La Vérité sur la maladie de Lyme 9782738150547


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French Pages [420] Year 2019

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Table of contents :
Titre
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Dédicace
Préface
Préambule
Chapitre 1 - Le « problème Lyme » - Entre cause cachée et aveuglement collectif
La maladie de Lyme, moment critique dans la compréhension des processus infectieux
Lubies médicales ou folie des patients ?
La théorie de la « génération spontanée » des maladies n'est pas morte
La « disparition programmée des maladies infectieuses » : une illusion lyrique
Tiques, éthique, antibiotiques et politique
Le concept de « crypto-infections », chaînon manquant entre Pasteur et Freud
Chapitre 2 - Des millions de malades en grande souffrance sans diagnostic précis, faute d'outils diagnostiques fiables
Des témoignages bouleversants de patients, soignés après des années d'errance
Qu'en pensent les patients ?
Rares sont les malades influents qui osent « avouer » qu'ils ont le Lyme
Même les médecins tombent malades
Recommandations de traitement erratiques
Les trois stades de la maladie de Lyme
Première cause d'absence de diagnostic : une sérologie calibrée pour que la maladie de Lyme reste officiellement une maladie rare
Une sérologie « bridée » par le concepteur
En infectiologie, rien ne vaut, quand c'est possible, une technique d'isolement direct du microbe responsable
Deuxième cause d'absence de diagnostic : tous les cas de Lyme ne sont pas dus à Borrelia burgdorferi
Une petite nouvelle : Borrelia miyamotoi
La petite dernière : Borrelia mayonii
Troisième cause d'absence de diagnostic : les maladies chroniques inexpliquées ressemblant au Lyme chronique peuvent être dues à d'autres microbes que les borrélies
Les causes de la maladie de Lyme et de toute une famille d'infections inapparentes ou « crypto-infections »
La babésiose, une partenaire de taille pour les borrélies
Les tiques transmettent encore d'autres microbes…
Bonjour les sérologies ! Vive la biologie vétérinaire !
Des outils plus fiables que les sérologies actuellement disponibles pour mieux identifier les causes
Pour diagnostiquer les malades écossais, les tests réalisés avec des borrélies écossaises sont plus fiables que ceux réalisés avec la borrélie de référence américaine !
Même les tiques sont mieux loties que les humains en matière de tests diagnostiques !
Chapitre 3 - Les certitudes d'une poignée d'experts face à un monde d'incertitudes
Un énorme décalage entre les publications scientifiques et les recommandations officielles
La France copie, en 2006, les recommandations américaines, sans même s'aviser de les remettre en cause en 2016, au moment où elles sont rejetées aux États-Unis
La maladie de Lyme ou le règne de la censure
Un monde de « certitudes » se fissure
Chapitre 4 - Histoire des bactéries spiralées et des tiques
Les bactéries spiralées, un « ressort » de l'histoire de l'humanité
Il y a beaucoup de bactéries spiralées
Nous sommes tous fabriqués avec, dans nos cellules, des microtubules de spirochètes !
On ne sait plus diagnostiquer les borrélioses en routine dans la médecine moderne
Nos amies les tiques, vecteurs d'infections
Chapitre 5 - La maladie de Lyme, non identifiée en tant que telle, décrite en Europe dès la fin du xixe siècle
La maladie en Europe
L'érythème migrant, signe caractéristique de la maladie
Les atteintes méningées, neurologiques et les paralysies à tiques
Le syndrome de la peau parcheminée déjà décrit au xixe siècle
Le tragique destin d'Herxheimer, victime des nazis
La réaction d'exacerbation de Jarisch-Herxheimer (ou « herx »)
« Pli selon pli », divers aspects de la maladie sont décrits
Des bactéries, en particulier des spirochètes non syphilitiques, suspectées d'être la cause de syndromes liés aux tiques
Premières annonces de l'efficacité des antibiotiques sur les symptômes consécutifs aux piqûres de tiques
Ötzi, le premier « lymé » du néolithique tardif
La maladie aux États-Unis, baptisée « arthrite » puis « maladie » de Lyme
Pourquoi la grande borréliose qui défraie la chronique s'appelle-t-elle « maladie de Lyme » ?
La saga de la maladie de Lyme inventée et « racontée aux enfants » par un club d'« experts » basé à Boston
Des cas isolés de la maladie existaient probablement aux États-Unis avant l'épidémie d'Old Lyme
Steere persiste à ignorer la longue expérience du « Vieux Continent », alors que certains médecins américains améliorent ou guérissent des malades par antibiotiques
1977-1979, l'« arthrite » acquiert ses lettres de noblesse en devenant « maladie »
L'identification de la bactérie responsable de la maladie de Lyme, transmise par des tiques
Qui était Willy Burgdorfer, le découvreur ?
La recherche très tardive d'une cause infectieuse de l'épidémie
La fable selon laquelle le Lyme guérit après deux ou trois semaines d'antibiotiques
La maladie de Lyme, « nouvelle peste » des New-Yorkais
Plusieurs bactéries sont responsables de la maladie de Lyme ou de maladies associées
D'autres espèces du genre Borrelia en cause
Le rôle possible d'autres microbes responsables de co-infections
La tentative malheureuse de mise au point d'un vaccin
Chapitre 6 - La résistance s'organise…
Ça bouge depuis longtemps dans certains pays
Le début de la résistance française
« Coup de Schaller » sur la France
Des experts américains rebelles au « dogme » sont sanctionnés ou discrédités
Le club d'experts de l'IDSA menacé mais « au-dessus des lois »
Pourquoi les autorités de santé françaises ont-elles tant de mal à se faire une juste idée du problème ?
Première saisine du HCSP sur la prévention de la maladie de Lyme
En tant qu'expert auprès du ministère de la Santé, j'essaie de convaincre, mais mon attitude n'est pas comprise
Seconde saisine du HCSP sur le diagnostic et sur le traitement de la maladie de Lyme
Scoop aux CDC d'Atlanta. Entre août 2011 et août 2013, la maladie de Lyme devient « un problème de santé publique terrifiant »
Où en est-on ? Pourquoi une telle persévérance dans l'aveuglement ?
Chapitre 7 - Une étrange mise à l'écart de ceux qui sont à l'avant-garde des recherches sur la maladie de Lyme
Un ami de Burgdorfer, découvreur de la bactérie du Lyme, parle
L'interview choc de Willy Burgdorfer
Voyage en Norvège
Willy n'a pas tout dit ! Une raison militaire aussi bien cachée que la bactérie ?
Chapitre 8 - Mon expérience de médecin-chercheur face à la maladie de Lyme
Pourquoi je suis tombé dans la marmite du Lyme depuis le début de mon internat
Mes débuts à l'hôpital Claude-Bernard, le temple des maladies infectieuses
Ma rencontre avec le docteur Éric Dournon, pionnier français de la maladie de Lyme
Les autorités de santé anticipent la disparition « attendue » des maladies infectieuses !
La maladie des légionnaires passe à l'attaque
Éric Dournon se passionne pour la maladie de Lyme
La « fièvre coréenne hémorragique » enfin diagnostiquée en France
Des malades « lymés » non diagnostiqués, une maladie encore inconnue pour la plupart des médecins
Les premiers centres nationaux de référence pour la légionellose et la maladie de Lyme
La maladie de Lyme, alors nouvelle, et les maladies auto-immunes, réflexions sur l'origine des maladies inexpliquées
La vie d'infectiologue en dehors du Lyme
L'épidémie de VIH-sida occupe le devant de la scène. Personne ne s'intéresse à la maladie de Lyme !
L'hygiène oubliée des « hôpitaux modernes »
Arrivée à Garches en 1994 : les années sida, mycobactéries et hépatites virales
Comment la maladie de Lyme s'est incrustée dans ma carrière
La plongée dans le Lyme. Tiens ! Ce n'est pas comme dans les livres !
Découverte des premières associations de malades atteints de Lyme chronique
L'afflux de malades à Garches
Que pensent les autres médecins ?
Il existe des médecins, à l'étranger, qui croient au Lyme chronique et séronégatif
L'obsession de 99 % des médecins qui refusent la prise en charge des malades atteints de Lyme chronique est la peur de la résistance aux antibiotiques
Le recours à la médecine naturelle et son retour dans la pratique médicale
Le Ginkgo biloba
Des plantes très variées peuvent avoir un effet
Où est passée la recherche en microbiologie médicale ?
Premières tentatives de recherche sur la maladie de Lyme
« Cherche chercheur désespérément »
Il est plus rassurant pour un médecin de déclarer son malade fou plutôt que de reconnaître son ignorance au sujet de sa maladie
« Organique » et « Psychique », les deux muses des maladies chroniques
On a même pensé pendant quelque temps que le ciel m'était tombé sur la tête !
Psychosomatique ou « psychosomatoc » ?
Il faut savoir revoir les dogmes
Ni Dieu ni gène, un livre clef pour comprendre la médecine
Chapitre 9 - Les « crypto-infections »
La maladie de Lyme, des maladies apparentées, mais aussi des maladies dites « auto-immunes » seraient déclenchées et/ou entretenues par des « crypto-infections »
Mon expérience de traitement par des anti-infectieux des maladies dites « granulomateuses », la sarcoïdose et la maladie de Crohn
Ma passion pour les mycobactéries, responsables d'infections persistantes
Des mycobactéries aux maladies granulomateuses d'origine inexpliquée, la sarcoïdose et la maladie de Crohn
On pourrait soigner et même guérir certaines maladies granulomateuses par des anti-infectieux
« Mycosarc » : l'essai de traitement de la sarcoïdose par antibiotique
Des éclairages inattendus sur l'autisme, la schizophrénie et la maladie d'Alzheimer
Les coulisses de l'autisme
Nouvelles perspectives sur certains cas de schizophrénie
Des résultats de recherches troublants sur la maladie d'Alzheimer se confirment
Des manifestations très diverses dans de nombreux champs de la médecine réputée non infectieuse liées à des « crypto-infections »
Les borrélies et d'autres microbes capables de persister dans l'organisme et de jouer un rôle dans certaines maladies chroniques, inflammatoires ou dégénératives de cause mystérieuse
Une histoire familiale frappante. Les mêmes tiques donnent trois maladies chroniques différentes
Mon expérience des traitements des « crypto-infections »
Le traitement n'est pas un long fleuve tranquille
Les « herx » ou exacerbations
Quelques causes d'échec
Comment traiter les « crypto-infections » dans un contexte de « terra incognita » dû à l'absence de recherches ?
Les effets d'anti-infectieux très variés sur la maladie de Lyme, une maladie réputée purement bactérienne
La part de l'environnement et des tiques dans la genèse des « crypto-infections »
Beaucoup de maladies auto-immunes démarrent après promenade en forêt ou piqûre de tique
Heureux pachydermes
Des syndromes chroniques inexpliqués qui démarrent après des infections graves
Tout n'est pas dû aux tiques
Les multiples voies de transmission des maladies infectieuses
Liens troublants entre « crypto-infections » et certains cancers
L'effet supposé « anti-inflammatoire » de certains antibiotiques
Chapitre 10 - Quand la méthodologie médicale s'emballe et veut se substituer à la médecine
Les études avec tirage au sort, un phénomène très récent dans l'histoire de la médecine
Prendre conscience des limites des études avec tirage au sort (randomisées)
La recherche médicale avant le tirage au sort des humains malades
La culture et la médecine
Les médecins français ont perdu, par la loi, leur liberté de prescription qui fait pourtant partie intégrante de leur art
L'affaire du Mediator® et ses conséquences néfastes sur la loi qui « interdit sans interdire » de prescrire en dehors de l'autorisation de mise sur le marché (AMM)
L'AMM dépend exclusivement de l'industrie pharmaceutique
Chapitre 11 - Surmonter les contradictions des institutions de santé dont « l'affaire Lyme » est un puissant révélateur
Face aux « crypto-infections », la communauté médicale est désemparée et ne sait pas comment faire la part des pistes fiables et des hypothèses hasardeuses
Même quand on croit au Lyme chronique, le traitement n'est pas évident
En l'absence d'outils microbiologiques performants et devant le désarroi des malades, on invente des hypothèses comme la « myofasciite à macrophages »
L'avis d'un chercheur reconnu sur les maladies à tiques
Infectiologie et microbiologie : deux spécialités à part entière
Chapitre 12 - L'espoir
La prise de conscience et le rôle des médias et des politiques
La sensibilisation des journalistes et leur prise de conscience progressive
La sensibilisation du monde politique
Le chant du cygne du club Lyme de l'IDSA
Les connaissances récentes sur la maladie et le succès de certains protocoles thérapeutiques obligent à réviser les dogmes
Pistes pour le traitement : en phase d'attaque puis en phase d'entretien
Autres facteurs pouvant intervenir sur la maladie
Une « médecine fondée sur les preuves » : pour le meilleur et pour le pire
La médecine est avant tout un art humaniste
La liberté de prescrire en dehors de l'autorisation de mise sur le marché (AMM)
Tenir compte de toutes les publications scientifiques sans mettre au placard celles qui bousculent les dogmes établis
En finir avec le dénigrement des médecins minoritaires qui savent soigner et œuvrent pour le plus grand bien des malades
Améliorer la formation des médecins et l'organisation des soins
Mobiliser les industriels
Changer de paradigme en matière de recherche sur les causes des maladies et les traitements susceptibles de les prévenir ou de les guérir
Un changement de paradigmes est nécessaire pour une nouvelle approche de la médecine
Chapitre 13 - Vers une reconnaissance mondiale de la maladie de Lyme chronique
Les preuves scientifiques contrastent avec le manque de recherche clinique de qualité
L'Académie nationale de médecine
ONU et OMS : des avancées pour la classification internationale des maladies
En Europe, les professeurs de médecine impliqués sont rares
Une approche multidisciplinaire tout à fait nécessaire
La récente évolution en France
La phytothérapie, une stratégie nécessaire pour l'avenir
La vérité scientifique commence à poindre
La reconnaissance mondiale grâce à la collaboration entre les groupes qui reconnaissent l'infection persistante
Le vent tourne…
Références
Articles scientifiques référencés
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La Vérité sur la maladie de Lyme
 9782738150547

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© ODILE JACOB, 2017, SEPTEMBRE 2019 15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS www.odilejacob.fr ISBN : 978-2-7381-5054-7 Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou réproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.

À Claude Capelier, philosophe et écrivain, qui m’a encouragé lors de l’écriture de ce livre et qui, avec beaucoup de recul et d’intelligence, m’a aidé dans la rédaction et la mise en forme. À ma famille, ma femme Véronique et mes quatre filles, Lætitia, Lorraine, Aurore et Natacha, qui m’ont toujours soutenu avec tout leur amour, même si c’était difficile pour elles de voir ma passion pour mon amie Borrelia accaparer mon attention et mon temps pendant toutes ces années. Au professeur Jack Lambert, infectiologue au Lyme Resource Centre qui a permis la traduction de ce livre en anglais. Aux traducteurs pour la version anglaise, Gordana Avramovic et le docteur Georges S. Kaye.

« Ce livre est un ouvrage capital, qui met en lumière les problèmes de la maladie de Lyme qui affectent les patients dans le monde entier. » Professeur Jack LAMBERT, infectiologue, Dublin, Irlande.

Préface

L’intelligence dans sa complétude repose sur deux pivots : curiosité et scepticisme. On s’attendrait donc à ce qu’un homme de talent, porteur d’idées originales et qui, de surcroît, serait armé de la patience de Job, réussisse, s’il en a le mérite. Pas le moins du monde ! L’histoire de la médecine, de la science et, plus généralement, de la pensée et des entreprises humaines, regorge de récits qui contredisent cette affirmation : rares sont les esprits subtils, les avancées judicieuses, les pensées originales qui demeurent impunis. Le médecin William Harvey en sait quelque chose, lui, qui, au e début du XVII siècle a payé le prix fort. Dans un ouvrage révolutionnaire pour l’époque, Harvey décrivit en détail le mécanisme qui régit la circulation du sang, devenant ainsi le premier scientifique à s’opposer à des siècles d’orthodoxie qui dataient d’Aristote. Le célèbre Francis Bacon ne trouva pas mieux que de congédier son médecin en l’accusant d’hérésie. Et pour cause : Harvey avait osé remettre en question les maîtres supposés de la médecine !

e

Semmelweis au milieu du XIX siècle a connu bien pire : il est mort dans la misère, après avoir perdu la raison et la santé. Il faudra attendre plusieurs décennies avant que l’on ne découvre qu’il avait raison : la fièvre puerpérale, cause de la mort de millions de femmes en couche à travers les âges, était bel et bien provoquée par un streptocoque niché dans les mains de l’accoucheur. Si seulement l’on avait prêté attention aux propos de Semmelweis et mis en pratique les conditions d’hygiène qu’il préconisait, combien de vies aurait-on pu sauver ! C’est pitoyable. C’est une honte. Avant même d’entrer de plain-pied dans le récit du professeur Perronne, rien qu’en le survolant, ce qui nous frappe c’est la similitude entre le monde contre lequel Semmelweis livra combat et le monde actuel. On en reste pantois. On eût mieux espéré de la part de nos collègues et des scientifiques contemporains. Et, cependant, nous persistons dans notre désir de croire à un changement plus ou moins proche. Semmelweis a fait la démonstration à maintes reprises de sa thèse bien au-delà de l’intime conviction, faisant ainsi écho à une autre tragédie, l’affaire Polly-Burgdorfer-Scrimenti, qui elle aussi nous rappelle cette lutte constante entre patient, chercheur et médecin. Le récit du professeur Perronne captive notre attention à plus d’un titre, et nous le saluons pour cela. Nous le remercions pour son implication et sa persévérance dans la quête de la vérité et son rôle dans sa mise en lumière. Nous applaudissons sa sincérité, son honnêteté et son cri d’alarme. À travers son travail nous célébrons aussi les nombreuses personnes qui refusent d’être bâillonnées ou de brider leur esprit, ceux qui ont le courage de se battre pour éviter de se laisser marginaliser et qui poursuivent le long cheminement qui les mènera un jour aux réponses que nous recherchons.

1

Dr Georges S. KAYE , médecin interniste, Londres, Grande-Bretagne, cotraducteur du livre en anglais.

Préambule

Un scandale mondial, l’un des plus effarants de l’histoire de la médecine, attire aujourd’hui l’attention des médias et de l’opinion sur la maladie de Lyme. Bien qu’on en connaisse la première cause (une bactérie transmise par les tiques) et que l’on dispose de traitements efficaces pour la combattre, les autorités de santé, de concert avec une grande partie de la communauté médicale, ont longtemps refusé (et refusent encore pour une large part) de reconnaître la réalité de cette infection chronique aux conséquences parfois gravissimes pour les patients. Résultat : de très nombreux malades en grande souffrance sont laissés en errance diagnostique pendant des années et se retrouvent, le plus souvent, catalogués comme simulateurs, hypocondriaques ou fous. Plus généralement, il apparaît que des millions de patients dans le monde, atteints de pathologies dues à une infection chronique cachée, finissent par être pris en charge dans des services psychiatriques, quand ils n’en sont pas réduits à endurer les conséquences de protocoles thérapeutiques aussi lourds que vains ou d’interventions chirurgicales inappropriées !

Cette tragédie nous invite d’abord à revenir sur le vécu terrible de ces victimes abandonnées à leurs douleurs dans des parcours de soins ubuesques, mais aussi sur le courage inventif des médecins et des chercheurs qui ont su identifier la maladie, explorer ses causes, mettre au point des traitements. Au-delà, elle nous oblige à affronter la question cruciale : pourquoi un tel aveuglement collectif, de la part des experts comme des responsables politiques, et comment en sortir ? Les réponses à cette question ouvrent sur des perspectives d’une profondeur et d’une fécondité inattendues. Puisqu’il serait évidemment absurde d’imaginer une mauvaise volonté concertée des décideurs de tous les pays, c’est dans l’organisation des instances de pilotage, d’évaluation et de contrôle en matière de recherche médicale ou d’essais thérapeutiques qu’il faut chercher la cause du problème. Entreprise particulièrement délicate, au demeurant, car ces structures et les protocoles qu’elles respectent apportent par ailleurs des garanties indéniables d’objectivité, de rigueur et de prudence. On verra cependant que, par un retournement paradoxal, l’efficacité de ces méthodes a eu tendance à les transformer en dogmes, au point d’en faire un instrument d’aveuglement touchant les pathologies et les processus infectieux dont la compréhension et le traitement appellent d’autres approches ! Bref, le succès d’une certaine dimension de la science a fini par devenir un « obstacle épistémologique », au sens où l’entend Bachelard, face à l’émergence d’autres démarches innovantes ! Comment ouvrir davantage de reconnaissance à celles-ci sans perdre le bénéfice du cadrage opéré par le système actuel ? La réflexion sur ce thème sera l’occasion de mieux cerner les caractéristiques de cet ensemble de maladies mal connues, dues,

comme la maladie de Lyme, à des infections cachées, que l’on propose ici de regrouper sous le nom de « crypto-infections ».

CHAPITRE 1

Le « problème Lyme » Entre cause cachée et aveuglement collectif Les microbes accompagnent l’homme depuis la nuit des temps, pour le meilleur et pour le pire : ils contribuent intimement à nos équilibres organiques, sans compter ce que la structure et les composants de nos cellules doivent aux avatars de leur histoire évolutive ; mais la compréhension de leur rôle dans la genèse des maladies est une tâche de longue haleine qui est loin d’être achevée.

La maladie de Lyme, moment critique dans la compréhension des processus infectieux Les polémiques mondiales très dures autour de la maladie de Lyme sont l’expression de l’une des plus grandes controverses qu’ait

connues l’histoire de la médecine. Cette maladie est la conséquence de l’infection par la bactérie Borrelia burgdorferi, petite bactérie en forme de ressort, susceptible d’être transmise par diverses voies mais le plus souvent à l’occasion de piqûres de tiques qui en sont porteuses. La quantité colossale de publications qui lui sont consacrées reflète l’intensité des débats dont elle fait l’objet et le caractère crucial des enjeux, tant scientifiques que thérapeutiques, auxquels ils se rattachent. La maladie de Lyme se trouve, en effet, au carrefour de grandes approches complémentaires touchant le développement des découvertes médicales. D’un côté, malgré le grand nombre de patients qui sont atteints de sa forme chronique et dont les symptômes, aussi bien que la réaction aux médicaments, ne peuvent s’interpréter par un autre diagnostic, elle tend étrangement à échapper aux « radars » des institutions et des méthodes pourtant mises en place pour mieux assurer l’objectivité dans l’identification des maladies, de leurs causes et de leur traitement efficace. D’un autre côté, la déroutante variété des troubles qu’elle est capable d’engendrer et la diversité des protocoles thérapeutiques propres à la soigner ne peuvent recevoir une explication satisfaisante sans faire appel à des facteurs que des observations incontestables ont certes mis en évidence mais dont nous n’avons encore qu’une connaissance incomplète. À commencer par cette propriété qu’ont les Borreliae de pouvoir changer de forme et de moduler la biochimie de leurs récepteurs, ce qui leur permet de rester « cachées » de longs mois dans des tissus, soustraites aux repérages chimiques du système immunitaire, inaccessibles aux antibiotiques. Mentionnons encore les coinfections, où l’interaction de deux ou plusieurs agents infectieux peut engendrer des pathologies aussi difficiles à caractériser

clairement qu’il est malaisé de définir la nature précise de leur cause synergique. À s’en tenir, cependant, au plus simple et au plus évident, le dissensus autour de la maladie de Lyme et des pathologies associées paraît découler d’abord du fait que des tests diagnostiques fiables n’ont jamais été mis au point. Si les malades se voient baladés de diagnostic en diagnostic et de traitement en traitement, au gré des centres d’intérêt des spécialistes qu’ils consultent sans profit, c’est, initialement du moins, parce que les tests utilisés en routine échouent trop souvent à identifier la bactérie responsable. Faute de recherches, nous ne disposons pas aujourd’hui, face à beaucoup de maladies chroniques inflammatoires ou dégénératives, de tests diagnostiques plus performants que ceux de l’ère pastorienne pour identifier les éventuels microbes cachés en cause. S’agissant de la maladie de Lyme, les publications scientifiques ne manquent pas qui dénoncent la mauvaise sensibilité des tests sérologiques, Elisa et Western blot (immuno-empreinte), les seuls, pourtant, auxquels les médecins sont autorisés à recourir. Comme s’il fallait encore ajouter à la confusion, il leur est interdit de prescrire, dans un certain nombre de pays dont la France, un Western blot, réputé plus performant, si le patient ne s’est pas d’abord révélé positif à l’Elisa, dont on sait pourtant qu’il est le moins fiable des deux ! Si incroyable que cela puisse paraître, la sérologie des tests Elisa a d’ailleurs été calibrée délibérément pour que la maladie de Lyme reste officiellement une maladie rare : elle a été établie sur des personnes en bonne santé (des donneurs de sang), avec un verrouillage fixé a priori, imposant que le test ne dépiste pas plus de 5 % de malades dans la population générale. Les exemples ne

manquent pas de patients déclarés négatifs au test dans la région de Strasbourg (où l’incidence de la maladie de Lyme est élevée) qui se retrouvent positifs à Paris (moins touché par l’épidémie) ! De surcroît, ces tests ont été conçus pour détecter spécifiquement la première bactérie identifiée comme cause de la maladie de Lyme, Borrelia burgdorferi. Même si, dans leurs versions récentes, ils réagissent à quelques autres souches, ils demeurent insensibles au grand nombre de variantes régionales que présentent les espèces de ce genre de bactéries dont on découvre régulièrement de nouveaux spécimens. Le manque d’investissement et de préoccupation du sort des malades est tel que les vétérinaires disposent aujourd’hui de tests plus nombreux et plus performants que ceux auxquels la médecine peut recourir pour les humains. C’est que les éleveurs, eux, ont un intérêt économique direct à maintenir leur bétail en bonne santé ! Mais le compte éthique, lui, n’y est manifestement pas ! Bien que les changements de forme et la persistance des Borreliae dans les cellules et tissus des malades, même après plusieurs mois d’antibiotiques, aient été prouvés par d’autres méthodes, des millions de patients dans le monde errent donc avec des signes chroniques sans diagnostic précis. On ne s’étonnera pas, dans ces conditions, que les maux dont ils souffrent fassent souvent l’objet d’interprétations erronées sur la base desquelles on les engage dans des protocoles thérapeutiques lourds, inutiles au mieux, parfois dramatiquement nuisibles. Bref, nous sommes face à une maladie dont les causes, souvent plurielles, ne sont qu’en partie élucidées, et dont les manifestations pathologiques peuvent être extrêmement diverses (troubles neurologiques ou articulaires, atteintes organiques, maladies autoimmunes, etc.) : force est de reconnaître qu’elle est assez loin de

l’archétype (une cause bien identifiée, un tableau de signes cliniques canoniques aisément objectivables, un protocole thérapeutique validé) auquel aspirent (on les comprend) les institutions chargées de contrôler la recherche et la pratique médicales. Il n’en reste pas moins que l’on dispose de suffisamment de données avérées et convergentes, de modèles interprétatifs fondés sur des connaissances solides, pour proposer une explication convaincante de l’efficacité manifeste de certains traitements sur les formes chroniques de la maladie de Lyme. L’administration d’antibiotiques appropriés (qu’il faut parfois changer pour répondre aux modifications de forme et de fonctions de la bactérie), associée notamment à d’autres anti-infectieux (ou en alternance avec eux), guérit ou améliore considérablement l’état d’une grande majorité de patients, souvent atteints de pathologies lourdement handicapantes, et leur permet de reprendre une vie active normale.

Lubies médicales ou folie des patients ? Dès lors que l’on sait désormais diagnostiquer et soigner avec succès une maladie de Lyme chronique (un traitement d’épreuve permet, le cas échéant, de lever un éventuel doute), comment comprendre qu’une grande partie des institutions et des acteurs de la recherche médicale persistent, dans de nombreux pays, à nier jusqu’à l’existence de cette maladie ? Pourquoi en viennent-ils même à abandonner les malades à leurs maux en les accusant de n’être que des affabulateurs, voire à réclamer que les médecins qui s’efforcent de les soigner soient privés du droit d’exercer ? Quel motif peut les pousser à continuer d’imposer le règne de tests

sérologiques notoirement insuffisants et à marginaliser autant que possible les projets de recherche en ce domaine ? Le simple fait que l’on soit conduit à poser de telles questions illustre le degré d’aveuglement, de fantasmes et de violence auquel on en est arrivé, au détriment des patients. Cela paraît tellement déconcertant qu’il devient indispensable, à ce stade, de donner au lecteur une rapide vue d’ensemble sur l’engrenage infernal de choix successifs, apparemment raisonnables au départ, qui a engendré cette situation. Je reviendrai plus en détail, par la suite, sur les principaux épisodes de cette histoire, les conflits touchant l’approche de la maladie de Lyme et des « crypto-infections » en général, la réflexion sur les pistes propres à soigner ce type de pathologies et à rompre le cercle vicieux dans lequel s’est enfermée la communauté des acteurs du système de santé au détriment d’une certaine catégorie de malades. Mais les enjeux apparaîtront mieux si l’on a préalablement pris conscience de l’accumulation progressive de dérives qui ont fini par laisser les patients atteints de la maladie de Lyme démunis face à un système de santé plus attaché à défendre ses rituels qu’au souci de leur venir en aide. Sous la pression d’une malade qui, devant l’indifférence des médecins persuadés d’être en présence d’une hypocondriaque, avait réussi à identifier et à documenter un nombre croissant de cas semblables au sien dans la ville américaine d’Old Lyme, le premier spécialiste amené à conduire une étude suivie sur cette mystérieuse pathologie crut, en tant que rhumatologue, pouvoir identifier une arthrite inflammatoire de Lyme. C’était selon lui une maladie tout à fait spécifique et nouvelle, dont il excluait péremptoirement qu’elle pût avoir une origine infectieuse, pourtant suggérée par d’autres auteurs. Malgré son obstination à soutenir cette thèse, il dut finalement y renoncer quand il devint évident que l’on avait

découvert la bactérie responsable. Mais l’aveuglement à la réalité de la maladie allait simplement se déplacer, en même temps qu’il allait se répandre au sein des institutions de santé. D’abord, on l’a vu, il a été favorisé par la décision de calibrer les tests sérologiques pour que la maladie apparaisse comme rare, quitte à faire interdire d’autres tests plus sensibles, sous prétexte qu’ils étaient trop souvent… positifs ! Ensuite, il a été renforcé par l’affirmation a priori qu’une cure d’antibiotiques relativement brève suffisait à assurer une guérison définitive, ce qui avait pour corollaire la conviction arrêtée qu’il était impossible qu’il y eût de quelconques formes chroniques du Lyme. Enfin, quand il fallut se rendre à l’évidence et reconnaître que des symptômes graves subsistaient chez nombre de patients prétendument « guéris », on inventa un supposé « syndrome postLyme » qui, s’il n’expliquait rien et n’entraînait aucune thérapeutique efficace, permettait au moins de s’en tenir au dogme ! La défense de cette position pousse nécessairement à discréditer autant que possible les confrères qui prennent en charge les patients atteints de Lyme chronique, à nier le succès pourtant spectaculaire de certains protocoles thérapeutiques, quitte à l’attribuer à une étonnante multiplication de « guérisons spontanées ». Soit dit en passant, « guérir spontanément » d’une maladie qui n’existe pas est une idée qui aurait sans doute plu aux surréalistes ; il est vrai qu’André Breton avait une formation de médecin ! On imagine sans peine que les responsables des politiques de santé, les gestionnaires des organismes publics de sécurité sociale, les managers de mutuelles ou d’assurances privées, fussent-ils animés des meilleures intentions du monde, sont, pour des raisons budgétaires évidentes, plus enclins à défendre le statu quo qu’à soutenir l’introduction de cures d’antibiotiques longues, assorties d’autres anti-infectieux et d’examens divers ! C’est pourtant un calcul

à courte vue, quand on sait que les souffrances des patients privés de soins appropriés les conduisent inévitablement à errer de services en services où, de diagnostics erronés en traitements inopérants, ils finissent, si j’ose dire, par coûter plus cher que si on les avait guéris ! On découvrira, dans ces pages, les histoires pathétiques de malades dont la vie a été brisée, non seulement par leurs douleurs persistantes, mais aussi par la cruauté avec laquelle on les a mis au chômage en les accusant de paresser cyniquement alors que, comme ce bûcheron alsacien évoqué plus bas, ils étaient clairement victimes d’une maladie professionnelle (il va sans dire que nul n’est plus exposé aux piqûres de tiques que les bûcherons). Il existe une stupéfiante persévérance dans les dénis successifs. Déni de la maladie, des nombreux témoignages indiquant son ancienneté et, surtout, de la souffrance des malades. Déni de l’insuffisance des tests et des traitements recommandés. Déni de l’efficacité des protocoles thérapeutiques auxquels ont recours les médecins qui croient aux « crypto-infections » et les soignent. Je les appellerai les « crypto-infectiologues » qui prennent au sérieux le caractère chronique que peut prendre la maladie de Lyme. Déni des contradictions patentes dans lesquelles s’enferment les autorités officielles, par exemple quand elles interdisent que l’on soumette au test le plus sensible ceux qui sont négatifs à celui qui est reconnu comme moins fiable ! Déni, encore, de la nécessité de mettre au point des tests plus efficients, réactifs à la diversité des souches et des formes bactériennes en cause. Refus, enfin, de soutenir des recherches mieux ciblées pour valider (ou invalider) les hypothèses les plus vraisemblables sur les causes précises ou les mécanismes de la maladie comme sur les modèles thérapeutiques les plus prometteurs.

La théorie de la « génération spontanée » des maladies n’est pas morte e

Les chercheurs du XIX siècle, avec Louis Pasteur en France et Robert Koch en Allemagne notamment, ont fait faire un bond en avant à la connaissance en tordant le cou à la théorie de la « génération spontanée », selon laquelle des organismes pouvaient se former « spontanément » à partir de fragments de matière inanimée. Ce dogme, qui impliquait que les maladies surviennent toutes seules du néant ou tombent du ciel, avait le plein soutien de l’Église, pour des raisons semblables à celles qui l’avaient portée à soutenir l’idée que la Terre était plate et que c’était le Soleil qui tournait autour de nous : la maladie infectieuse apparaissait ainsi e comme un châtiment divin. Ces savants du XIX siècle ont découvert la véritable cause infectieuse de nombreuses maladies en identifiant les microbes responsables. Ces avancées ont été rendues possibles par les progrès de la technique (microscopes, méthodes de coloration, mise au point de milieux de culture, développement de l’expérimentation animale, etc.). Mais la théorie de la génération spontanée, que l’on croyait définitivement enterrée depuis cette époque glorieuse, a la vie plus dure qu’on ne l’imaginait et ne cesse de ressusciter, sous des travestissements divers qui lui donnent un petit air moderne, notamment dans le discours médical dominant touchant les très nombreuses maladies chroniques inflammatoires, auto-immunes ou dégénératives dont on ne connaît toujours pas l’origine. Quand on ignore la cause d’une maladie, on dit qu’elle est « idiopathique ». C’est un mot d’origine grecque qui fait chic aussi bien que savant et signifie qu’il s’agit d’une pathologie singulière dont les causes sont particulières aux caractères propres des interactions qui induisent

son apparition : manière élégante, amphigourique ou hypocrite, comme on voudra, de dire que l’on n’y comprend rien ! Ce terme obscur permet tout simplement de masquer l’ignorance des médecins. C’est par là que l’on rejoint la théorie de la génération spontanée. Pasteur a été l’objet de quolibets dans le meilleur des cas, et souvent d’attaques violentes de la part d’éminents scientifiques quand il a osé affirmer que les microbes étaient à l’origine de nombreuses maladies. Pour ma part, j’ai toujours enseigné à mes étudiants que les maladies « idiopathiques » étaient les maladies des « idiots » (les experts, non les malades !) et que l’engouement pour ce terme reflétait l’ignorance actuelle sur beaucoup de mécanismes de maladies. Cette incompréhension de l’origine de nombreuses maladies est un terreau sur lequel fleurissent un tas de théories fumeuses, la plus à la mode aujourd’hui consistant à attribuer leur origine aux vaccins. Manque de chance, les témoignages abondent que lesdites maladies existaient bien avant les vaccins !

La « disparition programmée des maladies infectieuses » : une illusion lyrique Après la Seconde Guerre mondiale, y compris au plus haut niveau politique, la disparition des maladies infectieuses était programmée. Elles allaient disparaître rapidement en cédant devant la toute-puissance de l’homme et de la science moderne. Les progrès de l’hygiène et de l’alimentation, la vaccination et les antibiotiques allaient rapidement balayer les microbes, ces intrus dignes du Moyen Âge. Le seul petit oubli, c’est que la planète est un énorme ballon rempli de microbes qui sont à l’origine même de la vie

et que notre propre organisme contient plus de cellules microbiennes que de cellules humaines. C’est un tout petit détail mais la vie est infectieuse ou n’est pas ! Les grands instituts de recherche ont ainsi abandonné des pans entiers de l’exploration en microbiologie et en infectiologie pour se tourner vers des sciences plus « nobles » comme l’immunologie et la génétique. Il est évident que les mécanismes étudiés par ces deux dernières disciplines jouent un rôle majeur dans les processus générateurs de nombreuses maladies, mais celles-ci ne surviendraient pas sans la troisième composante indispensable, les microbes qui apportent du matériel génétique étranger à l’organisme pour venir y semer la pagaille. Pourtant un célèbre pastorien, prix Nobel de surcroît, Charles Nicolle, avait, dans les années 1920, brillamment montré que des maladies chroniques pouvaient être liées à ce qu’il appela des « infections inapparentes », ce qui a été traduit en anglais par occult infections, les infections occultes. Nombre de processus responsables du développement de maladies mal comprises pouvaient être dus à ces microbes inapparents, cachés dans nos cellules et nos organes : il lui semblait raisonnable de s’attendre à d’importantes découvertes sur ce point dans un futur relativement proche. Sa vision grandiose est hélas largement tombée dans l’oubli, sauf chez quelques pionniers comme Paul Giroud de l’Institut Pasteur qui avait été son préparateur et le Belge Jean-Baptiste Jadin. Sa fille, Cécile Jadin, m’a récemment transmis une photo des plaques en marbre apposées devant l’Institut Pasteur de Tunis où œuvrait Charles Nicolle. On note, entre autres, sur les panneaux commémoratifs décrivant les activités des laboratoires de l’Institut : « Typhus exanthématique, Fièvre boutonneuse, Fièvres récurrentes

(Évolution du spirille chez le pou, Fièvres à tiques), Maladies inapparentes… ». Tout est déjà préfiguré là en quelques mots ! Wilhelm Burgdorfer, alias Willy, d’origine suisse alémanique, est le découvreur de la bactérie responsable de la maladie de Lyme, à laquelle on a donné son nom Borrelia burgdorferi. Burgdorfer connaissait parfaitement les travaux de Charles Nicolle et était un partisan convaincu de ses théories. Il avait une connaissance approfondie des différentes espèces de borrélies et était acquis à la cause des infections inapparentes. Il avait d’ailleurs publié dans les années 1950 sur ces « infections occultes ». Ayant émigré aux États-Unis, il fut naturalisé américain. C’est au début des années 1980 qu’il découvrit la bactérie qui porte aujourd’hui son nom. Ce fut, à tous égards, un chercheur d’exception, par sa puissance d’analyse, sa curiosité hors du commun, mais aussi par l’originalité de ses intérêts scientifiques. Ce dernier trait était la marque d’une indépendance d’esprit d’autant plus remarquable que, pour les raisons évoquées à l’instant, l’immense majorité des chercheurs dans le monde entier ont préféré, depuis la Seconde Guerre mondiale, abandonner le domaine de la microbiologie et de l’infectiologie considéré comme dépassé et non rentable.

Tiques, éthique, antibiotiques et politique Dans cette affaire de tiques, l’éthique est malmenée. Il existe, on l’a vu, un déni ahurissant sur les maladies transmises à l’homme par les tiques, dont la maladie de Lyme. De surcroît, l’éclosion des polémiques sur le Lyme se heurte de plein fouet à la guerre mondiale déclarée non pas contre les microbes mais contre les antibiotiques. Aujourd’hui, un médecin branché doit être « anti-

antibiotique ». Or on sait qu’avec les vaccins les antibiotiques sont l’une des premières causes de l’augmentation spectaculaire de la population mondiale et de l’allongement de la vie. En comparaison, la réanimation médicale apporte une contribution beaucoup plus légère. « Être antibiotique ou anti-antibiotique, telle est la question ! » Celle, en tout cas, de nos Hamlet médicaux. C’est bien d’être « anti » mais contre quoi ? Contre les malades non diagnostiqués, non traités, laissés à l’abandon ? Ce point de la polémique est crucial car tout médecin doit se préoccuper d’épargner les antibiotiques existants en évitant d’en abuser ou de mal les utiliser, au risque de contribuer à augmenter la résistance des bactéries à ces médicaments merveilleux. Malheureusement, le débat extrémiste actuel a fait fuir l’industrie pharmaceutique qui ne développe pratiquement plus de nouveaux antibiotiques ! Une publicité « anti-antibiotique » célèbre a circulé au sein du groupe des hôpitaux publics parisiens, Assistance publique-Hôpitaux de Paris. On y voit un médecin grimpé dans un arbre qui scie la branche sur laquelle il est assis. Le message est clair : s’il continue à prescrire trop d’antibiotiques il court à la catastrophe. On peut avoir aussi la vision qu’à force de dénigrer les antibiotiques et d’empêcher leur utilisation on va voir réapparaître certaines infections quasi disparues et surtout voir se tarir pour très longtemps la recherche sur cette classe de médicaments indispensables. Pourtant, des milliers de molécules aux propriétés antibiotiques ou plus généralement anti-infectieuses sont rangées dans les armoires des firmes pharmaceutiques, faute de volonté de les développer. Au demeurant, l’expérience de nombreux médecins, confirmée par certaines publications, donne de bonnes raisons de penser que des produits non antibiotiques peuvent être efficaces dans la phase d’entretien du traitement d’une maladie de Lyme chronique et des

maladies associées. Il y a donc des solutions envisageables pour sortir de cette opposition frontale entre clans, surtout si l’on pouvait un jour développer la recherche dans ce domaine. C’est peut-être un rêve, car jusqu’à présent cette maladie est bien l’une des rares pour laquelle aucune recherche sérieuse n’a été financée depuis trente ans. Hélas, si les politiques et les responsables du système de santé continuent de « faire l’autruche » comme ils n’ont cessé de s’y employer tout au long de la saga de la maladie de Lyme, la science et les malades en pâtiront et cela ne pourra qu’aggraver la catastrophe sanitaire de type pandémique qui s’annonce. C’est d’autant plus dommage que les « infections inapparentes » existaient bien avant ce déni de la maladie de Lyme. Les polémiques ont malheureusement installé une omerta durable stérilisant toute recherche et bloquant ainsi tout progrès. De base, à l’état naturel, l’infection est déjà cachée, mais en plus les experts chargés de rédiger des recommandations sur la maladie de Lyme cachent beaucoup d’informations ou essaient de discréditer celles qui ont échappé à leur censure. Après des décennies de déni, on observe petit à petit une prise de conscience politique dans de nombreux pays. Il faut remercier les hommes et les femmes politiques courageux qui œuvrent au plus haut niveau pour essayer de sortir de la crise. Les autorités de santé n’ont pas le droit de botter en touche en se présentant comme au-dessus de la mêlée, renvoyant le débat à une querelle d’experts ou aux sociétés savantes qui ne se sont jamais intéressées au problème. Il y a urgence. La responsabilité politique est pleine et entière. J’ai apprécié la dédicace de Mathieu Foucaut dans son livre Lyme, mon combat pour la vie : « À l’État qui ne me sauve pas la vie », ainsi que la dernière phrase de son avantpropos comparant la situation actuelle de la pandémie de Lyme à la

situation initiale de l’épidémie de sida, longtemps restée, elle aussi, dans le déni : « Une épidémie de ce degré de gravité ne doit pas recommencer. Pas de la façon dont les malades l’ont vécue, c’est-àdire dans l’incompréhension, la souffrance, la dureté, l’abandon, la solitude, le rejet et la lâcheté. Qu’on ne vive plus jamais ça ! »

Le concept de « crypto-infections », chaînon manquant entre Pasteur et Freud Pasteur et Freud ont étudié ces maladies inexpliquées dans des perspectives radicalement opposées ! Pourtant, leurs approches sont complémentaires à plus d’un titre. Chez Freud, l’économie psychique, qui régule le jeu des pulsions et de la symbolique inconsciente, gère une énergie dont l’une des sources est biologique et donc susceptible d’être modulée par l’état organique du sujet. Réciproquement, Freud était également ouvert à l’idée qu’il était vraisemblable que l’on découvrirait un jour les médiateurs biochimiques par lesquels les conflits psychiques entraînent des troubles psychosomatiques ou des maladies organiques stricto sensu. Cela ouvre un champ pour des interactions réciproques entre les processus infectieux « pastoriens » induits par les microbes et les manifestations de la vie psychique. Or, s’agissant des « infections inapparentes » chroniques, il apparaît qu’elles sont à la base de vraies maladies organiques avec leurs microbes persistants, mais pour lesquelles le psychisme peut moduler l’évolution des symptômes. On en a la preuve de temps en temps quand un malade, guéri de la maladie de Lyme chronique, rechute dans les deux semaines qui suivent un grand stress.

Les malades atteints de Lyme chronique se trouvent, à certains égards, dans un no man’s land entre la microbiologie et la psychanalyse. Les outils microbiologiques hérités de l’école de Louis Pasteur ont leurs limites et ne dépistent pas les microbes cachés dans nos cellules ou nos tissus. D’un autre côté, ces malades qui se plaignent en permanence sans que l’on retrouve de cause objective à leurs maux font l’objet de nombreuses théories psychanalytiques. Il faut bien admettre que c’est un énorme « marché » pour les psychiatres et les psychanalystes, car l’essentiel de la plainte des malades est subjectif, c’est-à-dire non prouvé par l’examen du médecin. Quand on ne comprend pas, il est bien connu que tout est dans la tête. Difficile, dans la sphère médicale, d’échapper à l’équivalence : « plaintes subjectives = pathologie dite fonctionnelle = hystérie ou hypocondrie ». Dans le monde entier, des millions de gens souffrant de maladies chroniques se retrouvent ainsi pris en charge en psychiatrie. Récemment, un professeur de psychiatrie connu d’un grand centre hospitalo-universitaire (CHU) parisien m’a appelé pour me faire part de son désarroi : ses collègues internistes et rhumatologues du CHU passaient leur temps à lui envoyer des « fous » qui se disaient atteints par la maladie de Lyme ! Il s’en indignait car, pour lui, tous ces malades n’étaient pas fous du tout, mais avaient bel et bien un problème organique que lui-même ne s’expliquait pas. Je l’ai félicité de sa démarche, en ajoutant, sur le ton de la plaisanterie, que nous pouvions aussi nous féliciter qu’il ne soit pas, lui, un « psychiatre fou » ! Je remarque que, depuis peu, de plus en plus de psychiatres commencent à réagir dans ce sens. Excellente nouvelle pour les malades. Les difficultés diagnostiques touchent d’autres maladies que le Lyme. De fait, beaucoup de maladies « idiopathiques » ont une

cause infectieuse méconnue. Or, à l’heure actuelle, la maladie « star » des contestataires du système est la maladie de Lyme, du fait de sa fréquence et de son extension. Son « succès médiatique » est tel que, faute de données scientifiques probantes, certains voudraient mettre sur le dos de cette maladie toutes les misères de la terre. Comme Cécile Jadin, je pense qu’il serait préférable d’abandonner le nom de « maladie de Lyme », qui focalise l’attention sur une seule bactérie, celle que l’on a d’abord identifiée chez les malades de la ville d’Old Lyme aux États-Unis. C’est l’arbre qui cache la forêt. Il faudrait parler de « borrélioses » en tenant compte des multiples espèces de Borreliae qui donnent des maladies chroniques chez l’homme. Et, bien entendu, faire la part des innombrables co-infections connues ou que l’on va découvrir dans le futur. Les publications scientifiques montrent que de nombreux processus inflammatoires ou dégénératifs peuvent être dus à d’autres microbes (borrélies autres que Borrelia burgdorferi, bactéries d’autres genres, parasites, champignons, virus). Il faut pouvoir explorer des phénomènes aigus, subaigus ou chroniques, des infections vectorielles (à tiques ou autres vecteurs), mais aussi des infections transmises par d’autres voies. Il faut tenir compte des infections actives mais aussi des formes latentes qui peuvent se réveiller plus tard. Beaucoup de termes ont été proposés : « infections inapparentes » ; « infections occultes », en anglais occult infections ou stealth infections ; « infections cachées » ; « infections froides » ; « syndromes postpiqûre de tique (SPPT) » ; « syndrome polyorganique lié aux tiques (SPOT) », appelé en anglais « tick-associated poly-organic syndrome (TAPOS) » ; « syndrome polyorganique chronique (SPOC) » ; « syndrome

infectieux multisystémique (SIMS), en anglais « multiple systemic infectious disease syndrome (MSIDS) », etc. Dans l’héritage historique et scientifique de Charles Nicolle, je propose le terme de « crypto-infections », ou infections cachées, qui a l’avantage d’être court, identique en français et en anglais, tout en étant susceptible de couvrir un large éventail de cas, gage d’une approche large et ouverte de la thématique.

CHAPITRE 2

Des millions de malades en grande souffrance sans diagnostic précis, faute d’outils diagnostiques fiables

Des témoignages bouleversants de patients, soignés après des années d’errance Parmi ces maladies mal connues, la maladie de Lyme, essentiellement transmise par les tiques, est donc au premier plan. Elle se présente souvent, on l’a vu, avec une majorité de signes subjectifs, c’est-à-dire non visibles et uniquement ressentis par le patient. La médecine moderne soignant en priorité sur la base des résultats de scanners ou d’examens biologiques plutôt que d’écouter la souffrance des malades, on débouche sur une épidémie de « maladie imaginaire »… décrétée telle par l’imaginaire des seuls médecins mais qui détruit totalement la vie de millions de personnes avec un retentissement profond sur leur entourage !

On a trop pris Molière au premier degré, lui-même gravement malade quand il écrivit Le Malade imaginaire : chacun sait qu’il a fait une complication hémorragique de la tuberculose alors qu’il jouait le personnage au théâtre ! C’était lors de la quatrième représentation, à la phase finale de la pièce. Il est mort peu de temps après la chute du rideau. Si Molière se moquait des « malades imaginaires », c’était justement pour leur obsession à prétendre endurer des maux inexistants et en épinglant la jouissance qu’ils éprouvaient à se soumettre aveuglément aux prescriptions saugrenues de médecins aussi ignares que prétentieux mais habiles à exploiter leur délire. En fait, il ne connaissait que trop les souffrances d’une vraie maladie. Il était bien placé, hélas, pour percer à jour l’incompétence des médecins qui ignoraient tout des causes du mal mais qui proposaient quand même, pour faire savants, force traitements inutiles. Molière se serait régalé à la lecture de la saga de la maladie de Lyme ! Il aurait aussi été horrifié. Depuis le début de ma carrière médicale, j’ai appris progressivement à soigner et même à guérir un nombre considérable de ces « malades imaginairement imaginaires » souffrant de « crypto-infections » vraisemblables, en grande détresse physique et psychique. En médecine, il m’a toujours paru évident qu’un malade connaît mieux son corps et ce qu’il en ressent que son médecin. De quel droit tant de médecins ignares déclarent-ils avec aplomb à leur malade : « Les symptômes que vous me décrivez sont impossibles ! » Certains médecins devraient relire Le Petit Prince de SaintExupéry et ces paroles que l’auteur prête au renard : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »

Qu’en pensent les patients ?

C’est le moment, je crois, de citer deux courts extraits des centaines de lettres que je reçois chaque année, choisis parmi bien d’autres qui vont dans le même sens : rien n’est plus parlant ni plus émouvant que ces témoignages directs. Ils nous interpellent, ils nous obligent : quoi que l’on pense des causes et des traitements possibles de la maladie de Lyme, on comprend, à les lire, qu’il serait indigne de laisser tomber les patients victimes de cette pathologie. « Ce n’est pas de m’avoir pris pour un fou qui est outrageant car le fou doit être aussi respecté dans sa dimension humaine ; non, c’est de ne pas m’avoir pris pour ce que je suis qui est si offensant et dès lors passer à côté de la véritable cause qui me rongeait depuis si longtemps. On se sent dépossédé de notre souffrance, de notre histoire par l’emprise des techniques d’analyses qui deviennent les seuls juges à décider de nos vies. […] Oui, j’ai voulu mettre fin à mes jours pour échapper à l’infamie que vous font porter les médecins en vous marquant au fer rouge du malade imaginaire aux douleurs fantasmées et de la culpabilité qui en découle. […] J’ai pensé mettre fin à mes jours, non parce que je n’aimais plus la vie, que je ne désirais plus parcourir les montagnes de l’Indoukouch de mes amis afghans, que je n’appréciais plus les ciels parsemés de cirrocumulus éclatants de beauté au soleil couchant, que je n’aimais plus lire Cioran, Rousseau ou Dumas. Non, j’ai voulu mettre fin à mes jours seulement pour échapper à mes douleurs. » « Bonjour professeur, Je suis le frère d’un de vos patients que vous avez aidé à lutter contre la maladie de Lyme.

Je tiens à vous remercier du fond du cœur et au nom de toute notre famille pour votre travail. Je ne parlerai pas du travail remarquable pour la partie purement traitement médical que vous avez fait, car même si je me suis bien évidemment beaucoup renseigné, je n’ai pas la prétention de pouvoir dire quoi que ce soit à ce sujet. Pour moi il y a deux points majeurs sur lesquels, et de manière purement factuelle, on ne peut nier votre succès : – le résultat médical, – le résultat sur le moral… l’un et l’autre étant certainement liés d’ailleurs. Le résultat médical tout d’abord est spectaculaire, car après des années de descente aux enfers physique, mon frère a vécu une véritable renaissance grâce à vous. Tout n’est pas parfait bien évidemment mais de toute façon dans ces pathologies lourdes on ne récupère jamais réellement totalement ; mais il peut vivre désormais normalement et c’est bien l’essentiel quand on est arrivé aussi bas. C’est avec un immense plaisir que j’ai pu partager de nouveau des moments avec mon frère sur un terrain de tennis ou lors de randonnées en Corse. Merci, ça n’a pas de prix […]. Mon frère est également mon meilleur ami, et à ce titre vous m’avez rendu les deux grâce à votre persévérance et vos connaissances sur cette maladie complexe. Vous l’avez rendu également à ses deux filles et à son épouse qui perdait espoir. » Dans d’autres cas, le refus de reconnaître la maladie devient une excuse commode pour ne pas rembourser les soins ! Ainsi de cet agriculteur de la Loire dans la force de l’âge, souffrant d’un énorme

problème de faiblesse musculaire et de complications neurologiques variées. Il se voit convoqué par un médecin de la Mutualité sociale agricole (MSA), lequel refuse le diagnostic de maladie de Lyme sous prétexte que la sérologie est négative et n’hésite pas à évoquer une sclérose en plaques malgré l’absence de confirmation de ce diagnostic par les neurologues du CHU où ce patient a pourtant été hospitalisé de nombreuses fois. Le malade est très handicapé mais personne ne le prend au sérieux. Sa femme témoigne : « Il va comme un petit vieux. On fait la traversée du désert. Il s’accroche à ses vaches, au sens figuré, mais aussi au sens propre. Il constate que son état se dégrade quand il ne prend plus d’antibiotique… » Beaucoup de malades se plaignent des multiples obstacles que l’on oppose à leur demande de soins et qui ajoutent leur poids à la lourdeur des symptômes : « À 45 ans, j’ai maintenant une vie de retraitée avec : kiné, assistante sociale, démarches administratives et recours, photocopies, soins quotidiens par infirmière à domicile, hospitalisations, rendez-vous médicaux, etc. Un boulot à temps plein ! Mais quel long parcours… J’ai déconcerté de nombreux médecins. Une inflation d’examens divers et variés, qui m’ont été reprochés plus tard. De multiples fausses pistes. Décidément je ne rentre pas dans les cases… Le centre antidouleur du CHU m’a mise dehors : “Madame, on ne peut plus rien pour vous, vous souffrirez toute votre vie, c’est comme ça, au revoir.” En attendant, “Rions un peu en attendant la mort” comme disait Pierre Desproges. » Certains ne peuvent plus refréner leur colère :

« Que les médecins qui se sont refusés à me soigner et qui ont choisi les provocations, qui m’ont ridiculisé, qui ont choisi la dispute et l’ignorance, qui ont même lancé des insultes envers des confrères, des accusations et dénonciations calomnieuses arrivent enfin à réaliser qu’ils ont affreusement failli à leur profession et le regrettent sincèrement… »

Rares sont les malades influents qui osent « avouer » qu’ils ont le Lyme Malheureusement, aujourd’hui, révéler en public son diagnostic de Lyme chronique n’est pas encore chose courante. Alors que la révélation par des personnalités de leur séropositivité pour le VIH, virus responsable du sida, est maintenant devenue assez fréquente, très peu de personnes guéries d’un Lyme chronique osent en parler. La maladie a encore une connotation très « psy » et mes anciens malades ont peur pour leur travail, craignant qu’on leur enlève leur poste de responsabilité. Je soigne quelques rares personnes du show-biz, et une chanteuse m’a dit qu’il était hors de question que « ça se sache », faute de quoi les primes d’assurance pour ses spectacles allaient grimper en flèche. Quand, en juin 2015, Avril Lavigne, la compositrice et chanteuse canadienne, a révélé au monde entier, en éclatant en larmes devant les caméras de télévision, qu’elle souffrait d’une maladie de Lyme chronique et qu’elle avait vécu l’enfer du déni médical, elle a fait preuve d’un immense courage. Souhaitons que cette révélation soit une aide pour beaucoup de malades à travers le monde, en butte à l’indifférence suspicieuse de tant de médecins. Les souffrances occasionnées par la maladie de Lyme du top model Bella Hadid et de sa maman Yolanda ont aussi touché le grand public.

La maladie de Lyme touche tous les milieux sociaux et professionnels. Il n’y a pas que des chasseurs, agriculteurs et randonneurs qui en soient atteints, il y a aussi beaucoup de citadins en contact régulier avec la nature ou les animaux domestiques. La maladie de Lyme pour un agriculteur qui n’a plus la force de se lever pour labourer ses champs ou s’occuper de ses animaux, c’est une catastrophe pour lui-même, mais aussi pour toute la ferme, surtout quand les experts de l’assurance-maladie le rangent dans la case « fainéant imposteur » ! À la souffrance physique, à la détresse de sa famille qui voit les ressources de la ferme péricliter, s’ajoutent la colère, l’amertume et la honte d’être considéré comme un « malade imaginaire ». Toutes les dimensions de l’existence sont atteintes et semblent se liguer pour vous pousser au désespoir, voire au suicide, ce qui arrive malheureusement régulièrement d’après les témoignages de mes malades venant de la campagne. La détresse peut être aussi majeure pour certains de mes malades ayant un métier à haute responsabilité, présidents-directeurs généraux d’entreprise, polytechniciens travaillant dans des secteurs industriels très sensibles, etc. Heureusement, il y a souvent beaucoup d’entraide entre malades et certaines personnes qui s’en sortent, même partiellement, arrivent à trouver l’énergie pour aider les autres ou au minimum les informer. À l’occasion d’une réunion organisée par une association de soutien aux malades, France Lyme, j’ai fait la connaissance de la marraine de cette association, Sandra Olivier, elle-même malade. C’est une grande sportive qui a été championne du monde de course d’orientation. Il s’agit de compétitions ayant souvent lieu en forêt, où l’on doit courir dans la nature avec carte et boussole pour trouver des balises placées le long du parcours. À force de courir dans les forêts, elle est tombée malade et, comme elle le disait elle-même en public, elle est passée subitement du

statut de championne du monde à celui de « légume » ! Maintenant, elle mène une action remarquable de sensibilisation des jeunes dans les écoles et dans les clubs sportifs.

Même les médecins tombent malades Depuis quelque temps, j’observe un afflux de médecins, de vétérinaires et de chercheurs scientifiques atteints de la maladie de Lyme chronique à ma consultation. Je commence même à voir des psychiatres malades ! Le regard change tout de suite sur la maladie quand on est malade soi-même ou que quelqu’un de l’entourage proche est atteint. D’un seul coup, ces confrères et collègues scientifiques découvrent le déni de la part de leurs pairs et les portes d’accès aux soins qui se ferment partout. Plusieurs m’ont dit : « Jamais plus je n’exercerai la médecine comme avant. » Puissent ces médecins et scientifiques faire des convertis dans leur entourage professionnel. Depuis quelque temps aussi, je vois même des étudiants en médecine ou internes qui souffrent de Lyme chronique et qui subissent, à leur tour, l’incompréhension autour d’eux. En septembre 2015, j’ai reçu une lettre d’un ancien collègue retraité que je connaissais bien et que je n’avais pas vu depuis des années. Nous avions travaillé ensemble dans le comité de rédaction des livres d’enseignement des maladies infectieuses et tropicales destinés à nos étudiants. Cet ancien professeur de maladies infectieuses et tropicales et ancien chef de service en CHU m’écrivit : « Cher ami,

Je suis en retraite depuis quelques années. J’admire tout ce que tu fais pour la maladie de Lyme, dont j’ai vu beaucoup de cas dans mon service. J’ai entre autres observé des manifestations “pseudo-psychiatriques” que, je suis certain, tu connais. J’étais toujours en désaccord avec mes collègues du CHU à ce sujet. […] Bien à toi et bon courage pour ton combat pour faire connaître la maladie de Lyme… et Bravo… » D’un seul coup, je me suis senti moins seul, mais je dois à la vérité de dire que c’est le seul témoignage qui m’ait été adressé dans ce sens de la part d’un collègue universitaire. En revanche, je me souviens très bien d’un autre professeur de maladies infectieuses, lui aussi retraité, qui, lors de la conférence de consensus sur la maladie de Lyme en 2006, s’était levé comme un beau diable au milieu de l’amphithéâtre pour dire d’un ton très ferme à l’auditoire que, de toute sa carrière, il n’avait jamais vu un seul cas de maladie de Lyme dans sa région (qui pourtant en regorge !). Le professeur Pierre Godeau, l’un des plus grands internistes français, membre de l’Académie nationale de médecine, m’avait invité à parler de la maladie de Lyme dans le service de médecine interne de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris, alors qu’il était déjà à la retraite. Il a tout de suite cru en mon action. Quelque temps plus tard, il m’appelait amicalement pour que j’aide l’un de ses bons amis, médecin interniste, victime de la maladie de Lyme chronique. Une telle marque de confiance de la part de ce très grand médecin a été un bel encouragement pour moi.

Recommandations de traitement erratiques De plus en plus de collègues hospitaliers croient à la maladie de Lyme chronique et aux maladies associées mais refusent de soigner les malades en dehors des recommandations des sociétés savantes, directives pourtant totalement inadaptées. Aujourd’hui les médecins ont peur des persécutions et souhaitent, malgré leurs convictions, rester, pour l’exercice de leur métier, dans un cadre officiel. L’érythème migrant est une tache rouge sur la peau qui apparaît souvent autour du point de piqûre d’une tique et qui s’élargit progressivement. Cet érythème migrant, inconstant, est maintenant reconnu comme la lésion initiale de la maladie autour du point d’inoculation par la tique. Reik et Burgdorfer soulignent cependant que la fréquence d’un antécédent d’érythème migrant avant une maladie de Lyme disséminée peut être inférieure à 50 %. Selon Berger, seulement 14 % des patients qui développent un érythème migrant constatent la piqûre de tique. Les médecins devraient savoir qu’en présence d’un érythème migrant primaire la sérologie est le plus souvent négative et que le diagnostic doit donc être clinique à ce stade. Cependant, de nombreux praticiens croient encore à tort qu’une sérologie positive est nécessaire pour le diagnostic à un stade précoce. Et même quand les médecins évoquent la phase primaire de la maladie de Lyme et qu’ils acceptent, le plus souvent sous la pression du patient, de prescrire un antibiotique, la dose et la durée du traitement ne sont le plus souvent pas respectées, ce qui rend ces traitements inefficaces pour prévenir l’évolution chronique de la maladie. Tout patient doit être vigilant et exiger de son médecin le

traitement correct selon l’Autorisation de mise sur le marché (AMM), résultant d’études cliniques. Ainsi, comme le rappelle la Haute Autorité de santé, la dose, pour un adulte, est de 3 à 4 grammes par jour d’amoxicilline ou 200 milligrammes par jour de doxycycline, pendant au moins quinze jours. Or, même dans l’ouvrage pédagogique de référence des infectiologues français, le E. Pilly 2016, dont la rédaction a été assurée sous contrôle du Centre national de référence (CNR) Borrelia de Strasbourg, il est mentionné, sans aucun résultat d’étude, qu’EUCALB (European Union Concerted Action on Lyme Borreliosis), qui est l’Action concertée européenne sur la borréliose de Lyme, recommande de ne donner pour un érythème migrant qu’une dose unique de 200 milligrammes de doxycycline, non renouvelée. Comment peut-on diffuser une telle désinformation ? C’est grave quand on voit les dégâts ultérieurs de la maladie soignée initialement à dose « homéopathique ». On a oublié de mentionner que cette dose unique d’antibiotique avait été établie dans des études cliniques pour le traitement préventif de la piqûre de tique, sans signe ou symptôme, chez des personnes à risque. Recommander cette prise unique pour un érythème migrant est une faute médicale grave. Tout cela me désole d’autant plus qu’ayant été rapporteur à l’Agence du médicament pour l’AMM de l’amoxicilline je connaissais particulièrement bien ce dossier. Éric Dournon, le pionnier français de la maladie de Lyme, dont je parlerai plus loin, a dû se retourner dans sa tombe : il était un ardent défenseur de doses assez élevées d’antibiotique à la phase primaire, car il avait observé dès les premiers cas connus de la maladie de Lyme en France qu’une dose trop faible d’amoxicilline était inefficace. Pourtant, et j’en ai été stupéfait, la Caisse d’assurance-maladie a, à plusieurs reprises chez

des patients que je connais, refusé le remboursement du traitement correct de l’érythème migrant, recommandé par la Haute Autorité de santé, en intervenant « confraternellement » auprès du médecin et du pharmacien pour faire réduire la dose et la durée ! C’est une véritable honte !

Les trois stades de la maladie de Lyme Non traitée à ce stade, la maladie va évoluer à bas bruit en quelques semaines à quelques mois vers la forme secondaire puis en quelques années vers la forme tertiaire. À ces stades, elle peut se manifester par tout et n’importe quoi. La seule méthode disponible aujourd’hui en routine pour établir le diagnostic à ces phases tardives est, je le rappelle, une sérologie de très mauvaise qualité. Ce passage à la chronicité de la maladie s’explique par le fait que Borrelia burgdorferi peut persister dans les tissus du corps, même après traitements antibiotiques, comme les modèles animaux l’ont montré, notamment dans une étude remarquable réalisée aux États-Unis chez le macaque, publiée par Monica Embers. Cette propriété n’est pas exclusive du genre Borrelia. En effet, les formes dormantes et persistantes de bactéries d’autres genres peuvent échapper aux antibiotiques et être responsables d’infections latentes. Les cliniciens n’ont pas de test diagnostique pour vérifier la persistance des borrélies. Borrelia burgdorferi, ayant une structure génétique complexe, est un micro-organisme hautement adaptable capable de se soustraire à la réponse immunitaire par des processus variés. Cette bactérie peut survivre à l’extérieur comme à l’intérieur des cellules du corps.

Première cause d’absence de diagnostic : une sérologie calibrée pour que la maladie de Lyme reste officiellement une maladie rare Il vaut la peine de regarder d’un peu plus près comment un petit groupe d’experts a imposé au monde entier la méthode pour réaliser cette fameuse sérologie. La société américaine de maladies infectieuses, l’Infectious Diseases Society of America (IDSA), et l’European Union Concerted Action on Lyme Borreliosis (EUCALB) recommandent un test à deux étapes, la première étape étant un test Elisa utilisant la souche historique américaine B31 de Borrelia burgdorferi, dérivée de tiques et cultivée in vitro. Si l’Elisa est positif, la seconde étape est une confirmation par une immuno-empreinte (Western blot) IgG et IgM. Selon leurs recommandations, le Western blot ne doit pas être effectué si l’Elisa est négatif. Lorsque la sérologie de Lyme a été mise au point, aucune méthode fiable n’était disponible pour être utilisée comme étalon. Comme la plupart des signes et symptômes sont subjectifs (c’est-àdire qu’ils ne se voient pas ou ne sont pas mesurables) ou ne sont pas spécifiques (c’est-à-dire que l’on peut les observer dans d’autres maladies), aucun score de diagnostic clinique objectif n’a pu être établi. Le faible rendement de la culture et la difficulté à utiliser cette technique étaient d’autres obstacles majeurs. Comme je l’ai indiqué plus haut, une valeur seuil de positivité pour les tests sérologiques a dû être déterminée arbitrairement. Cette règle arbitraire a été décidée par un petit groupe d’experts, puis imposée au monde entier. La valeur seuil a été déterminée non pas sur des malades, mais sur des personnes en bonne santé, les donneurs de sang ! À la fin des années 1970, quand la maladie de Lyme a été découverte,

elle était décrite comme un phénomène rare et régional. La culture de Borrelia burgdorferi ou une détection de son génome par test d’amplification des acides nucléiques (TAAN), également appelé réaction de polymérisation en chaîne (PCR), peut occasionnellement confirmer le diagnostic clinique chez les patients séronégatifs, mais aucune de ces méthodes n’est suffisamment sensible pour être considérée comme méthode diagnostique fiable, en particulier en routine.

Une sérologie « bridée » par le concepteur Jusqu’en 2006, je savais, d’après de nombreuses publications scientifiques dans les plus grands journaux médicaux, que la sérologie de Lyme était souvent prise en défaut, mais je n’imaginais pas l’ampleur des dégâts et, surtout, que tout cela était prémédité ! Je fis une découverte stupéfiante lors de la conférence de consensus française de 2006, organisée par la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), sur laquelle je reviendrai ultérieurement. Au cours de cette conférence, Marc Assous, que j’avais connu quelques années plus tôt comme interne dans le vieil hôpital Claude-Bernard, fit une présentation qui, à son corps défendant, éclaira d’un coup pour moi l’un des problèmes majeurs de la sérologie de Borrelia burgdorferi. Marc exposa sans sourciller que la sérologie de la maladie de Lyme n’était pas calibrée sur les malades mais sur les donneurs de sang en bonne santé et que le club d’experts européens autoproclamés, la fameuse EUCALB, imposait à tous les laboratoires en Europe de calibrer les tests sérologiques sur cent donneurs de sang de chaque région, de telle sorte qu’il n’y ait jamais plus de 5 % de personnes détectées séropositives pour Borrelia burgdorferi. EUCALB a été créée en

Europe en 1996 à l’initiative de quelques experts afin de transmettre et d’imposer la bonne parole américaine de l’IDSA à tous les laboratoires européens. EUCALB a été pendant un certain temps financée par l’Union européenne. Je découvris ainsi que le verrouillage des tests destiné à maintenir la maladie de Lyme dans un statut de maladie rare était une consigne imposée par un groupe d’experts sans aucun support scientifique ! En voyant la diapositive et en écoutant Marc Assous, je n’en croyais pas mes yeux ni mes oreilles. À la fin de sa présentation, j’ai demandé des explications à Marc sur ce point. Il m’a répondu que cette stratégie était logique car, avec toute autre méthode, « on aurait beaucoup trop de malades dépistés avec la maladie de Lyme et l’on ne saurait pas quoi en faire » ! J’étais atterré, on s’en doute. Cela me rappela immédiatement cette malade alsacienne, brièvement évoquée plus haut, qui, en prenant le train de Strasbourg à Paris, avait pu bénéficier à deux reprises, dans chacune de ces villes, d’une sérologie par la même technique et qui était passée, le temps du voyage, de négative à positive ! Normal, dès lors que les tests sont calibrés et verrouillés par région. La population alsacienne étant largement atteinte par les borrélies, le seuil de 5 % est beaucoup plus rapidement atteint qu’à Paris, et ainsi, en proportion, beaucoup plus de malades alsaciens se trouvent rangés dans la case… « non malade ». Je n’ai pas eu la berlue lors de la conférence de consensus puisque Marc Assous a publié en 2007, dans le journal Médecine et Maladies infectieuses, son rapport pour la conférence, mentionnant ce verrouillage à 5 % de la sérologie imposé par EUCALB. J’ai alors pu constater que les Américains avaient eu la prudence de ne pas l’écrire dans un document officiel ! Sur les sites Internet de l’IDSA et d’EUCALB, il est clairement écrit que la sérologie est calibrée sur cent donneurs de sang en bonne santé,

mais le chiffre de 5 % n’apparaît pas (ou plus ?), et pour cause ! Si cette méthode avait été appliquée au VIH, cela représenterait un immense scandale sanitaire. Pour le Lyme, ça ne déroute personne (sauf les malades…). Depuis, en 2017, le site web d’EUCALB a disparu sans laisser de traces… En conséquence, de nombreux patients souffrant de signes et symptômes compatibles avec la maladie de Lyme, mais dont le test sérologique est négatif, sont abandonnés à leur sort. Le comble est que des patients qui présentent ces mêmes symptômes et qui, par chance, ont, eux, une sérologie positive se voient le plus souvent déclarer qu’ils n’ont pas pour autant la maladie de Lyme, au prétexte que leur sérologie serait « faussement positive ». Dans toute sérologie qui, par définition, est un test imparfait nécessitant une calibration, il peut exister une proportion infime de cas où le test peut être faussement positif, mais ça reste l’exception. Même si la sérologie de Borrelia burgdorferi pouvait donner une réaction croisée avec d’autres espèces de Borrelia, ce qui n’a jamais été démontré, ça n’en resterait pas moins des borrélioses nécessitant un traitement. J’ai ainsi vu de pauvres forestiers grabataires à 55 ans, perclus de rhumatismes avec de gros problèmes neurologiques et cardiaques, se faire débouter par des « experts » afin que leur maladie ne soit pas reconnue comme maladie professionnelle, alors même que leur sérologie de maladie de Lyme était positive selon les critères officiels ! Jusqu’où va le déni ! De même, de nombreux patients, à la phase chronique de leur maladie, ont des anticorps de type immunoglobulines (Ig) M qui, pour la plupart des infections, n’existent que lors de la phase initiale de la maladie. Or, dans la maladie de Lyme, les IgM peuvent persister des mois ou des années quand la maladie évolue. De ce fait, les « experts » ne

reconnaissent pas leur maladie chronique, puisqu’ils ont ces anticorps réputés typiques d’une phase initiale ! La pratique médicale moderne, j’y reviens, tend à s’appuyer sur des preuves. La plupart des médecins n’admettent pas le diagnostic de la maladie de Lyme sans preuve sérologique. Or les formes neurologiques, souvent responsables de méningite, d’encéphalite, de paralysies ou de névralgies, appelées neuroborrélioses de Lyme, sont souvent séronégatives (c’est-à-dire à sérologie négative). Pourtant, ces manifestations de la maladie, en particulier les neuroborrélioses aiguës ou graves, peuvent avoir des conséquences désastreuses, y compris des séquelles neurologiques chroniques ou même la mort. Un examen des publications scientifiques montre que le diagnostic de neuroborréliose de Lyme est souvent difficile à prouver. La sensibilité de la mesure des anticorps spécifiques dans le liquide cérébro-spinal, que l’on prélève par ponction lombaire, est comprise entre 55 et 80 %. Dans une étude suédoise, les anticorps n’étaient présents dans le sérum que chez 23 % des enfants présentant une neuroborréliose. Les tests neurocognitifs (mesures des troubles de mémoire et de concentration cérébrale) ou l’imagerie cérébrale par TEP-scan (tomographie par émission de positons) peuvent aider à fournir des preuves objectives d’une maladie réelle. Curieusement (mais heureusement pour les malades), les experts qui déclarent de façon honteuse, et contre l’évidence scientifique, que le test par sérologie est parfait et dépiste sans faille presque tous les malades reconnaissent quand même qu’il ne diagnostique pas tous les malades, en particulier ceux atteints de neuroborréliose ! Il est surprenant d’observer, s’agissant du Lyme, combien les « experts », qui font la loi en ce domaine, se laissent aisément aller à dire souvent tout et son contraire sans sourciller et sans avoir à se justifier devant les autorités de santé ! Ainsi, les

recommandations européennes publiées en 2007 dans le journal Neurology sous la houlette de Blanc et Jaulhac, médecins du CHU de Strasbourg où est implanté le CNR Borrelia, stipulent que des critères diagnostiques pragmatiques, notamment la réponse à un traitement antibiotique d’épreuve, sont pertinents pour diagnostiquer la neuroborréliose en cas de négativité des tests sérologiques. J’ai été ravi de voir que même le CNR reconnaissait de temps en temps que son test n’était pas fiable et envisageait même la possibilité d’un traitement d’épreuve ! Ce qui est incompréhensible, c’est que, si vous téléphonez au CNR pour signaler que vous avez un malade de Lyme séronégatif, on vous répond que ça n’existe pas car leur test est parfait. Allez comprendre ! Pourquoi cette stratégie de traitement d’épreuve n’est-elle pas recommandée pour d’autres présentations cliniques de la maladie de Lyme que les formes neurologiques aiguës ? Les « experts » ont probablement moins de scrupules avec des formes de la maladie moins spectaculaires pour lesquelles le risque de décès ou d’invalidité majeure est plus faible ou se voit moins, prenant plus de temps pour apparaître. Pourtant, dans certaines maladies infectieuses reconnues, comme la tuberculose, cette stratégie de traitement d’épreuve est tout à fait répandue et acceptée, quand on sait qu’un quart à un tiers des tuberculoses diagnostiquées ne sont jamais prouvées par la culture du bacille de Koch, agent de la tuberculose. En fait, là encore fort heureusement pour les malades, certains cliniciens n’hésitent pas à diagnostiquer une maladie de Lyme chez des patients séronégatifs en présence d’un tableau clinique très évocateur, à condition que les autres diagnostics aient été écartés. Dans un essai clinique majeur sur la maladie de Lyme, réalisé aux États-Unis par Klempner et collaborateurs et dont les résultats ont

été publiés en 2001 dans le New England Journal of Medicine, un très grand journal médical, 40 % des patients inclus étaient séronégatifs ! Ces patients avaient des antécédents d’érythème migrant, des symptômes neurologiques ou cardiaques, des arthrites ou des radiculoneuropathies. Malheureusement, l’immense majorité des cliniciens, souvent ignorants des difficultés diagnostiques de la maladie de Lyme, passeront à côté et préféreront poser un diagnostic communément admis mais peu étayé, ou souvent même sans aucune preuve (« viral », « auto-immun », « dégénératif », « inflammatoire », « idiopathique » ou « psychosomatique »).

En infectiologie, rien ne vaut, quand c’est possible, une technique d’isolement direct du microbe responsable La sérologie est une méthode indirecte, c’est-à-dire qu’elle ne met pas en évidence directement le microbe en cause, mais cherche à voir si le malade a fabriqué des anticorps contre ce microbe. Une méthode indirecte nécessitant souvent des arbitrages statistiques pour sa calibration, ce n’est pas toujours une méthode diagnostique fiable à 100 % en infectiologie. Cela est bien connu pour certaines maladies infectieuses mais trop de médecins lui accordent toujours une valeur quasi religieuse. Pour citer un exemple dans le registre des infections dues à des bactéries intracellulaires, j’ai vu, il y a quelques années, une femme d’origine algérienne qui était allée au bled dans sa famille pendant les vacances d’été. Là-bas, elle avait été en contact avec des chiens. À son retour en France en septembre, elle a présenté tous les signes caractéristiques de la fièvre boutonneuse méditerranéenne avec une température élevée, des céphalées violentes, une éruption boutonneuse typique, une

atteinte cardiaque et pulmonaire sévère. Cette maladie, due à une bactérie rickettsie, est transmise par piqûre de tique. Elle avait même, au pli de l’aine, la « tache noire » caractéristique de cette maladie. Cette lésion noire croûteuse correspond au point de piqûre. Sa sérologie pour Rickettsia conorii est restée désespérément négative, même dans le laboratoire de Didier Raoult à Marseille qui a la réputation de faire les meilleures sérologies de rickettsies. L’abcès amibien du foie, la cysticercose (complication cérébrale grave due au Taenia du porc) ont assez souvent une sérologie négative. Ce ne sont que quelques exemples…

Deuxième cause d’absence de diagnostic : tous les cas de Lyme ne sont pas dus à Borrelia burgdorferi La bactérie initialement décrite comme étant la seule cause de la maladie de Lyme est désormais baptisée Borrelia burgdorferi sensu stricto (au sens strict). Le taux de tiques infectées par cette bactérie varie beaucoup d’une région à une autre. Ce taux est habituellement faible, mais il existe des zones à haut risque. En Europe de l’Est, des foyers ont été rapportés dans lesquels 40 % des tiques étaient infectées. En Alsace, 30 % des tiques sont infectées à certains endroits. En forêt de Sénart, près de Paris, 20 % des tiques sont infectées. Mais, en fait, il existe une grande variété d’espèces de borrélies qui peuvent être incriminées comme cause de la maladie de Lyme. On a ainsi décrit un groupe plus large de bactéries sous le nom de complexe Borrelia burgdorferi sensu lato (au sens large), qui comprend Borrelia burgdorferi sensu stricto, Borrelia afzelii et Borrelia garinii. En réalité, la variété est encore plus grande car ces

espèces présentent elles-mêmes une diversité génétique. Depuis, d’autres espèces de borrélies sont régulièrement isolées dans différentes parties du monde. Certaines de ces espèces ont été isolées chez des patients présentant des signes et symptômes identiques ou proches de ceux de la maladie de Lyme : Borrelia bavariensis, Borrelia bisettii, Borrelia valaisiana, Borrelia americana, Borrelia andersonii, Borrelia lonestari et, plus récemment, Borrelia kurtenbachii. Borrelia spielmanii a été isolée lors de lésions cutanées précoces. Le rôle pathogène de Borrelia lusitaniae, isolée dans un cas d’inflammation des artères, appelée vascularite, reste à être étayé. Récemment, des experts ont inclus un grand nombre d’espèces de Borrelia dans le complexe Borrelia burgdorferi sensu lato, en proposant même de créer un nouveau genre Borreliella. Malgré cette diversité de souches, la plupart des tests disponibles dans le commerce reposent toujours, on l’a vu, sur la souche initiale B31 de Borrelia burgdorferi isolée en 1982 d’une tique dans le nord-est des États-Unis. Il y a quelques années, lors d’un congrès, je demandai au professeur Benoît Jaulhac, directeur du Centre national de référence (CNR) de la borréliose de Lyme, pourquoi il ne cherchait pas à mettre au point des tests pour diagnostiquer ces nombreuses borrélioses. Je lui parlai des nombreuses publications relatant des cas de maladies au cours desquelles on avait pu isoler différentes espèces borréliennes et déplorai le fait que, faute d’étude, on n’ait aucune idée de leur fréquence en pathologie humaine.

Une petite nouvelle : Borrelia miyamotoi On continue régulièrement de découvrir des borrélies jusqu’à présent inconnues. Ainsi, Borrelia miyamotoi, qui a un nom japonais

car elle a été découverte récemment au Japon, fait partie du groupe des borrélies responsables des fièvres récurrentes : elle a la particularité de pouvoir entraîner, outre ces fièvres, des syndromes tout à fait identiques à la maladie de Lyme. Dans les cas de fièvre récurrente, il s’agit d’une forte fièvre à 39 ou 40 °C, ressemblant à une crise de paludisme, qui disparaît spontanément puis revient de façon itérative pendant une période variable, parfois prolongée sur plusieurs années. Depuis peu, on se rend compte que cette Borrelia miyamotoi est présente sur tout le continent eurasien et en Amérique du Nord. Des maladies à Borrelia miyamotoi (fièvre récurrente ou Lyme) ont été rapportées au Japon, en Sibérie, aux Pays-Bas, aux États-Unis. Cette « nouvelle » Borrelia a aussi été retrouvée dans les tiques en Alsace, dans les Ardennes et près de Paris dans la forêt de Sénart. Malgré ces connaissances mondiales et même françaises publiées, le CNR Borrelia de Strasbourg tarde à développer un outil diagnostique pour la détection de Borrelia miyamotoi ! La forêt de Sénart, en région parisienne, est une zone à haut risque. En effet, cette forêt a été contaminée par l’intermédiaire d’un charmant écureuil, doté de belles rayures sur le dos, appelé « écureuil de Corée ». Cet écureuil, qui porte aussi le joli nom de « bouroundouk », provient en fait de Sibérie. C’est pourquoi on l’appelle encore « tamia de Sibérie ». Cette petite bête à l’apparence charmante, ressemblant aux écureuils des films de Walt Disney, avait été achetée en animalerie comme animal de compagnie par des particuliers. Mais il a l’instinct très sauvage, est malheureux en captivité et peut devenir agressif avec les enfants qui essaient de jouer avec lui. Décontenancés par ce comportement pourtant bien naturel, les heureux propriétaires, devenus malheureux, ont relâché ces animaux dans la forêt de

Sénart. Ils s’y sont plu et ont proliféré. Le problème est que ces écureuils hébergent beaucoup plus de tiques que leurs congénères français et, de plus, ont des taux d’infestation de leurs tiques par les borrélies supérieurs à la moyenne nationale, taux proches de ceux observés en Alsace. La Sibérie ou la Corée sont-elles des zones à haut risque ?

La petite dernière : Borrelia mayonii En février 2016, une équipe du nord-est des États-Unis a décrit une nouvelle espèce incriminée dans des cas de maladie de Lyme. Ils ont proposé le nom de Borrelia mayonii. Dans le genre Borrelia, cette Borrelia mayonii n’est sûrement pas la dernière… En effet, de nouvelles espèces bactériennes et des variants de ces espèces sont régulièrement identifiés sur tous les continents. Pour ces multiples variétés, il n’existe rigoureusement aucun test !

Troisième cause d’absence de diagnostic : les maladies chroniques inexpliquées ressemblant au Lyme chronique peuvent être dues à d’autres microbes que les borrélies Les causes de la maladie de Lyme et de toute une famille d’infections inapparentes ou « crypto-infections »

De nombreux microbes, transmis ou non par les tiques, notamment des bactéries et des parasites et possiblement certains virus, peuvent être en cause sans que l’on dispose aujourd’hui d’outils diagnostiques pour les détecter. Parmi les patients atteints de maladie de Lyme précoce aux États-Unis, de 2 à 12 % étaient également infectés par une autre bactérie responsable de l’anaplasmose granulocytaire humaine, et 2 à 40 % de babésiose, une parasitose du groupe des piroplasmoses, infections très répandues chez les animaux sauvages ou domestiques.

La babésiose, une partenaire de taille pour les borrélies Les Babesiae sont des parasites proches des Plasmodia, agents du paludisme. Ils provoquent chez les animaux une maladie proche du paludisme, qui s’attaque aux globules rouges, la piroplasmose (« piro » vient du fait que les parasites ont une forme de poire ; ne pas confondre avec « pyro » la fièvre). Cette maladie s’appelle babésiose chez l’homme. À la campagne, tous les animaux, chiens, chats, vaches, chevaux, etc. qui restent dehors dans la nature développent très souvent une piroplasmose. Ces animaux deviennent fatigués, peuvent pisser rouge, maigrir, devenir fébriles, anémiques et rhumatisants. Les agriculteurs et les vétérinaires connaissent parfaitement cette maladie. Beaucoup d’animaux sont traités très régulièrement par les vétérinaires. Cette maladie est transmise par les tiques. Les mêmes tiques piquent les humains et inoculent donc des Babesiae. Officiellement, l’homme est résistant et ne développe pas de maladie sauf en cas d’immunodépression profonde ou lorsqu’il n’a plus de rate (parce qu’on l’a enlevée ou parce qu’une maladie en perturbe le fonctionnement). Chez l’animal,

on voit facilement les Babesiae (Babesia divergens et Babesia microti) dans les globules rouges en examinant une goutte de sang au microscope. Chez l’homme, on n’en voit que très rarement dans les rares situations citées ci-dessus. En effet, les rares globules rouges infectés chez l’homme en bonne santé sont filtrés par la rate et on ne les voit pas dans le sang circulant. Ne pas voir les Babesiae ne veut pas dire qu’elles ne sont pas présentes, cachées dans certains tissus. Aujourd’hui, les tests indirects de diagnostic, comme la sérologie, ne sont pas fiables. Beaucoup de malades atteints de Lyme chronique réagissent fortement à certains médicaments antiparasitaires et il est possible que les Babesiae ou d’autres parasites y soient pour quelque chose.

Les tiques transmettent encore d’autres microbes… Les tiques peuvent aussi transmettre différentes espèces de Bartonella, ainsi que d’autres bactéries : Ehrlichia chaffeensis (aux États-Unis), Anaplasma phagocytophilum (en Europe), diverses espèces de Rickettsia, Francisella tularensis (agent de la tularémie). Au Brésil, une maladie proche du Lyme, suite à une piqûre de la tique Amblyomma, a été décrite et des spirochètes mobiles non cultivables ont été visualisés dans le sang des patients avec un microscope à fond noir. Une nouvelle bactérie pathogène pour l’homme, Neoehrlichia mikurensis, transmise par piqûre de tique, a été découverte au Japon chez le rat et la tique, puis chez l’homme en Suède et en Suisse. Une publication suédoise récente montre que cette « nouvelle » bactérie a été retrouvée dans une série de malades immunodéprimés (souffrant de lymphomes ou de maladies auto-

immunes), présentant des manifestations étiquetées « non infectieuses » avec notamment des événements cardio-vasculaires graves. On la soupçonne maintenant d’être à l’origine de lymphomes malins. Un antibiotique, la doxycycline, est actif sur cette bactérie. Ces malades étaient soignés en Suède, en Suisse, en Allemagne et en Tchéquie. Il est bien connu que cette infection n’existe pas en France, puisque aucun microbiologiste médical ne la recherche ! Le seul petit souci est qu’encore une fois les microbiologistes vétérinaires ont deux longueurs d’avance : on trouve désormais cette bactérie, tout comme Borrelia miyamotoi, dans des tiques bien de chez nous, ramassées dans nos forêts. Mais c’est aussi bien connu que les tiques françaises ne piquent pas les Français ! À quoi bon développer des tests diagnostiques pour les humains ? Ces données historiques, géographiques et microbiennes récentes devraient inciter la communauté médicale à comprendre que des cas de syndromes chroniques postpiqûre de tique sont probablement dus à des agents pathogènes multiples et que ces « crypto-infections » nécessitent une approche nouvelle et même un vrai changement de paradigme.

Bonjour les sérologies ! Vive la biologie vétérinaire ! Un jour, une malade d’une soixantaine d’années, sculptrice, habitant en Provence, vint me voir pour un syndrome chronique avec fatigue chronique, douleurs diffuses et surtout des douleurs en haut de l’abdomen qui avaient l’air terribles quand elle les décrivait. Sa description ressemblait aux douleurs atroces des malades atteints de maladies pancréatiques graves. Elle m’expliqua qu’elle était

malade depuis l’enfance. À l’époque, elle vivait à Gap et tout avait démarré brusquement après une pancréatite aiguë « tombée du ciel ». Sa pancréatite avait guéri mais les douleurs ne l’ont pas quittée de sa vie. Toute absorption d’aliment était pour elle un calvaire car cela provoquait des poussées et elle supportait difficilement les médicaments par voie orale. Cela durait depuis des décennies. Elle avait consulté un nombre incalculable de médecins qui lui ont tous dit que c’était dans sa tête. Pour faire plaisir à certains médecins, elle a avalé, quand elle pouvait avaler, des quantités impressionnantes d’antalgiques et de neuroleptiques. Rien ne l’améliorait. Elle passait une partie de ses journées en position antalgique, assise, le torse penché en avant sur ses cuisses, position dans laquelle elle avait moins mal. J’étais un peu désarçonné par son histoire qui pouvait en partie évoquer un Lyme chronique mais qui était loin d’être typique. À cette époque, j’étais en relation avec un microbiologiste vétérinaire espagnol de Madrid qui recherchait des bactéries et parasites par un test d’amplification des acides nucléiques (TAAN ou PCR). Devant l’incurie des laboratoires de microbiologie médicale, ce vétérinaire rendait service de temps en temps à des humains pour réaliser des tests diagnostiques. Il ne faut pas le répéter, c’est très mal vu par certaines autorités ! Il paraît que nous ne sommes pas des animaux. Pourtant, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) soutient le concept de « One health », « Une seule santé », pour l’homme et les animaux de notre planète qui doivent apprendre à vivre ensemble car ils partagent le même environnement, notamment l’environnement microbien. Les vétérinaires ont toujours eu beaucoup d’avance dans le domaine des « crypto-infections », mais ça passe mal auprès de certains. Cette patiente envoya un tube de sang à ce vétérinaire, sans donner

aucune explication sur ses symptômes. Elle avait juste mentionné « de la part du professeur Perronne ». C’est ainsi que, dans mon courrier, j’ai découvert une lettre venant de ce laboratoire espagnol m’informant qu’ils avaient trouvé dans son sang Borrelia burgdorferi et une espèce non identifiée de Brucella. Les Brucellae sont connues pour être la cause de la brucellose, maladie des animaux (ovins, caprins, bovins, etc.) et transmissible à l’homme, essentiellement par consommation de lait ou de fromages non pasteurisés. Cette maladie ne se voit pratiquement plus en France car tout le cheptel contaminé a été abattu il y a déjà longtemps. Cette infection est très surveillée par les vétérinaires parmi les animaux d’élevage et l’on sait que la maladie revient un peu actuellement dans certaines régions, à partir d’animaux sauvages. La brucellose sévissait encore beaucoup dans les Alpes à l’époque où cette femme était enfant. Je prévins la dame et l’informai des résultats des tests. Je lui fis prélever une sérologie (recherche d’anticorps dans le sang) de brucellose, réalisée par les techniques officielles, mais, comme pour sa sérologie de Lyme, ses sérologies de brucellose étaient négatives. On ne parlait pas de brucellose séronégative à l’époque de ma formation médicale alors que l’on voyait encore souvent des malades dans nos hôpitaux. J’ai appris par la suite que les brucelloses séronégatives existent et qu’elles ne sont pas rares ! On a dû passer à côté de beaucoup de cas dans le passé. J’informai cette malade qu’elle avait, sous réserve d’une erreur du laboratoire toujours possible, non seulement une maladie de Lyme chronique, mais aussi une probable brucellose chronique. Quand je lui parlai de brucellose, son visage s’éclaira et elle me demanda si c’était bien la fièvre de Malte. Je lui confirmai cet autre nom de la maladie et elle me dit alors : « Quand j’étais petite et que j’ai été hospitalisée pour ma pancréatite, mon père était lui aussi

hospitalisé pour une fièvre de Malte qui a été soignée et dont il a guéri. » J’étais très impressionné de voir qu’un laboratoire vétérinaire en Espagne, sans aucun renseignement clinique et encore moins d’informations sur ses antécédents familiaux, avait tapé dans le mille. Je proposai à cette femme une antibiothérapie de trois mois, telle que recommandée dans la brucellose, avec des antibiotiques également actifs sur Borrelia. Elle eut du mal à avaler les traitements, mais son état clinique s’améliora rapidement et ses douleurs diminuèrent. Quand elle vint me revoir en consultation avec son mari, elle déposa sur mon bureau une magnifique sculpture en terre représentant une femme pliée en avant en position antalgique. J’étais très ému qu’elle eût réalisé cette œuvre pour moi. Elle me dit alors : « J’ai fait cette sculpture pour vous et je vous l’offre car elle symbolise la douleur pancréatique que j’ai depuis près de cinquante ans. De toute ma vie, vous êtes le premier médecin que j’ai rencontré qui ait cru à ma douleur ! »

Des outils plus fiables que les sérologies actuellement disponibles pour mieux identifier les causes Face au déni institutionnel de la maladie conduisant un nombre incalculable de malades dans les affres de l’enfer, de nouvelles techniques deviennent indispensables pour déterminer avec précision de quoi souffrent ces patients. La situation actuelle, où l’on se repose à tort sur des méthodes d’analyse imprécises, non seulement amène à méconnaître le diagnostic de nombreux patients à titre individuel, mais a aussi des conséquences épidémiologiques,

via une sous-estimation générale de la fréquence de la maladie quel que soit le pays.

Pour diagnostiquer les malades écossais, les tests réalisés avec des borrélies écossaises sont plus fiables que ceux réalisés avec la borrélie de référence américaine ! Lors d’un séjour à Londres où je participais à un congrès sur la maladie de Lyme chronique, j’avais rencontré des médecins anglais qui suivaient des cas de cette maladie. Si on regarde les statistiques officielles, la maladie de Lyme est encore plus rare en GrandeBretagne que sur le continent. Peut-être est-ce parce que le thé est un bon traitement, mais le « four o’clock tea » ne semble pas être la seule explication. Plusieurs de ces médecins avaient des ennuis avec le système de santé britannique, le National Health Service, parce qu’ils traitaient des patients séronégatifs, donc, selon cet organisme, de « faux malades ». Pourtant ces malades britanniques avaient le plus souvent des signes cliniques très évocateurs de la maladie, avec notamment une piqûre de tique, un érythème migrant, puis des signes et symptômes variés touchant plusieurs systèmes de l’organisme. Un chercheur écossais, Mavin, frappé par la proportion très élevée de sérologie négative chez les malades, s’est demandé si ça ne venait pas du fait que, dans le monde entier, on réalise les tests avec la souche historique américaine B31 ! Il a repris dans son congélateur des sérums négatifs et a refait exactement la même technique de sérologie mais en remplaçant la souche américaine imposée B31 par des borrélies écossaises. Bingo, des sérums se sont révélés être en fait bel et bien positifs.

Les malades pouvaient à nouveau rentrer dans la case « vrais malades ». Il est vraisemblable que les îles Britanniques, par leur isolement géographique, aient des variants de borrélies différents du continent. Peut-être cela pourrait-il expliquer pourquoi on ne diagnostique jamais de Lyme en Corse, autre île où pourtant de nombreux malades existent.

Même les tiques sont mieux loties que les humains en matière de tests diagnostiques ! Les vétérinaires et les entomologistes sont plus chanceux que les médecins car ils peuvent obtenir des crédits pour étudier les microbes des tiques, alors que les infectiologues n’ont droit à aucun crédit de recherche pour les malades humains (sauf pour la momie congelée d’Ötzi, un homme de la fin du néolithique, dont nous parlerons plus loin). Muriel Vayssier-Taussat, directeur de recherche à l’INRA (Institut national de recherches agronomiques) à MaisonsAlfort, a permis avec son équipe, grâce au séquençage de nouvelle génération, l’identification de diverses bactéries à partir de tiques Ixodes ricinus récoltées en France (en Alsace et dans les Ardennes) : Anaplasma phagocytophilum, Bartonella henselae, Bartonella grahamii, Borrelia afzelii, Borrelia garinii, Borrelia burgdorferi, Borrelia miyamotoi, Neoehrlichia mikurensis, Ehrlichia canis, Rickettsia canadensis, Rickettsia felis et Rickettsia helvetica. Le problème est que les médecins et donc les malades, comme pour d’autres bactéries citées plus haut, ne disposent d’aucun test en routine pour rechercher ces bactéries chez l’homme. Avec Philippe Raymond, médecin généraliste qui suit de nombreux cas de Lyme chronique et que je lui avais présenté, Muriel

et son équipe ont pu tester des sérums de malades souffrant de tableaux cliniques chroniques postpiqûre de tique. Elle a mis en évidence dans le sang des malades des bartonelles. L’espèce Bartonella henselae, bien connue chez l’homme, a été isolée chez quelques malades, mais le plus surprenant est que cette enquête a aussi conduit à isoler des espèces jusqu’alors inconnues en pathologie humaine ! Il s’agit de Bartonella doshiae, de Bartonella schoenbuchensis et de Bartonella tribocorum. Les travaux de Muriel Vayssier-Taussat auraient pu être contestés par les microbiologistes médicaux, du fait qu’elle est chercheuse en agronomie et non médecin. C’est pourquoi elle a demandé au laboratoire médical de Didier Raoult de « retester » les sérums. Les résultats « agronomiques » ont été confirmés et publiés en 2016. Que d’eau apportée au moulin des « crypto-infections » ! Récemment, un vétérinaire et sa femme, tous deux malades, qui, eux aussi, avaient essuyé le déni et subi l’incompétence du corps médical, incapable de les soigner, ont décidé, tous leurs tests étant négatifs, de se faire passer, l’un comme l’autre, pour… des chiens et d’envoyer leurs prélèvements à un laboratoire vétérinaire. Bingo ! On leur a trouvé tout de suite un diagnostic microbiologique ! Je conseille donc aux malades abandonnés par leur médecin de se déguiser en loups ou en agneaux et d’aller consulter un vétérinaire, ça sera beaucoup plus efficace. Dans un article publié en 2016, Muriel Vayssier-Taussat présente, en collaboration avec Moutailler et toute son équipe, une belle étude sur la composition microbienne de tiques françaises récoltées dans les Ardennes : un véritable zoo d’agents pathogènes ! La moitié des tiques hébergent au moins un microbe pathogène pour l’homme, et la moitié de celles qui sont infectées hébergent plusieurs microbes. On trouve, accrochez-vous bien :

pour les bactéries : Borrelia garinii, Borrelia afzelii, Borrelia valaisiana, Borrelia burgdorferi sensu stricto, Borrelia miyamotoi, Borrelia spielmanii, Bartonella henselae, Rickettsia sp. du groupe des fièvres boutonneuses, principalement Rickettsia helvetica, Anaplasma phagocytophilum et Neoehrlichia mikurensis ; pour les parasites : Babesia divergens. De plus, on isole des symbiotes, véritables « parasites » des cellules : Midichloria mitochondrii, séquences d’ADN de Wolbachia sp., Spiroplasma sp. et Acinetobacter sp. Les bactéries appartenant à l’ordre des Rickettsiales sont les bactéries qui ressemblent le plus à nos mitochondries. Midichloria mitochondrii, citée ci-dessus, connue depuis peu, est une bactérie symbiote capable de vivre dans les mitochondries mais aussi susceptible de les détruire. Son rôle éventuel en pathologie animale ou humaine est encore incertain. Les signes cliniques des patients souffrant de maladies mitochondriales ressemblent à ceux du syndrome chronique associé à la maladie de Lyme. On commence à découvrir un monde nouveau.

CHAPITRE 3

Les certitudes d’une poignée d’experts face à un monde d’incertitudes Plus on creuse le domaine de la maladie de Lyme, plus on s’aperçoit que tout est opaque. Commençons dans le brouillard notre descente aux enfers. Attention aux marches !

Un énorme décalage entre les publications scientifiques et les recommandations officielles Les pseudo-« experts » les plus influents dans le champ qui nous occupe ne savent ni lire ni entendre mais ils causent, et les malades trinquent. Il est très surprenant de constater que, pour deux maladies infectieuses dont l’émergence a été rapportée presque à la même époque, la maladie de Lyme à la fin des années 1970 et l’infection à VIH-sida au début des années 1980, tout évolue tous les jours dans le domaine du VIH alors que tout est figé sans aucune

évolution dans le domaine du Lyme. Au début de l’épidémie de sida, quand les premières sérologies par test Elisa ont été mises au point, on passait à côté du diagnostic d’infection à VIH pour une proportion importante de malades car la sensibilité du test était insuffisante. Quand le test de sérologie par Western blot (immuno-empreinte) a été disponible, ce fut un grand soulagement de constater que l’on pouvait désormais diagnostiquer presque tous les malades infectés par le VIH. Quelques années plus tard, je me souviens qu’un sérotype du virus VIH, le sérotype O, présent dans quelques régions d’Afrique, échappait aux tests commercialisés. Immédiatement, la communauté scientifique a réagi pour améliorer les tests. Actuellement, les tests sérologiques du VIH sont devenus hyperfiables. Si l’on regarde, par contraste, l’évolution des pratiques pour la maladie de Lyme, un test sérologique Elisa a là encore été mis au point. Son manque de sensibilité a été largement publié. De nombreux cas de malades, chez qui on arrivait à isoler la bactérie Borrelia burgdorferi en culture et qui malgré tout gardaient une sérologie désespérément négative, ont été rapportés dans les publications scientifiques, y compris dans les plus grands journaux médicaux internationaux. Ça n’a jamais interpellé les experts du petit club de l’IDSA qui faisait les recommandations sur la maladie. Plus grave, lorsqu’un test Western blot a été mis au point, on a interdit son utilisation, comme j’ai eu l’occasion de le souligner, si le test de première ligne Elisa était négatif ! L’imposture est flagrante : c’est l’unique exemple de maladie infectieuse pour lequel une telle interdiction existe ! Si l’on se penche, maintenant, sur le versant thérapeutique, force est de constater que les recherches touchant le traitement du VIH ont avancé à une vitesse extraordinaire, permettant d’aboutir à des trithérapies hautement efficaces dès le début des années 1990.

Dans le domaine du Lyme, à l’inverse, une poignée d’experts refusent de lire les nombreuses publications qui montrent que les borrélies peuvent survivre à plusieurs mois d’antibiotiques ; ils continuent de marteler plus de trente ans plus tard qu’un traitement antibiotique de trois semaines permet de guérir tout le monde. Pendant ce temps, des centaines de milliers de malades de Lyme, en Amérique du Nord et en Europe, ont continué de voir leur état de santé se dégrader après ce traitement « officiel », au point que beaucoup d’entre eux se retrouvent en fauteuil roulant. Les recommandations officielles de l’IDSA publiées en 2006 ignorent superbement les recherches les plus significatives et continuent de véhiculer le même discours simpliste dont nous avons déjà pointé les éléments de langage. On peut le résumer en trois assertions cardinales : « Le Lyme est une maladie rare ; si l’on est atteint, on guérit en deux à trois semaines de pénicilline ; le Lyme chronique n’existe pas et tous les malades qui auraient encore l’impudence de se plaindre sont des fous qu’il faut envoyer en psychiatrie. »

La France copie, en 2006, les recommandations américaines, sans même s’aviser de les remettre en cause en 2016, au moment où elles sont rejetées aux États-Unis À la même période, la Société de pathologies infectieuses de langue française (SPILF) avait décidé d’organiser cette conférence de consensus dont j’ai évoqué plus haut un épisode tragicomique au cours duquel la manipulation de l’étalonnage des tests sérologiques avait été révélée au grand jour. Le professeur Daniel Christmann du

centre hospitalier universitaire de Strasbourg fut chargé d’organiser la conférence, du fait de la forte fréquence du Lyme en Alsace. Daniel étant un ami connaissant mon intérêt pour la maladie, il m’avait gentiment proposé de l’aider à organiser cette conférence. J’avais déjà participé à l’organisation de plusieurs rencontres d’experts ou conférences de consensus françaises, notamment pour les infections ostéo-articulaires, la tuberculose, les infections ORL, les infections respiratoires basses. J’avais aussi été membre du comité d’organisation de la première conférence de consensus européenne sur les co-infections par le VIH et les virus des hépatites B et C (VHB et VHC). Il se trouve qu’à cette période je soignais en consultation un malade alsacien, atteint de maladie de Lyme chronique, qui était entré en conflit avec l’équipe soignante du CHU de Strasbourg et avec la Caisse d’assurance-maladie, laquelle, une fois de plus, ne voulait pas reconnaître sa pathologie et le prenait pour un simulateur. Ce monsieur a fait part de sa colère dans un journal alsacien. Alors que je n’y étais pour rien, mes collègues de Strasbourg m’ont signifié leur mécontentement. J’étais désolé de cet incident fâcheux. À la suite de quoi, je n’ai plus été invité à participer comme prévu à l’organisation du consensus. Le problème du Lyme chronique a ainsi été soigneusement évité lors des débats et écrits de cette conférence de consensus. Quelques semaines avant la conférence, Daniel Christmann, avec qui je gardais des relations amicales, m’invita à être modérateur d’une session, ce que j’acceptai. La conférence exposa une maladie de Lyme idyllique, ne posant aucun problème de diagnostic ni de traitement, et les comptes rendus des experts, publiés quelques mois plus tard en 2007 dans le journal Médecine et maladies infectieuses reprennent quasiment à la lettre les recommandations américaines de l’IDSA qui venaient de sortir.

La maladie de Lyme ou le règne de la censure Étant habitué à publier dans divers domaines de la médecine, j’ai découvert en m’intéressant au Lyme que tout article qui n’allait pas dans le sens des « recommandations » du club de l’IDSA avait toutes les peines du monde à être publié : la porte de tous les journaux médicaux majeurs était fermée. J’avais entendu parler de cette censure scientifique digne de l’inquisition mais j’en ai pleinement saisi l’ampleur lorsque j’ai voulu commencer à publier sur le sujet. Selon le système standard de la publication scientifique, le tapuscrit soumis au journal est envoyé par le rédacteur en chef ou un des rédacteurs associés à deux experts du domaine pour avis critique. Même si ce n’est pas toujours le cas, cette évaluation externe par les pairs est, en règle générale, plutôt loyale. Quand il s’agit du Lyme, tous les relecteurs vous récitent les versets des recommandations de l’IDSA et démolissent systématiquement votre travail, avec des arguments qui n’ont rien de scientifique, pour conclure que votre contribution ne vaut rien et ne doit surtout pas être publiée. Normalement, le refus de l’article est rapide. Pour un de mes articles dont les données étaient bien étayées et difficiles à contredire, ils se sont mis à cinq relecteurs plus le rédacteur en chef, et j’ai dû attendre la réponse plus de cinq mois pour me faire finalement conseiller d’aller jouer plus loin, en tant qu’empêcheur invétéré de pérorer en rond. Même en 2015 ou 2016, j’ai des témoignages réguliers de chercheurs européens et américains qui n’arrivent pas à publier leurs travaux, pourtant d’excellente qualité. Il y a quelques années, j’ai été moi-même relecteur d’un grand journal international pour lequel je devais évaluer un travail remarquable et même impressionnant, en quantité comme en

qualité, démontrant la persistance de Borrelia burgdorferi. Je formulais certaines critiques de détail ou de présentation, mais je recommandais sa publication. Il se trouve que le journal a publié ce travail démontrant la persistance des borrélies (qui, d’après l’IDSA, n’existe pas !). Quelle ne fut pas ma surprise quand le journal m’envoya, embarrassé, la copie d’une lettre d’un membre éminent du petit club de l’IDSA, qui exigeait de la rédaction du journal le retrait immédiat et l’annulation de l’article, en excipant de cet argument imparable : la persistance des borrélies n’était pas possible puisque leur club proclamait le contraire depuis des décennies ! Il est interdit de publier des données scientifiques si elles ne vont pas dans le sens du diktat de Boston. Cette lettre a suscité beaucoup de remous au sein de la rédaction, mais, fort heureusement, le journal n’a pas cédé à la pression et a maintenu la publication qui fait maintenant référence.

Un monde de « certitudes » se fissure En 2011, sous un titre où claquait le mot « antiscience », Paul Auwaerter signait avec quelques collègues dans le journal Lancet Infectious Diseases un pamphlet terrible assimilant les malades atteints de Lyme chronique à des fous et les médecins qui les soignent à des charlatans, sans hésiter à multiplier les rapprochements oiseux avec les pires exemples de mauvaises pratiques médicales. Très choqué par ce texte, dont les violentes accusations ne s’appuyaient sur aucune donnée scientifique solide, j’ai envoyé une lettre de réponse au journal qui a eu le fair-play de la publier en 2012. J’ai été attristé quand, peu de temps après, le Lancet Infectious Diseases publia une « réponse aux réponses » où

le professeur Didier Raoult, microbiologiste à Marseille, affirmait que le Lyme chronique était une invention de malades angoissés par des troubles inexpliqués et qu’Internet servait de caisse de résonance à ces errances. Il prétendait, au passage, que le test Western blot n’avait pas d’intérêt, par rapport à l’Elisa, dans la maladie de Lyme (ce qui est démenti par les publications, ainsi que par les nouveaux critères diagnostiques des CDC aux États-Unis). Tout cela, ajoutaitil, lui rappelait les pratiques douteuses des élèves de Charles Nicolle, à savoir Giroud et Jadin père et fille (non cités dans le texte, mais évoqués entre les lignes pour les initiés), à l’origine d’un concept de « rickettsioses chroniques » ayant débouché sur des tests de diagnostic des rickettsioses. Cécile Jadin, qui exerce actuellement en Afrique du Sud, a suivi les traces de son père. Je ne sais pas si Willy Burgdorfer, qui était encore en vie à ce moment-là, a suivi ces échanges dans le journal Lancet Infectious Diseases, mais, si tel est le cas, il a dû être profondément désolé de cette prise de position de la part du chercheur reconnu qui lui a succédé à la tête du Centre de référence de l’Organisation mondiale de la santé pour les rickettsioses. Je n’en veux pas à Didier Raoult que j’estime beaucoup, mais je souhaiterais ardemment qu’il aide les malades et la communauté médicale à faire avancer la recherche. En effet, même s’il n’est pas convaincu de la responsabilité de Borrelia burgdorferi ou des Rickettsiae, il y a tous les autres microbes responsables de « crypto-infections » à rechercher. Même pour les rickettsioses, des formes chroniques ont été décrites : la maladie de Brill-Zinsser, une forme persistante et récurrente de typhus épidémique causé par Rickettsia prowazekii. Il est amusant de constater que Paul Auwaerter, qui qualifiait la forme chronique de la maladie de Lyme d’« antiscience », devait publier trois ans plus tard, en 2014, puis à nouveau en 2015 et 2016, des articles louant

l’efficacité de nombreuses molécules sur les « formes persistantes de Borrelia ». Ces articles sont par ailleurs excellents. Je n’en ai pas cru mes yeux en les lisant et j’ai bien vérifié que l’auteur n’était pas un homonyme. Certes, il ne figure pas en premier auteur et s’est contenté d’ajouter son nom à des travaux réalisés par de nombreux chercheurs, notamment Jie Feng et Ying Zhang. Je n’en ai pas moins été estomaqué de voir que cet homme était capable de changer d’avis en si peu de temps et de soutenir incontinent, aujourd’hui, le contraire de ce qu’il affirmait hier de façon péremptoire ! En effet, c’est ce même monsieur Auwaerter qui a publié depuis deux éditoriaux attaquant avec violence l’idée même de Lyme chronique. Je veux bien qu’on retourne sa veste une fois, mais pas tous les ans ! Pour bien comprendre cet imbroglio scientifique, cette désinformation et cette omerta, il faut remonter l’histoire.

CHAPITRE 4

Histoire des bactéries spiralées et des tiques Nos cellules humaines, comme toutes les cellules composant les animaux, sont dérivées des bactéries, êtres unicellulaires primitifs. L’évolution des bactéries et des autres microbes se poursuit depuis des milliards d’années : elles se sont adaptées progressivement à l’environnement, s’associant ou échangeant du matériel génétique pour créer des structures de plus en plus complexes, dont les cellules animales. Certaines bactéries « utiles » ont même été incorporées de façon définitive par les cellules animales et donc humaines. Il en est ainsi des mitochondries qui nous permettent de survivre dans l’oxygène et même de l’utiliser. En lisant l’ouvrage remarquable de Sagan et Margulis, Microcosmos, traduit en français sous le titre L’Univers bactériel, on apprend que des bactéries mobiles spiralées en forme de petits ressorts, appelées « spirochètes », ont joué et jouent un rôle majeur dans l’évolution des espèces animales et de l’homme. Les spirochètes ont fourni la structure microtubulaire de base de nos cellules. On s’étonne moins, sachant cela, qu’ils puissent se cacher facilement au sein de ces dernières et que leur présence puisse en perturber le

fonctionnement, d’autant plus aisément qu’ils ont tant de points communs avec elles !

Les bactéries spiralées, un « ressort » de l’histoire de l’humanité La maladie de Lyme est due, comme je l’ai rappelé plus haut, à une bactérie spiralée, Borrelia burgdorferi, en forme de petit ressort, tout comme les autres espèces de borrélies. Ces bactéries spiralées appartiennent notamment à l’ordre des spirochétales, classe des spirochètes. L’homme et les animaux cohabitent depuis toujours avec de nombreux microbes et en particulier ces fameux spirochètes. Alors que les ancêtres des spirochètes ont contribué à façonner nos cellules, les spirochètes actuels sont des bactéries mobiles qui peuvent se déplacer dans les liquides biologiques du corps et être à l’origine de nombreuses maladies. Ainsi les spirochètes sont-ils de grands pourvoyeurs de diverses « cryptoinfections ». Les borrélioses sont des maladies infectieuses le plus souvent transmises, on l’a vu, par des vecteurs, les plus habituels étant les poux ou les tiques selon les espèces de borrélies. La plupart des espèces de bactéries ont un réservoir animal (rongeurs, oiseaux ou mammifères).

Il y a beaucoup de bactéries spiralées Les bactéries spiralées ne se limitent pas aux spirochètes, et les spirochètes ne se limitent pas aux borrélies. La classe des spirochètes inclut d’autres genres bactériens comme Treponema et

Leptospira. Le tréponème le plus célèbre est Treponema pallidum, ou tréponème pâle, agent de la syphilis, maladie sexuellement transmissible qui a fait des ravages dans le monde depuis des siècles. Il a été appelé « pâle » car il n’est pas coloré par les méthodes usuelles. La leptospirose est une maladie qui s’attrape au contact des urines de rongeurs contaminés, notamment à travers de petites blessures cutanées, au bord des lacs ou des rivières en été. La leptospirose est le plus souvent bénigne, mais des formes graves et mêmes mortelles en l’absence de traitement antibiotique sont possibles. Une autre bactérie spiralée devenue célèbre est Helicobacter pylori de l’ordre des Campylobacterales, famille des Helicobacteraceae. Helicobacter pylori est reconnu depuis peu comme étant l’agent de l’ulcère gastroduodénal qui depuis plus d’un siècle était considéré comme une maladie psychosomatique. Pourtant, dès 1875, des chercheurs allemands, dont les observations allaient être confirmées en 1900 par des chercheurs français, avaient remarqué la présence de bactéries spiralées dans l’estomac et notamment dans les ulcères. On estimait cependant que ces bactéries passaient par là à cause de l’inflammation présente dans l’ulcère, mais ne pouvaient en aucun cas en être responsables et encore moins survivre dans ce milieu très acide. La découverte du lien entre ulcère et bactérie est liée à une « erreur de laboratoire », comme c’est assez souvent le cas. Cela rappelle la découverte de la « tarte Tatin » ou des « bêtises de Cambrai ». En Australie, Barry Marshall, jeune gastro-entérologue en stage dans le service de Robin Warren, fut chargé de mettre en culture des biopsies gastriques. Il échoua trente-quatre fois à faire pousser des bactéries car il regardait, comme il est habituel, le résultat de ses cultures à quarante-huit heures. Au trente-cinquième essai, il oublia

ses boîtes de culture durant le long week-end de Pâques. Résultat : cinq jours plus tard, la bactérie qui allait être baptisée plus tard Helicobacter pylori avait poussé ! Cette découverte considérable n’a pas convaincu la communauté médicale ni en Australie ni ailleurs : on a systématiquement dénigré ces travaux et empêché pendant longtemps leurs auteurs d’en publier les résultats. Devant les quolibets de la médecine officielle, il a fallu que Marshall, courageusement, avale devant témoins une éprouvette de bactéries, développe en moins d’une semaine un ulcère de l’estomac puis guérisse son ulcère avec des antibiotiques pour qu’on le croie ! Depuis, juste récompense, il a reçu avec son collègue le prix Nobel de physiologie ou médecine en 2005. Il est intéressant de voir qu’actuellement les spécialistes d’Helicobacter pylori peuvent analyser les variants génétiques de la bactérie pour étudier les migrations humaines dans l’histoire. Une étude récente, publiée par Tan en 2014, a par ailleurs montré le lien entre infection à Helicobacter pylori et sévérité de la maladie de Parkinson. Il y a une quinzaine d’années, je siégeais dans une commission de l’Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS) chargée de sélectionner des projets de recherche sur les maladies infectieuses du foie. J’étais le seul infectiologue entouré par de nombreux hépato-gastro-entérologues et quelques microbiologistes. Un microbiologiste français avait montré que l’on pouvait trouver d’autres espèces d’Helicobacter (non pylori) dans les pièces chirurgicales de personnes souffrant de pathologies hépatobiliaires diverses (cirrhose biliaire primitive auto-immune, cirrhose alcoolique, cholangite sclérosante, cancer, etc.). Il demandait un financement pour poursuivre ses recherches. Je trouvais cette thématique passionnante mais malheureusement j’étais le seul dans la salle à le penser. Pour les hépato-gastro-

entérologues, il était hors de question de mettre un sou pour chercher des bactéries à l’origine de maladies. Il y avait beaucoup d’autres choses plus sérieuses à financer ! Je me disais, attristé, qu’ils n’avaient peut-être pas encore bien digéré le coup de l’Helicobacter pylori, cause de l’ulcère de l’estomac. La disparition progressive de cette maladie est pour la spécialité une perte sèche. Le suivi des ulcéreux était une rente à vie avec fibroscopies régulières de contrôle. La présence d’Helicobacter non pylori dans l’estomac est pourtant décrite. Les processus qui amènent le foie à devenir fibreux et dur (fibrose puis cirrhose hépatique) ne sont pas tous élucidés. Le foie est un très gros organe qui filtre le sang en aval du tube digestif. Il ne serait pas surprenant que des « locataires » du foie, des petits microbes, augmentent l’effet néfaste de la consommation excessive d’alcool ou des virus des hépatites chroniques B ou C, facteurs reconnus du développement d’une cirrhose et même du cancer du foie. Les borrélies ont commencé à être identifiées, sans qu’on puisse e les cultiver à l’époque, dès la fin du XIX siècle. Le nom de Borrelia a été créé en 1907 par le microbiologiste suédois Swellengrebel qui étudiait les spirochètes et qui contribua à la reconnaissance de Treponema pallidum comme cause de la syphilis. Cela n’a pas été évident car certains chercheurs remettaient encore en cause l’origine infectieuse de cette célèbre maladie vénérienne ! Pour l’Église, c’était pratique de continuer à en faire un châtiment divin du « péché de chair ». En découvrant des spirochètes différents des tréponèmes, il les baptisa Borrelia en l’honneur de son collègue et ami français Amédée Borrel, bactériologiste formé à Montpellier, entré comme chercheur à l’Institut Pasteur de Paris en 1892, responsable du cours de microbiologie de l’institut et cofondateur du Bulletin de l’Institut Pasteur. Après avoir mis au point le premier

masque à gaz français pendant la Première Guerre mondiale, Borrel s’établit à Strasbourg, repassée en territoire français, à partir de 1919. Les premières borrélioses identifiées ont été les fièvres récurrentes (relapsing fever en anglais). L’une d’elles est de répartition mondiale transmise par le pou de l’homme (Pediculus humanus), la fièvre récurrente mondiale à poux due à Borrelia recurrentis. Comme les autres maladies à poux, le typhus exanthématique par exemple, cette fièvre récurrente est favorisée par la misère et les regroupements de populations dans des conditions insalubres. C’est pourquoi cette maladie émerge dans des zones de guerre ou dans des camps de prisonniers ou de réfugiés. Il a été montré récemment par l’équipe de Didier Raoult que, lors de la retraite de Russie, les grognards de la Grande Armée, couverts de poux, étaient non seulement morts de froid mais avaient été décimés par des maladies transmises par les poux : Bartonella quintana, agent de la fièvre des tranchées, et Rickettsia prowazekii, agent du typhus exanthématique. Les autres fièvres récurrentes, les fièvres récurrentes à tiques, sont limitées à des foyers géographiques plus restreints et sont transmises par certaines espèces de tiques. Au moins une quinzaine d’espèces de borrélies peuvent entraîner des fièvres récurrentes à tiques. En Afrique, les tiques du genre Ornithodoros sont des tiques molles responsables d’infections massives dans la population. Ces tiques sont très souvent présentes dans les anfractuosités des murs des maisons où se cachent des rongeurs infectés. Les borrélies les plus connues sont Borrelia crocidurae au Sahara et au Sahel, Borrelia duttonii en Afrique de l’Est et Borrelia hispanica en Espagne et en Afrique du Nord-Ouest. Au Sahel, il est bien établi dans les études publiées qu’un cas sur deux de forte fièvre mis sur le compte du paludisme est en fait une borréliose. En routine, faute de tests,

ces borrélioses ne sont jamais diagnostiquées ! Fin 2015, un malade français dont le frère est dans le corps expéditionnaire au Mali s’étonnait que toutes les fortes fièvres des soldats fussent systématiquement étiquetées « paludisme » alors que beaucoup, d’après l’observation de son frère sur d’autres soldats, commençaient leur « paludisme » par un érythème migrant ! Pourtant ces fièvres récurrentes et leur lien avec les tiques sont connus depuis des lustres. La fièvre récurrente à tiques est signalée à Madagascar (« fièvre malgache ») depuis le voyage de Robert Drury qui écrivit ses Mémoires Madagascar : Or Robert Drury’s Journal en 1729. Son livre eut beaucoup de succès et fut réédité à plusieurs reprises, bien qu’on l’ait accusé d’avoir enjolivé ses aventures et d’en avoir copié certaines dans l’ouvrage Histoire de la grande isle Madagascar de l’explorateur-historien Étienne de Flacourt, publié en 1661. Drury, né à Londres en 1687, embarqua en 1701 comme jeune mousse sur le navire Degrave en partance pour l’Inde. Lors du voyage de retour, le vaisseau fit naufrage sur les côtes de Madagascar. Il réussit à gagner la côte. Fait prisonnier par le roi local, il fut réduit en esclavage. Après de longues aventures, il réussit, en 1717, à s’échapper sur un navire anglais envoyé par son père. Il revint à Londres puis repartit pour Madagascar comme pirate et marchand d’esclaves ! Ayant été témoin de guerres entre tribus, Drury a rapporté que les Vazimba auraient conservé de nombreuses tiques Ornithodoros dans leurs maisons pour éviter que leurs ennemis Sakalaves y pénètrent, ce qui aurait exposé ces derniers à contracter inévitablement la « maladie des tiques », alors qu’euxmêmes étaient immuns vraisemblablement depuis leur plus jeune âge (François Rodhain, Archives de l’Institut Pasteur de e Madagascar). Au début du XX siècle, on a décrit la « fièvre récurrente hispano-africaine », attribuée entre les deux guerres

mondiales à un spirochète, appelé à l’époque Spirochaeta hispanicum, que l’on a finalement reconnu être une Borrelia.

Nous sommes tous fabriqués avec, dans nos cellules, des microtubules de spirochètes ! Comment les spirochètes ont-ils joué un rôle dans l’évolution ? Sagan et Margulis proposent, pour répondre à cette question, de mettre en perspective un certain nombre de données suggestives. Les spirochètes ont toujours eu la particularité d’être très mobiles grâce à des structures microtubulaires. Cette mobilité leur a donné un avantage dans la compétition des espèces microbiennes, leur permettant de fuir les environnements hostiles ou de gagner des zones riches en substances nutritives. Parmi les spirochètes, il y en avait de très méchants capables de tuer d’autres cellules pour survivre. Certains spirochètes sympas étaient capables d’aider d’autres microbes ou cellules immobiles à se déplacer, en jouant le rôle de pousseur. Cela a contribué à la sélection positive de certaines cellules. D’autres spirochètes enfin, le modèle intermédiaire, étaient capables de rentrer dans les cellules, non pour les tuer, mais pour les transformer de l’intérieur et éventuellement en tirer profit tout en les aidant à survivre. C’est ainsi qu’il y a quelques millions d’années nos cellules, qui allaient devenir animales puis humaines, ont été construites à partir de microtubules de spirochètes, petits tubes permettant la mobilité mais aussi beaucoup d’autres fonctions dans la cellule, d’abord la cellule bactérienne puis la cellule animale ou humaine, tel un jeu de construction. Nous sommes bourrés de microtubules de spirochètes ! Les cellules de l’arbre respiratoire ont des cils qui ondulent dans les bronches pour

faire remonter les impuretés vers le larynx ; les cils ondulent grâce à des microtubules de spirochètes. Les hormones sont sécrétées dans le corps via des microtubules de spirochètes, par exemple l’insuline produite par le pancréas. Les cellules nerveuses sont construites sur la base de ces microtubules, de même que les cellules de la vision. Les flagelles des spermatozoïdes qui leur permettent de progresser à grande vitesse pour se lancer tête baissée dans les trompes de la femme à la course à l’ovule sont faits de ces microtubules mobiles. Même les microtubules disposés en faisceaux qui permettent à nos chromosomes de se dédoubler pendant la division de nos cellules, que l’on appelle mitose, sont des microtubules de spirochètes ! Cela donne le vertige d’y penser. On comprend mieux pourquoi, quand des petites bactéries de la famille des spirochètes, en apparence anodines, rentrent dans nos organes et nos cellules, elles pourraient être capables de semer la confusion dans le fonctionnement de nos microtubules et ainsi de perturber le fonctionnement de beaucoup de choses dans l’organisme.

On ne sait plus diagnostiquer les borrélioses en routine dans la médecine moderne Les anciens médecins tropicalistes confirmaient le diagnostic de borréliose par des examens microscopiques de frottis sanguins, mais cette pratique est tombée en désuétude, et il n’y a plus moyen dans la médecine moderne de diagnostiquer en routine ces maladies pourtant extrêmement fréquentes. Les seuls cas diagnostiqués le sont de façon sporadique à l’occasion de travaux de recherche. Cela est d’autant plus troublant que, dans les pays développés, près de la moitié des fièvres prolongées inexpliquées pour lesquelles les meilleurs médecins internistes ou infectiologues

n’ont pas trouvé de diagnostic ont un profil évolutif de fièvre récurrente !

Nos amies les tiques, vecteurs d’infections Contrairement à ce qu’on pense habituellement, les tiques ne sont pas des insectes. Les tiques, comme les insectes, sont des arthropodes, mais elles appartiennent à une autre famille, les arachnides, comme les acariens (dont les aoûtats), les sarcoptes, les araignées ou les scorpions. Parmi les nombreux mécanismes de transmission des maladies infectieuses, le rôle des vecteurs arthropodes est majeur. Ce peuvent être des arachnides mais également des insectes, comme les moustiques, les poux ou les punaises (dont le réduve qui transmet la maladie de Chagas en Amérique latine). Ces arthropodes, en particulier les moustiques, les puces, les poux et les tiques, ont joué et jouent un rôle majeur dans l’histoire des animaux et de l’humanité : ils ont été à l’origine des plus grandes épidémies ou pandémies (épidémies touchant plusieurs continents) qui ont décimé des populations gigantesques. La tique fait habituellement moins peur car chacun en a vu sur divers animaux, y compris les animaux d’élevage ou de compagnie. Beaucoup de personnes sont piquées par des tiques sans s’en apercevoir et sans problème apparent, en tout cas sur le moment. Pourtant, ces êtres en apparence inoffensifs sont redoutables. Il y a des tiques dures et d’autres molles. Il en est de résistantes à l’instar des petits chars d’assaut cuirassés ; certaines formes de la tique peuvent rester un an sans manger ni boire. Par les échanges de gènes, elles jouent sûrement un rôle dans l’évolution des espèces,

mais malheureusement elles transmettent aussi beaucoup de microbes responsables d’infection. Pour une part, les maladies induites sont aiguës, parfois graves mais souvent facilement diagnostiquées. D’autres maladies sont latentes, chroniques, ces « infections inapparentes » si mal connues. Les tiques sont répandues en grand nombre sur toute la planète. Même si elles préfèrent probablement un rat, une biche ou quelque musaraigne à se mettre sous le rostre, elles ne font pas la fine bouche quand un humain passe à proximité. Ce sont de vrais petits vampires ! Le rostre est une pièce effilée creuse servant d’aiguille, dotée de structures permettant de découper la peau comme de petits ciseaux et aussi dotée de petits crochets antiretour permettant de bien s’accrocher comme un harpon. Les tiques opèrent de façon « très professionnelle », si l’on me permet cette image, en réalisant une anesthésie locale et en sécrétant une espèce de colle qui fixe solidement le rostre. Grâce à des enzymes contenues dans sa salive, la tique va détruire les tissus autour du point de piqûre, ce qui va former une petite poche de sang sous la peau (ou « lac sanguin ») par rupture de capillaires sanguins. Le sang va se mélanger avec les débris cellulaires et les sécrétions salivaires de la tique qui va se nourrir, mais aussi régurgiter dans cette poche et ainsi transmettre des microbes. Il existe différents cycles suivant les genres et les espèces de tiques. Les tiques dures aiment que ça dure ! Elles font des repas prolongés. Pour les tiques dures du genre Ixodes, la durée du repas est de deux à trois jours pour les larves, d’environ cinq jours pour les nymphes et jusqu’à une dizaine de jours pour les adultes femelles. En se gorgeant de sang, la femelle peut augmenter son poids de plus de six cents fois, et sa taille peut dépasser un centimètre de longueur ! L’adulte mâle ne mange pas mais s’accouple à la femelle pendant son repas sur l’hôte. Puis le

mâle meurt. La femelle se laisse tomber pour pondre ses œufs, après quoi elle meurt à son tour. Si le repas sanguin est écourté, la tique peut le reprendre sur un nouvel hôte (en infectiologie, on appelle les victimes « hôtes » car elles hébergent gracieusement les microbes). On parle de morsure ou de piqûre car en fait la tique réalise les deux à la fois. Les tiques nous aiment beaucoup. Ce sont de véritables petites seringues à pattes, ultrarésistantes, qui ne se nourrissent que trois fois de sang dans leur vie, une fois à chaque stade. La tique passe de larve à nymphe puis de nymphe à adulte. Si vous voulez élever des tiques chez vous, certaines sont très mignonnes, elles ne coûtent pas cher à nourrir ! La larve mesure moins de un millimètre et la nymphe d’un à deux millimètres. La larve peut attendre un an sans manger ! Une tique adulte peut aussi jeûner plusieurs mois si un animal ou un homme n’a pas la gentillesse de passer à proximité. La tique peut s’hydrater en absorbant l’humidité ambiante. Elles aiment attendre leur proie dans les hautes herbes ou les fougères et sont particulièrement nombreuses dans les forêts. Elles détectent la chaleur et le dioxyde de carbone émis par leur future victime. Certaines espèces de tiques sont moins passives et préfèrent partir en chasse et courir pour atteindre une victime. La piqûre indolore peut passer inaperçue, surtout si la tique pique dans une zone peu accessible au regard (le dos, les plis, le nombril, le cuir chevelu, le conduit auditif, la raie des fesses ou les lèvres génitales). Les tiques molles sont adeptes de la restauration rapide et se décrochent souvent après un repas de quelques minutes à quelques heures. Certaines tiques molles peuvent jeûner pendant cinq ans. Les nymphes, bien plus petites que les adultes, passent très souvent inaperçues. Même si elles sont moins riches en Borreliae que les adultes, les nymphes, étant dix à cinquante fois plus

nombreuses, sont la source majeure de contamination. Les larves sont encore plus minuscules, mais, étant dix fois moins infectées que les nymphes, elles contaminent plus rarement. On comprend pourquoi la majorité des personnes contaminées par des tiques n’ont aucun souvenir d’une piqûre. Les nombreuses espèces de tiques présentes dans le monde hébergent un nombre incalculable de microbes variés (bactéries, parasites, virus). Une publication scientifique internationale avait même pour titre « La ménagerie des tiques ». Heureusement tous ces microbes n’entraînent pas de maladie chez l’homme, et les taux d’infestation des tiques par tel ou tel microbe sont très variables d’une région à une autre. Les tiques, passant leur temps depuis des millénaires à échanger du matériel génétique microbien avec de nombreuses espèces animales, incluant l’homme, jouent vraisemblablement un rôle dans l’évolution des espèces. Malheureusement ces « échanges » se traduisent souvent par la survenue de maladies. Si l’on regarde dans l’histoire, beaucoup de maladies qui ont décimé des populations entières sont transmises par des vecteurs comme les moustiques (par exemple le paludisme), les puces (par exemple la peste) ou les poux (par exemple le typhus). Dans beaucoup de régions du monde et notamment en Europe et en Amérique du Nord, on rapporte une augmentation importante du nombre de tiques dans la nature. Plusieurs facteurs pourraient être en cause. La surface des forêts s’étend, les chasseurs sont moins nombreux et le gibier prolifère, venant au contact des habitations. Les bouleversements de la nature induits par l’homme ont vraisemblablement réduit des populations d’animaux prédateurs de tiques. Le réchauffement climatique pourrait jouer un rôle. Même si les tiques restent beaucoup plus actives aux beaux jours, on

observe en France des piqûres de tique avec érythème migrant en plein hiver. De plus, les tiques voyagent. Ainsi, des tiques traversent l’Europe d’est en ouest à bord de camions en raison de l’importation de sangliers pour la chasse ou d’oiseaux. D’autres voyagent dans les balles de foin importées de divers pays. Les tiques des pays froids, tempérés ou chauds n’ont pas les mêmes températures d’activité maximale. Ainsi, une tique scandinave immigrée en France pourrait s’en donner à cœur joie en plein hiver.

CHAPITRE 5

La maladie de Lyme, non identifiée en tant que telle, décrite en Europe e dès la fin du XIX siècle

La maladie en Europe Parmi les « crypto-infections », la maladie de Lyme est emblématique par son ancienneté, alors qu’on l’a fait passer pour un phénomène émergent rare et localisé géographiquement. Même si elle n’était pas encore connue sous ce nom, les premières descriptions de la maladie de Lyme remontent à la fin du e XIX siècle en Europe. Le lien avec la piqûre de tique et la description des lésions initiales, représentant la phase primaire de la maladie, e ont été décrits au début du XX siècle. Les phases plus tardives de la maladie ont été décrites peu après. Dans les années 1920, des atteintes méningées, neurologiques dont des paralysies ont été rapportées après piqûre de tique en France puis en Allemagne.

Pendant des décennies, ces maladies à tiques ont été mal comprises, même si certains avaient évoqué la responsabilité de spirochètes, bactéries spiralées, ainsi que l’efficacité des antibiotiques. Il a fallu attendre la description de l’épidémie américaine dans la ville d’Old Lyme dans le Connecticut dans les années 1970 puis la découverte de la bactérie responsable, Borrelia burgdorferi, pour que la maladie ait un nom et que des tests diagnostiques soient mis au point. Tout a été basé sur la sérologie, c’est-à-dire la recherche d’anticorps dans le sang des malades témoignant de leur rencontre avec la bactérie. e e À la fin du XIX et au début du XX siècle, des médecins spécialistes (dermatologues, neurologues, rhumatologues, psychiatres) avaient repéré, chacun dans leur domaine et au sein des organes concernés par leur discipline, que des malades pouvaient présenter des soucis de santé, parfois graves, après piqûre de tique. La cause a été longtemps inconnue, même si certains ont évoqué la responsabilité de spirochètes, puis ultérieurement, dans les années 1950, rapporté l’efficacité des antibiotiques. Pendant des décennies, le lien entre ces différentes formes de présentation de signes et symptômes très variés n’a pas été fait. C’est pourquoi cette maladie n’avait pas encore de nom.

L’érythème migrant, signe caractéristique de la maladie En 1910, Arvid Afzelius, dermatologue suédois, avait noté l’apparition d’une lésion cutanée rouge en forme d’anneau, à la suite d’une piqûre de tique du genre Ixodes. Lipschütz rapporta en

Autriche des cas identiques en 1913 et proposa le nom d’Erythema chronicum migrans (ECM).

Les atteintes méningées, neurologiques et les paralysies à tiques En 1922, deux médecins français de Lyon, Charles Garin et Charles Bujadoux ont décrit la méningo-radiculite qui a porté leurs noms. Le premier cas était une méningo-radiculite (méningite associée à une atteinte des racines nerveuses) survenue chez un enfant après un érythème migrant. Des manifestations neurologiques étaient observées après piqûre de tique avec survenue possible de paralysies dont des formes graves et parfois mortelles. Garin et Bujadoux étaient persuadés, sans en apporter la preuve, que les paralysies à tiques étaient dues à des spirochètes non syphilitiques. En 1928, Steiner à l’Université de Heildelberg a mis en évidence des spirochètes non syphilitiques dans le cerveau de patients décédés de sclérose en plaques. En 1930, Hellerström, en Suède, a confirmé le lien entre certaines méningites et l’érythème migrant.

Le syndrome de la peau parcheminée déjà e décrit au XIX siècle Après coup, on a pu relier à la maladie de Lyme un syndrome e cutané décrit à Breslau en Allemagne à la fin du XIX siècle en 1883, par un médecin dénommé Alfred Buchwald. Il s’agissait d’anomalies cutanées chroniques caractérisées par un vieillissement prématuré de la peau prenant un aspect parcheminé, surtout visible aux

membres inférieurs. Pick en 1894 puis Herxheimer et Hartmann en 1902 ont décrit des tableaux identiques. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui l’acrodermatite chronique atrophiante ou syndrome de Pick-Herxheimer.

Le tragique destin d’Herxheimer, victime des nazis Karl Herxheimer, allemand, était un des plus grands dermatologues de l’époque. Il connaissait parfaitement la syphilis et était très avancé dans la connaissance de cette « nouvelle maladie » que l’on n’appelait pas encore maladie de Lyme. Karl Herxheimer est mort le 6 décembre 1942 dans un camp de concentration allemand situé dans les Sudètes, à Theresienstadt. Cette région est aujourd’hui en Tchéquie. Avant d’être tué, il semble que ses grandes connaissances médicales et scientifiques sur le sujet aient retenu l’attention des chercheurs nazis chargés de la recherche sur les maladies transmises par les tiques, notamment un tristement célèbre vétérinaire, Erich Traub, qui avait effectué un stage de recherche aux États-Unis avant la guerre à l’Institut Rockfeller pour la recherche médicale, à Princeton dans le New Jersey, sous la direction de Richard Shope. Revenu en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, Traub a travaillé au développement d’armes microbiologiques sur l’île de Riems, dans la mer Baltique, près de Greifswald dans le land allemand de MecklembourgPoméranie-Occidentale. Ce centre de recherche avait été créé en 1910 par Friedrich Löffler, avant d’être détourné de ses nobles e fonctions par le III Reich. Traub était vice-président de l’Institut Friedrich-Löffler. Les maladies humaines transmises par les arthropodes ont aussi été très étudiées sur des cobayes humains

dans l’Institut für Entomologie (Institut d’entomologie) installé dans le camp de concentration de Dachau en Bavière.

La réaction d’exacerbation de JarischHerxheimer (ou « herx ») Des années avant sa mort tragique, Karl Herxheimer avait, avec son collègue autrichien Adolf Jarisch, décrit la réaction d’exacerbation parfois violente des symptômes lors du traitement de la syphilis par le mercure. D’où le nom de réaction de JarischHexrheimer (ou « herx » pour les intimes) donné à cette réaction très fréquente. D’abord décrite avec le mercure, elle a été rapportée par la suite avec les antibiotiques. Le mercure soignait l’infection mais, étant toxique, finissait par entraîner des complications graves par empoisonnement. On disait à l’époque que « les syphilitiques tombaient des bras de Vénus dans ceux de Mercure » ! C’est pourquoi son usage a été détrôné par celui des antibiotiques. On décrira plus tard la même réaction d’exacerbation au cours du traitement de la maladie de Lyme.

« Pli selon pli », divers aspects de la maladie sont décrits En 1943, en Suède, Bo Bäfverstedt décrit la Lymphadenosis benigna cutis. À la suite de Garin et Bujadoux, Bannwarth rapportait lui aussi en 1941 une méningite après piqûre de tique ; dès lors, la maladie a connu plusieurs dénominations : syndrome de Garin et Bujadoux, syndrome de Bannwarth ou syndrome de GarinBujadoux-Bannwarth. Une autre lésion cutanée caractéristique de la

maladie, mais plus rare, est le lymphocytome cutané bénin décrit en 1911 par Burckhardt. Bäfverstedt lui donna son nom en 1943. Il est connu actuellement sous le nom de lymphocytome borrélien. Il s’agit d’une lésion inflammatoire ayant souvent l’aspect d’une petite boule rouge sensible sur le lobe de l’oreille ou plus rarement le mamelon ou le scrotum. On sait maintenant, grâce à Eva Sapi qui l’a publié en 2016, que ces lymphocytomes contiennent des biofilms de Borrelia.

Des bactéries, en particulier des spirochètes non syphilitiques, suspectées d’être la cause de syndromes liés aux tiques En 1948, Carl Lennhoff en Allemagne affirme avoir vu des spirochètes dans des biopsies, mais ses résultats ont été démentis, sur le soupçon qu’il s’agissait d’artefacts, c’est-à-dire de fausses images liées à une mauvaise technique. C’est toujours pareil en science, quand on est le premier à voir, les autres disent que ce n’est pas possible et que l’on a mal travaillé ! En 1949, Hellerström suggère aussi la responsabilité de spirochètes.

Premières annonces de l’efficacité des antibiotiques sur les symptômes consécutifs aux piqûres de tiques En 1949 également, Thyresson, en Suède, dans une étude portant sur cinquante-sept patients atteints d’acrodermatite chronique atrophiante, a montré l’efficacité de la pénicilline. En 1951, Hollström, en Suède, rapporte l’efficacité de la pénicilline sur l’érythème chronique migrant. Une autre étude portant sur soixante-

sept malades, publiée en 1953, a confirmé l’efficacité de la pénicilline dans l’érythème chronique migrant. En 1955, Binder et collaborateurs, en Allemagne, ont montré qu’un agent infectieux présent dans un érythème migrant, sensible à la pénicilline, pouvait être transmis aux humains par une tique de l’espèce Ixodes ricinus. Il n’a pas pu, à l’époque, identifier le microbe. Il a, en revanche, pu confirmer la transmission expérimentale d’homme à homme à partir d’un érythème migrant. Cette transmission expérimentale d’homme à homme a aussi été montrée par Götz en 1954 à partir d’une acrodermatite chronique atrophiante et par Paschoud en 1958 à partir d’un lymphocytome cutané bénin. Les expérimentations humaines de l’époque se passaient de comité d’éthique !

Ötzi, le premier « lymé » du néolithique tardif Ces bactéries existent depuis la nuit des temps, comme le prouve la découverte récente en 1991 par des randonneurs de la momie d’Ötzi dans les Alpes du Tyrol à la frontière entre l’Autriche et l’Italie. Cet homme, vraisemblablement chasseur puisqu’il portait un poignard, un arc, des flèches et une hache en cuivre, est décédé il y a environ cinq mille trois cents ans, à la fin du néolithique, plus précisément au chalcolithique et à l’âge du cuivre. Depuis, son corps est resté congelé dans un glacier. Sa momie est ressortie à l’occasion de la fonte des glaces dans les Alpes. Contrairement aux malades d’aujourd’hui qui n’ont pas accès à des tests diagnostiques fiables, Ötzi a bénéficié de fonds importants pour effectuer des recherches sur sa momie. Oh ! surprise, les organes d’Ötzi hébergent de façon diffuse le génome d’une Borrelia identique à 60 % avec celui de Borrelia burgdorferi, agent de la maladie de Lyme. Ce n’est pas de chance car il est dit partout que cette maladie

est rare en Europe. Si l’on écoute la médecine officielle moderne, ce brave chasseur du néolithique tardif est probablement tombé sur une des rares tiques contaminées en Europe à l’époque. C’est quand même curieux que le premier et seul chasseur que l’on retrouve congelé soit infecté et malade d’une infection proche de la maladie de Lyme ! Ötzi n’est pas décédé de la maladie de Lyme, mais a été tué par une flèche dont on a retrouvé la pointe fichée dans son épaule gauche, flèche qui lui avait transpercé l’artère sous-clavière. Il portait des tatouages dans la région lombaire et en regard des articulations des genoux et des chevilles, laissant à penser qu’il avait consulté un spécialiste de l’époque pour soigner des lombalgies et des douleurs articulaires. Il était d’usage de faire des tatouages thérapeutiques. Ötzi était bourré d’artériosclérose. Il était aussi adepte de la phytothérapie puisque l’on a retrouvé dans sa besace des champignons médicinaux utilisés à l’époque pour traiter certaines parasitoses. C’était une période heureuse avant l’apparition du régime de Vichy qui, pendant l’occupation nazie, a interdit l’herboristerie et avant les poursuites en charlatanerie exercées par les autorités de santé à l’encontre des phytothérapeutes. Autre clin d’œil de l’histoire, il est amusant de noter l’origine corse d’Ötzi alors que, dans la version officielle actuelle, la Corse est indemne de la maladie de Lyme. Mes malades corses qui ont été contaminés par des tiques du maquis ne partagent pas tout à fait cette version. Les maladies vectorielles à tiques ont accompagné l’histoire. L’arche de Noé était sûrement bourrée de tiques infectées !

La maladie aux États-Unis, baptisée « arthrite » puis « maladie » de Lyme

Pourquoi la grande borréliose qui défraie la chronique s’appelle-t-elle « maladie de Lyme » ? Le nom actuel de la maladie vient de la ville de Lyme dans l’État du Connecticut aux États-Unis et plus précisément du village d’Old Lyme situé près du bord de mer à l’embouchure du fleuve Connecticut. « Connecticut » signifiait, dans la langue amérindienne de la région, « le long fleuve ». Il s’agit d’un des plus anciens sites d’installation des colons britanniques dans la région dans les années 1630-1640. C’est une petite ville très calme au milieu de la verdure avec de belles maisons, certaines de style colonial. Le gazon est impeccablement tondu devant le petit temple de la First Congregational Church fondée en 1665. La population vivait heureuse dans ce petit paradis tranquille, peut-être un peu trop e tranquille, depuis le XVII siècle quand, au cours des années 1970, le malheur s’est abattu sur la région. Le Connecticut avait beau être un long fleuve, la vie n’y était plus un « long fleuve tranquille ». Beaucoup de personnes sont tombées malades, se plaignant d’une grande fatigue, de problèmes de santé variés, de douleurs, en particulier articulaires, de troubles neurologiques ou cardiaques. Chez les enfants, l’inflammation des articulations, ou arthrite, était très fréquente. À l’époque, les médecins portaient le plus souvent le diagnostic d’arthrite rhumatoïde juvénile, ou maladie de Still de l’enfant qui est une maladie connue des rhumatologues, d’origine inexpliquée et qui est rangée dans la rubrique des maladies dites auto-immunes. Les maladies auto-immunes sont des maladies inflammatoires de mécanisme inconnu et pour lesquelles on émet l’hypothèse que l’organisme se retourne contre lui-même en activant

le système immunitaire contre les propres cellules ou tissus de l’individu atteint au lieu de s’attaquer à des microbes.

La saga de la maladie de Lyme inventée et « racontée aux enfants » par un club d’« experts » basé à Boston LA MISS MARPLE DU LYME : POLLY MURRAY, UNE DES PREMIÈRES MALADES, ARTISTE PEINTRE MAIS SURTOUT DÉTECTIVE ÉPIDÉMIOLOGISTE AMATEUR HORS CLASSE L’alerte a été donnée par une femme résidant à Lyme, Polly Murray, artiste peintre de son métier. Polly était malade depuis 1956, souffrant de fatigue chronique, de maux de tête, de douleurs articulaires et d’une sorte d’eczéma. Elle a mis cela sur le compte de sa grossesse, et les symptômes ont disparu par la suite. En 1965, sa maladie revint en force avec, en plus des symptômes initiaux, des problèmes cognitifs, c’est-à-dire des troubles de mémoire et de concentration. Elle a consulté de nombreux médecins qui lui ont tous dit que c’était psychosomatique et qu’elle était hypocondriaque. Un médecin lui aurait même objecté : « Vous savez, madame Murray, certaines personnes souhaitent tomber malades dans leur subconscient. » Elle s’est retrouvée en psychiatrie ! Cela rappelle beaucoup le parcours habituel de nos malades actuels. Rien n’a changé en un demi-siècle ! Désespérée, voyant son état empirer, elle passa de nombreuses heures à la bibliothèque de l’université pour essayer de trouver, en vain, la cause de ses troubles. Au début des années 1970, son fils aîné tombe malade, puis son fils plus jeune est contaminé à son

tour. Ils souffraient de symptômes très semblables et présentaient, l’un comme l’autre, des taches rouges circulaires bizarres sur la peau. Le diagnostic retenu fut celui d’arthrite rhumatoïde juvénile. Ils ne pouvaient se déplacer qu’avec des béquilles. Bientôt, son mari sera lui aussi atteint de la même maladie. Loin d’être « folle » comme le prétendait la « version officielle », Polly était au contraire remarquablement intelligente et a commencé à jouer les Sherlock Holmes, ou plutôt les Miss Marple. Son enquête personnelle, menée en 1971, lui a permis d’identifier rapidement quatorze cas similaires au sien, en particulier chez des enfants. Ne pouvant plus tenir face à l’inertie des médecins de la région, Polly décroche son téléphone en octobre 1973 pour alerter le service de santé de l’État, le Connecticut State Health Department. Cela vaut des ennuis à son médecin traitant qui lui reproche ce coup de fil qu’il juge déplacé. Polly, en vraie épidémiologiste autodidacte, augmente sa liste de cas par une enquête téléphonique systématique. Elle rappelle à plusieurs reprises le Connecticut State Health Department où on commence à la connaître et à la considérer comme… « une agitée du bocal ». On lui répond qu’elle affabule car l’arthrite n’est pas contagieuse ni soumise à déclaration obligatoire. Un soir de 1975, Polly reçoit l’appel téléphonique d’une psychiatre, le docteur Judith Mensch, qui avait entendu parler d’elle. Cette psychiatre, qui habite à Lyme, est elle-même malade et avait été diagnostiquée par ses confrères comme un cas de « dépression ». Sa fille et sa voisine sont aussi tombées malades, souffrant des mêmes symptômes. Le docteur Judith Mensch alerte le même service de santé de l’État. On ne peut pas envoyer balader un médecin comme on le ferait avec une « simple malade », « réputée folle » de surcroît. C’est ainsi que le Connecticut State Health Department se résout à mettre sur le coup un épidémiologiste, le docteur David Snydman.

ENQUÊTE OFFICIELLE À LYME : UNE INVESTIGATION MENÉE, AU SENS PROPRE, MANU MILITARI, MAIS À PAS RALENTIS Ce qui est curieux, à ce tout début de l’« affaire Lyme », c’est que ce médecin, David Snydman, est un Epidemic Intelligence Officer. Il a été formé dans l’Epidemic Intelligence Service des Centers for Disease Control and Prevention (CDC) d’Atlanta (le centre fédéral de surveillance des maladies, chargé également de leur prévention). L’Epidemic Intelligence Service a été créé en 1951 au moment de la guerre de Corée afin de former des chercheurs aux techniques de la guerre microbiologique. À cette période de la guerre froide contre les communistes, les États-Unis avaient peur d’attaques microbiologiques, déjà utilisées par les Soviétiques, les nazis et les Japonais, avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce service a formé de nombreux militaires ainsi que des civils collaborant avec l’armée. Les experts formés par l’Epidemic Intelligence Service ont été affectés par la suite à des unités médicales militaires opérationnelles, à des instituts de recherche, à des médias ou dans les réseaux de renseignement. Le docteur David Snydman inaugura sa mission en joignant par téléphone le docteur Mensch, la psychiatre malade, puis la désormais célèbre Polly Murray. Il consulta alors la liste de patients établie par Polly (trente-cinq personnes qui avaient donné l’autorisation de communiquer leur nom et leur état de santé) et se rendit sur place à Old Lyme pour enquêter. De retour dans son service, il déclara : « There is a hell of lot arthritis out there » (« C’est l’enfer là-bas, c’est plein d’arthrites »). Snydman contacta, comme par hasard, un autre médecin formé en même temps que lui à l’Epidemic Intelligence Service, Allen Caruthers Steere, rhumatologue à l’Université Yale. Nos deux amis formés à la guerre

microbiologique observèrent que la fréquence de l’arthrite était cent fois plus élevée à Lyme que dans le reste des États-Unis. Les nouveaux cas, répartis en foyers géographiques, se manifestaient surtout en été. Alors que Polly Murray avait pris un rendez-vous avec un médecin à l’Université Yale, on lui demanda de voir à la place le docteur Steere. Celui-ci la reçut très aimablement en novembre 1975, gagna sa confiance et commença son interrogatoire. LE DOCTEUR ALLEN CARUTHERS STEERE, JEUNE RHUMATOLOGUE, MÈNE L’ENQUÊTE, DÉCLARE QU’IL S’AGIT D’UNE NOUVELLE MALADIE RHUMATISMALE ET RÉFUTE TOUTE HYPOTHÈSE INFECTIEUSE Progressivement, il est apparu que beaucoup de malades rapportaient un antécédent de piqûre de tiques et/ou une tache rouge (érythème) sur la peau, souvent autour du point de piqûre. Cet érythème de taille très variable pouvait atteindre plusieurs centimètres, voire beaucoup plus et avait le plus souvent une évolution centrifuge avec un élargissement progressif et un éclaircissement central, alors que le pourtour restait habituellement bien rouge. C’est le fameux aspect en cocarde, caractéristique de la maladie de Lyme et que l’on appelle érythème migrant. Cette lésion cutanée avait été rapportée depuis le début du XXe siècle en Europe, mais personne ne voulut établir de lien. Certains médecins américains ont dès cette époque soupçonné une origine infectieuse à cette maladie qui était alors appelée, en raison de la fréquence et de l’importance des atteintes articulaires, « arthrite de Lyme ». Cependant, Allen Steere, qui était rhumatologue, n’avait pas prêté ou ne voulait pas prêter attention à tous les autres signes et symptômes non articulaires de la maladie. En particulier, il n’avait

pas pris la peine de contacter les dermatologues de la région et réfuta tout lien entre ces arthrites et les érythèmes migrants. Il ne prit pas non plus la peine d’étudier les publications médicales et en particulier les travaux européens anciens sur le sujet qui pourtant faisaient l’objet de publications régulières de 1883 à 1974, c’est-àdire sur près d’un siècle ! Le déni sur la maladie de Lyme avait-il déjà commencé ?

Des cas isolés de la maladie existaient probablement aux États-Unis avant l’épidémie d’Old Lyme Aux États-Unis, le premier cas de « rougeur migrante » a été rapporté en 1956 dans un manuel. Le premier cas d’érythème migrant publié ne l’a été que beaucoup plus tard par Rudolph Scrimenti en 1970. Scrimenti, dermatologue, qui avait lu les descriptions européennes d’érythème migrant du Suédois Hellerström, porta le diagnostic chez un chasseur du Wisconsin qui se plaignait aussi de problèmes neurologiques et articulaires. Scrimenti rapprocha cette maladie des nombreuses piqûres de tiques dont ce chasseur avait été victime. Actuellement, le Wisconsin, à l’ouest des Grands Lacs, est l’un des États les plus touchés après ceux du nord-est des États-Unis.

Steere persiste à ignorer la longue expérience du « Vieux Continent », alors que certains médecins américains améliorent ou guérissent des malades par antibiotiques

Alors que Steere défendait l’origine auto-immune des cas, le caractère épidémique évident allait finalement l’obliger à changer de cap, tant sa thèse n’était plus crédible sur le plan scientifique. Il dut se résoudre à reconnaître une cause infectieuse, celle-là même dont il avait si longtemps exclu la possibilité. Pourtant, très peu de temps auparavant, en 1974, Weber, en Allemagne, publiait sur la guérison des érythèmes migrants avec les antibiotiques. En 1976, Steere, reprenant à son compte le travail de Polly Murray, finit par évoquer une cause infectieuse probable à son « arthrite de Lyme » en disant que le microbe en cause était un virus et que les antibiotiques étaient inefficaces ! Polly la malade a tenté, en vain, de convaincre Steere que les signes et symptômes non articulaires de la maladie relevaient de la même cause et qu’il faudrait évaluer l’efficacité des antibiotiques. C’est terrible ces malades qui savent mieux que les médecins ! C’est terrible quand les médecins ignorent la mise en garde de William Osler, célèbre médecin canadien, un des pères de la médecine moderne : « Écoutez vos patients, ils peuvent avoir raison ! » Le docteur Steere rencontra alors le médecin militaire commandant William Mast du Medical Corps de l’US Naval Reserve qui, lui, savait lire et qui avait soigné depuis 1975, sur la base des études européennes publiées, dix cas d’érythème migrant par les antibiotiques. Mast publiera avec Burrows en 1977 dans le Journal of the American Medical Association l’efficacité de l’érythromycine. Déjà en 1970 un pédiatre de la ville de Hamden, Connecticut, le docteur Charles Ray Jones, avait constaté par hasard chez un premier patient l’efficacité des antibiotiques. Ne connaissant rien à la maladie ni à son origine, il va soigner de nombreux cas d’« arthrite » de Lyme par antibiotique. Il observa que beaucoup de malades rechutaient et requéraient d’être traités à nouveau par antibiotique. Il constata aussi que la maladie devenait souvent chronique. Il est

intéressant de noter qu’en 2007 les foudres des autorités de santé se sont abattues sur ce médecin précurseur pour essayer de l’empêcher d’exercer la médecine ! On pourrait dire avec recul que cette inquisition est banale dans la maladie de Lyme.

1977-1979, l’« arthrite » acquiert ses lettres de noblesse en devenant « maladie » En 1977, brusque revirement. Steere, dont le retard à l’allumage est toujours aussi impressionnant, a enfin pris connaissance des travaux européens et accepte le lien entre érythème migrant et arthrite. Il publie un article sur ce thème dans Annals of Internal Medicine, en tentant au passage de faire passer cette thèse pour une grande découverte personnelle. Il commence à décrire les atteintes neurologiques et cardiaques. Cependant, il affirme que « sa » nouvelle maladie n’a toujours aucun lien de parenté avec la maladie décrite en Europe. En effet, dès les premières descriptions des malades de la région d’Old Lyme effectuées par Steere, celui-ci a souligné que cette maladie américaine donnait beaucoup plus d’atteintes articulaires que les anciennes descriptions européennes et a toujours minimisé les autres atteintes, notamment neurologiques, pourtant massivement observées aux États-Unis, contrairement à ce qu’il affirmait et publiait. Steere souhaitait vraiment que cette maladie reste un problème purement articulaire. En 1979, ne pouvant rester crédible face à l’évidence des faits, il finit par reconnaître que les malades ne souffrent pas que de problèmes articulaires ou cutanés mais qu’ils présentent bel et bien des signes et symptômes neurologiques et cardiaques, comme en Europe. Le nom « arthrite de Lyme » est changé officiellement en « maladie de Lyme ». Polly avait raison ! Malgré la connaissance depuis un quart

de siècle de l’efficacité des antibiotiques dans des publications, Steere a longtemps tenu le parti pris qu’ils étaient inefficaces dans la maladie de Lyme et a continué pendant des années, en bon rhumatologue, à recommander un traitement par aspirine, antiinflammatoires ou cortisone ! Pourtant son collègue américain Scrimenti avait écrit plusieurs années auparavant que la cause de l’érythème migrant était une bactérie transmise par les tiques et que la pénicilline était efficace. La seule récompense de Scrimenti a été les ricanements narquois de ses collègues. Il a fallu attendre 1980 pour que soient commencés aux ÉtatsUnis des essais évaluant l’efficacité des antibiotiques. Ce rappel historique montre que la maladie de Lyme ou des maladies voisines existaient depuis la nuit des temps. Décrite à partir de la fin du e XIX siècle en Europe, elle n’avait presque jamais été diagnostiquée aux États-Unis avant les années 1970. Une émergence soudaine, d’une ampleur inconnue auparavant, s’est déclarée dans les années 1970 avec un emballement progressif du nombre de cas dans un endroit très précis de la planète, à Old Lyme, à environ 150 kilomètres de la ville de New York, juste en face de Plum Island, une île militaire à l’extrémité nord-est de Long Island. Dans la description officielle de la maladie de Lyme et dans sa prise en charge, la seule chose claire a toujours été… l’opacité des processus de décision.

L’identification de la bactérie responsable de la maladie de Lyme, transmise par des tiques

Il a fallu de longues années pour que les chercheurs américains finissent par reconnaître que la cause de la maladie de Lyme était une bactérie. Il s’agissait, on l’a vu, d’un spirochète du genre Borrelia, baptisé Borrelia burgdorferi en hommage à son découvreur Willy Burgdorfer. Les intimes l’appellent BB, mais c’est bien son seul point commun avec Brigitte Bardot, si on laisse de côté leur goût partagé pour les animaux. Comme je l’ai dit plus haut, on devait découvrir par la suite que cette maladie pouvait être due à d’autres espèces de borrélies.

Qui était Willy Burgdorfer, le découvreur ? Le médecin microbiologiste Wilhelm (Willy) Burgdorfer, d’origine suisse alémanique, né à Bâle, a été formé à l’université de sa ville natale et à l’Institut suisse de médecine tropicale. Il a ainsi obtenu un doctorat de sciences en zoologie, parasitologie et bactériologie. Il a étudié l’entomologie. Le sujet de sa thèse de sciences était le développement du spirochète responsable de la fièvre récurrente répandue en Afrique de l’Est, Borrelia duttonii, dans le vecteur représenté par la tique molle Ornithodoros moubata. Il chercha à évaluer les facteurs qui permettaient de transmettre avec efficience les borrélies de la tique à l’animal hôte lors de la piqûre et du repas sanguin. Il a participé à l’investigation de cas de fièvre Q dans diverses régions de la Suisse. La fièvre Q est une maladie infectieuse due à la bactérie Coxiella burnetii, qui peut prendre une forme chronique et s’attaquer aux valves cardiaques. La fièvre Q est probablement arrivée en Europe avec des moutons contaminés amenés par bateau par l’armée australienne, qui venait aider les Alliés contre les Allemands. Plus tard, Coxiella burnetii fut utilisée comme arme microbiologique. Des études sur l’homme ont été

réalisées dans le cadre de l’opération Whitecoat, qui était un programme de recherche médicale pour la biodéfense. Pour ce projet mené par l’armée américaine à Fort Detrick, dans le Maryland, entre 1954 et 1973, des volontaires avaient été recrutés parmi le personnel dont le surnom était Whitecoats (les Blouses blanches). Tous ces volontaires étaient des objecteurs de conscience, informés des buts de la recherche avant de donner leur consentement. La raison officielle en était la défense du pays contre des armes biologiques, et le motif réel le fait que l’Union soviétique développait probablement des activités similaires. Dès cette époque, il commença une collaboration avec une équipe de recherche américaine au Rocky Mountain Laboratory (RML) dans le Montana. Il rejoignit le laboratoire du Montana en 1952. En 1957, il devint citoyen américain puis fut définitivement embauché par le RML en tant qu’entomologiste médical. Le travail dans ce laboratoire lui permit d’enrichir son expérience sur les borrélies par une expérience sur les rickettsies. Il travaillait en particulier sur une maladie transmise par les tiques, très fréquente dans la région, la fièvre pourprée des montagnes Rocheuses, due à une bactérie Rickettsia rickettsii. Par la suite, son laboratoire deviendra Centre de référence de l’Organisation mondiale de la santé pour les rickettsies. Ce centre de référence sera transféré des années plus tard dans le laboratoire de microbiologie de Didier Raoult à Marseille. Willy Burgdorfer connaissait parfaitement les travaux européens sur les maladies à tiques, sur les spirochètes dont les borrélies. Il avait rencontré vers 1950 le Suédois Hellerström de l’Institut Karolinska de Stockolm qui cherchait à l’époque la cause bactérienne de l’érythème migrant. Hellerström avait bien expliqué à Burgdorfer que les spirochètes transmis par la piqûre de la tique Ixodes ricinus étaient probablement en cause, et il recommandait aux microbiologistes et

aux entomologistes de concentrer leurs recherches sur le système digestif des tiques. Burgdorfer a souligné par la suite que personne n’avait écouté Hellerström.

La recherche très tardive d’une cause infectieuse de l’épidémie Quand Burgdorfer a été chargé officiellement par Steere, des années après le début de l’épidémie « d’arthrite non infectieuse de Lyme », de rechercher une cause bactérienne, pourtant évidente depuis longtemps, il trouva le coupable dans l’intestin de la tique. Ainsi, Burgdorfer a publié en 1982 dans la revue Science la découverte de spirochètes dans le tube digestif de tiques du genre Ixodes scapularis et déclara suspecter cet agent infectieux comme étant la cause de la maladie de Lyme. Peu après, Barbour, son collègue de laboratoire, parvint à cultiver ces spirochètes dans un milieu de culture particulier. La responsabilité de ce spirochète sera confirmée en 1983 en l’isolant dans le sang et la peau de malades atteints de la maladie de Lyme. Le spirochète fut, en 1984, nommé Borrelia burgdorferi, en hommage à Willy Burgdorfer. Il est amusant de noter qu’à cette époque un des responsables du petit groupe investiguant sur l’épidémie aurait qualifié au grand jour les publications de Burgdorfer d’« insignifiantes » ! Ce groupe s’est toujours distingué par sa grande clairvoyance !

La fable selon laquelle le Lyme guérit après deux ou trois semaines d’antibiotiques

À peine consenti l’aveu qu’il s’agissait bien d’une maladie bactérienne et que la bactérie était sensible à certains antibiotiques, il a été décidé par le petit club de l’IDSA que, par analogie avec la syphilis, la bactérie Borrelia burgdorferi était tuée définitivement après un traitement antibiotique court. Or beaucoup de médecins et surtout beaucoup de malades ont constaté très rapidement le contraire. Beaucoup n’étaient pas guéris, ou, s’ils le paraissaient sur le moment, rechutaient plus ou moins rapidement. Des chercheurs éminents ont constaté dès le début que les borrélies pouvaient changer de forme et persister dans nos tissus, mais il fut interdit de le dire. Les auteurs récalcitrants se sont fait mettre des bâtons dans les roues pour les empêcher de publier, et on a tenté de les discréditer. Nous reviendrons sur cet aspect majeur de la version officielle de la maladie qui, de façon scandaleuse, conduit tant de gens en psychiatrie.

La maladie de Lyme, « nouvelle peste » des New-Yorkais Karl Grossman est professeur de journalisme à la State University of New York et spécialiste du reportage d’investigation. À l’occasion d’une piqûre de tique sur Long Island en mai 2014, il fait le point sur la situation dans la région, aux portes de la ville de New York. Il raconte qu’enfant il vivait dans le Queens avec sa famille. Ses parents l’emmenaient camper tous les étés sur Long Island, à Wildwood State Park (Wading river). Ils ne rencontraient jamais de tiques. Il a été ensuite scout (Eagle scout) et pendant des années a effectué des randonnées dans la campagne et campé avec ses camarades, sans que lui ou ses amis soient piqués par des tiques. Il

dit que maintenant la région est infestée de différentes espèces de tiques et qu’il rencontre partout autour de lui des personnes atteintes de la maladie de Lyme ou d’autres maladies liées aux tiques. Alors que la partie ouest de Long Island est urbanisée et intégrée dans la ville de New York, la partie est de l’île est restée rurale et résidentielle avec de belles plages. De nombreux New-Yorkais y passent leurs week-ends ou leurs vacances. Certains Français qui vivent à New York racontent que dans les Hamptons, à quelques kilomètres de Plum Island, dès que l’on s’éloigne des aires de stationnement bitumées et que l’on commence à mettre les pieds dans l’herbe, les tiques passent à l’attaque !

Plusieurs bactéries sont responsables de la maladie de Lyme ou de maladies associées D’autres espèces du genre Borrelia en cause Tout n’est pas si simple. Comme je le soulignais plus haut, il a été observé par la suite qu’il existait différentes variétés de borrélies pouvant provoquer des symptômes variés de la maladie de Lyme ou de maladies voisines. En effet, dès 1982, le neurologue allemand Rudy Ackermann isola à partir de tiques du mouton Borrelia afzelii et Borrelia garinii, toutes deux connues depuis pour être aussi la cause de maladies de Lyme. Depuis, la liste des borrélies en cause s’allonge régulièrement. Ces espèces de borrélies peuvent être hébergées par de nombreux oiseaux, des petits mammifères, notamment les rongeurs et les écureuils. Les cervidés représentent

un réservoir important. En 1983, Burgdorfer, retourné pour la circonstance dans son pays natal, a isolé dans des tiques suisses le même spirochète Borrelia burgdorferi.

Le rôle possible d’autres microbes responsables de co-infections Willy Burgdorfer a aussi toujours insisté sur la possible transmission par les tiques d’autres agents infectieux responsables d’infections associées, appelées co-infections. Il a ainsi rendu hommage aux chercheurs français Donatien et Lestoguard qui avaient observé en 1935 dans le sang de chiens malades une bactérie intracellulaire, ressemblant aux rickettsies, qu’ils dénommèrent Rickettsia canis. Cette bactérie a été rebaptisée par la suite Ehrlichia canis en hommage à Paul Ehrlich, célèbre microbiologiste allemand. La maladie s’appelle désormais ehrlichiose. D’autres Ehrlichiae ont été découvertes par la suite.

La tentative malheureuse de mise au point d’un vaccin Un vaccin a été mis au point pour prévenir la maladie de Lyme à Borrelia burgdorferi sensu stricto. Il a été commercialisé aux ÉtatsUnis en 1998. Les sujets âgés de 15 à 70 ans pouvaient en recevoir trois injections. Ce vaccin était efficace en prévention primaire à 78 %. Les personnes vivant en zone à haut risque de Lyme ont davantage réclamé ce vaccin à leur médecin. Le vaccin, n’ayant pas encore à l’époque fait l’objet d’études chez l’enfant, ne pouvait être

administré qu’aux grands adolescents et aux adultes. Il est vraisemblable que, dans les régions très touchées par la maladie, une majorité d’adultes étaient déjà infectés et, pour la plupart d’entre eux, sans le savoir. Le problème est qu’une fois le vaccin largement administré dans la population beaucoup d’adultes vaccinés se sont plaints de l’apparition de symptômes de la maladie de Lyme et notamment de douleurs articulaires mais aussi d’arthrites, c’est-àdire d’inflammation visible des articulations. Les sujets vaccinés ont immédiatement contacté des avocats pour dénoncer ces « effets secondaires » de la vaccination. Cela a conduit au retrait du vaccin en 2002 et à l’abandon de la stratégie vaccinale par les autres laboratoires, ceux-ci ne souhaitant pas avoir des procès et être tenus d’indemniser des « victimes ». Il est vraisemblable que ces réactions postvaccinales étaient dues au fait qu’une partie importante des vaccinés étaient déjà porteurs de Borrelia burgdorferi avant la vaccination. L’injection d’antigènes de Borrelia a pu déclencher une réaction immunitaire forte qui s’est surtout manifestée aux endroits où les borrélies persistantes vivaient tranquillement, en particulier les articulations. Depuis, certains laboratoires pharmaceutiques ont repris des recherches sur un vaccin contre la maladie de Lyme. Ainsi, des années plus tard, des vaccins prenant en compte plusieurs espèces de Borrelia sont à l’étude.

CHAPITRE 6

La résistance s’organise…

Ça bouge depuis longtemps dans certains pays À partir de mon arrivée à l’hôpital de Garches en 1994, mon implication dans la prise en charge des maladies de Lyme chronique a été croissante. Une dizaine d’années plus tard, quelques malades ont commencé à venir me voir de l’étranger et notamment une Anglaise qui prenait sa retraite sur la Côte d’Azur. Elle me dit que mon nom se mettait à circuler en Europe dans les réseaux de malades. C’est ainsi que j’ai commencé à être invité dans des congrès organisés conjointement par des associations de malades et des médecins impliqués dans la prise en charge du Lyme chronique, les fameux LLMD (Lyme Literate Medical Doctors), que je baptiserais volontiers « crypto-infectiologues » car leurs connaissances vont bien au-delà du domaine strict de la maladie de Lyme et balaient tout le champ des « crypto-infections ». Prévenu trop tard, je n’ai pas pu répondre favorablement aux deux premières invitations à des réunions organisées en Grande-Bretagne. Mes collaborateurs Jérôme Salomon puis Barbara Vidal-Hollaender s’y

sont rendus. Ils ont été frappés par la qualité des témoignages et des échanges entre malades, médecins et scientifiques. Ils ont commencé à présenter l’expérience garchoise à l’étranger. En juin 2010, j’étais invité à une réunion à Londres organisée par l’ILADS (International Lyme and Associated Diseases Society). Cette société internationale œuvre à la reconnaissance de la maladie de Lyme chronique, à informer sur la mauvaise qualité des tests diagnostiques et sur le rôle des co-infections dans l’origine des maladies. L’ILADS s’investit pour former les médecins à la prise en charge correcte des malades atteints de Lyme chronique et de coinfections. Inutile de dire qu’on a essayé de faire passer ses membres pour des fous ou des charlatans. La réunion était organisée dans un superbe bâtiment donnant sur Regent’s Park. C’était le siège du Royal College of Obstetricians and Gynaecologists. Le lieu avait été choisi grâce à une gynécologue anglaise qui militait pour la reconnaissance de la maladie de Lyme, son fils étant tombé malade après des vacances en France. Il avait été piqué par une tique dans les Pyrénées. Elle me raconta avec humour (anglais, bien sûr) la consultation de son fils chez un infectiologue français, que je connaissais bien, et qui ne croyait pas au Lyme. La salle du conseil de cette société royale comportait une estrade avec des pupitres en bois à l’ancienne et des tableaux aux murs. C’était très classe ! Sur l’estrade, il y avait même un petit maillet, comme dans les anciens tribunaux, que devait manier le président du collège lors des débats. À Londres, j’ai rencontré de grands médecins, faisant un travail remarquable auprès des malades et tous très motivés dans la bataille pour la reconnaissance de la chronicité de la maladie de Lyme et d’éventuelles co-infections. J’ai présenté mon expérience clinique en détail et cela m’a fait chaud au cœur de voir que des médecins de différents pays partageaient la

même expérience. Pour l’Europe, il y avait en particulier les médecins allemands du Borreliose Centrum d’Augsburg, très organisés et qui avaient déjà une forte expérience, des médecins anglais qui voyaient aussi beaucoup de malades. Une jeune femme médecin anglaise vint me voir car elle souhaitait que je l’aide dans sa défense contre le National Health Service (NHS) qui voulait suspendre sa licence d’exercice pour pratiques déviantes dans le traitement du Lyme. Après coup, j’ai accepté cette difficile tâche car la solidarité internationale me semble cruciale devant pareille situation. Je lus le rapport à charge de l’expert britannique, éminence grise d’EUCALB (European Concerted Action on Lyme Borreliosis), groupe d’experts chargé d’imposer en Europe les recommandations américaines élaborées par le « club Lyme » de l’IDSA. Je vis rapidement que cet expert ne connaissait pas bien la prise en charge clinique de la maladie de Lyme chronique, ne faisait référence qu’à une partie limitée de la littérature médicale publiée sur le sujet. Au final, après des mois de procédures, toutes les attaques contre le médecin mis en examen et ses confrères qui travaillaient dans le même hôpital londonien ont été levées. Ce fut pour moi une grande joie. Quelques années plus tard, j’ai voulu adresser un malade français vivant à Londres à ce médecin. J’ai appris alors que, dégoûtée par les attaques du NHS, elle avait préféré émigrer en Australie. Un médecin américain, Dave Martz, qui s’était chaleureusement présenté à moi après ma contribution à cette réunion de l’ILADS, raconta en public son histoire. Quelques années auparavant, il avait commencé à souffrir de problèmes neurologiques qui s’étaient aggravés au fil du temps. Il avait consulté les meilleurs neurologues aux États-Unis qui avaient tous porté le diagnostic de sclérose latérale amyotrophique (SLA) ou maladie de Charcot (que les

Américains appellent maladie de Lou Gehrig). Il n’existe pas de traitement pour cette maladie, et ses médecins lui ont conseillé de mettre de l’ordre dans ses affaires car il ne lui restait pas plus de deux ans à vivre. En lisant un livre sur le Lyme, il se demanda si, par hasard, il n’aurait pas une maladie de Lyme chronique. Ses neurologues rejetèrent vivement ce diagnostic si peu sérieux. Ses tests pour la maladie de Lyme étaient négatifs, mais, à force d’envoyer des prélèvements dans divers laboratoires, un test non conventionnel revint positif pour la maladie de Lyme. Alors qu’il était paralysé, en fauteuil roulant, il put, grâce à ce test, se faire prescrire des antibiotiques. Après plusieurs mois d’antibiotiques et d’antiparasitaires, il a guéri complètement de sa SLA ! Il a publié son histoire avec Harvey en 2006. Depuis, il a ouvert une consultation de Lyme chronique et traité de nombreux cas de SLA par antiinfectieux. Il m’a dit arriver à améliorer au moins 15 % des malades atteints de SLA. Comme pour les autres maladies auto-immunes ou dégénératives, les anti-infectieux ne marchent que dans une certaine proportion. J’ai eu connaissance de cas semblables en France et j’ai pu rencontrer deux malades guéris de SLA que je n’avais pas traités moi-même. Lors de mon entretien avec Dave Martz, j’ai fait la connaissance du célèbre psychiatre Robert Bransfield, pionnier américain du traitement de diverses maladies psychiatriques par anti-infectieux. Bransfield soigne notamment des autistes et des schizophrènes avec quelques succès impressionnants. Ces deux médecins m’ont aussi raconté leur expérience dans le traitement par anti-infectieux de cas de sclérose en plaques ou de maladie de Parkinson avec obtention d’une nette amélioration dans pas loin de 20 % des cas. Des années plus tard, en 2015, Martz, s’associant à Bransfield, m’envoya un message de sympathie pour me féliciter du traitement

d’un garçon paraplégique hospitalisé en psychiatrie près de Lille pour « hystérie ». Cette histoire était passée dans le journal télévisé de 13 heures de France 2. Un internaute avait récupéré la séquence et l’avait diffusée sur Internet après l’avoir sous-titrée en anglais. Je ne me doutais pas que l’histoire de ce garçon, sur laquelle je reviendrai plus en détail parce qu’elle est particulièrement parlante et émouvante, allait faire en quelques jours le tour du monde. À l’occasion de ces rencontres, je sympathisai également avec Richard Horowitz, un Américain qui, ayant fait ses études de médecine en Belgique, parle un excellent français avec un mélange d’accent belge et américain. Nous avons découvert, alors que nous ne nous connaissions pas, que nous avions une expérience voisine de chaque côté de l’océan. Depuis cette rencontre, nous sommes toujours restés en relation. J’ai invité Richard à venir présenter son expérience au congrès annuel des infectiologues français, les Journées nationales d’infectiologie, qui en juin 2011 se tenaient à Toulouse. Mes collègues infectiologues français ne croient pas au Lyme chronique, mais ils ont été très fair-play et ont accepté la présentation de Richard. Lorsque le centre national de référence (CNR) de la maladie de Lyme de Strasbourg a appris que Horowitz allait venir dans la session organisée sur le Lyme, une tempête a éclaté comme si j’avais invité le diable. Je remercie mes collègues qui ont trouvé une solution élégante en déplaçant la présentation de Richard dans une autre session consacrée aux sujets polémiques. Richard a ainsi eu droit à un amphithéâtre plein plutôt qu’à la petite salle habituellement consacrée dans les congrès à la maladie de Lyme. La présentation de Richard, très claire, en bon français, n’a pas convaincu les foules, tant s’en faut. En revanche, je sais qu’elle a ouvert les yeux de certains médecins.

Pour revenir à la réunion de Londres, clin d’œil anglais plein d’humour que j’ai apprécié, j’ai été hébergé pendant mon séjour dans la capitale britannique dans l’hôtel ouvert à l’adresse de Sherlock Holmes, 108 Baker Street. Une invitation sans doute à poursuivre un travail de détective dans les méandres du Lyme…

Le début de la résistance française Grâce à Internet et à l’apparition de nouvelles associations de malades, les demandes de consultation pour Lyme chronique à l’hôpital de Garches arrivent de partout en France et même de Suisse, de Belgique, de Pologne, de Grande-Bretagne ou du Canada. Les Nymphéas puis SOS-Lyme ont été les premières associations à s’organiser, et il faut leur rendre hommage car, sans aucun moyen, leurs créateurs ont œuvré sans relâche au téléphone pendant des années pour aider des malades dans la détresse. Le site Tiquatac a aussi très tôt aidé beaucoup de patients. Plus tard, de nouvelles associations ont vu le jour, France Lyme et Lyme Éthique. Lyme Éthique a fait prendre conscience du problème à certains politiques dont des maires, des sénateurs et des députés. À l’époque, quelques-uns m’avaient écrit ou étaient venus me voir à Garches pour m’encourager dans mon action. Lyme Éthique a disparu après quelques années. France Lyme s’est structuré et, grâce au nombre de volontaires, a pu professionnaliser les actions (aide aux patients, formation des médecins, lobbying, etc.). Puis il y a eu Lympact. Lyme sans frontières, apparue par la suite, a entrepris des actions très toniques sous la houlette de Judith Albertat, lorsqu’elle était présidente. Judith, qui a écrit un livre sur son parcours, était pilote à Air France puis formatrice des jeunes

pilotes sur consoles de pilotage. Judith a vécu, comme des milliers de malades, le calvaire des lymés. La dernière-née des associations est Le Relais de Lyme. Face à l’afflux des demandes, ma consultation saturait. Ma secrétaire Françoise Kostas effectuait un travail d’écoute remarquable auprès des malades innombrables qui appelaient dans le service, les aiguillait vers les infectiologues de toute la France. Mes collègues, qui jusqu’à présent suivaient surtout des malades infectés par le VIH ou le virus de l’hépatite C (VHC), ou qui s’occupaient tranquillement de quelques maladies du voyageur, ont vu débarquer dans leurs consultations en rangs serrés les « fous du Lyme chronique ». Initialement, les malades pouvaient s’inscrire facilement car, grâce aux trithérapies antirétrovirales prescrites depuis 1996, les malades VIH, qui allaient beaucoup mieux, pouvaient retourner à une vie normale et espacer leurs consultations. Il y avait donc beaucoup de places vides pour prendre rendez-vous. Les patients arrivaient souvent avec d’énormes dossiers et une tonne de résultats d’examens qui avaient contribué au déficit de la Sécurité sociale. À peine ouvraient-ils la bouche qu’ils verbalisaient une plainte sur au moins quinze symptômes différents. Je sais par des patients, qui pour certains avaient fait cinq heures de transport pour venir, qu’ils se sont fait éjecter de la consultation en moins de dix minutes avec le commentaire : « Votre sérologie est négative, votre médecin n’avait pas le droit de faire faire un Western blot, vous n’avez pas le Lyme, je n’ai pas de temps à perdre, au revoir. » Les pauvres médecins désemparés par cette « maladie créée par Internet », victimes de « membres d’une secte », ont très rapidement organisé de solides barrages en amont des rendez-vous. En écrivant ces lignes, je me souviens avec émotion de l’interview

de Willy Burgdorfer, le découvreur de la bactérie, qui décrivait ces barrages aux États-Unis pour une majorité de médecins qui refusaient que les malades de Lyme les approchent et qui dressaient des infirmiers-dragons. Le barrage qui s’est le plus répandu était le barrage de la sérologie. Les secrétaires et les infirmiers de la consultation ont eu pour consigne d’exiger une copie de sérologie Lyme positive avant d’inscrire quelqu’un en consultation.

« Coup de Schaller » sur la France Les malades ayant appris par Internet que le test de madame Schaller, dans un laboratoire privé de Strasbourg, était plus sensible que les tests officiels ont été nombreux à comprendre qu’ils auraient davantage de chance d’avoir un résultat positif, signe objectif de l’infection dont ils souffraient, en recourant à cette nouvelle offre. Beaucoup ont fait envoyer leur sang chez Schaller. Les malades avec un test Schaller positif avaient un sésame pour entrer dans les consultations de France et de Navarre. Comme seuls les tests positifs étaient acceptés en consultation, les tests Schaller positifs ont été admis à se présenter. Par conséquent, mes collègues, pendant cette période, n’ont vu, à quelques exceptions près, que des malades Schaller positifs. Normal, c’est moi ainsi que deux autres médecins hospitaliers dans le sud de la France ou des médecins généralistes « crypto-infectiologues » qui voyions les négatifs ! Mes collègues ont vite conclu que le test Schaller était une imposture, allant jusqu’à prétendre que ses résultats étaient 100 % positifs ! Cette accusation était en réalité totalement fausse : ce test était négatif dans bien des cas. Cela s’appelle, en épidémiologie, un biais d’observation : puisque ces médecins n’acceptaient de recevoir que des patients reconnus positifs en sérologie, il était inévitable que

100 % d’entre eux soient positifs ! Une flambée sur les courriels a bientôt propagé l’idée que (quelques années après la canicule !) cette « épidémie de Schaller » était insupportable et qu’il fallait fermer au plus vite ce laboratoire. On connaît la suite… Viviane Schaller a dû comparaître en jugement devant le tribunal correctionnel de Strasbourg. On fit courir le bruit que tous les tests Schaller étaient positifs pour permettre de vendre un maximum de TicTox, mélange de plantes médicinales ! Bernard Christophe, le créateur du TicTox, dut lui aussi s’expliquer devant les juges. Ce qui est triste dans cette affaire, c’est que personne n’ait écouté les premiers intéressés, les malades, ces empêcheurs de soigner en rond.

Des experts américains rebelles au « dogme » sont sanctionnés ou discrédités Au début de mon implication auprès des patients dans la maladie de Lyme chronique, depuis 1995, j’ignorais tout de la « guerre du Lyme » aux États-Unis. J’ai appris progressivement, par des malades français vivant aux États-Unis, qu’il existait là-bas une réelle « chasse aux sorcières ». Des procédures ont été engagées contre les Lyme Literate Medical Doctors évoqués plus haut, ces médecins soignant des Lyme chroniques. Certains ont dû interrompre leur activité ou au minimum cesser toute prise en charge de malades « lymés ». Je sais que des médecins universitaires qui avaient eu le malheur de s’intéresser au Lyme chronique et qui avaient même eu l’audace de vouloir effectuer de la recherche avaient été persécutés par leur université et que certains en avaient

été chassés. La seule recherche autorisée est celle qui suit scrupuleusement les diktats du groupe d’experts de l’IDSA. Cependant, en 2012, un des médecins fondateurs de l’IDSA, le docteur Burton Waisbren, ancien médecin-chef d’hôpital puis directeur de clinique, avec près de soixante ans d’expérience de recherche et de publications en immunologie et maladies infectieuses, a claqué la porte de ce « club » et a dénoncé le scandale des recommandations sur la maladie de Lyme. Il a suivi des malades atteints de Lyme chronique surtout entre 2007 et 2011, et a constaté la réalité de l’épidémie et la gravité du fléau. Dans un essai intitulé The Emperor’s New Clothes, Chronic Lyme disease, and the Infectious Disease Society of America, il use du parallèle avec le conte d’Andersen Les Habits neufs de l’empereur pour tourner en dérision les recommandations officielles de l’IDSA sur la maladie de Lyme, en soulignant le fait qu’elles ne sont absolument pas basées sur les preuves. Waisbren écrit que les médecins devront finir par accepter de croire ce que leur racontent leurs patients. Enfin un vrai médecin qui écoute ses patients, ça existe encore ! Il pose parfaitement les limites de la médecine factuelle : les médecins, écrit-il, ne doivent pas se laisser « aveugler par le double aveugle » ! Il fait là allusion aux essais avec tirage au sort (essais randomisés) dans lesquels ni le malade ni le médecin ne savent quel est le traitement administré. Il ne s’agit pas de critiquer la garantie d’objectivité qu’ils apportent mais de souligner qu’ils n’ont pas réponse à tout et que ces essais ne doivent pas se faire au détriment des patients auxquels toute l’aide médicale possible doit être apportée. Waisbren entend revaloriser la composante humaniste de la médecine. Aux États-Unis, certains médecins courageux dont Joseph Burrascano, Sam Donta, Raphael Stricker et

Richard Horowitz suivaient un grand nombre de malades et dénonçaient la version officielle de la maladie.

Le club d’experts de l’IDSA menacé mais « au-dessus des lois » Suite à la persécution des médecins s’occupant des malades souffrant de Lyme chronique, les associations de malades se sont davantage organisées ainsi que les médecins, notamment avec la fondation de l’ILADS (International Lyme and Associated Diseases Society) dont le site Internet a été créé en 1999. Dans un article du New York Times publié en 2001 et accessible sur Internet, David Grann décrit la situation. Il raconte que, depuis 2000, Allen Steere, celui qui a écrit la « version officielle » de la maladie, a commencé à avoir peur des malades. À cette période, des patients ont pris l’habitude de lui téléphoner à l’hôpital pour lui reprocher que son déni de la maladie était la cause de leurs souffrances ; certains lui ont même proféré des menaces. En effet à l’époque, la plupart des médecins avaient suivi les avis et recommandations de Steere, ainsi que les compagnies d’assurances qui, « grâce » à lui, n’avaient pas à rembourser les traitements antibiotiques. Dans ses apparitions en public, des malades brandissaient des pancartes avec la mention : « Combien d’entre nous allez-vous encore tuer ? », ou « Steer clear of Steere ». Il y a un jeu de mots car, en anglais, steer peut signifier le « gouvernail » d’un navire. On pourrait traduire par : « Steere, barre-toi de la barre. » Les patients décrivaient Steere comme le diable, pire que les spirochètes responsables de la maladie. Les premières menaces se sont transformées en menaces de mort proférées par des malades abandonnés en colère. Des années plus

tard, nous avons observé le même phénomène en France, avec une association de malades, appelée « Le droit de guérir », qui a attaqué, avec des mots violents, des leaders d’opinion qui étaient contre le Lyme chronique. En août 1993, sous la pression, le Senate Labor and Human Resources Committee, avec le sénateur Ted Kennedy, a exigé de Steere qu’il discute ses résultats avec d’autres experts du domaine. Quand Steere est arrivé, le couloir d’accès était noir de monde. Les personnes présentes arboraient le ruban vert, en signe de solidarité avec les malades atteints de Lyme. Le comité a pu écouter non seulement Steere, mais aussi un jeune médecin de Long Island, Joseph Burrascano, qui déclara qu’il avait suivi plus de mille patients atteints de Lyme et qu’il avait rédigé des protocoles de soins en trois langues. Il dénonça le fait que beaucoup de chercheurs, sans citer Steere qui était présent, minimisaient délibérément la gravité de la maladie. Il déclara aussi que plusieurs chercheurs et médecins qui faisaient autorité se comportaient malheureusement de façon non scientifique et non éthique. « Ils adhèrent à des points de vue dépassés, servant leurs propres intérêts et cherchent à porter le discrédit sur chaque expert qui aurait une opinion différente de la leur. » Un jeune homme en fauteuil roulant atteint de surdité du fait de la maladie de Lyme déclara à l’assistance : « Nous ne pouvons plus penser, nous ne pouvons plus dormir », et appela Burrascano au secours : « Nous avons besoin de vous. » Steere, interloqué et embarrassé, expliqua que de toute sa carrière, c’était bien la première fois qu’il voyait un malade de Lyme avec ce type de symptômes persistants, puis il expliqua que, de toute façon, tous ces diagnostics de Lyme chronique étaient des erreurs diagnostiques ! L’assistance se mit à hurler contre Steere. Celui-ci continuait à déclarer à qui voulait l’entendre qu’il n’y avait aucune controverse dans la communauté scientifique ! En butte à

des attaques permanentes, Steere commença à vivre en reclus sous haute protection. Il avait peur pour sa vie. Les experts faisant régner la loi du Lyme autour de Steere ont alors cherché à mettre sous contrôle toutes les pratiques de diagnostic et de traitement. Ils ont poussé les State Medical Boards, un peu l’équivalent du Conseil de l’ordre des médecins, à enquêter sur les médecins dissidents et si possible à les persécuter. Joseph Burrascano avait été désigné comme l’ennemi à abattre pour avoir trop parlé au Sénat. Steere disait de lui qu’il était « la principale force conduisant au surdiagnostic et au surtraitement de la maladie ». Burrascano subit des mois d’investigations. Je me souviens qu’à cette période je suivais lors de ses séjours en France une Française atteinte de Lyme chronique, travaillant dans le milieu diplomatique aux ÉtatsUnis. Elle était habituellement suivie par Burrascano et me racontait cette chasse aux sorcières. Je priais pour que ça n’arrive jamais en France. Burrascano se ruina pour sa propre défense. Il a dû rendre compte de ses pratiques devant le New York State Office of Professional Medical Conduct, une sorte de conseil de discipline du Conseil de l’ordre des médecins. Une foule de patients de Burrascano, ainsi que des supporteurs, remplirent les couloirs du New York State Capitol et se relayèrent pour demander aux personnalités politiques de mettre un terme à ces attaques de l’État. Certains patients étaient en fauteuil roulant, d’autres se tenaient péniblement sur leurs canes pour soutenir leur médecin. Le journaliste cite une lettre qu’un malade de Burrascano a écrite : « Je considère Allen Steere comme l’antéchrist. Je dois tout ce qui reste de ma vie au docteur Burrascano. » Le board, après avoir étudié en détail toutes les plaintes, finit par conclure « qu’il n’y avait aucune base pour une sanction disciplinaire ». D’autres médecins ont été poursuivis aux États-Unis. Beaucoup ont été dénoncés à l’équivalent

des conseils de l’ordre des médecins, parfois par lettre anonyme, avec souvent des accusations mensongères ou de fausses plaintes de malades. Certains médecins ont dû arrêter leur activité. Beaucoup se sont ruinés en frais d’avocat pour leur défense. Beaucoup n’arrivaient plus à travailler car ils devaient occuper tout leur temps à fournir des tonnes d’informations sur leurs malades dans des procédures administratives à charge sans fin. Certains médecins se seraient même suicidés. Fort heureusement, grâce au combat des médecins de l’ILADS et au soutien d’hommes politiques courageux, cette période semble révolue, notamment grâce au vote des nouvelles lois reconnaissant la maladie de Lyme chronique. Le procureur général du Connecticut, Richard Blumenthal, alerté par des associations de malades sur les pratiques du club Lyme de l’IDSA, lança en 2006 une investigation antitrust sur le processus de décision ayant abouti aux recommandations américaines sur la maladie de Lyme. L’enquête a révélé au grand jour que le groupe d’experts de l’IDSA était bourré de conflits d’intérêts avec les compagnies d’assurances-santé, avec les fabricants de réactifs et avec les fabricants de vaccins. Il s’agit de la première investigation antitrust de l’histoire s’attaquant à des recommandations médicales. Comme le soulignent Lorraine Johnson et Raphael Stricker dans une publication de 2009, le procureur général a mis en demeure l’IDSA de revoir sa copie sur les recommandations du Lyme, en raison d’un processus d’élaboration défectueux. Malgré ce jugement, les recommandations n’ont pas été modifiées d’une virgule ! Ce club de l’IDSA est vraiment au-dessus des lois. Comme l’a souligné Auwaerter dans son pamphlet de 2011, l’IDSA a argué du fait qu’un juge fédéral aurait estimé que les recommandations professionnelles étaient d’ordre médical et non légal ! L’IDSA s’est contentée de rassembler un groupe d’experts « indépendants »

animé par Lantos qui ont déclaré à l’unanimité dans une publication de 2010 que les recommandations de l’IDSA étaient parfaites et à jour. À Boston, on lave plus blanc que blanc !

Pourquoi les autorités de santé françaises ont-elles tant de mal à se faire une juste idée du problème ? En France, la Caisse d’assurance-maladie a commencé, avec des années de retard sur les États-Unis, la chasse aux sorcières auprès des médecins généralistes « crypto-infectiologues ». La Caisse a instruit des dossiers à charge pour le Conseil de l’ordre des médecins. Il est triste de voir que cette persécution prend son essor en France juste au moment où elle cesse au Canada et aux ÉtatsUnis, où des lois commencent à protéger les médecins qui soignent des malades avec Lyme chronique. Comment un tel aveuglement est-il possible ? En 2015, le médecin généraliste français, qui a été un pionnier, Philippe Bottero, a été convoqué en conseil de discipline. J’ai été rempli d’amertume quand j’ai appris que ce médecin précurseur avait été frappé d’une interdiction d’exercice de la médecine, lui qui a guéri tant d’enfants autistes ou de malades schizophrènes ! Des menaces de condamnation commencent à tomber sur d’autres médecins, et, début 2016, je connais de nombreux médecins de ville qui, pris de peur, ne prennent plus en charge de nouveaux malades souffrant de Lyme. Le docteur Marc Arer, de Saint-Étienne, a lui aussi été condamné. Sur le terrain, la situation devient dramatique. Le tort de ces médecins ? Ne pas suivre les recommandations de la conférence de consensus française qui est la copie des recommandations américaines de

l’IDSA, discréditées en justice depuis longtemps et qui ont été retirées en février 2016 du site national américain (National Guidelines Clearinghouse) comme étant obsolètes. Depuis le début de la description de la maladie aux États-Unis, les « experts » assis sur leur trône tournent le dos à l’évidence scientifique, méprisant les malades, que le système refuse d’entendre. Les autorités de santé nagent dans le flou artistique. Il se trouve, hasard de l’histoire, que j’ai fait, en plus de mon travail clinique, d’enseignement et de recherche, une partie de ma carrière à temps partiel dans la Santé publique. Trois ans après ma nomination à Garches comme professeur et chef de service, j’ai été coopté en 1997 pour devenir membre du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) dans la section « maladies transmissibles ». Le CSHPF a été créé, à l’époque auprès du ministère de l’Intérieur, par la loi du 15 février 1902. Il trouve son origine dans les différents conseils d’hygiène publique et de salubrité e créés au cours du XIX siècle après la Révolution. Il a été placé ensuite auprès du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale, puis du ministère de la Santé lors de la création de ce dernier. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le régime de Vichy ayant souhaité mettre les médecins et la Santé publique aux ordres du gouvernement, a mis au pas les experts indépendants. Vichy a ainsi supprimé le CSHPF ainsi que d’autres conseils et comités, par la loi du 15 octobre 1940, quelques jours après la loi du 7 octobre 1940 créant l’ordre des médecins. Fort heureusement, le CSHPF a été rétabli après la guerre. J’avais déjà une expérience dans le domaine de l’expertise sur les agents anti-infectieux auprès de l’Agence du médicament, mais je découvrais le monde passionnant de l’expertise en Santé publique. Le CSHPF était devenu une institution reconnue. En 2001, je fus promu président de la section maladies

transmissibles du CSHPF et aussi président du comité technique des vaccinations chargé d’élaborer les recommandations vaccinales pour le CSHPF. En 2006, je devins président de l’ensemble du CSHPF et fus le dernier président de cette noble institution e hautement respectée depuis le tout début du XX siècle. Le CSHPF a été remplacé en 2007 par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Dans la nouvelle institution, les présidents ne sont plus désignés par le ministre mais élus par les membres. Grâce à la confiance de mes collègues, j’ai été élu président de la commission spécialisée sécurité sanitaire du HCSP, commission qui regroupait l’expertise en maladies transmissibles, en infections liées aux soins et en environnement. La charge de travail était telle et le champ d’action tellement large que la commission fut scindée en 2009 avec la création d’une commission spécialisée maladies transmissibles. J’ai à nouveau été élu président et le suis resté jusqu’à ma démission en mars 2016, démission motivée par la pénurie grandissante et devenue insupportable des moyens humains pour répondre à la charge de travail colossale et qui est toujours allée en s’intensifiant. Il ne devient plus possible de travailler sereinement et de fournir une expertise de qualité avec le slogan officiel « Travaillez plus et plus vite avec moins de moyens ! ». Ce n’était pas une revendication financière car, contrairement à toutes les agences de l’État, les membres du HCSP ont toujours travaillé bénévolement. La grande différence entre l’époque du CSHPF et celle du HCSP est que l’on a séparé les experts des décideurs. Avant, nous travaillions main dans la main avec la Direction générale de la santé (DGS) et notamment son directeur ; nous étions amenés à rencontrer régulièrement le cabinet du ministre de la Santé ou le ministre luimême en cas de crise. Depuis cette séparation, le résultat n’est pas toujours probant pour la gestion de certaines crises. Après quinze

ans de présidence au sein du CSHPF puis de la commission maladies transmissibles du HCSP, j’ai eu à gérer, avec tous mes collègues des groupes de travail, un nombre incalculable de saisines du ministre ou de la DGS sur un nombre élevé de problèmes très divers émergeant sans arrêt dans le domaine des maladies infectieuses. Maintenant, tous les avis et rapports sont mis en ligne au fur et à mesure sur le site Internet du HCSP et l’on peut voir la quantité énorme de travail fourni par la commission. La maladie de Lyme étant une maladie transmissible comme les autres, elle a aussi contaminé notre instance.

Première saisine du HCSP sur la prévention de la maladie de Lyme Pendant ce temps, sur le terrain, les élus de tout bord étaient de plus en plus interpellés par les électeurs dans leurs circonscriptions. Les agriculteurs, les forestiers, les chasseurs, les pêcheurs à la ligne et les responsables des organismes sportifs commençaient à être tous concernés par la maladie de Lyme pour eux-mêmes ou pour leur entourage. Tous vivent durement depuis de nombreuses années le déni de la maladie, l’absence de test diagnostique fiable et l’impossibilité d’accéder, sauf exception, à un traitement efficace. Le président du Sénat m’avait écrit, ainsi que certains députés. Les plaintes des élus sont remontées au cabinet de Roselyne Bachelot, alors ministre de la Santé. La DGS m’appela à l’époque pour me demander mon avis en tant que président de la commission maladies transmissibles du HCSP. Connaissant les énormes polémiques sur le diagnostic et le traitement et n’ayant aucune solution en vue pour les résoudre, je conseillai à la DGS de commencer par prendre à bras-le-corps le problème de l’information

et de la prévention qui avait l’avantage d’être consensuel et de ne générer aucune polémique. Les sujets « plus chauds » pourraient être abordés dans un second temps. Si le grand public, les métiers à risque, les personnes au contact de la nature, les organisateurs de camps scouts et d’activités sportives étaient largement informés du danger des tiques, de savoir les éviter et les enlever, il y aurait beaucoup moins de contaminations en France. Je préconisai de mettre des pancartes d’information à l’entrée des forêts, des affiches avec la photo d’érythèmes migrants dans les salles d’attente des médecins, dans les pharmacies, dans les locaux des associations professionnelles et sportives. Il n’est pas mauvais de rappeler aux pharmaciens et aux médecins généralistes qu’une tache rouge après promenade en forêt, ce n’est pas une « plaque d’eczéma » mais un probable érythème migrant nécessitant impérativement et sans réaliser de sérologie un traitement antibiotique adapté et à dose suffisante (c’est-à-dire 4 grammes par jour d’amoxicilline ou 200 milligrammes par jour de doxycycline pour un adulte) pendant au minimum deux semaines, trois semaines dans certains cas. Malheureusement, beaucoup de médecins à cette époque ne connaissaient même pas le nom de la maladie. Ils demandaient : « C’est quoi la maladie de Lime ? » Ils pensaient que c’était une maladie très rare qu’on ne voyait pratiquement qu’aux États-Unis ! Pour le traitement antibiotique systématique des érythèmes migrants, ce n’est pas moi qui le disais mais l’IDSA et la conférence de consensus française. Pour une fois, tout le monde était d’accord ! C’est ainsi que le directeur général de la santé a saisi en décembre 2008 le HCSP sur les aspects d’information et de prévention. J’ai constitué un groupe de travail auquel j’ai participé et j’y ai invité le centre national de référence (CNR) de la borréliose de Lyme de Strasbourg et un représentant de la Mutualité sociale

agricole (MSA). Ce groupe a élaboré un avis, inspiré des travaux de la MSA, qui avait déjà bien travaillé sur ce sujet de la prévention. Ce rapport a été mis en ligne sur le site du HCSP. J’avais demandé à la DGS que l’on charge l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES), maintenant inclus dans l’Agence nationale de santé publique (Santé publique France) d’une campagne d’information en direction du grand public et des professionnels concernés. Il n’y a malheureusement eu aucune action, et seuls quelques initiés ont su que l’avis était en ligne. Quel fiasco pour un travail de qualité qui aurait pu rendre de grands services ! On m’a répondu qu’il ne fallait pas faire peur à la population, que les élus locaux et les offices de tourisme verraient d’un très mauvais œil que l’on inquiète les habitants des communes rurales ou les touristes. La démarche avait pourtant été lancée par des élus locaux ! Heureusement, malgré ce silence officiel, la connaissance de la maladie et du risque des tiques pour la santé progresse sur le terrain, et des particuliers commencent à prendre des mesures préventives. D’après beaucoup de mes malades qui vivent à la campagne avec des animaux domestiques, les répulsifs disponibles aujourd’hui pour les animaux semblent très efficaces. Ils se donnent par voie orale, mélangés aux aliments à intervalles réguliers et espacés. Ainsi, votre chien, habituellement « ramasse-tiques », peut gambader en forêt sans ramener ces charmantes bébêtes à la maison. Attention, n’avalez pas ces produits vétérinaires, on ne connaît pas leur toxicité potentielle chez l’homme.

En tant qu’expert auprès du ministère de la Santé, j’essaie de convaincre, mais mon attitude n’est pas comprise

En l’absence totale d’information publique ou professionnelle, les malades atteints de Lyme chronique sont restés à l’abandon. Les associations de malades, plus nombreuses et mieux organisées, ont commencé à informer davantage les hommes et les femmes politiques du pays et à alerter les autorités sanitaires en haut lieu. L’incompréhension de la plupart des politiques était grande. La majorité des décideurs de santé publique gobaient la thèse officielle du CNR Borrelia de Strasbourg, selon laquelle il n’y avait aucun problème de Lyme en France puisqu’il s’agissait d’une fausse maladie et d’une fausse épidémie orchestrée par Internet. L’Institut de veille sanitaire, maintenant inclus dans Santé publique France, responsable administratif des centres de référence en France, a toujours suivi l’avis du CNR. À la décharge des personnalités politiques et des responsables administratifs, pour appréhender la réalité et la complexité du problème, il faut être plongé dans sa réalité concrète. C’est à cette période que l’on a commencé à me regarder bizarrement en haut lieu, en se demandant ce que je pouvais bien faire dans cette galère. Les conversations privées que j’ai pu avoir avec plusieurs décideurs ont toujours été ouvertes et courtoises, mais cela n’allait pas plus loin. J’ai quand même reçu un jour, alors que j’étais en pleine visite de malades hospitalisés dans mon service, un coup de téléphone d’une responsable de la Direction générale de la santé pour me rappeler qu’avec ma position de président de commission au HCSP j’avais un devoir de réserve et que je devais cesser de parler du Lyme. J’ai répondu que, si cela posait problème, je pouvais démissionner tout de suite du HCSP, mais que je n’abandonnerais jamais les malades et que je tenais à sa disposition les nombreuses publications scientifiques allant dans mon sens. Il a toujours manqué aux personnes qui mettent en doute

mes positions des arguments scientifiques pour contredire l’évidence. J’ai plutôt eu affaire, après mes réponses, à des silences gênés.

Seconde saisine du HCSP sur le diagnostic et sur le traitement de la maladie de Lyme La ministre de la Santé, Marisol Touraine, étant prise dans la tourmente des conflits autour du diagnostic et du traitement de la maladie de Lyme, le directeur général de la Santé saisit à nouveau le HCSP en juillet 2012. Par contraste avec le caractère consensuel des échanges touchant l’information et la prévention, on entrait maintenant dans le dur de la polémique et tout le monde connaissait mon engagement. J’ai été mal à l’aise en recevant la saisine car je me suis dit que, si je me mettais dans le groupe de travail comme expert, mes détracteurs pourraient dire que j’avais « noyauté » le groupe et ses travaux. Je décidais donc de m’exclure d’emblée pour éviter tout conflit d’intérêts avec la maladie. Le HCSP a eu le même raisonnement pour le CNR de Strasbourg. Les associations de malades auraient hurlé en disant que le CNR avait « noyauté » les recommandations du groupe. Il a été décidé que le CNR tout comme moi, nous serions auditionnés et non membres du groupe. J’ai jugé cette approche fair-play et très pertinente car elle a permis de donner toute sa légitimité aux travaux du groupe de travail. La constitution de ce groupe a été confiée à un expert reconnu du HCSP, le professeur Patrick Zylberman, sociologue. J’ai trouvé cette approche de confier le groupe de travail à un sociologue non spécialiste de la maladie de Lyme très astucieuse car cela permettait d’éviter tout a priori. C’est ainsi que Patrick Zylberman a constitué avec rigueur un groupe multidisciplinaire, incluant des personnalités

reconnues de la microbiologie, des maladies infectieuses et de la médecine vétérinaire. En plus des spécialistes hospitaliers ou universitaires, a priori peu acquis à la cause du Lyme chronique, il a su intégrer un médecin généraliste et un médecin hospitalier habitués à la prise en charge du Lyme chronique. Ce groupe de travail a entendu plusieurs experts français et même étrangers, et, pour la première fois, entendu les associations de malades. N’ayant pas participé à ces travaux, j’étais inquiet des conclusions à venir. À ma grande et heureuse surprise, le rapport pointait du doigt le problème des syndromes chroniques postpiqûre de tique de cause non identifiée et reconnaissait l’existence des malades. Les experts se sont penchés sur les tests de sérologie de Lyme commercialisés en France et ont eu l’étonnement de voir qu’il y avait d’énormes problèmes de calibration et de définition des personnes sur lesquelles ils étaient testés. Pour ces experts, une partie importante des tests commercialisés en France n’étaient pas fiables ! Ils ont insisté sur le rôle possible des co-infections, c’est-àdire ses infections autres que Borrelia burgdorferi. Le groupe de travail a aussi souligné la nécessité de demander à des médecins spécialistes un avis en cas de suspicion de syndrome chronique postpiqûre de tique à sérologies négatives pour poser l’indication d’un traitement antibiotique d’épreuve quand tout autre diagnostic avait été écarté. Quelle avancée ! Même si je n’étais pas d’accord avec certains points du rapport comme la reconnaissance de la conférence de consensus de 2006, la nécessité de maintenir une sérologie en deux temps ne permettant de faire un Western blot que si l’Elisa était positif et le fait que le verrouillage de la sérologie à 5 % n’ait pas été abordé, je m’étais juré de ne pas intervenir sur le groupe et j’ai respecté leurs conclusions. J’avais d’ailleurs pu constater qu’à chaque présentation intermédiaire du rapport lors des

réunions de ma commission les représentants de l’Institut de veille sanitaire (maintenant inclus dans Santé publique France), jouant le rôle d’avocats du CNR, faisaient part d’une liste de contrearguments pour réclamer des amendements au texte. Comme je me l’étais promis, je ne suis pas intervenu, mais j’ai assisté avec une grande tristesse au moment surréaliste où fut rétablie dans le rapport la légitimité de la conférence de consensus et du test sérologique en deux étapes, imposant un Elisa positif pour avoir le droit de demander un Western blot ! Alors que le rapport proposait tout le contraire ! Malheureusement, ces deux points sont les seuls retenus par la Caisse d’assurance-maladie ou le Conseil de l’ordre des médecins pour faire condamner les médecins qui sauvent les malades de Lyme. L’avis et le rapport ont été votés par le HCSP en mars 2014. Dans le climat polémique qui faisait rage, la DGS a freiné la publication du rapport pendant des mois. Il a fallu attendre le mois de décembre 2014 pour la mise en ligne sur le site du HCSP. La publication en ligne du rapport du HCSP a eu un effet très positif car il faisait prendre conscience à beaucoup que le problème du Lyme n’était pas une guéguerre avec d’un côté des fous et des charlatans et de l’autre tous les gens sérieux. Des experts respectables et reconnus, qui ne faisaient pas partie des protagonistes du Lyme, reconnaissaient sur des bases scientifiques que cette maladie posait un grave problème non résolu. Ce rapport indépendant du HCSP a ainsi permis de changer le regard des politiques et aussi des médias sur la maladie. La maladie de Lyme n’est plus une maladie imaginaire ou une maladie psychiatrique honteuse. Les données publiées sur les traitements étant peu nombreuses ou de mauvaise qualité, les experts du HCSP n’ont pas pu se prononcer trop fermement sur les traitements, et je comprends leur prudence quand

ils ont abordé ce chapitre. Je partage pleinement avec eux les inquiétudes de la communauté médicale sur le développement de la résistance aux antibiotiques, et cette thématique doit faire partie intégrante des projets de recherche sur les traitements de la maladie de Lyme chronique.

Scoop aux CDC d’Atlanta. Entre août 2011 et août 2013, la maladie de Lyme devient « un problème de santé publique terrifiant » Le décalage sur le terrain entre les malades officiellement diagnostiqués par la sérologie en deux étapes recommandée par l’IDSA et la pratique quotidienne de nombreux médecins ne devient plus tenable. Selon une enquête, plus de la moitié des médecins aux États-Unis ne suivent plus les recommandations de l’IDSA mais celles de l’ILADS. Les épidémiologistes des CDC ont alors modifié les critères de déclaration de la maladie. Désormais, un médecin américain doit déclarer comme atteint de la maladie de Lyme un patient qui a un Western blot positif malgré un Elisa négatif. C’est une évolution importante. Pendant ce temps, on continue aujourd’hui encore de persécuter en France les médecins et les laboratoires qui suivent ce schéma diagnostique ! Qui plus est, les CDC, connaissant les limites de la sérologie, demandent aux médecins de déclarer comme maladie de Lyme « probable » les cas où les signes cliniques sont caractéristiques ou très évocateurs de la maladie de Lyme, malgré une sérologie négative, si l’on a écarté les autres diagnostics possibles. C’est une deuxième évolution encore plus importante.

Les experts des CDC ont alors annoncé, en août 2013, que l’épidémie de maladie de Lyme dépassait celle de VIH-sida et qu’elle devenait « un problème de santé publique terrifiant » : « Lyme disease rates 10 times higher than previously reported. » Les th experts des CDC sont venus annoncer ces résultats pendant la 13 International Conference on Lyme Borreliosis and other Tick Borne Diseases qui se tenait à Boston, fief du club Lyme de l’IDSA, en août 2013. Droit dans ses bottes, le groupe d’« experts » de l’IDSA, piloté par le successeur de Steere, Gary Wormser, reconnaît la publication des CDC, mais déclare… que ces critères ne sont valables que pour les statistiques et qu’il est hors de question qu’ils soient pris en compte pour le diagnostic des malades ou la prise en charge par les médecins. Par quel mystère, depuis cette annonce officielle des CDC, le nombre de cas déclarés chaque année aux États-Unis est-il « retombé » aux alentours de trente mille comme si de rien n’était ? En fait, les deux façons de compter, l’ancienne et la nouvelle, considérée comme une « estimation », ont été maintenues. Et pourtant l’extension de la maladie continue d’inquiéter les autorités américaines. En août 2015, les CDC ont rapporté avec Kugeler, dans le journal Emerging Infectious Diseases, que le nombre de comtés classés dans les zones à incidence élevée de maladie de Lyme avait augmenté de plus de 320 % en moins de dix ans dans les États du nord-est des États-Unis (berceau initial de la maladie) et d’environ 250 % dans les états du Centre-Nord (à l’ouest des Grands Lacs, surtout dans le Wisconsin).

Où en est-on ? Pourquoi une telle persévérance dans l’aveuglement ?

Après la révélation officielle, en 2013, par le plus grand centre d’épidémiologie au monde, de l’ampleur de l’épidémie de Lyme aux États-Unis, suivie de la poursuite impressionnante de l’immobilisme total de l’IDSA, je continuais à me poser beaucoup de questions. Pourquoi cette omerta sur la maladie de Lyme et pourquoi, malgré une décision de justice, les recommandations de l’IDSA restent-elles figées ? Qui tire vraiment les ficelles derrière ce groupe d’experts autoproclamés de l’IDSA et, pour l’Europe, derrière le groupe d’experts autoproclamés de l’EUCALB ? Ce dernier a été récemment remplacé par l’EGSBOR, groupe de travail de la Société européenne de microbiologie clinique et maladies infectieuses (ESCMID), mais cela n’a rien changé. La réponse à ces questions va d’autant moins de soi qu’elle suppose d’analyser et d’articuler des causes multiples qui vont de l’influence de l’esprit du temps scientifique aux rivalités personnelles, en passant par les effets pervers possibles des structures institutionnelles, la difficulté d’accepter un nouveau paradigme, voire la crainte d’exposer les finances publiques ou les assurances à des dérapages budgétaires. En attendant, la maladie de Lyme est maintenant reconnue comme la maladie la plus controversée de toute l’histoire de la médecine, et, quand surgissent des données scientifiques nouvelles, rien ne bouge, rien ne bouge, rien ne bouge… Le vide sidéral…

CHAPITRE 7

Une étrange mise à l’écart de ceux qui sont à l’avant-garde des recherches sur la maladie de Lyme

Un ami de Burgdorfer, découvreur de la bactérie du Lyme, parle En avril 2014, j’ai eu la chance d’être invité à Erfurt en Allemagne pour un congrès international organisé par la Deutsche Borreliose Gesellschaft, la société allemande des borrélioses. Le président, Hartmut Prautzsch, est un professeur en mathématiques à l’Université de Karlsruhe, et le congrès était organisé par deux médecins, le professeur Karl Bechter, psychiatre à l’Université d’Ulm, et le docteur Oliver Nolte de Constance. J’étais impressionné par l’intelligence et la culture scientifique des organisateurs. Karl m’a étonné par son immense culture médicale avec sa connaissance parfaite de la médecine interne et de la neurologie. Il avait lu les traités d’anciens chercheurs allemands sur la physiologie du

système nerveux. Un vrai psychiatre ! J’y retrouvais avec plaisir des collègues de nombreux pays européens ainsi que des collègues américains. Je fis la connaissance de médecins que je n’avais pas encore rencontrés et qui tous avaient une expérience passionnante. Il y avait, en plus des cliniciens, des chercheurs de haut niveau. Tous, très sérieux, réalisaient des travaux d’excellente qualité scientifique, mais beaucoup se plaignaient de la censure des journaux car ils avaient du mal à publier leurs travaux. Je fis la connaissance du professeur Garth Ehrlich, microbiologiste américain, de la famille du microbiologiste allemand Paul Ehrlich, qui a donné son nom aux Ehrlichiae, bactéries transmises par des tiques. Garth Ehrlich a fait une présentation remarquable sur les nouvelles techniques de détection de microbes variés. Je fis aussi la connaissance d’Eva Sapi, auteur de travaux qui font référence (sauf pour l’IDSA !) sur la persistance des borrélies dans les biofilms. Les biofilms sont des constructions semi-solides fabriquées par les microbes dans nos tissus et dans lesquelles ils se cachent et vivent à l’abri des agressions. Les biofilms ressemblent un peu à des « maisons de Schtroumpfs » microscopiques, ou à des coraux que l’on voit dans les océans, avec des orifices permettant l’entrée et la sortie des microbes, mais aussi des substances chimiques qui les nourrissent. Dans les biofilms, des microbes très différents peuvent cohabiter, véritables « cours des miracles » composées d’associations de malfaiteurs. À l’intérieur, on pourrait se croire dans une ruche ou dans une ville embouteillée. Nous avons tous des biofilms dans notre intestin, dans nos artères, un peu partout… En Allemagne, la situation n’est pas toujours rose pour les malades, mais c’est l’un des rares pays d’Europe, avec quelques pays d’Europe de l’Est, où les médecins sont libres de diagnostiquer

et de traiter des maladies de Lyme chroniques et leurs co-infections. Pourtant les recommandations allemandes officielles et universitaires sont les mêmes que dans tous les pays et suivent à la lettre les versets de l’IDSA. Mais l’Allemagne a l’avantage d’être un pays fédéral très décentralisé, et personne ne persécute les médecins. Un médecin allemand prescrit couramment un Western blot si la sérologie par Elisa est négative et n’est pas menacé de perdre son droit d’exercer la médecine ! D’autres techniques très efficaces sont utilisées fréquemment comme les tests de transformation lymphoblastique (TTL) qui détectent efficacement l’immunité cellulaire contre les borrélies. Il s’agit d’une forme d’immunité différente de la production d’anticorps. Ces médecins sont libres de prescrire des traitements antibiotiques prolongés et des traitements antiparasitaires ou antichampignons associés. Mais des collègues allemands m’ont dit que beaucoup de traitements n’étaient pas remboursés. La phytothérapie est devenue en Allemagne une méthode incontournable de traitement d’entretien. Quel rêve pour les malades français ! Beaucoup vont se faire soigner en Allemagne, mais ils doivent casser leur tirelire car les soins sont chers et non pris en charge par la Sécurité sociale française. Lors d’une pause pendant le congrès, un monsieur marchant avec des béquilles m’aborda et me félicita pour ma présentation. Il était allemand, à la fois médecin et atteint de la maladie de Lyme. Il me confia être un ami de Willy Burgdorfer, qu’il avait rencontré un jour en Allemagne à l’occasion d’une réunion sur les borrélioses. Willy avait l’allemand, ou plutôt le suisse-allemand, comme langue maternelle. Les deux hommes, tous deux férus de randonnées pédestres, avaient sympathisé. Le médecin m’assura que je faisais honneur à la cause mondiale du Lyme, ce qui me toucha beaucoup,

puis me remit religieusement une photo qu’il avait prise lui-même de Willy en train de faire une allocution. En me remettant cette photo, il me prit les mains puis me dit : « Herr Professor Perronne, vous êtes le seul à pouvoir sauver Willy Burgdorfer ! » J’étais un peu estomaqué, on l’imagine. Il m’expliqua que Willy était malade avec des symptômes qui s’étaient aggravés au fil du temps. Ce médecin me dit qu’il était persuadé que Willy avait la maladie de Lyme et il souhaitait un nouvel avis médical. Très inquiet, il me parla d’un barrage fait autour de sa personne depuis quelque temps, au point qu’il n’arrivait plus à le joindre ni par courriel ni par téléphone. Il ajouta : « Willy commence à perdre un peu la tête et il a déjà été trop bavard pour certains. » Je lui demandai pourquoi il s’adressait à moi et non aux nombreux médecins américains « crypto-infectiologues » présents dans la salle, d’autant plus que je ne suis pas autorisé à exercer la médecine aux États-Unis. Il se récria : « Ils ont trop peur de la situation autour du Lyme et je crains qu’ils ne puissent rien faire. » Il me précisa que je n’arriverais pas à contacter Willy moimême et qu’il allait lui envoyer mes coordonnées pour que celui-ci puisse me téléphoner ou m’envoyer un courriel. En me quittant, il me lança cette exhortation : « Dans tous les cas, au nom de Willy et pour les malades du monde entier, continuez votre combat, je ne vois que vous qui puissiez le faire car vous êtes universitaire. Je connais votre engagement. » Le jour même, j’ai quand même demandé à quelques collègues américains s’ils pouvaient faire quelque chose pour Willy, mais je voyais bien que c’était compliqué. Je n’ai jamais reçu d’appel ni de courriel, mais je m’en doutais. Quelques mois plus tard, le 17 novembre 2014, j’ai appris le décès de Willy Burgdorfer dans un hôpital du Montana. Officiellement, il est mort d’une maladie de Parkinson. J’ai toujours sa photo, celle que m’a donnée son ami randonneur. Je n’ai pas noté le nom de cet ami

et je n’ai pas ses coordonnées en Allemagne. J’ai ressorti la photo de Willy à l’annonce de son décès et, en la contemplant, je me demandai : « Que voulait-il me dire ? » Mais les photos ne parlent pas et je gardais le goût amer d’un rendez-vous manqué. Après sa mort, je vis l’explosion de témoignages de reconnaissance de malades du monde entier. C’est là que je pris conscience du fait que, contrairement à tous les autres « découvreurs » de la maladie de Lyme, Burgdorfer avait dès le début de l’épidémie compris la réalité de la forme chronique de la maladie. Il reconnaissait la souffrance des malades.

L’interview choc de Willy Burgdorfer J’ai alors découvert l’interview qu’il avait accordée à l’occasion du tournage d’un film documentaire sur le Lyme, Under Our Skin, réalisé en 2007 à son domicile, dans sa maison du Montana, alors qu’il était retraité depuis 1986. J’appris que les journalistes avaient essuyé un refus de la part du NIH (National Institute of Health) d’interviewer des chercheurs du Lyme. Au début de l’interview de Burgdorfer, le journaliste eut la surprise de voir débarquer, dans la maison de son hôte, un chercheur haut placé du NIH qui lui déclara qu’on lui avait demandé en très haut lieu de superviser l’interview de Willy. Le « superviseur » justifia ainsi sa mission : « Il y a des choses que Willy ne doit pas vous dire ! » Burgdorfer fit part de son expérience sur les borrélies responsables des fièvres récurrentes qu’il avait étudiées en Suisse puis, sur le terrain, au Congo belge et au Kenya. Il rappela que le docteur Livingstone, le célèbre explorateur britannique, missionnaire écossais, avait attrapé une maladie qu’il avait baptisée « fièvre à tiques ». Au moins une maladie baptisée par un missionnaire ! Chacun sait que Livingstone

fut l’un des premiers explorateurs européens en Afrique centrale. Il a découvert les chutes du Zambèze en 1855. Il repartit en expédition en 1866 et chercha notamment à découvrir les sources du Nil. On finit par perdre sa trace. En 1869, Stanley reçut un financement du journal The New York Herald pour partir à sa recherche. Il le retrouva deux ans plus tard, lançant en guise de salut la célèbre phrase : « Doctor Livingstone, I presume ? » Dans la suite de l’interview, Burgdorfer confiait, lui, le découvreur de la bactérie de la maladie de Lyme, le lien qu’il voyait entre cette maladie et les fièvres récurrentes. En entendant cette remarque, un sourire m’est venu aux lèvres au souvenir de la réaction d’un relecteur d’un de mes articles pour un grand journal médical, lequel m’avait précisément accusé de faire un rapprochement stupide… entre Lyme et fièvres récurrentes ! D’ailleurs, la Borrelia « à la mode » découverte récemment, Borrelia miyamotoi, peut donner soit la maladie de Lyme, soit une fièvre récurrente. Burgdorfer insistait sur le fait que la bactérie était très difficile à mettre en évidence, sauf à prélever un morceau de cerveau ou d’autres tissus profonds peu accessibles ! Il affirmait sans l’ombre d’un doute que le Lyme chronique existait et qu’il l’avait rencontré. Il soulignait que les borrélies pouvaient parfaitement s’adapter pour survivre dans les tissus du corps et ressortir, même vingt ans plus tard, en réactivant les symptômes caractéristiques de la maladie. Willy Burgdorfer avait tout dit en quelques phrases. Impressionnant ! Quand le journaliste en vint à la question des recommandations officielles de l’IDSA et la controverse sur le Lyme, Willy déclara que c’était « a shameful affair » (une affaire honteuse). Il indiqua que la raison en était politique, mais sans rien dire de plus. Il déplora que l’argent aille « depuis trente ans à ceux qui produisent toujours la même chose, c’est-à-dire rien ! ». Il décoiffe, Willy ! Précisant sa

pensée sur ce point, il ajouta : « La technique de sérologie doit être revue de fond en comble par des gens qui n’écrivent pas le résultat avant de faire les recherches. » Avait-il en tête le verrouillage à 5 % des tests ? « La plupart des médecins refusent de voir les malades atteints de Lyme chronique, en les faisant chasser par leur infirmière. » Cette dernière remarque nous rappelle quelque chose. Il s’indignait de ce que les médecins n’osent même pas dire à leurs malades : « Je ne connais rien à la maladie de Lyme. » Le journaliste lui demanda ce qu’il pensait du lien entre la maladie de Lyme et certaines maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer ou le Parkinson ? Il pensait que cela nécessitait de développer de la recherche sur le sujet car beaucoup de médecins sur le terrain y croyaient. Je ne pus m’empêcher d’avoir une pensée émue quand il parla de ce sujet, lui qui est mort d’une maladie de Parkinson. Après la fin de l’interview, quand la caméra était éteinte, il dit au journaliste, avec un sourire grimaçant : « Je n’ai pas pu tout vous dire ! » Après avoir vu ce reportage, je commençais à comprendre ce que l’ami allemand de Willy Burgdorfer avait cherché à me dire à demi-mot. Jusqu’à présent, j’avais abordé, comme beaucoup, la maladie de Lyme et les maladies associées avec une approche purement médicale et scientifique, sans suspecter d’autres enjeux sous-jacents.

Voyage en Norvège En Norvège, je vais découvrir que la mise à l’écart des gens qui savent et des gens qui veulent voir est largement répandue dans le monde. En effet en 2014, je suis invité fin mai à faire une présentation en Norvège, à Oslo, à une réunion scientifique

internationale organisée par NorVect, une association nordique de soutien aux malades victimes de maladies vectorielles. La liste des invités comprenait beaucoup d’excellents experts de la maladie de Lyme chronique provenant de divers pays. Cette réunion, tout comme celle organisée en Allemagne, rassemblait des malades, des médecins et des chercheurs. Initialement, les organisateurs m’informèrent que la réunion allait être soutenue et hébergée par le ministère norvégien de la Santé. J’étais ravi de cette ouverture. Quelques semaines avant la réunion, les organisateurs m’informèrent que le ministère avait brusquement retiré son soutien. Je comprenais alors que la censure frappait aussi en Norvège. J’appris que les organisateurs étaient deux jeunes femmes courageuses qui étaient tombées malades pendant l’adolescence et qui s’étaient retrouvées en fauteuil roulant. Elles n’eurent accès à aucun traitement car les autorités norvégiennes avaient interdit d’exercice tous les médecins « crypto-infectiologues » qui s’occupaient du Lyme chronique et avaient fait fermer tous les laboratoires qui ne suivaient pas à la lettre les recommandations de l’IDSA ! Je découvris ainsi que, dans les pays nordiques, la situation était pire que dans le reste de l’Europe ou qu’en Amérique du Nord. La seule solution proposée par les médecins norvégiens était de les laisser mourir à petit feu dans leur fauteuil roulant. La seule chance de salut était d’aller se faire soigner à l’étranger, ce qui coûte très cher, puisqu’en dehors de toute possibilité de prise en charge. Grâce à leurs parents qui ont puisé dans leurs économies, ces jeunes femmes ont pu être soignées par des « crypto-infectiologues » aux États-Unis puis en Allemagne. Grâce aux anti-infectieux, elles sont sorties de leur fauteuil roulant et ont pu retrouver une vie partiellement normale. Ces deux femmes dont le courage force le respect ont créé NorVect pour faire connaître la maladie de Lyme et

les maladies associées et pour faire avancer la recherche. Apprenant la censure de leur réunion, elles ont eu l’énergie de trouver des sponsors et de maintenir l’événement. Elles étaient quand même surveillées par une neurologue, représentante du ministère de la Santé, chargée des recommandations sur le Lyme en Norvège. Quelques jours avant mon départ pour Oslo, France 5 a diffusé un reportage remarquable sur la maladie de Lyme et les fièvres récurrentes africaines, appelé Quand les tiques attaquent. Ce reportage a été réalisé par Chantal Perrin, journaliste exceptionnelle qui avait parfaitement perçu les enjeux du problème. J’ai été interviewé dans ce reportage. Pour la première fois, je parlais en public du verrouillage à 5 % de la sérologie obligeant artificiellement la maladie de Lyme à rester une maladie rare. Je n’avais jamais osé le faire auparavant, en dépit du fait que je disposais de la preuve et de la référence scientifique qui confirmaient que l’EUCALB imposait ce verrouillage à toute l’Europe, sur consigne du club de l’IDSA. J’avais essayé de le mentionner dans des publications scientifiques mais cela avait chaque fois déclenché la colère des relecteurs récitant les versets de l’IDSA comme les passages du Petit Livre Rouge du président Mao pendant la Révolution culturelle en Chine. Je n’avais pas pris le risque de le mentionner dans l’article que j’avais écrit et qui était en train de paraître dans Frontiers in Cellular and Infection Microbiology, par peur que cela n’entraîne le rejet de mon article. Sachant que ma revue des publications scientifiques sur les tests diagnostiques était sous presse, je me sentais plus libre de parler des 5 % à la télévision. Ce reportage de Chantal Perrin a fait exploser l’audimat de la chaîne ce soir-là. Je pensais cependant que l’impact de cette émission de télévision resterait franco-français. Chantal Perrin avait été invitée en

Norvège. En arrivant à Oslo quelques jours après le film, j’ignorais qu’une version en langue anglaise du reportage avait été diffusée à l’étranger (Lyme Disease, a Silent Epidemic). Quelle ne fut pas ma surprise de voir que beaucoup de participants au congrès norvégien, venant de différents pays, avaient déjà vu le film ! Chantal Perrin et moi fûmes accueillis d’une façon extraordinaire et chaleureuse. Beaucoup de monde congratulait Chantal. Grâce à son film, le monde allait découvrir ce 5 %, si bien camouflé. Dans les semaines suivantes, des messages m’arrivèrent de partout, d’Espagne, du Mexique, d’Australie, de Pologne, du Canada, des États-Unis, de Grande Bretagne. « D’où le professeur Perronne sort-il ce 5 % ? » Je me suis fait une joie de fournir la référence à ceux qui me la demandaient. Je vis sur des blogs aux États-Unis, en GrandeBretagne : « Le professeur Perronne a lâché une bombe avec ses 5 % ! » Mais, du côté des officiels de tous les pays, aucune réaction, pas l’ombre d’un poil de démenti, silence assourdissant ! Cette révélation a réveillé les consciences dans beaucoup de pays. Willy Burgdorfer l’avait dit : « Ils ont décidé du résultat des sérologies avant de les mettre au point ! » Quand j’arrivais à la conférence, sur le trottoir du Grand Hôtel d’Oslo, un gaillard à l’œil vif était là. Je ne le connaissais pas. Il s’agissait d’Alan MacDonald. J’avais entendu parler de lui et connaissais ses travaux remarquables, mais je ne l’avais jamais vu. En me reconnaissant, il me serra dans ses bras et me dit : « You’re a heroe » (vous êtes un héros). Je lui répondis que j’étais très flatté et que j’étais ravi de faire sa connaissance, mais que je n’étais pas plus un héros que lui qui travaillait depuis plus longtemps que moi sur le Lyme chronique ou que d’autres experts présents à cette conférence. Il me regarda droit dans les yeux puis me répondit : « Vous ne vous rendez pas compte. Vous êtes un héros car vous

êtes le premier depuis l’histoire du Lyme, avec votre statut universitaire, vos fonctions officielles et vos activités académiques à oser dire en public tout ce que vous dites et en plus à le dire au monde entier. Aux États-Unis, personne, avec votre statut, n’oserait. Trop de gens ont eu des ennuis. Bravo. » Et il ajouta dans un français impeccable « Vous êtes merveilleux, vive Pasteur, vive la France ! » J’étais bouleversé. D’une part, j’avais devant moi, en chair et en os, un des plus grands pionniers de la découverte de la maladie de Lyme qui très rapidement avait démontré, en accord avec la position de Burgdorfer, que les borrélies persistaient et que la maladie était chronique. D’autre part, je savais que cet homme, maintenant retraité, avait beaucoup souffert pendant toute sa carrière car le petit club de l’IDSA avait jeté dès le début le discrédit sur ses travaux. Je découvrais à cette conférence que la censure était féroce en Norvège, tout comme la persécution organisée des professionnels. Certains malades présents en fauteuil roulant ou allongés sur un brancard hurlaient leur peine de n’avoir accès à aucun docteur, aucun traitement. Beaucoup n’avaient pas de grosses ressources financières et ne pouvaient pas se permettre le voyage plus les frais médicaux à l’étranger. La seule réponse des médecins était qu’ils étaient fous. Dans le cas d’espèce, il y a bien de la folie, mais elle est moins chez les malades que chez ceux qui devraient les soigner ! Des malades suédois ou finlandais, présents dans la salle, rapportaient tous le même scénario, le même calvaire. Les malades allemands faisaient figure de privilégiés car ils avaient accès aux soins. Chantal, qui avait enquêté en France, constatait avec moi la réalité effrayante dans certains pays. C’est de la non-assistance à personne en danger pure et dure !

Les deux jeunes femmes organisatrices du congrès ont exposé brièvement, avec beaucoup d’émotion et de retenue, leur parcours médical. Leur témoignage était poignant. La censure ne touchait pas que les soignants, elle était également scientifique. Le professeur Carl Morten Laane de l’Université de Bergen s’est vu interdire de présenter en public les résultats de ses recherches au microscope sur Borrelia. Cette censure est tout à fait « normale » car, selon la version officielle, les borrélies ne changent pas de forme pour persister. Dans ce contexte kafkaïen, ce chercheur a su garder son humour et a déclaré aux organisateurs que, puisqu’on lui interdisait de parler, il n’ouvrirait pas la bouche mais avait préparé un petit film destiné aux participants. Cette vidéo montrait, sous le microscope, les changements de formes des borrélies, expliquant leur persistance dans les tissus et donc la chronicité de la maladie. Montrer cela était carrément un « crime de lèse-majesté ». Comme le professeur Laane n’avait pas droit à la parole, il accompagna les images d’extraits musicaux. Il regardait la représentante du ministère norvégien d’un air narquois : eh oui ! il respectait la censure puisqu’il faisait la carpe ! La salle éclata de rires. Heureusement l’humour a toujours raison de la bêtise. La représentante du ministère, assise à mes côtés, ne riait pas du tout. Quand elle s’était présentée à moi au début du congrès, j’ai tout de suite vu qu’elle pensait que tous les malades présents étaient des fous ou des hypocondriaques et que tous les soi-disant experts internationaux invités, des doux dingues ou des charlatans. La réunion s’étant déroulée sur deux jours, je l’ai vue changer un peu au fil du temps. Il faut dire que la qualité médicale et scientifique des présentations était remarquable. Elle découvrait un monde totalement nouveau pour elle et, même si elle devait garder sa position officielle, semblait interloquée. Alan MacDonald, le premier

au monde à avoir fait le lien entre certaines formes de la maladie d’Alzheimer et la maladie de Lyme, fit une présentation brillante. Pour me faire plaisir, il lut en français un extrait des écrits de Louis Pasteur. J’étais encore une fois très touché. Je fis la connaissance de Joseph Burrascano qui m’a impressionné. Ce médecin exceptionnel, malgré toutes les attaques qu’il a subies pendant sa carrière, était très digne et pudique et avait su conserver son humour. J’ai découvert son énorme expérience et son intelligence. J’ai appris avec tristesse qu’il avait fini par renoncer à la clinique et qu’il se consacrait à la formation. En arrivant à Oslo, j’avais appris le soir, dans ma chambre d’hôtel, qu’une collègue entomologiste belge avait des ennuis avec l’université pour laquelle elle travaillait. Elle trouvait trop de tiques en Belgique et de surcroît trop de tiques infectées. La présentation de ses résultats déclencha un afflux de demandes de consultations médicales pour maladie de Lyme. Cela dérangeait le « plat pays » ! Ses collègues se moquaient d’elle en l’appelant « Miss Tique », dénonçant une dérive « mystique ». Ce nouvel épisode, ajouté à tout le contexte de censure que je découvrais autour du congrès, me remplit de colère et j’écrivis le soir même dans ma chambre d’hôtel un poème que je décidai de lire le lendemain en public lors de ma présentation. J’avais une âme révolutionnaire ce soir-là. Se bousculaient dans ma tête les larmes des malades, la stupidité des recommandations officielles de l’IDSA diffusées urbi et orbi depuis Boston. Tear a plusieurs sens en anglais : « larme » mais aussi « déchirer ». Tier signifie « étape », faisant allusion au test sérologique officiel imposant encore deux étapes, l’Elisa puis, si positif, le Western blot. La « Boston Tea Party » correspond à l’événement historique qui a déclenché le début de la révolution américaine contre les Anglais en

1773. Des habitants de Boston en ayant assez de payer des taxes sur les produits importés d’Angleterre, notamment le thé, symbole anglais s’il en est, jetèrent à la mer la cargaison de thé d’un bateau. Je pense alors que tous les événements scientifiques et politiques qui surviennent actuellement dans le monde sous la pression grandissante des malades font que l’on approche de la révolution mondiale du Lyme. Mon poème jouait librement de ces 1 correspondances, sous le titre The Boston Tear Party . À la fin de la lecture de ma petite satire en vers, mélange approximatif d’Horace et de Bob Dylan mâtiné de Cyrano de Bergerac médical, toute la salle se leva en masse dans un tonnerre d’applaudissements et j’eus droit, pour la première fois de ma vie, à une standing ovation. Ça faisait chaud au cœur. Je tiens à souligner que ce texte n’était absolument pas une attaque contre l’IDSA en tant que telle, société savante hautement respectable qui fait avancer la connaissance dans le domaine des maladies infectieuses depuis sa création avec un important impact international très positif. L’attaque portait uniquement sur le groupe d’experts de l’IDSA en charge de la maladie de Lyme. Quand je vins me rasseoir à ma place à côté de la neurologue du ministère norvégien, elle était pleine d’effroi et me demanda si je n’avais pas honte d’écrire une pareille pochade. Je lui répondis que la priorité et donc sa priorité, c’était de reconnaître la souffrance des malades. Le congrès s’est terminé par une table ronde pendant laquelle des échanges passionnants ont eu lieu entre experts et malades. La neurologue était très mal à l’aise car des malades commençaient à l’interpeller vivement pour dénoncer l’absence totale de prise en charge dans le pays. Très gênée, elle prétexta rapidement qu’elle devait partir pour ne pas rater son bus ! Cinq minutes plus tard, une

de ses collègues présente dans la salle, ayant peur que les questions se retournent contre elle, déclara aussi qu’elle avait un bus à prendre. La salle éclata de rire devant cette épidémie d’envie de prendre un bus en urgence. Il est bien connu qu’à Oslo il n’y a plus de bus en milieu d’après-midi ! Ce congrès d’Oslo, par sa qualité scientifique et par le profond humanisme de l’approche de la maladie, m’a beaucoup marqué. Il m’a ouvert les yeux encore davantage sur la situation alarmante d’un nombre impressionnant de malades dans le monde. Ces personnes vivent un enfer au quotidien, sans espoir. Pendant ce temps, les autorités de beaucoup de pays continuent de dire : « Tout va très bien, madame la marquise. » S’ils allaient jusqu’au bout de la version officielle psychiatrique de la maladie, ils devraient au moins devant la pandémie de folie cloner beaucoup de psychiatres pour faire face à la situation ! Lors du congrès d’Oslo, je pus discuter librement avec des pionniers de la maladie de Lyme aux États-Unis. J’ai ainsi appris que, dès le début, il avait été décidé que la maladie de Lyme devait rester une maladie rare et puis, quand la cause infectieuse ne pouvait plus être cachée, il avait été immédiatement déclaré, sans aucun élément scientifique, que, même si c’était infectieux, tous les malades guérissaient en quinze jours de pénicilline, voire trois semaines au maximum dans les formes plus sévères. Comme il sauta aux yeux de beaucoup de médecins dès le début de l’épidémie que tous les malades n’étaient pas guéris en trois semaines et que les cas de rechute étaient nombreux, la solution est sortie directement de la poche des « experts » : si les malades continuaient à se plaindre au-delà de trois semaines, ce n’était plus des maladies de Lyme ! Et ils ont rapidement inventé le concept ahurissant de « syndrome post-Lyme », qui est un grand fourre-tout

digne d’une poubelle à tri sélectif où l’on range les malades dans les cases fatigue chronique, fibromyalgie, hystérie, maladie autoimmune, dépression, syndrome de Münchhausen (maladie psychologique caractérisée par le besoin de simuler une pathologie ou un traumatisme afin d’attirer l’attention ou la compassion), etc. Inutile de préciser que ce syndrome post-Lyme ne repose sur aucune étude scientifique. Le problème pour les concepteurs de ce syndrome fantôme, c’est que toutes les données scientifiques sérieuses démontrent la persistance des borrélies. On comprend pourquoi il est si difficile de publier sur la persistance des borrélies. À l’inverse, le club de l’IDSA, avec Gary Wormser en tête, se permet encore de publier en 2015 dans le journal Clinical Infectious Diseases un article dont la pauvreté méthodologique est affligeante, visant à persuader le lecteur que la qualité de vie des malades atteints de Lyme chronique est identique à celle des Américains moyens ! Les populations de malades étudiées ne sont pas définies, on ne sait pas quelle était la sévérité de leur maladie ni ses signes et symptômes, on n’a aucune idée des traitements reçus ni de la durée des traitements. Je suis rédacteur associé d’un journal médical international et, si je recevais un tapuscrit de cette farine, je le refuserais et ne l’enverrais même pas à des experts pour relecture, par souci de leur épargner un inutile pensum. C’est le type de publication que l’on peut montrer à des étudiants comme exemple même d’article à ne pas écrire. Il est très surprenant de constater qu’un texte de ce niveau a pu être accepté dans une grande revue internationale. Le film de Chantal Perrin a connu et continue de connaître un succès historique dans le monde. Des experts américains l’ont même qualifié de meilleur film jamais tourné sur la maladie de Lyme. Judith Albertat, l’ancienne pilote d’Air France qui a écrit un livre sur

son parcours, est devenue une star mondiale. Maintenant que son état de santé s’est amélioré, elle a recommencé à piloter des petits avions de tourisme et on la voit dans le film, fluette, pousser son petit avion avant de décoller. Le film, acheté aux quatre coins du monde, a été diffusé en boucle dans certains pays. Seule la Suède, qui subit un régime de censure similaire à celui de la Norvège, a posé problème. La télévision suédoise a finalement reçu l’autorisation de diffuser le film à condition qu’il soit accompagné d’un bandeau d’avertissement « informant » les Suédois que ce qui était raconté dans le film ne concernait que la France et les prévenant que, sur un plan scientifique, la maladie de Lyme chronique… n’existait pas ! Ça rappelle les censures de la guerre. C’est d’autant plus désolant que les médecins suédois avaient été les pionniers de la description de la maladie de Lyme dès le début e du XX siècle. En rentrant d’Oslo, mon article sur la revue des aspects diagnostiques de la maladie de Lyme était publié dans Frontiers in Cellular and Infection Microbiology. Quelle n’a pas été ma surprise de voir, sur le site du journal, que cet article, en l’espace de deux semaines, était devenu le troisième article le plus lu du journal depuis sa création. Certes, ce journal n’était pas très vieux, mais cela illustre l’énorme attente de médecins et de chercheurs en matière de données objectives échappant à la censure.

Willy n’a pas tout dit ! Une raison militaire aussi bien cachée que la bactérie ? Sans prendre parti sur une hypothèse qui dépasse le domaine de la médecine, il faut mentionner des témoignages et des ouvrages

qui, s’appuyant sur des données géographiques, historiques et politiques, soupçonnent que des recherches militaires portant sur les armes biologiques ont pu être à l’origine des premières grandes poussées épidémiques de la maladie de Lyme après la Seconde Guerre mondiale. Celles-ci ont, en effet, représenté un phénomène nouveau par rapport au « bruit de fond » de la maladie telle qu’elle existait depuis des siècles. Willy Burgdorfer a eu l’honnêteté de se démarquer de ses collègues de l’IDSA assez rapidement. On ne saura jamais ce qu’il avait fait avant et il n’est plus là pour le dire. Le scénario selon lequel, des années après que l’épidémie de Lyme eut éclaté au grand jour, l’équipe de Steere aurait demandé de l’aide pour rechercher une cause infectieuse niée pendant longtemps n’est pas très crédible. Il voudrait nous faire croire, en substance, que Steere aurait sollicité l’aide de Burgdorfer qui était en train de ramasser des champignons et quelques tiques dans les montagnes Rocheuses où il coulait des jours paisibles et que celui-ci, en arrivant du Montana, aurait coupé quelques tiques en deux sous le microscope puis se serait exclamé : « Tiens, c’est marrant, on voit des bactéries en forme de petits vers qui me rappellent les spirochètes de ma jeunesse. » En vérité, depuis les années 1950, Burgdorfer avait étudié beaucoup de spirochètes, notamment les borrélies des fièvres récurrentes. Il travaillait sur différentes espèces de bactéries provenant de diverses régions du monde, sur différentes espèces de tiques et sur l’infection expérimentale d’animaux comme le cobaye, comme il l’a publié avec Davis en 1954. De 1954 également date l’un de ses articles consacrés, dans la lignée de Charles Nicolle, à la description des « infections inapparentes », qu’il appelait « infections occultes ». Plus tard, dix ans après sa naturalisation américaine en 1957, Burgdorfer est devenu membre de l’Armed Forces

Epidemiological Board créé en 1948 à la suite de l’Army Epidemiological Board, lui-même créé au début de la Seconde Guerre mondiale. On peut noter que le Français Marcel Baltazard, qui a été directeur de l’Institut Pasteur de Téhéran, grand chercheur sur la peste en Iran, était expert-consultant auprès de ce board. Le board est composé de nombreuses commissions thématiques. Burgdorfer en a été membre de 1967 à 1972, date correspondant au début de l’épidémie d’Old Lyme. Sur la photo de la réunion er d’automne des 30 novembre-1 décembre 1972 de la Commission on Rickettsial Diseases organisée au Walter Reed Army Institute of Research, Washington DC, on voit parmi les dix-sept membres présents Willy Burgdorfer. Au cours de la discussion qui suivit mon intervention dans le cadre du congrès organisé par NorVect à Oslo, un malade me surprit par une question à laquelle je ne m’attendais pas. Il me demanda si j’étais au courant des recherches menées par des militaires sur les tiques et les borrélies depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale dans un centre de recherche secret près de la ville de Lyme, sur l’île de Plum (Plum Island). C’est « l’île aux Prunes », baptisée ainsi par les premiers colons hollandais qui avaient fondé la Nouvelle-Amsterdam qui, après la conquête britannique, est devenue New York. Les navires longeaient cette île avant d’arriver sur New York par un bras de mer, le Long Island Sound. Les rivages de l’île étaient, paraît-il, remplis de pruniers. Cette petite île, en forme de côtelette d’agneau, était un site stratégique pour la défense maritime de Big Apple (la « Grande Pomme », comme on surnomme New York) et a été mise rapidement sous contrôle militaire. En 1869, un phare y fut inauguré et, en 1897, le fort Terry y fut construit. L’île a été confiée après la Seconde Guerre mondiale au ministère de l’Agriculture (US

Department of Agriculture) pour y ouvrir un centre de recherches sur les infections animales, le Plum Island Animal Disease Center (PIADC). La sécurité de l’île a été confiée au US Department of Homeland Security (DHS). C’était la première fois que j’entendais parler de cette île, et je lui répondis que j’ignorais tout de cette histoire. Je fis le rapprochement avec les propos qui me revenaient en tête de l’ami allemand de Burgdorfer et les propos de Burgdorfer lui-même lors de son interview. Je gardai ces réflexions pour moi. Il est vrai (et c’est apparemment de notoriété publique) que le vétérinaire nazi Erich Traub dirigeait, pendant la Seconde Guerre mondiale, des recherches sur les maladies vectorielles (à tiques, puces, poux et moustiques), en utilisant des prisonniers comme cobayes. Il travaillait à développer des armes microbiologiques et menait ces recherches à l’Institut Friedrich Löffler, dans l’île allemande de Riems. Des tiques hautement contaminées auraient été dispersées pendant la guerre en Europe centrale et de l’Est. En 1945, Traub a été exfiltré à l’Ouest puis a échappé au tribunal de Nuremberg dans le cadre de l’opération Paperclip, visant à récupérer les scientifiques allemands. Aux États-Unis, dans les années qui ont suivi la fin de la guerre, il a supervisé des recherches, notamment sur l’île de Plum, située à 10 milles (soit 16 kilomètres) de la ville d’Old Lyme, la ville du continent la plus proche, située en face, de l’autre côté du bras de mer. Les activités qui ont été menées sur cette île sont décrites dans l’ouvrage bien documenté écrit par un avocat américain, Michael Carroll, Lab 257. La ville d’Old Lyme est localisée, par rapport à l’île de Plum, en aval des trajets migratoires des oiseaux et, à certaines périodes de l’année, en aval du vent. C’est aussi une région très touchée par les ouragans, parfois très violents. Ce n’est pas à moi de juger l’opération Paperclip, et l’on peut comprendre

l’inquiétude des autorités et de l’armée américaines, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, devant le risque majeur d’invasion de l’Europe de l’Ouest par Staline et, sur leur continent, par le soutien de Moscou aux révolutions communistes en Amérique latine. Ce d’autant que les Russes avaient aussi récupéré de très nombreux scientifiques allemands. Nous ne devons pas oublier que nous devons aux États-Unis et à l’armée américaine notre liberté d’aujourd’hui. Erich Traub est retourné quelques années plus tard en Allemagne pour y poursuivre ses recherches dans une annexe de l’Institut Friedrich-Löffler à Tübingen dans le Bade-Wurtemberg en Allemagne de l’Ouest, dans la zone d’occupation américaine. En effet, l’Institut principal de l’île de Riems avait été conquis par les Soviétiques et se retrouvait en Allemagne de l’Est communiste. Tübingen est située tout prêt de Strasbourg, de l’autre côté de la Forêt-Noire. Traub a dirigé le laboratoire de Tübingen de 1953 à 1960. Des médecins allemands m’ont raconté que Traub y a poursuivi ses études sur les tiques infectées. Traub a pris tranquillement sa retraite trois ans plus tard, sans jamais être inquiété pour ses crimes de guerre. Le rôle de microbes dans des maladies aiguës ou chroniques a été pressenti par l’humanité depuis la nuit des temps, comme en témoignent des exemples historiques, souvent liés à la guerre microbiologique, bien avant de connaître les microbes. Ainsi, les e Scythes, premiers cavaliers de l’histoire qui vivaient entre le X et le e VI siècle avant J.-C., avaient appris à leurs archers à tremper la pointe de leurs flèches dans des cadavres en décomposition pour tuer plus vite leurs adversaires blessés, par le développement de la gangrène gazeuse. Le catapultage de cadavres de pestiférés dans les villes assiégées était une méthode très efficace de propagation des épidémies. Ainsi, lors de la guerre entre Gênes et Venise alliée

aux Tatares, le siège de Caffa, au bord de la mer Noire en 1347, a été à l’origine de la deuxième pandémie de peste, la « peste noire » qui a décimé la population européenne. Ces armes microbiologiques sont à manier avec prudence car, dans ce cas, l’agresseur s’est trouvé autant touché par la maladie que l’agressé. Les microbes ne reconnaissent pas les nationalités, ne distinguent pas les civils des militaires, ni les uniformes. Dans certains cas, la réceptivité génétique à certaines infections peut jouer un rôle « favorable » pour l’agresseur. Ayant constaté que la variole, qui ne tuait qu’un tiers des Européens, tuait 90 % des Amérindiens, les Anglais, en grands pragmatiques, en ont tiré les conséquences. Ainsi, le général anglais Jeffrey Amherst, bien avant la découverte du virus de la variole, a distribué en 1763 aux Amérindiens, alliés des Français en Amérique du Nord, des couvertures de varioleux pour en exterminer un grand nombre. Il fut promu maréchal pour cet exploit. Au début de la Première Guerre mondiale, la cavalerie représentait le point fort des troupes. Français et Allemands ont décimé mutuellement une partie des chevaux de guerre en dispersant la bactérie appelée actuellement Burkholderia mallei, responsable de la morve, une maladie grave chez le cheval. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les dictatures japonaises, soviétiques et nazies ont développé de nombreuses recherches sur les prisonniers humains et ont utilisé des armes microbiologiques redoutables en Chine, en Sibérie ou en Europe de l’Est. À côté des microbes « tueurs », des recherches ont été menées sur des microbes « qui handicapent », dont le genre Borrelia, pouvant être facilement dispersés par l’intermédiaire du vecteur, la tique. Il est curieux d’observer que plusieurs experts, chargés depuis le tout début de l’affaire d’investiguer sur l’épidémie puis d’établir des recommandations d’abord nationales qui allaient finalement être

imposées au monde entier, ont été formés à l’Epidemic Intelligence Service : Allen Steere (classe 1973), David Snydman et Alan Barbour (classe 1974). Barbour est l’homme qui a mis au point le milieu de culture de Borrelia burgdorferi. Il a dirigé par la suite un laboratoire consacré à la guerre microbiologique : le Pacific Southwest Regional Center of Excellence for Biodefense and Emerging Infectious Diseases. Un autre expert, Mark Klempner, qui a monté une étude randomisée, avec tirage au sort contre placebo, chargée de conclure que les traitements antibiotiques « prolongés » de la maladie de Lyme (en fait d’une durée de seulement trois mois) ne servaient à rien, a été impliqué dans la recherche sur la guerre microbiologique. La méthodologie de son étude du traitement antibiotique de la maladie de Lyme n’était pas adaptée pour suivre les différentes catégories de signes et symptômes dont souffraient les malades, n’avait pas prévu de différencier exacerbation provisoire déclenchée par l’antibiotique et échec. De plus, l’étude a été arrêtée prématurément par un « comité indépendant » qui a déclaré que, de toute façon, ce n’était pas la peine de prolonger le traitement car on n’avait aucune chance de voir un résultat ! Heureusement, d’autres études randomisées, indépendantes du club de l’IDSA, ont montré un bénéfice des traitements antibiotiques prolongés par comparaison à un placebo, mais ces études dérangent et ne sont pas reprises dans les recommandations officielles. Il est vrai que le bénéfice constaté dans ces dernières études a été limité dans le temps car la durée des traitements avait été aussi limitée. Klempner a dirigé par la suite un laboratoire consacré à la guerre microbiologique à l’Université de Boston. Il est aussi curieux de noter que la maladie de Lyme a figuré jusqu’en 2005 sur la liste officielle des maladies potentielles du

bioterrorisme. Cela figurait sur plusieurs sites officiels. Depuis, la maladie est retournée tranquillement à la vie civile ! J’ai vécu plus de trente ans de vie professionnelle à entendre parler du Lyme puis à suivre depuis plus de vingt ans un grand nombre de malades. J’ai constaté par moi-même de graves dysfonctionnements dans l’élaboration des recommandations, aussi bien pour le diagnostic que pour la recherche. Mes malades ne rentraient jamais dans les cases prévues à leur intention. Mais, même si je suis toujours resté dans une approche médicale pure, je me suis progressivement posé beaucoup de questions. Pourquoi rien ne bouge ? Pourquoi de la censure partout ? Pourquoi ces persécutions ? Pourquoi cette désinformation permanente ? Pourquoi cette omerta ? Why ? D’autres enjeux seraient-ils cachés derrière ? Je repense à la phrase de Burgdorfer : « C’est politique ! » Certains se sont penchés sur cette question, mais je suis médecin et je tiens à rester sur mon domaine de compétence. Je préfère laisser des journalistes d’investigation ou des historiens mener l’enquête.

CHAPITRE 8

Mon expérience de médecinchercheur face à la maladie de Lyme

Pourquoi je suis tombé dans la marmite du Lyme depuis le début de mon internat Il me semble utile et, pour tout dire, honnête de faire place, dans ce livre, à un chapitre plus personnel, retraçant, sous l’angle particulier de mon expérience touchant la maladie de Lyme, quelques grandes étapes de mon parcours de médecin et de chercheur. Non pour céder à un quelconque narcissisme, mais parce que rien ne fait mieux sentir la réalité de notre combat pour aider les malades et comprendre les causes d’une maladie, dans sa dynamique, ses difficultés, ses hésitations, ses moments de grâce ou de découragement, ses trouvailles. C’est aussi le meilleur moyen de faire comprendre comment des expériences, des rencontres, des recherches, en apparence étrangères au sujet sur lequel on travaille, ici le Lyme, peuvent fournir, à un moment ou à un autre, les

perspectives nécessaires pour l’éclairer de manière féconde et obtenir des avancées significatives.

Mes débuts à l’hôpital Claude-Bernard, le temple des maladies infectieuses Ayant commencé mes études de médecine à Paris en 1972, j’ai fait mes stages hospitaliers en 1975. Dès 1976, intéressé depuis toujours par les maladies infectieuses, j’ai eu la chance d’effectuer un stage dans un service des maladies infectieuses et tropicales très réputé, le service du professeur Raymond Bastin dans l’ancien hôpital Claude-Bernard à Paris. Cet hôpital était conçu sous la forme de petits pavillons indépendants, chaque pavillon hébergeant des maladies contagieuses différentes pour éviter les contaminations croisées. C’était le temple de la prise en charge des maladies infectieuses et des malades contagieux. C’est le seul endroit de Paris où la police allemande, la Gestapo, n’a pas pénétré pendant l’Occupation, à la grande joie des résistants qui pouvaient se cacher dans les souterrains de l’hôpital. L’infection a toujours fait peur. Dans cet hôpital, on soignait aussi bien les adultes que les enfants et même les nourrissons. Un infectiologue, jusqu’en 1988, devait savoir soigner tous les âges, de 7 jours à 77 ans et plus. La première réanimation médicale de France a été ouverte dans cet établissement en 1953, pour se préparer à la grande épidémie de poliomyélite qui sévissait dans les pays nordiques, notamment au Danemark où Lassen avait mis au point les premières ventilations artificielles. Au milieu des années 1950, informées des ravages de l’épidémie dans les pays nordiques, les autorités de santé françaises avaient décidé d’équiper l’hôpital Claude-Bernard. L’emploi des respirateurs artificiels sur une longue durée n’était pas encore

maîtrisé. Pierre Mollaret, titulaire de la chaire des maladies infectieuses, passa l’hiver 1953-1954 avec Jean-Jacques Pocidalo et d’autres collaborateurs à mettre en place un centre de soins opérationnel. Au sous-sol du pavillon, baptisé pour la cause PasteurLassen, une centrale d’oxygène a été installée pour permettre les mélanges gazeux. Devant la supériorité de cette technique de ventilation mécanique, les poumons d’acier ont été remisés au fond du bâtiment. L’anticipation a permis de prendre en charge l’épidémie de polio quand elle s’est abattue sur la France, avec une réduction significative de la mortalité. Le vaccin n’ayant été utilisé en masse qu’en 1958, on déplorait encore quatre mille morts par polio en France rien que pour l’année 1957. C’est, bien sûr, sans compter un nombre très élevé de survivants ayant gardé des paralysies séquellaires. Ce premier service de « réanimation » a fait école dans la France entière et à l’étranger. J’ai découvert à Claude-Bernard le monde fascinant de l’infectiologie. Quand je fus reçu au concours 1977 de l’internat de Paris, le professeur Bastin, qui avait remarqué mon intérêt pour sa discipline, me proposa, avant le début officiel de mon internat, de venir remplacer ses internes pendant les vacances d’été.

Ma rencontre avec le docteur Éric Dournon, pionnier français de la maladie de Lyme Lors de mon remplacement d’interne, je fis brièvement la connaissance du docteur Éric Dournon, alors chef de clinique assistant dans le service des maladies infectieuses et tropicales. J’ai tout de suite sympathisé avec Éric, un excellent médecin, curieux de tout, toujours à l’affût des dernières innovations, que j’allais retrouver un peu plus tard, en tant qu’interne titulaire cette fois, dans le service

du professeur Bastin qui s’apprêtait à prendre sa retraite. Éric Dournon avait le talent de savoir conjuguer un grand savoir-faire de clinicien et une indéniable fécondité de chercheur en laboratoire. Il s’est passionné très vite pour trois maladies nouvellement décrites à l’époque en France : la maladie des légionnaires ou légionellose ; la fièvre coréenne hémorragique à virus Hantaan ; et la maladie de Lyme.

Les autorités de santé anticipent la disparition « attendue » des maladies infectieuses ! J’ai évoqué plus haut le changement de cap qui, après la Seconde Guerre mondiale, a conduit les autorités médicales et politiques à délaisser le champ des maladies infectieuses, dont on se persuadait qu’elles étaient appelées à disparaître sous le quadruple effet des progrès de l’hygiène, de l’alimentation, ainsi que de la vaccination et des antibiotiques. Quand j’exprimais mon intérêt pour une carrière dans l’infectiologie, certains de mes collègues me regardaient d’un air gêné en me disant que j’étais fou : ignorais-je que la démolition de l’hôpital Claude-Bernard était déjà programmée par le siège de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris et que la spécialité « maladies infectieuses » était condamnée à moyen terme ? Après un moment de déprime, une petite flamme intérieure me dit que la vie était infectieuse et que je devais persévérer dans mon orientation. Quelques années plus tard, ma conviction a été renforcée quand j’ai découvert les travaux de Charles Nicolle qui, dans son merveilleux livre le Destin des maladies infectieuses, écrivait que les maladies infectieuses reviendraient toujours sous

des formes variées et qu’elles étaient « les compagnes constantes de notre existence ». Le projet politique était de regrouper l’ancien hôpital Bichat, situé porte de Saint-Ouen, avec l’ancien hôpital Claude-Bernard en construisant un nouveau Bichat, immense bâtiment vertical sur les jardins potagers situés derrière le vieux Bichat. Cet hôpital était si solide et si bien conçu (avec notamment beaucoup de chambres à deux et trois lits !) que les microbes n’avaient qu’à bien se tenir. Ils seraient reconduits à la frontière de l’hôpital ! Il est vrai que c’était mieux que les chambres à quarante lits du vieux Bichat ! Le nouvel hôpital fut inauguré en grande pompe, et peu de temps après, en 1981, une curieuse épidémie de pneumonies très graves éclata parmi les nouveaux malades de cet établissement flambant neuf !

La maladie des légionnaires passe à l’attaque La légionellose avait été décrite à Philadelphie en 1976 lors d’un congrès d’anciens combattants de l’American Legion. Ces « légionnaires » étaient âgés et s’étaient retrouvés en congrès dans un grand hôtel de Philadelphie. Parmi eux, une épidémie de pneumonies (cent quatre-vingt-deux cas) s’était déclenchée, avec vingt-neuf cas mortels. L’enquête permettra de découvrir dans le système de climatisation une nouvelle bactérie baptisée Legionella pneumophila. Lors de l’épidémie de pneumonies bizarres dans le nouveau Bichat, Éric Dournon, alerté par le professeur Claude Gibert, chef du service de réanimation médicale, s’était joint à lui pour tenter d’élucider cette inquiétante anomalie qui menaçait leurs patients. Tous deux avaient fait le rapprochement avec l’épisode de

Philadelphie. Dournon avait contacté le laboratoire qui était censé s’occuper de la légionellose à l’Institut Pasteur de Paris. Les légionelles avaient été rattachées au laboratoire de la peste. Ce laboratoire a tout de suite répondu que cette « prétendue légionellose » était une maladie américaine et qu’il n’y avait pratiquement pas de cas en France. Heureusement, les médecins de Bichat ont décidé de prendre directement contact avec les CDC d’Atlanta aux États-Unis, lesquels ont dépêché sur place un expert qui a permis la découverte de Legionella pneumophila dans le réseau d’eau chaude de l’hôpital ! Cela rappelle étrangement l’épidémie mortelle de légionellose survenue après l’inauguration à Paris de l’hôpital Georges-Pompidou en 2000.

Éric Dournon se passionne pour la maladie de Lyme À l’occasion de ses échanges avec les CDC sur la légionellose, Éric Dournon entendit parler de la découverte récente de la maladie de Lyme aux États-Unis et s’est pris de passion pour le sujet, alors que les microbiologistes français affirmaient que c’était une maladie rarissime qui ne valait pas la peine qu’on s’en occupe. Éric ramena des États-Unis la technique pour réaliser en France la culture de Borrelia burgdorferi et les sérologies à visée diagnostique. J’ai tout de suite admiré Éric pour sa grande clairvoyance, car il a immédiatement compris les véritables enjeux de ces deux maladies « nouvelles », même s’il a dû le payer en se mettant certains membres de l’« establishment » microbiologique et certains médecins cliniciens à dos. Il n’est jamais bon d’avoir raison trop tôt ! Éric savait que je m’intéressais à ses travaux. Quand il eut mis au point ses tests diagnostiques, il m’emmena dans son bureau où il

avait épinglé sur le mur de grandes feuilles de papier qui, mises bout à bout, réalisaient un vaste tableau. J’avais l’impression d’assister à un événement historique. Il y notait les principaux renseignements cliniques et les résultats de laboratoire de tous les premiers malades atteints de Lyme diagnostiqués en France grâce à lui. Il m’apprit beaucoup sur les différentes formes cliniques, y compris les plus inattendues.

La « fièvre coréenne hémorragique » enfin diagnostiquée en France Cette maladie infectieuse due à des virus, appelés Hantaan, du nom de la rivière qui sépare les deux Corées, a été décrite dans les tranchées lors de la guerre de Corée, et le virus a été isolé chez les soldats en 1951. Ce virus provoque de la fièvre et diverses manifestations cliniques avec risque d’hémorragies. Une insuffisance rénale apparaît souvent, nécessitant des séances d’hémodialyse par rein artificiel. Les cas mortels sont fréquents en Asie. Il existe en fait plusieurs hantavirus présents sur tout le continent eurasien. En France, la maladie, essentiellement due au virus Puumala, est moins grave qu’en Asie, et elle s’appelle désormais « fièvre hémorragique avec syndrome rénal ». Les rongeurs des Ardennes et de Picardie sont les plus infectés. Il n’y a peut-être pas de lien, mais ça correspond à la ligne de front de la Première Guerre mondiale. L’homme peut se contaminer au contact des déjections de ces rongeurs, surtout le campagnol roussâtre, dans les zones boisées. L’hantavirus Puumala, présent en France, n’était pas détecté par les sérologies adaptées aux souches asiatiques. Éric Dournon avait mis au point pour la France une sérologie car, jusque-là, la maladie n’y était jamais diagnostiquée. Il

avait repéré des cas groupés de malades qui avaient comme point commun d’être tous, à des moments divers, entrés dans une grange abandonnée au milieu de la forêt de Compiègne. Éric emmena un de ses meilleurs amis médecin, que je connais, pour enquêter dans la grange maudite. Son ami se retrouva en état de choc en réanimation avec une forme sévère de fièvre coréenne hémorragique. Fort heureusement, il guérit. Sur les poutres de cette grange étaient accumulées des déjections de campagnols. Des pigeons avaient niché dans la grange et en s’envolant à l’arrivée de nos compères médecins-détectives avaient créé un aérosol de poussières bourrées de virus ! Éric, lui, avait résisté ! Comme quoi, ce n’est pas toujours sans risque de chasser les microbes. Mais Éric Dournon était sur tous les fronts innovants.

Des malades « lymés » non diagnostiqués, une maladie encore inconnue pour la plupart des médecins Pendant mes deux passages dans le service du professeur Bastin, j’ai eu à prendre en charge régulièrement des malades présentant une symptomatologie non spécifique dont on ne retrouvait pas de cause précise et que Bastin diagnostiquait, sans preuve, « syndrome de Wissler-Fanconi », aussi connu sous le nom de subsepsis hyperergica. Il s’agissait de malades de tous âges qui présentaient une fatigue chronique, parfois de la fièvre, un syndrome douloureux diffus dont des douleurs articulaires, voire des arthrites. Il pouvait y avoir dans certains cas une atteinte rénale ou cardiaque, notamment à type de péricardite récidivante. Ce syndrome ne répondait pas aux critères diagnostiques des maladies autoimmunes classiques. Avec le recul des années, ce syndrome

ressemble étrangement à ce que maintenant on pourrait appeler Lyme chronique ou maladie apparentée. À l’époque, la maladie de Lyme, telle que décrite aujourd’hui, n’était pas encore connue en France, à part les quelques syndromes cutanés ou neuroméningés à tiques décrits depuis longtemps. L’hypothèse des auteurs ayant décrit cette maladie était qu’il existait une infection minime (subsepsis) responsable d’une réaction générale disproportionnée (hyperergica) dans l’organisme. Bastin s’acharnait alors à trouver ce foyer infectieux qui pouvait être une dent gâtée, une sinusite chronique, une angine récidivante due à de grosses amygdales cryptiques, un eczéma surinfecté, etc. Il appelait ça les « pathologies focales ». Si le foyer était accessible par la chirurgie, il le faisait enlever (extraction dentaire, ponction-drainage de sinus, ablation des amygdales, etc.) et complétait le traitement plus ou moins prolongé par des antibiotiques, souvent associés à des corticoïdes à la phase initiale du soin, relayés par des anti-inflammatoires non stéroïdiens. L’état des malades était transformé avec une nette amélioration des symptômes, voire une guérison. Il s’agissait souvent d’une maladie chronique pouvant rechuter, tout comme le Lyme chronique. Je me rappelle que très peu des collègues de Bastin croyaient à cette maladie qu’ils considéraient comme une « lubie du professeur ». Certains prenaient ces malades pour des hypocondriaques. Les plus jeunes médecins de Claude-Bernard, qui commençaient à ne plus croire que ce qui était publié dans les journaux majeurs et validé dans des études randomisées (avec tirage au sort des groupes de malades), se moquaient de Bastin derrière son dos en parlant de cette maladie. Après le départ à la retraite de ce grand professeur, excellent clinicien, presque plus personne n’a osé poser ce diagnostic de Wissler-Fanconi. Il n’y avait pas de « preuve » diagnostique. Le mécanisme de la pathologie

focale est plausible, mais avec le recul et me souvenant bien des malades de Bastin, je pense qu’au moins une partie souffrait de « crypto-infections » dont le Lyme chronique.

Les premiers centres nationaux de référence pour la légionellose et la maladie de Lyme L’expérience et le savoir-faire d’Éric Dournon ayant été largement reconnus, il se vit confier deux laboratoires de référence. C’est ainsi que les laboratoires d’expertise à l’échelon national, pour la légionellose et la borréliose de Lyme, ont ouvert leurs portes sous sa direction, dans l’ancien hôpital Claude-Bernard dans les années 1980. Ces laboratoires allaient par la suite être labellisés en centres nationaux de référence (CNR). Éric y conduisit des recherches fondamentales, ainsi que des recherches cliniques. En raison de la démolition de Claude-Bernard, ces deux laboratoires de référence furent transférés quelques années plus tard à Bichat, avant d’être à nouveau déplacés dans le laboratoire de microbiologie de l’hôpital universitaire Raymond-Poincaré de Garches, où en 1990, Éric Dournon fut nommé professeur de médecine en maladies infectieuses et tropicales. Éric est malheureusement décédé prématurément en 1992. Je l’avais rencontré à l’occasion d’un congrès sur le sida à Amsterdam quelques semaines avant sa mort et nous avions dîné ensemble. Sa disparition a été pour moi un véritable choc. Le CNR de la légionellose est alors parti pour Lyon, et le CNR de la borréliose de Lyme s’est installé à l’Institut Pasteur de Paris. À l’Institut Pasteur, il n’y avait pas de spécialiste qui s’était consacré aux borrélies, et le centre a été rattaché au laboratoire des

leptospires, autres spirochètes. Après tout, ce ne sont que de petits ressorts. L’Institut Pasteur n’a jamais manifesté beaucoup d’enthousiasme pour s’occuper de cette maladie et autres borrélioses. C’est ainsi que ce centre de référence a très volontiers développé la collaboration avec les hôpitaux universitaires de Strasbourg qui rêvaient de récupérer la maladie de Lyme et qui sont devenus centre associé. Le CNR Borrelia est officiellement à Strasbourg depuis 2012. Il se trouve qu’en 1994, hasard de l’histoire, j’ai été nommé professeur de médecine en maladies infectieuses et tropicales à Garches pour prendre la suite d’Éric Dournon. Quand je suis arrivé à l’hôpital Raymond-Poincaré, les malades de Lyme avaient disparu ainsi que les recherches de laboratoire sur la maladie. Aucune équipe en France n’avait vraiment repris le flambeau.

La maladie de Lyme, alors nouvelle, et les maladies auto-immunes, réflexions sur l’origine des maladies inexpliquées Comme je le mentionnais plus haut, les maladies auto-immunes, aussi appelées maladies systémiques, collagénoses, ou connectivites, sont des maladies inflammatoires de mécanisme inconnu et pour lesquelles on émet l’hypothèse que l’organisme se retourne contre lui-même en activant le système immunitaire contre les propres cellules ou tissus de l’individu atteint, au lieu d’aller s’attaquer à des microbes. Peu de temps après ma découverte de la maladie de Lyme avec Éric Dournon, j’ai effectué mon dernier stage d’internat dans le service de rhumatologie du professeur Marcel Francis Kahn, qui était

un des meilleurs rhumatologues à l’époque et suivait de nombreuses maladies auto-immunes comme le lupus ou la polyarthrite rhumatoïde. Le professeur Kahn connaissait très bien les rhumatologues et les spécialistes de médecine interne américains et me racontait la révolution que la découverte de la maladie de Lyme avait été pour certains malades aux États-Unis. Grâce au diagnostic de Lyme apporté par la sérologie, des malades atteints de diverses maladies auto-immunes avaient pu guérir ou être nettement améliorés sous antibiotiques. Il m’avait rapporté l’histoire d’une femme hospitalisée en psychiatrie aux États-Unis pour psychose. Un jeune médecin avait évoqué la maladie de Lyme et avait prescrit une sérologie qui s’était avérée positive. La maladie psychiatrique de cette personne avait guéri sous perfusion de pénicilline à forte dose ! J’étais fasciné par ces histoires et poursuivais ma réflexion sur le lien entre infections et auto-immunité. Il est connu, depuis, que Borrelia burgdorferi présente, dans des conditions bien spécifiques, des petites sphérules appelées blebs qui bourgeonnent à sa surface. Quand Borrelia burgdorferi entre dans certaines cellules de l’organisme, des sphérules identiques peuvent bourgeonner à la surface des cellules « habitées », sphérules qui induisent des réactions immunitaires contre les propres cellules humaines infectées de l’organisme. Cela explique la réaction « autoimmunitaire ». Je me rendais compte que les médicaments utilisés alors dans les maladies auto-immunes étaient soit des anti-inflammatoires en allant jusqu’à la cortisone, soit des immuno-dépresseurs proches de la chimiothérapie anticancéreuse, soit des médicaments ayant des propriétés anti-infectieuses : les sulfones comme la dapsone (antibactérien, antilépreux et antimycobactéries atypiques et antiparasitaire), les sulfamides, la griséofulvine (antichampignon),

l’hydroxychloroquine (antiparasitaire), la clofazimine (antilépreux, antituberculeux et antimycobactéries atypiques), etc. Certaines formes de maladie de Wegener, une maladie auto-immune sévère, ® s’améliorent avec le cotrimoxazole (Bactrim ), mélange de deux molécules comprenant un sulfamide. Récemment (je fais un saut en 2015), des hématologistes ont constaté par hasard que des malades souffrant de purpura thrombopénique idiopathique (une maladie avec des anomalies des plaquettes du sang, responsable de problèmes de coagulation), qui pouvaient assez souvent être améliorés sous dapsone, étaient susceptibles de bénéficier d’un effet tout aussi encourageant avec un traitement anti-infectieux prescrit pour l’ulcère de l’estomac, le Pylera®. Ce médicament est un mélange de deux antibiotiques très actifs sur les spirochètes et de bismuth. C’est le dernier-né des traitements anti-infectieux de l’Helicobacter pylori, bactérie responsable de l’ulcère. Quel est le lien avec les plaquettes sanguines ? On l’ignore actuellement. Beaucoup de collègues m’ont raconté des histoires troublantes sur le lien entre antibiotiques et certaines maladies graves. Je sais par un chercheur microbiologiste de l’Institut Pasteur qu’un célèbre immunologiste parisien lui avait donné à analyser, vers la fin des années 1980, des ganglions lymphatiques retirés chez des malades atteints de myélome, une maladie maligne de la moelle osseuse qui entraîne des anomalies immunologiques. Ce médecin avait constaté que certains malades atteints de myélome s’étaient nettement améliorés ou avaient guéri sous traitement par doxycycline, un antibiotique actif sur les bactéries intracellulaires. Ce chercheur m’avoua n’avoir rien trouvé à l’époque. Qui plus est, de nombreuses réactions de type auto-immun ou inflammatoire sont déclenchées par certains anti-infectieux et notamment par les antibiotiques, comme si l’antibiotique prescrit

pour autre chose entraînait une exacerbation d’une maladie chronique latente qui était passée inaperçue. Ce n’est pas par hasard que certains antibiotiques peuvent déclencher une méningite inflammatoire (dite « aseptique » car on ne retrouve pas de germe) ou une péricardite. Il suffit que le système nerveux ou le cœur soient « habités » par des intrus pour que se déclenche une réaction d’exacerbation lors de la destruction de microbes inapparents. J’en ai eu la confirmation des années plus tard quand je me suis aperçu que ces supposés effets secondaires, parfois spectaculaires, pouvaient s’atténuer et disparaître malgré la poursuite du médicament.

La vie d’infectiologue en dehors du Lyme L’épidémie de VIH-sida occupe le devant de la scène. Personne ne s’intéresse à la maladie de Lyme ! Lors de mon clinicat en maladies infectieuses à l’hôpital ClaudeBernard dans le service du professeur Jean-Louis Vildé, commencé en 1985, je voyais quelques cas typiques de maladie de Lyme mais je ne m’étais jamais posé trop de questions sur cette maladie. La grande préoccupation des infectiologues à l’époque était l’énorme épidémie de VIH-sida qui faisait rage depuis très peu de temps. Cette explosion du sida dans le monde démontrait de façon cinglante à nos autorités de santé que les maladies infectieuses n’allaient pas disparaître. Trop tard, car notre hôpital était déjà condamné à la démolition.

L’hygiène oubliée des « hôpitaux modernes » Le transfert des services de maladies infectieuses à l’hôpital Bichat s’est fait dans la douleur. J’eus l’impression d’aller travailler dans des locaux totalement inadaptés à l’isolement des malades contagieux. Dans l’ancien Claude-Bernard, il n’y avait pratiquement que des chambres individuelles, la plupart très larges, avec une hauteur sous plafond de 3,50 mètres. Le sol était carrelé avec des plinthes arrondies pour éviter que la poussière ne s’accumule dans les coins. Il y avait de grandes fenêtres surmontées de plus petites pour assurer l’aération. Chaque chambre avait une salle de bains individuelle avec une grande baignoire. Beaucoup de chambres donnaient sur des terrasses ouvertes au grand air. Il y avait même eu un circuit propre et un circuit sale, mais cette mesure avait disparu au fil du temps. Il y avait encore des pavillons dédiés à une maladie unique (rougeole, coqueluche, varicelle, oreillons, etc.). Un autre monde nous attendait à Bichat. En arrivant dans cet hôpital presque neuf, je fus horrifié de voir des malades atteints de tuberculose contagieuse hospitalisés dans des chambres collectives à deux ou trois lits, descendre dans des ascenseurs pleins à craquer pour aller à la cafétéria ou faire la queue dans le service de radiologie. Des malades contagieux pouvaient croiser régulièrement des malades fragiles, immunodéprimés ou transplantés. Comme il y avait quinze étages, le trajet en ascenseur pouvait prendre plus de dix minutes aux heures de pointe, l’idéal pour les microbes quand on est serré comme des sardines dans une caisse suspendue. Dans l’ascenseur, je me mettais à rêver à mon hôpital pavillonnaire chéri, livré aux démolisseurs. Peu de temps après le transfert de l’infectiologie à Bichat, la transmission d’une souche de tuberculose multirésistante a été responsable du décès au treizième étage de plusieurs malades

atteints de sida et de la contamination d’une interne en médecine. J’aurais pu être atteint car je travaillais à l’étage en dessous dans la tour, dans le service du professeur François Vachon. Cette épidémie nosocomiale (c’est-à-dire transmise au sein de l’hôpital) m’a motivé à participer activement aux groupes de travail mis en place par le ministère de la Santé pour élaborer des mesures d’isolement et notamment le port du masque, tant par les malades tuberculeux que par le personnel soignant. À Claude-Bernard, les infirmières-chefs suivaient la visite des médecins et se précipitaient quand on sortait de chaque chambre pour nous asperger les mains d’alcool camphré ou d’alcool citronné avec une pissette. À Bichat, l’usage de l’alcool sur les mains était interdit car des experts de l’époque prétendaient que l’alcool ne tuait pas mais « fixait » les bactéries sur la peau ! Il a fallu attendre de nombreuses années, après la découverte de l’ampleur des infections nosocomiales, pour que la friction alcoolique des mains soit à nouveau fortement recommandée, notamment grâce aux travaux du professeur Pittet à Genève !

Arrivée à Garches en 1994 : les années sida, mycobactéries et hépatites virales Lors de mon arrivée à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches, j’ai ouvert à partir de l’unité dirigée au préalable par Éric Dournon un nouveau service de maladies infectieuses et tropicales. J’ai retrouvé avec plaisir, après quelques années « passées à l’usine » de Bichat, un hôpital pavillonnaire à dimension humaine, à l’ambiance chaleureuse. À l’époque, la maladie de Lyme n’était pas ma préoccupation principale. L’Agence du médicament m’avait demandé d’être rapporteur pour le dossier d’Autorisation de mise sur le ® marché (AMM) du Clamoxyl (amoxicilline) dont le laboratoire

fabricant déposait une demande d’indication officielle de cette pénicilline dans les différentes formes de la maladie de Lyme. Cela m’a permis de me plonger dans toutes les études publiées à l’époque et de bien connaître la bibliographie de cette maladie. Hormis le problème des cas de malades à sérologie négative, qui étaient parfaitement décrits dans les publications, y compris dans les plus grands journaux médicaux, mais dont la fréquence n’était pas évaluée parmi l’ensemble des malades, la maladie de Lyme apparaissait comme une entité simple, facile à diagnostiquer et à traiter ! Étant depuis janvier 1993 directeur adjoint du centre national de référence de la tuberculose et des mycobactéries à l’Institut Pasteur de Paris, je poursuivais mes travaux sur les mycobactéries. La plupart des malades hospitalisés à cette période étaient des patients atteints de sida. Ces années sida, avant les trithérapies antirétrovirales efficaces apparues quelques années plus tard, ont été terribles car la mortalité dans les services de maladies infectieuses était très élevée. De nombreux malades infectés par le VIH étaient aussi infectés par d’autres microbes, ce que l’on appelle les « infections opportunistes ». En plus des mycobactéries, je m’intéressais aux virus des hépatites virales et en particulier le virus de l’hépatite C (VHC). Je m’étais investi dans la mise au point de nouveaux traitements des mycobactéries atypiques et de l’hépatite C, en élaborant des protocoles de recherche clinique nationaux avec l’aide de l’Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS) : les essais Curavium et Ribavic qui ont contribué à marquer un tournant dans la prise en charge de ces infections opportunistes graves.

Comment la maladie de Lyme s’est incrustée dans ma carrière La plongée dans le Lyme. Tiens ! Ce n’est pas comme dans les livres ! PRIMO, ÇA RECHUTE Garches étant situé dans la banlieue ouest de Paris, non loin de grandes forêts, j’ai été amené à prendre en charge plus de formes aiguës de maladie de Lyme que j’en avais vues auparavant dans Paris. C’est ainsi que, tout à fait par hasard, j’ai constaté par moimême que certains malades qui avaient été très contents des trois semaines réglementaires de traitement antibiotique rechutaient dans des délais plus ou moins longs. J’ai le souvenir d’une dame qui avait été piquée à la fesse par une tique lors d’une promenade en forêt. Elle avait été hospitalisée pour de la fièvre avec des douleurs articulaires, une grande fatigue et des anomalies biologiques évoquant un lupus. Elle avait arraché la tique en cassant le rostre qui était resté fiché sous la peau. Elle avait une auréole très inflammatoire et douloureuse autour du point de piqûre. En trois semaines d’antibiotique, elle était guérie et était très contente de l’évolution. Quatre mois plus tard, elle revint me voir, très inquiète car, depuis deux semaines, tous ses symptômes réapparaissaient progressivement alors qu’elle n’était pas retournée en forêt et qu’elle n’avait pas été repiquée. L’ancienne piqûre de tique sur la fesse était redevenue inflammatoire au même endroit et, alors que ses examens biologiques s’étaient normalisés en fin de traitement, toutes les anomalies biologiques étaient revenues y compris la positivité des tests du lupus. Je fus très surpris mais,

ayant déjà vu de rares cas de rechute dans d’autres maladies infectieuses bien traitées, je décidai de la retraiter et elle guérit rapidement de ce deuxième épisode. Quelques mois plus tard, elle rechutait à nouveau. J’en parlais à quelques collègues qui n’avaient pas d’explication. Je l’ai retraitée une troisième fois et elle a guéri… À la quatrième rechute, je n’ai plus osé redonner un antibiotique, en me disant que c’était sans fin et je l’ai envoyée consulter un interniste. J’ai commencé à me dire que la maladie de Lyme n’était pas aussi simple que ce qui était raconté dans les livres et qu’on ne comprenait pas tout. SECUNDO, LA SÉROLOGIE N’ÉTANT PAS FIABLE, DES MALADES GALÈRENT Un autre cas m’a éclairé. Un monsieur d’une cinquantaine d’années vint un jour me voir en consultation car il avait lu un article d’Éric Dournon sur la maladie de Lyme, qui parlait notamment des formes séronégatives. Il voulait prendre rendez-vous avec Éric mais avait appris qu’il était décédé. Il était très angoissé et semblait très déçu en me voyant car, n’étant pas connu à l’époque comme un spécialiste du Lyme, il devait penser que, comme tous les médecins qu’il avait vus, j’allais le prendre pour un fou. Il me raconta son parcours incroyable. Il avait un travail qu’il aimait, une femme qu’il adorait et était en parfaite santé. Ils venaient de s’acheter une maison à la campagne à retaper et, très bricoleur, rêvait de commencer des travaux. Un beau jour il se sentit fatigué et se mit à avoir mal partout. Tout un cortège de symptômes s’abattit progressivement sur lui sans qu’il comprenne ce qui se passait. Il devint progressivement un « légume », comme il disait lui-même, et n’était plus capable de tenir un marteau pour planter un clou, le comble pour un bricoleur. Il consulta de nombreux médecins qui ne

comprenaient rien à son état. Les examens ne montraient pas grand-chose. Il perdit son travail puis sa femme à qui les médecins avaient dit qu’il était sûrement un fainéant hypocondriaque. Sachant pertinemment qu’un mal inconnu le rongeait de l’intérieur, il s’acharna à consulter. En quinze ans, il avait vu environ quatrevingts médecins et vingt psychiatres. Au chômage, sans beaucoup de ressources, il économisait pour pouvoir acheter des billets de train pour trouver dans la France entière un spécialiste qui veuille bien l’écouter. La principale préoccupation des grands professeurs qu’il avait vus était de bien encaisser des honoraires privés conséquents. Tous l’ont envoyé vers un service de psychiatrie. Il finissait par devenir déprimé, mais il y avait de quoi. Il a mangé pendant des années, pour faire plaisir à ses médecins, des caisses entières de médicaments anxiolytiques ou antidépresseurs mais rien ne l’a soulagé. À force de chercher, et ayant été souvent piqué par des tiques, il avait trouvé par lui-même la piste de la maladie de Lyme. Il est amusant de constater qu’encore aujourd’hui ce soit le plus souvent le malade qui pense d’abord à la maladie de Lyme et que, dans bien des cas, il soit obligé de faire le forcing pour que son médecin finisse par consentir à prescrire une sérologie. Manque de chance pour ce monsieur (mais c’est en fait la majorité des cas !), la sérologie qu’il avait demandée à son médecin était négative. Il n’avait donc aucun espoir d’accéder à un traitement, jusqu’à la lecture d’un article d’Éric Dournon qui expliquait que le Lyme séronégatif existait. Ayant moi aussi lu plusieurs publications sur le Lyme séronégatif, j’étais tout à fait d’accord de lui proposer un traitement empirique. Il fut surpris de ma réponse. C’était la première fois en quinze ans qu’on l’écoutait, mais, n’ayant pas encore complètement confiance en moi, il refusa l’hospitalisation et me dit qu’il allait réfléchir. Un jour, il m’appela et me dit : « Je suis prêt ! »

Après un mois de pénicilline G à forte dose par voie intraveineuse, il était ressuscité. Je n’en croyais pas mes yeux. Il avait retrouvé un tonus de jeune homme et avait cessé de se plaindre.

Découverte des premières associations de malades atteints de Lyme chronique Un jour, je reçus un appel téléphonique d’une dame qui s’est présentée comme la présidente d’une association d’aide aux malades de Lyme. Elle venait de créer avec sa fille Fabienne cette association qui s’appelait Les Nymphéas, d’après les célèbres tableaux de Claude Monet, car Fabienne, malade, était artiste peintre et aimait les impressionnistes. Elle adorait l’équitation et passait des heures à retirer des tiques de ses chevaux. Elle était devenue progressivement paraplégique. Habitant en Bretagne, on lui disait que la maladie de Lyme n’existait pas dans cette région et qu’il n’y en avait qu’en Alsace ! J’ignorais à l’époque qu’une association de malades existât déjà. La présidente de l’association me remercia pour l’accueil que j’avais réservé à un nombre grandissant de malades. Elle en était surprise ! Elle me révéla alors qu’il y avait en France des centaines, voire des milliers de personnes souffrant le martyre ou handicapées qui se faisaient rejeter par tous les médecins et qui, la plupart du temps, se retrouvaient en psychiatrie. Cette femme est une sainte et, sans un sou, a consacré des années à aider des personnes en détresse dans toute la France. Au vu de ma petite expérience, je la crus sans problème. Elle me demanda l’autorisation de donner mes coordonnées aux malades en souffrance qu’elle connaissait. Je lui donnai mon accord bien volontiers. Quelque temps plus tard, le monsieur bricoleur que j’avais guéri a créé l’association SOS-Lyme et a contribué lui aussi à

aider par téléphone un nombre incalculable de malades. Je rends aujourd’hui hommage à ces pionniers associatifs qui sont pour moi des héros.

L’afflux de malades à Garches Je ne soupçonnais pas l’invasion de malades qui allaient arriver de partout à ma consultation. Ils arrivaient souvent dans un état d’agitation lié au rejet de leur maladie par leurs médecins et souvent leur entourage familial ou professionnel. Ils déposaient sur mon bureau des piles énormes de documents correspondant aux centaines d’examens réalisés parfois sur plusieurs années, quand ce n’était pas des décennies. Après un quart d’heure d’écoute, leur agitation se calmait car ils comprenaient que je les croyais. C’est ce qui m’a le plus frappé et cela me frappe toujours d’entendre beaucoup de ces malades me dire que, depuis le début de leur prise en charge, aucun médecin n’a vraiment écouté leur plainte. Les tableaux cliniques étaient très divers car, comme cela est parfaitement décrit dans les nombreuses publications médicales, la maladie de Lyme peut donner tout et n’importe quoi. C’était le cas de la syphilis naguère que l’on appelait la « grande simulatrice ». À part quelques exceptions que je compte sur les doigts de la main, ces malades n’étaient pas fous du tout ! Quand on décrit les signes d’une maladie, on distingue les « signes » qui sont objectifs et qu’un médecin peut constater des « symptômes » (encore appelés signes fonctionnels) qui sont des plaintes du patient (la douleur par exemple) que le médecin ne peut pas constater ni enregistrer avec un appareil. Le problème du Lyme chronique est que, très souvent, beaucoup de manifestations de la maladie sont des symptômes et non des signes. Or on apprend à nos étudiants à la faculté que, s’il y

a trop de symptômes, « ce n’est pas possible » et donc que tout est dans la tête. Même si j’ai eu des doutes au début sur une éventuelle origine psychosomatique des troubles chez certains, j’ai été vite rassuré en m’apercevant que, dès que les malades allaient mieux après quelques semaines ou quelques mois, ils ne pensaient qu’à oublier leur maladie, à courir à nouveau au travail et à se consacrer à leur famille. Beaucoup de malades activistes dans les associations ont d’ailleurs rapidement abandonné les mouvements associatifs après leur guérison. C’est ainsi que s’est constituée au fil du temps une cohorte de malades qui allaient beaucoup mieux sous traitement et qui avaient l’impression de revivre après des mois, des années ou même des décennies de cauchemar. Les malades atteints depuis de longues années et présentant les formes les plus sévères ne guérissent pas tous, mais beaucoup s’améliorent de façon très nette. Retrouver un peu de vie sociale ou professionnelle, même à temps partiel, est pour eux une avancée considérable par rapport à une vie d’exclusion totale souvent limitée à passer les trois quarts de la journée au lit et à être incapables de sortir, même accompagnés. Ne pouvant pas facilement discuter du Lyme avec mes collègues français, je cherchai à savoir ce qui se passait à l’étranger.

Que pensent les autres médecins ? Il existe des médecins, à l’étranger, qui croient au Lyme chronique et séronégatif

J’avais de temps en temps des nouvelles de médecins allemands, suisses ou belges que mes malades avaient consultés auparavant et qui, chacun dans leur coin, trouvaient des schémas thérapeutiques efficaces. Un jour j’eus des nouvelles de la situation aux États-Unis via quelques malades français qui vivaient là-bas ou qui y avaient consulté. C’est ainsi que la fondatrice du site Tiquatac, qui a aidé beaucoup de malades, est venue un jour me voir pour me parler de son expérience. Cette femme d’origine belge, ne trouvant pas de médecin acceptant de la soigner, avait consulté Sam Donta à Boston qui l’avait ressuscitée avec une association d’un antibiotique et d’un antiparasitaire, l’hydroxychloroquine. Par une autre malade qui vivait à New York et qui était suivie par Joseph Burrascano, j’ai pris connaissance des poursuites qui étaient entreprises contre de nombreux médecins prenant en charge le Lyme chronique aux États-Unis et que certains étaient menacés d’une suspension disciplinaire de leur activité. Je découvrais, ahuri, la réalité du Lyme chronique dans le monde. Dans la version officielle, orchestrée par le petit club de l’IDSA, cette maladie chronique était une maladie purement imaginaire, souvent inventée par Internet. Les malades étaient tous des fous et leurs médecins, des charlatans. J’ai eu honte pour la médecine mondiale en pensant au désespoir des malades qui étaient tous en train de crever à petit feu.

L’obsession de 99 % des médecins qui refusent la prise en charge des malades atteints de Lyme chronique est la peur de la résistance aux antibiotiques Il est curieux de voir qu’en dépit des efforts notoires que j’ai longtemps déployés pour sensibiliser mes collègues infectiologues,

l’industrie pharmaceutique et les hommes politiques aux excès des prescriptions d’antibiotiques on me reproche, avec le traitement du Lyme, d’être inconscient de cette problématique majeure. Dans les années 1990, je présidais des groupes de travail à l’Agence du médicament sur le bon usage des antibiotiques dans les infections respiratoires et j’avais été président du comité d’organisation de la conférence de consensus de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) sur les infections oto-rhino-laryngologiques (ORL) qui s’était tenue en juin 1996 à Lyon. J’avais été frappé par les dérives de traitement systématique des rhino-pharyngites de l’enfant par les antibiotiques, responsables de la diminution de la sensibilité des pneumocoques à la pénicilline et de leur résistance à d’autres familles d’antibiotiques. En tant que président de la section maladies transmissibles du Conseil supérieur d’hygiène publique de France, j’avais alerté Bernard Kouchner lors de sa première mandature en tant que secrétaire d’État à la Santé. Le ministre m’avait alors chargé de façon informelle de réunir un groupe de travail pour élaborer des recommandations. J’avais organisé la première réunion dans le pavillon de l’Ordre de Malte à l’hôpital Saint-Louis à Paris, en présence du professeur Jean-Marie Decazes. Le professeur Benoît Schlemmer, président du Groupe des traitements anti-infectieux à l’Agence du médicament, et le docteur Robert Cohen, pédiatre très impliqué dans la prise en charge des infections chez l’enfant, étaient présents. En 1999, Bernard Kouchner a été nommé Haut Représentant de l’Organisation des Nations unies au Kosovo avant d’avoir eu le temps d’officialiser le groupe. En conséquence, celui-ci ne s’est pas réuni à nouveau. Par la suite, Benoît Schlemmer avec l’aide d’AnneClaude Crémieux a pu, avec le soutien du ministère de la Santé, reprendre le flambeau et rédiger avec un groupe d’experts en 2001

un plan national pour préserver l’efficacité des antibiotiques. AnneClaude Crémieux sera nommée en 2005 professeure de maladies infectieuses dans mon service. Les mouvements anti-antibiotiques sont malheureusement en train d’évoluer vers des positions extrémistes. Pourtant, et cela devrait rassurer les médecins et décideurs qui n’ont pas l’expérience de la prise en charge du Lyme chronique et des maladies apparentées, il existe des pistes non antibiotiques. Des publications récentes, réalisées par Feng, Zhang et collaborateurs, montrent que différents médicaments antiparasitaires ou antifongiques (antichampignons) sont capables d’inhiber ou de tuer des borrélies persistantes in vitro, alors que ce ne sont pas des parasites ou des champignons mais des bactéries. Les médecins « crypto-infectiologues » le savaient depuis longtemps. Les formes persistantes de borrélies ont peut-être des récepteurs modifiés les rendant sensibles à d’autres familles de molécules que les antibiotiques proprement dits. Il est très prometteur de voir que les antilépreux sont efficaces sur les borrélies. Dans une étude in vitro, la clofazimine, un vieux médicament utilisé pour la lèpre, la tuberculose et les mycobactéries atypiques, est active sur les formes persistantes de borrélies. Ce médicament est connu pour ne pas sélectionner de résistance bactérienne. La dapsone, autre antilépreux, est très active chez l’homme pour traiter la maladie de Lyme chronique. Richard Horowitz vient de publier en 2016 ses résultats sur son excellente expérience avec la dapsone. Ce n’est pas surprenant que ce médicament marche bien car la dapsone est un antibactérien bien adapté pour les bactéries capables de persister sous forme cachée dans nos cellules et organes. Le bacille de Hansen ou Mycobacterium leprae, agent de la lèpre, est le prototype de la

bactérie capable de se « planquer » et de persister. Nous avons vu que Borrelia burgdorferi est une des bactéries qui, par sa richesse exceptionnelle en gènes de fonction, a les plus grandes capacités d’adaptation et de survie dans nos cellules. La dapsone a également des propriétés antiparasitaires. Cette action large, à la fois antibactérienne et antiparasitaire, a fait que la dapsone a été largement utilisée comme traitement préventif des infections dites « opportunistes » au cours du sida avant les trithérapies anti-VIH efficaces. Il est d’ailleurs intéressant de noter que la dapsone est toujours très utilisée aujourd’hui dans certaines maladies idiopathiques ou auto-immunes, qui ont vraisemblablement une cause infectieuse cachée. Il faudrait rapidement monter des études cliniques avec les antilépreux (clofazimine et/ou dapsone) pour vérifier leur action chez les malades à la phase d’entretien du traitement de la maladie de Lyme. La clofazimine existe toujours, mais l’Agence du médicament (ANSM) n’autorise son utilisation que dans des maladies bien définies et prouvées. Les malades de Lyme n’y ont donc pas accès ! La dérive des lois sur le médicament a entraîné un rigorisme administratif borné qui stérilise toute initiative qui pourrait pourtant être grandement bénéfique pour les malades. Il est dommage que ces stratégies de traitement ne puissent être étudiées et soient ignorées car cela n’aurait aucun impact sur la résistance bactérienne ; or la peur de la résistance aux antibiotiques est le principal leitmotiv de l’opposition farouche d’une grande partie de la communauté médicale au Lyme chronique. Quand je parle ici de résistance aux antibiotiques, je ne parle pas de résistance de la maladie de Lyme, car les borrélies persistent à l’intérieur de nos cellules, et l’on sait que les infections intracellulaires ne sont pas connues pour devenir facilement résistantes aux antibiotiques. À l’exception de celles pour lesquelles

les bactéries peuvent aussi proliférer à l’extérieur des cellules et entraîner des abcès volumineux contenant des milliards de bactéries. Ce n’est pas le cas de la maladie de Lyme, alors que c’est le cas pour la tuberculose pour laquelle le problème de la résistance aux antibiotiques devient un enjeu mondial crucial. Même quand les maladies de Lyme rechutent après traitement, ce n’est pas par sélection de mutants résistants aux antibiotiques, c’est par un échappement des bactéries qui changent de forme et de métabolisme. Un antibiotique ne peut pas tuer une bactérie qui dort. La discussion sur la résistance bactérienne liée aux traitements du Lyme chronique porte sur le volume global de prescription d’antibiotiques qui peut avoir un impact écologique sur les flores bactériennes humaines. Vu le nombre très élevé dans chaque pays de malades présentant des maladies inflammatoires ou dégénératives, dont certaines sont vraisemblablement liées à des « crypto-infections », le traitement de ces malades par anti-infectieux de première ligne en amont, permettant d’éviter les complications graves de ces maladies chroniques, contribuerait vraisemblablement à réduire de façon drastique par la suite l’utilisation d’antibiotiques de deuxième ou troisième ligne. En effet, ces malades sont souvent mis sous traitements immunodépresseurs qui occasionnent de nombreux épisodes d’infections dites opportunistes qui nécessitent des cures répétées d’antibiotiques toute leur vie durant. Certaines maladies infectieuses dues à des germes persistants, comme la tuberculose, la lèpre ou la fièvre Q (due à Coxiella burnetii), nécessitent des traitements antibiotiques dont la durée peut aller de six à dix-huit mois. On imagine difficilement un groupe d’experts autoproclamé décider que c’est beaucoup trop long et qu’un mois de traitement suffit. Ainsi, on pourrait dire après l’arrêt de ce traitement court que tout tuberculeux qui n’est pas guéri et qui

continue de cracher ses poumons et de perdre des dizaines de kilos n’a plus la tuberculose mais est un hypocondriaque qui présente un « syndrome posttuberculose » qu’il faut envoyer en psychiatrie ! Cette fois, les psychiatres, terrorisés à l’idée d’être contaminés, croiraient sûrement à la cause infectieuse. On pourrait aussi promouvoir la psychanalyse avec masque protecteur ! Notre groupe d’« experts » pourrait faire de même avec la lèpre. Lors de l’épidémie de sida, avant les trithérapies antirétrovirales efficaces sur le virus VIH, les malades séropositifs VIH qui avaient une baisse de l’immunité étaient tous mis au long cours, souvent plusieurs années, sous traitement antibiotique. Cette prise quotidienne d’antibiotique, habituellement une association à base de sulfamide, permettait de diminuer l’apparition des fameuses et redoutables infections « opportunistes ». Cette stratégie de traitement antibiotique préventif pendant des années est toujours recommandée pour certaines situations d’immunodépression chronique. Cela est justifié et ne déclenche aucune critique. L’épargne des antibiotiques fait partie de la préoccupation de tout médecin, y compris les « crypto-infectiologues ». C’est pourquoi les pistes thérapeutiques non antibiotiques doivent être privilégiées quand c’est possible. Cependant, en attendant la mise au point de nouvelles stratégies, chez quelques rares malades, la prescription d’un traitement antibiotique intermittent (par exemple azithromycine pendant six jours par mois) ou continu prolongé est indispensable. Pendant ce temps, nos animaux domestiques sont inondés de tonnes d’antibiotiques, qui sélectionnent des résistances bactériennes. Ces résistances se transmettent facilement aux flores bactériennes humaines. Il y a quelques années, un médecin de la Sécurité sociale, qui avait travaillé comme généraliste à la campagne, me racontait l’anecdote d’un agriculteur qui l’avait fait

venir pour une angine. Il lui fit la prescription d’amoxicilline, l’antibiotique recommandé le plus efficace dans cette maladie. Quelle ne fut pas sa surprise quand l’agriculteur laissa éclater sa colère, en disant qu’il n’allait quand même pas payer une consultation pour avoir une ordonnance d’amoxicilline, alors qu’il en avait des dizaines de litres en jerrycans dans son étable pour traiter ses vaches ! Alors que je visitais une ferme où l’on élevait des poulets en batterie, des milliers de volailles étaient entassées, pouvant à peine respirer tellement elles étaient serrées. L’éleveur était très fier de sa ferme qui était plutôt une usine ou un camp de concentration. Dans les cages, de petits toboggans, en forme de serpentins, descendaient du plafond pour délivrer des granulés qui tombaient du ciel. Ainsi, ce brave éleveur me montra les granulés « nourriture » mais aussi les granulés « antibiotiques ». Je demandai à voir les sacs d’antibiotiques. Il y avait des dizaines de kilos de tétracycline et de fluoroquinolone (famille d’antibiotiques très efficace mais redoutable sur le plan écologique, car connue pour sélectionner très rapidement de la résistance chez les bactéries). On constate aujourd’hui que les infections urinaires, particulièrement fréquentes chez la femme, sont souvent devenues résistantes aux fluoroquinolones. Ce qui est curieux, c’est que les éleveurs utilisent les antibiotiques non seulement pour traiter des infections, mais surtout comme « facteur de croissance ». En effet, il a été constaté dans le monde entier qu’un animal, que ce soit un bovin, un porcin ou une volaille, développe beaucoup plus rapidement une masse musculaire importante s’il mange des antibiotiques tous les jours. Ce phénomène est mal expliqué. Je pense que c’est tout simplement le fait que tous ces animaux ont des « crypto-infections » qui, non traitées, ralentissent la croissance. On a observé la même chose

chez l’homme. Les antibiotiques ont non seulement, avec les vaccins, permis un allongement exceptionnel de la durée de vie, mais ils ont aussi permis aux enfants des premières « générations antibiotiques » d’être plus grands que leurs parents. En Europe, l’utilisation des antibiotiques comme facteur de croissance pour les animaux est officiellement interdite, mais ils sont toujours prescrits par tonnes dans le monde vétérinaire, soi-disant dans une visée thérapeutique. Malheureusement, personne ne bouge devant les enjeux économiques énormes. Pourtant les élevages porcins viennent de sélectionner un nouveau mécanisme de résistance à la colistine, un vieil antibiotique gardé en dernier recours pour sauver des malades souffrant d’infections graves à bactéries multirésistantes. Ce mécanisme de résistance étant transmissible entre bactéries, l’antibiotique en question risque d’être bientôt inutilisable chez l’homme. Au lieu de sévir dans les élevages, les autorités ont prévu d’empêcher les médecins de prescrire plus d’une semaine d’antibiotiques ! C’est prendre le problème à l’envers.

Le recours à la médecine naturelle et son retour dans la pratique médicale Un autre point majeur pour renforcer le traitement et diminuer le risque de rechute est le recours à la phytothérapie. Il est inutile de préciser que ce type de traitement n’a jamais fait partie de ma formation médicale. Ce sont les malades qui m’ont tout appris. En effet, l’immense majorité des malades atteints de Lyme chronique ont été rejetés du système de santé, sauf pour des prises en charge inadaptées, et beaucoup se sont tournés vers des médecines alternatives. Je suis par formation très méfiant et dubitatif vis-à-vis

de ces traitements. Quand des malades ont commencé à m’en parler, ça m’a plutôt fait rire et je n’y croyais pas. J’ai vite arrêté de rire quand j’ai vu les résultats surprenants. Bien entendu, ces traitements, comme les antibiotiques, ne marchent pas à 100 % chez tout le monde, mais le bénéfice apporté est souvent important. J’ai pu constater leur efficacité dans plusieurs circonstances.

Le Ginkgo biloba Tout d’abord, j’avais constaté par hasard que des malades atteints de Lyme chronique et souffrant de troubles de mémoire s’étaient vu prescrire par leur médecin traitant du Ginkgo biloba, réputé actif sur ces troubles. J’ai pu observer que cette plante entraînait de temps en temps des exacerbations violentes des symptômes les premiers jours, exactement comme un antibiotique (réaction de Jarisch-Herxheimer ou « herx »), et que beaucoup de malades se sentaient mieux après. Cela m’a immédiatement rappelé mes travaux dans le laboratoire de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) dans le vieil hôpital Claude-Bernard où j’aidais Éric Dournon dans ses recherches expérimentales sur la légionellose du cobaye. Je n’ai pas travaillé longtemps sur la légionellose car j’ai orienté ma recherche vers les mycobactéries. Alors que je travaillais sur ces cobayes, les responsables du ® laboratoire pharmaceutique qui commercialisait le Tanakan (extrait de Ginkgo biloba) étaient venus voir le directeur de l’unité Inserm, Jean-Jacques Pocidalo. Ils lui avaient remis un gros dossier scientifique, interne au laboratoire, démontrant les nombreuses propriétés anti-infectieuses du Ginkgo biloba. Cet arbre exceptionnel résiste dans la nature à la plupart des infections. Les responsables de la firme souhaitaient que des chercheurs de l’unité testassent le

®

Tanakan dans des modèles expérimentaux d’infection. Ils espéraient pouvoir développer ce produit dans le domaine de l’infectiologie. Pocidalo me demanda de mener quelques expériences. Comme je travaillais sur la légionellose du cobaye, je proposai d’essayer sur quelques animaux. Ça a marché ! J’étais très impressionné et en ai parlé à mon patron clinicien qui a jugé que j’avais d’autres recherches plus sérieuses à faire plutôt que de tester des plantes. Pocidalo n’a pas insisté, et je n’ai pas continué cette recherche que je n’ai jamais publiée, faute d’avoir reproduit les expériences. Me souvenant de ces résultats avec le Ginkgo, je me suis mis à le proposer à mes malades de Lyme, et les trois quarts en ressentent un bénéfice. Souvent le Ginkgo déclenche au début plusieurs des « effets secondaires » écrits sur la notice du médicament, puis ces symptômes, parfois forts, disparaissent, montrant bien qu’il s’agit d’exacerbations et non d’effets secondaires. J’ai même vu un malade qui ne voulait pas, pour des raisons écologiques, prendre des antibiotiques, guérir avec le Ginkgo seulement. Malheureusement, ce produit, comme tous les autres, ne marche pas chez tout le monde.

Des plantes très variées peuvent avoir un effet Une autre fois, j’ai vu un monsieur arriver à ma consultation, qui sentait très fort. Il m’expliqua qu’il avait attendu neuf mois pour me voir en raison de l’embouteillage de ma consultation et qu’en attendant il s’était soigné avec de l’ail à forte dose. Lui demandant la posologie qu’il avait retenue (ce n’était pas pour déposer une demande d’autorisation de mise sur le marché auprès de l’Agence du médicament !), il me dit trois têtes d’ail cru par jour (je dis bien

trois têtes et non trois gousses, ce qui est une quantité énorme chaque jour). Je compris d’où venait l’odeur ! Très content de son traitement qui l’avait presque guéri, il n’a pas souhaité que je lui en prescrive un autre, plus « officiel ». Je me souvenais alors que j’avais lu un article de laboratoire mentionnant que l’ail avait un effet contre le bacille de la tuberculose, alors pourquoi pas Borrelia ? L’activité de l’ail contre les formes persistantes de Borrelia est maintenant démontrée (octobre 2018) par Jie Feng et collaborateurs qui travaillent avec le professeur Ying Zhang. De même, lorsque je suivais les cours de bactériologie-virologie de l’Institut Pasteur en 1982-1983, on nous apprenait le rôle anti-infectieux potentiel des plantes contre les maladies infectieuses. Dans le cours sur la peste, on nous parlait de l’« élixir des quat’voleurs ». La peste faisait des ravages et terrorisait les populations. Boccace écrivit à propos de la e peste noire du XIV siècle : « En ce temps-là, on déjeunait le matin avec ses parents et ses amis, on dînait le soir avec ses ancêtres dans l’autre monde. » Pendant l’épidémie de peste qui ravageait Toulouse de 1628 à 1631 et qui fit plus de cinquante mille morts, quatre voleurs furent pris en flagrant délit de dévaliser les pestiférés. Dans les archives du parlement de Toulouse, il est écrit : « Quatre voleurs y furent convaincus, lors de l’ancienne grande peste, qu’ils alloient chez les pestiférés, les étrangloient dans leur lit et après voloient leurs maisons. Ce pourquoy ils furent condamnés à estre brûlés vifs et, pour qu’on leur adoucisse la peine et éviter d’estre pendus, ils découvrirent leur secret. » Les autorités ne tinrent pas parole et ils furent quand même pendus. La recette avait dû être conservée et transmise car, lors de l’épidémie de peste à Marseille en 1720, d’autres voleurs furent arrêtés dans les mêmes circonstances et livrèrent leur recette. Eux eurent la vie sauve. Les autorités marseillaises tinrent non seulement parole, mais eurent

l’intelligence de placarder la composition de l’élixir dans les rues de la ville, permettant de sauver de nombreux habitants. Les voleurs, grâce à leurs connaissances en herboristerie, avaient concocté un mélange détonnant qui protégeait contre le redoutable bacille de la peste, Yersinia pestis, pas encore connu à l’époque. L’élixir contient vinaigre de cidre, ortie-silice, ail, cannelle, girofle, lavande, menthe, romarin, rue des jardins, sauge sclarée, thym, absinthe, chicorée, muscade et camphre. Que des bonnes choses (à part peut-être la rue des jardins réputée abortive à forte dose). Il existe des variantes dans sa composition au fil de l’histoire et des régions. Le célèbre vinaigrier moutardier du roi, Antoine Maille, en fit un produit d’épicerie pour se protéger contre les infections. Suprême reconnaissance, l’élixir des quatre voleurs fut inscrit au Codex en 1748. Plus récemment, il n’en fut pas de même avec le TicTox, mélange de plantes très utilisé pour la maladie de Lyme chronique, à la grande satisfaction des patients. Son inventeur est passé en jugement au tribunal correctionnel de Strasbourg ! Pour revenir à la maladie de Lyme, j’ai vu au fil du temps de plus en plus de malades qui se traitaient avec succès par des extraits végétaux variés, notamment la propolis et les pépins de pamplemousse. La propolis est un mélange d’extraits végétaux et de sécrétions des abeilles dont celles-ci gardent la recette secrète depuis la nuit des temps. Le mot propolis vient du grec ancien et désigne l’« entrée d’une ville » par allusion à la réduction de l’entrée de la ruche avec de la propolis pour défendre la colonie. Les abeilles s’en servent comme produit de colmatage protégeant des moisissures et comme antibiotique naturel. Lorsqu’un animal un peu volumineux s’introduit dans la ruche, les abeilles le tuent par piqûres mais elles ne sont pas assez grosses et costaudes pour le sortir de la ruche. Laisser l’animal pourrir détruirait toutes les abeilles par

propagation de la putréfaction. Les abeilles ont tout prévu, elles entourent le cadavre de propolis qui, de ce fait, ne pourrit pas. Ce produit étonnant était déjà utilisé par Hippocrate pour soigner les rhumatismes, peut-être les maladies de Lyme de l’époque ! En Égypte, elle était utilisée pour les embaumements. La propolis a été utilisée dans les armées romaines puis napoléoniennes pour désinfecter les plaies. Parmi les produits naturels, les extraits de pépins de pamplemousse et la melittine contenue dans le venin d’abeille ont été étudiés en laboratoire où l’on a pu constater leur efficacité contre Borrelia : ces travaux ont fait l’objet de publications scientifiques. Bien entendu, le venin d’abeille n’est pas utilisé en routine, mais il est intéressant de noter que, dans la médecine chinoise, ainsi que dans des cliniques en Asie, en Europe ou aux États-Unis, on utilise les piqûres d’abeille pour soigner la sclérose en plaques. La liste des plantes actives est très longue mais aucune étude clinique ne les a validées. Il est quasiment impossible de réaliser ces études car elles sont très coûteuses. Les plantes n’étant pas brevetables, aucun laboratoire de phytothérapie ne souhaite investir car il n’aurait aucune chance d’avoir le retour sur investissement. On peut breveter un mélange de plantes, mais n’importe qui pourrait le copier ou, pour contourner le brevet, changer légèrement la composition. Lors de la dernière guerre mondiale, le régime de Vichy a supprimé le diplôme d’herboriste afin de donner aux pharmaciens le monopole de la délivrance des plantes médicinales et des conseils d’utilisation. Les herboristes déjà diplômés eurent droit de continuer d’exercer, mais maintenant ils sont tous morts ou très âgés. Ils ont connu le même sort que les bouilleurs de cru ! Malheureusement, les pharmaciens n’ont pour beaucoup aucune expérience et ne sont pas capables de délivrer des conseils avisés

dans ce domaine. De plus, il y a des tentatives régulières de lobbyistes auprès de l’Union européenne pour faire interdire le commerce des plantes médicinales, qui représentent une concurrence vis-à-vis de certains médicaments industriels. C’est un paradoxe quand on veut lutter contre l’abus d’utilisation des antibiotiques et que l’on veut réduire les dépenses de Sécurité sociale. Avec maintenant des années de recul sur un nombre très élevé de malades, il m’apparaît clairement que les patients qui continuent une phytothérapie au long cours, voire à vie, rechutent infiniment moins que les autres. Le principe est de changer de temps en temps de produit pour garder une action soutenue. Malheureusement, la phytothérapie est peu ou pas efficace chez certains malades. Chaque plante utilisée pour la première fois peut déclencher une réaction d’exacerbation des symptômes, pouvant faire croire au malade qu’il rechute. Les Allemands sont en avance dans ce domaine. J’ai appris récemment par un collègue français que des médecins allemands de l’hôpital de la Charité, un des hôpitaux les plus connus de Berlin, pratiquaient la phytothérapie et l’étudiaient de façon approfondie dans certaines maladies. La phytothérapie fait souvent rire ; elle est régulièrement décriée. Il est d’autant plus curieux d’observer qu’elle est parfois recommandée dans leur pratique par ceux mêmes qui la condamnent en théorie. Je pense, notamment, à un médecin du centre hospitalier universitaire de Strasbourg, appartenant au service qui a été à l’origine de la plainte en justice contre le fabricant de TicTox, un mélange de plantes très prisé des malades et qui n’a fait l’objet d’aucune plainte de leur part. Ce médecin a déclaré publiquement et mentionné sur ses diapositives, en juin 2015, lors d’une réunion organisée par le CNR Borrelia de Strasbourg au sein de l’Agence régionale de santé d’Alsace, que les malades pouvaient

se procurer du TicTox ! Cela montre que la pratique de la phytothérapie fait son chemin, même chez les sceptiques. Je conseille aussi la recharge régulière en vitamine D dont l’efficacité anti-infectieuse a été montrée dans la tuberculose et qui apporte un bénéfice dans les maladies auto-immunes. Les différents courants de médecine naturelle mériteraient de se professionnaliser et d’encadrer un minimum leurs pratiques, sous peine d’observer des dérives irrationnelles. Pour ma part, j’ai toujours refusé de participer à des réunions de naturopathie en raison des « certitudes » non fondées qui y règnent et des contrevérités scandaleuses sur les vaccins qui s’y expriment, alors que ces derniers restent des produits de santé très sûrs et hautement efficaces, auxquels on doit d’être protégés à tous les âges contre bon nombre de maladies potentiellement graves.

Où est passée la recherche en microbiologie médicale ? Premières tentatives de recherche sur la maladie de Lyme Quelque temps après mon arrivée à Garches en 1994 et devant l’afflux de malades à ma consultation, je compris qu’il y avait un vrai problème de médecine et de santé publique et qu’il fallait essayer de mettre en place des actions de recherche. Je voyais de plus en plus de malades sortir du trou et retourner à la vie active après des années de souffrance, de fatigue et de galère. Comme deux ans avant mon arrivée, le centre national de référence (CNR) de la

borréliose de Lyme avait été transféré de Garches à l’Institut Pasteur de Paris, et moi-même, directeur adjoint du centre national de référence de la tuberculose et des mycobactéries situé aussi à l’Institut Pasteur, je contactai Guy Baranton, le directeur de ce centre Lyme. Avec son accord, j’ai organisé en 1998 une réunion de quelques cliniciens et chercheurs à l’hôpital de Garches. Baranton est un monsieur très gentil, spécialiste des leptospires, mais qui ne semblait pas avoir une passion particulière pour les borrélies. Quand, lors de la réunion, j’ai expliqué que je m’occupais de malades désespérés atteints de Lyme chronique et que j’étais en contact avec une association de malades, je l’ai vu blêmir et il m’a tout de suite dit qu’il ne voulait pas « jouer avec ça » et que le Lyme chronique n’existait pas. C’était sûr puisque c’était l’IDSA et Boston qui le lui avaient dit ! Au moins, ça avait le mérite d’être clair. On voit qu’en 2016, malgré quelques agitations de ma part, la recherche française sur le sujet est restée au point mort. Ce n’est pas faute d’avoir déposé des projets de recherche clinique ou fondamentale. Les financements sont refusés si l’on ne suit pas le dogme officiel détaillé dans les versets de l’IDSA. À quoi bon financer de la recherche sur une maladie imaginaire ?

« Cherche chercheur désespérément » Le microbe et les maladies transmissibles ont dans l’imaginaire des chercheurs une connotation moyenâgeuse, ce sont des maladies du passé. Ces professionnels ont parfaitement suivi l’analyse des hommes politiques et des grands experts des années 1970-1980. Les « vraies » maladies de l’avenir sont immunologiques ou génétiques. La plupart des équipes de recherche de grands instituts ont ainsi abandonné l’infection pour d’autres recherches

considérées « plus nobles ». Quelle erreur historique ! Qu’ils relisent Charles Nicolle ! L’immunologie, c’est l’étude de la réaction aux infections. L’auto-immunité est vraisemblablement la conséquence de « crypto-infections » non expliquées à ce jour provoquant le revirement du système immunitaire contre les propres cellules du malade qui sont infectées. La génétique joue un rôle majeur dans la réceptivité aux infections et dans la façon dont l’organisme les contrôle, mais la génétique n’explique pas toutes les maladies. Même dans des maladies dont la cause génétique est certaine, comme la maladie périodique (aussi appelée fièvre méditerranéenne familiale) ou la myasthénie, les antibiotiques peuvent agir sur certains symptômes. Je me suis souvent demandé si les aggravations de myasthénie bien connues avec certains antibiotiques ne sont pas des réactions d’exacerbation. Si l’on écoute les gériatres modernes, l’immunosénescence (c’est-à-dire la baisse des défenses immunitaires chez les personnes âgées) est paradoxalement la conséquence d’une hyperstimulation du système immunitaire qui se traduit par une augmentation significative des phénomènes auto-immuns. Les « crypto-infections » qui s’accumulent avec l’âge dans nos organes doivent y être pour quelque chose… Si l’on ajoute à cette « mode antimicrobienne » une dose de polémique et une image de « maladie imaginaire », comment espérer trouver des chercheurs motivés ? L’impossibilité d’obtenir des financements pour la recherche et la censure sur les publications dans le domaine du Lyme ont des conséquences dramatiques pour les malades abandonnés à leur sort. J’ai rencontré quelques chercheurs brillants qui ont été enthousiastes de monter des projets de recherche avec moi, mais, quand ils se sont rendu compte des problèmes, ils ont préféré se tourner vers des sujets de

recherche plus faciles et surtout plus valorisants avec possibilités de publications régulières. Dans le système actuel, une unité de recherche qui ne publie pas suffisamment d’articles scientifiques chaque année se voit restreindre ses crédits puis fermer. Un directeur de recherche préfère à contrecœur publier « au poids » des dizaines d’articles dont la pertinence scientifique est souvent médiocre mais en restant sur les sentiers battus, plutôt que de se risquer sur un vrai terrain de recherche beaucoup trop aléatoire. Je comprends parfaitement ces collègues et ne leur en veux pas de m’avoir abandonné. De même, il m’est quasiment impossible de mettre sur la thématique Lyme un jeune médecin en début de carrière. Ce serait l’envoyer droit dans le mur et compromettre définitivement sa carrière. Cela s’appelle tourner en rond dans un bocal ! Heureusement, je pouvais beaucoup plus facilement poursuivre des projets de recherche dans d’autres domaines, comme l’hépatite C ou la tuberculose.

Il est plus rassurant pour un médecin de déclarer son malade fou plutôt que de reconnaître son ignorance au sujet de sa maladie « Organique » et « Psychique », les deux muses des maladies chroniques Le psychisme joue clairement un rôle mais n’est absolument pas la cause de la maladie de Lyme, qui est organique. Il peut y avoir de

vrais troubles psychiatriques dus à l’inflammation du tissu nerveux. J’ai vu des cas avec psychose aiguë, agitation, dépression, troubles obsessionnels compulsifs, etc. Il y a beaucoup plus souvent une dépression réactionnelle liée à la vie quotidienne infernale, souvent remplie de douleurs violentes, associée au rejet des autres, sans voir aucune issue en perspective. Je connais des malades qui, n’apercevant pas le bout du tunnel, se sont suicidés. Le psychisme peut aussi intervenir par l’intermédiaire d’un stress. J’ai vu beaucoup de malades, étaient nettement améliorés ou guéris, qui ont brusquement rechuté dans les deux semaines suivant un grand stress, comme un décès dans la famille, un accident de voiture, un licenciement ou une séparation. Il est connu que le stress affaiblit les défenses immunitaires. Enthousiasmé par les résultats des traitements antibiotiques, j’avais commencé à en parler à quelques collègues que je connaissais bien. Le plus souvent, après m’avoir écouté gentiment quelques minutes, j’ai vu leur visage s’assombrir et je les ai vus me regarder bizarrement comme si j’avais perdu la raison. J’étais face à un mur. Une de mes collègues, que j’aime beaucoup par ailleurs, en rigolait devant moi avec une de ses copines en disant que Garches était la nouvelle Lourdes, qu’on y faisait des miracles et que j’étais Bernadette Soubirous ! Mes malades, tous « psy », guérissaient par un effet placebo ou, mieux, « un effet gourou ». Je ne connais pas beaucoup de placebos qui améliorent ou guérissent 80 % des gens sur des périodes prolongées. Si ça existait, j’aimerais bien le breveter ! Certains médecins, dans le déni total, font beaucoup de mal à leurs patients atteints de Lyme chronique. Ils ne les soignent pas pour leur souffrance, ils les traitent de psychosomatiques hypocondriaques. Ainsi, nombreux sont ceux qui convainquent les familles des patients et leur médecin traitant qu’ils sont

psychiquement dérangés ou simulateurs. J’avais suivi un bûcheron de la forêt des Vosges, très handicapé et perclus de douleurs, qui avait été mis au ban de son village car on le considérait comme un tire-au-flanc, la pire injure pour un Alsacien travailleur aimant son métier. N’étant écouté par personne, y compris par la Caisse d’assurance-maladie, il voulait mettre fin à ses jours. Tremblant, il pleurait en me parlant de la façon dont il avait été traité. Parmi les dénégateurs, la palme revient à un médecin hospitalier de Mulhouse dont j’avais beaucoup entendu parler depuis quinze ans par de nombreux malades, car il leur disait qu’ils appartenaient à une secte. Je ne le connaissais pas, mais je ne fus pas déçu quand je vis son interview dans un reportage sur la maladie de Lyme. Il affirmait avec beaucoup d’aplomb d’un air narquois que les malades qui se plaignaient de Lyme chronique étaient pour la plupart des femmes fibromyalgiques qui s’étaient fait violer ! Beaucoup de malades m’en parlent régulièrement car cette déclaration dégradante les a beaucoup choqués. Ce fut pour moi un grand honneur quand ce collègue m’écrivit pour la première fois, en août 2015, quelques jours après la publication de mon article dans La Presse médicale faisant une revue critique objective des publications sur le traitement du Lyme chronique. Il me déclara que, dans sa grande expérience sur plus de mille malades, il guérissait tous ses malades de Lyme en trois semaines de traitement et que mon article faisait honte à la médecine universitaire française ! De sa part, j’étais très flatté du compliment. Une autre fois, alors que j’avais parlé sur une radio régionale, un médecin m’écrivit, furieux, pour me dire que j’étais un inconscient et que j’avais déclenché une « épidémie de faux-Lyme hystériques ». Discutant avec une collègue belge de ma difficile compréhension de la « psychiatrisation » de tout dans la médecine moderne, elle me

dit : « Professeur Perronne, connaissez-vous la différence entre un psychiatre et une locomotive ? » Lui avouant mon ignorance, elle me répondit : « Une locomotive, quand elle déraille, elle s’arrête ! » J’adore l’humour belge.

On a même pensé pendant quelque temps que le ciel m’était tombé sur la tête ! Suivre des malades atteints de Lyme chronique, même si c’est compliqué, ne m’a jamais, à titre personnel, posé de problème. Il en allait tout autrement de mes collègues du service ou de l’hôpital. Ces malades suscitaient le rejet et les railleries, si bien que j’osais à peine les faire hospitaliser dans mon service car j’entendais des internes ou des infirmières dire dans le couloir : « Ah, voilà encore une folle de Perronne ! » Ce fut difficile pendant des années de rester seul et incompris. Un jour, j’eus affaire à une vraie malade psychiatrique qui arriva à ma consultation dans un état de psychose aiguë. Dans son discours agité et décousu, elle me racontait cependant assez précisément son parcours. Elle était mariée, avait deux enfants en bas âge, travaillait dans un organisme public et était partie en vacances l’été précédent à la campagne dans une maison de location infestée d’« insectes ». Quelques semaines plus tard, elle développa une méningite. Elle avait été hospitalisée dans la région parisienne où on avait porté le diagnostic de méningite virale et on l’avait renvoyée chez elle. Sa méningite s’était arrangée progressivement, mais, dans les mois qui ont suivi, elle a développé des épisodes de fièvre, de tremblements, d’instabilité émotionnelle, de maux de tête, puis elle a commencé à être envahie par des douleurs des articulations, des muscles et des os, comme si on la broyait. Apparut alors une

agitation psychique permanente, caractéristique d’un état psychotique. Venue seule en consultation, cette femme m’impressionnait, qui visiblement souffrait beaucoup et qui était capable, malgré sa folie apparente, de décrire avec précision son problème médical. J’en parlai à son médecin, reçus son mari, en parlai au psychiatre attaché du service pour qu’il puisse la calmer avec des neuroleptiques qui étaient indispensables devant son état. Je proposai une hospitalisation pour la poursuite des neuroleptiques mais surtout pour un traitement antibiotique. Bien entendu, la sérologie de Lyme était revenue négative, mais cela est tellement habituel que ça ne changeait pas mon raisonnement clinique. À la vue de ce résultat, le médecin traitant a préféré demander d’autres avis dans deux grands services de médecine interne parisiens, et des grands professeurs réputés lui ont confirmé que cette femme était bel et bien folle, que le Lyme, ça n’existait pas et qu’il fallait lui retirer la garde de ses enfants, l’enfermer au plus vite en psychiatrie et pour le plus longtemps possible, afin qu’elle ne revienne pas de sitôt les enquiquiner ou perturber ses enfants. L’hospitalisation à la demande d’un tiers a été signée à mon insu. La malade, comprenant qu’elle allait être envoyée sous contrainte en psychiatrie, s’est sauvée pour se réfugier chez sa mère. La garde de ses enfants allait lui être retirée. Les « fous » sont souvent très lucides ! En apprenant ça, j’ai été horrifié. La police était à ses trousses, et le procureur de la République était sur le coup pour faire exécuter l’internement. Je me suis battu contre vents et marées pour sauver cette femme et ses enfants, soulevant l’indignation dans mon propre service. J’ai senti que l’on voulait moi aussi m’envoyer en psychiatrie car « je perdais la raison et voyais des Lyme partout ». Je rasais les murs car j’entendais les étudiants se moquer de moi. De fil en aiguille, j’ai réussi à obtenir que la malade soit hospitalisée dans

mon service pour un traitement antibiotique. Bien sûr, comme prévu, le traitement a entraîné une exacerbation violente de ses symptômes au début, y compris de son état psychique. J’avais beaucoup de mal à justifier mon « obstination » à poursuivre le traitement devant cet « échec manifeste ». Après quelques semaines, cette malade a fini par guérir de sa psychose et les neuroleptiques ont pu être arrêtés progressivement. Il a fallu attendre plusieurs mois pour voir disparaître les douleurs atroces dont elle se plaignait. Cette femme a pu garder ses enfants et a retrouvé un travail de responsabilité. Une quinzaine d’années plus tard, elle va toujours bien et se souvient avec émotion de son cauchemar. Nous pouvons maintenant, avec le recul, quand nous nous voyons tous les deux ou trois ans, en rire à chaudes larmes.

Psychosomatique ou « psychosomatoc » ? Heureusement, certains internes, pas très convaincus par mes malades atteints de Lyme, avaient le sens de l’humour. À la fin des années 1990, deux internes très brillants, qui depuis sont devenus professeurs de médecine, m’ont remis, à l’occasion d’une petite fête pour leur départ du service, un photomontage me représentant en saint Georges sur son cheval terrassant avec sa lance, non le dragon, mais une tique ! J’ai beaucoup d’histoires de malades internés en psychiatrie. Plusieurs m’ont raconté qu’au moment de leur hospitalisation sous contrainte ils souffraient de douleurs atroces qui auraient nécessité de la morphine et qu’ils passaient les jours et les nuits à hurler tellement ils avaient mal. Les psychiatres, ne croyant pas à leurs douleurs, se contentaient de les abrutir un peu plus pour avoir la paix. Dans des cas moins graves hospitalisés en psychiatrie pour

« conversion hystérique », j’ai constaté qu’on apprenait aux malades à ne plus parler de leurs douleurs car, les douleurs étant imaginées dans la tête, les verbaliser, c’était régresser ! Des malades m’ont raconté, après leur guérison, que parler de leurs douleurs était très mal vu et source de maltraitance plus forte. Quand le psychiatre leur demandait : « Comment ça va aujourd’hui ? », ils se gardaient bien de parler de leurs douleurs. Le psychiatre était heureux, pensant avoir réalisé un travail remarquable sur le psychisme du malade, et cela leur mettait moins la pression. Récemment, j’y ai fait allusion plus haut, j’ai réussi à sortir d’un service de psychiatrie infantile, au nord de la France, un jeune de 13 ans qui y séjournait depuis plusieurs mois pour cause de « conversion hystérique ». Ses parents avaient acheté l’année précédente une maison en lisière de forêt, et le fiston, premier de sa classe et sportif, allait régulièrement en forêt promener son chien. Il développa un érythème migrant que sa maman avait photographié et montré au médecin qui a dit que ce n’était rien. Quelques mois plus tard, à la rentrée scolaire, il eut des ganglions et il commença à ne plus pouvoir courir puis marcher, et en quelques mois il développa une paraplégie complète avec atteinte neurologique de sa vessie. Ses membres supérieurs commençaient aussi à être atteints. Le diagnostic d’hystérie a été porté, confirmé dans le plus grand hôpital pédiatrique parisien, l’hôpital Necker. Une fois, les gendarmes avaient été envoyés au domicile des parents pour venir chercher de force l’enfant, car on accusait les parents de maltraitance. Fort heureusement, les gendarmes ont eu du cœur et, constatant l’amour et la remarquable prise en charge des parents, ne l’ont pas emmené. Le procureur a finalement renoncé à sa décision initiale d’internement forcé. Au fil des mois, l’état de l’enfant se dégradait. Toujours hospitalisé en psychiatrie, il hurlait de douleur

et avait perdu tellement de poids qu’il avait la peau sur les os. Sa maman a pensé à la maladie de Lyme quand elle a vu à la télévision le reportage remarquable de France 5, réalisé par Chantal Perrin, qui montrait des photos d’érythèmes migrants. Le psychiatre n’a pas voulu entendre parler du diagnostic fait par la maman. Normal, puisque, dans son discours, c’étaient les parents qui étaient la cause de la maladie de leur fils. Alerté par Judith Albertat, alors présidente d’une association de malades, j’ai pu faire hospitaliser le garçon à Garches. Il était paraplégique complet et partiellement tétraplégique. Après quelques jours d’antibiotiques, il bougeait à nouveau ses orteils, ses douleurs commençaient à diminuer et, après deux mois d’antibiotiques, il remarchait. Combien y a-t-il de malades souffrant de « crypto-infections » dans les services de psychiatrie en France et a fortiori dans le monde ? J’en suis effaré. J’ai une petite idée, car, comme me l’avait dit une malade qui avait séjourné non loin de Paris dans une clinique psychiatrique très chic et très chère pour déprimés de bonne famille, connaissant bien elle-même les symptômes du Lyme : « Ils ont tous lymés là-dedans ! », sous-entendu ils ont tous des problèmes neurologiques, articulaires, cardiaques, cutanés, etc. La situation actuelle est très proche de ce qui était observé avant l’ère des antibiotiques, période où une grande proportion de malades internés en psychiatrie était des syphilitiques. Souvent je me demande comment certains malades ont réussi à ne pas se suicider dans ce parcours psychiatrique infernal. Un malade, que son médecin prenait pour fou et avait convaincu le père de signer une demande d’internement, me dit, après sa guérison, qu’il avait pensé à maintes reprises au suicide. Il était enfermé en psychiatrie dans une cellule sur une paillasse et, quand le psychiatre entrait, il se recroquevillait comme un crapaud sur une table de dissection. Des douleurs atroces le rongeaient de partout jour et nuit.

Il pleurait pour réclamer des antalgiques. La seule réponse du psychiatre était que ces douleurs, c’était lui qui se les inventait dans sa tête et qu’il devait améliorer son mental ! Ce malade s’était renseigné et avait pensé à la maladie de Lyme mais il avait des sérologies négatives et n’arrivait donc pas à sortir de la case « psychiatrie ». Il a été sauvé grâce à la sérologie de Lyme réalisée par madame Schaller à Strasbourg qui, en dehors des recommandations officielles, pratiquait des Western blots sensibles dans les cas de test de première ligne (Elisa) négatif. Cette pratique est interdite. La sérologie de Lyme étant sensible dans le laboratoire Schaller, il a enfin accédé à un diagnostic. Malheureusement, les médecins ont refusé de lui donner des antibiotiques car le test Schaller n’était pas reconnu officiellement. N’ayant pas accès aux antibiotiques, ce monsieur a commencé un traitement avec un mélange d’huiles essentielles de plantes, le TicTox, fabriqué par un pharmacien de Strasbourg, Bernard Christophe. Grâce au TicTox, le malade a commencé à retrouver la santé, et, quand je le vis en consultation quelques mois plus tard, il avait récupéré la moitié de ses forces. Il était encore très irritable sur le plan psychique. Il avait subi un traumatisme d’une telle violence que, lors de sa première consultation avec moi, il était encore agité de spasmes et de crises de larmes. J’étais bouleversé en le voyant. Grâce aux antiinfectieux, il a fini par guérir. En lui faisant part de toute mon admiration pour le courage qu’il avait eu, tout seul, sans l’aide de sa famille, de traverser ces épreuves terribles, il me dit : « C’est la maladie qui m’a sauvé, je n’avais pas la force de me lever pour aller chercher une corde pour me pendre. » Ce monsieur prétendument fou est maintenant guéri et travaille à temps plein. La plupart des psychiatres à qui j’ai parlé de ces situations sont dans le déni. Ils ne sont pas malades comme Judith Mensch, la

psychiatre malade d’Old Lyme qui a donné l’alerte en 1975. Beaucoup de psychiatres ne pratiquent plus la médecine physique et ne cherchent même pas à relier des troubles psychiatriques à une éventuelle cause organique. Certains ne font que de la psychanalyse de salon avec du pseudo-lacanisme de bas étage. C’est ce que j’appelle le « psychosomatoc ». J’ai rencontré des psychiatres d’une autre trempe, surtout en Allemagne. Ils avaient une solide formation de physiologie, de médecine interne et de neurologie, et ne soignaient le psychisme que dans un contexte organique global. Fort heureusement, je rencontre maintenant des psychiatres français qui ont découvert le Lyme chronique et qui ont totalement changé leurs pratiques. Une psychiatre a même avoué récemment qu’elle s’était remise à faire un examen clinique de ses malades, ce qu’elle n’avait pas fait depuis des lustres. Il est important, quand on prend en charge un malade atteint de Lyme chronique pour lequel les signes sont surtout subjectifs, c’està-dire ne reposant que sur les dires du malade, d’essayer de trouver quelques signes objectifs pour convaincre le médecin traitant, l’entourage et l’assurance-maladie de la réalité physique de la maladie. Jérôme Salomon, médecin dans mon service, fut un des rares collaborateurs à croire au Lyme chronique, à me suivre et à accepter de voir des malades en consultation. Avec Jérôme et une interne, Marie Odile Roche-Lanquetot, nous avons publié une étude montrant que, lorsque l’on cherchait bien, on pouvait trouver assez souvent des anomalies objectives : baisse des lymphocytes dans le sang, anomalies à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) du cerveau ou de la moelle épinière ; anomalie de tests cognitifs mesurant de façon objective les troubles de mémoire ou de concentration ; anomalies des potentiels évoqués qui enregistrent la fonction de certains nerfs ; anomalies, même discrètes et non

spécifiques, dans le liquide cérébro-spinal prélevé par ponction lombaire, etc. Quand c’est objectivé, on a moins tendance à traiter le malade de fou… Après les diagnostics hautement douteux de syndrome de Münchhausen évoqués plus haut (simulation d’une maladie pour attirer la compassion), je viens de prendre connaissance de terribles accusations de « syndrome de Münchhausen par procuration ». Il s’agit d’une sorte de transposition par laquelle, au lieu de s’autodétruire pour se rendre intéressant comme dans le syndrome de Münchhausen, on détruit quelqu’un de son entourage en le rendant volontairement malade. Récemment, j’ai découvert avec consternation la cristallisation de terribles drames familiaux en réaction à la maladie de Lyme chez des enfants. Les médecins ne pouvant expliquer l’origine des symptômes, des membres de la famille élaborent des théories parfois diaboliques. Par exemple, un père de famille a accusé son ex-femme d’empoisonner sa fille ; dans un autre cas, une grand-mère a soupçonné sa fille d’empoisonner ses propres enfants. Ces affaires sont allées loin, avec « témoignages » de médecins, d’assistants sociaux et acharnement de juges. J’ai dû intervenir à plusieurs reprises pour enrayer une procédure de suppression de la garde parentale, avant de pouvoir soigner les enfants par antibiotiques avec succès.

Il faut savoir revoir les dogmes Ni Dieu ni gène, un livre clef pour comprendre la médecine

Pierre Sonigo est un ami chercheur qui tout jeune a contribué au séquençage du virus VIH dans le laboratoire de Luc Montagnier à l’Institut Pasteur. Je le vis pour la première fois à la fin des années 1990 lors d’une réunion scientifique sur le sida. Pierre fit un exposé scientifique à la fois simplissime et éblouissant de clarté, ce qui est le privilège des grands. C’était la première fois que j’entendais parler de la maladie à VIH de façon aussi limpide. Quelque temps plus tard, je découvris le livre qu’il écrivit avec JeanJacques Kupiec intitulé Ni Dieu ni gène. Ce livre est, avec le Destin des maladies infectieuses de Charles Nicolle et L’Univers bactériel de Sagan et Margulis, l’ouvrage qui a le plus changé ma vision de la médecine et des maladies infectieuses. Le langage est tellement simple et imagé qu’on croit lire « l’immunologie racontée aux enfants ». En fait, cet ouvrage reposant sur une connaissance scientifique très poussée explique entre autres comment les cellules immunitaires de « monsieur Dupont » se moquent de monsieur Dupont qu’elles ne connaissent pas. Comme toutes les cellules de la planète, leur obsession est de se nourrir, de survivre et de se reproduire. Si un globule blanc appartenant à monsieur Dupont avale une bactérie, ce n’est pas pour défendre monsieur Dupont d’une grave infection, c’est uniquement pour se nourrir. En effet, les antigènes des microbes sont d’excellents casse-croûte pour les cellules immunitaires. L’auto-immunité est la conséquence de l’infection des tissus. Si l’articulation du coude de monsieur Dupont devient douloureuse, chaude, rouge et tuméfiée (« dolor, calor, rubor, tumor » en latin, les signes cardinaux de l’inflammation), c’est que les cellules immunitaires, dont certains globules blancs, ont afflué sur place. Si elles sont venues en nombre, c’est qu’il y a à manger. Et que mangent ces cellules ? Des antigènes microbiens !

L’immunologie est née au moment de la rivalité guerrière francoe allemande à la fin du XIX siècle, et l’on a utilisé des comparaisons militaires pour expliquer la défense contre les infections, comme si les cellules immunitaires étaient des petits soldats regroupés en corps d’armée, aux ordres de leur propriétaire, monsieur Dupont, pour chasser l’envahisseur allemand, la « Frau Bakterie Bertha ». Cette vision a été ravivée par la rivalité franco-allemande entre les écoles de Louis Pasteur et de Robert Koch. Cette image guerrière simpliste de l’immunité a été reprise par de nombreux spécialistes du sida. Jacques Leibowitch, dans son ouvrage Pour en finir avec le sida, a remis en question ce pseudo-consensus et a décrit avec clarté que ce sont les phénomènes inflammatoires et non le virus VIH qui créent les lésions des tissus de l’organisme conduisant au sida. Il évoque la compétition pour la « nourriture » entre les cellules humaines et les microbes. C’est cette approche très innovante qui a permis à Leibowitch de mettre au point la stratégie d’allégement de traitement contre le VIH, dénommée ICCARRE, que je développerai plus loin, et confirmée récemment dans un essai thérapeutique officiel que j’ai coordonné à l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), l’essai 4D (pour « 4 days a week », soit quatre jours par semaine de traitement).

CHAPITRE 9

Les « crypto-infections »

La maladie de Lyme, des maladies apparentées, mais aussi des maladies dites « auto-immunes » seraient déclenchées et/ou entretenues par des « crypto-infections » Le concept de « crypto-infections » semble s’appliquer à de plus en plus de situations médicales et l’on a pu voir que des découvertes arrivent sans cesse montrant le lien entre tel ou tel microbe et telle ou telle maladie. À la suite de Charles Nicolle, quelques pasteuriens ont repris l’idée que des maladies chroniques d’origine inexpliquée pouvaient être liées à des « infections inapparentes ». Parmi eux, le professeur Paul Giroud de l’Institut Pasteur, qui avait été l’assistant de Charles Nicolle, et le professeur Jean-Baptiste Jadin de l’Institut Prince-Léopold d’Anvers en Belgique et qui avait accumulé une énorme expérience de chercheur de terrain dans les anciennes colonies belges, le Congo-Kinshasa et le Rwanda. Ils avaient décrit dans les années 1980 des associations de certaines maladies avec

des protozoaires, des virus et des bactéries. Ils avaient évoqué le rôle possible de bactéries intracellulaires, notamment de rickettsies ou de bactéries proches des rickettsies, ainsi que de Chlamydiae. Je me souviens très bien, lors de mon internat dans l’ancien hôpital Claude-Bernard, qu’une femme qui présentait un syndrome chronique inexpliqué était hospitalisée. Elle avait fait faire en Belgique un « sérodiagnostic de rickettsies », mis au point par Jadin et Giroud, qui était positif. Forte de ce résultat, elle s’était fait prescrire des tétracyclines qui l’avaient considérablement améliorée. Cependant, comme ces tests n’étaient pas reconnus officiellement, son médecin avait refusé de prolonger le traitement. Le professeur de maladies infectieuses qui s’occupait de la salle à l’époque m’avait expliqué que c’étaient des malades imaginaires hypocondriaques qui allaient chercher des tests frauduleux en Belgique pour se faire prescrire des antibiotiques de façon injustifiée. La situation ressemblait à ce que l’on voyait souvent avec les cas de brucellose chronique (appelée patraquerie brucellienne) qui étaient considérés comme des agriculteurs fainéants et resquilleurs à l’assurancemaladie. Ces histoires anciennes me rappellent bigrement la situation actuelle. La fille de Jean-Baptiste Jadin, Cécile Jadin, est elle-même médecin et a baigné toute son enfance en Afrique dans les travaux de son père. Elle m’a raconté qu’elle l’avait souvent accompagné au laboratoire. La maison familiale était remplie d’animaux d’expérience ! Cécile s’est installée par la suite en 1981 comme chirurgien en Afrique du Sud. En 1987, elle prit en charge un de ses amis atteint de syndrome de fatigue chronique et qui avait perdu l’usage de la marche. Depuis, elle se consacre à la prise en charge de nombreuses maladies chroniques par anti-infectieux. En discutant avec Cécile Jadin, j’ai été impressionné par son expérience. Elle fait un travail fantastique, ce qui lui a valu… d’être

attaquée par l’équivalent du Conseil de l’ordre des médecins d’Afrique du Sud ! Elle a sauvé des personnes atteintes de maladies gravissimes qui étaient en échec des prises en charge « officielles ». Elle soigne des symptomatologies très diverses. Je l’ai rencontrée récemment en Belgique et elle m’a stupéfié en me faisant écouter sur son smartphone la voix d’un de ses patients qui présentait depuis plusieurs années un bégaiement impressionnant rendant sa diction très difficile, voire incompréhensible à certains moments. Elle me fit ensuite écouter la voix du même monsieur après quelques semaines d’antibiotiques. Il parlait tout à fait normalement ! Il est très vraisemblable que, dans les maladies chroniques, tous les types de microbes puissent être impliqués, virus, bactéries, parasites, champignons. C’est le monde fascinant et plein d’avenir des « crypto-infections ».

Mon expérience de traitement par des anti-infectieux des maladies dites « granulomateuses », la sarcoïdose et la maladie de Crohn Ma passion pour les mycobactéries, responsables d’infections persistantes Mon intérêt s’est focalisé au début de mes recherches sur un grand fléau, la tuberculose, due au bacille de Koch (Mycobacterium tuberculosis) et pour des bactéries cousines, les mycobactéries atypiques qui contribuaient au décès d’un malade sur deux lorsque le sida était évolué.

Au cours de mes années à l’hôpital Claude-Bernard puis à Bichat, j’effectuais des travaux sur la tuberculose qui faisait des ravages parmi les malades infectés par le VIH. De plus, beaucoup de malades au stade de sida avancé décédaient en hébergeant dans tous leurs organes des bactéries proches du bacille de la tuberculose mais beaucoup moins virulentes, les mycobactéries atypiques, principalement Mycobacterium avium. Ces bactéries très répandues dans l’environnement, notamment dans l’eau ou chez certains animaux, ne provoquent habituellement pas de maladie chez l’homme en bonne santé. En revanche, les patients atteints de sida, n’ayant plus de défenses immunitaires, faisaient très souvent des formes sévères d’infection, fréquemment mortelles. Les traitements antituberculeux classiques ne marchaient pas ou peu. J’ai travaillé dans un laboratoire de l’Inserm dans l’ancien hôpital Claude-Bernard pour tester de nouveaux antibiotiques sur ces bactéries et ai alors œuvré avec certains collègues, dans le cadre de la recherche clinique, à la mise au point de nouveaux traitements efficaces contre ces mycobactéries. Ces nouveaux traitements ont permis de soigner de nombreux malades au stade de sida.

Des mycobactéries aux maladies granulomateuses d’origine inexpliquée, la sarcoïdose et la maladie de Crohn Alors que j’étudiais attentivement toutes les publications scientifiques nouvelles ou anciennes sur les mycobactéries, je me suis rendu compte que des maladies auto-immunes que l’on appelle granulomateuses ressemblaient beaucoup à certaines formes de tuberculose ou d’infections à mycobactéries atypiques. Parmi ces

maladies, les plus connues sont la sarcoïdose et la maladie de Crohn. Je découvrais que, dans les tissus de malades atteints de sarcoïdose, on pouvait isoler certaines mycobactéries, le plus souvent non tuberculeuses. Ces bactéries pouvaient avoir un aspect particulier dépourvu de paroi (formes L). De ce fait, ces bactéries sans paroi ne prennent pas les colorations usuelles et ne sont pas visibles au microscope. J’avais été frappé de voir que deux personnes avaient pu attraper la sarcoïdose en même temps après un bain dans un Jacuzzi et qu’une mycobactérie atypique avait pu être isolée dans le poumon d’un des deux malades grâce à la fibroscopie bronchique. Une étude avait montré une corrélation étroite entre sarcoïdose et présence d’anticorps antimycobactéries. Un lien a aussi été montré avec les infections à Chlamydia. En faveur d’une possible transmission de la maladie, on pouvait noter une atteinte préférentielle du personnel soignant. Il est troublant de noter que la sarcoïdose n’a pas de fréquence accrue aux Antilles françaises, mais qu’en revanche elle est augmentée chez les Antillais ayant vécu en métropole. Pour la maladie de Crohn, j’avais lu une étude ancienne qui avait montré que, dans une région où des troupeaux de bovins étaient fortement atteints par la paratuberculose, ou maladie de Johne, il y avait des épidémies de maladie de Crohn parmi la population des villages vivant en aval des champs occupés par ces troupeaux. La maladie de Johne est caractérisée par une diarrhée sévère chez les bovins et est due à une mycobactérie atypique, Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis. Or la maladie de Crohn est une maladie principalement digestive responsable de diarrhées. Cette mycobactérie a été isolée à de nombreuses reprises dans la paroi du côlon des malades atteints de la maladie de Crohn. La forte

consommation de lait est corrélée à la fréquence de la maladie de Crohn, mais la bactérie peut aussi être présente dans l’eau. Des cas de transmission de la maladie de Crohn au sein d’un couple ont été rapportés. La culture de Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis est très longue et nécessite des milieux de culture liquides qu’il faut garder au moins quatre à six mois pour avoir une chance d’isoler la bactérie. C’est pourquoi elle n’est jamais isolée en pratique courante. On peut aussi rechercher la bactérie par test d’amplification des acides nucléiques (TAAN ou PCR). Pour la maladie de Crohn, les critères du postulat de Henle-Koch (ou postulat de Koch : « un microbe, une maladie ») sont remplis pour attribuer la responsabilité à cette mycobactérie, comme le montre Greenstein dans le journal Lancet Infectious Diseases en 2003. Cela n’a pas ébranlé le moins du monde les gastro-entérologues qui continuent de parler de maladie « auto-immune ». Il est vrai que deux lobbies très puissants, celui du lait et celui de l’industrie pharmaceutique, ne souhaitent pas voir évoluer les choses. En effet, les nouveaux traitements immunodépresseurs du Crohn ou de la sarcoïdose coûtent une fortune à l’assurance-maladie et sont prescrits à vie. Pour couronner le tout, certains malades développent à la fois sarcoïdose et maladie de Crohn.

On pourrait soigner et même guérir certaines maladies granulomateuses par des antiinfectieux J’avais à l’époque proposé un traitement antibiotique antimycobactérie à une malade atteinte d’une sarcoïdose très sévère, en échec de la cortisone, dont la rate était devenue monstrueuse. Elle devait se faire enlever la rate par un chirurgien et

passer à un traitement immunodépresseur lourd. Elle a été ravie de la proposition car elle n’avait rien à perdre. Un mois après le début du traitement antibiotique, son état de santé s’était considérablement amélioré et sa rate avait nettement diminué de volume. Fort de ce succès, j’avais traité et guéri plusieurs malades. J’avais parlé de ces succès thérapeutiques au professeur Jacques Grosset, éminent spécialiste de la tuberculose et des mycobactéries avec qui je collaborais pour mes travaux sur Mycobacterium avium. Il m’avait dissuadé à l’époque de publier ces cas de sarcoïdose en me disant que personne ne me croirait et que les spécialistes de la maladie parleraient de rémission spontanée (sur ce point j’ai vu ultérieurement qu’il avait entièrement raison).

« Mycosarc » : l’essai de traitement de la sarcoïdose par antibiotique J’ai donc mis au point par la suite un protocole officiel, dénommé « Mycosarc » (pour mycobactéries et sarcoïdose), dont l’Institut Pasteur était promoteur de la recherche en 1996. Le but était d’évaluer l’efficacité d’un antibiotique en le comparant avec un placebo chez des malades volontaires. J’avais présenté les dossiers de mes malades aux plus grands spécialistes de la sarcoïdose qui m’ont écouté et promis qu’ils participeraient avec moi dans cette recherche. J’ai même présenté la petite série de patients que j’avais traités au congrès annuel de la Société nationale française de médecine interne. J’avais en particulier montré les scanners de la malade qui avait une rate de taille monstrueuse, avant de revenir à une taille quasiment normale après quelques mois de traitement anti-infectieux. J’ai aperçu quelques sourires narquois dans les premiers rangs de l’assistance. Après, silence radio ! Les collègues

investigateurs n’ont jamais inclus un malade dans le protocole. L’étude n’a donc jamais abouti, et plus tard certains ont dit partout que cette stratégie de traitement ne marchait pas ! J’étais contrarié mais ne pouvais rien faire car Internet n’était pas encore très développé et je n’avais pas de recrutement personnel de malades atteints de sarcoïdose. Comme pour toutes les maladies chroniques, les malades entrent dans des filières de soins organisées dont ils peuvent rarement s’échapper. Le même scénario s’est reproduit avec la maladie de Crohn. Avec le professeur Patrick Berche, célèbre microbiologiste, qui a été par la suite doyen de la faculté de médecine Necker et qui dirige actuellement l’Institut Pasteur de Lille, nous avons mis sur pied un protocole de traitement dans la maladie de Crohn. Les gastroentérologues collaborant au protocole ont imposé des critères d’évaluation microbiologique irréalistes, et l’étude a dû être arrêtée rapidement. Je n’en ai pas voulu à tous ces collègues internistes, pneumologues ou gastro-entérologues, tous excellents médecins par ailleurs avec qui j’avais une relation très amicale. Ils n’étaient pas prêts pour une remise en cause de dogmes bien ancrés : une maladie est infectieuse, auquel cas on trouve le microbe facilement ou elle ne l’est pas. Point barre. J’ai donc abandonné ces recherches, mais j’ai occasionnellement, pour rendre service, continué à traiter par anti-infectieux des patients atteints de sarcoïdose qui ont presque tous guéri. Mon expérience avec la maladie de Crohn se limite à un petit nombre de patients. Le premier patient que j’ai traité par antiinfectieux est un médecin généraliste qui avait entendu parler de mon approche infectieuse. Il souffrait depuis de nombreuses années d’un Crohn sévère avec des douleurs abdominales terribles, des

diarrhées très fréquentes dans la journée en plus d’une fatigue importante et de problèmes articulaires. Il prenait chaque jour par voie orale une grosse dose de dérivé de la cortisone et devait réaliser chaque jour un lavement du côlon par des corticoïdes. Il était tellement mal malgré ce traitement lourd que son gastro-entérologue était en train d’introduire un nouveau médicament immunodépresseur. Initialement, je n’étais pas très chaud pour le traiter car, contrairement à la sarcoïdose, je n’avais jamais traité de maladie de Crohn. Il me supplia de l’aider et, comme il était médecin lui-même, ça m’a rassuré pour l’accompagner dans cette expérience. En quelques semaines, son état s’était transformé et, après quelques mois, il arrêta progressivement et définitivement ses lavements et ses corticoïdes. Il a complètement guéri, avec un recul de nombreuses années. Son traitement associait clarithromycine, rifabutine et éthambutol, l’éthambutol étant relayé par l’hydroxychloroquine après trois mois. Quand il a revu son gastroentérologue, un grand professeur parisien spécialiste du Crohn, pour lui faire part du résultat de mon traitement, j’ai eu la surprise de recevoir un courrier de ce professeur pour m’annoncer que le patient avait bénéficié d’une « rémission spontanée ». Quand j’ai montré ce courrier à mon malade-médecin, nous avons bien ri tous les deux. Ceux qui croient à la « génération spontanée » sont aussi des adeptes de la « guérison spontanée » ! J’ai traité par la suite un petit nombre de patients. Une patiente, après une amélioration spectaculaire initiale, a échappé au traitement. Un autre malade a arrêté le traitement après quelques jours en raison d’une augmentation importante des transaminases, des enzymes du foie. Il n’a pas souhaité retenter l’expérience avec d’autres molécules. Les autres, qui souffraient de formes sévères traitées par immunodépresseur ont guéri et pour certains avec un

recul de plusieurs années sans traitement. J’ai découvert à cette occasion la censure et l’aveuglement dans le domaine de la pensée scientifique et dans celui des publications. On en a une illustration, parmi bien d’autres, avec le sort réservé à la publication par Gerald Gui, en 1997, d’une superbe étude anglaise menée chez cinquante-deux malades atteints de maladie de Crohn qui a montré l’efficacité chez tous les malades de l’association de deux antibiotiques actifs sur les mycobactéries, la clarithromycine (ou l’azithromycine) et la rifabutine. Cette étude, n’ayant pas été effectuée par tirage au sort contre placebo (méthode dite « randomisée en double aveugle »), n’a même pas été lue par les gastro-entérologues ! Ça s’appelle l’aveuglement du double aveugle. Pourtant la majorité des malades étaient en échec des traitements classiques du Crohn au début de l’étude et leur suivi a duré deux ans. Il s’agit encore sûrement de « rémissions spontanées » ! Une ou deux, je veux bien, mais plus de cinquante d’un coup, c’est mieux qu’à Lourdes. Cette étude n’a pas été prise en compte dans la méta-analyse (analyse globale de tous les articles publiés sur le sujet) car elle n’était pas randomisée. Cette méta-analyse publiée par Feller en 2010 ne cite que des études ayant utilisé des antibiotiques (métronidazole, fluoroquinolones, etc.) qui peuvent améliorer l’état des malades mais non les guérir. Pendant ce temps, les millions de malades souffrant de Crohn, et on dit la maladie en augmentation, reçoivent à vie des traitements immuno-dépresseurs au coût exorbitant et subissent les joies de la chirurgie digestive. J’ai été très surpris quand, récemment, un patient souffrant de la maladie de Crohn vint me voir en consultation pour que je lui propose un traitement antibiotique. Je lui expliquai mon expérience et quand je lui dis que j’avais guéri des patients, il prit peur car cela était totalement inimaginable pour lui. Il me quitta

rapidement et je ne le revis jamais. Il a dû me prendre pour un fou. Il est très difficile pour un malade de sortir d’un conditionnement institutionnel.

Des éclairages inattendus sur l’autisme, la schizophrénie et la maladie d’Alzheimer Les coulisses de l’autisme Je fis la connaissance, autour du prix Nobel de physiologie ou médecine Luc Montagnier, découvreur du virus VIH, d’un groupe de médecins généralistes, le groupe Chronimed, dont les membres ont développé une excellente connaissance de la prise en charge du Lyme chronique, mais aussi d’autres maladies chroniques, notamment certaines maladies psychiatriques. Ainsi, Philippe Bottero est un médecin généraliste de Nyons dans la Drôme qui a rencontré au début de sa carrière le professeur Jean-Baptiste Jadin, chercheur belge de l’Institut Prince-Léopold d’Anvers, et le médecincolonel Paul Le Gac des troupes coloniales. Auprès d’eux, Philippe Bottero a appris le lien possible entre infections chroniques inapparentes et maladies chroniques. Il prit connaissance de travaux publiés par Loo et Menier en 1960 dans les Annales de médecine physiologique sur le lien possible entre bactéries intracellulaires et maladies neuropsychiatriques. Philippe Bottero fait pour moi figure de pionnier car il a été le premier, tout seul dans son cabinet de médecine générale, à améliorer et même à guérir des personnes souffrant de schizophrénie, de psychose maniaco-dépressive, de troubles obsessionnels compulsifs ou d’autisme par des

antibiothérapies prolongées. En 2006, il a rencontré dans son département, la Drôme, le docteur Philippe Raymond, généraliste près de Valence, qui va traiter une série impressionnante d’enfants autistes. Depuis, ces deux médecins ont fait des émules et l’on sait qu’avec l’implication de tout un groupe de généralistes et psychiatres motivés, qui se sont formés entre eux, des centaines d’enfants autistes français ont été franchement améliorés ou guéris grâce à leurs traitements anti-infectieux. Le traitement semble marcher beaucoup mieux quand la maladie est récente. L’efficacité des antibiotiques en cures intermittentes est renforcée par des cures courtes d’antiparasitaires et d’antifongiques, ainsi qu’avec un régime pauvre en gluten. Ces médecins spécialistes de l’autisme ont constaté que les enfants présentaient souvent des troubles digestifs avant de développer des signes d’autisme. Cela est troublant quand on sait qu’on retrouve dans les selles des autistes des bactéries, Sutarella sp. et Ruminococcus sp., souvent absentes du tube digestif des personnes en bonne santé. Ces médecins m’invitèrent à l’une de leurs réunions et j’ai été impressionné par les dossiers d’enfants autistes qu’ils me montraient. Comme ils n’arrivaient pas à convaincre les médecins hospitaliers et notamment les pédopsychiatres, ils ont commencé à filmer le comportement des enfants autistes avant et après traitement, et c’est merveilleux de voir un gamin qui hurlait, refusait tout contact avec l’entourage ou qui se tapait la tête contre les murs changer complètement de comportement après quelques semaines d’un antibiotique, l’azithromycine. Le même enfant commençait à suivre du regard, à être beaucoup plus calme et à jouer avec une éducatrice en ébauchant un premier sourire. Ces témoignages sont bouleversants. Philippe Raymond m’a demandé de l’aider à publier son expérience et surtout à mettre sur pied une étude clinique

officielle qui permettrait de valider en comparant un antibiotique avec un placebo. Je me suis donc rendu avec lui en 2011 pour rencontrer le docteur Nadia Chabane, pédopsychiatre au centre hospitalier universitaire Robert-Debré à Paris. Nadia Chabane est un des médecins hospitaliers qui voyait le plus d’enfants autistes en consultation en France. Beaucoup de pédopsychiatres, pour ne pas dire presque tous, prenaient Philippe Raymond et ses confrères pour des charlatans. Nadia Chabane semblait convaincue car elle avait revu plusieurs enfants qui avaient reçu des antibiotiques. Après plusieurs guérisons, ça semblait difficile de continuer à dire que c’était une rémission spontanée exceptionnelle ou que c’était la maman qui avait amélioré le contact avec son enfant. Il faut dire que la psychothérapie, qui continue d’être remboursée par la Sécurité sociale, n’a jamais guéri un cas d’autisme. J’ai appris par la suite que Nadia Chabane avait été nommée en 2014 professeure au centre hospitalier universitaire vaudois à Lausanne en Suisse. Philippe Raymond m’invita à l’accompagner avec Luc Montagnier à une réunion avec des conseillers de Xavier Bertrand, alors ministre des Affaires sociales. Ayant un empêchement ce jour-là, je n’ai pas pu assister à la réunion, mais le résultat fut très positif. Le ministère allait demander que des crédits de recherche soient fléchés sur une étude clinique, et les conseillers de Xavier Bertrand ont chargé le professeur Nicholas Moore, directeur du département de pharmacologie du CHU de Bordeaux de coordonner l’étude. Plusieurs pédopsychiatres hospitalo-universitaires convaincus acceptèrent de participer. En 2012, j’aidai Philippe Raymond et Nicholas Moore à rédiger le premier jet d’un projet qui s’appelait « Autibiotique » pour autisme et antibiotique. L’efficacité d’un antibiotique serait évaluée pendant quelques mois contre un placebo, puis, si l’efficacité du traitement se confirmait, les enfants

qui auraient reçu le placebo recevraient l’antibiotique dans un second temps. Hasard de l’actualité, les élections présidentielles arrivèrent et le ministre de la Santé changea. Le cabinet de la nouvelle ministre Marisol Touraine, ainsi que celui de la secrétaire d’État chargée de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Geneviève Fioraso ne crurent pas à la pertinence du projet, et aucun financement ne fut débloqué. Au cours des années suivantes, le blocage a persisté non seulement sur l’autisme, mais plus généralement sur la maladie de Lyme et les maladies associées. Pour l’autisme, c’est dommage car, même si le traitement ne marche pas chez tous les enfants, la démonstration de l’efficacité pourrait se faire assez rapidement avec quelques dizaines de malades. En fait, ce projet est arrivé au moment où la Haute Autorité de santé (HAS) sortait son rapport sur la psychanalyse dans l’autisme. Le rapport avait fuité dans le journal Libération en février 2012 entraînant la colère des psychanalystes français qui ont exercé un lobbying politique majeur. Le rapport disait en effet que la psychanalyse était inutile dans l’autisme et qu’il fallait arrêter de la recommander et donc de la rembourser. Devant le tollé et sous la pression, le rapport final de la HAS a été, à la surprise générale, beaucoup plus conciliant. Les psychanalystes ont eu de quoi se réjouir de l’enterrement du projet Autibiotique. Le remboursement à 100 % par la Sécurité sociale de la prise en charge de l’autisme par la psychanalyse, qui était menacé faute de résultats thérapeutiques depuis plus d’un siècle, était maintenu !

Nouvelles perspectives sur certains cas de schizophrénie

Dans la foulée de l’autisme, de nombreux médecins dans le monde ont pu observer l’amélioration de patients schizophrènes après des traitements antibiotiques. À l’heure actuelle, la psychiatrie officielle ne veut pas en entendre parler. Les maladies chroniques que l’on ne guérit pas représentent une belle rente de situation pour beaucoup. Pourtant des études randomisées (c’est-à-dire avec tirage au sort des volontaires) contre placebo en double aveugle ont été publiées démontrant l’efficacité, au moins partielle et transitoire, des antibiotiques. Ainsi, même les études réalisées selon les canons modernes de la méthodologie ne sont pas lues quand elles montrent un résultat qui dérange les préjugés établis. L’éthique médicale devrait exiger la poursuite de ces recherches prometteuses.

Des résultats de recherches troublants sur la maladie d’Alzheimer se confirment Grâce à ma rencontre avec Judith Miklossy, chercheuse suisse, travaillant dans le Valais, j’ai eu un éclairage sur un autre aspect de la maladie de Lyme, notamment ses liens incestueux avec la syphilis tertiaire et avec la maladie d’Alzheimer. Je découvrais qu’au tout début de la saga du Lyme un chercheur américain, Alan MacDonald, avait rapidement constaté, après la découverte de Borrelia burgdorferi, que cette bactérie pouvait échapper rapidement aux antibiotiques, en prenant une forme ronde (initialement appelée kystique, mais ça n’est pas vraiment un kyste) bien visible au microscope électronique. Cette découverte n’allait pas du tout dans le sens des versets de l’IDSA et Alan MacDonald a été discrédité. C’est bizarre car les frères Brorson en Norvège, ainsi que le professeur Laane, toujours en Norvège, ont publié sur ces formes rondes. Judith Miklossy, reprenant les travaux de MacDonald, les

décrivit aussi. Pour Steere, Wormser & Co, les leaders du club de l’IDSA, tous ces chercheurs sont des imposteurs qui ont eu la berlue et les images qu’ils ont tous observées au microscope n’étaient pas des formes de borrélies mais des artefacts, c’est-à-dire des saletés car ces personnes ne savent pas travailler correctement. Quelle impudence scientifique ! Grâce aux publications d’Alan MacDonald puis de Judith Miklossy, je découvris que, lorsque l’on met côte à côte, sous le microscope, des coupes de cerveau de malades décédés de trois maladies différentes, les images microscopiques sont identiques. Ces trois maladies sont la neuro-syphilis, le neuro-Lyme et la maladie d’Alzheimer. Alois Alzheimer était un neurologue allemand, qui était aussi psychiatre et anatomopathologiste et qui a observé en 1901 le premier cas de maladie qui porte désormais son nom. C’est son patron de laboratoire, Emil Kraepelin, qui suggéra le nom de maladie d’Alzheimer. Kraepelin souhaitait prouver la supériorité de son école anatomique sur les théories psychanalytiques et voulait couper l’herbe sous le pied de Sigmund Freud pour montrer que certaines affections mentales pouvaient avoir une origine organique et que tout n’était pas psychosomatique. Kraepelin était un visionnaire ! À l’époque, beaucoup de gens en Europe souffraient de la syphilis et les cas de syphilis tertiaires étaient très nombreux. La forme atteignant le cerveau était dénommée « paralysie générale ». Il ne s’agissait pas vraiment de paralysies dans la majorité des cas, mais d’une forme de démence, parfois précoce. On sait que le général Gamelin, commandant en chef des forces armées françaises avant le début de la Seconde Guerre mondiale et coresponsable de la débâcle de 1940, en était atteint ! Alzheimer lui-même, constatant les similitudes en coloration argentique entre la neuro-syphilis

cérébrale et la maladie qui porte son nom, aurait aussi été marqué par la similitude des signes cliniques de démence entre les deux maladies. Il aurait dit après la découverte du tréponème pâle, agent de la syphilis, que « sa » maladie, la maladie d’Alzheimer, était vraisemblablement aussi une maladie infectieuse dont le microbe ne pouvait pas encore être mis en évidence. Cette hypothèse a été relancée par Fischer en 1907 qui a cherché en vain à mettre en évidence une bactérie. Alois Alzheimer en 1911 a cité ces travaux de Fischer. Judith Miklossy retrace ces données historiques dans une publication de 2015. Il est curieux que les nombreux chercheurs du monde entier qui reçoivent beaucoup d’argent pour rechercher la cause de la maladie d’Alzheimer ne relisent pas Fischer et Alzheimer ! C’est de « l’Alzheimer collectif » ! (ou épidémique ?). L’évocation de causes infectieuses aux maladies dérange toujours les spécialistes de chaque maladie. Alan MacDonald avant tout le monde puis Judith Miklossy ont constaté les mêmes similitudes, mais en plus ils ont trouvé exactement le même aspect dans le cerveau de personnes décédées de forme tertiaire de maladie de Lyme avec atteinte cérébrale et démence. Dans un énorme travail portant sur des centaines de cerveaux, Judith a pu démontrer formellement que la maladie d’Alzheimer était une neurospirochétose. C’est-à-dire que plus de 90 % des personnes qui décèdent d’Alzheimer ont le cerveau bourré de ces petites bactéries en forme de ressort comme Treponema ou Borrelia. Lorsqu’elle analyse des « cerveaux témoins » de personnes décédées d’une autre maladie, elle ne retrouve pas les spirochètes. Ces résultats répondent aux fameux critères du postulat de Henle-Koch (ou postulat de Koch), modifiés par la suite par Hill, qui permettent d’affirmer que des spirochètes sont la cause de la maladie d’Alzheimer. Quels sont les spirochètes coupables ? Dans un quart

des cas, Borrelia burgdorferi (bizarre pour une infection prétendue rare) et dans trois quarts des cas, des tréponèmes non syphilitiques originaires de la plaque dentaire. Si l’étude avait été faite au e e XIX siècle ou au début du XX , on aurait sûrement trouvé en plus beaucoup de Treponema pallidum, agent de la syphilis. Alors que ces travaux sont publiés et que de nombreuses expériences ont été reproduites dans différents laboratoires, il est pour le moins curieux de constater le silence assourdissant autour de cette découverte majeure, aussi bien de la part des « spécialistes officiels » du Lyme, que de celle des microbiologistes et des neurologues. Certains épidémiologistes et certains dentistes se sont penchés sur la question car il existe maintenant un lien démontré entre gencives très abîmées, dents gâtées et maladie d’Alzheimer. Or ces tréponèmes non syphilitiques, dits saprophytes (c’est-à-dire non connus pour être responsables de maladie), vivent en grande quantité dans la plaque dentaire. Lors d’un congrès en Allemagne sur la maladie de Lyme, j’ai entendu la communication passionnante d’un stomatologiste et chirurgien maxillo-facial anglais, le professeur St John Crean, doyen de la School of Medicine and Dentistry de l’University of Central Lancashire, qui étudiait un lien possible entre Alzheimer et bactéries de la plaque dentaire. Il trouvait dans le cerveau de personnes décédées de maladie d’Alzheimer des dérivés de Porphyromonas gingivalis, une bactérie de la plaque dentaire. Je suis très surpris quand on voit les centaines de millions d’euros ou de dollars injectés dans le monde dans la recherche sur l’Alzheimer et que personne n’évoque, ne serait-ce qu’une seconde, ces travaux démontrant pourtant que la maladie d’Alzheimer est une maladie infectieuse. Pour ce qui est des cas de maladies d’Alzheimer dus à la maladie de Lyme, ça doit représenter beaucoup de cas, puisqu’on dit que 80 % des Français vont développer

l’Alzheimer. Si un quart de ces 80 % sont dus aux borrélies, on n’est plus dans le registre de la maladie rare ! Il me revint à l’esprit que, quand j’étais étudiant en neurologie dans le service du professeur Jean Cambier à l’hôpital Beaujon en 1976, la maladie d’Alzheimer était encore qualifiée de maladie peu fréquente. Certains neurologues parlaient de « maladies à microtubules » car les anatomopathologistes observaient une dégénérescence microfibrillaire du cerveau. Les neurofibrilles observées à l’intérieur des cellules nerveuses résultent de l’agrégation de microtubules. Quand j’ai appris en 2000, en lisant les livres de Sagan et Margulis Microcosmos ou L’Univers bactériel, que nos cellules étaient construites autour de microtubules de spirochètes, je fis immédiatement le rapprochement. Serait-il envisageable que, lorsqu’un spirochète comme le tréponème pâle de la syphilis, la Borrelia de la maladie de Lyme ou des tréponèmes non syphilitiques de la plaque dentaire rentrent dans les cellules de notre cerveau, elles mettent avec leurs microtubules un peu atypiques le « bazar » parmi les microtubules de nos cellules ? Les publications scientifiques sur l’Alzheimer sont bien entendu totalement écartées par le club Lyme de l’IDSA. Normal puisque le Lyme chronique est une maladie imaginaire ! Manque de chance, les résultats d’Alan MacDonald et de Judith Miklossy viennent d’être confirmés par une autre équipe basée à Philadelphie, dont l’étude vient d’être publiée en 2016 par Allen, montrant le rôle respectif dans le cerveau des malades d’Alzheimer des spirochètes, des biofilms et de la réaction immunitaire. En 2009, une femme, Fabienne Piel, a raconté son parcours médical dans le contexte français. Éleveuse de chiens renommée, elle commence à souffrir de troubles de mémoire à l’âge de 37 ans. Après de premières hypothèses suggérant un surmenage ou une

dépression, le diagnostic tombe après quelques années : maladie d’Alzheimer. Elle raconte son calvaire dans son livre J’ai peur d’oublier et crée une association « La vie sans oubli ». Des années plus tard, alors très malade, elle entend parler du docteur Philippe Bottero, ce médecin généraliste pionnier de Nyons qui, dans ce cas encore, va donner une illustration de son talent. Il traite Fabienne par antibiotiques et elle guérit en quelques mois de sa maladie d’Alzheimer ! Cette histoire fantastique a été rapportée en juin 2016 dans le magazine Paris Match. Le fait que la maladie soit survenue tôt dans la vie pourrait expliquer que les neurones aient été préservés, permettant d’obtenir la récupération. Alors que ce miracle se produisait, le conseil départemental de l’ordre des médecins a condamné Philippe Bottero pour charlatanisme. Lui qui est tant apprécié de ses patients, il est profondément atteint par cette décision. Une condamnation peut se comprendre pour un médecin dangereux ou abusant de ses patients, en particulier en cas de plainte de ceux-ci. Dans l’affaire du Lyme, il n’y a jamais eu de plainte de malades, mais au contraire une accumulation de messages de soutien et de remerciements. Devant l’évidence démontrant clairement la cause bactérienne de certains cas de maladie d’Alzheimer, confirmée par des équipes de recherche différentes, ne pas reconnaître ces faits objectifs est proprement incompréhensible pour un esprit scientifique. Il est probable que le traitement a été efficace chez Fabienne parce qu’elle était jeune. Les antibiotiques n’auront vraisemblablement pas beaucoup d’effet chez les personnes âgées atteintes d’Alzheimer avancé, qui ont souvent perdu près de la moitié de la masse cérébrale au moment du diagnostic. Les cellules nerveuses détruites ne repoussent pas. Il faudrait faire de la prévention en amont.

Des manifestations très diverses dans de nombreux champs de la médecine réputée non infectieuse liées à des « crypto-infections » Les borrélies et d’autres microbes capables de persister dans l’organisme et de jouer un rôle dans certaines maladies chroniques, inflammatoires ou dégénératives de cause mystérieuse À force d’accumuler de l’expérience sur des traitements antiinfectieux prolongés dans des tableaux cliniques divers et variés, je me rendis compte qu’un nombre inouï de manifestations, a priori pas du tout connues pour leur origine infectieuse, pouvait réagir sous traitement antibiotique ou antiparasitaire. Ainsi, j’ai vu des nodules thyroïdiens connus depuis longtemps régresser ou disparaître. Chez quelques malades dont les radiologues avaient repéré depuis longtemps des kystes dits idiopathiques ou fonctionnels, les kystes du foie, de la rate ou du rein s’étaient envolés. Comme précisé plus haut, le terme médical « idiopathique » s’emploie pour une maladie dont on ne connaît pas la cause. La médecine officielle attribue aussi certaines maladies au froid. En particulier les nombreux cas de paralysie faciale qui tombent du ciel sans cause retrouvée. Il s’agit vraisemblablement de cas de maladie de Lyme à sérologie négative, voire d’autres co-infections. Cependant, on continue d’appeler ces paralysies faciales a frigore, ce qui en latin signifie que la cause est un « coup de froid » ! On disait de même pour la grippe avant la découverte des virus grippaux. On désigne souvent la grippe par le

terme influenza, abrégé en flu en anglais. Ce terme vient de l’appellation italienne populaire de influenza di freddo, ce qui signifie « sous l’influence du froid ». La liste des troubles qui peuvent réagir aux anti-infectieux est impressionnante. L’asthme de certains patients a régressé ou disparu. Dans ce domaine, le professeur Dominique Gendrel, éminent pédiatre de l’hôpital Saint-Vincent-dePaul, a montré dans une publication que les enfants souffrant d’asthme chronique hébergeaient au long cours des bactéries intracellulaires, Chlamydia et Mycoplasma, dans leurs bronches. Les allergies, l’herpès récidivant, des infections ORL chroniques ou récidivantes, le psoriasis, le syndrome de Raynaud, le syndrome du canal carpien, les tendinites chroniques, les sciatiques ou névralgies cervico-brachiales, l’arthrose, des migraines, des troubles de l’humeur variés, des troubles du sommeil, des troubles visuels (dont beaucoup d’uvéites, de rétinites, de névrites du nerf optique, etc.), des troubles digestifs, des crises de tachycardie, y compris des cas de tachycardie de Bouveret connus, des péricardites récidivantes, des aphtes récidivants, la thyroïdite de Hashimoto, des démangeaisons chroniques rebelles, l’endométriose, le lichen scléro-atrophique, des cas de pancréatite chronique, de syndrome des jambes sans repos, de narcolepsie, de stéatose hépatique ont diminué ou disparu (souvent après une aggravation initiale sous traitement anti-infectieux). J’ai pu observer des améliorations nettes dans certains cas de maladies comme la spondylarthrite ankylosante, la maladie périodique ou la maladie de Parkinson. J’ai le souvenir d’une femme dont les lipides dans le sang (cholestérol et surtout triglycérides) avaient fait un bond énorme le premier mois du traitement avant de redescendre à la normale. Un monsieur diabétique insulinodépendant a vu son diabète déséquilibré pendant

une ou deux semaines puis ses besoins en insuline ont baissé de moitié. J’étais sidéré de voir ces actions incroyables que je ne pouvais pas soupçonner. Quand j’ai quelquefois essayé de parler de ces constatations à quelques collègues, ils m’ont tous regardé d’un air ahuri en passant à un autre sujet, comme si c’était tellement stupide que ça ne valait même pas la peine d’en parler. J’ai donc remis ma langue dans ma poche ! J’ai pu constater la guérison de maladies auto-immunes tout à fait authentiques : lupus, polyarthrite rhumatoïde, maladie de Still, sclérose en plaques, myélite transverse, sclérose latérale amyotrophique, histiocytose, lymphopénie idiopathique, gammapathie monoclonale, TRAPS (TNF-receptor associated periodic syndrome, fièvre récurrente liée à une anomalie génétique), maladie de Behçet, maladie de Horton. Quelques malades ont rechuté partiellement quelques années après. Je ne voudrais pas donner de faux espoirs aux personnes qui souffrent de toutes ces maladies car les anti-infectieux peuvent interagir avec beaucoup de maladies mais le plus souvent ne sont pas suffisants pour en guérir. Il est hors de question de mettre tout le monde en permanence sous antibiotique pour tout et n’importe quoi car cette utilisation massive et abusive aurait des conséquences graves sur la résistance bactérienne. Ces observations montrent que, si l’on avait à notre disposition des tests performants permettant de prédire qui va réagir avec quel médicament et comment, on pourrait cibler les prescriptions. On sait aussi que des médicaments non antibiotiques peuvent agir et même des produits naturels comme la phytothérapie qui permettrait de faire de la prévention. J’ai essayé de publier quelques-uns de ces cas, en particulier le cas de TRAPS. Ce monsieur avait des fièvres à 39 °C pendant

plusieurs jours chaque mois depuis des années et avait consulté tout Paris. Sa vie était devenue un enfer. Devant le profil récurrent de la fièvre, je le traitai par antibiotique et hydroxychloroquine et il guérit définitivement en quatre mois. La mutation du TRAPS était inconnue à l’époque. J’avais fait une recherche génétique de maladie périodique qui était négative. Des années plus tard, je reçus un courrier du laboratoire de génétique m’informant qu’ils avaient repris les échantillons gardés au congélateur et que ce monsieur présentait la mutation du TRAPS, découverte depuis son prélèvement. N’ayant pas revu ce monsieur depuis des années, je pris de ses nouvelles et l’informai du diagnostic rétrospectif. Il était toujours en pleine forme et n’avait jamais refait de fièvre. Cette observation de TRAPS a été jetée « à la trappe » par les journaux médicaux en me disant que c’était n’importe quoi et non basé sur des preuves ou des recommandations connues ! Et pour cause.

Une histoire familiale frappante. Les mêmes tiques donnent trois maladies chroniques différentes La jeune femme qui a présenté une forme sévère de maladie de Behçet avec méningite et encéphalite à répétition, poussées de fièvre à 40 °C régulières, atteintes articulaires, oculaires, digestives associées à des aphtes buccaux et génitaux était âgée de 23 ans et était tombée malade dans l’enfance à l’âge de 9 ans, après avoir été piquée par des tiques pendant ses vacances d’été. Elle avait présenté un volumineux érythème. Un mois plus tard, elle avait été hospitalisée en réanimation pédiatrique à Garches pour une méningo-encéphalite dont on n’avait pas trouvé la cause à l’époque et qui avait été soignée comme une possible méningite tuberculeuse

non prouvée. Le traitement antituberculeux contient de la rifampicine, active sur les borrélies, ce qui l’a probablement guérie sur le moment. J’ai appris par la suite que deux de ses sœurs présentaient aussi une maladie chronique, l’une une polyarthrite rhumatoïde séronégative (c’est-à-dire sans facteur rhumatoïde, le marqueur officiel de la maladie), suivie en rhumatologie, et l’autre un syndrome de fatigue chronique avec fibromyalgie. Sa maman me dit alors que les trois sœurs étaient tombées malades en même temps dans l’enfance et qu’on leur avait retiré des tiques deux semaines avant le début de leurs maladies. Pendant que la première sœur était hospitalisée en réanimation pour sa méningo-encéphalite, une autre des sœurs était aussi hospitalisée à Garches, mais dans un autre service, le service de chirurgie orthopédique pédiatrique pour une ostéomyélite aiguë du tibia. Le chirurgien l’avait opérée. L’analyse de l’os avait retrouvé une inflammation mais n’avait pas retrouvé les lésions habituelles d’ostéomyélite et on n’avait pas pu isoler de bactérie en culture. Elle a guéri sur le moment avec un antibiotique. J’étais très ému en consultant, dans les archives de l’hôpital de Garches, ces deux dossiers médicaux de leur enfance, dont le papier avait jauni. Les mêmes tiques avaient provoqué simultanément chez deux sœurs deux tableaux cliniques très différents. La troisième sœur n’avait pas été hospitalisée à cette époque, mais toutes trois ont toujours été plus ou moins malades jusqu’à l’âge adulte, et chacune a développé sa propre maladie auto-immune. J’ai traité la maladie de Behçet, en échec des traitements classiques (méningites récurrentes malgré de fortes doses de dérivés de la cortisone et colchicine) par antibiotiques et hydroxychloroquine. Après une exacerbation initiale extrêmement violente des symptômes qui a duré des semaines (douleurs atroces nécessitant de la morphine et somnolence extrême avec des durées

de sommeil de dix-huit heures par jour), elle a guéri en quelques mois et n’a toujours pas rechuté quinze ans après l’arrêt du traitement, sauf épisodes de fatigue ou de douleurs articulaires discrètes. Je pensais naïvement que cette histoire époustouflante sur le plan médical allait susciter au minimum l’intérêt de mes collègues, mais les commentaires des relecteurs du journal médical qui a refusé la publication m’ont fait peine tellement ils volaient bas.

Mon expérience des traitements des « crypto-infections » Le traitement n’est pas un long fleuve tranquille En accumulant l’expérience au fil des années, je me suis rendu compte que j’améliorais 80 % de mes malades. L’action bénéfique n’était souvent pas évidente au début et seulement 20 % des malades guérissaient rapidement.

Les « herx » ou exacerbations Les trois quarts des malades passent par des phases d’exacerbation des symptômes (réaction de Jarisch-Herxheimer) plus ou moins longues, de quelques jours à quelques semaines, voire quelques mois, avant de s’améliorer. Le plus souvent, l’évolution est irrégulière avec des phases d’aggravation alternant avec des phases d’amélioration. Ces « yoyos », comme je les appelle, peuvent durer des mois dans certains cas. Dans le scénario

le plus fréquent, les poussées deviennent moins fortes et moins fréquentes avant de disparaître progressivement. Malheureusement, beaucoup de malades (et surtout leur entourage familial ou leur médecin) ne comprennent pas ou n’acceptent pas ce phénomène et abandonnent. Ces exacerbations sont parfois d’une violence extrême, donnant au malade l’impression qu’il va mourir. J’en connais beaucoup qui, pourtant prévenus, ont paniqué et appelé le SAMU. Le résultat habituel est qu’ils attendent quelques heures dans un service d’urgence avant d’atterrir en psychiatrie. Une fois passé ce cap, beaucoup de malades s’améliorent au fil du temps. Il est capital de toujours informer le malade, ses proches et son médecin que les exacerbations sont très fréquentes et que, dans certains cas, elles peuvent être d’une violence inouïe. Heureusement dans la majorité des cas, elles restent tout à fait supportables, mais il vaut mieux préparer le malade au pire. La plupart des exacerbations ne font pas courir de risque au malade ; c’est un mauvais moment à passer, mais qui peut revenir. Je conseille toujours aux malades de ne jamais introduire deux nouveaux médicaments ou plantes le même jour car cela peut augmenter la force de la réaction et, après, on ne sait pas quel produit était en cause. Il ne faut ajouter un deuxième produit qu’après quelques jours, voire quelques semaines de recul, le temps de vérifier que le premier produit est bien supporté. Il faut toujours avoir en tête qu’une exacerbation peut survenir dès le premier jour du traitement, parfois dans les heures qui suivent, mais peut être différée d’une, deux, voire trois semaines. La réaction habituelle d’un médecin quand le malade s’aggrave brusquement au bout de trois semaines est de lui dire : « On arrête tout, vous voyez bien que ça ne marche pas et que la piste infectieuse n’est pas la bonne ! » Et pourtant, c’est tout le contraire, ça montre que ça marche très bien.

Je recommande aussi aux malades qui travaillent ou aux étudiants qui passent des examens de ne pas commencer quelques jours avant des réunions professionnelles majeures ou un examen. Ils risquent d’être incapables de faire face et des échecs de ce type peuvent compromettre leur carrière. Il faut être très prudent dans les cas suivants : épilepsie, dépression, paralysies incomplètes, troubles oculaires importants, troubles du rythme cardiaque, etc. Le traitement peut déclencher dans les premiers jours une crise d’épilepsie (c’est ennuyeux au volant), aggraver la dépression avec risque d’idées suicidaires, aggraver des paralysies qui deviennent transitoirement complètes, entraîner une chute brutale de la vision, voire une cécité transitoire, déclencher une arythmie grave. Dans tous ces cas, je ne commence le traitement antibiotique qu’après que le malade a vu son spécialiste d’organe pour avoir son autorisation et pour renforcer un traitement antiépileptique, antidépresseur ou antiarythmique par exemple. En cas d’atteinte oculaire sévère, je demande au malade après avis de son ophtalmologiste d’avoir sur lui des corticoïdes à prendre en cas d’urgence si problème, pour diminuer l’inflammation de l’œil. Lorsque ces problèmes sont anticipés, tout se passe bien. En cas de grande angoisse de la part du malade ou du médecin, le démarrage du traitement peut être fait à l’hôpital sous surveillance rapprochée. J’ai rarement observé, mais cela est possible, des réactions d’exacerbation biologiques, véritables « herx » biologiques avec en particulier la montée rapide et forte des transaminases en début de traitement. Ça redescend plus ou moins rapidement après l’interruption du médicament en cause. Dans des cas où le malade avait repris, de lui-même, le même médicament un peu plus tard dans l’évolution, ce que je n’aurais jamais osé prescrire pour ne pas prendre de risque, j’ai eu la surprise de voir que les transaminases

ne remontaient que faiblement à la réintroduction puis se normalisaient, montrant que cette réaction biologique transitoire n’était pas en lien avec un effet toxique du médicament. Pour les patients qui ont des lymphocytes diminués avant le début du traitement, leur nombre baisse souvent un peu au début du traitement puis remonte, parfois des mois plus tard. La remontée des lymphocytes dans le sang annonce très souvent l’arrivée prochaine de l’embellie clinique et la diminution importante des symptômes. C’est comme les primevères qui annoncent le printemps. La disparition des symptômes peut être complète mais tous n’ont pas cette chance, surtout quand la maladie est très ancienne. Il peut persister un fond de symptômes irréductibles. Certains s’estiment presque complètement guéris mais décrivent très bien des poussées de leurs symptômes de temps en temps, qui peuvent durer quelques jours. Chez la femme, la maladie est souvent rythmée par le cycle menstruel avec des poussées au moment des règles. La maladie se calme souvent pendant la grossesse mais a tendance à exploser après l’accouchement. Si l’on se contente d’un traitement antibiotique simple pendant quelques mois, beaucoup de patients guérissent ou s’améliorent mais l’énorme problème est qu’au moins 80 % vont rechuter un jour ou l’autre. Le délai de rechute après la fin du traitement est très variable, pouvant aller de trois jours à trois mois ou à trois ans ! Un grand stress, une grippe, un changement important de température ou une nouvelle piqûre de tique peuvent déclencher une rechute.

Quelques causes d’échec Dans mon expérience, les échecs complets des traitements d’épreuve sont rares et il s’agit vraisemblablement d’autres

maladies. Dans ce cas, le malade ne ressent aucune amélioration ni aggravation. Il est important d’apprendre au patient qu’une aggravation n’est pas un échec, mais est au contraire « bon signe ». Beaucoup ne le comprennent pas et ne veulent pas accepter cette idée. J’ai pu identifier plusieurs causes d’échec. La première, c’est le malade qui a absolument besoin d’avoir une preuve irréfutable de son diagnostic pour se décider à accepter un traitement. Dans ce cas, je lui propose de revenir dans quinze ans pour voir s’il y a quelque chose de nouveau dans les tests diagnostiques ! La deuxième, c’est le malade qui refuse d’accepter de s’aggraver avant de s’améliorer. La troisième, c’est le malade qui accepte les exacerbations initiales, mais qui, après trois yoyos dans l’évolution cyclique des symptômes, craque et n’y croit plus. La quatrième, c’est le malade dont l’entourage, familial, médical ou professionnel, ne croit absolument pas à la maladie de Lyme chronique et exerce sur lui un harcèlement permanent pour qu’il ne prenne pas de traitement anti-infectieux et qu’il aille consulter ailleurs. J’appelle ces échecs « psycho-socio-familiaux ». La cinquième, ce sont les personnes vivant seules, surtout s’il y a des enfants à charge, qui doivent impérativement travailler pour faire bouillir la marmite et courir entre le travail, les devoirs des enfants, les courses, la crèche et l’école. Pour peu que les traitements entraînent des exacerbations obligeant à se reposer de longues périodes, leur vie devient impossible et elles arrêtent tout traitement. Cela est encore pire quand le conjoint, la famille ou la belle-famille traitent le patient de fainéant et de malade imaginaire et refusent toute aide. Avec le recul, beaucoup de malades qui ont vécu cette incompréhension de l’entourage disent que c’est ce qu’il y a de plus

difficile à vivre, souvent plus difficile que la fatigue ou les douleurs permanentes auxquelles ils peuvent s’habituer.

Comment traiter les « crypto-infections » dans un contexte de « terra incognita » dû à l’absence de recherches ? Les effets d’anti-infectieux très variés sur la maladie de Lyme, une maladie réputée purement bactérienne Les « recettes thérapeutiques » que s’échangent les « cryptoinfectiologues » à travers le monde paraissent totalement irrationnelles vues de l’extérieur. D’autant plus que les médecins compétents dans le domaine ne peuvent pas publier leur expérience. Pourquoi utilise-t-on non seulement des antibiotiques actifs sur les borrélies, mais aussi des anti-infectieux variés, dont des antiparasitaires et des antichampignons ? Ces médicaments agissent vraisemblablement par leur efficacité contre des infections associées aux borrélies, surtout des parasites. Ces stratégies reposent sur des travaux scientifiques réalisés en laboratoire et dans certains cas sur des publications d’études cliniques. J’ai publié en 2015, dans La Presse médicale, une revue des articles médicaux traitant de ce sujet. Plusieurs antipaludiques sont très actifs chez les malades atteints de Lyme chronique ou de maladies apparentées. ® ® L’hydroxychloroquine (Plaquenil ), la méfloquine (Lariam ), l’atovaquone-proguanil (Malarone®), l’artémisine et surtout

l’Artemisia annua, la plante dont est extrait le médicament. Ces antipaludiques provoquent souvent des « herx » très violents, mis à tort sur le compte d’« effets secondaires » du médicament. En effet, ces exacerbations disparaissent progressivement, laissant la place à une nette amélioration clinique. Il est pour moi hautement probable que les voyageurs qui prennent des traitements préventifs du paludisme et qui subissent des « effets indésirables » sont des personnes « lymées » ou « crypto-infectées » qui s’ignorent. L’effet secondaire le plus connu est la dépression induite par la méfloquine. J’ai le souvenir d’une jeune mariée partie sous les tropiques en voyage de noces qui a pleuré pendant tout le séjour sous les cocotiers. Il faut donc être très prudent chez les malades déprimés, car la méfloquine peut induire des idées suicidaires. Dans ce cas, une prise en charge psychiatrique s’impose avant de commencer un tel traitement. En France, l’interdiction récente de commercialiser la plante Artemisia annua pose un réel problème pour certains malades atteints de « crypto-infections », car cette plante a souvent un effet remarquable. Cette interdiction fait suite à un décès chez une personne souffrant d’un paludisme, qui au lieu de consulter un médecin pour se faire prescrire de l’artémisinine, le médicament chimique dérivé de la plante Artemisia, à la dose recommandée pour cette maladie potentiellement mortelle, ou un autre médicament actif et recommandé, a stupidement préféré s’automédiquer dans son coin en prenant une dose insuffisante d’Artemisia. C’est comme si on avait interdit la pénicilline parce qu’un malade était mort d’une infection sévère pour s’être automédiqué avec une dose insuffisante ! En fait ce cas était un prétexte. Un lobbying actif de l’industrie pharmaceutique auprès d’instances internationales veille à l’interdiction de l’utilisation de la plante, pour protéger le brevet de

l’extrait chimique commercialisé, l’artémisinine. Pourtant, dans la médecine traditionnelle, la plante entière semble plus active, agir sur d’autres infections et ne pas sélectionner de résistance. L’hydroxychloroquine a, en plus de ses propriétés antiparasitaires qui peuvent agir contre les Babesiae, des propriétés antibactériennes méconnues. Des chercheurs norvégiens ont montré que ce médicament était directement actif sur Borrelia burgdorferi. De plus, l’hydroxychloroquine contribue à la destruction de bactéries phagocytées (c’est-à-dire « mangées ») par les globules blancs. Normalement une bactérie est détruite à l’intérieur des globules blancs. Cependant, les bactéries dites « intracellulaires » peuvent souvent survivre à l’intérieur du globule et peuvent même s’y multiplier. C’est le cas par exemple de la tuberculose ou de la fièvre Q. Pour ces deux maladies bactériennes, il a été montré que l’hydroxychloroquine favorisait la destruction des bactéries à l’intérieur des globules blancs. Cet effet renforce considérablement l’effet des antibiotiques. Le même phénomène est observé avec la maladie de Lyme chronique. L’hydroxychloroquine, même utilisée seule, déclenche trois fois sur quatre une exacerbation parfois forte des signes et symptômes. C’est pourquoi je commence toujours ce traitement à petite dose (100 milligrammes par jour pour un adulte) et ne donne au long cours qu’une dose faible (200 milligrammes par jour) car ce médicament anti-infectieux très puissant se concentre plus de mille fois dans les petites vésicules qui contiennent les bactéries à l’intérieur du globule blanc, les phagolysosomes. Curieusement, ce médicament est très utilisé par les internistes, les rhumatologues, certains dermatologues, neurologues et pneumologues pour soigner diverses maladies autoimmunes. Dans la version officielle, ce médicament agit comme un « anti-inflammatoire » ou un « immuno-modulateur ». La dose

officielle étant forte (deux à trois comprimés à 200 milligrammes par jour), la moitié des malades arrêtent rapidement le traitement pour « effets secondaires » qui sont des « herx » méconnus. Je ne détaillerai pas tous les traitements ici car, bien qu’efficaces, ils ne sont pas validés par des protocoles de recherche officiels. Dans certains cas, ce sont des découvertes fortuites de la part de certains malades. Ainsi, une malade alsacienne que je voyais régulièrement en consultation et qui présentait des douleurs chroniques pénibles le long de la colonne vertébrale m’appelle un jour pour me faire part de sa « découverte ». Ses petits enfants avaient attrapé des oxyures, ces petits vers blancs que l’on voit remuer dans les selles et qui démangent l’anus. Ayant été ellemême contaminée, elle acheta chez son pharmacien du ® flubendazole (Fluvermal ), antiparasitaire vermifuge bien connu. Normalement pour les oxyures, un seul comprimé suffit et l’on conseille d’en prendre un second à distance pour éviter les rechutes. Il y a six comprimés dans la boîte. N’ayant pas fait attention à la notice, elle prit un comprimé par jour pendant six jours. Elle constata que, pendant cette prise de flubendazole, ses douleurs dorsolombaires avaient nettement régressé. D’elle-même, sans en parler à son médecin, elle reprit une cure de six jours de flubendazole de temps en temps, et constata que les signes de sa maladie chronique s’estompaient rapidement. Lorsqu’elle me fit part de sa constatation, j’étais très dubitatif car je ne parvenais pas à trouver une explication plausible. Je lui disais que, si cela lui permettait de guérir, je n’étais pas contre qu’elle prenne une cure de quelques jours de temps en temps, mais pas plus d’une fois par mois car, même si ce médicament semble être très anodin et qu’on peut en donner aux nourrissons, il n’y a aucune donnée disponible sur sa prise au long cours.

Revoyant peu de temps après une malade qui présentait une des formes les plus sévères et les plus rebelles que j’ai été amené à traiter, elle me demanda s’il y avait des pistes nouvelles pour le traitement. Je lui proposais d’essayer le flubendazole pendant six jours pour voir s’il y avait une réaction. Elle m’appela au deuxième jour de la prise du médicament pour me signaler que le flubendazole avait provoqué une « explosion » de ses signes et symptômes de Lyme chronique. Les érythèmes migrants multiples qu’elle avait eus vingt ans auparavant et son arthrite du genou ancienne qui avait marqué le début de sa maladie étaient revenus en force, comme par enchantement. Je lui demandais de passer tout de suite à l’hôpital et j’ai pu constater cette réémergence d’érythèmes migrants énormes et de l’arthrite sous l’effet d’un banal vermifuge. J’ai fait biopsier le jour même un érythème migrant afin d’y faire rechercher des microbes mais les analyses sont restées négatives. Depuis, j’ai pu constater à de nombreuses reprises cet effet du flubendazole qui provoque souvent des exacerbations lors de la première cure puis qui contribue par la suite à l’amélioration clinique. Je me suis alors souvenu d’un enfant qui avait guéri d’une forme aiguë de maladie de Lyme sous antibiotique et qui avait rechuté quelques mois plus tard dans les jours qui avaient suivi une prise de flubendazole que sa maman lui avait donné car il avait des oxyures. Cette action du flubendazole n’est pas connue ni étudiée. Elle est impossible à publier car les parasitologues disent que c’est impossible, d’autant plus que ce médicament est connu pour être peu absorbé dans le corps. Et pourtant ça marche ! Je partage maintenant cette expérience du flubendazole avec de nombreux médecins « cryptoinfectiologues » en France et à l’étranger. Mon hypothèse est que des bactéries résiduelles de la maladie de Lyme survivent à l’intérieur de parasites et qu’un traitement antiparasitaire fait sortir le

loup du bois. Dans le domaine de la médecine tropicale, ces interactions bactéries-parasites sont connues, l’exemple le plus typique étant celui de la fièvre typhoïde et de la bilharziose. Les salmonelles, bactéries responsables de la fièvre typhoïde, sont capables chez un malade de survivre au traitement antibiotique en se cachant dans les bilharzies qui sont des vers vivant dans le sang des malades. En dehors de la maladie de Lyme et des maladies apparentées, j’ai déjà pu constater que des situations cliniques inexpliquées pouvaient réagir sous antiparasitaire donné à titre de traitement d’épreuve. Ainsi, un patient africain qui était traité pour une tuberculose avait des ganglions près du foie et du rein droit qui ne régressaient pas avec les antituberculeux. Son rein droit ne fonctionnait plus du tout depuis plusieurs mois et son exérèse chirurgicale était programmée. L’échographie abdominale montrant un épaississement de l’intestin grêle, cela me rappela un aspect compatible avec une parasitose digestive. Les examens ne permirent pas de mettre en évidence de parasite. En accord avec le malade, je tentais avant l’ablation du rein un traitement d’épreuve avec un antiparasitaire, l’albendazole. Oh ! surprise, trois jours après le début du traitement, il se mit à uriner du sang puis le rein droit se remit à fonctionner normalement ! Il est maintenant guéri. Il y a quelques années, un agriculteur des Pyrénées qui n’avait jamais voyagé présentait une forme sévère de maladie de Lyme, en partie rebelle à beaucoup de traitements qu’il avait pris. Il présentait depuis des années des lésions bizarres de la peau avec un épaississement de la paume des mains qui se crevassait de temps en temps. Il avait également un kyste bénin inexpliqué en regard d’une côte. Il avait consulté tous les dermatologues de la région, y

compris au centre hospitalier universitaire, mais personne ne put établir de diagnostic. Il me raconta qu’il connaissait des bergers de sa région qui présentaient les mêmes lésions. Ayant déjà reçu beaucoup d’antibiotiques, je me demandais s’il ne pouvait pas s’agir d’une parasitose. Je lui proposais une cure courte de différents antiparasitaires dont un traitement de quatre jours par l’ivermectine. Lors de la prise de ce médicament, normalement destiné à traiter des parasitoses tropicales, il subit une réaction d’exacerbation extrêmement violente de tous ses symptômes, notamment les douleurs diffuses et la fatigue. Il fut cloué au lit par la réaction. Le kyste que l’on palpait sous la peau devint douloureux et doubla de volume. Je lui demandai de le faire enlever pour l’analyser mais on ne trouva rien dedans. Dans les jours qui suivirent la cure d’ivermectine, il se sentit dans une forme olympique et ses lésions cutanées des mains disparurent. Malheureusement, il rechuta quelques semaines plus tard, à part ses lésions cutanées qui ne revinrent qu’occasionnellement sous forme très atténuée. Depuis et cela fait plusieurs années, il prend une cure de quatre jours d’ivermectine de temps en temps, car c’est un des rares médicaments qui lui permette de tenir le coup sur le long terme. Cette prise intermittente de quelques jours de médicaments actifs fait partie de la stratégie à la phase d’entretien du traitement des Lyme chroniques. On a souvent recours à des traitements séquentiels de différentes molécules, données en petites cures de quelques jours chacune, par rotation. Certains antibiotiques ayant aussi des propriétés antiparasitaires, le métronidazole et le tinidazole sont très actifs sur les formes kystiques persistantes des borrélies. Des antichampignons sont souvent efficaces, comme le fluconazole ou la griséofulvine. L’activité du fluconazole sur les formes persistantes de Borrelia burgdorferi vient d’être démontrée

en 2015 au laboratoire par Zhang. Il est rassurant que l’on montre maintenant cette activité in vitro, car cela fait des années que les « crypto-infectiologues » utilisent le fluconazole dans le traitement du Lyme chronique. Initialement, c’était un médecin allemand, lui-même gravement malade avec des paralysies, qui, après avoir mangé beaucoup d’antibiotiques, développa une candidose buccale, du « muguet ». Il prit du fluconazole en tant qu’antichampignon actif sur Candida albicans. À sa grande surprise, le fluconazole l’améliora et il put sortir de son fauteuil roulant. Une étude clinique fut réalisée et publiée en 2004 par Schardt, montrant le bénéfice dans le traitement du Lyme chronique. J’ai toujours été étonné de voir que tous les dérivés imidazolés, qu’ils soient antibactériens, antiparasitaires ou antichampignons, pouvaient avoir un effet bénéfique chez les malades. Quand tout se passe bien, ce qui est la majorité des cas, on peut poursuivre ces traitements séquentiels non antibiotiques quelques jours par mois chacun pendant quelques mois. Cela évite une éventuelle toxicité au long cours et de contribuer à la sélection de résistances bactériennes. Certains malades présentent une maladie de Lyme tout à fait superposable à une maladie auto-immune typique. Un de mes collègues m’a avoué avoir vu un jeune homme atteint de sclérose en plaques guérir grâce à un traitement antibiotique prolongé plusieurs mois. Son dermatologue lui avait prescrit une petite dose de doxycycline au long cours pour de l’acné. Le traitement de l’acné a guéri sa sclérose en plaques ! Le traitement anti-infectieux du Lyme guérit parfois complètement la maladie auto-immune, mais assez souvent ce traitement apporte une amélioration incomplète. Cela est en faveur d’autres facteurs dans l’entretien de la maladie. Il pourrait s’agir de virus pour lesquels nous n’avons pas de traitements

actuellement ou d’autres facteurs génétiques, inflammatoires ou auto-immuns. Nous verrons que les plaques du cerveau ou de la moelle épinière des malades atteints de sclérose en plaques contiennent le sixième virus herpétique dénommé HHV-6. Une publication récente montre aussi le lien entre sclérose en plaques et présence d’un variant du virus d’Epstein-Barr, l’agent de la mononucléose infectieuse. Dans les cas compliqués de maladies auto-immunes, les meilleurs résultats peuvent être obtenus quand on peut travailler de façon intelligente et synergique avec le spécialiste de la maladie (un neurologue dans le cas de la sclérose en plaques, un rhumatologue dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde, etc.) qui peut proposer de nouveaux traitements actifs sur certains processus de la maladie. L’approche infectieuse avec l’hypothèse de « crypto-infections » ne doit pas s’opposer à l’approche classique qui s’attaque à la maladie sous un autre angle, y compris par immunodépresseurs quand il n’y a pas le choix. Cela est valable pour toutes les spécialités médicales mais ça nécessite une ouverture d’esprit de la part du spécialiste d’organe ou de l’interniste. Je tiens à saluer le professeur Olivier Lyon-Caen, éminent neurologue spécialiste de la sclérose en plaques à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, car c’est un des rares professeurs de spécialité qui se posent des questions. Il m’envoyait de temps en temps des malades en consultation quand il hésitait entre Lyme et sclérose en plaques.

La part de l’environnement et des tiques dans la genèse des « crypto-infections » Beaucoup de maladies auto-immunes démarrent après promenade en forêt ou piqûre de tique Maintenant que j’ai accumulé de l’expérience sur beaucoup de maladies auto-immunes et sur la maladie de Lyme, je cherche systématiquement l’exposition vectorielle possible. J’ai vu lupus, polyarthrite rhumatoïde, sclérose en plaque, etc., démarrer après un camping, un camp scout, une randonnée ou une cueillette de muguet ou de champignons. J’observe beaucoup de pathologies thyroïdiennes chez les malades ayant un Lyme chronique. Je me demande si le grand nombre de personnes qui se plaignent d’être atteintes de thyroïdite, voire de cancer de la thyroïde après la consommation de champignons ramassés en forêt et qui désignent comme coupable le nuage radioactif de Tchernobyl ne présentent pas plutôt un Lyme ou autre « crypto-infection » attrapés lors des nombreuses cueillettes en forêt. Un malade avait contracté une maladie de Still hypersévère après une promenade en forêt, que j’avais guéri par anti-infectieux. Je l’avais mis en garde contre les tiques, mais trois ans plus tard, en vacances dans la forêt des Vosges, il ne put résister à l’envie de se baigner dans un lac au milieu de la forêt. L’endroit était paraît-il magnifique avec une cascade naturelle et des fougères brillant dans le soleil. Quinze jours après cette escapade en forêt, il a rechuté de sa maladie avec à nouveau tous les critères d’une maladie de Still grave. Un jour, j’ai vu une malade qui voulait poursuivre en justice un grand professeur de médecine interne parisien qui la suivait pour un lupus. Elle était

choquée a posteriori car ce médecin ne lui avait pas demandé les circonstances du début. Elle avait eu une piqûre de tique dans le nombril, entourée par la suite d’un érythème migrant, avant de développer son lupus.

Heureux pachydermes Je me prends à rêver d’avoir la peau dure, non seulement pour résister aux attaques de personnes anti-Lyme chronique, mais aussi parce que m’est venue une réflexion en pensant à nos amies les tiques. Tous les animaux qui vivent dans la nature sont rapidement atteints par les maladies à tiques et vieillissent prématurément en devenant rhumatisants. Même le lion, le roi des animaux, finit par fatiguer, perdre ses poils, sa libido et à avoir un jour du mal à courir. Ça changera peut-être le jour où l’on traitera les lions par phytothérapie et où les chirurgiens leur mettront des prothèses de hanche en os d’antilope. Qui vit centenaire dans la nature ? Les animaux à peau épaisse : éléphants, rhinocéros, etc. Pourtant on retrouve des tiques sur eux et des maladies à tiques sont rapportées. Mais peut-être que leur revêtement réduit les risques. Ils semblent être bien davantage victimes des braconniers. On devrait financer de la recherche pour se greffer des peaux d’éléphants, de préférence sans la trompe ni les oreilles pour ne pas être chassés ! Les animaux ont d’autres moyens de défense. Un lézard très répandu en Californie est une proie très courue pour les nymphes de tiques. Le sang de ce lézard contient une protéine capable de tuer les borrélies. Du coup, les tiques adultes sont très peu infectées. Pensez à toujours avoir un lézard californien sur vous !

Des syndromes chroniques inexpliqués qui démarrent après des infections graves En plus des syndromes chroniques apparaissant classiquement après des infections virales chroniques ou capables de devenir chroniques comme les infections à virus d’Epstein-Barr (EBV, l’agent de la mononucléose infectieuse), à cytomégalovirus (CMV) ou liées aux virus des hépatites virales B ou C, il apparaît maintenant que des syndromes chroniques comparables peuvent apparaître après diverses infections aiguës non connues pour être persistantes. Ces syndromes chroniques associent habituellement une grande fatigue, un syndrome fibromyalgique avec des douleurs musculaires ou articulaires et, dans certains cas, diverses manifestations ressemblant à des troubles auto-immuns divers et variés. Cela s’observe parfois après une légionellose. Il existe d’ailleurs une association des victimes de la légionellose dont les membres se plaignent de graves soucis de santé persistants à la suite de la maladie aiguë. Plus récemment, on a observé un grand nombre de syndromes du même type après la guérison de la maladie aiguë au cours des épidémies de chikungunya (Chik pour les intimes) ou d’Ebola. Mon hypothèse est que des « crypto-infections » qui dorment tranquillement dans l’individu peuvent se réveiller à l’occasion de la maladie infectieuse aiguë. Il est intéressant de noter que, d’après nos collègues de la Réunion, l’hydroxychloroquine, puissant antiinfectieux à large spectre, s’est avérée efficace dans beaucoup de cas de syndromes chroniques post-Chik. J’ai regretté que nos collègues rhumatologues et internistes aient préféré utiliser, pour traiter ces syndromes post-Chik, un immunodépresseur, le méthotrexate.

À Garches où sont suivies de nombreuses personnes ayant été victimes en France de la poliomyélite dans les années 1950 et le début des années 1960, mes collègues neurologues rééducateurs suivent de nombreux cas de « syndrome postpolio ». Ce sont des personnes qui avaient guéri de l’infection en gardant des paralysies séquellaires discrètes et dont les paralysies se réactivent avec le vieillissement des décennies plus tard. La cause est inconnue. Des « crypto-infections » se développant avec l’âge pourraient-elles favoriser la dégradation de l’état nerveux fragile ?

Tout n’est pas dû aux tiques Le rôle de co-infections inapparentes par des microbes non transmis par des tiques est plus que vraisemblable. Par exemple, au moins 50 % des Français, qui adorent manger de la viande rouge ou du steak tartare, hébergent à vie des toxoplasmes (Toxoplasma gondii) dans le système nerveux, notamment dans le cerveau et dans les muscles. Les Américains qui mangent habituellement leur viande bien cuite ne sont qu’environ 22 % à héberger ces charmants parasites dans leur cerveau. La fréquence dépasse 90 % dans certains pays en développement. Cela dit, comme nous nous américanisons dans nos comportements alimentaires, la fréquence de la toxoplasmose est en baisse chez les jeunes Français. On ne peut pas tout avoir, l’obésité et la toxoplasmose ! On dit classiquement que le toxoplasme dort et n’entraîne aucune conséquence (sauf chez la femme enceinte, en raison de l’infection congénitale qui s’attaque au fœtus), mais que sait-on réellement ? En cas d’immunodépression profonde, le toxoplasme se réveille et provoque des complications graves. Les abcès du cerveau à toxoplasme se voyaient malheureusement au quotidien pendant

l’épidémie de sida, avant les trithérapies antirétrovirales efficaces. Deux publications suédoises récentes montrent cependant que, chez des sujets en bonne santé, le fait d’être infecté par le toxoplasme multipliait le risque de tentative de suicide par sept. Ça ne veut pas dire que le toxoplasme est l’agent du suicide, mais cela est probablement le reflet que le toxoplasme, lors de ses cycles de survie, contribue avec d’autres facteurs à une inflammation épisodique ou un dérèglement passager de certaines fonctions dans le système nerveux et que, si l’on a d’autres raisons de vouloir se suicider, ça favorise le passage à l’acte. Parmi les infections bactériennes, la fièvre Q due à Coxiella burnetii est un exemple bien connu d’infection qui peut devenir chronique et entraîner des ennuis de santé graves, notamment par atteinte des valves du cœur. Cette bactérie, surtout présente dans le placenta des animaux infectés, notamment des animaux domestiques ovins, caprins ou bovins, est surtout transmise à l’homme par inhalation de poussière ou aérosol de fumier contaminés, plus rarement par piqûre de tique. En cas de grand vent, les spores de coxielles peuvent être transmises des kilomètres plus loin ! Les Pays-Bas, pays très venteux (ce n’est pas par hasard qu’il y a plein de moulins à vent), en ont fait la douloureuse expérience, après avoir développé de façon massive les fermes usines entassant des milliers de bêtes. Les habitants qui vivent sous le vent de ces fermes connaissent des épidémies de fièvre Q. Ça fera du boulot pour les chirurgiens cardiaques dans quelques années. Dans le midi de la France, toute une partie de la population héberge des Leishmaniae, parasites protozoaires transmis par un moucheron piqueur, la simulie. Le réservoir est surtout constitué par les chiens qui sont massivement infectés de Montpellier à Nice en

passant par Marseille. La plupart des personnes infectées ne sont pas malades. Là encore, au cours de l’épidémie de sida, on voyait régulièrement des malades avec des leishmanioses graves, car l’immunodépression permettait le réveil des parasites. Ces leishmanies sont-elles endormies tout le temps chez tout le monde ? Certains virus très répandus dans la population restent à vie dans l’organisme après l’infection initiale. Ainsi les virus de l’herpès dit simplex (HHV-1 et HHV-2), le virus de la varicelle qui peut se réveiller en donnant un zona (VZV), le virus d’Epstein-Barr (EBV) agent de la mononucléose infectieuse, le cytomégalovirus (CMV) et le sixième virus herpétique humain (HHV-6). Dans certaines circonstances, quelques-uns de ces virus peuvent être impliqués dans des maladies chroniques chez l’homme. On sait que la primo-infection à EBV ou à CMV affaiblit beaucoup les défenses immunitaires pendant une période limitée, et cela peut être parfois le point de départ de maladies chroniques. L’EBV, lorsqu’on l’attrape dans la première année de vie et que l’on vit en Afrique dans certaines régions fortement contaminées par le paludisme, induit une forme de cancer, le lymphome de Burkitt. Cet exemple démontre que des microbes très différents peuvent former des « associations de malfaiteurs » pour déclencher ou entretenir des maladies graves, y compris cancéreuses. D’ailleurs, au cours de la mononucléose infectieuse due à l’EBV, il vaut mieux éviter, sous peine de se faire peur, de prélever les ganglions lymphatiques qui deviennent souvent très gros au cours de cette maladie. En effet, au microscope, on observe dans les ganglions de mononucléose la présence de cellules de Sternberg, caractéristiques d’un lymphome malin, la maladie de Hodgkin. Les plaques du cerveau des malades atteints de sclérose en plaques sont souvent remplies d’inclusions de HHV-6. Ce virus est-il

un cofacteur de la maladie ? Les neurologues affirment habituellement le contraire en disant qu’il se fixe dans les plaques en raison des perturbations tissulaires locales, mais qu’il ne fait que passer par là sans être impliqué et que les virus se sont arrêtés là parce qu’il y avait de la lumière. Ça me rappelle les commentaires des gastro-entérologues sur l’Helicobacter pylori dans l’ulcère de l’estomac ou sur Mycobacterium avium subspecies paratuberculosis dans les lésions de la maladie de Crohn ! Le virus VZV, responsable de la varicelle, persiste dans l’organisme toute la vie et peut se réveiller chez certaines personnes pour donner un zona. Ce virus VZV a un tropisme pour nos artères. C’est ainsi que l’on observe de rares cas d’accidents vasculaires cérébraux au cours d’un zona contigu de l’artère carotide. Ce virus VZV a aussi été soupçonné par Gilden de favoriser le déclenchement d’une artérite temporale à cellules géantes, connue sous le nom de maladie de Horton. On sait que les mycobactéries, notamment le bacille de la tuberculose, peuvent persister dans nos artères et leur rôle a aussi été soupçonné dans la maladie de Horton, ainsi que dans une vascularite très sévère pouvant toucher l’aorte, la maladie de Takayasu. J’ai ainsi le souvenir d’une femme qui avait été opérée de l’aorte pour une maladie de Takayasu et dont la paroi artérielle était remplie de bacilles de la tuberculose au microscope. Il y a eu, à une période, beaucoup d’engouement pour la cause bactérienne de l’athérosclérose responsable, notamment, de l’infarctus du myocarde. On a incriminé la bactérie Chlamydia pneumoniae, habituellement responsable de pneumonie aiguë, et dont le portage chronique dans les bronches peut être un facteur important d’asthme chronique chez l’enfant. Quand on injecte cette bactérie par voie intraveineuse à certains animaux, ils développent rapidement des plaques d’athérome dans leurs artères. Des essais de traitement de

l’athérosclérose par un antibiotique ont été menés mais n’ont pas permis de conclure. En effet, il semble peu probable qu’un antibiotique utilisé seul sur des périodes limitées puisse avoir une chance de faire régresser des plaques d’athérome anciennes, bourrées de biofilms. Cependant, il a été montré chez l’animal qu’un antibiotique, la doxycycline, empêchait la formation d’anévrismes de l’aorte ou réduisait leur progression. L’anévrisme correspond à une dilatation anormale de l’artère, conséquence d’une fragilisation de sa paroi par des lésions d’athérome. Le risque est la rupture de l’anévrisme. Une étude néerlandaise, publiée par Arnoud Meijer en 2013, a fait l’essai chez des malades ayant déjà un petit anévrisme aortique. Ils ont comparé la doxycycline à un placebo et ont conclu que la doxycycline était inefficace. Or, quand on regarde bien les résultats, on s’aperçoit que la doxycycline, contrairement au placebo, a provoqué de façon significative une augmentation modérée de la taille des anévrismes pendant la durée de l’étude avec des tests statistiques hautement significatifs. Cela signifie que la doxycycline a déclenché une réaction inflammatoire dans la paroi artérielle, vraisemblablement liée à une exacerbation par destruction de bactéries résidant dans la paroi de l’aorte. Les fluoroquinolones sont des antibiotiques qui peuvent aggraver des anévrismes, probablement, au moins en partie, par les mêmes phénomènes. Les infections chroniques par le virus de l’hépatite B peuvent favoriser des maladies auto-immunes, la plus célèbre étant la périartérite noueuse (PAN). Je ne prends pas en charge des malades atteints de PAN car c’est une maladie souvent grave nécessitant une prise en charge très spécialisée, mais je me suis posé des questions en voyant divers malades. Les quelques rares patients que j’ai vus avaient été multi-exposés à la nature et les deux fois où, devant une

suspicion de parasitose associée, j’ai prescrit pendant quelques jours un antiparasitaire (albendazole) à des malades atteints de PAN, ils ont fait une réaction d’exacerbation générale très violente avec fièvre à 40 °C et transpiration massive. Cela ne m’étonnerait pas que des parasites soient impliqués dans certaines formes de cette maladie. Pendant mon clinicat dans les années 1980, le virus de l’hépatite C n’était pas encore connu et l’on parlait d’« hépatite non A non B ». Parallèlement, les médecins internistes suivaient de nombreux malades présentant une maladie auto-immune « idiopathique », une forme de cryoglobulinémie que l’on traitait sans toujours beaucoup de succès par immunodépresseurs. Lorsque le virus de l’hépatite C (VHC) a été découvert et qu’une sérologie a été mise au point, on s’est rapidement rendu compte que ces cryoglobulinémies ne tombaient pas du ciel mais étaient bel et bien une complication de l’hépatite C. La cryoglobulinémie « idiopathique » disparaissait après traitement efficace de l’hépatite C par antiviraux. Je suis toujours heureux quand une maladie passe de la case « idiopathique » à la case « infectieuse » car ça change souvent la donne pour le malade. Quand j’étais étudiant en chirurgie digestive à Paris en 1975, il y avait encore des salles communes de quarante malades. Les chirurgiens faisaient leur visite avec un grand tablier et une vingtaine de personnes, surveillante, infirmière, externes, internes suivaient religieusement la visite du chef de clinique. La surveillantechef avait dans tous les services à l’époque, tel saint Pierre, un grand trousseau de clefs, signe absolu de son pouvoir et avait la lourde responsabilité de préparer en un clin d’œil au claquement de doigts le doigtier en plastique et la vaseline pour le sacro-saint toucher rectal (TR) auquel avaient droit tous les patients. Ceux-ci

avaient déjà eu au moins dix TR de la part de tous les étudiants et internes mais le TR du chef de clinique était un acte suprême que l’on regardait avec respect. Je ne parle même pas du TR du patron qui était fait avec le doigt du représentant du bon Dieu ! Tous les malades dans les lits à côté étaient au spectacle. J’ai le souvenir d’une pauvre jeune femme traumatisée se recroquevillant au fond de son lit. Elle présentait une maladie de Whipple, maladie chronique multiviscérale, touchant souvent l’intestin, qui à l’époque était « idiopathique » et que l’on considérait souvent comme « psychosomatique » en raison de la fréquence des troubles neurologiques et des retentissements psychiques. Certains médecins avaient pourtant observé depuis les années 1950 que l’on pouvait améliorer, voire guérir ces malades par antibiotiques mais beaucoup de chirurgiens traitaient par résection intestinale en cas de complications digestives. Une fois l’index triomphant fiché dans le derrière de la jeune femme, j’entends encore ce chirurgien déclamer tout fort dans la salle commune devant la femme terrorisée : « Messieurs, la maladie de Whipple est une forme d’hystérie qu’il faut exciser chirurgicalement ! » À l’époque, la maladie de Crohn était aussi souvent considérée comme « hystérique ». J’ai vu dans la prise en charge de cette maladie les mêmes comportements devant des femmes malades balafrées de l’abdomen par les opérations multiples. Heureusement, le patron du service, un éminent professeur de chirurgie, avait un comportement très humain avec ses malades, mais il ne contrôlait pas tout dans son service. De nos jours, on sait que la maladie de Whipple est une maladie infectieuse, dont on a isolé la bactérie responsable, Tropheryma whipplei, et qui guérit sous antibiotique. Ces cas m’ont rappelé un épisode plus récent à Garches où une femme, atteinte d’une fibromyalgie, était hospitalisée pour prise en charge d’une maladie de Lyme chronique.

En traversant le couloir, j’ai croisé un psychiatre de passage qui sortait de sa chambre et qui s’exclama, très fier de lui, devant les étudiants, les internes et l’infirmière : « La fibromyalgie est l’hystérie des temps modernes ! » Comme quoi, les vieux réflexes perdurent.

Les multiples voies de transmission des maladies infectieuses Les voies d’entrée des microbes dans l’organisme sont multiples (aérienne, digestive, transcutanée, sexuelle, transplacentaire, par injection, par contact avec certaines muqueuses, vecteurs animaux divers et variés, etc.). Même pour une maladie vectorielle comme le Lyme, essentiellement transmise par piqûre de tiques, d’autres modes de contamination sont possibles. Des cas de transmission par d’autres vecteurs ont été rapportés ou suspectés. J’ai vu une femme mannequin qui posait pour des photos de mode aux chutes d’Iguaçu à la frontière du Brésil et de l’Argentine développer des érythèmes migrants multiples sur chaque piqûre de moustique. Mais les moustiques semblent être de mauvais vecteurs. Quelques personnes sont tombées malades après avoir été piqués par des aoûtats. Des araignées, des taons, des poux ont été évoqués. Les poules sont d’excellents prédateurs des tiques et peuvent en débarrasser votre jardin. Mais ce n’est pas toujours sans risque… Gare au pou rouge des poules ! J’ai vu en consultation un couple belge habitant la banlieue de Bruxelles qui avait une petite fille de 4 ans. Tout le monde était en parfaite santé jusqu’au jour où ils décidèrent d’élever quelques poules dans leur jardin. La maman et la fille sont prises à un intervalle rapproché de terribles démangeaisons puis vont tomber gravement malades avec des poussées de fièvre associées à un cortège de douleurs et de signes

neurologiques. La petite fille qui était toujours gaie change de caractère, se met souvent à pleurer et est victime de terribles cauchemars. Ils s’aperçoivent alors que des poux rouges courent partout sur le corps des trois membres de la famille et qu’il y en a plein le poulailler. Le pou rouge est un petit vampire qui s’installe aussi bien dans les poulaillers que dans les pigeonniers. Il attaque la nuit les animaux endormis, leur suce le sang, puis se retire à nouveau. Le papa, plus résistant, n’est pas tombé malade. Les médecins, ne comprenant rien à ces symptômes et ne trouvant aucune anomalie biologique, attribuèrent tout ça à des problèmes psychiatriques. Toutes les sérologies étaient négatives. Heureusement, un médecin belge connaissant parfaitement la maladie de Lyme a fait réaliser un Elispot, test pratiqué couramment en Allemagne, mais non reconnu en France ou en Belgique, qui était très positif pour la maladie de Lyme. La maladie de Lyme peut aussi se transmettre par d’autres voies. La transmission transplacentaire est connue et les transmissions par voie sexuelle, par l’allaitement maternel ou par transfusion sont vraisemblables, mais cela n’a pas encore été évalué correctement. En 2018, la transmission materno-fœtale a été reconnue par l’Organisation mondiale de la santé (Classification internationale des maladies 12, CIM 12), mais cette reconnaissance a été annulée en décembre 2018 après l’action de lobbyistes canadiens appartenant à la Santé publique. Heureusement pour la population, il est très probable que de nombreuses personnes soient des porteurs sains de la Borrelia de la maladie de Lyme, mais aussi d’autres « cryptoinfections ». Une étude récente publiée par Aase a retrouvé des Borrelia dans le sang de personnes en bonne santé. Ces personnes infectées ne sont pas malades et contrôlent naturellement leur infection. Cependant, on sait avec d’autres exemples de maladies

infectieuses latentes, comme la tuberculose, qu’une infection dormante a la possibilité de se réveiller pour entraîner une maladie.

Liens troublants entre « crypto-infections » et certains cancers Les médecins qui s’occupent de Lyme chronique ont tous vu des observations troublantes pour lesquelles un lien entre infection chronique et lymphome malin ou cancer semble plausible. Ce lien est connu avec certains virus, mais les pistes bactériennes ou parasitaires sont moins explorées. Dans les ganglions lymphatiques, les lésions des tissus sont très proches, parfois quasiment identiques entre une maladie des griffes du chat due à une bactérie Bartonella et un lymphome malin comme la maladie de Hodgkin ou autre. Des causes bactériennes ont été identifiées dans certains lymphomes. En 2001, avec Ghez, nous avons publié une histoire troublante. Un monsieur de 40 ans était hospitalisé pour une fièvre élevée à 39 °C inexpliquée depuis au moins trois semaines. Le scanner avait trouvé une image typique de lymphome de la rate, maladie maligne qui se traite par ablation de la rate et chimiothérapie anticancéreuse lourde. Le diagnostic radiologique étant formel, un contact avait été pris avec un grand service d’hématologie parisien, et les hématologues nous ont dit que cette situation clinique était grave et qu’il fallait traiter rapidement et énergiquement son lymphome. Le malade devait être transféré au début de la semaine suivante. L’ablation de la rate était programmée en même temps qu’une biopsie de sa moelle osseuse pour rechercher une dissémination de son cancer lymphatique. Une chimiothérapie anticancéreuse d’induction était programmée dans

un second temps. Nous étions le vendredi soir et je restai avec le malade pour parler avec lui et lui remonter le moral avant la terrible épreuve qui l’attendait. Je le réinterrogeai pour être sûr de n’être passé à côté d’aucun autre indice. Je cherchais à nouveau un contact avec des vecteurs ou des animaux. Le malade eut alors un déclic et me déclara se souvenir d’avoir été griffé par un chaton quelques semaines auparavant. Ne voulant laisser passer aucune cause infectieuse possible, je décidai avec un collaborateur, en accord avec le malade, de tenter un traitement antibiotique d’épreuve pendant le week-end. Le lundi matin, le malade était tout souriant et la fièvre avait nettement régressé. Je me suis empressé d’annuler le transfert en hématologie. La confirmation d’une cause infectieuse a été obtenue par la suite car le résultat des sérologies est toujours long à revenir. Il s’agissait de la présentation clinique exceptionnelle d’une maladie des griffes du chat due à Bartonella henselae. J’ai le souvenir de deux malades atteints de fièvre ondulante et d’un syndrome poly-organique qui avaient été explorés sous toutes les coutures. Un traitement d’épreuve anti-infectieux avait été tenté. Après quelques phases d’aggravation initiale sous anti-infectieux, les malades commençaient à aller beaucoup mieux et se voyaient bientôt guérir. Ils n’avaient plus de fièvre et reprenaient du poids. À l’occasion d’une légère poussée de symptômes sous traitement, comme cela arrive couramment, sont apparus de petits ganglions. La biopsie a montré quelques cellules évocatrices d’un lymphome. J’ai dû alors passer la main aux hématologues. Dans ces deux cas, les malades sont décédés quelques mois plus tard des complications des chimiothérapies. Ces observations m’ont laissé un goût amer car j’avais la conviction profonde que leur histoire était infectieuse et qu’ils étaient en train de guérir avant le changement de

cap. J’ai beaucoup regretté à cette occasion l’absence de tests diagnostiques fiables. Helicobacter pylori, la bactérie responsable de l’ulcère gastroduodénal, est maintenant reconnu comme bactérie cancérigène. En 1994, l’OMS a classé Helicobacter pylori parmi les agents carcinogènes gastriques. Outre les adénocarcinomes de l’estomac, cette bactérie est aussi responsable d’un lymphome gastrique, appelé MALT, comme l’a publié Delchier en 2003. Des collègues parisiens ont aussi montré avec Marc Lecuit le lien entre un cousin d’Helicobacter, Campylobacter jejuni, et une maladie immunoproliférative de l’intestin grêle. J’ai également vu des vraies maladies de Lyme traitées par chimiothérapie anticancéreuse pour « lymphome malin ». Ce n’est pas très malin, mais, si on a le malheur de biopsier un érythème migrant ou un lymphocytome borrélien (la petite boule rouge sur l’oreille, le mamelon ou le scrotum) qui sont des manifestations cutanées caractéristiques de la maladie de Lyme, il est parfaitement connu et publié que l’on peut observer à l’analyse des tissus un aspect identique à celui d’un lymphome malin. Et pourtant ces lésions guérissent bien sous antibiotique. J’ai ainsi observé plusieurs fois des malades chez qui, dans des équipes médicales de renom, on n’avait même pas pensé au Lyme et qui s’étaient retrouvés très rapidement en chimiothérapie anticancéreuse. Heureusement, ils avaient survécu à cette épreuve, mais avaient rechuté de leur Lyme quelque temps plus tard. Je pus les guérir par la suite par un traitement anti-infectieux. J’ai déjà vécu à plusieurs reprises des situations similaires au cours de ma carrière avec la tuberculose. Des lésions de tuberculose peuvent dans certains cas ressembler à s’y méprendre à un cancer. J’ai ainsi vu des personnes se faire enlever une corde

vocale, l’utérus, l’intestin, un rein ou des chaînes ganglionnaires complètes avant que les médecins s’aperçoivent trop tard qu’il s’agissait d’une maladie infectieuse parfaitement curable. J’ai failli me faire piéger dans mon service il y a une quinzaine d’années quand une jeune fille handicapée était hospitalisée pour un tableau aigu avec une occlusion incomplète de l’intestin avec péritonite. Le chirurgien m’appela tout de suite en sortant du bloc opératoire pour me dire qu’il avait observé un tableau typique de carcinose péritonéale avec l’aspect classique « en taches de bougie » caractéristique d’un cancer métastasé au péritoine, enveloppe des intestins. Il avait refermé sans opérer (après coup, je l’ai béni de ne pas avoir pratiqué des ablations d’intestin ou autres organes) pensant que la situation était désespérée à très court terme. Je trouvais très surprenant qu’un cancer jusque-là inconnu chez cette jeune fille puisse donner des lésions disséminées aussi importantes en peu de temps. Fort heureusement, l’analyse des biopsies chirurgicales a montré qu’il s’agissait en fait d’une tuberculose intestinale et péritonéale. L’infection a pu guérir sous traitement antituberculeux. Ces exemples montrent que le lien entre infections chroniques et cancers n’est pas simple et peut dérouter un médecin dans sa démarche diagnostique. Je suis pour ma part convaincu que des cellules de notre organisme « habitées » au long cours par certains microbes peuvent devenir cancéreuses. Certains cancers, notamment le cancer de l’estomac, ont beaucoup diminué de fréquence depuis l’apparition des antibiotiques. Avant l’ère des antibiotiques, les médecins observaient souvent des infections osseuses chroniques inopérables. Le foyer infectieux se drainait naturellement à la peau par un trajet, dénommé fistule, que le pus avait creusé à travers les tissus musculaires et sous-cutanés. Des

blessés de guerre ont ainsi « coulé » pendant des décennies avec l’émission quotidienne de pus. Ils préféraient cela à l’amputation et on les comprend. Certains développaient, après des années, un cancer autour du trajet de la fistule, montrant bien le potentiel cancérigène d’une infection chronique. Neoehrlichia mikurensis, bactérie transmise par les tiques et qui commence à être isolée chez l’homme dans différents pays (sauf en France…), peut entraîner des maladies d’allure auto-immune mais est aussi retrouvée dans des lésions similaires à celles de lymphomes malins. Cette bactérie est présente dans les tiques françaises, mais aucun test diagnostique n’a été développé dans notre pays pour la détecter. Récemment, des chercheurs ont montré qu’un parasite responsable de piroplasmose chez les animaux, proche des Babesiae, appelé Theileria, transmis par les tiques et présent chez les bovins, ovins, caprins et les équidés, est capable de transformer une cellule humaine saine en cellule cancéreuse et que le processus est réversible. Chez l’animal, les Theileriae sont connues pour donner des lymphomes malins. Cela mériterait d’approfondir les recherches sur les parasites du genre Theileria. On s’aperçoit au fil des années que les tiques ne sont pas anodines et sont peut-être responsables de beaucoup plus d’ennuis de santé qu’on le croit aujourd’hui. Par ailleurs, les gencives abîmées par la parondotite et les dents gâtées sont non seulement un facteur favorisant l’Alzheimer, mais aussi le cancer de l’œsophage. On vient de découvrir le lien entre une bactérie de la plaque dentaire, Porphyromonas gingivalis, et le cancer œsophagien. Ce travail, publié par Gao en 2016, a été réalisé par l’University of Louisville School of Dentistry aux États-Unis en collaboration avec une équipe chinoise. Comme nous l’avons vu plus haut, Porphyromonas

gingivalis a aussi été retrouvée dans le cerveau des malades d’Alzheimer, tout comme les spirochètes des genres Borrelia et Treponema. Les « crypto-infections » pourraient peut-être expliquer des manifestations inflammatoires qui accompagnent certains cancers. On appelle ces signes et symptômes « syndromes paranéoplasiques ». Ils peuvent entraîner des troubles neurologiques, endocriniens, hématologiques, dermatologiques, osseux ou articulaires. Ces manifestations, pas vraiment expliquées à ce jour, se produisent à distance de la tumeur cancéreuse et ne contiennent pas de cellules malignes. Feng et Sharma ont montré en 2015 que certains médicaments anticancéreux se sont révélés être de puissants antibiotiques, actifs notamment sur Borrelia burgdorferi. Pour enfoncer le clou, une action d’autres antibiotiques a aussi été montrée de façon expérimentale dans divers modèles de cancers ou sur différentes formes de cellules cancéreuses. Dans une étude récente, il a été montré que des antibiotiques qui agissent sur les mitochondries (ces bactéries que les cellules animales, et donc humaines, ont incorporées pour métaboliser l’oxygène) étaient capables d’éradiquer des cellules souches cancéreuses. En 2015, Lamb et ses collaborateurs suggèrent de changer l’approche du cancer et de le considérer comme une maladie infectieuse !

L’effet supposé « anti-inflammatoire » de certains antibiotiques Lorsque des publications sortent sur les effets d’antibiotiques sur certaines maladies inflammatoires chroniques, il est le plus souvent

mis en avant le possible effet « anti-inflammatoire » ou « immunomodulateur » des antibiotiques. Ces effets anti-inflammatoires ont été décrits avec diverses classes d’antibiotiques, notamment les tétracyclines et les macrolides. Ces antibiotiques sont, comme par hasard, ceux qui marchent bien sur les microbes intracellulaires. Il est hautement probable que l’action parfois spectaculaire de ces antibiotiques dans ces situations soit l’action antimicrobienne directe sur des « crypto-infections » responsables de l’inflammation et non cet hypothétique effet anti-inflammatoire qui le plus souvent n’a été étudié qu’in vitro sur des modèles artificiels. Dans ces expériences, on a mis des antibiotiques à forte dose en présence de cellules immunitaires pour mesurer la variation de production de telle ou telle molécule habituellement produite par cette cellule. De même, je ne me suis jamais bien expliqué pourquoi, dans la bronchite chronique obstructive, des antibiotiques inefficaces sur les bactéries trouvées en culture dans les crachats sont quand même actifs sur la maladie. Cette efficacité a même été observée contre un placebo. Je suis persuadé que, dans cette maladie, les bronches contiennent des microbes intracellulaires inapparents qui entretiennent le processus inflammatoire des bronches au fil des années. On a déjà mis en évidence de façon chronique la bactérie Haemophilus influenzae, mais il y a en a sûrement d’autres. Cela pourrait aussi expliquer, en plus des produits polluants inhalés, les broncho-pneumopathies obstructives chez les personnes qui ne fument pas. Dans le même ordre d’idée, des études ont montré que, pour le traitement d’une pneumonie à pneumocoque, l’efficacité du traitement était meilleure, ainsi que le pronostic, si l’on associait à l’antibiotique habituel actif sur le pneumocoque (amoxicilline ou ceftriaxone) un autre antibiotique actif sur les bactéries intracellulaires (macrolide ou fluoroquinolone). Ce qui est très

surprenant, c’est que cet effet bénéfique se maintient si le pneumocoque est résistant au second antibiotique à action intracellulaire. Mon hypothèse est que les personnes qui font des pneumonies à pneumocoque sévères ont à l’état de base des poumons touchés de façon latente par des « crypto-infections » qui vont contribuer à l’aggravation lors de l’infection aiguë à pneumocoque. Des antibiothérapies prolongées, parfois sur plus d’un an, sont utilisées dans certaines spécialités comme la pneumologie ou la rhumatologie. Cela m’interpelle. Un malade qui se présente avec un rhumatisme inflammatoire chronique peut se voir porter un diagnostic de « polyarthrite rhumatoïde séronégative » (c’est-à-dire sans que l’on retrouve le facteur rhumatoïde, marqueur classique de la maladie) s’il consulte en rhumatologie et se voir porter le diagnostic de « maladie de Lyme séronégative » s’il vient me consulter. Si le rhumatologue porte, sans aucune preuve, le diagnostic de polyarthrite séronégative, on dit que c’est un grand clinicien. Si, de surcroît, il prescrit un ou deux ans de doxycycline, de minocycline, de clarithromycine ou de lévofloxacine « à visée antiinflammatoire », cela ne choque personne, ne chagrine pas la Sécurité sociale, et ce praticien passe pour un grand innovateur. Pourtant, la polyarthrite rhumatoïde séronégative n’est pas certaine, c’est un diagnostic d’expert qui peut conduire à donner des mois d’antibiotiques sans preuve. Si un autre médecin (peut-être moi…) lui prescrit quatre mois de doxycycline pour tuer ses borrélies et peut-être quelques co-infections, cela fait hurler, et on dit que c’est un scandale de traiter une maladie de Lyme sans preuve au-delà de la durée recommandée dans le consensus, avec un médicament qui sélectionne de la résistance bactérienne ! Si ce dernier médecin est un généraliste, il risque de passer en conseil de discipline. Je

voudrais que l’on m’explique pourquoi un antibiotique, lorsqu’il est donné comme possible « anti-inflammatoire », ne sélectionnerait pas de résistance ! Il y a deux poids et deux mesures. Cela rejoint les prescriptions très prolongées de doxycycline pour traiter l’acné. Cette indication de traitement est officielle. Il est très fréquent de voir des adolescents et des adultes jeunes prendre cet antibiotique pendant des mois et même des années sans que cela n’inquiète personne ni ne contrarie les autorités. Lors de l’épidémie de VIH-sida, avant les trithérapies antirétrovirales, des millions de personnes dans le monde ont été traitées à vie en continu par un traitement antibiotique quotidien, le plus souvent par un sulfamide, mais aussi par d’autres antibiotiques ou anti-infectieux. Il n’est venu à l’idée de personne de hurler au scandale.

CHAPITRE 10

Quand la méthodologie médicale s’emballe et veut se substituer à la médecine Les méthodes de légitimation institutionnelle sur l’identification des maladies, de leurs causes et sur l’évaluation de leurs traitements ont pour elles de répondre à des critères objectifs qui ont largement fait leurs preuves. Cependant, mises au point sur des situations relativement simples avec un nombre limité de paramètres, ces méthodes s’avèrent totalement inappropriées pour la mesure de situations complexes multifactorielles. La maladie de Lyme et les « crypto-infections » représentent l’exemple type de ces situations dans lesquelles s’interconnectent un nombre impressionnant de facteurs différents. Les approches réductrices, imposées par la méthodologie moderne, conduisent à faire l’impasse sur tout un ensemble de facteurs. Ces tableaux symptomatiques tellement complexes, et loin des stéréotypes, appellent d’autres approches, non moins objectives mais différentes, pour être identifiées, comprises et traitées. La fécondité des méthodes

acceptées est devenue un « obstacle épistémologique » qui empêche la compréhension des « crypto-infections ».

Les études avec tirage au sort, un phénomène très récent dans l’histoire de la médecine Lorsque j’étais étudiant en médecine, je me souviens d’un cours dans un amphithéâtre universitaire de l’hôpital Beaujon à Clichy. Un grand professeur de médecine nous parla des méthodes de recherche. Il nous expliqua (c’était dans les années 1970) que, dans les pays anglo-saxons, les chercheurs avaient recours à des pratiques amorales et tiraient les malades au sort pour proposer différents traitements, voire un faux médicament appelé placebo. Il nous parla de sinistres épisodes aux États-Unis où des malades mentaux, adultes ou enfants, des Noirs pauvres et des prisonniers avaient été utilisés comme cobayes. Ces faits sont maintenant reconnus et on a dénombré officiellement au moins quarante études de ce type aux États-Unis ou à l’étranger (la plus grande ayant été menée au Guatemala). L’administration pénitentiaire américaine n’a interdit ces pratiques dans les prisons qu’au milieu des années 1970. L’industrie pharmaceutique ayant toujours besoin de champs d’expérimentation, la pratique a alors évolué vers les malades consentants qui signaient un « consentement éclairé ». Notre professeur nous dit alors : « Rassurez-vous, ce genre de pratiques ne viendra jamais en France, où les scientifiques, humanistes, sont profondément imprégnés de culture grecque et latine. » En fait, les études par tirage au sort, appelées randomisées (de l’anglais random qui signifie « hasard »), commençaient à se

développer en France en hématologie et en cancérologie sous l’impulsion des fabricants de médicaments. Elles n’existaient pas encore dans le domaine de l’infectiologie. Les études randomisées qui sont le plus considérées sont celles où ni le malade ni le médecin ne savent ce que contient le comprimé ou l’ampoule de médicament. On appelle ces essais « études randomisées en double aveugle (ou double insu) ». C’est à l’apparition du sida que cette méthodologie est née en France en infectiologie. Peu de temps après le début de mon clinicat en 1985 commença la mise au point des premiers essais thérapeutiques contre le sida. Un médicament, la suramine, avait été proposé (qui s’avérera inefficace contre le VIH). J’ai le souvenir d’une discussion houleuse dans le bâtiment de recherche de l’Inserm situé dans le vieil hôpital Claude-Bernard où une douzaine d’experts autour de la table se déchiraient pour savoir s’il fallait utiliser un placebo et, si oui, s’il fallait dire aux malades qu’ils allaient, le cas échéant, recevoir un faux médicament. Les avis étaient très partagés. Pouvait-on sur le plan éthique dire à quelqu’un qui se savait condamné à mort par la maladie qu’on allait le tirer au sort et que le traitement qu’on allait essayer sur lui et dans lequel il mettait tout son espoir risquait de ne pas marcher ou d’être un placebo ? Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, en France, on ne disait pas aux cancéreux leur diagnostic. Cela a heureusement beaucoup changé, surtout grâce à l’apparition de traitements efficaces, même s’ils ne le sont pas toujours complètement. Finalement, depuis cette période, la recherche française, mais aussi mondiale, a adopté les standards du tirage au sort et de la signature d’un consentement éclairé. Dans l’ensemble, l’adoption de cette norme a permis de grands progrès dans la transparence de la recherche et la responsabilisation du malade. Cependant, dans la

pratique, la compréhension et l’acceptation par les malades dépendent beaucoup du contexte culturel conditionnant la perception de la maladie et du médecin. J’ai pu constater à plusieurs reprises une approche différente des malades de culture anglo-saxonne ou de culture latine. Dans la culture latine, le médecin peut être assimilé au « père » détenteur du savoir et qui vous protège. Le choc peut être beaucoup plus important avec certaines cultures africaines par exemple. Ainsi, quand quelque temps plus tard le premier médicament actif contre le VIH, le rétrovir (ou AZT), a été disponible en France, il ne l’était initialement que dans le cadre d’une étude randomisée dans laquelle la moitié des malades recevaient un placebo. Tous les malades étaient informés du tirage au sort, mais ni le malade ni le médecin ne savaient ce que contenaient les comprimés. Je voyais alors en consultation une jeune femme originaire de Côte d’Ivoire, infectée par le VIH, et qui suivait des études supérieures à l’université. Elle souhaitait recevoir de l’AZT. Je lui expliquai que pendant quelques mois, en attendant les résultats des recherches, le seul moyen d’avoir une chance d’obtenir de l’AZT était de rentrer dans l’essai de recherche clinique franco-anglais dénommé Concorde comparant l’efficacité du rétrovir à celle d’un placebo. Je lui donnai toutes les explications. Elle me regarda ahurie et me posa froidement la question : « Vous êtes vraiment médecin ? » Quand je lui répondis qu’a priori je l’étais, elle ajouta : « Vous êtes médecin et vous ne savez même pas ce que vous me donnez pour me traiter, si vous allez me faire du bien ou du mal, ce n’est pas possible ! » Elle se leva et partit. C’était pour elle un choc culturel. Le médecin doit savoir. Peu de temps après, j’ai été confronté à un grave problème avec un malade d’origine tunisienne, infecté par le VIH, au stade de sida.

Je le suivais depuis près d’un an et il avait une grande confiance en moi. Un jour, il développa, comme cela était fréquent au cours du sida, un abcès du cerveau à toxoplasmes. Il était hospitalisé et a malheureusement développé une allergie ou des effets secondaires à tous les médicaments que l’on pouvait proposer pour soigner la toxoplasmose. Il était possible de le soigner avec un nouvel antibiotique devenu courant qui était déjà commercialisé en ville et prescrit fréquemment en médecine libérale ou à l’hôpital pour des infections respiratoires de l’adulte ou de l’enfant. C’est un médicament habituellement bien toléré n’entraînant pas d’effets secondaires ennuyeux. Le seul problème était que, pour le prescrire de façon prolongée dans la toxoplasmose, il fallait faire une demande d’autorisation temporaire d’utilisation auprès de l’Agence du médicament. C’était une simple procédure administrative pour obtenir un médicament très banal, mais il fallait recueillir le consentement éclairé du patient. Le fait que je lui demande de signer un papier a été interprété par ce malade comme la « preuve » que je le considérais comme condamné à mort à brève échéance puisque, dans sa tête, signature signifiait : « Je suis foutu, donc on fait des essais sur moi et le médecin veut se décharger de sa responsabilité. » Du jour au lendemain, ce malade a refusé toute aide, tout soutien psychologique, toute alimentation, toute prise de médicament et a décidé de mourir. J’ai eu beau lui parler pendant des heures, ainsi que d’autres intervenants, il ne voulait plus rien entendre et ne nous croyait plus. J’ai toujours pensé, ce que sa famille m’a confirmé, que le consentement éclairé l’avait tué. J’avais changé son statut d’être humain en celui de cobaye. Je ne parlerai même pas des nombreuses études menées dans des pays en voie de développement « selon les bonnes pratiques cliniques » chez des

malades analphabètes qui mettent une croix dans une case en guise de signature sans avoir rien compris.

Prendre conscience des limites des études avec tirage au sort (randomisées) En dehors de ces considérations culturelles qui sont néanmoins fondamentales, il faut souligner les limites des études randomisées. Cette méthodologie est parfaite et de loin la meilleure pour répondre à une question simple, en ne faisant varier qu’un seul facteur (par exemple, antibiotique ou placebo) sur une population homogène de malades pour lesquels il y a des signes objectifs facilement mesurables. Malheureusement, cette approche méthodologique est totalement inadaptée quand on doit étudier plusieurs facteurs intriqués, d’autant plus que la population de malades que l’on étudie est hétérogène. Une étude randomisée en n’étudiant qu’un seul facteur contre placebo nécessite souvent quelques centaines de malades et souvent autour d’un million d’euros. Si l’on fait varier deux facteurs, il faut des milliers de malades et des dizaines, voire des centaines de millions d’euros. Autant dire que c’est impossible à évaluer. Seules quelques molécules très prometteuses de l’industrie pharmaceutique font l’objet de tels investissements, car l’industriel espère voir venir assez rapidement un « retour sur investissement ». Le problème de la recherche clinique actuelle et de la médecine factuelle mal comprise est que tout ce qui n’est pas démontré par tirage au sort n’existe plus ! La religion du « tout randomisé en double aveugle » abuse la communauté médicale et dans certains cas stérilise toute initiative et toute avancée en médecine. On a même mis dans les oubliettes de l’histoire de vieux médicaments pas chers qui marchaient très bien depuis des

décennies, sous prétexte qu’ils n’ont pas subi cette méthodologie. Ainsi, la griséofulvine, vieil antichampignon qui marchait très bien dans certains cas de lupus et qui figurait naguère dans Le Dictionnaire Vidal des médicaments avec l’indication officielle « traitement d’appoint du lupus », est passée quelques années plus tard à la rubrique « à utiliser avec prudence en cas de lupus car peut occasionner des poussées de symptômes », puis plus récemment à la rubrique « contre-indiquée dans le lupus ». Effectivement, la griséofulvine, qui est un anti-infectieux puissant, peut donner en début de traitement du lupus ou de la maladie de Lyme des exacerbations. Pourtant, des malades atteints de Lyme chronique sont souvent améliorés, après une phase d’aggravation initiale, par de petites doses de griséofulvine. Au début des années 1980, des « experts » remettaient en cause les propriétés antiagrégantes de l’aspirine sur les plaquettes du sang, petits globules responsables de la formation des caillots. Lorsque j’étais interne, j’avais lu atterré dans un très grand journal médical international que des « chercheurs » américains avaient fait signer un consentement éclairé à des personnes qui allaient être opérées du cœur gauche pour des raisons variées pour que l’on ouvre aussi leur cœur droit (ce qui n’était pas du tout nécessaire pour l’intervention cardiaque) afin de couper l’extrémité du cathéter située dans le cœur droit pour l’analyser. Eh oui ! en physiologie, on a un poumon et deux cœurs ! Quand on est opéré du cœur, on monte toujours par les veines une tubulure, appelée cathéter, jusque dans les cavités droites du cœur pour perfuser des liquides et faire des enregistrements. Le but de la recherche était de tirer au sort les futurs opérés pour leur donner soit de l’aspirine, soit un placebo pour vérifier que l’aspirine empêchait bien la formation d’un caillot autour du cathéter. Effectivement, l’étude confirma que l’aspirine était bien

un antiagrégant plaquettaire, ce que l’on savait depuis longtemps ! C’était enfin « prouvé ». On avait fendu sans raison valable des cœurs droits de malades « consentants » pour cela. Les canons de la méthodologie mathématique pure et dure sont maintenant martelés à tous les étudiants en médecine. On leur apprend qu’ils ne doivent pas croire ce qui n’est pas prouvé (et surtout ne pas croire le malade qui n’est pas une donnée fiable reproductible !). Une nouvelle discipline est née : la « lecture critique d’article » ou LCA, qui occupe maintenant une place majeure dans l’évaluation des étudiants à la fin des études médicales. Sur le fond, je trouve que la lecture critique est une excellente formation qui apprend à jeter un regard différent sur ce qui est publié. Le problème, c’est qu’on la détourne de son but initial pour stériliser tout raisonnement personnel du médecin. L’absurdité du raisonnement puriste, poussé jusqu’à l’« aveuglement du double aveugle » qui prévaut souvent en médecine de nos jours, a été parfaitement épinglée par Smith et Pell dans un article du British Medical Journal : ils en proposent un pastiche recensant les données objectives publiées en vue de déterminer dans quelle mesure une chute en parachute est plus efficace qu’une chute libre pour réduire la mortalité ou les blessures si l’on saute d’un avion. Des personnes ayant survécu à des chutes libres et des parachutistes étant morts en atterrissant ou victimes d’« effets secondaires » tels que des blessures variées très nombreuses, l’analyse juge que l’on manque de données objectives pour conclure. Et d’ajouter qu’il est indispensable de trouver des volontaires ayant signé un consentement éclairé pour monter une étude randomisée avec tirage au sort : saut avec sac à dos équipé d’un parachute contre saut avec un sac à dos ne contenant pas de

parachute (bien entendu sans que les volontaires ni organisateurs ne sachent ce que contient le sac de chacun) !

les

La recherche médicale avant le tirage au sort des humains malades Je me suis souvent demandé comment faisait la médecine pour progresser avant l’invention récente des études randomisées. En fait, la prise en charge des maladies avançait par comparaisons entre écoles. Pour une maladie complexe donnée, il y avait un grand patron qui avait vingt ou trente ans d’expérience, qui était challengé régulièrement par ses assistants plus jeunes qui avaient de nouvelles idées. En général, ils n’avaient pas une recette toute faite, mais un arbre décisionnel en fonction des différentes formes de la maladie et des terrains différents des patients. Il y avait souvent des traitements de première ligne qui ne marchaient pas chez tout le monde, puis de deuxième ou troisième ligne. Ces stratégies pouvaient inclure des modifications dans le mode de vie (régime spécifique par exemple). La grande différence avec l’époque actuelle, c’est qu’un professeur de médecine à la tête d’une école reconnue pouvait publier son expérience sans aucune censure. Il décrivait tout simplement, et presque toujours honnêtement, son expérience avec ses succès et ses échecs. Ses collègues d’autres écoles pouvaient le croire ou non, suivre son exemple ou non, mais personne ne se serait permis d’empêcher la publication dans un journal médical sous prétexte que « ce n’est pas possible ou que ce n’est pas formellement et mathématiquement démontré ». Ceux qui obtenaient les meilleurs résultats finissaient par pousser les autres à adopter leurs méthodes, pour le plus grand bien des malades. Il n’y avait

aucune pression pour publier, contrairement à aujourd’hui où les carrières se font au nombre de publications (« publish or perish », « publiez ou mourez », comme disent les Américains). En pratiquant ainsi, il n’y avait aucune incitation à frauder, cela n’avait aucun intérêt. La situation a bien changé car maintenant la fraude dans les publications devient un problème mondial colossal pour lequel les autorités encadrant la recherche n’ont pas trouvé de solution. On n’attrape qu’une minorité de tricheurs. Tout ce qui n’est pas prouvé selon des critères mathématiques n’existe pas ! Les malades peuvent mourir tranquilles ! Un de mes collègues internes, avec qui j’effectuais des gardes dans le service de réanimation des maladies infectieuses, avait écrit sur le mur de la salle de garde des médecins au début des années 1980 dans l’ancien hôpital Claude-Bernard pour paraphraser les adeptes de la « médecine moderne » : « Il vaut mieux une bonne nécropsie qu’un traitement sans preuve. » C’est cynique, mais c’est tellement vrai dans le raisonnement médical actuel de certains.

La culture et la médecine Au début de mon clinicat, le professeur Marcel Francis Kahn, le grand rhumatologue de l’hôpital Bichat, passait souvent à l’hôpital Claude-Bernard pour voir les malades hospitalisés avec diverses maladies « idiopathiques » ou « auto-immunes ». Il m’a beaucoup appris et j’observais avec lui les similitudes entre maladies infectieuses et maladies idiopathiques. Comme je lui faisais part de certaines de mes réflexions, il m’encouragea à lire un livre remarquable, Medicine and Culture écrit par Lynn Payer. L’auteur, journaliste américaine, a étudié l’impact des différentes cultures sur

la façon de pratiquer la médecine. Elle avait d’ailleurs interviewé Kahn pour son livre. Elle avait ainsi comparé la médecine aux ÉtatsUnis avec celle de plusieurs pays européens, dont la France. Ce livre est passionnant. C’est ainsi que j’ai appris l’origine du placebo. Depuis des siècles, c’est bien connu, les Français et les Anglais n’ont pas toujours eu la même vision des choses au cours de l’histoire. Le Français adore manger des médicaments et, quand il pense à un médicament, c’est d’abord comme à un « produit qui va me faire du bien ». L’Anglais, lui, pense avant tout que ledit produit ne marche peut-être pas si bien et peut plutôt être la source d’effets secondaires ; il se demande donc immédiatement s’il est vraiment utile. D’où la nécessité de l’évaluer contre un placebo. Le comble pour un Anglais, rappelle l’auteure qui s’appuie délibérément ici sur des stéréotypes, c’est de perdre son selfcontrol : il faut dans l’adversité garder son flegme, « garder sa lèvre supérieure rigide ». Rien n’est pire, dans cette perspective, que de voir quelqu’un s’agiter et crier. D’où la large contribution des Anglais dans les domaines de la lutte contre la douleur et l’anesthésie. Les Américains, par leur culture anglo-saxonne, partagent le point de vue des Anglais quant à la nécessité de prouver l’action du médicament. Mais, observe notre enquêteuse, les Américains diffèrent des Anglais en ceci qu’ils tendent spontanément à s’estimer doués de plus de force que les autres habitants de la planète : d’où leur sentiment subjectif d’avoir besoin à titre personnel de doses plus fortes que les autres, quitte à dépasser la dose prescrite. À défaut d’être toujours plus forts, ils sont souvent plus gros que les habitants des autres pays : or augmenter la dose d’un médicament en cas d’obésité peut augmenter le risque d’effets toxiques. C’est ainsi que plusieurs médicaments à distribution mondiale ont dû être retirés du marché en raison d’effets secondaires qui n’apparaissaient

qu’aux États-Unis. En fait, ces accidents étaient liés à des surdosages intempestifs qui n’ont jamais empêché les malades fautifs à porter plainte en justice contre le fabricant du médicament ! De même, les chirurgiens américains découpent souvent plus large que les autres. Les chirurgiens français sont beaucoup plus économes dans leurs résections. Les Français ont eu une contribution beaucoup plus artistique à la médecine. Les médecins français adorent examiner leurs malades sous toutes les coutures. En comparaison, les médecins anglais, de culture plus pudibonde, touchent très peu leurs malades et observent donc moins de signes. e Les Français ont largement contribué dès le XIX siècle à la description clinique détaillée des signes et symptômes des maladies, la sémiologie : ils vont parfois jusqu’à y mettre une certaine préciosité, à l’instar d’un esthète décrivant un tableau dans une galerie d’art. Les Anglo-Saxons, plus sceptiques par nature, veulent des preuves incontournables, d’où le tirage au sort des traitements. Les médecins français s’intéressent beaucoup au « terrain », c’est-àdire à l’individu dans sa globalité, ses antécédents familiaux ou personnels, son mode de vie, ses maladies sous-jacentes, et ne font pas que focaliser sur la maladie en cours.

Les médecins français ont perdu, par la loi, leur liberté de prescription qui fait pourtant partie intégrante de leur art

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L’affaire du Mediator et ses conséquences néfastes sur la loi qui « interdit sans interdire » de prescrire en dehors de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) En France, l’affaire du benfluorex (Mediator®), médicament dérivé des amphétamines, a suscité beaucoup de remous politiques. Ce médicament peu utile a été largement prescrit en France avant qu’on s’aperçoive qu’il pouvait entraîner des anomalies des valves cardiaques. Le scandale a éclaté quand il est apparu au grand jour que des experts auraient été largement rémunérés par le laboratoire fabricant pour favoriser la prescription de ce produit. Le ministre des Affaires sociales Xavier Bertrand a souhaité, à juste titre, réagir. Il a fait passer une loi, la loi du 29 décembre 2011, qui encadre la prescription hors AMM. L’Agence du médicament (ANSM) peut, pour certains médicaments, établir pour trois ans une Recommandation temporaire d’utilisation (RTU) pour un produit n’ayant pas l’AMM. En cas de RTU, la prescription hors AMM est remboursée. Sinon, la prescription hors AMM est autorisée s’il n’existe pas d’alternative médicamenteuse, si le traitement est reconnu comme efficace et non dangereux par la communauté et la littérature scientifiques et si son indication est « indispensable » au regard de l’état du patient, de sa demande et des connaissances scientifiques du moment. Le prescripteur doit informer le patient. La prescription doit être inscrite et motivée dans le dossier médical du patient. Le patient doit pouvoir être en mesure de donner son consentement éclairé au traitement proposé. Ces mesures semblent raisonnables et ont le mérite de la transparence, mais il y a un hic.

L’énorme problème est que le médecin est tenu par la loi d’écrire sur l’ordonnance « prescription hors AMM ». En soi cela n’aurait rien de choquant, si ce n’est que de facto cette mention supprime toute possibilité de remboursement par l’assurance-maladie. Or, contrairement à ce que pensaient les personnes qui ont écrit cette loi et qui, visiblement, ne connaissaient pas bien la pratique médicale, la prescription hors AMM n’est pas un phénomène rare correspondant à la pratique de quelques médecins marginaux, c’est une pratique indispensable et très fréquente pour assurer aux malades des soins de qualité. Dans certains secteurs de la médecine, la prescription hors AMM est même largement majoritaire ! Heureusement pour les malades, beaucoup de médecins ignorent la loi et ne savent même pas qu’ils prescrivent hors AMM tous les jours. Ceux qui savent, dans leur majorité, continuent de prescrire hors AMM mais ne le déclarent pas, pour protéger le remboursement de leurs patients. En effet, quel médecin digne de ce nom, ayant prêté le serment d’Hippocrate, pourrait accepter que les traitements ne soient pas remboursés ? Je suis persuadé que le législateur ne l’a pas fait exprès et a cru bien faire, mais cette bévue est une attaque frontale contre l’égalité d’accès aux soins ! Heureusement que la majorité des médecins font de la résistance, mais ils prennent de gros risques personnels en refusant d’inscrire la mention « hors AMM ». En théorie, tout manquement expose le médecin à des sanctions disciplinaires du Conseil de l’ordre des médecins, ou mieux encore à la foudre des tribunaux civils ou pénaux. De plus, la Caisse d’assurance-maladie peut se faire une joie de réclamer au médecin le remboursement de toutes les prescriptions qui auraient été « indûment » remboursées. Dans la vie de tous les jours, les médecins étant obligés de prescrire régulièrement hors AMM, si la loi Bertrand était appliquée,

la majorité des médecins français seraient déjà mis en examen et ruinés par les remboursements à effectuer à l’assurance-maladie. Je discutais récemment de ce problème avec un pédiatre réanimateur. Il me disait qu’avec ses collaborateurs il avait regardé les médicaments prescrits dans son service. Résultat des courses : environ 80 % des prescriptions étaient hors AMM ! J’espère que l’on ne va pas fermer les services de réanimation pédiatrique et condamner tous les pédiatres ! Pour citer un autre exemple, l’hôpital de Garches est un centre de référence pour la prise en charge des infections complexes de l’os et des articulations. Pratiquement toutes les prescriptions d’antibiotiques faites dans ce type d’infections très graves sont faites hors AMM, alors que ces prescriptions sont indispensables pour sauver les malades. Pourraiton imaginer qu’une personne atteinte d’infection osseuse grave sur une prothèse de hanche, qui a besoin d’antibiotiques coûteux en perfusion intraveineuse pendant des semaines, reçoive de la part de l’hôpital une facture astronomique pour ces soins indispensables ? C’est ubuesque. Pourtant, un médecin du Conseil national de l’ordre des médecins a déclaré : « La prescription hors AMM va devenir de plus en plus rare, car elle devient légalement trop dangereuse. » Or il est impossible qu’elle devienne rare, elle est hyperfréquente et le restera ! Alors que les autorités fassent en sorte qu’elle ne soit plus dangereuse en protégeant les médecins prescripteurs et en remboursant ces prescriptions hors AMM. C’est urgent. Inutile de préciser que, dans le traitement de la maladie de Lyme chronique, toutes les prescriptions sont hors AMM ! Ce qui est grave, c’est que cette loi vient remettre en question l’Article R.4127- 8 du Code de la santé publique qui dit : « Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles

qu’il estime les plus appropriées en la circonstance. Il doit, sans négliger son devoir d’assistance morale, limiter ses prescriptions et ses actes à ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins. Il doit tenir compte des avantages, des inconvénients et des conséquences des différentes investigations et thérapeutiques possibles. »

L’AMM dépend exclusivement de l’industrie pharmaceutique Il faut bien comprendre que ce sont les firmes pharmaceutiques qui demandent les AMM, non les autorités. Ainsi, les firmes ne les demandent que pour des maladies « rentables » avec lesquelles elles auront leur retour sur investissement. Si l’indication du médicament, pourtant très actif, est une maladie rare ou qui n’intéresse pas l’industrie, il n’y aura jamais de demande d’AMM, donc des limitations très contraignantes pour empêcher l’utilisation de ce produit, ce qui est le comble de l’absurde. Ces exigences réglementaires retentissent même sur les recommandations. J’ai présidé de nombreux groupes de travail à l’Agence du médicament sur le bon usage des antibiotiques dans certaines maladies pendant de nombreuses années sans rencontrer de problème. Maintenant, l’Agence du médicament ne peut plus faire de recommandations. Quand on nous a demandé au Haut Conseil de la santé publique (HCSP) de mettre à jour certaines recommandations, nous nous nous sommes heurtés régulièrement à la loi Bertrand. Je citerai un exemple. Récemment, il a été observé une nette recrudescence des poux en France. Les publications scientifiques montrent qu’une seule prise du produit actif est responsable de 30 % de rechutes, alors que, si l’on donne une

seconde prise à distance du médicament, il n’y a pratiquement plus de rechutes. Beaucoup de pays recommandent donc deux prises. La commission maladies transmissibles du HCSP a donc fait une recommandation de deux prises pour aider à résoudre ce problème de santé publique. Lors d’une réunion du HCSP, à laquelle participait une représentante de la Direction générale de la santé, elle nous a dit qu’il était hors de question de faire des recommandations hors la loi ! (C’est la même qui m’avait reproché mes prises de position sur la maladie de Lyme !) En effet, ce produit est enregistré depuis des années à l’Agence du médicament avec une AMM en une seule prise. Or il n’y a aucune chance pour que la firme débourse un centime pour entamer une procédure très longue de modification d’AMM qui exigerait la réalisation préalable de plusieurs études cliniques très coûteuses. Le débat est devenu kafkaïen, et je lui ai répondu : « Si la loi n’est pas bonne, il faut la changer et non la subir. » « Grâce » à la loi Bertrand, les experts n’ont plus d’indépendance médicale ou scientifique vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique qui sort toute-puissante de cette aventure. Je n’en veux pas à Xavier Bertrand, avec qui j’ai travaillé lors de la gestion de crises sanitaires et qui a été un très bon ministre, je pense qu’il a été mal conseillé dans cette affaire. Les dirigeants de l’Agence du médicament, traumatisés à l’idée de pouvoir être inquiétés un jour pour avoir accordé une dérogation d’utilisation hors AMM, ne veulent plus prendre aucun risque. On ne peut plus canaliser l’industrie, ce sont les industriels tout-puissants qui canalisent via le diktat de l’AMM. C’est l’arroseur arrosé ! Et cela n’existe qu’en France. Cocorico !

CHAPITRE 11

Surmonter les contradictions des institutions de santé dont « l’affaire Lyme » est un puissant révélateur

Face aux « crypto-infections », la communauté médicale est désemparée et ne sait pas comment faire la part des pistes fiables et des hypothèses hasardeuses Même quand on croit au Lyme chronique, le traitement n’est pas évident Je sais en discutant avec mes collègues infectiologues ou avec les malades qui viennent de toute la France que certains de mes collègues se lancent parfois dans le traitement du Lyme chronique. Ils le font toujours discrètement par peur du qu’en-dira-t-on. Malheureusement, beaucoup ont fait machine arrière. En effet, au début, ils sont satisfaits de voir les malades s’améliorer sous antibiotique et ils traitent pendant quelques mois. Beaucoup ont peur des exacerbations qu’ils n’identifient pas comme telles, mais plutôt comme un « effet secondaire » du médicament et arrêtent tout. Surtout, mes collègues téméraires ont tous déchanté quand ils ont vu la plupart des malades revenir pour rechute. À ce moment-là, ne sachant plus quoi faire et ne voulant surtout pas entendre parler d’autres stratégies de traitement non validées officiellement, ils cherchent à tout prix à se débarrasser du malade. Si, par hasard, un autre spécialiste pose un nouveau diagnostic, cette fois-ci reconnu (dépression, fibromyalgie, hypocondrie, lupus, polyarthrite rhumatoïde séronégative, arthrite réactionnelle, tendinite, « syndrome de Zig et Puce » bien connu dont dix cas ont été rapportés, etc.), mon collègue est ravi de retomber sur un diagnostic reconnu et surtout de ne plus revoir le malade. En fait, pour

optimiser l’efficacité du traitement et éviter les rechutes, les antibiotiques classiques ne sont pas suffisants et d’autres antiinfectieux, notamment les antibiotiques actifs sur les formes kystiques ou persistantes de Borrelia, les antiparasitaires et même certains antichampignons (antifongiques) jouent un rôle majeur dans la guérison.

En l’absence d’outils microbiologiques performants et devant le désarroi des malades, on invente des hypothèses comme la « myofasciite à macrophages » La « myofasciite à macrophage » est une maladie qui n’a pratiquement été rapportée qu’en France par un groupe de médecins. On a enterré la cause infectieuse de cette prétendue maladie nouvelle pour attaquer les vaccins ! Ce diagnostic a été porté à des patients qui présentaient tous les signes classiques de la fibromyalgie avec chez certains des signes évoquant des maladies auto-immunes comme le lupus, la polyarthrite rhumatoïde ou la thyroïdite de Hashimoto. Plusieurs des premiers malades décrits avaient séjourné longtemps dans des pays tropicaux, certains avaient un antécédent de tuberculose ou de sarcoïdose. Quelquesuns ont vu démarrer leurs troubles musculaires après la prise de chloroquine ou d’hydroxychloroquine. Lors de la première description de la maladie, une cause infectieuse avait été évoquée, et des malades avaient été améliorés par les antibiotiques. C’était une « nouvelle maladie bactérienne », mais il ne fut pas possible d’isoler la bactérie responsable. Cette maladie devenant à la mode auprès de certains médecins internistes, un nombre plus important de patients souffrant de

problèmes musculaires mal identifiés furent diagnostiqués « myofasciite à macrophages » et donc traités par antibiotiques. À côté des malades qui s’amélioraient sous antibiotiques, d’autres, plus nombreux, se sont aggravés au début du traitement, ce qui ne me surprend pas quand on connaît les réactions d’exacerbations lors du traitement des « crypto-infections ». Les aggravations observées initialement avec les antipaludiques, chloroquine ou hydroxychloroquine, correspondent aussi vraisemblablement à des réactions d’Herxheimer, que l’on voit trois fois sur quatre lors du traitement des Lyme chroniques. Devant ces exacerbations, la thèse infectieuse a été abandonnée très rapidement, beaucoup trop rapidement. La théorie de la responsabilité de l’aluminium, avancée par un anatomopathologiste, n’est pas établie. Il recherche une réaction inflammatoire autour de traces d’aluminium resté dans la zone d’injection des vaccins (le muscle deltoïde). Le problème est que toute la population ou presque a reçu de nombreux vaccins, ce qui représente des milliards d’individus dans le monde. Ainsi, beaucoup de gens dans la population mondiale ont des traces d’aluminium dans le muscle deltoïde. Si l’on avait trouvé l’aluminium dans les muscles malades, on aurait pu croire à cette hypothèse, mais il n’y a bien évidemment pas la moindre trace d’aluminium dans ces muscles. Le lien de cause à effet de l’aluminium avec cette maladie rare, décrite presque uniquement en France, n’a jamais pu être montré. L’aluminium n’est pas un métal lourd mais au contraire un métal particulièrement léger. Contrairement aux métaux lourds, l’aluminium, qui représente 8 à 9 % de l’écorce terrestre, est présent partout dans l’environnement naturel depuis la nuit des temps. C’est le troisième élément sur terre après l’oxygène et le silicium. C’est le métal le plus représenté dans la nature. L’écorce terrestre est bourrée d’aluminium. Il y en a

partout, dans le sol, dans l’eau, dans les végétaux. Il y a beaucoup plus d’aluminium que de fer ou de charbon. De nombreux légumes tout à fait bons pour la santé contiennent des quantités non négligeables d’aluminium. Cela n’a rien à voir avec le monde moderne, la pollution industrielle, l’invention des poêles ou casseroles en aluminium, des canettes de bière ou de soda, ou du papier alu pour cuire en papillote. C’est important à souligner quand on lit sur des sites « bio » que faire cuire son poisson en papillote peut entraîner des paralysies ! L’alimentation la plus biologique qui soit contient de l’aluminium, par exemple le thé, qui est un des produits de grande consommation qui en contient le plus (plus de 2 %). On mange tous les jours entre 5 et 12 milligrammes d’aluminium par kilogramme d’aliments. Ainsi, les traces d’aluminium présentes dans beaucoup de vaccins ne représentent pas grandchose par rapport à tout l’aluminium que l’on ingère tous les jours. Il est vrai qu’une infime partie est absorbée par le tube digestif, mais on en mange tous les jours pendant des décennies. Le peu d’aluminium absorbé chaque jour est rapidement éliminé dans les urines. Dans le cerveau de personnes décédées à un âge très avancé, on trouve très souvent des traces d’aluminium, mais cela semble logique, vu l’exposition permanente dans l’environnement. Cela n’a rien à voir avec la toxicité neurologique de l’aluminium qui existe bel et bien à très fortes doses et qui a été décrite au début de l’hémodialyse par rein artificiel lorsque des malades pouvaient présenter des surdosages énormes en aluminium. Certains ont alors affirmé que l’aluminium était la cause de la maladie d’Alzheimer ! Cependant, la cause infectieuse de l’Alzheimer est maintenant établie. Malheureusement, l’« invention » de la « myofasciite à macrophages » fait, en France et dans les pays francophones,

beaucoup de tort à la vaccination, qui pourtant n’est apparemment pour rien dans cette maladie. Pour moi, cette entité fait partie de l’ensemble des « crypto-infections », et les quelques malades à qui on avait porté ce diagnostic et que j’ai traités se sont améliorés sous traitement anti-infectieux prolongé. Un jour où je croisais lors d’une réunion sur la vaccination le professeur Chérin, ardent défenseur de cette maladie, il vint me voir pour me dire qu’il avait revu deux de ses patients que j’avais pris en charge pendant quelque temps et qui s’étaient bien améliorés sous anti-infectieux. Il s’en étonnait auprès de moi. Je lui conseillai alors de relire ses écrits initiaux dans lesquels il évoquait la cause infectieuse de la maladie et l’efficacité des antibiotiques. Malheureusement, les promoteurs de cette maladie ne proposent aucun traitement et mettent les malades, qui sont des vrais malades en souffrance profonde, dans une impasse sans traitement.

L’avis d’un chercheur reconnu sur les maladies à tiques Les CNR des borrélioses de l’Institut Pasteur puis de Strasbourg ont toujours obéi à l’IDSA, le petit doigt sur la couture du pantalon, et aucun microbiologiste français ne s’est intéressé à cette thématique. Comme je le mentionnais plus haut, le professeur Didier Raoult, spécialiste connu des infections transmises par les tiques, n’a jamais cru au Lyme chronique. C’est dommage car ce microbiologiste est très actif, plein d’idées, il est entouré de beaucoup de chercheurs de qualité et a beaucoup de moyens pour son laboratoire. Admirant son dynamisme et ayant une relation très amicale avec lui, j’avais essayé de le sensibiliser en me rendant à Marseille avec mon collaborateur Jérôme Salomon qui, depuis le

début, cherche à m’aider pour la prise en charge rationnelle des malades. Didier Raoult est resté dans l’optique un germe, une pathologie. « Christian, définis-moi un syndrome avec des critères bien précis, le syndrome de Garches, me dit-il en souriant. Tes critères ne doivent pas pouvoir se chevaucher avec une autre maladie. Après, quand tes critères objectifs seront bien définis, faismoi signe et je t’aiderai à trouver la bactérie responsable du syndrome de Garches. » Je lui répondis que pour moi les malades avaient des situations cliniques bien trop diverses et que je ne croyais plus depuis longtemps aux théories simplistes : un germe, une pathologie. Pour moi, ces situations complexes sont liées à une conjonction de facteurs avec implication simultanée possible de plusieurs microbes. Didier conclut que mes malades se plaignaient de signes trop variés et non spécifiques dont il ne pouvait rien faire. Je restais donc bien seul. Connaissant son intelligence, je ne désespère pas de le convaincre.

Infectiologie et microbiologie : deux spécialités à part entière La vision simpliste un germe, une pathologie qui fait encore force de loi, illustre les limites de la microbiologie médicale qui a voulu devenir microbiologie clinique, entité créée dans certains pays il y a quelques décennies. À l’époque, des médecins ayant bénéficié d’une solide formation clinique auprès des malades faisaient leur carrière au laboratoire de microbiologie, tout en continuant une activité clinique. C’était tout à fait possible il y a encore vingt-cinq ans. Vu les contraintes modernes des métiers de part et d’autre, le métier au laboratoire qui s’est hyperspécialisé et le métier au lit du malade qui nécessite d’enrichir en permanence son expérience et

son « flair » diagnostique, il devient impossible de bien faire les deux correctement. Lire le test de sensibilité aux antibiotiques d’une bactérie isolée à partir d’un malade n’est pas suffisant pour le soigner. De plus, la grande majorité des microbiologistes aujourd’hui ne sont plus des médecins mais des pharmaciens, qui n’ont pas le droit d’exercer la médecine. C’est pourquoi la spécialité « maladies infectieuses », qui est une spécialité clinique, est maintenant reconnue dans la plupart des pays. Ça n’a pas été évident dans certains pays où les maladies infectieuses qui devaient disparaître (dans la tête des décideurs) n’étaient pas reconnues en tant que telles. J’ai participé pendant plusieurs années avec Daniel Christmann de Strasbourg, au sein de l’Union européenne des médecins spécialistes (UEMS), à la défense et à la promotion de la spécialité « maladies infectieuses » dans tous les pays de l’Union européenne. Ça a été une grande joie pour Daniel et moi d’avoir aidé nos collègues allemands, notamment le professeur Winfried Kern, à la reconnaissance de la discipline dans leur pays il y a quelques années. Seuls deux pays en Europe ne reconnaissent toujours pas la spécialité, la Belgique et l’Espagne. En France, je me suis battu avec l’aide de collègues pour que les maladies infectieuses et tropicales, qui étaient une sous-spécialité complémentaire, soient enfin devenues en 2015 une vraie spécialité à part entière avec une application prévue en 2017. Il n’est pas surprenant de constater que les pays où la microbiologie médicale dite « clinique » reste prédominante sur l’infectiologie comme la Grande-Bretagne ou les pays nordiques soient les pays où la situation des malades atteints de Lyme chronique soit la plus critique. Les résultats des tests biologiques actuels étant proches du néant, on ne soigne pas le néant ! La Société européenne de microbiologie clinique et de maladies infectieuses (ESCMID), de

création relativement récente, est dominée par des « microbiologistes cliniciens » expliquant leur non-compréhension de la maladie de Lyme chronique, qui aujourd’hui devrait être diagnostiquée cliniquement. Cette société avait créé un groupe de travail sur les borrélioses, appelé ESGBOR, qui a finalement remplacé l’EUCALB (European Union Concerted Action on Lyme Borreliosis) qui a disparu en 2017. L’EGSBOR, contre toute évidence scientifique, continue de suivre les recommandations obsolètes de l’IDSA.

CHAPITRE 12

L’espoir

La prise de conscience et le rôle des médias et des politiques La sensibilisation des journalistes et leur prise de conscience progressive La maladie de Lyme, pendant des décennies, n’a intéressé personne et encore moins les journalistes. Parler du Lyme, c’était le bide assuré. J’ai également découvert au fil des années que les rédactions étaient bien « briefées » par les « experts » : le Lyme est une maladie rare que l’on diagnostique et que l’on traite sans problème, sans rechute, le Lyme chronique est une affabulation de quelques hypocondriaques et de médecins charlatans. Le Lyme chronique était rangé dans la liste des sujets à éviter à tout prix. Il y a quelques années, les journalistes d’une célèbre émission de télévision consacrée à des reportages de qualité sont venus me voir longuement et ont découvert avec grand intérêt le « monde du Lyme chronique ». Ils avaient un projet ambitieux d’interviews d’experts en

France et à l’étranger ainsi que d’un recueil de témoignages de malades. Le reportage n’a jamais pu être tourné. Des « experts » contactés par les journalistes pour être interviewés avaient immédiatement remué ciel et terre pour faire bloquer le tournage au plus haut niveau hiérarchique de la chaîne ! L’émission n’est jamais sortie. Je découvrais ainsi que la censure du Lyme s’exerçait non seulement sur les journaux médicaux, mais aussi sur les médias grand public. J’ai été témoin de ce type de censure à plusieurs reprises. Fort heureusement, le réel est plus fort que la censure qui a commencé à se fissurer puis à craquer. On peut enfin parler du Lyme dans les journaux et à la télévision !

La sensibilisation du monde politique Comme je le mentionnais plus haut, cela fait des années que les élus locaux sont sensibilisés au problème de la maladie de Lyme chronique. Dans leurs circonscriptions, il y a beaucoup d’agriculteurs, de chasseurs et de touristes ou sportifs multipliant les activités de pleine nature. Ils sont témoins au quotidien de l’abandon de leurs administrés malades par les médecins. Je ne veux pas jeter la pierre aux médecins de terrain qui pour la plupart ne connaissent pas cette maladie. Quand ils rencontrent un cas (en général c’est le patient ou son entourage qui a fait le diagnostic), ils suivent les recommandations officielles. Ceux qui sont convaincus que ces recommandations sont totalement inadaptées n’osent pas franchir le pas de pratiques discordantes ou le font dans la clandestinité. Plusieurs médecins font actuellement l’objet de poursuites disciplinaires par la Caisse d’assurance-maladie ou par le Conseil de l’ordre des médecins.

Le revirement politique a commencé dans plusieurs États des États-Unis (la Virginie en janvier 2013, le Vermont en mars 2014, puis l’État de New York en janvier 2015) qui ont voté une loi reconnaissant le Lyme chronique. À l’été 2016, quinze États américains ont voté une loi Lyme. C’est une reconnaissance politique majeure, et, dans certains États, le législateur demande que l’on informe les malades que les tests diagnostiques sérologiques ne sont pas fiables. Ces lois demandent que l’on finance de la recherche pour développer de nouveaux tests et de nouvelles stratégies de traitement et que l’on arrête de persécuter les « crypto-infectiologues », ces médecins courageux qui prennent en charge les malades atteints de Lyme chronique. Les compagnies d’assurances sont contraintes de rembourser les traitements antiinfectieux au-delà de trois semaines. À l’échelon fédéral, la loi a été votée en décembre 2018. Une loi Lyme a été votée au Canada en décembre 2014, votée à l’unanimité par le Sénat canadien ! Pendant ce temps, en France, alors que le Haut Conseil de la santé publique a publié un rapport accablant sur la situation actuelle, soixante-dix députés ont soutenu le vote d’une loi sur la maladie de Lyme. La secrétaire d’État au Handicap Ségolène Neuville (médecin infectiologue) a dit à l’Assemblée nationale, ayant le soutien de la ministre de la Santé Marisol Touraine, qu’il n’y avait pas de problème avec le Lyme en France, et consigne a été donnée aux députés de la majorité de bloquer le projet de loi ! Un député socialiste m’a écrit, confus, pour me dire qu’il avait été désolé d’être obligé de suivre les consignes de vote de son parti, mais qu’il m’encourageait vivement à poursuivre mon combat légitime ! Le plus curieux, depuis ce débat parlementaire, est que des personnalités politiques éminentes me contactent régulièrement pour que je voie en consultation des personnes de leur connaissance atteintes de maladie de Lyme

chronique. Bizarre pour une maladie imaginaire ! La seule consolation après cette débâcle parlementaire est qu’en contrepartie la ministre a annoncé qu’elle aiderait la recherche. Bizarre aussi pour une maladie qui n’existe pas ! Connaissant l’impossibilité d’obtenir des financements publics sur la recherche, que ce soit en France ou dans les autres pays, notamment aux États-Unis, l’annonce par la ministre française de la Santé qu’elle veillerait au financement dans le domaine est une excellente nouvelle pour les malades. Je salue cette avancée et la prise de conscience récente du problème par le cabinet de la ministre et par la Direction générale de la santé. Une impulsion politique forte est indispensable pour venir au secours des malades. En septembre 2015, grâce à l’action énergique de chercheurs belges dynamiques, Valérie Obsomer, entomologiste, et Liesbeth Borgermans, docteur en sciences médicales et professeure en soins chroniques dans le département de médecine familiale à l’Université Libre de Bruxelles, j’ai été invité ainsi que Richard Horowitz à une audition devant la commission de la santé publique, de l’environnement et du renouveau de la société de la Chambre des représentants de Belgique. Liesbeth et Valérie m’ont proposé de m’associer à elles avec deux autres collègues (Ran Balicer de l’Université Ben Gourion du Négev en Israël et Ozren Polacek de l’Université de Split en Croatie, et travaillant aussi dans un centre de recherche sur la santé mondiale à l’Université d’Édimbourg en Écosse) dans la rédaction d’un éditorial dans le prestigieux British Medical Journal (BMJ). Le titre de l’article est : « Lyme disease : Time for a new approach ? » (« Maladie de Lyme : le temps d’une nouvelle approche ? »). Cette publication, acceptée par le journal, nous a fait un grand plaisir, car c’est exceptionnel pour des experts « de l’opposition au dogme établi » de réussir à publier dans un

journal aussi lu, le BMJ étant classé au cinquième rang mondial parmi les journaux médicaux généraux. En février 2016, une pétition lancée par une malade luxembourgeoise courageuse, Tania Silva, mère de deux enfants, a eu un succès inespéré. Devant le nombre énorme de signataires, la Chambre des députés du Luxembourg a reçu les représentants des pétitionnaires qui m’avaient demandé de les accompagner. La ministre de la Santé et le ministre de la Sécurité sociale du Luxembourg étaient présents et ont pu écouter nos arguments. J’ai alors appris avec stupeur que le diagnostic de Lyme n’était presque jamais porté au Luxembourg et qu’il y avait eu officiellement trois cas au cours de l’année précédente et zéro cas deux ans auparavant ! Bizarre dans un pays où les tiques aux alentours sont hypercontaminées ! Sur le plan politique, j’ai apprécié qu’un pays, petit par la taille, ait un fonctionnement très démocratique avec la possibilité d’un contact direct entre plaignants et ministres ou président de la Chambre des députés. Au Canada, après le vote de la loi Lyme, de nouvelles recommandations ont été élaborées avec l’aide des « cryptoinfectiologues ». Malheureusement, les recommandations canadiennes sont restées très proches des lignes directrices obsolètes de l’IDSA. Aux États-Unis, le site officiel qui héberge les recommandations nationales pour les professionnels de santé et les compagnies d’assurances, le National Guidelines Clearinghouse, a supprimé les recommandations obsolètes de l’IDSA pour ne laisser que celles de l’ILADS, société savante qui pendant des années a été accusée de prôner de l’« antiscience » ! C’est un juste retour des choses, et les malades américains peuvent se réjouir. Paradoxalement, le lobby européen anti-Lyme chronique s’arcboute. Un exemple en est l’exploitation tendancieuse d’un rapport du

Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), publié en avril 2016. Ce rapport insiste sur les nombreux problèmes posés par la sérologie, sur la nécessité d’en confronter les résultats avec les signes cliniques des malades et conclut qu’il faut prendre les indications qu’ils fournissent avec précaution en attendant des données plus solides. Et, pourtant, ce rapport est utilisé par des « experts », notamment en France, pour dire que l’ECDC « a démontré » que la sérologie était parfaite ! Le fait que les politiciens de plusieurs pays poussent de plus en plus à la reconnaissance de la maladie devrait leur faire prendre conscience de la nécessité de financer la recherche et de faciliter la mise en place de groupes de travail internationaux indépendants. Ainsi, les scientifiques pourraient reprendre le contrôle de la situation. Des tests fiables sont essentiels pour étudier les nombreux syndromes d’origine peu claire qui peuvent simuler d’autres maladies. Il est urgent de favoriser la recherche fondamentale et clinique qui serait le moyen le plus rentable de s’assurer que les patients soient correctement diagnostiqués et que les meilleures stratégies thérapeutiques soient mises au point. Depuis quelques années, on observe dans de nombreux pays un événement annuel d’importance grandissante, le World-Wide Lyme Protest (WWLP) ou Rassemblement international de protestation contre le déni de la borréliose de Lyme. En France, à l’été 2016, les autorités de santé ont vraiment pris conscience de l’ampleur du problème. Il faut remercier la ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui a reconnu que de nombreux malades souffrant de symptômes chroniques étaient en errance et non pris en charge par le système de soins. La ministre a annoncé un plan national de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmises par les tiques. Elle a tenu ses promesses d’aider la

recherche en soutenant le financement d’un grand projet cherchant à identifier les microbes en cause chez les animaux et les humains.

Le chant du cygne du club Lyme de l’IDSA Attaqué de toute part, n’ayant plus le soutien institutionnel des autorités américaines, le club Lyme de l’IDSA redouble d’activités pour se justifier aux yeux de l’histoire. On peut en voir un témoignage, parmi d’autres, dans une étude publiée en 2016 par Berende dans le New England Journal of Medicine, accompagnée d’un éditorial écrit par Michael Melia et Paul Auwaerter. Le titre de l’éditorial, « Time for a different approach to Lyme disease and longterm symptoms », semble d’autant plus prometteur qu’il reprend largement la formule choisie par Liesbeth Borgermans, Christian Perronne et collaborateurs pour leur propre éditorial publié en décembre 2015 dans le British Medical Journal : « Lyme disease : Time for a new approach ? » dont nous avons déjà parlé. Il existe effectivement un consensus mondial, désormais, sur une approche multifactorielle de la maladie et des maladies associées liées aux coinfections par d’autres microbes que Borrelia burgdorferi. Le problème pour les malades est que les auteurs n’ont copié que le titre ! Je leur aurais pourtant pardonné un plagiat de l’ensemble de l’article et même, pour tout dire, je leur en aurais su gré ! Malheureusement, l’étude de Berende et collaborateurs n’apporte aucune réponse à toutes les interrogations soulevées par les publications scientifiques récentes qui prouvent la persistance de Borrelia, même après quelques mois de traitement antibiotique, avec une capacité de la bactérie à prendre des formes variées pour mieux persister dans les cellules et les tissus de son « hôte », qu’il soit animal ou humain comme l’ont montré Embers et Meriläinen. Elle ne

permet en aucun cas de conclure qu’un traitement anti-infectieux prolongé est inefficace sur les signes et symptômes de la maladie de Lyme chronique. Après deux semaines d’un antibiotique injectable, ® la ceftriaxone (Rocéphine ), les patients sont tirés au sort entre trois groupes. Au cours des trois mois suivants, un groupe va revoir du placebo, le deuxième groupe, un antibiotique oral, la doxycycline, et le troisième groupe, l’association d’un antibiotique oral, la clarithromycine et l’hydroxychloroquine (Plaquenil®), un puissant anti-infectieux. Ces deux stratégies de traitements anti-infectieux sont adaptées pour le traitement de la maladie de Lyme. Pourquoi avoir arrêté le traitement ainsi que l’évaluation des patients à trois mois ? On sait pourtant qu’à cette période, dans l’expérience de tous les médecins qui s’occupent de Lyme chronique, on est encore dans une phase où les exacerbations de signes et symptômes déclenchées par les traitements (réaction de Jarisch-Herxheimer ou « herx ») demeurent présentes chez une proportion importante de malades, qui pourtant vont s’améliorer significativement ou même guérir quelques semaines ou quelques mois plus tard. De surcroît, rien dans les méthodes de l’étude ne permet de différencier les exacerbations de la maladie des vrais effets secondaires des anti-infectieux. Seule la prolongation du traitement au-delà de trois mois permet de constater que ces prétendus « effets secondaires » finissent par disparaître alors qu’on continue le même traitement. L’étude n’a absolument pas pris en compte l’évolution cyclique naturelle de la maladie qui est très fréquente, faisant qu’à trois mois, indépendamment des traitements, certains malades vont être en phase de poussée et d’autres en phase de régression de leurs symptômes. On sait, par expérience, que ces oscillations finissent

habituellement, sous traitement prolongé, par être moins fortes et moins fréquentes avec le temps, pour finir, dans le meilleur des cas, par disparaître après quelques mois. L’étude semble bien commencer avec une analyse des signes et symptômes dont souffrent les malades à l’état de base, avant de commencer les traitements. Jusque-là, tout va bien, mais, une fois les patients tirés au sort dans l’un des trois groupes, on ne surveille plus et on n’analyse plus du tout leurs signes et symptômes ! On se contente d’un score global de qualité de vie, le SF36, qui établit une moyenne de l’état général ressenti par le patient sans aucun détail sur ses différentes catégories de signes et symptômes. Il peut s’agir de signes généraux (fatigue, fièvre, sueurs, variations de poids) ou de signes touchant différents systèmes de l’organisme : signes cutanés, articulaires, musculaires, osseux, cardiaques, neurologiques, etc. Tous ces signes ne peuvent absolument pas être évalués individuellement par le score SF36. Ainsi, dans la pratique des médecins qui connaissent parfaitement la prise en charge du Lyme chronique, ce mode d’évaluation ne peut rien montrer à trois mois. Les malades du groupe placebo, après peut-être une petite amélioration initiale due aux deux semaines de ceftriaxone, vont rester assez stationnaires ou reprendre les oscillations naturelles de leurs signes. Les malades des groupes recevant un vrai traitement anti-infectieux vont se répartir en trois sous-groupes, absolument pas étudiés dans ce travail : ceux qui vont être bien améliorés, ceux qui vont être dans un état pire qu’avant le début des traitements (en raison des exacerbations) et ceux chez qui on va voir certaines catégories de signes s’améliorer quand d’autres vont être en phase d’aggravation. Par exemple, à trois mois, un malade peut constater une nette régression de ses douleurs articulaires ainsi qu’une quasi-disparition

de ses troubles cardiaques, alors que ses céphalées et son brouillard intellectuel vont être encore pires qu’avant le traitement. Globalement, le patient va dire qu’il ne se sent pas bien, et son score SF36 va être mauvais alors qu’il va peut-être guérir trois mois plus tard. Les auteurs de cette étude savaient pertinemment que la méthodologie qu’ils ont employée était incapable de montrer une différence entre les groupes à trois mois. Ils le savaient car ils ont copié la méthodologie déjà utilisée il y a quinze ans par Klempner et collaborateurs. Cette étude ancienne qui ne comprenait que deux groupes (antibiotique ou placebo), publiée en 2001, comme par hasard dans le même journal, le New England Journal of Medicine, n’avait montré aucune différence entre les groupes. De ce point de vue, il était prévisible que la nouvelle étude de Berende, en raison même de la façon dont elle avait été conçue, n’apporterait rien de nouveau. Cerise sur le gâteau, il est amusant de constater qu’une proportion des malades inclus dans l’étude avait une sérologie de Lyme négative ! Cela n’est pas choquant en soi et l’on pourrait même s’en réjouir, mais c’est incompréhensible de la part d’experts qui disent que la sérologie de Lyme est parfaite ! Cherchez encore l’erreur ! Alors qu’au niveau américain et international il commence à être exigé que les associations de soutien aux malades soient consultées sur les recommandations qui les concernent, et ce, quelle que soit la maladie, il est ahurissant de constater que les malades souffrant de Lyme chronique n’ont pas eu leur mot à dire dans la conception de l’étude et que l’on n’ait pas recueilli pour la méthodologie l’avis des nombreux médecins qui dans le monde soignent au quotidien et

avec succès des centaines de milliers de malades souffrant de symptômes persistants et invalidants. De nombreuses études ouvertes publiées ont montré le bénéfice d’un traitement antibiotique prolongé, avec un renforcement de l’effet en ajoutant de l’hydroxychloroquine (Donta 1997 ; Donta 2003 ; Clarissou 2009 ; Perronne 2015). Des études randomisées comparant un antibiotique à un placebo ont montré une efficacité si l’on mesure des signes précis et non un vague score de qualité de vie (Krupp 2003 ; Fallon 2008). Dans l’étude de Fallon, les améliorations des troubles cognitifs ont été mesurées par des tests objectifs et corrélées à des modifications du débit sanguin cérébral mesuré par SPECT scan (ou scan TEMP, tomographie d’émission mono-photonique). On peut donc conclure que l’étude de Berende et collaborateurs a été conçue délibérément pour ne rien montrer ! Ainsi, quinze ans après l’étude de Klempner, celle-ci n’en est que la réplique paresseuse, l’étude « rebelote », si j’ose dire : mais ils n’auront pas le « dix de der » ! Je pense et espère que cet article lamentable est le « chant du cygne » du club Lyme de l’IDSA.

Les connaissances récentes sur la maladie et le succès de certains protocoles thérapeutiques obligent à réviser les dogmes Pistes pour le traitement : en phase d’attaque puis en phase d’entretien

Comme pour la tuberculose ou d’autres infections persistantes d’évolution prolongée, on voit clairement qu’il est nécessaire de distinguer deux phases dans le traitement. La première, correspondant au traitement d’attaque, peut utiliser les antibiotiques classiquement recommandés actifs sur les bactéries en phase de croissance avec multiplication rapide. Quand l’infection est refroidie et que les symptômes ont diminué, il est indispensable de changer de logique et de passer à une seconde phase, correspondant au traitement d’entretien, en privilégiant des antibiotiques ou d’autres anti-infectieux actifs sur les bactéries persistantes, en phase de latence. Ces bactéries « endormies » ont un métabolisme ralenti ou se présentent sous forme kystique et échappent ainsi à l’action des antibiotiques. De la recherche clinique est nécessaire pour évaluer ces stratégies de traitement d’entretien.

Autres facteurs pouvant intervenir sur la maladie Le grand chaud ou au contraire le grand froid ont un effet bénéfique chez certains malades. Cela ne me surprend pas car les chocs thermiques avaient été utilisés avant l’ère des antibiotiques pour soigner la syphilis tertiaire, c’était la malariathérapie qui a valu à son inventeur autrichien, le neuropsychiatre Julius WagnerJaurreg, le prix Nobel de physiologie ou de médecine en 1927. Wagner-Jaurreg était un ami de Freud avec qui il avait eu des discordes sur la psychanalyse. Il avait été aussi attaqué pour avoir promu des électrochocs à des malades dans des conditions barbares. Des soldats ayant subi des chocs émotionnels liés à la guerre préféraient retourner sur le front dans l’enfer des tranchées plutôt que de rester en psychiatrie dans les mains de ce médecin. À

cette occasion, Freud l’avait quand même défendu. En dehors de ces dérives avec les chocs électriques, ses théories sur le choc thermique étaient bien établies sur le plan scientifique. La syphilis, comme le Lyme, est due à un spirochète sensible à la température. Certains préfèrent la cryothérapie. Le corps est plongé à - 150 °C pendant moins de trois minutes. C’est ce qui est fait couramment pour les grands sportifs, entre autres les coureurs cyclistes. Dans certains cas, un changement de régime peut améliorer l’état clinique des malades sur le long cours, notamment en diminuant les apports en gluten, en laitages non fermentés, en sucre et en viandes rouges. Cela rejoint les études actuelles sur la composition de la flore intestinale, appelée microbiote, qui semble moduler l’évolution de certaines maladies chroniques. Il existe des travaux de plusieurs équipes dans le monde sur la modification du microbiote et l’évolution de différentes maladies chroniques. Des expériences de transplantation fécale sont menées. Il s’agit de prendre un échantillon de matières fécales d’un donneur et de l’inoculer au receveur malade, souvent par l’intermédiaire d’une sonde gastrique. Récemment, il y a eu une publication d’une équipe de recherche qui a administré à des malades ayant une maladie auto-immune des vers intestinaux non dangereux pour l’homme. Cette implantation de parasites a eu un effet bénéfique sur la maladie chronique. L’intoxication par les métaux lourds, plomb, mercure (et non pas l’aluminium qui est un métal léger tout ce qu’il y a de plus naturel et omniprésent dans l’alimentation), notamment à partir des amalgames dentaires, pourrait jouer un rôle dans certains cas, mais cela reste difficile à évaluer car leur recherche et leur prise en charge sont interdites en France actuellement, car assimilées à de la charlatanerie ! En France, ces soins se font clandestinement. Ils sont

réalisés de façon ouverte à l’étranger, notamment en Allemagne, en Suisse, en Espagne ou aux États-Unis. L’efficacité de ces extractions de métaux (chélations) est variable. J’ai vu des malades dépenser beaucoup d’argent sans résultat et, à l’inverse, j’ai vu quelques améliorations spectaculaires de l’état clinique après extraction des amalgames et chélations. Les médecins français n’osent plus se lancer dans ce domaine car celui qui avait la plus grande expérience, un médecin épidémiologiste, Jean-Jacques Melet, s’est suicidé en 2005 après les persécutions des autorités de santé. Il faut bien entendu rester prudent dans ce domaine et relativiser car des milliards d’individus dans le monde ont des amalgames dentaires avec une espérance de vie qui ne fait que s’allonger. Le problème ne touchant que certains individus, on ne doit pas exclure une susceptibilité génétique aux métaux lourds. Ce domaine mériterait de sortir de la clandestinité pour être soumis à une évaluation sérieuse. Avec le développement de la résistance des bactéries aux antibiotiques, un mouvement se dessine parmi des médecins et scientifiques de plusieurs pays pour relancer la recherche sur les bactériophages. Les bactériophages sont des petits virus capables de s’attaquer aux bactéries et qui au cours de la première moitié du e XX siècle ont été utilisés avec succès pour traiter diverses infections graves. Cette méthode de traitement, appelée phagothérapie, avait presque disparu dans les pays industrialisés après l’apparition des antibiotiques. Seuls les pays de l’ex-Union soviétique et des pays d’Europe de l’Est qui ont été sous influence soviétique ont gardé une certaine tradition de phagothérapie. Une équipe anglaise est en train de mettre au point un bactériophage anti-Borrelia burgdorferi, mais la poursuite de la recherche est nécessaire pour permettre aux

bactériophages de pénétrer à l’intérieur des cellules humaines où sont cachées les borrélies.

Une « médecine fondée sur les preuves » : pour le meilleur et pour le pire J’ai pu observer des améliorations nettes ou des guérisons de maladies de Lyme chroniques mais aussi d’autres maladies variées. Ce qui m’a consolé devant l’incompréhension de mes collègues, c’est que j’ai rencontré par la suite des médecins de différents pays qui avaient la même expérience et qui eux aussi ne pouvaient pas publier leurs résultats. Je n’étais donc pas le seul fou. Dans le monde, il y a des millions de malades et des milliers de médecins « crypto-infectiologues » qui les soignent au quotidien et en guérissent un grand nombre. Pourtant, ces médecins ne sont pas reconnus. Le système refuse de voir qu’il y a des gens qui souffrent et des gens qui savent les soigner. Tout le système de recherche est organisé autour du concept simpliste : une cause, une maladie. Or de nombreux malades échappent à cette vision devenue universelle. En priorisant les seuls critères objectifs, on a marginalisé les critères personnels du médecin. De surcroît, j’ai pu constater que la liberté d’expression n’existait quasiment plus dans le système moderne standardisé de publication scientifique où l’on exige, avant de discuter, que tout soit parfaitement prouvé. Ce n’était pas le cas du temps de nos anciens patrons qui avaient toute liberté pour publier leur expérience, même atypique, dans des journaux médicaux. Certes, la médecine est une science, qui doit être le plus exacte possible, mais tout n’est pas complètement démontrable en médecine avec les outils actuels.

Heureusement, la médecine est aussi un art, mais on tend à l’oublier.

La médecine est avant tout un art humaniste Dans son ouvrage la Médecine expérimentale, Claude Bernard e décrit au XIX siècle une méthodologie scientifique basée sur les preuves expérimentales. Claude Bernard, qui voulait absolument ces preuves, a souvent défendu la « génération spontanée » de certaines maladies avant que l’on « prouve » l’existence des microbes responsables. Malgré son côté saint Thomas, « je ne crois que ce que je vois », j’ai beaucoup de respect pour Claude Bernard, dont l’ancien hôpital des maladies infectieuses à Paris portait le nom, car il a posé les bases de l’expérimentation en médecine. La nécessité de recueillir des preuves a conduit plus récemment au concept de « médecine factuelle ». En m’intéressant à la médecine factuelle, c’est-à-dire la médecine basée sur les preuves (l’evidence-based medicine des Anglo-Saxons), j’ai eu la bonne surprise de découvrir qu’un des promoteurs canadiens de cette méthode, Sackett, engageait les experts à se souvenir que la médecine factuelle ne se limite pas à suivre des données brutes de la littérature médicale. Ces dernières comprennent, notamment, les études randomisées (études dans lesquelles les malades volontaires sont tirés au sort pour recevoir tel ou tel traitement ou un faux médicament, appelé placebo ou un autre traitement) et les méta-analyses (analyses scientifiques rigoureuses d’un ensemble de publications portant sur un même sujet pour tenter d’en faire la synthèse). La médecine factuelle est en fait la conjonction de l’expérience clinique individuelle de chaque médecin et de l’évidence apportée par les sources extérieures disponibles

(données scientifiques fondamentales, résultats de la recherche ayant une pertinence clinique). Souvent, ces données disponibles sont incomplètes, peuvent être de mauvaise qualité et ne cernent pas toujours l’ensemble du problème. L’expérience clinique individuelle, d’après Sackett, signifie la compétence et le jugement individuel du clinicien acquis au fil du temps grâce à la pratique auprès des malades. Le troisième ingrédient de la médecine factuelle est le choix du patient. Sackett conclut que la médecine factuelle ne saurait en aucun cas être le suivi à la lettre, sans réfléchir, de recettes de cuisine toutes faites, présentées sous la forme de recommandations ou de lignes directrices. Il insiste sur le fait que le choix du patient ne devrait jamais être oublié. Il avait également prédit que les deux derniers ingrédients risquaient fort d’être oubliés au fil du temps. Ce monsieur était un prophète. Inutile de dire que le troisième ingrédient de la médecine factuelle est ignoré de la plupart des médecins actuellement. Le patient est plutôt vécu par beaucoup de médecins comme un trublion dans la démarche médicale de prise en charge ! On préfère soigner des scanners et des résultats de laboratoire plutôt que d’écouter les plaintes ou les désirs du patient. Plus le patient est instruit, et plus il connaît les publications médicales concernant sa maladie, plus vite il est « recadré » par son médecin. Les questions ou les demandes de précisions sont souvent vécues par le médecin comme incongrues, a fortiori une timide remise en cause. Ce phénomène s’est amplifié avec Internet car, dans certains cas, je le constate tous les jours, des malades futés en savent beaucoup plus que le médecin. Les récalcitrants sont le plus souvent éjectés pour crime de « lèse-compétence », on s’en débarrasse en les dirigeant vers un psychiatre ou un autre spécialiste.

Le deuxième ingrédient de la médecine factuelle est, en plus du troisième, totalement ignoré des autorités de santé. Le Conseil de l’ordre des médecins, la Caisse d’assurance-maladie ou certains tribunaux ne regardent plus que la littérature scientifique, les recommandations et les conférences de consensus. Ce n’est plus de la médecine ! Pour revenir à la maladie de Lyme, il faut rappeler, une fois encore, qu’une publication scientifique parue dans un grand journal médical américain a mis en évidence que la plupart des recommandations de l’IDSA qui ont fait force de loi dans le monde sur la maladie de Lyme et reprises dans la conférence de consensus française de 2006 ne sont pas du tout basées sur des preuves mais sur l’avis de quelques experts américains.

La liberté de prescrire en dehors de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) Les restrictions de prescrire hors AMM, outre qu’elles sont impossibles à respecter en pratique courante, stérilisent toute initiative éclairée et toute avancée pour les patients. La quasi-totalité des traitements de la maladie de Lyme chronique et des coinfections sont hors AMM. Si la loi était respectée, les malades devraient payer de leur poche tous les traitements. Quelle injustice sociale ! Autant aller se faire soigner en Allemagne ! Cette exception française devrait être corrigée au plus vite, au minimum pour le rétablissement du remboursement par l’assurance-maladie.

Tenir compte de toutes les publications scientifiques sans mettre au placard celles qui bousculent les dogmes établis Quand une étude ne comprend pas de tirage au sort, on ne la lit même pas, en arguant que ce n’est pas de la science et que ça ne permet pas de conclure, mais, quand une étude randomisée (avec tirage au sort) utilisant un placebo dans les règles de l’art est publiée, on ne la lit pas non plus lorsqu’elle dérange le consensus établi ! Cependant, selon les circonstances, ce consensus n’est pas toujours suivi. Prenons un exemple révélateur, la communauté médicale mondiale a accepté les standards de traitement de la fièvre Q chronique (due à une infection par Coxiella burnetii) basés sur des études ouvertes avec un nombre assez faible de patients, sans aucune étude randomisée ! Pourquoi, pour cette infection chronique, les spécialistes acceptent de donner dix-huit mois de traitement antibiotique « sans preuve » au lieu d’abandonner les patients à leur sort, afin de respecter leurs standards internationaux d’évaluation, soi-disant incontournables ? Je suis très heureux que les patients souffrant de fièvre Q chronique aient accès à un traitement de dixhuit mois par une association de doxycycline et d’hydroxychloroquine. Alors que cette même association, donnée pendant plusieurs mois (plus longtemps que la durée des études randomisées publiées sur la maladie de Lyme chronique, limitée à trois mois) souvent très efficace pour traiter la maladie de Lyme chronique, n’est pas « autorisée » ? Pourquoi ? Alors que plusieurs études ouvertes, conduites chez des malades atteints de Lyme chronique, montrent le bénéfice d’un traitement prolongé par tétracycline (la doxycycline est un antibiotique de la famille des tétracyclines) et le bénéfice d’associer un antibiotique avec

l’hydroxychloroquine. La raison est l’absence d’une étude randomisée de qualité, conduite sur une durée suffisante. L’exemple de ces deux infections bactériennes chroniques montre que l’on s’accommode de standards différents selon le bon vouloir de leaders d’opinion qui règnent sur le domaine. Il existe d’autres exemples comme la maladie de Whipple qui est une maladie systémique provoquée par la bactérie Tropheryma whipplei. Les principaux signes sont une arthrite, une perte de poids, une douleur abdominale et une diarrhée. Le traitement antibiotique recommandé consiste en plusieurs semaines de pénicilline ou de ceftriaxone par voie intraveineuse, puis d’au moins un an de cotrimoxazole (sulfamide) ou d’une association de doxycycline et d’hydroxychloroquine. De plus, la rechute après traitement est décrite chez certains malades et, dans ce cas, acceptée par la communauté médicale. On prescrit même à certains malades en rechute un traitement antibiotique à vie ! Encore deux poids deux mesures. Un exemple d’implication probable de bactéries est celui de la lombosciatique pour laquelle une étude comparant chez des volontaires un traitement par antibiotique, la doxycycline, ou un placebo a démontré l’efficacité de cet antibiotique dans la sciatique. Les prélèvements chirurgicaux des disques vertébraux obtenus chez des malades avant traitement ont montré la présence d’une bactérie, habituellement cause de l’acné, Propionibacterium acnes. Cette bactérie étant souvent retrouvée sur la peau saine, on pourrait se demander s’il n’y a pas eu une contamination des prélèvements, ce qui est toujours possible. Le fait troublant est qu’elle ait été retrouvée sur différents prélèvements. Quels que soient le ou les microbes en cause, le fait important est la démonstration de l’effet du traitement antibiotique. Il me semble prioritaire de refaire des études similaires

pour confirmer les résultats. Les rhumatologues que je connais et qui ont lu l’étude se sont empressés de la ranger dans un tiroir et ne veulent pas entendre parler d’antibiotique dans la sciatique ou les lombalgies.

En finir avec le dénigrement des médecins minoritaires qui savent soigner et œuvrent pour le plus grand bien des malades Un exemple est celui de la recherche sur le VIH-sida qui est aux mains de l’industrie pharmaceutique. Le docteur Jacques Leibowitch, qui travaille encore à Garches malgré sa retraite, est un génie qui a toujours été en avance dans le domaine du VIH. Comme Luc Montagnier, découvreur du VIH et prix Nobel, me l’a confirmé, Leibowitch a contribué à la découverte du VIH en mettant les chercheurs sur la piste d’un rétrovirus qui pourrait être à l’origine de la maladie. Il a vu avant tout le monde l’imperfection de la sérologie utilisée au début. Il a dénoncé, contre tout l’establishment médical, l’utilisation abusive du placebo ou de « groupes témoins » recevant un seul médicament avec la certitude de sélectionner rapidement des virus VIH résistants. Les « méthodologistes » intégristes avaient déjà pris le pouvoir sur les médecins humanistes dans le domaine de la recherche, pour la plus grande joie des industriels du médicament. Quand je suis arrivé à Garches en 1994, tous les malades infectés par le VIH soignés par Leibowitch avaient régulièrement une mesure de la charge virale dans le sang afin de contrôler en temps réel l’efficacité des traitements antirétroviraux. Aidé par Dominique Mathez, il utilisait cette technique, alors unique au monde, en routine. Cela n’était pas connu car Leibowitch, toujours pris dans le feu de l’action, n’aimait pas publier les résultats

de ses recherches. Il réalisa à Garches le premier protocole mondial de traitement par combinaison de trois antirétroviraux, les fameuses trithérapies. C’était l’essai qu’il avait baptisé Stalingrad car c’était pour lui le tournant de la guerre contre le VIH. Quand, quelques années plus tard, il me parla de ses essais fructueux de réduction de prises de médicaments antirétroviraux, la stratégie ICCARRE pour « Intermittents et courts, les antirétroviraux restent efficaces », j’étais enthousiasmé et je décidai immédiatement de l’aider dans cette entreprise. Toutes ses prescriptions étaient bien évidemment en dehors des recommandations officielles et de l’AMM. Jacques Leibowitch et moi avons été accusés de façon agressive par certains de mes collègues infectiologues d’être des médecins ayant perdu la raison en soutenant une prise en charge « dangereuse » pour les personnes infectées par le VIH. J’ai convaincu Jacques de publier ses résultats, ce que nous fîmes avec deux publications dans une revue internationale prestigieuse d’immunologie, le FASEB Journal. Cette stratégie, diminuant beaucoup la quantité de médicaments absorbés, n’est pas vue d’un très bon œil par les firmes pharmaceutiques. Cette stratégie a été ensuite validée à nouveau par un essai clinique officiel de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS), publié en 2017 dans le Journal of Antimicrobial Chemotherapy. Ce succès a été pour nous un encouragement à garder l’esprit ouvert et à ne pas suivre aveuglément le courant dominant ou certains lobbys. Actuellement, cette stratégie innovante, considérée par la communauté médicale comme un réel progrès dans la prise en charge de l’infection à VIH, fait l’objet d’une étude randomisée en double aveugle. En raison de la position officielle sur la maladie de Lyme et de la menace de persécutions par les autorités de santé, il existe un manque criant de médecins « crypto-infectiologues » formés. Les

médecins volontaires ne se bousculent pas au portillon. Pourtant, de plus en plus de médecins sont intéressés, surtout après avoir vu des malades dans leur entourage. Beaucoup aimeraient prendre en charge des patients mais ils ont peur et je les comprends. Bien que connaissant quelques collègues hospitalo-universitaires qui m’avouent en privé « faire un peu de Lyme chronique » en cachette, aucun universitaire n’a voulu me suivre, à part le professeur Jérôme Salomon dans mon service. Pourtant, je sais par des collègues ou des malades que des médecins qui crient haut et fort en public que le Lyme chronique n’existe pas traitent en catimini des malades par plusieurs mois d’antibiotiques. Ils ne veulent surtout pas que ça se sache, ça nuirait à leur image. Je ne suis pas là pour les « dénoncer ». En dehors de Garches, aucun chef de service, universitaire ou non, n’ose s’engager. La seule exception en France est le docteur Raouf Ghozzi, chef du service des maladies infectieuses au centre hospitalier de Lannemezan dans les HautesPyrénées. Raouf fait un travail fantastique. Il est très apprécié de ses malades. Pour lui aussi, la saturation de sa consultation devient difficile à gérer. Raouf a sur moi un avantage géographique, c’est sa proximité avec Lourdes. Les patients peuvent y faire un petit détour en allant à l’hôpital, ce qui augmente leurs chances de guérison ! Par son humanisme profond et la qualité de sa prise en charge, Raouf a été élu premier président de la toute nouvelle Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT) qui regroupe trois associations de malades et un conseil scientifique de médecins et chercheurs. Heureusement qu’il y a de nombreux médecins généralistes qui acceptent courageusement de suivre des malades, à leurs risques et périls. Je leur rends un hommage admiratif et sincère car ils

exercent maintenant dans la peur. L’urgence de l’urgence est d’arrêter de les persécuter. Il faut bien entendu que ces prises en charge, si elles doivent rester souples et ouvertes, soient encadrées par un suivi sérieux en réseau avec des centres cliniques de référence, afin que la « cryptoinfectiologie » ne tombe pas dans les mains de charlatans opportunistes qui voudraient se faire de l’argent sur le dos de malades en détresse.

Améliorer la formation des médecins et l’organisation des soins Dès que les autorités auront donné les instructions indispensables pour que cesse la chasse aux sorcières et que soit rétabli le remboursement, de nombreux médecins hospitaliers ou libéraux ne manqueront pas d’être volontaires pour aider à la prise en charge des patients en souffrance. Malheureusement, beaucoup seront perdus de naviguer en terre inconnue. Ils ne verront pas que le malade assis devant eux à la consultation a bel et bien un Lyme chronique séronégatif ou une autre « crypto-infection ». Même s’ils prolongent le traitement antibiotique, ils seront déstabilisés par les aggravations initiales et les rechutes. La maladie est chronique, le plus souvent à vie, et nécessite un apprentissage, un vrai compagnonnage, pour se familiariser avec tous les ingrédients de la prise en charge. En effet, aujourd’hui, faute d’outils de pilotage, la navigation se fait « à vue » avec des stratégies élaborées « à la carte ». Les malades ne répondant jamais de la même façon, probablement en raison de la multiplicité des facteurs en cause, il faut sans cesse s’adapter en fonction de la réponse à chaque ligne de traitement et aussi de l’évolution globale. Les « crypto-

infectiologues » devront mettre en place des formations pour leurs confrères. Il faudra des années pour que la majorité des médecins acceptent une remise en cause de leurs pratiques habituelles. La stratégie la plus efficace serait d’ouvrir des unités spécialisées ou des centres de santé où l’on pourrait recruter des médecins volontaires et motivés. Il faudrait, pour l’avancement de la recherche, que ces centres travaillent en réseau pour la mise en commun de données médicales et de protocoles. La mise en place d’une cohorte nationale de malades, avec le soutien des autorités, semble être une priorité. Cette prise en charge des « crypto-infections » devra faire une large place à la médecine préventive, en intégrant notamment les connaissances nouvelles sur l’alimentation et la composition de la flore intestinale (microbiote), sur les liens avec la nature et notamment les arthropodes vecteurs comme les tiques, et certaines formes de médecine naturelle efficaces comme la phytothérapie.

Mobiliser les industriels Pour les firmes pharmaceutiques, les maladies chroniques sont un bon investissement car la durée du traitement est illimitée. L’industriel ayant vis-à-vis de ses actionnaires une logique commerciale ne va pas spontanément favoriser une recherche qui tend à alléger les traitements, à revalider d’anciens médicaments pas chers ou, « pire », à guérir ces maladies chroniques. Cependant, il faut comprendre que l’industrie est un partenaire absolument indispensable pour faire avancer la recherche. C’est grâce à l’industrie pharmaceutique que des progrès médicaux

considérables ont été accomplis. Seule l’industrie a les capitaux et les moyens techniques pour inventer et mettre à disposition de nouveaux tests diagnostiques ou de nouveaux traitements, mais, il faut le reconnaître, les contraintes économiques sont terribles. Développer un médicament coûte de plus en plus cher et beaucoup de produits n’arrivent pas en bout de développement et ne sont jamais commercialisés. C’est souvent le cas quand un effet secondaire rare inattendu est découvert en fin de processus au moment de la commercialisation. Rater le développement d’un produit peut mettre en péril la survie de l’entreprise. Le rôle des agences publiques de recherche et des chercheurs eux-mêmes est d’essayer de canaliser la recherche industrielle et de convaincre que de nouvelles stratégies peuvent être aussi à l’origine de marchés qui permettront le retour sur investissement. L’éthique médicale doit jouer ici un rôle majeur car les valeurs éthiques ont souvent du mal à résister aux contraintes capitalistes. Pour la maladie de Lyme, les industriels n’investissent pas, car on leur dit que c’est une maladie rare qui guérit en trois semaines avec de vieux antibiotiques qui coûtent trois francs six sous. De plus, ils ont bien perçu la polémique mondiale féroce qui effraie les investisseurs. Quand les industriels auront réalisé que les « cryptoinfections » concernent des millions et plus probablement des milliards d’individus sur la planète, que des microbes multiples sont en cause et qu’il faut développer toute une gamme de tests diagnostiques, le regard sur la maladie de Lyme et les maladies associées changera du jour au lendemain. Quand ils vont comprendre que ce sont de vraies infections chroniques, difficiles, voire impossibles à guérir complètement pour certaines, ils investiront dans la recherche sur de nouveaux médicaments antibactériens, antiparasitaires, antichampignons et même

antiviraux. Un champ de recherche s’ouvre pour développer toute une gamme de traitements d’entretien. Les firmes auront de vrais retours sur investissement. Effectivement, à partir de 2018, on a pu voir que certains laboratoires pharmaceutiques étaient en train de réaliser l’existence d’un immense marché mondial potentiel et commençaient à investir dans la recherche. C’est vraiment une bonne nouvelle.

Changer de paradigme en matière de recherche sur les causes des maladies et les traitements susceptibles de les prévenir ou de les guérir Le développement de nouvelles méthodes diagnostiques est une nécessité prioritaire. Ces nouvelles techniques, parfois déjà utilisées en médecine vétérinaire, devraient être appliquées à l’homme. D’autres déterminants, tels que des facteurs génétiques, environnementaux ou auto-immuns, devraient également être étudiés. Une collaboration plus étroite entre épidémiologistes, microbiologistes, immunologistes, généticiens, spécialistes de l’environnement, vétérinaires, entomologistes, cliniciens et sociologues spécialisés en sciences humaines et sociales est nécessaire pour identifier les principaux agents qui pourraient être à l’origine de ces infections inapparentes, pour déterminer la pathogénicité des souches et pour mesurer leurs répercussions dans la société. Une nouvelle approche multidirectionnelle est cruciale pour élargir le domaine de la recherche et pour aller de l’avant. De même, malades et médecins doivent s’unir pour faire avancer ensemble la prise en charge et la recherche.

Trois associations françaises de soutien aux victimes de la maladie de Lyme l’ont bien compris. C’est ainsi qu’en 2015 France Lyme, Lympact et le Relais de Lyme ont décidé de créer ensemble avec des médecins et des chercheurs la toute nouvelle Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT) avec le slogan : « Malades, médecins, chercheurs, ensemble ». L’union fait la force. Pour les malades, je me suis juré de continuer le combat jusqu’au jour où la maladie de Lyme chronique et les maladies associées seront reconnues officiellement en France et où le drapeau vert de la reconnaissance du Lyme flottera sur le CHU de Strasbourg (où est localisé le Centre national de référence des Borrelia, voire, pourquoi pas, sur la cathédrale, devenue un symbole européen. Cependant, le combat n’est pas encore gagné car, comme le disait Max Planck, prix Nobel de physique en 1918 : « Une vérité nouvelle, en science, n’arrive jamais à triompher en convainquant les adversaires et en les amenant à voir la lumière, mais plutôt parce que, finalement, ces adversaires meurent et qu’une nouvelle génération grandit, à qui cette vérité est familière. » Dommage, car je ne souhaite pas la mort de mes collègues qui sont pour beaucoup des amis et par ailleurs d’excellents médecins. Comme le proclamait Richard Buckminster Fuller, l’homme qui aux États-Unis a développé et amélioré le concept architectural de « dôme géodésique » inventé par Walther Bauersfeld : « On ne change pas les choses en combattant la réalité existante. Pour changer quelque chose, construis un nouveau modèle qui rendra l’ancien obsolète. » Pour Charles Nicolle, les borrélioses étaient les « maladies du futur ». Cette perspective était pour lui intimement liée à une

conviction profonde : « La connaissance des maladies infectieuses enseigne aux hommes qu’ils sont frères et solidaires. »

Un changement de paradigmes est nécessaire pour une nouvelle approche de la médecine Quatre grands principes devraient animer ce redéploiement, dans la continuité de la dynamique suggérée dans les pages précédentes. 1. Il existe « une seule santé », animaux et humains partageant le même environnement, notamment l’environnement microbien. 2. Le postulat de Henle-Koch (« un microbe, une maladie ») est dépassé. Il n’y a pas qu’une seule cause à une maladie liée à une infection. Il peut y avoir plusieurs microbes en cause (bactéries, parasites, champignons, virus), ainsi que des facteurs génétiques et environnementaux. 3. La communauté médicale doit apprendre, avec l’aide des chercheurs, à ne plus simplement soigner les signes et symptômes de nombreuses maladies chroniques, mais à en rechercher les causes afin de proposer des traitements curatifs qui amènent une rémission prolongée et même la guérison dans les cas les plus favorables. Les infections inapparentes, ou « crypto-infections », représentent vraisemblablement une part importante de ces causes cachées. 4. La recherche en cancérologie devrait intégrer la dimension infectieuse des cancers. Pour paraphraser Charles Nicolle, les « crypto-infections » sont et seront les compagnes constantes de notre existence. Apprenons à les décrypter.

Longue vie à la « crypto-infectiologie » et surtout longue vie aux malades !

CHAPITRE 13

Vers une reconnaissance mondiale de la maladie de Lyme chronique

Les preuves scientifiques contrastent avec le manque de recherche clinique de qualité Depuis la publication de la première version de mon livre en janvier 2017, de l’eau a coulé sous les ponts et les preuves scientifiques démontrant l’existence de la maladie de Lyme chronique se multiplient. Le fait que les tests sérologiques pour la maladie de Lyme ne sont pas fiables est maintenant bien établi et de plus en plus reconnu. Depuis le rapport du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC, avril 2016), mentionné ci-dessus, de nouvelles données ont été publiées, confirmant la mauvaise sensibilité des sérologies de Lyme. Une excellente méta-analyse (c’est-à-dire une analyse de toutes les publications sur le sujet) a été publiée par Cook et Puri en 2016. La sensibilité moyenne (tous tests confondus) est de 59,5 % (30,6 à

86,2 %), loin des 100 % encore annoncés par certains experts ou laboratoires. Les études cliniques utilisant une bonne méthodologie et tenant compte de l’énorme expérience des médecins Lyme font défaut. Les études cliniques ont été passées en revue dans le livre, mais à l’heure actuelle, début 2019, il n’y a pas une seule étude randomisée pour évaluer un traitement antibiotique vraiment prolongé (quatre mois minimum) pour la maladie de Lyme chronique. Il est étonnant de constater que ce type d’étude, qui devrait être une priorité, ne soit pas financé.

L’Académie nationale de médecine J’ai été invité à participer à Paris à une réunion sur la maladie de Lyme à l’Académie nationale de médecine. À l’époque, le président de l’Académie, en raison de ma longue expérience en médecine factuelle et en santé publique, voulait que je devienne membre de cette noble institution. Il m’a demandé de donner des conférences. La première sur la maladie de Lyme en 2015 s’est déroulée dans une petite salle avec la commission Maladies infectieuses et tropicales de l’Académie dont beaucoup de membres étaient des collègues éminents et amis de longue date avec qui j’avais beaucoup travaillé dans le passé. Mon exposé a été très apprécié. La deuxième conférence, sur la tuberculose, en juin 2016, s’est déroulée en séance plénière et a également été appréciée par l’auditoire. Ensuite, le 20 septembre 2016, j’ai donné une conférence sur Lyme en séance plénière. Habituellement, peu de personnes du public y assistent. Ce jour-là, le balcon, réservé au public était rempli de patients, de médecins Lyme et de journalistes. J’ai présenté des données probantes sur la faible fiabilité des sérologies, la

persistance de l’infection malgré un traitement antibiotique de courte durée et le rôle des co-infections, comme je l’avais fait lors de mon exposé précédent. Mes diapositives étaient remplies de références étayant mes propos. Au moment des questions, un ancien chef d’un département de maladies infectieuses et tropicales m’a ordonné de me rétracter immédiatement. Comme je restais calme et ferme, il m’a dit que j’avais tenu des propos irrationnels, puis m’a traité de terroriste. Les centaines de témoins, patients, médecins et journalistes ont été interloqués. Peu après, de façon amusante, un hebdomadaire alsacien a écrit un article me comparant à Galilée devant le tribunal de l’Inquisition qui l’a obligé à se rétracter et à reconnaître que c’était le Soleil qui tournait autour de la Terre. La scène a été immortalisée par le caricaturiste américain David Skidmore, auteur des Lyme Loonies. Je suis représenté réfugié au sommet de la tour Eiffel brandissant le drapeau français, comme le flambeau de la statue de la Liberté, tandis que des personnes au sol crient « terroriste » ou « Galilée » ou « maladie de Lyme : sorcellerie ». Quelques collègues allemands qui m’appellent « le phare » m’ont félicité de tenir bon. Cet événement enregistré a été mentionné dans quelques articles, livres et un rapport officiel à l’Organisation des Nations unies. J’ai été heureux de recevoir en privé le soutien chaleureux de quelques académiciens.

ONU et OMS : des avancées pour la classification internationale des maladies En 2017, j’ai rencontré Jenna Luché-Thayer, ancienne conseillère principale (senior advisor) auprès des Nations unies et

du gouvernement américain, avec trente-deux ans d’expérience dans le domaine des droits de l’homme, dans quarante-deux pays. Elle a pris la tête d’une coalition mondiale de médecins et de chercheurs nommée « Comité ad hoc pour l’équité en santé au sujet des codes borrélioses de la Classification internationale des maladies CIM 11 ». Nous avons eu des réunions à Genève, à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avec des rapporteurs spéciaux des Nations unies et d’autres fonctionnaires des Nations unies. En 2017 et 2018, nous avons rencontré deux rapporteurs spéciaux de l’ONU. Nos deux rapports, maintenant publiés, ont contribué à ouvrir des portes. Ils documentent comment l’absence de codes adéquats, l’absence de tests diagnostiques fiables, le rejet par les médecins de millions de patients n’est plus acceptable et dénoncent cette violation des droits de l’homme sur tous les continents. Au cours de ces réunions, j’ai rencontré le docteur Kenneth B. Liegner et j’ai réalisé qu’il a été un grand pionnier qui a dénoncé les violations des droits de l’homme des patients atteints de maladies à tiques. Le docteur Liegner a publié un livre qui donne un aperçu de vingt-cinq ans de guerre du Lyme. J’ai également rencontré le docteur Sin Hang Lee, qui a développé des tests de diagnostic PCR (amplification génique) en collaboration avec le CDC d’Atlanta et qui a maintenant intenté un procès contre le CDC, en demandant 57 millions de dollars de dommages et intérêts, pour blocage de la reconnaissance de ses brevets pour l’empêcher de développer sa technologie validée. La Classification internationale des maladies (CIM) de l’OMS, version CIM 10, ne reconnaissait que quatre codes pour la maladie de Lyme, sans aucune reconnaissance des nombreuses formes cliniques de la maladie, en particulier celles liées à la chronicité de

l’infection. Pour la syphilis, l’autre maladie « grande simulatrice », le nombre de codes est très important. Nos efforts ont porté leurs fruits. En juin 2018, l’OMS a publié la version en cours de la CIM 11 qui a inclus plusieurs nouveaux codes pour Lyme, y compris un code pour la démence de Lyme et un code pour la transmission materno-fœtale ou maladie de Lyme congénitale. La pertinence du code de Lyme congénital a depuis été contestée par des personnes anti-Lyme, déclenchant une réaction mondiale appelant au maintien de ce code et à la reconnaissance des complications potentiellement mortelles de la maladie de Lyme congénitale.

En Europe, les professeurs de médecine impliqués sont rares Les professeurs de médecine qui luttent pour la reconnaissance de la maladie de Lyme chronique sont très rares en Europe (et dans le reste du monde). Certains ont été menacés et d’autres persécutés. En Norvège, le professeur Carl Morten Laane, microbiologiste à l’Université de Bergen, a été attaqué car, malgré plusieurs avertissements, il a continué à présenter ses données montrant la persistance de Borrelia au microscope. J’ai parlé de lui plus haut. Il a été radié de son université et l’une de ses publications a été retirée d’une revue scientifique. J’ai rencontré le professeur Jack Lambert, d’origine écossaise, qui travaillait aux États-Unis dans le domaine du VIH-sida. Il est actuellement professeur de maladies infectieuses à Dublin, en Irlande. J’ai été heureux de le rencontrer et de trouver un excellent collègue universitaire, médecin et chercheur, avec qui on peut travailler sur une base scientifique. Jack fait un travail fantastique et vient d’ouvrir en Irlande un centre spécialisé

dans la formation des patients et des médecins généralistes sur Lyme et les crypto-infections. En réponse à la création d’un « Centre de formation et de recherche » pour Lyme, axé sur la formation du public et des médecins pour une meilleure détection précoce des infections transmises par les tiques, un certain nombre de ses « collègues » en Irlande, membres du « club Lyme » de l’IDSA, ont tenté de saboter la création de son centre. Ils ont ressorti la vieille ritournelle de l’IDSA. « Il y a très peu de tiques infectées, il n’y a pas de Lyme chronique, les patients s’inventent leur maladie, c’est une maladie rare, facile à diagnostiquer et facile à traiter… Si les malades ne s’améliorent pas avec un traitement de courte durée, mais s’améliorent ou guérissent avec un traitement antibiotique prolongé, c’est un effet placebo ! » Au cours de la dernière décennie, rien n’a bougé dans la rhétorique du club Lyme de l’IDSA, alors que, dans le monde entier, les choses changent beaucoup. Cependant les attaques se poursuivent à la fois contre les médecins et les groupes de patients, il n’est pas surprenant que d’autres professeurs en Europe qui croient en la cause ne veuillent pas le manifester publiquement, craignant les institutions, les autorités et les conséquences de leur « aveu ».

Une approche multidisciplinaire tout à fait nécessaire Dans de nombreux pays, il est difficile de mettre au point de nouveaux tests diagnostiques. Certains groupes d’experts ont le monopole de décider quel test est valide ou non, et quelle recherche devrait être développée et financée ou non. En France, c’est le

Centre national de référence pour la borréliose (CNR) de Strasbourg qui détient ce monopole. Aucun autre laboratoire biologique humain n’a investi dans la recherche sur la borréliose. Ainsi, de nouveaux tests, tels que les réactions de polymérisation en chaîne (PCR), ou amplification génique, qui ne sont pas développés par le CNR, sont bloqués. Si elle était suffisamment sensible, la PCR éliminerait le problème des tests sérologiques non fiables ! Les laboratoires de biologie vétérinaire qui développent de nouvelles PCR pour animaux, travaillant pour l’homme, sont dénoncés par les autorités sanitaires ou par l’Agence du médicament (ANSM) qui est également en charge des produits et dispositifs médicaux. Notre ministre de la Santé, le professeur Agnès Buzyn, ayant demandé à l’ANSM de revoir et de valider tous les tests sérologiques pour Borrelia commercialisés en France, je me suis demandé comment cette agence pouvait vérifier la qualité de l’étalonnage des kits sérologiques car, comme l’a reconnu en 2016 le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC), il est impossible de calibrer correctement les sérologies de Lyme en raison de l’impossibilité de définir avec certitude des populations de malades et des populations de sujets en bonne santé non infectés. En juillet 2018, j’ai demandé une rencontre avec les experts de l’ANSM pour connaître leur méthode. Ils m’ont confirmé que l’évaluation était faite en analysant des échantillons de donneurs de sang en bonne santé. L’explication suivante m’a étonné : le « gold standard » pour évaluer tous les tests est la sérologie « officielle » en deux temps (Elisa puis, si positif, Western blot) du CNR, alors qu’il est publié que cette technique sérologique n’est pas bonne ! Quand je leur ai dit qu’il s’agissait d’un biais énorme, ils étaient gênés et m’ont répondu que, même si j’avais raison, ils n’avaient pas d’autre moyen pour faire cette évaluation. D’autres techniques, comme le dosage quantitatif

des antigènes, devraient être mises au point. Le progrès ne peut pas venir d’un seul laboratoire. Des synergies et de la concurrence sont nécessaires pour aller de l’avant, dans une approche multidisciplinaire. Par exemple, nous devrions collaborer plus étroitement avec les immunologistes. Certains d’entre eux travaillent actuellement sur la borréliose et la réponse immunitaire. Il est maintenant établi que Borrelia peut induire une immunodépression. Ainsi, certaines co-infections pourraient être des infections opportunistes, comme on l’a vu dans le cas du sida. Les chercheurs mettent au point de nouveaux marqueurs immunologiques qui pourraient aider au diagnostic. Les virus persistants sont probablement impliqués dans de nombreuses maladies chroniques. Certains virus persistent dans l’organisme. En plus des virus bien connus comme les virus de l’hépatite, du VIH, de l’EBV, du CMV, du virus de l’herpès simplex, du virus varicelle-zona, des données récentes montrent que le virus de l’encéphalite à tiques (TBEV), le virus Zika, le virus du Nil occidental et le virus Powassan peuvent persister. Aux États-Unis, une forte proportion des patients atteints de Lyme chronique sont infectés par le virus Powassan. Certains médecins soupçonnent des rétrovirus endogènes, hébergés par tous les animaux ou les humains, d’être responsables de certains troubles chroniques. Des études virologiques sérieuses sont nécessaires.

La récente évolution en France Suite à la création de la Fédération française contre les maladies transmises par les tiques (FFMVT) en 2015, regroupant trois associations de patients et de sympathisants, un collège de

médecins et de chercheurs et un conseil scientifique, le plaidoyer s’est appuyé sur des arguments scientifiques et des publications médicales. J’ai été élu président du conseil scientifique de la FFMVT. L’analyse des données publiées a montré que les preuves étaient de notre côté. Cette initiative a accru notre visibilité et une meilleure prise en compte par les médias et les politiciens. La Fédération FFMVT a créé un fonds de dotation Recherche Biotique pour la recherche. En septembre 2016, les autorités sanitaires, le ministre de la Santé, le directeur général de la Santé, la Haute Autorité de santé (la HAS) ont reconnu un vaste problème de santé publique et que les tests diagnostiques et les stratégies thérapeutiques devaient être révisés. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a reconnu publiquement que de nombreux patients atteints de Lyme chronique sont abandonnés et rejetés par le système de santé. Elle a décidé en septembre 2016 de lancer un plan national. Cinq axes stratégiques ont été définis : Axe stratégique 1 : améliorer la surveillance vectorielle et les mesures de lutte contre les tiques dans une démarche OMS « one health – une seule santé » (homme et animaux partageant le même environnement, dont l’environnement microbien). Axe stratégique 2 : renforcer la surveillance et la prévention des maladies transmises par les tiques. Axe stratégique 3 : améliorer et uniformiser la prise en charge des malades. Axe stratégique 4 : améliorer les tests diagnostiques. Axe stratégique 5 : mobiliser la recherche sur les maladies transmissibles par les tiques. Lors du lancement du plan français par Marisol Touraine, j’avais rencontré le professeur Agnès Buzyn, alors présidente de la Haute

Autorité de santé (HAS). Je l’ai croisée il y a longtemps quand elle était interne dans le service où je travaillais. La HAS a été chargée de créer un groupe de travail sur la prise en charge des patients. Agnès Buzyn est très ouverte d’esprit et a découvert la complexité de la question. Elle a aidé d’une manière très positive. En 2017, après l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République, elle a été nommée ministre de la Santé. J’ai participé au groupe de travail sur l’axe stratégique 3. Il s’agissait d’un groupe d’experts pluridisciplinaire, placé sous l’égide de la Haute Autorité de santé (HAS). Le groupe comprenait des représentants de sociétés médicales avec des médecins de plusieurs spécialités dont des représentants de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), des microbiologistes, des médecins généralistes, le Centre national de référence pour la borréliose (CNR), un patient et des médecins Lyme de la Fédération FFMVT. Jérôme Salomon, professeur de maladies infectieuses et tropicales dans mon département et qui m’a toujours aidé dans la prise en charge des malades chroniques de Lyme, était coprésident de ce groupe de travail. Plus tard, en janvier 2018, il a été nommé directeur général de la santé au ministère. Le groupe, composé d’experts pro- et antimaladie de Lyme chronique, est parvenu à un consensus final et a rédigé les nouvelles recommandations françaises intitulées « Recommandation de bonne pratique pour la maladie de Lyme et autres maladies transmises par les tiques ». La recommandation se compose de deux parties. Un texte court (recommandations elles-mêmes) théoriquement consensuel, et un long texte, l’Argumentaire scientifique (revue scientifique) incluant des références médicales. Des opinions divergentes pouvaient être exprimées dans le texte long. Pour les formes cliniques de la maladie de Lyme proprement dite, la sérologie

est recommandée, mais un résultat positif de sérologie n’est pas obligatoire pour poser le diagnostic. Le texte reconnaît officiellement un nouveau syndrome appelé SPPT (Syndrome polymorphe persistant après une possible piqûre de tique). Le SPPT peut être attribuable à Lyme, à des co-infections et/ou à d’autres facteurs. Le lien avec une piqûre de tique n’a pas besoin d’être établi. Les sérologies pour Lyme ou les co-infections peuvent être négatives. Le SPPT a déjà été mentionné dans le rapport rédigé par le Haut Conseil de la Santé publique (HCSP) en 2014. Le SPPT est proche du syndrome décrit et reconnu aux États-Unis, le PTLDS (PostTreatment Lyme Disease Syndrome, syndrome de Lyme posttraitement), mais sans besoin d’un diagnostic de Lyme prouvé et sans nécessité d’un traitement antibiotique préalable. À l’origine, le PTLDS avait été créé par l’IDSA en affirmant que les malades qui présentent des signes et symptômes persistants après un traitement court « officiel » souffraient de troubles de nature non infectieuse (le nouveau rapport américain reconnaît maintenant la possibilité d’infection persistante dans le PTLDS). Le SPPT sous-entend une infection persistante non traitée ou partiellement traitée, par des Borreliae mais aussi par d’autres bactéries ou parasites, qui devrait être traitée par des anti-infectieux. Le diagnostic du SPPT est principalement clinique. En cas de SPPT, tout médecin généraliste peut prescrire, après exclusion d’un autre diagnostic, un traitement antibiotique empirique à titre d’essai diagnostique pour évaluer la réponse à un mois de doxycycline. Une réponse au traitement confirme l’origine bactérienne de ce syndrome. La réponse initiale peut être une aggravation (réaction de Jarisch-Herxheimer). Il est possible de prescrire des médicaments anti-infectieux au-delà d’un mois, sans limitation quant à la durée du traitement ou au choix des médicaments. Le médecin généraliste

doit définir les soins médicaux avec un centre hospitalier expert (centres de référence et centres de compétence). Les centres seront nommés par le ministère de la Santé après un appel national. Dans les recommandations de la HAS, les centres experts doivent avoir des représentants de patients de Lyme et de médecins Lyme dans leur organisation. Pour l’instant (printemps 2019), cette demande de la HAS n’est pas mentionnée dans les dossiers d’appel d’offres, ce qui est très choquant et semble incompréhensible. Des médecins anti-Lyme pourraient faire labelliser leur centre et continuer à rejeter les malades ! Les traitements et les résultats doivent être enregistrés afin de recueillir des données pour la recherche (recherche observationnelle, cohortes). Certains patients volontaires seront inclus dans les essais cliniques (évaluation de nouveaux tests diagnostiques, essais randomisés…). Le choix du médecin du centre d’expertise est libre (il n’est pas obligatoire de choisir le centre régional), cependant, contrairement avec ce qui avait été débattu à la HAS, l’organisation territoriale prévue par le ministère semble imposer un maillage régional qui risque de mettre les malades de nombreuses régions en grande difficulté. Il était évoqué qu’après la publication des recommandations, les persécutions contre les médecins traitants de Lyme cessent. Les centres de référence recevront des fonds pour les moyens humains et les ressources matérielles, afin d’enregistrer les données. En attendant que les centres soient désignés et financés, les médecins continueront à prescrire comme d’habitude. Les recommandations françaises devraient être revues régulièrement, au moins tous les deux ans. Le problème est que ces nouvelles recommandations ont été immédiatement attaquées. Après l’accord final, les collègues qui ont travaillé au sein du groupe étaient d’accord jusqu’à la réunion finale sur le texte

consensuel, puis, ont refusé de le signer. Ils ont lancé des attaques et fait pression pour obtenir le soutien des sociétés médicales. Plusieurs sociétés savantes (spécialistes et médecins généralistes) ont demandé un boycott du texte. Des modifications dans le texte des recommandations ont été apportées secrètement par la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et par le CNR pour la borréliose de Strasbourg, sans l’accord des membres de la Fédération FFMVT. Ces modifications n’étaient pas du tout consensuelles. La stratégie de test en deux temps pour la sérologie a été ajoutée a posteriori sans l’accord de l’ensemble du groupe : Elisa d’abord et, si c’est positif, Western blot. Une annexe (annexe 3) sur la « Performance des tests diagnostiques » a été ajoutée. Dans le tableau de cette annexe, les sérologies sont présentées comme très précises, avec des sensibilités allant jusqu’à 100 % pour certaines formes cliniques (arthrite, acrodermatite chronique atrophiante). Cette conduite choquante des experts anti-Lyme du groupe a constitué une violation de la procédure habituelle d’un groupe de travail officiel. Le collège de la HAS a maintenu les modifications dans le texte final ! Heureusement, ces modifications n’ont pas d’impact important, puisqu’un résultat positif de sérologie n’est pas obligatoire. Malgré ces dysfonctionnements graves, les nouvelles recommandations françaises constituent un progrès. La lutte se poursuit encore puisque nous n’avons aucune garantie aujourd’hui que les centres experts seront mis en place selon les recommandations (par exemple, participation des patients et des médecins Lyme). Prévues par les autorités pour pacifier la « guerre du Lyme », ces recommandations ont déclenché des attaques violentes et irrationnelles sans précédent, au nom de la science mais non basées sur la science, de la part des lobbys anti-Lyme (ça va

trop loin…) et étonnamment de certains patients et médecins (ça ne va pas assez loin…). Malgré ces polémiques, suivies par les médias, les recommandations ont finalement été officiellement publiées en 1 juillet 2018 par la HAS . Ces recommandations visaient à protéger les médecins contre les persécutions. Cependant, en juin 2018, la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) a appelé tous les médecins et pharmaciens à dénoncer les médecins de Lyme, toujours considérés comme des charlatans. Depuis lors, et paradoxalement, le nombre de persécutions a augmenté de la part de la Sécurité sociale et de l’Ordre des médecins, et certains pharmaciens refusent de délivrer des médicaments pour les traitements de Lyme et des co-infections. Le président d’un Conseil départemental de l’Ordre des médecins a même écrit à tous ses confrères du département pour leur demander de ne pas suivre les recommandations officielles de la HAS ! Heureusement il s’est fait rappeler à l’ordre par les autorités.

La phytothérapie, une stratégie nécessaire pour l’avenir J’ai récemment rencontré le professeur Ying Zhang, microbiologiste à Baltimore à l’Université Johns Hopkins, qui est l’un des principaux chercheurs sur l’évaluation des médicaments contre les formes persistantes de Borrelia. J’ai cité dans ce livre ses principales publications. Il travaille de plus en plus sur les traitements à base de plantes et trouve des résultats très intéressants. Certains produits naturels, comme l’origan, peuvent être plus actifs sur les bactéries que les antibiotiques. Yin Zhang est

venu en France fin octobre 2018 pour une réunion à huis clos à l’Institut Pasteur à Paris et a été invité à Montpellier à la réunion scientifique annuelle de la Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques (FFMVT). Nous avons discuté du pouvoir antiinfectieux incroyable de certaines plantes et de la nécessité de développer la recherche dans ce domaine. C’est une priorité car de nouveaux antibiotiques ne sont plus développés, à l’exception de quelques rares molécules. Quand j’ai parlé publiquement de mon soutien à la phytothérapie, j’ai été attaqué. Les opposants disent que l’action des plantes était un effet placebo, ou que les plantes étaient dangereuses et que, de toute façon, leur efficacité n’a jamais été démontrée. Je voulais vraiment participer à des essais cliniques démontrant l’efficacité de certains extraits de plantes. C’est ainsi que j’ai participé à deux grands essais cliniques randomisés. Les études ont été menées en Afrique et ont montré que la plante entière Artemisia est plus efficace que les comparateurs chimiques pour le traitement de la schistosomiase ou du paludisme. La responsable des projets Artemisia est le docteur Lucile Cornet-Vernet, une femme merveilleuse, active et passionnée. Nous avons travaillé avec un médecin très talentueux du Congo-Kinshasa, le Dr Jérôme Munyangi. Les deux études ont utilisé une méthode en double aveugle. Pour la schistosomiase, huit cents patients ont été inclus et, pour le paludisme, mille patients. Le problème majeur de ces études est la difficulté de trouver des financements. Comme on ne peut pas breveter une plante, les industriels n’investissent pas dans cette stratégie qui ne permettrait pas de retour sur investissement.

La vérité scientifique commence à poindre

Certains dénégateurs continuent de dire que les formes persistantes de Borrelia n’existent pas, alors que cela est prouvé dans la littérature médicale (Meriläinen et al., 2015 ; Sharma B. et al., 2015). En France, certains experts, sous l’influence du Centre national de référence pour la borréliose (CNR) et de l’Académie nationale de médecine disent et écrivent dans les médias que tous les patients sont guéris après un traitement antibiotique de trois semaines et qu’il n’existe pas une seule référence publiée montrant que Borrelia peut persister dans le corps après un traitement antibiotique de courte durée. Comment cette désinformation peutelle encore se propager ? C’est une honte. Plusieurs articles montrent que la persistance des signes et symptômes après un traitement antibiotique « classique » (court) est observée chez 16 à 62 % des patients (Shadick N. A. et al., 1994 ; Asch E. S. et al., 1994 ; Oksi J. et al., 1998 ; Oksi J. et al., 1998 ; Oksi J. et al., 1999 ; Skogman B. H. et al., 2012 ; Eikeland R. et al., 2011 ; Cairns V. et al., 2005 ; Fallon B. A. et al., 2009). Lorsque vous présentez cette information aux dénégateurs, ils vous disent que les données cliniques ne sont pas solides et que nous avons besoin de données bactériologiques. La persistance de Borrelia a été prouvée chez l’animal, même après plusieurs mois de traitement antibiotique (Straubinger R. K. et al., 1997 ; Straubinger R. K., 2000 ; Embers M. E. et al., 2004 ; Hodzic E. et al., 2008 ; Barthold S. W. et al., 2010 ; Embers M. E. et al., 2012 ; Embers M. E. et al., 2017). À ce stade de la discussion, les dénégateurs vous disent que les résultats chez les animaux ne sont pas représentatifs de l’infection humaine (pourquoi pas ?). Voici les résultats chez l’homme… La persistance de Borrelia a été démontrée chez l’homme après un traitement antibiotique de l’érythème migrant (Hunfeld K. P. et al., 2005 ; Strle F. et al., 1993 ; Weber K. et al., 1993). À un stade plus tardif de la maladie, la

persistance de Borrelia est prouvée puisqu’elle peut être isolée par culture ou PCR (amplification génique) chez l’homme, après traitement antibiotique de la maladie de Lyme chronique (Haupl T. et al., 1993 ; Lawrence C. et al., 1995 ; Lee S. H. et al., 2014 ; Masters E. et al., 1994 ; Murgia R. et Cinco M., 2004 ; Oksi J. et al., 1998 ; Oksi J. et al., 1999 ; Pfister H. W. et al., 1991 ; Phillips S. E. et al., 1998 ; Preac-Mursic V. et al., 1996 ; Preac-Mursic V. et al., 1993 ; Preac-Mursic V. et al., 1989 ; Schmidli J. et al., 1988 ; Middleveen, Sapi et al., 2018). Ces nombreuses publications démontrent clairement la persistance clinique des signes et symptômes, validant l’existence de la maladie de Lyme chronique et la persistance microbiologique de Borrelia. Dans l’étude d’Oksi et ses collaborateurs, publiée en 1999, la culture ou PCR de Borrelia était positive chez 40 % des patients en rechute. Dans l’étude de Middleveen, Sapi et ses collaborateurs publiée en 2018, les PCR de patients et de sujets témoins sains ont été analysées en double aveugle, dans trois laboratoires différents. Les résultats de la PCR ont été comparés à l’examen microscopique et à la culture. En octobre 2018, Garg K. et collaborateurs ont publié un article intitulé « Evaluating polymicrobial immune responses in patients suffering from tick-borne diseases » dans Nature.com/Scientific Reports. Cette étude montre que des co-infections variées existent chez 65 % des patients : Borrelia burgdorferi sensu stricto, Borrelia garinii et Borrelia afzelii (spirochètes et formes persistantes), Babesia microti, Bartonella henselae, Brucella abortus, Ehrlichia chaffeensis, Rickettsia akari, Chlamydia pneumoniae, Chlamydia trachoma, Mycoplasma pneumoniae, ainsi que des virus tels que Coxsackie A16, CMV, EBV, B19. Il semble urgent d’abandonner le postulat « un microbe = une maladie ». Il est intéressant de noter qu’en 2016, la présence de Chlamydia dans les tiques et dans la peau humaine

après une piqûre de tique avait déjà été rapportée par Hokynar K. et collaborateurs. Après toutes ces preuves scientifiques, ceux qui nient l’existence de la maladie de Lyme chronique ne devraient plus être autorisés à dire qu’elle n’existe pas, et pire encore, à désinformer les médecins partout dans le monde. Aux États-Unis, le site Web du National Guidelines Clearinghouse (NGC), qui avait supprimé en 2016 les recommandations obsolètes de l’IDSA, ne présentait plus que les recommandations de l’ILADS, rédigées par les médecins cryptoinfectiologues. Toutefois, en juillet 2018, le financement du NGC a été arrêté, ce qui est un problème pour toutes les recommandations médicales américaines (pas seulement pour Lyme). Le rapport au Congrès de 2018 du Groupe de travail sur les maladies vectorielles à tiques (Tick Borne Diseases Working Group, TBDWG), organisé aux États-Unis par le ministère de la Santé (US Department of Health and Human Services), reconnaît l’absence de tests diagnostiques fiables, l’absence d’essais cliniques de qualité pour évaluer les traitements, la persistance des signes et symptômes et la possibilité de la persistance des bactéries, en soulignant que les coinfections ont été négligées et que nous ne disposons pas de bons tests diagnostiques pour elles non plus. Ils reconnaissent également qu’il n’y a pas eu de recherche significative depuis des décennies et insistent sur la nécessité de financer la recherche. En Europe, les Centres nationaux de référence (CNR) pour la borréliose et les sociétés « savantes », atteints de myopie, ne savent pas lire ou ne veulent pas lire les publications scientifiques et restent totalement alignés sur les recommandations obsolètes de l’IDSA 2006, qui ne sont plus reconnues aux États-Unis. L’IDSA bénéficie toujours d’un soutien important en Europe grâce à EUCALB et

maintenant à ESGBOR, le nouveau groupe de travail sur la borréliose organisé par la Société européenne de microbiologie clinique et maladies infectieuses (European Society of Clinical Microbiology and Infectious Diseases, ESCMID). La désinformation se répand à grande échelle. Alors que la plupart des autorités sanitaires continuent à suivre ces sources peu fiables, les politiciens de tous les pays européens, constatant chaque jour le désespoir de plus en plus de patients, sonnent l’alarme. Cependant, la désinformation continue de se répandre. En juin 2017, Karen Rowan écrit un article très trompeur disant que les « traitements non éprouvés » pour la maladie de Lyme chronique peuvent tuer les patients. De rares cas de décès sont rapportés, mais, dans tous les cas, le décès était dû à une complication d’un cathéter veineux central (un tube fin permettant des perfusions avec l’extrémité placée dans l’artère pulmonaire, près du cœur) et non lié aux antibiotiques. La conséquence a été que de nombreuses revues médicales ont répandu la fausse nouvelle qu’il était maintenant « prouvé » qu’un traitement antibiotique prolongé de Lyme était dangereux et pouvait tuer. En fait, sauf exception, il n’y a aucune indication de tels cathéters pour les patients de Lyme. En septembre 2018, des médecins spécialistes des maladies infectieuses d’un hôpital parisien (Haddad et collaborateurs) ont publié un article surprenant dans la revue de l’IDSA, Clinical Infectious Diseases, disant que moins de 10 % des patients atteints de Lyme chronique sont réellement atteints de Lyme (les autres sont psychiatriques ou ont une autre maladie : syndrome de fatigue chronique, fibromyalgie, maladie auto-immune, etc.) et parmi ces cas « confirmés », l’échec antibiotique est observé dans plus de 80 % d’entre eux. L’histoire d’une piqûre de tique était obligatoire pour le diagnostic, alors qu’il est publié que les trois quarts des patients atteints de Lyme prouvé

ne se souviennent d’aucune piqûre de tique. La sérologie devait être positive en Elisa et Western blot, alors qu’il est publié que ces tests ne sont pas fiables. Il est triste et affligeant de lire ces « résultats », mais c’est malheureusement exactement la façon dont les patients sont pris en charge par les médecins qui ne sont pas des médecins Lyme. Le résultat final de leur prise en charge est que 20 % des patients sont guéris parmi moins de 10 % des cas « confirmés ». Cela représente deux patients ou moins guéris parmi cent patients ! C’est affligeant quand on sait qu’on peut améliorer l’état de santé ou guérir environ 80 % des patients quand ils sont pris en charge par les médecins Lyme. Dans l’article de Haddad et collaborateurs, l’échec du traitement était retenu lorsque les patients présentaient encore des signes et symptômes persistants malgré quatre semaines d’antibiothérapie. Il s’agit d’un biais majeur de l’étude. Borrelia a des capacités de persistance (corps ronds ou situés dans des biofilms), et des co-infections, y compris des infections parasitaires, qui n’ont pas été recherchées ni discutées. L’« échec thérapeutique » d’un traitement court d’un mois est souvent confondu avec des réactions d’exacerbation clinique (réactions de Jarish-Herxheimer), qui surviennent chez la plupart des malades et qui peuvent se manifester pendant les premiers jours de traitement, mais aussi une, deux ou trois semaines plus tard, et peuvent osciller pendant des semaines et parfois des mois pendant le traitement. Heureusement, notre réponse à Clinical Infectious Diseases a été publiée dans le journal le 21 novembre 2018 (Lacout et al.). Un autre exemple de promotion du déni est un article publié en décembre 2018 dans Médecine et Maladies Infectieuses, la revue de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) par Eldin et al. dont les auteurs sont des représentants de la SPILF et du CNR français pour la borréliose (Review of European and American

Guidelines for the Diagnosis of Lyme Borreliosis). Ils ont fait une compilation de plusieurs recommandations publiées dans le monde depuis 2006. Ces directives sont généralement des copies brutes des recommandations obsolètes de l’IDSA qui ne sont plus reconnues et qui n’étaient pas fondées sur des preuves. Ces lignes directrices ignorent de nombreuses références sans aucune mise à jour. Les auteurs ont rejeté les recommandations de la Société allemande des borrélioses (Deutsche Borreliose Gesellschaft) qui sont les seules à reconnaître la forme chronique de la maladie. Le récent rapport du ministère américain de la Santé (US Department of Health and Human Services), qui s’appuie sur une revue complète des publications scientifiques, n’est même pas mentionné. Quatre auteurs ont participé au groupe de travail français de la Haute Autorité de santé (HAS) et contribué à la rédaction des nouvelles recommandations françaises publiées en juin 2018. Ces recommandations officielles françaises ne sont pas citées. Malgré tous ces préjugés et omissions, les auteurs concluent que les experts du monde entier s’accordent à dire que Lyme chronique n’existe pas et que la sérologie en deux temps est fiable. C’est de la désinformation pure.

La reconnaissance mondiale grâce à la collaboration entre les groupes qui reconnaissent l’infection persistante Une jeune patiente américaine souffrant de Lyme, Olivia Goodreau, a créé avec ses parents la fondation LivLyme. En septembre 2018, sa mère Holiday Goodreau m’a invité à Denver pour donner une conférence sur les nouvelles recommandations

françaises. J’ai pu rencontrer des experts du groupe de travail sur Lyme et les co-infections mis en place par le US Department of Health and Human Services. J’ai pu m’entretenir avec le Dr Richard Horowitz, que je connais bien depuis longtemps, et Kristen Honey, vice-présidente du groupe. Leur récent rapport au Congrès et les rapports de leurs sous-comités traitent de nombreux points que le plan national français tente aussi d’aborder. Ainsi, la France et les États-Unis suivent des chemins qui devraient se rencontrer pour le bien de tous. Cette accumulation de preuves et de soutien politique dans de nombreux pays me fait penser que le « mur » du déni n’est pas loin de s’effondrer. Dans la décision 1082/2013 du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne adoptée en 2013, la borréliose de Lyme a été considérée comme une « grave menace vitale transfrontalière », une « menace vitale ou au minimum un danger grave pour la santé… » et comme une maladie nécessitant une coordination au niveau de l’Union. Des experts de haut niveau soutiennent cette alerte : le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) a publié en août 2017 un manuel « ECDC tool for the prioritisation of infectious disease threats ». La borréliose de Lyme y figure parmi les trente maladies les plus menaçantes pour la santé publique (il n’y avait aucun classement des trente maladies). Grâce au superbe travail de la députée européenne belge, Frédérique Ries, et de son équipe, le 15 novembre 2018, le Parlement européen, à l’unanimité, a adopté une résolution demandant aux États membres d’agir en faveur de la maladie de Lyme et des co-infections. Certains médecins, craignant le changement, se radicalisent. Le professeur François Bricaire, membre de l’Académie nationale de médecine et cosignataire en 2014 de la description du SPPT, disait

en 2018, dans plusieurs médias, que le SPPT était un mauvais concept ! Son élève, le professeur Éric Caumes, vient de déclarer publiquement qu’il avait mis en place avec la SPILF, le CNR pour la borréliose, et plusieurs sociétés savantes un groupe de travail pour rédiger des recommandations visant, en particulier, la suppression du SPPT. Ces « recommandations » privées représenteraient une attaque frontale contre les directives officielles françaises. J’ai lu la même histoire aux États-Unis où l’IDSA, représentée par Lantos, et contrariée d’avoir été tenue à l’écart du groupe de travail officiel américain, planifiait de nouvelles « recommandations » privées, écrites avec d’autres sociétés savantes. De part et d’autre de l’océan, ils déclarent que leurs nouvelles recommandations seront « fondées sur des preuves ». Je leur souhaite bonne chance pour trouver ces preuves. Les autorités de santé françaises souhaitent réunir à nouveau, sous l’égide de la Haute Autorité de santé les sociétés savantes et les associations de malades afin de trouver un compromis.

Le vent tourne… Tout d’abord l’IDSA. Dans un récent article publié en octobre 2018, Schutzer avec plusieurs membres du club Lyme de l’IDSA a publié un article disant que les sérologies de Lyme ne sont pas si bonnes (à l’heure actuelle, ils ne le reconnaissent que pour les formes plutôt précoces de la maladie) et que les PCR pourraient être intéressantes à développer. J’ai été très heureux de lire cela, car, depuis des décennies, ils ont dit que la sérologie était parfaite et que ces dernières années, certains « experts » de l’IDSA ont écrit des éditoriaux virulents contre la PCR pour Lyme ou les co-infections. Ils

ont écrit à l’époque qu’un résultat positif de PCR était presque toujours un « faux positif ». Ils avaient plusieurs « bonnes » explications à cela. Soit, la bactérie était présente dans le sang, le liquide ou l’échantillon de biopsie il y a longtemps (même des années auparavant) mais a disparu, laissant dans le corps un « ADN nu » qui n’est pas infectieux et ne représente pas de bactéries vivantes. Ils ont inventé le concept d’« ADN ambre » ou « ADN fossile ». Cette théorie est un non-sens scientifique puisqu’un ADN nu est immédiatement détruit dans les organes des mammifères par différents types d’enzymes (ADNases). Quand ils se sont rendu compte que leur argument n’était pas crédible, ils ont écrit que les PCR étaient effectuées dans de très mauvais laboratoires par des biologistes qui ne savaient pas travailler correctement et que les résultats étaient tous des faux positifs. J’ai même lu un article publié dans lequel ils écrivaient que ces résultats de PCR « faux positifs » provenaient d’une contamination par l’eau du robinet utilisée dans les laboratoires ! Je ne connais pas de laboratoire qui réalise des PCR à l’eau du robinet et les espèces de Borrelia sont des bactéries qui vivent chez les animaux ou les humains mais qui ne peuvent pas survivre dans l’eau ! Ensuite le directeur du Centre national de référence pour la borréliose (CNR) de Strasbourg, le professeur Benoît Jaulhac. Il est coauteur d’un article avec Robinot et collaborateurs publié en décembre 2018 dans un grand journal d’hématologie, Blood. Le titre de l’article est « Chronic Borrelia burgdorferi infection triggers NKT lymphomagenesis ». Oui, vous avez bien lu : « INFECTION CHRONIQUE À BORRELIA BURGDORFERI ». L’article en soit est très bon, car il montre que l’infection chronique à Borrelia pourrait dans certains cas favoriser une évolution cancéreuse (lymphome). Ce qui est une énorme surprise c’est que, l’année dernière, lorsque

mes collègues et moi-même avons travaillé avec Benoît Jaulhac dans le groupe de travail de la HAS, nous n’avions pas eu le droit de prononcer ce mot iconoclaste : le mot « chronique » était banni ! Finalement bienvenue dans le monde du Lyme chronique. Le CNR de Strasbourg a publié en février 2019 un article intitulé « Values of diagnostic test for the various species of spirochetes » (Eldin et al., 2019). Contrairement à plusieurs de leurs publications récentes, ils y écrivent qu’aucun test diagnostique n’est parfait et que le médecin doit tenir compte du contexte clinique et épidémiologique quand il suspecte la maladie ! Cela fait plaisir de voir ces faits écrits par des personnes qui ont toujours dit que la sérologie est un excellent test ! La prise de conscience croissante exige que l’industrie pharmaceutique s’efforce d’améliorer les nouveaux tests diagnostiques et les traitements de Lyme et des co-infections. Les laboratoires pharmaceutiques, dont la plupart ont ignoré le champ de Lyme pendant trois décennies, sont de retour. De nouveaux vaccins et de nouveaux tests diagnostiques sont mis au point. Il n’est pas certain que les vaccins, qui sont limités à un petit nombre d’espèces de Borrelia et ne sont pas actifs pour prévenir les co-infections, seront une vraie solution, mais la recherche pourrait améliorer le concept. Ce besoin urgent de recherche et de développement pousse à la reconnaissance de la maladie de Lyme chronique et plus généralement à une meilleure connaissance dans le vaste domaine des crypto-infections. La publication, en mai 2019, du livre de Kris Newby, Bitten, révélant les archives secrètes de Willy Burdorfer aura sûrement des répercussions politiques positives. Une nouvelle discipline est en train de naître. La première Conférence Européenne sur les Crypto-infections (First European

Conference on Crypto-infections) a été organisée à Dublin, Irlande, er les 31 mai et 1 juin 2019.

Références

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The Boston Tear Party

Hello Mister IDSA Mister no idea, Mister no assay. Do you see something? IDSA ( I Don’t See Anything!) Is there a trick To deny the fear of ticks? Hello Mister IDSA What do you say? You say: Any test needs two tiers. The eyes of patients are full of tears. You say: Antiscience is a single tier. Your guidelines, patients tear. Doctors ask for a Western blot, You say: it is a plot. Hello Mister IDSA What do you say? You say: it’s only psychosomatic, Antibiotics are not automatic. When life is destroyed by ticks

What is your concern about ethics? Bye bye Mister IDSA You won’t have anymore to say. The Boston tea party Launched the American revolution, The Boston tear party Will launch the global Lyme revolution Christian Perronne, Oslo, 27 mai 2014

Remerciements

Au nom des malades innombrables, je tiens à remercier chaleureusement toutes les personnes qui, en France et dans le monde, mènent le combat de la reconnaissance de la maladie de Lyme chronique et des maladies associées. Les malades dont le courage force le respect et l’admiration face à une montagne de déni et de rejet. Certains ont mené ou mènent au quotidien, sans aide, un combat terrible du pot de terre contre le pot de fer. Tous les médecins de mon département hospitalier qui m’ont cru et aidé dans la prise en charge des malades : Le professeur Jérôme Salomon qui, depuis son clinicat, m’a soutenu et aidé dans la mise en place d’études cliniques chez les malades et m’a ainsi aidé pour écrire les premières publications sur la maladie. La professeure Anne-Claude Crémieux, qui, après une période de doute, m’a finalement compris et soutenu, d’autant plus que ses responsabilités à la Mutualité sociale agricole lui font prendre conscience de l’importance du problème comme pathologie professionnelle.

Le professeur Didier Guillemot, actuellement président de l’université de Versailles-Saint-Quentin (Paris-Saclay) qui, lorsqu’il était dans mon département, a cru dans la thématique et a cherché à m’aider pour structurer la recherche Le docteur Barbara Vidal-Hollaender, qui m’a aidé avec enthousiasme et grande compétence pendant plusieurs années et que je n’ai malheureusement pas pu garder dans le département, faute de poste. Les autres médecins qui ont suivi un grand nombre de malades : Géraldine de Saint-Hardouin, Stéphanie Landowski, Dhiba Marigot, Damien Le Dû et Nathalie Boulet. Les médecins qui me soutiennent dans les projets de recherche : Pierre de Truchis et Benjamin Davido. Les infirmiers, aides-soignants, cadres et secrétaires du département qui ne comprenaient pas bien cette maladie si complexe, ces malades si difficiles à comprendre et à soigner, mais qui m’ont fait confiance, surtout après avoir constaté certains résultats spectaculaires chez des malades gravement handicapés. Les médecins impliqués. Les médecins généralistes courageux, en particulier ceux du groupe Chronimed, qui, sous la menace de la Caisse d’assurance-maladie, ont soigné et sauvé des dizaines de milliers de malades, souvent en situation de détresse. Le professeur Luc Montagnier, prix Nobel de physiologie ou médecine, pour son soutien à la cause de la maladie de Lyme et des maladies associées. Le docteur Philippe Bottero, ce pionnier courageux condamné pour avoir sauvé des milliers de malades. Les médecins de la Caisse d’assurance-maladie et du Conseil de l’ordre des médecins, encore minoritaires et obligés de rester discrets, mais qui me témoignent de plus en plus leur solidarité.

Les associations de soutien aux malades. Les premières associations de soutien aux malades : le site Tiquatac.org, les Nymphéas, SOS-Lyme et Lyme Éthique, véritables pionniers qui, sans aucun moyen, ont défriché le terrain et fait prendre conscience du problème à certaines personnalités politiques. La première grande association, France Lyme, qui a permis de donner une dimension nationale au débat. Les autres associations comme Lympact, puis, quelques années plus tard, Lyme sans frontières et le Relais de Lyme. Judith Albertat, ancienne présidente de Lyme sans frontières, qui a donné, du temps de sa présidence, un élan nouveau au combat. ChroniLyme et Lyme Team. La Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques, regroupant les représentants des malades (France Lyme, Lympact et le Relais de Lyme) avec un conseil scientifique composé de médecins et de chercheurs. Son slogan « Malades, médecins, chercheurs ensemble » est un superbe modèle pour faire avancer, avec sérénité et sur des bases scientifiques, la cause des malades. Aux responsables et nombreux bénévoles de ces associations qui, tout en luttant contre leur fatigue, leurs douleurs et leur handicap, mènent un travail remarquable, notamment pour aider les autres dans la détresse. Le docteur Raouf Ghozzi, président de la Fédération, qui a été à ma suite en France le seul chef d’un service de maladies infectieuses à prendre en charge dans les Pyrénées un nombre considérable de malades de Lyme. L’ancien conseil d’administration de la Fédération : docteur Marc Bransten, Anne Colin, docteur Éric Chorlay, Valérie Colom-Bisbal, Corinne Daures-Eyot, Lucile Delorme, Hugues Gascan, Agnès Gaubert-Picca, docteur Raouf Ghozzi, Pierre Hecker, Anne Jourdan,

docteur Thierry Medynski, docteur Éric Menat, professeur Christian Perronne, docteur Philippe Raymond, Pascale Tilmant. Le nouveau conseil d’administration de la Fédération (2018) : Anne Colin, Hugues Gascan, docteur Raouf Ghozzi, Armelle Greffet, Pierre Hecker, docteur Thierry Medynski, professeur Christian Perronne, docteur Philippe Raymond, professeur Yves Malthiéry. L’ancien conseil scientifique de la Fédération : Sylvie Blangy, docteur Philippe Bottero, docteur Marc Bransten, docteur Lionel Chapy, docteur Éric Chorlay, Hugues Gascan, docteur Raouf Ghozzi, docteur Laurence Malandrin, Camille Mazé, docteur Éric Menat, professeur Christian Perronne, docteur Christine Pommier, docteur Philippe Raymond, docteur Louis Teulières, professeur Paul Trouillas, Muriel Vayssier-Taussat. Le nouveau conseil scientifique de la Fédération (2018) : Hugues Gascan, docteur Raouf Ghozzi, professeur Christian Perronne, professeur Paul Trouillas, professeur Hans Yssel, docteur Alexis Lacout, professeur Yves Malthiéry, Camille Mazé, docteur Philippe Raymond, professeur Alain Trautmann. Des combattants malheureusement décédés trop tôt. Le professeur Éric Dournon, mon prédécesseur à Garches et pionnier de la maladie de Lyme en France, Paul Françon qui voulait m’aider à créer une Fondation et Annie Naidet, ancienne présidente de Lympact. Les sociétés savantes et le Haut Conseil de la santé publique. Mes collègues infectiologues qui représentent ma famille professionnelle avec qui j’ai eu un grand plaisir à travailler dans différentes instances et qui m’ont toujours témoigné leur estime en me confiant de nombreuses responsabilités. Ils n’ont malheureusement pas pu appréhender le problème de la maladie de Lyme et des maladies associées, mais ont su respecter mes propos

divergents et rester à l’écoute. Je remercie tout particulièrement ceux qui ont perçu l’existence du problème et souhaitent collaborer dans la recherche. L’Infectious Diseases Society of America (IDSA), société américaine des maladies infectieuses, noble et respectable institution qui fait beaucoup aux États-Unis et dans le monde pour faire progresser le savoir en infectiologie. Je n’assimile pas l’IDSA avec son groupe de travail « Lyme » qui a conduit le monde dans l’obscurantisme pendant plusieurs décennies. L’International Lyme and Associated Diseases Society (ILADS) regroupant initialement des pionniers américains en guerre contre les recommandations officielles, qui ont eu une perspicacité et un courage extraordinaires. Beaucoup l’ont payé cher pendant des années, avant la reconnaissance officielle tardive de leurs positions. Cette société a pris une ampleur internationale. Le Haut Conseil de la santé publique dont j’ai assuré la présidence de la commission maladies transmissibles pendant des années. J’y ai travaillé avec plaisir avec des collègues de grande valeur, venant d’horizons variés mais très complémentaires. Les journaux scientifiques et les médias. Les journaux médicaux et scientifiques qui ont eu le courage de publier des travaux divergeant des « dogmes » imposés. Chantal Perrin, journaliste, qui a réalisé pour la télévision France 5 le premier reportage majeur sur la maladie et le scandale associé. Ce reportage a eu un énorme succès national et mondial et a ouvert la voie au débat médiatique. Chantal a par la suite écrit un ouvrage remarquable sur le sujet avec Roger Lenglet. Les médias qui ont progressivement pris conscience, à partir du témoignage de nombreux malades et médecins, de l’ampleur du scandale sanitaire. Les journaux comme L’Obs, Le Monde, Valeurs

actuelles qui ont alerté tôt sur cette maladie. Les radios, en particulier les chaînes publiques France Inter, France Info et Radio France Internationale. Les chaînes de télévision, TF1, France 2, France 3, France 5, Canal Plus, M6, RMC, Fréquence M Pourquoi Docteur ? qui ont diffusé de nombreux témoignages. Gwendoline Dos Santos du journal Le Point qui, par son talent, a inauguré une série d’événements médiatiques au succès spectaculaire, déclenchant une épidémie de téléchargements. Cet engouement du public pour la cause du Lyme s’est confirmé par l’énorme impact de plusieurs reportages d’autres journalistes sur différentes chaînes de télévision et dans plusieurs journaux. Isabelle Léouffre de Paris Match qui a su mettre en lumière le témoignage poignant de malades. Emmanuelle Anizon de L’Obs qui, consciente de l’ampleur du problème, s’est mobilisée et a réalisé un grand reportage qui a permis, par ses retombées, de faire connaître la problématique de la maladie de Lyme à toute la France, avec un relais dans tous les journaux nationaux. Les très nombreux médecins qui ont signé une pétition publiée dans L’Obs. Le Canard enchaîné, pour son humour au service de la défense des malades. Les malades courageux, de plus en plus nombreux, qui acceptent de sortir de l’ombre pour témoigner dans les médias. Les personnalités politiques qui progressivement constatent les immenses répercussions sur la santé de leurs concitoyens et qui rejoignent le combat. Le député François Vannson qui avait déposé un projet de loi sur la maladie de Lyme, soutenu par soixante-dix députés, projet bloqué par le gouvernement.

La députée Chaynesse Khirouni qui se bat aux côtés des malades. Claude Deloffre, maire de Vandeléville en Lorraine, qui a eu le courage de parler de sa maladie de Lyme en public et d’alerter ses collègues, maires, sénateurs, sur la situation dramatique des malades en France comme sur l’impossibilité de se faire soigner. Les malades, les médecins et les chercheurs de toute l’Europe mais aussi d’autres continents avec qui je suis régulièrement en contact pour agir ensemble. La communauté francophone avec les Belges et les Luxembourgeois a été particulièrement active. La professeure Liesbeth Borgermans, spécialiste belge de médecine familiale à l’Université Libre de Bruxelles qui souhaite m’aider dans la construction d’un réseau européen. Valérie Obsomer, entomologiste belge, qui étudie avec acharnement les tiques et qui participe à l’animation d’un réseau de médecins en Belgique. Le docteur Cécile Jadin, médecin d’origine belge, digne héritière de son père le professeur Jean-Baptiste Jadin, qui a entretenu la flamme de l’école de Charles Nicolle et qui fait des miracles chez les malades en Afrique du Sud. Le docteur Richard Horowitz, médecin américain et ami, francophone et francophile, qui a une énorme expérience sur la prise en charge de la maladie et avec qui je corresponds régulièrement. Je salue aussi en Allemagne la Deutsche Borreliose Gesellschaft, association très active, et le Borreliose Centrum d’Augsbourg en Bavière qui a traité beaucoup de malades français obligés de s’exiler pour obtenir des soins. J’ai beaucoup d’admiration pour les fondatrices de NorVect, association très active en Norvège.

Le docteur Armin Schwarzbach d’Augsbourg en Allemagne qui a accepté de venir témoigner devant le groupe de travail sur la maladie de Lyme du Haut Conseil de la santé publique. Les chercheurs en microbiologie vétérinaire qui m’ont témoigné leur sympathie et qui souhaitent voir la recherche avancer. Muriel Vayssier-Taussat, directeur de recherche à l’INRA (Institut national de recherches agronomiques), à Maisons-Alfort qui réalise avec toute son équipe un travail fantastique sur l’identification des microbes dans les tiques, chez les animaux domestiques et maintenant chez l’homme. Denis Fritz, directeur d’un laboratoire à Troyes. Le professeur Michel Franck, de l’École vétérinaire de Lyon. Francisco Veas de l’Institut pour la recherche et le développement de Montpellier. La professeure Jeanne Brugère-Picoux, de l’École vétérinaire de Maisons-Alfort et membre de l’Académie nationale de médecine. Jenna Luché-Thayer pour son extraordinaire combat mondial pour la défense des droits de l’homme. Son engagement à la tête d’une coalition mondiale a un impact majeur. Professeur Jack Lambert, infectiologue à Dublin, Irlande, pour son intelligence, son engagement, son désir de travailler avec moi et avec d’autres collègues universitaires pour développer la recherche scientifique, la formation et la communication en Europe. Je remercie tout particulièrement Jack Lambert qui, par son aide financière, a permis la traduction de mon livre en anglais. Le docteur Georges Kaye, médecin interniste à Londres, Grande-Bretagne, qui parle parfaitement français et anglais. Georges Kaye m’a appelé quelques semaines après la parution de mon livre en 2017 pour me dire qu’il l’avait lu avec enthousiasme. Il

est venu me voir à Paris et en a commencé la traduction en anglais. Nous sommes restés amis. Gordana Avramovic, directeur de recherche à l’University College de Dublin, Irlande, qui travaille avec Jack Lambert, qui a pris le relais de la traduction et a accompli un exploit en traduisant mon livre en anglais en un temps record. Ma femme, le docteur Véronique Perronne, interniste et infectiologue, qui m’a rejoint en 2018 dans mon service pour m’aider dans la prise en charge de la maladie de Lyme chronique et des autres crypto-infections. Merci pour l’aide énorme qu’elle m’apporte. Les médecins français mais aussi anglais, suédois, finlandais, polonais et australiens que j’ai aidés pour leur défense lors des violentes attaques portées contre eux par les autorités de santé de leur pays. Les responsables des institutions qui souhaitent aider à faire avancer la recherche. Le professeur Roger Salamon, président du Haut Conseil de la santé publique, qui m’a toujours soutenu pour que l’expertise sur le Lyme soit conduite dans des conditions irréprochables. Le professeur Djillali Annane, doyen de la faculté de médecine Paris-Île-de-France-Ouest, université de Versailles-Saint-Quentin, université de Paris-Saclay, pour sa compréhension du problème et son soutien. Le professeur Christian Bréchot, directeur général de l’Institut Pasteur pour son écoute et son désir de faire progresser la recherche. Le professeur Patrick Berche, ancien doyen de la faculté de médecine Necker à Paris et directeur de l’Institut Pasteur de Lille, pour son ouverture d’esprit à la cause infectieuse des maladies

chroniques, pour sa passion pour l’histoire des maladies infectieuses et pour la confiance qu’il m’a toujours accordée. Le professeur Marc Eloit, de l’Institut Pasteur, impliqué dans des projets de recherche. Le professeur Jean-François Delfraissy, directeur de l’Institut de recherche en microbiologie et maladies infectieuses (IMMI), rattaché à l’Inserm, qui souhaite m’aider à construire la recherche en France sur cette thématique. Le professeur Pierre Bégué, ancien président de l’Académie nationale de médecine, pour son implication et l’organisation de séances à l’Académie sur la maladie de Lyme. La professeure Agnès Buzyn, présidente de la Haute Autorité de santé, qui a parfaitement compris la complexité du problème, liée à la multiplicité des facteurs en cause. Agnès Buzyn est ministre de la Santé depuis 2017. Le ministère de la Santé. Madame Marisol Touraine, ministre de la Santé, pour avoir pris conscience du problème et décidé d’agir et dont l’action a été reprise par Agnès Buzin. Le professeur Benoît Vallet, ancien directeur général de la santé, qui travaille à la mise en place du plan de lutte contre la maladie de Lyme et les maladies transmises par les tiques. Le professeur Jérôme Salomon qui a été professeur de maladies infectieuses et tropicales dans mon département et qui m’a toujours aidé pour la recherche. Depuis janvier 2018, il est directeur général de la Santé. Celles à qui je dois beaucoup. Marie-Pierre Samitier, journaliste de télévision et écrivain, qui m’a écouté et poussé à écrire ce livre. Enfin et tout particulièrement ma secrétaire, Françoise Kostas, qui a fait et continue à faire un travail remarquable en aidant pendant

des heures au téléphone les malades en détresse, qu’elle s’efforce de conseiller pour les aiguiller au mieux. Elle m’a toujours soutenu pendant les moments difficiles. Sans elle, je n’aurais pas pu progresser dans ce combat.

Biographie

Christian Perronne, docteur en médecine et docteur ès sciences, est professeur en maladies infectieuses et tropicales à la faculté de médecine Paris-Île-de-France-Ouest, université de Versailles-SaintQuentin-en-Yvelines (UVSQ), Paris-Saclay. Il est chef du département de médecine de l’hôpital universitaire RaymondPoincaré à Garches (Hauts-de-Seine) de l’Assistance publiqueHôpitaux de Paris depuis 1994. Ancien diplômé de l’Institut Pasteur en bactériologie et virologie, il a été directeur adjoint du centre national de référence de la tuberculose et des mycobactéries à l’Institut Pasteur de Paris jusqu’en 1998. Il est ancien président du Collège des professeurs de maladies infectieuses et tropicales, cofondateur et ancien président de la Fédération française d’infectiologie (FFI). Il a été président du comité technique des vaccinations de 2001 à 2007, comité en charge des recommandations vaccinales nationales. À l’Agence du médicament (actuellement Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, ANSM), il a été membre du groupe des traitements anti-infectieux de 2000 à 2006 et il a été président du groupe de travail chargé d’élaborer les recommandations nationales

basées sur les preuves du bon usage des antibiotiques dans les infections respiratoires. Il a été investigateur principal de plusieurs essais de recherche clinique de l’Agence nationale de recherches sur le sida (ANRS) sur l’infection à VIH et les hépatites virales. Christian Perronne a été président du Conseil supérieur d’hygiène publique de France. Il a été président de la commission maladies transmissibles du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) de 2007 à mars 2016, qui élabore pour le ministère de la Santé des recommandations pour les politiques vaccinales et de santé publique. Il a été président du Conseil national des universités (CNU), sous-section maladies infectieuses et tropicales de 2007 à janvier 2016. Il a été membre du comité scientifique de l’Institut de recherche en microbiologie et maladies infectieuses (IMMI), institut thématique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) de 2009 à 2013. Il est membre de l’unité de recherche Phemi (Pharmacoepidemiology and Infectious Diseases), Inserm, université de Versailles-Saint-Quentin, Paris-Saclay. Il a été vice-président du groupe européen d’experts sur la vaccination (Etage) à l’Organisation mondiale de la santé jusqu’à fin 2015. Il est vice-président de la Fédération française contre les maladies vectorielles à tiques. Il est auteur ou coauteur de plus de trois cents publications scientifiques internationales référencées.

TABLE

Préface Préambule Chapitre 1 - Le « problème Lyme » - Entre cause cachée et aveuglement collectif La maladie de Lyme, moment critique dans la compréhension des processus infectieux Lubies médicales ou folie des patients ? La théorie de la « génération spontanée » des maladies n'est pas morte La « disparition programmée des maladies infectieuses » : une illusion lyrique Tiques, éthique, antibiotiques et politique Le concept de « crypto-infections », chaînon manquant entre Pasteur et Freud Chapitre 2 - Des millions de malades en grande souffrance sans diagnostic précis, faute d'outils diagnostiques fiables Des témoignages bouleversants de patients, soignés après des années d'errance Qu'en pensent les patients ? Rares sont les malades influents qui osent « avouer » qu'ils ont le Lyme Même les médecins tombent malades

Recommandations de traitement erratiques Les trois stades de la maladie de Lyme Première cause d'absence de diagnostic : une sérologie calibrée pour que la maladie de Lyme reste officiellement une maladie rare Une sérologie « bridée » par le concepteur En infectiologie, rien ne vaut, quand c'est possible, une technique d'isolement direct du microbe responsable Deuxième cause d'absence de diagnostic : tous les cas de Lyme ne sont pas dus à Borrelia burgdorferi Une petite nouvelle : Borrelia miyamotoi La petite dernière : Borrelia mayonii Troisième cause d'absence de diagnostic : les maladies chroniques inexpliquées ressemblant au Lyme chronique peuvent être dues à d'autres microbes que les borrélies Les causes de la maladie de Lyme et de toute une famille d'infections inapparentes ou « crypto-infections » La babésiose, une partenaire de taille pour les borrélies Les tiques transmettent encore d'autres microbes… Bonjour les sérologies ! Vive la biologie vétérinaire ! Des outils plus fiables que les sérologies actuellement disponibles pour mieux identifier les causes Pour diagnostiquer les malades écossais, les tests réalisés avec des borrélies écossaises sont plus fiables que ceux réalisés avec la borrélie de référence américaine ! Même les tiques sont mieux loties que les humains en matière de tests diagnostiques ! Chapitre 3 - Les certitudes d'une poignée d'experts face à un monde d'incertitudes Un énorme décalage entre les publications scientifiques et les recommandations officielles La France copie, en 2006, les recommandations américaines, sans même s'aviser de les remettre en cause en 2016, au moment où elles sont rejetées aux États-Unis La maladie de Lyme ou le règne de la censure

Un monde de « certitudes » se fissure Chapitre 4 - Histoire des bactéries spiralées et des tiques Les bactéries spiralées, un « ressort » de l'histoire de l'humanité Il y a beaucoup de bactéries spiralées Nous sommes tous fabriqués avec, dans nos cellules, des microtubules de spirochètes ! On ne sait plus diagnostiquer les borrélioses en routine dans la médecine moderne Nos amies les tiques, vecteurs d'infections Chapitre 5 - La maladie de Lyme, non identifiée en tant que telle, décrite en Europe dès la fin du xixe siècle La maladie en Europe L'érythème migrant, signe caractéristique de la maladie Les atteintes méningées, neurologiques et les paralysies à tiques Le syndrome de la peau parcheminée déjà décrit au xixe siècle Le tragique destin d'Herxheimer, victime des nazis La réaction d'exacerbation de Jarisch-Herxheimer (ou « herx ») « Pli selon pli », divers aspects de la maladie sont décrits Des bactéries, en particulier des spirochètes non syphilitiques, suspectées d'être la cause de syndromes liés aux tiques Premières annonces de l'efficacité des antibiotiques sur les symptômes consécutifs aux piqûres de tiques Ötzi, le premier « lymé » du néolithique tardif La maladie aux États-Unis, baptisée « arthrite » puis « maladie » de Lyme Pourquoi la grande borréliose qui défraie la chronique s'appelle-t-elle « maladie de Lyme » ? La saga de la maladie de Lyme inventée et « racontée aux enfants » par un club d'« experts » basé à Boston Des cas isolés de la maladie existaient probablement aux États-Unis avant l'épidémie d'Old Lyme

Steere persiste à ignorer la longue expérience du « Vieux Continent », alors que certains médecins américains améliorent ou guérissent des malades par antibiotiques 1977-1979, l'« arthrite » acquiert ses lettres de noblesse en devenant « maladie » L'identification de la bactérie responsable de la maladie de Lyme, transmise par des tiques Qui était Willy Burgdorfer, le découvreur ? La recherche très tardive d'une cause infectieuse de l'épidémie La fable selon laquelle le Lyme guérit après deux ou trois semaines d'antibiotiques La maladie de Lyme, « nouvelle peste » des New-Yorkais Plusieurs bactéries sont responsables de la maladie de Lyme ou de maladies associées D'autres espèces du genre Borrelia en cause Le rôle possible d'autres microbes responsables de co-infections La tentative malheureuse de mise au point d'un vaccin Chapitre 6 - La résistance s'organise… Ça bouge depuis longtemps dans certains pays Le début de la résistance française « Coup de Schaller » sur la France Des experts américains rebelles au « dogme » sont sanctionnés ou discrédités Le club d'experts de l'IDSA menacé mais « au-dessus des lois » Pourquoi les autorités de santé françaises ont-elles tant de mal à se faire une juste idée du problème ? Première saisine du HCSP sur la prévention de la maladie de Lyme En tant qu'expert auprès du ministère de la Santé, j'essaie de convaincre, mais mon attitude n'est pas comprise Seconde saisine du HCSP sur le diagnostic et sur le traitement de la maladie de Lyme

Scoop aux CDC d'Atlanta. Entre août 2011 et août 2013, la maladie de Lyme devient « un problème de santé publique terrifiant » Où en est-on ? Pourquoi une telle persévérance dans l'aveuglement ? Chapitre 7 - Une étrange mise à l'écart de ceux qui sont à l'avant-garde des recherches sur la maladie de Lyme Un ami de Burgdorfer, découvreur de la bactérie du Lyme, parle L'interview choc de Willy Burgdorfer Voyage en Norvège Willy n'a pas tout dit ! Une raison militaire aussi bien cachée que la bactérie ? Chapitre 8 - Mon expérience de médecin-chercheur face à la maladie de Lyme Pourquoi je suis tombé dans la marmite du Lyme depuis le début de mon internat Mes débuts à l'hôpital Claude-Bernard, le temple des maladies infectieuses Ma rencontre avec le docteur Éric Dournon, pionnier français de la maladie de Lyme Les autorités de santé anticipent la disparition « attendue » des maladies infectieuses ! La maladie des légionnaires passe à l'attaque Éric Dournon se passionne pour la maladie de Lyme La « fièvre coréenne hémorragique » enfin diagnostiquée en France Des malades « lymés » non diagnostiqués, une maladie encore inconnue pour la plupart des médecins Les premiers centres nationaux de référence pour la légionellose et la maladie de Lyme La maladie de Lyme, alors nouvelle, et les maladies auto-immunes, réflexions sur l'origine des maladies inexpliquées La vie d'infectiologue en dehors du Lyme L'épidémie de VIH-sida occupe le devant de la scène. Personne ne s'intéresse à la maladie de Lyme ! L'hygiène oubliée des « hôpitaux modernes »

Arrivée à Garches en 1994 : les années sida, mycobactéries et hépatites virales Comment la maladie de Lyme s'est incrustée dans ma carrière La plongée dans le Lyme. Tiens ! Ce n'est pas comme dans les livres ! Découverte des premières associations de malades atteints de Lyme chronique L'afflux de malades à Garches Que pensent les autres médecins ? Il existe des médecins, à l'étranger, qui croient au Lyme chronique et séronégatif L'obsession de 99 % des médecins qui refusent la prise en charge des malades atteints de Lyme chronique est la peur de la résistance aux antibiotiques Le recours à la médecine naturelle et son retour dans la pratique médicale Le Ginkgo biloba Des plantes très variées peuvent avoir un effet Où est passée la recherche en microbiologie médicale ? Premières tentatives de recherche sur la maladie de Lyme « Cherche chercheur désespérément » Il est plus rassurant pour un médecin de déclarer son malade fou plutôt que de reconnaître son ignorance au sujet de sa maladie « Organique » et « Psychique », les deux muses des maladies chroniques On a même pensé pendant quelque temps que le ciel m'était tombé sur la tête ! Psychosomatique ou « psychosomatoc » ? Il faut savoir revoir les dogmes Ni Dieu ni gène, un livre clef pour comprendre la médecine Chapitre 9 - Les « crypto-infections » La maladie de Lyme, des maladies apparentées, mais aussi des maladies dites « auto-immunes » seraient déclenchées et/ou entretenues

par des « crypto-infections » Mon expérience de traitement par des anti-infectieux des maladies dites « granulomateuses », la sarcoïdose et la maladie de Crohn Ma passion pour les mycobactéries, responsables d'infections persistantes Des mycobactéries aux maladies granulomateuses d'origine inexpliquée, la sarcoïdose et la maladie de Crohn On pourrait soigner et même guérir certaines maladies granulomateuses par des anti-infectieux « Mycosarc » : l'essai de traitement de la sarcoïdose par antibiotique Des éclairages inattendus sur l'autisme, la schizophrénie et la maladie d'Alzheimer Les coulisses de l'autisme Nouvelles perspectives sur certains cas de schizophrénie Des résultats de recherches troublants sur la maladie d'Alzheimer se confirment Des manifestations très diverses dans de nombreux champs de la médecine réputée non infectieuse liées à des « crypto-infections » Les borrélies et d'autres microbes capables de persister dans l'organisme et de jouer un rôle dans certaines maladies chroniques, inflammatoires ou dégénératives de cause mystérieuse Une histoire familiale frappante. Les mêmes tiques donnent trois maladies chroniques différentes Mon expérience des traitements des « crypto-infections » Le traitement n'est pas un long fleuve tranquille Les « herx » ou exacerbations Quelques causes d'échec Comment traiter les « crypto-infections » dans un contexte de « terra incognita » dû à l'absence de recherches ? Les effets d'anti-infectieux très variés sur la maladie de Lyme, une maladie réputée purement bactérienne La part de l'environnement et des tiques dans la genèse des « cryptoinfections »

Beaucoup de maladies auto-immunes démarrent après promenade en forêt ou piqûre de tique Heureux pachydermes Des syndromes chroniques inexpliqués qui démarrent après des infections graves Tout n'est pas dû aux tiques Les multiples voies de transmission des maladies infectieuses Liens troublants entre « crypto-infections » et certains cancers L'effet supposé « anti-inflammatoire » de certains antibiotiques Chapitre 10 - Quand la méthodologie médicale s'emballe et veut se substituer à la médecine Les études avec tirage au sort, un phénomène très récent dans l'histoire de la médecine Prendre conscience des limites des études avec tirage au sort (randomisées) La recherche médicale avant le tirage au sort des humains malades La culture et la médecine Les médecins français ont perdu, par la loi, leur liberté de prescription qui fait pourtant partie intégrante de leur art L'affaire du Mediator® et ses conséquences néfastes sur la loi qui « interdit sans interdire » de prescrire en dehors de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) L'AMM dépend exclusivement de l'industrie pharmaceutique Chapitre 11 - Surmonter les contradictions des institutions de santé dont « l'affaire Lyme » est un puissant révélateur Face aux « crypto-infections », la communauté médicale est désemparée et ne sait pas comment faire la part des pistes fiables et des hypothèses hasardeuses Même quand on croit au Lyme chronique, le traitement n'est pas évident En l'absence d'outils microbiologiques performants et devant le désarroi des malades, on invente des hypothèses comme la « myofasciite à macrophages » L'avis d'un chercheur reconnu sur les maladies à tiques

Infectiologie et microbiologie : deux spécialités à part entière Chapitre 12 - L'espoir La prise de conscience et le rôle des médias et des politiques La sensibilisation des journalistes et leur prise de conscience progressive La sensibilisation du monde politique Le chant du cygne du club Lyme de l'IDSA Les connaissances récentes sur la maladie et le succès de certains protocoles thérapeutiques obligent à réviser les dogmes Pistes pour le traitement : en phase d'attaque puis en phase d'entretien Autres facteurs pouvant intervenir sur la maladie Une « médecine fondée sur les preuves » : pour le meilleur et pour le pire La médecine est avant tout un art humaniste La liberté de prescrire en dehors de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) Tenir compte de toutes les publications scientifiques sans mettre au placard celles qui bousculent les dogmes établis En finir avec le dénigrement des médecins minoritaires qui savent soigner et œuvrent pour le plus grand bien des malades Améliorer la formation des médecins et l'organisation des soins Mobiliser les industriels Changer de paradigme en matière de recherche sur les causes des maladies et les traitements susceptibles de les prévenir ou de les guérir Un changement de paradigmes est nécessaire pour une nouvelle approche de la médecine Chapitre 13 - Vers une reconnaissance mondiale de la maladie de Lyme chronique Les preuves scientifiques contrastent avec le manque de recherche clinique de qualité L'Académie nationale de médecine

ONU et OMS : des avancées pour la classification internationale des maladies En Europe, les professeurs de médecine impliqués sont rares Une approche multidisciplinaire tout à fait nécessaire La récente évolution en France La phytothérapie, une stratégie nécessaire pour l'avenir La vérité scientifique commence à poindre La reconnaissance mondiale grâce à la collaboration entre les groupes qui reconnaissent l'infection persistante Le vent tourne… Références Articles scientifiques référencés Articles de l'auteur Autres articles Journaux généraux Livres Sites Internet The Boston Tear Party Remerciements Biographie

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1. Le texte anglais de cette préface est accessible sur www.odilejacob.fr.

1. Voir texte en annexe.

1. https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/201806/reco266_rbp_borreliose_de_lyme_cd_2018_06_13_recommandations.pdf.