La théorie des nombres 9782759830497

La théorie des nombres est la branche des mathématiques qui s’intéresse aux propriétés des nombres entiers, notamment de

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French Pages 176 Year 2023

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Table of contents :
Table des matières
1. Qu’est-ce que la théorie des nombres ?
2. La multiplication et la division
3. Les mathématiques en « prime-time »
4. Congruences, horloges et calendriers
5. Encore des triangles et des carrés
6. Des cartes à la cryptographie
7. Conjectures et théorèmes
8. Comment gagner un million de dollars ?
9. En fin de compte
Lectures supplémentaires
Index
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La théorie des nombres
 9782759830497

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La théorie des nombres

Robin Wilson

La théorie des nombres Traduit de l’anglais par Alan Rodney

ChronoSciences Collection destinée à un large public qui invite le lecteur à découvrir de façon très complète mais de manière abordable un sujet ou une thématique précise.

« Dans la même collection » L’Intelligence artificielle, M. A. Boden, 2021 La Théorie quantique, J. Polkinghorne, 2021 Les Marées, D. G. Bowers et E. M. Roberts, 2021 L’Anthropocène, E. C. Ellis, 2021 L’Odorat, M. Cobb, 2021 Le Changement climatique, M. Maslin, 2022 Les Énergies renouvelables, N. Jelley, 2022 L’écologie, J. Ghazoul, 2022 Le temps, Jenann Ismael, 2022 La physique, Sidney Perkowitz, 2022 Number Theory: A Very Short Introduction was originally published in English in 2019. This translation is published by arrangement with Oxford University Press. © Robin Wilson 2020. © Pour la traduction française, EDP sciences, 2023. Composition et mise en page : Desk (www.desk53.com.fr) Imprimé en France Papier : 978-2-7598-3048-0 E-book : 978-2-7598-3049-7

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

  Table des matières 1. Qu’est-ce que la théorie des nombres ?......................

7

2. La multiplication et la division.................................................

21

3. Les mathématiques en « prime-time ».........................

46

4. Congruences, horloges et calendriers............................

69

5. Encore des triangles et des carrés......................................

90

6. Des cartes à la cryptographie................................................... 109 7. Conjectures et théorèmes........................................................... 125 8. Comment gagner un million de dollars ?.................... 145 9. En fin de compte.................................................................................... 157 Lectures supplémentaires................................................................... 168 Index........................................................................................................................... 171

5

1 Qu’est-ce que la théorie des nombres ? Considérons les questions suivantes : En quelles années le mois de février compte-t-il cinq dimanches ? Qu’y a-t-il de particulier dans le nombre 4 294 967 297 ? Combien de triangles rectangles dont les côtés sont des nombres entiers ont un côté de longueur 29 ? Certains de ces nombres : 11, 111, 1 111, 11 111, … sont-ils des carrés parfaits ? J’ai des œufs. Lorsqu’ils sont disposés en rangées de 3, il en reste 2. En rangées de 5, il en reste 3. En rangées de 7, il en reste 2. Combien d’œufs ai-je en tout ? Peut-on construire un polygone régulier de 100 côtés si la mesure est interdite ? Combien de mélanges de cartes sont nécessaires pour rétablir l’ordre dans un paquet qui comprend deux jokers ? Si je peux acheter des perdrix pour 3 centimes pièce, des pigeons pour 2 centimes pièce et 2 moineaux pour un centime et si je dépense 30 centimes pour acheter 30 oiseaux, combien d’oiseaux de chaque espèce dois-je acheter ? 7

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Comment les nombres premiers permettent-ils de sécuriser nos cartes de crédit ? Qu’est-ce que l’hypothèse de Riemann, et comment puis-je gagner un million de dollars ? Comme vous allez le découvrir, ce sont toutes des questions qui relèvent de la théorie des nombres, la branche des mathématiques qui s’intéresse principalement aux nombres entiers naturels, soit les nombres avec lesquels on compte, 1, 2, 3, … et nous aborderons toutes ces questions par la suite. Les nombres premiers, les « briques constitutives » de notre système de numération, revêtiront ici une importance particulière : il s’agit de nombres tels que 19, 199 et 1 999, dont les seuls facteurs sont eux-mêmes et 1, contrairement à 99, qui est 9 × 11, et à 999, qui est 27 × 37. Une grande partie de ce livre est consacrée à l’exploration de leurs propriétés. La théorie des nombres est un sujet ancien et remonte à plus de deux millénaires, chez les Grecs anciens. Le mot grec a’ riqmòς (arithmos) signifie « nombre », et pour les Pythagoriciens du xie siècle avant notre ère, « arithmétique » désignait à l’origine le calcul avec des nombres entiers et, par extension, ce que nous appelons aujourd’hui la théorie des nombres – en fait, jusqu’à assez récemment, le sujet était parfois appelé « l’arithmétique supérieure ». Trois siècles plus tard, Euclide d’Alexandrie aborda l’arithmétique et la théorie des nombres dans les Livres VII, VIII et IX de son célèbre ouvrage, Les Éléments, et sut démontrer en particulier que la liste des nombres premiers est sans fin. Ensuite, probablement vers l’an 250 de notre ère, Diophante, un autre habitant d’Alexandrie, écrivit un texte devenu un « classique » appelé Arithmetica qui contenait de nombreuses questions ayant des solutions en nombres entiers. Après les Grecs, la théorie des nombres a suscité peu d’inté­rêt pendant plus d’un millier d’années, jusqu’aux percées novatrices du juriste et mathématicien français du xviie siècle, 8

  Qu’est-ce que la théorie des nombres ?  

Pierre de Fermat – qui donne son nom au « dernier théorème de Fermat », l’un des défis les plus célèbres de la théorie des nombres. Les travaux de Fermat ont été poursuivis par le polymathe suisse du xviiie siècle Leonhard Euler, qui résolut plusieurs problèmes que Fermat n’avait pas réussi à résoudre, ainsi que par Joseph-Louis Lagrange à Berlin et Adrien-Marie Legendre à Paris. En 1793, le prodige allemand Carl Friedrich Gauss construisit à la main une liste de tous les nombres premiers jusqu’à trois millions, alors qu’il n’avait que 15 ans, et a rédigea peu de temps après un texte révolutionnaire intitulé Disquisitiones Arithmeticae (Investigations sur l’arithmétique) publié en 1801, qui révolutionna le sujet. Parfois décrit comme le « Prince des mathématiques », Gauss affirmait : Les mathématiques sont la reine des sciences et la théorie des nombres est la reine des mathématiques. Les noms de ces pionniers réapparaîtront tout au long de cet ouvrage (cf. la Figure 1). Plus récemment, le champ d’application du sujet s’est considérablement élargi pour inclure de nombreux autres sujets, dont plusieurs sont présentés dans ce livre. En particulier, certains développements spectaculaires ont eu lieu, comme la preuve par Andrew Wiles du dernier théorème de ­Fermat (qui était resté sans preuve formelle pendant plus de 350 ans) et de nouveaux résultats passionnants sur la façon dont les nombres premiers sont distribués. La théorie des nombres a longtemps été considérée comme l’un des plus « beaux » domaines des mathématiques, doté d’un grand charme et d’une grande élégance : les nombres premiers existent même dans la Nature, comme nous le verrons. C’est également l’un des sujets les plus fascinants, dans la mesure où plusieurs de ses défis sont si faciles à énoncer que tout le monde peut les comprendre. Et pourtant, malgré les vaillantes tentatives de nombreuses personnes 9

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

pendant des centaines d’années, ils n’ont jamais été résolus. Mais le sujet a également acquis récemment une grande importance pratique dans le domaine de la cryptographie. En effet, de manière assez surprenante, de nombreuses informations secrètes, y compris la sécurité de vos cartes de crédit, dépendent d’un résultat de la théorie des nombres qui remonte au xviiie siècle.

Fig. 1    De gauche à droite et de haut en bas : Euclide, Pierre de Fermat, Leonhard Euler et Carl Friedrich Gauss.

 10 

  Qu’est-ce que la théorie des nombres ?  

Dans ce chapitre, je vais établir les bases de nos explorations ultérieures, en vous présentant plusieurs types de nombres que vous rencontrerez par la suite et en vous posant plusieurs questions à leur sujet. Certaines de ces questions sont faciles à résoudre, tandis que d’autres sont plus difficiles mais sont résolues dans les chapitres suivants, et quelques-unes sont des problèmes notoires pour lesquels aucune réponse n’a encore été trouvée. Pour l’instant, je ne révélerai pas quelles questions entrent dans quelle catégorie, car vous souhaiterez peut-être y réfléchir d’abord. Leurs réponses (lorsqu’elles sont connues) sont résumées à la fin de ce livre, au chapitre 9.

LES NOMBRES ENTIERS Ce livre traite des nombres usuels de numération ou nombres entiers positifs (1, 2, 3, 4, 5, …), des nombres entiers négatifs (…, – 4, – 3, – 2, – 1) et du nombre 0 (cf. la Figure 2). entiers négatifs …

–4

–3

–2

entiers positifs –1

0

1

2

3

4

5



Fig. 2    Les nombres entiers.

On peut également séparer la série des nombres entiers en deux parties, les nombres pairs …, – 6, – 4, – 2, 0, 2, 4, 6, 8, … et les nombres impairs …, – 5, – 3, – 1, 1, 3, 5, 7, … Tout nombre pair est le double d’un autre nombre entier, c’est-à-dire qu’il a la forme 2n, où n est un nombre entier : par exemple, 12 = 2 × 6, où n = 6.  11 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

De même, tout nombre impair est égal à un de plus que deux fois un autre nombre entier, c’est-à-dire qu’il a la forme 2n + 1, où n est un nombre entier, 13 = (2 × 6) + 1, où à nouveau n = 6. Les multiples d’un nombre entier n donné sont les nombres qui ne laissent aucun reste lorsqu’ils sont divisés par n : par exemple, les multiples positifs de 10 sont 10, 20, 30, 40, 50, … Ces nombres se terminent tous par 0, et, inversement, tous les nombres qui se terminent par 0 (comme 40) sont des multiples de 10. De même, les multiples positifs de 5 sont 5, 10, 15, 20, 25, … Ces nombres se terminent tous par 0 ou 5 et, inversement, tous les nombres qui se terminent par 0 ou 5 (comme 40 et 65) sont des multiples de 5. Les multiples de 2 sont les nombres pairs, c’est-à-dire les nombres qui se terminent par 2, 4, 6, 8 ou 0. Mais que pouvons-nous dire des multiples d’autres nombres ? Par exemple : Comment pouvons-nous reconnaître si un nombre donné, par exemple 12 345 678, est un multiple de 8 ? ou de 9 ? ou de 11 ? ou de 88 ? Je répondrai à ces questions au Chapitre 2, où nous explorerons les multiples plus en détail. Dans la théorie des nombres, le mot « nombre » pris au singulier se réfère le plus souvent à un nombre entier positif et nous suivrons cette convention sauf indication contraire.

LES CARRÉS ET LES CUBES Les Pythagoriciens semblent avoir été particulièrement intéressés par les nombres carrés parfaits, qu’ils représentaient géométriquement par des motifs carrés de points, comme dans la Figure 3.  12 

  Qu’est-ce que la théorie des nombres ?  

Fig. 3    Les quatre premiers nombres carrés non nuls.

Un nombre carré (ou carré parfait) a la forme n2 = n × n, où n est un nombre entier : par exemple, 144 est un nombre carré parce que 144 = 12² ou (– 12)², et 0 est un carré parce que 0 = 0². Tous les nombres carrés non nuls sont des entiers positifs, les dix premiers étant 1² = 1, 2² = 4, 3² = 9, 4² = 16, 5² = 25, 6² = 36, 7² = 49, 8² = 64, 9² = 81, et 10² = 100. Ces nombres carrés se terminent tous par 1, 4, 5, 6, 9 ou 0, et nous pouvons donc nous demander : Y a-t-il des nombres carrés qui se terminent par 2, 3, 7 ou 8 ? Nous remarquons également que chacun de ces nombres carrés est soit un multiple de 4 : par exemple, 36 = 4 × 9, soit un de plus qu’un multiple de 4 : par exemple, 49 = (4 × 12) + 1, Nous pouvons nous demander si cela est toujours vrai : Tous les carrés doivent-ils être de la forme 4n ou 4n + 1, où n est un nombre entier ? Les Pythagoriciens auraient également observé des résultats tels que 1 + 3 + 5 + 7 = 16 et 1 + 3 + 5 + 7 + 9 + 11 + 13 = 49. Comme 16 et 49 sont tous deux des nombres carrés, on peut se demander : La somme des premiers nombres impairs, 1, 3, 5, 7, … sera-t-elle toujours être un nombre carré ?  13 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Que se passe-t-il si nous ajoutons deux nombres carrés ensemble ? Le nombre 13 = 3² + 2² peut être écrit comme la somme de deux nombres carrés, tout comme le nombre 17 = 4² + 1². Mais les nombres 12, 14 et 15 ne peuvent pas être écrits de cette façon, et nous pouvons nous demander : Quels nombres peuvent être écrits comme la somme de deux nombres carrés ? Cependant, les nombres 12 = 2² + 2² + 2² et 14 = 3² + 2² + 1² peuvent s’écrire comme la somme de trois nombres carrés, et le nombre 15 = 3² + 2² + 1² + 1² peut s’écrire comme la somme de quatre nombres carrés, et nous pouvons poser des questions telles que : Le nombre 9 999 peut-il être écrit comme la somme de deux nombres carrés ? ou de trois nombres carrés ? ou de quatre nombres carrés ? Les nombres carrés apparaissent également dans la géométrie des triangles rectangles. En application du théorème de Pythagore, les longueurs a, b, c des côtés d’un triangle rectangle satisfont l’équation a² + b² = c² (cf. la Figure 4) : par exemple, 3² + 4² = 5² et 5² + 12² = 13², et nous pourrions nous demander : Quels autres triangles rectangles ont des côtés de longueur en nombres entiers ?

5

3

4

Fig. 4    Les triangles rectangles.

 14 

c

a

b

  Qu’est-ce que la théorie des nombres ?  

Intéressons-nous maintenant aux cubes. Un nombre cube (ou cube parfait) a la forme n3 = n × n × n, où n est un nombre entier : par exemple, 343 et – 216 sont des cubes car 343 = 73 et – 216 = (– 6)3. Les cubes peuvent être positifs, négatifs ou nuls, et les dix premiers cubes positifs sont les suivants 13 = 1, 23 = 8, 33 = 27, 43 = 64, 53 = 125, 63 = 216, 73 = 343, 83 = 512, 93 = 729, 103 = 1 000. Chacun de ces cubes est soit un multiple de 9 : par exemple, 27 = 9 × 3, soit un de plus qu’un multiple de 9 : par exemple, 64 = (9 × 7) + 1, soit huit de plus qu’un multiple de 9 : par exemple, 125 = (9 × 13) + 8, et on peut se demander : Tous les nombres cubes doivent-ils être de la forme 9n, 9n + 1, ou 9n + 8, où n est un nombre entier ? Un lien inattendu entre les carrés et les cubes est le suivant 13 + 23 + 33 + 43 = 100 = 102 13 + 23 + 33 + 43 + 53 = 225 = 152, et on peut se demander : La somme des quelques premiers cubes 13, 23, 33, … doit-elle toujours être un nombre carré ? Nous avons vu plus haut que la somme de deux nombres carrés peut être un autre nombre carré : par exemple, 3² + 4² = 5². Nous pouvons nous demander s’il existe une affirmation similaire pour les nombres cubes : Existe-t-il des entiers a, b, c pour lesquels a3 + b3 = c3 ?  15 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Tout comme nous pouvons écrire les nombres comme la somme de nombres carrés, nous pouvons également les écrire comme la somme de nombres cubes, par exemple : 200 = 125 + 64 + 8 + 1 + 1 + 1 = 53 + 43 + 23 + 13 + 13 + 13. Nous pouvons donc nous demander : Tous les nombres peuvent-ils être écrits comme la somme de six cubes ? Je répondrai à ces questions dans les Chapitres 2 et 5 où nous explorerons plus en détail les nombres carrés et cubes.

LES NOMBRES PARFAITS Les facteurs, ou diviseurs, d’un nombre donné sont les entiers positifs qui le divisent exactement, sans laisser de reste : par exemple, les facteurs de 10 sont 1, 2, 5 et 10. Un facteur qui n’est pas égal au nombre lui-même est un facteur propre : les facteurs propres de 10 sont 1, 2 et 5. Dans le livre IX de Les Éléments, Euclide aborde les nombres parfaits, pensant comme d’autres qu’ils avaient une signification mystique ou religieuse. Un nombre parfait est un nombre dont les facteurs propres s’additionnent et donnent le nombre original. Par exemple, 6 est parfait, car ses facteurs propres sont 1, 2 et 3, qui s’additionnent pour donner 6 ; 28 est parfait, car ses facteurs propres sont 1, 2, 4, 7 et 14, ce qui donne 28. Les quatre premiers nombres parfaits, déjà connus des Grecs anciens, sont 6, 28, 496 et 8 128, et nous pouvons nous demander : Quel est, après 8 128, le nombre parfait suivant ? et, plus généralement,  16 

  Qu’est-ce que la théorie des nombres ?  

Existe-t-il une formule permettant de produire des nombres parfaits ? Nous explorerons la question des nombres parfaits au Chapitre 3.

LES NOMBRES PREMIERS Comme vous l’avez vu précédemment, un nombre premier est un nombre qui n’a d’autres facteurs que lui-même et 1 : par exemple, 13 et 17 sont des nombres premiers, alors que 15 = 3 × 5 ne l’est pas. Les quinze premiers nombres premiers sont 2, 3, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 29, 31, 37, 41, 43 et 47. Un nombre qui n’est pas premier (comme 14, 15 ou 16) est dit composé. Le nombre 1 est considéré comme n’étant ni premier ni composé. Nous expliquerons pourquoi au Chapitre 3, où nous explorerons les nombres premiers plus en détail. Les nombres premiers sont au cœur de la théorie des nombres car ils sont les « briques de construction », ou « atomes », de notre système de numération et de comptage, pris dans le sens où chaque nombre supérieur à 1 peut être obtenu en multipliant des nombres premiers ensemble : par exemple, 90 = 2 × 3 × 3 × 5 et 91 = 7 × 13. Dans certains cas, nous pouvons répondre à des questions difficiles sur les nombres en général en y répondant d’abord pour le cas des nombres premiers, puis en combinant les résultats. Dans la liste ci-dessus, nous constatons que 2 et 3 semblent être les seuls nombres premiers qui diffèrent de 1, mais que plusieurs paires de nombres premiers diffèrent de 2 : 3 et 5, 5 et 7, 29 et 31, 41 et 43 en sont des exemples.  17 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

De telles paires sont appelées nombres premiers jumeaux, et des exemples plus importants incluent 101 et 103, 2 027 et 2 029, et 9 999 971 et 9 999 973. Sachant que la liste des nombres premiers est infinie, nous pouvons également nous demander : La liste des nombres premiers jumeaux est-elle infinie ? D’autre part, nous trouvons parfois de grands écarts entre des nombres premiers successifs ; par exemple, les nombres premiers 23 et 29 sont séparés par les cinq nombres composés 24, 25, 26, 27 et 28, et les nombres premiers 113 et 127 sont séparés par les treize nombres composés consécutifs de 114 à 126. Mais quelle peut être l’ampleur de ces écarts ? Par exemple : Existe-t-il une chaîne de 1 000 nombres composés consécutifs ? Une autre question se pose lorsque nous additionnons des nombres premiers. En remarquant que 4 = 2 + 2, 12 = 7 + 5, et 20 = 13 + 7 ou 17 + 3, on peut se demander : Tout nombre pair peut-il être écrit comme la somme de deux nombres premiers ? Plusieurs nombres premiers peuvent s’écrire comme la somme de deux carrés : par exemple, 5 = 4 + 1, 13 = 9 + 4, 29 = 25 + 4, et 41 = 25 + 16. Mais certains autres nombres premiers, tels que 11, 23 et 47, ne peuvent pas être écrits de cette façon, et nous pouvons nous demander : Quels nombres premiers peuvent être écrits comme la somme de deux nombres carrés ? Nous pouvons également remarquer que certains nombres premiers sont inférieurs d’un à une puissance de 2 : par exemple, 3 = 2² – 1, 7 = 23 – 1, 31 = 25 – 1 et 127 = 27 – 1.  18 

  Qu’est-ce que la théorie des nombres ?  

Mais aucun des nombres suivants de ce type n’est premier : 15 = 24 – 1, 63 = 26 – 1, 255 = 28 – 1, 511 = 29 – 1, 1 023 = 210 – 1. En remarquant que les exposants (2, 3, 5 et 7) de la première liste sont tous premiers, alors que ceux de la deuxième liste (4, 6, 8, 9 et 10) sont tous composés, on peut se demander : Le nombre 2n – 1 est-il toujours premier lorsque n est un nombre premier, et toujours composé lorsque n est composé ? Les nombres premiers de la forme 2n – 1 sont appelés nombres premiers de Mersenne, du nom du mathématicien et religieux français du xviie siècle, Marin Mersenne, qui a exploré leurs propriétés. Ils sont liés aux nombres parfaits et à la recherche de grands nombres premiers, comme nous le verrons au Chapitre 3. De même, certains nombres premiers sont supérieurs d’un d’une puissance de 2. Par exemple, Pierre de Fermat a considéré les nombres de la forme 2n + 1, où n est lui-même une puissance de 2, et lorsque n = 1, 2, 4, 8 et 16, il a obtenu les nombres suivants 21 + 1 = 2 + 1 = 3, 2² + 1 = 4 + 1 = 5, 24 + 1 = 16 + 1 = 17, 28 + 1 = 256 + 1 = 257, 216 + 1 = 65 536 + 1 = 65 537. En observant que ces cinq nombres sont tous premiers, Fermat a essayé (sans succès) de prouver que c’était toujours le cas. Aussi pouvons-nous nous demander : Tous les nombres de cette forme sont-ils des nombres premiers ? Ces nombres sont désormais appelés nombres de Fermat, et nous les étudierons au Chapitre 3, où nous verrons comment ils apparaissent de manière inattendue en rapport avec un très ancien problème de géométrie. Avant de quitter les nombres premiers, notons au passage que tout nombre premier (autre que 2), étant un nombre  19 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

impair, doit être supérieur d’une valeur soit d’un, soit de trois à un multiple de 4, c’est-à-dire qu’il est de la forme 4n + 1 ou 4n + 3, pour un certain nombre entier n. Voici des exemples de nombres premiers du premier type 5 = (4 × 1) + 1, 13 = (4 × 3) + 1, 17 = (4 × 4) + 1, 29 = (4 × 7) + 1, et les nombres premiers du second type sont les suivants 7 = (4 × 1) + 3, 11 = (4 × 2) + 3, 19 = (4 × 4) + 3, 23 = (4 × 5) + 3. Ces listes sont-elles infinies ? C’est-à-dire, pouvons-nous demander : Existe-t-il une infinité de nombres premiers de la forme 4n + 1 ? ou de la forme 4n + 3 ? Nous pouvons également poser la question connexe suivante : Existe-t-il un nombre infini de nombres premiers dont le chiffre final est 9 ? Nous étudierons ces questions au Chapitre 7. Ce chapitre d’introduction a été conçu pour vous donner une idée de ce à quoi vous pouvez vous attendre dans les chapitres suivants, ainsi qu’un aperçu des plaisirs qui vous attendent alors que nous explorerons un domaine d’étude qui a fasciné les amateurs et les professionnels depuis des milliers d’années. La théorie des nombres est aujourd’hui un sujet très vaste et de nombreux sujets importants ont dû être omis de ces pages, mais j’espère que ma sélection vous donnera une idée des aspects très variés de la théorie des nombres telle qu’elle est apparue historiquement et telle qu’elle est encore pratiquée aujourd’hui.

 20 

2 La multiplication et la division Une grande partie de la théorie des nombres concerne la multiplication et la division des nombres entiers. Dans ce chapitre, nous allons explorer leurs multiples et leurs diviseurs (ou facteurs). Après avoir présenté la règle de division et l’algorithme d’Euclide pour trouver le plus grand commun diviseur (PGCD) de deux nombres, nous explorerons certaines propriétés des nombres carrés et cubes ; nous présenterons quelques tests rapides pour déterminer quels nombres peuvent être divisés de manière égale par certains autres nombres donnés (tels que 4, 9 et 11) et nous conclurons en évoquant une ancienne méthode consistant à appliquer « la preuve par neuf ».

LES MULTIPLES ET LES DIVISEURS Pour deux entiers a et b, on dit que b est un multiple de a s’il existe un entier x avec a × x = b : par exemple, 18 est un multiple de 3 parce que 3 × 6 = 18 ; ici, x = 6. Dans ce cas, on dit aussi que a est un diviseur ou un facteur de b, et que a divise b, et que b est divisible par a, donc 3 est un diviseur ou un facteur de 18, 3 divise 18, et 18 est divisible par 3 (cf. la  21 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Figure 5). Tous ces termes en italiques sont d’usage courant et nous les utiliserons indifféremment. Pour donner d’autres exemples, nous pouvons observer que les cinq premiers multiples positifs de 100 sont 100, 200, 300, 400 et 500, et que les diviseurs positifs de 100 sont 1, 2, 4, 5, 10, 20, 25, 50 et 100. De plus, le nombre 1 divise tous les nombres entiers positifs. (a) 0

3

6

9

12

15

18

3

3

3

3

3

3

3

(b) 0

2a

a



3a

b

a

a

a

a



a

Fig. 5    18 est un multiple de 3, et 3 est un diviseur de 18 ; b est un multiple de a, et a est un diviseur de b.

Un résultat simple sur les multiples et les diviseurs est que : Si a et b sont tous deux des multiples d’un nombre d, alors leur somme a + b l’est aussi, ou, en termes de diviseurs, Si d divise à la fois a et b, alors d divise aussi leur somme a + b.  22 

 La multiplication et la division  

Cela est dû au fait que si a = d × x et b = d × y, pour les nombres x et y, alors a + b = (d × x) + (d × y) = d × (x + y) x+y d

a

b x

y

Fig. 6   Si d divise a et b, alors d divise aussi a + b.

(cf. la Figure 6). Par exemple, 5 est un diviseur à la fois de 40 et de 30, et divise donc aussi leur somme, 70. Nous pouvons également démontrer que si d divise a et b, alors d divise aussi leur différence, a – b : par exemple, 5 divise à la fois 40 et 30, et divise donc aussi leur différence, 10. Nous pouvons également voir que si d divise a, alors d divise tous ses multiples m × a. En effet, si a = d × x, alors m × a = m × (d × x) = d × (m × x) : par exemple, 5 divise 40, et divise donc tous ses multiples, comme 160. En combinant cela avec le résultat ci-dessus concernant la somme, on en déduit que : Si d divise à la fois a et b, alors d divise tous les nombres de la forme (m × a) + (n × b), pour tout entier m et n. En effet, d divise les multiples de m × a et de n × b, et divise donc leur somme : nous appellerons ces nombres des « combinaisons » de a et de b. Par exemple, comme 5 divise à la fois 40 et 30, il divise également leurs multiples 4 × 40 = 160 et 3 × 30 = 90, et divise donc la somme de ceux-ci, la combinaison 250 = (4 × 40) + (3 × 30). On remarque que les cas particuliers m = 1, n = 1, et m = 1, n = – 1, nous donnent les affirmations ci-dessus sur la somme a + b et la différence a – b.  23 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Pour vous offrir un changement de rythme, je terminerai cette section par une énigme impliquant des diviseurs : Un agent de recensement rend visite à une famille de « matheux » à leur domicile et le dialogue suivant s’engage : Agent : Quel âge ont vos trois enfants ? Parent : Le produit de leurs âges est 36 et la somme est le numéro de l’adresse de notre maison. Agent : J’ai besoin de plus d’informations. Vos deux plus jeunes enfants ont-ils le même âge ? Parent : Non. Agent : Ah ! Maintenant je connais leurs âges. Quel âge ont-ils ? Comment répondre à cette question, puisque l’information fournie semble insuffisante ? Pour cela, voyons d’abord les différentes manières possibles d’écrire 36 comme produit de trois nombres : 36 × 1 × 1, 9 × 2 × 2,

18 × 2 × 1, 6 × 6 × 1,

12 × 3 × 1, 6 × 3 × 2,

9 × 4 × 1, et 4 × 3 × 3,

avec des sommes respectives de 38, 21, 16, 14, 13, 13, 11 et 10. L’agent recenseur, en voyant le numéro de la maison, saurait lequel de ces chiffres est correct, à moins que la somme ne soit le nombre répété 13, auquel cas il y a deux possibilités. Mais comme les deux plus jeunes enfants n’ont pas le même âge, leurs âges ne peuvent pas être 9, 2 et 2, et doivent donc être 6, 6 et 1.

LE PLUS PETIT COMMUN MULTIPLE (PPCM) ET LE PLUS GRAND COMMUN DIVISEUR (PGCD) Dans cette section, nous allons étudier deux nombres importants associés aux nombres a et b.  24 

 La multiplication et la division  

Le plus petit commun multiple (PPCM) Examinons deux situations. La première concerne deux anciens calendriers : Au premier millénaire de notre ère, les Mayas d’Amérique centrale avaient deux calendriers annuels : l’un basé sur 260 jours et l’autre sur 365 jours, qu’ils ont ensuite combinés en un seul « cycle calendaire » de 18 980 jours (= 52 ans). Mais d’où vient ce chiffre ? La deuxième situation concerne deux engrenages (cf.  la Figure 7) : J’ai deux engrenages en rotation, avec, respectivement, 90 et 54 dents. Quand les positions de départ de ces engrenages s’aligneront-elles ?

Fig. 7    Deux engrenages avec 90 et 54 dents.

Les positions de départ s’alignent chaque fois que le nombre de dents qui ont dépassé la position de départ est simultanément un multiple de 90 et un multiple de 54. Quels sont ces multiples ? Pour le premier engrenage, les premiers multiples sont les suivants 90, 180, 270, 360, 450, 540 et 630,  25 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

tandis que pour le deuxième engrenage, il s’agit de 54, 108, 162, 216, 270, 324, 378, 432, 486, 540 et 594, et les multiples qu’ils ont en commun sont les chiffres en caractères gras, c’est-à-dire 270 et 540. Le plus petit de ces nombres est 270, et nous disons que 270 est le « plus petit commun multiple (PPCM) » de 90 et 54. Les positions de départ s’alignent donc chaque fois que 270 dents sont passées – c’est-à-dire après trois rotations du premier engrenage et cinq rotations du deuxième engrenage. En général, m est un multiple commun des entiers a et b si m est un multiple de a et de b, et le plus petit commun multiple est le plus petit commun multiple positif. Si m est le plus petit commun multiple de a et b, on écrit m = PPCM (a, b). Dans l’exemple ci-dessus, PPCM (90, 54) = 270, et d’autres exemples sont PPCM (15, 10) = 30, PPCM (16, 10) = 80, PPCM (20, 10) = 20. Pour les anciens Mayas, les deux calendriers se rejoignaient après chaque période de PPCM (260, 365) = 18 980 jours. De nombreuses personnes rencontrent pour la première fois les multiples les moins communs lorsqu’elles apprennent à additionner des fractions. Par exemple, pour additionner les fractions 1/90 et 1/54, nous les posons d’abord sur un dénominateur commun : 1 1 3 5 + = + . 90 54 270 270 Nous pouvons maintenant additionner directement ces fractions pour obtenir 8/270, qui se simplifie ensuite en 4/135. Ici, le dénominateur commun est le plus petit commun multiple PPCM (90, 54) = 270.

 26 

 La multiplication et la division  

Le plus grand commun diviseur Le plus grand commun diviseur (PGCD) de deux entiers est lié au plus petit commun multiple de deux entiers. Les diviseurs de 90 sont 1, 2, 3, 5, 6, 9, 10, 15, 18, 30, 45 et 90, et ceux de 54 sont 1, 2, 3, 6, 9, 18, 27, et 54, De sorte que ceux qu’ils ont en commun sont 1, 2, 3, 6, 9, et 18. Le plus grand d’entre eux est 18, donc 18 est le « plus grand commun diviseur » de 90 et 54. En général, d est un diviseur commun des nombres a et b si d divise à la fois a et b, et le plus grand diviseur commun est le plus grand de ces diviseurs communs. Si d est le plus grand commun diviseur de a et b, on écrit d = PGCD (a, b) ; on l’appelle parfois leur plus grand facteur commun. Dans l’exemple ci-dessus, PGCD (90, 54) = 18, et d’autres exemples sont PGCD (14, 10) = 2, PGCD (17, 10) = 1, PGCD (25, 10) = 5. Si PGCD (a, b) = 1, nous disons que a et b sont nombres premiers entre eux, nombres premiers relatifs ou co-premiers : par exemple, 17 et 10 n’ont aucun facteur positif en commun, sauf 1, et sont donc des nombres co-premiers. De manière surprenante, ces concepts apparaissent même dans la Nature, dans les cycles de vie de certains insectes. En Amérique du Nord, trois types de cigales (cf. la Figure 8) ont des cycles de vie de 7, 13 et 17 ans, tous des nombres premiers. S’agit-il d’une coïncidence ? Les cigales restent sous terre pendant la majeure partie de leur vie, puis sortent  27 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

tous ensemble pour une orgie de nourriture, de gazouillis, d’accouplement, de ponte et de mort. Mais lorsqu’elles apparaissent, elles sont vulnérables aux prédateurs (comme les oiseaux et certaines guêpes) dont le cycle de vie est plus court, jusqu’à cinq ans. Si le cycle de vie d’une cigale était de 12 ans, ou d’un autre nombre composé, la probabilité qu’elle soit dévorée par un prédateur serait considérablement accrue. Mais comme elles ont développé des cycles de vie de 7, 13 et 17 ans, et que ces nombres sont tous premiers par rapport à 2, 3, 4 et 5, les cigales peuvent plus facilement éviter un malheureux destin.

Fig. 8    Cigale périodique.

Une propriété fondamentale du plus grand commun diviseur d de deux nombres a et b est que nous pouvons toujours écrire d comme une combinaison de a et b. Pour voir ce que cela implique, considérons le problème simple suivant, relatif à la monnaie américaine : Jack et Jill ont un certain nombre de « quarts » (pièces de 25 cents) et de « dimes » (pièces de 10 cents), et Jack souhaite donner 5 cents à Jill. Comment peut-il procéder ? L’une des solutions consiste pour Jack à donner à Jill 1 quarter et pour Jill à donner à Jack 2 dimes. Nous pouvons écrire ceci comme suit 5 = (1 × 25) + (– 2 × 10).  28 

 La multiplication et la division  

Une autre solution consiste à ce que Jill donne à Jack 1 pièce de 25 cents et que Jack lui donne 3 pièces de 10 cents. On peut l’écrire comme suit 5 = (– 1 × 25) + (3 × 10). En prenant a = 25 et b = 10 et en notant que le PGCD (a, b) = 5, nous pouvons généraliser ces observations comme suit : Si a et b sont des entiers positifs, et si d = le PGCD (a, b), alors il existe des entiers m et n pour lesquels d = (m × a) + (n × b). En particulier, si a et b sont de nombres premiers, alors le PGCD (a, b) = 1, et ce résultat nous dit qu’il existe des entiers m et n pour lesquels 1 = (m × a) + (n × b). Comme précédemment, les nombres entiers m et n ne peuvent pas être tous deux positifs, et il y a de nombreux choix possibles pour eux : par exemple, le PGDCD (90, 54) = 18 et 18 = (– 1 × 90) + (2 × 54) : ici, m = – 1 et n = 2 18 = (2 × 90) + (– 3 × 54) : ici, m = 2 et n = – 3. Nous terminerons cette section par un lien intéressant entre le plus petit commun multiple et le plus grand commun diviseur et de deux nombres a et b, à savoir que : PPCM (a, b) × PGCD (a, b) = a × b. Par exemple, si a = 90 et b = 54, alors le PPCM (a, b) = 270, le PGCD (a, b) = 18 et PPCM (a, b) × PGCD (a, b) = 270 × 18 = 4 860  = 90 × 54 = a × b. Au Chapitre 3, nous expliquerons comment cela se produit.

L’ALGORITHME D’EUCLIDE Comment calculer le plus grand diviseur commun de deux nombres donnés ?  29 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Dans le livre VII des Éléments, Euclide présente une méthode qui dépend d’un résultat élémentaire, mais fondamental, connu sous le nom de division euclidienne. Cette règle nous dit que si l’on nous donne des nombres entiers quelconques a et b, nous pouvons diviser b par a pour obtenir une réponse (appelée « quotient »), généralement avec un reste : par exemple, si nous divisons 34 par 10, nous obtenons un quotient de 3 et un reste de 4, car 34 = (3 × 10) + 4. On remarque que le reste est inférieur à 10, c’est-à-dire le nombre utilisé pour la division. Division euclidienne : Étant donné deux entiers positifs quelconques a et b, il existe des nombres uniques q (le quotient) et r (le reste) avec b = (q × a) + r, où 0 ≤ r  v. Donc u + v = c et u – v = a. De plus, b est pair et b2 = c2 – a2 = (c + a) (c – a), et donc (b/2)2 = (c + a)/2 × (c – a)/2 = u × v. Que pouvons-nous dire de u et v ? Si le PGCD (u, v) = d, où d > 1, alors d divise c + a et c – a, et donc divise à la fois c et a, ce qui ne peut pas arriver. Donc u et v sont premiers  94 

 Encore des triangles et des carrés  

entre eux. De plus, puisque uv est un carré et que u et v sont premiers, u et v doivent être des carrés séparés et nous pouvons donc écrire u = x2 et v = y2, pour certains entiers x et y avec x > y. Donc c = u + v = x2 + y2, a = u – v = x2 – y2, et b2 = 4uv = 4x2y2, donc b = 2xy. On peut vérifier que l’un des nombres x et y est impair et que l’autre est pair, et qu’ils sont premiers entre eux. En reliant tout cela, nous obtenons la formule souhaitée pour les triplets primitifs : Triplets pythagoriciens primitifs : Si (a, b, c) est un triplet pythagoricien primitif, alors a = x2 – y2, b = 2xy, c = x2 + y2, où x et y sont des entiers premiers, l’un impair et l’autre pair, avec x > y. Par exemple, si x = 2 et y = 1, alors a = 3, b = 4 et c = 5, ce qui donne le triplet (3, 4, 5). De même, si x = 3 et y = 2, alors a = 5, b = 12 et c = 13, ce qui donne le triplet (5, 12, 13). Nous pouvons utiliser cette recette pour dresser un tableau des triplets primitifs de Pythagore, en énumérant toutes les paires d’entiers premiers entre eux x et y, l’un étant impair et l’autre pair, avec x > y, et en calculant les valeurs correspondantes de a, b et c. Le Tableau 4 énumère tous les triplets primitifs dont aucun nombre ne dépasse 100. En étendant ce tableau aussi loin que nécessaire, puis en prenant des multiples, nous pouvons générer tous les triangles rectangles dont les côtés sont des nombres entiers. Nous pouvons également utiliser notre formule pour les triplets primitifs pour répondre à des questions telles que : Combien de triplets primitifs incluent le nombre 60 ?  95 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Tableau 4    Des triplets pythagoriciens primitifs. y

:

2

1

:

3

3

2

:

5

x

a

b

y

:

a

b

7

2

:

45

28

53

7

4

:

33

56

65

c

x

4

5

12

13

c

4

1

:

15

8

17

7

6

:

13

84

85

4

3

:

7

24

25

8

1

:

63

16

65

5

2

:

21

20

29

8

3

:

55

48

73

5

4

:

9

40

41

8

5

:

39

80

89

6

1

:

35

12

37

9

2

:

77

36

85

6

5

:

11

60

61

9

4

:

65

72

97

Comme 60 est pair, nous avons 2xy donc  xy = 30. En se rappelant que x > y et que x et y sont premiers entre eux avec l’un pair et l’autre impair, on trouve les quatre possibilités suivantes : x = 6 et y = 5, ce qui donne le triplet primitif (11, 60, 61), x = 10 et y = 3, ce qui donne le triplet primitif (91, 60, 109), x = 15 et y = 2, ce qui donne le triplet primitif (221, 60, 229), x = 30 et y = 1, ce qui donne le triplet primitif (899, 60, 901). Une question similaire se pose : Combien de triangles rectangles dont les côtés sont des nombres entiers ont un côté de longueur 29 ? Puisque 29 est premier, les longueurs des côtés doivent former un triplet primitif, donc soit 29 = x2 + y2, soit 29 = x2 – y2, pour certains entiers x et y. Dans le premier cas, x = 5 et y = 2, et le triplet (x2 – y2, 2xy, x2 + y2) est (21, 20, 29).  96 

 Encore des triangles et des carrés  

Dans le second cas, 29 = (x + y) × (x – y), donc x + y = 29 et x – y = 1. Donc x = 15 et y = 14, et le triplet (x2 – y2, 2xy, x2 + y2) est (29, 420, 421).

SOMMES DES CARRÉS Après avoir étudié l’équation a2 + b2 = c2, nous pouvons poser une question plus générale qui remonte à Diophante : Quels sont les nombres qui peuvent s’écrire comme la somme de deux carrés parfaits ? Les premiers exemples sont : 2 = 12 + 12, 4 = 22 + 02, 5 = 22 + 12, 1 = 12 + 02, 8 = 22 + 22, 9 = 32 + 02, 10 = 32 + 12, 13 = 32 + 22, 16 = 42 + 02, 17 = 42 + 12, 18 = 32 + 32, 20 = 42 + 22. Les nombres jusqu’à 20 qui ne peuvent pas être écrits comme la somme de deux carrés sont 3, 6, 7, 11, 12, 14, 15 et 19. Peut-on en déduire un modèle général ? La première chose à retenir est que tout carré a la forme 4n ou 4n + 1, et donc la somme de deux carrés doit avoir la forme 4n, 4n + 1, ou 4n + 2. Ainsi, tout nombre de la forme 4n + 3 ne peut pas être une somme de deux carrés, ce qui exclut 3, 7, 11, 15 et 19. On remarque également que 6, 12 et 14, qui sont des multiples des nombres interdits 3 et 7, ne peuvent pas s’écrire comme la somme de deux carrés, alors que 9 et 18, multiples de 32, peuvent s’écrire de cette façon. Utilisant ces observations comme lignes directrices, il s’avère que nous pouvons décrire complètement les nombres qui peuvent être écrits comme la somme de deux carrés. Le résultat suivant a été énoncé par Fermat, et prouvé par Legendre en 1798 : Somme de deux carrés : Un nombre peut s’écrire comme la somme de deux carrés si et seulement si chaque facteur premier congru à 3 (mod 4) est élevé à une puissance paire.  97 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Par exemple, 117 = 32 × 13 est la somme de deux carrés (92 + 62), car 3 est une puissance paire, alors que 120 = 23 × 3 × 5 et 135 = 33 × 5 ne peuvent pas être la somme de deux carrés car 3 est une puissance impaire dans chaque cas. Un résultat utile est que si m et n peuvent être écrits comme la somme de deux carrés, alors leur produit mn peut l’être aussi. En effet, pour m = a2 + b2 et n = x2 + y2, un peu d’algèbre confirme la règle de multiplication : mn = (a2 + b2) × (x2 + y2) = (ax + by)2 + (ay – bx)2. Par exemple, sachant que 5 = 22 + 12 et 13 = 32 + 22, nous pouvons prendre a = 2, b = 1, x = 3, et y = 2, ce qui donne 65 = 5 × 13 = {(2 × 3) + (1 × 2)} 2 + {(2 × 2) – (1 × 3)}2 = (6 + 2)2 + (4 – 3)2 = 82 + 12, ou, en réécrivant 13 = 22 + 32, on peut prendre a = 2, b = 1, x = 2 et y = 3, ce qui donne 65 = 5 × 13 = {(2 × 2) + (1 × 3)}2 + {(2 × 3) – (1 × 2)}2 = (4 + 3)2 + (6 – 2)2 = 72 + 42. Certains nombres peuvent donc s’écrire comme la somme de deux carrés de plus d’une façon : un autre exemple est 1 105 = 332 + 42 = 322 + 92 = 242 + 232. Il découle de la règle de multiplication ci-dessus que si nous pouvons d’abord déterminer quels nombres premiers peuvent s’écrire comme la somme de deux carrés, nous pouvons ensuite, en les combinant, déterminer quels nombres en général peuvent s’écrire de la même façon. Il s’agit d’un autre exemple de l’utilisation des nombres premiers comme éléments constitutifs des nombres en général. Nous allons maintenant étudier la représentation des nombres premiers comme la somme de deux carrés. Nous avons vu que 2 = 12 + 12, et que les nombres premiers impairs de la forme 4n + 3 ne peuvent pas être écrits comme la somme de deux carrés.  98 

 Encore des triangles et des carrés  

Mais qu’en est-il des nombres premiers impairs de la forme 4n + 1 ? Nous pouvons certainement les écrire : 5 = 22 + 12, 13 = 32 + 22, 17 = 42 + 12, 29 = 52 + 22, 37 = 62 + 12, 41 = 52 + 22 et ainsi de suite. Cette liste illustre la règle générale suivante, qui a été énoncée pour la première fois par Albert Girard en 1625 et dans une lettre de Fermat à Mersenne le jour de Noël 1640, règle qui a finalement été validée par Euler en 1754 : un nombre premier impair p peut être écrit comme la somme de deux carrés si et seulement si p a la forme 4n + 1. De plus, cela ne peut se faire que d’une seule manière, indépendamment de l’ordre dans lequel les deux carrés apparaissent. Avant de quitter cette section, nous posons une question connexe : Quels nombres peuvent être écrits comme la différence de deux carrés parfaits ? Il est beaucoup plus facile de répondre à cette question. Voyons quelques exemples : 1 = 12 – 02, 3 = 22 – 12, 4 = 22 – 02, 5 = 32 – 22, 7 = 42 – 32, 8 = 32 – 12, 9 = 32 – 02, 11 = 62 – 52, 12 = 42 – 22, … Mais 2, 6, 10, … ne peuvent pas s’écrire de cette façon, et il semble que la règle générale suivante s’applique : Différence de deux carrés : un nombre peut être écrit comme la différence de deux carrés, sauf s’il a la forme 4n + 2. Pour comprendre, rappelons à nouveau que tout carré parfait a la forme 4n ou 4n + 1, si bien que la différence entre deux carrés doit avoir la forme 4n, 4n + 1, ou 4n + 3. La différence entre deux carrés ne peut donc jamais être de la forme 4n + 2. De plus, si N = 4n, alors on peut écrire (n + 1)2 – (n – 1)2 = (n2 + 2n + 1) – (n2 – 2n + 1) = 4n = N,  99 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

si N = 4n + 1, alors on peut écrire (2n + 1)2 – (2n)2 = (4n2 + 4n + 1) – 4n2 = 4n + 1 = N, et si N = 4n+ 3, alors on peut écrire (2n + 2)2 – (2n + 1)2 =  (4n2 + 8n + 4) – (4n2 + 4n + 1) = 4n + 3 = N. Tout nombre peut donc s’écrire comme la différence de deux carrés, sauf lorsqu’il a la forme 4n + 2.

Sommes de davantage de carrés Nous avons vu que nous ne pouvons pas écrire tous les nombres comme la somme de seulement deux carrés. Peut-on écrire tout nombre comme la somme de trois carrés (le zéro étant autorisé) ? Nous avons, sans problème : 6 = 22 + 12 + 12, 11 = 32 + 12 + 12, 3 = 12 + 12 + 12, 2 2 2 2 2 2 12 = 2  + 2  + 2 , 14 = 3  + 2  + 1 , 19 = 32 + 32 + 12. Mais nous ne pouvons pas écrire 7 ou 15 comme la somme de seulement trois carrés. Pour comprendre pourquoi, nous notons que tout carré impair a la forme 8n + 1 (cf. le Chapitre 2), et que tout carré pair, étant divisible par 4, a la forme 8n ou 8n + 4. Mais on ne peut pas combiner trois nombres de la forme 8n, 8n + 1, ou 8n + 4 pour donner un nombre de la forme 8n + 7. Diophante avait affirmé et revendiqué ce résultat il y a 1 700 ans, et Fermat a proposé le résultat plus général suivant, démontré et validé par Legendre en 1798 : Somme de trois carrés : tout nombre peut être écrit comme la somme de trois carrés, sauf s’il a la forme 4m × (8k + 7), pour certains entiers m et k. Par exemple, 7 = 40 × 7, 15 = 40 × 15, et 23 = 40 × 23 ne peuvent pas s’écrire comme la somme de trois carrés, et leurs multiples non plus : 28 = 41 × 7, 240 = 42 × 15, 368 = 43 × 23.  100 

 Encore des triangles et des carrés  

Mais ces nombres peuvent tous être écrits comme la somme de quatre carrés : par exemple, 7 = 22 + 12 + 12 + 12, 23 = 32 + 32 + 22 + 12, 240 = 142 + 62 + 22 + 22,

15 = 32 + 22 + 12 + 12, 28 = 52 + 12 + 12 + 12, 368 = 182 + 62 + 22 + 22.

En fait, tous les nombres entiers positifs sans exception peuvent être écrits comme la somme de quatre carrés. Ce résultat remarquable a été énoncé par Claude Bachet de Méziriac en 1621, et a été prouvé par Joseph-Louis Lagrange en utilisant les idées d’Euler : Le théorème des quatre carrés de Lagrange : Tout nombre peut être écrit comme la somme de quatre carrés. Comme pour le résultat précédent de Fermat sur la somme de deux carrés, il suffit de le prouver pour les nombres premiers uniquement, puis d’utiliser une règle de multiplication pour obtenir le résultat général. Cette règle, découverte par Euler, établit que si m et n peuvent chacun s’écrire comme la somme de quatre carrés, alors leur produit mn le peut aussi, la raison étant que pour m = a2 + b2 + c2 + d2 et n = w2 + x2 + y2 + z2, on a mn = (a2 + b2 + c2 + d2) × (w2 + x2 + y2 + z2) = (aw – bx – cy – dz)2 + (bw + ax – dy + cz)2   + (cw + dx + ay – bz)2 + (dw – cx + by + az)2. Par exemple, sachant que 15 = 3 2  + 2 2  + 1 2  + 1 2 et 23 = 32 + 32 + 22 + 12, on peut prendre a = 3, b = 2, c = 1, d = 1, w = 3, x = 3, y = 2, et z = 1, et écrire 345 = 15 × 23 comme une somme de quatre carrés comme suit : 345 = 15 × 23 = {(3 × 3) – (2 × 3) – (1 × 2) – (1 × 1)}2    + {(2 × 3) + (3 × 3) – (1 × 2) + (1 × 1)}2   + {(1 × 3) + (1 × 3) + (3 × 2) – (2 × 1)}2    + {(1 × 3) – (1 × 3) + (2 × 2) + (3 × 1)}2  101 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

= (9 – 6 – 2 – 1)2 + (6 + 9 – 2 + 1)2    + (3 + 3 + 6 – 2)2 + (3 – 3 + 4 + 3)2 = 02 + 142 + 102 + 72.

PUISSANCES SUPÉRIEURES Après avoir examiné les sommes de carrés, nous allons maintenant nous intéresser aux sommes de cubes et aux puissances supérieures. Une histoire bien connue concerne le mathématicien et professeur « sadleirien » de l’Université de Cambridge, G. H. Hardy qui, en 1918, rendait visite à son ami et collègue Srinivasa Ramanujan, autodidacte et l’un des mathématiciens les plus intuitifs de tous les temps, gravement malade et hospitalisé. Ensemble, ils avaient résolu d’importants problèmes de théorie des nombres. Hardy, qui avait du mal à trouver quelque chose à dire, a fait remarquer que le taxi qui le conduisait à l’hôpital portait le numéro 1729, qui semblait être un numéro plutôt banal et ennuyeux. Hardy se souvient que Ramanujan lui a répondu : « Mais non, Hardy, c’est un nombre très intéressant. C’est le plus petit nombre exprimable comme la somme de deux cubes de deux manières différentes ». (Ce sont 1 000 + 729 = 103 + 93 et 1 728 + 1 = 123 + 13).

Le problème de Waring Comme nous l’avons vu, le théorème des quatre carrés de Lagrange affirme que tout nombre peut être écrit comme la somme de quatre carrés. En 1770, un autre mathématicien de Cambridge, le professeur « lucasien » Edward Waring suggéra qu’il existe des résultats similaires pour les puissances supérieures, affirmant les résultats suivants pour les cubes et les puissances quatre : Chaque nombre peut être écrit comme la somme de neuf cubes. Chaque nombre peut être écrit comme la somme de dixneuf nombres à la puissance quatre.  102 

 Encore des triangles et des carrés  

Les affirmations de Waring étaient correctes et ne peuvent pas être améliorées car il existe des nombres qui nécessitent en fait neuf cubes et dix-neuf nombres puissance quatre, comme pour les cubes : 23 = 23 + 23 + 13 + 13 + 13 + 13 + 13 + 13, pour les puissances quatre : 79 = 24 + 24 + 24 + 24 + 14 + 14 + 14 + 14 + 14 + 14 + 14  + 14 + 14 + 14 + 14 + 14 + 14 + 14 + 14. Waring s’est demandé si ces idées pouvaient être étendues à des puissances plus élevées : Le problème de Waring : pour chaque entier positif k, existet-il un nombre g(k) tel que chaque nombre puisse être écrit comme la somme de g(k) puissances k-ièmes d’entiers positifs ? Par exemple, g(2) = 4, par le théorème des quatre carrés de Lagrange, et les résultats que nous venons d’affirmer nous disent que g(3) = 9 et g(4) = 19. Les autres valeurs connues sont g(5) = 37 pour les sommes de nombres à la puissance cinq, et g(6) = 73 pour les sommes de nombres puissance six. En 1909, le mathématicien allemand David Hilbert a répondu par l’affirmative à la question de Waring en prouvant qu’il existe un tel nombre g(k) pour chaque valeur de k. Que pouvons-nous dire de g(k) ? Vers 1772, Johann Albrecht Euler, le fils aîné de Leonhard, a suggéré que g(k) ≥ 2k + 1,5k – 2, pour toutes les valeurs de k, où x est la partie entière de x : par exemple, 1,53 = 3,375 = 3. Notons que, pour k = 3, g(k) ≥ 23 + [1,5]3 – 2 = 8 + 3 – 2 = 9 pour k = 4, g(k) ≥ 24 + [1,5]4 – 2 = 16 + 5 – 2 = 19, par conséquent, cette borne donne la valeur correcte pour g(k) dans ces deux cas. Il a depuis été prouvé qu’elle donne la bonne  103 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

réponse pour toutes les valeurs de k jusqu’à 471,6 millions, et avec toutes ces preuves, on pense qu’elle est correcte dans tous les cas, bien que cela n’ait jamais été définitivement démontrée. Cependant, on peut en dire davantage. Lorsque k = 3, il s’avère que seuls deux nombres (23 et 239) ont besoin de neuf cubes, et que seul un nombre fini a besoin de huit cubes. Nous pouvons donc affirmer : Qu’à partir d’un certain moment, chaque nombre peut être écrit comme la somme de seulement sept cubes. On croit également, bien que cela n’ait jamais été démontré formellement, que le nombre de cubes peut être réduit davantage, peut-être même à quatre. Pour les nombres à la puissance quatre, il peut être démontré : À partir d’un certain point, chaque nombre peut être écrit comme la somme de seulement seize nombre à la puissance quatre. Des résultats correspondants peuvent être démontrés pour les puissances supérieures.

Le dernier théorème de Fermat Nous conclurons ce chapitre par un bref compte rendu de l’une des réalisations les plus célèbres de la théorie des nombres : la preuve du dernier théorème de Fermat. Dans notre discussion sur les triplets de Pythagore, nous avons vu comment trouver les solutions entières de l’équation diophantienne a2 + b2 = c2. Peut-on, de la même façon, trouver des solutions entières aux équations a3 + b3 = c3,   a4 + b4 = c4,   a5 + b5 = c5, et en général, an + bn = cn, pour tout n ≥ 3 ?  104 

 Encore des triangles et des carrés  

Faisons quelques observations générales. Premièrement, il existe toujours des solutions « triviales », dans lesquelles l’un des nombres a, b et c est 0 : par exemple, 53 + (– 5)3 = 04   et   24 + 04 = 24. Dans ce qui suit, nous nous intéressons uniquement aux solutions positives. En deuxième lieu, nous supposons que nous sachions qu’il n’existe pas de solutions entières de l’équation a3 + b3 = c3. Nous pourrions alors en déduire qu’il en va de même lorsque l’exposant est un multiple quelconque de 3. Par exemple, l’équation x12 + y12 = z12 pourrait alors ne pas avoir de solutions entières, car nous pouvons la réécrire comme suit (x4)3 + (y4)3 = (z4)3, ou, comme a3 + b3 = c3 (où a = x4, b = y4, et c = z4), où nous avons supposé qu’il n’y avait pas de solutions. Ainsi, lorsque nous étudions les solutions de l’équation an + bn = cn, nous pouvons limiter notre attention aux cas où n est égal à 4 ou à un nombre premier. Fermat s’est intéressé à ce problème en lisant une traduction latine de l’Arithmetica de Diophante qui avait été publiée par Claude Bachet de Méziriac en 1621 (cf. la Figure 26). Dans la section sur les triplets pythagoriciens, Fermat a ajouté un commentaire en marge désormais célèbre : « D’autre part, il est impossible qu’un cube s’écrive comme une somme de deux cubes ou qu’un nombre élevé à la puissance quatre s’écrive comme une somme de deux nombres puissance quatre ou, en général, pour tout nombre qui est une puissance supérieure à deux s’écrive comme une somme de deux puissances semblables. J’ai une preuve vraiment merveilleuse de cette proposition mais cette marge est trop étroite pour la contenir ».  105 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Fig. 26    La traduction par Bachet de l’Arithmetica de Diophante.

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 Encore des triangles et des carrés  

On l’appelle souvent « le dernier théorème de Fermat », parce qu’il est devenu la dernière affirmation de Fermat à être prouvée – mais il aurait peut-être été plus judicieux de l’appeler « la conjecture de Fermat » : Le dernier théorème de Fermat. L’équation xn + yn = zn n’a pas de solutions entières positives lorsque n ≥ 3. La plupart des mathématiciens pensent que Fermat n’aurait pas pu trouver une preuve consolidée de sa conjecture. De nombreuses tentatives ont depuis été faites pour en trouver une, et on avance même que, s’il avait vraiment trouvé une démonstration valable, elle aurait sûrement été redécouverte au cours des années suivantes. Fermat a lui-même prouvé que l’équation a4 + b4 = c4 ne peut pas avoir de solutions entières. Pour ce faire, il a inventé une méthode de preuve connue sous le nom de méthode de descente infinie, montrant par un argument algébrique que si cette équation (ou, plus précisément, une équation étroitement liée à celle-ci) avait une solution en nombres entiers positifs, il y aurait une autre solution impliquant des nombres plus petits que la précédente. En répétant cet argument encore et encore, il obtiendrait alors des solutions positives de plus en plus petites – mais cela ne peut pas se produire indéfiniment. Cette contradiction montre que la solution originale n’a pas pu exister en premier lieu. Plus d’un siècle plus tard, en 1770, Euler produisit une preuve pour le cas n = 3, mais elle comportait une lacune qui a été comblée par la suite par Legendre. Des avancées majeures ont été réalisées dans les années 1820 par Sophie Germain, une mathématicienne autodidacte qui a fait plusieurs contributions substantielles à la théorie des nombres et à la théorie de l’élasticité.  107 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Intéressée par les nombres premiers p pour lesquels 2p + 1 est également premier (tels que 2, 3, 5, 11 et 23), elle a prouvé plusieurs résultats les concernant, par exemple, que si ap + bp = cp, alors l’un de a, b et c doit être divisible par 2p + 1, et l’un d’eux doit être divisible par p2. Puis Legendre et Lejeune Dirichlet ont démontré la validité du théorème lorsque n = 5, en utilisant ses résultats, et enfin en 1835 Gabriel Lamé de Paris l’a prouvé pour n = 7. Une grande avancée a été faite par Ernst Kummer, qui a prouvé le résultat lorsque n est un nombre premier dit « régulier » : cela a réglé l’argument pour presque toutes les valeurs de n qui sont inférieures à 100. Au fil des ans, de plus en plus de cas ont été résolus et, au milieu du xxe siècle, la conjecture de Fermat a été prouvée pour toutes les valeurs de n jusqu’à 2 500, et en 1990 pour toutes les valeurs jusqu’à 4 millions. Mais il restait encore un long chemin à parcourir ! En juin 1993, Andrew Wiles, un mathématicien britannique travaillant à l’université de Princeton aux États-Unis, aux ÉtatsUnis, a annoncé avec beaucoup d’enthousiasme, lors d’une conférence à Cambridge, qu’il avait trouvé une démonstration pour le dernier théorème de Fermat. Bien que cette annonce se soit avérée prématurée, car une lacune a été découverte dans son argumentation, il a fini par la corriger avec l’aide de son ancien étudiant, Richard Taylor. La preuve remarquable de Wiles a été publiée en 1995 et a été très bien accueillie. Le dernier théorème de Fermat était enfin prouvé (cf. la Figure 27).

Fig. 27    Un timbre postal célébrant la preuve d’Andrew Wiles du dernier théorème de Fermat.

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6 Des cartes à la cryptographie Dans ce chapitre, nous introduisons un théorème fondamental de Pierre de Fermat et nous l’appliquons à un problème récréatif : comment mélanger des cartes. Nous présentons ensuite une généralisation du résultat de Fermat due à Leonhard Euler, ainsi qu’une méthode de factorisation des nombres qui est également due à Fermat. Nous concluons en appliquant le théorème d’Euler à l’envoi de messages secrets en cryptographie, décrivant son utilisation pour garantir la sécurité de nos cartes de crédit.

LE PETIT THÉORÈME DE FERMAT Il y a plus de deux mille ans, des mathématiciens chinois auraient observé que 2 divise 22 – 2 (= 2), 3 divise 23 – 2 (= 6), 5 divise 25 – 2 (= 30), et 7 divise 27 – 2 (= 126), mais que 4 ne divise pas 24 – 2 (= 14) et 6 ne divise pas 26 – 2 (= 62).  109 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Cela les a amenés à affirmer que n divise 2n – 2 si et seulement si n est premier. Leur affirmation est-elle vraie ? Dans cette section, nous allons étudier cette question et d’autres, similaires. Au Chapitre 4, nous avons étudié les nombres carrés (mod p), où p est un nombre premier impair, et nous allons maintenant nous intéresser aux puissances supérieures. Commençons par les premières puissances de 3 et 4 (mod 7) : 31 ≡ 3, 32 ≡ 2, 33 ≡ 6, 34 ≡ 4, 35 ≡ 5, 36 ≡ 1 (mod 7) 41 ≡ 4, 42 ≡ 2, 43 ≡ 1, 44 ≡ 4, 45 ≡ 2, 46 ≡ 1 (mod 7), en notant, en particulier, que 36 ≡ 1 (mod 7) et que 46 ≡ 1 (mod 7). Il s’avère, en effet, que si a est un entier quelconque non divisible par 7, alors a6 ≡ 1 (mod 7) : par exemple, 26 = 64 ≡ 1 (mod 7) et 106 = 1 000 000 ≡ 1 (mod 7). Ces résultats sont des cas particuliers d’un résultat célèbre que Pierre de Fermat a annoncé en 1640, mais qui a été démontré pour la première fois par Gottfried Leibniz quelque temps avant 1683. Il est généralement appelé le « petit théorème de Fermat ». Petit théorème de Fermat : Si p est un nombre premier, et si a est un nombre entier qui n’est pas divisible par p, alors ap – 1 ≡ 1 (mod p). Par exemple, si p = 7 et a = 17, alors 17 n’est pas divisible par 7 et donc 176 ≡ 1 (mod 7). C’est correct, car 176 = 24 137 569 = (7 × 3,448,224) + 1. On peut également montrer que si ak ≡ 1 (mod p), alors k doit être un facteur de p – 1. L’idée de la preuve du petit théorème de Fermat est de regarder les premiers p – 1 multiples positifs de a et de les réduire (mod p).  110 

 Des cartes à la cryptographie  

Par exemple, si p = 7 et a = 3 alors les six premiers multiples positifs de a sont 3, 6, 9, 12, 15 et 18, et en les réduisant (mod 7) on obtient 3, 6, 2, 5, 1, 4. De même, si a = 4, alors les multiples sont 4, 8, 12, 16, 20, 24 et en les réduisant (mod 7) on obtient 4, 1, 5, 2, 6, 3. Dans chaque cas, nous obtenons un réarrangement des nombres 1, 2, 3, 4, 5 et 6. En général, les premiers p – 1 multiples positifs de a sont a, 2a, 3a, 4a, …, (p – 1) a, et quand on les réduit (mod p), les résultats sont tous différents ; ceci est parce que si ma ≡ na (mod p), pour des nombres non nuls m et n, alors m ≡ n (mod p), après avoir annulé le terme a des deux côtés. (ce que l’on peut faire car a et p sont premiers entre eux). Donc ces multiples non nuls (mod p) sont tous différents, et doivent donc être les nombres 1, 2, 3, …, p – 1, dans un certain ordre. Nous allons maintenant multiplier ces multiples de p – 1 entre eux, ce qui donne a × 2a × 3a × … × (p – 1)  = ap – 1 × 1 × 2 × 3 × … × (p – 1). Mais, comme nous venons de le voir, ces multiples sont juste 1, 2, 3, …, p – 1 (mod p) dans un certain ordre, et leur produit est 1 × 2 × 3 × … × (p – 1) (mod p). En égalisant ces deux produits, on obtient ap – 1 × 1 × 2 × 3 × … × ( p – 1) ≡ 1 × 2 × 3 × …  × (p – 1) (mod p), et en annulant les termes 1, 2, 3, …, p – 1 (qui sont tous premiers par rapport à p) donne ap – 1 ≡ 1 (mod p), comme nous voulions démontrer.  111 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Dans l’énoncé du petit théorème de Fermat, nous avons fait la condition que a n’est pas divisible par p. Nous pouvons supprimer cette condition en multipliant les deux côtés de la congruence par a, ce qui donne la forme alternative suivante : Le petit théorème de Fermat : Si p est un nombre premier et a un nombre entier, alors ap ≡ a (mod p). Ici, nous pouvons omettre la condition ci-dessus, car si a est divisible par p, alors le résultat est toujours vrai, car les deux côtés sont congrus à 0 (mod p). Peut-on inverser la situation ? Est-il vrai que si an = a (mod n) pour tous les nombres a, alors n doit être un nombre premier ? C’est généralement le cas mais, comme l’a constaté le mathématicien américain Robert Carmichael en 1912, il existe des exceptions. Le plus petit exemple est n = 561 = 3 × 11 × 17, où a561 ≡ a (mod 561) pour tous les nombres a. Bien qu’il existe une infinité de ces « nombres de Carmichael », ils semblent se produire assez rarement, avec seulement six autres nombres inférieurs à 10 000, et seulement quarante-trois jusqu’à un million. Même si nous nous limitons à a = 2, il existe des exceptions : par exemple, 2341 ≡ 2 (mod 341), mais 341 = 11 × 31 n’est pas premier. Les anciens Chinois avaient donc raison d’affirmer que n doit diviser 2n – 2 lorsque n est premier, mais ils avaient tort d’affirmer que si n divise 2n – 2, alors n doit toujours être premier.

Compter des colliers Pour vous offrir une brève diversion, nous pouvons également déduire le petit théorème de Fermat en comptant les colliers ! Un collier est un arrangement circulaire de perles de couleur. Combien de colliers de couleurs différentes y a-t-il, s’il y a p perles (où p est premier) et a couleurs disponibles, et si nous utilisons au moins deux couleurs ?  112 

 Des cartes à la cryptographie  

En raison de la disposition circulaire des perles, chaque collier peut être compté de p façons, selon l’endroit où l’on commence : par exemple, le collier de la Figure 28 est issu de cinq chaînes de perles différentes, RBRRJ, BRRJR, RRJRB, RJRBR, JRBRR, où R, B et J représentent le rouge, le bleu et le jaune. R J

B R

R

Fig. 28    Collier avec cinq perles.

Combien de colliers différents peut-il y avoir ? Puisqu’il y a p perles allant jusqu’à a couleurs, il y a ap colliers de perles possibles, ou ap – a colliers si l’on exclut les a colliers d’une seule couleur (tels que RRRRR) qui ne peuvent être colorés que d’une seule façon. Mais chaque collier est issu de p chaînes différentes, et le nombre de colliers différents est donc (ap – a) / p. Comme il doit s’agir d’un nombre entier, ap – a doit être divisible par p, c’est-à-dire ap ≡ a (mod p), ce qui est le petit théorème de Fermat.

Le mélange de cartes Une application amusante du résultat de Fermat concerne le mélange des cartes (parfois appelé « mélange Faro »). Partant d’un jeu de cartes normal, nous le coupons d’abord en deux piles, de sorte que les cartes d’une pile soient en position 1 à 26 et que celles de l’autre pile soient en position 27 à 52. Nous mélangeons maintenant les cartes de façon que les cartes des positions 1, 2, 3, …, 26 soient déplacées vers les positions 2, 4, 6, …, 52, et les cartes des positions 27, 28,  113 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

29, …, 52 soient déplacées aux positions 1, 3, 5, …, 51, ce qui donne le nouvel ordre 27, 1, 28, 2, 29, 3, 30, 4, …, 51, 25, 52, 26 (cf. la Figure 29). Il s’ensuit – comme on peut facilement le vérifier – que pour chaque a, la carte initialement en position a est passée à la nouvelle position 2a (mod 53). 1 2 3 50 51 52

27 1 2 3

27 28 29

25 26

51 52

1 28 2 51 25 52 26

Fig. 29    Comment mélanger les cartes.

Combien de mélanges sont nécessaires pour remettre le paquet de cartes dans son ordre initial ? Après n mélanges, la carte initialement en position a est passée en position 2n a (mod 53), donc après que le paquet ait été remis dans son ordre initial, 2n a ≡ a (mod 53) pour tous les nombres a. Or, le PGCD (a, 53) = 1, on peut donc annuler le a, ce qui nous donne 2n ≡ 1 (mod 53). Mais en appliquant le petit théorème de Fermat, 252 ≡ 1 (mod 53), donc le paquet est certainement rétabli dans son ordre initial après 52 mélanges. Mais cela peut-il se produire plus tôt ? Si c’est le cas, le nombre de battages doit être un facteur de 52, d’après notre remarque suivant la première affirmation du résultat de Fermat – c’est-à-dire soit le 2, 4, 13 ou le 26. Mais, après quelques calculs, nous trouvons que 22 ≡ 4 (mod 53), 24 ≡ 16 (mod 53), 213 ≡ 30 (mod 53), et 226 ≡ 52 (mod 53).  114 

 Des cartes à la cryptographie  

Aucune d’entre elles ne fonctionne, l’ordre des cartes est donc rétabli pour la première fois après 52 mélanges. Que se passe-t-il si nous ajoutons maintenant les deux jokers au paquet, ce qui fait 54 cartes au total ? En effectuant une analyse similaire, nous cherchons la plus petite valeur de n pour laquelle 2n ≡ 1 (mod 55). Or, 55 = 5 × 11 n’est pas premier, et nous ne pouvons plus appliquer directement le résultat de Fermat. Mais le petit théorème de Fermat nous dit que 24 ≡ 1 (mod 5), et donc 220 = (24)5 ≡ 15 ≡ 1 (mod 5). Il nous indique également que 210 ≡ 1 (mod 11), et donc 220 ≡ 12 ≡ 1 (mod 11). En combinant ces résultats (ce que l’on peut faire, car le PGCD (5, 11) = 1), on en déduit que 220 ≡ 1 (mod 55), et donc que l’ordre des cartes est certainement rétabli après 20 mélanges. Cela peut-il se produire plus tôt ? Si oui, le nombre de mélanges doit être un facteur de 20, c’est-à-dire soit le 2, 4, 5 ou le 10. Mais, 22 ≡ 4 (mod 55), 24 ≡ 16 (mod 55), 25 ≡ 32 (mod 55), 210 ≡ 34 (mod 55). Aucune d’entre elles ne fonctionnant, l’ordre des cartes est rétabli pour la première fois après 20 mélanges.

LA GÉNÉRALISATION DU PETIT THÉORÈME DE FERMAT Nous avons présenté le petit théorème de Fermat, selon lequel si p est un nombre premier et a est un entier quelconque qui n’est pas divisible par p, alors ap – 1 ≡ 1 (mod p). Mais que se passe-t-il si p est remplacé par un nombre composé ? Le résultat de Fermat est-il toujours vrai, et s’il ne l’est pas, peut-on l’adapter pour qu’il tienne dans ce cas plus général ? Pour montrer que le résultat de Fermat peut échouer lorsque le modulo n’est pas premier, examinons les congruences (mod 10),  115 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

et prenons a = 3 (3 et 10 étant premiers entre eux). Alors 310– 1 = 39 = 19 683, ce qui n’est pas congru à 1 (mod 10).

La fonction j d’Euler Avant de répondre à ces questions, nous devons d’abord présenter l’indicatrice d’Euler, aussi appelée la fonction phi ; le choix de la lettre grecque j (phi) pour la désigner a été fait par Gauss en 1801. Nous la définissons comme suit : Pour chaque entier positif n, soit j(n) le nombre d ­ ’entiers positifs jusqu’à n qui sont premiers avec n – c’est-à-dire le nombre d’entiers positifs a (≤ n) pour lesquels le PGCD (a, n) = 1. Par exemple, j(10) = 4, car les nombres (jusqu’à 10) qui sont premiers avec 10 sont 1, 3, 7 et 9 ; de même, j(20) = 8, où les entiers concernés sont 1, 3, 7, 9, 11, 13, 17 et 19. Un tableau des valeurs de j(n) pour n ≤ 20 figure dans le Tableau 5 : Tableau 5    Valeurs de j(n), pour n ≤ 20. n

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

j(n)

1

1

2

2

4

2

6

4

6

4

n

11

12

13

14

15

16

17

18

19

20

j(n)

10

4

12

6

8

8

16

6

18

8

Il y a plusieurs choses à noter ici. Tout d’abord, si p est un nombre premier, alors j(p) = p – 1, car tous les nombres jusqu’à p sont premiers avec p, sauf p lui-même. De même, j(p2) = p2 – p, parce que tous les nombres jusqu’à p2 sont comptés, sauf les multiples de p : par exemple, j(9) = 32 – 3 = 6, parce qu’on compte tous les nombres jusqu’à 9 sauf 3, 6 et 9. De même, pour toute puissance pe, j(pe) = pe – pe – 1.  116 

 Des cartes à la cryptographie  

Par exemple, j(16) = j (24) = 24 – 23 = 8. De plus, si p et q sont des nombres premiers différents, alors j(pq) = pq – p – q + 1 = (p – 1) × (q – 1) = j(p) × j(q), car nous devons écarter les p multiples de q et les q multiples de p, puis rétablir le nombre pq (que nous avions écarté deux fois). Nous aurons besoin de ce résultat plus tard. Plus généralement, si n = ab, où a et b sont premiers, alors j(n) = j(a) × j(b) : par exemple, le PGCD (4, 25) = 1, et donc j(100) =  j (4 × 25) = j (22) × j (52)  = (22 – 2) × (52 – 5) = 2 × 20 = 40. Cette idée multiplicative est valable en général : si n est un produit quelconque de nombres qui sont premiers entre eux, pris deux à deux, alors j(n) est le produit des valeurs j des nombres séparés : par exemple, si n = 10 800 = 24 × 33 × 52, alors j(n) =  j (24) × j (33) × j (52)  = (24 – 23) × (33 – 32) × (52 – 5)  = 8 × 18 × 20 = 2 880. On peut aussi réécrire ce produit sous la forme 23 × 33 × 5 × (2 − 1) × (3 − 1) × (5 − 1) ou 24 × 33 × 52 × (1 − 1/2) × (1 − 1/3) × (1 − 1/5), ces deux formes étant utiles. En général, si le nombre n s’écrit sous forme canonique comme un produit de nombres premiers – c’est-à-dire si = n p1e1 × p2e2 × … × prer , alors (n) ℵℵℵℵ (p1e1 ) (p2e2 ) (prer ) = p1e1 −1 × p2e2 −1 × … × prer −1 × (p1 − 1) × (p2 − 1) × … × (pr − 1) .

 117 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

qui peut s’écrire également sous la forme : j (n) = p1e1 × p2e2 × … × prer × (1 − 1 / p1 ) × (1 − 1 / p2 ) × …× (1 − 1 / pr ) = n × (1 − 1 / p1 ) × (1 − 1 / p2 ) × …× (1 − 1 / pr ) . Par exemple, 100 a les facteurs premiers 2 et 5, et donc j(100) = 100 × (1 – 1/2) × (1 – 1/5) = 100 × 1/2 × 4/5 = 40, comme nous l’avons vu précédemment. Ces formules peuvent être utilisées pour le calcul, et aussi pour prouver certains résultats généraux sur j(n). Par exemple, on peut prouver que si n ≥ 3, alors j(n) est pair, comme l’indique notre tableau des j-valeurs. En effet, soit n est une puissance de 2 (plus grand que 2), soit il a un facteur premier impair p. Dans le premier cas, si n = 2k, où k ≥ 2, alors j(n) = 2k – 1, qui est pair. Dans le second cas, la formule de j(n) doit inclure le facteur p – 1 qui est pair, et donc j(n) est pair. Mais certains nombres pairs ne peuvent jamais apparaître comme des valeurs j : par exemple, notre tableau comprend les nombres pairs 2, 4, 6, 8, 10, 12, 16 et 18, mais pas le 14. Pour comprendre ceci, supposons que j(n) = 14. Maintenant, si n a un facteur premier p, alors p – 1 doit diviser 14, et cela ne peut se produire que si p vaut 2 ou 3. Donc n doit être 2r, ou 3s, ou 2r × 3s, pour certains nombres r et s, et donc j(n) =2r – 1 ou 2 × 3s – 1, ou 2r × 3s – 1 respectivement. Mais aucun de ces nombres n’a 7 comme facteur, et donc j(n) ne peut pas être 14. La fonction j d’Euler présente d’intéressantes propriétés. Par exemple, qu’obtenons-nous si l’on donne un nombre n et que l’on additionne les valeurs j de tous ses facteurs ? Si n = 10, alors ses facteurs sont 1, 2, 5 et 10, et leur somme est j(1) + j(2) + j(5) + j(10) = 1 + 1 + 4 + 4 = 10.  118 

 Des cartes à la cryptographie  

Plus généralement, il s’avère que si l’on additionne les j-­valeurs des facteurs d’un nombre quelconque n, alors on obtient n.

Le théorème d’Euler Nous allons à présent revenir au problème qui consiste à étendre le petit théorème de Fermat relatif aux puissances d’un nombre (mod p), aux puissances d’un nombre (mod n), où n peut être composé. Lorsque nous avons présenté précédemment le résultat de Fermat, nous avons commencé par examiner les puissances de certains nombres (mod 7). Nous allons maintenant réitérer le même processus, en examinant les premières puissances de certains nombres (mod 9) 21 ≡ 2, 22 ≡ 4, 23 ≡ 8, 24 ≡ 7, 25 ≡ 5, 26 ≡ 1 (mod 9), 31 ≡ 3, 32 ≡ 0, 33 ≡ 0, 34 ≡ 0, 35 ≡ 0, 36 ≡ 0 (mod 9), 41 ≡ 4, 42 ≡ 7, 43 ≡ 1, 44 ≡ 4, 45 ≡ 7, 46 ≡ 1 (mod 9), 71 ≡ 7, 72 ≡ 4, 73 ≡ 1, 74 ≡ 7, 75 ≡ 4, 76 ≡ 1 (mod 9). Il s’avère qu’en dehors des puissances de 0, 3 et 6, chaque 6e puissance est égale à 1. Or, 6 = j(9), et on peut résumer cela en énonçant que Si a et 9 sont premiers entre eux, alors aj(9) ≡ 1 (mod 9). Ce résultat est un cas particulier du résultat que nous cherchions : Le théorème d’Euler : Si n est un entier positif, et si a est un entier quelconque avec le PGCD (a, n) = 1, alors aj(n) ≡ 1 (mod n). Par exemple, si n = 20 et a = 13, alors j(20) = 8 et le PGCD (13, 20) = 1 ; nous en déduisons que 138 ≡ 1 (mod 20), ce qui est correct puisque 138 = 815 730 721 = (20 × 40 786 536) + 1. Pour voir pourquoi le théorème d’Euler est valable, réitérons ce que nous avons fait précédemment et examinons  119 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

les premiers multiples positifs des nombres premiers avec 9 – c’est-à-dire 1, 2, 4, 5, 7 et 8 – et réduisons-les (mod 9). En multipliant ces nombres par 4, on obtient 4, 8, 16, 20, 28, 32, et en les réduisant (mod 9), on obtient 4, 8, 7, 2, 1, 5. De même, en les multipliant par 7, on obtient 7, 14, 28, 35, 49, 56, et en les réduisant (mod 9), on obtient 7, 5, 1, 8, 4, 2. Dans chaque cas, on obtient un réarrangement des nombres 1, 2, 4, 5, 7 et 8. Pour prouver le théorème d’Euler dans ce cas, nous allons imiter la preuve du petit théorème de Fermat. En multipliant les nombres 1, 2, 4, 5, 7 et 8 par a (où le PGCD (a, 9) = 1), on obtient 1a, 2a, 4a, 5a, 7a et 8a, et en les réduisant (mod 9), on obtient 1, 2, 4, 5, 7 et 8, mais cela peut-être se présente dans un ordre différent. Ainsi, en les multipliant tous ensemble, nous obtenons 1a × 2a × 4a × 5a × 7a × 8a = 1 × 2 × 4 × 5 × 7 × 8 (mod 9). En annulant les nombres 1, 2, 4, 5, 7 et 8 (qui sont tous premiers avec 9), on obtient a6 = 1 (mod 9), comme nous l’avons vu plus haut. La preuve générale est similaire. Nous commençons par énumérer les j(n) nombres jusqu’à n qui sont premiers avec n – nous les appellerons b1, b2, …, bk, où k = j(n). Nous les multiplions ensuite par a, pour obtenir les multiples b1a, b2a …, bka, et on les réduit (mod n). Les résultats seront tous différents, et doivent donc être b1, b2, …, bk dans un certain ordre. En multipliant ces multiples de a ensemble et en égalisant les deux produits, comme ci-dessus, on obtient aj(n) × b1 × b2 × … × bk ≡ b1 × b2 × … × bk (mod n). Annuler les termes b1, b2, …, bk (qui sont tous premiers avec n) donne alors aj(n) ≡ 1 (mod n), CQFD. Nous concluons cette section en remarquant que si n est un nombre premier p, alors j(n) = p – 1, et on obtient ap– 1 ≡ 1 (mod p), ce qui est donc le petit théorème de Fermat.  120 

 Des cartes à la cryptographie  

LA FACTORISATION DE GRANDS NOMBRES Avant de voir comment le théorème d’Euler a fait son apparition en cryptographie, examinons brièvement le sujet d’une tentative de factorisation d’un nombre en nombres premiers. De nombreux processus de la vie réelle sont irréversibles : par exemple, il est facile d’extraire du dentifrice d’un tube mais difficile d’inverser l’opération, et il est facile de casser un œuf mais impossible de le « recoller ». Un autre exemple est la factorisation des grands nombres. Il est généralement simple de multiplier deux nombres premiers ensemble, mais si produit nous est donné, il est souvent plus difficile de le factoriser en ses deux premiers constituants : par exemple, nous pouvons facilement multiplier 23 et 89 pour obtenir 2 047, mais si l’on nous donne le nombre 2 047, cela peut nous prendre un certain temps pour trouver ses facteurs à la main. Si les nombres premiers sont grands – par exemple, avec 250 chiffres – leur produit peut facilement être calculé par une machine, mais aucun ordinateur actuel ne peut factoriser leur produit de 500 chiffres en un temps raisonnable. Une méthode traditionnelle pour tester si un nombre donné n est premier est due à Fermat et fonctionne particulièrement bien lorsque n est le produit de deux nombres proches l’un de l’autre. Cette méthode est basée sur le fait que si n = a2 – b2 = (a + b) (a – b), alors a2 – n = b2. Pour appliquer la méthode de Fermat, on commence par identifier le plus petit entier m qui est √n ou plus grand, et on calcule les nombres m2 − n, (m + 1)2 − n, (m + 2)2 − n, et ainsi de suite, jusqu’à ce que nous obtenions un carré. Ensuite, si m + k)2 − n = b2 (par exemple), nous avons n = (m + k)2 − b2 = (m + k + b) × (m + k − b), ce qui nous donne une factorisation.  121 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Par exemple, si n = 6 077, nous vérifions que √6 077 = 77,995 …, et donc on prend m = 78. Alors : 782 – 6 077 = 7 (qui n’est pas un carré) 792 – 6 077 = 164 (qui n’est pas un carré) 802 – 6 077 = 323 (qui n’est pas un carré) 812 – 6 077 = 484 (le carré de 22). Donc, 6 077 = 812 − 222 = (81 + 22) × (81 – 22) = 103 × 59. Fermat a utilisé sa méthode pour factoriser le nombre n = 2 027 651 281. Constatant que √n = 45 029 449 …, il prit m = 45,030 et calcula comme suit : 45 0302 − n = 49 619, 45 0322 − n = 229 743, 45 0342 − n = 409 875 45 0362 − n = 590 015, 45 0382 − n = 770 163, 45 0402 − n = 950 319,

45 0312 − n = 139 680, 45 0332 − n = 319 808, 45 0352 − n = 499 944, 45 0372 − n = 680 088, 45 0392 − n = 860 240, 45 0412 − n = 1 040 400.

Or, 1 040 400 = 10202 et donc n = 45 0412 − 10202 = (45 041 + 1 020) × (45 041 – 1 020)  = 46 061 × 44 021, ce qui lui donne une factorisation. L’approche de Fermat en matière de factorisation est à la base de plusieurs méthodes plus sophistiquées de factorisation des grands nombres. L’une d’entre elles s’appelle la méthode du crible quadratique qui recherche parmi les différences ci-dessus quelques nombres dont le produit est un carré, plutôt que d’être simplement lui-même un carré. Une autre méthode, due à Euler et basée sur une idée de Mersenne, a conduit à la factorisation 1 000 009 = 3 413 × 293. De nombreuses autres méthodes ont été décrites, mais aucun algorithme efficace n’a jamais été découvert à ce jour.  122 

 Des cartes à la cryptographie  

LA CRYPTOGRAPHIE À CLÉ PUBLIQUE RSA Nous venons de voir que la multiplication de deux nombres premiers est relativement simple, mais que la factorisation d’un grand nombre en ses facteurs premiers peut être extrêmement difficile. C’est à partir de ce processus asymétrique qu’une méthode de cryptage secret des messages a été imaginée. Proposée en 1973 par Clifford Cocks, membre de l’unité secrète de décryptage de la Seconde Guerre mondiale installée à Bletchley Park, en Angleterre mais elle est restée confidentielle jusqu’en 1997. Redécouverte indépendamment en 1978 par Ron Rivest, Adi Shamir et Leonard Adleman, elle est désormais connue sous le nom de chiffrement RSA (leurs initiales). C’est essentiellement cette méthode qui est utilisée pour préserver les informations des services de renseignement, et elle nous fournit un excellent exemple de la manière dont des résultats en mathématiques pures qui ont été étudiés pour leur propre intérêt (comme le théorème d’Euler) peuvent ensuite être appliqués de manière inattendue dans des situations très pratiques. Supposons qu’Alice souhaite envoyer un message très secret à Bob, de telle sorte qu’aucune personne susceptible de l’intercepter ne puisse le déchiffrer. Bob choisit d’abord deux grands nombres premiers, p et q, et calcule leur produit, N = pq. Il choisit également un nombre e qui est premier avec j(N) – c’est-à-dire que PGCD (e, (p – 1) (q – 1)) = 1. Bob annonce alors publiquement les nombres e et N, mais il ne divulgue pas les facteurs de N, p et q. Les nombres e et N constituent la clé publique connue de tous, tandis que Bob reste la seule personne à connaître p et q, et donc j(N). Alice peut maintenant envoyer son message secret. Elle le convertit d’abord en une forme numérique – par exemple,  123 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

en écrivant A = 00, B = 01, … et appelle le message résultant M. Connaissant les nombres e et N, elle peut alors calculer le nombre E ≡ Me (mod N) et l’envoyer à Bob, la seule personne capable de le déchiffrer. Mais comment peut-il le faire ? Pour récupérer M, Bob calcule d’abord un nombre m pour lequel me ≡ 1 (mod j(N)). Pour cela, il peut utiliser l’algorithme d’Euclide du Chapitre 2 : comme PGCD (e, j(N)) = 1, il peut trouver des entiers m et n pour lesquels 1 = (m × e) + (n × j(N)), et donc me ≡ 1 (mod j(N)). Puis, à la réception du message chiffré E et connaissant m, il calcule Em ≡ (Me)m ≡ Mme ≡ M1 − nj(N) ≡ M × M− nj(N) (mod N). Mais, par le théorème d’Euler, Mj(N) ≡ 1 (mod N), et donc M− nj(N) ≡ 1− n ≡ 1 (mod N). Em ≡ M (mod N), et donc tout ce que Bob doit faire est de calculer Em (mod N) afin de récupérer le message original M d’Alice. À titre d’exemple des calculs nécessaires, supposons que la clé publique soit constituée des nombres e = 11 et N = 1 073. Bob sait que 1 073 = 29 × 37, il peut donc calculer j(N) = j(29) × j(37) = 28 × 36 = 1 008, et vérifier que PGCD (e, j(N)) = PGCD (11, 1 008) = 1, comme requis. La congruence me ≡ 1 (mod j(N)) devient maintenant 11m ≡ 1 (mod 1 008). En utilisant l’algorithme d’Euclide, Bob trouve que 1 = (275 × 11) – (3 × 1 008), donc que 275 × 11 ≡ 1 (mod 1 008). Il prend donc m = 275. Ayant reçu le message codé d’Alice sous la forme E, Bob calcule maintenant E275 (mod 1 073), et récupère ainsi son message original.

 124 

7 Conjectures et théorèmes Dans ce chapitre, nous allons explorer d’autres sujets liés aux nombres premiers. Pour commencer, je propose de réexaminer deux problèmes déjà abordés au Chapitre 1 et qui traitent des sommes de nombres premiers et des nombres premiers jumeaux, puis nous étudierons la distribution des nombres premiers. Nous nous intéresserons ensuite aux listes de nombres premiers équidistants et à une exploration plus approfondie de la factorisation unique. Ce chapitre présente plusieurs des résultats les plus profonds de la théorie des nombres, et inclut quelques exemples de travaux récents dans ce domaine.

DEUX CÉLÈBRES CONJECTURES Dans cette section, nous analysons deux conjectures relatives aux nombres premiers qui sont très faciles à énoncer mais qui, en fait, n’ont encore jamais été démontrées formellement. Leur difficulté intrinsèque est liée au fait qu’elles impliquent des opérations d’addition ou de la soustraction, alors que les nombres premiers sont principalement concernés par la multiplication.

 125 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

La conjecture de Goldbach Le 7 juin 1742, le mathématicien allemand Christian Goldbach adressé une lettre à Euler concernant l’écriture des nombres sous la forme de sommes de nombres premiers. Cette lettre contenait une affirmation connue aujourd’hui sous le nom de « conjecture de Goldbach », mais qu’Euler décrivait comme « un théorème tout à fait certain, bien que je ne puisse pas le prouver » : La conjecture de Goldbach : Tout nombre pair supérieur à 2 peut être écrit comme la somme de deux nombres premiers. Dans le Chapitre 1, vous en avez vu plusieurs exemples, d’autres sont 100 = 97 + 3 et 1 000 = 509 + 491. On sait maintenant que la conjecture de Goldbach est vraie pour tous les nombres pairs jusqu’à 4 × 1018, et trouver un contre-exemple semble donc extrêmement improbable. Une avancée majeure dans la résolution de la conjecture de Goldbach a été réalisée en 1966 par le mathématicien chinois Chen Jingrun, qui a démontré que chaque nombre pair supérieur à 2 peut être écrit comme la somme d’un nombre premier et d’un « presque premier », c’est-à-dire un autre nombre qui est soit un nombre premier, soit un nombre avec seulement deux facteurs premiers. Ses travaux ont fait appel à des méthodes de criblage systématique, un domaine de la théorie des nombres dont les origines remontent au crible d’Eratosthène que nous avons vu au Chapitre 3. Un résultat qui semble lié à la conjecture de Goldbach avait déjà été démontré quelques années auparavant, en 1937, par le mathématicien russe Ivan Matveevich Vinogradov qui avance : À partir d’un certain moment, tout nombre impair peut être écrit comme la somme de trois nombres premiers.  126 

 Conjectures et théorèmes  

Ici, l’expression « à partir d’un certain moment » pourrait sembler indiquer qu’il ne reste qu’un petit nombre de cas à vérifier – ce qui est une tâche finie qui pourrait être rapidement effectuée à la main ou par ordinateur. Mais en pratique, le point à partir duquel le résultat avait été démontré « vrai » était énorme, avec des millions de chiffres, et la vérification des cas restants dépassait largement la capacité de tous les ordinateurs existants. Cependant, en 2013, et après de nombreux autres travaux théoriques menés par plusieurs personnes, le mathématicien péruvien Harald Helfgott (travaillant en France, avec l’aide informatique du théoricien des nombres britannique Dave Platt) a réussi à réduire, et finalement à éliminer, l’énorme fossé qui sépare le résultat entre ce qui avait été prouvé pour les grands nombres et ce qui était déjà connu pour les petits nombres, donnant le résultat suivant : Tout nombre impair supérieur à 5 peut s’écrire comme la somme de trois nombres premiers. Quel lien peut-il y avoir avec la conjecture de Goldbach ? Eh bien, si la conjecture de Goldbach est vraie, alors tout nombre pair (≥ 4) est la somme de deux nombres premiers p et q au plus, et l’ajout de 3 nous indique que tout nombre impair (≥ 7) est la somme de trois nombres premiers (p, q et 3) au plus. Mais malheureusement, l’argument ne fonctionne pas dans l’autre sens : la réussite de Helfgott ne donne pas une preuve de la conjecture de Goldbach, mais elle en fournit un format plus faible. En effet, si n est un nombre pair supérieur à 8, alors n – 3 peut être écrit comme la somme de trois nombres premiers. De plus, 8 = 2 + 2 + 2 + 2, et donc : Tout nombre pair supérieur à 6 peut s’écrire comme la somme de quatre nombres premiers.  127 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

La conjecture des nombres premiers jumeaux La deuxième conjecture concerne les nombres premiers jumeaux qui, comme nous l’avons vu au Chapitre 1, sont des paires de nombres premiers qui diffèrent d’une valeur de 2. Jusqu’à 100, les nombres premiers jumeaux sont 3 et 5, 5 et 7, 11 et 13, 17 et 19, 29 et 31, 41 et 43, 59 et 61, 71 et 73. Il existe trente-cinq paires de nombres premiers jumeaux jusqu’à mille, plus de huit mille paires jusqu’à un million et plus de trois millions de paires jusqu’à un milliard. La plus grande paire connue compte plus de cinquante mille chiffres ! En 1846, la conjecture suivante a été formulée par le théoricien français des nombres Alphonse de Polignac : La conjecture des nombres premiers jumeaux : Il existe une infinité de paires de nombres premiers jumeaux. Pendant de nombreuses années, les théoriciens des nombres ont essayé de la prouver, mais sans grand succès. Puis, en 1966, et associé à ses travaux sur la conjecture de Goldbach, Chen Jingrun a utilisé des méthodes de criblage pour prouver qu’il existe une infinité de nombres premiers p pour lesquels p + 2 est soit un nombre premier, soit un nombre presque premier. Parmi d’autres recherches plus récentes, on a prouvé que la conjecture des nombres premiers jumeaux est vraie si l’on peut supposer certains résultats supplémentaires. Puis, de manière soudaine et inattendue, une percée majeure a été réalisée en juin 2013 par le mathématicien américain d’origine chinoise Yitang Zhang. En utilisant certains de ces travaux antérieurs, mais sans avoir besoin de supposer d’autres résultats, il a démontré qu’une infinité de paires de nombres premiers diffèrent d’au plus 70 millions. On est très loin du résultat souhaité, avec 70 millions au lieu de 2, mais c’était  128 

 Conjectures et théorèmes  

le premier résultat de ce type et il a créé toute un « artisanat » de mathématiciens cherchant à réduire l’écart à quelque chose de plus gérable. Dans un premier temps, l’écart est passé de 70 millions à environ 42 millions, puis quelque chose d’assez remarquable s’est produit. Les mathématiciens ont l’habitude de rédiger leurs travaux de recherche et de les publier sous une forme soignée dans des revues, un processus qui peut prendre un an ou plus : cela signifie qu’il peut s’écouler beaucoup de temps avant que leurs résultats ne soient largement connus. Mais depuis 2009 environ, plusieurs mathématiciens – notamment Tim Gowers de Cambridge et Terry Tao de Los Angeles – ont proposé une approche plus collaborative, connue sous le nom de Polymath Project, dans lequel des contributeurs du monde entier pourraient travailler publiquement sur des problèmes en mettant en commun leurs idées, en ajoutant des commentaires et suggérant des améliorations. Les progrès pourraient ainsi être réalisés et partagés à un rythme beaucoup plus rapide, tandis que les contributeurs individuels recevraient toujours le crédit nécessaire pour leurs idées. En juin 2013, Tao a lancé Polymath8, un projet intitulé « Bounded gaps between primes » [Écarts bornés entre nombres premiers], dans lequel les contributeurs étaient invités à améliorer le résultat de Zhang. En l’espace de quelques semaines, grâce aux contributions de nombreuses personnes, l’écart est passé de 42 millions à 387 620, puis à environ 12 000, et un mois plus tard à 4 680. Cette période a été suivie d’une accalmie, et de nouvelles idées étaient nécessaires. À ce moment-là, James Maynard, qui avait obtenu son doctorat à Oxford et se trouvait alors à Montréal, est apparu sur la scène avec une approche différente, découverte indépendamment également par Tao.  129 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

À la fin de 2013, Maynard avait réduit l’écart à 600 et, comme il l’a écrit à l’époque : « J’ai été surpris par le temps que j’ai fini par consacrer au projet Polymath. C’était en partie parce que la nature du projet était si convaincante – il y avait des mesures numériques claires du « progrès » et toujours plusieurs façons possibles d’obtenir une petite amélioration, ce qui était continuellement encourageant. L’enthousiasme général des participants (et d’autres personnes extérieures au projet) m’a également encouragé à m’impliquer de plus en plus dans le projet ». Au moment où j’écris ces lignes, l’écart actuel est de 246. C’est une amélioration monumentale par rapport aux 70 millions aux débuts, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir avant que la conjecture des nombres premiers jumeaux cesse définitivement de nous hanter.

LA DISTRIBUTION DES NOMBRES PREMIERS Comment les nombres premiers sont-ils répartis ? Bien que leur nombre semble s’espacer au fur et à mesure que l’on avance dans la liste, ils ne semblent pas être répartis de manière régulière. Par exemple, les cent nombres juste en dessous de 10 millions comprennent neuf nombres premiers : 9 999 901, 9 999 937, et 9 999 991,

9 999 907, 9 999 943,

9 999 929, 9 999 971,

9 999 931, 9 999 973

alors que les cent nombres juste au-dessus n’en comprennent que deux : 10 000 019 et 10 000 079. Mais bien que les nombres premiers jumeaux semblent apparaître partout où nous allons, nous pouvons également  130 

 Conjectures et théorèmes  

construire des chaînes de nombres arbitrairement longues qui ne sont pas premiers. Pour ce faire, nous utiliserons les nombres factoriels n! définis comme suit 1! = 1, 2! = 2 × 1 = 2, 3! = 3 × 2 × 1 = 6, 4! = 4 × 3 × 2 × 1 = 24, et en général, n! = n × (n – 1) × (n – 2) × … × 3 × 2 × 1. Or, comme le nombre n! est divisible par tous les nombres de 1 à n, on voit que : 2 divise n! + 2, 3 divise n! + 3, 4 divise n!, … et n divise n! + n, et donc les nombres n! + 2, n! + 3, n! + 4, …, n! + (n – 1), n! + n sont tous composés, ce qui nous donne une chaîne de n – 1 nombres composés. Un autre exemple est : n! – n, n! – (n – 1), …, n! – 3, n! – 2. Ainsi, par exemple, deux chaînes de 1 000 nombres composés successifs sont 1 001! + 2, 1 001! + 3, …, 1 001! + 1 000, 1 001! + 1 001 et 1 001! – 1 001, 1 001! – 1 000, …, 1 001! – 3,1 001 ! – 2.

Le théorème des nombres premiers Lors de sa conférence inaugurale en tant que professeur à l’université de Bonn en 1975, l’éminent théoricien des nombres Don Zagier a fait la remarque suivante : « Il y a deux faits dont j’espère vous convaincre de manière si écrasante qu’ils seront gravés à jamais dans vos cœurs.  131 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Le premier est que les nombres premiers font partie des objets les plus arbitraires étudiés par les mathématiciens : ils poussent comme des mauvaises herbes, ne semblant obéir à aucune autre loi que celle du hasard, et personne ne peut prédire où poussera le prochain. Le second fait est encore plus étonnant, car il affirme le contraire : les nombres premiers présentent une régularité étonnante, il existe des lois qui régissent leur comportement, et ils obéissent à ces lois avec une précision quasi militaire ». Pour voir ce qu’il entendait par là, nous allons introduire la fonction de comptage des nombres premiers p(x), qui compte le nombre de nombres premiers jusqu’à un nombre x quelconque. (Cette utilisation de la lettre grecque p (pi) n’a rien à voir avec le nombre circulaire p). Ainsi, p(10) = 4, car il y a exactement quatre nombres premiers (2, 3, 5 et 7) jusqu’à 10, et p(20) = 8, car il y a quatre autres nombres premiers (11, 13, 17 et 19). En continuant, nous trouvons que p(100) = 25, p(1 000) = 168, et p(10 000) = 1 229. Si nous reportons sur un graphique les valeurs des nombres premiers jusqu’à 100, nous obtenons un modèle en dents de scie : chaque nouveau nombre premier crée un saut (cf. la Figure 30). Mais si nous prenons du recul et que nous observons les nombres premiers jusqu’à 100 000, nous obtenons une belle courbe lisse – les nombres premiers semblent en effet augmenter très régulièrement. Nous pouvons décrire plus précisément cette régularité générale en comparant les valeurs de x et de p(x) lorsque x augmente. Nous obtenons le tableau suivant. Le tableau 6 énumère x, p(x), et leur rapport x/p(x) (à une décimale près). Ainsi, jusqu’à 100, un quart des nombres sont premiers, jusqu’à 1 000, environ un sixième d’entre eux sont des nombres premiers, et ainsi de suite. Nous pouvons exprimer  132 

 Conjectures et théorèmes  

plus précisément cet « éclaircissement » en notant que chaque fois que x est multiplié par 10, le rapport x/p(x) semble augmenter d’environ 2,3. y 25 20 15 10 5 20

40

60

80

100

x

y 8 000 6 000 4 000 2 000 20 000 40 000 60 000 80 000 100 000

x

Fig. 30    La distribution des nombres premiers.

Ce nombre 2,3 s’avère être le logarithme naturel de 10. Mais, qu’entendons-nous exactement par « logarithme naturel » ? La fonction logarithmique, introduite au début des années 1600, est un outil mathématique permettant de transformer des problèmes de multiplication en problèmes d’addi­ tion plus simples, en utilisant la règle de base suivante : log (a × b) = log a + log b, pour tout nombres positifs a et b,  133 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Tableau 6.    x, p(x), et x/p(x), quand x est une puissance de 10. x

j(x)

x/j(x)

10 100 1000 10 000 100 000 1 000 000 10 000 000 100 000 000 …

4 25 168 1 229 9 592 78 498 664 579 5 761 455 …

2,5 4,0 6,0 8,1 10,4 12,7 15,0 17,4 …

Il existe en fait plusieurs fonctions logarithmiques différentes, mais celle qui nous intéresse ici est le logarithme naturel. Il a la propriété que log e = 1, où e est un nombre important qui vaut environ 2,71828. Ce nombre apparaît dans toutes les mathématiques et est lié à la croissance exponentielle. Le graphique du logarithme naturel, y = log x (parfois écrit ln x), est illustré à la Figure 31. y 2 1

0

1

2

e3

4

5

–1 –2

Fig. 31    Graphique du logarithme naturel.

 134 

6

7

8

x

 Conjectures et théorèmes  

Parce que le logarithme naturel x transforme la multiplication en addition, et, en particulier, log (10x) = log x + log 10 = log x + 2,3 (approximativement), nous pouvons expliquer le phénomène illustré dans le tableau de valeurs ci-dessus en énonçant que, lorsque x augmente, p(x) se comporte plutôt comme x/log x – ou, plus précisément, que leur rapport s’approche de 1 lorsque x devient grand. La Figure 32 montre la similitude entre les graphiques de p(x) et de x/log x. y 5 × 107

π(x)

4 × 107

x/log x

3 × 107 2 × 107 1 × 107

0

2 × 108

4 × 108

6 × 108

8 × 108

x

Fig. 32    Graphiques de p(x) et x/log x.

Gauss a deviné ce lien (et des approximations encore plus proches) en expérimentant avec des nombres premiers à l’âge de 15 ans. Mais elle n’a pas été prouvée avant 1896, lorsque Jacques Hadamard (France) et Charles de la Vallée Poussin (Belgique) l’ont fait indépendamment, en utilisant des idées sophistiquées issues d’un domaine du calcul appelé « analyse complexe ». Il est connu sous le nom de « théorème des nombres premiers ».  135 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Théorème des nombres premiers : Lorsque x augmente indéfiniment, le rapport p(x)/(x/log x) tend vers 1. Il a ensuite fallu attendre cinquante ans pour que le Norvégien Atle Selberg et le Hongrois Paul Erdös découvrent une preuve purement théorique des nombres – et comme Hadamard a vécu jusqu’à 98 ans, de la Vallée Poussin jusqu’à 96 ans et Selberg jusqu’à 90 ans, il semble que la preuve du théorème des nombres premiers favorise grandement la longévité !

LES NOMBRES PREMIERS DANS LES PROGRESSIONS ARITHMÉTIQUES Dans le Chapitre 3, nous avons présenté la preuve d ­ ’Euclide qui démontre qu’il existe une infinité de nombres premiers, et nous allons maintenant adapter ses idées pour en tirer des informations plus précises. Rappelant que chaque nombre a la forme 4q, 4q + 1, 4q + 2, ou 4q + 3, nous remarquons que les nombres de la forme 4q et ceux de la forme 4q + 2 (autres que 2) ne peuvent pas être premiers, car ils sont pairs et ont donc 2 comme facteur. Par contre, il existe de nombreux nombres premiers de la forme 4q + 1 et de nombreux nombres premiers de la forme 4q + 3 : nombres premiers de la forme 4q + 1 : 5, 13, 17, 29, 37, 41, 53, 61, 73, 89, 97, 101, … nombres premiers de la forme 4q + 3 : 3, 7, 11, 19, 23, 31, 43, 47, 59, 67, 71, 79, 83, 103, … En modifiant légèrement l’argument d’Euclide, nous pouvons prouver qu’il existe une infinité de nombres premiers de la forme 4q + 3. Pour ce faire, nous supposerons (pour introduire une contradiction) qu’il n’existe qu’un nombre fini de nombres premiers, p1, p2, …, pn, de cette forme (autres que 3), mais cette fois nous considérerons le nombre N = 4 × ( p1 × p2 × … × pn) + 3,  136 

 Conjectures et théorèmes  

qui a certainement la forme 4q + 3. Or, chacun de nos nombres premiers divise le produit p1 × p2 × …. × pn, et ne peut donc pas également diviser N. Donc, soit N est un nouveau nombre premier de la forme 4q + 3, soit c’est un nombre composé, auquel cas il doit se diviser en de nouveaux nombres premiers. Mais ces nouveaux nombres premiers ne peuvent pas tous être de la forme 4q + 1, car la multiplication de n’importe quel nombre de cette forme en donne toujours un autre : (4k + 1) × (4l + 1) = 16kl + 4k + 4l + 1  = 4 × (4kl + k + l) + 1. Donc, au moins un des nouveaux nombres premiers doit avoir la forme 4q + 3. Il s’ensuit dans les deux cas qu’il existe un nombre premier de la forme 4q + 3 autre p1, p2, … et pn, et cette contradiction montre qu’il doit y avoir une infinité de nombres premiers de cette forme. Nous pouvons réitérer cette preuve pour montrer qu’il y a une infinité de nombres premiers de la forme 6q + 5. Nous supposons qu’il n’y a qu’un nombre fini de nombres premiers, p1, p2, …, pn, de cette forme, mais cette fois nous considérons le nombre N = 6 × ( p1, p2, …, pn) + 5, en remarquant que la multiplication de n’importe quel nombre de la forme 6q + 1 en donne toujours un autre. On en déduit qu’il existe une infinité de nombres premiers de la forme 6q + 5. Nous pouvons également adapter la preuve d’Euclide pour en déduire qu’il existe une infinité de nombres premiers de certaines autres formes. Mais nous ne pouvons pas utiliser cette approche pour prouver qu’il existe une infinité de nombres premiers de la forme 4q + 1, car ces nombres peuvent également être obtenus en multipliant uniquement  137 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

des nombres de la forme 4q + 3 : par exemple, 21 = 3 × 7. De même, nous ne pouvons pas adapter cette approche pour prouver qu’il existe une infinité de nombres premiers de la forme 6q + 1, car ces nombres peuvent être obtenus en multipliant uniquement des nombres de la forme 6q + 5 : par exemple, 55 = 5 × 11. Mais il existe effectivement une infinité de nombres premiers de la forme 4q + 1, et nous pouvons le prouver en rappelant ce que nous avons vu au Chapitre 4 : si – 1 est un carré (mod p), alors p doit être un nombre premier de la forme 4q + 1. En réalisant un raisonnement par l’absurde, nous supposerons qu’il existe un nombre fini de nombres premiers, p1, p2, …, pn, de la forme 4q + 1, et cette fois nous considérerons le nombre N = 4 × (p1, p2, …, pn)2 + 1, qui a certainement la forme 4q + 1. Comme précédemment, aucun de nos nombres premiers p1, p2, …, pn ne peut diviser N, donc N est soit un nouveau nombre premier, soit un produit de nouveaux nombres premiers. Dans les deux cas, il existe un nouveau nombre premier, que nous appellerons p, qui divise N. Il s’ensuit que 4 × ( p1, p2, …, pn)2 + 1 ≡ 0 (mod p), 4 × (p1, p2, …, pn)2 ≡ – 1 (mod p). – 1 est un carré (mod p) et on en déduit que p est de la forme 4q + 1. Cette contradiction prouve qu’il doit y avoir une infinité de nombres premiers de la forme 4q + 1. Une preuve similaire montre qu’il existe infiniment de nombres premiers de la forme 6q + 1. Ayant montré qu’il existe une infinité de nombres premiers de ces formes, nous pouvons maintenant nous demander s’il y a une infinité de nombres premiers de la forme aq + b, pour n’importe quels nombres a et b donnés. Dans sa forme la plus générale, la réponse à cette question est « non », car si a et  138 

 Conjectures et théorèmes  

b ont un facteur commun d supérieur à 1, alors d doit aussi diviser tous les nombres de la forme aq + b. Par exemple, il n’y a pas de nombres premiers de la forme la forme 6q + 4 (parce que tous ces nombres ont 2 comme facteur) ou de la forme 9q + 6 (parce que tous ces nombres ont 3 comme facteur). Mais si a et b sont premiers entre eux, alors nous avons le résultat suivant, conjecturé en 1785 par Legendre et prouvé en 1837 par Lejeune Dirichlet. Le théorème de Dirichlet : Si a et b sont des nombres donnés avec le PGCD (a, b) = 1, alors il existe une infinité de nombres premiers de la forme aq + b, où q est un nombre entier. Par exemple, il existe une infinité de nombres premiers de la forme 4q + 1, parce que le PGCD (4, 1) = 1, et il existe une infinité de nombres premiers de la forme 89q + 55, parce que le PGCD (89, 55) = 1. De plus, parce que le GCD (10, 9) = 1, il y a une infinité de nombres premiers de la forme 10q + 9, c’est-à-dire qu’il y a une infinité de nombres premiers avec le chiffre final 9 ; de même, il y a une infinité de nombres premiers avec le chiffre final 1, 3 ou 7. Une progression arithmétique avec le premier terme b et la différence commune k est une séquence finie ou infinie de nombres équidistants de la forme b, b + k, b + 2k, b + 3k, … Par exemple, la séquence de nombres : 5, 11, 17, 23, 29 est une progression arithmétique finie avec le premier terme b = 5 et la différence commune k = 6, et la séquence 3, 7, 11, 15, 19, 23, … de nombres de la forme 4q + 3 est une progression arithmétique infinie avec le premier terme b = 3 et la différence commune k = 4.  139 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Plus généralement, la suite des nombres de la forme aq + b est une progression arithmétique infinie avec le premier terme b et la différence commune a, et si le PGCD (a, b) = 1, alors une telle suite doit inclure une infinité de nombres premiers, par le théorème de Dirichlet. Inversons maintenant la question soulevée ci-dessus. La suite 5, 11, 17, 23, 29 est une progression arithmétique de cinq nombres premiers avec le premier terme 5 et la différence commune 6, mais elle ne peut pas être étendue à une progression arithmétique de six nombres premiers car le terme suivant est le nombre composé 35 = 5 × 7. Un exemple de progression arithmétique de six nombres premiers est 7, 37, 67, 97, 127, 157. De manière plus générale, nous pouvons nous demander : La liste des nombres premiers contient-elle des progressions arithmétiques de toute longueur n choisie ? Comme nous venons de le voir, la réponse à cette question est « oui » lorsque n = 5 et 6. Pour n = 10, la progression arithmétique suivante, dont le premier terme est 199 et la différence commune 210, est entièrement constituée de nombres premiers : 199, 409, 619, 829, 1 039, 1 249, 1 459, 1 669, 1 879, 2 089. De même, pour n = 23, la progression arithmétique avec le premier terme 56 211 383 760 397 et la différence commune 44 546 738 095 860 est entièrement constituée de nombres premiers. Au moment de la rédaction du présent ouvrage, les plus longues progressions arithmétiques de nombres premiers connues contiennent 26 nombres premiers. Ben  140 

 Conjectures et théorèmes  

Green et Terry Tao ont répondu par l’affirmative à la question générale en 2004 : Le théorème de Green-Tao : Pour tout nombre n, la liste des nombres premiers contient une progression arithmétique de n nombres premiers.

LA FACTORISATION UNIQUE Au Chapitre 3, nous avons vu que la factorisation des nombres entiers positifs en nombres premiers est unique, à l’exception de l’ordre des facteurs – c’est une propriété fondamentale de notre système de nombres. Mais ce n’est pas le cas pour certains autres systèmes de nombres. Voici deux exemples : Exemple 1. Considérons uniquement les nombres pairs positifs (que nous appellerons nombres e), 2, 4, 6, 8, 10, 12, 14, 16, … et considérons la factorisation des nombres e en nombres e plus petits. Nous appellerons un nombre e « e-composé » s’il peut s’écrire comme un produit de nombres e plus petits, et « e-premier » dans le cas contraire. Ainsi, 16 et 24 sont des nombres e-composés parce que 16 = 2 × 8 et 24 = 4 × 6, mais 6 et 10 sont des nombres e-premiers parce qu’ils ne peuvent pas être écrits comme produits de nombres e plus petits. Les premiers nombres e-premiers sont 2, 6, 10, 14, 18, 22, 26, 30, 34, 38, 42, …. Mais dans ce système de nombres, la factorisation en nombres e n’est pas unique : par exemple, 2, 6 et 18 sont tous des e-premiers, et le nombre e 36 peut être écrit sous la forme 6 × 6 ou 2 × 18. Exemple 2 (dû à David Hilbert). Considérons uniquement les nombres de la forme 4k + 1 (nombres h), 5, 9, 13, 17, 21, 25, 29, 33, …,  141 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

et considérons la factorisation des nombres h en nombres h plus petits. Nous appellerons un nombre « h-composé » s’il peut s’écrire comme un produit de nombres h plus petits, et « h-premier » dans le cas contraire. Ainsi, 25 et 45 sont des nombres h-composés parce que 25 = 5 × 5 et 45 = 5 × 9, mais 9 et 21 sont des nombres h-premiers parce qu’ils ne peuvent pas être écrits comme produits de nombres h plus petits. Les premiers nombres h-premiers sont 5, 9, 13, 17, 21, 29, 33, 37, 41, 49, … Mais dans ce système de numération, la factorisation en nombres h-premiers n’est pas unique : par exemple, 9, 21 et 49 sont tous des nombres h-premiers, et le nombre h 441 peut être écrit sous la forme 9 × 49 ou 21 × 21. Cependant, il existe certains systèmes de nombres, autres que les nombres entiers positifs, pour lesquels la factorisation est unique. Nous en donnons deux exemples : Exemple 3. Considérons les nombres de la forme a + b√2, où a et b sont des entiers (nombres-√2). De tels nombres comprennent 2 + 3√2 et 1 + 4√2, et nous pouvons effectuer l’arithmétique ordinaire avec eux, en remplaçant (√2)2 partout où il se présente par 2 : Addition :

(2 + 3√2) + (1 + 4√2) = (2 + 1) + (3 + 4) √2 = 3 + 7√2,

Multiplication :

(2 + 3√2) × (1 + 4√2) = 2 + (8 + 3) √2 + 12(√2)2 = 26 + 11√2.

Dans ce système, on peut définir des nombres √2-premiers et √2-composés : par exemple, 26 + 11√2 est √2-composé, car il peut s’écrire (2 + 3√2) × (1 + 4√2). Il est moins facile de décider quels sont les nombres √2-premiers, mais cela peut être fait, et nous pouvons prouver que tout nombre √2 peut être écrit comme un produit de nombres √2-­premiers d’une seule manière, en dehors de l’ordre dans lequel ils apparaissent.  142 

 Conjectures et théorèmes  

Exemple 4. Ceci est similaire à l’exemple précédent, sauf que nous remplaçons √2 par i, la racine carrée (imaginaire) de – 1. Ces nombres de la forme a + bi, où a et b sont des entiers, ont été introduits par Gauss en 1801, et sont connus sous le nom d’entiers de Gauss. Ces nombres incluent 2 + 3i et 1 + 4i, et nous pouvons effectuer des opérations arithmétiques avec eux, en remplaçant i2 par – 1 chaque fois qu’il se présente : par exemple, Addition :

(2 + 3i) + (1 + 4i) = (2 + 1) + (3 + 4)i = 3 + 7i,

Multiplication :

(2 + 3i) × (1 + 4i) = 2 + (8 + 3)i + 12i2 = – 10 + 11i.

Dans ce système, Gauss a défini les nombres premiers de Gauss et les nombres composés de Gauss, et a prouvé que chaque nombre entier de Gauss peut être écrit comme un produit de nombres premiers de Gauss d’une seule manière, indépendamment de l’ordre dans lequel les nombres premiers de Gauss apparaissent. Nous pouvons réitérer les idées des exemples 3 et 4 pour explorer les nombres premiers et composés de la forme a + b√n, où n est un nombre entier. Nous supposerons que n est « sans carré », c’est-à-dire qu’il n’a pas de facteurs carrés autres que 1, car nous pouvons simplement les supprimer : par exemple, comme 18 = 2 × 32, nous pouvons remplacer √18 par √2. On a parfois une factorisation unique en nombres premiers, comme c’est arrivé pour n = 2 et n = – 1, mais pas toujours. Lorsque n est positif, on ne sait pas en général quand il y a factorisation en nombres premiers d’une seule façon. Mais lorsque n est négatif, nous pouvons donner une réponse complète. Comme précédemment, nous n’obtenons pas toujours une factorisation unique : par exemple, lorsque n = – 5, les  143 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

nombres, 2, 3, 1 + √– 5, et 1 – √– 5 jouent tous le rôle de nombres premiers, et pourtant nous pouvons écrire 6 = 2 × 3 = (1 + √– 5) × (1 – √– 5), donc la factorisation en nombres premiers n’est pas unique dans ce cas. Dans ses Disquisitiones Arithmeticae, Gauss a montré qu’il existe une factorisation unique lorsque n = – 1 (les entiers gaussiens), et pour quelques autres valeurs négatives sans carré qu’il a énumérées. Il pensait que ces valeurs étaient les seules, ce qui a été confirmé dans les années 1950 et 1960 par plusieurs auteurs, dont Kurt Heegner (dont la preuve était incomplète), Harold Stark (qui a fourni une preuve complète) et Alan Baker (qui l’a démontrée indépendamment). Nous concluons ce chapitre avec leur remarquable résultat : Le théorème de Baker-Heegner-Stark : Pour les nombres de la forme a + b√n, où n est négatif et sans carré, la factorisation en nombres premiers est unique si et seulement si n = – 1, – 2, – 3, – 7, – 11, – 19, – 43, – 67 ou – 163.

 144 

8 Comment gagner un million de dollars ? En l’an 2000, le Clay Mathematics Institute a offert un prix d’un million de dollars américains pour la solution de chacun de sept célèbres problèmes, largement considérés comme faisant partie des plus importants dans ce domaine. L’hypothèse de Riemann était l’un de ces « problèmes du millénaire », et les experts tentent de la prouver depuis plus de 150 ans. Qu’est-ce que l’hypothèse de Riemann, et pourquoi estelle importante ? Le problème concerne la distribution des nombres premiers et a été introduit par Bernhard Riemann, un mathématicien allemand décédé à l’âge précoce de 39 ans, alors professeur à l’université de Göttingen, où il avait suivi dans les pas de Gauss et Dirichlet. Élu à l’Académie de Berlin en 1859, Riemann exprime sa gratitude en présentant son unique article sur la théorie des nombres, « Sur le nombre de nombres premiers inférieurs à une magnitude donnée » (cf. la Figure 33). Long de neuf pages seulement, il est aujourd’hui considéré comme un texte de référence.

 145 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Fig. 33    (a) Bernhard Riemann.

 146 

 Comment gagner un million de dollars ?  

Fig. 33    (b) l’article de Riemann, 1859.

En termes très généraux, l’hypothèse de Riemann demande si toutes les solutions d’une équation particulière ont une forme particulière. C’est très vague, et l’affirmation détaillée, qui n’est toujours pas prouvée, est la suivante : L’hypothèse de Riemann : Tous les zéros non triviaux de la fonction zêta de Riemann ont une partie réelle égale à 1/2. Mais qu’est-ce que cela signifie, et quel est son lien avec les nombres premiers ?

LES SÉRIES INFINIES Pour étudier ces questions, nous devons entrer dans le monde des séries infinies. Les séries 1 + 1/2 + 1/4 + 1/8 + 1/16 + …,  147 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

où les dénominateurs sont des puissances de 2, est infinie. Que se passe-t-il lorsque nous additionnons tous ces nombres ? En les additionnant un par un, on obtient 1, 1 + 1/2 (= 3/2), 1 + 1/2 + 1/4 (= 7/4), 1 + 1/2 + 1/4 + 1/8 (= 15/8), et ainsi de suite. Bien que nous n’atteignions jamais 2 en ajoutant un nombre fini de termes de la série (cf. la Figure 34), nous pouvons nous approcher de 2 autant que nous le souhaitons en ajoutant un nombre suffisant d’entre eux-comme les cent premiers ou le premier million : par exemple, nous pouvons nous approcher de 2 à 0,001 près en ajoutant les douze premiers termes. Nous exprimons cela en disant que la série infinie converge vers 2, ou a la somme finie 2, et nous écrivons 1 + 1/2 + 1/4 + 1/8 + 1/16 + … = 2. 2 1 2 1

1 1 4

1 1

16

8 ...

Fig. 34    Somme des puissances de 1/2.

De la même manière, on peut montrer que la série infinie 1 + 1/3 + 1/9 + 1/27 + …, dont les dénominateurs sont des puissances de 3, converge vers 3/2, et que la série infinie 1 + 1/5 + 1/25 + 1/125 + …, dont les dénominateurs sont des puissances de 5, converge vers 5/4. Plus généralement, on peut montrer que, pour tout nombre p (> 1) 1 + 1/p + 1/p2 + 1/p3 + … = p/ (p – 1).  148 

 Comment gagner un million de dollars ?  

Nous aurons besoin de ce résultat par la suite. Mais toutes les séries infinies ne convergent pas. Un exemple célèbre est la « série harmonique » 1 + 1/2 + 1/3 + 1/4 + 1/5 + 1/6 + …, Pour voir pourquoi elle n’a pas de somme finie, nous allons regrouper les termes comme suit : 1 + 1/2 + (1/3 + 1/4) + (1/5 + 1/6 + 1/7 + 1/8)  + (1/9 + 1/10 + 1/11 + 1/12 + 1/13 + 1/14 + 1/15 + 1/16) + … Cette somme est maintenant plus grande que la somme suivante : 1 + 1/2 + (1/4 + 1/4) + (1/8 + 1/8 + 1/8 + 1/8) +  (1/16 + 1/16 + 1/16 + 1/16 + 1/16 + 1/16 + 1/16 + 1/16) + …, qui est égal à 1 + 1/2 + 1/2 + 1/2 + 1/2 + …, car chaque groupe de termes a pour somme 1/2. Mais la somme de cette dernière série augmente sans limite à mesure que l’on ajoute des termes, et la série harmonique a une somme encore plus grande et ne peut donc pas non plus avoir une somme finie. La série harmonique ne converge donc pas : et étonnamment, comme Euler l’a prouvé en 1737, même si nous éliminons la plupart de ses termes et ne laissons que ceux dont les dénominateurs sont des nombres premiers – c’est-à-dire, 1 + 1/2 + 1/3 + 1/5 + 1/7 + 1/11 + 1/13 + … alors, il n’y a toujours pas de somme finie.

LA FONCTION ZÊTA Au début du xviiie siècle, un défi célèbre consistait à trouver la somme exacte de la série infinie 1 + 1/4 + 1/9 + 1/16 + 1/25 + …,  149 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

dont les dénominateurs sont les carrés 1, 4, 9, 16, 25, … Le mathématicien suisse Johann Bernoulli, qui était alors probablement le plus grand mathématicien du monde, n’a pas su trouver la somme exacte et c’est son ancien élève Leonhard Euler, qui a prouvé que cette série converge vers p2/6, un résultat remarquable car il implique le « nombre circulaire », p. Comme Euler l’a fièrement observé : « De manière assez inattendue, j’ai trouvé une formule élégante faisant intervenir la quadrature du cercle ». De la même manière, Euler a prouvé que : lorsque les dénominateurs sont de puissance quatre, la somme est p4/90, quand les dénominateurs sont de puissance six, la somme est p6/945, et lorsque les dénominateurs sont de puissance huit, la somme est p8/9 450. Il a ensuite poursuivi ses calculs jusqu’à la vingt-sixième puissance. Ici, la somme est de 1 315 862 p26 / 11 094 481 976 030 578 125, ce qu’il a calculé correctement. Lorsque les dénominateurs sont de puissances n, Euler a noté la somme comme ζ(n), où ζ est la lettre grecque zêta, et l’a nommée la fonction zêta – c’est-à-dire ζ(n) = 1 + 1/2n + 1/3n + 1/4n + …. Donc ζ(1) est indéfini (car la série harmonique n’a pas de somme finie), mais ζ(2) = p2/6, ζ(4) = p4/90, ζ(6) = p6/945, etc. Il s’avère que la série de ζ(n) converge pour tout nombre n supérieur à 1. Bien que la fonction zêta ζ(n) puisse sembler n’avoir rien en commun avec les nombres premiers, Euler repéra un lien crucial, que nous allons explorer maintenant. Ce lien peut  150 

 Comment gagner un million de dollars ?  

être utilisé pour donner une autre preuve que la liste des nombres premiers est sans fin.

La fonction zêta et les nombres premiers Nous pouvons écrire la série de ζ(1) comme suit : ζ(1) = 1 + 1/2 + 1/3 + 1/4 + 1/5 + 1/6 + …  = (1 + 1/2 + 1/4 + …) × (1 + 1/3 + 1/9 + …)    × (1 + 1/5 + 1/25 + …) × …, où chaque parenthèse implique les puissances d’un seul nombre premier. En effet, par la factorisation unique, chaque terme 1/n de la série pour ζ(1) apparaît exactement une fois dans le produit de droite : par exemple, 1/90 = 1/2 × 1/9 × 1/5 × 1 × 1 × … 1/100 = 1/4 × 1 × 1/25 × 1 × 1 × … Nous additionnons maintenant les séries dans chaque parenthèse, en utilisant notre résultat précédent selon lequel 1 + 1/p + 1/p2 + … = p/(p – 1) : ce qui donne ζ(1) = 2 / (2 – 1) × 3 / (3 – 1) × 5/ (5 – 1) × …  = 2 × 3/2 × 5/4 × … Nous pouvons utiliser ce produit pour prouver qu’il existe une infinité de nombres premiers. En effet, s’il n’y avait qu’un nombre fini de nombres premiers, alors le côté droit serait un produit fini et aurait donc une valeur fixe. Mais cela exigerait que ζ(1) ait cette même valeur, ce qui est impossible car indéfini. Il doit donc y avoir une infinité de nombres premiers. Euler a étendu ces idées pour prouver que, pour tout nombre n supérieur à 1, ζ(n) = 2n / (2n – 1) × 3n / (3n – 1) × 5n / (5n – 1)  × 7n / (7n – 1) × … ; Ce résultat remarquable est appelé produit eulérien, et fournit un lien inattendu avec la fonction zêta, qui implique des puissances de nombres et semble n’avoir rien à voir avec les  151 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

nombres premiers, et un produit qui implique intimement tous les nombres premiers. Il s’agit d’une percée majeure.

Les nombres complexes Avant de présenter l’hypothèse de Riemann, nous avons également besoin de l’idée d’un nombre complexe. Il s’agit de i, la racine carrée « imaginaire » de – 1, que nous avons brièvement rencontrée au Chapitre 7. Un nombre complexe est un symbole de la forme x + yi ; x est appelé la partie réelle du nombre complexe, et y est la partie imaginaire. Des exemples de nombres complexes sont 4 + 3i, 1/5 – pi, 2i (qui est égal à 0 + 2i) et 3 (qui peut être considéré comme 3 + 0i). Nous pouvons représenter les nombres complexes de manière géométrique comme des points sur le « plan complexe ». Cette image bidimensionnelle est constituée de tous les points (x, y), où (x, y) représente le nombre complexe x + yi ; par exemple, les points (4, 3), (1/5, – p), (0, 2), et (3, 0) représentent les nombres complexes 4 + 3i, 1/5 – pi, 2i, et 3 (cf. la Figure 35). y

4 + 3i

3 2

2i

1 3 –1

0

1

2

–1 –2 –3

1 – πi 5

Fig. 35    Points sur le plan complexe.

 152 

3

4

x

 Comment gagner un million de dollars ?  

L’HYPOTHÈSE DE RIEMANN Nous avons maintenant préparé le terrain pour aborder l’hypothèse de Riemann. Comme nous l’avons vu, la fonction zêta ζ(n) est définie pour tout nombre n strictement supérieur à 1. Mais peut-on la définir également pour d’autres nombres n ? Par exemple, comment pouvons-nous définir ζ(0) ou ζ(– 1) ? Nous ne pouvons pas les définir par la même série infinie, car nous aurions alors ζ(0) = 1/10 + 1/20 + 1/30 + 1/40 + …  = 1 + 1 + 1 + 1 + 1 + … et ζ(– 1) = 1 + 1/2– 1 + 1/3– 1 + 1/4– 1 + …  = 1 + 2 + 3 + 4 + …, et aucune de ces séries n’a de somme finie. Il nous faut donc trouver un autre moyen. Pour savoir comment procéder, nous pouvons montrer que, pour certaines valeurs de x, 1 + x + x2 + x3 + … = 1/(1 – x) ; nous avons déjà vu que cela est vrai lorsque x = 1/p. Mais on peut montrer que la série de gauche ne converge que lorsque x est compris entre – 1 et 1, alors que la formule de droite a une valeur pour tout x, sauf 1 (quand on obtient 1/0, qui est indéfini). Nous pouvons donc étendre la définition de la série du côté gauche à toutes les valeurs de x (autres que 1) en la redéfinissant comme la formule du côté droit. De la même manière, Riemann a trouvé un moyen d’étendre la définition de la série infinie de la fonction zêta ci-dessus à tous les nombres x autres que 1 (y compris 0 et – 1). Mais il est allé beaucoup plus loin que cela. En utilisant une technique appelée « prolongement analytique », Riemann a étendu la définition de la fonction zêta à tous les complexes ζ(1) est  153 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

indéfini) de telle sorte que lorsque k est un nombre réel supérieur à 1, nous obtenons la même valeur que précédemment. De ce fait, la fonction est maintenant connue sous le nom de la fonction zêta de Riemann. Au Chapitre 7, nous avons vu la tentative de Gauss d’expliquer pourquoi les nombres premiers s’éclaircissaient en moyenne, en proposant l’estimation x/log x pour le nombre de nombres premiers jusqu’à x. La grande réussite de Riemann a été d’obtenir une formule exacte pour le nombre de nombres premiers jusqu’à x, et sa formule impliquait de manière déterminante ce qu’on appelle les zéros de la fonction zêta, c’est-à-dire les nombres complexes z qui satisfont l’équation ζ(z) = 0. Mais où sont ces zéros ? Il s’avère que ζ(z) = 0 lorsque z = – 2, – 4, – 6, – 8, … ; on les appelle les zéros triviaux de la fonction zêta. Tous les autres zéros de la fonction zêta, les zéros non triviaux, sont connus pour se situer dans une bande verticale entre x = 0 et x = 1 (la bande dite critique), comme le montre la Figure 36. En s’éloignant de l’axe horizontal, les premiers zéros non triviaux apparaissent aux points suivants : 1/2 ± 14,1i,   1/2 ± 21,01i,  et  1/2 ± 25,01i. Ici, les parties imaginaires (comme 14,1) sont approximatives, mais les parties réelles sont toutes égales à 1/2. Comme tous ces points ont tous la forme 1/2 ± un multiple de i, la question se pose : Chaque zéro de la fonction zêta de Riemann dans la bande critique se trouve-t-il sur la droite x = 1/2 ? L’hypothèse de Riemann est que la réponse à cette question est « oui ». Il a été prouvé que les zéros de la bande critique sont placés symétriquement, à la fois au-dessus et au-­dessous de l’axe des x et de part et d’autre de la ligne x = 1/2, et qu’en progressant verticalement vers le haut et vers le bas de la  154 

 Comment gagner un million de dollars ?  

ligne x = 1/2, de nombreux zéros se trouvent sur cette ligne – en fait, le premier trillion de zéros se trouve sur cette ligne ! Mais est-ce que tous les zéros non triviaux se trouvent sur la ligne x = 1/2, ou le premier trillion de zéros ne serait-il qu’une coïncidence ? Il est maintenant généralement admis que tous les zéros non triviaux se trouvent sur cette droite, mais prouver cela est l’un des problèmes mathématiques non résolus les plus difficiles à résoudre. y ½ + 25,01i ½ + 21,01i ½ + 14,1i

droite critique zéros à – 2, – 4, – 6, … –4

–2 bande critique

0

½

x

1

½ – 14,1i ½ – 21,01i ½ – 25,01i

Fig. 36     Les zéros de la fonction zêta de Riemann dans un plan complexe.

En effet, personne n’a encore pu prouver l’hypothèse de Riemann, même après un siècle et demi. Le prix d’un million de dollars est toujours en jeu !  155 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

CONSÉQUENCES Si l’énoncé de l’hypothèse de Riemann semble un peu décevant après tout ce qui a été fait, ses conséquences sont considérables. En rappelant la découverte par Riemann du rôle que les zéros de la fonction zêta jouent dans la fonction de compte des nombres premiers p(x) et dans sa formule exacte (impliquant la fonction zêta) pour le nombre de nombres premiers jusqu’à x, nous notons que toute divergence de ces zéros par rapport à la ligne x = 1/2 affecterait de manière cruciale la formule exacte de Riemann, car notre compréhension du comportement des nombres premiers est étroitement liée à cette formule. En effet, la découverte d’un seul zéro éloigné de la ligne causerait des ravages majeurs dans la théorie des nombres – et en fait dans toutes les mathématiques. Pour un mathématicien, la vérité doit être absolue, et il est interdit d’admettre la moindre exception. Le théorème des nombres premiers serait toujours vrai, mais perdrait son influence sur les nombres premiers. Au lieu de la « précision militaire » de Don Zagier, mentionnée au Chapitre 7, les nombres premiers seraient en pleine mutinerie ! Nous concluons ce chapitre par un développement inattendu. En 1972, le théoricien américain des nombres Hugh Montgomery est passé par le salon de thé de l’Institute for Advanced Study de Princeton et se retrouva assis en face du célèbre physicien Freeman Dyson. Montgomery avait exploré les espaces entre les zéros de la ligne critique, et Dyson déclara : « Mais ce sont simplement les espaces entre les niveaux d’énergie d’un système chaotique quantique ». Si cette analogie se vérifie, comme beaucoup le pensent, l’hypothèse de Riemann pourrait bien avoir des conséquences en physique quantique. Inversement, grâce à leur connaissance de ces niveaux d’énergie, ce sont peut-être les physiciens quantiques plutôt que les mathématiciens qui prouveront la validité de l’hypothèse de Riemann. Voilà une idée des plus intrigantes !  156 

9 En fin de compte Dans les sept chapitres précédents, nous avons exploré une série de sujets de la théorie des nombres, et nous pouvons maintenant revenir aux questions que nous avons soulevées au Chapitre 1. Nous avons pu répondre à la plupart de ces questions, tandis que quelques autres se sont révélées être des problèmes célèbres qui restent non résolus. Pour chaque question, nous renvoyons au chapitre dans lequel elle a été abordée.

LES 10 PREMIÈRES QUESTIONS Nous avons commencé le Chapitre 1 en posant dix questions. En quelles années le mois de février compte-t-il cinq dimanches ? Les questions relatives au jour de la semaine où tombe un événement particulier ont une longue histoire, et leurs solutions font souvent appel à l’idée de congruence. Comme nous l’avons vu au Chapitre 4, le mois de février compte cinq dimanches en 2004, 2032, 2060 et 2088. De plus, comme l’an 2000 était une année bissextile, nous pouvons trouver les années correspondantes du siècle précédent en soustrayant des multiples de 28 ans de 2004 ; ces années étaient  157 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

1976, 1948 et 1920. Les années correspondantes des autres siècles peuvent être trouvées de la même manière. Quelle est la particularité du nombre 4 294 967 297 ? Ce nombre est égal à 232 + 1. Comme nous l’avons vu au Chapitre 3, Pierre de Fermat croyait que tous les nombres de la forme 2n + 1, où n est une puissance de 2, sont des nombres premiers (les fameux « nombres premiers de Fermat »), et ce nombre, où n = 32 = 25, était le plus petit et qu’il n’a pas pu vérifier. Des années plus tard, Leonhard Euler a montré qu’il n’était pas un nombre premier et que 641 en était un facteur. Combien de triangles rectangles dont les côtés sont des nombres entiers ont un côté de longueur 29 ? Les triplets de nombres (a, b, c) pour lesquels a, b et c sont des nombres entiers et a2 + b2 = c2 sont appelés « triplets de Pythagore » et correspondent aux longueurs des côtés des triangles rectangles. Comme nous l’avons découvert au Chapitre 5, il n’existe que deux de ces triangles de Pythagore dont l’un des côtés a une longueur de 29 : ce sont (20, 21, 29) et (29, 420, 421). Certains des nombres 11, 111, 1 111, 11 111, … sont-ils des carrés parfaits ? Au Chapitre 2, nous avons vu que tous les carrés parfaits doivent avoir la forme 4n ou 4n + 1, pour un nombre entier n donné. Les nombres de cette question ont tous la forme 4n + 3, et donc aucun d’entre eux ne peut être un carré parfait. J’ai des œufs. Lorsqu’ils sont disposés en rangées de 3, il en reste 2, en rangées de 5, il en reste 3 et en rangées de 7, il en reste 2. Combien d’œufs y a-t-il en tout ? Dans le Chapitre 4, nous avons discuté de la résolution des congruences linéaires simultanées, et nous avons donné  158 

 En fin de compte  

ce problème comme un exemple. Il s’agit d’une version du problème de Sun Zi, qui demande la solution des congruences simultanées x ≡ 2 (mod 3), x ≡ 3 (mod 5), et x ≡ 2 (mod 7). La plus petite solution est x = 23, et les autres réponses sont trouvées en ajoutant des multiples de 105 (= 3 × 5 × 7). Peut-on construire un polygone régulier de 100 côtés si la mesure est interdite ? Dans le Chapitre 3, nous avons noté un lien entre la construction de polygones réguliers et les nombres premiers de Fermat mentionnés ci-dessus : il s’agit du résultat de Gauss, selon lequel un polygone régulier de n côtés peut être construit par une règle non graduée et un compas si et seulement si n est le produit d’une puissance de 2 et de nombres premiers de Fermat inégaux. Mais 100 = 22 × 5 × 5, où le nombre premier de Fermat 5 est répété, et donc un polygone régulier de 100 côtés ne peut pas être construit ainsi. Combien de mélanges sont nécessaires pour rétablir l’ordre des cartes dans un paquet comportant deux jokers ? On peut répondre aux questions concernant le mélange de cartes en s’aidant du petit théorème de Fermat sur les nombres premiers, comme nous l’avons décrit au Chapitre 6. Dans le cas présent, où il y a 54 cartes, la réponse est 20 mélanges. Si je peux acheter des perdrix pour 3 centimes la pièce, des pigeons pour 2 centimes la pièce et deux moineaux pour un centime, et si je dépense 30 centimes pour acheter 30 oiseaux, combien d’oiseaux de chaque espèce dois-je acheter ? Il s’agit d’un problème diophantien nécessitant une solution avec des nombres entiers. Comme nous l’avons vu au Chapitre 5, la solution implique deux équations linéaires à trois inconnues, ainsi qu’une exigence supplémentaire : le  159 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

nombre d’oiseaux de chaque espèce que je dois acheter doit être un nombre entier positif. La seule réponse est 3 perdrix, 5 pigeons et 22 moineaux. Comment les nombres premiers aident-ils à sécuriser nos cartes de crédit ? Au Chapitre 6, nous avons vu que la multiplication de grands nombres premiers est généralement une opération simple, alors que la factorisation de grands nombres en facteurs premiers ne l’est pas. La méthode RSA de cryptage et de décryptage reconnaît cette difficulté et fait appel au théorème d’Euler, une généralisation du petit théorème de Fermat. Qu’est-ce que l’hypothèse de Riemann, et comment puis-je gagner un million de dollars ? L’hypothèse (ou conjecture) de Riemann, abordée au Chapitre 8, est l’un des problèmes non résolus les plus célèbres des mathématiques. Cette conjecture est étroitement liée à celle qui consiste à localiser les endroits où une certaine fonction (appelée « fonction zêta ») a une valeur nulle. Il s’avère que sa preuve nous en apprend beaucoup sur la façon dont les nombres premiers sont distribués, tout en offrant à celui/celle qui résoudra la question une renommée durable et une récompense d’un million de dollars promise par le Clay Mathematics Institute.

LES NOMBRES ENTIERS Comment reconnaître si un nombre donné, par exemple 12 345 678, est un multiple de 8, de 9, de 11 ou de 88 ? Au Chapitre 2, nous avons abordé plusieurs tests de divisibilité par différents nombres, tels que 8, 9 et 11. Le nombre donné n’est pas un multiple de 8 car le nombre donné par  160 

 En fin de compte  

ses trois derniers chiffres (678) n’est pas divisible par 8. La somme de ses chiffres est 36, qui est divisible par 9, et donc le nombre donné est divisible par 9. La somme alternée de ses chiffres est – 4, qui n’est pas divisible par 11, et donc le nombre donné n’est pas divisible par 11 ou par l’un de ses multiples, comme 88.

LES CARRÉS ET LES CUBES Nous avons abordé divers sujets liés aux carrés et aux puissances supérieures dans les Chapitres 2 et 5. Nous avons répondu aux trois questions suivantes dans la section sur les carrés du Chapitre 2. Y a-t-il des carrés qui se terminent par 2, 3, 7 ou 8 ? Nous avons montré que tous les carrés doivent se terminer par 0, 1, 4, 5, 6 ou 9, et qu’il ne peut donc pas y avoir de carrés qui se terminent par 2, 3, 7 ou 8. Tous les carrés doivent-ils être de la forme 4n ou 4n + 1, où n est un nombre entier ? Comme nous l’avons mentionné plus haut, nous avons montré que tous les carrés doivent être de ces formes – en particulier, les carrés des nombres pairs ont tous la forme 4n, et les carrés des nombres impairs ont tous la forme 4n + 1. Nous pouvons également exprimer cela en disant que tous les carrés doivent être congrus à 0 ou 1 (mod 4). La somme des premiers nombres impairs, 1, 3, 5, 7, … doit-elle toujours être un carré ? Pour tout nombre k, les k premiers nombres impairs sont 1, 3, 5, … 2k – 1, et en additionnant ces nombres, on trouve que leur somme est k2. La somme des premiers nombres impairs est donc toujours un carré. Les deux questions suivantes ont été abordées au Chapitre 5, où nous avons  161 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

cherché à savoir quels nombres pouvaient être écrits comme la somme de deux carrés ou plus. Quels nombres peuvent s’écrire comme la somme de deux carrés ? Comme chaque carré est congru à 0 ou 1 (mod 4), la somme de deux carrés doit être congru à 0, 1 ou 2 (mod 4). Ainsi, aucun nombre qui est congru à 3 (mod 4) ne peut être un carré parfait. Plus généralement, comme l’a déclaré Fermat et démontré Legendre, un nombre peut s’écrire comme la somme de deux carrés si et seulement si chaque facteur premier congru à 3 (mod 4) est à une puissance paire. 9 999 peut-il être écrit comme la somme de deux carrés ? ou de trois carrés ? ou de quatre carrés ? Il ressort de nos discussions que 9 999 ne peut pas s’écrire comme la somme de deux carrés car 9 999 ≡ 3 (mod 4), ou comme la somme de trois carrés car 9 999 ≡ 7 (mod 8). Mais, comme l’a prouvé Lagrange, tout nombre entier positif peut s’écrire comme la somme de quatre carrés : par exemple, 9 999 peut s’écrire comme 992 + 142 + 12  + 12 ou comme 902 + 432 + 72 + 12. Le Chapitre 5 contient également une discussion sur les triangles rectangles dont les côtés sont tous des nombres entiers. Quels triangles rectangles ont des côtés de longueur qui soient des nombres entiers ? Pour qu’un triangle rectangle ait des côtés de longueur qui soient des nombres entiers, ces longueurs doivent être de la forme k (x2 − y2, 2xy, x2 + y2), où k est une constante, x et y sont des nombres premiers entiers, l’un impair et l’autre pair, et x > y. Le Chapitre 5 comprend un tableau de tous les triplets avec k = 1 (les « triplets primitifs ») et aucun nombre ne dépassant 100.  162 

 En fin de compte  

Dans les Chapitres 2 et 5, nos discussions se sont ensuite étendues aux cubes. Tous les cubes doivent-ils être de la forme 9n, 9n + 1 ou 9n + 8, où n est un nombre entier ? La réponse à cette question est « oui », comme nous l’avons démontré au Chapitre 2, à la fin de la section sur les carrés. Nous pouvons également exprimer ce résultat en disant que tout cube est congru à 0, 1 ou 8 (mod 9). Existe-t-il des entiers a, b, c pour lesquels a3 + b3 = c3 ? Par le dernier théorème de Fermat, analysé au Chapitre 5, l’équation an + bn = cn n’a pas de solutions non nulles lorsque n ≥ 3. Cette équation ne peut donc avoir de solutions que si au moins un des entiers a, b et c est égal à 0 : par exemple, 53 + (– 5)3 = 03 et 23 + 03 = 23. Chaque nombre peut-il être écrit comme la somme de six cubes ? Dans notre discussion du problème de Waring à la fin du chapitre 5, nous avons vu que vu que 23, par exemple, nécessite au moins neuf cubes. Cependant, comme Cependant, comme nous l’avons remarqué, chaque nombre à partir d’un certain point peut être écrit comme la somme de sept cubes. On ne sait pas encore si « sept » peut être réduit à « six ».

LES NOMBRES PARFAITS Dans le Chapitre 3, nous avons abordé les nombres parfaits. Un nombre n est parfait si la somme de tous ses facteurs propres (ceux qui sont différents de n) est égale à n. Les quatre premiers nombres parfaits, connus depuis l’époque des Grecs, sont 6, 28, 496 et 8 128. Les deux questions suivantes ont été traitées au Chapitre 3.  163 

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Quel est le nombre parfait qui suit 8 128 ? Après 8 128, il y a un grand écart, et le prochain nombre parfait n’apparaît pas avant 33 550 336. Existe-t-il une formule pour produire des nombres parfaits ? Comme nous l’avons montré au Chapitre 3, tout nombre de la forme 2n – 1 × (2n – 1), où 2n – 1 est un nombre premier, est un nombre parfait, et tous les nombres parfaits pairs peuvent être écrits sous cette forme – par exemple, 33 550 336 = 4 096 × 8 191 = 212 × (213 – 1). On ne sait pas encore s’il existe des nombres parfaits impairs.

LES NOMBRES PREMIERS Les nombres premiers ont été abordés aux Chapitres 3 et 7. Les deux questions suivantes ont été abordées au début du Chapitre 7, dans la section intitulée « Deux conjectures célèbres ». La liste des nombres premiers jumeaux est-elle sans fin ? Les nombres premiers jumeaux sont des paires de nombres premiers qui diffèrent en valeur de 2, et de nombreux exemples sont connus. La conjecture des nombres premiers jumeaux veut qu’il existe une infinité de paires de nombres premiers jumeaux. On pense généralement qu’elle est vraie, mais cela n’a jamais été prouvé. Certains résultats connexes sont présentés au Chapitre 7. Tout nombre pair peut-il s’écrire comme la somme de deux nombres premiers ? Une autre question célèbre restée sans réponse est la conjecture de Goldbach, qui demande si tout nombre pair supérieur à 2 peut s’écrire comme la somme de deux nombres premiers. On sait que c’est vrai pour tous les nombres pairs  164 

 En fin de compte  

jusqu’à 400 billions, mais elle n’a pas encore été prouvée en général. Au Chapitre 7, nous avons également vu comment construire des chaînes de nombres composés consécutifs de n’importe quelle longueur. Existe-t-il une chaîne de 1 000 nombres composés consécutifs ? Comme nous l’avons vu dans la section sur la distribution des nombres premiers, un exemple d’une telle chaîne de nombres composés est le suivant 1 001! + 2,   1 001! + 3,   …,   1 001! + 1 001. Dans le Chapitre 5, nous avons réduit le problème de décider quels nombres pouvaient s’écrire comme la somme de deux carrés au problème équivalent pour les nombres premiers. Quels nombres premiers peuvent s’écrire comme la somme de deux carrés ? Comme nous l’avons vu dans la section sur la « Somme de carrés », tous les nombres premiers de la forme 4n + 1 peuvent être écrits d’une seule façon comme la somme de deux carrés, tout comme le nombre premier 2 (= 12 + 12). Cependant, aucun nombre de la forme 4n + 3 (et les nombres premiers de cette forme, en particulier) ne peut s’écrire comme la somme de deux carrés. Les deux questions suivantes ont été abordées au Chapitre 3 en relation avec les nombres premiers de Mersenne et de Fermat. Le nombre 2n – 1 est-il toujours premier lorsque n est premier, et toujours composé lorsque n est composé ? Dans notre discussion sur les nombres premiers de Mersenne, nous avons vu que 2n – 1 doit être composé lorsque  165 

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n est composé. Cependant, 2n – 1 n’a pas besoin d’être premier lorsque n est premier : par exemple, 211 – 1 = 2 047 = 23 × 89. Tous les nombres de la forme 2n + 1, où n est une puissance de 2, sont-ils premiers ? Dans notre discussion sur les nombres premiers de Fermat, nous avons vu que les cinq premiers « nombres de Fermat », 21 + 1 = 3,  22 + 1 = 5,  24 + 1 = 17,  28 + 1 = 257  et 216 + 1 = 65 537, sont tous premiers. Aucun autre exemple n’a jamais été trouvé. Les deux dernières questions ont été abordées au Chapitre 7, dans la section sur les nombres premiers dans les progressions arithmétiques. Existe-t-il une infinité de nombres premiers de la forme 4n + 1 ? ou de la forme 4n + 3 ? La réponse à ces questions est « oui », et les deux peuvent être démontrées en adaptant la preuve d’Euclide qu’il existe une infinité de nombres premiers. Dans le premier cas, nous avons également utilisé le fait que – 1 est un carré (mod p) pour tout nombre premier p de la forme 4n + 1. Ces résultats peuvent également être déduits directement du théorème plus général de Dirichlet sur les nombres premiers dans les progressions arithmétiques, qui stipule qu’il existe une infinité de nombres premiers de la forme an + b où n est un nombre entier, tant que le PGCD (a, b) est égal à 1. Y-a-t-il une infinité de nombres premiers dont le dernier chiffre est 9 ? Ici aussi, d’après le théorème de Dirichlet, il y a une infinité de nombres premiers de la forme 10n + 9, c’est-à-dire des nombres premiers dont le dernier chiffre est 9.  166 

 En fin de compte  

Nous avons maintenant atteint la fin de notre récit. La théorie des nombres continue d’être une partie passionnante des mathématiques modernes, avec de nombreux développements surprenants au cours des dernières années. Cependant, il existe de nombreux aspects du sujet que nous n’avons pas pu explorer dans ces pages, et nous espérons que vous souhaiterez continuer à manifester votre intérêt pour le sujet en vous référant à notre liste de lectures supplémentaires.

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  Lectures supplémentaires Les textes suivants [en langue anglaise], dont certains remontent aux temps classiques tandis que d’autres sont beaucoup plus récents, constituent des introductions utiles aux différents domaines de la théorie des nombres abordés dans ce livre.

G. E. Andrews, Number Theory, nouvelle éd., Dover Publications, 2000. D. M. Burton, Elementary Number Theory, 7e éd., McGraw-Hill, 1980. H. Davenport, The Higher Arithmetic, 8e éd. Cambridge University Press, 2008. U. Dudley, Elementary Number Theory, 2e éd., Dover Publications, 2008. E. Grosswald, Topics from the Theory of Numbers, 2 e éd., Birkhäuser, 1984. G. H. Hardy et E. M. Wright, An Introduction to the Theory of Numbers, 6e éd. (édité par D. R. Heath-Brown et J. H. Silverman), Oxford University Press, 2008. G. A. Jones and J. Mary Jones, Elementary Number Theory, Springer, 1998.

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 Lectures supplémentaires  

O. Ore, Invitation to Number Theory, 2e éd. (revu et mis à jour par John J. Watkins et Robin Wilson), Mathematical Association of America, 2017. J. J. Tattersall, Elementary Number Theory in Nine Chapters, 2e éd., Cambridge University Press, 2005. M. H. Weissman, An Illustrated Theory of Numbers, American Mathematical Society, 2017. D’autres informations historiques figurent dans : L. E. Dickson, History of the Theory of Numbers, Vols. I, II et III, Dover Publications, 2005. O. Ore, Number Theory and its History, Dover Publications, 1988. J. J. Watkins, Number Theory: A Historical Approach, Princeton University Press, 2014. Quelques livres populaires sur l’hypothèse de Riemann, sur le dernier théorème de Fermat et sur la conjecture des nombres premiers jumeaux : J. Derbyshire, Prime Obsession: Bernhard Riemann and the Greatest Unsolved Problem in Mathematics, Plume Books, 2004. M. du Sautoy, The Music of the Primes: Why an Unsolved Problem in Mathematics Matters, Harper/Perennial, 2004. V. Neale, Closing the Gap: The Quest to Understand Prime Numbers, Oxford University Press, 2017. K. Sabbagh, Dr Riemann’s Zeros, Atlantic Books, 2003. S. Singh, Fermat’s Last Theorem, Fourth Estate, 1998. D’autres livres, plus avancés, sur des sujets spécifiques : T. M. Apostol, Introduction to Analytic Number Theory, 5e impression, Springer, 1998. H. M. Edwards, Riemann’s Zeta Function, Dover Publications, 2003.

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B. Mazur et W. Stein, Prime Numbers and the Riemann Hypothesis, Cambridge University Press, 2016. P. Ribenboim, The Little Book of Bigger Primes, 2e éd., Springer, 2010. I. Stewart et D. Tall, Algebraic Number Theory and Fermat’s Last Theorem, 3e éd., A. K. Peters / CRC Press, 2001. Une traduction en français du livre classique de Gausse, 1801, est : Carl Friedrich Gauss, Recherches arithmétiques ; Traduction française des Disquisitiones Arithmeticae (traduit par A. C.-M. Poullet-Delisle), Éditions Jacques Gabay, 1989.

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  Index A Adleman L.  123 Algorithme 31 Al-Khwārizmī 31 Arithmétique de l’horloge  69, 74 Arithmétique modulaire  69

B Bachet de Méziriac  101, 105 Baker A.  144 Bernoulli, Johann  150

C Calendrier grégorien  75 Calendriers  74, 157 Carmichael, Robert  112 Carré parfait  13, 162 Carrés  12, 35, 72, 84, 161 Carroll, Lewis  76 Chen Jingrun  126, 128 Chiffrement RSA  123, 160

Cigale périodique  27 Clay Mathematics Institute  145, 160 Cocks, Clifford  123 Cole, Frank Nelson  57 Combinaison  23, 28 Composé 46 Compter des colliers  112 Congruences 69 Congruences linéaires  78 Congruences simultanées  82 Conjecture de Goldbach  126, 165 Conjecture des nombres premiers jumeaux 128 Constante de Mills  66 Convergence de série  148 Conway, John  76 Crible d’Eratosthène  47, 126 Crible quadratique  122 Cryptographie  10, 123 Cryptographie à clé publique  123 Cube parfait  15 Cubes  15, 37, 161  171 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

D

F

De la Vallée Poussin, Charles  135 Dernier théorème de Fermat  9, 104, 163 Descartes, René  60 Différence de deux carrés  99 Diophante  8, 90, 97, 100, 105, 106 Disquisitiones Arithmeticae  9, 52, 144, 170 Distribution des nombres premiers  130, 166 Diviseur  16, 21 Diviseur commun  27 Divisibilité  38, 39, 72, 161 Dodgson, Charles Lutwige  76 Dyson, Freeman  156

Facteur  16, 21 Factorisation 51 Factorisation de grands nombres  121 Factorisation unique  141 Fermat, Pierre de  9, 19, 61, 97, 105, 107, 109, 121, 158, 162 Fibonacci, Leonardo  34, 92 Fonction zêta  149 Fonction zêta de Riemann  154 Fonction ϕ d’Euler  116 Forme canonique  53

E Éléments d’Euclide  16, 30, 50, 60, 64 Énigme de l’agent de recensement 24 Énigme des œufs  7, 80, 159 Énigme des pirates  78, 81 Entier de Gauss  143 Entier sans facteur carré  143 Équation diophantienne  90, 160 Eratosthène 47 Erdös, Paul  136 Euclide  8, 16, 29, 50, 60, 136, 166 Euler, Johann Albrecht  103 Euler, Leonard  9, 55, 60, 99, 101, 107, 109, 126, 150  172 

G Gauss, Carl Friedrich  9, 65, 69, 76, 116, 143, 145, 154, 159 Germain, Sophie  107 GIMPS 59 Girard, Albert  99 Goldbach, Christian  126 Gowers, Tim  129 Grecs anciens  8, 16, 63 Green, Ben  141 Grégoire XIII  75

H Hadamard, Jacques  135 Hardy, Godfrey Harold  102 Heegner, Kurt  144 Helfgott, Harald  127 Hilbert, David  103, 141

 Index 

I Infinité de nombres premiers  20, 50, 151, 166, 167 ISBN 42

J Jones, James P.  67

K Kummer, Ernst  108

L Lagrange, Joseph-Louis  9 Lagrange, Jospeh-Louis  101 Lamé, Gabriel  108 Legendre, Adrien-Marie  9, 86, 97, 100, 107, 108, 139, 162 Lehmer, Derrich Henry  73 Leibniz, Gottfried  110 Lejeune Dirichlet, Johann Peter Gustav 108 Lincoln, Abraham  45 Logarithme 133 Logarithme naturel  133 Loi de réciprocité quadratique  84 Lucas, Edouard  57

M Maynard, James  129 Mélange de cartes  113, 159 Mélange Faro  113 Mersenne, Marin  19, 57

Méthode de descente infinie  107 Méthode de Fermat  121 Méthodes de criblage  47, 122, 126 Mills, William Harold  66 Modulo 71 Montgomery, Hugh  156 Multiple commun  26 Multiples  12, 21

N Nombre autoréplicatif  82 Nombre composé  17 Nombre factoriel  131 Nombre pair  11 Nombre premier régulier  108 Nombres complexes  152 Nombres de Carmichael  112 Nombres de Fermat  19, 61 Nombres de Fibonacci  34 Nombres entiers  11 Nombres entiers naturels  8 Nombres parfaits  16, 59, 164 Nombres premiers  8, 17, 46, 164 Nombres premiers dans les progressions arithmétiques  136, 167 Nombres premiers de Mersenne  19, 57, 73, 166 Nombres premiers jumeaux  18, 128, 164

P Plan complexe  152 Platt, Dave  127  173 

  LA THÉORIE DES NOMBRES  

Plus grand commun diviseur (PGCD)  27, 53 Plus grand facteur commun  27 Plus petit commun multiple (PPCM)  25, 53 Polignac, Alphonse de  128 Polygone 159 Polygones 63 Polymath Project  129 Polynôme 66 Presque premier  126 Preuve par neuf  42 Problème de Waring  102 Problème d’oiseaux  7, 92, 160 Produit eulérien  151 Progression arithmétique  139

Q Quotient 30

R Racine numérique  43 Raisonnement par l’absurde  50 Ramanujan, Srinivasa  102 Résidus quadratiques  85 Riemann, Bernhard  145, 153 Riese, Adam  45 Rivest, Ron  123

S Sato, Daihachiro  67 Selberg, Atle  136 Série harmonique  149  174 

Shamir, Adi  123 Somme alternée  41 Somme de carrés  14, 165 Somme numérique  41 Sommes de carrés  100 Sommes de nombres premiers  126 Stark, Harold  144 Sun Zi  80 Symbole de Legendre  86 Système décimal  38

T Tao, Terry  129, 141 Taylor, Richard  108 Test de Lucas-Lehmer  73 Théorème de Baker-HeegnerStark 144 Théorème de Dirichlet  139, 167 Théorème de Green-Tao  141 Théorème de Pythagore  14, 93 Théorème des nombres premiers  131 Théorème des quatre carrés de Lagrange  101, 103 Théorème des restes chinois  82 Théorème d’Euler  119, 160 Théorème fondamental de l’arithmétique 53 Triangles rectangles  14, 93, 158, 163 Triplet de Pythagore  93, 158 Triplet primitif  94, 96

V Vinogradov, Ivan Matveevich  126

 Index 

W Wada, Hideo  67 Waring, Edward  102 Wiens, Douglas  67 Wiles, Andrew  9, 108

Z Zagier, Don  131, 156 Zéros de la fonction zêta  147, 154 Zhang, Yitang  128

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