duple] proportionis add. M Q 16. est] enim add. M om. Q 17. numerator sive] om. E2 18. loco] numerorum add. A 19. duo] vel medietas add. D medietas M Q binarius N dualitas U 20. est] dicitur Q 21. illa] proportio add. D 22. ipsa] ista D om. Mo 23. ita] similiter add. N sic U 24. potest] potuit B poterit E1 M Q R om. U 25. patere faciliter] om. U 26. de] om. Q 27. aliis] sequuntur regule add. in mg. B E1 nunc sequitur add. D om. Q 28. prima regula] om. A M Mo N Q S in mg. B E2 E3 R T U sequuntur regule. Prima regula in mg. E1 de additione proportionum L 29. proportioni] om. Q 30. ponatur] ponitur S 31. minimis] terminis seu add. R 32. numeris] terminis N U 33. minor] om. L minimus R 34. terminus] rationalis E2 om. Mo 35. sive] om. E2 Mo R S 36. numerus] minor add. Q om. R S 37. minorem alterius] terminum alterius minoris S

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maior1 per maiorem. /S : 1v/ Et exibunt numeri seu termini proportionis composite ex2 ambabus datis. Et3 ita possunt addi tres aut quotlibet4 addendo5 duas6 illarum7 insimul8 et deinde toti composito ex ambabus9 addendo10 tertiam, deinde quartam11 si12 placet13, et14 sic15 ultra16. Verbi17 gratia volo18 simul addere sexquitertiam /L : 172va/ et quintuplam19. Primi20 numeri21 sexquitertie22 sunt 4 et 3 et alterius23 524 et 1. Multiplicabo25 itaque26, ut27 dictum est, 328 per 1 et 4 per 5, et venient29 2030 et31 332, quorum33 /M : 65vb/ proportio est sextupla34 superpartiens35 duas36 tertias37. 1. maior] numerus add. Q 2. ex] om. M 3. et… aut] om. U 4. quotlibet] quattuor R quantumlibet S om. U 5. addendo] addendes Mo N om. U 6. duas] insimul add. L om. U 7. illarum] om. E2 U 8. insimul… ex] om. U 9. ambabus] duabus M Q om. U 10. addendo… deinde] om. U 11. quartam] et ultra add. M Q om. U 12. si] om. M T U 13. placet] om. M T U 14. et] om. E1 M U 15. sic] om. E1 Q U 16. ultra] sicut placet add. M om. Q U 17. verbi gratia] si ergo S om. U 18. volo… et] om. U 19. quintuplam] nam possunt reperiri duo numeri minores qui faciant proportionem sexquitertiam unde add. N 5p S om. U 20. primi] om. U 21. numeri] om. E2 U 22. sexquitertie… 3 et] om. U 23. alterius] primi numeri quintuple sunt Mo M Q primi quintuple N quintuple R om. U 24. 5 et 1] om. U 25. multiplicabo] multiplicando A Q om. U 26. itaque] om. E2 U igitur L M 27. ut… est] om. E2 U 28. 3… 5 et] om. U 29. venient] proveniunt N resultant Q om. U 30. 20] ex una parte add. D om. U 31. et] om. U 32. 3] que sunt minimi numeri proportionis composite ex duabus datis add. B Mo N ex alia add. D om. U 33. quorum… est] om. U 34. sextupla] sexdupla D E1 6p R om. U 35. superpartiens] superbipartiens Mo N supertrespartiens S om. R U 2 36. duas] --- D R T om. Mo N U 3 37. tertias] om. D R T U

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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Et1 ita potest proportio duplari2, triplari3 et4 quadruplari quantumlibet5. Et6 hoc7 potest8 demonstrari9 et10 satis habetur11 ex 6a conclusione Vi 12 Arismetice13 Iordani (1). Secunda14 regula : proportionem rationalem a15 proportione rationali subtrahere. Ponatur16 ut17 prius quelibet18 in suis minimis numeris19, deinde ducatur20 contradictorie21 minor22 numerus23 unius24 in25 maiorem26 alterius27 et ita de reliqua28. Et29 /Q : 109rb/ exibunt30 termini illius proportionis in qua maior31 excedit32 minorem33 de34 proportionibus35 datis. Et illa erat36 maior37 cuius38 1. et… proportio] om. U 2. duplari] aut add. M om. U 3. triplari] om. U 4. et quadruplari] om. D E1 E2 E3 M Mo Q R T U 5. quantumlibet] et cetera E2 om. N U multiplicari add. R 6. et] om. U 7. hoc] illud A om. E2 U 8. potest] om. U 9. demonstrari] demonstratio huius U 10. et satis] om. E2 S U ut Q 11. habetur] om. E2 S 12. Vi] om. M N Q 13. Arismetice] om. U 14. secunda regula] om. A D M N Q S in mg. B E2 Mo R T U conclusio secunda in mg. L 15. a] aut E3 16. ponatur] ponitur S T om. U 17. ut prius] om. U 18. quelibet… minimis] om. Q U 19. numeris deinde] om. U 20. ducatur] ducantur A B D E1 E2 L Mo N S ducentur T om. U 21. contradictorie] contrario modo Q om. U 22. minor] maior Q om. U 23. numerus] terminus R om. Q U 24. unius] om. U 25. in] per A B E1 L T om. U 26. maiorem] minorem Q om. U 27. alterius… de] om. U 28. reliqua] reliquis D E2 Q R om. U 29. et] ita add. S om. U 30. exibunt… qua] om. U 31. maior] proportio add. B N om. U 32. excedit] om. U 33. minorem] et add. M om. U 34. de] in L Q om. U 35. proportionibus… illa] om. U 36. erat] esset M erit N Q om. U 37. maior] proportio add. M Q om. U 38. cuius… in] om. U

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maior terminus ductus in /A : 121va/ minorem1 alterius2 producit3 numerum4 maiorem5. Verbi6 gratia subtrahatur sexquitertia a sexquialtera. Primi numeri7 sexquitertie8 sunt 4 et 3 et primi numeri sive9 termini sexquialtere10 sunt 3 et 2. Multiplicabo11 412 per 2 et tunc13 sunt14 815 ; et iterum 316 per17 3 et18 sunt19 920. Ergo proportio sexquialtera21 est22 maior quam23 sexquitertia24 per25 proportionem 926 ad 8, videlicet per sexquioctavam27. Hec28 /R : 217v/ autem29 demonstrari possunt30 ex31 27a 32 IIi Arismetrice Iordani (2). /Mo : 209(228)r ; U : 165v/ Tertia33 regula : si34 proportio irrationalis fue35 rit partes alicuius rationalis, ipsam possibile est partem vocare36, et37 hoc 1. minorem] terminum add. T om. U 2. alterius] om. U 3. producit] produxit L om. U 4. numerum] om. U 5. maiorem] minorem D T om. U 6. verbi… primi] om. U 7. numeri] om. E2 om. U 8. sexquitertie… numeri] om. U 9. sive termini] om. D E3 L Q R S U 10. sexquialtere… 2] om. U 11. multiplicabo] multiplicave A multiplicando igitur Mo igitur add. N multiplicando Q S om. U 12. 4… et] om. U 13. tunc] om. E2 Mo N Q R U 14. sunt] proveniunt N exibunt R om. U 15. 8… iterum] om. U 16. 3] om. M U 17. per 3] om. U 18. et] tunc add. D om. U 19. sunt] proveniunt N om. U 20. 9… proportio] om. U 21. sexquialtera] sic altera E1 om. U 22. est maior] om. U 23. quam] proportio add. Mo N om. U 24. sexquitertia] om. U 25. per proportionem] om. Q U 26. 9… per] om. U 27. sexquioctavam] sexqui ad octavam E1 om. U 28. hec] hoc T et premissa add. U 29. autem demonstrari] om. U 30. possunt] potest T patent U 31. ex] per E3 M N Q R per penultimam primi epithomatis super Almagestro et cetera atque per primam 5i et U 32. 27a] conclusione add. D E1 21 E2 conclusionem add. E3 2am conclusionem M Q secunda propositione Mo 27am N 27am conclusionem R propositione add. S 33. tertia regula] om. A D M N Q S T U in mg. B E2 Mo R conclusio tertia in mg. L 34. si] om. S 35. fuerit] est Mo 36. vocare] vocari E2 Mo N Q U notare R T 37. et hoc] om. S

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alterius rationalis1 licet non eiusdem2, unde3 competentius nominatur4 pars quam partes. /N : 74v ; T : 83/ Sit itaque5 b6 irrationalis7 partes8 a9 rationalis. Ergo ipsum10 /S : 2r/ b habebit numeratorem et denominatorem. Dico11 ergo12 /E2 : 23r/ quod13 non mutato14 denominatore, ipsum15 b erit pars alicuius proportionis16 multiplicis17 ad18 a secundum numeratorem. Et quia omni proportioni rationali contingit dare quomodolibet19 /B : 25v/ multiplicem20, erit21 quelibet22 irrationalis, de qua est intentio23, pars alicuius24 rationalis. Verbi gratia proponatur25 /E1 : 39v/ proportio que sit due26 tertie quadruple27. Et quia 228 est numerator29, ipsa30 erit una31 tertia quadruple32 duplicate, scilicet sedecuple33, et sic de aliis. Et ratio34 est quoniam35 universaliter

1. rationalis] om. R 2. eiusdem] generis add. U 3. unde] om. N sit igitur b irrationalis partes a rationalis ergo add. S 4. nominatur] denominatur E3 5. itaque] namque N igitur S 6. b] proportio add. M N Q 7. irrationalis] rationalis M 8. partes] ipsius add. N 9. a] proportio add. N 10. ipsum] om. Mo 11. dico] om. M 12. ergo] om. M R 13. quod… non] om. M 14. mutato denominatore] om. M numerato numerator Q 15. ipsum] om. S 16. proportionis] rationalis add. L 17. multiplicis] multiplicantis S 18. ad… numeratorem] om. D 19. quomodolibet] quotlibet M quantumlibet U 20. multiplicem] igitur add. Q 21. erit] om. M R et Mo N 22. quelibet] igitur add. M 23. intentio] erit add. M R mentio T 24. alicuius] alterius add. M Q 25. proponatur] proposita E2 ponatur E3 M R 2 26. due tertie] 2 3 E3 --- M N Q R 3 p p 27. quadruple] N4 RT 4 28. 2] 3 D E2 29. numerator] denominator A B D E1 E2 E3 L et tria denominator add. S 30. ipsa] om. R 1 31. una tertia] --- N R U 3 p 32. quadruple] 4p E1 E3 T N 4 33. sedecuple] sextuple A sexdecimduple E1 sextedecuple S 34. ratio] huius add. S 35. quoniam] quia E2 Q

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una1 tertia totius est due2 tertie3 medietatis sive subdupli4 et5 econverso due6 tertie subdupli7 sunt8 una9 tertia dupli10, et sic de quibuslibet11 partibus. /E3 : 91v/ Quarta12 regula : denominationem13 proportionis irrationalis proprissime14 assignare15. Pro isto16 sciendum est17 quod proportio18 rationalis19 dicitur primaria que non potest dividi in proportiones20 rationales21 equales et22 est illa inter cuius23 numeros24 minimos25 nullus26 est27 numerus medius proportionaliter28 seu numeri medio29 loco30 proportionales, /L : 172vb/ sicut est31 dupla32 aut33 tripla34 aut sexquialtera35. Sed illa vocatur secundaria que potest sic36

1 1. una tertia] --- N U 3 2 2. due] --- N U 3 3. tertie] om. N Q U 4. subdupli] subduple N T vel medietatis add. Q 5. et] vel D 2 6. due tertie] --- N U 3 7. subdupli] subduple D N subduple proportionis T 8. sunt] sicut S 1 9. una tertia] --- D N U 3 10. dupli] quadruple D duple N S T 11. quibuslibet] quibuscumque Mo S U aliis Q 12. quarta regula] om. A D E2 M N Q S T U in mg. B E2 Mo R conclusio quarta in mg. L 13. denominationem] denominatorem proportionum per eandem maximum numerum prius habitum unde denominationem E3 denominatorem N T 14. proprissime] vel precise add. M Q 15. assignare] signare Q assistere S 16. isto] istis E2 quo U 17. est] om. B D E1 E2 M Q U 18. proportio] proportionalis A 19. rationalis] om. A irrationalis L 20. proportiones] proportionales M 21. rationales] om. S 22. et] sicut M Q 23. cuius] terminos vel add. E2 24. numeros] terminos U 25. minimos] om. E2 N Q 26. nullus] non M N Q 27. est] alius add. N 28. proportionaliter] om. Mo proportionalis M Q R U 29. medio] medii Mo N Q T 30. loco] om. Mo N S T 31. est] om. Q 32. dupla] 2p R 33. aut] om. E2 34. tripla] 3p R 1 35. sexquialtera] 1p --- R 2 36. sic] om. N U

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dividi1 et2 inter cuius3 numeros4 est numerus sive numeri medii5 proportionaliter6, id7 est8 medio9 loco proportionales, sicut /M : 66ra/ sunt10 quadrupla que11 dividitur12 in duas duplas et13 octupla14 in tres15 duplas, similiter16 nonecupla17 in duas triplas18, et sic de aliis. Proposita itaque19 proportione20 irrationali21 quomodolibet, si denomine22 tur partes23, tunc24 per25 precedentem regulam26 fiat27 quod /Mo : 209(228)v/ vocetur28 pars. Quo posito videatur si29 proportio rationalis a qua denominatur30 sit primaria. Et si sic, tunc31 standum32 est33 quia proportio irrationalis, de qua est34 sermo, est competentissime nominata35, sicut dicendo una36 tertia sextuple37 aut una38 tertia duple39, et sic de aliis. Si vero proportio 1. dividi] taliter add. U 2. et] est add. B 3. cuius] duos Q 4. numeros] minimos add. D M Mo Q R 5. medii] inequali M medius Q 6. proportionaliter] om. M Mo proportionalis Q proportionales U 7. id] om. M Mo vel Q 8. est] in add. E2 om. M Mo Q 9. medio loco] om. Mo medii Q 10. sunt] om. D Q est Mo R 11. que] om. L 12. dividitur] dividuntur A E2 om. L 13. et] similiter D N 14. octupla] 8p N quadrupla S 15. tres duplas] duas quadruplas Q 16. similiter] om. N 17. nonecupla] nonadupla E1 9p T 18. triplas] et 27la in 3 triplas add. Mo 19. itaque] igitur L S 20. proportione] proportio U 21. irrationali] quacumque add. Mo N rationali Q rationalis U 22. denominetur] denominentur D E1 E2 E3 N T denominatur Mo 23. partes] om. D per M 24. tunc] om. M Q 25. per] illam add. S 26. regulam] om. D S 27. fiat] fiet Mo 28. vocetur] denominetur L vocatur Mo N notetur R 29. si] an L 30. denominatur] denominantur Mo N 31. tunc] om. D 32. standum] sciendum N U 33. est] om. L 34. est] nunc D 35. nominata] denominata S 1 36. una tertia] unam tertiam A --- N R 3 37. sextuple] sexduple E1 6p E3 R T 1 1 38. una tertia] om. A L --- B N R S --- Mo 3 2 p 39. duple] 2 R T

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rationalis1 a qua denominatur sit2 secundaria, videatur quot3 habet4 proportiones rationales /Q : 109va/ primarias que sunt eius partes /U : 166r/ equales5. Et6 si numerus quotiens istarum partium et denominator7 proportionis irrationalis8 proposite sint9 incommunicantes, standum est in tali /S : 2v/ denominatione10. Sicut si dicatur una11 medietas octuple12, talis denominatio13 est propria, quia14 octupla15 habet tres16 partes equales rationales, scilicet tres17 duplas, et 218 est denominator proportionis irrationalis proposite, modo19 3 et 2 sunt20 numeri incommunicantes. Ideo medietas octuple21 non22 est pars alicuius23 proportionis24 rationalis minoris quam25 octupla26 quamvis27 bene sit partes28, quia29 medietas30 octuple31 est tres32 quarte quadruple33. Sed talis /A : 121vb/ denominatio34 non est35 propria. 1. rationalis] irrationalis M 2. sit] sicut M 3. quot] quod E1 E3 M T 4. habet] habeat M Q habeant N 5. equales] om. D 6. et] sic add. S 7. denominator] in tali denominatione Mo 8. irrationalis] rationalis Mo 9. sint] sunt T 10. denominatione] denominatore N 1 11. una medietas] --- Mo N R U 2 12. octuple] 8p E3 R T 13. denominatio] denominator N 14. quia] et U 15. octupla] 8p A E3 R 16. tres] om. Q 17. tres duplas] 3p E3 18. 2] om. Mo 19. modo] id est add. A L 20. sunt] duo add. M Q sint Mo N 21. octuple] 8p E1 E3 N T 22. non… pars] om. B 23. alicuius] om. B M alterius Mo S 24. proportionis… minoris] om. B 25. quam] om. B sit add. E1 L Mo N est add. M 26. octupla] om. B 8p E1 E3 N 8p R 27. quamvis… sit] om. B 28. partes] om. B pars Mo 29. quia] om. B 1 30. medietas] om. B --- M R U 2 31. octuple] om. B 8p E1 E3 N R 3 3 32. tres quarte] 43 D N T --- M R U 4 4 33. quadruple] 8p B 4p E1 E3 N R T 34. denominatio] denominator N 35. est] esset B D E1 E2 E3 M R T U

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Si autem1 numerus2 minimarum3, id4 est5 primariarum6 partium7 talis8 proportionis rationalis secundarie9 a qua denominatur proportio irrationalis et denominator illius proportionis10 irrationalis11 que est pars12 ipsius sint13 numeri communicantes, tunc accipiatur14 maximus numerus in quo communicant. Et per ipsum est15 dividendus uterque illorum. Et dividendo16 numerum partium proportionis17 secundarie provenit numerus18 proportionum partialium ex quibus componitur19 proportio20 rationalis21 a qua denominatur proprissime proportio22 proposita. Dividendo vero23 denominatorem propositum24 per eundem25 maximum numerum prius habitum, venit denominator proportionis irrationalis26 proprissimus et quesitus. Verbi gratia proponatur proportio que vocetur27 tres28 quarte quadruple29. Tunc agendo30 per tertiam31 regulam patet quod ipsa est32 una33 quarta pro1. autem] vero A U 2. numerus] numeri Mo N 3. minimarum] om. M Q R minimorum scilicet numerator minimarum Mo minimorum N minoris S minor T 4. id] querens M om. Q quotiens R 5. est] predictarum partium scilicet add. E2 om. M Q R 6. primariarum] sue minimarum R 7. partium] om. E2 8. talis] istius Mo 9. secundarie] contrarie A L primarie U 10. proportionis] om. L 11. irrationalis] est add. T 12. pars ipsius] partes Q 13. sint] fuerint E2 sunt S 14. accipiatur] sumatur A incipiatur S 15. est dividendus] videndum M 16. dividendo] dividendum M 17. proportionis] rationalis add. N 18. numerus] earumdem add. R 19. componitur] comparantur Mo 20. proportio] eiusdem denominatoris add. Mo 21. rationalis] irrationalis M N 22. proportio] irrationalis R 23. vero] om. D 24. propositum] proportionis non Q proportionum U 25. eundem] eum D 26. irrationalis] rationalis Q 27. vocetur] vocatur Q 3 3 28. tres quarte] 34 D N T --- R U 4 p 4 29. quadruple] 4p E1 E3 R T N 4 30. agendo] arguendo Q T 31. tertiam] secundam Q unam S 32. est] talis E2 1 33. una quarta] --- N R U 4

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portionis1 64p 2. Sed quia3 /Mo : 210(229)r/ 64p 4 componitur5 ex sex duplis6 et 6, qui7 est numerus partium primariarum /R : 218r/ istius 64p 8, et 4, qui est denominator proportionis9 proposite10, sunt11 communicantes in12 2, igitur dividendo 6 per 2 exit13 314. Ergo proportio proposita15 est16 pars17 trium duplarum18, scilicet pars19 octuple20. Similiter21 dividendo 4 per 2 venit22 223, /E3 : 92r/ ergo proportio proposita24 est una25 medietas26. Patet27 igitur ex hac28 regula29 quod proportio proposita est una30 medietas octuple31. /D : 97r/ 1 (3) Et32 scribitur sic33 /L : 173ra/ --- 8p 34, et ista est35 eius36 denominatio37 2

1. proportionis] est add. E2 om. R 2. 64p] 64ple B T 64le D M N Q U sexagesime 4p E1 E3 6le E2 64.p Mo 3. quia] om. B proportio add. Mo 4. 64p] 64pla A L T 64la D E2 Q U sexagesima 4p E1 sexagesima quadrupla E3 6p4p M 64.p Mo 5. componitur… sex] om. M Q 6. duplis] om. M Q 2p N 7. qui] om. D 8. 64p] 64ple A B L 64le D E2 M Q U sexagesime 4 E1 sexagesime 4p E3 64.p Mo 9. proportionis] 4le add. Mo 4p add. N 10. proposite] composite T 11. sunt] sint Mo 12. in] om. Q 13. exit] exient T 14. 3] ternarius M Mo N Q 15. proposita] om. D S 16. est] sit A om. S 17. pars] om. S 18. duplarum] duorum D 2p N 19. pars] om. N 20. octuple] octave D 8p E1 N R S 6p E3 21. similiter] semper Q sed S 22. venit] veniunt M exit N om. Q provenit U 23. 2] om. Q 24. proposita] 64le add. Mo 25. una] om. M N U 1 26. medietas] octuple add. M Q --- N U 2 27. patet… ex] om. Mo R 28. hac] secunda add. D om. Mo R 29. regula… est] om. Mo R 1 30. una medietas] om. Mo R --- N U 2 31. octuple] 8p E1 E3 N S T 32. et scribitur] om. N 33. sic] om. N Q 34. 8p] 8ple A E2 L 8le D Q U 35. est] om. D 36. eius] om. E2 37. denominatio] denominator N

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competentior. Eodem modo una1 duodecima quattuor triplarum2, scilicet3 1 81ple 4, est --- 3p 5 et similiter una6 quarta sex7 triplarum /E2 : 23v/ est una8 3 medietas trium9 triplarum, scilicet 27ple 10, et11 cetera. /M : 66rb ; T : 84 ; U : 166v/ Quinta12 regula : proportionem irrationalem13 /S : 3r/ proportioni14 rationali addere. Sit b15 irrationalis16 addenda proportioni17 rationali que18 sit a19. Et20 sit d illa proportio rationalis cuius b est pars et a21 qua proprissime denominatur secundum priores22 regulas23. Tunc capiatur denominator ipsius b et totidem a addantur24 d25 proportioni, scilicet26 quotus27 est iste denominator per28 primam regulam, /E1 : 40r/ et totum aggregatum sit c. Dico igitur quod proportio composita ex b et a erit pars29 ipsius c denominata eodem30 denominatore /N : 1 1 1. una duodecima] ------ N U --- Q 12 2 p 2. triplarum] 3 E3 duplarum Q 3. scilicet] 12a add. E2 om. E3 4. 81ple] 8le D M Mo Q 81pla E2 8p E3 N S 81p R 18p T 1 1 1 5. --- 3p] --- 3ple A B L una tertia 3ple D E1 E2 una 3la 3le M tertia 3le Q --- duarum triplarum 3 3 6 1 scilicet 9p R una tertia 3p E3 T --- 3le U 3 1 6. una quarta] 4i et D --- N R U 4 7. sex triplarum] 6p E3 sexquitriplarum M Q 6 3p R 1 8. una medietas] --- D R T U 2 9. trium] duarum B 3 D T 1 10. 27ple] vicesima 7p E1 vicessime sexduple E3 27le D E2 M 27p Mo N R T --- 3le Q 2 11. et cetera] et sic de aliis E2 om. E3 Mo N U 12. quinta regula] om. A D E2 M N Q S U in mg. B Mo R T conclusio quinta in mg. L 13. irrationalem] vero add. E2 irrationabilem M rationalem Q 14. proportioni] om. E2 15. b] proportio add. D M Q 16. irrationalis] om. B rationalis Q 17. proportioni] om. D E2 N 18. que sit] om. T 19. a] om. B T 20. et… rationalis] om. T 21. a] de N om. S 22. priores] precedentes Mo N 23. regulas] datas add. Q 24. addantur] addatur A E2 L M Mo Q T U adduntur S de proportione add. N 25. d] om. E1 Mo b E3 de L N 26. scilicet] om. N 27. quotus] quod M 28. per] secundum D 29. pars] om. S 30. eodem… quo] eadem denominatione qua T

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75r/ quo b denominabatur1 /Q : 109vb/ esse pars sue denominantis2 proportionis, scilicet3 d. Verbi gratia, addatur una4 tertia duple5 proportioni6 sexquialtere7. Continuentur8 ergo9 tres10 /B : 26r/ sexquialtere cum dupla et exibit11 proportio sextupla12 superpartiens13 tres14 quartas15, que est proportio 2716 ad 4. Ergo17 proportio18 resultans ex una19 tertia duple20 et proportione sexquialtera est una21 tertia proportionis22 2723 ad24 4, et ista proportio sic25 resultans scribitur 1 3 sic26 --- 6p --- 27. 3

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Sexta28 regula : proportionem29 irrationalem30 a proportione rationali subtrahere sive31 econverso32.

1. denominabatur] denominatur E2 2. denominantis] om. N 3. scilicet d] sicut M Q om. Mo 1 1 1 4. una tertia] --- M N R U 3 --- Mo --- Q 3 3 2 5. duple] 2le M Mo 2p N R 6. proportioni] proportionis S 1 7. sexquialtere] multiplicerentur igitur vel add. N 1p --- R 2 8. continuentur] incontinuentur M 9. ergo] om. N 10. tres] om. E3 tote S 11. exibit] exhibi D 12. sextupla] 6p E3 R 13. superpartiens] supertripartiens N om. R 3 14. tres] --- D R T 43 M om. N 2 Q 4 15. quartas] om. D M Q R T 16. 27] 27le Mo 17. ergo] om. D E1 E3 R T et ideo M Q 18. proportio] om. D E1 E3 R T sic add. E3 1 1 19. una tertia] om. D E1 E3 R T --- N U --- Q 3 2 20. duple… est] om. D E1 E3 R T 1 21. una tertia] om. D E1 E3 R T --- N U 3 22. proportionis] om. D E1 E3 R T 23. 27] om. D E1 E3 R T 27le Mo 24. ad 4] om. D E1 E3 R T 25. sic] om. M N 26. sic] om. Q 1 3 1 1 3 1 3 1p 3 27. --- 6p --- ] --- 6p 43 A --- 6le --- 3. 6. 4. D --- 6le --- E2 Q U --- --- N et cetera add. S 3 4 3 3 4 3 4 36 4 28. sexta regula] om. A D E2 M N Q S U in mg. B Mo R T conclusio sexta in mg. L 29. proportionem] vero add. E1 E2 30. irrationalem] rationalem E1 31. sive] om. L N T et Mo 32. econverso] om. L N T

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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Sit a proportio rationalis /Mo : 210(229)v/ et b irrationalis denominata a proportione rationali1 que sit d2. Igitur3 sive a sit4 maior quam5 b6 sive minor7. Multiplicetur a per denominatorem ipsius b et8 idem9 est quod10 accipere proportionem11 compositam ex totidem a12 quotus est ille13 denominator ipsius b14, et hoc docet15 facere16 prima17 regula. Sit18 itaque19 illa20 proportio composita sive producta c. Tunc per secundam regulam cognoscetur21 /A : 122ra/ utrum22 c sit23 maior quam24 d sive minor25. Et si c est26 maior27, tunc a erat28 maior29 quam30 b31. Et si d est32 maior quam33 c, tunc b erat34 maior35 quam36 a. Et quocumque dato subtrahatur minor37 a maiore38 illarum

1. rationali] om. N 2. d] g S 3. igitur] om. D S 4. sit] om. S 5. quam] om. E2 S 6. b] om. N S 7. minor] quam quod b add. S 8. et] quod M Q quod add. Mo aut quod N 9. idem] nihil aliud M Q 10. quod] om. Mo N 11. proportionem] om. B 12. a quotus] quotidem M Q 13. ille] om. Mo N 14. b… hoc] om. Q 15. docet] debet D E1 T om. Q 16. facere] om. N Q 17. prima regula] om. Q 18. sit] sitque D N Q 19. itaque] om. D N Q igitur T 20. illa proportio] om. Q 21. cognoscetur] cognoscitur S 22. utrum] unde L 23. sit] erit S 24. quam d] om. E2 25. minor] d add. E2 26. est] sit Mo T erat N 27. maior] minor una S 28. erat] esset M erit Mo N Q R S 29. maior] minor Mo N 30. quam] om. S 31. b] cb A L 32. est] erat A L U 33. quam] om. E2 34. erat] esset M erit S 35. maior] minor T 36. quam] om. E2 37. minor] maior A B D E1 E3 L T minori Mo S aliter maior a minori in mg. U 38. maiore] minori A B D E1 E3 L S T

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proportionum, scilicet c et1 d, quod fiet2 per secundam regulam, et residuum sit3 f. Dico itaque quod si a4 subtrahatur ex5 b, sive econverso, residuum erit tota6 pars ipsius f quota7 pars b erat8 ipsius d9. Verbi gratia subtrahatur sexquitertia a10 medietate duple11. Continuabo12 duas13 sexquitertias /S : 3v/ et exibit proportio que est 1614 ad 9, que est minor15 quam dupla16. Et ergo17 subtrahatur a dupla, et remanet18 sexquioctava. Ergo subtrahendo sexquitertiam /L : 173rb/ a medietate duple19, remanet20 medietas sexquioctave21. Item22 si velis23 subtrahere tertiam partem duple24 a sexquialtera, continuentur tres25 sexquialtere, et veniet26 proportio27 2728 ad 8, a29 qua subtrahatur30 dupla31, et restabit32 proportio33 2734 ad 16.

1. et] a M 2. fiet] fieret A fiat R 3. sit] fiet D fit E1 4. a] f T 5. ex] de M 6. tota] om. Mo 7. quota] ista S 8. erat] erit M Q 9. d] c S 10. a] ab una M 11. duple] 2p N 12. continuabo] continuando M Q om. N 13. duas sesquitertias] om. N 14. 16] g S 15. minor] maior S 16. dupla] 2p N 17. ergo] ideo M Q per secundam regulam add. N 18. remanet] remanebit L Mo N T 19. duple] et sic N 20. remanet] remanebit Mo N una add. Q 21. sexquioctave] sexquioctuple M 22. item] iterum E2 Mo N ergo Q 23. velis] velit A L Mo velles S 24. duple] 2p N 25. tres] om. M 26. veniet] venient E1 E3 venit T 27. proportio] om. T 28. 27] 27le Mo 29. a qua] qui est maior quam 2p ergo si per secundam regulam N 30. subtrahatur] subtrahebatur L subtrahebam una M ab una add. N subtrahetur una Q 31. dupla] 2p N 32. restabit] remanebit una tertia M Q resultabit Mo remanet N 33. proportio] proportionis M Q 34. 27] 27le Mo

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Ergo1 si2 una3 tertia duple subrahatur4 a5 sexquialtera6, /M : 66va/ remanebit7 una8 tertia proportionis9 2710 ad 16. /E3 : 92v/ Et hec11 est tertia12 pars illius quod restaret si tota dupla13 subtraheretur14 a tribus15 sexquialteris16. Et17 ex hoc potest faciliter demonstrari regula18 ista19, quia20 universaliter21 si primum subtrahatur22 a23 secundo et24 remaneat25 tertium26, ergo si27 tertia28 pars primi /Mo : 211(230)r/ subtrahatur29 a tertia30 secundi, remanet31 tertia pars32 tertii. Et ita de medietate aut33 quarta parte34 sive quinta, et35cetera.

1. ergo] om. E3 2. si] om. A E3 L 1 3. una… duple] om. E3 --- 2p N 3 4. subtrahatur] om. E3 subtraham M subtracta U 5. a] om. E3 6. sexquialtera] om. E3 sexquitertia Q 7. remanebit] om. E3 1 8. una tertia] --- E2 N om. E3 3 9. proportionis] om. E3 T 10. 27 ad 16] 16 ad 27 E2 om. E3 11. hec] hoc A B L M Mo U 12. tertia] om. Q 13. dupla] 2p N 14. subtraheretur] subtrahetur T 15. tribus] om. R 16. sexquialteris] sexquilateri M 17. et] regula generalis in mg. E1 18. regula] est add. E3 om. Q 19. ista] om. N 20. quia] om. M Q 21. universaliter] om. E2 scilicet add. M 22. subtrahatur] subtrahitur D subtraham M 23. a] om. S 24. et] quod M Q etiam S 25. remaneat] remanet D N S T U remanet est Q 26. tertium] tertia S 27. si] etsi T 28. tertia] una S 29. subtrahatur] subtraham M 30. tertia] parte add. D E2 N secunda parte Q 31. remanet] remaneret S 32. pars] om. Mo 33. aut] vel tertia parte vel M Q 34. parte] om. E2 Mo N R Q 35. et cetera] om. D E2 M Mo Q et sic de aliis N

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/U : 167r/ In1 additione2 irrationalis3 ad irrationalem4 et5 subtractione irrationalis6 ab irrationali7 sunt regule generales pro quibuslibet8 quantitatibus. Sit9 itaque10 pars nota11 /R : 218v/ rei note addenda parti note12 rei note sive13 demenda14. Verbi gratia sit15 c pars rei a, et d16 /Q : 110ra/ sit17 pars rei b18, et19 quod c denominetur numero20 e21 et d numero22 f. Ducam23 ergo24 a in f, id25 est continuabo26 totidem a quotus est numerus f, et exibit g. Similiter ducam27 b in e, et veniet28 h. Erit29 igitur30 c31 pars ipsius g secundum numerum qui fit ex ductu /E2 : 24r/ e32 in f, et secundum eundem numerum erit33 d34 pars ipsius h35. Ergo sicut c ad g36 ita d ad h. 1. in] regula generalis in mg. B regule generale in mg. E1 regula septima et generalis in mg. E2 regula generalis add. ante E3 conclusio septima in mg. L septimo in mg. Mo septima regula in mg. R 2. additione] proportionis add. E2 3. irrationalis] rationalis Q 4. irrationalem] rationalem Q S 5. et] cum D in add. Q 6. irrationalis] rationalis Q 7. irrationali] rationali Q 8. quibuslibet] quibuscumque E2 Mo R 9. sit] prima regula add. in mg. Mo 10. itaque] igitur S 11. nota] om. Q tota S 12. note] om. D E2 Q 13. sive] ab ea add. N 14. demenda] dividenda R 15. sit c] om. M 16. d] b N 17. sit] om. D 18. b] d Mo N 19. et] ita Mo N om. Q 20. numero] minor B 21. e] om. S 22. numero] minor B 23. ducam] ducatur E2 Q 24. ergo] om. M Q 25. id est] idem B Q S T et Mo 26. continuabo] continuetur M 27. ducam] ducatur D E2 28. veniet] exhibit E2 venit M T provenit N 29. erit] om. D Q 30. igitur] quod add. R 31. c] est add. R 32. e] a D 33. erit] esset M 34. d] om. S 35. h] a B T 36. g] d U

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Septima1 regula : addendo2 igitur sequitur3 quod sicut c ad g, et4 etiam5 d ad h, ita aggregatum ex c6 et d ad aggregatum ex g7 et h. Ergo additum8 sive9 aggregatum10 cd est pars aggregati gh secundum numerum qui11 fit ex12 e13 in f. Octava14 regula : subtrahendo vero sequitur /S : 4r/ quod si g subtrahatur15 ex h, aut16 econverso17, /T : 85/ et18 c ex d, aut econverso, residuum erit19 residui tota pars quota pars20 c21 erat22 ipsius23 g24, aut25 quota pars erat26 d27 ipius h28, et hoc est secundum numerum qui fit ex29 e30 in f. Verbi gratia in additione proportionum irrationalium31 et sit32 medietas33 duple34 /E1 : 40v/ addenda cum tertia35 parte triple36. /A : 122rb/ Continuabo ex una parte37 tres duplas, ut docet prima regula, et hoc38 facio, quia alia pro-

1. septima regula] om. A D E2 L M Mo N Q R S T U in mg. B 2. addendo] om. M Q 3. sequitur] om. D 4. et] ita add. L 5. etiam] eadem D om. Q 6. c et d] g et h M 7. g et h] c et d M 8. additum] om. E2 additur S 9. sive] om. E2 10. aggregatum] ex add. M Q 11. qui fit] factum Mo N 12. ex] ductu add. Mo T 13. e] a D U 14. octava regula] om. A D E1 E2 L M N Q S T U in mg. B Mo 15. subtrahatur] subtraham M 16. aut] om. S 17. econverso] converso modo Mo N om. S 18. et… econverso] om. E3 U 19. erit] et S 20. pars] esset M erit Q 21. c] om. S 22. erat] om. M Q S 23. ipsius] om. S 24. g] om. S aut quota pars c erat ipsius g add. T 25. aut… pars] om. S 26. erat] om. M U erit Q 27. d] om. Mo 28. h] b S 29. ex] ductu add. Mo 30. e] a D 31. irrationalium] irrationabilium M 32. sit] si A S una add. M Q 1 33. medietas] --- R 2 p E1 N R T 34. duple] 2 1 35. tertia parte] --- R 3 36. triple] 3p N R proportionis add. T 37. parte] om. D R una add. Q 38. hoc] illud A

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portio denominatur a ternario et dicitur1 tertia pars, et ex alia2 propter3 idem4 et5 per idem continuabo duas triplas6. Et multiplicabo denominatores7 partium unum8 per alium9, videlicet 2 per 3, et veniet10 6. Ergo11 medietas12 duple13 est sexta14 /Mo : 211(230)v/ pars15 trium duplarum16, et similiter tertia17 pars18 triple19 est sexta20 pars duarum triplarum. /L : 173va/ Ergo aggregatum21 ex22 medietate23 duple24 et tertia25 parte triple26 est sexta27 pars aggregati ex tribus duplis et28 duabus triplis. Et per primam regulam patet quod tale aggregatum29 est30 proportio31 72pla 32, scilicet33 7234 ad 1. Ergo addendo35 1. dicitur] sic N 2. alia] parte add. Mo altera N alio R 3. propter] parte D N semper S 4. idem] om. D N ibidem T 5. et… idem] om. D E1 6. triplas] propter idem add. D tertias Q 7. denominatores] unum denominatorem Q 8. unum] om. Q 9. alium] alterum S T 10. veniet] venient E2 E3 L N R U venit M S T 11. ergo] una add. M 1 12. medietas] --- Q R 2 13. duple] 2p E1 N R T 1 14. sexta] tertia A L est add. M --- U 6 15. pars] li add. S om. U 16. duplarum] triplarum S 1 17. tertia] --- R 3 18. pars] om. B R 19. triple] 3p E1 N R T 1 20. sexta pars] --- R U 6 21. aggregatum] est add. S 22. ex] una add. M Q 1 23. medietate] --- R 2 p 24. duple] 2 E1 N R 1 25. tertia parte] --- R 3 26. triple] 3p E1 N R T duple U 1 27. sexta pars] --- R U 6 28. et] ex add. S 29. aggregatum] om. N 30. est] om. L N S 31. proportio] om. L S est add. N 1 32. 72pla] 27pla A L 72la D E2 U septuagesima dupla E1 72p E3 R om. Mo 72 M N --- 2le Q 2 33. scilicet] om. Q 34. 72] 27 A L 35. addendo] unam add. M Q om. N

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/B : 26v/ medietatem1 duple2 et3 tertiam partem triple4 veniet5 sexta6 pars7 proportionis8 72ple 9. Verbi10 gratia in subtractione11 proportionum irrationalium subtrahatur12 medietas13 duple14 a tertia15 /N : 75v/ parte triple16. Primo17 ergo18 subtrahatur aggregatum ex tribus duplis19 ab20 aggregato21 ex duabus triplis22, per secundam regulam, et remanet sexquioctava23. Ergo subtrahendo sextam partem a /M : 66vb/ sexta parte, scilicet24 medietatem duple25 a tertia parte triple26, remanebit27 sexta pars sexquioctave28. Nam29 medietas duple30 est31

1 1. medietatem] --- R 2 2. duple] 2p N R proportionis add. T 1 3. et… partem] ad --- R 3 4. triple] om. D 3p addendo N 3p R T erit sexta pars aggregati ex tribus duplis et duabus triplis add. Q 5. veniet] veniret E2 venit M S T 1 6. sexta] --- R 6 7. pars] om. M R 8. proportionis] om. R 1 9. 72ple] sed add. A L U 72le D E2 M septuagesime duple E1 72p E3 N R --- 2le Q 2 10. verbi gratia] sicut verbum M sicut add. Q 11. subtractione proportionum] proportione Q 12. subtrahatur] subtraham una M 1 13. medietas] --- Q 2 14. duple] 2p E3 N 2p proportionis T 1 15. tertia parte] --- U 3 p 16. triple] 3 E3 N T 17. primo] om. S 18. ergo] etiam R 19. duplis] 2p N R 20. ab] ex D om. E2 21. aggregato ex] et E2 22. triplis] 3p E3 N R 1 23. sexquioctava] 1p --- M om. Q 8 24. scilicet] sive U p N ad tertiam partem duple add. U 25. duple] 2 26. triple] duple A E1 E3 L M Q S T U 3p N 27. remanebit] remanet T 28. sexquioctave] sexquialtere Q om. U 29. nam medietas] om. U 30. duple] 2p E3 N om. U 31. est… trium] om. U

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sexta pars trium duplarum1 et2 tertia3 pars triple4 est5 sexta6 pars duarum7 triplarum8. Ergo9 subtrahendo sextam a sexta remanet10 sexta11 pars12 residui13 quod remaneret14 subtrahendo totum a toto. Et hoc15 est facile demonstrare16. /E3 : 93r ; S : 4v/ Nona17 regula : si autem18 partes habeant19 eandem denominationem20, tunc preter21 regulam generalem22 positam potest dari facilior23 regula24 specialis, ita25 quod si tertia26 pars27 a28 addatur tertie parti b, exibit tertia29 pars illius quod fieret30 ex additione a ad b. Similiter si tertia31 pars a32 subtrahatur a tertia33 parte b, remanebit34 tertia35 pars residui

1. duplarum] 2p E3 N om. U 2. et] om. U 1 3. tertia pars] --- R om. U 3 4. triple] duple D om. M U 3p E3 N R 5. est] om. M U 1 6. sexta pars] om. M U --- R 6 7. duarum] om. M p E3 R 8. triplarum] om. M 3 9. ergo… sexta] om. M 10. remanet] remanebit N om. M T 11. sexta] om. M N T 12. pars] om. A D E1 E3 L M Mo Q R S T U 13. residui] om. A L M 14. remaneret] remanet D E2 M Q T 15. hoc] illud A 16. demonstrare] hic debet esse illa figura que est facta immediate post nonam regulam E1 17. nona regula] om. A D E2 L M N Q R S T U in mg. B Mo 18. autem] vero A 19. habeant] habent T 20. denominationem] om. M 21. preter] per D 22. generalem] om. U 23. facilior] faciliter S 24. regula] om. M Q 25. ita quod] ut R 1 26. tertia] --- U 3 27. pars] om. E3 U 28. a…exibit] om. S 1 29. tertia pars] om. S --- U 3 30. fieret] fuit U 1 31. tertia] --- U 3 32. a] om. L Mo N 1 33. tertia parte] --- U 3 34. remanebit] remanet D 1 35. tertia] --- U 3

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quod1 restat2 post3 subtractionem a de4 b. Ut si dupla5 addatur6 triple7, veniet8 sextupla9, ergo si medietas duple10 addatur11 medietati triple12, veniet13 medietas14 /Q : 110rb/ sextuple15. Similiter si dupla16 subtrahatur17 a tripla18, remanet19 sexquialtera20, ergo si tertia21 duple22 subtrahatur23 a tertia24 triple25, remanet26 tertia27 pars sexquialtere28, et29 ita30 in31 aliis32. Additio33 autem34 semper35 probat36 subtractionem37, /Mo : 212(231)r/ et38 e converso, sicut in aliis.

1. quod] maneret add. L 2. restat] om. Q 3. post] posse M 4. de] ab ipso N 5. dupla] duple add. D 2p E3 N R 6. addatur] om. D 7. triple] duple D 3p E3 N R 8. veniet] venit S T 9. sextupla] sexdupla E1 6p E3 N R 10. duple] 2p E3 N R 11. addatur medietati] om. D 12. triple] om. D 3p E3 N R 13. veniet] veniret L Mo venit S T 1 14. medietas] --- R 2 15. sextuple] sexduple E1 6p N R 16. dupla] 2p E3 N R 17. subtrahatur] subtraham M 18. tripla] tertia Mo 3p E3 N R 19. remanet] remanebit A L N Q remanebit sextupla M 1 20. sexquialtera] 1p --- R 2 1 21. tertia] pars add. B M Q S --- R U 3 p 22. duple] 2 E3 N R 23. subtrahatur] subtraham M 1 24. tertia] parte add. M N Q --- R U 3 p 25. triple] 3 E3 N R 26. remanet] remanebit A L M N Q U 1 27. tertia pars] --- R U 3 1 28. sexquialtere] 1p --- R 2 29. et] om. R 30. ita] sic N U om. R 31. in] de M Mo N U om. R 32. aliis] om. R 33. additio] om. M Q 34. autem] om. E2 E3 M Q 35. semper] om. E2 M Q T 36. probat] om. M Q 37. subtractionem] semper add. E2 om. M Q 38. et… aliis] om. M Q

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Proportio duplatur1, triplatur2 et quomodolibet3 multiplicatur4, etiam5 sexquialteratur, aut6 quomodolibet7 aliter8 proportionaliter9 augetur per additionem proportionis ad proportionem10. Ut11 si quis vellet12 habere13 proportionem14 sexquitertiam15 ad duplam16 oporteret17 addere proportioni18 duple19 tertiam partem eius, per quintam20 regulam, et veniret21 tertia22 pars23 sedecuple24, ita quod tertia25 pars sedecuple26 est sexquitertia27 ad duplam28. /D : 97v/ Eodem modo per subtractionem29 subduplatur30, subtriplatur31, subsexquialteratur32 et33 cetera.

1. duplatur] duplatio S 2. triplicatur] triplatio S 3. quomodolibet] quolibet D 4. multiplicatur] igitur add. Mo multipliciter S 5. etiam] et D N S aut M Q 6. aut] om. E2 etiam add. Mo et L M Q 7. quomodolibet] om. E2 8. aliter] om. E2 S 9. proportionaliter… ad] om. E2 10. proportionem] om. E2 eodem modo per subtractionem /R : 219r/ subduplatur subtriplatur subsesquialteratur subbitertiatur et cetera add. R 11. ut… quis] om. Q 12. vellet] velit E2 M om. Q 13. habere] om. Q 14. proportionem] om. Q R 1 15. sexquitertiam] sexquialteram M Q 1p --- R 3 16. duplam] 2p R 17. oporteret] oportet M N Q 18. proportioni] proportionem N 19. duple] 2p N 20. quintam] sextam Q 21. veniret] veniet D M Q S venit T perveniet U 22. tertia] sexta M Q 23. pars] proportionis add. D 24. sedecuple] 16p E1 E3 N T 6le Mo 6p R 1 25. tertia pars] --- R 3 26. sedecuple] 16p E1 E3 N T 6p R 27. sexquitertia] sexquialtera D 28. duplam] 2p E1 R 2p subduplatur N 29. subtractionem] cum add. S 30. subduplatur] subduplam M tertie partis semper N subduplaretur Q 31. subtriplatur] om. E2 R subtriplaretur Q 32. subsexquialteratur] subsexquialteraretur Q om. R 33. et cetera] om. D N et ultra Q

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/U : 167v/ Una1 vero2 proportio3 per aliam4 non5 multiplicatur6 nec7 dividitur nisi improprie, sicut multiplicare duas duplas8 per duas duplas9 sunt10 quattuor11 duple12. Sed hoc13 non est nisi multiplicatio14 numerorum15, quoniam multiplicare16 duas17 duplas18 per19 duas20 triplas21 nichil est sicut nec22 multiplicare hominem per23 asinum, et eodem modo de24 divisione. Igitur25 nulla species algorismi /A : 122va/ habet locum26 in27 proportionibus28 nisi29 additio et subtractio de30 quibus determinatum31 est32 sufficienter33. Explicit34 algorismus35 proportionum.

1. una] nulla M om. Q 2. vero] autem E2 L Mo 3. proportio] om. D 4. aliam] alteram T 5. non] om. M 6. multiplicatur] multiplicam M om. Q 7. nec dividitur] om. D 8. duplas] 2p N R 9. duplas] 2p E3 N R triplas Q 10. sunt] fuerit M 11. quattuor] 4p E1 R 12. duple] om. E1 R 2p E3 N 13. hoc] illud A 14. multiplicatio] multiplicationem D 15. numerorum] facere add. D 16. multiplicare] multiplicatio L 17. duas] 2 2p N R om. S 18. duplas] 2p E3 om. N R 19. per] om. Mo 2 20. duas] om. Mo 2 N --- R 3 21. triplas] duplas B D S 3p E3 om. Mo 2p N 1p R 22. nec] om. Q S 23. per] hominem vel add. M Q 24. de divisione] denominatore E2 25. igitur] et sic N 26. locum] nisi add. S 27. in] om. D N 28. proportionibus] om. D N proportione T 29. nisi… subtractio] om. N 30. de quibus] om. N ut T 31. determinatum] declaratum D dictum M om. N dicendum Q 32. est] om. N 33. sufficienter] et in hoc add. D om. N 34. explicit] om. E2 Mo N R primus tractatus qui proprie precise dicitur add. M 35. algorismus proportionum] om. E2 Mo N R Magistri Nicolai Orem parisius editus add. D tractatus primus Q de proportionibus S Magistri Nicolay Orem parisius add. T Magistri Nycolai Oresme. Incipiunt correlaria ex eo procedentia add. U

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TRACTATUS1 SECUNDUS /E1 : 41r ; E2 : 24v ; L : 173vb ; M : 67ra ; T : 86/ Est2 autem3 istarum regularum4 de5 algorismo proportionum utilitas6 valde magna quia7 possunt8 ad inumerabilia proposita applicari9 quorum10 aliqua11 nunc occurrunt que12 ponantur13 pro exemplis. Sint14 ergo duo corpora cubica15 a et b et basis a16 /S : 5r/ sit dupla17 ad basem b. Queritur que18 est proportio cuborum19. Respondetur20 quod21 proportio corporum22 similium est sicut proportio23 laterum suorum24 scilicet25 linearum proportio26 triplicata27, et superficierum28 seu29 basium30 sicut31 suorum laterum correlativorum proportio dupli-

1. tractatus secundus] om. A E2 E3 L R S U secundus incipit in mg. D utilitatem regularum algorismi proportionum in practica ostenduntur in mg. altera manu L sequitur tractatus secundus de quibusdam subtilitibus inferioribus ex predictis M sequitur secundus tractatus in mg. Mo N sequitur tractatus secundus de subtilitatibus inspectionibus ex predictis Q incipit add. ante T 2. est] om. U 3. autem istarum] om. U 4. regularum] rerum S 5. de algorismo] algorismi L 6. utilitas] om. Q 7. quia] qui N existit U 8. possunt] enim add. U 9. applicari] multiplicari A L 10. quorum] ponantur igitur U 11. aliqua] que add. U 12. que] om. U 13. ponantur] ponuntur D M N S T proposita U 14. sint ergo] sicut M sintque U 15. cubica] scilicet add. M om. S U 16. a sit] et M 17. dupla] 2p N 18. que est] om. U 19. cuborum] cubicorum N 20. respondetur] dicetur Q 21. quod] om. E3 22. corporum] cuborum T 23. proportio] om. U 24. suorum] correlativorum proportio add. D T superficierum S 25. scilicet] id est R sive Q U 26. proportio] nunquam add. D om. Q 27. triplicata] triplata Q 28. superficierum] superficiei D T super latus M super Q 29. seu] et D Mo om. Q 30. basium] basim Q om. T 31. sicut… correlativorum] om. T

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cata per 18am 1 VIi 2 Euclidis (4). /Mo : 212(231)v/ Erit3 ergo proportio corporum sicut suarum basium proportio sexquialterata4. Oportet ergo sexquialterare duplam5, et6 hoc7 addere medietatem8 duple9 cum dupla10, quod potest fieri per quintam regulam et resultabit medietas11 8p 12. Et hec est proportio cuborum de13 quibus14 erat15 questio16. Sint17 iterum18 tria corpora19 cubica20 a, b et c. Et sit a triplum ad c et basis 21 a sit dupla22 ad basem b. Queritur ergo de proportione istorum corporum ; item23 de24 proportione25 suarum basium ; item26 de27 proportione suorum laterum. Respondetur28 : quoniam basis a ponitur29 dupla30 ad basem b, oportet sicut prius sexquialterare duplam31 et veniet32 proportio a ad b scilicet medietas33 1. 18am] 19am A B D E1 E3 L N Q S T U 2. VIi] om. Mo 3. erit] erigit M sicut N 4. sexquialterata] sexquialtera D M N Q S 5. duplam] om. M 2p R 6. et] ex B cum add. L per add. M om. Mo N 7. hoc] est add. E2 U id est Mo N 8. medietatem] medietate D 9. duple] 2p N R 10. dupla] 2p N R 1 11. medietas] --- R 2 12. 8p] 8ple B 8le D E2 M Q U octupla E1 E3 8.p Mo 13. de] inequalibus Q 14. quibus] qua E2 om. Q 15. erat] fuit Mo om. Q 16. questio] et sic esto finis huius ad presens add. A om. Q 17. sint] sit autem alia sermo T 18. iterum] igitur B D Q T 19. corpora] om. U 20. cubica] scilicet add. N 21. a] om. R 22. dupla] 2p N R 23. item] iterum E2 L Mo et omne M et Q 24. de] om. M 25. proportione] istorum add. Mo 26. item] iterum A E2 L M Mo Q om. D T 27. de... laterum] om. D T 28. respondetur quoniam] respondea quod S 29. ponitur] est M sit Q 30. dupla] 2p N R 31. duplam] 2p N R vel quadruple add. Q 32. veniet] venit T 1 33. medietas] --- R 2

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octuple1 que, si subtrahatur2 a3 proportione a ad c, scilicet4 a5 tripla6, sicut docet sexta regula, exibit7 sive restabit8 proportio9 b10 ad c et erit11 medietas12 sexquioctave. Item13 quia14 proportio /Q : 110va/ basium est sicut proportio cuborum subsexquialterata15, erit16 basis a ad basem17 c18 proportio que est due19 tertie triple20. Ergo, per tertiam regulam, basis a ad basem c est21 una22 tertia23 proportionis24 nonecuple25. Et quia basis a ad basem b /N : 76r/ est proportio dupla26, ut positum27 est, ideo28 per sextam regulam, /B : 27r/ subtrahenda est proportio dupla29 ab30 una31 tertia32 nonecuple33 et34 habebitur35 proportio36 1. octuple] 8p E3 N R 2. subtrahatur] subtraham M 3. a proportione] om. T 4. scilicet ] que est U 5. a] proportione add. D T aliqua Mo om. U 6. tripla] 3p N 7. exibit sive] om. E2 N 8. restabit] resultabit E2 N Mo 9. proportio] om. D 10. b] a L 11. erit] esset M 1 1 12. medietas sexquioctave] --- 1p --- R 2 8 13. item] iterum E2 Mo 14. quia] si E2 Q 15. subsexquialterata] sexquialterata A L Q T U sexquialterorum M subsexquialtera N sexquialtera S 16. erit] ergo add. 17. basem] basis N 18. c] b E2 T 2 19. due tertie] --- Mo N Q 3 20. triple] om. M 3p N 21. est] om. M 22. una] 3 M Q om. N R 1 23. tertia] tripla D T --- M N R tertie Q 3 24. proportionis] om. Mo R p 25. nonecuple] 9 E1 E3 N R none duple S 26. dupla] 2p N R 27. positum] propositum Q 28. ideo] igitur L Mo 29. dupla] om. E2 Mo 2p N R 30. ab] om. Mo 31. una] om. M Mo N R 1 1 32. tertia] tripla D --- proportionis M om. Mo --- N R proportionis add. Q 3 3 33. nonecuple] 9p E1 E3 N R om. Mo none duple S 34. et] om. Mo 35. habebitur] habetur M N om. Mo hoc est Q 36. proportio] om. Mo

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basis b ad basem c. Et hec erit1 /E3 : 93v/ proportio que dicitur2 una3 tertia sexquioctave4. Quod5 patet aliter6 quia7 cubus8 b9 ad cubum c est10 medietas11 sexquioctave12, ut iam13 dictum est, ergo14 basis ad basem est proportio subsexquialterata15. Ergo a16 medietate sexquioctave17 subtrahenda est tertia pars eius per octavam18 regulam19. Et habetur20 quod21 prius sive brevius22 /Mo : 213(232)r/ per fractiones23 patet24, quia25 subsexquialterando26 medietatem sexquioctave27 restant due28 tertie29 medietatis /S : 5v/ sexquioctave30. /A : 122vb/ Et /L : 174ra/ due31 tertie medietatis sunt32 una33 tertia totius, ut

1. erit] est E2 N 2. dicitur] in mg. Mo 1 3. una tertia] --- M N R 3 1 4. sexquioctave] sexquioctuple M Q 1p --- R 8 5. quod patet] om. Q 6. aliter] sic E2 om. Q 7. quia] om. Q 8. cubus] proportio cubi Mo N om. Q 9. b… c] om. Q 10. est] una add. D om. Q 1 11. medietas] om. Q --- R 2 1 12. sexquioctave] sexquioctuple M om. Q 1p --- R 8 13. iam] om. M Q 14. ergo] om. E2 1 15. subsexquialterata] sexquialterata D E1 Mo T 1p --- M subsexquialtera N dupla Q sexquial2 tera S 16. a] om. M aliqua Mo 17. sexquioctave] sexquioctuple M subsexquioctave U 18. octavam] quartam Q 19. regulam] om. S 20. habetur] habebitur E2 21. quod] ut E3 M 22. brevius] scilicet add. M Q 23. fractiones] subtractiones D 24. patet] om. R 25. quia] quod A D E1 L M N Mo quidem Q om. R 26. subsexquialterando] sexquialterando M Mo Q 27. sexquioctave] sexquioctuple M 2 28. due tertie] --- N 3 29. tertie] triple Q 30. sexquioctave] sexquioctuple M sexquiquarte Q 2 31. due tertie] duple tertie M --- N 3 32. sunt] ut T 1 33. una tertia] --- N 3

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notum est. Erit1 igitur proportio /M : 67rb/ basis b2 ad basem c3 una4 tertia sexquioctave5. Item6 proportio laterum cuborum7 est sicut proportio basium subduplicata8, ergo9 statim patet quod latus lineare a ad latus b est medietas duple10. Similiter per idem11 lateris12 a ad latus c proportio13 est una14 tertia triple15. Et16 lateris17 b ad latus c est18 tertia19 pars medietatis sexquioctave20, scilicet21 sexta22 pars23 sexquioctave24. /E1 : 41v ; R : 219v/ Eodem modo potest queri de proportione sperarum et dyametrorum25 et maximorum circulorum ipsarum26. Unde27 idem est28 iudicium29 de30 basibus respectu31 cuborum32 sicut de maximis circulis sperarum33 respectu earum, similiter34 de35 lateribus respectu36 cuborum37 sicut de 1. erit] om. D Q T esset M 2. b] om. M 3. c] est add. D 1 4. una tertia] --- M N Q 3 5. sexquioctave] sexquioctuple M sexquiquarte Q 6. item] iterum B E2 Mo T igitur U 7. cuborum] cubitorum M Q 8. subduplicata] subduplata E1 M N Q 9. ergo] iterum N 10. duple] 2p N 11. idem] patet add. M proportio add. R 12. lateris] latus A M Mo N Q 13. proportio] om. Mo N 1 14. una tertia] --- D N T 3p 15. triple] 3p N --- T 3 16. et] eadem add. D etiam B E1 E2 L M Mo N R T etiam add. M sic add. S 17. lateris] latus Mo N 18. est] om. A D E1 E2 E3 L S una add. R 19. tertia] medietas add. D 20. sexquioctave] sexquioctuple M sexquiquarte Q 21. scilicet] om. M Q 22. sexta] tertia L 23. pars] om. Q 24. sexquioctave] igitur et cetera add. M tripla add. S 25. dyametrorum] et superficierum add. M vel superficierum add. Q 26. ipsarum] om. M N T sperarum Q 27. unde idem] om. N 28. est] om. D N 29. iuducium] om. N 30. de basibus] omne basibiliter M om. N U 31. respectu] om. N 32. cuborum] circulorum S 33. sperarum] ipsarum unde idem est iudicium de basibus respectu cuborum sicut de maximis circulis sperarum add. N 34. similiter] om. A E2 L U est add. Mo et consimiliter Q 35. de lateribus] om. A E2 L U 36. respectu] om. A E2 L M U 37. cuborum… dyametris] om. A E2 L U

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dyametris sperarum1 respectu2 earum3, ut patet ex 2a et4 15a 5, id6 est ultima XIIi Euclidis (5). Ideo7 adhuc gratia exercitii fiat8 alia9 questio10. /S : 6r/ Et sint tres spere11 a, b et c. Et sit12 proportio spere13 a ad speram14

1. sperarum] om. A D E2 L U 2. respectu] om. A E2 L U 3. earum] om. A E2 L U sperarum D 4. et] om. D L M 5. 15a] 5a A B D E1 E2 E3 L M N Q R S T U 6. id est] et A B D E1 E2 E3 L M N Q R S T U 7. ideo] iterum B 8. fiat] fiet Q om. U 9. alia] om. Mo U 10. questio] om. U 11. spere] scilicet add. N S 12. sit] om. N 13. spere] om. U 14. speram] om. T U

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b1 medietas2 duple3 /U : 168r/ et ipsius spere a maximus4 /E2 : 25r/ circulus ad maximum circulum spere c5 sit6 in7 medietate8 triple9. Queritur ergo de proportione sperarum10 ; item11 de proportione12 maximorum circulorum13 earumdem14 sperarum15 ; item16 de17 proportionibus18 dyametrorum19. Solutio20 prime21 questionis ex hoc patet quoniam22 maximus23 circulus ipsius24 a ad maximum circulum ipsius c est25 in26 medietate triple27, ergo28 spere29 a ad speram c30 proportio31 est32 tres33 quarte34 triple35, scilicet una36 quarta trium triplarum, videlicet 27ple 37. /Mo : 213(232)v/ Et quia spere a ad

1. b] una add. M Q sit add. N 1 2. medietas] --- R 2 p 3. duple] 2 E3 N R 4. maximus circulus] maximi circuli Mo N 5. c] om. M 1 6. sit] sint E2 etiam --- minor add. M Q om. Mo 2 7. in] una add. M Q om. Mo N 8. medietate] medietas Mo N 9. triple] 3p N 10. sperarum] iterum de proportione dyametrorum add. M Q 11. item] iterum E2 Mo secunda conclusio add. M iterum secunda questio Q 12. proportione] proportionibus Mo 13. circulorum] om. S 14. earumdem] earum N om. S 15. sperarum] om. E2 Mo N S U 16. item] iterum E2 Mo om. M Q S 17. de] om. M Q S 18. proportionibus] proportione D N T om. M Q S 19. dyametrorum] om. M Q S 20. solutio] om. Mo S responsio N 21. prime… patet] om. S 22. quoniam] quod M N Q om. S 23. maximus circulus] om. S 24. ipsius] om. R T 25. est] om. Q 26. in medietate] una medietas M Q 27. triple] 3p N 28. ergo] proportio add. D T 29. spere] spera Q 30. c] est add. Mo Q 31. proportio] om. D M Q T que add. Mo 32. est] in proportione que est add. M Q 3 33. tres] 34 D om. M --- N R T tertia Q 4 34. quarte] om. D N R T 35. triple] 3p N R T 1 36. una quarta] 41D --- N 4 37. 27ple] 27pla B 27le E2 M U 27p E3 N duple Mo Q 27p R vigesime 425ple S

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speram b1 est2 medietas3 duple4, inde5 est6 quod7 medietas8 duple9 subtrahenda est ab una10 quarta 27ple 11 per octavam12 regulam13, et remanebit14 proportio spere b15 ad speram c que est una16 octava17 pars18 proportionis 72919 ad 16. Ergo per quartam /T : 87/ regulam ista proportio est idem quod quarta pars proportionis 2720 ad /A : 123ra/ 4. Ad secundam questionem21 responsio22 talis23 est : quia positum est quod spera a ad speram b se habet24 in medietate duple25 ergo26 maximi27 circuli a ad maximum /L : 174rb/ circulum b est due28 tertie medietatis29 duple30. Et patet per31 tertiam32 /Q : 110vb/ regulam quod hec33 est tertia pars34 duple35. 1. b] c S 2. est] una add. M Q 1 3. medietas] --- R 2 4. duple] 2p E3 N R 5. inde] ideo Mo 6. est] om. Mo 7. quod] una add. M Q om. Mo 1 8. medietas] --- R 2 9. duple] 2p E3 N R 1 10. una quarta] 41 D --- E3 R T 4 ple le 11. 27 ] 27 E2 M N U duple Mo Q 27p E3 R T vigesime duple S 12. octavam] septimam N quartam Q 13. regulam] conclusionem S 14. remanebit] remanet N S 15. b] a D N T 1 16. una] 81 D --- N minor S 8 17. octava] om. D N S quarta Q 18. pars] om. E2 N S 19. 729 ad 16] vigesime S 20. 27] 27p E3 24 Q 21. questionem] om. A B E2 L U 22. responsio] respondeo E2 M om. Q 23. talis est] om. E2 M Q 24. habet] haberet E2 25. duple] 2p E3 N T 26. ergo] om. Q proportio add. T 27. maximi… est] om. Q 2 28. due tertie] --- N om. Q 3 29. medietatis] om. Q 30. duple] 2p N om. Q 31. per] om. E2 32. tertiam] secundam D 33. hec] hoc B U 34. pars] tertia add. Q 35. duple] 2p E3 N

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Et quia etiam1 maximi circuli a ad maximum circulum ipsius2 c3 est medietas triple4, inde5 est6 quod per7 octavam8 regulam9 subtrahenda est10 una11 tertia12 duple13 a medietate triple14 et remanebit15 /E3 : 94r/ proportio maximi circuli ipsius b ad maximum circulum ipsius16 c, et17 ista18 proportio est una19 sexta proportionis 2720 ad 4. Solutio21 tertie22 questionis23 que24 est de25 dyametris26 dependet ex solutione27 secunde28, eo quod dyametrorum29 sperarum est proportio sicut30 maximorum circulorum proportio subduplicata31. Erit32 ergo dyameter33 ipsius34 a35 ad dyametrum ipsius36 b in37 proportione que est una38 sexta39 1. etiam] tunc D T om. E3 S 2. ipsius] prius A om. E2 M Mo N Q 3. c] proportio add. M Q 4. triple] octuple D 3p E3 N 5. inde] igitur N ideo Mo 6. est quod] om. N 7. per] om. U 8. octavam] quartam Q 9. regulam] om. N 10. est] om. Q 1 11. una] --- 2p N 3 12. tertia] om. N tripla Q 13. duple] 2p E3 om. N 14. triple] 3p E3 om. N 15. remanebit] una add. E1 16. ipsius] om. E1 E2 N T U 17. et] que M Q 18. ista] om. M Q ideo S 1 19. una sexta] 61 D --- N T Q 6 20. 27] 27p E3 27a Mo 21 Q 21. solutio] responsio Mo N 22. tertie] om. E2 secunde Q 23. questionis] om. E2 24. que] om. D 25. de] om. E1 26. dyametris] dyametro Q 27. solutione] responsione Mo N 28. secunde] ex add. U 29. dyametrorum] et add. E1 E3 N R S 30. sicut] om. E2 31. subduplicata] subduplanda M subduplata N R subducta Q duplicata T 32. erit] esset M om. S 33. dyameter] dyametri Mo U 34. ipsius] om. D T 35. a] om. L 36. ipsius] om. A B D E1 E2 L R T U 37. in proportione] om. S proportio U 1 38. una] --- E3 N R T 6 39. sexta] om. E3 N R T tertia proportionis Q

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duple1. Similiter2 proportio dyametri3 a ad dyametrum c est4 una5 quarta triple6, ac7 etiam dyametri8 b9 ad dyametrum c est10 una11 duodecima proportionis que est12 2713 ad 4. Et per idem potest queri de cubis ut14 de15 taxillis variando difficilius16 /E3M : 67va/ questiones17 quomodolibet18 et possunt19 fieri figure, ut20 /B : 27v/ patet21 exemplo22 in23 casu24 nunc25 posito26. /E1 : 42r ; S : 6v/ Sint27 iterum28 duo29 quadrata et dyameter unius ad costam30 alterius resonet31 dyesim32 sive semitonum33 minus34 in sonis. Queritur que sit proportio huiusmodi35 /Mo : 214(233)r/ quadratorum.

duple] 2p E3 N R similiter] quia E2 dyametri] om. D est] om. A B D E1 E2 L N R S 1 5. una quarta] om. Mo --- N R 4 6. triple] om. Mo 3p E3 N R T 7. ac etiam] om. M Mo Q sic erit T 8. dyametri] om. Mo dyameter N 9. b…c] om. Mo 10. est] om. A B D E1 E2 E3 L M Mo Q R S T U 1 1 11. una duodecima] ------ E3 M N R --- Q 12 3 12. est] om. D M p E3 2la Mo 13. 27] 27 14. ut] autem E2 vel M 15. de] om. E2 16. difficilius] et diutius add. M 17. questiones] om. E3 cum add. S U 18. quomodolibet] om. E3 19. possunt… figure] om. E3 patet in figura M Q 20. ut] om. E3 M Q 21. patet] om. B E3 M Q in add. D S T U de add. Mo N 22. exemplo] om. B E3 M Q ut add. N et add. S 23. in] om. B M Q 24. casu] om. B M Q capitulo Mo capto N 25. nunc] om. B E3 M Q iam E2 N 26. posito] om. B E3 M Q dicto D E1 Mo R T quartum add. in mg. Mo capto N dicto sequitur figura imagina S 27. sint] igitur add. M 28. iterum] igitur Q S 29. duo] corpora add. M Q 30. costam] quosdam E1 31. resonet] resonat S 32. dyesim] diesis A dyeresim D Mo S diesim M dieresim N dyapason U 33. semitonum] semitonili S 34. minus] vel S 35. huiusmodi] huius A D E1 M S T horum U 1. 2. 3. 4.

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Respondetur1 : sit2 unum3 istorum4 /N : 76v/ de5 cuius dyameter sit a et costa ipsius6 sit7 c. Et alterum quadratum sit fg8 cuius costa sive corda sibi9 equalis10 sit11 b et12 sit a longior quam b13. Tunc14 ergo15 proportio a ad b16

1. respondetur] respondit M rursum Q 2. sit] sic M om. S 3. unum] unus Q 4. istorum] om. E1 S corpus Q quadratorum add. U 5. de] dc E1 S 6. ipsius] om. M Q U 7. sit] om. E1 M Q U 8. fg] g D 9. sibi] sit S 10. equalis] om. S 11. sit] om. L S 12. et sit] esset M erit Q 13. b] om. S 14. tunc] nunc U 15. ergo] om. E1 Mo N S 16. b] g Mo

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que in sonis /D : 96r/ est1 dyesis2, in numeris3 est ut4 proportio 256 ad5 243, ut patet per6 Boecium (6). Et proportio a ad c est medietas7 duple8. Ergo subtrahenda est9 una istarum proportionum10 ab altera. Et per sextam regulam patet quod prima est minor /E3 : 94v ; S : 7r/ quam secunda et quod11 b est maius quam12 /A : 123rb/ c in proportione que restabit per illam13 subtractionem14 et quod15 proportio b ad c est medietas proportionis16 istius numeri 5904917 /Q : 111ra/ ad istum numerum 32768. Et /R : 220r/ quia proportio quadratorum est sicut18 suorum19 laterum /L : 174va/ proportio20 duplicata, oportet21 duplicare22 proportionem istorum laterum, scilicet proportionem23 b ad c, sicut docet prima regula. Et invenietur24 quod25 quadratum fg est maius quadrato ed in proportione que est medietas26 proportionis27 istius numeri 348678440128 ad istum numerum 107374182429. Talis30 est31 ergo proportio quadratorum /M : 67vb/ de quibus32 querebatur33.

1. 2. 3. 4. 5. 6.

est] quam add. E2 dyesis] diesis A diesim M dieresis N dyeresis Mo S numeris] numero N ut] om. M Q ad] om. E2 per] om. E2 L 1 7. medietas] --- R 2 p 8. duple] 2 E3 N R 9. est] om. Q 10. proportionum] om. U 11. quod] om. T 12. quam] om. M Q 13. illam] secundum S 14. subtractionem] subtractam Q 15. quod] om. E2 16. proportionis] om. E2 17. 59049] 19049 Mo 18. sicut] proportio add. M 19. suorum] duorum U 20. proportio] om. D proportione S 21. oportet] est S 22. duplicare] om. Mo duplare Q R 23. proportionem] om. M Q 24. invenietur] invenitur M R T 25. quod] om. Q 26. medietas] istius add. Mo 27. proportionis] om. L 28. 3486784401] 24898446 Q 2496784401 S 29. 1073741824] 7073741824 B 107371824 Mo 2073741824 Q 3073741824 S 10741824 U 30. talis] qualis L 31. est] om. B 32. quibus] om. Q qua R 33. querebatur] quintum add. in mg. Mo querebamus T

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Adhuc1 occurrit2 alius modus operandi et3 alia utilitas. Sed una regula premitus4 est ponenda et5 est ista6 : si duarum rerum fuerit /E2 : 25v/ proportio data7, proportionem8 quomodolibet sibi multiplicantium9 assignare10. Sit11 a maius et b minus et eorum proportio data12 sit c. Sitque13 d multiplex ad a secundum14 numerum e. Sit etiam15 f16 multiplex ad b secundum numerum g. Et proportio inter17 e et g18 /Mo : 214(233)v/ sit h.

1. adhuc] in mg. E1 2. occurit] alia utilitas et add. D in mg. E1 accidit S alia difficultas vel alia utilitas et add. T 3. et… utilitas] om. D T 4. premitus] prius E2 Mo N 5. et est] scilicet U 6. ista] talis D om. U 7. data] per add. A 8. proportionem] proportione Mo N S proportiones U 9. multiplicantium] multiplicem D T om. N multiplicium E1 R 10. assignare] assignate A Mo assignare D 11. sit] sint itaque N 12. data] signata E2 13. sitque… a] om. E1 14. secundum] sic S 15. etiam] ergo E2 16. f] om. D 17. inter] om. S 18. g] scilicet numerum add. S

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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Si1 ergo numeri e et g sint2 equales, manifestum est quod proportio d ad f est sicut proportio a ad b que est data. /U : 168v/ Si3 autem e4 sit5 maior quam g, tunc similiter6 addende sunt due proportiones7 c et h8. Et proportio ex eis confecta est proportio d ad f quesita. Verbi9 gratia sit c sexquialtera et h sexquitertia et10 quod11 e12 sit 413 et g14 315, tunc patet quod16 quattuor17 a18 excedunt19 tria20 a21 in22 sexquitertia23 et24 tria25 a excedunt tria26 b in sexquialtera27, ergo28 quattuor a excedunt tria29 b30 in31 proportione composita ex sexquialtera et sexquitertia, scilicet32 in33 dupla34. Ergo d excedit f in ista proportione.

1. si] primus casus in mg. B E1 2. sint] sunt A B E1 R T 3. si] secundus casus in mg. B E1 4. e] om. D 5. sit] est D 6. similiter] simul B E2 L M Q R 7. proportiones] scilicet add. E2 N 8. h] a N 9. verbi gratia] om. S 10. et] tunc N 11. quod] om. Mo N 12. e] 4 Mo 13. 4 et] om. M 14. g] om. M sit add. N 15. 3… patet] om. M 16. quod] om. M numerus add. R numeri add. S 17. quattuor] om. M 18. a] om. E2 M 19. excedunt] om. M 20. tria] om. M U 21. a] om. E2 M 22. in] proportio add. E2 om. M 23. sexquitertia] om. M sexquialtera S 24. et] quod add. Q igitur S 25. tria… excedunt] om. M 26. tria] 2 Q 27. sexquialtera] om. A L U sexquitertia Mo sexquialterata S 28. ergo… excedunt] om. A L U 29. tria] om. A L U duo Q R 30. b] om. A L U 31. in] om. A L U 32. scilicet] similiter Q 33. in] om. N 34. dupla] 2p E3 N R

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Si1 vero econtrario g fuerit maior quam e , tunc igitur3 vel4 h5 et6 c proportiones7 sunt equales et ergo d et f sunt equalia8, /S : 7v/ quoniam9 si a est sexquialterum10 ad b, tunc tria b11 sunt equalia duobus a. Ac12 si /T : 88/ proportiones c et13 h sint14 inequales et sicut15 prius16 g sit17 maior /B : 28r/ numerus quam e, tunc de istis proportionibus subtrahenda est minor18 a19 maiore secundum20 regulas superius21 positas22 et proportio residua est proportio d ad f. Et23 si24 c est25 maior26 quam h, tunc d est maius27 quam f. Et si econtrario tunc econtrario. Verbi28 gratia, si c est proportio29 sexquialtera30 et h31 sexquitertia, tunc tria a faciunt32 maius33 quam quattuor b. 2

1. si] tertius casus in mg. B E1 2. e] sit add. Mo 3. igitur] om. Mo N 4. vel] om. B M Mo Q 5. h] gh U 6. et c] om. S 7. proportiones] om. Q 8. equalia] equales R 9. quoniam] quia S 10. sexquialterum] sexquialtera M Q U 11. b] h M Q 12. ac] sed D T 13. et] vel E1 14. sint] sunt D Mo S 15. sicut] sic N sit U 16. prius] si add. B Mo U 17. sit] om. U 18. minor] proportio add. Mo 19. a] de L 20. secundum] per E1 21. superius] prius E1 E2 M N Q U 22. positas] dictas M datas Q 23. et] quartus casus in mg. E1 24. si] om. U 25. est] sit S U 26. maior] maius L 27. maius] maior M 28. verbi gratia] et cetera sed casus est Mo quartus casus est N 29. proportio] om. U 30. sexquialtera] om. Q 31. h] est add. E2 c E3 32. faciunt] om. E3 33. maius] om. E3 magis Mo N T

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Quod1 patet quia tria a ad tria b sunt in proportione sexquialtera, sed2 quattuor3 b ad tria b4 est5 propor-tio6 sexquitertia7, ergo8 tria a sunt9 maius10 quam11 quattuor b /A : 123va/ per12 proportionem13 in14 qua sexquialtera15 excedit16 sexquitertiam17, scilicet per18 sexquioctavam. Ergo proportio d19 ad f /Mo : 215(234)r/ est sexquioctava20. /L : 174vb/ Eodem modo agendum21 22 23 est si fuerit24 econtrario25, scilicet26 si h sit27 maior quam c, ut28 si h29 sit sexquialtera /E1 : 42v/ et c sit30 sexquitertia. Sed31 tunc eveniet32 econverso ita33 quod f erit34 maius quam d in pro-

1. quod… sexquialtera] om. U 2. sed] sicut Mo om. U 3. quattuor… tria] om. U 4. b] a E2 om. U 5. est] sunt E2 M N Q om. U 6. proportio] in proportione M Q om. U 7. sexquitertia] om. U 8. ergo… a] om. E2 U 9. sunt] om. E2 U faciunt M Q 10. maius] om. E2 U magis Mo N 11. quam… b] om. E2 U 12. per] om. E2 Mo secundum M Q in N 13. proportionem] om. E2 proportione Mo N 14. in qua] om. E2 secundum quam M Q 15. sexquialtera] om. E2 16. excedit] procedit A om. E2 proportionem add. E3 17. sexquitertiam] om. E2 18. per sexquioctavam] proportione sexquioctava Mo in proportione sexquioctava N 19. d] om. S 20. sexquioctava] sexquiquarta Q 21. agendum] om. M Q 22. est] om. D M Q 23. si] om. E1 E3 N R S 24. fuerit] om. E1 E3 N R S fieret M Q 25. econtrario] faciendum est add. M Q 26. scilicet] om. N Q 27. sit] fuerit N 28. ut] scilicet M Q 29. h] a E3 30. sit] om. E3 L M Mo N S T 31. sed] et E1 om. Q 32. eveniet] ei add. A L evenit T 33. ita] scilicet D E2 M Mo Q T 34. erit maius] esset maior M

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portione sexquioctava1. Ante2 enim3 d erat sicut 9 et f sicut4 8. Nunc5 autem6 f erit7 98 et d9 810. Et consimiliter11 agendum est12 de13 proportionibus irrationalibus14. /E3 : 95r ; Q : 111rb/ Sint ergo duo cubi15 a16 et b et basis ipsius17 a sit tripla18 ad basem19 b. /S : 8r/ Queritur ergo20 que sit proportio /M : 68ra/ quinque b simul21 ad unum a, sive aggregati ex quinque22 talibus23 sicut24 est25 b ad unum a. Respondetur quod basis a26 ad basem b27 ponitur tripla28 et proportio cuborum est29 sicut suarum basium proportio30 sexquialterata31, ergo ad32 proportionem triplam33 addenda est34 medietas triple35 per quintam36 regulam et 1. sexquioctava] sexquiquarta Q 2. ante] aut videlicet S 3. enim] om. A S 4. sicut] om. B D E1 E2 E3 L R S U 5. nunc] om. L tunc N 6. autem f] om. L 7. erit] om. L sicut add. Q est T 8. 9] om. L sicut add. M 9. d] om. L sicut add. M Q 10. 8] om. L 11. consimiliter] autem add. M Q similiter T U 12. est] om. B 13. de] in M N Q 14. irrationalibus] om. S 15. cubi] circuli S 16. a] et d add. S 17. ipsius] om. E2 M Q 18. tripla] triplum D 3p E3 N 19. basem] om. Q 20. ergo] om. Mo 21. simul] om. M Mo Q 22. quinque] om. L 23. talibus] tantis M Q 24. sicut] ut Mo sic N 25. est] om. E2 26. a] b L 27. b] a L 28. tripla] 3p E3 N 29. est] om. T 30. proportio] om. D T 31. sexquialterata] sexquialtera N S 32. ad proportionem] proportionem ad Mo 33. triplam] 3p E3 N 34. est] una add. Q 35. triple] 3p N 36. quintam] tertiam D T

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veniet1 proportio a ad b, videlicet medietas proportionis2 27ple3. Et4 patet5 per6 sextam regulam7 quod ista proportio8 est maior quam quintupla9, ergo a10 est maius11 quam quinque12 b. Et per eandem13 sextam regulam /N : 77r/ patet14 quod proportio15 a16 ad17 quinque18 b19 est medietas proportionis20 2721 ad 2522. Et sic23 possunt24 formari et25 solui similes26 questiones. Et fiat27 adhuc28 una29 de30 /R : 220v/ ludo taxillorum31. Sint32 duo taxilli inequales et sit basis maioris33 dupla34 ad basem mino35 ris . Tunc36 proiiciantur37. Et38 queritur39 de proportione tot magnorum 1. veniet] venit M S T eveniet N 2. proportionis] vigesime septime et add. S 3. 27ple] 27p E1 E3 R T 27le per sextam regulam E2 27le M N U duple Mo 4. et] tunc Mo N 5. patet] om. Mo 6. per] om. E2 L N 7. regulam] om. E2 M Q patet add. Mo 8. proportio] om. A L S 9. quintupla] quindupla E1 5p E3 R tripla D T 2p N 10. a] om. D 11. maius] maior D Mo 12. quinque] 3 D T 13. eandem] om. N 14. patet] om. N 15. proportio] unum add. T 16. a] om. S T 17. ad] om. S 18. quinque] et add. S 19. b] om. D T 20. proportionis] que est add. Mo 21. 27] 27p E1 22. 25] 25am 25e S 23. sic] etiam Q 24. possunt] possent D E1 L S 25. et solui] om. D 26. similes] consimiles E3 Mo N om. T 27. fiat] om. E2 sit Q 28. adhuc] om. E2 itaque N 29. una] om. E1 E2 questio add. N 30. de ludo] om. E2 31. taxillorum] om. E2 per istum modum add. R 32. sint] igitur add. M 33. maioris] maior A E1 E2 L Q 34. dupla] 2p E3 N 35. minoris] minorem A E1 E2 L Mo Q 36. tunc] et E2 37. proiiciantur] proportio M proponatur Q om. S 38. et] tunc E3 R om. S 39. queritur] queratur Mo

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quotus est numerus1 in base sua superiore ad totidem parvos2 simul sumptos quot unitates3 sunt in sua base superiore. Et tunc oportebit aliquando4 uti additione5 et aliquando6 subtractione7.

Verbi gratia, sit in maiore unitas8 et in9 minore10 tria11. /Mo : 215(234)v/ Queritur ergo de proportione trium parvorum12 simul13 ad unum magnum14. Respondetur quod proportio15 unius magni ad unum parvum est16 medietas17 octuple18. /E2 : 26r/ Et19 proportio trium parvorum ad unum eorum est20 tripla21. Ergo22 subtrahenda est23 medietas24 octuple25 a26 tripla27 per sextam 1. numerus] punctorum add. M Q 2. parvos] parvorum M 3. unitates] universaliter D 4. aliquando] quandoque A 5. additione] subtractione A L 6. aliquando] quandoque A 7. subtractione] additione A L 8. unitas] om. D 9. in] om. N 10. minore] maiore L 11. tria] ternarius M Q R 12. parvorum] magnorum A B D E1 E2 E3 L M Q R S T U 13. simul] om. Mo N 14. magnum] parvum A B D E1 E2 E3 L M Q R S T U magnorum N 15. proportio… magni] trium magnorum simul E2 16. est] sicut add. E2 L una add. M 1 17. medietas] --- Q R trium duplarum sive unius add. U 2 p 18. octuple] 8 A E3 R T octupla E1 S quadruple corr. in mg. in octuple L quadruple Q 19. et… eorum] om. M Q 20. est] om. M Q proportio add. Mo 21. tripla] om. M Q 3p E3 N R 22. ergo subtrahenda] ideo opportet addere M Q 23. est] om. E3 M Q 1 24. medietas] medietatem M N Q --- R 2 p 25. octuple] 8 A E3 N R 26. a] ad M Q S 27. tripla] triplam M Q S 3p E3 N R

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regulam, et1 restat quod2 trium parvorum ad unum magnum3 proportio4 est5 medietas6 sexquioctave7. Et ita agendum est8 de9 aliis numeris proiectis. Sed10 quandocumque11 veniet12 maior numerus in taxillo maiore13, tunc utendum14 est15 additione proportionum. Si quis autem16 esset17 bene18 /L : 175ra/ promptus in hoc19 ludo, bene20 intelligeret21 in22 proportionibus. Similiter23 si queratur24 que sit25 proportio trium26 dyametrorum ad quattuor costas eorum27 quadratorum, per idem28 patet quod proportio sexquitertia29 subtrahenda est30 a /S : 8v/ medietate31 duple32, quia est minor33. Ergo tres dyametri excedunt quattuor costas. Et per sextam regulam /A : 123vb/ patet quod hoc est in medietate proportionis34 sexquioctave35, et sic de similibus36. 1. 2. 3. 4. 5.

et restat] om. A L quod] quia L magnum] om. E2 est add. T proportio] que add. T est] una add. M 1 6. medietas] --- Q R 2 1 7. sexquioctave] sexquioctuple M 1p --- R 8 8. est] om. D 9. de] in A D N T om. B E1 L R U 10. sed] scilicet E2 11. quandocumque] quandoque A M quando N 12. veniet] veniret B E1 E2 N R T veniat S 13. maiore] pro maiori E2 om. Q 14. utendum] vertendum M addendum U 15. est] esset A B D E1 E2 E3 M R S om. L N erit T 16. autem] om. E3 17. esset] proveniet E3 om. M vult Q 18. bene] esse add. Q 19. hoc] om. M Q 20. bene] se add. D 21. intelligeret] intelligat Q 22. in] de E2 Mo 23. similiter] autem add. E3 om. S 24. queratur] queritur D M T 25. sit] est D E2 T 26. trium] om. A L duorum E1 27. eorum quadratorum] eorumdem E2 Q eorumdem quattuor M 28. idem] hoc M Q 1 29. sexquitertia] 1p --- R 3 30. est] om. E3 1--31. medietate] R 2 p 32. duple] 2 E3 N R 33. minor] maior Q 34. proportionis] om. T 35. sexquioctave] sexquioctuple M sexquiquarte etiam Q 36. similibus] et cetera add. A aliis consimilibus D consimilibus M N Q T agendum est add. R aliis U

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Sit1 iterum circulus c duplus ad circulum d et moveatur a circa2 c et moveatur b circa4 d. Et5 perficiat a6 quinque revolutiones /U : 169r/ in tempore7 in quo b8 complet septem9. Queritur10 ergo11 de proportione12 velocitatum istorum13 motuum. Respondetur quod14 circulus c ponitur duplus circulo15 d, ergo16 proportio circumferentie ipsius c ad circumferentiam ipsius17 d est medietas18 duple19. Sit itaque e circumferentia ipsius c20 et sit21 f circumferentia circuli22 /T : 89/ d23. Ergo proportio quinque24 e ad quinque25 f est26 medietas27 duple28. Sed29 proportio septem f ad quinque f est proportio30 superpartiens31 duas32 quintas, 3

1. sit] sint E1 item M ponatur N 2. circa] super M Q 3. moveatur] om. D E2 Mo T 4. circa] super M Q 5. et] prope add. S 6. a] om. D 7. tempore in] om. T 8. b] om. N 9. septem] d N septimam S 10. queritur] quia S 11. ergo] om. E2 12. proportione] istorum add. M 13. istorum motuum] om. S 14. quod] quia A E1 L M U quia add. Q 15. circulo] ad circulum E2 Q T 16. ergo] etiam add. Mo 17. ipsius] om. Mo 1 18. medietas] --- Q R 2 p 19. duple] 2 E3 N R om. M 20. c] om. D T 21. sit] om. D E2 22. circuli] ipsius E2 N Q R T om. Mo ipsius add. R S 23. d] om. M 24. quinque] om. M Q 25. quinque] om. M N Q 26. est] om. E2 una add. Q 1 27. medietas] om. E2 --- M R 2 28. duple] om. E2 2p E3 N R 29. sed… quinque f] om. E2 30. proportio] om. Mo 31. superpartiens] 1p M R superbipartiens Mo N illius Q 1 2 2 32. duas quintas] --- M quintas Mo N --- Q --- R 5 2 5

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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et1 per2 sextam3 regulam4 /M : 68rb/ patet5 quod6 medietas7 duple8 est9 maior quam10 /Q : 111va/ superpartiens11 duas12 quintas13. Et per eandem sextam14 regulam15 patet16 subtrahendo17 quod iste excessus est medietas proportionis 50 ad 49. Et quoniam proportio /Mo : 216(235)r/ velocitatum est sicut proportio spatiorum pertransitorum in eodem tempore, sequitur quod a movetur velocius quam18 b in proportione que est19 medietas proportionis20 50 ad 4921.

/B : 28v ; E3 : 95v/ Eodem22 modo23 si poneretur24 quod a pertransiret25 dyametrum quadrati in septem diebus et b costam26 eiusdem27 in quinque28, 1. 2. 3. 4. 5.

et] om. R per] eandem add. M S T om. R sextam] om. R regulam] om. T patet] om. R 1 6. quod] --- M om. R 2 1 7. medietas] --- Q om. M R 2 8. duple] 2p E3 N om. R 9. est maior] om. R 10. quam] proportionem U om. R 11. superpartiens] 1p M superbipartiens Mo N illius Q om. R 2 2 12. duas] --- B Q U tres E2 --- M om. Mo N S om. R 5 2 13. quintas] quartas A om. B M Q R S U 14. sextam] om. Mo 15. regulam] om. D T 16. patet] om. Mo quod add. Q 17. subtrahendo] patet add. D subtrahendum S 18. quam] om. T 19. est] una add. Q 20. proportionis] om. D 21. 49] et cetera add. U 22. eodem] similiter Mo 23. modo] et cetera add. E1 om. Mo 24. poneretur] ponatur E2 ponetur M supponatur Q 25. pertransiret] pertransiri M 26. costam] quosdam E1 27. eiusdem] eodem modo E1 E3 R S om. B U 28. quinque] diebus add. B N

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et1 quereretur2 de proportione velocitatum, respondendum3 est4 ponendo5 quod c pertransiret6 dyametrum in quinque7 diebus, /E1 : 43r/ tunc patet8 quod c esset velocius quam a9 in proportione superpartienti10 duas11 quintas. Et idem12 c13 est14 velocius15 quam16 b17 in medietate18 duple19. Ergo a est velocius quam20 b21 in ista proportione in qua medietas22 duple23 excedit proportionem24 superpartientem25 duas26 quintas27. Et ista est medietas proportionis 50 ad 49, ut dictum est ante28. Et29 ita dicendum30 est31 de similibus32 questionibus33. Et34 iste35 nunc36 sufficiant37.

1. et] tunc M Q 2. quereretur] queritur D M Q S T queretur E1 E3 Mo queritur N 3. respondendum] repondetur Mo 4. est] esset E2 om. Mo quia add. S 5. ponendo] om. D T 6. pertransiret] pertransit M pertransivisset Q pertransisset S 7. quinque] b B 8. patet quod] om. U 9. a] b Q 10. superpartienti] 1p M superbipartiente Mo N illius Q 1 2 2 11. duas quintas] --- M quintas Mo N --- Q --- U 3 3 5 12. idem] om. N ideo T 13. c] om. D T 14. est] esset R 15. velocius] velocior S 16. quam] om. E2 T 17. b] d U 1 18. medietate] --- Q 2 19. duple] 2p N 20. quam] om. T 21. b] d U 1 22. medietas] --- Q 2 23. duple] 2p E3 N 24. proportionem] om. T 25. superpartientem] 1p M superbipartientem Mo N R illius Q 1 2 26. duas] om. Mo R N --- M --- Q U 5 5 27. quintas] om. M Q U 28. ante] om. Mo N prius S 29. et ita] om. S 30. dicendum] om. E2 N S 31. est] om. B E2 N Q S 32. similibus] consimilibus Q equalibus S 33. questionibus] simili modo E2 om. M Q 34. et] om. E1 E2 E3 M N Q T 35. iste] om. E1 E2 E3 M N Q T pro add. L 36. nunc] om. E1 E2 E3 M N Q T de istis R 37. sufficiant] explicit secundus tractatus add. B D S explicit secundus tractatus E1 E3 T om. E2 M N Q T

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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TRACTATUS1 TERTIUS /D : 96v ; L : 175rb/ Nunc igitur2 ludendo3 in alio4 /S : 9r/ propo-sito : ponatur5 triangulus6 equilaterus abc7 inscriptus8 circulo9 cuius dyameter sit ae dividens trigonum et etiam10 latus bc per equalia11 in puncto d12.

Tunc13 pono14 primo15 aliquas16 suppositiones17. /E3 : 96r/ Prima18 : quadratum dyametri ae est sexquitertium19 quadrato lateris ac.

1. tractatus tertius] om. A D E1 E3 L M Q R S T U incipit add. ante B in mg. E2 Mo N 2. igitur] autem D E2 iterum Mo 3. ludendo] est add. Mo 4. alio] isto casu S 5. ponatur] quod add. E2 M Q om. S 6. triangulus] triplus Mo 7. abc] ab M 8. inscriptus] circumscriptus M in add. N Q om. S 9. circulo] om. S 10. etiam] om. M Q S 11. equalia] et add. S 12. d] om. S 13. tunc] et M Q 14. pono] sint Mo om. T 15. primo] om. E2 Mo 16. aliquas] alique Mo om. R 17. suppositiones] et postea conclusiones add. D T hec sunt sex suppositiones add. L 18. prima] om. A L R S U prima suppositio in mg. B E3 suppositio add. D Q T est add. E1 E2 1 19. sexquitertium] 1p --- R 3

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Et1 hec propositio2 est3 satis nota4 ex 8a 5 XIIIi 6 Euclidis (7). Et7 probatur8 : quia protracta linea ce, erit9 /N : 77v/ angulus10 in11 semicirculo rectus per 30am 12 IIIi 13 (8). Ergo14 quadratum15 ae valet duo16 quadrata ac17 et18 /R : 221r/ ce per19 penultimam20 primi21 (9). Et22 quia linea ce23 est24 latus exagoni25 et26 per consequens equalis27 semidyametro28 per29 15am IVi (10), erit30 quadratum31 ae32 quadruplum33 quadrato ce34. Ergo35 quadratum ae erit36 /A : 124ra/ sexquitertium37 quadrato38 ac39. 1. et] sic M licet add. Q 2. propositio] suppositio D M Q T om. E2 Mo 3. est] om. D E2 M Q T 4. nota] patet D E2 T manifesta E1 Mo S 5. 8a] 3a et 4a et 13a N 5a Q 6. XIIIi] XIIi Q U om. N 7. et] tamen M Q om. U 8. probatur… ce] om. U 9. erit] esset M om. U 10. angulus] triangulus N T om. U 11. in… per] om. U 12. 30am] tertiam E1 3am N 3am Q 13am S om. U 13. IIIi] Euclidis E1 N Euclidis add. L Mo S om. U 14. ergo] om. S U 15. quadratum… valet] om. U 16. duo quadrata] quadratum Q om. U 17. ac] om. U 18. et ce] om. D U 19. per] om. U 20. penultimam] 46 E2 om. U 21. primi] Euclidis add. E1 Mo S om. U 22. et… linea] om. U 23. ce] cuius D c S T om. U 24. est latus] om. U 25. exagoni] per 14am IVi add. Q om. U 26. et… consequens] om. U 27. equalis] om. R U 28. semidyametro] semidyameter R om. U 29. per… IVi] om. B E1 E2 E3 Mo N R S U maius Q 30. erit] ergo add. M Q om. U 31. quadratum] om. U 32. ae] e Mo a S om. U 33. quadruplum quadrato] om. U 34. ce] per 12 Mo om. U 35. ergo… ae] om. U 36. erit] est E2 esset M om. U 37. sexquitertium] om. U 38. quadrato] om. Q U 39. ac] dc E2 ad Q om. U

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Secunda1 suppositio2 : quadratum3 ac est sexquitertium quadrato ad4. Quia angulus d est rectus5, /E2 : 26v/ quadratum6 ac valet duo quadrata ad et cd. /Mo : 216(235)v/ Et quoniam linea ac7 dupla8 est linee cd, erit9 quadratum ac10 quadruplum quadrato cd11, ergo12 sexquitertium quadrato ad13. Tertia14 suppositio15 : quadratum ad triplum est quadrato cd16. Patet17 quia, per precedentem, quadratum18 ac est sexquitertium quadrato 19 ad et quadruplum quadrato cd20, ergo quadratum ad est triplum quadrato cd21. Quarta22 suppositio23 : proportio24 quadrati ad ad25 trigonum26 inscriptum27 est medietas28 triple29. Quoniam quadratum ad ad quadratum cd est triplum30 per31 precedentem, ergo proportio linee32 ad ad33 lineam cd est medietas34 triple35 per 18am36 1. secunda] om. A L Q U in mg. B E3 R 2. suppositio] om. A L M Mo N Q U in mg. B E2 E3 R 3. quadratum… quadrato] om. Q 4. ad] om. Q S 5. rectus] ergo add. Mo 6. quadratum] autem add. N 7. ac] a E1 8. dupla] 2p N 9. erit] esset M 10. ac] om. S 11. cd] c S 12. ergo] erit add. M Q 13. ad] om. Mo ac Q 14. tertia] om. A E2 L U in mg. B E3 R secunda Q 15. suppositio] om. A L M E2 Mo N U in mg. B E3 R 16. cd] ca S 17. patet… precedentem] om. U 18. quadratum] om. Q enim add. U 19. ad] sicut patet per precedentem add. U 20. cd] c S 21. cd] et cetera add. D U 22. quarta] om. A L U in mg. B E3 R tertia Q 23. suppositio] om. A E2 L M Mo N U in mg. B E3 R 24. proportio] om. Q 25. ad] om. D N S 26. trigonum] triangulum E2 27. inscriptum] scriptum S 1 28. medietas] --- R 2 p N R duple Q 29. triple] 3 30. triplum] 3p N R 31. per] om. Q 32. linee] om. M 33. ad] om. D 1 34. medietas] --- R 2 35. triple] 3p N 36. 18am] corr. 19 am A B D E1 E2 E3 L M Mo N Q R S T U

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VIi 1 Euclidis2 (11). Sit igitur df3 medio /L : 175va/ loco proportionalis4 inter5 ad et cd6. Ergo proportio quadrati7 ad ad8 quadratum9 df10 est equalis ei proportioni11 sicut linee ad ad cd. Sed quadratum df est equale ei quod fit ex ad /M : 68va/ in cd per12 16am 13 VIi 14 Euclidis15 (12). Et16 illud quod fit ex ad in cd17 est18 equale trigono19. Ergo20 quadratum df21 est22 equale trigono23. Sed iam patuit quod proportio quadrati ad ad24 quadratum df est25 medietas26 /S : 9v/ triple27. Ergo28 proportio29 quadrati30 ad31 ad32 trigonum33 est34 medietas35 triple36, quod37 est38 propositum39. 1. VIi] om. Mo 2. Euclidis] om. A B D E2 L M Q U 3. df] in add. M Q 4. proportionalis] ce add. L 5. inter] in Q 6. cd] c M 7. quadrati] om. E3 8. ad] om. M 9. quadratum] om. D 10. df] est una medietas octuple ergo quadratum df add. M quod add. Mo 11. proportioni… ei] om. A B D E1 E2 E3 L M Mo Q R S T U 12. per] om. Q R 13. 16am] 17am A D E1 E2 E3 L N T U 1am M om. Q R 27am S 14. VIi] om. Q R 15. Euclidis] om. A B D E2 E3 L M N Q R T U 16. et… in] om. Q R 17. cd] c M om. Q R 18. est equale] om. Q R 19. trigono] triangulo abc E2 om. R 20. ergo quadratum] om. R 21. df] om. L R 22. est equale] om. R 23. trigono] triangulo E2 om. R 24. ad] proportionem ad add. D 25. est] una add. M Q 1 26. medietas] --- R 2 27. triple] 3p N R 28. ergo] om. E2 29. proportio] om. E2 U 30. quadrati] om. D E2 T U 31. ad] om. E2 U 32. ad] om. E2 N U 33. trigonum] om. E2 U 34. est] una add. Q om. E2 U 1 35. medietas] om. E2 U --- M R 2 p 36. triple] om. E2 U 3 N R 37. quod] et cetera U 38. est] fuit A om. U 39. propositum] proximum S om. U

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Quinta1 suppositio2 : quadratum circumcriptum duplum3 est quadrato inscripto. Patet statim4 quia dyameter /Q : 111vb/ quadrati inscripti equalis est lateri sive coste quadrati5 circumscripti, ergo6 lateris7 circumscripti ad latus8 inscripti9 est proportio10 medietas11 duple. Ergo quadrati12 ad quadratum13 est14 proportio dupla15. Sexta16 suppositio17 : trigonus circumscriptus trigono18 inscripto est quadruplus19. Quoniam, si a tribus punctis a, b et c trigoni20 inscripti21 protrahantur22 tres23 linee contingentes /E2 : 27r/ circulum, constituent24 trigonum25 circumscriptum26 cuius unus angulus sit g27. Ergo super28 punctum a sunt tres /T : 90/ anguli trium trigonorum29 equales et similiter30 super punctum /Mo : 217(236)r/ b et31 latus ab est commune. Ergo, per 26am 32 primi Euclidis33 (13), triangulus34 abg et35 abc sunt equales, et ita de aliis. Ergo trigo1. quinta] om. A E2 L U in mg. B E3 R 2. suppositio] om. A E2 L M Mo N U in mg. B E3 R quarta Q 3. duplum] triplum Q 4. statim] om. E2 Mo satis T 5. quadrati] om. E2 6. ergo] proportio add. M Q 7. lateris] quadrati add. M Q 8. latus] quadrati add. M Q 9. inscripti] inscriptum A E1 L 10. proportio] om. M Mo Q 1 11. medietas duple] --- R 2 12. quadrati] circumscripti add. M Q 13. quadratum] inscriptum add. M Q 14. est] om. U 15. dupla] 2p N 16. sexta] om. A E2 L Q U in mg. B E3 Mo R 17. suppositio] om. A D E2 L M Mo N Q U in mg. B E3 R 18. trigono] triangulo E2 19. quadruplus] patet statim add. M Q 20. trigoni] om. D trianguli E2 21. inscripti] om. D 22. protrahantur] protrahentur S protrahuntur T 23. tres] om. S 24. constituent] constituunt D Q T 25. trigonum] triangulum E2 26. circumscriptum] om. Q U 27. g] c E1 28. super] per E3 29. trigonorum] triangulorum E2 30. similiter] consimiliter Q 31. et latus] duplatus T 32. 26am] 28am D 6am Mo 33. Euclidis] om. A B E2 E3 L M N Q U 34. triangulus] trianguli Mo om. D T 35. et] triangulus add. L

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nus1 circumscriptus continet quattuor trigonos2 equales trigono3 inscripto4, ergo5 et6 cetera. /A : 124rb ; E3 : 96v/ Prima7 conclusio : proportio quadrati lateris trigoni equilateri ad trigonum8 eundem est medietas proportionis 169 ad 3, scilicet medietas10 quintuple11 sexquitertie12. /U : 169v/ Quoniam secundum13 figuram prius positam quadratum14 lateris ac est sexquitertium quadrato linee ad15 per secundam suppositionem. Et16 proportio quadrati17 ad ad18 trigonum19 est medietas triple20 per quartam suppositionem. Ergo proportio quadrati21 ac ad trigonum22 /B : 29r/ est composita ex sexquitertia et medietate triple23. /E1 : 43v/ Et per additionem proportionum secundum24 quintam regulam patet quod ista proportio25 est medietas proportionis26 16 ad27 3, quod est propositum28. Secunda29 conclusio30 : proportio quadrati circumscripti circulo ad trigo-

1. trigonus] triangulus E2 2. trigonos] triangulos E2 3. trigono] triangulo E2 4. inscripto] inscripti quod fuit propositum M 5. ergo] ut patet in figura E2 om. D Mo N T quod fuit propositum Q 6. et cetera] tunc iterum figura debet poni add. E1 om. E2 D N iterum quadratum ce est sexquitertium ad cd quia sicut quadratum totius ad quadratum totius ita quadratum medietatis et ce est medietas ae et cd medietas ca quia medietas cb sibi equalis igitur sequitur quod quadratum ce est sexquitertium ad quadratum cd add. Mo om. Q 7. prima conclusio] om. A L M Q U in mg. B E1 E3 R T sequuntur conclusiones probande ex premissis cum algorismo proportionum. Prima est E2 sequuntur conclusiones. Prima add. in mg. Mo nunc sequitur conclusio probande ex premissis quod N 8. trigonum] triangulum E2 9. 16] 16le E1 17 S 1 10. medietas] --- R 2 11. quintuple] quinduple E1 5p N R 1 12. sexquitertie] --- R 3 13. secundum] per E2 si N 14. quadratum] in quadrato N 15. ad] om. Q 16. et] cum Q 17. quadrati] om. D T 18. ad] om. D Q 19. trigonum] et proportio ad ad trigonum D triangulum E2 20. triple] 3p N 21. quadrati] om. D 22. trigonum] triangulum E2 23. triple] 3p E3 N 24. secundum] per N 25. proportio] proposita Q om. T 26. proportionis] om. T 27. ad 3] om. E1 28. propositum] compositum B ergo et cetera add. N 29. secunda] om. A L M N Q U in mg. B D E2 E3 Mo R T 30. conclusio] om. A L M Mo N Q U in mg. B D E2 E3 R T est quod add. E1

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num1 equilaterum eidem circulo inscriptum est medietas proportionis istius2 numeri 256 ad istum3 27. Quod4 sic patet, nam quadratum circumscriptum est quadratum dyametri5 ae, et istud quadratum6 dyametri7 ae8 est9 sexquitertium quadrato10 lateris ac11 per primam suppositionem. Et proportio quadrati ac ad trigonum12 est medietas13 proportionis 1614 ad 3 per precedentem conclusionem15. Ergo proportio /S : 10r/ quadrati circumscripti ad trigonum16 inscriptum est /Mo : 217(236)v/ composita ex sexquitertia17 et medietate /L : 175vb/ proportionis 1618 ad 3. Et19 per quintam regulam algorismi20 proportionum21 constat22 quod ista proportio est medietas proportionis23 256 ad 2724, scilicet25 medietas nonecuple26 superpartientis27 tredecim28 vicesimas septimas /R : 221v/ que29 1 13 scribitur sic30 : --- 9p ------ 31. 2

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1. trigonum] triangulum E2 2. istius] om. U 3. istum] numerum add. D T numerum scilicet add. M Q om. N R S numerum U 4. quod… patet] om. L 5. dyametri] om. Q 6. quadratum] om. U 7. dyametri] om. D E2 U 8. ae] om. E2 N U 9. est] om. Q 10. quadrato] dyametro N 11. ac] ag S dac U 12. trigonum] triangulum E2 1 13. medietas] --- R 2 14. 16] 26 E1 15. conclusionem] om. D E2 T proportionem S 16. trigonum] triangulum E2 17. sexquitertia] sexquialtera S 18. 16] 26 E1 19. et… regulam] om. Mo 20. algorismi] om. E2 Mo 21. proportionum] om. E2 Mo de proportionibus Q 22. constat… ad] om. Mo 23. proportionis] om. Q 24. 27] om. Mo vigesimam S 25. scilicet] om. Mo 26. nonecuple] 9p E1 27. superpartientis] supertripartientis N 13 28. tredecim… septimas] vicesimas septimas N ------ U 27 29. que] proportio add. U 30. sic] om. Q tali modo U 1 13 1 13 13 1 13 1 31. --- 9p ------ ] --- 9pla ------ B E1 219p ------ D --- 9pp ------ E2 --- 9p 13 27 1p M superpartientis 13 2 27 2 27 27 2 27 2 1 1 12 1 13 27as add. Mo --- 9le 13 27 illius Q --- 9p ------ S --- 9le ------ U 2 2 27 2 27

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/M : 68vb/ Tertia1 conclusio2 : proportio trigoni circumscripti ad quadratum circumscriptum est medietas proportionis 273 ad 16. /N : 78r/ Quoniam trigonus4 circumscriptus est quadruplus trigono5 inscripto6 per sextam suppositionem. Et proportio quadrati circumscripti7 ad trigonum8 inscriptum9 est medietas proportionis 256 ad 27 per precedentem. Ergo10 ista medietas11 subtrahenda12 est a proportione quadrupla13 per14 sextam regulam, et restabit proportio trigoni15 circumscripti16 ad quadratum circumscriptum17, scilicet18 medietas proportionis 27 ad 16. Quoniam universaliter19 si duo inequalia20 comparentur ad21 tertium, verbi22 gratia a et b ad23 c24, si25 proportio a ad26 c subtrahatur a proportione b ad c, autem27 econtrario, remanet28 proportio b ad c29. Sic30 igitur31 patet32 propositum.

1. tertia] om. A L M N Q U in mg. B E1 E2 E3 Mo R T 2. conclusio] om. A L M Mo N Q U in mg. B E1 E2 E3 R T 3. 27 ad 16] 16 ad 27 R 4. trigonus] triangulus E2 5. trigono] ad trigonum D T triangulo E2 6. inscripto] inscriptum D T 7. circumscripti] om. M 8. trigonum] triangulum E2 9. inscriptum] circumscriptum R 10. ergo ista] om. Q 11. medietas] om. Mo om. Q 12. subtrahenda… proportione] om. Q 13. quadrupla] 4p N R om. Q 14. per… proportio] om. Q 15. trigoni] trianguli E2 om. Q 16. circumscripti… quadratum] om. Q 17. circumscriptum] om. Q S 18. scilicet…27] om. Q 19. universaliter] om. D 20. inequalia] equalia D om. S 21. ad] unum add. L Q 22. verbi gratia] ut M om. Q 23. ad] et A Mo S 24. c] aut econtrario add. U 25. si… a] om. B E3 R 26. ad c] om. B E1 E3 R 27. autem] aut B U et S 28. remanet] manet Q 29. c] a D E1 E2 E3 L M N Q U 30. sic] et cetera M Q 31. igitur] om. M Q U 32. patet propositum] om. M Q

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Quarta1 conclusio2 : proportio quadrati inscripti ad trigonum3 inscriptum est medietas proportionis 64 ad 27. Probatur /Q : 112ra/ sic4 : proportio quadrati circumcripti ad trigonum5 inscriptum6 est medietas proportionis7 2568 ad 27 per secundam conclusionem. Et proportio quadrati circumscripti ad quadratum inscriptum est dupla9 per quintam suppositionem. Ergo proportio dupla10 subtrahenda est a11 medietate proportionis 25612 ad13 27 per14 /A : 124va/ sextam regulam, et15 restabit16 medietas17 proportionis 64 ad 27 que est proportio quadrati inscripti ad trigonum18 /E2 : 27v/ inscriptum. Et19 hoc fuerat20 probandum21. /E3 : 97r/ Quinta22 conclusio23 : proportio trigoni24 circumscripti ad quadratum inscriptum est medietas proportionis 27 /Mo : 218(237)r/ ad 4. Quoniam huiusmodi25 proportio componitur26 ex proportione trigoni27 circumscripti ad quadratum circumscriptum, que28 est medietas proportionis 27 ad 16 per tertiam conclusionem, /S : 10v/ et ex proportione quadrati circumscripti ad quadratum inscriptum, que est dupla29 per quintam30 suppositionem.

1. quarta] om. A L M N Q U in mg. B D E2 E3 Mo R T 2. conclusio] om. A L M Mo N Q U in mg. B D E2 E3 R T 3. trigonum] triangulum E2 om. S 4. sic] om. E2 nam add. N 5. trigonum] triangulum E2 om. S 6. inscriptum… medietas] om. S 7. proportionis] om. S T 8. 256… circumscripti ad] om. S 9. dupla] 2p N R T 10. dupla] 2p N om. R 11. a] om. T 12. 256] om. M 158 Q ducente 56 S 13. ad 27] om. M 14. per… regulam] om. M 15. et] tunc add. L om. M 16. restabit] om. M restat S 17. medietas proportionis] om. M 18. trigonum] triangulum E2 19. et hoc] quod M Q et cetera U 20. fuerat] fuit D M N Q T om. U 21. probandum] propositum S om. U 22. quinta] om. A L M N Q U in mg. B E2 E3 Mo R T 23. conclusio] om. A E2 L M Mo N Q U in mg. B E2 E3 R T 24. trigoni] trianguli E2 25. huiusmodi] huius D E2 L Q S T 26. componitur] est composita N 27. trigoni] trianguli E2 28. que] hec Mo 29. dupla] 2p N R T 30. quintam] quartam Q

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Et1 proportio ex istis confecta2 est medietas proportionis 27 ad 4 per quintam regulam. Ergo hec est3 proportio quam querimus4. Hoc idem5 potest probari ex6 sexta7 suppositione8 et quarta conclusione et sexta regula, subtrahendo medietatem proportionis 64 ad9 27 a proportione quadrupla10 et venit11 /L : 176ra/ ut prius medietas proportionis 27 ad 4. Ergo conclusio12 vera13. Sic14 igitur15 dictum sit16 de trigonis17 et quadratis tam18 inscriptis quam19 circumscriptis quorum proportiones ponentur20 postea21 in22 figura23. /T : 91/ Nunc igitur24 ad alias figuras25 transeamus et26 proponatur27 adhuc28 una29 suppositio30 que31 est32 talis33. Septima34 suppositio : exagonus inscriptus35 est duplus trigono36 inscripto. 1. et proportio] om. U 2. confecta] composita D M Q T 3. est] om. D 4. querimus] queris M Q 5. idem] igitur N 6. ex] per U 7. sexta] tertia S sextam U 8. suppositione… regula] suppositionem et quartam conclusionem et sextam regulam U 9. ad] a A L 10. quadrupla] 4p N R 11. venit] veniet Mo 12. conclusio] est M est add. S 13. vera] sit add. A Mo 14. sic] sit A Mo 15. igitur] sic add. Mo est Q 16. sit] Mo 17. trigonis] triangulis E2 18. tam] om. E2 19. quam] et E2 etiam add. N 20. ponentur] prius posite sunt E2 ponemus M 21. postea] deinde A L om. E2 M N Q 22. in] om. S 23. figura] et cetera add. N om. S et sint ergo ad figuras add. T 24. igitur] om. Q 25. figuras transeamus] om. M 26. et] om. M Q 27. proponatur] ponatur D R ponendo E2 om. M Q ponitur T 28. adhuc] om. E2 M Q 29. una] om. E2 Mo M Q 30. suppositio] suppositionem E2 om. M Q 31. que] om. D M Q T 32. est] om. D M S Q T 33. talis] om. M Q 34. septima suppositio] om. A D L M Mo N Q U in mg. B D E1 E2 E3 R T 35. inscriptus] circumscriptus Mo 36. trigono] triangulo E2

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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Quod1 faciliter patet inscribendo exagonum circa2 trigonum3 et4 dividendo5 trigonum6 in7 tres triangulos8 per9 tres lineas protractas10 ab angulis trigoni11 ad centrum circuli12. Tunc13 fient in exagono sex trianguli similes et equales, ut14 faciliter15 patet16, quorum tres continet17 /Q : 112rb/ trigonus18 inscriptus. Igitur exagonus est trigono19 duplus. Correlarium20 : ex quo cum sexta21 /E1 : 44r/ suppositione statim22 sequi23 tur quod trigonus24 circumscriptus duplus est /U : 170r/ exagono inscripto25.

1. quod faciliter] om. M Q 2. circa] iuxta S 3. trigonum] triangulum E2 4. et] om. L Q S in M 5. dividendo] om. L S 6. trigonum] triangulum E2 om. L Mo S 7. in tres] inter A L 8. triangulos] angulos B 9. per] protrahendo E2 10. protractas] om. E2 Mo 11. trigoni] trianguli E2 12. circuli] om. Mo Q 13. tunc] dum N 14. ut] om. E2 quod T 15. faciliter] om. E2 facilis M facile U 16. patet] om. E2 17. continet] scient M continent Mo 18. trigonus] triangulus E2 19. trigono] triangulo E2 20. correlarium] om. A D L M Mo N Q T U in mg. B E1 E2 E3 R 21. sexta] tertia A L U 22. statim] om. E2 23. sequitur] correlarie add. N 24. trigonus] triangulus E2 25. inscripto] aliter bene exemplar habebit licet forte minus correcte unde correlarium istud rectius sequitur : trigonus circumscriptus duplus est exagono inscripto add. U

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Ex1 quo2 correlario3 cum4 tertia conclusione et5 sexta regula patet sexta6 conclusio que talis7 est : proportio quadrati circumscripti /Mo : 218(237)v/ ad exagonum inscriptum est medietas proportionis 64 ad 27. Unde patet quod /M : 69ra/ est eadem proportio sicut8 quadrati inscripti ad trigonum9 inscriptum. Et10 potest11 statim12 probari ex predictis13 suppositione, conclusione et regula agendo14 sicut15 prius (14). Septima16 conclusio17 : proportio exagoni inscripti18 ad quadratum inscriptum est medietas proportionis 27 ad 16. /D : 98r/ Ista19 conclusio20 per eundem modum21 probari22 potest sicut et23 alie et hoc ex septima24 /B : 29v/ suppositione et25 quarta conclusione et sexta regula. Et ista proportio est26 eadem27 sicut proportio28 trianguli circumscripti ad quadratum circumscriptum29. Hec30 igitur31 /S : 11r/ sufficiant32 de exagono inscripto33.

1. ex] om. E3 2. quo] om. E3 qua suppositione una cum eius N 3. correlario] correlarie D M Q om. E2 E3 4. cum] et N 5. et] cum L 6. sexta] in mg. Mo 7. talis est] sexta conclusio in mg. E2 R post figura statim sequitur L sequitur Mo 8. sicut] om. M 9. trigonum] triangulum E2 10. et] ex hoc S 11. potest] posset M 12. statim] om. E2 M Q satis N 13. predictis] scilicet add. M Mo N Q dictis S 14. agendo] om. E2 Mo arguendo M Q 15. sicut prius] om. E2 Mo et cetera add. N 16. septima] om. A L M N Q U in mg. B D E1 E2 E3 Mo R T 17. conclusio] om. A L M Mo N Q U in mg. B D E1 E2 R T propositio in mg. E3 18. inscripti] inscriptum Mo 19. ista] hec B E1 E2 L Mo que N 20. conclusio] om. Mo 21. modum] om. S 22. probari potest] om. T 23. et… hoc] alia M Q 24. septima] alia S 25. et] ex add. D 26. est] om. U 27. eadem] om. Mo 28. proportio] om. D T sicut add. U 29. circumscriptum] om. M 30. hec] hoc Mo S 31. igitur] om. E2 32. sufficiant] patet M Q sufficiat Mo S 33. inscripto] et cetera add. N

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Sed1 videamus2 de exagono circumscripto3 et premittatur4 iterum5 alia6 suppositio7, scilicet8 octava9 suppositio10, et11 est12 ista13 : /R : 222r/ exagonus circumscriptus exagono inscripto14 est15 sexquitertius. Quod16 probatur17 : describatur18 in circulo latus exagoni quod19 /A : 124vb/ sit20 ef. Factoque trigono21 super centrum a, protrahatur22 ag et etiam23 ac. Et sit24 cg contingens25 circulum et equidistans linee26 ef. Erit27 ergo28 gc29 /L : 176rb/ latus exagoni circumscripti30. Protrahaturque31 adb32 per medium trigoni33 qui est34 equilaterus35. Est ergo quadratum ac36 sexquitertium quadrato ab per37 secundam suppositionem. Ergo proportio ac38 ad

1. sed] om. N U 2. videamus] videndum Mo restat nunc videre N videas Q videmus S iam add. U 3. circumscripto] inscripto D 4. premittatur] premittamus D premittetur Q premittenda U 5. iterum] om. D E2 Mo igitur N tamen est U 6. alia] aliam D om. M quarta Q 7. suppositio] suppositionem D om. M 8. scilicet] om. A B D E1 E2 E3 L M Mo Q R T que sit N 9. octava] om. A D E2 E3 L Mo Q R T U in mg. E1 septima suppositio in mg. B 10. suppositio] om. A D E2 E3 L Mo N Q R T U in mg. E1 B 11. et] que E2 om. M Mo Q S U in ordine N 12. est] om. M Mo N Q S U 13. ista] om. M Q S talis N 14. inscripto] inscriptus N 15. est] proportio add. U 16. quod] om. D E2 M Mo N Q T 17. probatur] sic add. D T 18. describatur] et scribatur Mo 19. quod] d add. N om. U 20. sit] om. U 21. trigono] triangulo E2 22. protrahatur] linea add. M 23. etiam] om. D E2 M N Q T U 24. sit] om. E2 25. contingens] continentes D 26. linee] om. M Q 27. erit] esset M 28. ergo] linea add. U 29. gc] om. M Q 30. circumscripti] circumscriptur Mo 31. protrahaturque] protrahatur igitur E2 E3 protrahatur ita quod M protrahatur itaque Q protrahatur quia S 32. adb] ab D Mo U linea ab a ad b E2 33. trigoni] trianguli E2 34. est] debet esse M Q 35. equilaterus] om. Q 36. ac] acg L est add. T 37. per… suppositionem] om. Mo 38. ac] corr. ab A B D E1 E2 ER3 L M Mo N Q R S T U

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ab1 est2 medietas sexquitertie3. Sed4 ab5 /E2 : 28r/ et ae6 sunt7 equales, /N : 78v/ ergo ac ad ae, scilicet latus8 maioris trigoni9 ad latus minoris, est medietas sexquitertie10. Et quoniam duo trianguli11 acb et aed sunt12 similes13, ergo14 per quartam VIi 15 (15) proportio bc16 /S : 11v/ ad17 ed18 est medietas sexquitertie. Ergo19 gc lateris20 exagoni circumscripti ad ef21 /E3 : 97v/ latus exagoni inscripti est22 medietas23 sexquitertie24. Ergo25 exagoni circumscripti ad exagonum inscriptum est proportio sexquitertia26, quod est propositum.

1. ab] corr. ac A B D E1 E2 E3 L Mo N Q R S T U ac et ae scilicet latus maioris trigoni ad latus minoris M 2. est medietas] et M 3. sexquitertie] om. M S 4. sed] om. M si Q 5. ab et] om. M S 6. ae] om. M S ag N 7. sunt… ad] om. M S 8. latus] lateris Mo 9. trigoni] trianguli E2 U 1 1 10. sexquitertie] 1p --- M illius --- Q 3 3 11. trianguli] anguli L 12. sunt] equianguli et add. Mo 13. similes] equales D T 14. ergo] om. E3 ideo M Q 15. VIi] Euclidis add. E1 E2 regulam M septimi S 16. bc] om. Q 17. ad] om. Mo 18. ed] d Q 19. ergo] om. M 20. lateris] latus N U 21. ef… inscripti] om. Q 22. est] om. E2 Q una add. M 23. medietas] om. E2 Q 1 24. sexquitertie] om. E2 Q 1p --- M 3 25. ergo… circumscripti] om. E2 Q 1 1 26. sexquitertia] 1p --- M illius --- Q 3 3

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Ex isto1 supposito2 cum predictis conclusionibus3 et regulis algorismi4 positis superius6 possunt investigari proportiones /Mo : 219(238)r/ exagoni circumscripti ad omnia ante7 dicta8 modo9 et forma10 superius adnotatis11. Et omnes huiusmodi12 proportiones omnium figurarum predictarum sunt armonice sive medietates armonicarum13, quas omnes14, ut clarius pateant15, posui16 in17 figura18. 5

1. isto] ista U 2. supposito] patet add. S suppositione U 3. conclusionibus] suppositionibus A L S questionibus N 4. algorismi] om. Mo 5. positis] positi S 6. superius] om. Mo 7. ante] om. M Q 8. dicta] predicta M Q et dicta add. T 9. modo] om. Q 10. forma] om. M et formari et modis Q 11. adnotatis] notatum M 12. huiusmodi] huius A B E2 E3 M N ergo S igitur huius T 13. armoricarum] armonicas M 14. omnes ut] om. M Q 15. pateant] om. M patent Mo 16. posui] patet E1 S ponetur M declaro Mo pono Q om. R proposui U 17. in] om. R 18. figura] sequenti add. L subscripta add. M sequentis add. Mo sequenti quam invenies post fine libelli add. N figuram R presenti add. Q ista add. T presenti ubi add. U

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/A : 125ra ; E1 : 44v ; E3 : 98r ; L : 176va ; M : 69rb ; T : 92/ Inspice1 (16) quam pulcre 272 est proportionum plurium3 medietarum4 modo5 maior terminus6 modo7 minor8 vicibus9 alternatis10 omnisque11 proportio12 cuius13 medietas14 huius15 ponitur supra figuras circumscriptas sive inscriptas est proportio numeri16 quadrati ad numerum17 cubicum18 aut econtrario. Et19 in20 talibus21 proportionibus22 numerus23 quadratus est24 a25 parte figure quadrate26. /E3 : 98v ; Q : 112va ; S : 12r/ Sciendum27 autem28 quod a est maius29 quam b et b est30 maius31 quam32 g et similiter33 g34 maius35 quam36 c, et37 cetera. Consequenter38 notandum est39 quod40 omnium figurarum cir1. inspice… pulcre] om. D M N Q a trigonus circumscriptus. b quadratum circumscriptum. g exagonus circumscriptus. c exagonus inscriptus. d quadratum inscriptum. e trigonus inscriptus add. in mg. B E1 2. 27… proportionum] om. M N Q 3. plurium] om. L M N Q in add. Mo 4. medietarum] modorum S om. M N Q 5. modo maior] om. M N Q 6. terminus] om. M N Q R S 7. modo] om. M N Q 8. minor] om. M N Q terminus add. T 9. vicibus] om. M N Q 10. alternatis] om. M N Q S 11. omnisque] omnis D om. M N Q omnis quotus Mo 12. proportio] om. M N Q 13. cuius] superius B D E1 E2 E3 Mo R S T om. M N Q 14. medietas] mediata est B D E2 E3 R om. M N Q maiorata Mo mediata S 15. huius… proportio] om. B D E1 E2 E3 M N Q S est Mo R T 16. numeri… ad] om. M N Q S 17. numerum] om. B D E1 E2 E3 Mo M N Q S R S T 18. cubicum… econtrario] om. M N Q S 19. et] semper add. B D E1 E2 E3 Mo R T om. M N Q 20. in] om. B M N Q 21. talibus] inferioribus B superioribus D E1 E2 E3 Mo R S T om. M N Q 22. proportionibus] mediatis add. B D E1 E2 E3 Mo R S T om. M N Q 23. numerus quadratus] om. M N Q 24. est] om. M N Q R 25. a… figure] om. M N Q 26. quadrate] om. M N Q numeri quadrati ad cubicum autem equalia add. S 27. sciendum] est add. A Mo Q 28. autem] om. B D igitur M Q aut N 29. maius] magis E3 a trigonus circumscriptus add. T 30. est] om. E1 Q 31. maius] magis E3 32. quam] om. E2 T 33. similiter] om. L Mo 34. g] est add. M Q om. R 35. maius] magis E3 36. quam] om. E2 37. et cetera] et sic D E1 M N R om. Mo et sic b quadratum circumscriptum T 38. consequenter] de aliis add. D om. Mo 39. est] etiam B D E1 E2 R S autem Mo om. Q etiam add. U 40. quod] etiam add. M

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culo1 inscriptarum equilaterarum2 illa que plura habet latera semper3 est maior4. Sed de circumscriptis5 est econtrario, quoniam6 que7 plurium fuerit8 angulorum sive laterum illa9 est10 minor11. Quod esset12 satis13 facile demonstrare14, sed non15 oportet dimittere16 sive17 exire18 propositum19. Similitudines itaque20 proportionum que sunt in precedenti21 figura22 (17) satis patent intuenti, quoniam23 sicut a ad c ita c ad e24 et ita25 b ad d26. Iterum27 sicut b28 ad c ita d ad e. /B : 30r/ Per29 eundem modum posset30 investigari proportio cuiuscumque31 figure ad quamlibet32 istarum si33 sceretur34 proportio35 eius ad unam earum. Et36 1. circulo] in circuli M 2. equilaterarum] om. D g exagonus circumscriptum add. T 3. semper] om. E2 Q 4. maior] iste E3 et que habet pauciora minor add. M etiam que pauciora minor add. Q 5. circumscriptis] semper add. R circum c exagonus inscriptus scriptis T 6. quoniam] om. D T quandocumque M 7. que] om. M 8. fuerit] est N 9. illa] om. Mo 10. est] d quadratus inscriptus add. T 11. minor] om. E3 et ita omnium figurarum circumscriptibilium triangulus est minima sed maxima non est danda, econverso omnium figurarum circumscriptibilium triangulus maxima sed minima non est dabilis add. M et ita omnium figurarum inscriptibilium triangulus est minima sed maxima non est danda, econverso omnium figurarum circumscriptibilium triangulus est maxima sed minima non est danda Q 12. esset] est E1 M 13. satis] statim A om. E2 Q 14. demonstrare] ostendere E3 15. non] om. Mo N 16. dimittere] om. M Q dimi c trigonus inscriptus tere T 17. sive] om. M Q ne Mo N 18. exire] exeatur Mo exeat N 19. propositum] a proposito Mo N proportionum vel latum add. S 20. itaque] om. E2 ita Q 21. precedenti] positi M sequenti N 22. figura] om. E2 23. quoniam] quia M Q 24. e] ae Mo 25. ita] om. E2 26. d] e U 27. iterum] item R U 28. b] ab R 29. per] deinde N 30. posset] potest Mo N T U Q 31. cuiuscumque] cuiuslibet D Mo S T 32. quamlibet] quantum M 33. si] sicut E2 34. sceretur] om. E2 scirem M scietur Mo S T scieretur N 35. proportio eius] om. E2 36. et] ergo add. D R T

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gratia exempli probetur1 adhuc una alia2 suppositio sive geometrica conclusio3 que talis est4 : octogonus circulo inscriptus est medium proportionale inter5 /Mo : 219(238)v/ quadratum eidem circulo inscriptum et6 quadratum7 eidem8 circumscriptum9. Describatur10 circulus cuius centrum sit11 a12 cui inscribatur13 quadratum cuius unum14 latus sit bd /U : 170v/ et etiam15 octogonus16 cuius unum17 latus18 sit bf et circumscribatur quadratum cuius unum19 latus sit kc20, ut21 patet22 exemplo23 in24 quo25 apparet26 quod27 quadratum abcd28 est29 quarta pars quadrati circumscripti. Et eius dyameter ac dividitur30 per medium in puncto31 e per lineam bd que est latus quadrati ins1. probetur] proponetur E2 probaretur L probatur M T proponatur Q 2. alia] una Q om. R 3. conclusio] om. Q 4. est] nona suppositio in mg. B E1 om. S sequitur ultima add. T 5. inter] intermedium N 6. et] om. A Q igitur Mo 7. quadratum] om. A 8. eidem] om. A circulo add. B Mo N Q ei U 9. circumscriptum] om. A 10. describatur] scribatur T 11. sit] om. E2 12. a] om. S 13. inscribatur] scribatur Q 14. unum] om. R 15. etiam] om. E2 M Q 16. octogonus cuius] om. E2 17. unum] om. E2 R 18. latus… et] om. E2 19. unum] om. A E2 20. kc] et inscribatur octogonus cuius unum latus sit bf add. E2 c M Q 21. ut] om. M 22. patet] om. D apparet in E2 in add. M Mo N T U 23. exemplo] in exempli M 24. in] om. D ita Q 25. quo] om. Q 26. apparet] patet A Q 27. quod] om. Q 28. abcd] abc A Q 29. est] et L 30. dividitur] dividatur D T U 31. puncto] om. D

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cripti. Et1 consimiliter2 linea3 ak4 dividitur5 per6 medium in puncto g. Et est ibi aliud7 parvum quadratum agbe cuius linea ab est dyameter. Est igitur proportio ab ad ae8 sicut /S : 12v/ dyametri9 ad costam, scilicet10 /M : 69va/ medietas11 duple12. Sed13 ab et af sunt equales, ergo proportio14 af ad ae est15 medietas16 duple17. Et18 ac ad19 ae20 est proportio dupla21. /L : 176vb/ Igitur af est medium proportionale inter ac et ae. Ymaginentur22 ergo23 tres trianguli24 /R : 222v/ abc, abf25 et abe qui26 sunt in eadem altitudine27. Ergo28 per primam VIi Euclidis29 (18) earum /A : 125rb/ proportio est sicut30 suarum basium, ergo etiam31 eorum32 multiplicium33. Sed34 tres figure35 date sunt 1. et] om. A 2. consimiliter] similiter D E2 M N R T 3. linea] om. D 4. ak] bh M a Q a qua S 5. dividitur] dividatur D Q T U 6. per medium] om. A B D E1 L M N Q R S T U 7. aliud] om. N 8. ae] est add. D T 9. dyametri] diameter L N 10. scilicet] una add. M 1 11. medietas] --- Q R 2 12. duple] 2p N R 13. sed] sicut D 14. proportio] om. E2 Q T U 15. est] proportio add. D T U 1 16. medietas] --- R 2 17. duple] 2p N R 18. et ac] om. E2 19. ad] om. E2 T 20. ae… proportio] om. E2 21. dupla] om. E2 2p R 22. ymaginentur] ymaginantur D ymaginamus M Q 23. ergo] om. D E1 Q 24. trianguli] triangulos scilicet M Q 25. abf] om. T 26. qui… in] quorum altitudo est M Q 27. altitudine] om. M Q latitudine R 28. ergo… primam] om. S 29. Euclidis] om. A B L M Q U 30. sicut] om. D isto add. S 31. etiam] et add. B E2 M N R S et Q U 32. eorum] om. A L Mo et eo quod D eque vel add. S 33. multiplicium] equimultiplicium A D E1 M N Q R U equivalentium Mo 34. sed] iste add. Mo 35. figure date] trianguli dati M Q

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huiusmodi1 quia primus triangulus2 est octava3 pars4 quadrati circumscripti et secundus5 octava6 pars octogoni7 et8 tertius9 octava10 pars11 quadrati inscripti. Ergo iste12 figure sunt continue proportionales secundum medietatem proportionis13 duple14. Proportio15 itaque16 octogoni inscripti17 ad quadratum inscriptum est medietas duple18 et19 ad omnes figuras de20 quibus prius dictum est habet21 tales22 proportiones quales hic23 inferius24 describuntur25. Quod posset probari per regulas, suppositiones et conclusiones prius positas. Et26 sicut27 de aliis dicebatur28, omnes huiusmodi29 proportiones sunt armonice sive medietates30 /Mo : 220(239)r/ armonicarum. Unde31 ymaginande sunt /E2 : 28v/ due series numerorum ab unitate /S : 13r/ continue proportionalium, una32 /E1 : 45r/ secundum33 proportionem duplam34 ut35 /Q : 112vb/ 1. 2. 4. 8.36 et37 sic

1. huiusmodi] huius B E2 S T 2. triangulus] angulus D M 3. octava] quarta Q 4. pars] om. Mo 5. secundus] est add. E2 pars add. Q 6. octava] quarta Q 7. octogoni] octavi A Mo inscripti add. E2 M Q om. T 8. et] om. M T 9. tertius] est add. E2 om. T autem add. U 10. octava] quarta Q om. T 11. pars] om. T 12. iste] tres add. L U 13. proportionis] om. N 14. duple] sequitur octava conclusio add. M 2p N sequitur ergo et cetera add. Q 15. proportio] om. E1 16. itaque] om. Mo igitur M N Q 17. inscripti] om. Q 18. duple] 2p N 19. et] etiam add. M 20. de… est] prius dictas M Q 21. habet] habent E2 22. tales] plures S 23. hic] om. M Q 24. inferius] om. U 25. describuntur] describentur E2 ponuntur M igitur add. Mo ponitur Q ascribuntur U 26. et] sit add. N 27. sicut… aliis] eis prius Mo 28. dicebatur] dicetur S 29. huiusmodi] huius B D E2 T 30. medietates] medietas A L M Mo partes N 31. unde] om. D 32. una] scilicet add. N 33. secundum proportionem] om. Q 34. duplam] triplam D duplas M om. Q 2p R 35. ut] om. A Q 36. 8.] 16. 32. add. E2 N 16. add. S T 37. et… infinitum] et cetera M om. Q

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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in infinitum, alia1 secundum proportionem triplam2 ut3 1. 3. 9. 27.4 et5 cetera. Et isti numeri dicuntur armonici et quelibet proportio6 inter duos illorum sive sint eiusdem coordinationis sive unus7 de una8 et alter9 de alia10 dicitur11 armonica12. Et cum hoc numeri ex eis13 generati dicuntur14 armonici sed non15 ita16 principaliter17. De18 talibus19 itaque20 figuris21 pro22 nunc23 sufficiant24 que25 dicta sunt.

1. alia] aliam D 2. triplam] om. L 3. ut] om. Q 4. 27] om. E1 81. 243. add. E2 81 add. N 5. et cetera] om. A L U et sic in infinitum S 6. proportio] illorum add. L 7. unus] om. D unius Mo 8. una] alia B D T 9. alter] alius M Q 10. alia] altera L M N 11. dicitur] om. N dicetur U 12. armonica] om. N 13. eis] numeri add. Q 14. dicuntur] dicitur S 15. non] om. S 16. ita] generaliter sive non ita add. M 17. principaliter] generaliter Q 18. de] om. E2 pro T 19. talibus] om. E2 20. itaque] om. E2 ergo M Q autem N 21. figuris] om. E2 22. pro] om. D E2 M S 23. nunc] om. E2 M Q S 24. sufficiant] om. E2 sufficiatur Q 25. que… sunt] om. D E2

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/L : 177ra/ Per (19) regulas algorismi proportionum1 adhuc possunt aliqua2 demonstrari de corporibus regularibus presupponendo quedam ex XIIIo Euclidis. Primo3 supponendum est proportionem dyametri spere ad latus pyramidis quattuor basium triangularum equilaterarum eidem4 spere inscripte esse5 medietatem6 sexquialtere. Patet ex correlario 13a XIIIi 7 (20). proportionem dyametri spere ad latus cubi in eadem inscripti esse8 medietatem9 triple. Quod patet ex 14a XIIIi (21). proportionem dyametri spere ad latus octocedron in eadem inscripti esse medietatem10 duple11. Hoc est correlarium 15a 12 XIIIi (22). Prima13 conclusio : proportio trigoni equilateri inscripti maximo circulo spere ad basem trigonam14 pyramidis quadrilatere eidem spere15 inscripte est sexquioctava16. Quia proportio dyametri circuli ad latus trigoni17 eidem inscripti est medie18 tas sexquitertie, ut patet ex declaratione prime aliarum suppositionum. Et proportio eiusdem dyametri ad latus pyramidis, quod est latus basis, est medietas19 sexquialtere per20 primam suppositionem /A : 125va/ nunc /M : 69vb/ positam21. Ergo per octavam22 regulam proportio lateris trigoni ad latus basis

1. 2. 3. 4. 5. 6.

proportionum] om. Q aliqua demonstrari] adequari A primo] igitur add. U eidem] eiusdem Q esse] om. Q 1 1 1 1 medietatem sexquialtere] --- 1p --- M --- illius --- Q 2 2 2 2 7. XIIIi] libri Euclidis add. U 8. esse] om. Q 1 9. medietatem] --- M Q 3 1 1 10. medietatem] --- M --- Q 2 3 11. duple] 1p M 12. 15a XIIIi] om. A 13. prima conclusio] nunc sequuntur conclusiones M sequuntur conclusiones Q 14. trigonam] trigoni Q 15. spere] om. M Q 1 16. sexquioctava] 1p M illius --- Q 4 17. trigoni] om. U 1 p1 1 1 18. medietas sexquitertie] --- 1 --- M --- illius --- Q 2 3 2 3

1 1 1 1 19. medietas sexquialtere] --- 1p --- M --- illius --- Q 2 2 2 2 20. per… suppositionem] om. A 21. positam] propositam Q 22. octavam] quartam Q

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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pyramidis est medietas1 sexquioctave. Ergo proportio trigoni predicti ad basem pyramidis est sexquioctava2 per 18am 3 VIi (23). /U : 171r/ proportio quadrati inscripti4 maximo circulo spere ad basem5 cubi6 eidem spere inscripti est sexquialtera7. Quoniam proportio dyametri spere aut8 circuli maximi eiusdem ad latus quadrati inscripti9 est medietas10 duple11. Sed12 eiusdem dyametri ad latus cubi spere inscripti proportio13 est14 medietas15 triple per secundam suppositionem. Ergo invenietur per octavam16 regulam quod proportio lateris quadrati inscripti17 maximo circulo ad latus cubi18 inscripti spere est medietas19 sexquialtere. Ergo eiusdem quadrati ad basem cubi prefati est20 proportio21 sexquialtera. proportio trigoni equilateri inscripti maximo circulo spere ad basem octocedron eidem spere inscripti est sexquialtera22. Propter hoc quod proportio dyametri spere ad23 latus dicti trigoni est medie24 tas sexquitertie, ut dictum est25 in probatione conclusionis prime. Et eiusdem dyametri ad latus octocedron proportio est medietas26 duple per tertiam /L : 1 1 1 1 1. medietas sexquioctave] --- 1p --- M --- illius --- Q 2 8 2 4 1 2. sexquioctava] 1p --- M illius Q 8 3. 18am] 8am A 14am Q 4. inscripti] inscripto A 5. basem] in add. Q 6. cubi] tali M 1 1 7. sexquialtera] 1p --- M illius --- Q 2 2 8. aut] om. M Q 9. inscripti] om. Q 1 10. medietas] --- M Q 2 11. duple] triple Q 12. sed… inscripti] om. Q 13. proportio] om. L Q 14. est] om. Q 1 15. medietas triple] --- 3p M om. Q 2 16. octavam] quartam Q 17. inscripti] in add. Q 18. cubi] om. M Q 1 1 1 1 19. medietas sexquialtere] --- 1p --- M --- illius --- proportionis Q 2 2 2 2 20. est] om. M 1 1 p 21. proportio sexquialtera] 1 --- proportio M illius --- proportio Q 2 2 1 1 22. sexquialtera] 1p --- M illius --- Q 2 2 23. ad latus] om. M 1 1 1 1 24. medietas sexquitertie] --- 1p --- M --- ilius --- Q 2 3 2 2 25. est] fuit A 1 p -26. medietas duple] 2 M 2

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177rb/ suppositionem. Ergo per octavam1 regulam proportio lateris trigoni predicti2 ad latus3 octocedron seu4 basis eiusdem est medietas5 sexquialtere. Ergo6 trigoni antedicti ad basem7 octocedron8 est proportio sexquialtera. /Q : 113ra/ proportio basis cubi spere9 inscripti ad trigonum equilaterum inscriptum maximo10 circulo eiusdem spere11 est medietas proportionis 25612 ad 243. Quia proportio quadrati huic circulo inscripti ad basem cubi spere inscripti est sexquialtera13 per secundam conclusionem istarum. Et eiusdem quadrati inscripti ad trigonum inscriptum circulo proportio14 est medietas 64 ad 27 per quartam aliarum conclusionum. Et per sextam regulam invenietur quod proportio ex hiis duabus confecta15 est medietas proportionis 256 ad 243. Ergo basis cubi16 inscripti ad predictum trigonum17 proportio est ista, scilicet medietas semitoni minoris18, medietas dyesis19 in20 sonis. proportio quadrati inscripti maximo circulo spere ad basem pyramidis eiusdem spere inscripte est medietas21 triple22. Patet per23 hoc quod proportio huius quadrati ad trigonum inscriptum /A : 125vb/ eidem circulo est medietas24 proportionis 64 ad 27 per quartam25 aliarum conclusionum. Et huius trigoni ad basem predictam proportio est sexquioctava26 per primam istarum conclusionum. Ergo per quintam regulam 1. octavam] quartam Q 2. predicti] antedicti M Q 3. latus] basem M Q 4. seu… eiusdem] om. M Q 1 1 5. medietas sexquialtere] proportio 1p --- M proportio illius --- Q 2 2 6. ergo… ad] om. M Q 7. basem] latus L om. M Q 8. octocedron… sexquialtera] om. M Q 9. spere] om. Q 10. maximo] magno M 11. spere] om. Q 12. 256] 258 Q 1 1 13. sexquialtera] 1p --- M illius --- Q 2 2 14. proportio… medietas] est proportio medietatis U 15. confecta] cum facta M 16. cubi] spere add. M Q U 17. trigonum] inscriptum add. U 18. minoris] vel add. M Q 19. dyesis] dyeresis A dyesionis Q 20. in sonis] om. Q 1 21. medietas] --- M Q 2 p 22. triple] 3 M 23. per] propter U 1 24. medietas] --- Q 2 25. quartam] conclusionem add. Q 1 1 26. sexquioctava] 1p --- M illius --- Q 8 4

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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proportio composita, scilicet proportio quadrati inscripti circulo ad basem pyramidis spere inscripte et1 cetera, est medietas2 triple. proportio quadrati inscripti maximo circulo spere ad basem octocedron eidem spere3 inscripti est medietas proportionis 16 ad 3. Quoniam sicut dictum est proportio quadrati inscripti ad trigonum inscriptum est medietas proportionis 64 ad 27. Sed eiusdem /M : 70ra/ trigoni ad basem octocedron est proportio sexquialtera4 per tertiam istarum conclusionum. Ergo quadrati predicti ad basem octocedron est proportio ex istis composita, et5 per quintam regulam6 patet quod illa est7 medietas proportionis 16 ad 3. Et eadem est proportio quadrati lateris trigoni equilateri ad trigonum eundem8 per primam aliarum conclusionum. proportio basis cubi ad basem pyramidis eidem spere inscriptorum est9 medietas10 sexquitertie. Probatur ex hoc quod proportio huius basis cubi ad trigonum inscriptum maximo circulo spere est11 medietas proportionis 256 ad 243 per quartam conclusionem precedentem. Sed eiusdem trigoni ad basem pyramidis est proportio12 /L : 177va/ sexquioctava13 per14 primam istarum conclusionum. Ergo15 proportio basis cubi ad basem pyramidis est proportio ex hiis duabus aggregata16. Et per17 quintam18 regulam19 patet quod illa proportio20 est medietas21 sexquitertie22. 1. et cetera] om. M 1 2. medietas triple] --- 3p M 2 3. spere inscripti] om. M Q 1 1 4. sexquialtera] --- 1p M illius --- Q 2 2 5. et] quia add. M Q 6. regulam] om. Q 7. est] una add. Q 8. eundem] eius M eiusdem Q 9. est] om. Q 1 1 1 1 10. medietas sexquitertie] --- 1p --- M --- illius --- Q 2 3 2 2 1 11. est medietas] --- Q 2 12. proportio] om. A M U 1 13. sexquioctava] 1p --- M om. Q 8 14. per… conclusionum] om. M Q 15. ergo… est proportio] om. Q 16. aggregata] congregata A L 17. per] om. U 18. quintam] primam L om. U 19. regulam… quod] om. U 20. proportio] om. U 1 21. medietas] --- M Q 2 1 1 22. sexquitertie] 1p --- M illius --- Q per regulam quintam add. U 3 2

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proportio basis pyramidis ad basem octocedron eidem spere inscriptorum est1 sexquitertia2. /U : 171v/ Quia trigoni inscripti maximo circulo spere ad basem octocedron est proportio sexquialtera3 per tertiam conclusionem nunc positam. Et rursum4 eiusdem trigoni ad5 basem pyramidis est proportio sexquioctava6. Igitur7 per secundam8 regulam9 /Q : 113rb/ subtrahenda est sexquioctava10 a sexquialtera11 et remanet12 proportio basis pyramidis ad basem octocedron et13 cetera, et illa est proportio14 sexquitertia. proportio basis cubi ad basem octocedron eidem spere inscriptorum est15 medietas proportionis 64 ad 27. Quoniam istorum proportio componitur ex proportione basis cubi ad basem pyramidis que est medietas16 sexquitertie, per septimam17 conclusionem18, et ex proportione basis pyramidis19 ad basem octocedron20 que est sexquitertia21 ut22 patet per23 octavam24. Et per25 quintam regulam patet quod talis proportio 1. est] om. Q 1 1 2. sexquitertia] 1p --- M illius --- Q 3 3 1 1 3. sexquialtera] 1p --- M --- Q 2 2 4. rursum] rursus M Q 5. ad… proportio] om. Q 1 6. sexquioctava] 1p --- M om. Q 8 7. igitur per] om. Q 8. secundam] om. Q primam U 9. regulam] om. Q 1 1 10. sexquioctava] proportio 1p --- M proportio illius --- que Q 8 2 1 1 11. sexquialtera] proportione 1p --- M proportione illius --- Q 2 2 12. remanet] remanebit U 13. et cetera] om. M Q 1 1 14. proportio sexquitertia] etiam 1p --- M illius --- Q 3 2 15. est] una add. Q 1 p1 1 1 16. medietas sexquitertie] --- 1 --- M --- --- Q 2 3 2 3 17. septimam] aliam M 18. conclusionem] om. L M Q U 19. pyramidis] cubi Q 20. octocedron] pyramidis Q 1 1 1 21. sexquitertia] 1p --- M --- illius --- per aliam et ex proportione basis pyramidis ad basem 3 2 3 1 octocedron que est illius --- Q 3 22. 23. 24. 25.

ut patet] sed Q per] om. U octavam] om. M quartam Q per] om. Q

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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ex hiis composita est medietas1 proportionis 64 ad 27, scilicet2 medietas3 trium sexquitertiarum. Et illa est proportio quadrati inscripti circulo ad trigonum eidem circulo inscriptum. /A : 125bis r(24)/ Proportio4 trigoni ad basem pyramidis sexquioctava. Proportio basis cubi ad trigonum medietas 256 ad 243. Proportio trigoni ad basem octocedron sexquialtera. Proportio quadrati ad basem pyramidis medietas triple. Proportio quadrati ad basem cubi sexquialtera. Proportio quadrati ad basem octocedron medietas 165 ad 3. Proportio basis cubi ad basem pyramidis medietas sexquitertie. Proportio basis pyramidis ad basem octocedron sexquitertia. Proportio basis cubi ad basem octocedron medietas 64 ad 27. Videte6 quomodo7 quelibet proportio inter huiusmodi figuras que sunt eiusdem speciei, sicut inter quadratum et quadratum, trigonum et trigonum, est rationalis8 et9 integra. Et omnis que est inter figuras diversarum10 specierum11, sicut12 inter quadratum et trigonum, est13 irrationalis14 et15 medietas16, et cetera.

1 1. medietas] --- Q 2 2. scilicet] 6 Q 1 3. medietas] --- Q 3 4. proportio… 27] om. M Q ;

Item Item Item Item Item Item Item Item Item

Figurarum hic subscriptarum ad invicem comparatarum Trigoni ad basem pyramidis Basis cubi ad trigonum Trogoni ad basem octocedron Quadrati ad basem pyramidis Quadrati ad basem cubi Quadrati ad basem octocedron Basis cubi ad basem pyramidis Basis pyramidis ad basem octocedron Basis cubi ad basem octocedron

Proportiones varie Sexquiotava Medietas 256 ad 243 Sexquialtera Medietas triple Sexquialtera Medietas 16 ad 3 Medietas sexquitertie Sexquitertia Medietas 64 ad 27

in mg. U 5. 16] 6 A 6. videte] om. M Q et hec conclusio cum precedentibus clarissime patent in figuras in margine descripte in quibus videri potest U 7. quomodo… est] om. M Q 8. rationalis] irrationalis A om. M Q 9. et… figuras] om. M Q 10. diversarum] duarum A om. M Q 11. specierum] sperarum A om. M Q 12. sicut… trigonum] om. M Q 13. est] om. M Q et U 14. irrationalis] om. M Q 15. et] om. M Q est U 16. medietas et cetera] om. M Q

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Ponantur1 rursum2 quattuor linee recte3 in4 circulo5 que6 sint7 distantie8 recte9 seu corde10 quattuor principalium11 aspectuum qui12 ponuntur in celo. Protendanturque13 huiusmodi14 linee ab15 uno puncto16 et17 sint18 /N : 79r ; T : 93/ ab, ac, ad et ae. Sitque19 ae aspectus sextilis, ergo20 ipsum ae erit21 latus exagoni22 inscripti circulo. Sit23 etiam24 ad25 aspectus quartus26, ergo27 ipsum28 ad erit latus29 quadrati30 /L : 177vb/ circulo inscripti. Et31 sit 1. ponantur] om. E1 deinde Mo componantur R ponam T 2. rursum] rursus D E2 om. E1 iterum M 3. recte] om. E2 N Q R 4. in] om. A L Q U 5. circulo] om. A L Q U recte add. E2 6. que] om. Q 7. sint] sunt N R S om. Q 8. distantie] linee R om. Q 9. recte] om. Q 10. corde] om. D T 11. principalium] punctualium E2 Q 12. qui… celo] celi M Q 13. protendanturque] protendantur E2 R procedantque M procedaturque Q protenduntur quia S 14. huiusmodi] huius B E2 S T 15. ab uno] a E2 16. puncto] a add. E2 17. et] scilicet U 18. sint] sit B om. U 19. sitque] sit D et sit E2 linea add. Q itaque add. R 20. ergo] etiam add. E2 21. erit] esset M 22. exagoni… circulo] om. M 23. sit] sitque A R om. M U 24. etiam] et D N U om. A M Q R 25. ad aspectus] om. M 26. quartus] om. M quadratus Q 27. ergo] etiam add. E2 om. M U 28. ipsum… erit] om. M U 29. latus] om. M 30. quadrati] in add. N 31. et sit] om. E1 S sit similiter E2 sitque N R et U

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ac1 aspectus trinus ergo2 ipsa3 linea4 ac5 erit6 latus7 trigoni8 equilateri9 circulo inscripti. Sitque10 ab aspectus oppositus, /B : 30v/ ergo11 ab12 erit13 dyameter circuli, ergo14 etiam erit dyameter quadrati cuius15 ad16 est17 latus. Dicemus18 ergo quod proportio ab ad ad est medietas19 duple20 quia21 sicut22 dyametri23 ad costam24 quadrati25. Et proportio26 ab ad ae est27 proportio28 dupla29 quia30 ae est31 latus exagoni circulo32 inscripti33 et per consequens34 equalis35 semidyametro et36 subdupla dyametro37. /M : 70rb/ Ergo si proportio ab ad

1. ac… trinus] om. E1 S 2. ergo] om. E1 S U 3. ipsa] om. E1 E2 M Q S U ipsum Mo R 4. linea] om. E1 Mo R S U 5. ac] om. E1 S U 6. erit] om. E1 S esset M 7. latus] om. E1 S 8. trigoni] om. E1 S trianguli E2 9. equilateri… inscripti] om. E1 S 10. sitque] sit D similiter E2 sit itaque M Q item et U 11. ergo] etiam add. A et add. B E1 L R S om. M U et Q 12. ab] a et b T om. M Q U 13. erit] erunt T om. U 14. ergo… dyameter] om. Q 15. cuius] cui T 16. ad] ab D Q 17. est] esset A B D E1 L M Mo N R U erit Q S 18. dicemus] dicamus A B E1 D L Mo N Q R T U dicas S 1 19. medietas] --- R Q 2 20. duple] 2p N R 21. quia] et E2 om. U 22. sicut] tanquam U 23. dyametri] dyameter A L N 24. costam] quosdam E1 25. quadrati] om. U 26. proportio] om. U 27. est] om. U 28. proportio] om. M Q 29. dupla] 2p N R 30. quia] latus add. R 31. est] om. U 32. circulo] om. U 33. inscripti] inscriptibilis B D E1 E2 R S 34. consequens] erit add. D R S T erat add. E1 35. equalis] om. D E1 erit T 36. et] est L Mo 37. dyametro] semidyametro Q

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ad1, que2 est medietas3 duple4, subtrahatur5 a6 proportione7 ab ad ae8, que9 est dupla10, restabit proportio /Mo : 220(239)v/ ad ad ae, videlicet11 medietas12 duple13. Et quoniam quadratum linee ab14 est sexquitertium quadrato15 linee ac16 per primam suppositionem, erit17 proportio linee ab ad lineam18 ac medietas19 sexquitertie. Et20 si huiusmodi21 proportio22, que est medietas23 sexquitertie, subtrahatur24 a proportione linee25 ab ad lineam ad, que est medietas26 duple27, sicut docet28 nona29 regula, restabit proportio ac ad ad. Et30 per eandem regulam patet quod hec proportio31 est medietas32 sexquialtere33. Si autem huiusmodi34 proportio ac ad ad, que est35 medietas36 /S : 13v/ sexqui-

1. ad] om. S 2. que est] scilicet U 3. medietas] om. L S 4. duple] om. L S 2p N R 5. subtrahatur] om. L S subtraham M subtrahitur R 6. a] de E2 om. L S 7. proportione… ad] om. L S 8. ae] om. L de Mo ad N 9. que est] om. L scilicet U 10. dupla] 2p N R 11. videlicet] que est E2 scilicet que est M Q 1 12. medietas] --- R 2 13. duple] 2p N R 14. ab] b T 15. quadrato] om. E2 N 16. ac] ergo add. Q 17. erit] esset M 18. lineam] om. D 1 1 19. medietas sexquitertie] --- 1p --- R 2 3 20. et] que E2 21. huiusmodi] huius B S T om. E2 22. proportio… est] om. E2 1 1 23. medietas sexquitertie] om. E2 --- 1p --- R 2 3 24. subtrahatur] subtraham M subtrahitur R 25. linee] om. Q 1 26. medietas] --- R 2 27. duple] 2p N R 28. docet] in add. Mo 29. nona] quinta E2 30. et… hec] que E2 31. proportio] om. E2 medietas N 1 32. medietas] proportio add. E2 proportio N --- Q 2 33. sexquialtere] sexquialtera N 34. huiusmodi] huius B E2 S T et hec U 35. est] una add. Q 1 1 36. medietas sexquialtere] --- 1p --- R 2 2

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altere, addatur1 cum proportione ad ad ae, que est medietas2 duple3, veniet proportio ac ad ae. Et per /D : 98v/ nonam4 regulam patet quod hec5 proportio6 est medietas7 triple8. Sic (25) ergo se habent9 aspectus10 signorum celi11 secundum istam12 considerationem. Et13 patet in figura14. /E1 : 45v/

Aspectus15 celi distant16 moderamine tali : sextilis, quartus, trinus et oppositus. Explicit17 libellus de additione et subtractione proportionum. _________________________ 1. addatur] addam M 1 2. medietas] --- Q R 2 3. duple] 2p N R 4. nonam] quartam Q 5. hec] est T 6. proportio] om. E2 1 7. medietas] --- R 2 8. triple] 3p N R 9. habent] habet M N 10. aspectus] aspecti Q S 11. celi] om. E2 L U 12. istam] om. U 13. et patet] exemplum sicut patet M et hec omnia patent N exemplum Q 14. figura] explicit add. D figuris subscriptis et sic est finis N figuris U 15. aspectus celi] quattuor aspectus B om. M N Q R T U 16. distant… oppositus] quattuor aspectus tali moderamine distant sextilis, quartus, trinus et oppositus add. E1 om. M N R T U 17. explicit… proportionum] om. A D M N R S T explicit libellus de additione seu fractione proportionum E1 explicit E2 Hoc 1456 in die 8 sexti pape per fratrem Fridericum ord. S. benedicti professum monasterii S. Emmerami Ratisbonnensis dioecesis et ille tractatus dicitur algorismus de proportionibus vel proportionum et defectus magnus et in exemplis et figuris Mo explicit algorismus proportionum venerabile artium doctoris Magistri Nicolay Horem per me pro desita 1401 8 martii Deo gratias Q expliciunt correlarie algorismi proportionum. Totusque tractatus Magistri Nycholai Oresme, geometrum ymo mathematicorum quoque acutissimi. Ad laudem dei summi universorum creatoris sapientissimi, singula disponentis et ordinantis in numero, pondere mensura ipsi soli semper Gloria U

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(1) Jordanus, V. 6 : Datas proportiones in minimis terminis continuare (Hubert L. L. Busard, Jordanus de Nemore, De Elementis Arithmetice Artis. A Medieval Treatise on Number Theory, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1991, p. 109 ; dorénavant cité : Jordanus, De Elementis Arithmetice Artis). (2) Jordanus, II. 27 : Si proportio primi ad secundum maior quam tertii ad quartum, qui ex primo in quartum producitur maior est producto ex secundo in tertium. Quod si productus maior fuerit, et proportio primi ad secundum maior erit (De Elementis Arithmetice Artis, p. 83). (3) Les folios 96 et 97 ont été inversés dans le manuscrit D. (4) Proposition VI. 18 dans la version de Campanus : Omnes due superficies similes multiangule sunt divisibiles in triangulos similes atque numero equales, eritque proportio alterius earum ad alteram sicut cuiuslibet sui lateris ad suum relativum latus alterius proportio duplicata (Hubert L. L. Busard, Campanus of Novara and Euclid’s Elements, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2005, vol. I, p. 215 ; dorénavant cité Campanus, Elements). (5) Proposition XII. 2 : Omnium duorum circulorum est proportio alterius ad alterum tamquam proportio quadrati sue diametri ad quadratum diametri alterius (Campanus, Elements, p. 431). Proposition XII. 15 : Omnium duarum sperarum proportio est alterius ad alteram tamquam sue diametri ad diametrum alterius proportio triplicata (Ibid., p. 457). La proposition 15 est la dernière du livre XII. Par ailleurs, la proposition 5 du livre XII qui est citée par tous les manuscrits, sauf Mo, ne concerne pas les sphères, ni les cubes, mais les pyramides (voir Campanus, Elements, p. 435). (6) Voir Boèce, Traité de la musique, introduction, traduction et notes par Christian Meyer, Turnhout, Brepols, 2004, p. 184, chapitre Quemadmodum Philolaus tonum dividat. (7) Proposition XIII. 8 : Omnis trianguli equilateri, quod a latere suo quadratum describitur, triplum est quadrato dimidii diametri circuli, a quo triangulus ipse circumscribitur (Campanus, Elements, vol. I, p. 467). Cette proposition correspond à la proposition XIII. 12 de la version grecque des Éléments. (8) Proposition III. 30 : Si rectilineus angulus in semicirculo supra arcum consistat, rectus est, si vero in portione semicirculo minore, recto maior, si autem in portione maiore semicirculo, recto minor. Itemque omnis portionis angulus semicirculo maioris recto maior, minoris vero recto minor esse necessario comprobatur (Campanus, Elements, vol. I, p. 132). (9) Proposition I. 46 : In omni triangulo rectangulo quadratum quod a latere recto angulo opposito in semetipsum ducto describitur equum est duobus quadratis que ex duobus reliquis lateribus conscribuntur (Campanus, Elements, vol. I, p. 92). Cette proposition correspond à la proposition I. 47 de la version grecque des Éléments. (10) Il s’agit plus précisément du corollaire à la proposition IV. 15 : Ex hoc itaque manifestum est, quia latus exagoni equum est dimidio diametri circuli cui inscribitur (Campanus, Elements, vol. I, p. 156).

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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(11) Voir note (4). (12) Proposition VI. 16 : Si fuerint tres linee proportionales, quod sub prima et tertia rectangulum continetur, equum erit ei quod a secunda quadrato describitur. Si vero quod sub prima et tertia continetur equum est ei quadrato quod a secunda producitur, ipse tres linee erunt proportionales (Campanus, Elements, vol. I, p. 214). Cette proposition correspond à la proposition 17 du livre VI dans la version grecque des Éléments. (13) Proposition I. 26 : Omnium duorum triangulorum, quorum duo anguli unius duobus angulis alterius uterque se respicienti equales fuerint latusque unius lateri alterius equale, fueritque latus illud inter duos angulos equales aut uni eorum oppositum, erunt quoque duo unius reliqua latera duobus reliquis alterius trianguli lateribus unumquodque se respicienti equalia, angulusque reliquus unius angulo reliquo alterius equalis (Campanus, Elements, vol. I, p. 76). (14) Dans le manuscrit E2, on trouve inséré ici le passage qui se trouve plus loin et qui commence par Inspice... et se termine par a parte figure quadrate. (15) Proposition VI. 4 : Omnium duorum triangulorum quorum anguli unius angulis alterius sunt equales, latera equos angulos respicientia sunt proportionalia (Campanus, Elements, vol. I, p. 206). (16) Le passage commençant ici et se terminant à a parte figure quadrate se trouve plus haut dans le manuscrit E2 (voir note 14). (17) Fin du manuscrit E3. (18) Proposition VI. 1 : Si duarum rectilinearum superficierum equidistantium laterum sive triangulorum fuerit altitudo una, tanta erit alterutra earum ad alteram quanta sua basis ad basim alterius (Campanus, Elements, vol. I, p. 202). (19) B, D, E1, E2, Mo, N, R S, T reprennent au dernier argument concernant le ciel et commençant par Ponantur rursum quattuor linee recte. (20) Corollaire à la proposition XIII. 13 : Huius ergo spere diametros ad latus ipsius piramidis sesquialteram proportionem potentialiter habere probatur (Campanus, Elements, vol. I, p. 476). (21) Il s’agit de la seconde partie de la proposition XIII. 14, qui est signalée comme un corollaire dans l’édition de Campanus : Eiusdem autem spere diametrum lateri ipsius cubi potentialiter triplicem esse manifestum erit (Campanus, Elements, vol. I, p. 479). (22) Corollaire à la proposition XIII. 15 : Eritque palam eiusdem spere diametrum lateri ipsius corporis duplicem esse potentialiter (Campanus, Elements, vol. I, p. 480). (23) Voir note (4). (24) Demi feuillet inséré entre le folio 125 et le folio 126. (25) Fin du manuscrit A.

TRADUCTION FRANÇAISE

PROLOGUE DU MAÎTRE NICOLE ORESME AU TRAITÉ ALGORITHME DES RAPPORTS Au Révérend Supérieur Philippe de Meaux, que je nommerais Pythagore s’il était permis d’accorder foi en l’opinion de ce dernier sur la transmigration des âmes, à votre Excellence, je présente pour correction, si vous le voulez bien, l’Algorithme des rapports, lequel je rendrai public sans crainte, s’il est validé par l’autorité d’un si grand homme et amélioré sous son contrôle. Car concernant tout ce qui a été poli par la lime de votre correction, même si un détracteur put le décrier, il ne trouva pourtant pas d’endroit où enfoncer sa dent jalouse. ICI COMMENCE L’ALGORITHME DES RAPPORTS 1 1 2 Une moitié s’écrit ainsi : --- ; un tiers, ainsi : --- ; deux tiers, ainsi : --- ; et 2

3

3

ainsi des autres. Et le nombre qui est au-dessus de la barre est appelé le numérateur. Et celui qui est au-dessous de la barre est appelé le dénominateur. Le rapport double s’écrit de cette manière : 2p ; le triple de cette manière : 1 2

3p ; et ainsi des autres. Le rapport sesquialtère s’écrit ainsi : 1p --- ; le sesquitièrce, 1 2 ainsi : 1p --- . Le rapport superpartient deux tiers s’écrit ainsi : 1p --- ; le double 3

3 superpartient trois quarts, ainsi : 2p --- ; et ainsi des autres1.

3

4

1 La moitié du rapport double est écrite ainsi : --- 2p ; la quatrième partie du 2

1 1 rapport double sesquialtère, ainsi : --- 2p --- ; et ainsi des autres. Et parfois un 4

2

rapport rationnel s’écrit à l’aide de ses termes ou de ses plus petits nombres, comme si l’on avait appelé « le rapport de 13 à 9 » celui qui est nommé « superpartient quatre neuvièmes ». Semblablement le rapport irrationnel, par exemple la moitié du rapport superpartient deux tiers s’écrit comme « la moitié du rapport de 5 à 3 », et de même pour les autres. Tout rapport irrationnel dont il est question ici est dénommé à partir d’un rapport rationnel, de telle manière qu’il est dit en être une partie ou des parties,

1. Pour la question de l’écriture des rapports, voir notre chapitre VI, p. 144-147.

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comme lorsque l’on doit dire « la moitié du rapport double » ou « la troisième partie du rapport quadruple » ou « les deux tiers du rapport quadruple ». De là, il est clair que dans la dénomination d’un tel rapport irrationnel il y a trois termes, à savoir le numérateur, le dénominateur et le rapport rationnel à partir duquel il est dénommé, c’est-à-dire celui dont le rapport irrationnel est dit être une partie ou des parties, comme lorsque l’on dit « une moitié du rapport double », l’unité est le numérateur ou à la place du numérateur, deux est le dénominateur et le rapport double est celui à partir duquel il est dénommé. Et cela peut être vu facilement pour les autres rapports. Première règle : ajouter un rapport rationnel à un rapport rationnel. Que chacun soit posé en ses plus petits nombres et que le plus petit terme ou nombre de l’un soit multiplié par le plus petit de l’autre et le plus grand par le plus grand. Sont obtenus les nombres ou les termes du rapport composé à partir des deux rapports donnés. Et ainsi on peut additionner trois ou autant de rapports que l’on veut en additionnant deux d’entre eux, en ajoutant ensuite le troisième au composé des deux et puis le quatrième s’il le faut, et ainsi de suite. Par exemple, je veux ajouter le rapport sesquitièrce au rapport quintuple. Les premiers nombres du rapport sesquitièrce sont 4 et 3 et de l’autre, 5 et 1. C’est pourquoi je multiplierai, comme il a été dit, 3 par 1 et 4 par 5 et viennent 20 et 3, dont le rapport est sextuple superpartient deux tiers. Ainsi un rapport peut être doublé, triplé, quadruplé, autant que l’on veut. Ceci peut être démontré et on l’obtient assez bien à partir de la sixième conclusion du livre V de l’Arithmétique de Jordanus2. Deuxième règle : soustraire un rapport rationnel d’un rapport rationnel. Comme plus haut, que chacun soit posé en ses plus petits nombres et ensuite que, de façon croisée, le plus petit nombre de l’un soit multiplié par le plus grand de l’autre et de même pour l’autre. Seront obtenus les termes de ce rapport selon lequel, parmi les rapports donnés, le plus grand excède le plus petit. Et plus grand était celui dont le plus grand terme multiplié par le plus petit de l’autre produit le nombre le plus grand. Par exemple, que le rapport sesquitièrce soit soustrait du rapport sesquialtère. Les premiers nombres du rapport sesquitièrce sont 4 et 3 et les premiers nombres ou termes du rapport sesquialtère sont 3 et 2. Je multiplierai 4 par 2 et alors on obtient 8. De nouveau, je multiplierai 3 par 3 et on obtient 9. Donc le rapport sesquialtère est plus grand que le rapport sesquitièrce selon le rapport de 9 à 8, c’est-à-dire selon le rapport sesquioctave. Ces choses peuvent être 2. Jordanus, V. 6 : « Mettre en continuité des rapports donnés par leurs plus petits termes » (On trouve le texte latin des citations, avec les références, dans les notes de l’édition critique). Mettre en continuité deux rapports A et B, c’est choisir trois quantités x, y et z telles que le rapport (x : y) soit le rapport A et le rapport (y : z) soit le rapport B. Le rapport (x : z) est alors le résultat de la mise en continuité de A et B ou si l’on veut de la composition ou de l’addition de A et de B.

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démontrées à partir de la conclusion 27 du livre II de l’Arithmétique de Jordanus3. Troisième règle : si un rapport irrationnel est des parties de quelque rapport rationnel, il est possible qu’il soit appelé « partie », et cela d’un autre rapport rationnel et non du même, de sorte qu’il est nommé de manière plus appropriée une partie plutôt que des parties4. C’est pourquoi, que b, un rapport irrationnel, soit des parties de a, un rapport rationnel. Alors b aura un numérateur et un dénominateur. Je dis donc que, en ne changeant pas le dénominateur, b sera une partie de quelque rapport multiple de a selon le numérateur. Et puisque de tout rapport rationnel on peut donner n’importe quel multiple, n’importe quel rapport irrationnel, dont il est ici question, sera une partie de quelque rapport rationnel. Par exemple, que soit proposé le rapport qui est les deux tiers du rapport quadruple. Puisque 2 est le numérateur, celui-ci sera un tiers du rapport quadruple doublé, c’est-à-dire du rapport sédécuple, et aussi des autres. Et la raison en est que, de manière générale, un tiers d’un tout est deux tiers de la moitié ou du sous-double et, inversement, deux tiers du sous-double sont un tiers du double, et de même pour n’importe quelles parties. Quatrième règle : trouver la dénomination la plus adéquate d’un rapport irrationnel5. Pour cela on doit savoir qu’un rapport rationnel est dit primaire, quand il ne peut pas être divisé en rapports rationnels égaux, et c’est celui entre les plus petits nombres duquel il n’y a pas un nombre médian proportionnellement ou des nombres proportionnels en place médiane, comme est le rapport double, le rapport triple ou le rapport sesquialtère. Mais est dit secondaire celui qui peut être ainsi divisé et entre les nombres duquel on a un nombre ou des nombres médians proportionnellement, c’est-à-dire proportionnels en place médiane, comme sont le rapport quadruple qui est divisé en deux rapports doubles, le rapport octuple qui est divisé en trois rapports doubles et semblablement le rapport nonuple qui est divisé en deux rapports triples, et ainsi de autres. C’est pourquoi, étant donné n’importe quel rapport irrationnel, s’il est dénommé comme parties, alors, d’après la règle précédente, qu’il soit fait en sorte qu’il soit appelé une partie. Ceci étant posé, voyons si un rapport rationnel à partir duquel il est dénommé est primaire. S’il en est ainsi, on doit s’arrêter, car le rapport irrationnel dont il est question est nommé de manière la plus adéquate, comme lorsque l’on doit dire « un tiers du rapport sextuple » ou « un 3. Jordanus, II. 27 : « Si le rapport d’un premier à un deuxième est plus grand que d’un troisième à un quatrième, ce qui est produit à partir du premier par le quatrième est plus grand que le produit du deuxième par le troisième. Et si le produit est plus grand, le rapport du premier au deuxième sera plus grand ». 4. Voir notre chapitre VI, p. 148. 5. Voir notre chapitre VI, p. 148-149.

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tiers du rapport double », et ainsi des autres. Mais si le rapport rationnel à partir duquel il est dénommé est secondaire, voyons combien il y a de rapports rationnels primaires qui sont ses parties égales. Et si le nombre de ces parties et le dénominateur du rapport irrationnel proposé sont incommensurables, on doit s’arrêter à une telle dénomination. Par exemple, si on dit « la moitié du rapport octuple », une telle dénomination est appropriée, car le rapport octuple a trois parties rationnelles égales, à savoir trois rapports doubles, et 2 est le dénominateur du rapport irrationnel proposé, et 3 et 2 sont des nombres incommensurables. Pour cette raison, la moitié du rapport octuple n’est pas une partie de quelque rapport rationnel plus petit que le rapport octuple, bien qu’il en soit bien des parties, puisque la moitié du rapport octuple est les trois quarts du rapport quadruple. Mais une telle dénomination n’est pas adéquate. Mais si le nombre des plus petits rapports, c’est-à-dire des parties primaires d’un tel rapport rationnel secondaire à partir duquel est dénommé le rapport irrationnel, et le dénominateur de ce rapport irrationnel, qui est sa partie, sont des nombres commensurables, alors, que l’on prenne le plus grand nombre selon lequel ils sont commensurables. On doit diviser chacun d’eux par lui. En divisant le nombre des parties du rapport secondaire on obtient le nombre des rapports partiels dont est composé le rapport rationnel à partir duquel est dénommé de manière la plus adéquate le rapport proposé. Et en divisant le dénominateur proposé par ce même plus grand nombre pris auparavant on obtient le dénominateur du rapport irrationnel le plus adéquat que l’on recherchait. Par exemple, que soit proposé le rapport qui est appelé les trois quarts du rapport quadruple. Alors, en agissant selon la troisième règle, il est clair que celui-ci est un quart du rapport 64p. Mais puisque le rapport 64p est composé de six rapports doubles et que 6, qui est le nombre de parties primaires de ce rapport 64p, et 4, qui est le dénominateur du rapport proposé, sont commensurables selon 2, alors, en divisant 6 par 2 vient 3. Donc le rapport proposé est une partie de trois rapports doubles, c’est-à-dire une partie du rapport octuple. Semblablement, en divisant 4 par 2 vient 2, donc le rapport proposé est une moitié. Il est alors clair, selon cette règle, que le rapport proposé est une moitié 1 du rapport octuple. Il s’écrit ainsi : --- 8p, et c’est sa dénomination la plus appro2

priée. De la même manière, un douzième de quatre rapports triples, à savoir du 1 rapport 81-uple, est --- 3p et, semblablement, un quart de six rapports triples est 3

une moitié de trois rapports triples, à savoir du rapport 27-uple, etc. Cinquième règle : ajouter un rapport irrationnel à un rapport rationnel6. Soit b un rapport irrationnel que l’on doit ajouter au rapport rationnel a. Et soit d le rapport rationnel dont b est une partie et à partir duquel il est dénom6. Voir notre chapitre VI, p. 149.

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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mé de la manière la plus adéquate selon les règles précédentes. Alors, que l’on prenne le dénominateur de b et que l’on ajoute, selon la première règle, autant de fois a au rapport d qu’est le dénominateur, et que la somme soit c. Je dis alors que le rapport composé à partir de b et a sera la partie de c dénommée par le même dénominateur par lequel b était dénommé être une partie de son rapport dénommant, à savoir d. Par exemple, que l’on ajoute un tiers du rapport double au rapport sesquialtère. Que l’on mette en continuité trois rapports sesquialtères avec un rapport double7, on obtiendra le rapport sextuple superpartient trois quarts, qui est le rapport de 27 à 4. Donc le rapport résultant d’un tiers du rapport double et du rapport sesquialtère est un tiers du rapport de 27 à 4, et ce rapport ainsi résul1 3 tant s’écrit ainsi : --- 6p --- . 3

4

Sixième règle : soustraire un rapport irrationnel d’un rapport rationnel, ou inversement8. Soit a un rapport rationnel et b un rapport irrationnel dénommé par un rapport rationnel qui soit d. Alors, ou bien a est plus grand que b, ou bien il est plus petit. Que a soit multiplié par le dénominateur de b, et c’est la même chose que prendre le rapport composé à partir d’autant de a qu’est le dénominateur de b ; la première règle enseigne comment le faire. Soit alors le rapport composé ou produit, c. Donc, selon la deuxième règle, on saura si c est plus grand que d ou plus petit. Si c est plus grand, alors a était plus grand que b. Et si d est plus grand que c, alors b était plus grand que a. Quoi qu’il en soit, que le plus petit soit retranché du plus grand de ces rapports, à savoir de c et d – ce qui sera fait selon la deuxième règle –, et que le reste soit f. Je dis alors que si a est soustrait de b, ou inversement, le reste sera la même partie de f que b était de d. Par exemple, qu’un rapport sesquitièrce soit soustrait de la moitié du rapport double. Je mettrai en continuité deux rapports sesquitièrces. On obtiendra le rapport de 16 à 9, qui est plus petit que le rapport double. Qu’il soit alors soustrait du rapport double ; il reste le rapport sesquioctave. Donc, en soustrayant un rapport sesquitièrce de la moitié d’un rapport double, il reste la moitié du rapport sesquioctave. De même, si tu veux soustraire la troisième partie du rapport double du rapport sesquialtère, que soient mis en continuité trois rapports sesquialtères et il viendra le rapport de 27 à 8, duquel est soustrait le rapport double, et il restera le rapport de 27 à 16. Donc, si un tiers du rapport double est soustrait du rapport sesquialtère, il restera un tiers du rapport de 27 à 16. Et celui-ci est la troisième partie de celui qui resterait, si tout le rapport double avait été soustrait de trois rapports sesquialtères. De là, on peut facilement démontrer cette règle, puisque, de manière générale, si un premier terme est 7. Voir plus haut, p. 264, n. 2. 8. Voir notre chapitre VI, p. 149-150.

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soustrait d’un deuxième et qu’il reste un troisième, alors si la troisième partie du premier est soustraite de la troisième partie du deuxième, il reste la troisième partie du troisième. Et de même pour la moitié, ou la quatrième partie, ou la cinquième, etc. En ce qui concerne l’addition d’un rapport irrationnel à un rapport irrationnel et la soustraction d’un rapport irrationnel d’un rapport irrationnel on a des règles générales pour n’importe quelles quantités9. Soit donc une partie donnée d’une chose donnée que l’on doit ajouter à la partie donnée d’une chose donnée, ou que l’on doit soustraire. Par exemple, que c soit une partie de la chose a et d une partie de la chose b, et que c soit dénommée par le nombre e et d par le nombre f. Je mènerai alors a dans f, c’est-à-dire que je mettrai en continuité autant de a qu’est le nombre f10, et j’obtiendrai g. Semblablement, je mènerai b dans e, et il viendra h. Alors c sera la partie de g selon le nombre qui est fait à partir du produit de e par f et d sera une partie de h selon le même nombre. Donc, comme c est à g, ainsi d est à h. Septième règle : c’est pourquoi, en ajoutant, il s’ensuit que comme c est à g, et de même d à h, ainsi la somme de c et d est à la somme de g et h. Donc la somme cd est une partie de la somme gh selon le nombre qui est fait à partir de e dans f. Huitième règle : mais en soustrayant, il s’ensuit que si g est soustrait de h, ou inversement, et c de d, ou inversement, le reste sera du reste la même partie que la partie c était de g, ou que la partie d était de h, et on a cela selon le nombre qui est fait à partir de e dans f. Exemple pour l’addition des rapports irrationnels : soit la moitié du rapport double que l’on doit ajouter à la troisième partie du rapport triple. Je mettrai en continuité, d’une part trois rapports doubles, comme l’enseigne la première règle – et je fais cela parce que l’autre rapport est dénommé par trois et est dit être une troisième partie –, et d’autre part, pour la même raison et selon la même règle, je mettrai en continuité deux rapports triples. Je multiplierai les dénominateurs des parties, l’un par l’autre, à savoir 2 par 3, et il viendra 6. Donc la moitié du rapport double est la sixième partie de trois rapports doubles, et semblablement, la troisième partie du rapport triple est la sixième partie de deux rapports triples. Donc la somme de la moitié du rapport double et de la troisième partie du rapport triple est la sixième partie de la somme de trois rapports doubles et de deux rapports triples. Et selon la première règle, il est clair qu’une telle somme est le rapport 72-uple, à savoir le rapport de 72 à 1. Donc, en additionnant la moitié du rapport double et la troisième partie du rapport triple, il viendra la sixième partie du rapport 72-uple.

9. Voir notre chapitre VI, p. 150. 10. Ici, alors que Nicole Oresme démontre la règle pour des quantités quelconques, il utilise le langage des rapports (voir plus haut, note 2).

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Exemple pour la soustraction des rapports irrationnels : que la moitié du rapport double soit soustraite de la troisième partie du rapport triple. Premièrement, donc, que la somme de trois rapports doubles soit soustraite de la somme de deux rapports triples, selon la deuxième règle ; il reste le rapport sesquioctave. Donc, en soustrayant la sixième partie de la sixième partie, à savoir la moitié du rapport double de la troisième partie du rapport triple, il restera la sixième partie du rapport sesquioctave. En effet, la moitié du rapport double est la sixième partie de trois rapports doubles et la troisième partie du rapport triple est la sixième partie de deux rapports triples. Donc en soustrayant la sixième partie de la sixième partie, il reste la sixième partie de ce qui resterait en soustrayant le tout du tout. Et cela est facile à démontrer. Neuvième règle : mais si les parties ont la même dénomination, alors, à la place de la règle générale posée précédemment, on peut donner une règle particulière plus simple, de sorte que si la troisième partie de a est ajoutée à la troisième partie de b, on obtiendra la troisième partie de ce qui serait obtenu à partir de l’addition de a à b. Semblablement, si la troisième partie de a est soustraite de la troisième partie de b, il restera la troisième partie de ce qui reste après avoir soustrait a de b. Comme si un rapport double est ajouté à un rapport triple, il viendra le rapport sextuple, donc si la moitié du rapport double est ajoutée à la moitié du rapport triple, il viendra la moitié du rapport sextuple. Semblablement, si le rapport double est soustrait du rapport triple, il reste le rapport sesquialtère, donc si le tiers du rapport double est soustrait du tiers du rapport triple, il reste la troisième partie du rapport sesquialtère, et de même pour les autres. Et l’addition apporte toujours une preuve de la soustraction, et inversement, comme pour les autres. Un rapport est doublé, triplé et multiplié comme l’on veut, et de même il est sesquialtéré et augmenté proportionnellement de n’importe quelle autre manière par l’addition d’un rapport à un rapport. Comme si quelqu’un voulait avoir le rapport sesquitièrce du rapport double, il lui faudrait ajouter au rapport double sa troisième partie, selon la cinquième règle, et il viendrait la troisième partie du rapport sédécuple, de sorte que la troisième partie du rapport sédécuple est sesquitièrce du rapport double. De la même manière, par soustraction, le rapport est sous-doublé, sous-triplé, sous-sesquialtéré, etc. Mais un rapport n’est pas multiplié ni divisé par un autre rapport, si ce n’est de manière impropre, comme multiplier deux rapports doubles par deux rapports doubles donne quatre rapports doubles. Mais cela n’est rien d’autre que la multiplication des nombres, puisque multiplier deux rapports doubles par deux rapports triples ne donne rien, comme multiplier un homme par un âne ne donnerait rien, et de même pour la division. Donc aucune espèce de calcul n’a lieu dans les rapports en dehors de l’addition et de la soustraction pour lesquelles les règles ont été suffisamment fixées. Ici se termine l’Algorithme des rapports.

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DEUXIÈME TRAITÉ L’utilité de ces règles de l’Algorithme des rapports est très grande, puisqu’elles peuvent être appliquées à d’innombrables propositions dont certaines sont présentées maintenant et sont posées à titre d’exemples. Soient donc deux corps cubiques a et b et que la base de a soit le double de la base de b. On cherche quel est le rapport entre les cubes11. On répond que le rapport entre des corps semblables est comme le rapport triplé de leurs côtés, à savoir un rapport triplé de lignes, et celui entre les surfaces ou les bases est comme le rapport doublé de leurs côtés respectifs, d’après la proposition 18 du livre VI d’Euclide12. Donc le rapport entre les corps sera comme le rapport sesquialtéré de leurs bases. Il convient donc de sesquialtérer le rapport double, c’est-à-dire d’ajouter la moitié du rapport double au rapport double, ce qui peut être fait selon la cinquième règle, et on obtiendra la moitié du rapport 8p. Et ceci est le rapport entre les cubes dont il était question. Soient de nouveau trois corps cubiques a, b et c. Que a soit le triple de c et que la base de a soit le double de la base de b. On cherche alors le rapport entre ces corps ; de même le rapport entre leurs bases ; de même le rapport entre leurs côtés13. On répond que, puisque la base de a est posée double de la base de b, il convient comme auparavant de sesquialtérer le rapport double et il viendra le rapport de a à b, à savoir la moitié du rapport octuple. Et si celle-ci est soustraite du rapport de a à c, à savoir du rapport triple, comme l’enseigne la sixième règle, il sera produit ou il restera le rapport de b à c et ce sera la moitié du rapport sesquioctave. De même, puisque le rapport des bases est comme le rapport sous-sesquialtéré des cubes, le rapport de la base de a à la base de c sera les deux tiers du rapport triple. Donc, selon la troisième règle, le rapport de la base de a à la base de c est un tiers du rapport nonuple. Et puisque le rapport de la base de a à la base de b est le rapport double, comme cela a été posé, pour cette raison, selon la sixième règle, on doit soustraire le rapport double du tiers du rapport nonuple et on aura le rapport de la base de b à la base de c. Et ce sera le rapport qui est dit « le tiers du rapport sesquioctave ». Ce qui est clair autrement : puisque le rapport du cube b au cube c est la moitié du rapport sesquioctave, comme cela a déjà été dit, alors le rapport de la base à la base est ce rapport 11. Voir notre chapitre VI, p. 151. 12. Campanus, VI. 18 : « Deux surfaces multiangles semblables quelconques sont divisibles en triangles semblables en même quantité, et le rapport de l’une d’elles à l’autre est comme le rapport doublé de n’importe lequel de ses côtés au côté respectif de l’autre ». 13. Voir notre chapitre VI, p. 151.

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sous-sesquialtéré. Donc à la moitié du rapport sesquioctave doit être soustrait son tiers, selon la huitième règle. Et on a ce qui, plus haut ou plus brièvement, est clair par les fractions, puisque, en sous-sesquialterant la moitié du rapport sesquioctave, il reste deux tiers de la moitié du rapport sesquioctave. Et deux tiers de la moitié sont un tiers du tout, comme cela a été noté. Donc le rapport de la base b à la base c sera un tiers du rapport sesquioctave. De même, le rapport des côtés des cubes est comme le rapport sous-doublé des bases, donc il est aussitôt clair que le rapport du côté linéaire de a au côté de b est la moitié du rapport double. Semblablement, selon la même règle, le rapport du côté de a au côté de c est un tiers du rapport triple. Et le rapport du côté de b au côté de c est la troisième partie de la moitié du rapport sesquioctave, à savoir la sixième partie du rapport sesquioctave.

De la même manière, on peut chercher le rapport entre des sphères, entre leurs diamètres et entre leurs plus grands cercles. En effet, le traitement est le même pour les bases en relation aux cubes que pour les grands cercles des sphères en relation à elles, et semblablement pour les côtés en relation aux cubes que pour les diamètres des sphères en relation à elles, comme cela est clair d’après la proposition 2 et la proposition 15 ou dernière proposition du

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livre XII d’Euclide14. En conséquence, à titre d’exercice, que soit posée encore une autre question. Soient trois sphères a, b et c. Que le rapport de la sphère a à la sphère b soit la moitié du rapport double et que le plus grand cercle de cette sphère a soit au plus grand cercle de la sphère c dans la moitié du rapport triple. On cherche alors le rapport entre les sphères ; de même le rapport entre leurs plus grands cercles ; de même le rapport entre les diamètres. La solution à la première question est claire à partir du fait que, puisque le plus grand cercle de a est au plus grand cercle de c dans la moitié du rapport triple, alors le rapport de la sphère a à la sphère c est les trois quarts du rapport triple, à savoir un quart de trois rapports triples, soit du rapport 27-uple. Et puisque le rapport de la sphère a à la sphère b est la moitié du rapport double, on a que la moitié du rapport double doit être soustraite du quart du rapport 27-uple, selon la huitième règle, et il restera le rapport de la sphère b à la sphère c qui est la huitième partie du rapport de 729 à 16. Et, selon la quatrième règle, ce rapport est le même que la quatrième partie du rapport de 27 à 4. La réponse à la deuxième question est celle-ci : puisqu’il a été posé que la sphère a est à la sphère b dans la moitié du rapport double, alors le rapport du plus grand cercle de a au plus grand cercle de b est les deux tiers de la moitié du rapport double. Et il est clair, selon la troisième règle, que ce rapport est la troisième partie du rapport double. Et puisque, par ailleurs, le rapport du plus grand cercle de a au plus grand cercle de c est la moitié du rapport triple, alors, selon la huitième règle, le tiers du rapport double doit être soustrait de la moitié du rapport triple et il restera le rapport du plus grand cercle de b au plus grand cercle de c. Et ce rapport est un sixième du rapport de 27 à 4. La solution de la troisième question qui concerne les diamètres dépend de la solution de la deuxième, du fait que le rapport entre les diamètres des sphères est comme le rapport sous-doublé des plus grands cercles. Donc le diamètre de a sera au diamètre de b dans le rapport qui est un sixième du rapport double. Semblablement, le rapport du diamètre de a au diamètre de c est un quart du rapport triple et, de même, le rapport du diamètre de b au diamètre de c est un douzième du rapport de 27 à 4.

14. Campanus, XII. 2 : « Pour deux cercles quelconques, le rapport de l’un à l’autre est autant que le rapport du carré de son diamètre au carré du diamètre de l’autre ». Campanus, XII. 15 : « Pour deux sphères quelconques, le rapport de l’une à l’autre est autant que le rapport triplé de son diamètre au diamètre de l’autre ».

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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Et par le même procédé on peut s’interroger au sujet des cubes, comme des dés, en faisant varier les questions selon leur degré de difficulté, comme l’on veut, et on peut faire des figures, comme cela est clair, par exemple, dans le cas posé maintenant. Soient de nouveau deux carrés et que la diagonale de l’un au côté de l’autre résonne, dans les sons, selon la diesis ou moins que le demi-ton15. On cherche quel est le rapport entre de tels carrés. On répond : soit de l’un de ces carrés dont la diagonale soit a et le côté c. Soit fg l’autre carré dont le côté ou une corde qui lui est égale soit b et que a soit plus longue que b. Alors, le rapport de a à b, qui, dans les sons, est la diesis, est le rapport de 256 à 243 dans les nombres, comme cela est clair d’après Boèce. Et le rapport de a à c est la moitié du rapport double. On doit donc soustraire l’un de ces rapports de l’autre. Et selon la sixième règle, il est clair que le premier est plus petit que le second, que b est plus grand que c dans le 15. Comme Nicole Oresme l’explique quelques lignes plus loin, la diesis est une consonance qui correspond à un rapport de 256 à 243. Selon Boèce, dans son Traité de la musique, elle a été introduite par Philolaus. Il s’agit d’une partie du ton, plus petite que la moitié du ton ; la partie complémentaire étant l’apotomè. La diesis et l’apotomè diffèrent d’un coma (voir Boèce, Traité de la musique, introduction, traduction et notes par Christian Meyer, Turnhout, Brepols, 2004, p. 185, chapitre « Comment Philolaus divise le ton »).

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rapport qui restera après cette soustraction et que le rapport de b à c est la moitié du rapport du nombre 59049 au nombre 32768. Et puisque le rapport des carrés est comme le rapport doublé de leurs côtés, il convient de doubler le rapport de ces côtés, à savoir le rapport de b à c, comme l’enseigne la première règle. Et on trouvera que le carré fg est plus grand que le carré de selon le rapport qui est la moitié du rapport du nombre 3486784401 au nombre 1073741824. Tel est donc le rapport entre les carrés que l’on cherchait.

De là proviennent une autre manière de faire et un autre intérêt. Mais une règle préalable doit être posée et c’est celle-ci : si le rapport entre deux choses a été donné, trouver le rapport entre leurs multiples quels qu’ils soient16. Soit a la chose la plus grande et b la plus petite et que leur rapport donné soit c. Et soit d un multiple de a selon le nombre e. Et soit aussi f un multiple de b selon le nombre g. Et que le rapport entre e et g soit h. Si donc les nombres e et g sont égaux, il est manifeste que le rapport de d à f est comme le rapport de a à b, qui est donné. Mais si e est plus grand que g, alors semblablement doivent être ajoutés les deux rapports c et h. Et le rapport confectionné à partir d’eux est le rapport de d à f cherché. Par exemple, que c soit le rapport sesquialtère et h le rapport sesquitièrce, et que e soit 4 et g 3, alors il est clair que quatre a excèdent trois a selon le rapport sesquitièrce et que trois a excèdent trois b selon le rapport sesquialtère, donc quatre a excèdent trois b selon le rapport composé à partir du rapport sesquialtère et du rapport sesquitièrce, c’est-à-dire selon le rapport double. Donc d excède f selon ce rapport. 16. Voir notre chapitre VI, p. 152.

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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Mais si au contraire g était plus grand que e, alors ou bien les rapports h17 et c sont égaux et alors d et f sont égaux. En effet, si a est sesquialtère de b, alors trois b sont égaux à deux a. Mais si les rapports c et h sont inégaux et si comme auparavant g est un plus grand nombre que e, alors, parmi ces rapports on doit soustraire le plus petit du plus grand, selon la règle posée plus haut, et le rapport restant est le rapport de d à f. Et si c est plus grand que h, alors d est plus grand que f. Et si on a le contraire, c’est le contraire. Par exemple, si c est le rapport sesquialtère et h le rapport sesquitièrce, alors trois a font plus que quatre b. Ce qui est clair, puisque trois a et trois b sont dans le rapport sesquialtère, mais le rapport de quatre b à trois b est le rapport sesquitièrce, donc trois a sont plus grands que quatre b dans le rapport selon lequel le rapport sesquialtère excède le rapport sesquitièrce, à savoir dans le rapport sesquioctave. Donc le rapport de d à f est le rapport sesquioctave. On doit agir de la même manière si on a le contraire, à savoir si h est plus grand que c, comme si h est le rapport sesquialtère et c le rapport sesquitièrce. Mais alors il arrivera l’inverse, de sorte que f sera plus grand que d selon le rapport sesquioctave. En effet, avant d était comme 9 et f comme 8. Et maintenant f sera comme 9 et d comme 8. Et on doit agir de même pour les rapports irrationnels. Soient alors deux cubes a et b et que la base de a soit le triple de la base de b. On cherche alors quel est le rapport de cinq b ensemble à un a, ou le rapport de la somme de cinq telles choses comme b à un seul a18. On répond que le rapport de la base de a à la base de b a été posé triple et que le rapport des cubes est comme le rapport sesquialtéré de leurs bases. Donc, au rapport triple doit être ajoutée la moitié du rapport triple, selon la cinquième règle, et il viendra le rapport de a à b, à savoir la moitié du rapport 27uple. Et il est clair, selon la sixième règle, que ce rapport est plus grand que le rapport quintuple, donc a est plus grand que cinq b. Et selon la même sixième 17. h est ici le rapport de g à e. 18. Voir notre chapitre VI, p. 152.

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règle, il est clair que le rapport de a à cinq b est la moitié du rapport de 27 à 25. Et ainsi, des questions semblables peuvent être formulées et résolues. Et qu’il en soit faite encore une au sujet d’un jeu de dés19. Soient deux dés inégaux et que la base du plus grand soit le double de la base du plus petit. Qu’ils soient alors jetés. On cherche le rapport d’autant de plus grands dés qu’est le nombre sur sa base supérieure à autant de plus petits dés pris ensemble qu’il y a d’unités sur sa base supérieure. Alors, il conviendra d’utiliser parfois l’addition et parfois la soustraction.

Par exemple, que sur le plus grand on ait une unité et sur le plus petit, trois. On cherche alors le rapport de trois plus petits pris ensemble à un plus grand. On répond que le rapport d’un plus grand à un plus petit est la moitié du rapport octuple. Et le rapport de trois plus petits à l’un d’eux est le rapport triple. Donc, en soustrayant la moitié du rapport octuple du rapport triple, selon la sixième règle, il reste que le rapport de trois plus petits à un plus grand est la moitié du rapport sesquioctave. Et on doit agir de même quand d’autres nombres ont été jetés. Mais parfois il viendra un plus grand nombre sur le dé le plus grand, on doit alors utiliser l’addition des rapports. Et si quelqu’un était bien habile à ce jeu, il comprendrait parfaitement ce qui concerne les rapports. Semblablement, si on cherche quel est le rapport de trois diagonales à quatre côtés de carrés, il est clair, d’après le même procédé, que le rapport sesquitièrce doit être soustrait de la moitié du rapport double, car il est plus petit. Donc trois diagonales excèdent quatre côtés. Et selon la sixième règle, il est clair que ceci advient selon la moitié du rapport sesquioctave, et de même pour les questions semblables. Que de nouveau un cercle c soit le double d’un cercle d et que a se meuve sur c et que b se meuve sur d. E que a effectue cinq révolutions dans le temps

19. Voir notre chapitre VI, p. 153.

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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durant lequel b en fait sept. On cherche alors le rapport entre les rapidités de ces mouvements20. On répond que le cercle c est posé double du cercle d, donc le rapport de la circonférence de c à la circonférence de d est la moitié du rapport double. C’est pourquoi, soit e la circonférence de c et soit f la circonférence du cercle d. Alors le rapport de cinq e à cinq f est la moitié du rapport double. Mais le rapport de sept f à cinq f est le rapport superpartient deux cinquièmes et, selon la sixième règle, il est clair que la moitié du rapport double est plus grande que le rapport superpartient deux cinquièmes. Et selon la même sixième règle, en soustrayant, il est clair que l’excès est la moitié du rapport de 50 à 49. Et puisque le rapport entre les rapidités est comme le rapport entre les espaces parcourus dans le même temps, il s’ensuit que a se meut plus rapidement que b selon le rapport qui est la moitié du rapport de 50 à 49.

De la même manière, si on pose que a a traversé la diagonale d’un carré en sept jours et b le côté du même carré en cinq, et si on cherche le rapport entre les rapidités, on doit répondre en posant que c a traversé la diagonale en cinq jours et qu’alors, il est clair que c a été plus rapide que a selon le rapport superpartient deux cinquièmes. Et de même, c est plus rapide que b selon la moitié du rapport double. Donc a est plus rapide que b selon ce rapport par lequel la moitié du rapport double excède le rapport superpartient deux cinquièmes. Et ce rapport est la moitié du rapport de 50 à 49, comme il a été dit auparavant. Il doit être dit de même pour les questions semblables, mais cela suffit pour le moment.

20. Voir notre chapitre VI, p. 153.

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TROISIÈME TRAITÉ On doit donc maintenant s’amuser avec un autre sujet : que l’on pose un triangle équilatéral abc inscrit dans un cercle, dont le diamètre est ae, divisant le triangle et aussi le côté bc en deux parties égales au point d.

Je pose d’abord quelques suppositions21. La première : le carré du diamètre ae est sesquitièrce du carré du côté ac. Et cette proposition est bien connue grâce à la proposition 8 du livre XIII d’Euclide22. Qu’on la prouve : la ligne ce ayant été tirée, l’angle dans le demicercle sera droit, d’après la proposition 30 du livre III23. Donc le carré de ae vaut les deux carrés de ac et de ce, d’après l’avant dernière proposition du premier livre24. Et puisque la ligne ce est le côté de l’hexagone et que, par conséquent, elle est égale au demi-diamètre, d’après la proposition 15 du livre IV25, le carré de ae sera quadruple du carré de ce. Donc le carré de ae sera sesquitièrce du carré de ac. Deuxième supposition : le carré de ac est sesquitièrce du carré de ad.

21. Voir notre chapitre VI, p. 154. 22. Campanus, XIII. 8 : « Pour tout triangle équilatéral, le carré qui est décrit sur son côté est le triple du carré de la moitié du diamètre du cercle duquel le triangle est circonscrit ». 23. Campanus, III. 30 : « Si un angle rectiligne est placé dans un demi-cercle sur l’arc, il est droit, mais s’il est dans une portion plus petite que le demi-cercle, il est plus grand qu’un droit, et s’il est construit dans une portion plus grande que le demi-cercle, il est plus petit qu’un droit. De plus, on prouve qu’il est nécessaire que l’angle de toute portion plus grande qu’un demi-cercle soit plus grand qu’un droit, mais que d’une portion plus petite il soit plus petit qu’un droit ». 24. Campanus, I. 46 : « Dans tout triangle rectangle, le carré décrit par le côté opposé à l’angle droit mené par lui-même est égal aux deux carrés qui seront construits à partir des deux côtés restants ». 25. Campanus, corollaire à la proposition IV. 15 : « De là, il est manifeste que le côté de l’hexagone est égal à la moitié du diamètre du cercle dans lequel il est inscrit ».

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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Puisque l’angle en d est droit, le carré de ac vaut les deux carrés de ad et de dc. Et puisque la ligne ac est le double de la ligne cd, le carré de ac sera le quadruple du carré de cd, donc il est sesquitièrce du carré de ad. Troisième supposition : le carré de ad est le triple du carré de cd. Cela est clair puisque, d’après la supposition précédente, le carré de ac est sesquitièrce du carré de ad et le quadruple du carré de cd, donc le carré de ad est le triple du carré de cd. Quatrième supposition : le rapport du carré de ad au triangle inscrit est la moitié du rapport triple. Puisque le carré de ad est le triple du carré de cd, d’après la supposition précédente, alors le rapport de la ligne ad à la ligne cd est la moitié du rapport triple, d’après la proposition 18 du livre VI d’Euclide26. Soit donc df proportionnelle, en place médiane, entre ad et cd. Alors le rapport du carré de ad au carré de df est égal à ce rapport, à savoir de la ligne ad à la ligne cd. Mais le carré de df est égal à ce qui est obtenu à partir de ad par cd, d’après la proposition 16 du livre VI d’Euclide27. Et ce qui est obtenu à partir de ad par cd est égal au triangle. Donc le carré de df est égal au triangle. Mais il était déjà clair que le rapport du carré de ad au carré de df est la moitié du rapport triple. Donc le rapport du carré de ad au triangle est la moitié du rapport triple, ce qui a été proposé. Cinquième supposition : le carré circonscrit est le double du carré inscrit. Cela est immédiatement clair puisque la diagonale du carré inscrit est égale au côté du carré circonscrit, donc le rapport du côté circonscrit au côté inscrit est la moitié du rapport double. Donc le rapport du carré au carré est le rapport double. Sixième supposition : le triangle circonscrit est le quadruple du triangle inscrit. En effet, si à partir des trois points a, b et c du triangle inscrit sont tirées trois lignes tangentes au cercle, elles forment un triangle circonscrit. Que l’un de ses angles soit g. Alors, au point a, on a trois angles égaux appartenant à trois triangles, et semblablement au point b, et le côté ab est commun. Donc, d’après la proposition 26 du premier livre d’Euclide28, le triangle abg et le

26. Voir plus haut. 27. Campanus, VI. 16 : « Si on a trois lignes proportionnelles, le rectangle qui est contenu sous la première et la troisième sera égal au carré qui sera décrit par la deuxième. Et si ce qui est décrit sous la première et la troisième est égal au carré qui est produit par la deuxième, ces trois lignes seront proportionnelles ». 28. Campanus, I. 26 : « Pour deux triangles quelconques, dont les deux angles de l’un sont égaux aux deux angles de l’autre, chacun correspondant à chacun, et tels qu’un côté de l’un est égal à un côté de l’autre, que ce côté soit entre les deux angles égaux ou que ce soit un de leurs opposés, les deux autres côtés restants de l’un seront aussi égaux aux deux autres côtés restants de l’autre triangle, chacun correspondant à chacun, et l’angle restant de l’un sera égal l’angle restant de l’autre ».

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triangle abc sont égaux, et de même pour les autres. Donc le triangle circonscrit contient quatre triangles égaux au triangle inscrit, donc etc. Première conclusion : le rapport du carré du côté du triangle équilatéral au même triangle est la moitié du rapport de 16 à 3, à savoir la moitié du rapport quintuple sesquitièrce29. En effet, conformément à la figure posée plus haut, le carré du côté ac est sesquitièrce du carré de la ligne ad, d’après la deuxième supposition. Et le rapport du carré de ad au triangle est la moitié du rapport triple, d’après la quatrième supposition. Donc le rapport du carré de ac au triangle est composé du rapport sesquitièrce et de la moitié du rapport triple. Et par l’addition des rapports, selon la cinquième règle, il est clair que ce rapport est la moitié du rapport de 16 à 3, ce qui a été proposé. Deuxième conclusion : le rapport du carré circonscrit au cercle au triangle équilatéral inscrit dans le même cercle est la moitié du rapport du nombre 256 à 27. Ce qui est clair ainsi : en effet, le carré circonscrit est le carré de diagonale ae et ce carré de diagonale ae est sesquitièrce du carré du côté ac, d’après la première supposition. Or le rapport du carré de ac au triangle est la moitié du rapport de 16 à 3, d’après la conclusion précédente. Donc le rapport du carré circonscrit au triangle inscrit est composé du rapport sesquitièrce et de la moitié du rapport de 16 à 3. Et selon la cinquième règle de l’Algorithme des rapports, on constate que ce rapport est la moitié du rapport de 256 à 27, à savoir la moitié du rapport nonuple superpartient treize vingt-septièmes, qui s’écrit 1 13 ainsi : --- 9p ------ . 2

27

Troisième conclusion : le rapport du triangle circonscrit au carré circonscrit est la moitié du rapport de 27 à 16. En effet, le triangle circonscrit est le quadruple du triangle inscrit, d’après la sixième supposition. Et le rapport du carré circonscrit au triangle inscrit est la moitié du rapport de 256 à 27, d’après la conclusion précédente. Donc cette moitié doit être soustraite du rapport quadruple, d’après la sixième règle, et il restera le rapport du triangle circonscrit au carré circonscrit, à savoir la moitié du rapport de 27 à 16. En effet, universellement, si deux choses inégales sont comparées à une troisième, par exemple a et b à c, si le rapport de a à c est soustrait du rapport de b à c, ou inversement, il reste le rapport de b à c. Ainsi, ce qui est proposé est clair. Quatrième conclusion : le rapport du carré inscrit au triangle inscrit est la moitié du rapport de 64 à 27. On le prouve ainsi : le rapport du carré circonscrit au triangle inscrit est la moitié du rapport de 256 à 27, d’après la deuxième conclusion. Et le rapport 29. Pour les conclusions 1 à 5, voir notre chapitre VI, p. 156-157.

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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du carré circonscrit au carré inscrit est le rapport double, d’après la cinquième supposition. Donc le rapport double doit être soustrait de la moitié du rapport de 256 à 27, selon la sixième règle, et il restera la moitié du rapport de 64 à 27, qui est le rapport du carré inscrit au triangle inscrit. Et c’est ce qui était à prouver. Cinquième conclusion : le rapport du triangle circonscrit au carré inscrit est la moitié du rapport de 27 à 4. En effet, un rapport de cette sorte est composé à partir du rapport du triangle circonscrit au carré circonscrit, qui est la moitié du rapport de 27 à 16, d’après la troisième conclusion, et du rapport du carré circonscrit au carré inscrit, qui est le rapport double, d’après la cinquième supposition. Et le rapport confectionné à partir d’eux est la moitié du rapport de 27 à 4, selon la cinquième règle. C’est donc le rapport que nous cherchons. Cela peut aussi être prouvé à partir de la sixième supposition, de la quatrième conclusion et de la sixième règle, en soustrayant la moitié du rapport de 64 à 27 du rapport quadruple et il vient, comme plus haut, la moitié du rapport de 27 à 4. Donc la conclusion est vraie. Qu’ainsi soit divulgué ce qui concerne les triangles et les carrés tant inscrits que circonscrits dont les rapports sont décrits plus bas dans une figure. Nous passons maintenant à d’autres figures. Qu’une supposition soit proposée en outre, et c’est la suivante. Septième supposition : l’hexagone inscrit est le double du triangle inscrit. C’est évident en inscrivant un hexagone autour du triangle et en divisant le triangle en trois triangles selon trois lignes tirées à partir des angles du triangle vers le centre du cercle. Seront alors produits dans l’hexagone six triangles semblables et égaux, tels que le triangle inscrit en contient trois, comme cela est évident. C’est pourquoi l’hexagone est le double du triangle. Corollaire : de cela et de la sixième supposition il s’ensuit aussitôt que le triangle circonscrit est le double de l’hexagone inscrit.

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De ce corollaire, de la troisième conclusion et de la sixième règle, une sixième conclusion suit clairement, qui est la suivante : le rapport du carré circonscrit à l’hexagone inscrit est la moitié du rapport de 64 à 27. D’où il est clair que c’est le même rapport que celui du carré inscrit au triangle inscrit. Et cela peut être aussitôt prouvé à partir de la supposition, de la conclusion et de la règle susdites, en agissant comme auparavant. Septième conclusion : le rapport de l’hexagone inscrit au carré inscrit est la moitié du rapport de 27 à 16. Cette conclusion peut être prouvée comme l’autre, selon le même mode, et cela à partir de la septième supposition, de la quatrième conclusion et de la sixième règle. Et ce rapport est le même que le rapport du triangle circonscrit au carré circonscrit. Cela suffit alors pour l’hexagone inscrit. Mais considérons l’hexagone circonscrit et de nouveau qu’une autre supposition soit posée, à savoir la huitième supposition, et c’est la suivante : l’hexagone circonscrit est sesquitièrce de l’hexagone inscrit.

Ce que l’on prouve : que dans le cercle soit décrit le côté de l’hexagone, qui soit ef. Un triangle ayant été construit sur le centre a, que soit tracée ag, et de même ac, et soit cg tangente au cercle et parallèle à la ligne ef. Alors gc sera le côté de l’hexagone circonscrit. Et que soit tracée adb au milieu du triangle qui est équilatéral. Alors, le carré de ac est sesquitièrce du carré de ab, d’après la deuxième supposition. Donc le rapport de ac à ab est la moitié du rapport sesquitièrce. Mais ab et ae sont égales, donc le rapport de ac à ae, c’est-à-dire du côté du plus grand triangle au côté du plus petit, est la moitié du rapport sesquitièrce. Et puisque les deux triangles acb et aed sont semblables, alors, d’après la proposition 4 du livre VI30, le rapport de bc à ed est la moitié du rapport sesquitièrce. Donc le rapport de gc, le côté de l’hexagone circonscrit,

30. Campanus, VI. 4 : « Pour deux triangles quelconques dont les angles de l’un sont égaux aux angles de l’autre, les côtés entourant les angles égaux sont proportionnels ».

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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à ef, le côté de l’hexagone inscrit, est la moitié du rapport sesquitièrce. Donc le rapport de l’hexagone circonscrit à l’hexagone inscrit est le rapport sesquitièrce, ce qui a été proposé. À partir de ce qui a été supposé, ainsi que des conclusions précédentes et des règles de l’Algorithme posées plus haut peuvent être trouvés les rapports de l’hexagone circonscrit à toutes les figures susdites d’espèce et de forme signalées auparavant. Et tous les rapports de cette sorte de toutes les figures susdites sont harmoniques ou les moitiés de rapports harmoniques et, afin que ce soit plus clair, je les ai tous disposés dans une figure.

Vois combien il est admirable que 27 se trouve parmi les moitiés de plusieurs rapports, tantôt le plus grand terme, tantôt le plus petit, en alternance, et que tout rapport dont la moitié est posée au dessus des figures circonscrites ou inscrites est le rapport d’un nombre carré à un nombre cube ou inversement. Et dans de tels rapports le nombre carré est du côté de la figure carrée. Mais on doit savoir que a est plus grand que b et b plus grand que g et semblablement g plus grand que c, etc. Par conséquent on doit noter que, parmi toutes les figures équilatères inscrites dans un cercle, celle qui a le plus de côtés est toujours la plus grande. Mais pour celles qui sont circonscrites, c’est le contraire, puisque celle qui a le plus d’angles ou de côtés est la plus petite. Ceci pourrait assez facilement être démontré, mais il ne convient pas d’abandonner notre propos ou d’en sortir. C’est pourquoi, les similitudes entre les rapports qui sont dans la figure précédente sont suffisamment considérées, puisque comme a est à c, ainsi c est à e, et b à d. De même, comme b est à c, ainsi d est à e.

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De la même manière, on pourrait trouver le rapport de n’importe quelle figure à n’importe laquelle d’entre elles, si l’on connaissait son rapport à l’une d’elles. Par exemple, que l’on prouve encore une autre supposition ou conclusion géométrique qui est la suivante : l’octogone inscrit dans un cercle est médian proportionnel entre le carré inscrit dans le même cercle et le carré circonscrit au même. Que l’on décrive un cercle dont le centre soit a, dans lequel soient inscrits un carré dont le côté soit bd et aussi un octogone dont un côté soit bf, et que soit circonscrit un carré dont le côté soit kc, comme cela est clair dans l’exemple dans lequel il apparaît que le carré abcd est la quatrième partie du carré circonscrit. Son diamètre ac est divisé en son milieu au point e par la ligne bd qui est le côté du carré inscrit. Et, de la même manière, la ligne ak est divisée en son milieu au point g. Et on a là un autre petit carré agbe dont la ligne ab est la diagonale. Alors, le rapport de ab à ae est comme celui de la diagonale au côté, à savoir la moitié du rapport double. Mais ab et af sont égales, donc le rapport de af à ae est la moitié du rapport double. Et le rapport de ac à ae est le rapport double. Donc af est médian proportionnel entre ac et ae. Que l’on imagine alors les trois triangles abc, abf et abe, qui sont de même hauteur. Alors, d’après la première proposition du livre VI d’Euclide31, leur rapport est comme le rapport de leurs bases, donc aussi de leurs multiples. Mais les trois figures données sont de cette sorte, puisque le premier triangle est la huitième partie du carré circonscrit, le deuxième est la huitième partie de l’octogone et le troisième est la huitième partie du carré inscrit. Donc ces trois figures sont continûment proportionnelles selon la moitié du rapport double. C’est pourquoi le rapport de l’octogone inscrit au carré inscrit est la moitié du rapport double et l’octogone a relativement à toutes les figures dont on a parlé plus haut ces rapports qui seront décrits plus bas. Ce qui pourrait être prouvé par les règles, suppositions et conclusions posées plus haut. Et comme cela a été dit pour les autres figures, tous les rapports de cette sorte sont harmoniques ou les moitiés de rapports harmoniques. D’où, on doit imaginer deux séries de nombres continûment proportionnels à partir de l’unité, l’une selon le rapport double comme 1, 2, 4, 8 et ainsi à l’infini, et l’autre selon le rapport

31. Campanus, VI. 1 : « Si, pour deux surfaces rectilignes ayant des côtés parallèles, ou pour deux triangles, la hauteur est la même, l’un sera à l’autre comme la base de l’un est à la base de l’autre ».

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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triple comme 1, 3, 9, 27 etc. Et ces nombres sont dits harmoniques et n’importe quel rapport entre deux d’entre eux, qu’ils soient de même rang ou l’un d’un rang et l’autre d’un autre rang, est dit harmonique. Et de plus, les nombres engendrés à partir d’eux sont dits harmoniques, mais non principalement. Et ainsi, ce qui a été dit au sujet de ces figures suffit pour le moment.

Grâce aux règles de l’Algorithme des rapports peuvent encore être démontrées quelques conclusions au sujet des corps réguliers, en présupposant quelques propositions du livre XIII d’Euclide32. Premièrement, on doit supposer que le rapport du diamètre de la sphère au côté de la pyramide, ayant quatre faces triangulaires équilatérales, inscrite dans cette même sphère est la moitié du rapport sesquialtère. Cela est clair d’après le corollaire à la proposition 13 du livre XIII d’Euclide33. Deuxièmement34 : le rapport du diamètre de la sphère au côté du cube inscrit dans cette même sphère est la moitié du rapport triple. Cela est clair d’après la proposition 14 du livre XIII35. Troisièmement : Le rapport du diamètre de la sphère au côté de l’octaèdre inscrit dans cette même sphère est la moitié du rapport double. C’est le corollaire à la proposition 15 du livre XIII36. Première conclusion : le rapport du triangle équilatéral inscrit dans le plus grand cercle de la sphère à la base triangulaire de la pyramide quadrilatère inscrite dans la même sphère est le rapport sesquioctave.

32. Voir notre chapitre VI, p. 157-159. 33. Campanus, corollaire à XIII. 13 : « Donc que l’on démontre que les diamètres de cette sphère ont au côté de cette pyramide, en puissance, un rapport sesquialtère ». 34. Les suppositions ne sont pas numérotées dans le texte, en dehors de la première. 35. Campanus, XIII. 14 : « Et il sera manifeste que le diamètre de cette même sphère est le triple, en puissance, du côté de ce cube ». 36. Campanus, XIII. 15 : « Et je dis que le diamètre de cette même sphère est le double, en puissance, du côté de ce corps ».

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En effet, le rapport du diamètre du cercle au côté du triangle inscrit dans ce même cercle est la moitié du rapport sesquitièrce, comme cela est clair d’après ce qui a été déclaré dans la première des autres suppositions. Et le rapport de ce même diamètre au côté de la pyramide, qui est le côté de la base, est la moitié du rapport sesquialtère, d’après la première supposition posée maintenant. Donc, selon la huitième règle, le rapport du côté du triangle au côté de la base de la pyramide est la moitié du rapport sesquioctave. Donc le rapport du triangle susdit à la base de la pyramide est le rapport sesquioctave, d’après la proposition 18 du livre VI37. Deuxième conclusion38 : le rapport du carré inscrit dans le plus grand cercle de la sphère à la base du cube inscrit dans la même sphère est le rapport sesquialtère. En effet, le rapport du diamètre de la sphère, ou du plus grand cercle de cette même sphère, au côté du carré inscrit est la moitié du rapport double. Mais le rapport du même diamètre au côté du cube inscrit dans la sphère est la moitié du rapport triple, d’après la deuxième supposition. On trouvera donc, selon la huitième règle, que le rapport du côté du carré inscrit dans le plus grand cercle au côté du cube inscrit dans la sphère est la moitié du rapport sesquialtère. Donc le rapport du même carré à la base du cube susdit est le rapport sesquialtère. Troisième conclusion : le rapport du triangle équilatère inscrit dans le plus grand cercle de la sphère à la base de l’octaèdre inscrit dans la même sphère est le rapport sesquialtère. La raison en est que le rapport du diamètre de la sphère au côté dudit triangle est la moitié du rapport sesquitièrce, comme cela a été dit dans la démonstration de la première conclusion. Et le rapport du même diamètre au côté de l’octaèdre est la moitié du rapport double, d’après la troisième supposition. Donc, selon la huitième règle, le rapport du côté du triangle susdit au côté de l’octaèdre ou de sa base est la moitié du rapport sesquialtère. Donc le rapport du triangle susdit à la base de l’octaèdre est le rapport sesquialtère. Quatrième conclusion : le rapport de la base du cube inscrit dans la sphère au triangle équilatéral inscrit dans le plus grand cercle de la même sphère est la moitié du rapport de 256 à 243. En effet, le rapport de ce carré inscrit dans le cercle à la base du cube inscrit dans la sphère est le rapport sesquialtère, d’après la deuxième de ces conclusions. Et le rapport de ce même carré inscrit au triangle inscrit dans le cercle est la moitié du rapport de 64 à 27, d’après la quatrième des autres conclusions. Et selon la sixième règle, on trouvera que le rapport confectionné à partir de ces deux rapports39 est la moitié du rapport de 256 à 243. Donc le 37. Voir plus haut. 38. Les conclusions ne sont pas numérotés dans le texte, en dehors de la première. 39. L’expression « confectionnée à partir d’eux » (ex hiis duabus confecta) peut suggérer ici que l’on ajoute les deux rapports alors que l’on doit soustraire l’un de l’autre.

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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rapport de la base du cube inscrit au triangle susdit est ce rapport, à savoir la moitié de moins que le demi-ton ou la moitié de la diesis dans les sons40. Cinquième conclusion : le rapport du carré inscrit dans le plus grand cercle de la sphère à la base de la pyramide inscrite dans la même sphère est la moitié du rapport triple. Cela est clair du fait que le rapport de ce carré au triangle inscrit dans le même cercle est la moitié du rapport de 64 à 27, d’après la quatrième des autres conclusions. Et le rapport de ce triangle à la base susdite est le rapport sesquioctave, d’après la première de ces conclusions. Donc, selon la cinquième règle, le rapport composé, à savoir le rapport du carré inscrit dans le cercle à la base de la pyramide inscrite dans la sphère, etc., est la moitié du rapport triple. Sixième conclusion : le rapport du carré inscrit dans le plus grand cercle de la sphère à la base de l’octaèdre inscrit dans la même sphère est la moitié du rapport de 16 à 3. En effet, comme il a été dit, le rapport du carré inscrit au triangle inscrit est la moitié du rapport de 64 à 27. Mais le rapport du même triangle à la base de l’octaèdre est le rapport sesquialtère, d’après la troisième de ces conclusions. Donc le rapport du carré susdit à la base de l’octaèdre est le rapport composé à partir d’eux, et selon la cinquième règle, il est clair que c’est la moitié du rapport de 16 à 3. Et le rapport du carré d’un côté du triangle équilatère au même triangle est le même, d’après la première des autres conclusions. Septième conclusion : le rapport de la base du cube à la base de la pyramide, le cube et la pyramide étant inscrits dans la même sphère, est la moitié du rapport sesquitièrce. On le prouve du fait que le rapport de cette base du cube au triangle inscrit dans le plus grand cercle de la sphère est la moitié du rapport de 256 à 243, d’après la quatrième conclusion précédente. Mais le rapport de ce même triangle à la base de la pyramide est le rapport sesquioctave, d’après la première de ces conclusions. Donc le rapport de la base du cube à la base de la pyramide est le rapport agrégé à partir de ces deux rapports. Et, selon la cinquième règle, il est clair que ce rapport est la moitié du rapport sesquitièrce. Huitième conclusion : le rapport de la base de la pyramide à la base de l’octaèdre, la pyramide et l’octaèdre inscrits dans la même sphère, est le rapport sesquitièrce. En effet, le rapport du triangle inscrit dans le plus grand cercle de la sphère à la base de l’octaèdre est le rapport sesquialtère, d’après la troisième conclusion posée maintenant. Et de nouveau, le rapport de ce même triangle à la base de la pyramide est le rapport sesquioctave. C’est pourquoi, selon la deuxième règle, on doit soustraire le rapport sesquioctave du rapport sesquialtère et il 40. Voir plus haut, p. 273, n. 15.

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reste le rapport de la base de la pyramide à la base de l’octaèdre etc., et ce rapport est le rapport sesquitièrce. Neuvième conclusion : le rapport de la base du cube à la base de l’octaèdre, le cube et l’octaèdre étant inscrits dans la même sphère, est la moitié du rapport de 64 à 27. En effet, leur rapport est composé du rapport de la base du cube à la base de la pyramide, qui est la moitié du rapport sesquitièrce, d’après la septième conclusion, et du rapport de la base de la pyramide à la base de l’octaèdre, qui est le rapport sesquitièrce, comme cela est clair d’après la huitième conclusion. Et selon la cinquième règle, il est clair qu’un tel rapport composé à partir d’eux est la moitié du rapport de 64 à 27, à savoir la moitié de trois rapports sesquitièrces. Et c’est le rapport du carré inscrit dans le cercle au triangle inscrit dans le même cercle. Le rapport du triangle à la base de la pyramide est le rapport sesquioctave. Le rapport de la base du cube au triangle est la moitié du rapport de 256 à 243. Le rapport du triangle à la base de l’octaèdre est le rapport sesquialtère. Le rapport du carré à la base de la pyramide est la moitié du rapport triple. Le rapport du carré à la base du cube est le rapport sesquialtère. Le rapport du carré à la base de l’octaèdre est la moitié du rapport de 16 à 3. Le rapport de la base du cube à la base de la pyramide est la moitié du rapport sesquitièrce. Le rapport de la base de la pyramide à la base de l’octaèdre est le rapport sesquitièrce. Le rapport de la base du cube à la base de l’octaèdre est la moitié du rapport de 64 à 27. Vois comment n’importe quel rapport entre les figures de cette sorte qui sont de la même espèce, comme le rapport entre un carré et un carré, un triangle et un triangle, est rationnel et entier. Et tout rapport qui est entre des figures d’espèces différentes, comme entre un carré et un triangle, est irrationnel et est une moitié, etc. Que l’on pose de maintenant quatre lignes droites dans un cercle qui soient les distances droites ou les cordes des quatre principaux aspects qui sont posés dans le ciel41. Et que les lignes de cette sorte soient tirées à partir d’un point et que ce soient ab, ac, ad et ae. Que ae soit l’aspect sextile, alors ae sera 41. Voir notre chapitre VI, p. 159-160.

ANNEXE : NICOLE ORESME, ALGORITHME DES RAPPORTS

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le côté de l’hexagone inscrit dans le cercle. Soit aussi ad l’aspect quarte, alors ad sera le côté du carré inscrit dans le cercle. Que ac soit l’aspect trine, alors la ligne ac sera le côté du triangle équilatéral inscrit dans le cercle. Et que ab soit l’aspect opposé, alors ab sera le diamètre du cercle, donc ce sera aussi la diagonale du carré dont ad est le côté. Nous dirons donc que le rapport de ab à ad est la moitié du rapport double, puisqu’il est comme le rapport de la diagonale au côté du carré. Et le rapport de ab à ae est le rapport double, puisque ae est le côté de l’hexagone inscrit dans le cercle et que, par conséquent, il est égal au demi-diamètre ou au sous-double du diamètre. Donc, si le rapport de ab à ad, qui est la moitié du rapport double, est soustrait du rapport de ab à ae, qui est le rapport double, il restera le rapport de ad à ae, à savoir la moitié du rapport double. Et puisque le carré de la ligne ab est sesquitièrce du carré de la ligne ac, d’après la première supposition, le rapport de la ligne ab à la ligne ac sera la moitié du rapport sesquitièrce. Et si un rapport de cette sorte, qui est la moitié du rapport sesquitièrce, est soustrait du rapport de la ligne ab à la ligne ad, qui est la moitié du rapport double, comme l’enseigne la neuvième règle, il restera le rapport de ac à ad. Et d’après la même règle, il est clair que ce rapport est la moitié du rapport sesquialtère. Mais si le rapport de cette sorte, de ac à ad, qui est la moitié du rapport sesquialtère, est ajouté au rapport de ad à ae, qui est la moitié du rapport double, il viendra le rapport de ac à ae. Et selon la neuvième règle, il est clair que ce rapport est la moitié du rapport triple. Ainsi se présentent les aspects des signes du ciel considérés de cette manière. Et cela est clair dans la figure.

Les aspects du ciel sont éloignés selon cette disposition : le sextile, le quarte, le trine et l’opposé. Ici s’achève l’opuscule sur l’addition et la soustraction des rapports.

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INDEX NOMINUM A Achillini, Alexandre, 111, 118 Adélard de Bath, 96 A|mad ibn Ynjsuf, 8, 100, 101 al-KindƯ, 101, 129 Albert de Saxe, 12 Archimède, 20, 23, 24, 35, 98, 99, 126, 132 Aristote, 5, 7, 70-73, 76

B Biard, Joël, 11, 44, 56, 111, 119, 137, 139, 142 Björnbo, Axel, 101 Blaise de Parme, 11, 44-46, 56, 67, 68, 78, 111-123, 125, 126, 131, 136-140, 142, 143, 147, 161-168 Boèce, 8, 70, 102, 109, 127, 168, 169, 271 Bradwardine, voir Thomas Bradwardine Busard, H. L. L., 7-9, 12, 74, 75, 83-86, 89, 97, 100, 101, 116, 117, 256, 289

Celeyrette, Jean, 6, 21, 56 Clagett, Marshall, 6, 98-100, 111 Clavius, Christoph, 12, 60, 91-93, 96 Crosby, H. Lamar, 6, 117 Curtze, Maxilian, 143, 145, 174

D Duhem, Pierre, 12

E Euclide, 7, 8, 10, 12, 16, 17, 22, 28, 32, 33, 36, 38, 39, 45, 52, 54, 56, 57, 5969, 74-78, 80, 81, 84, 88, 89, 91-98, 102, 105, 106, 108, 109, 124, 125, 127-135, 151, 154, 167-170, 203, 207, 226, 228, 229, 238, 243, 246, 256, 268, 270, 276, 277, 282, 283 Eutocius, 98-100

F C Cajori, Florian, 145 Campanus, 7-10, 16, 17, 19, 21, 22, 3638, 59, 60, 62-65, 67-72, 75-77, 80, 81, 83-86, 88, 89, 91, 95, 97, 98, 100103, 106-109, 124, 128, 129, 154, 155, 157, 158, 167, 168, 256, 257, 268, 270, 276, 277, 280, 282, 283

Finé, Oronce, 95, 96, 100 Folkerts, Menzo, 8, 89, 97

G Gardies, Jean-Louis, 167 Gérard de Crémone, 9, 97, 98, 100, 101

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Grant, Edward, 6, 9, 32, 104, 105, 108, 143-145, 173-174 Grynaeus, Simon, 95

Murdoch, John E., 5, 8

N H Hermann de Carinthie, 96, 97

I Is|Ɨq ibn ðunayn, 97

J Jean de Tinemue, 96, 97 Jean Sacrobosco, 159 Jordanus de Nemore, 8, 9, 42, 43, 52, 8389, 91, 92, 97, 98, 100-103, 109, 116, 117, 127, 130, 161, 167, 168, 256, 262, 263 Jung-Palczewska, Elzbieta, 5

K Kirschner, Stefan, 21

L

Nicole Oresme, 6, 7, 9-13, 15-51, 54-57, 59, 69, 74, 78, 88-93, 99, 103-109, 111-113, 115, 117, 123, 127, 133, 135, 142-154, 156-164, 161-171, 173-176 Nuñez, Pedro, 12, 13, 51-55, 57, 111, 131-135, 142

O Oresme, voir Nicole Oresme

P Politus, Bassanus, 111

R Robert de Chester, 7, 8, 80, 88, 89, 97 Robertus Anglicus, 159 Rodulphus, Volumnius, 11, 111, 126-131, 142 Rusnock, Paul, 32

S

Lejbowicz, Max, 143

M Marliani, Giovanni, 111 Massa Estève, Maria Rosa, 33 Mazet, Edmond, 21, 164 Mengoli, Pietro, 33, 34 Messino da Condronchi, 56 Meusnier, Norbert, 36

Sacrobosco, voir Jean Sacrobosco Schrader, Sister M., 9, 101 Suter, Heinrich, 78, 101 Sylla, Edith D., 5, 12, 16, 94, 96, 101, 117, 140, 141

T Tartaglia, Niccolo, 64

INDEX NOMINUM

ThƗbit ibn Qurra, 97, 100, 101 Théon, 96, 98 Thomas Bradwardine, 5-13, 15, 16, 19, 20, 24, 32, 33, 36, 56, 59, 60, 64-69, 72-74, 77, 78, 81, 83, 90, 94, 96, 104, 106, 111, 114-117, 120, 122-128, 137, 138, 142, 153, 161, 166, 167, 169 Thomas, Alvarus, 12, 46-50, 56, 78-80, 94, 111, 136, 140, 141, 167 Thorndike, Lynn, 159

V Van Egmond, Warren, 144 Vitellion, 129, 130 Vitrac, Bernard, 7, 60, 63, 69, 84, 96, 98, 167

Z Zamberti, Bartolomeo, 64, 95

297

TABLE DES MATIÈRES

Introduction ...................................................................................................... 5 Les sources de la théorie des rapports de Thomas Bradwardine et de Nicole Oresme.................................................................................... 7 Les notions fondamentales de la théorie des rapports ............................... 9 La postérité de la théorie des rapports .................................................... 10 Chapitre premier : Les rapports de rapports ................................................. 15 La théorie oresmienne des rapports de rapports....................................... 16 Le rapport comme quantité indéfiniment divisible.............................. 16 Comparaison des rapports .................................................................... 19 Parties d’un rapport de plus grande inégalité ...................................... 22 Détermination du rapport entre deux rapports donnés ........................ 24 Opérations sur les rapports de plus grand inégalité............................. 26 Les rapports de plus petite inégalité .................................................... 27 Conclusion ................................................................................................. 32 Chapitre II : Commensurabilité et incommensurabilité des rapports entre eux.................................................................................... 35 La commensurabilité des rapports dans le traité Sur les rapports de rapports de Nicole Oresme ...................................... 35 Critères de commensurabilité des rapports rationnels entre eux......... 36 Commensurabilité selon le genre du rapport rationnel........................ 42 La commensurabilité des rapports dans la première rédaction des Questions sur les rapports de Blaise de Parme................................. 44 La commensurabilité des rapports dans Le Livre sur les trois mouvements d’Alvarus Thomas ................................................................ 46 La commensurabilité des rapports dans le Livre d’algèbre en arithmétique et en géométrie de Pedro Nuñez .................................... 51 Conclusion ................................................................................................. 56

300

LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

Chapitre III : Irrationalité............................................................................... 59 Théories de l’irrationalité.......................................................................... 60 Exprimabilité et irrationalité dans le texte grec des Éléments ............ 60 Rationalité et irrationalité dans la version de Campanus .................... 62 Rationalité des lignes et des rapports dans la Géométrie spéculative de Thomas Bradwardine.................................................... 65 Rationalité des lignes et des rapports dans le Traité sur les rapports de Thomas Bradwardine............................................ 68 Le rapport entre la diagonale et le côté d’un même carré ....................... 69 Démonstration de l’incommensurabilité de la diagonale et du côté dans le commentaire de Campanus aux Éléments d’Euclide ........................................................................ 69 Détermination du rapport entre la diagonale d’un carré et son côté dans la Géométrie spéculative de Thomas Bradwardine....................................................................... 72 Questions sur l’incommensurabilité de la diagonale et du côté aux XIVe et XVe siècles ........................................................ 74 Incommensurabilité de la diagonale et du côté dans le Livre sur les trois mouvements d’Alvarus Thomas................. 78 Conclusion ................................................................................................. 80 Chapitre IV : Dénomination des rapports rationnels et irrationnels ............. 83 Les définitions de la dénomination des rapports rationnels..................... 83 La dénomination comme division des termes .................................... 84 Mise en évidence de la relation entre les termes................................. 86 Détermination de la dénomination selon le genre du rapport rationnel ................................................................................... 89 Dans le traité Sur les rapports de rapports de Nicole Oresme........... 89 Dans le commentaire de Christoph Clavius au livre V des Éléments d’Euclide ....................................................... 91 Définition de la dénomination dans le Livre sur les trois mouvements d’Alvarus Thomas............................................................ 94 La dénomination comme quantité du rapport........................................... 94 Les commentaires aux Éléments d’Euclide du XVIe siècle.................. 95 Les versions médiévales des Éléments d’Euclide................................ 96 Le commentaire d’Eutocius à Sphère et Cylindre d’Archimède ......... 98 L’Épître sur le rapport et la proportion d’A|mad ibn Ynjsuf........... 100 L’Arithmétique de Boèce .................................................................... 102

TABLE DES MATIÈRES

301

Dénomination des rapports irrationnels .................................................. 103 Conclusion ............................................................................................... 109 Chapitre V : Une théorie alternative à la construction oresmienne des rapports de rapports ........................................................... 111 Les critiques de la théorie oresmienne des rapports de rapports par Blaise de Parme ................................................................................ 112 La composition des rapports............................................................... 113 Dupla, duplicata .................................................................................. 120 La comparaison des rapports.............................................................. 123 La Discussion sur les rapports de rapports de Volumnius Rodulphus ........................................................................ 126 La théorie des rapports de rapports dans le Livre d’algèbre en arithmétique et en géométrie de Pedro Nuñez .................................. 131 La comparaison des rapports.............................................................. 131 La compositions des rapports ............................................................. 132 Dénomination et statut du rapport .......................................................... 136 Statut du rapport dans la seconde rédaction des Questions sur le traité des rapports de Blaise de Parme ................................... 136 Statut du rapport dans le Livre sur les trois mouvements d’Alvarus Thomas............................................................................... 140 Conclusion ............................................................................................... 142 Chapitre VI : Le calcul sur les rapports ...................................................... 143 L’Algorithme des rapports de Nicole Oresme........................................ 143 Notations des rapports ........................................................................ 144 Opérations sur les rapports ................................................................. 147 Applications des opérations sur les rapports...................................... 151 Blaise de Parme lecteur de l’Algorithme des rapports de Nicole Oresme.................................................................................... 161 Conclusion ............................................................................................... 166 Conclusion : Théories des rapports ............................................................. 167 Annexe : Nicole Oresme, Algorithme des rapports.................................... 171 Les manuscrits......................................................................................... 173 La notation des rapports.......................................................................... 175 Sigles ................................................................................................... 175

302

LES NOUVELLES THÉORIES DES RAPPORTS MATHÉMATIQUES

Algorismus proportionum........................................................................ 176 Traduction française ................................................................................ 259 Bibliographie................................................................................................ 289 Index nominum ............................................................................................ 295 Table des matières........................................................................................ 299