116 24 27MB
French Pages 134 [67] Year 1994
LAISIEDE LIRE
LA VIE, UNE AVENTURE DONT TU ES LE HÉROS
La collection “Qui suis-je?"est dirigée par Francine Bouchet et Anne Salem-Marin
Collection "Qui suis-je?"
FLORENCE BACCHETTA
LA VIE, UNE AVENTURE DONT TU ES LE HÉROS
Du même auteur. En marche vers Compostelle: un chemin de transformation Editions Tricorne ! Cerf, 1986, 2crnc éd 1994
Collages: Anne Salem-Marin
LAJOIE DE LIRE
AU COMMENCEMENT, TU ÉTAIS UN DIEU...
à Raphaele, Lucie, Léo, Valérie, Françoise, Justin, Agathe, Grégoire, Jean-Baptiste, Carole... et à toi, lectrice, lecteur, qui es invité à te joindre à nous pour participer à cette aventure!
Il y a bien longtemps, raconte une légende hindoue, tous les hommes étaient des dieux. Comme ils abusèrent démesurément de leur divi nité, Brahma, le maître des dieux, fut contraint de leur reprendre le pouvoir divin et il résolut de le cacher là où les hommes ne parviendraient pas à le retrouver. Brahma convoqua les autres dieux pour débattre du choix de la cachette. •«Enterrons la divinité de l’homme dans la terre!», proposèrent certains, tandis que d’autres disaient: »Enfouissons-la au plus profond des océans!». Brahma n’était pas convaincu: l’homme creuse rait la terre, explorerait les océans et un jour il parviendrait à récupérer sa divinité. Les dieux restaient sans solution au problème, alors Brahma proposa: »Nous cacherons la divi nité de l'homme au plus profond de lui-même, car c’est l’unique endroit où il ne songera jamais à aller la chercher». 5
Depuis ce temps-là, nous dit en conclusion la légende, l’homme a fouillé la terre et les océans de fond en comble, il a creusé, escaladé, plongé et exploré la terre entière à la recherche de quelque chose qui se cache en lui...
Cette légende hindoue traduit une vérité uni verselle: aux quatre coins du monde, les mythologies et les religions ne cessent de proclamer la divinité de l’homme. Cette évidence semble, hélas, largement oubliée, et les hommes, omet tant de se diviniser, ont au contraire humanisé les dieux - en relativisant et en minimisant leur puissance - se privant ainsi d’un processus salva teur. Trop souvent, les humains ont utilisé leur intellect et leurs capacités rationnelles pour mettre en doute le pouvoir divin ou même nier son existence... afin de se rassurer au sujet de leur propre pouvoir! Le chaos et la destruction que le monde actuel impose à l’ensemble de la planète peut être vu comme le résultat de cette tragique erreur, de cette perspective inversée...
Pourtant, à travers leurs exploits, leurs aven tures, leur quête, les héros des mythes, des contes de fées ou des écrits sacrés de tous les continents semblent être à la recherche de cette réalité perdue dont parle la légende indienne. Tu 6
Au commencement, tu étais un dieu..
penses peut-être que c’est de la littérature et que cela concerne uniquement les héros des temps primitifs, de l'Antiquité ou du Moyen Age.... Détrompe-toi! Ceux d’aujourd’hui font de même, qu’ils soient les Aventuriers de l’Arche perdue, ! les protagonistes de la Guerre des Etoiles ou de jeunes et de moins jeunes citoyens, anonymes tout autour de la planète, mais de plus en plus nombreux et motivés dans leur quête quoti dienne!
A l’horizon de ton adolescence, c’est ce même chemin héroïque qui s’annonce pour toi aussi et auquel tu es convié! Le but du voyage de la vie ne serait donc pas de découvrir quelque chose d’exceptionnel et d’inconnu qui te donnerait la clef du bonheur, mais de retrouver quelque chose d’ancien et de perdu qui te restituera ton identité divine. Concrètement, qu’est-ce que cela peut bien signifier?
s’interroger et d’en parler - souvent de façon un peu mystérieuse ou hermétique, il est vrai. C’est pourquoi il y a des repères possibles, des réfé rences, des prises de conscience à effectuer, des questions à se poser... et si tu veux bien pour suivre, c’est dans cette direction que nous allons cheminer avec quelques héros de contes et de légendes, familiers à notre imaginaire et à notre inconscient. Comment se préparer pour un tel voyage? Quels sont les signes qui annoncent une possibilité de départ? Quels sont les pièges à évi ter? Dans ton bagage, si tu penses à emmener tout l’enthousiasme et l’humour dont tu disposes, cela pourrait se révéler fort utile en cours d’aven ture... surtout lorsque les nuits seront froides et noires!
Tu imagines sans peine que cette aventure se présente différemment pour chacun: chaque voyage est unique, comme chaque être est unique. Il n’existe donc pas de guide du routard pour explorer cette contrée intérieure. Cependant, depuis que l’homme existe, il ne cesse de se lancer dans cette même quête, de
8
9
Le
départ pour l’aventure
Quelques semaines suffisent à l’oisillon à peine sorti de l’oeuf pour qu’il soit prêt à quitter le nid. Le renardeau, lui, laisse la tanière mater nelle quelques mois après sa naissance. Les petits des animaux sont très rapidement en état de subvenir à leurs propres besoins: l’autonomie se gagne en peu de temps. Les petits de l’homme, en revanche, naissent en état de grande dépendance: pour eux la liberté d’action se conquiert lentement et progressivement car les apprentissages sont nombreux et ne concernent pas seulement le plan de l'instinct.
Les premiers pas vers T indépendance sont liés à l’acquisition du langage et du mouvement contrôlé. Tu commences à exister en tant qu’individu différencié de tes parents au moment où tu essaies de faire comprendre ton besoin, ton désir, ton vouloir. Puis, ton habileté manuelle et ta faculté de raisonner te permettent d’élargir
11
ton champ d’action, d’accéder à tes premières petites libertés. L’enfance est nécessaire à la mise en place de ces bases. Avec l’adolescence, c’est un développement plus personnel qui te permet de conquérir davantage d’autonomie. Peu à peu, tu prends conscience de ta différence, en constatant, par exemple, les diverses réactions possibles entre plusieurs personnes confrontées à une même si tuation. Tu découvres le fait d’être unique, ce qui est réjouissant et inquiétant à la fois! Progres sivement, tu te risques à oser ressentir, évaluer, désirer, penser par toi-même et pour toi-même. Ceci demande de prendre de la distance par rap port aux valeurs de tes parents ou d’autres adultes que tu respectes. Ce processus s’avère lent et difficile. Que conserver ou rejeter, et au nom de quoi? L’attitude juste se cherche pendant des années... Comment ne pas t’identifier aux idées et aux avis des copains? Demande-toi quelle importance revêt leur opinion et jusqu’où tu te conformes à cette «loi» collective concernant l’habillement, le langage, la manière d’être, etc. Essaie d’évaluer à partir d’où et jusqu’où tu te permets d’être vraiment toi-même et de recon naître les peurs qui t’empêchent d’être davantage fidèle à ce que tu ressens et à ce que tu crois.
12
C’est au moment où tu prends une petite dis tance émotionnelle par rapport à ton entourage que certaines questions parviennent à la surface de ta conscience: «Quel est le sens de la vie?», ou encore «qui suis-je?» Le plus souvent, elles vont te bousculer indirectement, sans même que tu les soupçonnes derrière les événements. Cela signi fie qu’une attitude moins dépendante de ceux que tu aimes va permettre à des circonstances inattendues de bouleverser un peu ton quoti dien. Ces incidents vont te conduire du connu à l’inconnu, d’une certaine routine ensommeillée (peut-être sécurisante et confortable) à l’éveil à la vie. Comme si le destin lui-même t’appelle à l’aventure! - au sens étymologique, aventure signifie «ce qui doit advenir». Les mythes et les contes de fées traduisent de façon imagée et souvent pittoresque les éter nelles quêtes de l’homme et son questionnement sans fin. A travers un foisonnement d’images, ils nous donnent de pénétrer au coeur même de la recherche du sens et de l’identité. Comme tu t’en souviens peut-être, bon nombre d’entre eux commencent au moment où un incident, souvent banal, a pour conséquence un changement radi cal dans la vie du héros. A l’aube, c’est un jour apparemment comme les autres qui s’annonce,
13
mais au crépuscule le décor a changé et régnent le mystère et l’inconnu :
-Il était une fois un mari et sa femme qui n'avaient qu’un enfant unique, et qui vivaient seuls dans un vallon perdu, loin de tout. Il y avait alentour une grande forêt de sapins où la mère allait chercher du bois mort; et comme elle avait emmené avec elle son petit garçon, qui avait alors deux ans, par un beau jour de prin temps, l’enfant s’était amusé à cueillir des fleurs dans la forêt; et la mère, tout en suivant son petit Jean, s’était enfoncée plus avant que d’habitude au sein de la forêt. Tout à coup surgirent deux brigands qui s’emparèrent de la mère et de l’enfant et qui les emmenèrent tout au fond de la noire forêt, si loin que personne n’y venait jamais d’un bout à l’autre de l’année.«1
«Il était une fois un petit garçon qui avait tous les jours, pour son goûter, une brioche et un petit bol de lait que lui donnait sa mère; il emportait son bol et sa brioche et s’en allait man ger dehors. Dès qu’il commençait à manger, le crapaud familier de la maison se glissait hors 1 J et W GR1MM, Les Contes, Ed. Flammarion, 1967, page 86-1, •Jean-le-fort-
14
d’une fente du mur et arrivait, penchait sa petite tête dans le lait et partageait son goûter. C’était une joie pour le petit garçon.» (...) Il parlait avec le crapaud, et ce jour-là, «la mère, dans sa cui sine, entendit parler son enfant et vint voir avec qui il était en conversation.» Quand elle vit que c’était avec un crapaud, «elle attrapa une grosse bûche avec laquelle elle écrasa la brave petite bête.»2 Comme dans tant d’autres contes, lorsque l’his toire commence, survient un incident imprévi sible qui va bouleverser la vie du héros en le privant de ce qui lui était familier.
Dans le premier conte, rien ne permet de pré voir l'irruption soudaine des brigands qui vont emmener Jean et sa mère. Dans la mesure où les contes de fées illustrent ce qui se passe en nous d’un point de vue psychologique, les brigands représentent des forces archaïques, primitives, cachées au plus profond de nous-mêmes et qui parfois se manifestent tout à coup. Nous avons une tendance naïve à croire que nous nous connaissons bien. En fait, ce n’est qu’une très ' 4 l_. ' 6’1* ( > - J et W GRIMM, Les Contes, Ed. Flammarion, 1967, page 607, •Le conte du crapaud'
15
petite proportion de nous-mêmes qui nous est familière et connue, qui constitue notre part consciente. La «noire forêt» où habitent les bri gands est une image figurant l’inconscient où logent précisément ces énergies qui bouleversent notre quotidien lorsqu’elles surgissent. Ce conte nous enseigne que le changement qui survient ainsi n’est ni une punition ni une injustice. Il est une manifestation d’éléments inconscients arri vant dans notre monde conscient.
Ceci peut donc se produire à tout moment puisque ce qui se passe dans l’inconscient échappe à notre connaissance. Ces deux pôles de notre personne, le conscient et l’inconscient, existent dans un rapport d’opposition et aussi de complémentarité. Par exemple, si de façon consciente, tu es le plus souvent raisonnable et responsable, tu risques fort d’avoir de temps à autre - surtout lorsque tu t’y attends le moins des pensées farfelues ou des désirs extravagants et un peu fous qui contrastent fortement ou même se montrent incompatibles avec le «per sonnage» que tu présentes aux autres. Ces appa rentes «bizarreries» expriment une part secrète, souvent inconsciente ou refoulée'de ta personna lité, laquelle fait cependant partie de toi-même (au même titre que tes qualités consciemment
développées), et qu'il n’est pas toujours facile de reconnaître puis d’intégrer. C’est pourquoi, par fois, tu rejettes ces idées ou ces envies loin de toi - c’est-à-dire dans l’inconscient — et tu te com portes comme si elles n’existaient pas... En fait, elles sont bien vivantes, mêmes si elles sont cachées pour l’instant, et elles resurgiront plus tard, étant donné qu’elles t’appartiennent! Nous aurons de multiples opportunités, en suivant le héros dans sa quête de lui-même, d’apprivoiser ce fonctionnement. Pour l’instant, prenons note de l’existence et de la réalité de l’inconscient, et admettons que ce qui nous arrive apparemment de l’extérieur (ici le surgissement des brigands) risque fort d’avoir sa source à l’intérieur de nousmêmes.
Dans le deuxième conte, la mère du petit gar çon ne saisit pas l’importance capitale de la rela tion établie par son fils avec le crapaud. Elle agit avec autorité et cruauté sans même s’interroger sur le sens de ce qu’elle condamne. La non-com préhension de tes valeurs et de tes demandes par les adultes peut éventuellement constituer le choc qui va susciter ton «départ», sous la forme d’un changement d’attitude radical/ Dans ce conte, la non-communication est suivie d’une prise de pouvoir par l’adulte qui impose son 17
point de vue par la force: -Mon fils ne doit pas se lier d’amitié avec les «crapauds» et si je peux, je les élimine...» La violence de la réaction paren tale chasse subitement le héros hors de l’univers de l’enfance. Pour l’enfant, l’adulte représente une certaine forme d’autorité (même si elle est parfois discutable ou contestée), alors si soudai nement, à la suite d’un événement traumatique, l’adulte cesse tout à coup d’être une référence, une autorité, un refuge et devient, en un instant, un bourreau, un criminel, un tyran, le lien de confiance est brisé définitivement et l’enfant se retrouve seul face à lui-même, désemparé, avec un deuil à faire: c’est comme si le monde sécuri sant des adultes était mort, d’un seul coup... Ce conte illustre cette façon brutale, cruelle et totale ment imprévisible d’être appelé à l’aventure. Pour le héros, ce jour-là n’était en rien différent des autres, jusqu’au moment du drame.
Lorsque le choc survient, deux alternatives se ;r v.^..1 présentent: ou bien le héros trouve la force nécessaire pour accepter les conséquences du £ changement, ou alors il n’y parvient pas. Dans le conte de Jean-le-fort, tandis que sa mère tient le /¿o>,:_ménagç des brigands, Jean patiente jusqu’à ce r' ,< * ’ J f ‘l bi** u '.'/’iqu’il soit devenu assez fort pour les assommer, ?permettant ainsi sa Libération et celle de sa mère
2V b« Z
leur retour à la maison paternelle et son départ à lui pour d’autres aventures. Dans le conte du crapaud, le petit garçon inconsolable se laisse rapidement mourir de chagrin. Pas encore assez construit dans son identité personnelle, l’enfant avait besoin d’être en accord avec les valeurs de ses parents, en harmonie avec eux. Le choc de cette rupture n’est pas supportable, car il n’était pas assez solide, pas assez confiant en ses propres valeurs. Psychologiquement, cela signifie, dans le pre mier cas, que le héros meurt à son passé pour renaître à une nouvelle existence: il a répondu au défi, à l’appel et il se lance à l’aventure. Dans le second cas, celui qui se laisse mourir ne par venant pas accepter ce qui se passe, illustre l’impossibilité de partir à l’aventure de cette façon, à ce moment-là. La transition est trop abrupte et les renoncements trop nombreux: le héros n’est pas prêt à recevoir un choc d’une telle violence. Cet incident dramatique ne pro•‘V VOqUe pas ie départ du héros pour l’aventure, mais sa «mort»: il s’agit d’une mort symbolique qui signifie, psychologiquement, une régression, une disparition de cette ’énergie dans l’incons cient. Du temps sera nécessaire, et de l’amour aussi, pour que la réalité symbolique représentée
£ .V ' j
38
11 t’apprend à considérer ce qui t’est proposé et ensuite à choisir en toute conscience. C’est donc principalement le Tejet des lois de la vie impliquant des' transformations - donc de la confrontation avec l’inconnu et des ‘renonce ments - qui détermine le refus de répondre à l’appel de l’aventure. Se familiariser avec ces lois demande de ’sacrifier ses a priori et d’ouvrir les yeux de façon à ne plus voir ce que l’on a toujoursVu mais à regarder d’une manière nouvelle.
La modification du regard s’appelle un‘élargis sement du champ de conscience. Qu’est-ce que cela signifie? Le champ de conscience corres pond à ce que le «je* est capable de discerner: pour que tu puisses dire «je ressens, je crois, je pense, je vois, j’imagine, j’aime, je déteste», etc. il faut qu’il y ait un «je», sujet de l’action et que ce «je» soit conscient de ce qui se passe en lui. Ce «je» demande à être distinct de son entourage, la séparation d’avec le monde environnant doit déjà avoir eu lieu, sinon, lorsque tu dis -je», ce n’est pas ton ’opinion que tu exprimes, mais celle du "groupe auquel tu appartiens, avec lequel tu es confondu. Cela t’apparaît peut-être comme une évidence, et pourtant il est difficile de s’exprimer en son fpropre nom. Reconsidère ce que tu as 39
affirmé aujourd’hui et cherche à voir d’où cela est-il venu... à qui cela aurait-il fait plaisir que tu parles ainsi, à qui cela aurait-il déplu? N’aurais-tu pas été influencé dans tes avis, sans même t’en rendre compte? Sans conscience, il n’y a pas de choix d’action, mais une réaction instinctive, impulsive qui se déclenche comme un ressort qui se détend sou dainement. Dans ces cas-là, si quelqu’un te marche sur le pied, tu réagis immédiatement en retournant le geste contre l’»agresseur» que tu bousculeras, frapperas, insulteras ou fusilleras du regard - selon le taux de ta propre agressivité! Si ton niveau de conscience est plus élevé, tu regar deras l’autre en essayant de‘décoder ce qui se passe en lui le plus objectivement possible et tu verras éventuellement qu’il était distrait et ne s’est pas aperçu que c’était sur ton pied qu'il posait le sien, ou encore que lui-même, bousculé par quelqu’un d’autre, a atterri sur ton pied et qu’il s'apprête à s’excuser si tu lui laisses le temps de revenir de sa surprise... Face à un événement imprévu, la tendance à imaginer une intention dans l’acte de l’autre constitue une attitude très humaine. Cela s’appelle une projection. Nos projections, toujours subjec
tives, restreignent notre niveau de conscience, étant donné qu’elles ont leur source dans nos blessures, dans nos complexes. Par exemple, si tu as un complexe de'victime, tu vas immédiate ment te sentir visé lorsque l’on te marche sur le pied, et tu risques de mal réagir, projetant sur l’autre une'intention: «Il l’a fait exprès et c’est moi qu’il a choisi, bien sûr!» Sans t’en apercevoir tu prends beaucoup de place, tu te considères comme le centre de l’action, comme si c’était autour de toi que les événements s’organisaient. Il y a toujours une raison pour laquelle on réagit de la sorte. Le complexe vient s’installer là où il y a une'blessure: si très souvent, depuis ton enfance, tu as eu le sentiment que l’on ne s’est pas1 soucié de toi, que tu as été Bousculé d’une façon ou d'une autre sans que personne ne voie ta souffrance, sans que personne ne s’excuse ou ne te console, alors il est probable, dans ce caslà, que tu te sentes concerné personnellement, que tu croies que c’est vraiment ton pied que i,Ion voulait écraser... i
'
•-
/■
■.
La vie n’étant facile pour personne, chacun se retrouve avec ses complexes: complexe d’infério rité si tu as tendance à croire que les autres sont meilleurs et plus capables que toi; complexe de 41
X* vs* 7 ■ vu
O
'-JoÎ U, ¿V (/-u.
’culpabilité si tu crois toujours être en faute et crains une punition; complexe de supériorité si lu es sûr de faire mieux que les autres et de tou jours réussir; complexe d’abandon si lu penses que, de toute façon, tu vas te retrouver seul, que l'on ne va pas s’intéresser à toi très longtemps, que l’on ne va pas t’aimer; complexe d’échec si tu penses nç? pas çtre capable de réussir, avant même de te donner la chance d’essayer... etc. Dans tous ces cas, ta vision de la réalité est déformée par ton expérience subjective et ton champ de conscience s’en trouve limité. La pro jection est la conséquence de cette déformation: si ton ami ne te téléphone pas alors que tu espé rais qu'il t’appelle, tu te sentiras oublié si tu souffres d’infériorité, puni si ton fonctionnement gravite autour de la culpabilité, rejeté si tu as un complexe d’abandon; tu lui trouveras mille “excuses si tu es’protecteur ou sauveur, etc... alors qu’en réalité ton ami n’a pu t’appeler pour ( une*raison qui n’a sans doute rien à voir avec toi, mais avec les circonstances de sa vie à lui - quel que puisse être son sentiment envers toi !
En résumé, le *refus découle d’une vision "déformée de la réalité. Cette vision engendre de la peur, laquelle provoque une ^fermeture au
monde. Là-dessus, toutes sortes de justifications et de mauvaises excuses se greffent et emprison nent l’individu en *lui-même. Une plus vaste ^conscience de soi, une acceptation des lois de la vie, une confiance en ses propres * ressources cachées permettent de rester ^ouvert et de se r réjouir, de se confronter et de partir à la décou verte de l’inconnu.
"tVoJaxOC.
w£,4-
«,
> a-.,,'L.
.
A-
-h
(¿o ' a»V
, O.
t
v
r-* A V44**“
K
QA chuvi ,
' -| fcj
(xi/ ,1 '»-cix»-,
çK-i-V,
‘i -'•¡as
, '/
Laide
surnaturelle GiX ’v.^3'
t-JL
Ç-Q
-&
fc-4.- V |
Une fois que l’appel a résonné au fond de ton coeur, un processus s’enclenche, même si dans un premier temps tu refuses d’y répondre. Toutes les raisons et tous les prétextes derrière lesquels tu te ’ cacheras ne parviendront pas à te faire oublier l’appel et plus tard dans ta vie d’autres occasions de dire «oui» se présenteront. Un beau jour, prêt à te confronter à tes peurs, prêt à aban donner ton'confort et toutes les petites'sécurités qui te retiennent en prison, ce jour-là, c’est le départ ! La joie de répondre à un appel qui vient du plus profond de toi-même te donnera le courage nécessaire à te mettre en marche. Par exemple, tu t éveilles, ce jour-là, avec le souvenir d’un rêve qui t’a laissé une*impression de plénitude et sans savoir très bien pourquoi, lu prends ta douche en chantant, te sentant en accord avec toi-même et avec la vie. Tu es «confiant, prêt à donner le
45
.4i"b
i1 is.*>
¿'J.
c • «r/^ VÎ .J-.
r,-i G
k
: ? A*,
ro^/x, J
rationnel de la vie. Une ¿organisation structurée pour un fonctionnement optimal constitue un cri tère de référence. Aussi bien l’industrie, la tech nologie, la science exacte que la compétition sportive ont eu besoin de ces bases pour se développer de façon aussi performante. Réussite, rendement, efficacité, succès, avantages matériels sont des valeurs prisées dans notre monde où tout est comparé, évalué, classé: du supermarché aux prix les plus compétitifs à la chanson au sommet du -hit-parade». La publicité alimente ce regard sur la vie - et s’en nourrit.
Ces valeurs rationnelles et matérielles ont, bien sûr, leur utilité. Le problème réside dans l’impor tance et la place démesurées qu’elles ont prises. Ce faisant, elles ont poussé dans l’ombre tout ce qui relève de l’irrationnel - c’est-à-dire ce qui est lié aux plans intuitif et imaginatif, ainsi qu’au res senti et aux perceptions extra-sensorielles. De là, il n’y a qu’un pas à franchir pour qualifier de 'superstition ce qui ne répond pas aux critères rationnels. De cette façon est établie la supréma. lie de la compréhension mentale - qui s’oppose alors à la compréhension du coeur - et du contrôle - qui lui, s’oppose à la confiance. Il est bien évident que tant que 2 et 2 font 4, 50
tu peux comprendre et contrôler ce qui se passe. Si 2 et 2 faisaient parfois 3 et parfois 7 ou 13, tu serais un peu désorienté et il y aurait moins de ' sécurité rassurante en ce monde! Si ton éduca tion rationnelle a fait de toi un être qui peut réfléchir, comprendre et contrôler certains ’aspects de la réalité, elle risque d’autre pan, de t’avoir ^éloigné de ta source irrationnelle. C’est l» pourquoi il t’est sans doute plus aisé de faire un jeu à l’ordinateur ou d’organiser des vacances avec inter-rail, plutôt que d’imaginer un monde où la loi de la pesanteur serait aussi inexistante que les horaires de train et où il s’avérerait pos sible de se retrouver instantanément où l’on dési rerait être, simplement en endossant le manteau magique du conte...
Si tu penses être ouvert et sans méfiance face à l’irrationnel, sois honnête et réponds à la ques tion suivante: s’il t’était offert deux lontains voyages, l’un en Concorde et l’autre en Tapis volant... ne crois-tu pas que tu te sentirais plutôt confiant en la maîtrise du pilote en prenant place dans le prestigieux avion et relativement inquiet en t’asseyant derrière l’insondable fakir enturbanné?
Tu te souviens peut-être de certains contes où 51
f > pa> un guer-
-
A titre d’exercice, si tu le souhaites, tu peux essayer de formuler les accusations, les^insultes qui te*blesseraient le plus — et te demander pour-^ quoi. Ensuite, vois quelles sont les qualités se situant à l’ppposé\ Par exemple, si l’accusation est -menteur» ou «voleur», les qualités opposées sont liées à la’Vérité et à l’intégrité. Tu peux alors-; , ,.K te demander ce que ces valeurs primordiales ry. 'représentent pour ton Sont-elles le fruit d’une obligation morale, ou découlent-elles de ton ” -Qdéalÿ En d'autres termes, obéissent-elles à une loi extérieure qui t a été imposée, ou à une ¿loi ïintérieure; que tu t’efforces de respecter? Le but de ce questionnement vise à t'aider à mieux te connaître, afin que tu sols plus ^proche de ta réa lité, plus conscient de la ^distance existant entre Reliai que tu voudrais êtref et delui que tu eSj Etzt cela non pas pour que tu te blâmes ou te condamnes, mais pour que tu ^acceptes mieux) et, voyant ffe qui est et îe qui manque, que tu apprennes à te faire grand if, à dépasser tes peursj
83
En lisant ce conte, tu as peut-être été impres sionné par l’attitude de Hakuin envers le samou raï En effet, il a pris le '‘risque de recevoir un coup de sabre sur la tête pour permettre à Kasaï d’actualiser son enfer! Si le maître avait manifesté la moindre peur face au sabre levé, ou s’il avait essayé de se défendre, sans aucun doute sa vie aurait été en danger - et le héros n’aurait pas trouvé le chemin qu’il cherchait. Ayant dépassé la ipeui} le sage agit en toute conscience de ses actes, [paisible et confiant quant à leurs conséquenceà C'est précisément le calme, la paix de l’ermite énonçant (Ce qui esEj: «Ici s’ouvre le che min de l’enfer-, qui provoque leÇhoc de lïlluminatiofychez Kasaï.
Très peu d'êtres parviennent à ce degre de sagesse. Si tu as le privilège d'en rencontrer sur ton chemin, tu les Reconnaîtras au fait qu ils ne Cherchent pas à être populaire^, [ni 'feconnu?, ju liiméss Ils ¡agissent toujours en fonction de leut * loi intérieure, même si les (Çonséquenc es exté rieures se traduisent en ^incompréhension, * accusations ou Condamnations. Agir selon sa loi intérieur^ demande d’être en contact avec 5a part divine^ et d’exécuter ce qu’elle demande^ L'enfer ou le paradis
' ce qui est tout le contraire de s^ecouteP, et ^^hgir selon ses oronr#»c —
85
'X
découlent toujours du «moi»... et jamais de la part divine !
Le samouraï fait l’expérience de son enfer - en étant Tiors de luij II en prend consciences par le contraste avec l’attitude du maîtrd - qui lui, est ’ totalement (centrêj Immédiatement, il est libéré de cet enfer en réintégrant son’centre et il peut alors faire l’expérience du paradis, qui lui non plus n’est pas {tin lieCF, mais un (état intérieur Ce qui signifie que le (paradis est accessible à qui conque (parvient à habiter ce lieu centrai, tout au fond du coeurs
Le ventre de la
baleine:
Les héros d’un grand nombre d’aventures sont actifs et combatifs: ils avancent l’arme à la main et leur mérite se mesure à l’efficacité de leur coup d’épée. Les contes qui proposent ce type de scénario mettent en valeur l’attitude '‘dyna mique du héros qui exprime ainsi son courage, sa 'vaillance. Comme tu l’as remarqué, les exploits ¿spectaculaires sont presque toujours accomplis par des Hommes, tandis que les femmes attendent le plus souvent passivement d’être délivrées. Ces' images ne traduisent pas l’attitude qui incomberait aux individus d’un sexe ou de l’autre.
En effet, dans les contes les personnages ne représentent pas notre '‘totalité, mais seulement des*parties de nous-mêmes. Ainsi, le héros victo rieux n’est pas plus le "double du'‘jeune homme collectionnant les succès que l’héroïne prison nière ne représente la jeune*fille timide! Les deux 86
87
H le - t Vv*-Cu --G'
personnages, l’actif et le passif, existent aussi bien chez la fille que chez le garçon: ils cor respondent à vos pôles respectifs masculin et tV , .. 'r ■ féminin. Cela sous-entend que tout individu, quel que soit son sexe, cache au fond de luimême un prince intrépide et une princesse à délivrer.
Au début de l’aventure, c’est souvent le per sonnage dynamique qui est sollicité pour qu’une action s’enclenche: il est impossible de se mettre en chemin sans commencer à marcher! Le but de cette aventúreme consiste pas à te transformer en un guerrier accompli; comme tu le sais, il vise plutôt à te donner accès à ce que Brahma a enfoui ¡au fond de toi'... c’est pourquoi il te sera demandé ce qui semble nécessaire pour que tu y parviennes. Tu te souviens que l’aventure, diffé rente pour chacun, évolue en fonction de qui tu =V esj tes forcesl aussi bien que tes faiblesses. sont prises en compte puisque la progression^ demande une [harmonisation de tes tendances contradictoires. Cela signifie que tes défauts et tes qualités qui semblent apparemment incompa tibles - comme ta soif de nouveauté et ta.peur de l’inconnu,' ou ton courage- en certaines cir constances et tadâcheté, d’autres fois - ces com posantes, donc, seront amenées à se transformer 88
au cours de leurs interactions et à s’équilibrer. Bien sûr, toutes seront prises en considération, puisqu’elles font partie de toi: vouloir écarter tes défauts serait aussi impossible que de vouloir changer ton ossature! Ainsi, lorsque tu auras fait preuve d’assez de détermination et de courage (avec ou sans dragon à combattre), il te sera demandé de te Confronter à un autre type -t d‘épreuve. C’est ce que décrivent les contes qui propo sent un genre d’aventurëj n’exigeant aucun Exploit extériorise, mais une force intérieure qui permet au héros de supporter, d’éndurer une situation particulièrement 'douloureuse ou Effrayante. C’est le cas de jonas, Hiawatha, ^Nganaoa et tous les autres qui ont été engloutis par une baleine - ou un autre monstre - et ont survécu à cette initiations
«Au lever du soleil, Nganaoa poussa son bateau à l’eau. Son frère et sa soeur l’accompa gnaient à la pêche. Le jeune garçon déplia la voile et la pirogue s’éloigna tandis que ses parents, un peu inquiets, lui criaient: «N’allez pas trop loin! Grosse Baleine pourrait vous attaquer!» Mais le soleil était si chaud, la mer si belle, que Nganaoa oublia bien vite cette recommandation:
89
la petite pirogue quitta le lagon qui protégeait l’île et s’engagea sur l’océan. La pêche fut bonne ce jour-là: le filet des trois enfants était plein à craquer! A l’heure du déjeuner, ils firent griller sur leur bateau trois beaux poissons. Ils étaient presque cuits lorsqu’une énorme vague faillit renverser la pirogue: la bonne odeur avait attiré Grosse Baleine... Nganaoa se mit à ramer de toutes ses forces en direction du lagon, mais Grosse Baleine se rapprochait. -Plus vite! Plus vite, Nganaoa!» criaient les deux petits. Tout à coup, Grosse Baleine plongea et disparut. Avait-elle aban donné la poursuite? Bien sûr que non! Au contraire: elle jaillit devant le bateau et l’avala tout entier...»1
Regardons ce qui précède l’engloutissement. Nganaoa semble posséder les qualités qui «font» les héros: intrépide et indépendant, confiant et sans peur, il est également Habile navigateur et pêcheur... Un autre angle de vision le ferait apparaître presque trop Sûr de lui dans sa petite pirogue sur le vaste océan, se moquant un peu des recommandations de ses parents. Il pense 1
Eric SANVOISIN, Les Baleines. -Grosse Baleine et Nganaoa-, légende de Polynésie, Ed Hachette Jeunesse, Pans 1991, pp. 16 et suivantes,
90
pouvoir maîtriser la situation. C’est envisager l’aventure d'une façon rationnelle uniquement, sans tenir compte de ce que l’océan, symbole de l’inconscient, peut réserver comme surprise. Les qualités de Nganaoa sont à l'origine de ses dé fauts: une fois de plus, il s’agit de dosage) d’équi librage. Trop d’intrépidité et d'indépendance peuvent vite devenir prétention et orgueil, Le héros est confronté à ses limites; à ce qui ne dépend pas de lui) à ce qui /échappe à sa , conscience, à ses connaissances, à son pouvoir. ! Affirmant un peu trop*.sa liberté et ses ressources personnelles, il s’en voit privé pour subir l’empri sonnement et faire l’éxpérience de l’impuissance^
de l’obscurité, de la mort. A ce point, la Sagesse des contes, aussi ancien ne que le monde, risque de sembler vraiment paradoxale: lorsque le héros a enfin’rassemblé ses forces, trouvé la'détermination de partir à l’aventure et le courage pour faire face aux obstacles, le voici arrêté, englouti... Comment comprendre cet apparent revirement? L’aide surna-c turelle qui protégeait le héros dans sa quête aurait-elle disparu? Comme tant d’autres, Nganaoa, tourné vers l'extérieur, vers l’exploit, en (publie les valeurs^
91
/.
opposées, celles de l’intériorité! Or l’aventure ne peut être menée à bien sans l’équilibrage de ces deux ordres de valeurs! Cela signifie qu’il est tout aussi important de tenir compte de ce qui se ^7 (passe au fond de ton coeur que de ce qui se pré sente à lifiorizolï. Par exemple, si tu ressens une
peur panique ou au contraire un courage héroïque lorsque le dragon s’avance vers toi, il est clair que l’issue du combat ne sera pas la même! Cette harmonisation demande la recon naissance de l’ deviné, c’est la capacité à l’attitude juste} c’est-àdire ¿flekible et modulabletselon les -¡circonstances^ et tenant compte de l’objectif à atteindre^ Savoir préalablement ce que l'on ¿chercha s’impose, car l'Objet de la quête va déterminer le (lieu où se rendrai le sous-bois humide propice au chercheur de champignons sera un territoire à éviter par le chasseur de papillons! De même, l’attitude intérieurêldépend du but choisi: tu n’es pas dans le même état intérieur! si tu fais une promenade avec ton chien ou si tu disputes une partie de tennis avec un copain un peu plus fort que toi... S’il est des circonstances où l’on peut
L se laisser surprendre} ou [inviter par les événementSi il en est d’autres où un (choix préalable est indispensable à la réussite: à toi de savoir ^discerner! 104
Lorsque le héros accède à cette terre étran gère, d'autres défis l'attendent et le séparent du but bien défini qu'il s’est fixé. Nouveaux monstres à combattre, épreuves périlleuses et sauvetages in extremis par les {aides surnatu relle^ longues errances en territoires hostiles... tout serait donc à récommencer? Le fait d’avoir vaincu le dragon ou survécu à l’engloutissement par la baleine ne se voit donc pas recompensé?^ •
.
J
La récompense, ce n’est pas ISiccès dépourvu« d’embûches! jusqu’au trésor ou à la princesse, i i-privilège i ***** poursuivre • i i le 4che cest le de pouvoir min et de livrer de nouveaux combats! En d’autres termes, la récompense, arrivé à ce nou veau (plan de conscience}, c’est la «possibilité offerte de se confronter},aux „Obstacles de la vie z qui obligent à se remettre en question! à (s’inter- * roger sur le sens de l’aventurëï Le chemin de la ¿transformation intérieur^, de la quête de ce que Brahma a enfoui au fond de ton être ne corres pond pas à une (trajectoire linéaire: mais à une (évolution en spiralé}
La progression linéaire part d’un point A, passe par les points B et C, se dirige ensuite vers D et E, et continue toujours plus Ibin en reliant chaque nouveau point de la façon la plus
105
H "3; .
directe, c'est-à-dire au moyen de la ligne droite. Le mouvement de la spirale, par contre, est tout en bourbes, ne connaissant ni l’angle, ni la ligne droite; il semble [partir et revenir, tourner'autour de quelque chose d'invisible; et de très puissant, Z--'. à l'attraction duquel il ne peut échapper.
Imagine-toi habitant une petite maison avec un jardin tout autour. N’étant jamais sorti du jardin, tu ne connais rien d’autre. Un jour, au bout du jardin, tu découvres une (tour vitrée contenant un grand (escalier en spirale^ Tu commences à gravir les marches et ta perspective se modifie, s’élargit, et avec chaque «étage», correspondant à une cir convolution de spirale, s’offre à ton regard un bout de paysage qui était invisible auparavant. Au début de ton ascension, tu vois ce qui est proche: ton jardin et ta maison; puis en grim pant, lu découvres un étang, situé plus loin, et des arbres, à l’autre extrémité de la prairie. En montant plus haut tu aperçois une ville d’un côté et une montagne de l’autre. En t’élevant encore, tu distingues la campagne au-delà de la ville et une vallée de l’autre côté de la montagne, etc. Chaque fois que tu te retrouves dans un certain axe, ce que tu vois est à la fois identique et Îiouveau: tu reconnais le même paysage, mais d’autres éléments dont tu ignorais l’existence 106
apparaissent et certains d'entre eux peuvent meme se révéler très importants pour toi.
Ainsi ta vision s’élargissant modifie ta connais sance du monde et multiplie les possibilités qui te sont offertes. Cependant, comme chacun le fait dans des moments débouté ou depeur. par fois, tu t’enfermes dans la petite maison limitée et sécurisante de tes certitudes et de tes a priori, au milieu du joli jardin de ton idéal et de les bonnes*intentions... L'image de l’escalier en spi rale te permet de saisir de façon concrète ce qu’est un changement de perspective, une prise en considération d’une réalité plus vaste, en d’autres termes, un élargissement du champ de conscience, l'accès à davantage de liberté. La spirale n’est pas une invention de l'homme mais un^nouvement inhérent aux lois de la vie:
chaque année, les saisons s’écoulent et içeviennentl à la fois semblables et différentes. Chaque printemps ressemble toujours au printemps, et pourtant il est unique! La spirale est également un mouvement propre à la nature. Tu le retrouves dans le règne végétal si tu observes comment le lierre s’enroule autour des troncs ou comment la vigne vierge s’accroche aux pierres des murs. Tu le vois également illustré par le
107
règne animal, de la corne du bélier à la coquille de l’escargot, sans oublier le serpent. Tout \ autour de la planète, l’homme reconnaît en la spirale le symbole} d’une ^évolution en accord avec les'lois universelles, exprimant un certain ordre au milieu du changement perpétuel. L’axe central (le plus souvent invisible) détermine le mouvement de la spirale et constitue en quelque -^> sorte sa golonne vertébralejautour de laquelle tout s’organise. Comme tu t’en es peut-être aperçu, la quête du héros suit également une trajectoire en spi rale! Répondre «oui- à l’appel à l’aventure corres pond à l’engagement conscient dans la courbe, avec immédiatement ¡trois échelons à gravir: en premier surmonter la peur, deuxièmement dépasser le doute quant à ses propres capacités; le troisième échelon consiste dans le renoncement au «paradis» de l’enfance... Accepter l’àide surnaturelle demande d’avoir atteint une autre ]x circonvolution de la spirale, celle où se joue la ^ (confrontation aux ’valeurs logiques et rationnelle^ qui barrent le chemin et qui demandent, en plus, —) de faire confiance à l’inconnu, de s’abandonner aux forces transcendantes, c’est-à-dire de se lais ser guider, porter par ces énergies qui ne relè vent pas de l’humain mais du divin.
Le chemin en spirale 108
Les étapes de l’aventure que nous avons sui vies à travers les exploits de Jean de l’Ours, Kasaï, Nganaoa et Jonas correspondent à d’autres tronçons du chemin en spirale qui sont offerts à chacun en fonction de qui il est, avec ses diffi cultés et ses peurs. Chacune de ses victoires pro pulse le héros à l’étape suivante de sa quête, dans une nouvelle circonvolution de la spirale qui a un air de famille avec la précédente, mais qui est aussi toute différente. Chaque fois, tu l’as peut-être remarqué, la répétition des mêmes demandes se fait à un niveau différent qui exige toujours davantage d’engagement personnel, de confiance en ces forces qui nous dépassent, et un renoncement plus radical à sa sécurité, à ses certitudes et à son confort - donc aux valeurs du •moi».
Par exemple, Jean de l’Ours, étant naïf et 'cré dule, se verra de nombreuses fois dupé avant d’acquérir plus de prévoyance et de discerne ment... Quant à toi, si ton problème est le doute relatif à toi-même, tu seras d’abord confronté à des situations générant des petits doutes - relatifs aux capacités du -moi» - sans conséquences majeures: -vais-je être capable de réussir ce gâteau, ce bricolage, etc.?» Puis, quelques éche lons plus loin, ton chemin en spirale te mettra en 110
face de doutes plus profonds «suis-je digne de la confiance que l’on m’accorde? serais-je capable de satisfaire aux exigences de ces éludes, de ce poste?»... et ainsi de suite, à chaque nouvelle cir convolution, avec toujours plus de poids concer nant ce qui dépasse le «moi«: -suis-je assez ‘bien’ pour mon partenaire (selon les cas, ‘bien’ = intel ligent, beau, riche, etc.)?»... L’évolution en spi rale, au lieu de t’épargner ne fera que te talonner avec des questions ciblant tes doutes de toujours plus près: «est-il possible que l'on m’aime? ai-je le droit de réussir ma vie?»... jusqu’à ce que tu abandonnes les doutes^ simultanément aux pré,-tentions du «moi» qui veut faire avec ses propres (capacités humainement limitées et que tu fasses complètement confiance en ces forces qui te dépassent set qui te transforment en héros invin cible lorsque tu es lié à elles, ouvert à elles.
Nos derniers héros ont dû se mesurer à des obstacles terrifiants, et pourtant cela ne "suffit pas puisque maintenant il s’agit de préciser l’objet de la quête et d’obtenir ce quelque chose d’èssentiel, de plus’Lprécieux que la vié^à l’issue de ces •.nouveaux combats. Ce type de confrontation est «rarement possible pendant la jeunesse. Tout sim plement parce qu’il faut du temps, beaucoup de tempsj pour parvenir à cette terre étrangère où se
111
trouvent maintenant nos héros. L’aventure en quête de son accomplissement ne se réalise pas en quelques mois, elle demande toute la vie - et même bien davantage! En plus du courage, elle demande donc de la'’ patience, de la persévé rance et de la modestie... Paradoxalement, ceci ne veut pas dire que tu n’obtiendras ce que tu cherches seulement lorsque tu auras une longue barbe blanche. Tu te souviens, nos héros - et toi avec eux - ont tous été en contact avec la réalité intérieure enfouie au plus profond de leur être. Seulement cette «chose-là, qu’elle soit appelée divinité, âme, Soi ou encore autrement, ne se capture pas pour être placée comme un trophée sur la bibliothèque du salon! Elle est plutôt com parable à une (flamme dansante et joyeuse qui - 7 réchauffe et illumine lorsqu’on est en contact avec elle et qui échappe à notre perception lorsqu’on l’oublié...
La suite des aventures du héros concerne de toujours plus près les retrouvailles avec cette dimension perdue. Les, possibilités de reconquête sont variées car les obstacles qui empêchent le contact avec la réalité cachée au fond du coeur sont multiples. Tout d’abord, il s’agit d’une ques tion d’ajustement de l’attitude] si tu es timoré, tes peurs te retiendront, si tu (manques de franchise;
112
tes mensonges obstrueront le passage] si tu es lâche, tes faux-fuyants t’empêcheront; si tu es tri cheur, tes ruses t’immobiliseront] si tu es colé rique, tes rages s’interposeront; si tu es justifica teur, tes bonnes raisons t’asphyxieront] etc.
Plus que jamais, à ce stade de la quête, il est demandé non pas d’être parfait, mais de prendre conscience de ses travers pour transformer ses tics de comportement! De même que les com bats visant à modifier les attitudes néfastes* en attitudes constructives sont individuels - en fonc tion de ses ¡propres faiblesses’ - de même l’objet de la quête sera variable et personnel. C’est pourquoi chacun ne recherche pas nécessaire ment une princesse à sauver!
En effet, au cours de cette étape, le héros va être poussé par les circonstances à dénouer ce qui, pour lui, constitue un blocage, un obstacle à la réunification avec son âme. Ce sont souvent les résidus de la problématique parentale qui barrent le passage. Etant donné que chacun est le fds ou la fille d’un père et d’une mère, de nombreuses aventures concernent une question à résoudre avec l’un ou l’autre des parents. Comme le Roi et la Reine des contes sont des substituts des figures parentales, pour les uns il
113
s’agira, par exemple, de se mesurer à une figure de Roi tout-puissant et parfois terrifiant, de le vaincre ou d'être reconnu par lui. L’aventure en conduira d’autres au royaume d’une Reine redoutable ou au contraire séductrice, et le héros devra parvenir à lui échapper. Personne ne peut esquiver cette confrontation car toutes circons tances de vie, même si elles sont heureuses, génèrent nécessairement une problématique individuelle; chacun sait qu’être élevé sans un sou ou grandir avec tout l’or du monde dans ses poches va nécessairement générer des types de comportements différents en ce qui concerne le rapport à l’argent. De même, des parents trop sévères ou trop permissifs empêcheront leurs enfants de se situer clairement. N’oublions pas ¡que les méthodes éducatives sont multiples et contradictoires et qu’aucune n’est parfaite et d’autre pan, souvenons-nous qu’il n’existe pas de parents irréprochables ou idéaux, chaque couple s’efforçant, dans les meilleurs des cas, d’être "fidèles à des valeurs choisies, en toute ■conscience. Il s’agira donc de transmuter, de transformer l’inévitable problématique liée à son passé pour s’en libérer. C’est pourquoi, bien sûr. l’objet de la quêté(.sera fonction de la Tâche à accomplir. Pour certains, il sera en effet question de délivrer la princesse et de l’épouser, et s’il 114
s’agit d’une héroïne, il lui faudra conquérir ou se laisser gagner par un époux divin...
D’autres s’en iront voler un élixir ou une arme magique, tandis que leurs compagnons brigue ront un trône ou un couronnement. Quel que soit le but de cette quête, dans tous les cas, il donne au héros victorieux le privilège de retrou ver la partie essentielle de lui-même qui lui man quait et grâce à laquelle il peut devenir un être complet, unifié, en contact avec cette source cachée au plus profond du coeur. Pour toi, dans ta vie actuelle, l’image du chemin en spirale peut t’aider de multiples façons. Tout d’abord en te remémorant qu’il serait absurde de t’imaginer qu’une fois un ou deux caps passés, tu auras atteint ton but. En effet, la fin des études ou de l’apprentissage, avec l’obtention d’un emploi et d’un salaire ne sont qujune étape! il en est de même pour l’emménagement dans ton appartement, ou le partage de ce lieu avec une compagne ou un compagnon. Aucune étape ne constitue uneffin \ en soi, même si chacune est importante et indispensable puisqu’elle pionne accès à la sui vant^ qui donnera accès à la suivante, et ainsi de suite!
115
La spirale t’aidera à comprendre l’importance d’une orientation à donner à ta vie - correspon dant à l’axe de la spirale - en choisissant une direction en accord avec ton échelle de valeurs. Puisque ce mouvement obéit aux lois univer selles de la vie, spontanément de nouvelles possibilités s’offriront ou seront à conquérir lune après l’autre, l’une amenée par l’autre, avec chaque échelon gravi. Le principal cadeau de la spirale, c’est l’ouverture sans fin, l’absence de condamnation définitive donnant une nouvelle chance, encore et encore, permettant toujours une suite à l’aventure, un épisode successif, (un nouveau recommencement. Nous l’avons vu avec les multiples rebondissements offerts à nos héros, dans la poursuite de ce que Brahma a caché au fond de l’être.
La
fin, NOUVEAU RECOMMENCEMENT...
Au terme d’incroyables péripéties^ durant les quelles (sri vie a souvent été menacée^ le héros semble maintenant à l’apogée de son aventure, au sommet de sa gloire!: Hercule a cueilli les i pommes d’or au jardin des Hespérides, le baiser du Prince a éveillé la Belle-au-Bois-dormant, ' Thésée a tué le Minotaure... et pourtant [ce n’est ; 07 pas la rin de l’histoire) Lorsque le héros acçomplit son exploit, il se trouve toujours en «terre étrangère« et il lui incombe encore deyrevenir —h fí chez lui]avec ce qu’il a conquis. Son triomphe illustre un moment d’ëxception. Il s’agit mainte. nant de l’incorporer au quotidien afin d’amener unejransformation: ainsi la *vie aura véritable ment acquis une nouvelle dimension, elle ne sera jamais plus comme avant! Cette [responsabilité du retour} a parfois été refusée et un certain nombre de héros sont restés avec la déesse dans l’île de l'éternelle jeunesse,
116
117
engloutis à jamais dans cette autre dimension de laquelle ils sont devenus prisonniers. Leur quête - / s’est transformée en fûite. Cependant, même lorsqu'il est décidé, le retour peut présenter des difficultés car le Roi ou la Reine de cet autre monde ne sont pas toujours d’accord de laisser k '/repartir le héros. Ils souhaitent au contraire le retenir pour (Bénéficier de son énergie; de sa (forcé.; et de toutes [ses qualités, ressenties comme une\îichessé7et un renouveau importants, pour leur Royaume. Il s’avère donc nécessaire pour les héros retenus malgré eux de ''fuser et de£com■jjj battre une fois de plu^pour s’enfuir et échapper à d’éventuels poursuivants. Il en est d’autres qui doivent (demander de l’aide aux humains vers lesquels ils reviennent par exemple, le courant ne permet pas à leur frêle embarcation de rega Wa* 4gner le rivage; et ils doivent appeler et manifester ouvertement leur clésir d’être réintroduits sur leur terre. Ces différentes versions soulignent toutes le (même point} il est essentiel que le héros choi sisse consciemment son Retour, sans lequel son ±1 aventure serait (avortée. .A
En effet, cette expédition en terre lointaine, fascinante et redoutable, ne constitue en fait que le {préludé} l’introduction à (ce qui se passé} au moment où le héros (franchit le seuil du retour en
118
revenant «chez lui». C’est dans sa vie quotidienne, ici et maintenant qu’il s’agit d’intégrer le trésor qu’il ramène, ayant récupéré ce que Brahma avait caché au plus profond de son être... Qu’est-ce que cela signifie concrètement?
Lorsque le héros revient «chez lui», le mystère se dissout car les soi-disants deux mondes, celui du quotidien et celui de l’aventure, l’humain et le divin - peu importe de quels noms ils sont dési gnés - ces deux royaumes n’en forment qu’un seul. En effet, la réalité divine^ comme nous l'avons vu depuis le début de cette quêtex n’est qu’une dimension oubliée, perdue, cachée... de la fréalité connue} Le héros victorieux est donc •i? *celui qui a retrouvé l’unité entre les différentes parties de lui-même; il ne connaît plus d’oppositions, de contrariétés, de déceptions ni de peurs: faisant un avec Ifcénergie vitale divine, il est en paix, ayant réuni les deux mondes. Aucun triomphe public ne l’attend, aucune gloire pro clamée par les médias: simplement son sourire exprime l’état intérieur, son regard rayonne l’amour.
Serait-ce l’aboutissement, le «happy end» avec concert des anges jouant une musique céleste? Pas du tout! Les héros ne (prenant pas de retraite^
119
rie de la vie active ont encore à lébri d ■ de chemin à parcourir, et nous avec comment nos amis des mythes, des un bout eux. Voyons légendes (poursuivent leur aven fontes et des
ture.-l
Le conte suivant, qui se retrouve dans diverses traditions et cultures, est donné ici dans sa ver sion juive hassidique. C’est l’histoire d Eisik fils de Yékel, de Cracovie: «Après de longues années de laipire misèrê^qui n’avaient cependant point entamé sa Confiance en Dieu; Eisik reçut en rêve l’ordre de se rendre à Prague pour chercher un , trésor^sous le pont qui mène au palais royal. Lorsque ce rêve se fut répété pour la troisième foi§, Eisik se mit en route.» Tu connais maintenant assez bien la logique des contes pour imagi ner les rencontres et difficultés du héros parcou rant ia pied et sans le sou la distance séparant '’Cracovie de Prague! Lorsque finalement notre héros parvient à destination, un (nouvel obstacle se présente;
««Tü'a8"“' l°“r " Lu fin, nouveau recommencement
"tournant autourv . taine de la garde11 «' 7^ Approcha T
1
matln «pendant, P°Ur le “P^ 5
s informa
V
«O-
jT
I
non
1 P0 k 3 J -z,< , 1 71 fa ** ’L" ‘‘ ' '
sans V
{P. Í’
'
t-a (£... ¿¿(J.
V^-x- üSe vy-'' ■
''
■
.
•
■ ■ ■•• • ..•
121
--
fhO.-rii ■ .;.’z : • * < ■. • ,e r>>e ' q.H'i l'-î :