La « condition féminine »: Feminismus und Frauenbewegung im 19. und 20. Jahrhundert / Féminismes et mouvements de femmes aux XIXe-XXe siècles 9783515113953

Seit wenigen Jahren mehren sich die Stimmen, sowohl in Frankreich als auch in Deutschland, die neue Impulse für eine Ges

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German, French Pages 345 [350] Year 2016

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Table of contents :
INHALTSVERZEICHNIS / TABLE DES MATIÈRES
DE L’ACTUALITÉ D’UNE HISTOIRE DES FÉMINISMES ET DE LA « CONDITION FÉMININE »
FRAUENBEWEGUNGEN UND FEMINISMUS IM 19. JAHRHUNDERT / MOUVEMENTS DE FEMMES ET FÉMINISMES AU XIXe SIÈCLE
FRAUENBEWEGUNGEN UND RECHT
L’ARMÉE A-T-ELLE PEUR DES FEMMES ?
LA PROSTITUTION RÉVÉLATRICE DE LA CONDITION FÉMININE
KÜNSTLERISCHER FEMINISMUS?
BLAUSTRÜMPFE UND EMANZEN
DIE BEDEUTUNG DER WELTKRIEGE / LE POIDS DES DEUX GUERRES MONDIALES
EUROPÉENNES EN GUERRE
„SOLANGE DER KRIEG DAUERT, SIND AUCH DIE FRAUEN UNSERER FEINDE UNSERE FEINDINNEN“
« CE N’EST PAS VOTRE BÉTAIL QUE NOUS RÉCLAMONS, C’EST LE NÔTRE. »
WEGSCHEIDE ERSTER WELTKRIEG
DES « CONDITIONS MASCULINES » AU SORTIR DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE
DIE 1970ER JAHRE ALS ZÄSUR / LE TOURNANT DES ANNÉES 1970
DÉCONDITIONNER LA PLACE DES FEMMES
EN DEÇÀ ET AU-DELÀ DU MUR
« WIR HABEN ABGETRIEBEN ! NOUS NOUS SOMMES FAIT AVORTER ! »
L’ANTIFÉMINISME DES FEMMES
PATHS TO ZERO
GENDER
BILDUNGS- UND BERUFSWELTEN / ÉDUCATION, FORMATION ET MONDES DU TRAVAIL
SALON UND ÖFFENTLICHKEIT
LA PROFESSEURE DE PIANO
RÉÉDUQUER LES « MAUVAISES FILLES »
L’INDUSTRIE LOURDE, UN MONDE INTERDIT AUX FEMMES ?
DEUTSCHE UNTERNEHMERINNEN IN DER NACHKRIEGSZEIT
VERS UNE RÉVOLUTION CONSERVATRICE EN EUROPE ?
PERSONENREGISTER / INDEX DES NOMS DE PERSONNES
DIE AUTORINNEN UND AUTOREN / LES AUTEURES ET AUTEURS
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La « condition féminine »: Feminismus und Frauenbewegung im 19. und 20. Jahrhundert / Féminismes et mouvements de femmes aux XIXe-XXe siècles
 9783515113953

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La « condition féminine » Feminismus und Frauenbewegung im 19. und 20. Jahrhundert / Féminismes et mouvements de femmes aux XIXe–XXe siècles

herausgegeben von / édité par Françoise Berger, Anne Kwaschik

12 Geschichte Franz Steiner Verlag

SR des Deutsch-Französischen Historikerkomitees

Françoise Berger, Anne Kwaschik La « condition féminine »

schriftenreihe des deutsch-französischen historikerkomitees Herausgegeben im Auftrag des Vorstands des Deutsch-Französischen Komitees für die Erforschung der deutschen und französischen Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts von Hélène Miard-Delacroix und Guido Thiemeyer band 12

La « condition féminine » Feminismus und Frauenbewegung im 19. und 20. Jahrhundert / Féminismes et mouvements de femmes aux XIXe–XXe siècles herausgegeben von / édité par Françoise Berger, Anne Kwaschik

Franz Steiner Verlag

Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek: Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über abrufbar. Dieses Werk einschließlich aller seiner Teile ist urheberrechtlich geschützt. Jede Verwertung außerhalb der engen Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist unzulässig und strafbar. © Franz Steiner Verlag, Stuttgart 2016 Druck: Hubert & Co., Göttingen Gedruckt auf säurefreiem, alterungsbeständigem Papier. Printed in Germany ISBN 978-3-515-11395-3 (Print) ISBN 978-3-515-11397-7 (E-Book)

INHALTSVERZEICHNIS / TABLE DES MATIÈRES Françoise Berger / Anne Kwaschik De l’actualité d’une histoire des féminismes et de la « condition féminine ». Éléments d’introduction ...................................................................................... 9 Frauenbewegungen und Feminismus im 19. Jahrhundert / Mouvements de femmes et féminismes au XIXe siècle................................... 23 Ute Gerhard Frauenbewegungen und Recht. Frankreich und Deutschland im Vergleich .......................................................... 25 Mathieu Marly L’armée a-t-elle peur des femmes ? La « condition féminine » au miroir des armées européennes au XIXe siècle ..................................................................................................... 43 Anne-Laure Briatte-Peters / Yannik Ripa La prostitution révélatrice de la condition féminine. Une lecture abolitionniste du réglementarisme au XIXe siècle (France, Allemagne, Angleterre) ......................................................................... 55 Barbara Klaus-Cosca Künstlerischer Feminismus? Maurice Maeterlinck als „Dichter der neuen Frau“ ............................................ 67 Ursula E. Koch Blaustrümpfe und Emanzen. Oder: Das Vordringen des bürgerlichen Weibes im historischen Kontext an Beispielen französischer und deutscher Karikaturen von der Julirevolution (1830) bis zum Kriegsausbruch 1914 ............................. 79 Die Bedeutung der Weltkriege / Le poids des deux guerres mondiales ....... 95 Françoise Thébaud Européennes en guerre. Les effets de la Grande Guerre sur la condition des femmes.............................. 97

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Inhaltsverzeichnis / Table des Matières

Christina Stange-Fayos „Solange der Krieg dauert, sind auch die Frauen unserer Feinde unsere Feindinnen“. Die feministische Internationale im Ersten Weltkrieg ........................................ 111 Agathe Bernier-Monod « Ce n’est pas votre bétail que nous réclamons, c’est le nôtre. » Limites de la solidarité féminine internationale au sortir de la Grande Guerre (hiver 1920–1921) ............................................................. 127 Malte König Wegscheide Erster Weltkrieg. Zur Entwicklung der Geschlechterhierarchien in Frankreich und Deutschland 1914–1933............................................................................... 139 Patrick Farges / Elissa Mailänder Des « conditions masculines » au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Perspectives transnationales................................................................................ 153 Die 1970er Jahre als Zäsur / Le tournant des années 1970 ........................... 167 Ludivine Bantigny / Anne Kwaschik Déconditionner la place des femmes. Féminisme, genre et engagement dans les « années 1968 » ............................... 169 Monica Fioravanzo En deçà et au-delà du Mur. Femmes, politiques et sociétés dans la presse féminine de gauche en France, Italie et RDA de 1968 à la fin des années 1970 ................................. 187 Gilles Leroux « Wir haben abgetrieben ! Nous nous sommes fait avorter ! ». Regards croisés franco-allemands....................................................................... 201 Valérie Dubslaff L’antiféminisme des femmes. L’extrême droite face au défi de la question féminine en France et en Allemagne depuis les années 1970 ............................................................. 215 Rachel Chrastil Paths to Zero. Childlessness in France and Germany in a Historical Perspective ..................... 227

Inhaltsverzeichnis / Table des Matières

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Cornelia Möser Gender. Der Streit um eine Forschungskategorie ............................................................ 239 Bildungs- und Berufswelten / Éducation, formation et mondes du travail .................................................... 251 Annkatrin Babbe / Freia Hoffmann / Volker Timmermann Salon und Öffentlichkeit. Grenzen und Durchlässigkeiten für Instrumentalistinnen auf dem Weg der Professionalisierung................................................................ 253 Claudia Schweitzer La professeure de piano. Convergences et divergences du processus de professionnalisation d’un métier typiquement féminin en France et en Allemagne ............................ 267 Amélie Nuq Rééduquer les « mauvaises filles ». Essai d’analyse comparée dans l’Espagne franquiste, en France et en RDA (années 1940–1950) ............................................................................................ 279 Françoise Berger L’industrie lourde, un monde interdit aux femmes ? Comparaison franco-allemande de la place des femmes dans l’industrie métallurgique, du début du XXe siècle à nos jours ................... 291 Stefanie van de Kerkhof Deutsche Unternehmerinnen in der Nachkriegszeit. Irene Kärcher als Pionierin auf französischen Märkten (1959–1989) ................ 309 Dominique Herbet Vers une révolution conservatrice en Europe ? La réception par les médias allemands des débats sur les ABCD de l’égalité ................................................................................... 323 Personenverzeichnis / Index des noms de personnes .......................................... 335 Die Autorinnen und Autoren / Les Auteures et Auteurs ..................................... 339

DE L’ACTUALITÉ D’UNE HISTOIRE DES FÉMINISMES ET DE LA « CONDITION FÉMININE » Éléments d’introduction

Françoise Berger / Anne Kwaschik Lors du Congrès international des femmes, de son nom exact, Congrès international des œuvres et des aspirations féminines, qui se tint à Berlin en 1896, la déléguée française Eugénie Potonié-Pierre, fondatrice de la Fédération des sociétés féministes françaises, se prononça sur l’état actuel de la « question féministe » en France. Aux 1 700 participantes venant d’Europe et des États-Unis, elle expliqua comment l’idée féministe fut reprise par tous les milieux en lançant un processus qui devait porter progressivement ses fruits au cours des années à venir. Elle continua par souligner que le mot « féminisme » fut d’abord inventé au sein de son groupe, puis repris par la presse qui le fit circuler. C’est la presse elle-même qui a « mis à la mode ce mot féminisme » contre lequel l’opinion publique s’émouvait1. Partir de l’histoire des mots nous conduit non seulement à ce lieu de mémoire franco-allemand, que le congrès de 1896 présente, mais dirige aussi notre regard vers le caractère international des idées ainsi que des pratiques institutionnelles choisies par les mouvements nationaux. Si l’origine du mot, ainsi que son utilisation dans le sens « émancipation des femmes » reste incertain, ce sont les années 1890 qui marquent un moment international de cristallisation dans son histoire. Déjà, la suffragette Hubertine Auclert (1848–1914) utilisa le mot pour parler de son engagement2. Or, ce n’est qu’à l’issue du premier Congrès féministe, qui eut lieu à Paris en 1892, que le mot émigra au Royaume-Uni. Il apparaît dans des publications espagnoles, italiennes, allemandes, grecques et russes avant la fin du siècle. À la fin des années 1890, le terme est attesté en Argentine, à Cuba et aux États-Unis. Finalement, à partir de 1910, son emploi est mondial3. 1

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Eugénie Potonié-Pierre, « Frankreich », in: Der Internationale Kongress für Frauenwerke und Frauenbestrebungen in Berlin 19.–26. September 1896. Eine Sammlung der auf dem Kongress gehaltenen Vorträge und Ansprachen, hg. v. Redaktionskomitee: Rosalie Schoenflies, Lina Morgenstern, Minna Cauer, Jeanette Schwerin, Marie Raschke, Berlin, Verlag Hermann Walther, 1897, p. 39–42, ici: p. 40. Voir Laurence Klejman / Florence Rochefort, L’égalité en marche. Le féminisme sous la Troisième République, Paris, Presse de la FNSP, 1989. Steven C. Hause, Hubertine Auclert. The French Suffragette, New Haven/London, Yale University Press, 1987. Pour une vue générale sur les recherches existantes, voir Jean Pedersen, « French Feminism 1848–1949 », French Historical Studies 37 (2014) 4, p. 663–687. Karen Offen, « Sur l’origine des mots ‹ féminisme › et ‹ féministe › », Revue d’histoire moderne et contemporaine 34 (1987) 3, p. 492–496 ; Karen Offen, « Defining Feminism. A Comparative Historical Approach », Signs 14 (1988) 1, p. 119–157; Karen Offen, European Feminisms 1700–1950, Stanford, Stanford University Press, 2000, p. 19.

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Françoise Berger / Anne Kwaschik

Néanmoins, l’arrivée du mot en Allemagne s’avère difficile. Le terme y prend en effet une certaine radicalité. Le mot prédominant dans l’empire wilhelmien étant celui de « Frauenemanzipation ». Ceci non seulement pour des raisons politiques, mais aussi à cause d’un état d’esprit anti-français4. Le mot « féminisme » fut essentiellement employé par les représentantes de l’aile dite radicale du mouvement des femmes, telle que l’avocate du droit des femmes Käthe Schirmacher (1865–1930)5. Cette dernière prit une fonction d’intermédiaire entre les débats français et allemands. Très à l’aise dans les réseaux internationaux, elle rapporta des évolutions en Allemagne, grâce à ses contributions journalistiques dans les journaux francophones6. Toujours-est-il que les mots français furent utilisés exclusivement pour le contexte international tandis que l’antonyme « antiféministe » circulait aussi, sans aucun problème pour les adversaires du mouvement, à l’intérieur de l’Allemagne. Ce n’est que dans les années 1970 que le mot devint courant comme autodéfinition des activistes au sein du mouvement de femmes en République fédérale d’Allemagne. Aujourd’hui le terme désigne, en France et Allemagne, un projet dit dépassé par les médias ainsi que dans certains milieux académiques. Depuis quelques années, cependant, les voix se multiplient pour appeler à un renouvellement et une réinvention des féminismes7. En 2013, à l’occasion des 30 ans de leur fondation, les Feministische Studien ont ouvert, dans leur édition d’anniversaire, une plate-forme de débat pour de nouveaux féminismes. « Que veulent-elles encore ? » se demandèrent 31 auteures, comptant parmi elles des pionnières de la recherche sur les femmes et le genre en République fédérale. Ilse Lenz et Birgit Saurer traitent du défi du néolibéralisme8. Kirsten Heinsohn propose un féminisme comme pensée à part entière qu’elle place à côté du mouve4 5

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Christiane Streubel, Radikale Nationalistinnen. Agitation und Programmatik rechter Frauen in der Weimarer Republik (Geschichte und Geschlechter, 55), Frankfurt a. M., Campus, 2006, p. 63 s. Voir Anne-Laure Briatte-Peters, Citoyennes sous tutelle. Le mouvement féministe « radical » dans l’Allemagne wilhelmienne, Berne, Peter Lang, 2013 (Convergences, 70). La recherche sur l’histoire des féminismes est presque devenue ingérable par son ampleur et ne pourra être présentée d’une manière exhaustive dans le cadre de cette introduction. Les références seront donc à comprendre à titre indicatif. L’accent est mis sur les travaux les plus récents. La série d’articles « Congrès international féministe de Berlin » paraît dans Le Journal des Débats, Partie 1 (4 septembre 1896): 2, Partie 2 (22 septembre 1896): 3, Partie 3 (23 septembre 1896): 3, et Partie 4 (28 septembre 1896): 2–3. Réédité dans La Revue féministe en 1896; voir: Karen Offen, « Kaethe Schirmacher, Investigative Reporter & Activist Journalist : The Paris Writings, 1895–1910 » Proceedings of the Western Society for French History, Portland 39 (2013), p. 200–211, ici: p. 202. Nous remercions Karen Offen d’avoir attiré notre attention sur ce texte. Gudrun Axeli-Knapp, « Still loving feminism », conférence à la Freie Universität de Berlin, Zentraleinrichtung zur Förderung von Frauen- und Geschlechterforschung, 16 avril 2013. Ilse Lenz, « Zum Wandel der Geschlechterordnungen im globalisierten flexibilisierten Kapitalismus. Neue Herausforderungen für die Geschlechterforschung », Feministische Studien, (2013) 1, p. 124–130; Birgit Saurer, « Feminismus und Politik – zu einem notwendigen und notwendig umkämpften Verhältnis. Eine politikwissenschaftliche Perspektive », Feministische Studien, (2013) 1, p. 164–169.

De l’actualité d’une histoire des féminismes et de la « condition féminine »

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ment social9. Claudia Opitz plaide pour employer la catégorie du genre comme une ressource à la fois féministe et scientifique10. Karin Hausen et Gertraude Krell, pour donner un dernier exemple, tiennent un dialogue interdisciplinaire entre histoire et sciences économiques qu’elles entendent être exemplaire et constitutif pour des recherches sur le genre11. D’une manière créative, les contributions couvraient tous les domaines du « carré magique » (Ilse Lenz) : mouvement féministe, recherche sur les femmes et le genre, personnes chargées à l’égalité des genres, ainsi que politiciennes féministes. En France, c’est l’historienne et philosophe de la pensée féministe Geneviève Fraisse qui, avec son plaidoyer contre les « excès du genre », appela en 2014 à une nouvelle réflexion12. Quelques années auparavant, la cérémonie d’anniversaire à l’occasion des 40 ans de la fondation du Mouvement de libération des femmes (MLF) contribua à « l’inscription des mouvements dans l’histoire d’une part, et la mise en perspective de l’accumulation historique (de 1970 à 2010) de l’autre »13. La déléguée interministérielle aux Droits des femmes (1997–1998) et députée européenne (1999–2004) qui avait clôturé le congrès international féministe de décembre 201014 insiste sur le statut historique du féminisme. « Le féminisme est une histoire », souligne-t-elle15. Fraisse affirme que l’oubli et l’effacement dont les femmes font les frais dans l’écriture de l’histoire n’est, cependant, qu’un côté de l’historicisation dont l’autre serait « la supposition, récurrente, que les sexes seraient pris ou cantonnés dans l’atemporalité »16. Pour Fraisse, le féminisme, c’est à dire l’idée d’une égalité femme/homme, a été « un mot maudit pour toujours »17 qu’il faudrait néanmoins aujourd’hui employer car il revendique la mise en œuvre complète des principes démocratiques. « L’expression ‹ égalité des sexes › fait donc l’objet de contournements multiples, voire de contorsions : précisément, l’usage du mot ‹ parité › peut être abusif car on s’en sert pour masquer le mot ‹ égalité ›, trop cru. »18 Toujours-est-il que le débat 9 10 11 12 13 14

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Kirsten Heinsohn, « Feminismus – ein nicht natürlicher Sehepunkt », Feministische Studien, (2013) 1, p. 78–81. Claudia Opitz-Belakhal, « Was ist und wozu heute noch feministische Theorie? », Feministische Studien (2013) 1, p. 155–159. Karin Hausen / Gertraude Krell, « Feministische Theorie(n)? – Eine Historikerin und eine Betriebswirtin im Dialog », Feministische Studien (2013) 1, p. 72–76. Geneviève Fraisse, Les excès du genre. Concept, image, nudité, Paris, Éditions Lignes, 2014. Entretien de Sylvie Duverger avec Geneviève Fraisse: « Le féminisme est une histoire », 8.11.2011, http://www.nonfiction.fr/article-4343-entretien_avec_genevieve_fraisse_le_feminisme_ est_une_histoire.htm [05.03.2016]. Françoise Picq / Martine Storti, Le féminisme à l’épreuve des mutations géopolitiques. Congrès international féministe, Paris, décembre 2010, Paris, Éditions IXE, 2012; pour l’histoire du MLF, voir la réédition augmentée de l’ouvrage de référence, Françoise Picq, Libération des femmes, quarante ans de mouvement, Brest, Éditions-dialogues, 2011. Entretien de Sylvie Duverger avec Geneviève Fraisse. Ibid. Geneviève Fraisse, « Sur l’incompatibilité supposé entre l’amour et le féminisme », in G. Fraisse, À côté du genre. Sexe et philosophie de l’égalité, Lormont, Le Bord de l’Eau, 2010, p. 290–298, ici : p. 291. Entretien de Sylvie Duverger avec Geneviève Fraisse, op. cit.

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sur la parité en tant que principe politique avait ranimé le féminisme et contribué à sa « reprise », du moins en France19. Face à cette actualité, le Comité franco-allemand de recherches sur l’histoire de la France et de l’Allemagne aux XIXe et XXe siècles a choisi de mettre ces débats en perspective en s’interrogeant sur l’histoire des conditions féminines. Ainsi le douzième colloque, intitulé « La condition féminine en France, en Allemagne et en Europe : Regards croisés, XIXe–XXe siècles » qui s’est déroulé en octobre 2014 à l’Institut d’études politiques de Grenoble, s’est donné comme but de déconditionner la place des femmes, dans une perspective transnationale. En nous focalisant sur la « condition féminine », nous voulions remettre en question à la fois un élément central et décisif des discussions actuelles, mais aussi une partie de l’identité européenne, c’est-à-dire l’égalité homme-femme20. La « condition féminine » est ici comprise comme l’ensemble des lieux et des positions des femmes dans l’organisation sociale ainsi que leur signification au niveau du discours, de l’idéologie, des mentalités. Le choix d’insister sur la « condition » féminine peut, cependant, paraître inadéquat, et cela avec raison. L’interprétation du terme même a été rejeté, dans la décennie 1970, à la fois par celles qui y voyaient la formulation de leur aliénation et par celles qui doutaient de son existence même21. Si c’est bien cette notion de « condition » féminine qui a été retenue comme fil directeur de la réflexion c’est qu’elle est comprise comme une question22 s’inscrivant dans ces champs de réflexion autour d’un renouvellement des féminismes, d’une part. De l’autre, elle permettait d’ouvrir la réflexion et d’intégrer les contributions d’historiennes et d’historiens non spécialistes de l’histoire du genre, orientés habituellement sur des thématiques militaires, sociales, économiques, culturelles. De cette manière, la réflexion fut replacée dans le cadre d’un dialogue interdisciplinaire et l’écriture d’une histoire, pour ainsi dire, polyphonique laissant la place à l’observation des « conditions » féminines et masculines et des évolutions dans tous les domaines observables de la société. Enfin, la perception d’une place prédéfinie dans la société et assignée aux femmes rejoint toujours une réalité. Lorsque l’historienne et politologue Nicole Bacharan choisit d’écrire l’histoire de la « condition féminine » à travers trois grandes voix, celles de l’anthropologue Françoise Héritier, de l’historienne Michelle Perrot et de la 19

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Geneviève Fraisse, « Habiter la contradiction », in : Fraisse, 2010, op. cit., p. 455–469, ici : p. 457. Pour le débat en France, voir Yves Sintomer, « Le paysage idéologique de la parité. », Travail, genre et sociétés 2 (2007) 18, p. 147–152 ; Laure Bereni / Éléonore Lépinard, « ‹ Les femmes ne sont pas une catégorie ›. Les stratégies de légitimation de la parité en France », Revue française de science politique 54 (1), 2004, p. 71–98. Voir pour une traduction allemande, Trivium 19 (2015), http://trivium.revues.org/5082 [05.03.2016]. Theresa Wobbe, « Gleichbehandlung und Individualrechte. Das transnationale Geschlechterkonzept der Europäischen Union aus historisch-soziologischer Sicht », in: Martin Heidenreich (Hg.), Krise der europäischen Vergesellschaftung? Soziologische Perspektiven, Wiesbaden, Springer, 2014, p. 229–251. Voir à ce sujet l’article de Ludivine Bantigny et Anne Kwaschik dans ce volume. Geneviève Fraisse, « En finir avec la ‹ condition › féminine ? », in : Fraisse, 2010, op. cit., p. 383–393.

De l’actualité d’une histoire des féminismes et de la « condition féminine »

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philosophe Sylviane Agacinsky, il est beaucoup question de place. Cependant l’ouvrage, paru en 2011, ne parle pas seulement de la « fameuse place » réservée aux femmes, mais aussi de cette utopie des femmes qui se sentent « à leur place »23. En dépit de leur proximité, les termes « féminisme » et « mouvement de femmes » n’ont pas la même signification. La sociologue allemande, Ute Gerhard, première titulaire d’une chaire d’enseignement pour la recherche sur les femmes et le genre en République fédérale d’Allemagne, le signale de manière très précise dans son œuvre de référence sur l’histoire des mouvements de femmes24. « Mouvement de femmes » et « féminisme » poursuivent les mêmes buts : « Que dans tous les domaines : l’État, la société, la culture, mais surtout dans la sphère privée, les femmes puissent disposer des mêmes droits et de la même liberté d’agir, ainsi que d’une égale participation au pouvoir politique et d’une égalité d’accès aux ressources de la société. » Néanmoins le terme « féminisme », employé en tant que marqueur et identifiant d’un mouvement social, se réfère en outre à d’autres projets et théories politiques, qui comme d’autres « -ismes » ont fait et font toujours l’objet d’un soupçon25. Par conséquent, l’histoire des féminismes transcende l’histoire du mouvement d’émancipation des femmes. Dans ce contexte, les différentes contributions interrogent les conditions féminines26. En écho à la réflexion de Karen Offen, le féminisme, en tant que projet politique, nous place dans une perspective historique, au cœur de l’analyse sociétale : « Feminisms, in the plural, can be documented in many European societies, past and present ; in some societies they become a central and recurrent feature of political cultures, of European thought and politics. Feminist thought and action do not stand outside – or on the periphery of – the so called Western tradition; they are integrated to it. »27 Ce faisant, le présent ouvrage se rallie aux interprétations ouvertes des « vagues » discernées dans l’histoire des féminismes. Si la question de l’homogénéité des mouvements porte en partie toujours à controverse, elle est majoritairement rejetée. L’aspect protéiforme des mouvements est à souligner tant pour la première que pour la seconde vague28. Les phases de l’histoire des féminismes (la première 23

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Françoise Héritier / Michelle Perrot / Sylviane Agacinski / Nicole Bacharan, La Plus Belle Histoire des femmes, Paris, Seuil, 2011. Pour une perspective historique, voir Anne Kwaschik, « Selbstentwürfe intellektueller Frauen als Herausforderung an die Intellektuellengeschichte: Am Beispiel von Simone de Beauvoir und Colette Audry », in: Stephanie Bung / Romana Weiershausen (Hg.), Querelles-Jahrbuch 2010: Simone de Beauvoir, Göttingen, Wallstein, 2010, p. 165–181. Voir pour un portrait et une analyse sociologique de cette génération pionnière, Ulla Bock, Pionierarbeit. Die ersten Professorinnen für Frauen- und Geschlechterforschung an deutschsprachigen Hochschulen 1984–2014, Frankfurt a. M., Campus, 2015. Ute Gerhard, Frauenbewegung und Feminismus. Eine Geschichte seit 1789 (C. H. Beck Wissen, 2463), München, Beck, 2009, p. 6 s. Les usages des termes ainsi que la présentation typographique des « conditions féminines » et du langage genré dans les articles n’ont pas été harmonisés, car ils sont l’expression de la position des auteures et auteurs. Karen Offen, 2000, op. cit., p. 1. Cependant le titre allemand du livre au singulier n’est dû qu’à l’aspect inhabituel du pluriel « féminismes ». Kerstin R. Wolff, [Compte rendu de: Czelk, Andrea, « Privilegierung » und Vorurteil. Posi-

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Françoise Berger / Anne Kwaschik

du XIXe au milieu du XXe siècle, la deuxième, dans les années 1970–1990, on parle aujourd’hui de troisième vague) seront donc plutôt considérées comme « éruptions volcaniques. »29. L’ouvrage rejoint la métaphore géologique et associe le travail de l’historienne à celui d’une vulcanologue : « cartographier et mesurer le terrain, repérer les fissures, analyser le contexte au sein duquel elles s’ouvrent, jauger la pression et l’amplitude des flux et des éruptions de lave […], évaluer les types changeants d’activité à travers le temps »30. DU REGARD TRANSNATIONAL ET COMPARATISTE Depuis plus de 20 ans, l’historiographie des féminismes revendique une plus forte perspective transnationale et comparative31. Rétrospectivement, il faudrait cependant la défendre contre elle-même. De fait, l’historiographie des femmes, dès le début, n’a affirmé que de façon extrêmement rare des lignes de développement exclusivement nationales32. En 1991/92, Georges Duby et Michelle Perrot publient leur Histoire des femmes en Occident33. Parallèlement, des historiennes scandinaves publient une histoire mondiale : Womens’s History of the World from the Earliest Times to the Present Day34. Contrairement à d’autres domaines de la recherche historique, la recherche sur les féminismes a toujours rendu compte du caractère international de la pensée féministe, mais aussi du processus d’internationalisation comme partie intégrante de l’analyse de la formation des réseaux au XIX siècle. L’ouvrage de référence de Sylvia Paletschek et de Bianca Pietrow-Ennker a frayé la voie pour l’Europe du XIXe

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tionen der Bürgerlichen Frauenbewegung zum Unehelichenrecht und zur Kindstötung im Kaiserreich. Köln 2005], in H-Soz-Kult, 26 sept. 2006, http://www.hsozkult.de/publicationreview/ id/rezbuecher-8181 [05.04.2016]; Ute Gerhard, « Frauenbewegung », in Dieter Rucht / Roland Roth (Hg.), Die sozialen Bewegungen in Deutschland seit 1945. Ein Handbuch, Frankfurt a. M., Campus, 2008, p. 187–218; Eva-Maria Silies, « Ein, zwei, viele Bewegungen? Die Diversität der Neuen Frauenbewegung in den 1970er Jahren der Bundesrepublik », in Sebastian Gehrig / Cordia Baumann / Nicolas Büchse (Hg.), Linksalternative Milieus und Neue Soziale Bewegungen in den 1970er Jahren, Heidelberg, Winter, 2011, p. 87–106. Karen Offen, 2000, op. cit., p. 25 s. Ibid. Voir à titre d’exemple, Karen Offen, 2000, op. cit., p. 4. Voir pour l’Allemagne, les volumes de synthèse, Gisela Bock, Geschlechtergeschichten der Neuzeit: Ideen, Politik, Praxis (Kritische Studien zur Geschichtswissenschaft, 213), Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen 2014; Karin Hausen, Geschlechtergeschichte als Gesellschaftsgeschichte (Kritische Studien zur Geschichtswissenschaft, 202), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2012. Pour un exemple récent de l’historiographie française, voir les pages sur la circulation des théories sur la sexualité entre Allemagne et France, Sylvie Chaperon, Les origines de la sexologie 1850–1900, Paris, Payot, 2012. Michelle Perrot / Georges Duby (dir.), Histoire des femmes en Occident, 5 volumes, Paris, Plon, 1991/92. Voir notamment le volume V sur le XXe siècle dirigé par Françoise Thébaud. Voir Ida Blom, « Global Women’s History. Organising Principles and Cross-Cultural Unterstanding », in Karen Offen / Ruth Pierson / Jane Rendall (eds.), Writing Women’s History. International Perspectives, Basingstoke, Hampshire, 1991, p.135–150.

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siècle en présentant des articles sur les différents mouvements nationaux de femmes et en aboutissant à des articles de synthèse35. Les années 1970 ont été traitées par Kristina Schulz dans une perspective franco-allemande 36. Dernièrement, la thèse de Fanny Bugnon a analysé la médiatisation des femmes dites « terroristes » de la Fraction armée rouge et d’Action directe à travers la presse française (1950–1994)37. Cependant il est exact qu’au sein des études, prises isolément, domine l’accent sur un seul pays, l’étude du cas national. Mises à part quelques études pionnières, peu de travaux ont eu une approche comparative38 ou abordent des questions dans la perspective d’une histoire croisée. L’intégration d’une perspective transnationale n’est pas encore devenue un standard allant de soi, tout particulièrement en raison d’un manque de connaissances linguistiques, mais aussi car établir des réseaux de communication internationale relève parfois encore d’un travail de pionnier, surtout quand il s’agit de prendre en considération le développement dans un grand nombre de pays d’Europe39. Des travaux sur les féminismes noirs40 ou sur les mouvements de femmes outre-mer41 en sont seulement à la phase d’écriture. Ce constat ne s’applique pas aux champs de l’histoire coloniale ou globale, qui présentent depuis quelques décades et grâce aux travaux stimulants des historiennes telles que Catherine Coquery-Vidrovitch, Philippa Levine ou Anne Stoler une véritable mine d’or produisant des études de cas, mais aussi des travaux comparatifs enrichissant considérablement l’histoire des femmes et du genre42. De même, l’historiographie des organisations internationales et de leurs protagonistes est particulièrement bien établie et délimitée43. Toujours-est-il que les thèses de doctorat trai35 36 37 38

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Sylvia Paletschek / Bianka Pietrow-Ennker (eds.), Women’s Emancipation Movements in the Nineteenth Century. A European Perspective, Stanford, Stanford University Press, 2004. Kristina Schulz, Der lange Atem der Provokation. Die Frauenbewegung in der Bundesrepublik und in Frankreich 1968–1976, Frankfurt a. M., Campus, 2002. Fanny Bugnon, Les « amazones de la terreur ». Sur la violence politique des femmes, de la Fraction armée rouge à Action directe, Paris, Payot, 2015. Voir Anne Cova (dir.), Histoire comparée des femmes, Paris, CNRS Éditions, 2009. Voir maintenant, Malte König, Der Staat als Zuhälter. Die Abschaffung der reglementierten Prostitution in Deutschland, Frankreich und Italien im 20. Jahrhundert (Bibliothek des Deutschen Historischen Instituts in Rom, 131), Berlin, De Gruyter, 2016. Sarah Kimble / Marion Röwekamp (eds.), New Perspectives on European Women’s Legal History (Routledge Research in Gender and History, 24), London, Routledge, 2016. Voir le premier numéro de la revue d’études féministes Comment s’en sortir (1, 2015) : «‹Les murs renversés deviennent des ponts›. Féminismes noirs » ; notamment l’entretien avec Françoise Vergès. Myriam Paris, Genre, esclavage et (post)colonialisme dans la construction d’un sujet politique : les féministes réunionnaises (thèse en cours sous la direction de Elsa Dorlin et de Françoise Vergès, Paris 8). Catherine Coquery-Vidrovitch, Les Africaines. Histoire des femmes d’Afrique noire du XIXe au XXe siècle, Paris, Éditions Desjonquères, 1994 ; Philippa Levine (ed.), Gender and Empire, New York, Palgrave Macmillan, 2007 ; Ann Stoler, Carnal Knowledge and Imperial Power. Race and the Intimate in Colonial Rule, Berkeley, University of California Press, 2002. Pour un résumé français, voir Pascale Barthélémy / Luc Capdevila / Michelle Zancarini-Fournel, « Femmes, genre et colonisations », Clio. Histoire, femmes et sociétés 33 (2011), p. 7–22. Voir pour une étude modèle, Christine von Oertzen, Strategie Verständigung: zur transnationalen Vernetzung von Akademikerinnen 1917–1955, Göttingen, Wallstein, 2012.

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tant des féminismes se réfèrent trop rarement, dès leur conception même, à un point de vue qui s’ancrerait hors du cadre national, car cela constitue un défi considérable d’un point de vue linguistique, conceptuel, mais aussi sur le plan des techniques de travail44. De par sa dimension franco-allemande, les contributions du présent ouvrage cherchent à explorer ce champ de recherche, qu’il entend élargir45. Nous reprenons la définition ouverte et pragmatique proposée par Akira Iriye et Pierre-Yves Saunier dans leur Palgrave Dictionary of Transnational History selon laquelle une histoire transnationale se consacre aux liens « links and flows », aux « people, ideas, products, processes and patterns that operate over, across, through, beyond, above, under, or in-between polities and societies »46. En insérant cette idée dans la réflexion d’Ann Taylor Allan autour d’un regard transnational et comparatiste sur l’histoire des femmes47, l’ouvrage s’inscrit dans une tendance actuelle48. Cependant, notre intention est de faire communiquer encore plus étroitement l’histoire des conditions féminines et l’histoire transnationale en insistant sur un moment transnational ou 44

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Voir Iwona Dadej, « Die Frau von Morgen ». Frauenpolitisch tätige Akademikerinnen in Deutschland und Polen, 1918–1939, thèse de la Freie Universität Berlin, 2015; Philippe de Wolf, Le Féminisme masculin : la participation des hommes aux mouvements d’émancipation des femmes en Belgique, en France et aux Pays-Bas (1960–1990) (thèse en cours sous la direction de Gita Deneckere, Université de Gand / Yannick Ripa, Paris 8). Depuis quelques années, la germanistique française porte un intérêt renouvelé à l’histoire des femmes et des féminismes en Allemagne. Grâce à une initiative de Patrick Farges, le congrès de l’Association des germanistes de l’enseignement supérieur (4 au 6 juin 2015 à Amsterdam, en coopération avec la Vereniging van Germanisten aan de Nederlandse Universiteiten) a rendu compte de ce développement en consacrant une table ronde aux « Frauenrechtlerinnen als Mittlerinnen (1848–1933) ». Pour les travaux les plus importants. Voir : Christina Stange-Fayos, Publizistik und Politisierung der bürgerlichen Frauenbewegung. Die Zeitschrift « Die Frau » (1893–1914), Frankfurt a. M., Peter Lang, 2014; Anne-Laure Briatte-Peters / François Danckaert (dir.), Les femmes politiques dans la vie politique allemande depuis 1945, Allemagne d’aujourd’hui, 2014 (1) ; Anne-Marie Saint-Gille / Patrick Farges (dir.), Le premier féminisme allemand : 1848–1933. Un mouvement social de dimension internationale, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013 ; Anne-Laure Briatte-Peters, Citoyennes sous tutelle. Le mouvement féministe « radical » dans l’Allemagne wilhelmienne, Berne, Peter Lang, 2013. Voir aussi la thèse en cours, Agathe Bernier-Monod, De Weimar à Bonn : les femmes députées du Reichstag jusqu’au Bundestag. Parcours politique et travail parlementaire de quatre doyennes de la démocratie allemande, 1918–1957 (sous la direction de Hélène Miard-Delacroix, Paris 4) Akira Iriye / Pierre-Yves Saunier, « The Professor and the Madman », in A. Iriye / P.-Y. Saunier (eds.), The Palgrave Dictionary of Transnational History, New York, Palgrave Macmillan, 2009, p. XVII–XX, ici : p. XVII. Pour un résumé du débat, voir Klaus Kiran Patel, « Transnationale Geschichte », Europäische Geschichte Online (EGO), hg. v. l’Institut für Europäische Geschichte (IEG), Mainz, 2010, http://www.ieg-ego.eu/patelk-2010-de [05.03.2016]. Ann Taylor Allan, Lost in Translation? Un regard transnational et comparatiste sur l’histoire des femmes, in: Anne Cova, 2009, op. cit., p. 83–104. Martina Ineichen et al. (eds.), Gender in Trans-it. Transkulturelle und transnationale Perspektiven / Transcultural and Transnational Perspectives, Zürich, Chronos, 2009; Angelika Epple / Angelika Schaser (eds.), Gendering Historiography. Beyond National Canons, Frankfurt a. M., Campus, 2009; Oliver Janz / Daniel Schönpflug (eds.), Gender History in a Transnational Perspective. Networks, Biographies, Gender Orders, New York/Oxford, Berghahn, 2014.

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une perspective comparative au niveau de l’article même. Pour une telle réflexion, l’approche franco-allemande peut être un point de départ pertinent. En effet, dans les années 1980, elle constitua un des premiers champs d’une nouvelle approche de l’histoire des transferts et de l’histoire croisée49. Le projet d’internationaliser de manière conséquente les différentes narrations historiques des femmes et du genre dans l’histoire du XIXe et XXe siècle nous conduit à nous reposer, finalement, des questions devenues classiques. Celles-ci concernent surtout les césures et la périodisation. Quels sont les facteurs qui ont marqué les évolutions des XIXe et XXe siècles et sont responsables des transformations de la « condition » féminine en France, en Allemagne et en Europe, avec leurs avancées et leurs reculs ? Quel est dans ce contexte général la place spécifique des temps de guerre et des temps de paix ? Quel a été le rôle respectif des spécificités nationales et des tendances de fond transnationales ? En quoi les modalités spécifiques d’expression et d’articulation du féminisme ont-elles marqué les différences nationales en matière politique, sociale, culturelle ou affective ? PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE Afin de répondre à une critique récurrente « d’une tendance à l’auto-limitation des représentantes de l’histoire du genre » à aborder des périodes de temps plutôt limitées50, le présent ouvrage soutient une perspective de longue durée, avec la volonté de remettre en question la logique des périodisations traditionnelles. En choisissant une chronologie allant du long XIXe siècle jusqu’aux années 1990 et incluant aussi les développements récents, nous proposons d’intégrer l’histoire des féminismes dans des contextes de transformations politiques, économiques et culturelles sur le long terme. Dans cette perspective pourront être discutés de manière pertinente les mécanismes par lesquels les césures se sont construites, les conséquences qu’elles ont entrainées, mais aussi leurs développements contradictoires. L’ouvrage est construit de manière chronologique, centré sur des phases lors desquelles se sont concentrées des évolutions importantes : successivement le XIXe siècle, les deux guerres mondiales, les années 1970, suivi d’une partie sur l’histoire économique et sociale et sur le temps présent. Il est également articulé autour de problématiques renvoyant aux approches récentes de l’historiographie : sorties de guerre, interprétation des changements en cours, transferts, progrès versus conservatisme, recherche féministe et théorie du genre. L’ouvrage est ainsi organisé autour de quatre thèmes principaux : les mouvements de femmes et les féminismes en Allemagne et en France au XIXe siècle ; le poids des deux guerres mondiales sur la 49

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Michel Espagne / Michael Werner, Michael (dir.), Transferts. Les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand (XVIIIe et XIXe siècles), Paris, Éditions Recherche sur les Civilisation, 1988; Michael Werner / Bénédicte Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : entre empirie et réflexivité » Annales. Histoire, Sciences sociales 58 (2003) 1, p. 7–36. Kirsten Heinsohn / Claudia Kemper, „Geschlechtergeschichte“, Version: 1.0, DocupediaZeitgeschichte, 4.12.2012, http://docupedia.de/zg/Geschlechtergeschichte?oldid=86062 [05.03.2016].

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condition féminine dans les deux pays ; le tournant sociétal des années 1970 et ses implications sur la condition des femmes ; enfin des apports sur les domaines de l’éducation, de la formation et du monde du travail, en général. La première partie de l’ouvrage tente, non pas de couvrir, mais d’explorer, à travers quelques exemples révélateurs, la condition féminine au XIXe siècle, en France et en Allemagne. Ce développement est caractérisé par des parallèles historiques (comme les révolutions de 1848 ou les débuts de la troisième République à comparer à l’Empire unifié d’après 1871), mais aussi par des césures différentes (droit de vote des femmes), ainsi que par une forte dimension internationale. Si l’histoire des mouvements d’émancipation des femmes, du XIXe au milieu du XXe siècle, est toujours une lutte pour les droits à la participation politique, mais aussi pour l’égalité en droit privé, les différences nationales sont révélatrices. C’est la situation juridique des femmes qui a imprimé aux mouvements d’émancipation nationaux des vitesses différentes avec des stratégies et des discours distinctement marqués. Au regard de ce constat, la partie s’ouvre sur une réflexion, encore assez peu développée, sur l’analyse comparée du cadre législatif du mouvement de libération des femmes en France et Allemagne. C’est en effet le droit de la famille, défini pour la France dans le Code civil de 1804, très patriarcal, qui forme un véritable carcan pour de longues années puisque ce droit n’évolue qu’en partie, en 1944, ce qui explique donc des décalages temporels avec la situation allemande. Ce cadre législatif différencié a une signification multiple : il est non seulement « un appareil répressif » et « l’instrument de domination », mais aussi le « moyen et le moteur de la libération » (Ute Gerhard). La prostitution féminine est une donnée sans doute aussi ancienne que l’existence même de sociétés humaines organisées, mais avec l’essor de la bourgeoisie et de son modèle, au XIXe siècle, elle devient un thème fort quant à la référence à l’image tranchée entre la femme, épouse et mère, et la prostituée. Deux contributions abordent cette question, l’une autour de l’armée et de la présence féminine en son sein (Mathieu Marly), l’autre sur le débat entre abolitionnisme et réglementarisme (Anne-Laure Briatte-Peters, Yannik Ripa) – débat qui en France reste encore d’actualité. Ainsi, alors que les armées européennes de l’époque moderne comportaient un nombre relativement important de femmes qui suivaient les régiments, le XIXe siècle est celui où une ferme séparation se met en place, avec une définition plus stricte des rôles féminins (employées militaires / femmes mariées / prostituées), pour diverses raisons parmi lesquelles le renforcement de la discipline et la « moralisation » de la vie militaire. C’est au même moment, face au développement de la prostitution que, après des débats très vifs, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni adoptent une règlementation très stricte qui, de fait, exclut les prostituées du droit commun, ceci questionnant nécessairement la liberté et l’intimité de toutes les femmes et cautionnant la morale bourgeoise dominante. La littérature et la presse sont évidemment un reflet et un moteur de ces transformations sociétales profondes du XIXe siècle. C’est ainsi qu’en Allemagne, le poète belge Maurice Maeterlinck est vu, en conséquence d’un malentendu significatif, comme le « poète de la femme nouvelle » par le mouvement d’émancipa-

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tion féministe allemand, parce qu’au tournant du XXe siècle, avec son nouvel opus Ariane et Barbe-Bleue, il développe une nouvelle figure féminine qui se bat avec détermination et force pour libérer les femmes prisonnières du tyran domestique sanguinaire (Barbara Klaus-Cosca). De même, quand naissent les journaux satiriques périodiques, la thématique de la « guerre des sexes » est largement exploitée par les dessinateurs, en France comme en Allemagne, la femme qui se bat pour l’égalité étant la principale cible des attaques des caricaturistes (Ursula E. Koch). La seconde partie de l’ouvrage centre son attention sur la période des deux guerres mondiales. Une première présentation de synthèse (Françoise Thébaud) expose la façon dont les historiennes et les historiens ont abordé la question des femmes dans la guerre et, avec une perspective comparatiste, indique quatre thèmes essentiels : la chronologie et les formes de la mobilisation, les épreuves subies et les mutations de la vie quotidienne, les engagements patriotiques et pacifistes des féministes et enfin, les effets de la guerre sur les trajectoires individuelles et sur la place des femmes dans la société. Comme pour le mouvement international pacifiste, les débats au sein des mouvements des femmes, allemand et français, parties prenantes de « l’Internationale féministe », également pacifiste, montrent l’échec de cette réflexion pacifiste et le repli vers des problématiques nationales et ses conséquences à la sortie de la guerre (Christina Stange-Fayos). Ainsi, lors de l’hiver 1920–1921, l’appel à la solidarité féminine par-delà la frontière, à propos de la livraison de vaches laitières, débouche sur une impasse (Agathe Bernier-Monod). Dans les deux pays, la guerre a aussi des conséquences sur la « hiérarchie » des sexes, différentes dans deux pays dans une situation difficile à comparer à l’issue de la guerre. Si dans les deux pays, la période où les femmes sont seules à assumer les responsabilités domestiques et professionnelles a eu comme conséquence une plus grande confiance en elle des femmes, en France la question nataliste marque durablement la nouvelle donne de l’après-guerre tandis qu’en Allemagne, le bouleversement politique permet aux femmes allemandes de se trouver dans une situation d’égalité de droit, constitutionnelle et politique qui facilite les revendications émancipatrices (Malte König). Ces bouleversements et le vécu des évènements guerriers conduit à interroger la nouvelle situation des hommes, la « masculinité » et la condition masculine, totalement liées au changement du rapport de force entre les sexes auquel la guerre a conduit, ici encore de manière différente dans le camp du vainqueur et dans celui du vaincu (Patrick Farges, Elissa Mailänder). La troisième partie de l’ouvrage se penche sur la perception des ruptures dues aux évolutions sociétales pour la génération d’après la guerre, mais aussi sur les résistances au changement. C’est évidemment l’année 1968, particulièrement pour la France, qui crée la rupture, au moins apparente. Ces années 1970 sont ainsi marquées par un changement socio-économique structurel profond et par la « libéralisation fondamentale » (Habermas). Autour de la question féminine revisitée – qui suscite la seconde grande vague transnationale des mouvements féministes – cohabitent plusieurs interprétations, différentialistes ou égalitaristes, mais avec un rejet général de la « condition féminine », terme qui reflète des siècles d’oppression et la volonté, à l’inverse, de « déconditionner » la place des femmes.

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La « libération de la femme » est le nouvel ordre du jour, à côté des slogans plus politiques ou plus libertaires. Mais cette libération ne se conçoit pas seulement sur un plan philosophique. Ce sont aussi, tant en Allemagne qu’en France, des combats concrets, par exemple sur le droit du travail, pour l’égalité salariale. Les avancées institutionnelles, qui répondent à ces revendications, sont critiquées en tant qu’instrumentalisation et comme fixation d’une « condition féminine » (Ludivine Bantigny, Anne Kwaschik). C’est un questionnement qui revient régulièrement dans l’actualité, en particulier en France où les débats pour ou contre la loi sur la parité en politique ont été très vifs. Parmi les revendications plurielles, les plus importantes sont celles qui touchent au corps de la femme, avec en premier lieu son droit à faire ou à ne pas faire des enfants, soit en refusant d’en concevoir – positionnement bien plus marqué en Allemagne qu’en France (Rachel Chrastil), soit en revendiquant le droit à l’avortement. Dans ce domaine, c’est le modèle français (manifeste des 343 femmes qui s’auto-dénoncent, dans le Nouvel Observateur) qui se diffuse en Allemagne (manifeste de 374 femmes dans Stern), mais les Allemandes n’obtiennent pas les mêmes avancées (Gilles Leroux). Ces évolutions sont observées de près dans la presse féminine de gauche, tant en France, en Italie, qu’aussi en RDA (Monica Fioravanzo). Ces débats atteignent en effet l’Europe de l’Est et modifient les perceptions réciproques des deux côtés du mur. Les transformations en cours, même si elles sont trop timorées aux yeux de la plupart des femmes, sont violemment rejetées par les extrêmes-droites – et leurs membres féminins au premier rang – qui au contraire véhiculent un discours antiféminisme virulent qui comporte à la fois un discours réactionnaire sur l’ordre social et sur la place des femmes en son sein, et une stratégie de mobilisation des femmes de ces mouvements, dont certaines, cependant, se positionnent plutôt en faveur d’un « féminisme nationaliste » (Valérie Dubslaff). La violence de cette opposition est à mettre en perspective avec celle de la mobilisation récente, en France, contre la « théorie du genre ». Elle a ouvert la voie à des recherches sur la réception du féminisme et à la volonté d’une réflexion des chercheurs sur l’écriture de l’histoire même du mouvement (Cornelia Möser). Enfin, la quatrième et dernière partie de l’ouvrage explore les aspects professionnels, de la formation et de l’éducation, sur la longue durée. Parmi les caractéristiques de son genre et de son milieu, la jeune femme bourgeoise, au XIXe siècle, devait savoir jouer du piano, mais on n’attendait pas qu’elle en fasse profession, sauf pour celles qui avaient justement vocation à enseigner aux jeunes filles de la bourgeoisie. Professeure de piano devient ainsi le premier métier féminin à être admis dans ce milieu, dans les deux pays, malgré leurs différences sociétales (Claudia Schweitzer). Certaines, plus douées que d’autres, vont jusqu’à aborder une carrière d’instrumentaliste, laquelle est la plupart du temps confiné dans ce fameux « salon bourgeois ». Mais la place du « salon » n’étant pas la même en France qu’en Allemagne, dans le premier pays la renommée d’une artiste peut aller au-delà de ses murs, alors qu’en Allemagne, le salon n’est pas ouvert et ne donne aucune chance de reconnaissance à celles qui s’y produisent (Annkatrin Babbe, Freia Hoffmann, Volker Timmermann).

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À l’éducation bourgeoise s’oppose celle des « mauvaises filles », qu’il faut « rééduquer », et que l’on envoie en maison de « redressement ». C’est ici encore l’occasion d’ouvrir le face-à-face franco-allemand (une nouvelle fois la RDA) à un troisième pays européen, l’Espagne franquiste, lors de la décennie de la guerre. L’approche comparée permet de dégager, au-delà des spécificités conjoncturelles nationales, une perception relativement conforme de la déviance des mineures, basée sur un stéréotype de la « nature féminine » (Amélie Nuq). Si le monde du travail51, en général, a été déjà beaucoup étudié et demeure un terrain conflictuel en termes d’égalité de traitement, il reste cependant des secteurs ou des métiers qui semblent rester tabou – ou presque – encore de nos jours. Si l’on a montré depuis longtemps l’utilisation des femmes dans les secteurs de l’industrie lourde au moment des guerres, au cours desquelles elles relaient les hommes partis au front (en particulier pour la production d’armement), il reste encore de fausses idées sur l’influence de ces époques sur le travail féminin et en particulier on constate toujours des freins – pluriels – à l’embauche de femmes dans ces secteurs, malgré les évolutions technologiques (Françoise Berger). Parmi les métiers – ou plus exactement les fonctions – encore peu accessibles aux femmes, se trouve celui d’entrepreneuse qui, de ce fait, a été encore peu étudié. Quelques cas allemands présentés ici montrent que ces dirigeantes devaient se mettre délibérément en retrait, voire agir dans le secret, afin de déployer leur propre stratégie, et ce fait ne varia guère jusqu’aux années 1990 (Stefanie van de Kerkhof). L’ouvrage s’achève sur un regard sur le temps présent : va-t-on, dans le domaine de la condition féminine, vers une révolution conservatrice en Europe ? C’est en tout cas la question légitime que l’on peut se poser et qu’ont développée les médias allemands face aux luttes contre L’ABCD de l’égalité que le gouvernement français a récemment tenté – sans succès, d’imposer aux écoles. Tous ces débats français, largement repris par la presse allemande, prouve une européanisation des questions culturelles et sociétales (Dominique Herbet), parmi lesquelles la question de la place des femmes dans les sociétés française, allemande et généralement européenne, reste toujours au cœur de l’actualité. Cet ouvrage apporte ainsi un certain nombre de résultats qui confirment la validité des grandes césures structurantes comme la Première Guerre mondiale, la résistance encore forte de certains secteurs de l’économie à la massification de l’emploi féminin ou encore les mouvements forts d’un « antiféminisme » porté par des femmes. Par une approche transversale et sur la longue durée, on peut lire aussi des histoires d’exclusion et de ségrégation, de hiérarchie et de domination, de mobilisations, de revendications, de conquêtes ou de retours en arrière. C’est le regard posé sur les évolutions des discours, de manière comparative, ou sur les transferts entre plusieurs pays, qui permet de dégager les évolutions communes et les spécificités des sociétés nationales. Ainsi, les contributions, parfois à plusieurs voix et issues de différentes cultures scientifiques, ont montré l’intérêt de se repencher sur les thématiques de l’histoire des féminismes dans une pers51

Nous regrettons que Sylvie Schweitzer n’ait pas pu nous rejoindre pour la publication, voir son ouvrage Sylvie Schweitzer, Femmes de pouvoir. Une histoire de l’égalité professionnelle en Europe (XIXe–XXIe siècle), Paris, Payot, 2010.

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pective transnationale qui à la fois complètent et élargissent l’approche du genre et la définition même de cette notion – avec l’intérêt porté aussi, en parallèle, à la « condition masculine ». Enfin, nous tenons à exprimer nos vifs et chaleureux remerciements à toutes celles et ceux qui nous ont accompagnées dans cette entreprise et sans le concours desquels ce volume n’aurait pu voir le jour : tous les auteurs et collègues ayant participé aux débats lors du colloque, d’abord et surtout, l’Université franco-allemande à Sarrebruck, qui a très généreusement soutenu ce projet (tant le colloque que la publication). Il nous reste à espérer que cet ouvrage contribuera au développement de nouveaux travaux. Berlin/Paris, mars 2016 Françoise Berger / Anne Kwaschik

FRAUENBEWEGUNGEN UND FEMINISMUS IM 19. JAHRHUNDERT / MOUVEMENTS DE FEMMES ET FÉMINISMES AU XIXe SIÈCLE

FRAUENBEWEGUNGEN UND RECHT Frankreich und Deutschland im Vergleich Ute Gerhard Zusammenfassung Das Recht, das sowohl Herrschaftsinstrument als auch Medium und Motor der Befreiung aus Bevormundung und Gewalt ist, wird in der Historiografie der Frauenbewegungen in der Regel wenig berücksichtigt. Im folgenden Beitrag sollen die Stellung der Frauen im Recht, insbesondere im Familienrecht, und damit auch die unterschiedlichen Rahmenbedingungen für die Frauenbewegungen in Frankreich und Deutschland im 19. Jahrhundert mit Ausblick auf das 20. Jahrhundert nachgezeichnet werden. Denn es bleibt erklärungsbedürftig, warum gerade die Französinnen, die doch als erste die Menschenrechte auch der Frauen eingeklagt haben (z. B. in der Frauenrechtserklärung der Olympe de Gouges 1791), bis 1944 auf die Gewährung des Frauenwahlrechts und mehr Gleichberechtigung im Familienrecht warten mussten. Der französisch-deutsche Vergleich zeigt, dass der doktrinäre Patriarchalismus des Code civil von 1804 und die verspätete Verbürgerlichung und Vereinheitlichung der verschiedenen deutschen Rechtskreise im Bürgerlichen Gesetzbuch (BGB, in Kraft seit 1900) die Emanzipationsbewegungen in beiden Ländern ungleichzeitig bestimmt sowie die Strategien und Diskurse und damit die condition féminine unterschiedlich geprägt haben.

Résumé La loi, qui est à la fois un instrument de pouvoir, un moyen et un moteur de la libération du paternalisme et de la violence, est en général peu prise en considération dans l’historiographie des mouvements de femmes. Dans cette contribution sera étudiée la position des femmes vis-à-vis de la loi, notamment du droit de la famille et, de ce fait, les cadres législatifs différenciés des mouvements de femmes en France et en Allemagne au 19e siècle, avec une mise en perspective avec le 20e siècle. Il est en effet nécessaire d’expliquer pourquoi les femmes françaises, qui ont été les premières à réclamer les droits de l’homme – mais aussi des femmes (par exemple, dans la Déclaration des droits des femmes d’Olympe de Gouges en 1791), ont dû attendre jusqu’en 1944 pour se voir octroyer le droit de vote et bénéficier de plus d’égalité dans le droit de la famille. La comparaison franco-allemande montre que le patriarcat doctrinal du Code civil français de 1804 et que la citoyenneté et l’unification tardives des différents cadres juridiques dans le Code de la citoyenneté allemande (en vigueur depuis 1900) ont conduit à des décalages dans le temps sur les mouvements d’émancipation tout comme sur les stratégies et les discours et ont donc influé différemment sur la condition féminine dans les deux pays.

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Ute Gerhard

1. EINLEITUNG Immer wieder ist die Frage aufgeworfen worden, wie es zu erklären ist, dass die Französinnen im internationalen Vergleich sowohl im öffentlichen (in Bezug auf das Frauenwahlrecht) als auch im privaten Recht (im Familienrecht) erst verhältnismäßig spät mit den Männern gleichgestellt wurden. Die Frage ist deshalb so brisant, weil es Französinnen waren, die sich seit der Französischen Revolution als besonders fortschrittliche und radikale Verfechterinnen der Rechte von Frauen hervorgetan und die Geschichte der Frauenbewegungen in der Welt wesentlich beeinflusst haben. Die These einer französischen Verspätung (le retard français) wurde bereits mehrfach in der Literatur diskutiert.1 Interessant sind z. B. die Ausführungen von Pierre Rosanvallon, der den anhaltenden Ausschluss der Frauen von den Menschen- und Bürgerrechten mit der seit der Französischen Revolution entwickelten politischen Philosophie und der für die Institutionalisierung der Republik notwendigen Trennung von öffentlicher und privater Sphäre erklärt. Den Hintergrund bildete – so Rosanvallon – die Neudefinition und besondere Rolle der Familie.2 Siân Reynolds hat dieser allein philosophischen Begründung, die auf der longue durée eines spezifisch französischen Konzepts – und ich will sogleich hinzufügen, eines spezifisch maskulinen Konzepts – von der „Autonomie des Individuums“ beruht, widersprochen. Er verweist auf die sich im Laufe des 19. Jahrhunderts bis 1944 verändernden historischen Bedingungen und Diskurse, in denen das Frauenstimmrecht zu keiner Zeit „philosophisch undenkbar“ war.3 Zugleich haben Historikerinnen zur französischen Frauenbewegung wiederholt betont, dass die Verspätung nicht einfach als Schwäche des französischen Feminismus zu interpretieren ist.4 Zwar ist es üblich, jedoch wissenschaftlich unhaltbar, den Feminismus für dies oder das, insbesondere das Scheitern der Frauenemanzipation verantwortlich zu machen, so als wenn die Frauenbewegung der einzige Akteur und ein fixierbares „Subjekt der Geschichte“5 wäre, das eine historische Rolle spielt oder verspielt hat, ohne doch 1

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Karen Offen, „Les femmes, la citoyenneté et le droit de vote en France 1789–1993“, in: Yolande Cohen / Françoise Thébaud (Hg.), Féminismes et identités nationales: Les Processus d’intégration des femmes au politique, Villeurbanne, Editions du Programme Rhône-Alpes de Recherches en Sciences Humaines, 1998, S. 47–70; Siân Reynolds, „Le sacre de la citoyenne? Réflexions sur le retard Français“, in: Cohen/Thébaud (Hg.), Féminismes et identités nationales, S. 71–84; Christine Bard, Die Frauen in der französischen Gesellschaft des 20. Jahrhunderts, (= L’Homme Schriften 14), Köln/Weimar/Wien, Böhlau, 2008. Pierre Rosanvallon, Le Sacre du Citoyen: histoire du suffrage universel de France, Paris, Gallimard, 1992, S. 145; vgl. Reynolds, „Le sacre de la citoyenne?“, S. 74 f. Reynolds, „Le sacre de la citoyenne?“, S. 79. Bard, Die Frauen, S. 116 f.; vgl. auch die Analysen von Florence Rochefort, „The French Feminist Movement“, in: Sylvia Paletschek / Bianka Pietrow-Ennker (Hg.), Women’s Emancipation Movements in the 19th Century. A European Perspective, Standford, Stanford University Press, 2004, S. 77–101; Laurence Klejman / Florence Rochefort, L’égalité en marche. Le féminisme sous la Troisième Republique, Paris, Editions des femmes-Antoinette Fouque, 1989. Vgl. Alberto Melucci, „Soziale Bewegungen in komplexen Gesellschaften“, in: Ansgar Klein / Hans-Josef Legrand / Thomas Leif (Hg.), Neue soziale Bewegungen. Impulse, Bilanzen und Perspektiven, Opladen/Wiesbaden, Westdeutscher Verlag, 1999, S. 114–130.

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die verschiedenen Ebenen des Politischen, des Rechts und die sozial-strukturellen Rahmenbedingungen zu berücksichtigen. Die sozialwissenschaftliche Bewegungsforschung hat daher inzwischen differenzierte Analyseraster entwickelt, um das Veränderungspotenzial, insbesondere den „fluiden“, sich ständig verändernden Charakter sozialer Bewegungen zu beschreiben. 6 Wenn ich mich im Folgenden auf die rechtlichen Rahmenbedingungen konzentriere, so weil ich davon ausgehe, dass die Härte anhaltender Ungerechtigkeiten gegenüber Frauen im französischen Recht, öffentlich und privat, tatsächlich eine französische Besonderheit war, die die französische Frauenbewegung mehr als 150 Jahre nachhaltig erschwert und behindert hat. Denn es ist keineswegs so, wie uns einzelne Historikerinnen glauben machen wollen, dass die „der Ehefrau zugewiesene Rolle“ im 19. Jahrhundert „in allen patriarchalisch organisierten Ländern im wesentlichen gleich“ war, ja, dass „die Rechtfertigung der männlichen Autorität [lediglich] zu den schönsten Blüten juristischer Rhetorik“ gehörte.7 Auch der Hinweis, dass die Frauen in den meisten europäischen Ländern und in den USA das Wahlrecht trotz gemeinsamer und weltweiter Anstrengungen der Frauenbewegungen schließlich erst nach 1918 erlangten, vermag angesichts der frühen und vielen feministischen Interventionen in der Geschichte der französischen Frauenbewegung nicht recht zu überzeugen.8 Richtig ist, dass der Diskurs über „die Herrschaft des Mannes im Hause“ in allen als bürgerlich bezeichneten Familienrechten des 19. Jahrhunderts rechtlich neu konstruiert und begründet und auch von den aufgeklärtesten Zeitgenossen in einer merkwürdigen Allianz zwischen Konservativen, Liberalen und Republikanern mit ähnlich widersprüchlichen Argumenten verteidigt wurde.9 Und doch haben die unterschiedlichen Rechtssysteme die Geschlechterordnung und ihre politische Logik auf sehr unterschiedliche Weise begründet und befestigt. Denn Recht ist nicht nur Ausdruck gesellschaftlicher Machtverhältnisse, unterschätzt wird auch das „Eigenleben“, die bewahrende und Herrschaft stabilisierende Tendenz des Rechts. Im Vergleich zur keineswegs ruhmreicheren Rechtsentwicklung in Deutschland, wo erst um 1900 ein einheitliches, für ganz Deutschland geltendes bürgerliches Gesetzbuch 6

7 8 9

Vgl. Ute Gerhard, „Frauenbewegung“, in: Roland Roth / Dieter Rucht (Hg.), Die sozialen Bewegungen in Deutschland seit 1945. Ein Handbuch, Frankfurt a. M./New York, Campus, 2008, S. 187–218; zur sozialwissenschaftlichen Bewegungsforschung vgl. darüber hinaus Donatella della Porta / Mario Diani, Social Movements: An Introduction, Oxford, Blackwell Publishers Ltd., 1999; Roland Roth / Dieter Rucht (Hg.), Neue soziale Bewegungen in der Bundesrepublik Deutschland, [zuerst Bonn 1987] Frankfurt a. M./New York, Campus, 1991. Nicole Arnaud-Duc, „Die Widersprüche des Gesetzes“, in: Geneviève Fraisse / Michelle Perrot (Hg.), Geschichte der Frauen. 19. Jahrhundert, Franfurt a. M./New York, Campus, 1994, S. 97–132, hier: S.115. So aber Reynolds, „Le sacre de la citoyenne?“, S. 80 f., der die Verspätung zu entmystifizieren versucht und fragt: Was bedeute da schon eine Verspätung um 25 Jahre? Vgl. Joan B. Landes, Women and the Public Sphere in the Age of the French Revolution, Ithaca, Cornell University Press, 1988. Landes (S. 295) spricht von „overlapping vocabulairies“ angesichts unterschiedlicher Verfassungen. Vgl. auch Ruth Lister et al., Gendering Citizenship in Western Europe. New Challenges for Citizenship Research in a Cross-National Context, Bristol, The Policy Press, 2007.

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(BGB) verabschiedet wurde, offenbart der genauere Blick auf den französischen Code civil (Cc) in den für alle weiblichen Lebenslagen geltenden Bestimmungen die besondere Rigidität männlicher Herrschaft. Das betrifft die völlige Rechtlosigkeit der Ehefrau, vor allem aber der nicht verheirateten Mütter und ihrer Kinder sowie die Regelungen zur Ehescheidung, weshalb schon Marianne Weber in ihrer rechtsvergleichenden Studie von 1907 behaupten konnte, das französische Gesetzbuch habe „von allen (zu ihrer Zeit) geltenden Gesetzen die Züge des mittelalterlichen Patriarchalismus am reinsten und längsten bewahrt.“ 10 Da die Themenstellung einen Rechtsvergleich und damit ein umfangreiches Kapitel der Rechtsgeschichte mit unterschiedlichen Rechtsquellen und Rechtssystemen umfasst,11 die zudem auf eine je eigene Geschichte der französischen und deutschen Frauenbewegung bezogen werden sollen, ist die Darstellung im Rahmen dieses Artikels auf einen Überblick über die Rechtsentwicklung zu beschränken. Dabei wird die Erläuterung der wichtigsten Regelungen und Begründungen zum französischen Code civil sowie anschließend der entsprechenden Bestimmungen und Diskurse aus den verschiedenen Rechtskreisen in Deutschland bis 1900 den größten Raum beanspruchen, da hierzu weniger Kenntnisse vorauszusetzen sind. Hingegen gibt es zur Geschichte der französischen und deutschen Frauenbewegung inzwischen eine so reichhaltige Literatur,12 dass ich mich auf die Wegmarken und Schlussfolgerungen zur Bedeutung der Rechtskämpfe für die Geschichte der Frauenemanzipation beschränken kann. 2. ZUR STELLUNG DER FRAU IM FRANZÖSISCHEN RECHT 2.1 Die rechtshistorische Forschung ist sich einig darüber, dass die besonders rigiden frauenrechtlichen Bestimmungen des Code civil, die 1804 unter der Ägide von Napoléon Bonaparte verabschiedet wurden und im Hinblick auf die Frauentatbestände grundsätzlich bis 1938 beziehungsweise 1944 unverändert blieben, als 10 11

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Marianne Weber, Ehefrau und Mutter in der Rechtsentwicklung, Tübingen, Mohr, 1907, S. 318–320. Hierbei stütze ich mich auf eigene Vorarbeiten, vgl. Ute Gerhard, „Die Rechtsstellung der Frau in der bürgerlichen Gesellschaft des 19. Jahrhunderts“, in: Jürgen Kocka (Hg.), Bürgertum im 19. Jahrhundert, München, Deutscher Taschenbuch-Verlag, 1988, S. 439–468; Ute Gerhard, „Bürgerliches Recht und Patriarchat“, in: dies. et al. (Hg.), Differenz und Gleichheit. Menschenrechte haben (k)ein Geschlecht, Frankfurt a. M., Helmer, 1990, S. 188–204; vgl. auch Ernst Holthöfer, „‚Frankreich‘“, in: Helmut Coing (Hg.), Handbuch der Quellen und Literatur der Neueren Europäischen Privatrechtsgeschichte. Das 19. Jahrhundert, München, Beck, 1982, Band III/1, S. 863–1068. Z. B. zur französischen Frauenbewegung: Patrick Kay Bidelman, Pariahs Stand Up! The Founding of the Liberal Feminist Movement in France, 1858–1889, Westport/London, Greenwood, 1982; Claire Goldberg Moses, French Feminism in the 19th Century, Albany, State Univ. of New York Press, 1984; Klejman/Rochefort, L’Egalité en marche; Christine Bard, Les Filles de Marianne, Paris, Fayard, 1995. Zur deutschen Frauenbewegung beziehe ich mich insbesondere auf Ute Gerhard, Unerhört. Die Geschichte der deutschen Frauenbewegung, Reinbek, Rowohlt, 1990; Ute Gerhard, Frauenbewegung und Feminismus. Eine Geschichte seit 1789, München, C. H.Beck, 2009, und die darin angeführte Literatur.

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konservative, patriarchalische Reaktion auf die weitreichenden, in der Revolution errungenen Freiheits- und Gleichheitsrechte sowie auf die radikalen Gleichheitsforderungen von Frauen zu deuten sind.13 Die Mitwirkung der Frauen aller Schichten in der Französischen Revolution, ihr Aufsehen erregendes Auftreten in der Öffentlichkeit, mit dem sie nicht nur Teilhabe gefordert, sondern praktiziert haben, schließlich der große Kreis berühmter und berüchtigter Frauen, die in den Frauenclubs, von den Tribünen der Nationalversammlung und in unzähligen Schriften, Pamphleten und Erklärungen das Wort ergriffen, waren Signale eines gesellschaftlichen Umbruchs und einer neuen Zeit. Das neue Rechtsbewusstsein fand seinen Niederschlag im sogenannten droit intermédiaire, den Rechtssetzungen in der kurzen Zeitspanne zwischen 1789 und 1795, in dem einige, die bisherige Gesellschafts- und die Geschlechterordnung umwerfende Gleichheiten und Freiheiten auch der Frauen und Mädchen kodifiziert wurden. Dazu gehörten: die Einführung der Zivilehe und damit die Entmachtung der Kirche und ihrer Jurisdiktion im Hinblick auf Ehe und Familie. Das im September 1792 nach langen und hitzigen Debatten verabschiedete Gesetz über Ehe und Eheschließung enthielt mehrere gleichberechtigende Bestimmungen für Frauen, z. B. die Feststellung der Ehe-Mündigkeit (majorité matrimoniale) und damit die Emanzipation aus väterlicher Gewalt mit 21 Jahren für Männer und Frauen sowie die Gleichbehandlung bei Verletzung der ehelichen Treue.14 Als Akt der Befreiung wurde insbesondere die Einführung der Scheidungsfreiheit durch eben dieses Gesetz gefeiert, da es neben anderen Gründen auch die Scheidung aufgrund gegenseitiger Einwilligung zuließ. Nicht weniger revolutionär war die Einführung des gleichen Erbrechts und zwar nicht nur für Söhne und Töchter, sondern auch der „natürlichen“, d. h. der nicht ehelichen Kinder, durch Dekret vom 4. Juni 1793. Ausgenommen waren lediglich die ehewidrigen, das waren die im Ehebruch gezeugten Kinder. Doch die Gleichstellung der „natürlichen“ Kinder wurde durch ein nachfolgendes Dekret vom 2. November 1793 sogleich wieder eingeschränkt. Danach waren nur die vom Vater freiwillig anerkannten Kinder erbberechtigt. Es zeigte sich: „Die absolute Gleichheit in den ehelichen Beziehungen verflüchtigte sich wie ein Traum“.15 Dies geschah bereits im Herbst 1793 nach dem Verbot der Frauenclubs und zur gleichen Zeit, als Olympe de Gouges, Madame Roland, die Königin Marie Antoinette und zahllose andere im Terror der Revolution hingerichtet wurden. 2.2 Der 1804 verabschiedete Code civil des Français, der lediglich zwischen 1807 und 1816 sowie zwischen 1852 und 1871 die Bezeichnung Code Napoléon 13 14 15

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1061517/f1.image; für die französisch-deutsche Übersetzung beziehe ich mich auf: Napoleons Gesetzbuch / Code Napoléon, Faksimile Nachdruck der Original-Ausgabe von 1808, hg. von K. D. Wolff, Frankfurt a. M., Stroemfeld Verlag, 2001. Marcel Garaud, La révolution française et la famille, Paris, Presses Universitaires de France, 1978, S. 47 f. Philippe Sagnac, La Législation Civile de la Révolution française (1789–1804), Genève, Mégariotis Reprint, [1898] 1979, S. 301: „L’égalité absolue dans les relations conjugales a fui comme un rêve …“; vgl. auch A. H. Huusen Jr., „Le Droit du mariage au cours de la révolution francaise?“, in: Tydschrift voor Rechtsgeschiedenis (1979), sowie insbesondere Holthöfer, „Frankreich“.

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trug, gilt überall in Europa als „Meisterleistung liberaler Gesetzgebungskunst“ sowie „Dokument nationaler Größe“16 und Integration.17 Gerühmt werden seine Systematik, die klare Diktion und die Eleganz seiner Sprache. Als Beleg hierfür wird wiederholt der Romancier Stendhal zitiert, der jeden Morgen vor seiner schriftstellerischen Arbeit den Code civil gelesen haben soll „pour prendre le ton“.18 Als Beispiel diente ihm just jener Paragraf, der die völlige Rechtlosigkeit der Ehefrau knapp auf den Begriff bringt, Artikel 213 des Code civil, er lautete bis 1938: „Der Mann ist seiner Frau Schutz, die Frau ihrem Manne Gehorsam schuldig.“19 Im Einzelnen folgte daraus: Die Ehefrau stand in jeder Beziehung unter der Gewalt des Ehemannes, sie war keine selbstständige Rechtsperson. Sie bedurfte für jede Rechtshandlung in jedem Einzelfall der Genehmigung (autorisation) des Ehemannes, sowohl zur Führung ihrer Haushaltsgeschäfte als auch eines selbständigen Handelsgewerbes. Sie war weder geschäfts- noch prozessfähig (Artikel 214 ff. Cc). Sie konnte Eigentum besitzen, aber nicht erwerben oder darüber verfügen, auch nicht über den Verdienst aus eigener Erwerbstätigkeit. Selbst bei vor der Ehe vereinbarter Gütertrennung konnte die Ehefrau über ihr gehörende Grundstücke nicht ohne Genehmigung des Mannes verfügen. Denn die ehemännliche Gewalt erstreckte sich sowohl auf die Person als auf das Vermögen der Frau. Es war nicht möglich, dieses durch Vertrag zu ändern (Artikel 1388 Cc). Besonders hartherzig war die allein und uneingeschränkt väterliche Gewalt (Artikel 373 f. Cc), ihr nicht zu gehorchen, war ein Sakrileg.20 Das bedeutete, der Vater besaß Zuchtmittel und konnte ein Kind sogar einsperren lassen (Artikel 375/376 Cc). Ungleich waren auch die Voraussetzungen für eine Ehescheidung, die nur bis 1816 möglich, danach bis 1884 verboten war. Der Ehebruch des Mannes war nur Scheidungsgrund, wenn er in der ehelichen Wohnung begangen wurde (Artikel 229/230 Cc). Dagegen konnte sich der betrogene Ehemann in jedem Fall scheiden lassen und die untreue Ehefrau sogar straflos töten, falls er sie in flagranti erwischte (Artikel 336–339 Code pénal). Während ähnliche Beschränkungen der Frauenrechte zu Beginn des 19. Jahrhunderts auch in anderen Rechtskreisen zu finden sind, ist die Frauenfeindlichkeit und Rechtlosigkeit der nicht ehelichen Mütter und ihrer Kinder im französischen Zivilrecht beispiellos. Und es fällt auf, dass selbst Gebiete, die auch noch nach den napoleonischen Eroberungen dem französischen Recht unterlagen und dieses wie in den Herzogtümern Baden und in den linksrheinischen Gebieten bis 1900 beibehielten, von einigen Bestimmungen abwichen und ausdrücklich Milderungen erlaubten, weil ihnen „eine so enge Einschränkung des Rechts der Frau …“ zu hart erschien.21 Im Zentrum der Ungerechtigkeit stand das Verbot gegenüber der 16 17 18 19 20 21

Holthöfer, „Frankreich“, S. 884. Elisabeth Fehrenbach, Der Kampf um die Einführung des Code Napoléon in den Rheinbundstaaten, Wiesbaden, Steiner, 1973, S. 9. Murad Ferid, Das Französische Zivilrecht, Bd.1, Franfurt a. M., 1971, RdNr.1 A 50, Anm.76. „Le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari.“ Napoleons Gesetzbuch – Code Napoléon, Faks. Nachdruck von 1808, Frankfurt a. M., Stroemfeld 2001. Vgl. Sagnac, La Législation Civile, S. 363. Johann N. F. Brauer, Erläuterungen über den Code Napoléon und die Großherzoglich Badische

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nicht verheirateten Frau und ihrem Kind, den Vater des unehelichen Kindes für Unterhalt oder eine Entschädigung in Anspruch zu nehmen, also gerichtlich zu verfolgen. Tatsächlich war die Regelung „Die Nachforschung, wer Vater eines Kindes sei, ist untersagt“22 dem droit écrit wie dem Gewohnheitsrecht des Ancien Régime unbekannt und von den revolutionären Gesetzgebern erfunden worden (Dekret vom 2. November 1792). Denn nachdem die nicht ehelichen Kinder im Erbrecht gleichgestellt worden waren (1792, s. o.), war „man“ besorgt, dass „die ehrbarsten Familien“ der Gefahr von „skandalösen Erpressungen“ und „ungeheuerlichen Ansprüchen / Plünderungen (spoliations) ausgesetzt würden.23 So wurde „die Ehre der Frauen … der Freiheit der Väter“ geopfert.24 Die Regelung wurde auf ausdrückliches Geheiß von Napoléon in Artikel 340 Cc übernommen und bedeutete: Das uneheliche Kind hatte keinerlei Rechtsansprüche gegenüber dem Vater, es sei denn, er hatte das nicht im Ehebruch gezeugte Kind ausdrücklich anerkannt beziehungsweise unterhalten (reconnaissance ou possession d’état). Die Mutter hatte keine Rechte, erhielt auch keine staatliche Unterstützung. Um Abtreibung und Kindstötung zu verhindern, wurde lediglich das System zur Ermöglichung einer anonymen Geburt (accouchement secret), der Findelhäuser und Babyklappen (tours) ausgebaut, noch bis zur Mitte des Jahrhunderts gerichtlich bestätigt und unter bevölkerungspolitischen und nach 1870 patriotischen Gesichtspunkten toleriert. Erst nach langen Kämpfen der Frauenbewegung wurde der Artikel 340 Cc 1912 novelliert (nur in fünf Fällen wurde die Vaterschaftsklage erlaubt; z. B. bei Verführung, Vergewaltigung oder nach einem Eheversprechen), aber noch nicht abgeschafft. Erst 1972 wurde das Verbot der Vaterschaftsklage aufgehoben und erst durch Gesetze aus den Jahren 2003 und 2005 wurden uneheliche Kinder in jeder Hinsicht gleichgestellt.25 Zusammengefasst ist festzuhalten: Die Unterwerfung der Französin unter männliche Herrschaft wurde im französischen Familienrecht des 19. Jahrhunderts nicht nur neu begründet, sondern perfektioniert und bestimmte die weiblichen Lebensbedingungen in vier existentiellen Hinsichten: als Abhängigkeit beziehungsweise Unterwerfung der Ehefrau unter die Autorität des Mannes in allen ehelichen Beziehungen und Geschäften, durch die absolute Gewalt des Vaters in der Erziehung der Kinder, das Verbot der Ehescheidung und die einseitige Disziplinierung und Entrechtung der unehelichen Mutter und ihrer Kinder. Lediglich die nicht ver-

22 23 24

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bürgerliche Gesetzgebung, Karlsruhe, Müller, 1809, S. 200; zur Ehescheidung und zu den Unterhaltsrechten der nicht ehelichen Mutter und Kinder, siehe S. 245 ff. „La recherche de la paternité est interdite“. Paul Viollet, Histoire du droit civile francais, [zuerst Paris, Larose & Tenin, 1905] Aalen, Scientia, 1966, S. 511. Nadine Lefaucheur, „Unwed Mothers and Family Law in nineteenth-century France: the issues of paternity suits and anonymous delivery“, in: Stephan Meder / Arne Duncker (Hg.), Family Law in Early Women’s Rights Debates, Köln/Weimar/Wien, Böhlau, 2013, S. 84–104, hier: S. 88 (Übersetzung, U. G.). Vgl. auch dies., „The French ‚tradition‘ of anonymous birth: The lines of argument“, in: International Journal of Law, Policy and the Family, 18 (2004), S. 320–343; dies., „Accouchement sous X et mères de l’ombre“, in: Didier Le Gall / Yamina Bettahar (Hg.), La pluriparentalité, Paris, Presse Universitaire de France, S. 139–175. Lefaucheur, „Unwed Mothers“, S. 90–104.

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heiratete Frau kam in den Genuss bürgerlicher Rechte, jedoch auch sie blieb bis zum Beginn des 20. Jahrhunderts diskriminiert im Hinblick auf ihre Zeugnisfähigkeit vor Gericht, die Übernahme einer Vormundschaft sowie den Ausschluss vom Familienrat. 3. ZUR STELLUNG DER FRAU IM DEUTSCHEN RECHT 3.1 Ein Vergleich mit der Rechtslage von Frauen in Deutschland ist schwierig, weil es vor 1871 kein geeintes Deutschland und auch bis 1900 kein einheitliches deutsches Zivilgesetzbuch gab. Vielmehr galt in dem nach dem Wiener Kongress 1815 neugeordneten Deutschen Bund (bis 1866) mit insgesamt 41 souveränen Fürsten und freien Städten eine Vielfalt unterschiedlicher Rechtsquellen, Kodifikationen und Statuten, deren Geltung oftmals erst geklärt beziehungsweise erstritten werden musste. Gegenüber der Unübersichtlichkeit und Vielfalt partikularer Rechtsverhältnisse vor der Kodifikation des Bürgerlichen Gesetzbuches (BGB) von 1900 stand somit der französische Code civil mit seiner klaren Begrifflichkeit und Systematik für die Modernität bürgerlichen Rechts. Um die Buntscheckigkeit der Rechtsverhältnisse, den sogenannten Rechtspartikularismus, ein wenig zu ordnen, sind vier Rechtskreise oder Rechtsregime zu nennen: 1. der auch in Teilen Deutschlands mit Abweichungen und Milderungen geltende französische Code civil (s. o.); 2. das sogenannte gemeine Recht, d. i. das aus der Rezeption des römischen Rechts hervorgegangene Gewohnheitsrecht, das die Grundlage örtlicher Statuten bildete und überall dort galt, wo es nicht durch Einzelgesetze oder Kodifikationen außer Kraft gesetzt war. Im Gegensatz zu der im französischen Recht übernommenen Traditionslinie, war das gemeine Recht im deutschen Kontext für Frauen verhältnismäßig günstiger, da im Anschluss an das spätrömische Eherecht die Eheschließung keine Auswirkungen auf die Rechtstellung der Frauen hatte, Ehefrauen also geschäftsfähig waren und Eigentum besitzen und verwalten konnten. Hingegen war das gemeine Recht im Kindschaftsrecht umso härter und patriarchalischer. 3. Das sächsische Recht bewahrte im Eherecht am deutlichsten die Traditionen der Rechtsbücher des Mittelalters (z. B. des Sachsenspiegels), charakteristisch hierfür war die sogenannte Geschlechtsvormundschaft, die in einer Verbindung von Bevormundung und Schutz der Frauen, auch der unverheirateten, ihre Handlungsfähigkeit im Rechtsverkehr beschränkte, jedoch seit dem 18. Jahrhundert immer mehr an Bedeutung verlor.26 Im Folgenden behandelt wird nur 4. das Allgemeine Preußische Landrecht (ALR), das 1794 verabschiedet, bis zum Ende des Jahrhunderts am weitesten verbreitet war und die Grundlage für die Kodifikation des BGB und der rechtswissenschaftlichen Diskurse bildete.27 26

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Vgl. hierzu Ernst Holthöfer, „Die Geschlechtsvormundschaft. Ein Überblick von der Antike bis ins 19. Jahrhundert“, in: Ute Gerhard (Hg.), Frauen in der Geschichte des Rechts: Von der Frühen Neuzeit bis zur Gegenwart, München, Beck, 1997, S. 390–451; Wilhelm Theodor Kraut, Die Vormundschaft nach den Grundsätzen des deutschen Rechts, 3 Bde, Bd.1 1839; Bd. 2 1847, Göttingen, Dietrich, S. 1839–1859. Hans Hattenhauer (Hg.), Allgemeines Landrecht für die Preußischen Staaten von 1794. Text-

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3.2 Das ALR, das am Übergang von feudalem zu bürgerlichem Recht aus einer Mischung aus Aufklärung und obrigkeitlicher Gängelung bestand und wegen seiner Umständlichkeit und Ausführlichkeit (insgesamt 20.000 Paragrafen) von der Rechtswissenschaft vielfach gescholten wurde, ist gleichwohl in Bezug auf die Rechte der Frauen verhältnismäßig frauenfreundlich gewesen. Schon erste Kommentatoren befürchteten, das Gesetzbuch werde „das preußische Land bald zu einem wahren Paradies der Weiber machen.“28 Zwar war auch hier trotz ausdrücklicher Gleichberechtigung beider Geschlechter (§ 24 I.1. ALR) der Mann „das Haupt der ehelichen Gemeinschaft“, er bestimmte Wohnsitz, Namen und Stand und war Verwalter und Nutznießer des gemeinsamen Vermögens (§§ 184 f. II.1. ALR). Doch die Ehefrau war partiell geschäftsfähig, sie besaß in Bezug auf die alltäglichen Geschäfte des Haushalts die sogenannte Schlüsselgewalt und war selbstständige Rechtsperson, wenn der Mann verhindert war. Außerdem konnte sie über ihr Eigentum selbständig verfügen, wenn dieses durch Vertrag „vorbehalten“ war (§§ 205, 208 II.1. ALR).29 Auch im ALR galt die Ehe wie im Code civil als zivilrechtlicher Vertrag und richtete sich gegen die kanonische Rechtsauffassung von der Ehe als Sakrament und gegen die kirchliche Jurisdiktion. Aus diesem Grund war das Scheidungsrecht ausgesprochen liberal, da neben den üblichen Scheidungsgründen (Ehebruch, böswilliges Verlassen, Versagung der ehelichen Pflicht etc.) auch die Scheidung wegen einseitiger „unüberwindlicher Abneigung“ möglich war (§§ 668 ff. II.1. ALR). Frauenfreundlich und wohlwollend – möglicherweise aus bevölkerungspolitischen Gründen – aber waren insbesondere die großzügigen Ansprüche, die das ALR den unehelichen Müttern und ihren Kindern nicht nur gegenüber den Vätern, sondern auch gegenüber den Eltern des Erzeugers, also den Großeltern, gewährte. Dazu gehörten neben Alimenten und Wochenbettkosten auch Ansprüche auf eine Abfindung in der Höhe einer schuldlos geschiedenen Ehefrau, wenn der Frau die Ehe versprochen war (§§ 1028 f., 1049 II.1. und 592 ff. II.2. ALR). Diese Regelungen waren von Anfang an ein Stein des Anstoßes und galten bei Konservativen und Klerikalen nicht nur in Preußen als „lax“ und „frivol“, weil illegitime Beziehungen zunehmend die Grundordnung der bürgerlichen Gesellschaft, die Familie, gefährdeten. Um die Mitte des 19. Jahrhunderts gelang es prominenten Vertretern der Rechtswissenschaft wie dem Gesetzgebungsminister in Preußen, F. C. von Savigny, in Koalition mit konservativ-kirchlichen Kreisen eine Scheidungsreform durchzusetzen, die den Scheidungsprozess erheblich erschwerte und sogar die Bestrafung des schuldigen Ehegatten von Amts wegen ermöglich28 29

ausgabe mit einer Einführung, Frankfurt a. M./Berlin, Metzner, 1970. Johann Georg Schlosser, Briefe über die Gesetzgebung überhaupt und den Entwurf des preußischen Gesetzbuchs insbesondere, [zuerst Frankfurt a. M., Fleischer, 1789], Reprint ed. Glashütten, Auvermann, 1970, S. 279. Auch zum Folgenden Hans Hattenhauer, „Einführung in die Geschichte des Preußischen Allgemeinen Landrechts“, in: Hattenhauer, Allgemeines Landrecht, S. 11–39; Susanne WeberWill, Die rechtliche Stellung der Frau im Privatrecht des Preußischen Allgemeinen Landrechts von 1794, Frankfurt a. M./Bern/New York, Peter Lang, 1983; Ute Gerhard, Verhältnisse und Verhinderungen: Frauenarbeit, Familie und Rechte der Frauen im 19. Jahrhundert: mit Dokumenten, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1978, S. 154–189.

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te.30 Nach dem Scheitern der 1848er Revolution wurde zudem von den Abgeordneten des Preußischen Herrenhauses in ausdrücklicher Anlehnung an die rigiden Vorschriften des Code civil ein Gesetz beschlossen, das die Rechte der nicht ehelichen Mutter erheblich schmälerte, insbesondere die Einrede des Mehrverkehrs zuließ – d. i. die Behauptung, die Betreffende habe auch mit anderen Männern verkehrt – sowie die Haftbarkeit der Großeltern aufhob. Gleichzeitig wurden die Eigentumsrechte der Ehefrau durch für sie nachteilige Rechtsvermutungen in der sogenannten herrschenden Lehre der Rechtswissenschaft praktisch beseitigt – Verschlechterungen, die allesamt in das 1900 in Kraft getretene deutsche BGB übernommen wurden, trotz großer und anhaltender Massenproteste der zum Ende des 19. Jahrhunderts starken bürgerlichen Frauenbewegung. Nur zeitlich verschoben gegenüber dem französischen Code civil hat sich somit in Deutschland im Laufe des 19. Jahrhunderts mit der Verbürgerlichung der Gesellschaft und mit Hilfe der Rechtswissenschaft ein neuer bürgerlicher Patriarchalismus etabliert, der sich angesichts der Denkbarkeit der Freiheit und Gleichheit aller Menschen von da an in immer neue Widersprüche verwickelte. 4. SKIZZE DER RECHTSKÄMPFE DER FRAUENBEWEGUNGEN IN FRANKREICH UND DEUTSCHLAND Die Frage bleibt, was konnten Frauenbewegungen dagegen ausrichten? 4.1 Zunächst: Es waren Französinnen, die durch ihre Mitwirkung in der Revolution und ihr kompromissloses und kühnes Eintreten für die Menschenrechte auch der Frauen allen Nachkommenden den Weg bereitet haben. Sie haben die Parole der Freiheit und Gleichheit als Recht jeder und jedes Einzelnen und als leitendes Prinzip einer auch geschlechtergerechten Gesellschaftsordnung reklamiert. Wie ungeheuerlich diese Forderungen für viele Zeitgenossen auch in den Nachbarländern Frankreichs waren, wird an den Reaktionen, dem immer wieder beschworenen Schrecken in Text („da werden Weiber zu Hyänen“, vgl. Schillers Ballade „Die Glocke“) und Bild31 sowie den bis heute andauernden Anstrengungen der Geschichtswissenschaft deutlich, diese Frauen zu denunzieren oder lächerlich zu machen.32 Und es waren nicht nur einzelne, deren Namen wir gerade noch kennen, sondern eine soziale und erste politische Bewegung der Frauen, die die neue Weltordnung und Zeit mitgestalten wollten.33 Neben vielen anderen Zeugnissen ist für mich die „Die Erklärung der Rechte der Frau und Bürgerin“ der Olympe de Gouges ein unschätzbares Rechtsdokument, weil es präzise und knapp – die sogenannte Allgemeine Menschenrechtserklärung 30 31 32 33

Vgl. Gerhard, Verhältnisse, S. 147; vgl. auch Dirk Blasius, Ehescheidung in Deutschland 1794–1945, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1987. Vgl. zur publizistischen Historisierung durch Satirezeitschriften den Beitrag von Ursula Koch im vorliegenden Band. Allen voran Jules Michelet, Les Femmes de la Révolution, Paris, Delahays, 1854. Susanne Petersen, Marktweiber und Amazonen. Frauen in der Französischen Revolution, Köln, Pahl-Rugenstein, 1987.

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paraphrasierend – auf den Begriff brachte, worum es ging: nicht um Sonderrechte für die Frauen, sondern um gleiche Freiheiten und gleiche Teilhabe an allen Institutionen in Staat und Gesellschaft.34 Der Text weicht nur dann von der Vorlage ab, wenn de Gouges versucht, besondere Unrechtserfahrungen von Frauen und die Ausschlussmechanismen männlicher Politik in die Sprache des Rechts zu übersetzen. So wenn sie ausdrücklich darauf hinweist, dass „die Nation […] nichts anderes [sei] als die Vereinigung von Frau und Mann“ (Artikel 3) oder, wenn sie „Freiheit“ in einem Atemzug mit „Gerechtigkeit“ einklagt, die durch „die kontinuierliche Tyrannei des Mannes“ verletzt werde (Artikel 4). Zu detailliert und unpassend für einen Verfassungstext wirkt insbesondere der Artikel 11 über die Meinungsfreiheit, in dem sie auf dem Recht der Frauen besteht, den Vater ihres Kindes zu benennen und verantwortlich zu machen. Erst vor dem Hintergrund der Geschichte des oben erwähnten Artikels 213 des Code civil ist zu verstehen, wie existentiell und weitsichtig diese Forderung für die Französinnen bis ins 20. Jahrhundert war. In den deutschen Landen, wo für aufmerksame Beobachter dieser Zeit auch „die Menschenrechte von den Dächern gepredigt wurden“,35 waren Frauenrechte jedoch kein Thema – mit Ausnahme z. B. des Aufklärers Theodor Gottlieb von Hippel. Stattdessen übten sich die Romantikerinnen, eine literarische Avantgarde, in der Kultur weiblicher Subjektivität, entwickelten gegenüber der kalten Rationalität der Aufklärung eine „Emanzipation der Herzen und des weiblichen Verstandes“. In der Geschichte der Frauen wird diese Zeit später als „Wachswetter für die weibliche Individualität“ für sehr bedeutsam gehalten.36 Die Kritik der Romantikerinnen galt auch „den bürgerlichen Institutionen, die das Leben der Frauen bestimmen – die Familie, die monogame und unauflösliche Ehe, die natürliche Rolle der Mutter und Erzieherin […] Allerdings: man kümmert(e) sich nicht um die rechtlich-institutionelle Ebene, sondern blieb auf der persönlichen.“37 Wie wenig dieser Diskurs politisch wirksam war, wird an einem Kommentar deutlich, der 1804 in den Annalen der Gesetzgebung und Rechtsgelehrsamkeit zu lesen war: „Noch immer ist unser Geschlecht [das männliche] das herrschende. Heimliche Einfälle in unser Gebiet können nicht als eine Erweiterung der gegenseitigen Grenzen betrachtet werden. Die bürgerliche Macht befindet sich allein in unseren Händen, und wir können sie wohl nicht edler als zum Schutz des schwächeren Geschlechts anwenden.“38 34 35

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Ausführlich Ute Gerhard, Gleichheit ohne Angleichung. Frauen im Recht, München, Beck, 1990, S. 49 ff.; vgl. auch Karl Heinz Burmeister, Olympe de Gouges. Die Rechte der Frau 1791, Bern/Wien, Stämpfli Manz, 1999. Theodor Gottlieb von Hippel, Über die bürgerliche Verbesserung der Weiber, Berlin, Voß, 1792.Vgl. Gisela Shaw, „Theodor Gottlieb von Hippel (1741–1796) als Wegbereiter der Frauenbewegung in Deutschland: ‚Lachender Philosoph‘ oder ‚Prophet‘?“, in: German Life and Letters, 54/4 (2001), S. 273–290. Helene Lange, Die Frauenbewegung in ihren modernen Problemen, Leipzig, Quelle & Meyer, 1908, S. 23. Ulrike Prokop, Weiblicher Lebenszusammenhang: von der Beschränktheit der Strategien und der Unangemessenheit der Wünsche, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1976, S. 146, 148. Ernst Ferdinand Klein, „Muß das weibliche Geschlecht mit dem männlichen durchgehends gleiche Rechte haben?“, in: Annalen der Gesetzgebung und Rechtsgelehrsamkeit von den Preußischen Staaten, Berlin, Nicolai, 1789, S. 203.

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Die Reaktion auf die demgegenüber radikalen Rechtsforderungen der Französinnen, festgezurrt im Code civil, war so misogyn, disziplinierend und diskriminierend, dass alle Bestrebungen der französischen Frauen nur radikal und kompromisslos sein konnten. Ein „revolutionärer Stil“ gehörte von da an zum politischen „Erbe“39 auch des französischen Feminismus. Das Problem war nur, dass es für die lange Reihe kühner und radikaler Frauenrechtlerinnen in der französischen Frauenbewegung schwierig war, gegen die durch das geltende Recht gestützten Machtverhältnisse auch unter den Geschlechtsgenossinnen Mehrheiten zu gewinnen. Zwar ebnet die Radikalität einiger den weniger Radikalen, den „Gemäßigten“, den Weg, oder wie es Hubertine Auclert, die später auch den Begriff „Feminismus“ in Umlauf brachte,40 ausdrückte: „Neue Ideen sind wie grüne Früchte, die jeder ablehnt, die aber jeder begehrt, wenn sie in der Sonne gereift sind.“41 Doch es blieb mühsam, da sich Erfolge erst 100 Jahre später einstellten. 4.2 Wegmarken (1832–1946): 1832–1848: Grundsätzlich haben gesellschaftliche Umbrüche beziehungsweise revolutionäre Erhebungen auch in der Geschichte der Frauenbewegungen „politische Gelegenheitsstrukturen“42 geschaffen, um Gerechtigkeit jenseits des geltenden Rechts zu fordern. Das gilt für die Frühsozialistinnen, die es nach der Juli-Revolution 1830 in Frankreich verstanden, ihre Unrechtserfahrungen als Arbeiterinnen und Ehefrauen mit grundlegender Gesellschaftskritik zu verbinden, und 1832 in ihren Zeitschriften La femme libre. Apostolat des femmes u. a. gegen die Versklavung des weiblichen Geschlechts zu protestieren.43 Einige von ihnen, darunter Jeanne Deroin, Eugénie Niboyet und Pauline Roland nahmen in der 1848er Revolution den Kampf um die Rechtsgleichheit der Frauen wieder auf. Sie gründeten Zeitschriften, kämpften leidenschaftlich für das Recht auf Arbeit als Basis für die Lösung der „sozialen Frage“, organisierten Frauenclubs und ein Komitee für Frauenrechte (Comité des droits de la femme). Insbesondere aber forderten sie – nachdem 1848 als Zugeständnis an die Revolution „alle“ Franzosen das Wahlrecht erhalten hatten – neben der Reform des Familienrechts das Stimmrecht auch der Frauen. Jeanne Deroin, die sich schließlich selbst als Kandidatin aufstellen ließ und kühn die Wahltribunen zur Propaganda nutzte, verlor. Mit der 39

40 41 42 43

Françoise Picq, Libération des femmes, quarante ans de mouvement, Brest, edition-dialogue.fr, 2011, S. 424; vgl. auch dies., „The History of the Feminist Movement in France“, in: Gabriele Griffin / Rosi Braidotti (Hg.), Thinking Differently. A Reader in European Women’s Studies, London/New York, Zed Books, 2002, S. 313–320, hier: S. 318. Bidelman, Pariahs Stand Up!, S. 237; vgl. hierzu auch Karen Offen, European Feminisms 1700–1950. A Political History, Stanford, Stanford University Press, 2000, S. 183; Gerhard, Frauenbewegung und Feminismus, S. 8. Steven C. Hause, Hubertine Auclert. The French Suffragette, New Haven/London, Yale University Press, 1987, S. 218 (Rückübersetzt aus dem Englischen, U. G.). Herbert Kitschelt, „Politische Gelegenheitsstrukturen in Theorien sozialer Bewegungen heute“, in: Klein/Legrand/Leif (Hg.), Neue soziale Bewegungen, S. 144–163. Claudia von Alemann / Dominique Jallamion / Bettina Schäfer (Hg.), Das nächste Jahrhundert wird uns gehören. Frauen und Utopie 1830 bis 1840, Frankfurt a. M., Fischer, 1981; Helga Grubitzsch / Coretta Lagpacan, „Freiheit für die Frauen – Freiheit für das Volk“. Sozialistische Frauen in Frankreich 1830–1848, Frankfurt a. M., 1980; Moses, French Feminism, S. 61 ff. auch zum Folgenden.

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Niederschlagung der Revolution wurden als erstes die Frauenvereine verboten, die Pressefreiheit eingeschränkt und Deroin wie viele andere ins Gefängnis geworfen, danach zur Emigration gezwungen.44 Für Deutschland bildete die 1848er Revolution den Anfang einer ersten Frauenbewegung, die sich nach Paris in vielen europäischen Städten (in Wien, Berlin, Mailand und Venedig, Prag und Lemberg, Mainz und Dresden) in den „Aufbruch zur Freiheit“ einreihte, um der politischen Restauration, insbesondere der führenden Großmacht Österreich, aber auch Preußen, die Stirn zu bieten. „Frauen auf den Barrikaden der Revolution“ wurden als Heldinnen stilisiert, beteiligten sich an der neuen Öffentlichkeit durch Schriften und Zeitungskommentare, engagierten sich in der sozialen Frage und stürmten die Tribünen der Frankfurter Paulskirche, in der ein erstes deutsches Parlament um eine liberale Verfassung und die Einheit Deutschlands rang. Doch als die Frauen feststellen mussten, dass sie bei der Beschlussfassung über das allgemeine Wahlrecht wieder einmal „vergessen wurden“,45 wurde ihnen klar, dass sie sich selbst organisieren mussten. Sie gründeten Arbeiterinnenassoziationen und demokratische Frauenvereine sowie eigene Frauenzeitschriften. Die Frauenzeitung Dem Reich̓ der Freiheit werb̓ ich Bürgerinnen, 1849 herausgegeben von der „roten Demokratin“ Louise Otto in Sachsen, dokumentiert die Ereignisse und entwickelte sich zum Sprachrohr und zur Plattform eines Netzwerkes von Frauenvereinen in ganz Deutschland.46 Als die Revolution niedergeschlagen, das Frankfurter Gelehrtenparlament aufgelöst, eine freie Presse sowie alle demokratischen Vereine verboten wurden, wurden per Gesetz ausdrücklich die Frauenpresse untersagt und die demokratischen Frauenvereine wie die Arbeitervereine mit aller Härte verfolgt. Diese Vereinsgesetze, die Frauen wie Minderjährigen jegliche politische Betätigung in Versammlungen oder Vereinen verboten, blieben in den meisten deutschen Staaten bis 1908 in Kraft und haben die Aktionsmöglichkeiten der deutschen Frauenbewegung mehr als ein halbes Jahrhundert entscheidend behindert und geprägt. Ähnlich wie die Sozialistengesetze, die zwischen 1878 und 1890 die „gemeingefährlichen Bestrebungen der Sozialdemokratie“ verhindern sollten, wurde damit jeglicher Frauenpolitik, der es um Frauenrechte und Verfassungsfragen ging, ein Maulkorb umgehängt – eine Maßregelung, die ähnlich folgenreich war wie die Disziplinierung der Französinnen im Zivilrecht durch den französischen Code civil, aber auf die unterschiedlichen Rahmenbedingungen der Frauenbewegungen beider Länder verweist. Um 1870: In beiden Ländern nahm die Frauenbewegung zum Ende der 1860er Jahre einen Aufschwung, in Frankreich zusammen mit dem Erstarken der republikanischen Opposition und nach 1871 in enger Bindung an die Dritte Republik,47 44 45 46 47

Joan W. Scott, Only Paradoxes to Offer: French Feminists and the Rights of Man, 2. Aufl., London, Harvard University Press, 1998, S. 57 ff. Louise Otto, „Die Freiheit ist unteilbar [1849]“, in: Ute Gerhard et. al. (Hg.), „Dem Reich der Freiheit werb̓ ich Bürgerinnen“ – Die Frauenzeitung von Louise Otto [no. 1/1849], Frankfurt a. M., Syndikat, 1979, S. 37. Ebd. Für Frankreich im Folgenden Klejman/Rochefort, L’Egalité en marche, S. 31 f. und Rochefort, „The French Feminist Movement“.

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in Deutschland im Zuge der Liberalisierung von Presse und Meinungsfreiheit.48 Doch zunächst blieben die Zielsetzungen der seit 1865 organisierten bürgerlichen Frauenbewegung in Deutschland auf Mädchen- und Frauenbildung und „das Recht der Frauen auf Erwerb“ und den Ausbau sozialer Hilfstätigkeiten zu professioneller Sozialarbeit beschränkt – Gebiete, auf denen sie bis zum Beginn des 20. Jahrhunderts ihre größten Erfolge errang. Jedoch war die gemäßigte Mehrheit auch in Abgrenzung zur erstarkenden proletarischen Frauenbewegung immer wieder bemüht, explizit politische Forderungen zu vermeiden. Hingegen stand der Kampf ums Recht, gegen die Verweigerung von Frauenrechten im zivilen wie im öffentlichen Recht, von Anbeginn und durchgehend im Zentrum der französischen Frauenbewegung. Das belegen allein die Namen der Vereine, die Titel von Frauenzeitschriften und Kongressen: Das galt für die von Léon Richer und Maria Deraismes 1869 gegründete Zeitschrift Le Droit des femmes und den nachfolgenden Verein Association pour le droit des femmes, 1870; die von Hubertine Auclert 1876 gegründete, radikalere Vereinigung Droit des femmes oder auch für den ersten internationalen Kongress Le congrès français et international du Droit des femmes von 1878.49 Hauptangriffspunkt war immer wieder der Code civil. Unermüdlich wurden detaillierte Vorschläge für die Reform der einzelnen Unrechts-Artikel des Code civil erarbeitet, die die inferiore Stellung der Frau im Zivilrecht betrafen, einschließlich der Forderung nach dem Recht auf Arbeit, gleichem Lohn sowie der Ermöglichung der Vaterschaftsklage – doch sehr lange ohne Erfolg.50 „Das feministische Projekt“, so erklärt Florence Rochefort die Entwicklung der Frauenbewegung nach 1871, „einst revolutionär, wurde reformistisch in der Zielsetzung und im Ton […]. Die Besonderheit der französischen Bewegung liegt darin, wie sie mit dem Schicksal der Republik verknüpft war […]. Die Republikaner an der Macht aber waren […] Gegner des feministischen Projekts.“51 „Es ist nicht die Republik, es sind die Republikaner, die gegen uns sind“, versicherte auch Maria Deraismes.52 Die Sozialisten, die in Anlehnung an den Proudhon’schen Antifeminismus Frauen grundsätzlich des Klerikalismus und Konservatismus verdächtigten, waren ebenfalls keine zuverlässigen Verbündeten. Um die Republik nicht zu gefährden, vertrat die Mehrheit der bürgerlichen Frauenbewegung daher seit den 1870er Jahren eine Politik der „kleinen Schritte“ (politique de la brèche) – die gleiche Zurückhaltung leitete zu dieser Zeit die Mehrheit in der deutschen Frauenbewegung. Im Gegensatz dazu vertrat Hubertine Auclert eine radikalere Politik (stratégie de l’assault), da für sie die Republik nur unter gleichberechtigter Beteiligung der 48

49 50 51 52

Helene Lange / Gertrud Bäumer (Hg.), Handbuch der Frauenbewegung. Die Geschichte der Frauenbewegung in den Kulturländern, Bd. 1, Berlin, Moeser, 1901; Herrad-Ulrike Bussemer, Frauenemanzipation und Bildungsbürgertum. Sozialgeschichte der Frauenbewegung in der Reichsgründungszeit, Weinheim/Basel, Beltz, 1985; Angelika Schaser, Frauenbewegung in Deutschland 1848–1933, Darmstadt, Wiss. Buchgesellschaft, 2006; sowie Gerhard, Unerhört. Klejman/Rochefort, L’Egalité en marche, S. 45 ff. und 83 f. Rochefort, „The French Feminist Movement“, S. 82; zur Vaterschaftsklage vgl. Lefaucheur, „Unwed Mothers“, S. 95 f. Rochefort, „The French Feminist Movement“, S.83 f. (Übersetzung, U. G.). Zitiert nach Rochefort, „The French Feminist Movement“, S. 87.

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Frauen demokratisch war. Sie gab darum dem Frauenwahlrecht die absolute Priorität vor allen anderen Rechtsforderungen, gründete entsprechende Vereine und Zeitschriften (z. B. La Citoyenne von 1882–1891), kämpfte in wechselnden Koalitionen mit Feministinnen und Sozialisten, reichte ein Vielzahl von Petitionen ein und praktizierte Methoden des zivilen Ungehorsams, die später auch für die englischen Suffragetten typisch waren: Sie organisierte Demonstrationen, einen Steuerboykott oder die Störung von Heiratszeremonien, bei denen nach französischer Sitte (so wie Napoléon einst verlangt hatte) der berüchtigte Gehorsamsparagraf Artikel 213 des Code civil verlesen wurde. Sie wurde deshalb mehrfach verhaftet und vor Gericht gestellt, aber auch von ihren früheren Weggefährten ausgegrenzt und geriet zunehmend in eine Außenseiterposition. Nach 1890: Die Folge dieser Uneinigkeit war, dass die französischen Feministinnen, die sich doch so früh international ausgerichtet und für Frauenrechte profiliert hatten, auf der internationalen Ebene nach 1890 ins Hintertreffen gerieten und im International Council of Women (ICW) von den Amerikanerinnen regelrecht ausgebotet wurden.53 Zwar hatten sie zum Ende des 19. Jahrhunderts einige Rechtsverbesserungen erlangt, z. B. die Einrichtung staatlicher höherer Mädchenschulen und Kollegien (1880); das Recht, ein Konto bei den Sparkassen anzulegen (1881); die Aufhebung des Verbots der Ehescheidung (1884) oder ein Zeugnisrecht vor Gericht (1897). Aufgrund einer im Vergleich frühen Öffnung der Universitäten für Frauen (1863) folgte die Zulassung zum Anwaltsberuf oder als Ärztin. Doch die zu Beginn des 20. Jahrhunderts in viele Richtungen zersplitterte Bewegung konnte sich erst 1901 auf die Gründung eines nationalen Frauenrates (Conseil national des femmes françaises) verständigen, der sich ab 1906 auch in einer Sektion für das Frauenwahlrecht einsetzte. In Deutschland nahm die Frauenbewegung erst in den 1890er Jahren den Kampf um Frauenrechte auf, als den Feministinnen nach der Veröffentlichung eines ersten Entwurfs eines einheitlichen Zivilgesetzbuches klar wurde, dass die seit 1874 betriebene Kodifikation weiterhin die Unterordnung und teilweise Rechtlosigkeit der Ehefrauen befestigte. Auch in Deutschland war die Frauenbewegung in verschiedene Richtungen gespalten. Zwar hatten sich die liberalen Vereine 1894 zum nationalen Bund deutscher Frauenvereine (BDF) zusammengeschlossen, doch die Sozialistinnen (mit Rücksicht auf das noch gültige Vereinsgesetz) ausgeschlossen. Für die unter der Führung von Clara Zetkin erstarkende proletarische Frauenbewegung war dies ein Anlass, von da an eine Politik der „reinlichen Scheidung“ zu betreiben, „Seite an Seite mit den Genossen“ gegen die Frauen der herrschenden Klasse.54 Doch im Kampf um die Rechte der Frau und gegen das BGB waren sie sich ausnahmsweise einig. So kam es zu Massenkundgebungen, Protestversammlungen und Petitionen sowie einer Flut von Schriften, wie es vorher undenkbar war. Und doch hatte bis auf geringfügige Verbesserungen auch dieser abschätzig als „Frauenlandsturm“ bezeichnete Protest keinen Erfolg.55 Es bedurfte großer An53 54 55

Vgl. hierzu im Einzelnen: Hause, Hubertine Auclert, S. 176–182. Clara Zetkin, „Reinliche Scheidung“, in: Die Gleichheit, 8 (1894), S. 63. Ute Gerhard, Unerhört, S. 225 f.; im Einzelnen Beatrix Geisel, Klasse, Geschlecht und Recht, Baden-Baden, Nomos, 1997, S. 93 f.

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strengungen, um alle die Bestimmungen des BGB, die die Frauen damals schon als „unwürdig, unzeitgemäß und kulturhemmend“ kritisiert hatten,56 nach 1949, nach der Verankerung der Gleichberechtigung in Artikel 3 des Bonner Grundgesetzes, in vielen Reformschritten (1957–1977) zu berichtigen. Mit der Bewusstwerdung der „Frauenfrage als Rechtsfrage“,57 wozu insbesondere die Aktivitäten des linken Flügels im BDF, die sogenannten Radikalen, beigetragen hatten, und getragen von einer internationalen Frauenbewegung gilt die Zeit zwischen 1900 und 1914 gleichwohl als Blütezeit der historischen Frauenbewegung in Deutschland. Nach dem Zusammenbruch des Kaiserreichs, dem „Bankrott der Männerherrschaft“,58 wurde den Frauen in Deutschland durch Beschluss des von Sozialisten gebildeten Rats der Volksbeauftragten das Stimmrecht erteilt. In Frankreich wurden Frauen erst nach dem Ende der Dritten Republik und dem Ende des Vichy-Regimes durch eine Übergangsregierung unter der Führung von Charles de Gaulle am 21. April 1944 endlich als gleiche Staatsbürgerinnen anerkannt.59 Seit 1946 garantiert Artikel 4 der Verfassung der Vierten Republik Frauen in allen Bereichen die gleichen Rechte wie Männern. 5. SCHLUSSTHESE Die Befestigung neuer patriarchaler Vorrechte trotz einer von den Prinzipien der Freiheit und Gleichheit geleiteten bürgerlichen Gesellschaft in Frankreich und Deutschland – im französischen Code civil von 1804 und in der deutschen Rechtslehre seit der Jahrhundertmitte entwickelt und im BGB von 1900 kodifiziert – ist als „Patriarchalismus im Gegenstoß“ oder „Sekundärpatriarchalismus“60 bezeichnet worden. Denn dieser spezifisch bürgerliche Patriarchalismus war nicht einfach eine Fortsetzung traditioneller Privilegien, sondern hat nach der grundsätzlichen Infragestellung hergebrachter Ungleichheiten mit dem Instrument des Familienrechts und einer neuen „Ordnung der Familie“61 versucht, wenigstens im Privaten neue Halterungen und Stützen zu finden. In Frankreich zwischen 1789 und 1804 wird diese patriarchale Reaktion wie im Zeitraffer vorgeführt, wie in einem dramatischen Schauspiel mit allen verfügbaren Argumenten zur Ideologie der Geschlechterdifferenz und mit juristischen Machtmitteln. Die Reaktion der bürgerlichen Revolutionäre war in Frankreich im „Umbruch der Mentalitäten“62 ungleich heftiger und despotischer, weil mit dem Ancien Régime gründlicher und radikaler aufgeräumt wurde. Nicht zuletzt hat die politi56 57 58 59 60 61 62

BDF-Aufruf, in: Die Frauenbewegung, 12 (1896), S. 114 f. Anita Augspurg, „Gebt Acht, solange noch Zeit ist!“, in: Die Frauenbewegung, 1 (1895), S. 4. Helene Stöcker, „Die Frauen und die Parteien“, in: Die Frau im Staat, 1 (1919), S. 6. Vgl. Bard, Die Frauen, S. 180 ff. Vgl. René König, „Familie und Autorität: Der deutsche Vater im Jahre 1955“, in: ders., Materialien zur Soziologie der Familie, Köln, Kiepenheuer & Witsch, 1974, S. 218. Jacques Donzelot, Die Ordnung der Familie, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1980. Michel Vovelle, Die Französische Revolution. Soziale Bewegung und Umbruch der Mentalitäten, München, Oldenbourg, 1982, S. 52.

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sche Beteiligung der Frauen in der Französischen Revolution schärfere Reaktionen und Repressionen provoziert als in Deutschland, wo die Verhältnisse zu jener Zeit anscheinend noch mit obrigkeitlichem Wohlwollen zu beschwichtigen waren. In Deutschland setzte die Reaktion rechtspraktisch und politisch erst nach der 1848er Revolution und dem Auftreten einer ersten Frauenbewegung ein. Am nachhaltigsten wirkte die Repression durch den politischen Ausschluss von Frauen in den Presse- und Vereinsgesetzen nach 1850. Auch hier wurde die „männliche Herrschaft“63 zunehmend von innen abgestützt durch eine reaktionäre Wende im Familienrecht in der Mitte des Jahrhunderts. Dieser spezifisch bürgerliche Patriarchalismus, der die Bevormundung der Frau nicht mehr der „Schwäche des weiblichen Geschlechts“, sondern mit ihrem Schutzbedürfnis legitimierte, verlernte im Laufe des 19. Jahrhunderts sein Wohlwollen und seine fürsorgliche Seite in der Konkurrenz um Erwerbschancen und Stellen (deshalb der Ausschluss vom Universitätsstudium in Deutschland bis 1908). Er wurde auch in Deutschland schriller im Ton, antifeministisch und frauenfeindlicher, als die Frauenbewegung zum Ende des Jahrhunderts zunehmend selbstbewusster und radikaler gleiche Bürgerinnenrechte einklagte. Und doch waren alle mühsamen Rechtsfortschritte des 20. Jahrhunderts für Französinnen und Deutsche nichts anderes als Abschlagzahlungen auf die Forderungen nach mehr Recht und Gerechtigkeit in den Geschlechterbeziehungen, die die Feministinnen um 1900 bereits auf die politische Tagesordnung gesetzt hatten.

63

Pierre Bourdieu, „Die männliche Herrschaft“, in: Irene Dölling / Beate Krais (Hg.), Ein alltägliches Spiel. Geschlechterkonstruktion in der sozialen Praxis, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1997, S. 153–217.

L’ARMÉE A-T-ELLE PEUR DES FEMMES ?

La « condition féminine » au miroir des armées européennes au XIXe siècle Mathieu Marly Résumé La féminisation contemporaine des armées a été précédée d’un lent processus d’exclusion et de ségrégation de la présence féminine amorcée au XVIIe siècle et dont l’apogée se situe à la fin du XIXe siècle. Les causes de cette exclusion sont recherchées à travers la synthèse d’un ensemble de travaux portant sur les armées britanniques, allemandes et françaises au XIXe siècle. Ce processus semble répondre à un ensemble de dynamiques, plus ou moins prononcées selon les armées : définition masculine de la citoyenneté, combat contre les maladies vénériennes, moralisation de la vie militaire et renforcement de la discipline. Pour les femmes présentes dans les régiments au XIXe siècle, de plus en plus rares, l’intégration est soumise à une forte emprise disciplinaire et une définition plus stricte des rôles féminins (employées militaire / femmes mariées / prostituées).

Zusammenfassung Der zeitgenössischen Feminisierung der Armeen ist ein langer Prozess der Ausgrenzung und Segregation von Frauen vorangegangen, der im 17. Jahrhundert begann und seinen Höhepunkt Ende des 19. Jahrhunderts erreichte. Die Ursachen dieser Ausgrenzung werden in diesem Beitrag untersucht anhand einer Reihe von Arbeiten über die britischen, deutschen und französischen Armeen im 19. Jahrhundert. Diese Entwicklung scheint auf verschiedene Triebkräfte zurückzuführen zu sein, die je nach Armee mehr oder weniger ausgeprägt waren: als männlich definierte Staatsbürgerschaft, Kampf gegen Geschlechtskrankheiten, sittlich-moralische Aufwertung des militärischen Lebens und Betonung der Disziplin. Für die in den Regimentern des 19. Jahrhunderts immer weniger werdenden Frauen war die Aufnahme einer starken Disziplinargewalt und einer strikteren Definition der Frauenrollen (Militärbedienstete / verheiratete Frauen / Prostituierte) unterworfen.

Les avancées récentes de la féminisation des armées européennes – notamment dans les armes combattantes – peuvent apparaître comme une ultime conquête féminine sur ce bastion traditionnel de la masculinité que constitue l’armée. Si une lecture linéaire de ce processus convient bien à la seconde moitié du XXe siècle, le déplacement de cette question sur le temps long révèle un autre mouvement, celui de la masculinisation de l’armée, en marche depuis l’époque moderne, avec pour corollaire la séparation et l’exclusion progressive des femmes au XIXe siècle. Contre certains discours essentialisant le rapport entre métier militaire et masculinité, il convient donc de rappeler que ce lien est une construction historique, fruit d’un long processus, souvent problématique, de gestion de la présence féminine dans les armées européennes. En contrepoint des études récentes sur la féminisation des armées, nous proposons ici de retracer les étapes de cette exclusion, mais

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également de comprendre les raisons de la défiance de l’institution militaire envers les femmes et les solutions préconisées pour aménager la présence féminine dans la vie militaire au XIXe siècle. En comparant principalement les armées britanniques, françaises et allemandes, on cherchera à établir la part des différences significatives (service militaire obligatoire/volontariat) et les convergences sur cette question. Si les études gender du phénomène guerrier sont bien connues, en revanche la place des femmes dans les institutions militaires l’est un peu moins – surtout en temps de paix – en dépit d’un certain nombre de travaux importants dans les trois pays étudiés. Il s’agira surtout de proposer une synthèse de ces différents travaux (sans prétendre à l’exhaustivité bibliographique sur une question aussi vaste) et de formuler quelques hypothèses explicatives sur les raisons de cette défiance militaire envers les femmes au XIXe siècle. LA MASCULINISATION PROGRESSIVE DES ARMÉES EUROPÉENNES (XVIIIe–XIXe SIÈCLE) John A. Lynn, dans son ouvrage consacré à la place des femmes dans les armées européennes à l’époque moderne, a bien montré l’importance de ces dernières dans l’organisation quotidienne de la vie militaire1. Les femmes jouent en effet un rôle central au sein d’armées en campagne peu disciplinées, dont la survie dépend du pillage des territoires occupés. Femmes de soldats et/ou prostituées, cuisinières et raccommodeuses, elles se mélangent alors à la troupe des mercenaires employés par les États. À partir du milieu du XVIIe siècle, la « Révolution militaire » à l’œuvre en Europe entraîne une première mise en cause de cette présence féminine. L’encasernement progressif – principalement dans la seconde moitié du XVIIIe siècle – les progrès de l’intendance et l’esquisse d’un renforcement disciplinaire rendent plus incertain ce mélange des sexes. Au cours du XVIIIe siècle, la définition savante de la différence sexuée et l’évolution d’une culture militaire moins sensible aux raffinements des mœurs aristocratiques semblent légitimer cette séparation dans un certain nombre de discours tenus sur les vertus de la virilité militaire2. Mais le quotidien des armées reste marqué par le mélange des sexes, qu’il se manifeste par la présence encore nombreuse des femmes parmi les troupes en campagne ou les cas plus rares – mais significatifs – des femmes combattantes travesties en soldats3. Surtout, l’encasernement et le renforcement des procédures disciplinaires ne se signifient pas la disparition immédiate des femmes dans les armées du temps de paix. Sabina Loriga a bien montré la grande inertie des pratiques militaires en ce do-

1 2 3

John A. Lynn II, Women, Armies and Warfare in Early Modern Europe, New York, Cambridge University Press, 2008. Hervé Drévillon, « Des virilités guerrières à la masculinité militaire (France, XVIIe–XVIIIe siècle) » in : Anne-Marie Sohn (éd.), Une histoire sans les hommes est-elle possible ? Genre et masculinité, Lyon, ENS éditions, 2014, p. 245–262. Sylvie Steinberg, La confusion des sexes. Le travestissement de la Renaissance à la Révolution, Paris, Fayard, 2001.

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maine, à travers l’exemple de l’armée piémontaise au XVIIIe siècle où les femmes vivent encore avec les soldats, accompagnées quelquefois de leurs progénitures4. La Révolution française marque une rupture, au moins théorique, dans le rapport des identités de genre avec le métier des armes. Elle renforce le partage des sexes sur un plan politique en associant étroitement la citoyenneté et l’exercice du métier militaire à travers la figure du citoyen-soldat. Les débats sur le port d’armes des citoyennes mobilisent les distinctions de genre pour refuser aux femmes l’accès aux armes, en les associant plus étroitement aux qualités inverses du métier militaire (douceur, fragilité, protection du foyer, etc.)5. L’exclusion du droit de porter les armes rejoint l’exclusion de la sphère publique et politique. La conscription masculine devient, de ce point de vue, un argument redoutable pour légitimer cette exclusion ultérieure en France, mais aussi en Prusse où le modèle du service obligatoire est adopté en 18146. Dans les armées révolutionnaires françaises, la définition citoyenne du combat explique l’émergence d’une plus grande intolérance à la présence féminine. La Convention se prononce alors contre ce « le fléau des armées », accusé d’amollir et d’efféminer les soldats. Ainsi le décret du 20 avril 1793 exclut définitivement les femmes combattantes et réglemente davantage la présence des blanchisseuses et cantinières. Reste que cette réaction politique connaît une application toute relative dans les régiments et les armées engagées dans les French Wars laissent encore une place importante aux femmes. Dans la vie ordinaire des casernes européennes, la véritable rupture semble se produire au cours du premier XIXe siècle. La restriction de la présence féminine dans les armées s’opère dans la continuité de l’exclusion des femmes dans l’espace public. En France, cette exclusion se manifeste par l’affirmation d’un modèle militaro-viril, devenu valeur de référence de l’identité masculine dans la société civile. Dans l’armée, le port de la moustache et la nouvelle représentation du corps du soldat (taille de guêpe, torse bombé, épaules développées) tranche avec l’ambiguïté sexuée qui prévalait dans les armées modernes. À cette affirmation des signes physiques de la virilité, il faut ajouter le renforcement des procédures disciplinaires dans les armées européennes et l’entreprise de moralisation des casernes effectuée par les élites sociales. Au milieu du XIXe siècle, l’évolution de la tactique militaire et l’augmentation de la puissance de feu – particulièrement pendant la guerre de Crimée –, participent également à la redéfinition de la présence féminine en temps de guerre7. Au même moment dans les casernes, la place des femmes est à la fois restreinte et délimitée : seules certaines catégories de femmes sont désormais ac-

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Sabina Loriga, Soldats. Un laboratoire disciplinaire. L’armée piémontaise au XVIIIe siècle, Paris, Les Belles Lettres, 2007, p. 49. Dominique Godineau, « De la guerrière à la citoyenne. Porter les armes pendant l’Ancien Régime », Clio. Histoire, femmes et sociétés, 20 (2004), p. 43–69. Ute Frevert, A Nation in Barracks : Modern Germany, Military Conscription and Civil Society, Oxford, Berg Publishers, 2004, p. 22–30. Barton C. Hacker, « Reformers, Nurses and Ladies in Uniform : The Changing Status of Military Women (1815–1914) », in : Barton C. Hacker, Margaret Vining (ed.), A Companion to Women’s Military History, Leiden-Boston, 2012, p. 155.

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ceptées et les fonctions traditionnelles (vivandières, cantinières) sont réduites dans l’armée française. Cette exclusion progressive connaît un seuil décisif après 1870 et la victoire des troupes allemandes sur l’armée française. Le triomphe des armées allemandes convainc les armées européennes de la légitimité des réserves nombreuses, formées sur le modèle de la conscription obligatoire. L’adoption de ce modèle renforce le lien entre identité masculine et service militaire, contribuant à légitimer la prétention de l’armée à « l’universalisation du genre »8. Dans les armées qui adoptent ce modèle, tous les hommes (à quelques exceptions près) et seulement les hommes participent au service militaire, expliquant ainsi le pouvoir immense prêté à l’armée dans la définition de l’identité masculine. En France, l’adoption de ce modèle à partir de la loi de recrutement de 1872 contribue à renforcer la légitimité du modèle militaro-viril, comme l’illustre la devise officieuse des conseils de révision « Bon pour le service, bon pour les filles »9. Si l’adhésion au modèle de masculinité porté par l’armée est sans doute loin d’être généralisée parmi les conscrits, il est défendu avec force par l’institution militaire qui réglemente davantage la place des femmes dans les casernes et octroie désormais les postes traditionnellement réservés aux femmes à d’anciens militaires. Sous le Deuxième Reich, l’extension de la conscription obligatoire à l’ensemble des États allemands renforce le prestige d’un modèle militaro-viril en partie inspiré des Junkers Prussiens. Le prestige social des élites prussiennes se traduit notamment par le grand attrait du titre d’officier de réserve dans la bourgeoisie allemande. Si ce modèle ne fait sans doute pas l’unanimité – notamment dans les États du Sud – il renforce le processus d’exclusion féminine des casernes. L’armée britannique offre quelques différences notables en raison du maintien d’un système de recrutement fondé sur le volontariat et ce, en dépit des réformes menées au début des années 1880 pour réduire la durée de service10. On peut émettre l’hypothèse que le modèle militaro-viril est sans doute moins prononcé dans la société britannique en raison de cette particularité du recrutement. L’identité masculine semble surtout régie par les valeurs domestiques du Home dont les normes s’imposent au même moment dans les casernes11. La figure du soldat y occupe une place moins grande et apparaît seulement comme l’une des figures possibles de la masculinité. Cela n’empêche pas qu’elle soit mobilisée au moment du recrutement militaire, que ce soit dans les colonies ou lors d’opérations de recrutement volontaire à travers la campagne des « plumes blanches » (White Feather Campaign)

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Ute Frevert, « Service militaire et histoire du genre en Allemagne au XIXe siècle » in : Anne-Marie Sohn, Françoise Thelamont (éd.), L’histoire sans les femmes est-elle possible ?, Paris, Perrin, 1998, p. 253. Odile Roynette, Bons pour le service. L’expérience de la caserne en France à la fin du XIXe siècle, Paris, Belin, 2000. David French, Military Identities: The Regimental System, the British Army and the British People c. 1870–2000, Oxford, Oxford University Press, 2005, p. 12–17. John Tosh, A Man’s Place: Masculinity and the Middle Class Home in Victorian England, Newhaven and London, Yale University Press, 1999.

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destinée à culpabiliser les hommes non engagés dans les armées combattantes à partir de 191412. LES ARMÉES DU XIXe SIÈCLE ET LA PEUR DU DÉSORDRE FÉMININ L’aspect paradoxal de cette masculinisation, surtout en France et en Allemagne, est de garantir une identité masculine forte dans l’abstinence relative des relations féminines. Les casernes n’étant pas des prisons, les reconfigurations de genre entre membres du même sexe, observables dans les structures carcérales, ne peuvent s’opérer à la même échelle13. Les soldats fréquentent en réalité les femmes à l’extérieur des casernes, d’autant plus assidument qu’ils y sont portés par l’abstinence forcée de l’encasernement et une certaine licence sexuelle légitimée par « l’esprit des chambrées ». Le temps des casernes, pour la jeunesse française et allemande de la fin du XIXe siècle, est aussi un temps d’apprentissage sexuel, qu’il soit réel – par la fréquentation des prostituées ou la séduction des « grisettes » – ou très largement imaginaire, comme semblent le montrer les aventures érotiques exposées dans les illustrés destinés à la troupe ou dans les carnets de chansons de soldats. Ainsi la volonté de sanctuariser le masculin dans les casernes est-elle en permanence contredite par le désir de rencontres féminines. Or, cette situation est lourde de menace pour l’institution militaire en raison des contagions vénériennes qui prennent, dans les trois pays, des proportions jugées inquiétantes au XIXe siècle. Selon les chiffres produits par l’armée britannique, près de la moitié des soldats admis dans les hôpitaux militaires en 1859 le sont pour des maladies vénériennes. En Allemagne, 3,5 % des soldats sont soignés pour cette raison en 1881, sans compter les hommes qui ne se déclarent pas. En France, l’armée lutte contre ces affections par la prévention et, dans les années 1900, par la mise en place de salles de récréation destinées à confiner les hommes à l’intérieur des casernes et leur éviter ainsi de « mauvaises rencontres ». L’angoisse de la contagion vénérienne est à la mesure de l’ambition régénératrice du service militaire en France et en Allemagne : moraliser et rendre plus saine la jeunesse passée par l’armée. Les théories scientifiques qui associent, à partir des années 1880, syphilis et hérédité renforcent la crainte de la « dégénérescence » de la race, crainte renforcée en France par l’angoisse de la dénatalité et, partant, du sous-effectif des armées de réserves face à l’Allemagne. La crainte des affections vénériennes s’inscrit plus largement dans la grande entreprise de moralisation des casernes qui touche les trois armées au XIXe siècle. Celle-ci semble s’opérer selon des modalités et une chronologie différente en Grande-Bretagne où les normes morales du modèle victorien sont imposées, dès le milieu du siècle, sur l’initiative paternaliste des officiers. En Allemagne et en France, cette moralisation est renforcée par l’extension de l’obligation du service à la fin du siècle. La présence des fils de bonne famille dans les casernes conduit les 12 13

Heather Streets, Martial Races: The Military, Race and Masculinity in British Imperial Culture, 1857–1914, Manchester, Manchester University Press, 2004. Voir, dans le cas des bagnes militaires français, Dominique Kalifa, Biribi : les bagnes coloniaux de l’armée française, Paris, Perrin, 2009, p. 242–264.

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élites sociales à s’inquiéter de la dépravation des mœurs militaires. Cette inquiétude est manifeste en France à la veille du vote de la loi de 1889 – réduisant les dispenses et envoyant les séminaristes dans les casernes. Contre la grivoiserie militaire, certaines initiatives imposent une autre vision des relations féminines. En Allemagne, le clergé dénonce l’obscénité des chansons de soldats et l’armée tente d’imposer un carnet de chanson débarrassé de toute référence explicitement sexuelle. En France, on interdit dans les mêmes années aux soldats et sous-officiers d’afficher dans les chambrées des images « licencieuses ». Dans les trois pays, la dénonciation des amours interlopes s’inscrit dans les modèles familiaux prônés par les élites sociales. Ces appréhensions morales face aux débordements de la sexualité militaire sont partagées par nombre d’officiers. Mais ceux-ci s’inquiètent aussi de la menace que les relations féminines font peser sur l’ordre disciplinaire des casernes. Les armées européennes du XIXe siècle sont effectivement gagnées par un lent processus de renforcement des pratiques disciplinaires, dont l’origine remonte en partie aux réformes de l’instruction (drill) dans l’armée prussienne du XVIIIe siècle14. En dépit des tentatives visant à humaniser et à adoucir les formes de la discipline militaire à la fin du XIXe siècle, le contrôle de l’emploi du temps, des gestes et des occupations des soldats restent une priorité de l’éducation militaire. Or, les relations féminines sont une menace permanente pour la discipline, en raison des formes multiples de désordre et de désobéissance qu’elles induisent. En France, les garnisons sont entourées d’une multitude de commerces intéressés par la présence militaire, au premier rang desquels on trouve de nombreux cafés concerts et brasseries servant de vitrine à une prostitution illégale. La concentration des soldats dans ces lieux de rencontres féminines est à l’origine de nombreux désordres sur la voie publique, aggravés par les conflits de compétence entre la justice civile et la justice militaire15. Ces relations entretenues en dehors des casernes expliquent les absences illégales des soldats qui « font le mur » pour retrouver leurs maîtresses ou – cas plus rare, mais attestés dans les sources –, font entrer de manière illicite quelques femmes dans les casernes. De même, la corruption et le détournement de l’argent des compagnies, courant chez les cadres inférieurs, peut avoir pour objet l’entretien d’une maîtresse ou les dettes accumulées dans certains établissements. Cette méfiance envers les femmes ressort enfin de la résistance des armées européennes au principe du mariage des soldats au XIXe siècle. L’état militaire est en effet longtemps perçu comme un état particulier au sein de la société qui exclut et protège à la fois les soldats du modèle familial de la société civile. En Grande-Bretagne, la loi dispense à partir de 1837 les soldats mariés de subvenir aux besoins de leurs familles, offrant ainsi à certains d’entre eux la possibilité de fuir les pesanteurs de la vie familiale. En France, à la fin du siècle, le mariage de plus en plus fréquent des officiers est accusé de mettre en cause « l’esprit de corps » : la fréquentation des cercles d’officiers décroît en même temps que le nombre des célibataires et la pré14 15

Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, p. 198– 199. Voir, par exemple, Jean-François Tanguy, « Les militaires du XIXe siècle : des hommes d’ordre, source de désordres ? », in : Benoît Garnot (éd.), La petite délinquance du Moyen Âge à l’époque moderne, Dijon, E. U.D, 1998, p. 235–245.

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sence des femmes renforcerait – à croire certains officiers –, les querelles et rivalités au sein du régiment16. La définition traditionnelle de la vocation militaire, pensée par certains à la manière d’un sacerdoce laïc, explique enfin cette dénonciation du mariage assimilé à une forme d’embourgeoisement. UNE INTÉGRATION SOUS CONDITIONS : LES FEMMES SOUS LE JOUG MILITAIRE Au cours du XIXe siècle, l’institution militaire est partagée entre sa défiance croissante à l’égard de la présence féminine et le besoin d’intégrer les femmes dans certaines fonctions militaires. Ce besoin, particulièrement marqué dans les services de santé, explique la présence croissante des infirmières dans les armées européennes avant 1914. Cette figure constitue la seule exception à la restriction et à la ségrégation des femmes dans les armées du XIXe siècle. Portée depuis le milieu du siècle par l’œuvre pionnière de Florence Nightingale en Grande-Bretagne, l’image de l’infirmière gagne ses lettres de noblesse militaire en s’inscrivant dans la geste héroïque de la guerre de 1870. La participation d’un grand nombre de femmes comme ambulancières ou infirmières, renforce la légitimité de cette féminisation qui s’opère, en France, par leur intrusion dans les structures de la Croix-Rouge, dès 1879, avec la création de l’Association des dames françaises (devenue Union des femmes de France, en 1882). Ces femmes volontaires de la Croix-Rouge sont intégrées au service des armées européennes en cas de conflit. Elles rejoignent en France (1909) – comme en Grande-Bretagne (1907) – les premières infirmières recrutées par les hôpitaux militaires sur concours17. Les emplois féminins traditionnels dans l’armée (blanchissage, cuisine, éducation des enfants, etc.) suivent une évolution inverse. L’exemple des cantinières, vivandières et blanchisseuses est particulièrement bien renseigné en France par les travaux de Gil Mihaely et de Thomas Cardoza18. Le recours à cette main-d’œuvre féminine devient moins légitime après 1815, en raison de la mauvaise réputation qui entoure ces emplois. Les cantinières et les blanchisseuses sont alors associées au monde interlope des « femmes à soldats » et sont, pour cela, l’objet de condamnations morales de la part de l’institution militaire. En 1839, le mariage des officiers avec les cantinières ou les blanchisseuses est interdit dans l’armée française. Après 1870, la place de ces femmes dans ces « sanctuaires de la masculinité » semble incongrue. La figure de la cantinière prend un aspect de plus en plus pittoresque dans les représentations de la vie militaire, le plus souvent associée dans l’imaginaire na16 17 18

William Serman, « L’esprit de corps des officiers français au XIXe siècle », in : F. Thélamon (éd.), Sociabilité, pouvoir et société, Actes du colloque de Rouen (nov. 1983), Rouen, Publication de l’Université de Rouen, 1987, p. 493. Pour la Grande-Bretagne, voir Lucy Noakes, Women in the British Army: War and the Gentle Sex, 1907–1948, Milton Park and New-York, Routledge, 2006. Gil Mihaely, « La disparition de la cantinière ou la virilisation de l’armée française au XIXe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle, 30 (2005), p. 2–16 ; Thomas Cardoza, Intrepid Women. Cantinières and Vivandières of the French Army, Bloomington, Indiana U. P., 2010.

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tional aux lointaines cantinières du premier Empire. Leur nombre est progressivement réduit dans l’armée française à la fin du XIXe siècle : les premières en raison de la disparition de ces emplois dans les casernes – le blanchissage est effectué par les soldats eux-mêmes ou confié à quelques entrepreneurs locaux – ; les deuxièmes après la suppression de leur emploi en 1905, emplois désormais confiés aux anciens soldats à titre de récompense. L’armée britannique se distingue encore par une institution originale, sans équivalent dans les armées françaises et allemandes, celle des Women on the Strenght, étudiées par Myna Trustram19. Cette catégorie regroupe les femmes mariées aux soldats et sous-officiers et employées par le régiment à des tâches traditionnellement féminines (cuisine, couture, blanchissage, éducation des enfants). Elles sont rémunérées et peuvent ainsi améliorer un quotidien matériel souvent difficile. Elles s’opposent, par le confort relatif que leur procure cette intégration, à la situation plus misérable des femmes non reconnues par l’armée, celles dont le mariage n’a pas été autorisé par les supérieurs hiérarchiques. Ce contrôle hiérarchique est alors une procédure courante dans les trois armées. Il est rendu nécessaire par l’augmentation des effectifs dans l’ensemble des armées européennes à la fin du XIXe siècle, notamment des sous-officiers de carrière maintenus au régiment par la perspective d’une vie familiale. Le mariage des sous-officiers, longtemps refusé, est donc admis selon une chronologie plus tardive en France (1881) qu’en Grande-Bretagne. Cette intégration des femmes mariées – plus contrainte que réellement désirée – conduit à la création d’espaces restreints au sein des casernes, réservés aux familles de militaires et interdits aux soldats non mariés. Cette procédure d’intégration/ségrégation de la vie familiale est complétée en France par l’exclusion des « enfants de troupe » confiés à des internats spécialisés à partir des années 1880. La condition des femmes mariées dans les casernes est alors soumise aux normes disciplinaires de la vie militaire. Les femmes occupent le grade de leurs maris dans la hiérarchie officieuse des régiments : femmes d’officiers et de sous-officiers forment ainsi deux sociétés féminines parallèles qui se fréquentent peu. Les femmes de soldats et de cadres inférieurs sont également soumises, comme leurs maris, à une surveillance disciplinaire plus rigoureuse. L’intrusion des supérieurs hiérarchiques dans la vie conjugale des subordonnés s’effectue dans les trois pays par le « brevet de moralité » exigé de la promise afin d’éviter toute union mettant en péril la réputation du régiment. En France, les archives des conseils de discipline révèlent cette intrusion permanente : les officiers peuvent exiger le divorce des sous-officiers en cas d’adultère féminin – avéré ou soupçonné – et certains officiers jouent le rôle d’entremetteur pour favoriser le mariage avec des filles séduites par leurs subordonnés. Ce rôle est également assuré par les officiers en Grande-Bretagne qui n’hésitent pas à sermonner leurs subordonnés sur la conduite de la vie conjugale et à sanctionner les cas d’adultères. Cette militarisation de la vie conjugale vise à assurer l’harmonie et la discipline de la vie régimentaire, en imposant les normes domestiques dominantes. 19

Myna Trustram, Women of the Regiment: Marriage and the Victorian Army, Cambridge, Cambridge U. P., 1984.

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Pour les mêmes raisons, l’institution militaire est investie dans les procédures de réglementation et de répression de la prostitution au cours du XIXe siècle. Dans les trois pays, ces mesures sont liées à la nécessité de combattre le risque de contagion vénérienne dans l’armée. Ainsi, les Contagious Diseases Acts, adoptés en Grande Bretagne dans les années 1860 en vue de contrôler les prostituées, visent initialement les villes de garnison. En France, l’implication de l’armée dans le contrôle de la prostitution est attestée dans certains régiments où les officiers collaborent avec la police pour éliminer la prostitution illégale autour des casernes. Si les campagnes abolitionnistes ont retenu de ces mesures de répression la domination masculine exercée sur le corps des prostituées – notamment par le biais de la visite médicale – il ne faut pas oublier que ce contrôle existe aussi sur les soldats lors des visites régulières effectuées par les médecins militaires. Dans l’armée française, les soldats contaminés encourent des punitions sévères s’ils ne dénoncent pas les femmes fréquentées en dehors de la caserne, et la crainte d’être puni ou stigmatisé conduit les soldats à cacher ces affections par le moyen de techniques traditionnelles ou de « lotions spéciales » vendues par correspondance dans la presse militaire. Ce parallélisme entre le corps soumis du soldat et de la prostituée – soulignée par certains romanciers – rappelle ce que ces procédures de contrôle, étendues dans les sociétés européennes du XIXe siècle, doivent à la discipline militaire. De ce point de vue, l’apparition des bordels militaires de campagne lors du premier conflit mondial – déjà expérimentés en terrain colonial – apparaît bien comme l’aboutissement logique de cette militarisation de la présence féminine dans la vie des armées. CONCLUSION : QUELQUES PISTES DE RECHERCHE La comparaison entre les trois armées fait ressortir une divergence nette entre la gestion féminine dans l’armée britannique et les armées françaises et allemandes. Si la première fait preuve d’un certain pragmatisme en acceptant plus tôt d’accueillir et d’employer les femmes mariées au régiment, les secondes font preuve d’un exclusivisme masculin plus prononcé en raison de leur mode de recrutement militaire. La convergence des modèles de recrutement, sur le modèle révolutionnaire de la Nation en armes, a très certainement renforcé la légitimité du modèle militaro-viril en France et en Allemagne, en établissant l’équivalence entre citoyenneté, masculinité et exercice militaire. Cette définition militaire et sexuée de la citoyenneté participe à l’exclusion féminine de la vie politique et de l’espace des casernes. D’autre part, ce mouvement d’exclusion/ségrégation s’inscrit dans un processus de rationalisation bureaucratique des armées au XIXe siècle. Confrontées à l’augmentation des effectifs et à la multiplication des services, ces institutions cherchent à rationaliser l’emploi de la main d’œuvre militaire ; processus qui profite aux femmes en certaines circonstances – notamment dans les services de santé –, mais qui conduit surtout à réduire le nombre des emplois féminins traditionnels. Ce processus doit également beaucoup à l’élaboration d’un modèle de masculinité qui associe les valeurs masculines des élites sociales – plus aristocratiques en Allemagne et en Grande-Bretagne – avec le modèle de virilité porté par l’armée. La

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conjonction des deux modèles aboutit à l’élaboration d’une « masculinité hégémonique », défendue et imposée par l’institution militaire20. Cette définition masculine – proche des valeurs aristocratiques incarnées par les officiers – s’oppose à la masculinité brutale et immorale de la troupe, régulièrement dénoncée dans la presse et la littérature européenne. Les armées agissent ainsi comme des caisses de résonnance des dominations sociales et des rapports de genre, en justifiant ces dominations par les vertus cardinales de l’esprit militaire : l’obéissance et la discipline. Reste que cette présence féminine dans les casernes du XIXe siècle doit être étudiée de plus près pour mieux comprendre la diversité des positions occupées, les marges de manœuvre et les rapports de force entretenus entre ces femmes et l’armée. La domination masculine au nom des valeurs de l’institution est sans doute loin d’être uniforme : elle ne s’exerce pas de la même manière sur les femmes d’officiers – dont la vie quotidienne s’inscrit dans les normes familiales des élites sociales – et sur les cantinières qui sont soumises à la discipline militaire. Il ne faut pas non plus sous-estimer la résistance féminine à ce joug militaire, résistance qui accompagne sans doute ce processus d’exclusion/ségrégation. L’étude « au ras du sol » de quelques affaires disciplinaires – disponibles dans les archives des régiments – permettrait, sur le modèle des travaux menés par Anne-Marie Sohn, de mieux saisir les marges d’autonomie des femmes encasernées21. Nous voudrions, pour conclure, présenter à travers l’une de ces affaires l’intérêt de ce type de questionnement. Cette affaire se déroule en 1912 devant le conseil de discipline du 43e régiment d’infanterie, réuni pour juger un sergent accusé « d’indignité dans la vie privée » et de « faiblesse coupable vis-à-vis de sa femme »22. Cette dernière a été aperçue quelques semaines plus tôt dans les rues de Lille au bras d’un officier appartenant à un autre régiment. Le militaire qui témoigne devant le conseil décrit une « fort jolie femme, de mise très élégante », laissant derrière elle « un sillage violemment parfumé ». Cette rencontre suffit à éveiller les soupçons des officiers qui découvrent que celle-ci est l’objet de nombreuses rumeurs d’adultère au sein du régiment. L’élégance de ses toilettes, au-dessus des moyens d’un modeste ménage de sous-officiers, alerte les enquêteurs qui interrogent le couple et cherchent à déterminer le prix et l’origine des tissus23. La femme du sergent fait valoir ses talents de couturière et appelle au témoignage de sa mère, une modeste ouvrière, qui l’aurait aidé à confectionner ses robes. L’attention portée aux toilettes est révélatrice des critères d’appréciation des officiers responsables de l’enquête. Par ses toilettes « tapageuses », cette femme porte atteinte à la hiérarchie sociale et militaire, alors si prégnante dans le fossé qui sépare le monde des officiers des ménages de sous-officiers. Le soupçon des enquêteurs porte alors sur l’achat des toilettes qu’ils attribuent à des relations extra-conjugales. Pour cette 20 21 22 23

Sur le concept de masculinité hégémonique, voir Raewyn Connell, Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, Paris, Éditions Amsterdam, 2014, p. 73. Anne-Marie Sohn, Chrysalides. Femmes dans la vie privée (XIXe-XXe siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 1996, 2 volumes, 1095 p. Service Historique de la Défense / 2 I 319 / Conseil d’enquête du sergent Palmade, 1912. Quelques échantillons sont découpés à même la robe et figurent comme pièce à conviction dans le dossier conservée aux archives de la Défense.

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raison, le mari est jugé pour « complaisance » – comprendre proxénétisme – et doit s’amender par la promesse d’un divorce et la signature d’un constat d’adultère. Dans cette affaire, la réaction des officiers répond aux menaces que le comportement de cette femme fait peser sur l’ordre et la bonne tenue du régiment : en semant le trouble parmi les sous-officiers et parmi les ménages présents à la caserne, elle représente un danger pour la discipline et l’harmonie du régiment. Elle incarne surtout une figure ambivalente désormais inacceptable pour l’institution militaire, celle de la « femme à soldat », à la fois ménagère et maîtresse, voire prostituée. À travers sa condamnation se dessine en creux le portait idéal de la femme intégrée à l’institution militaire au XIXe siècle : une femme soumise à la hiérarchie, respectable et modeste. Dans cette affaire, l’écart à la norme prescrite par l’armée rejoint les conclusions d’Anne-Marie Sohn : les femmes issues des classes populaires ne se plient pas toujours aux multiples assignations et aux rôles déterminés qui leur sont imposés à la fin du XIXe siècle. Cette émancipation féminine dans la sphère domestique, sensible en France durant la Belle Époque, devait assurément constituer une menace supplémentaire sur l’ordre des casernes.

LA PROSTITUTION RÉVÉLATRICE DE LA CONDITION FÉMININE Une lecture abolitionniste du réglementarisme au XIXe siècle (France, Allemagne, Angleterre) Anne-Laure Briatte-Peters / Yannick Ripa Résumé Face à l’inflation de la prostitution au XIXe siècle, la France, l’Angleterre et l’Allemagne adoptent le réglementarisme qui exclut les filles de joie du droit commun. De cette iniquité juridique naît l’abolitionnisme, teinté de moralisme en Angleterre, aux accents républicains en France ; en Allemagne, il doit composer sans le soutien des réseaux confessionnels et des familles politiques et les lois sur les associations limitent grandement sa liberté d’action. Pro- et anti-réglementaristes s’affrontent en des débats qui questionnent nécessairement la condition féminine et plus particulièrement la liberté de toutes les femmes, jusque dans leur intimité. Or, la plupart des abolitionnistes peinent à penser sans limites la liberté sexuelle des femmes ; ils cautionnent ainsi la double morale bourgeoise qui sous-tend le statut social et juridique des femmes.

Zusammenfassung Angesichts der rapiden Zunahme der Prostitution im 19. Jahrhundert verabschieden Frankreich, England und Deutschland den Reglementarismus, der die Prostituierten vom gemeinen Recht ausschließt. Aus dieser juristischen Ungleichheit entsteht die Bewegung des Abolitionismus, der in England moralisch und in Frankreich republikanisch geprägt ist. In Deutschland muss sich der Abolitionismus ohne die Unterstützung der konfessionellen Netzwerke sowie der politischen Kreise formieren und die Vereinsgesetze schränken seine Handlungsfreiheit stark ein. Gegner wie Befürworter des Reglementarismus stehen sich in Debatten gegenüber, die zwangsläufig die Stellung der Frau und insbesondere die Freiheit aller Frauen bis hinein in ihr Privatleben hinterfragen. Letztlich fällt es auch einem Großteil der Abolitionisten schwer, die sexuelle Freiheit von Frauen ohne jede Einschränkung zu sehen. Sie unterstützen somit selbst die bürgerliche Doppelmoral, die dem sozialen und rechtlichen Status der Frauen in dieser Zeit zugrunde liegt.

« La police m’a arrêtée et brutalisée. Encore si j’étais une fille, mais je suis une honnête femme ! ». Et celle-ci de confier sa colère au directeur du Siècle, Yves Guyot, de crier donc, comme d’autres plaignantes, au scandale1. Ces propos ne sont ni anecdotiques, ni anodins : ils expriment le refus de ces Françaises de regarder les prostituées comme leurs semblables ; à leurs yeux, comme à ceux de la majorité de la société, celles-ci ne sont plus que des prostituées ; dès lors les droits fondamentaux des êtres humains ne les concernent pas. Jamais ces bour1

Yves Guyot, Études de physiologique sociale. La police, Paris, Charpentier et Cie, 1884, p. 19.

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geoises ne perçoivent l’existence d’un possible lien entre ces exclues et la condition de toutes les femmes, leur propre condition donc. Mettre celui-ci en lumière est l’objet de cet article ; pour ce faire, il s’attache à décrypter le fonctionnement du système prostitutionnel européen au XIXe siècle, il se veut aussi à l’écoute des débats qui en France, berceau du réglementarisme, en Angleterre, berceau de l’abolitionnisme, en Allemagne, héritière de ces mouvements déjà en action, traversent la société2. LE SENS D’UN SCANDALE : L’EXCLUSION DES PROSTITUÉES DU DROIT COMMUN PAR LE RÉGLEMENTARISME Si des « honnêtes femmes », outrées parce qu’outragées par les propos des policiers, s’adressent en 1884 au directeur du journal Le Siècle, c’est qu’elles reconnaissent en lui le « vieux petit employé »3. Sous ce pseudonyme, ce républicain d’origine bretonne, longtemps proche de Gambetta, mais désormais plus à gauche que son mentor, a mené dans La Lanterne, une dizaine d’années auparavant, une campagne contre la police des mœurs, chargée de contrôler l’application du réglementarisme. Depuis le Consulat, la France pense en effet avoir trouvé dans ce système le mode de régulation parfait de la prostitution, et donc des besoins sexuels masculins postulés irrépressibles, les prostituées faisant ainsi office d’« égout séminal ». Celles-ci – l’existence de leurs confrères est passée sous silence – sont tolérées à condition de respecter le règlement national ou municipal : les filles de joie, majeures et célibataires, doivent s’inscrire à la Préfecture de police et leur état de santé est obligatoirement et régulièrement vérifié par des médecins dont elles payent la consultation. Infectées, elles sont incarcérées pour être soignées : à Paris, Saint-Lazare – une prison – remplit ce rôle à visée pourtant sanitaire. Ces filles dites soumises travaillent majoritairement en maisons closes, dans lesquelles un registre est tenu par la patronne, nommée de ce fait « tenancière ». Peu exercent hors de ce cadre, chez elles ou sur le trottoir à des heures et dans des lieux bien définis selon les villes. La prostitution de rue relève essentiellement des prostituées clandestines que poursuit, sans ménagement, la police des mœurs. Arrêtées, elles sont enregistrées, soumises donc contre leur gré4. L’efficacité de ce réglementarisme a convaincu l’Europe : elle l’a conservé après l’écroulement de l’empire napoléonien qui l’avait imposé dans les pays conquis, ou a volontairement et graduellement adopté le « French system » (Russie, 1843 ; Madrid, 1847 ; Angleterre, 1869)5. Dans ce concert européen, l’Allemagne, 2 3 4 5

Amélie Maugère, Les politiques de la prostitution du Moyen Âge au XXIe siècle, Paris, Dalloz, 2009. Yannick Ripa, « Yves Guyot, un féministe incorrect », in : Florence Rochefort, Éliane Viennot (éd.), L’engagement des hommes pour l’égalité des sexes XIVe–XXe siècle, Saint-Etienne, Presses de l’Université de Saint-Etienne, 2013, p. 181–191. Alain Corbin, Les filles de noce. Misère sexuelle et prostitution aux 19e et 20e siècles, Paris, Aubier, 1978. Yannick Ripa, « Réglementarisme », in : Encyclopédie numérique Ecrire une histoire nouvelle de l’Europe EHNE.fr.

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où diverses formes de réglementation de la prostitution existaient dès avant la période napoléonienne6, l’adopte à l’échelle nationale lors de la création de l’Empire : « Sera condamnée à une peine de prison toute femme qui, placée sous une surveillance policière pour prostitution, contrevient aux ordonnances édictées à cet égard par la police pour la protection de la santé, de l’ordre public et de la pudeur, ou qui, sans être placée sous une telle surveillance, se prostitue » (§ 361,6 Reichsstrafgesetzbuch, RStGB, 1876)7. Au-delà de la pénalisation du proxénétisme (§ 180 du code pénal de 1871)8, les textes de lois réglementaristes ne punissent donc ni la prostitution en elle-même, ce qui aurait incriminé les hommes qui y recouraient, ni les rapports extra-conjugaux, mais uniquement le non-respect des ordonnances prévues par la réglementation. Dans sa réalité pratique, la réglementation connaît des traitements variés dans l’Empire allemand, en raison de l’absence de loi unifiée fixant l’application du réglementarisme. Ainsi, à Berlin et à Munich, les prostituées peuvent choisir librement leur lieu de domicile, tandis que d’autres villes, telles que Hambourg, Leipzig et Cologne, s’efforcent de circonscrire la prostitution dans des établissements dédiés et tacitement tolérés (Bordelle), la majorité des villes allemandes préconisant toutefois le système dit du casernement, qui limite les lieux de résidence des prostituées à certaines rues ou certains immeubles9. Au-delà de ces adaptations nationales ou régionales, l’homogénéité l’emporte sur l’hétérogénéité, indiquant ainsi que le French system est un European system. Très vite, des voix s’élèvent contre lui. Ainsi, la Grande-Bretagne a-t-elle à peine promulgué les Contagious Diseases Acts, qui étend à tout le pays le réglementarisme en vigueur depuis 1864 dans les ports et les villes de garnison à forte population masculine célibataire, qu’éclate la colère des féministes : la Ladies National Association for the Repeal of the Contagious Diseases Acts, fondée par Elisabeth Wolstenholme et Josephine Butler, rédige un manifeste contre cette loi inique10. Cette dernière va faire de la lutte contre le réglementarisme le combat de sa vie. Elle fonde en 1875 la Fédération britannique, continentale et générale pour l’abolition de la prostitution réglementée, à l’évidente ambition européenne. À Paris, la militante rencontre, en un commun combat, Yves Guyot : en 1879 la branche française abolitionniste est créée. La multiplication des fondations nationales conduit en 1877 à la création de la Fédération abolitionniste internationale contre la prostitution 6 7

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Katrin Malkmus, Prostitution in Recht und Gesellschaft, Berne, Peter Lang, 2005, p. 36–38. R. Köningshaus (Hg.), Strafgesetzbuch für das Deutsche Reich mit der Strafgesetz-Novelle von 1876, erläutert durch die amtlichen Materialien der Gesetzgebung und die Entscheidungen des Preuss. Obertribunals von 1870 bis 1876, 5. Aufl., Berlin, Gustav Hempel, 1876, § 361, 6, p. 253. H. O. Reiz (Hg.), Strafgesetzbuch für das Deutsche Reich nebst der Strafgesetz-Novelle vom 10. Dez. 1871, Erlangen, Andreas Deichert Verlag, 1872, § 180, p. 53–54. Bettina Kretzschmar, « Gleiche Moral und gleiches Recht für Mann und Frau ». Der deutsche Zweig der Internationalen abolitionistischen Bewegung (1899–1933), Sulzbach/Ts., Ulrike Helmer V., 2014, p. 45–46. Un exemple est la célèbre Reeperbahn dans le quartier Sankt Pauli à Hambourg. « Women’s Protest », Daily News, Londres, 1er janv. 1870, cité par : Josephine E. Butler, Souvenirs personnels d’une grande croisade, Paris, Fischbacher, 1900.

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réglementée (FAI) qui tient dès lors de nombreux congrès. Dans cette bataille orchestrée pour mettre fin au réglementarisme et non pour interdire la prostitution (prohibitionnisme), l’Empire allemand fait plutôt pâle figure, puisqu’une branche allemande de la FAI ne voit le jour qu’en 1904, après la création de deux premières associations à Hambourg et à Berlin en 189911. Pourtant, Gertrud Guillaume-Schack avait tenté d’implanter l’abolitionnisme en Allemagne dès le début des années 1880 : elle a fondé pour ce faire une association au nom apparemment innocent, le Deutscher Kulturbund (Union culturelle allemande), afin de contourner la loi sur les associations, qui interdit aux femmes toute activité dans une association à caractère politique, celui-ci étant entendu dans un sens très large12. Mais ses attaques virulentes contre le système réglementariste dont elle n’a de cesse de souligner les contradictions, et contre la police des mœurs dont elle dénonce les pratiques arbitraires, attirent l’attention des autorités sur elle : une de ses conférences à Darmstadt en 1882 est interrompue par la police et l’assemblée dissoute. Cette manifestation lui vaut un procès pour « trouble de l’ordre public » (grober Unfug), qui débouche sur un acquittement13. Déçue par l’indifférence qu’elle rencontre, Gertrud Guillaume-Schack rejoint la social-démocratie en 1885. Mais, à l’époque des lois d’exception contre les socialistes, cette décision ne peut que nuire au mouvement abolitionniste. En effet, en raison de ses contacts avec des associations ouvrières, Gertrud Guillaume-Schack est expulsée du territoire allemand en 1886, à la suite de quoi le Deutscher Kulturbund cesse d’exister14. L’échec de la première expérience abolitionniste en Allemagne et le retard apparent des Allemand-e-s dans ce mouvement international s’expliquent donc par l’application de deux lois d’exception, la loi sur les associations et celle contre la social-démocratie, qui excluaient de la cité les femmes et les socialistes. Lorsque la filiale allemande de la FAI voit le jour en 1904, les abolitionnistes allemandes choisissent comme siège social l’État hanséatique de Brême où la loi prussienne sur les associations n’est pas en vigueur15. Le courroux de nos plaignantes est tout autre que celui des abolitionnistes : femmes de la bonne société, elles sont victimes du zèle de la police des mœurs qui recourt à une coercition fortement teintée de mépris pour les péripatéticiennes – sentiment largement partagé par la société – y compris par des féministes : ainsi 11 12

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Kretzschmar, op. cit., note 9. Il s’agit ici du § 8a de la loi sur les associations de 1850 du royaume de Prusse, adoptée par la majorité des États de la Confédération germanique, puis de l’Empire allemand. Hans Delius (éd.), Das preußische Vereins- und Versammlungsrecht, unter besonderer Berücksichtigung des Gesetzes vom 11. März 1850, der Befugnisse der Polizeibehörden und der privatrechtlichen Vorschriften der Reichsgesetze, Berlin, Carl Heymanns, 1905 (Taschen-Gesetzsammlung ; 28), p. 156–157. Le script de la conférence ainsi que les minutes du procès sont publiés : Über unsere sittlichen Verhältnisse und die Bestrebungen und Arbeiten des Britisch-Continentalen und Allg. Bundes. Vortrag, am 23. März 1882 in Darmstadt gehalten und von der Polizeibehörde daselbst verboten, von Frau Guillaume-Schack. Anhang : Der Prozess zu Darmstadt gegen Frau Guillaume-Schack. Stenographischer Bericht, Berlin, Verlag von H. Dolfuss, 1882. Kretzschmar, op. cit., note 9, p. 47. Ibidem, p. 86.

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Julie Daubié, tout en dénonçant en 1866 la condition de prostituée, effet de la misère, estime-t-elle, pour l’étudier devoir « remuer la vase infecte de l’égout », mais elle rompt avec le discours dominant en déclarant chercher « la femme faite à l’image de l’homme » dans ce « cloaque » que sont les maisons de tolérance « où la femme est parquée comme les animaux immondes dans leur bauge »16. Elle ne nie pas l’humanité des prostituées et dénonce à travers leur statut la déplorable condition de toute femme du peuple privée de formation professionnelle et exploitée sans vergogne par le patronat. Elle a donc le mérite de déresponsabiliser les filles de joie des classes populaires, mais elle fait silence sur le demi-monde dont les conditions matérielles et morales sont très différentes. Les courtisanes, lionnes du Second Empire ou cocottes de la Troisième République échappent en effet aux injures, comme si la fréquentation des grands de ce monde les protégeait du déshonneur. Ainsi, l’articulation classe/genre dans ce monde interlope reflète-t-elle les présupposés sur l’être femme : sur la moralité des travailleuses qui circulent dans l’espace public flotte toujours un soupçon dont les bourgeoises, reines de l’espace privé, sont préservées. C’est dire si la confusion entre racoleuses et innocentes promeneuses flânant sur les boulevards est inadmissible, scandaleuse même, comme l’affirment les plaignantes à Yves Guyot. Si celui-ci convient bien de l’existence d’un scandale, il rétorque qu’il n’est pas là où ces « dames » le situent. Et celui-ci de leur répondre : « Ça m’est égal ! La police n’a pas plus le droit d’arrêter une prostituée que vous, s’il n’y a pas de délit. Elle n’a pas plus le droit de brutaliser une prostituée que vous, notre droit public déclare la loi pour tous »17.

Il se refuse donc à lutter contre la police des mœurs en raison de ce que l’on nommerait aujourd’hui ses dérapages ; il l’attaque parce qu’elle participe par son existence même de l’exclusion des prostituées du droit commun. C’est cette même accusation que portaient les abolitionnistes anglais-e-s dans leur fameuse protestation qui lança le mouvement abolitionniste : « Nous protestons contre les Acts […] parce que ces lois suppriment pour l’un des deux sexes la garantie de sécurité sanctionnée par nos institutions et livrent la réputation, la liberté et la personne des femmes au pouvoir arbitraire […] »18.

Reprenant cet argument presque mot pour mot, les féministes radicales allemandes dénoncent l’absence complète de protection des femmes face au pouvoir discrétionnaire de la police des mœurs, qui pouvait ruiner l’honneur d’une femme sans avoir à fournir la moindre preuve19. Comme Guyot, Gertrud Guillaume-Schack invoque les droits universels : 16 17 18 19

Julie Daubié, La Femme pauvre au XIXe siècle, Paris, Librairie de Guillaumin et Cie, 1866, p. 254–255. Yves Guyot, op . cit., note 1, p. 19. « Women’s Protest », op. cit., note 10. Minna Cauer, « Die Schutzlosigkeit der Frau », Die Frauenbewegung, 2 (1898), p. 13–14 ; M. Cauer, « Vogelfrei », Die Frauenbewegung, 22 (1902), p. 169–170.

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Anne-Laure Briatte-Peters / Yannick Ripa « La police peut disposer, comme bon lui semble, de l’honneur, de la liberté, du corps de la femme, et la seule protection que nous, les femmes, avons, est l’honnêteté des agents de police et de notre environnement. Des droits humains, nous n’en avons pas »20.

Le réglementarisme crée en effet une catégorie juridique exclusive, sans équivalent : sans que cela soit clairement énoncé, réglementation, répression, contrôle policier et sanitaire, maisons closes ne concernent que ces femmes. Cet ostracisme semble même exclure les prostituées de l’humanité : la police des mœurs ne s’appuie-telle pas en France sur l’obligation préfectorale du 12 messidor an VIII d’« arrêter, visiter les animaux suspects de mal contagieux et [de] mettre à mort ceux qui en sont atteints » ? Cette animalisation se double d’une réification ; elle domine le champ lexical en usage pour désigner les filles de noces : boue, cloaque, gangrène, fange, lie de la société … Les abolitionnistes pourraient se contenter de dénoncer ce manque d’humanité, voire de compassion, en un appel aux bons sentiments ; nombre d’entre eux préfèrent se placer sur le terrain juridique. Cette tendance – que portent haut en France Yves Guyot et les féministes abolitionnistes en Allemagne –, brandit des arguments universalistes. Sauf à vivre dans le paradoxe, le pays des Droits de l’homme, plus que tout autre, se doit de respecter les droits fondamentaux proclamés dans la Déclaration éponyme : en conséquence, les prostituées devraient être traitées non en fonction de leur métier, réputé le plus vieux du monde, mais en tant que femmes dans une parfaite égalité des droits qu’implique la démocratie, républicaine sous la plume de Guyot. La position de cet homme politique d’extrême gauche est conforme en effet à l’idéal républicain, partagé par toutes les tendances, à savoir que la république est fondée sur la « défense des valeurs universelles de justice et de vérité, les droits sacrés de l’individu face à la raison d’État »21. Réclamer cette justice ne manque pas d’ambiguïté lorsque ladite république n’accorde pas aux femmes la pleine citoyenneté, une exclusion qui touche également les femmes de l’Empire allemand et de presque toute l’Europe. Ce constat invite à se demander si ce n’est pas justement parce que les prostituées sont femmes – et donc non citoyennes – que le réglementarisme peut échapper au droit commun. De fait, ce traitement des femmes hors du droit commun, et contraire donc aux principes fondamentaux du républicanisme, ne choque pas la majorité des républicains, au moment où la Troisième République est, par les lois institutionnelles de 1875, enfin installée. On peut sans peine estimer que cette acceptation s’inscrit dans le prolongement de l’exclusion de l’universel qui frappe toutes les Françaises et l’immense majorité des Européennes dans leurs droits civiques. Il semble en tous les cas que cette dimension ne soit pas étrangère à l’engagement des pourfendeurs du French system ; aux côtés de médecins préoccupés par les effets sanitaires dévastateurs des maisons closes (les soumises étant plus contaminées que les clandestines, en raison du manque d’hygiène des visites médicales obligatoires), se retrouvent des militants des droits de l’Homme – sans distinc20 21

Ein Wort zur Sittlichkeitsfrage, Vortrag gehalten im Rathhause zu Berlin am 14. Mai 1880 von Frau Gertrud Guillaume-Schack, 2. Aufl., Berlin, Verlag von H. Dolfuss, 1881, p. 7. Michel Winock, La France politique XIXe–XXe siècle, Paris, Éditions du Seuil, 1999, p.164.

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tion de sexe donc – souvent francs-maçons, parfois futurs dreyfusistes, initiateurs comme Guyot de la Ligue des Droits de l’homme, et bien sûr des féministes qui dénoncent l’inégalité de traitement juridique entre prostituées et clients, lesquels ne sont jamais inquiétés. La branche allemande du mouvement abolitionniste se distingue toutefois par le fait que, à la différence des autres pays, celui-ci est presque exclusivement porté par les femmes, avec seulement 13,8 % d’hommes en 190822. Dans la mesure où – autre particularité – les milieux protestants et socialistes lui refusent leur soutien23, le mouvement abolitionniste se recoupe largement avec le mouvement féministe radical. L’inégalité de traitement juridique repose bel et bien sur la différence des sexes qui véhicule une double morale. En cela encore, le réglementarisme conforte le genre : en effet, il inscrit dans la loi la hiérarchie entre les sexes et l’intervention de l’État dans la consolidation de celle-ci, jusque dans l’intimité des individus. AUX SOURCES DU TRAITEMENT PROSTITUTIONNEL : LA DOUBLE MORALE GENRÉE La dénonciation de la double morale genrée est contemporaine de l’argument juridique. Les abolitionnistes dénoncent cette double morale sexuée qui permet et de poursuivre uniquement les prostituées, en épargnant les clients et, très subtilement, de vilipender et d’ostraciser les prostituées. Ce faisant, non seulement, elle autorise la prostitution, mais elle la considère aussi à la fois comme un mal nécessaire pour répondre aux besoins – naturels – des hommes, et comme un passage obligé des jeunes gens pour accéder à la masculinité, voire comme un élément ordinaire de la sociabilité masculine. Les abolitionnistes refusent cette dichotomie dénoncée par les féministes anglaises dès 1870 tant « il est injuste que la punition s’applique au seul sexe qui est victime de ce vice »24 ; Josephine Butler n’aura de cesse de souligner cette iniquité. En Allemagne, les abolitionnistes insistent également sur l’injustice qu’il y a à punir un seul sexe là où les deux sont nécessairement impliqués dans l’acte de prostitution25 ; aussi prennent-ils pour devise ce passage des statuts de l’association britannique continentale : « Il n’existe qu’une loi morale, et elle est la même pour les deux sexes »26. Autour de 1900, l’Allemande Anna Pappritz souligne elle aussi le lien entre réglementarisme et double morale : « La fédération rejette la punition de la prostitution […] parce que la loi de nouveau pèserait toute

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Kretzschmar, op. cit., note 9, p. 88. Kerstin Wolff, « Herrenmoral: Anna Pappritz and abolitionism in Germany », Women’s History Review, 17/2 (2008), p. 231–232. « Women’s Protest », op. cit., note 10. Par ex. Gertrud Guillaume-Schack, Ein Wort zur Sittlichkeitsfrage, op. cit., note 20, p. 6. D’après Anna Pappritz, « Die Teilnahme der Frauen an der Sittlichkeitsbewegung », in : Helene Lange, Gertrud Bäumer (éd.), Handbuch der Frauenbewegung, Teil II, Berlin, W. Moeser Buchhandlung, 1901, p. 162.

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entière sur les femmes et que serait ainsi maintenu le fondement de la double morale »27. La double morale genrée ne s’applique pas qu’au champ prostitutionnel : elle irrigue tous les rapports de sexes du XIXe siècle ; aussi cette dissymétrie, que l’on pourrait qualifier ici d’outrancière, ne choque pas l’opinion commune. Elle additionne une lecture naturaliste qui attribue des besoins sexuels spécifiques à l’homme ou à la femme et la lecture moralisatrice qui en découle : toute femme à l’activité sexuelle hors de l’alcôve conjugale, toute évocation de la sexualité féminine en termes de désir, toute sexualité féminine à finalité non procréatrice dérogent aux normes « naturelles » de genre, si socialement et moralement construites et morales en réalité. Ce cadre figé facilite, voire impose, le déni d’une prostitution masculine hétérosexuelle, laquelle viendrait contredire la définition normative de la féminité, comme elle explique la négation de l’existence de la prostitution masculine homosexuelle, laquelle brouillerait, elle, la définition de la virilité. Ainsi se comprend la mise en catégorie exclusive des prostituées, qui ne perturbe en rien les règles de genre. Est-ce à dire que les abolitionnistes, féministes en tête, en s’attaquant au réglementarisme entendent non seulement renverser le French system mais aussi bouleverser ces normes imposées à toutes les femmes ? L’abolitionnisme serait-il émancipateur de la condition féminine ? La liberté des femmes, de toutes les femmes, va-t-elle de pair dans leur discours avec l’égalité juridique ? Existerait-t-il une défense libérale féministe ? En ce XIXe siècle où le libéralisme donne de la voix, le réglementarisme apparaît en contradiction avec cette doctrine. En effet, les États s’invitent dans la vie privée, ce qui heurte les libéraux dont Yves Guyot est un acteur majeur en Europe où il connaît en tant qu’économiste une grande notoriété. Le rapport prostitutionnel étant, selon lui, le résultat d’un contrat, l’État n’a pas à intervenir. Le corps des êtres humains étant de plus leur propriété, chacun est libre de son usage, quel que soit son sexe. Cette position est pour le moins audacieuse comparée à la condition féminine préalablement évoquée, d’autant plus que même le choix du conjoint est, pour les femmes, limité. Sur le terrain de la liberté sexuelle féminine, un tabou, les féministes sont rares à oser de pareilles audaces : les réformistes, soucieuses de respectabilité par laquelle elles espèrent entrer dans la république28, évitent le plus souvent le sujet ; les radicales, souvent isolées, partagent le point de vue de la doctoresse féministe Madeleine Pelletier29. Celle-ci condamne le réglementarisme comme dégradant, mais non la prostitution et, dans les années 1900, revendique pour toutes les femmes l’émancipation sexuelle30. En Allemagne, Helene Stöcker fait aussi figure d’ex27 28 29

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Ibidem, p. 181. Yannick Ripa, « Les féministes aiment-elles le sexe ? », L’Histoire, 277 (2003), p. 52–55. Madeleine Pelletier (1874–1939), première femme à se présenter à l’internat de psychiatrie, sans jamais pouvoir exercer sa spécialité, prône la « virginité militante », mais aussi la liberté sexuelle féminine et l’avortement. Condamnée pour cette pratique, elle est internée en hôpital psychiatrique jusqu’à sa mort. Claude Maignien / Charles Sowerwine, Madeleine Pelletier : une féministe dans l’arène politique, Paris, Les Éditions ouvrières, 1992. Madeleine Pelletier, L’émancipation sexuelle de la femme, Paris, Giard et Brière, 1911.

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ception, lorsqu’elle dénonce la dépendance non seulement économique, mais aussi corporelle des femmes : celle-ci les oblige à se plier à tous les désirs masculins et explique que, sur trois femmes, la première devienne une prostituée, la deuxième accepte un rapport payé (sous-entendu : dans le mariage) et la troisième observe un ascétisme strict afin de préserver sa « pureté » pour l’homme qu’elle épousera. De retour d’un congrès de la très respectable Société allemande pour la lutte contre les maladies vénériennes, en 1903, laquelle recommande aux femmes l’abstinence sexuelle pour se prémunir contre les maladies vénériennes, Helene Stöcker cherche à réhabiliter l’amour charnel. Elle déplore en effet que les congressistes fassent comme s’il n’existait aucune autre forme de sexualité que la prostitution et l’abstinence31. Selon elle, celle-ci n’est pas moins une « déviance maladive » que la prostitution et elle revient à priver les femmes d’un besoin élémentaire32. Helene Stöcker voit là l’expression d’une morale genrée et d’un « égoïsme de sexe » – c’est-à-dire du sexe masculin – qui, selon son analyse, ont mené à la prostitution et au problème de la sexualité. À cette morale négative, elle oppose une morale de l’affirmation de la vie. Car, abordant un sujet tabou dans la société wilhelmienne, elle n’a de cesse de rappeler que « ce qui est évident et naturel, ce sont des rapports sexuels réguliers entre des êtres humains, entre un homme et une femme, arrivés à la maturité sexuelle et qui s’attirent mutuellement » et qui assument la responsabilité de leurs actes33. Les propos d’Helene Stöcker sur la sexualité se comprennent exclusivement dans le cadre de l’hétérosexualité et passent l’homosexualité sous silence. Il reste que son analyse est, pour l’époque, très audacieuse, ce qui lui vaut d’être la cible d’une campagne de diffamation menée par la société bien-pensante qui l’accuse d’encourager la débauche. Mais cette analyse est minoritaire au niveau européen et n’est nullement celle des fondatrices de l’abolitionnisme qui, on l’a vu, qualifient la prostitution de « vice » ; la dimension morale sur fond de religiosité est, chez Josephine Butler et nombre de ses épigones, fondamentale. Du reste, celle-ci – dont le mari est un révérend de l’Église wesleyenne – nomme son militantisme une « croisade » ; ce vocabulaire religieux, aux accents philanthropiques et moralisateurs, peut-il porter une charge contre les normes genrées ? QUESTION PROSTITUTIONNELLE ET NORMES DE GENRE Le vocabulaire qui exprime l’abolitionnisme butlérien est donc à forte connotation chrétienne ; il s’agit de secourir des sœurs déchues, de relever ces femmes tombées dans la débauche. En France, la voix d’Avril de Sainte-Croix, figure phare du mouvement à partir de la fin du siècle, n’est nullement discordante : dans les colonnes de La Fronde, principal journal féministe français d’alors, la militante défend l’argumentaire anti-réglementariste et ce, dès la parution du périodique : en 1897, elle 31 32 33

Helene Stöcker, « Prostitution und Enthaltsamkeit », in : H. Stöcker, Die Liebe und die Frauen, Minden i. W., C. C. Brun’s Verlag, 1905, p. 122. Helene Stöcker, « Von Mann und Weib », in : H. Stöcker, op. cit., note 31, p. 105. H. Stöcker, « Prostitution und Enthaltsamkeit », op. cit., note 31, p.122–124.

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y publie trois articles sur « Les femmes de Saint-Lazare ». Loin de cette répression carcérale, elle veut aider les prostituées à retrouver le droit chemin ; aussi fonde-telle trois ans plus tard l’Œuvre libératrice ; elle ouvre alors à Auteuil une maison d’accueil pour des prostituées dites repenties. La presse applaudit unanimement cette initiative qu’elle espère voir se généraliser ; le surnom est aussitôt trouvé : voici née « la Maison de Fantine », en référence à l’héroïne de Victor Hugo, victime emblématique de la misère et de la prostitution. L’Allemande Hanna Bieber-Böhm, qui crée en 1889 l’association Jugendschutz (Protection de la jeunesse) pour lutter contre la prostitution, parle elle aussi des prostituées en des termes invariablement moralisateurs : ce sont des « filles déchues » qui n’ont pas su résister à la tentation de l’immoralité et qu’il s’agit de « sauver » du vice et de la cruauté. Pour éradiquer la prostitution, dans laquelle elle refuse de voir un mal nécessaire, elle préconise des mesures combinant éducation et coercition, telles que des maisons de redressement pour les prostituées et leurs enfants. Celle qui, dans une pétition, demande à l’empereur Guillaume II de mettre fin à la tolérance de la prostitution, s’engage progressivement sur la voie du prohibitionnisme34, tant et si bien que son approche s’apparente plus à celle de la « Mission intérieure », chapeautée par l’Église protestante, et du mouvement pour la préservation des mœurs (Sittlichkeitsbewegung) que du mouvement abolitionniste35. Elle entraîne avec elle le Bund deutscher Frauenvereine (BDF, l’Union des associations féminines allemandes) et ce n’est qu’en 1902 que les abolitionnistes parviennent à faire valoir au BDF leur lecture du statut des femmes à travers la réglementation de la prostitution. Celle-ci est, selon leur analyse, « l’expression la plus immorale » du « mépris de la femme », une « institution illégale » qui fait de la femme « un individu littéralement hors la loi » et qui réduit les femmes « à des êtres humains de seconde classe, à de la marchandise »36. Le moralisme présent dans le mouvement abolitionniste peut être lu comme une condamnation de la prostitution au nom de la morale imposée à toutes les femmes et, de fait, à elles seules. Ce sera une source de désaccord dans la FAI, une fracture à venir entre prohibitionnistes et abolitionnistes. Les règles du genre l’emportent in fine sur leur remise en cause pour toute femme. On est face à une posture qui, sans s’en rendre compte, non seulement peut entraver l’action contre le réglementarisme, mais conforte les normes genrées. Bien que victimes des proxénètes – auxquels les abolitionnistes assimilent l’État réglementariste –, des clients, mais aussi de la pauvreté et du manque d’éducation, les prostituées, tant qu’elles n’abandonnent pas la prostitution, ne sont donc pas des femmes comme les autres, car elles se situent en dehors des modèles de genre, auxquels de ce fait même leurs « avocates » semblent adhérer. Ainsi, la ma34 35

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Anne-Laure Briatte-Peters, Citoyennes sous tutelle. Le mouvement féministe « radical » dans l’Allemagne wilhelmienne, Berne, Peter Lang 2013, p. 100–105. Lutz Sauerteig, « Frauenemanzipation und Sittlichkeit. Die Rezeption des englischen Abolitionismus in Deutschland », in : Rudolf Muhs, Johannes Paulmann et Willibald Steinmetz (Hg.), Aneignung und Abwehr. Interkultureller Transfer zwischen Deutschland und Großbritannien im 19. Jahrhundert, Bodenheim, Philo, 1998, p. 170–173. A. Pappritz, « Die Teilnahme der Frauen », op. cit., note 26, p. 156 ; 161.

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jorité des féministes contribue-t-elle, consciemment ou pas, à la marginalisation des prostituées, laquelle fonde le réglementarisme, et donc, comme lui, elle consolide des normes de genre. Cette étonnante position s’explique surtout par la stratégie des féministes réformistes qui pratiquent donc la politique des petits pas pour être acceptées par la république37. Une solidarité avec les prostituées, voire une sororité, serait donc contraire à cette méthode, mais aussi à la propre morale du plus grand nombre. En Allemagne, le bureau du BDF a d’ailleurs longtemps rechigné à parler de ces « choses fort embarrassantes »38. Cette position ne permet guère de réfléchir à la liberté de ces femmes. Rarissime est cette réflexion, voire inexistante, guère plus fournie que celle sur la liberté de toutes les femmes, toujours posées en épouses et mères. Le féminisme se penche en effet moins sur la liberté de chaque sexe – avec pour limite la liberté sexuelle que seules abordent donc les radicales – que sur l’égalité entre les sexes. Voulant réintégrer dans le peuple-femme les filles de joie, ces militantes contribuent de fait à consolider la « condition féminine » d’alors, et la morale qui la sous-tend. Or ce sont précisément ces normes de genre qui fondent et justifient le réglementarisme et expliquent, en partie du moins, sa durée. CONCLUSION À l’origine du réglementarisme, nous l’avons vu, se trouve une lecture genrée de la sexualité : le réglementarisme prétend allier la santé de la société et les besoins masculins. Ce système est élaboré par des hommes, pour des hommes. Il renforce les traits des deux visages possibles de la féminité d’alors : dans la France du XIXe siècle, « la femme » est Marie ou Madeleine pour l’Église, « sainte ou pouliche », donc, selon la formule sandienne, « ménagère ou courtisane » dans la version laïcisée de Proudhon. Le réglementarisme né en France reflète donc la vision dominante de ce que doit être « la Femme », autour de trois archétypes. Il y a d’abord celui de l’épouse et de la mère à protéger : le réglementarisme se présente en effet comme une mesure sanitaire contre les maladies vénériennes. Sur ce versant, les abolitionnistes attaquent en prouvant que loin de faire diminuer la contagion vénérienne, il la répand. Cet argument, plus que tout autre, va servir leur cause : en 1883, Camille Schlumberger, maire de la ville de Colmar, ville de garnison du Reichsland, démonte, chiffres en mains, les fausses vérités sur les effets sanitaires de la réglementation, avec une enquête qu’il a réalisée sur la suppression des maisons de tolérance dans sa ville39. Quant à l’abrogation des Acts, elle est de fait largement due à l’échec prophylac37 38 39

Voir Laurence Klejman / Florence Rochefort, L’égalité en marche. Le féminisme sous la Troisième République, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques / Des Femmes, 1989. Lily von Gizycki, « Stimmungsbilder aus der General-Versammlung des Bundes deutscher Frauenvereine in München », Die Frauenbewegung, 1 (1895), p. 69. Camille Schlumberger, La suppression des maisons de tolérance à Colmar. Historique et résultats de cette mesure, Neuchâtel, Imprimerie de James Attinger, 1884.

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tique. Le second archétype est celui de la femme honnête : mariée, elle refuse tout adultère et sa vie sexuelle est vouée toute entière à la procréation. Femme seule, elle pratique l’abstinence : être célibataire est donc au féminin synonyme d’être vieille fille. La femme honnête est ainsi, dans ces deux versions, le contre-modèle de la prostituée et la négation des désirs et plaisirs sexuels féminins. Enfin, le réglementarisme renforce l’image de la jeune fille innocente : il affirme la prémunir contre la vue pernicieuse des prostituées de rue. Sans le dire clairement, il intervient ainsi dans l’éducation sexuelle des jeunes filles, plus exactement dans leur maintien dans l’ignorance des « choses du sexe », par la recherche de l’invisibilité des prostituées, comme il concourt à l’initiation sexuelle des jeunes garçons, par la mise à leur disposition de péripatéticiennes « patentées », appelées à les faire « devenir hommes ». Le réglementarisme soutient ainsi la différence et l’inégalité des sexes en cette matière, avec les effets que cela infère dans la vie intime des futurs couples, banalisant le recours du mari à des prostituées, sous le prétexte de respecter la pudeur et l’honnêteté de l’épouse. Notons aussi que ces « vraies » femmes sont donc à protéger, en une application de la définition de la Femme, être fragile, naïf sans discernement. Voilà un point commun entre réglementaristes et nombre d’abolitionnistes puisque ces derniers – et surtout leurs membres féminins – créent des œuvres préventives, telle L’Œuvre des gares (Bahnhofsmission, mission des gares, en Allemagne), pour empêcher les « innocentes » provinciales de tomber dès leur arrivée à Paris, à Londres ou à Hambourg dans les rets des proxénètes urbains. La conclusion finale s’impose d’elle-même : arc-bouté sur les normes de genre, le réglementarisme en est à la fois l’expression et l’instrument. Lutter contre lui, ce n’est pas toujours vouloir bouleverser les normes de genre ; leur respect, auquel tournent le dos les féministes radicales et des défenseurs des droits de l’homme, universalistes, limite la portée des actions militantes et revient même, probablement sans réelle prise de conscience, à cautionner certaines règles du genre. Ainsi s’expliquent sans doute la vigueur du réglementarisme européen, sans cesse réactualisé, mais aussi, peut-être, la diversité actuelle des opinions féministes sur la question prostitutionnelle.

KÜNSTLERISCHER FEMINISMUS?

Maurice Maeterlinck als „Dichter der neuen Frau“ Barbara Klaus-Cosca Zusammenfassung Der belgische Schriftsteller Maurice Maeterlinck (1862–1949) wurde früh mit seinen symbolistischen Dramen bekannt, darunter Princesse Maleine (1889) und Pelléas et Mélisande, in deren Zentrum fragile Frauengestalten, deren Herkunft ungeklärt ist, unter mysteriösen Umständen den Tod finden. Mit seinem Libretto Ariane et Barbe-Bleue (1899/1901) entwickelte Maeterlinck mit der Protagonistin Ariane eine neue Frauenfigur, die selbstbestimmt und stark für die Befreiung der gefangenen Frauen Blaubarts kämpft. In Deutschland wurde Maeterlinck mit diesem Werk, aber auch mit den folgenden Dramen, von der deutschen Frauenbewegung um Helene Stöcker als „Dichter der neuen Frau“ gefeiert. In Frankreich hingegen fand diese Vereinnahmung nicht statt. Der Artikel untersucht die unterschiedlichen Faktoren, die einerseits für die Entwicklung des Frauenbildes in Maeterlincks Dramenschaffen verantwortlich sind, und andererseits für die Etikettierung Maeterlincks als „Dichter der neuen Frau“.

Résumé Le poète belge Maurice Maeterlinck (1862–1949) est très connu pour ses drames symbolistes, dont Princesse Maleine (1889) et Pelléas et Mélisande, qui ont souvent pour personnages centraux des protagonistes féminins faibles, fragiles, dont l’origine est peu claire et qui meurent dans des circonstances mystérieuses. Avec son livret Ariane et Barbe-Bleue (1899/1901), Maeterlinck a développé, avec son personnage d’Ariane, une nouvelle figure féminine qui se bat avec détermination et force pour libérer les femmes prisonnières de Barbe Bleue. Avec cette œuvre en particulier, mais aussi avec les drames qui ont suivi, Maeterlinck fut célébré en Allemagne comme le « Poète de la femme nouvelle » par le mouvement d’émancipation féministe allemand autour d’Helene Stöcker. En France, cette récupération politique n’eut pas lieu. Cet essai se propose d’étudier les différents facteurs qui, d’une part, sont responsables de l’évolution de l’image de la femme dans l’œuvre dramatique de Maeterlinck et, d’autre part, de la désignation de Maeterlinck comme « Poète de la femme nouvelle ».

„Maurice Maeterlinck als Dichter der neuen Frau“ lautet die Überschrift eines Aufsatzes der deutschen Frauenrechtlerin Helene Stöcker (1869–1949) aus dem Jahr 1907 über das Werk des belgischen Symbolisten Maurice Maeterlinck.1 Mehr als 1

Dieser Artikel beruht auf den Recherchen für meine Dissertation „La Passion de la clarté“ – Die Entwicklung der Frauenfiguren in der Oper „Ariane et Barbe-Bleue“ von Paul Dukas und Maurice Maeterlinck vor dem Hintergrund der Entstehungsgeschichte des Librettos; Dissertation, Humboldt-Universität zu Berlin, Philosophische Fakultät III, publiziert am 07.04.2016, urn:nbn:de:kobv:11-100237641

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zehn Jahre bevor deutsche Frauen das Wahlrecht erhielten und die „neue Frau“ zum Medienereignis der Weimarer Republik wurde,2 beschrieb Stöcker eine markante Entwicklung in den Dramen Maeterlincks zwischen 1896 und 1904, die in der Darstellung einer selbstbewussten und kämpferischen Frau kulminierte. In dem Libretto Ariane et Barbe-Bleue aus dem Jahr 1901 fand sie die „Umkehr von düster entsagender Weltbetrachtung zu sieghafter Weltüberwindung“3 am überzeugendsten dargestellt. Die Figur der Ariane wäre diejenige aus den „Frauen in seinen Dichtungen, in denen sich nun dieser Mut, diese Freude verkörpert.“4 Stöcker erörterte ausführlich Maeterlincks „Fortschritt der Weltanschauung“5 und zog Parallelen und Vergleiche zur um 1905 aktuellen Situation der Frauenrechtsbewegung in Deutschland. Die deutsche Rezeption weist damit ein bemerkenswertes Charakteristikum auf. Denn während in Frankreich zwar durchaus die Entwicklung vom symbolistischen Drama zu einer mehr realistischen und klassischen Dramenform bei Maeterlinck wahrgenommen wurde, gab es doch kaum eindeutig feministische Lesarten seines Werkes – weder nach der Herausgabe von Maeterlincks Théâtre-Ausgabe (1901/1902) noch nach der Premiere der Oper Ariane et Barbe-Bleue im Mai 1907. Vielmehr wurden die Frauenfiguren in Maeterlincks Libretti und Dramen ab 1902 direkt mit der Person seiner Lebensgefährtin, der Sängerin Georgette Leblanc, in Verbindung gebracht.6 Der Artikel geht von diesem Rezeptionsbefund aus und analysiert die Lesart des Librettos Ariane et Barbe-Bleue mit der Figur der Ariane im Hinblick auf die condition féminine. Nach einem einführenden Blick auf die Entwicklung von Maeterlincks Dramenschaffen wird zunächst Stöckers Rezeption auf Grundlage der von ihr entworfenen Philosophie einer „neuer Ethik“7 problematisiert. In einem zweiten Schritt verfolgt der Artikel die französische Rezeption und fragt nach dem Einfluss der Lebensgefährtin und Schriftstellerin Georgette Leblanc auf das künstlerische Schaffen Maeterlincks und insbesondere auf die Konzeption der „neuen Frau“. Abschließend resümiert der Artikel die Rezeption der „neuen Frau“ in Maeterlincks 2

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Vgl. dazu u. a. Katie Sutton, The Masculine Woman in Weimar Germany, New York/Oxford, Berghahn Books, 2011; Gesa Kessemeier, Sportlich, sachlich, männlich. Das Bild der ,Neuen Frau‘ in den Zwanziger Jahren. Zur Konstruktion geschlechtsspezifischer Körperbilder in der Mode der Jahre 1920 bis 1929, Dortmund, Edition Ebersbach, 2000, sowie für eine Analyse der Zeitschrift Helene Langes für den hier besprochenen Zeitraum bis zum Ersten Weltkrieg: Christina Stange-Fayos, Publizistik und Politisierung der bürgerlichen Frauenbewegung. Die Zeitschrift ‚Die Frau‘ (1893–1914), Frankfurt a. M., Peter Lang (Zivilisationen und Geschichte), 2014. Helene Stöcker, „Maurice Maeterlinck als Dichter der neuen Frau (1907)“, in: Stefan Gross (Hg.), Maurice Maeterlinck und die deutschsprachige Literatur, Mindelheim, Sachon, 1985, S. 309–318, hier: S. 310. Zu Stöcker, vgl. zuletzt Angelika Schaser, Frauenbewegung in Deutschland, 1848–1933, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2006, S. 69 ff. Stöcker, „Maeterlinck als Dichter der neuen Frau“, S. 310. Ebd., S. 314. Vgl. hierzu u. a. Maxime Benoît-Jeannin, Georgette Leblanc (1869–1941), Bruxelles, Edition Le Cri, 1998, S. 213 ff. Vgl. hierzu Rolf von Bockel, Philosophin einer „neuen Ethik“: Helene Stöcker (1869–1943), Hamburg, Ed. Hamburg Borman und von Bockel, 1991.

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Dramen und fragt danach, ob Maeterlinck mit der Figur der Ariane und seinen späteren Frauenfiguren tatsächlich und bewusst einen „objektiven Beitrag zur Frauenfrage niedergelegt“8 hat. ARIANE ALS VERKÖRPERUNG DER „NEUEN FRAU“ Der belgische Dramatiker Maeterlinck galt den Zeitgenossen seit seinem Erstling La Princesse Maleine als „belgischer Shakespeare“.9 Als Vertreter des Symbolismus und Wegbereiter des dekadenten Frauentypus der ‚femme fragile‘10 schrieb Maeterlinck mit seinen düsteren und handlungsarmen Dramen Theatergeschichte, in dem er das Unbewusste, das Psychologische, das Unaussprechliche auf der Bühne darzustellen versuchte. Dies gelang ihm vor allem mit den „frühen“ Frauenfiguren, die im Grunde dem klassischen Frauenbild um 1900 folgen: Sie sind willenlos und passiv, nahe der Natur angesiedelt. Abstraktes Denken wird ihnen abgesprochen. Überraschenderweise entspricht diese Charakterisierung der symbolistischen Frauenfigur in Maeterlincks Weltbild jedoch einer positiven Setzung: Die Frau wird als Schwester des Schicksals bezeichnet, die unbewusst Zugang zur Ewigkeit hat, deren Wesen für das Abstraktionsvermögen des Mannes nicht fassbar ist. Damit weiß nach Maeterlinck die Frau (ähnlich wie Kinder) unbewusst den Gang der Dinge, der Ewigkeit, des Wesentlichen.11 Seit der Fertigstellung von Pelléas et Mélisande (1892) war Maeterlinck allerdings bewusst, dass er seine Dramentheorie ändern musste, wollte er nicht auf ewig das Etikett „Poète de la terreur“ tragen.12 Folgte er mit den drei kleinen Drames pour marionnettes 1894 noch seiner frühen Theaterdramaturgie und konstruierte symbolistisch-fragile Frauenfiguren, so setzte ab 1896 eine spürbare Entwicklung sowohl in seiner Dramentheorie als auch hinsichtlich seines Frauenbildes ein. Die entscheidende Zäsur erfolgte mit dem Libretto Ariane et Barbe-Bleue, das nach einer Entstehungszeit von zwei Jahren und drei Versionen unter Mitwirkung des 8 9

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Friedrich von Oppeln-Bronikowski, „Nachbericht des Übersetzers“, in: Maurice Maeterlinck, Zwei Singspiele. Blaubart und Ariane oder die vergebliche Befreiung, Leipzig, Eugen Diederichs, 1901, S. 80–81. Octave Mirbeau, „Maurice Maeterlinck“, in: Le Figaro, 20. August 1890, S. 1. Maeterlinck schrieb folgende symbolistische Dramen: L’Intruse (1890), Les Aveugles (1890), Les Sept Princesses (1891), auch genannt ‚Petite Trilogie de la mort‘, Pelléas et Mélisande (1892), Alladine et Palomides, Intérieur, La Mort de Tintagiles (‚Drames pour Marionnettes‘, 1894). Das Drama Aglavaine et Sélysette (1896) lässt bereits eine Entwicklung sowohl hinsichtlich der Dramenkonzeption als auch der Frauenfiguren erkennen, ist aber noch sehr dem Symbolismus verhaftet. Ariane Thomalla, Femme fragile. Ein literarischer Frauentypus der Jahrhundertwende, Düsseldorf 1972, S. 20. Zu literarischen Frauenfiguren in Libretti des Musiktheaters um 1900 siehe auch: Melanie Unseld, „Man töte dieses Weib“. Weiblichkeit und Tod in der Musik der Jahrhundertwende, Stuttgart u. a., Metzler, 2001. Vergl. hierzu u. a. Stefan Gross (Hg.), Maurice Maeterlinck. Prosa und kritische Schriften 1886–1896, Mindelheim, Sachon, 1983, S. 61 ff. und Paul Gorceix, Maeterlinck. L’Arpenteur de l’invisible, Bruxelles, Le Cri, 2005, S. 148–182. Paul Gorceix (Hg.), La Belgique fin de siècle, Bruxelles, Editions Complexe, 1997, S. 786.

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französischen Komponisten Paul Dukas 1901 im ersten Band der Théâtre-Ausgabe bei Lacomblez in Brüssel erschien.13 Im Mai 1907 wurde das Conte en trois actes in der Vertonung von Paul Dukas und in der Hauptrolle mit Georgette Leblanc an der Pariser Opéra-comique uraufgeführt. Die zeitgenössischen Reaktionen waren zahlreich, sowohl in Bezug auf das neue Werk Dukas’ als auch auf die gesangliche Darbietung Georgette Leblancs, der damaligen Lebensgefährtin Maeterlincks. Während die kritische französische Tagespresse die Entwicklung der Protagonistin vielmehr einem allgemeinen Humanismus zuordnete und ihre Dominanz im Stück monierte,14 wurde vor allem im deutschsprachigen Ausland seit Erscheinen der Théâtre-Ausgabe Maeterlincks in der Übersetzung von Friedrich von Oppeln-Bronikowski auf einen emanzipatorischen Gehalt des als Theaterstück veröffentlichten Librettos hingewiesen.15 Die wichtigste Rezeption von Ariane als Inbegriff der neuen Frau stammt aus der Feder der Frauenrechtlerin Helene Stöcker. Stöcker, die sich seit ihrem Lehrerinnenstudium in Berlin ab 1892 für die Gleichberechtigung der Frau einsetzte, kämpfte auch für „das Recht auf freie geistige Entwicklung und das Recht auf Liebe“.16 Darunter verstand sie, dass alle Frauen jene Rechte haben sollten, die Männer seit Jahrhunderten in Anspruch nahmen: „Geistige Schulung, pekuniäre Unabhängigkeit, eine beglückende Lebensaufgabe, eine geachtete soziale Stellung und dazu als ein ebenso Selbstverständliches, ebenso Notwendiges: Ehe und Kind.“17 Diese Forderungen behandelte sie in zahlreichen Zeitschriftenartikeln, vor allem in der von ihr herausgegebenen Zeitschrift „Neue Generation“ des „Bundes für Mutterschutz“ in den Jahren 1905 bis 1932. Im Jahr 1905 gab sie eine Sammlung ihrer wichtigsten Aufsätze aus den Jahren 1893 bis 1904 unter dem Titel Die Liebe und die Frauen heraus. Im Vorwort bezog sich Stöcker auf die Figur der Ariane aus Maeterlincks Blaubart und Ariane und bezeichnete diese als Vorbild und „Lichtbringerin“, damit alle Frauen und Männer zum „Vollmenschentum“ heranreifen und am Beispiel Arianes lernen können, um Freude an der eigenen geistigen und körperlichen Entwicklung zu empfinden.18 In der Einleitung (S. 1–5) bezog sich Stöcker explizit auf Maeterlinck, der ihrer Meinung nach am besten die Aufgaben der Menschen zum Erreichen einer idealen gleichberechtigten Gesellschaft formuliert hatte. Dazu zitierte sie die Worte Arianes an die gefangenen (symbolistischen) Ehefrauen Blaubarts, als sie ein Fenster zerschlagen und somit Licht in das Dunkel des Verlieses gebracht hatte: „Wollt ihr denn nicht an die frohe Botschaft glauben? Seht ihr nicht das Licht und die Türe weit offen und die Treppe, die zu weiten, grünen Gärten hinaufführt, die dort 13 14 15 16 17 18

Zur Entstehungsgeschichte des Librettos siehe die Dissertation der Autorin, La Passion de la clarté, (siehe Fußnote 1). Austin B. Caswell, „Maeterlinck’s and Dukas’s Ariane et Barbe-Bleue: A Feminist Opera?“, in: Studies in Romanticism, 27 (1988), S. 203–220, hier: S. 212 ff. Vgl. hierzu Friedrich von Oppeln-Bronikowski, „Maurice Maeterlinck“, in: Die Gesellschaft, Jg. 14 (1898), 1. Hlbbd., Heft 9 und 10, S. 594–601 und S. 677–686. Helene Stöcker, Die Liebe und die Frauen, Minden/Westfalen, Hofbuchdruckerei J. C. C. Bruns, 1905, S. VI (Vorwort). Ebd., S. XI. Ebd., S. XII.

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oben blühen?“19 Gemeinsam mit den Lehren aus seinem Essayband La Sagesse et La Destinée aus dem Jahr 1898,20 so Stöcker, würde Maeterlinck die Lehre von der Selbstliebe der Frauen propagieren, in der Art, sich der Welt zu bemächtigen, nämlich „tiefer ins Innere der menschlichen Seele hinab [zu tauchen] und alles hervor [zu holen], was sie zu ihrem eigenen Besten und zum Besten des Menschen braucht.“21 Diese „neue Ethik“, die sich Stöcker für eine „neue Menschheit“ (nach Nietzsche) erhoffte, bezeichnet weniger ein Programm denn eine „eine Ansammlung von Vorstellungselementen, eine Ahnung vom Miteinanderleben der Menschen in einer künftigen ‚Kulturepoche‘.“22 Dazu gehörten neben den oben erwähnten Rechten und gesellschaftlichen Änderungen auch die Forderung, die Frau „Weib sein zu lassen“,23 was für Stöcker als Führerin des Bundes für Mutterschutz und Sexualreform das Recht auf sexuelle Erfahrungen für Frauen bedeutete. Stöckers „Ethik“ war ein Beitrag zur sexuellen Frage, dessen Radikalität auf der Grundlage der Idee von freier Liebe von der Mehrheit der gemäßigten Frauenbewegung abgelehnt wurde.24 Zur „Umwertung der Werte“, die zu einem neuen Frauenbild führen sollen, baute Stöcker ganz auf „die junge Frauengeneration, die ganz Mensch sein will“ und sich in „Schönheit, Lebenskunst und Lebensfreude“ übt.25 Die „neue Frau“ nimmt für Stöcker ihr Leben selbst in die Hand und für sich die gleichen Rechte wie ein Mann in Anspruch, zu dem sie Beziehung(en) auf Basis der Liebe aufbaut. Zum Vorbild der neuen Frau erklärte Stöcker bereits 1904 Maeterlincks Protagonistin Ariane: „Ariane tritt in diese trostlose Welt als Befreierin und Lichtbringerin herein […] mit der starken, heißen Flamme einer frohen Botschaft im Herzen, die sie den Menschen zu bringen hat. Zu ihren im Dunkel begrabenen Schwestern dringt Ariane vor, um ihnen die Freiheit zu bringen, um sie das eigene Glück zu lehren.“26 Die Analyse des Librettos zeigt, dass Ariane für die Zeit um 1900 tatsächlich erstaunlich couragiert und konsequent ihr Ziel verfolgt, die fünf mitgefangenen Frauen zu befreien. Jede der Frauen war auf die gleiche Weise für ihren Ungehorsam und ihre Neugier bestraft worden: Freiheitsentzug in fast vollständiger Dunkelheit. Im Gegensatz zu Ariane verharren die gefangenen ehemaligen Ehefrauen Blaubarts im Kellergewölbe und fliehen aufgrund des Verbots nicht. Ariane hingegen fällt in erster Linie durch ihren expliziten Ungehorsam gegenüber ihrem Gatten Blaubart auf und durch ihren Willen, die anderen Frauen zu befreien. „Zunächst heißt es ungehorsam sein: das ist die erste Pflicht, wenn die Ordnung bedrohlich ist und sich nicht rechtfertigt“,27 lautet Arianes Credo zu Beginn des ersten Aktes. 19 20 21 22 23 24 25 26 27

Ebd., S. 1. Maurice Maeterlinck, La Sagesse et La Destinée, Paris, Charpentier, 1898. Stöcker, Die Liebe und die Frauen, S. 5. Rolf von Bockel, Philosophin einer neuen Ethik, S. 28. Stöcker, Die Liebe und die Frauen, S. 8. Vgl. dazu: Helene Stöcker, „Zur Reform der sexuellen Ethik“, in: Marielouise Jannsen-Jureit (Hg.), Frauen und Sexualmoral, Frankfurt a. M., Fischer Taschenbuchverlag, 1986, S. 110–118. Stöcker, Die Liebe und die Frauen, S. 6–17. Ebd., S. 135. Maurice Maeterlinck, Blaubart und Ariane oder: Die vergebliche Befreiung, Leipzig, Eugen Diederichs, 1901, S. 6.

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Dieses Dualitätsprinzip, das sich an der ungestümen Ariane auf der einen Seite und den passiven, gefangenen Ehefrauen auf der anderen Seite manifestiert, durchzieht das ganze Libretto: Stehen Ariane und ihr Freiheitsdrang für Licht, Leben, Farbe, so symbolisieren Blaubart und sein Schloss Dunkelheit, Hoffnungslosigkeit und Tod. Mit ihrem Vorsatz gelingt es der Protagonistin allerdings nur, die ursprüngliche Ordnung auf Blaubarts Burg wieder herzustellen. Der physische Befreiungsversuch für die fünf Ehefrauen scheitert, wie schon der Untertitel des Librettos La Délivrance inutile andeutet. Schließlich verlässt Ariane allein die Burg. Die fünf Ex-Frauen ziehen die bekannte Sklaverei der unbekannten Freiheit vor. Angesichts der rechtlichen und sozialen Situation einer Frau um 1900 kann die überpointierte zeitgenössische Lesart der liberalen Darstellung der Ariane als Feminismus nicht verwundern.28 Die Einschätzung Stöckers, dass mit der Figur der Ariane ein neuer, emanzipierter Frauentypus dargestellt werden sollte, wurde als eine mögliche Lektüre bereits durch Maeterlincks Übersetzer von Oppeln-Bronikowski vorgeschlagen. Der „Nachbericht des Übersetzers“ gibt allerdings als Grund für den Wandel des Frauenbilds auch Maeterlincks Lebensgefährtin an: „Unter Ariane kann man sich also ein Symbol jener hochstehenden Frau denken, die den Dichterphilosophen über Welt und Weib völlig umlernen ließ und der er Weisheit und Schicksal […] gewidmet hat. […] Von dieser Symbolisierung abgesehen, hat Maeterlinck in seiner „vergeblichen Befreiung“ aber auch einen objektiven Beitrag zur Frauenfrage niedergelegt.“29

GEORGETTE LEBLANC ALS „NEUE FRAU“ UND SCHRIFTSTELLERIN Die Sängerin Georgette Leblanc hatte seit 1895 einen nicht unerheblichen Einfluss auf Maeterlincks Frauenfiguren, die jedoch auch schon in den früheren Stücken seiner Dramenproduktion eine Änderung erfahren hatten.30 Aus Sicht bestimmter Männer ihrer Zeit verkörperte Leblanc die „neue Frau“. Von Oppeln-Bronikowski beschrieb ihre Rolle in prägnanten Worten: „Maeterlinck hat den Weg zum Licht, den Weg der Lebensfreude und Erstarkung nicht ohne Beihilfe gefunden. Und zwar war es die Beihilfe einer hochstehenden Frau, der Sängerin Georgette Leblanc, deren stolzes Abbild wir in der edlen Aglavaine, in der vom Lichte der Antike umschimmerten Heroine Ariane und mehr noch in der vornehmen Pisanerin Madonna Giovanna sehen müssen […]. Das […] Werk ‚Weisheit und Schicksal‘ legt Maeterlinck der angebeteten Frau mit der Beteuerung zu Füßen, dass sie die Seele desselben sei und dass er nur ihren Spuren habe folgen brauchen, ‚um die Gebärden, Worte und Taten eines wahren Weisen zu erlauschen‘.“31 28 29 30 31

Vgl. dazu den Beitrag von Ute Gerhard im vorliegenden Band. Von Oppeln-Bronikowski, „Nachbericht des Übersetzers“, S. 80–81. Vgl. die Figuren Astolaine, Alladine und Ygraine in den Dramen Alladine et Pallomides (1894), La Mort de Tintagiles (1894). Friedrich von Oppeln-Bronikowski, „Maurice Maeterlinck (Fortsetzung)“, Bühne und Welt. Zeitschrift für Theaterwesen, Literatur und Musik, 4, Nr. 2 (1902), S. 157–158. Maeterlinck widmete sein Werk La Sagesse et La Destinée (Weisheit und Schicksal) seiner Lebensgefährtin Georgette Leblanc mit folgenden Worten: „Frau Georgette Leblanc! Ihnen widme ich dieses

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In Leblancs Vorstellung einer neuen Frau, so wie sie sie in ihren unveröffentlichten Memoiren darlegt, sind traditionelle Weiblichkeit und Mütterlichkeit vereint mit ‚männlichen Tugenden‘ wie Mut, Freiheit, Unabhängigkeit und Selbstständigkeit. Voraussetzung für die Herausbildung der ‚männlichen Tugenden‘ sind finanzielle Unabhängigkeit und persönliche Freiheit.32 In ihren publizierten Erinnerungen Souvenirs aus dem Jahr 1931 beschreibt Leblanc ihre neue Beziehungskonzeption, in deren Zentrum die Liebe, persönliche Freiheiten und die Absage an die Ehe stand. Äußere materielle oder institutionelle Begebenheiten sollten eine untergeordnete Rolle spielen.33 Die Tatsache, dass Leblanc die Ehe als Zustand der Rechtslosigkeit der Ehefrau ablehnt, erstaunt nicht, wenn man bedenkt, dass Leblanc zuvor auf Wunsch ihres Vaters bereits einen spanischen Unternehmer geheiratet hatte. In ihren unveröffentlichten Erinnerungen beschreibt sie ihre Vorstellung von Freiheit: „Le mariage doit être pour moi libération. […] Je suis une jeune fille qu’il faut délivrer. […] J’ai l’amour d’art […].“34 Der Verlobte stimmte dem wohl angesichts einer stattlichen Mitgift zu,35 dennoch misslang die ‚mariage blanc‘. Leblanc wurde wegen der Gewalttätigkeiten des Ehemannes gerichtlich geschieden. Um eine kirchliche Annullierung der Ehe bemühte sie sich gleichwohl nicht. Ihr Status als zivilrechtlich geschiedene Ehefrau sicherte Leblanc einerseits eine gewisse Unabhängigkeit und Bürgerrechte. Andererseits stand sie als Sängerin und Mätresse eines Dichters am Rande der Gesellschaft. Dass das Thema der Ehe zentral für Maeterlinck und Leblanc wurde, ist vor dem Hintergrund dieser persönlichen Konstellation erklärlich. Die Rolle Leblancs beschränkte sich gleichwohl nicht auf die einer Muse. Leblanc verfügte über eine eigene Konzeption von ihrer Rolle als „neuer Frau“. Vielmehr hatte sie ihre Vorstellungen in der Vorbereitung eines Romans bereits durchdacht. Als literarisches Motiv findet diese sich eben nicht nur in Maeterlincks Ariane et Barbe-Bleue, sondern auch in Leblancs Roman Le choix de la vie36 aus dem Jahr 1904. Leblanc, die mehrfach betonte, Maeterlinck zu dem Libretto Ariane et Barbe-Bleue und der ‚neuen‘ Frauenfigur inspiriert zu haben, entwarf bereits Ideen zum Handlungskern

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Buch, denn es ist so zu sagen Ihr Werk. Es gibt eine höhere und wirksamere Mitarbeiterschaft als die der Feder; es ist die des Gedankens und des Beispiels. Ich brauchte mir die Entschlüsse und Handlungen einer idealen Weise nicht mühsam vorzustellen, noch die Moral eines schönen, aber notwendigerweise etwas unbestimmtes Traumes aus meiner Brust zu schöpfen. Es genügte mir, Ihren Worten zu lauschen. Es genügte mir, Ihnen mit aufmerksamen Blick durch das Leben zu folgen, denn so folgte ich den Bewegungen, Gebärden und Gewohnheiten der Weisheit selbst.“ Maurice Maeterlinck, Weisheit und Schicksal, Leipzig, Eugen Diederichs, 1902, o. S. Vgl. Georgette Leblanc, „L’Histoire de ma vie“ (Manuskript), AML Bruxelles, MLT 00536, S. 196 ff. und Benoît-Jeannin, Georgette Leblanc, S. 99 ff. Zur Forschungssituation zu Georgette Leblanc siehe Klaus-Cosca, La Passion de la clarté. Georgette Leblanc, Souvenirs (1895–1918), Paris, Bernard Grasset, 1931, S. 54 f. Leblanc, „Histoire de ma vie“, S. 58 ff. Benoît-Jeannin, Georgette Leblanc, S. 31. Georgette Leblanc, Le choix de la vie, Paris, Charpentier, 1904.

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des Romans, die Maeterlinck im Libretto zu Ariane et Barbe-Bleue verarbeitete.37 Der Roman behandelt die Beziehung einer vornehmen Dame aus Paris zu Rose, einem einfachen Bauernmädchen. Die feine Dame versucht, das Bauernmädchen aus ihrem Bauernleben zu ‚befreien‘, indem sie ihm ein kultiviertes Leben vorlebt und ihm durch ästhetische Erziehung, Kunst und Kultur ihre eigenen Lebens- und Moralvorstellungen nahebringen will. Die junge Bäuerin entscheidet sich jedoch mit der Kenntnis um ein anderes Leben wieder für ein Leben auf dem Lande. Die Befreiung verläuft ähnlich fruchtlos wie bei Ariane, die zu Befreiende weiß aber ebenso wie die gefangenen Ehefrauen um ein anderes, freieres Leben, für das sie sich theoretisch auch später noch entscheiden könnte. Die schriftstellerische Tätigkeit Leblancs und ihre Bedeutung fanden international öffentliche Aufmerksamkeit. So erschien am 24. März 1912 in der New York Times ein Artikel über Georgette Leblanc38 mit der Überschrift „Madame Maeterlinck as a Writer for Women“. Gegenstand des Zeitungsberichts ist der in Paris veröffentlichte Roman. Der Journalist Montrose Jonas Moses stellte in dem Artikel fest, dass Leblancs Roman die Quelle für den Feminismus in Maeterlincks Bühnenstücken gewesen sei müsse, was diese bestätigte: „More than once has Mme Maeterlinck confessed that upon Le Choix de la vie was most of the intent of Ariane et Barbe-Bleue based.“39 Tatsächlich findet sich Jahrzehnte später eine ähnliche Aussage auch in der Revue musicale. Unter der Überschrift Autour d’Ariane et Barbe-Bleue berichtet der belgische Musikkritiker José Bruyr von einem Interview, das er mit Georgette Leblanc über die Oper Ariane et Barbe-Bleue geführt hatte. Leblanc erwähnte, dass Paul Dukas in der Figur der Ariane die namenlose Erzählerin des Romans Le choix de la vie nachgebildet sehe und er selbst – wie Ariane und die Ich-Erzählerin des Romans – die unbekannte Freiheit dem Altbekannten vorziehen würde.40 Inwieweit der 1904 erschienene Roman Leblancs tatsächlich die literarische Vorlage für Maeterlincks Libretto Ariane et Barbe-Bleue gewesen war, ist nicht zweifelsfrei nachzuweisen. Fest steht jedoch, dass Leblanc den Dichter nicht nur durch ihre emanzipierte Persönlichkeit fasziniert und beeinflusst hat, sondern Letzterer auch auf ihre Gedanken und Texte zurückgriff. Wie Maeterlinck diese Art der Zusammenarbeit reflektierte, ist aus seinem Essay mit dem Titel Portrait de femme bekannt, mit dem er in seinem dritten Essayband Le double Jardin (1904) seiner Lebensgefährtin ein literarisches Denkmal setzte.41 Die Funktion der Frau 37 38

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Leblanc, Souvenirs, S. 226 ff. Georgette Leblanc sang am 10. Januar 1912 die weibliche Hauptrolle der Oper Pelléas et Mélisande an der Boston Opera. Die Sängerin und Schauspielerin war dem New Yorker Publikum bereits aufgrund zahlreicher Presseberichte über Premieren von Maeterlincks Theater- und Opernstücke bekannt. Sowohl als Regisseurin der Festspiel-Inszenierungen mit Maeterlinck von St. Wandrille (1909 ff.) und von Der blaue Vogel, der mit ihr in der Rolle des Lichts einen großen Erfolg feierte. Auch als Schriftstellerin fand sie ein Echo in den USA. Montrose Jonas Moses, „Mme. Maeterlinck as a Writer for Women“, New York Times, 24. März 1912. José Bruyr, „Autour d’Ariane et Barbe-Bleue“, La Revue Musicale, XVII (1936), Nr. 167, S. 38. Maurice Maeterlinck, Le double Jardin, Paris, Fasquelle, 1904, S. 245–263. Die Zitate, das

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beschreibt der Schriftsteller in der Beziehung zu ihm, dem schreibenden Mann, als „gleichgestellter Kamerad und nächste und tiefste Gefährtin“. Das von Maeterlinck beschriebene Frauenbild lässt sich schwer auf den Begriff der Muse bringen.42 Es vereint männliche und weibliche Eigenschaften und erinnert darin an Leblancs Konzeption einer ‚femme nouvelle‘. Gleichwohl ist das Frauenbild dichotomisch und komplementär in Bezug auf den Mann organisiert. Maeterlinck unterscheidet zwischen zwei Arten von Tugenden, die sich gegenüberstehen: Den „Tugenden des Mannes“, jenen der Tat, der Aktion, der Entscheidung, und den „Tugenden der Frau“, welche von Bewegungslosigkeit ausgehen und aus „schlafenden Lastern“ bestehen. Aber er argumentiert für eine Veränderung. Die bewegungslosen Tugenden der Frau, wie Keuschheit, Gerechtigkeit, Geduld, Ergebenheit, Versöhnlichkeit, Mitleid, Treue, Aufrichtigkeit, Demut, Entsagung und Verzicht, Hingabe und Aufopferung, müssen in aktive Tugenden umgewandelt werden. In diesem Sinn sieht auch Leblanc in Ariane jene Frauenfigur, welche das ideale Frauenbild Maeterlincks darstellt, weil sie nicht nur auf Ereignisse reagiert, sondern aktiv durch ihre Wesensart provoziert und selbst versucht zu bestimmen.43 Trotz dieser Überlegungen ist die Entwicklung des Frauenbildes bei Maeterlinck im Wesentlichen literarisch-philosophisch intendiert und weniger feministisch – weder im aktiv-politischen noch auch nur im gesellschaftskritischen Sinn. Politische Themen werden ohnehin nur selten und vereinzelt von Maeterlinck in seinem Werk aufgegriffen.44 Und das Frauenwahlrecht war für ihn niemals Anlass zu einem Artikel. Entscheidender war für den Schriftsteller sein Vorhaben, einen neuen Dramentypus zu schaffen. Die Entwicklung des neuen Maeterlinckschen Frauenbildes erfolgte hauptsächlich im Rahmen seiner Dramenphilosophie. Diese vor allen Dingen ab 1899 in den Essaybänden notierten Überlegungen kreisten um den Versuch, das symbolistische Theater weiter zu entwickeln, starke Charaktere zu entwerfen, die moralische Probleme ergreifend darstellen sollten, um so das statische symbolistische Theater zu überwinden.45 Maeterlinck verbannte nicht zuletzt

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Essay „Ein Frauenbildnis“ betreffend, werden aus der deutschen Übersetzung von Friedrich von Oppeln-Bronikowski zitiert: Maurice Maeterlinck, Der doppelte Garten, Jena und Leipzig, Eugen Diederichs, 1904, S. 159–170. Vgl. dazu: Etienne Gilson, L’École des muses, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, 1951, S.134. Georgette Leblanc-Maeterlinck: „The Later Heroines of Maurice Maeterlinck“, in: Morceaux choisis, Paris, Nelson Editeurs, 1910, S. 54. „Das Allgemeine Stimmrecht [in Belgien]“, in: Maeterlinck, Der doppelte Garten, S. 62–70. In diesem Artikel spricht sich Maeterlinck für die komplette Abschaffung des (damals noch immer bestehenden) Klassenwahlrechts und für die Einführung eines allgemeinen, gleichen und für alle soziale Schichten geltenden (Männer-) Wahlrechts in Belgien aus. Das passive Frauenwahlrecht wurde teilweise erst 1921 und das aktive Frauenwahlrecht erst 1948 in Belgien eingeführt. Die ersten drei eigenständigen Essaybände Maeterlincks begleiten und bereiten mit philosophisch-essayistischen Abhandlungen seine dramatischen Entwicklungen vor, die in weiten Teilen durch die Entwicklungen der Frauenfiguren umgesetzt wurden: Le trésor des humbles (1896) nimmt Aglavaine et Sélysette vorweg, La Sagesse et La Destinée (1898) erklärt die moralische Handlungsmaxime der Ariane (Ariane et Barbe-Bleue, Libretto 1899, Buchveröf-

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die fünf Frauen symbolisch in den Kerker, aus dem sie sich nicht (mehr) befreien lassen,46 um mit Ariane et Barbe-Bleue eine Kehrtwende innerhalb seines dramatischen Werks zu unternehmen – weg vom Symbolismus, hin zu lebenszugewandten, optimistischen und positiveren Geschöpfen und Geschichten. Dabei entspricht Ariane mit ihrer Handlungsmaxime ganz ihrem lebendigen Vorbild Leblanc: Ihr Feminismus ist impulsiv, persönlich motiviert. Sie handelt aus Leidenschaft, nicht im Rahmen einer politischen Mission. Arianes Wunsch, die Frauen zu befreien, bietet kein tragfähiges Gegenkonzept und ist nicht erwünscht. Ihre Mission ist humanistisch intendiert durch ihre große Liebe zu allen Menschen, Blaubart eingeschlossen. Als sie jedoch bemerkt, dass ihr Befreiungseifer kein Erfolg hat, verlässt sie das Schloss. Die Befreiung der Frauen ist gescheitert. Aber die Vorstellung von einem neuen und anderen Leben wurde geweckt. Das Vorleben eines anderen Lebens kann Bewusstseinsprozesse auslösen, wie Stöcker beschreibt: „Dass auch für die Frauen die Zeit gekommen ist, sich dieses höchsten, allein menschenwürdigen Glückes immer bewusster zu werden, ist mein unerschütterlicher Glaube. Wenn es gelingen sollte, in der einen oder anderen Persönlichkeit, die ein so stolzes Glück bisher noch nicht für sich noch nicht in Anspruch zu nehmen wagte, den Mut zu einem solchen Anspruch zu erwecken, so wäre damit alles, was ich zu wünschen hätte, erfüllt.“47

In der Lesart Stöckers will Ariane nicht nur die physische Befreiung der Frauen, sondern sie hat auch eine Vorbild- und Lehrfunktion, nämlich „Freude an sich selbst zu haben, an der eigenen Entwicklung, Freude an allen Reizen körperlicher und seelischer Art“48 und diese Freude und das Glück darüber in die Welt zu tragen. FAZIT Fragt man abschließend nach den Gründen für die deutsche Rezeption, bietet sich zunächst der Hinweis auf den deutschen Übersetzer von Oppeln-Bronikowski an. Maeterlinck genoss nach Dirk Strohmann in Deutschland die Stellung einer moralischen Instanz, dessen philosophische Schriften von einem breiten Publikum als „säkulare Erbauungsbücher und Lebenshilfen“49 rezipiert wurden. Wesentlich beteiligt an dieser Rolle als populärer Lebensphilosoph einerseits und als Dichter der „neuen Frau“ andererseits war von Oppeln-Bronikowski. Dieser kommentierte die Veränderungen in Maeterlincks Werken, seiner Philosophie und seinem Dramen-

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fentlichung 1901) und Monna Vanna und Joyzelle aus den gleichnamigen Dramen (1902 und 1903) verkörpern die moralischen Werte, die in Le temple enseveli diskutiert werden. Die Namen der fünf zu befreienden Ehefrauen Blaubarts entstammen alle den frühen symbolistischen Dramen Maeterlincks. Der Name Sélysette entstammt dem Drama Aglavaine et Sélysette (1896), Ygraine und Bellangère entstammen dem Drama La mort de Tintagiles (1894), Mélisande dem Drama Pelléas et Mélisande (1892) und Alladine dem Drama Alladine et Palomides (1894). Stöcker, Die Liebe und die Frauen, S. 5. Dirk Strohmann, Die Rezeption Maurice Maeterlincks in den deutschsprachigen Ländern (1891–1914), Berlin u. a., Peter Lang, 2006, S. 136. Ebd., S. 271.

Künstlerischer Feminismus?

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schaffen überzeugend mit dem Einfluss von Leblanc, worin er sich selbst durch die Widmung Maeterlincks an dieselbe in dem Werk La Sagesse et La Destinée bestätigt sah. Maeterlincks Essays über moralisches Handeln als einer aktiv das Schicksal meisternden Kraft, die er sehr allgemein und nicht speziell auf Frauen bezogen formulierte, konnten von verschiedenen Gruppierungen beansprucht werden. Maeterlincks Werk ist aufgrund des manifesten und später latenten Symbolismus offen für viele Interpretationen. Gerade diese Offenheit „ermöglichte es verschiedenen gesellschaftlichen Strömungen, darunter auch der von Stöcker vertretenen deutschen Emanzipationsbewegungen, sich in seinem Werke widerzuspiegeln und in Maeterlinck einen Repräsentanten der eigenen Ideale zu sehen.“50 So war es möglich, in Ariane et Barbe-Bleue ein Stück über die Befreiung der Frau zu sehen, selbst dann, wenn diese letztendlich scheiterte. Man kann den Hinweis auf die Bedeutung Leblancs in Maeterlincks Widmung zu La Sagesse et La Destinée, in dem diese als Maeterlincks Retterin aus Trübsal und Verzweiflung dargestellt wird, auch als Verkaufsstrategie lesen: „Die romantische Darstellung eines durch die Liebe einer hochherzigen Frau aus Düsternis und Verzweiflung geretteten jungen Dichters“51 wirkte sich durchaus verkaufsfördernd aus. So bleiben als Antwort auf die Frage nach der „neuen Frau“ in Maeterlincks Dramen verschiedene Faktoren, Kontexte und Übertragungsmechanismen festzuhalten. Dass der von Stöcker wahrgenommene Feminismus sich aus Überschneidungen der philosophisch-gesellschaftskritischen Überlegungen ergab, lässt diesen durchaus als „künstlerischen Feminismus“ beschreiben, ohne dass dieser vom Autor intendiert gewesen wäre.52

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Ebd., S. 268. Ebd., S. 139 f. Caswell, „Ariane et Barbe-Bleue – a feminist opera?“, S. 220.

BLAUSTRÜMPFE UND EMANZEN

Oder: Das Vordringen des bürgerlichen Weibes im historischen Kontext an Beispielen französischer und deutscher Karikaturen von der Julirevolution (1830) bis zum Kriegsausbruch 1914 Ursula E. Koch Die Emancipirte „Schwingt ihren Stock ganz männerähnlich – Und doch, wie arg sie es auch treib’: Für’n Mann ist sie zu wenig männlich Zu wenig weiblich für ein Weib!“ (Fliegende Blätter, 1902)1

Zusammenfassung Bereits in den ersten Flugblättern des 16. und 17. Jahrhunderts finden sich Beispiele für den „Krieg der Geschlechter“. Aber erst in den im 19. Jahrhundert entstandenen illustrierten satirischen Periodika wird diese Thematik von den Zeichnern ausgiebig behandelt. So veröffentlichten Honoré Daumier und seine Kollegen in den 1840er Jahren in Le Charivari frauenfeindliche Serien wie „Les Bas-bleus“, die den Fliegenden Blättern in München und später auch einigen Berliner SatireJournalen als Vorbild dienten. Die Belle Epoque ist in Frankreich wie in Deutschland sowohl das goldene Zeitalter der ersten bürgerlichen Frauenbewegung als auch der illustrierten humoristischsatirischen Wochenzeitschriften. Jugend, Simplicissimus, Le Rire, L’Assiette au Beurre und viele andere behandeln die Lage und das „Vordringen des bürgerlichen Weibes“ unter drei wesentlichen Aspekten: 1. Die Frau als von ihrem Ehemann oder Arbeitgeber abhängiges Objekt, 2. die professionelle oder gelegentliche Prostituierte, 3. die „Emanze“ und radikale Frauenrechtlerin. Namentlich die letztgenannte war ein Hauptangriffsziel der Karikaturisten.

Résumé Dès les premières feuilles volantes (XVIe et XVIIe siècles), on trouve des exemples qui reflètent la guerre des sexes. Mais ce n’est qu’au XIXe siècle, alors que naissent les journaux satiriques périodiques, que cette thématique sera largement exploitée par les dessinateurs. Ainsi Honoré Daumier et ses collègues publient, dans les années 1840, dans Le Charivari, des séries misogynes telles que « Les Bas-bleus » qui serviront de modèle au Fliegende Blätter de Munich et à certains journaux berlinois. Sous la Belle Époque, le premier mouvement féministe, d’une part, et les hebdomadaires illustrés satiriques, d’autre part, sont en France comme en Allemagne à leur apogée. Jugend, Simplicissimus, Le Rire, L’Assiette au Beurre et bien d’autres abordent avec prédilection la situation 1

Fliegende Blätter Bd. 117, Nr. 2992 (1902). Gedicht von Oskar Emil Wantalowicz. Strophe 2.

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et « l’avancée » de la femme bourgeoise sous les trois aspects suivants : la femme-objet qui dépend de son mari ou de son employeur, la prostituée professionnelle ou occasionnelle, enfin la femme émancipée ou se battant pour l’égalité, cette dernière étant la principale cible des attaques des caricaturistes.

ANSTELLE EINER EINLEITUNG – EIN KURZER BLICK ZURÜCK: FRÜHE SATIRISCHE EINBLATTDRUCKE Die Frau, als humoristisch-satirisches Motiv der europäischen Druckmedien „ein weites Feld“ (Theodor Fontane), lässt sich dank der in Bibliotheken und Museen auffindbaren, oft im Internet reproduzierten Originalquellen sowie bildreicher Sammelbände2 bis zu den mit Holzschnitten oder Kupferstichen ausgeschmückten Flugblättern der Frühen Neuzeit zurückverfolgen. So erblickt man sie bereits seit der Mitte des 16. Jahrhunderts vereinzelt als Germania mit wallendem blondem Haar mit oder ohne Kopfbedeckung, d. h. als Allegorie des Heiligen Römischen Reiches Deutscher Nation. Andere symbolische Karikaturen führen dem Betrachter die „Allmacht des Weibes“ vor Augen oder aber dessen „Kampf um die Hosen“.3 Auf wieder anderen satirischen Einblattdrucken erscheint die Frau als Opfer männlicher Begierde oder physischer Gewalt. So zeigt ein auf eine französische Vorlage zurückgehender, mit viel Männerfantasie ausgeschmückter Kupferstich („Unartigen Weiber Haupt Schmid“), wie ein Schmiedemeister und zwei Gesellen versuchen, aus einem „harten“, d. h. boshaften, ungehorsamen, eigensinnigen oder listigen Weiberkopf einen „zarten“ zu machen.4 Alles in allem nehmen die nichtperiodischen Bildsatiren jener fernen Zeiten bereits viele der „allzu menschlichen“ Themen (z. B. ungleiche Liebespaare, Modetorheiten, Ehesitten, Untreue, käufliche Liebe) vorweg, welche später den humoristisch-satirischen Grundstock vieler Zeitschriften bilden werden. Sowohl die im 18. Jahrhundert europaweit nachgeahmten farbenprächtigen galanten oder gesellschaftskritischen Londoner Einblattdrucke William Hogarths und seiner Nachfolger James Gillray, Thomas Rowlandson und George Cruikshank5 als 2

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Ergiebige Fundgruben sind u. a. die Publikationen des Karikaturenforschers Eduard Fuchs, z. B. Die Frau in der Karikatur. Sozialgeschichte der Frau, Nachdruck der 3. Ausgabe von 1928, Frankfurt a. M., Verlag Neue Kritik, 1973; auch John Grand-Carteret, La Femme en Allemagne, Paris, Librairie Nilsson, 1887; und Gustav Kahn (Hg.), Das Weib in der Karikatur Frankreichs, Stuttgart, Hermann Schmidt, 1907. Fuchs, Die Frau in der Karikatur, S. 53, 54, 68, 69; vgl. auch Eduard Fuchs, Illustrierte Sittengeschichte vom Mittelalter bis zur Gegenwart, 3 Bände, Bd. 1, Berlin, Verlag Klaus Guhl, o. D. um 1990 (Nachdruck der Ausgabe von 1909), S. 217 f. sowie S. 57 („Die Herrschaft der Frau über den Mann“), S. 92 („Judith. Symbolische Darstellung der Macht des Weibes“) oder S. 210 („Das Weiberregiment“). Deutsches Historisches Museum, Berlin, Objektdatenbank, Inventarnr. Gr 99/120 (google.bilder. de). Michel Jouve, „Innovation und Einfluß der englischen graphischen Satire des 18. Jahrhunderts“, in: Raimund Rütten / Ruth Jung / Gerhard Schneider unter Mitarbeit von Gerhard Landes / Dieter Schmidt / Bernd Wilczek (Hg.), Die Karikatur zwischen Republik und Zensur. Bildsatire in Frankreich 1830 bis 1880, Marburg, Jonas Verlag, 1991, S. 24–31. Siehe zu die-

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auch die erstmals als populäre vielseitige „Massenkunst“6 auftretende satirische Bildpublizistik der Französischen Revolution haben keinen Mangel an Motiven für Gender Studies. Letztere, ermöglicht durch die in Artikel 11 der Erklärung der Menschen- und Bürgerrechte (26. August 1789)7 erstmals verbriefte Gedankenund Meinungsfreiheit, zeigt die Frau häufig als Allegorie der in die Antike zurückreichenden Liberté beziehungsweise als symbolische Verkörperung der Französischen Republik, d. h. als Marianne mit Jakobinermütze (seit 1792).8 Auf anderen „fliegenden Blättern“ (mit Auflagenhöhen bis zu 20.000 Exemplaren) erscheint sie als „Realkörper“,9 d. h. als citoyenne. PARIS: BLAUSTRÜMPFE ALS MOTIV ILLUSTRIERTER SATIRISCHER PERIODIKA MODERNEN STILS Seit der Erfindung der Lithografie durch den Bayern Alois Senefelder (um 1800) und dem Aufkommen moderner illustrierter satirischer Periodika in Frankreich (nach der Pariser Julirevolution 1830) und in Deutschland (kurz vor und während der Märzrevolution 1848) ist die Frau aus der humoristisch-ironisch-satirischen Publizistik (Lithografien, Holzstiche, Holzschnitte, Kupferstiche, Radierungen) nicht mehr wegzudenken. Insbesondere der Geschlechterkampf wurde in diesen „neuen Medien“ sehr schnell zu einem beliebten Thema der Künstler, die mit den darstellungstechnischen Mitteln der Übertreibung, Verzerrung, Reduktion, Nachahmung oder Parodie10 das ihrer Meinung nach Komische bewusst hervorzuheben suchten. Genannt seien das seit November 1830 erscheinende, im Wesentlichen der politischen Bildsatire vorbehaltene oppositionelle Wochenblatt La Caricature11 sowie das Ende 1832 (bis 1926) von dem gleichen Verleger, Charles Philipon, als Tageszeitung gegründete SatireJournal Le Charivari („Katzenmusik“).12 Nach dem Erlass der „höllischen Gesetze“,

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sem Band die von Philippe Régnier herausgegebene französische Ausgabe: La caricature entre République et censure, Presses Universitaires de Lyon, 1996. Klaus Herding / Rolf Reichardt, Die Bildpublizistik der Französischen Revolution, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1989, S. 14. 1791 veröffentlichte die zwei Jahre später enthauptete Schauspielerin Olympe de Gouges ihre wegweisende „Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne“. Maurice Agulhon, Marianne au combat. L’imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880, Paris, Flammarion, 1979. Der Name Marianne (aus Marie und Anne) geht auf ein südfranzösisches Lied („Les voyages du bonnet rouge“, 1792) zurück. Vorbild der Jakobinermütze war der altrömische Freiheitshut. Beatrix Schmaußer-Strauss unterscheidet zwischen „Zeichen-Körper“ (in einem politischen Kontext) und „Realkörper“ (in einem sittengeschichtlichen Kontext): Beatrix SchmaußerStrauss, Göttin der Schönheit, Frauenrechtlerin und Nationalheldin. Frauen in der Karikatur Frankreichs von der Kommune bis zum Ersten Weltkrieg, Weimar, Verlag und Datenbank für Geisteswissenschaften, 1995, S. 29. Ein allgemeiner Überblick über das „Repertoire des Karikaturisten“ in: Gisold Lammel, Deutsche Karikaturen. Vom Mittelalter bis heute, Stuttgart/Weimar, Metzler, 1995, S. 5–66. Näheres in: Susanne Bosch-Abele, Opposition mit dem Zeichenstift 1830–1835. LA CARICATURE, hg. von Ursula Mildner, Gelsenkirchen, Arachne, 2000. Ursula E. Koch / Pierre-Paul Sagave, Le Charivari. Die Geschichte einer Pariser Tageszeitung

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d. h. der Wiedereinführung der Bild- und Text-Vorzensur (1835–1848) durch den als „Birne“13 verspotteten Bürgerkönig Louis Philippe, stellte La Caricature ihr Erscheinen ein. Le Charivari ersetzte, um zu überleben, brisante tagespolitische Karikaturen durch thematische, sich oft über Wochen hinziehende, auch als Einzelblätter vertriebene Folgen von humoristisch-satirischen „Sittenbildern“. Zu den bekanntesten Beispielen zählen die bis heute in Ausstellungen gezeigten Lithografien des Malers, Bildhauers und Zeichners Honoré Daumier,14 ein überzeugter Republikaner, aber kein Freund der nach Gleichberechtigung strebenden Frauen seiner Epoche, die sich den Zwängen des Code Napoléon (1804)15 zu entziehen suchten. Als nach der von Eugène Delacroix („Die Freiheit führt das Volk“) meisterhaft symbolisch dargestellten Julirevolution 1830 die ersten Zeitschriften von Frauen für Frauen16 gegründet wurden und die Hosen tragende, Zigarre rauchende, die freie Liebe (berühmte Liebhaber waren der Dichter Alfred de Musset und Frédéric Chopin) praktizierende frühsozialistische Romanschriftstellerin George Sand zu einem Sinnbild der emanzipierten Frau17 in Europa wurde, publizierte Daumier seine aus heutiger Sicht reaktionäre Bildfolge „Les Bas-Bleus“ („Die Blaustrümpfe“; Januar bis August 1844; 40 Blätter). Madame, ein plattbusiger Blaustrumpf mit spärlicher Haartracht, wird das Schicksal einer „alten Jungfer“ erleiden; Madame wird von der Muse geküsst, so dass ihr Ehemann sich um den Säugling kümmern muss. Madame weigert sich nicht nur, ihrem Gatten einen Knopf an seiner Hose anzunähen, sondern wirft ihm diese auch noch an den Kopf. Als jahrhundertealtes Streitobjekt der Geschlechter wurde die „Hose“ fortan eine der meist gebrauchten Metaphern der europäischen Bildsatire.18

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im Kampf um die Republik (1832 bis 1882), Köln, informationspresse c. w. leske , 1984. Le Charivari diente als Vorbild für Europas illustrierte satirische Presse. Das bekannteste Beispiel war das Londoner Wochenblatt Punch (1841–1996; 2002–2006). Das seit 1979 in Frankfurt a. M. monatlich herausgegebene Satire-Journal Titanic stellte knapp 150 Jahre später Bundeskanzler Helmut Kohl als Birne dar. Als neuestes Beispiel sei der vorzüglich illustrierte Ausstellungskatalog der Graphischen Sammlung München (Die Stiftung Kames) genannt, Monsieur Daumier. Ihre Serie ist reizvoll, Berlin/München, Deutscher Kunstverlag, 2012. Über 4.000 Abbildungen in: Klaus Schrenk (Hg.), Honoré Daumier. Das lithographische Werk. Mit einem Essay von Charles Baudelaire, 2 Bände, München, Rogner und Bernhard, 1977. Vgl. dazu den Beitrag von Ute Gerhard im vorliegenden Band. Als Erstes erschien die Broschüre La femme libre. Apostolat des femmes (15. August 1832). Ihre Herausgeberinnen, die Schneiderin Jeanne-Désirée Véret und ihre Freundin Marie-Reine Guindorf, standen dem Saint-Simonismus nahe. Eigentlich Aurore Dupin, verheiratete Baronne Dudevant. Vgl. Noel B. Gerson, George Sand: A Biography of the First Modern, Liberated Woman, London, Robert Hale, 1973; Anne-Marie Brem, George Sand. Un diable de femme, Paris, Gallimard, 1997. Christine Planté, „Die Bas-Bleus von Daumier: Worüber wird gelacht in der Karikatur?“, in: Rütten/Jung/Schneider (Hg.), Karikatur zwischen Republik und Zensur, S. 211–223. Bereits am 30. Juni 1839 war in Le Charivari in der Daumier-Serie „Mœurs conjugales“ eine Lithografie mit der Unterschrift „Eure Madame Sand kann mir gestohlen bleiben, wenn sie die Frauen daran hindert, Hosen zu flicken […]“ erschienen. Vgl. zum Kontext, Christine Bard, Une histoire politique du pantalon, Paris, Seuil, 2010.

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Abb. 1: Honoré Daumier, „Les Bas-bleus“ (Nr. 28) in: Le Charivari (23. Mai 1844) © Privatsammlung Koch

Daumiers misogynen Lithografien war eine Bildserie seines Kollegen Paul Gavarni vorausgegangen, der zwischen 1841 und 1843 in Le Charivari unter dem Titel „Les Lorettes“ 79 Grafiken veröffentlicht hatte, welche, so Charles Baudelaire, die Sitten „nachhaltig“ beeinflussen sollte. Die Lorette (damals ein in Paris geläufiger Ausdruck für Freudenmädchen aus der Rue Notre-Dame-de-Lorette), so wie Gavarni sie sah, hielt „ein offenes Haus“, verkehrte mit Künstlern und Journalisten und hatte „keinen Herrn“.19 Nach der Pariser Februarrevolution 1848 feierte Daumier am 9. März in Le Charivari begeistert die Republik, symbolisch dargestellt als eine füllige junge Marianne mit Freiheitsmütze, welche ein halbes Dutzend Ex-Minister in Schrecken versetzt. Gleichzeitig mokierte der Künstler sich in zwei Bildfolgen – „Les Divorceuses“20 und „Les femmes socialistes“21 – über den nur wenige Monate später wieder verbotenen Pariser Club des femmes sowie über die Versammlungen der „Scheidungsrechtlerinnen“ und „Sozialistinnen“, die sich in der Öffentlichkeit und in eigenen Clubs sowie Presseorganen (La Voix des femmes; L’Opinion des femmes) lautstark äußerten.

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Gerhard Schack (Hg.), Paul Gavarni 1804–1866. Aquarelle, Handzeichnungen und Lithographien, Hamburg, Christians, 1980, S. 310. 6 Blätter, August bis Oktober 1848. Siehe Lucette Czyba, „Feminismus und Karikatur. Die Scheidungsfrage im Charivari von 1848“, in: Rütten/Jung/Schneider (Hg.), Karikatur zwischen Republik und Zensur, S. 277–284. Von 1816 bis 1884 war in Frankreich eine Scheidung nicht möglich. 10 Blätter, April bis Juni 1849. Qualitativ hervorragende Abbildungen mit übersetzten Bildlegenden in: Graphische Sammlung München, Monsieur Daumier, S. 218–221; 222–227.

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In der Regel lag die Komik sowohl in der Mimik und Bewegung als auch in der verbalen Übertreibung der Bildlegenden des Verlegers Charles Philipon,22 hier (Le Charivari vom 17. Mai 1849) in Anlehnung an das Pamphlet (Januar 1789) des Abbé Emmanuel-Joseph Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers-État?: „… was gilt die Frau heutzutage in der Gesellschaft, nichts! Was sollte sie sein? Alles … ja, alles, alles!“ „Ah! Bravo, bravo, das ist noch schöner als die letzte Rede von Jeanne Derouin (sic)!“ Anspielungen auf diese, selbst einer George Sand zu forsch auftretende Frauenrechtlerin, die 1849 vergeblich versuchte, sich dank des passiven Wahlrechts in die gesetzgebende Nationalversammlung wählen zu lassen,23 finden sich auch in weiteren Lithografien dieser Serie. Als Konterpartie oder Ergänzung zu Daumiers rabiaten „Frauenrechtlerinnen“ ohne „Sexappeal“ veröffentlichte Le Charivari im Mai/Juni 1848 eine Serie Edouard de Beaumonts, die den „Vésuviennes“, ein Spottname für die „zugleich angenehm verführerisch und unerhört rebellisch“24 auftretenden „Kriegerinnen“ der Februarrevolution, gewidmet war. Dass diese in Zukunft „niemals mehr“ einen Hosenknopf annähen wollten (Le Charivari, 20. Juni), erinnert an die Serie „Les Bas-bleus“. DIE BLAUSTRÜMPFE DES CHARIVARI ALS MOTIV FÜR MÜNCHENS KARIKATURENJOURNAL FLIEGENDE BLÄTTER UND SEINE BERLINER KOLLEGEN – EIN BEISPIEL FÜR ERFOLGREICHEN BILDTRANSFER Den Gründern und Gestaltern der langlebigsten humoristisch-satirischen Zeitschrift Münchens, ja Deutschlands, Fliegende Blätter (1844–1944), Friedrich Schneider und Caspar Braun, ein Schüler Louis-Henri Brévières, waren die Serien Daumiers und seiner Kollegen natürlich bekannt, denn Le Charivari lag auch in deutschen Bibliotheken und Lesecafés aus. So thematisierte dieses, mit zahlreichen SchwarzWeiß-Holzstichen unterschiedlicher Zeichner (darunter Carl Spitzweg) ausgestattete Wochenblatt zwischen 1844 und 1853 in der Art des Pariser Vorbilds eine „verkehrte Welt“, in der der Ehemann mehr oder weniger unbedarft die häuslichen Pflichten übernimmt. Madame hingegen wird unter Bilderbogentiteln wie „Moderne Treibhauspflanzen“, „Emancipirte Frauen“ oder „Die neuen Amazonen“ von den Zeichnern als „weiblicher Don Juan“, „Studentin“, „Professorin“, „Protectorin“, „Dichterin“ (Anspielung auf George Sand), „Malerin“ beziehungsweise als „Thekesselpauker“, „Fähndrich der Pantoffelgarde“ oder „Oberst der Küchendragoner“ lächerlich gemacht.25 22 23 24 25

Vgl. David S. Kerr, Caricature and French Political Culture 1830–1848. Charles Philipon and the Illustrated Press, New York, Oxford University Press, 2000. Michèle Riot-Sarcey, „Jeanne Deroin ne sera pas élue!“, in: L’Histoire, 231 (April 1999), S. 17–18. Laura S. Strumingher, „Die Vésuviennes: Bilder von Kriegerinnen im Jahre 1848 und ihre Bedeutung für die französische Geschichte“, in: Rütten/Jung/Schneider (Hg.), Karikatur zwischen Republik und Zensur, S. 260–276, hier: S. 260. Fliegende Blätter Bd. I, Nr. 6; Bd. IV, Nr. 45 und 49; Bd. XVII, Nr. 384 und 386–388. Abbil-

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Pikanterweise wurde die Revolution von 1848 im Königreich Bayern, die am 20. März zur Abdankung Ludwigs I. zugunsten seines Sohnes, des Kronprinzen Maximilian, führte, mit hervorgerufen durch eine unkonventionelle Frau, die schöne, intrigante, sich als „spanische Tänzerin“ ausgebende, 1847 als Marie von Landsfeld in den Grafenstand erhobene Lola Montez.26 In über 40, zum Teil gewagt erotischen satirischen Flugblättern wurde dieses „vormärzliche Tanzidyll“ verhöhnt. Dank der „Märzerrungenschaften“ 1848 (u. a. Vereins-, Versammlungs- und Pressefreiheit) wurden auch in den deutschen Staaten, allen voran in Preußens Hauptstadt Berlin, demokratische Frauenclubs gegründet (z. B. von Lucie Lenz) und Frauenversammlungen abgehalten. Diese waren, genau wie in Paris und zum Teil mit den gleichen Motiven („Ludwig, gieb Acht auf’s Kind, ich gehe in meinen Club“)27 für die über Nacht aus dem Boden sprießenden, in der Regel demokratisch oder liberal gesinnten satirischen Flug- und Witzblätter des „tollen Jahrs“ eine Zielscheibe des Spottes. Gleichzeitig wurden erstmals von den Zeichnern Handlungsmuster aus dem Alltag auf die vor 1848 nur selten bildlich dargestellte allegorische Kunstfigur Germania übertragen. In der Regel verkörperte sie den Staat und schlüpfte bei dem einen oder anderen Künstler in Anwesenheit ihres männlichen Pendants, des im Vormärz populär gewordenen, im Ausland wenig bekannten „deutschen Michels“ (Volk),28 in unterschiedliche ewig weibliche Rollen: Mutter, Stiefmutter oder Muhme, Michels Braut, Michels hochschwangere oder gerade niedergekommene Gattin. Darstellung (z. B. Eichenkrone oder Jakobinermütze), Gestik, Mienenspiel, Überschrift und Bildlegende kommentierten die öffentliche Diskussion.29 Dem Scheitern der Revolution von 1848, die auch eine Revolution der Bilder 30 war, folgten im II. Kaiserreich die Wiedereinführung der Bildvorzensur be-

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dungen in: Marianne Bernhard (Hg.), Fliegende Blätter. Eine Auswahl aus dem ersten Jahrzehnt, Dortmund, Harenberg, 1979, S. 14, 15, 60–65 und 154–157. Vgl. allgemein: Ursula E. Koch, „Die Münchner Fliegenden Blätter vor, während und nach der Märzrevolution 1848: ein deutscher Charivari und Punch?“, in: Hubertus Fischer / Florian Vaßen (Hg.), Politik, Porträt, Physiologie. Facetten der europäischen Karikatur im Vor- und Nachmärz, Bielefeld, Aisthesis, 2010, S. 199–255. Eine neue Biografie erschien 2014 mit Joseph Karl Stielers Porträt (1847) auf der Titelseite. Marita A. Panzer, Lola Montez. Ein Leben als Bühne, Regensburg, Friedrich Pustet, 2014. Freie Blätter, 33 (4. Oktober 1848): „Demokratischer Frauen-Verein“. Siehe auch Berliner Groβmaul, 8 (9. Oktober 1848): „Sitzung des Demokratischen Frauen-Vereins“, und Der Satyr. Lose Blaetter aus dem Deutschen Reiche, Beilage 4 (1848). Allgemein: Tomasz Szarota, Der deutsche Michel. Die Geschichte eines nationalen Symbols und Autostereotyps. Aus dem Polnischen von Kordula Zentgraf-Zubrzycka, Osnabrück, fibre, 1998. Allgemein: Carola Lipp (Hg.), Schimpfende Weiber und patriotische Jungfrauen. Frauen im Vormärz und in der Revolution 1848/49, Moos & Baden-Baden, Elster Verlag, 1986, und Ursula E. Koch, „Germania – eine facettenreiche Nationalfigur im Dienst des politischen Meinungsstreits. Selbst- und Fremdbild in der deutschen und französischen Pressekarikatur im Wandel der Jahrhunderte. Ein Forschungsbericht“, in: Dietrich Grünewald (Hg.), Politische Karikatur. Zwischen Journalismus und Kunst, Weimar, VDG, 2002, S. 45–68, hier: S. 47–49. Germanisches Nationalmuseum (Hg.), 1848: Das Europa der Bilder, Bd. 1: Der Völker Frühling, Bd. 2: Michels März, Nürnberg, Verlag des Germanischen Nationalmuseums, 1998.

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ziehungsweise in den deutschen Staaten eine streng gehandhabte Nachzensur. In Le Charivari wichen Daumier und seine Kollegen daher erneut auf „Sittenbilder“ (ohne spezifische Frauenthemen) aus oder karikierten die an kriegerischen Ereignissen reiche Außenpolitik Napoléons III. Gavarni hingegen, der Le Charivari verlassen hatte, blieb zunächst den Frauenthemen treu. 1852/53 lieferte er dem illustrierten Journal Paris drei ebenfalls als Alben veröffentlichte Serien (insgesamt 70 Lithografien), deren Titel für sich sprechen: „Les maris me font toujours rire“, „Les Lorettes Vieillies“ und „Etudes Androgynes“.31 Wiederum andere Zustände herrschten in der bayerischen und preußischen Hauptstadt, München und Berlin. In München entwickelten sich die inzwischen digitalisierten Fliegenden Blätter mit ihren Wortwitzen und amüsanten, jedoch klischeereichen Typenkarikaturen (darunter das weibliche Geschlecht in den unterschiedlichsten Rollen und Posen) zum Prototyp des europäischen illustrierten „Familienwitzblattes“. In Berlin wurde aus dem 1848 gegründeten Kladderadatsch (bis 1944) trotz zunächst zahlreicher Beschlagnahmen ein vielfach nachgeahmtes illustriertes Polit-Witzblatt par excellence, dessen Auflage bis in die 1870er Jahre (50.000 Exemplare) die der deutschen Tageszeitungen überstieg.32 Da der wortlastige Kladderadatsch sich fast ausschließlich auf innen- und außenpolitische Themen spezialisierte, verzichtete er weitgehend auf für Gender Studies relevante Beiträge. Eine am 1. Dezember 1872 (Nr. 55), also rund ein Jahrzehnt, nachdem die Universität Lyon33 und fünf Jahre, nachdem die Universität Zürich regulär immatrikulierte Studentinnen aufgenommen hatten, unter dem Titel „Schattenseite“ erschienene Karikatur stellt daher eine Ausnahme dar. Für den Hauszeichner Wilhelm Scholz war das in Deutschland erst viel später zugelassene34 weibliche Studium die umgekehrte akademische Welt, symbolisch dargestellt an einer „Züricher Studentinnen-Kneipe“, in der die Anwesenden Bier trinken, Karten spielen, Studentenmützen tragen, Pfeife rauchen und die Kellner auf den Schoß nehmen.35 Bemerkenswerterweise veröffentlichte die Gattin des Kladderadatsch-Leiters Ernst Dohm, Hedwig, nur zwei Jahre später ihre erste bahnbrechende Streitschrift: Die wissenschaftliche Emanzipation der Frau. Seit 1876 forderte die spätere little Grandma von Katja (Pringsheim) und Thomas Mann, die nach dem preußischen 31 32 33 34

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Einzelheiten in: Gerhard Schack, Paul Gavarni 1804–1866, S. 314 f. Ursula E. Koch, Der Teufel in Berlin. Von der Märzrevolution bis zu Bismarcks Entlassung. Illustrierte politische Witzblätter einer Metropole 1848–1890, Köln, informationspresse c. w. leske, 1991. Natalia Tikhonov Sigrist, „Les femmes et l’université en France, 1860–1914. Pour une historiographie comparée“, in: Histoire de l’éducation, 122 (2009), S. 53–70. Den Anfang machte 1900 das Großherzogtum Baden. Die Königreiche Bayern und Preußen folgten 1903 und 1908. Der Zugang zum Gymnasium beziehungsweise zur Universität sowie zu einem geeigneten Beruf war das zentrale Anliegen des 1865 in Leipzig durch Louise OttoPeters (von 1849–1852 Herausgeberin einer Frauen-Zeitung mit dem Motto „Dem Reich der Freiheit werb’ ich Bürgerinnen“) und Auguste Schmidt gegründeten Allgemeinen Deutschen Frauenvereins (DAF). Vgl. hierzu die Angaben bei biografien-news. CD-ROM „Superfrauen“. 14 Bücher auf einer CD-ROM von Ernst Probst. Kladderadatsch, 55 (1. Dezember 1872): „Züricher Studentinnen-Kneipe“ von „unserer Special-Artistin“, http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/kla1872/0580.

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Vereinsgesetz (bis 1908) als Frau von einer aktiven Teilnahme am politischen Leben ausgeschlossen war, das weibliche Wahlrecht (Der Frauen Natur und Recht). Dies tat im gleichen Jahr in Paris die Gründerin des Vereins Le droit des femmes (seit 1883 Le suffrage des femmes), Hubertine Auclert,36 eine Zielscheibe für eine Reihe neu gegründeter republikanischer Satire-Journale. Am 14. Juli 1872 aktualisierte das großformatige Wochenblatt Le Sifflet (Nr. 26) auf einem zweifarbigem Titelbild von Eugène Ladreyt („L’émancipation des femmes“) Daumiers Motiv der „Bas-bleus“: Madame, adrett gekleidet, spielt in einem Frauencafé Billard; Monsieur schaut ihr zu und reicht derweil dem Säugling die Flasche.37 Auf dem Titelblatt einer anderen, von dem Karikaturisten Alfred Le Petit herausgegebenen Wochenzeitschrift, Les Contemporains 15 (1881), versucht die wiederholt karikierte Hubertine Auclert vergeblich, die Schreibfeder in der rechten Hand (Anspielung auf ihre Zeitung La Citoyenne), die Fahne „Droits de la femme“ unter dem linken Arm, als weiblicher Don Quixote die „Bastille des droits de l’homme“ zu erstürmen. DAS GOLDENE ZEITALTER DER ILLUSTRIERTEN SATIRE-JOURNALE UND DIE FRAUENFRAGE Ihren Höhepunkt erlebte die illustrierte humoristisch-satirische Wochenpresse unterschiedlicher Tendenz, Aufmachung, Erscheinungsweise und Lebensdauer in beiden Ländern dank mehr (Frankreich, 1881) oder weniger (Deutschland, 1874) liberaler Pressegesetze, neuer Techniken und einer Vielzahl talentierter Künstler (z. B. Thomas Theodor Heine, Ferdinand von Reznicek, Olaf Gulbransson38 oder Jules Grandjouan, Alfred Le Petit, Théophile Alexandre Steinlen) in der Zeit der Belle Epoque, d. h. in den drei Jahrzehnten vor Ausbruch des Ersten Weltkrieges. In Paris, dem politischen, kulturellen und publizistischen Mittelpunkt Frankreichs, zählte man über 20039, in München, um 1900 das „wichtigste kunstschaffende Zentrum im deutschsprachigen Europa“40, über 6041 und in Berlin über 40 Zeitschriften (da36 37

38 39 40 41

Vgl. Steven C. Hause, Hubertine Auclert. The French Suffragette, New Haven und London, Yale University Press, 1987. Ein ganz ähnliches Motiv findet sich auf der Titelseite („En l’an III de l’émancipation de la femme“) von La Guêpe (13. Oktober 1872). Auch hier gibt der hilflose Ehemann dem Säugling die Flasche, während um ihn herum emanzipierte Frauen fechten, Wache stehen, Billard spielen oder als Anwältin in einem Prozess auftreten. Vgl. auch Le Grelot (19. April 1896): Titelbild „Revendications féminines“. Kurt Flemig, Karikaturisten-Lexikon, München u. a., Saur, 1993. Dico-Solo, Plus de 5000 dessinateurs de presse et 600 supports en France de Daumier à l’an 2000, Vichy, édition AEDIS, 2004. Siehe auch Ridiculosa, 18 (2011): Les revues satiriques françaises. Robin Lenman, Die Kunst, die Macht und das Geld. Zur Kulturgeschichte des kaiserlichen Deutschland 1871–1918, Frankfurt a. M./New York, Campus, 1994, S. 108. Beispiele in: Ursula E. Koch / Markus Behmer (Hg.), Grobe Wahrheiten – Wahre Grobheiten. Feine Striche – Scharfe Stiche. Jugend, Simplicissimus und andere Karikaturen-Journale der Münchner „Belle Epoque“ als Spiegel und Zerrspiegel der kleinen wie der großen Welt, München, Reinhard Fischer, 1996.

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runter Kladderadatsch, Ulk und Lustige Blätter) dieser Gattung, Mischtypen und illustrierte Wochenbeilagen zu Tageszeitungen sowie „Eintagsfliegen“ mitgerechnet. Nicht wenige der wöchentlich erschienenen Neugründungen erzielten hohe Auflagen und waren international verbreitet. Beispielhaft genannt seien die Pariser Satire-Journale Le Rire (um die Jahrhundertwende 300.000 Exemplare) und L̓Assiette au Beurre (25.000–40.000 Exemplare)42 sowie die 1896 nach europäischen, insbesondere französischen Vorbildern ins Leben gerufenen Münchner Titel Jugend (bis 1940)43 und Simplicissimus (bis 1944). Der bis heute von Kulturinstituten oder Museen ausgestellte Simplicissimus mit seinen politischen, gesellschaftskritischen oder galanten Karikaturen war bis zum Kriegsausbruch 1914 mit einer Höchstauflage von 100.000 Exemplaren eines der besten Witzblätter der Welt.44 Je nach Redaktionslinie finden sich mehr oder weniger häufig sowohl in den deutschen als auch in den französischen Satire-Journalen zwei Kategorien von humoristisch-satirischen Frauendarstellungen, von denen hier nur die zweite näher betrachtet werden kann. Nach dem Deutsch-Französischen Krieg (1870/71) wurden sowohl im Frankreich der III. Republik als auch im deutschen Kaiserreich die als Denkmal, Statue oder Büste, d. h. als Selbstbild idealisierten allegorischen Nationalfiguren Marianne45 und Germania46 von den Zeichnern als Witzblattfiguren vereinnahmt und instrumentalisiert. Beide Allegorien, leicht erkennbar an ihren Kopfbedeckungen (phrygische Mütze, Kaiserkrone oder Wikingerhelm), werden in der politischen Bildsatire beider Länder (und anderswo) als Freund-, Fremd- oder Feindbilder47 verwendet. In Abertausenden von Humorskizzen, kunstvoll gestalteten Sittenbildern oder kommerziellen Anzeigen (nicht selten für Sekt- oder Champagnermarken) mit oft trefflichen Legenden erscheint die Frau als „inszenierter“ symbolischer (z. B. Venus) oder realer Körper. Bezieht man die Sondernummern (z. B. Fasching) und 42

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Das 1894 gegründete als „überparteilich“ zu bezeichnende Satire-Journal Le Rire erschien in mehreren Folgen bis 1979. Vgl. zu dem linksrepublikanischen bis anarchistischen Wochenblatt L̓Assiette au Beurre (1901–1912) Elisabeth und Michel Dixmier, L’Assiette au Beurre. Condésur-Noireau, Ch. Corlet, 1974; Jean-Michel Royer, Le livre d’or de l’assiette au beurre, 2 Bände, Paris, Jean-Claude Simoën, 1978. Auf die (digitalisierte) Zeitschrift Jugend (ca. 85.000 Exemplare) mit stets wechselnden Titelbildern und zahlreichen Beiträgen europäischer, insbesondere französischer Künstler geht die Bezeichnung „Jugendstil“ zurück. Einzelheiten in: Suzanne Gourdon, La „Jugend“ de Georg Hirth. La Belle Époque munichoise entre Paris et Saint-Pétersbourg, Straßburg, Centre d’Etudes germaniques, 1997. Ein immer noch guter Gesamtüberblick bei Carla Schulz-Hoffmann, Simplicissimus. Eine satirische Zeitschrift. München 1896–1944, München, Ausstellungsleitung Haus der Kunst, 1977. Der komplett digitalisierte und aufgeschlüsselte Simplicissimus unter http://www.simplicissimus.info/index.php?id=5. Maurice Agulhon, Marianne au pouvoir. L’imagerie et la symbolique républicaines de 1880 à 1914, Paris, Flammarion, 1989. Hierzu Guillaume Doizy / Jacky Houdré, Marianne dans tous ses états, Paris, éd. alternatives, 2008. Lothar Gall, Germania. Eine deutsche Marianne? Une Marianne allemande?, Bonn, Bouvier, 1993. Ursula E. Koch, Marianne und Germania in der Karikatur (1550–1999), Leipzig, Pöge Druck, ²2011.

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„Nebenprodukte“ (Kalender, Alben, Plakate, Postkarten etc.) mit ein, so schuf die illustrierte humoristisch-satirische Publizistik einen höchst aufschlussreichen Spiegel und Zerrspiegel des durch die rechtliche und soziale Lage der Frau hervorgerufenen „Geschlechterkampfes“ der „schönen Zeit vor Anno 14“. Während die Pariser Karikaturisten ihren Männerfantasien freien Lauf lassen konnten und selbst pornografische Szenen zu zeigen wagten, gerieten in Deutschland als „schamlos“ empfundene Bildsatiren mit dem Reichsstrafgesetzbuch in Konflikt. Eine Verurteilung gemäß § 360 („Grober Unfug“) oder § 184 (Verkauf, Verteilung, Verbreitung unzüchtiger Schriften und Abbildungen) konnte eine Beschlagnahme, ein Verbot sowie in Einzelfällen eine Geld- oder Haftstrafe nach sich ziehen.48 Gemäß der Reichsgewerbeordnung konnte überdies ein Auslage- oder Kolportageverbot erfolgen. So ist beispielsweise in der Jugend der halb- oder ganz nackte Frauenkörper zwar durchaus präsent, aber nur selten49, wie in gewissen Pariser Zeitschriften, als „Projektionsfläche erotischer Phantasien“, d. h. als sexistisches, voyeuristisches oder sadistisches Motiv.50 Sieht man von diesem nicht unwesentlichen Unterschied ab, so lassen sich mancherlei Gemeinsamkeiten und Ähnlichkeiten in der humoristisch-satirischen Publizistik beider Länder feststellen. Hierzu gehört die diesseits wie jenseits des Rheins verwendete Typenkarikatur, von Ausnahmen wie Hubertine Auclert, Rosa Luxemburg, Bertha von Suttner oder bekannten Tänzerinnen (z. B. Augustina Caroline Otéro Iglesias [„la belle Otéro“] und Sarah Bernhardt) abgesehen. EHEFRAUEN, DIENSTBOTEN UND PROSTITUIERTE: EIN BLICK AUF DEN KRIEG DER GESCHLECHTER Da bürgerlichen Mädchen trotz einer in die 1860er Jahre zurückreichenden, um 1900 erstarkten, wenn auch zersplitterten Frauenbewegung der Zugang zu qualifizierten Berufen (abgesehen von Gouvernante, Gesellschafterin oder Lehrerin)51 lange Zeit verwehrt war, galt die Hochzeit wie eh und je als oberstes Ziel.52 Hieran änderte auch die Tatsache nichts, dass der Mann in Frankreich wie in Deutschland (Bürgerliches Gesetzbuch, 1900) in Vermögens-, Berufs- und Erziehungsfragen das alleinige Entscheidungsrecht besaß und Scheidungen für Frauen meist von Nachteil waren. Von den Karikaturisten fantasiereich aufgegriffene Leitmotive waren infolgedessen die „Jagd auf den Mann“ oder die von den Eltern junger Mädchen 48 49 50

51 52

Ursula E. Koch, „Politische Bildzensur in Deutschland bis 1914“, in: Jahrbuch für Kommunikationsgeschichte, 16 (2014), S. 109–170, hier: S. 139 f. Z. B. Jugend, 44 (1908): „Jung-Rußland“. Legende: „Wir russischen Revolutionäre sind großartig organisiert: ein Teil wird in Petersburg gehängt, ein anderer klärt Schwabing sexuell auf“. Schmaußer-Strauss, Göttin der Schönheit, S. 23–67. Die Autorin, die 28 Titel während des Zeitraums von 1868 bis 1920 untersucht hat, stellt fest, dass es sich bei vielen Körperbild-Karikaturen (z. B. Maler-Aktmodell) um „Spiegelungen männlicher Sichtweisen von der Frau handelte“ (S. 67). Beispiele: Ärztin, Hebamme, Krankenpflegerin, Schriftstellerin, Künstlerin. Jugend, 30 (1904): Adolf Münzer, „Unsere Kleinen“: „Wenn ich groß bin, werde ich Frauenrechtlerin!“ – „Ich nicht, ich heirath’ lieber“.

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arrangierte „Vernunftheirat“ („Er wird ein guter Ehemann sein, er ist schon etwas kränklich“53) mit einem oft wesentlich älteren Mann. Dass eine solche Ehe ohne Liebe zur Untreue führen konnte, war nicht nur ein Motiv für bekannte Romanschriftsteller (Gustave Flaubert oder Theodor Fontane), sondern auch für französische und deutsche Karikaturisten. So lassen sich beispielsweise im Simplicissimus zwei, von unterschiedlichen Künstlern gestaltete, Muster mühelos erkennen: 1. der argwöhnisch gewordene Ehemann („Sonderbar, heute früh war es eine Schleife und jetzt ist es ein Knoten!“, Simplicissimus, 9 [30. Mai 1905]), 2. der überlistete „gehörnte“ Gatte („Und mein Mann glaubt, ich bin im Verein und kleide arme Negerkinder an!“, Simplicissimus, 50 [10. März 1913]). Anlass zu einer Vielzahl gesellschaftskritischer Karikaturen gaben die von ihrer groß- oder kleinbürgerlichen Herrschaft (der Klerus miteingeschlossen54) völlig abhängigen Dienstboten als „Mädchen für alles“ bis hin zur Wirtschafterin. Allein in München zählte man circa 25.000. Unverheiratet und keine 30 Jahre alt, erschienen sie in der Bildsatire oft als Opfer struktureller oder physischer Gewalt, so auf der 1902 im Simplicissimus, 5 [29. April 1902] veröffentlichten Zeichnung „Familienglück“ von Steinlen: „Laß dich nicht auslachen, Marie, du wirst doch nicht fürchten, daß meine Frau eifersüchtig werden könnte!“ – „Nein, aber Ihr Sohn.“ Wieder andere Karikaturen thematisieren mit Sarkasmus oder auch Empathie die eventuellen Folgen einer solchen sexuellen Beziehung: eine Schwangerschaft oder eine lebensgefährliche und unter Strafe gestellte Abtreibung (§ 218) bei einer „Engelmacherin“. Dass eine von ihrem Arbeitgeber missbrauchte Frau dennoch eine gewisse innere „Unabhängigkeit“ zu bewahren vermochte, suchte eine von „Meister“ Heinrich Zille ersonnene Szene auf einem Berliner Standesamt zu vermitteln: „Sie sind nun schon vier Jahre Wirtschafterin und haben fünf Kinder von dem Mann; warum heiraten Sie denn nicht?“ – „Ja, wissen Se, er is mich nich sympathisch!“ (Jugend, 16 [1908]). Dass eine ungewollte Schwangerschaft auch in anderen, z. B. in Künstlerkreisen vorkommen konnte, zeigt die Karikatur „Modelle“ (Der Komet, 30 [1911]): „Du hast ja bei dem Meyer gesessen! Zahlt der anständig?“ – „Nee, zum Glück ist das Kind bald gestorben.“55 Eine von den Karikaturisten immer wieder aufgegriffene Haupt- oder Nebenerwerbstätigkeit für Frauen stellte die vom Staat reglementierte (bestimmte Straßenstriche, konzessionierte Bordelle) und als solche von der radikalen Frauenbewegung (Abolitionsbewegung) bekämpfte Prostitution dar: In Berlin gab es schätzungsweise 50.000 Prostituierte, darunter knapp 5.000 von der Sittenpolizei erfasste56 und „ville Arbeitswillige unter die feinen Damens“ („Friedrichstraße“, 53 54 55 56

Simplicissimus, 1 (31. März 1903): „Der Bräutigam“ von Thomas Theodor Heine. Vgl. auch eine Karikatur von Ferdinand von Reznicek („Die Neuvermählten“: „Otto, hat denn dir deine Mama nichts gesagt?“), Simplicissimus, 24 (9. September 1907). In der Münchner Zeitschrift Der Komet, 41 (1911) zeigt Hanns Bolz, wie Hochwürden unter dem Kreuz eine auf seinem Schoβ sitzende Haushälterin mit folgender Begründung umarmt: „Es ist doch nicht gut, daß das Mensch allein sei“. Zur Konstellation abgebildeter Künstler-weibliches Modell ausführlich Schmaußer-Strauss, Göttin der Schönheit, S. 36–46. Vgl. die zahlreiche Hintergrundinformationen zur deutschen Frauenbewegung enthaltende Biografie von Susanne Kinnebrock, Anita Augspurg (1857–1943). Feministin und Pazifistin

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Simplicissimus, 3 [19. April 1909]); in München sollen neben circa 140 registrierten Prostituierten gut 2.000 Frauen unangemeldet diesem „Gewerbe“ nachgegangen sein. Dass dies oft aus purer wirtschaftlicher Not geschah, führt so manche sozialkritische Karikatur dem Betrachter unmissverständlich vor Augen.57 Im „Sündenbabel“ Paris (wie man in Berlin sagte) mit seinen konzessionierten, auch von europäischen Fürsten frequentierten Bordellen (maisons de tolérance) waren nach der Jahrhundertwende circa 120.000 registrierte und ärztlich überwachte Prostituierte tätig. Noch zahlreicher sollen die illegalen, freischaffenden, ihre Kunden in Cafés oder auf Rennplätzen rekrutierenden verführerischen „Kokotten“ gewesen sein. In oft halb- oder ganzseitigen farbigen Bildsatiren boten sie nicht nur Pariser Journalen, sondern auch der Münchner Jugend reichhaltigen Stoff. Letztere (Nr. 39) veröffentlichte u. a. 1910 eine Karikatur des damals für Le Rire arbeitenden Zeichners Juan Cardona, auf der eine aufgeputzte junge Dame die folgende „philosophische Betrachtung“ anstellt: „Wenn wir französischen Kokotten ausstürben, wer würde dann für die deutschen Frauen die Moden erfinden?“ Aus dem gleichen Jahr (Jugend, Nr. 51) stammt Cardonas pikante Zeichnung „Pariserinnen“: „Ich habe jetzt einen Marquis zum Verehrer. Ganz alter Adel: alle seine Ahnen wurden 1792 geköpft.“ Freilich waren die dem Thema Prostitution gewidmeten Karikaturen für die Satire-Journale nicht nur eine willkommene Gelegenheit, weibliche Schönheit und Sexualität mehr oder weniger humorvoll zu inszenieren, sondern darüber hinaus, in ironischen, ja sarkastischen Bildlegenden, die Frau als ein Opfer männlicher ökonomischer Macht und Willkür darzustellen. So legte Théophile-Alexandre Steinlen58 in einer am 9. September 1907 im Simplicissimus (Nr. 24) erschienenen Zeichnung drei sich in ihrer Mittagspause von Kirschen ernährenden Midinetten folgende Einschätzung ihrer gesellschaftlichen Lage in den Mund: „Uns geht es wie den Kirschen. Das Fleisch verschlingen sie, und den Kern spucken sie auf die Straße.“ BLAUSTRÜMPFE UND EMANZEN IN DER KARIKATUR DES AUSGEHENDEN 19. JAHRHUNDERTS Wie schon 1872 für den Berliner Kladderadatsch, so bildeten die ab 1900 an deutschen Universitäten immatrikulierten Studentinnen für die Münchner Zeitschriften Simplicissimus und Jugend nur Anlass für Spott. Die Satireblätter popularisierten weit verbreitete Vorurteile wie die vermeintliche Unfähigkeit der Frau zum wissen-

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zwischen Journalismus und Politik. Eine kommunikationshistorische Biografie, Herbolzheim, Centaurus, 2005, hier: S. 218. Henry Bing: „Tugend ist kostspielig“. „Dös Mädel sollt’ eigentli anständi wer’n, aber dös kann si heutzutag net amal mehr a mittlere Beamtenfamilie leisten“ (Simplicissimus, 36 [4. Dezember 1911]). Siehe auch Max Hagen, „Sittlichkeit“: „Ich hoffe, daß Ihre Tochter einen sittlichen Lebenswandel führt.“ – „Nee, Herr Pastor! Dazu langts nich bei uns armen Leuten!“ (Jugend, 41 [1905]. Vgl. zur staatlichen Reglementierung der Prostitution in Europa auch den Beitrag von Anne-Laure Briatte-Peters und Yannick Ripa im vorliegenden Band. Philippe Kaenel / Catherine Lepdor, Théophile-Alexandre Steinlen, L’œil de la rue, Mailand, 5 Continents Éditions, 2008.

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schaftlich-logischen Denken.59 Sie befürchteten ferner bei den Jungakademikerinnen nicht nur einen Verlust der Weiblichkeit (die Gefahr eines „Bierbauches“), sondern auch, wie schon zu Daumiers Zeiten, die Vernachlässigung der häuslichen Pflichten. Mit Hohn zu rechnen hatten die „Emanzen“ auch nach Abschluss ihres Studiums. Bei „Fräulein Doktor“, im modischen „Reformkleid“ ohne einschnürendes Korsett nach Pariser Art, klopfte 1903 auf einer Zeichnung von Bruno Paul nach der leidenschaftlichen Liebeserklärung eines Anbeters nicht etwa „das Herz“, sondern „die Bauchschlagader“60, und „Fräulein Professor“ (eine Zukunftsvision) bekam 1911 – sehr zur Erheiterung ihrer männlichen Kollegen – „auch schon eine Glatze“.

Abb. 2: Hermann Frenz, „Das Vordringen des Weibes“, in: Das Bier, 24 (1911) © Privatsammlung Koch

Um die sich um 1900 radikalisierende bürgerliche Stimmrechtbewegung mit ihren Dachverbänden, Zeitschriften, öffentlichen Versammlungen, Kongressen und Aufsehen erregenden Einzelaktionen karikieren zu können, schufen die Zeichner eine Reihe neuer Frauentypen wie die Rednerin auf Wahlversammlungen oder die Kandidatin.61 Als im Mai 1908 die Journalistin Jeanne Laloë anlässlich der von 59

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Simplicissimus, 5 (23. April 1901): „Frauenstudium“ von Thomas Theodor Heine: „Kandidatin, sagen Sie mir, was fällt Ihnen an der Patientin auf?“ – „Daß das Mensch einen seidenen Unterrock an hat.“. Im Jahr 1900 erschien die Erstauflage des von dem Neurologen und Psychiater Paul Julius Möbius veröffentlichten Essays Über den physiologischen Schwachsinn des Weibes, Halle, Carl Marhold Verlagsbuchhandlung. Simplicissimus, 49 (3. März 1903). Frauen, die über 10 Jahre einen bestimmten Beruf ausgeübt hatten, durften sich in Frankreich seit 1898 beziehungsweise seit 1900 an den Wahlen zum Tribunal de commerce und zum Conseil du travail beteiligen.

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rabiaten Suffragetten gestörten Pariser Gemeinderatswahlen 900 Stimmen gewann, obwohl für Frauen weder das aktive noch das passive Wahlrecht bestand, veröffentlichte L̓Assiette au Beurre (Nr. 375) am 6. Juni unter dem Titel „Quand les femmes voteront“ ein von Jules Grandjouan gestaltetes, frauenfeindliches Themenheft. In diesem werden die politisierenden, oft „zum Männlichen verzerrten“ Frauen mit oder ohne Brille sowohl äußerlich als auch, was „ihre geistig-intellektuellen Werte“ angeht, lächerlich gemacht.62

Abb. 3: Jules Grandjouan, „Quand les femmes voteront“, in: L’Assiette au Beurre, 375 (Juni 1908), Titelblatt. © Privatsammlung Koch

Dass die eine oder andere Pariser Zeitschrift sich nicht scheute, Kandidatinnen einen Striptease aufführen zu lassen, um bei den Wählern Applaus zu ernten, zeigt eine anlässlich der französischen Parlamentswahlen am 22. September 1889 in Le Courrier français erschienene Karikatur von Pierre-Oswald Heidbrinck mit der Bildlegende: „L’avenir politique. – Les Femmes candidates. […] Chaque candidate sera appelée à faire valoir les avantages qu’elle offre aux électeurs et à présenter son … programme dépouillé de tous voiles obscurs. “ Erotische oder erotisierende Karikaturen dieser Art sucht man in der deutschen Karikatur wohl vergebens. Für ihre Zeichner waren die finanziell unabhängigen und „studierten“ (oft mit Doktorhut) Vertreterinnen des radikalen bürgerlichen Flügels (z. B. Anita Augspurg,63 Minna Cauer oder Helene Stöcker) absolute Reizfiguren mit ihren spektakulären Auftritten und ihren Forderungen nach freierer 62 63

Hierzu allgemein Schmaußer-Strauss, Göttin der Schönheit, Kap. III, S. 69–101, Zitate: S. 89 f. Siehe u. a. auch Le Petit Panaché, 10 (24. Mai 1908): „Candidature féministe“. „Bravo, madame! Vous êtes mon homme!!!“. Kinnebrock, Augspurg; Anne-Laure Briatte-Peters, „La fabrique des intellectuelles. Minna Cauer, Anita Augspurg et Lida Gustava Heymann“, http://ciera.hypotheses.org/283 [16.05.2015].

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Sexualmoral sowie nach einer konsequenten rechtlichen Gleichstellung der Frau inklusive des weiblichen Stimmrechts (in Deutschland 1919; in Frankreich 1944). Den „Suffragettes“ empfahl Thomas Theodor Heine infolgedessen am 17. März 1913 im Simplicissimus (Nr. 51) „reizende Frühjahrsneuheiten in Stinkbomben“. In den Münchner Zeitschriften herrschte ein und dasselbe Typenmuster vor: verhässlichte, oft unförmige und bebrillte ältliche Mannweiber, im Reformkleid mit Kurzhaarfrisur oder Herrenanzug. Während sich diese 1897 im Simplicissimus (Nr. 35) auf einer gut besuchten Frauenversammlung noch damit zufrieden gaben, den Männern „das Brotkörbchen etwas höher“64 zu hängen, bestanden 1911 (Simplicissimus, Nr. 45) die „neuen Ziele in der Frauenbewegung“ bereits darin, „diese ‚Saubengels‘ einfach niederzuknallen“. Die Ablehnung der Mutterschaft („Kinder müssen ja schließlich geboren werden – aber warum denn gerade von uns?“65) führte im Oktober 1905 sogar zu einer ein Jahrhundert später in abgeänderter Form (dank der Leihmutterschaft) verwirklichbaren Zukunftsvision. Auf einer Zeichnung von Erich Wilke (Jugend, Nr. 42) stellten Berliner „radikale Frauenrechtlerinnen“ fest: „So’n Kinderbrutapparat is ja janz nett, aber noch zu mangelhaft; er müßte so jebaut sein, daß die Kinder von allem Anfang an darin Aufnahme finden können“.

Abb. 4: Erich Wilke, „Radikale Frauenrechtlerinnen“, in: Jugend, 42 (1905) © Privatsammlung Koch

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Simplicissimus, 35 (27. November 1897): Titelzeichnung von Bruno Paul. Jugend, 48 (1902): „Die Unerbittlichen“ von Paul Rieth. Diese Art von Zeichnungen wurde in der Jugend veröffentlicht, obwohl ihr Herausgeber und Verleger, Georg Hirth, die Frauenbewegung unterstützte. Vgl. Gourdon, Jugend , S. 208–212.

DIE BEDEUTUNG DER WELTKRIEGE / LE POIDS DES DEUX GUERRES MONDIALES

EUROPÉENNES EN GUERRE

Les effets de la Grande Guerre sur la condition des femmes Françoise Thébaud Résumé Longue et meurtrière, la Grande Guerre n’est pas qu’une affaire d’hommes. Cet article, qui propose une synthèse de nombreux travaux, présente d’abord la façon dont les historiennes et les historiens ont abordé la guerre et la question des femmes dans la guerre, de la recherche de l’expérience de ces dernières aux approches de genre. Sont ensuite exposés, avec une perspective comparatiste, quatre thèmes essentiels : la chronologie et les formes de la mobilisation ; les épreuves subies (solitude, deuil, pénuries, violences sexuelles) et les mutations de la vie quotidienne ; les engagements patriotiques et pacifistes dont ceux des féministes qui se pensent comme une élite féminine ; les effets de la guerre sur les trajectoires individuelles et sur la place des femmes dans la société.

Zusammenfassung Der Erste Weltkrieg – lang und mörderisch – ist nicht nur eine Männerangelegenheit. Der vorliegende Artikel, der eine Zusammenschau zahlreicher Arbeiten bietet, zeigt zunächst, wie sich Historikerinnen und Historiker auf Grundlage unterschiedlicher wissenschaftlicher Ansätze mit dem Krieg und der Frage von Frauen im Krieg auseinandersetzten. Anschließend werden vier Schlüsselthemen aus vergleichender Perspektive beleuchtet: 1. die Chronologie und die Formen der Mobilisierung, 2. das Leid (Einsamkeit, Trauer, Mangel, sexuelle Gewalt) und die Veränderungen des alltäglichen Lebens, 3. das patriotische und pazifistische Engagement einschließlich jenes der Feministinnen, die sich als eine weibliche Elite begreifen, 4. die Auswirkungen des Krieges auf die individuellen Werdegänge und die Stellung der Frau in der Gesellschaft.

La guerre de 1914–1918, dont est commémoré le centenaire, fut vite appelée par les contemporains « Grande Guerre », tant elle présentait des aspects inédits : guerre longue, meurtrière, industrielle et déjà, par certains aspects, guerre totale, elle mobilisa physiquement et culturellement l’arrière comme l’avant, les civils comme les soldats, les femmes comme les hommes. La Grande Guerre en effet n’est pas qu’une affaire d’hommes. Mobilisations, épreuves, engagements, effets de la guerre sur les trajectoires individuelles et la place des femmes dans les sociétés : ces quatre thématiques permettent d’aborder à la fois la guerre des femmes et ce qu’a signifié être femme dans des pays en guerre. Il faut cependant souligner d’emblée que les femmes ne constituent pas un groupe homogène, que leurs expériences de guerre présentent des points communs, mais aussi de grandes différences selon l’appartenance sociale, l’âge, le lieu de résidence et la nationalité.

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Appuyé sur des recherches dans les fonds français1 et sur la lecture des travaux d’historiens et d’historiennes d’autres pays d’Europe2, mon propos tente une approche comparée à l’échelle européenne, du moins de celle des États belligérants d’Europe occidentale et plus précisément encore de leurs espaces métropolitains. La « condition » des femmes d’Europe orientale n’est pas, sauf exception, envisagée et, moins encore, celle des femmes des colonies sur laquelle des recherches sont encore à faire. Un détour préliminaire par l’historiographie permet de mettre en perspective les thèmes présentés. PRÉLIMINAIRES : QUELQUES REMARQUES HISTORIOGRAPHIQUES Pendant longtemps, les historiens ont privilégié l’étude des aspects militaires et diplomatiques du conflit, s’intéressant notamment aux causes de la guerre, thème qui fait encore couler beaucoup d’encre3. Le regard se concentre alors sur les hommes, et plus encore sur les élites masculines qui décident. À partir des années 1970, s’affirment à la fois une histoire sociale des sociétés en guerre (quotidien, économie, vie politique, conflits sociaux) et une histoire des femmes dont le premier objectif est d’observer l’événement au féminin et d’appréhender l’expérience des femmes. Puis se développent, dès la fin des années 1980, une histoire culturelle de la Grande Guerre et une histoire du genre qui complexifie l’approche d’histoire des femmes. Appuyée sur le Centre international de recherche de l’Historial de Péronne (Picardie), l’histoire culturelle représentée en France par Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker4 invite à étudier toutes les formes de violence, subie ou exercée, toutes les souffrances des corps et des âmes. Comme son nom l’indique, elle s’intéresse tout particulièrement à la culture de guerre qu’elle considère comme la matrice des violences et du consentement à la guerre. De son côté, l’histoire du genre infléchit le questionnement dans trois directions nouvelles. D’une part, elle observe concomitamment les femmes et les hommes, 1 2

3 4

Voir Françoise Thébaud, Les femmes au temps de la guerre de 14, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2013 (réédition complétée d’un ouvrage de 1986). Citons d’emblée pour l’Allemagne : Ute Daniel, Arbeiterfrauen in der Kriegsgesellschaft 1914–1918. Beruf, Familie und Politik im Ersten Weltkrieg, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1989. Pour l’Italie : Augusta Molinari, Donne et ruoli femminili nella Grande Guerra, Milano, Selene, 2008 et Una patria per le donne. La mobilitazione femminile nella Grande Guerra, Bologna, Il Mulino, 2014. Pour le Royaume-Uni, Gail Braybon / Penny Summerfield, Out of the Cage. Women’s Experience in two World Wars, London, Pandora, 1987 ; Deborah Thom, Nice Girls and Rude Girls. Women Workers in World War I, London, I. B. Tauris, 1998 ; Susan Grayzel, Women’s Identities at War. Gender, Motherhood, and Politics in Britain and France during the First World War, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1999. Une première synthèse comparative a été rédigée pour le volume XXe siècle de la série Histoire des femmes en Occident (Paris, Plon 1992), volume traduit en allemand (Campus Verlag, 1995). Voir par exemple Christopher Clark, Les Somnambules. Eté 1914. Comment l’Europe a marché vers la guerre, Paris, Flammarion, 2013 (traduit de : The Sleepwalkers. How Europe Went to War in 1914, London, Allen Lane, 2012). Voir notamment Stéphane Audoin-Rouzeau / Annette Becker, 14–18, Retrouver la guerre, Paris, Gallimard, 2000.

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analysant leurs relations et leurs rôles sociaux respectifs ; d’autre part, elle est attentive aux imaginaires sociaux du masculin et du féminin et à leurs usages par la propagande et les politiques des États belligérants ; enfin, et c’est important, elle considère les hommes comme des individus sexués et la masculinité comme une construction culturelle et sociale au même titre que la féminité. Les sociétés en guerre mobilisent la virilité, appelant les hommes à se montrer forts, à protéger les femmes et les enfants, à défendre la terre et la nation. Mais la guerre met aussi les hommes et leur virilité à l’épreuve. Si les individus d’âge mûr sont partis résignés en août 1914, les plus jeunes partaient à l’aventure pour une guerre courte et glorieuse. Ils ont découvert, comme certains l’ont écrit et avec des mots identiques de part et d’autre des lignes de front, « l’enfer sur terre » : la boue et le froid des tranchées, les assauts meurtriers, la peur, les blessures et la mort omniprésente. La Grande Guerre – aux nouveaux armements et modes de combat – met le corps des hommes à rude épreuve, en blesse et en mutile par millions5 ; elle fait également vaciller des certitudes psychologiques et suscite, chez des hommes qui se découvrent faibles et apeurés, des interrogations identitaires, voire des troubles psychiques6. Ainsi, le jeune Maurice Drans écrit à sa fiancée le 17 mai 1917 : « Ô ma Georgette, je devrais te parler d’amour, et je te parle de ça [un champ de cadavres]! Ah ! Dans ces moments-là, titubant, ivre, abandonné, frissonnant, naufragé, je tends les bras vers toi, je t’implore, je te supplie. Je suis un homme pourtant, et des fois je grince des dents pour ne pas pleurer »7. Histoire sociale, histoire des femmes, histoire culturelle, histoire du genre : ces approches sont plus complémentaires que concurrentes. Depuis le retour de la guerre en Europe (en ex-Yougoslavie), retour longtemps inimaginable et qui a infléchi les questionnements historiens, elles tendent d’ailleurs à converger vers l’étude de trois thématiques nouvelles : les violences sexuées et sexuelles, dont le viol8, l’intime en guerre9 et les modes de sortie de guerre10. La guerre perdure bien au-delà de l’arrêt des combats ou de la signature des traités de paix : elle se voit sur les corps blessés, elle perdure dans les têtes tant est longue ce qui a été appelée « la démobilisation culturelle », elle laisse des traces dans les paysages, elle exige, après les bouleversements des années de conflit, la reconstruction d’un ordre de genre. Autre caractéristique récente que soulignent les commémorations 5 6 7 8 9

10

Voir par exemple pour la France, Sophie Delaporte, Les Gueules cassées. Les blessés de la face de la Grande Guerre, Paris, Editions Noêsis, 1996. Voir, pour la France, Jean-Yves Le Naour, Les Soldats de la honte, Paris, Perrin, 2011. Cité in Jean-Pierre Guéno / Yves Laplume (éd.), Paroles de poilus. Lettres et carnets du front, Paris, Librio / Radio France, 1998, p. 81–82. Voir Raphaëlle Branche / Fabrice Virgili (éd.), Viols en temps de guerre, Paris, Petite Bibliothèque Payot, 2013. Parmi les dernières thèses soutenues et publiées en France : Dominique Fouchard, Le poids de la guerre. Les poilus et leur famille après 1918, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2013 ; Clémentine Vidal-Naquet, Couples dans la Grande Guerre. Le tragique et l’ordinaire du lien conjugal, Paris, Belles Lettres, 2014. Voir Bruno Cabanes, La victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (1918– 1920), Paris, Seuil, 2004 et, pour la dimension de l’intime, Bruno Cabanes / Guillaume Piketty (éd.), Retour à l’intime au sortir de la guerre, Paris, Tallandier, 2009.

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du centenaire et les publications du moment : la mise en œuvre de deux échelles d’observation opposées, avec d’un côté la volonté d’écrire une histoire globale de la guerre qui n’oublie aucun espace engagé dans le conflit et explore les phénomènes transnationaux11, de l’autre celle d’écrire une histoire sensible du conflit à l’échelle des familles et des individus ordinaires, hommes et femmes, d’où le succès de la collecte d’archives de soi sur le portail Europeana 1914–1918. LA MOBILISATION DES FEMMES : CHRONOLOGIE ET MODALITÉS Dire, comme on l’entend encore, que la Grande Guerre a mis les Européennes au travail n’est pas conforme à la réalité, tant la situation des femmes avant-guerre diffère selon les pays et tant le processus de mobilisation est complexe, marqué d’étapes chronologiques et de modalités diverses. Août 1914 : des millions d’hommes, Français, Allemands, Austro-hongrois, Russes, Britanniques engagés12 quittent leurs foyers en quelques jours et tous, comme leurs états-majors et leurs gouvernements, pensent que la guerre sera courte et qu’ils rentreront dans quelques semaines, pour les vendanges ou pour la Noël. La plupart des entreprises dont le patron et le personnel masculin sont mobilisés ferment, ce qui entraine une mise au chômage des femmes salariées. En France, la main d’œuvre féminine constitue alors plus d’un tiers de la population active et plus de la moitié travaille dans le commerce et l’industrie. Pour les femmes des milieux populaires urbains, privées du salaire de leur mari et du leur, la guerre signifie d’abord une perte de revenu et des difficultés économiques que ne compense pas la maigre allocation de femme de mobilisé mise en place dès les premiers jours en France et ailleurs. Pour manger à leur faim, certaines sont réduites à aller coudre ou tricoter dans des ouvroirs ouverts par des dames de charité issues des milieux bourgeois et habituées à exercer la philanthropie. En ce début de conflit et conformément à une économie psychique classique de la guerre, les femmes sont invitées à laisser partir avec courage leurs hommes et à attendre leur retour glorieux, tout au plus à servir dans des œuvres soulageant les misères engendrées par la nouvelle situation. Une seule catégorie de femmes est appelée à se mobiliser « sur le champ du travail » – selon les termes de l’appel du 7 août du Président du conseil français René Viviani : les paysannes, invitées à achever les moissons et à préparer la terre pour les prochaines récoltes. Dans un deuxième temps, lorsqu’il devient évident que la guerre sera longue, chaque pays comprend la nécessité de remettre en route l’économie afin de faire vivre la population, d’approvisionner les armées en nourriture et vêtements, de produire de plus en plus d’armements dans des entreprises métallurgiques et chimiques reconverties à cet effet. Par ailleurs la guerre, dévoreuse de soldats, mobilise de plus en plus d’hommes qui quittent leur travail – au total, 8 millions en France, 13 en 11 12

Jay Winter (éd.), The Cambridge History of the First World War, Volume 1: Global War, Volume 2: The State, Volume 3: Civil Society, Cambridge University Press, 2014. Ces ouvrages ont été traduits en français. Au Royaume-Uni, il n’y a pas de conscription obligatoire avant le printemps 1916.

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Allemagne, 5,7 au Royaume-Uni, 5,6 en Italie. Pour ces deux raisons, la mobilisation des femmes devient indispensable et bénéficie du zèle des affichistes : « D’elle, leurs vies dépendent » proclame un poster anglais de 1917 où, sur fond de canon et d’obus, une ouvrière en train d’enfiler un bonnet de travail est appelée à s’embaucher dans les arsenaux. Cette mobilisation est empirique en France où les besoins des employeurs rencontrent la nécessité de travailler des femmes, centralisée en Allemagne où des organismes dirigés par des femmes travaillent au sein du Kriegsamt, négociée avec les syndicats du Royaume-Uni qui veulent préserver les intérêts de leurs adhérents hommes et s’assurer du caractère temporaire de l’embauche. Venues de divers horizons, épouses au foyer, jeunes filles, anciennes travailleuses au chômage ou à la recherche d’un meilleur salaire – la guerre inaugure ainsi une crise de la domesticité, tant la situation des bonnes est aliénante –, les femmes remplacent les hommes au travail partout où cela est possible. De plus en plus visibles dans l’espace public, photographiées et présentées dans les journaux, elles sont factrices, employées de banque et d’administration, serveuses de café, livreuses, receveuses et conductrices de tramways. Elles sont aussi ouvrières, y compris dans les usines de guerre, secteur métallurgique et chimique et « travail d’hommes » dont elles étaient quasi absentes avant 1914. En France, recrutées en dernier ressort faute d’une main d’œuvre suffisante – d’abord constituée de jeunes, de personnes âgées, d’ouvriers des colonies et de Chine, d’ouvriers qualifiés rappelés du front –, elles sont 400 000 fin 1917, soit un quart du personnel. Employées aux travaux mécaniques en série – là où leurs rendements sont jugés les meilleurs –, mais aussi à des tâches de plus en plus diversifiées et qualifiées comme la soudure, elles sont particulièrement nombreuses à la fabrication des obus, d’où leur surnom de « munitionnettes »13. Mieux payées que dans les métiers traditionnellement féminins, elles font face à de dures conditions de travail dans un pays où toute législation sociale a été suspendue : journées ou nuits de 11 à 12 heures, absence de repos hebdomadaire, travail intensif et dangereux. Des féministes ou des organisations de femmes tentent d’obtenir la mise en place d’aménagements spécifiques pour les ouvrières (cantines, dispensaires), qui voient surtout le jour dans les grands arsenaux anglais. Là, les ouvrières semblent conscientes des opportunités qui s’offrent à elles et expriment sur le moment, comme a posteriori lors des enquêtes d’histoire orale effectuées à large échelle dans les années 1970, un sentiment de fierté, fierté de contribuer à la défense nationale et d’être capable d’effectuer de tels travaux14. Partout cependant, la mobilisation des femmes est diversement commentée. Objet de luttes de représentation, elle est valorisée par les féministes qui y voient la preuve des capacités féminines, jaugée avec méfiance par d’autres qui y voient, 13

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Sur les munitionnettes, voir Mathilde Dubesset / Catherine Vincent / Françoise Thébaud, « Les munitionnettes de la Seine », in : Patrick Fridenson (éd.), 1914–1918. L’autre front, cahier du Mouvement social n° 2, Paris, Les éditions ouvrières, 1977, p. 189–219. Cet article a été réactualisé pour une traduction anglaise : « The Female Munition Workers of the Seine », in : Patrick Fridenson (éd.), The French Home Front 1914–1918, Providence/Oxford, Berg 1992. Sur les ouvrières anglaises, voir, outre les ouvrages cités note 2, Angela Woollacott, On Her Their Lives Depend. Munitions Workers in the Great War, Berkeley-Los Angeles, University of California Press, 1994.

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notamment en France, un risque de « masculinisation » des femmes ; sur l’ouvrière de guerre circulent ainsi des métaphores et des commentaires rassurants – « il reste de la ménagère dans la tourneuse d’obus », « à ces durs travaux d’hommes, elles ont su garder toute leur grâce » –, tandis que des cartes postales représentent une jolie blonde en costume de travail à col blanc et à talons hauts. Conformes aux qualités traditionnellement attribuées aux femmes, d’autres figures de la mobilisation féminine sont plus consensuelles : l’infirmière, louangée et représentée comme « ange blanc », et la dame d’œuvre. Temps fort pour la philanthropie féminine, une tradition dans les milieux bourgeois, la guerre suscite dans tous les États belligérants une mobilisation sociale des femmes. Dès les premiers mois de la guerre, les services de santé militaire se révèlent insuffisants, la création de nouveaux hôpitaux nécessaire et le recours à des infirmières bénévoles de la Croix-Rouge indispensable. Militaires salariées ou bénévoles, des infirmières ont tenu un carnet de guerre consignant leur expérience de soignante et leurs émotions15. Pour ces femmes, souvent jeunes, particulièrement pour celles qui ont traversé les mers pour être envoyées près des fronts occidentaux et orientaux, ce fut à la fois une grande aventure – celle d’un voyage, de prises de responsabilité, d’amitiés de groupe – et un profond traumatisme : contact avec des blessures inimaginables et avec la souffrance de jeunes hommes, omniprésence de la mort16. Dernier point avant de proposer un bilan de la mobilisation des femmes : à la différence de ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre mondiale17, les femmes sont peu présentes dans les armées de la Grande Guerre. Les seules combattantes semblent être des Serbes et des Russes, notamment le bataillon féminin de la mort commandé par Mme Botchkareva (1889–1920) dont les mémoires, parus aux ÉtatsUnis en 1919 et en France en 1923, viennent d’être réédités en français18. Par ailleurs, parce que les sociétés occidentales de l’époque considèrent que ce n’est pas la place des femmes, seul le Royaume-Uni crée tardivement et avec réticence des corps auxiliaires féminins des armées qui encadrent, en 1918, 40 000 femmes, dont 8 500 à l’étranger. Ces femmes, cuisinières, employées de bureau, mécaniciennes, sont très critiquées et suscitent, plus encore que les ouvrières de guerre, une peur de la « masculinisation » des femmes19. Ni l’Allemagne, ni la France ne créent de 15 16 17 18

19

Peu ont été publiés à l’issue du conflit. Certains, redécouverts par les familles, le sont aujourd’hui comme celui présenté par Hélène Echinard : Lucia Tichadou, Infirmière en 1914. Journal d’une volontaire, 31 juillet-14 octobre 1914, Marseille, Editions Gaussen, 2014. Voir Margaret R. Higonnet, Nurses at the front. Writing the wounds of the Great War, Boston, Northeastern University Press, 2001 ; Mélanie Morin-Pelletier, Briser les ailes de l’ange. Les infirmières militaires canadiennes (1914–1918), Outremont (Québec), Athéna, 2005. Carol Mann, Femmes dans la guerre (1914–1945), Paris, Pygmalion, 2010 ; Elodie Jauneau, « Images et représentations des premières soldates françaises (1938–1962) », Clio. Histoire, femmes et sociétés, 30 (2009), p. 231–252. Maria Botchkareva, Yashka. Journal d’une femme combattante, Russie 1914–1917, édition présentée par Stéphane Audoin-Rouzeau / Nicolas Werth, Paris, Armand Colin, 2012. Voir également Reina Pennington / Robin Higham (éd.), Amazons to Fighter Pilots. A Biographical Dictionary of Military Women, Westport, Greenwood Press, 2003. Janet S. K. Watson, Fighting Different Wars. Experience, Memory, and the First World War in Britain, Cambridge, Cambridge University Press, 2004.

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tels corps auxiliaires féminins. La femme casquée des cartes postales françaises n’est pas une militaire mais une femme enceinte appelée à enfanter de « la graine de poilu » : là, les années de conflit contribuent à la légitimation de thèses natalistes développées depuis la fin du XIXe siècle et à la construction d’un consensus politique pro-nataliste qui allait traverser une grande partie du XXe siècle20. Malgré les incertitudes de la statistique, la mobilisation au travail est chiffrable et le bilan est contrasté selon les nations. En France où, avant 1914, les femmes constituaient plus d’un tiers de la main d’œuvre, leur nombre augmente de 20 % dans le commerce et l’industrie. Au Royaume-Uni où les femmes, y compris des milieux populaires arrêtaient de travailler après le mariage, leur nombre augmente de plus 50 %. Pour l’Allemagne, il est plus difficile de mesurer la croissance de la main d’œuvre féminine. Si Krupp, la grande entreprise de canons, a embauché jusqu’à 30 000 ouvrières, beaucoup de femmes ne répondent pas aux appels du gouvernement à venir travailler car leur énergie est occupée à trouver de la nourriture pour leur famille. ÉPREUVES ET MUTATIONS DU QUOTIDIEN Comme le montrent les conflits contemporains, la guerre est avant tout épreuves, pour les soldats comme pour les civils, pour les hommes comme pour les femmes ; mais ces épreuves sont inégalement partagées. Je mentionnerai d’abord le premier génocide du XXe siècle, celui des Arméniens de l’Empire ottoman, pas encore reconnu comme tel par la Turquie actuelle : 1 à 1,5 millions de victimes, hommes, femmes et enfants. Lors des avancées des armées allemandes et autrichiennes en 1914, les populations des territoires envahis subissent destructions et exactions (maisons pillées et brûlées, exécutions sommaires, massacres, viols de femmes). La couverture du magazine français L’Illustration représente, en date du 29 août 1914, les méfaits de ceux qui sont appelés « les brutes de l’Est » ; le journal fait de la propagande en amplifiant et concentrant la cruauté mais les enquêtes postérieures dans les ex-régions envahies ont montré que ces phénomènes ont bien existé. Ils jettent sur les routes de l’exode des populations apeurées – à l’Ouest, des Belges et Français du Nord de la France, majoritairement des femmes et des enfants – qui vont grossir le flot des réfugiés. Parmi les exactions commises, les viols de femmes, dont il est difficile de mesurer l’ampleur, ont suscité de nombreuses réactions à l’époque et une interrogation sur « que faire de l’enfant du viol ? »21. Autres territoires où la population a beaucoup souffert : les zones occupées où résident majoritairement des femmes, des enfants et des vieillards (à l’Ouest, 20

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Voir Françoise Thébaud, « Le mouvement nataliste dans la France de l‘entre-deux-guerres – l’Alliance nationale pour l’accroissement de la population française », Revue d’histoire moderne et contemporaine, avril-juin 1985, p. 276–301 ; Virginie De Luca Barrusse, Les familles nombreuses. Une question démographie, un enjeu politique (1880–1940), Rennes, P. U. de Rennes, 2008. Stéphane Audoin-Rouzeau, L’enfant de l’ennemi, 1914–1918, Paris, Aubier, 1995.

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la Belgique et le Nord-est de la France). L’occupation se traduit par le pillage des ressources, la terreur administrative et des déportations de travail. La population a peur et faim ; elle est aussi totalement coupée du reste du pays et les familles n’ont aucune nouvelle de leurs soldats22. L’occupation suscite des formes de résistance dont la mémoire, bien présente dans les décennies 1920 et 1930 où elle est alimentée par des ouvrages, interviews et films, est éclipsée ensuite par celle concernant la Seconde Guerre mondiale. Des femmes sont à la tête de réseaux mixtes d’évasion et de renseignements, démantelés dès l’été 1915. Edith Cavell, infirmière britannique à la tête d’un hôpital à Bruxelles, membre d’un réseau d’évasion, est exécutée le 12 octobre 1915, exécution érigée en symbole de la barbarie allemande ; elle devient une figure de la mobilisation antiallemande. Chef d’un réseau de renseignements, la jeune Louise de Bettignies meurt de mauvais traitements dans une prison allemande en septembre 191823 ; elle est décorée à titre posthume et Lille lui offre des funérailles solennelles en 1920 avant d’ériger en 1927, au nom de « la France reconnaissante », un monument dédié « à Louise de Bettignies et aux femmes héroïques des pays envahis ». Tombé dans l’oubli, il a été réhabilité en 2008. Dans les zones à l’arrière des fronts, loin des canons et des troupes ennemies, la guerre se fait moins sentir directement mais elle fait néanmoins souffrir. Fils ou époux, une grande partie des hommes ont quitté leurs foyers et la solitude des femmes n’est rompue que par les quelques permissions permettant aux soldats de se reposer et aux familles de se retrouver24. Dans tous les pays bien alphabétisés d’Europe occidentale, la correspondance, quasi journalière, permet aussi de maintenir le lien et de rassurer, un temps du moins, sur le sort du soldat ; comme l’ont décrit plusieurs textes de femmes, l’angoisse monte lorsque les nouvelles du front n’arrivent plus. L’épreuve la plus douloureuse est en effet le deuil sur lequel des femmes écrivains ont mis des mots, telle la Française Jane Catulle Mendes qui écrit après la mort de son jeune fils en 1917 : « Impuissance … Rien, rien, je ne peux rien … Il est mort […] La plus sublime des causes ne saurait me faire accepter que mon enfant n’existe plus. Personne n’aime la France plus que moi. Mais on n’aime rien au-dessus de l’enfant »25. Dès le début, la guerre tue à large échelle mais les femmes européennes sont inégales devant la mort ou la disparition de leurs proches, selon les nations – 1,4 million de soldats français tués, 1,8 million d’Allemands, 750 000 Italiens et Britanniques –, mais aussi selon les groupes sociaux : l’infanterie peuplée avant tout de paysans est l’arme la plus meurtrière, tandis que les cheminots qui conduisent les trains ou les ouvriers qualifiés rappelés du front pour encadrer la main d’œuvre des usines de guerre ont la chance d’être mobilisés à l’arrière. 22 23 24 25

Annette Becker, Les cicatrices rouges. 14–18, France et Belgique occupées, Paris, Fayard, 2010. Chantal Antier, Louise de Bettignies, espionne et héroïne de la Grande Guerre, Paris, Tallandier, 2013. Emmanuelle Cronier, Permissionnaires dans la Grande Guerre, Paris, Belin, 2013. Voir Stéphane Audoin-Rouzeau, Cinq deuils de guerre (1914–1918), Paris, Editions Noêsis, 2001 ; Silke Fehlemann, « Bereavement and Mourning in Germany », in: 1914–1918-online. International Encyclopedia of the First World War, http://encyclopedia.1914–1918-online.net/ article/bereavement_and_mourning_germany ; Suzanne Evans, Mothers of heroes, mothers of martyr. World War I and the politics of grief, Montreal, McGill-Queen’s U. P., 2007.

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Autre épreuve pour les femmes : le surmenage qui touche particulièrement les mères de famille, ajoutant à de longues heures de travail le soin aux enfants. J’ai déjà évoqué celui des ouvrières de guerre dont certaines – des médecins en ont témoigné – sont mortes d’épuisement ou d’une tuberculose contractée. Les paysannes doivent aussi fournir un effort parfois surhumain, remplaçant à la fois les hommes mobilisés et les bêtes en partie réquisitionnées par les armées. Il faut enfin évoquer les pénuries et les restrictions qui touchent très fortement les femmes des Empires centraux soumis au blocus maritime. Réservé en priorité à l’armée, le ravitaillement manque pour les civils des villes qui font la queue pour peu de choses, comme l’écrit une Allemande de Hambourg en février 1917 : « Ici, il n’y a plus rien à brûler, ni à manger, que des choux-raves ; plus de pommes de terre et même on commence à rationner les choux-raves. Qu’adviendra-t-il de tout cela ? Il faut que la guerre finisse bientôt. » Se développent alors une économie de subsistance faite de troc, de glanage et de vol et des émeutes de la faim qui affaiblissent l’autorité impériale. La surmortalité due à la malnutrition est évaluée pour l’Allemagne à 700 000, l’hiver 1916–1917 ayant été le plus difficile. En France et au RoyaumeUni par contre, le rationnement alimentaire est tardif et limité et les femmes sont seulement invitées à économiser, à réserver vin et tabac aux soldats, et à rationaliser l’usage des ressources. On peut sourire gentiment du rationnement de 300 g de pain par jour en février 1918 et faire dire à une Française à la jupe tricolore et au bonnet phrygien : « qu’importe ! J’aurai la taille plus fine ». Par contre et notamment en France où les régions productrices de charbon sont occupées par les Allemands, la population urbaine manque de combustibles et a froid par les rudes hivers de guerre, souffrances qui engendrent, chez les plus faibles, maladies et surmortalité26. ENGAGEMENTS : ENTRE PATRIOTISME, PACIFISME ET CONTESTATIONS SOCIALES Des femmes, les sociétés en guerre attendent des formes particulières de patriotisme et le disent en discours et en images. Les femmes doivent donner leurs fils et leurs époux à la patrie, insuffler du courage aux hommes et les encourager à partir au combat, notamment au Royaume-Uni où les soldats sont des engagés volontaires jusqu’en 1916. Elles doivent aussi rester fidèles à leurs maris – les États tentent d’ailleurs de contrôler les sexualités27 – et donner leurs économies pour la guerre, en souscrivant aux emprunts nationaux. Mobilisés dans tous les pays pour faire venir les économies des particuliers dans les caisses des États, les affichistes 26

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Voir Emmanuelle Cronier / Silke Fehlemann, « À l‘arrière : approvisionnement et disette », Mission centenaire 14–18, http://centenaire.org/fr/larriere-approvisionnement-et-disettedemmanuelle-cronier-et-silke-fehlemann ; Jay Winter / Jean-Louis Robert (éd.), Capital Cities at War. Paris, London, Berlin, 1914–1919, Cambridge, Cambridge U. P., 1997 ; Belinda Davis, Home Fires Burning. Food, Politics, and Everyday Life in World War I Berlin, Chapel Hill, North Carolina U. P., 2000. Voir François Rouquet / Fabrice Virgili / Danièle Voldman (éd.), Amours, guerres et sexualité 1914–1945, Paris, Gallimard/BDIC/Musée de l’armée, 2007.

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n’oublient pas en France la dimension nataliste : pour le 3e emprunt de la défense nationale, Auguste Leroux représente, avec un commentaire explicite – « pour la France qui combat, pour celle qui chaque jour grandit » –, un soldat qui soulève et embrasse son enfant, et une mère qui allaite. Pour les femmes, le patriotisme au quotidien est de tenir, de faire son travail, de soulager les misères de la guerre. Certaines, critiquées par la journaliste féministe et libertaire Séverine (1855–1929)28, qui les qualifie ironiquement de « poilues de l’arrière », affichent un patriotisme plus voyant : attaquer les magasins tenus par des étrangers, écrire et publier de mauvais vers qui exaltent la souffrance et l’héroïsme, traquer en France les germanismes de la langue, militant par exemple pour que le berger allemand devienne russe, pour que l’eau de Cologne soit rebaptisée eau de Louvain, du nom de la ville martyre belge. Le cas des féministes mérite un long développement. Chez tous les belligérants, elles sont particulièrement patriotes et actives, du moins dans leur très grande majorité. Avant 1914, existait en Europe et aux États-Unis un mouvement féministe organisé à l’échelle national et international. Sa principale revendication était alors le droit de vote pour les femmes, avec des figures célèbres comme la suffragette anglaise Emmeline Pankhurst29. Dans les congrès internationaux, les militantes avaient proclamé leur attachement à la paix. Mais à la déclaration de guerre, les féministes européennes, y compris les suffragettes qui rebaptisent leur journal, The Suffragette, en Britannia, suspendent leurs revendications et clament que les femmes n’ont pour l’heure plus de droits, seulement des devoirs envers la patrie. Elles suspendent également leur internationalisme d’avant-guerre ; comme l’écrit la Française Jane Misme : « Tant qu’il y aura la guerre, les femmes de l’ennemi seront aussi l’ennemi », et non plus des sœurs de combat en féminisme. Partout, les militantes se veulent des « semeuses de courage » et la force morale de leur pays, en lutte contre l’alcoolisme et la prostitution. Partout, habituées des correspondances internationales, elles jouent un rôle de fourmis diplomatiques, pour faire basculer les pays neutres dans le « bon » camp. Ici et là, elles considèrent que la paix ne peut que résulter de la victoire et dénoncent toute tentative de médiation ou proposition de paix « prématurée »30. Faut-il parler de reniement du féminisme ? L’exemple français apporte une réponse nuancée et plutôt négative. D’une part, les féministes valorisent le rôle des femmes pendant la guerre, soulignant qu’elles font ainsi la preuve de leurs compétences et qu’elles méritent des droits. En date du 15 avril 1917, la couverture du magazine féministe La Vie féminine le dit clairement en comparant le travail de la 28 29 30

Évelyne Le Garrec, Séverine (1855–1929). Vie et combats d’une frondeuse, Paris, l’Archipel, 2009. La bibliographie sur les féminismes dits « de la première vague » est trop vaste pour choisir un titre. Voir notamment Françoise Thébaud, « Le féminisme à l’épreuve de la guerre » et Marianne Walle, « Féminisme et nationalisme dans ‹ Die Frau › », in : Rita Thalmann (éd.), La Tentation nationaliste 1914–1945, Paris, Deuxtemps Tierce, 1990, p. 17–46 et 47–62. Voir également Christine Bard, Les Filles de Marianne. Histoire des féminismes, 1914–1940, Paris, Fayard, 1995.

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petite modiste d’avant-guerre et celui de la forte ouvrière de guerre. Le vocabulaire utilisé par les militantes pour désigner les travailleuses de guerre – « combattantes de l’arrière », femmes tenant « le deuxième front – répondent aux représentations lénifiantes et manifestent moins un chauvinisme qu’une volonté d’intégration dans la nation. D’autre part, les féministes défendent tout au long de la guerre les travailleuses les plus exploitées et obtiennent quelques améliorations de leurs conditions de travail. Enfin, elles avancent de nouveau la revendication du suffrage à partir de 1917. Patriotisme au féminin, mais aussi pacifisme au féminin, issu de deux courants. En mars 1915 se réunit à Berne, sous l’égide de l’Allemande Clara Zetkin (1857–1933), une conférence internationale des femmes socialistes. Elle réunit des femmes socialistes de la minorité pacifiste et appelle à une paix immédiate, ce qui vaut à Clara Zetkin de passer une partie de la guerre en prison31. Par ailleurs, à l’appel de féministes des États neutres – notamment la Hollandaise Aletta Jacobs et l’Américaine Jane Addams – se réunit à La Haye, en avril 1915, un congrès international pour une paix future et permanente. Il rassemble un millier de femmes dont certaines venues des pays en guerre, appartenant aux minorités pacifistes hostiles aux unions sacrées32. Il se met d’accord, bien avant les 14 points du Président Wilson, sur un programme d’arbitrage obligatoire et de respect des nationalités, mais demande aussi une éducation pacifiste des enfants et le droit de vote pour les femmes, car la guerre est vue par ces militantes comme une entreprise masculine. De ce congrès est issue la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté, très active dans l’Entre-deux-guerres33 et qui existe toujours. Des individualités s’affichent également pacifistes et en subissent les conséquences : en France, la journaliste Marcelle Capy (1891–1962), auteure en 1916 d’Une voix de femme dans la mêlée, ouvrage zébré par la censure, ou l’institutrice syndicaliste Hélène Brion qui transforme, en mars 1918, son procès pour défaitisme en plaidoirie pour le féminisme. Les sociétés en guerre sont des sociétés surveillées par les autorités militaires et la police, ce qui permet aux historiens de disposer d’une source intéressante, quoique biaisée : les rapports sur l’état de l’opinion publique. Avec des différences nationales, notamment dans la chronologie de l’évolution de l’opinion, toutes les sociétés connaissent d’abord une forte cohésion patriotique, qualifiée d’« Union sacrée » en France et faite d’enthousiasme, de sens du devoir ou de résignation. Des femmes sont les premières à la rompre par des manifestations de ménagères protestant contre les pénuries (en Allemagne notamment), mais aussi par des grèves à motif salarial car l’inflation, phénomène nouveau, réduit le pouvoir d’achat. Le printemps et l’automne 1917 sont particulièrement agités en France et en Allemagne, 31 32 33

Voir notamment Richard J. Evans, Comrades and sisters. Feminism, socialism, and pacifism in Europe (1870–1945), Brighton, Wheatsheaf Books, 1987. Sur le courant féministe radical en Allemagne, voir Anne-Laure Briatte-Peters, Citoyennes sous tutelle. Le mouvement féministe « radical » dans l’Allemagne wilhelmienne, Berne, Peter Lang, 2013. Leila J. Rupp, Worlds of Women. The Making of an International Women’s Movement, Princeton, Princeton U. P., 1997.

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avec des mutineries au front34 et des protestations sociales à l’arrière. Ces dernières, quoique toujours minoritaires, ont un caractère plus nettement pacifiste en 1918. EFFETS DE LA GUERRE SUR LES TRAJECTOIRES INDIVIDUELLES ET SUR LA PLACE DES FEMMES DANS LA SOCIÉTÉ La question des effets de la guerre a été beaucoup débattue entre historien-ne-s et j’ai pu parler ailleurs de « strates historiographiques » divergentes35. En France, au Royaume-Uni, en Allemagne notamment, on s’est demandé si la Grande Guerre avait émancipé les femmes. La réponse ne peut qu’être nuancée, entre le « oui, mais … » et le « non, mais … ». Deux arguments plaident en faveur d’effets émancipateurs. D’une part, le phénomène des « garçonnes » des années 1920 qui se coupent les cheveux et raccourcissent leurs jupes ; cette mode capillaire et vestimentaire, qui libère les corps, touche toutes les classes sociales urbaines, pas seulement un petit milieu artiste ou homosexuel. D’autre part, l’obtention par de nombreuses femmes du droit de vote à l’issue du conflit : fin 1918 ou 1919, en Autriche, Allemagne, Hongrie, Royaume-Uni ; en 1920, en Belgique et aux USA. Mais des citoyennes d’États non belligérants l’obtiennent également, tandis que les Italiennes et les Françaises doivent attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mon analyse privilégie le « non, mais … ». La guerre, en effet, est avant tout épreuves, notamment dans les territoires envahis et occupés où sont commises de nombreuses atrocités dont certaines spécifiquement envers les femmes. Pour la population féminine des vastes arrières, l’émancipation doit aussi être largement nuancée et ce, pour plusieurs raisons. L’historien américain d’origine allemande, George Mosse, a parlé à propos de l’Allemagne d’après-guerre – pays vaincu – de brutalisation de la société36 ; ce phénomène est présent également dans les pays mécontents des traités de paix comme l’Italie qui bascule dans le fascisme et même en France : la guerre qui s’appuie sur la force reste dans les têtes et dans certaines pratiques politiques, atmosphère peu favorable à l’acquisition de nouveaux droits par les femmes. Par ailleurs, toutes les sociétés, même celle des pays vainqueurs, sont marquées par le deuil et la dette des survivants envers ceux qui sont morts. Ils se couvrent de monuments aux morts et rappellent chaque année lors de cérémonies publiques, notamment en France, le sacrifice des hommes ; là encore l’atmosphère de deuil n’est pas favorable aux bouleversements des relations entre les hommes et les femmes. Quant aux centaines de milliers de veuves que compte chaque pays, représentées sur des gravures de l’artiste allemande Käthe Kollwitz (1867–1945), elles vont tenter de survivre et d’élever leurs enfants, parfois de se remarier. Regroupés dans des associations, les anciens combattants qui sont rentrés entendent 34 35 36

André Loez, 14–18, les refus de la guerre. Une histoire des mutins, Paris, Gallimard, 2010. Pour une mise au point, voir Françoise Thébaud, « La guerre de 14 a-t-elle émancipé les Françaises », conclusion de : Les femmes au temps de la guerre de 14, op. cit., p. 419–429. George L. Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme. La brutalisation des sociétés européennes, Paris, Hachette, 1999 (traduction de : Fallen soldiers. Reshaping the memory of the world wars).

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exercer un magistère moral sur les civils et sur les femmes en particulier, qu’ils veulent retrouver à leur place traditionnelle. Leurs propos et attitudes traduisent une aspiration collective à un retour à la normale, manifeste par exemple sur les affiches d’emprunt pour la paix : en France, celle d’Henri Lebasque de 1920 montre des hommes bâtisseurs, des femmes mères et allaitantes. Enfin, le retour des soldats dans les familles ne se passe pas toujours bien. Traumatisés par la guerre, parfois mutilés ou gueules cassées, les hommes sont, pour certains, amers, coléreux, dépressifs ; ils rendent la vie familiale difficile et malheureuse, comme l’ont écrit des femmes en répondant à des enquêtes de journaux féminins37. Une vieille femme française interrogée dans les années 1980 avait dit cette phrase terrible : « je leur ai donné un mouton, ils m’ont rendu un lion ». Cependant, d’autres témoignages montrent que la guerre a parfois renforcé et modernisé l’amour conjugal. Des femmes qui ont assumé des responsabilités et des tâches nouvelles ont découvert, comme elles l’ont écrit, leur « personnalité » et veulent désormais avoir droit au chapitre. La mort massive des hommes a laissé vides des postes de travail et offert des opportunités professionnelles aux femmes, même si on les appelle à rentrer au foyer et, en France notamment, à faire des enfants. La guerre inaugure notamment une féminisation du secteur tertiaire qui s’accentue tout au long du XXe siècle. Enfin, la guerre a incontestablement infléchi des trajectoires individuelles dans un sens émancipateur, celles de domestiques qui ont connu à l’usine de guerre une condition moins aliénante, celles de filles des campagnes qui ont découvert les lumières de la ville, celles surtout de jeunes filles des classes bourgeoises qui ont vécu plus libres, loin du contrôle paternel, se sont engagées comme infirmières ou ont commencé des études pour avoir un métier. Alors que le destin des jeunes bourgeoises avant 1914 était de devenir des maitresses de maison, la guerre modifie la donne pour la génération qui l’a traversée, comme pour celles à venir car les fortunes bourgeoises paraissent plus précaires. Née en 1908, Simone de Beauvoir était encore enfant pendant les années de conflit mais son père, très traditionnel, a pris conscience de la fragilité des fortunes rentières : il pousse ses deux filles à faire des études et à avoir un métier ; elle allait devenir la philosophe, l’écrivaine et la militante bien connue… Tant à propos des effets du conflit que des expériences de guerre, les mots de la fin ne peuvent que souligner, une fois de plus, le poids des différences entre femmes.

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Voir Dominique Fouchard, Le poids de la guerre, op. cit.

„SOLANGE DER KRIEG DAUERT, SIND AUCH DIE FRAUEN UNSERER FEINDE UNSERE FEINDINNEN“ Die feministische Internationale im Ersten Weltkrieg Christina Stange-Fayos Zusammenfassung Standen die deutsche wie die französische Frauenbewegung von Anfang an im Zeichen des internationalen Austauschs, führte der Ausbruch des Ersten Weltkrieges zur Bildung neuer Allianzen. Die nationale Solidarität hatte für die führenden Vertreterinnen der organisierten Frauen ab 1914 absolute Priorität. Vorliegender Beitrag wird diesen nationalen Paradigmenwechsel beiderseits des Rheins erstmals einer vergleichenden Analyse unterziehen, insbesondere anhand der Bewegungspresse der sogenannten gemäßigten Frauenrechtlerinnen (d. h. des Mainstreams). Wie stellten sich die organisierten Frauen konkret in den Dienst der Krieg führenden Vaterländer? Welche Zukunftsvision(en) hatten sie? Theoretisch wünschten sie zwar den Frieden herbei, blieben jedoch unnachgiebig, wenn es um nationale Interessen ging. Zum Schluss wird die Lage der Frauenbewegung bei Kriegsausgang dargestellt: Ist die internationale Zusammenarbeit nachhaltig belastet? Inwiefern hat der Krieg die Frauen emanzipiert?

Résumé Les mouvements des femmes allemand et français collaboraient depuis les débuts de « l’Internationale féministe », qui était également pacifiste. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale les amena cependant à conclure de nouvelles alliances, plus nationales. Cet article propose de soumettre le changement de paradigme nationaliste des deux côtés du Rhin à une analyse comparée. Cette nouvelle approche s’appuie en particulier sur les organes de presse des « modérées » (c’est-à-dire de l’écrasante majorité des féministes de l’époque). Comment les grandes associations féminines se mirent-elles au service de la patrie en guerre? Comment voyaient-elles l’avenir? En théorie, elles souhaitaient la paix, mais restaient intraitables quand il s’agissait de défendre les intérêts de la Nation. Enfin, la sortie de guerre sera évoquée : la collaboration entre Allemandes et Françaises peut-elle reprendre comme avant 1914 ou est-elle durablement hypothéquée? Dans quelle mesure la guerre a-t-elle émancipé les femmes ?

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1914 waren deutsche und französische Frauenbewegungen ähnlich organisiert – jeweils ein Dachverband und ein Stimm- und Wahlrechtsverband1 – sowie in die internationale Frauenbewegung integriert. Diesem Internationalismus wohnte ein genuiner Pazifismus inne.2 CNFF und BDF gehörten beide dem ICW (International Council of Women) an; UFSF und Deutscher Verband für Frauenstimmrecht dem IWSA (International Women Suffrage Alliance), dessen exklusives Ziel war, politische Rechte für Frauen zu erlangen.3 Nicht alle Frauenstimmrechtsorganisationen setzten sich für das allgemeine und gleiche Wahlrecht ein, sowohl in Frankreich wie in Deutschland privilegierten viele unter ihnen Nahziele, wie z. B. die Teilnahme an Kommunalwahlen. Mainstream war in beiden Ländern die sogenannte gemäßigte Emanzipationsbewegung, die Reformen innerhalb des bestehenden gesellschaftlichen Rahmens anstrebte und von dem Geschlechterdualismus ausging. Die radikalen Frauenrechtlerinnen, die die Emanzipation der Frau jenseits ihrer Rolle als Mutter und Ehefrau suchten, blieben in der Minderheit.4 In Deutschland wie in Frankreich hatten die meisten Frauenvereine daher am Vorabend des Krieges ein gewisses Ansehen erreicht, mit Unterstützung eines Teils der öffentlichen Meinung und sogar mancher Politiker. Insbesondere im Bereich der Bildung und Ausbildung sowie der weiblichen Erwerbsarbeit hatte die Frauenbewegung vieles erreicht. Die politische Forderung nach dem Stimmrecht schritt zwar langsamer voran, auch weil sich die meisten organisierten Frauen selber damit vorsichtig taten, doch hätte 1914 in beiden Ländern das entscheidende Jahr sein können. Diesbezüglich wirkte der Krieg eigentlich diskriminierend; trotzdem betrachtete die Frauenbewegung ihn als Bewährungsprobe. Die zum Teil sehr intensiven Kontakte zur internationalen Frauenbewegung können nichts daran ändern, dass die Mehrheit der Frauenrechtlerinnen bei Kriegsausbruch in den nationalistischen Jubel einstimmte. „Dienen“ wurde zum Losungswort der französischen Bourgeoises, die sich unter das Banner 1

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Der französische Feminismus zerfiel in zwei große gemäßigte Föderationen: Der CNFF (Conseil national des femmes françaises), 1901 gegründet, bestehend aus rund 100 Verbänden, und die UFSF (Union française pour le suffrage des femmes), welche die Stimm- und Wahlrechtsbewegung vertrat. Was den französischen Feminismus betrifft, stützt sich dieser Beitrag maßgeblich auf die Arbeiten von Françoise Thébaud (die in diesem Rahmen zum ersten Mal auf Deutsch übersetzt werden), insbesondere Françoise Thébaud, Les femmes au temps de la guerre de 14, Paris, Payot, 2013. In Deutschland war 1894 der BDF (Bund deutscher Frauenvereine) gegründet worden und somit gelang die organisatorische Einigung der Frauenbewegung. 1902 wurde der Deutsche Verein für Frauenstimmrecht (seit 1903 Deutscher Verband für Frauenstimmrecht) gegründet. Vgl. Angelika Schaser, Frauenbewegung in Deutschland 1848– 1933, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 2006, S. 41–42. Dies gilt auch für die anderen großen internationalen Bewegungen. Die Österreicherin Bertha von Suttner (†1914) hatte 1905 den Friedensnobelpreis bekommen. Vgl. Marie-Claire HoockDemarle, Bertha von Suttner (1843–1914). Amazone de la paix, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2014. Dies belegt die große Anzahl an internationalen Kongressen zwischen 1894 und 1914, z. B. in Berlin 1904, wo es drei Kongresssprachen gab (Deutsch, Englisch und Französisch). Vgl. Marie Stritt, Der Internationale Frauen-Kongress in Berlin 1904, Berlin, Habel, 1904, siehe insbesondere S. 6. Michaela Karl, Die Geschichte der Frauenbewegung, Stuttgart, Reclam, 2011, S. 87.

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der Nation stellten.5 Der feministischen Tageszeitung La Fronde von Marguerite Durand6 zufolge: „Nicht um politische Rechte für die Frauen einzufordern, sondern um ihnen zu helfen, ihre sozialen Pflichten zu erfüllen.“7 Die nationale und die soziale Einheit koexistieren ab nun, schrieb Helene Lange auf deutscher Seite in Die Frau8, für erste müssen die Männer, für zweite die Frauen sorgen: „[…] das deutsche Volk sollte sich die hohe Freude an dem einmütigen Zusammenwirken von Männern und Frauen zur Größe unseres Vaterlandes nicht nehmen lassen. Die hohe Freude daran, dass alle Sonderinteressen schweigen, nun es gilt, die Nation durch die schwere Krise durchzubringen, die ihr der Neid und die Feindschaft anderer Völker bereitet haben.“9

Man schwöre weder dem Pazifismus noch dem Feminismus ab, liest man in La Fronde, doch stelle man sie zeitweilig ein: „Alle feministischen Theorien werden in dieser Zeitung energisch verteidigt werden, wenn der Frieden zurückgekehrt ist; momentan jedoch befinden wir uns in Kriegszeiten.“10 Diese Sätze sind typisch für die Mobilisierungsversuche bürgerlicher Frauenvereine, mit denen im August 1914 das Engagement der Frauen eingefordert wurde. Sie drücken zugleich Unvermeidbarkeit des Krieges und Gewissheit seines rein defensiven Charakters aus11 – auf deutscher Seite, obwohl das Reich die treibende Kraft beim Kriegsausbruch war (Fritz Fischer).12 Partikularinteressen traten hinter Gemeinschaftsinteressen zurück; die Frauen aller Lager wollten zunächst ihre Frauenbelange zurückstellen, wie sie insbesondere in der Frauenbewegungspresse betonten. So kann man die Positionen der organisierten Frauen anhand der Periodika Die Frau und La Française13 vergleichen, galten sie jeweils in Deutschland und in Frankreich als die wichtigsten Organe des moderaten Feminismus, die jeglichen Radikalismus ablehnten und den Akzent auf die enge Verbindung zwischen weiblichen Rechten und Pflichten legten.14 5 6

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Thébaud, Les femmes, S. 35. Marguerite Durand (1864–1936) gilt als eine der herausragenden Feministinnen der Jahrhundertwende; Berühmtheit erlangte sie durch ihre ausgedehnten Spaziergänge durch Paris, bei denen sie von einem zahmen Löwen begleitet wurde. Vgl. Karl, Frauenbewegung, S. 60; siehe auch Philipp Blom, Der taumelnde Kontinent. Europa 1900–1914, München, Hanser, 2009, S. 269. Zitiert nach Thébaud, Les femmes, S. 35 (Übersetzung: C. S.-F.). Die Zeitschrift wurde von Lange ab 1893 in Berlin herausgegeben. Vgl. Christina Stange-Fayos, Publizistik und Politisierung der bürgerlichen Frauenbewegung in der wilhelminischen Epoche. Die Zeitschrift „Die Frau“ (1893 bis 1914), Frankfurt a. M., Peter Lang Edition, 2014. Die Frau, 21. Jg., S. 709. Zitiert nach Thébaud, Les femmes, S. 35–36. Andrea Süchting-Hänger, Das „Gewissen der Nation“: nationales Engagement und politisches Handeln konservativer Frauenorganisationen 1900–1937, Düsseldorf, Droste, 2002, S. 90. Die Frau, 21. Jg., S. 705. La Française wurde im Oktober 1906 von Jane Misme gegründet. Sie wünschten eine Versöhnung zwischen den beiden Geschlechtern und sahen die Rolle der Frau als „kulturhebend“ an: „Die Erhebung der Frau aus ihrer subalternen Rolle zur Würde der Ebenbürtigen wird der Welt mehr Schönheit, weniger Pein bringen“ schrieb Jane Misme 1914; und: „Der Feminismus bereitet ein schöneres Frankreich vor“, in: La Française (5. Juli 1914), zitiert nach Françoise Thébaud, „Le féminisme à l’épreuve de la guerre“, in: Rita Thalmann

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DIE HEIMATFRONT Unter den Titel La Française fügt die Redaktion bei Kriegsausbruch fett gedruckt hinzu: „Die Französinnen während des Krieges. Was sie tun. Was man für sie tut.“15 Das mutet programmatisch an. Ein ähnlicher Paradigmenwechsel findet auch in der deutschen Monatsschrift Die Frau statt: Untersucht man die Inhaltsverzeichnisse der Kriegsnummern, fällt auf, dass das Wort „Frau“ zwar noch äußerst häufig vorkommt, meistens jedoch in Verbindung mit „Krieg“, „Volk“ und „Nation“ – anstelle von „Erziehung“, „Erwerbstätigkeit“ und „internationale[r] Organisation“, wie es vor 1914 üblich war. Ähnlich zu der oben zitierten Marguerite Durand in La Fronde lässt das erste Kriegseditorial von Jane Misme in La Française nichts an Deutlichkeit zu wünschen übrig: „So lange die Prüfung, die unserem Land auferlegt ist, andauert, wird es niemandem erlaubt sein, von seinen Rechten zu sprechen. Wir haben ihm gegenüber nur noch Pflichten.“16 Ganz unter dem Eindruck des sogenannten August-Erlebnisses verfasst Helene Lange in der ersten Kriegsnummer der Frau das Editorial „Die große Zeit und die Frauen“ (September 1914), in dem sie den „Burgfrieden“ zwischen den Parteien begrüßt.17 Auch in Frankreich prägt die Union sacrée den Sommer 1914: Burgfrieden in den Familien, Burgfrieden zwischen den Klassen und den Parteien.18 Die Frauen müssen sich der Nation würdig erweisen, so La Française. Doch schildert das Periodikum zugleich alle Tätigkeiten der Frauen im Krieg, um Zeugnis von der „weiblichen Mobilisierung“ abzulegen. Man sagt sich nicht wirklich vom Feminismus los, sondern bewährt sich in einem schwierigen Kontext. Dasselbe intendiert in Die Frau die „Heimatchronik“, benannt nach Gertrud Bäumers „Heimatchronik während des Weltkrieges“, die aus der Zeitschrift Die Hilfe – mit deren Genehmigung – abgedruckt wurde.19 „Vielen unserer Leserinnen wird es sehr lieb sein, sich durch diese Lektüre auch später noch an die Folge der Ereignisse und Stimmungen zu erinnern, die uns in diesen großen Tagen bewegt haben“, bemerkt die Schriftleitung.20 Tatsächlich gehörten diese Aufzeichnungen Bäumers zu den wenigen relativ vollständigen Chroniken von Kriegsgeschehnissen, die sich weder auf die Front noch auf den Kaiserhof, das

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(Hg.), Entre émancipation et nationalisme, la presse féminine en Europe 1914–1945. La tentation nationaliste, Paris, Ed. Deuxtemps Tierce, 1990, S. 18, 24. Helene Lange hatte ihrerseits um die Jahrhundertwende den Begriff „geistige Mütterlichkeit“ geprägt, die nicht mehr an die biologische Mutterschaft gebunden war, sondern angeborenes weibliches Verhalten mit erworbenem Wissen verband und die sich nicht nur innerhalb der Familie entfalten konnte, sondern auch in jedweder Form sozialer und pädagogischer Arbeit und Berufstätigkeit. Vgl. Karl, Frauenbewegung, S. 83. Mit Journal de progrès féminin wird dies bis 1916 sozusagen der zweite Untertitel des Periodikums bleiben. Siehe auch Thébaud, „Le féminisme“, S. 20. Zitiert nach Thébaud, „Le féminisme“, S. 21. Die Frau, 21. Jg., S. 710. Thébaud, Les femmes, S. 35. Es gab diesbezüglich eine Absprache zwischen der seit 1912 an der Redaktion der Hilfe mitbeteiligten Gertrud Bäumer (1873–1954) und deren Herausgeber Friedrich Naumann. Die Frau, 22. Jg., S. 748.

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Diplomatencorps und das Parlament beziehen.21 Es geht in La Française wie in Die Frau darum, die sogenannte Heimatfront hochzustilisieren. Die organisierten Frauen auf beiden Seiten des Rheins glauben – und bleiben somit einem christlichen Denkmuster verhaftet (Pein im Diesseits / Glück im Jenseits) –, dass sie im Frieden belohnt werden, nachdem sie im Krieg gelitten haben. La Française hebt die neue Rolle der Frauen hervor: dem Heer als Krankenschwestern oder Stickerinnen dienen, die den Haupternährer entbehrenden Soldatenfamilien unterstützen, Kriegsproblemen wie weiblicher Arbeitslosigkeit und Armut entgegentreten. In Deutschland hatte Gertrud Bäumer als Vorsitzende des BDF22 schon vor Kriegsausbruch dazu aufgerufen, den nationalen Frauendienst (NFD) zu gründen.23 Die von ihr mitredigierte Zeitschrift Die Frau benutze Gertrud Bäumer seit 1914 als Tribüne des NFD24, der versuchte, alle zur Verfügung stehenden Frauen für die Aufklärungsarbeit, die Lebensmittelversorgung, die Kriegsfürsorge und die Arbeitsvermittlung zu gewinnen.25 Der NFD verfügte bald in allen größeren deutschen Städten über Ortsgruppen, die eng mit den kommunalen Behörden zusammenarbeiteten. Spätestens da überlagerten die allgemeinpolitischen die frauenpolitischen Motivationen. Die Antifeministen kritisierten diese erfolgreiche Initiative trotzdem. Der Bund zur Bekämpfung der Frauenemanzipation denunzierte in einem Rundschreiben die Arbeit des NFD als Strategie zur Erlangung des (kommunalen) Wahlrechts. Mehrere Frauenbewegungszeitschriften (u. a. Die Frau, aber auch die proletarische Gleichheit) veröffentlichten aufschlussreiche Auszüge aus diesem Schreiben.26 Auch der organisierte Antifeminismus war in der Vorkriegszeit gestiegen.27 Hatten die Französinnen das vorweggenommen? 21

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Sabine Hering, Die Kriegsgewinnlerinnen: Praxis und Ideologie der deutschen Frauenbewegung im Ersten Weltkrieg, Pfaffenweiler, Centaurus Verlag, 1990, S. 28; Marianne Walle, „Féminisme et nationalisme dans DIE FRAU“, in: Thalmann (Hg.), Entre émancipation et nationalisme, S. 49–61. Bund Deutscher Frauenvereine. Ab 1910 war Gertrud Bäumer Vorsitzende des BDF. Diese überparteiliche und überkonfessionelle reichsweite Frauenhilfsorganisation wurde am 1. August vom preußischen Innenministerium offiziell sanktioniert, am 9. August gegründet. Vgl. Ute Gerhard, Unerhört. Die Geschichte der deutschen Frauenbewegung, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 1990, S. 296. Die Frau, 21. Jg., S. 714. Schaser, Frauenbewegung, S. 83. „Unsere Frauenrechtlerinnen machen sogar den offenen Versuch die Kriegszeiten in ihrem Sinn auszunützen; die neu gegründete Organisation des ‚Nationalen Frauendienstes‘, bei der ein auffälliges Gewicht auf die Teilnahme an Arbeiten innerhalb der Gemeindeverwaltung und auf das Eindringen in solche Berufe gelegt wird, die sonst den Männern vorbehalten waren, zeigt deutlich die Eigenschaften frauenrechtlerischer Tätigkeit, deren Ziel die Erringung des kommunalen Wahlrechts der Frauen ist […] [G]egenüber den bestehenden, besonders für den Kriegsfall eingerichteten vaterländischen Organisationen bedeutet der ‚Nationale Frauendienst‘ geradezu ein Unrecht. Seine Pflicht wäre es gewesen, die deutsche Einheitlichkeit mehren zu helfen, und wenn es wirklich nötig war, so musste er sich überall dem ‚Roten Kreuz‘ unterstellen, wie es andere selbstständige Organisation auch getan haben.“ Die Frau, 22. Jg., S. 246. Ute Planert, Antifeminismus im Kaiserreich: Diskurs, soziale Formation und politische Mentalität, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1998. In Frankreich war die Lage ähnlich, der Antifeminismus stieg parallel zur Mobilisierung der Frauenbewegung für das Wahlrecht am Vor-

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Jedenfalls gab es keine nationale Organisation, die vom Umfang her mit dem NFD vergleichbar gewesen wäre.28 Für die Antifeministen war die Frauenbewegung umso gefährlicher, als sie sich „trotz ihrer inter- und antinationalen Grundtendenzen […] heute hier und da nationale Verdienste“ erwerbe.29 Für die Feministinnen steht die patriotische Frauenarbeit in der geraden Linie aller bisher schon von der Frauenbewegung geleisteten sozialen Tätigkeit. 30 Für die „Gemäßigten“ blieb die Mutterschaft der höchste Beruf, ja die Berufung der Frau.31 Deshalb tritt La Française gegen die Vertreter des Malthusianismus an und spricht sich resolut für eine dynamische Bevölkerungspolitik aus: „Kriegt Kinder, das ist eine Pflicht, aber vor allem auch ein immenses Glück.“32 In der Frau liest man, die deutschen Frauen sollen Kinder haben und für das Vaterland großziehen; allerdings löste dieser Aufsatz („Der Wille zum Kinde“33) sofort eine heftige Gegenreaktion, dann sogar eine Debatte in der Monatsschrift aus. Der BDF taktierte in diesem Bereich zwischen Zurückweisung der Zwangsverpflichtung und euphorischer Einwilligung in die Freiwilligkeit. Schließlich lautet sein Fazit: freiwillige Entscheidung zur Elternschaft, gestützt durch sinnvolle gesundheitspolitische und soziale Maßnahmen. Eine Beschränkung der persönlichen Freiheit der Frau wird jedoch grundsätzlich abgelehnt.34 Auch La Française vermeidet in fine die Exzesse der Geburtenförderung; insbesondere, weil sie die weibliche Erwerbstätigkeit befürwortet. Wie die deutsche Frau sieht sie die Erwerbsarbeit als Mittel zur Unabhängigkeit und Erlangung von Würde. Besser als die Frauen an den Herd zurückzuschicken, ein Anachronismus übrigens35, wäre es, die Arbeitsbedingungen zu verbessern und die weiblichen Karrieren zu fördern.36 Für beide Periodika ist Frauenarbeit während des Krieges Hauptthema. Von der durch den Kriegsausbruch bedingten Arbeitslosigkeit waren zunächst insbesondere Frauen betroffen, weil ihre Erwerbsbranchen, die Nahrungsmittel-,

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abend des Grande Guerre. Vgl. Helen Harden Chenut, „L’esprit antiféministe et la campagne pour le suffrage en France, 1880–1914“, in: Cahiers du genre, 52/1 (2012), S. 51–73. „A la différence de l’Angleterre, il n’y eut jamais en France d’organisation d’ensemble de l’effort féminin“, Thébaud, Les femmes, S. 41. Im Zitat könnte man „England“ durch „Deutschland“ ersetzen. Die Frau, 22. Jg., S. 246. „Diese Synthese von Sozialarbeit und Emanzipation sollte sich nun an den kriegsbedingten Nöten bewähren.“ Ursula Baumann, Protestantismus und Frauenemanzipation in Deutschland 1850 bis 1920, Frankfurt a. M./New York, Campus, 1992, S. 238. „Um die Wende vom 18. zum 19. Jahrhundert wurde eine polaristische Ontologie der Geschlechtscharaktere entwickelt. […] Kennzeichnend für die polaristische Metaphysik der Geschlechter war die Hervorhebung der Mutterrolle. Dies stand in engem Zusammenhang mit dem Erziehungs- und Entwicklungsgedanken jener Zeit und bildete in der Pädagogik den Ausgangspunkt für eine neue Bewertung der weiblichen Erzieherrolle überhaupt.“ Barbara Greven-Aschoff, Die bürgerliche Frauenbewegung in Deutschland 1894–1933, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1981, S. 36–37. La Française (13. Mai 1916), zitiert nach Thébaud, „Le féminisme“, S. 25. Die Frau, 24. Jg, S. 193 ff. Hering, Kriegsgewinnlerinnen, S. 68–70. Stange-Fayos, Publizistik und Politisierung, S. 69–89. Thébaud, „Le féminisme“, S. 27.

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Textil- und Bekleidungsindustrie zu den sogenannten Friedensindustrien gehörten, deren Produktion mit dem Kriegsbeginn erheblich zurückging.37 Was hilfsbedürftigen Frauen anbieten, damit sie ihren Unterhalt bestreiten können? Vor allem stricken und nähen.38 Hilfswerke und Nähstuben werden vom Roten Kreuz, der Kirche, in Deutschland auch vom NFD eingerichtet, immer unter weiblicher Leitung. Doch bald schon erfasst die Bewegungspresse die „Probleme der sozialen Kriegsfürsorge“.39 Sie drücke die Löhne in der Branche nieder, äußert sich der CNFF40; sie sei ein volkswirtschaftliches Problem, laut BDF: Der Markt werde von „Hemden und Strümpfen der Liebe überschwemmt“, es sei fast tragisch, dass sich „ein so guter Wille in ein Verhängnis wandeln kann“.41 Die Werke müssen sich professionalisieren und nur noch Aufträge annehmen, die korrekte Löhne garantieren.42 Auch der bürgerliche Mittelstand litt während des Krieges unter der Schere zwischen steigenden Preisen und niedrigeren Löhnen. Der bisher von ihm gepflegte Lebensstil konnte nicht mehr gehalten werden. Viele Bürger verarmten: „Umso schwieriger […] erscheint die Lage […] des kleinen Mittelstandes (Privatbeamten); je länger der Krieg dauert, umso mehr sind die Hilfsquellen aus Ersparnissen erschöpft, und das Problem, sie in ihrer sozialen Lage einigermaßen zu erhalten, wird in vielen Fällen unlösbar.“43 Dem NFD geht es zwar darum, allen Frauen zu helfen, insbesondere jedoch auch gebildeten, jetzt in Bedrängnis geratenen Frauen.44 Mehr als um die Verteidigung der Arbeiterinnen – Feminismus ist nicht Syndikalismus – geht es La Française um die Festhaltung der neuen Frauenberufe. Ihre im Krieg eingeführte Rubrik „Die Vertreterinnen“ sammelt Informationen über Frauen, die in männliche Berufszweige eingetreten sind: z. B. Lehrerinnen in Jungenschulen, Straßenbahnfahrerinnen oder Frauen in Heerdiensten (Büros, Kantinen usw.). Militärs und Transportunternehmen zögerten lange Zeit, sie einzustellen, weil sie ihre „schwachen Nerven“ fürchteten.45 Die Redaktion frohlockt: Ein weiteres Gitter des Käfigs, in welchen man Frauen seit Jahrhunderten einsperrte, sei gebrochen, „Frauen beweisen nun, was sie können“.46 Gleichzeitig ist der Substantiv „Vertreterinnen“ aufschlussreich: Es handelt sich per definitionem um eine provisorische Tätigkeit, denn die Männer werden nach Rückkehr ihre Plätze (wieder) einnehmen. Frauen machen Interim.47 Ausbildung und Berufstätigkeit der Frau hatten immer zu den höchstbesetzten Zielen der „gemäßigten“ Frauenbewegung gehört, daher zählte auch die Ausweitung der weiblichen Berufsarbeit zu den am ehrgeizigsten verfolgten Projekten des Ersten Weltkrieges.48 Auch in Deutschland nahmen Frauen – vor37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48

Gerhard, Unerhört, S. 305. Thébaud, Les femmes, S. 159. Die Frau, 21. Jg., S. 743. Thébaud, „Le féminisme“, S.28. Gertrud Bäumer zitiert nach Hering, Kriegsgewinnlerinnen, S. 51. Thébaud, „Le féminisme“, S.28. Die Frau, 23. Jg., S. 108. Die Frau, 22. Jg, S. 187. Thébaud, „Le féminisme“, S. 28. La Française (6. März 1915), zitiert nach Thébaud, „Le féminisme“, S. 28. Thébaud, Les femmes, S. 224. Hering, Kriegsgewinnlerinnen, S. 75.

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übergehend – die Plätze der einbezogenen Männer ein: im Transportwesen und Verkehr, in Ämtern und Büros, insbesondere auch in Fabriken der Kriegsindustrie.49 In Frankreich nannte man diese Frauen les munitionnettes.50 Die Monatsschrift Die Frau denunziert die Anfeindungen gegen die Frauen, die in Abwesenheit der einberufenen Männer in männliche Berufe rücken: In Wirklichkeit ersetze die Frau den Mann nur in der Landwirtschaft.51 Dort war sie nämlich schon vor dem Krieg tätig und übernahm jetzt ausschließlich zahlreichere oder andersartige Aufgaben. Auch in Deutschland fühlten die Frauen sich jedoch nur als „Vertreterinnen“ in der Not: Jede volkswirtschaftlich nur halbwegs gebildete Frau wusste, dass nicht alle im Krieg eroberten Arbeitsplätze nach Kriegsende zu halten seien würden.52 Ähnlich wie La Française berichtet Die Frau über „Frauen in männlichen Posten“, z. B. im Bankgewerbe. Diese zögen viele Anfeindungen auf sich.53 Die Monatsschrift verlangt nicht nur Notlösungen, sondern langfristige Berufsmöglichkeiten für die Frauen.54 Helene Lange zufolge müssen insbesondere die Schranken gegen die bürgerliche Dienstleistung der Frauen in der Gemeinde abgebaut werden: „Nachdem die Frauen die große Stichprobe ihrer Bereitschaft in der Kriegsfürsorge abgelegt haben, ist auch der letzte Schein eines Grundes, ihnen diese Arbeitsgebiete vorzuenthalten, verblasst“.55 Über soziale Arbeit sollte also ihre Anerkennung als gleichberechtigte Staatsbürgerinnen vorbereitet werden. Es stellt sich die Frage, ob der Weltkrieg wirklich eine grundlegende Veränderung und Beseitigung der Hindernisse gegen Frauenerwerbsarbeit bewirkt hat oder ob es sich lediglich um einen im Trend des Jahrhunderts liegenden kontinuierlichen Anstieg der Erwerbstätigkeit von Frauen handelte?56 In Frankreich war dieser Anstieg zwar auch spürbar, blieb jedoch begrenzt (ca. 60 Prozent der Frauen waren 1917 erwerbstätig).57 Wichtig erscheint, dass die Berufserfahrung für viele Französinnen ausschlaggebend war: Sie wurden sich ihrer Fähigkeiten bewusst, fanden Gefallen an finanzieller Unabhängigkeit, gewannen an Autonomie und Selbstbewusstsein, stellten sogar (neue) Forderungen.58 Die stärkere Beteiligung, das selbstverständliche Einrücken der Frauen in die Männerarbeitsplätze setzte bisherige Rollenklischees außer Kraft. Trotzdem haben die elenden Rahmenbedingungen dieses zweifelhaften Moderni-

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Gerhard, Unerhört, S. 304. Siehe diesbezüglich Thébaud, Les femmes, S. 235–266. Ab 1917 versuchte Gertrud Bäumer, die deutschen Frauen dazu zu bewegen, in entfernten Munitionsfabriken zu arbeiten; Walle, „Féminisme et nationalisme“, S. 53. Die Frau, 22. Jg., S. 339. Über die Frauen in der Landwirtschaft in Frankreich während des Krieges, siehe Thébaud, Les femmes, S. 205–221. Hering, Kriegsgewinnlerinnen, S. 75. Die Frau, 22. Jg. (September 1915), S. 763. Im November 1915 veröffentlichen Gertrud Bäumer und Elisabeth Gottmann-Altheimer in Die Frau grundlegende Aufsätze zum Thema „Frauenberufsarbeit in und nach dem Krieg“ (Die Frau, 23. Jg., S. 65–78). Die Frau, 22. Jg., S. 591. Gerhard, Unerhört, S. 304. Thébaud, Les femmes, S. 265. Vgl. ebd., S. 233–234.

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sierungsschubs von Anbeginn dafür gesorgt, diese Form der Emanzipation nur dem Kriegs- und damit Ausnahmezustand zuzuschreiben.59 DER TEUFELSPAKT Über die Anpassung an die Kriegsbedingungen hinaus ist der Grundtenor der organisierten Frauen beiderseits des Rheins die Befürwortung des Krieges. Es kommt sogar zum „Burgfrieden an der Frauenfront“, zur (zeitweiligen) Versöhnung zwischen Bürgerlichen und Proletarierinnen.60 Die Kriegsgegnerinnen sind nunmehr die Feindinnen im eigenen Lager: Z. B. wurde jeder Zweifel am Sinn des Krieges von Helene Lange und Gertrud Bäumer als Landesverrat gewertet.61 Die internationalen Beziehungen werden eingestellt, denn Internationalismus bedeutet gleichzeitig Pazifismus. Die französische Frauenbewegung sagte sich im Krieg von Internationalismus und Pazifismus los: La Française behauptet, der Krieg werde Gerechtigkeit, Frieden und Brüderschaft einführen. Es sei ein Krieg des Rechts gegen die deutsche Barbarei.62 Tatsächlich hatte ein Großteil der Bevölkerung im letzten bewaffneten Konflikt 1870/71 unter der deutschen Besatzung gelitten; mit dem Einmarsch der deutschen Truppen in das neutrale Belgien am 3. August 1914 unter Befolgung des Schlieffen-Plans wurde dieses Ressentiment reaktiviert. Dieser Gewaltakt – insbesondere die Zerstörung der Universitätsstadt Löwen und die Vergehen an der Bevölkerung – veranlasste die Alliierten, die Deutschen als „Barbaren“ an den Pranger zu stellen. Der Deutschlandfreund Romain Rolland vertat die These eines zweigeteilten Deutschland, die das Deutschland der Kultur von dem preußisch-militaristischen unterschied. Für die (bildungs-)bürgerliche Frauenbewegung war dies ein schwerwiegender Vorwurf63: Ein wichtiger Diskursstrang der Frau zielt darauf, diesen „Gegensatz zwischen dem militärischen und dem geistigen Deutschland“ zu verwerfen.64 Eine der Hausautorinnen der Monatsschrift, Martha Strinz65, titelt bewusst provokativ „Deutscher Militarismus und deutsches Barbarentum“. Ihr Ansatz lautet, dass in „der Durchgeistung der militärischen Zucht“ eine „Synthese des deutschen Wesens“ geglückt sei. Sie dankt dem Geschick der „Anlage“ der Deutschen, die ihnen eine „Demokratie wie den Franzosen ersparte“ und sie vor dem englischen Schicksal bewahrte, „den Kaufmannsgeist Herr werden zu sehen“.66 Die Tatsache, dass der Krieg von den deutschen Truppen ausschließlich auf fremdem Boden geführt wurde, erklärt zum Teil, dass die deutsche Kulturelite in ihrer Propaganda so sehr den Akzent auf die Verteidigung ihrer 59 60 61 62 63 64 65 66

Gerhard, Unerhört, S. 307–308. Ebd., S. 318; Thébaud, „Le féminisme“, S. 31–32. Angelika Schaser, Helene Lange und Gertrud Bäumer. Eine politische Lebensgemeinschaft, Köln/Weimar/ Wien, Böhlau, 2000, S.162. Thébaud, „Le féminisme“, S. 31. Sie huldigt insbesondere Fichte, siehe z. B. Die Frau, 22. Jg., S. 132. Z. B. Die Frau, 22. Jg., S. 179. Stange-Fayos, Publizistik und Politisierung, S. 55. Die Frau, 22. Jg., S. 397.

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angeblich bedrohten Kultur gelegt hat. Die Herausgeberin Helene Lange ging sogar so weit zu behaupten, der Krieg würde Frieden und Kultur herbeischaffen67 – eine grobe Fehleinschätzung, da dieser ja in Wirklichkeit einen Epochenbruch einleitete und die Zivilisation erschütterte („Urkatastrophe“). Auch die Feministinnen von La Française, vom UFSF und CNFF wählten ohne zu zögern ihr Lager; Vorkriegsallianzen wurden abgebrochen. „Solange der Krieg dauert, sind auch die Frauen unser Feinde unsere Feindinnen“, schreibt Jane Misme dezidiert.68 Die Leiterinnen des „Französischen Propagandadienstes bei den Neutralen“ sind Kader der Frauenbewegung, sie nutzen ihre internationalen Kontakte, um Broschüren über deutsche Gewalttaten zu verbreiten.69 Der BDF schickte seinerseits 1915 ein Manifest an die neutralen Länder, um die Ehre der Reichswehr zu verteidigen, auch in den Augen der Freundinnen von Gestern – die französischen Feministinnen unterhielten eine rege Korrespondenz mit den Neutralen, um sie zu bewegen, der Entente beizutreten. Ironisch erscheint die Tatsache, dass sich die deutsche und die französische Frauenbewegung gerade in ihrer Ablehnung des Internationalismus und Pazifismus ähnlicher denn je sind. In der Heimatchronik vom 28. April 1915 berichtet Gertrud Bäumer über den Internationalen Frauenfriedenskongress in Den Haag: „Der Bund deutscher Frauenvereine hat selbstverständlich in entschiedenster Form abgelehnt, den Kongress zu beschicken.“70 Die Formulierung lässt nichts an Deutlichkeit zu wünschen übrig. Mehr denn je wird die Monatsschrift zum Sprachrohr des BDF.71 Ferner erklärt Bäumer, dass nur die Neutralen sich auf die Forderung „sofortigen Friedens um jeden Preis“ einigen könnten. „Sollen die Frauen der kriegführenden Nationen den Männern, die ihre nationale Pflicht tun, in den Rücken fallen mit pathetischen Erklärungen über den ‚Wahnsinn‘, indem sie befangen sind?“72 Die Frage mutet rhetorisch an. Nur eine unbegreifliche Gefühlsverwirrung könne eine solche innere Loslösung der Frauen von der Aufgabe ihres Vaterlandes vollziehen, stellt Gertrud Bäumer fest, indem sie in den herkömmlichen Diskurs der Antifeministen (Frauen als Gefühls- nicht Vernunftwesen) verfällt. Zu dem Haager Kongress (28. April–1. Mai 1915) kamen, nebst den 800 anwesenden Holländerinnen, 28 Deutsche aus den Reihen der „Radikalen“ um Anita Augspurg73, 47 Amerikanerinnen, 16 Schwedinnen, 16 Norwegerinnen, 2 Kanadierinnen, eine Italienerin, 3 Belgierinnen und 3 Engländerinnen (Dissidentinnen, da die WSPU, Women’s Social and Political Union, auch dem Hurra-Patriotismus verfallen war74). Doch keine 67 68 69 70 71 72 73

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Die Frau, 21. Jg., S. 712. Thébaud, „Le féminisme“, S. 30. Thébaud, „Le féminisme“, S. 34. Die Frau, 22. Jg., S. 559 (Hervorhebung C. S.-F.). In den zwanzig ersten Jahren ihres Erscheinens hatte die Redaktion dem BDF gegenüber eine gewisse Unabhängigkeit an den Tag gelegt, vgl. Stange-Fayos, Publizistik und Politisierung, S. 91. Die Frau, 22. Jg., S. 560. Susanne Kinnebrock, Anita Augspurg (1857–1943), Feministin und Pazifistin zwischen Journalismus und Politik, Herbolzheim, Centaurus Verlag, 2005; Anne-Laure Briatte-Peters, Citoyennes sous tutelle: le mouvement féministe „radical“ dans l’Allemagne wilhelmienne, Bern u. a., Peter Lang Edition, 2013. Karl, Frauenbewegung, S. 75.

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einzige Französin! CNFF und UFSF protestierten vielmehr, indem sie ein Manifest an den Kongress schickten: „An die Frauen der neutralen und alliierten Länder“. Darin stand, die Französinnen könnten nicht mit Frauen der verfeindeten Länder diskutieren, solange diese nicht die Verbrechen ihrer Regierungen desavouiert haben.75 Die Kundgebung erscheint in der französischen Presse und auch in manchen ausländischen Zeitungen. Auch Gertrud Bäumer führt sie (in dem oben erwähnten Aufsatz) an: Der französische Nationalbund der Frauen habe in seiner Ablehnung des Kongresses „die Zugehörigkeit der Frauen zu ihrem Staat genauso entschieden“ ausgesprochen, wie die Deutschen. Bäumer zitiert hier die Französinnen, die „mit schmerzlichem Erstaunen“ in dem Programm des Kongresses die Resolution über den Waffenstillstand gefunden hätten. Daran sei nicht zu denken, schrieben sie nach Holland, solange französische Provinzen „dem Joch der Feinde“ unterworfen seien.76 Bäumer fügt der Absage der Französinnen einen persönlichen Kommentar hinzu: Obwohl ihre Erklärung eine einzige Anklage gegen Deutschland sei, empfänden die deutschen Frauen die „nationale Würde“ darin „mit einem Gefühl von Sympathie und Achtung“.77 Dennoch sind die ehemaligen Freundinnen78 als Frauen des Feindes nun auch für sie Feindinnen – selbst wenn sie es nicht so direkt wie Jane Misme ausdrücken. Niemals während der gesamten Dauer des Krieges gedenkt man in Die Frau deren Leiden.79 Doch erwartete man es umgekehrt auch nicht anders, wie dies aus der Stellungnahme der Vorsitzenden des BDF hervorgeht: Nationale Priorität geht vor internationale Solidarität – dies gilt für alle Völker, wie es das Beispiel Frankreichs zeigt. Den Boykott des Internationalen Frauenfriedenskongress 1915 in Den Haag erklärte der BDF damit, dass „die Propaganda für diesen Kongress, sowie die Beteiligung daran mit der vaterländischen Gesinnung und der nationalen Verpflichtung der deutschen Frauenbewegung unvereinbar“ seien.80 Die Frauen, die trotz des Beschlusses des BDF zu dem Kongress reisten, wie die Vertreterinnen der „Radikalen“ Anita Augspurg und Lida Gustava Heymann, sollten laut einem vertraulichen Schreiben Bäumers aus den Vorständen der Frauenvereine entfernt werden.81 Obwohl keine Französin auf dem Kongress anwesend war, sendete eine Minderheitsfraktion eine von 15 Feministinnen unterzeichnete Sympathiebekundung nach Den Haag. Unter ihnen Jeanne Halbwachs, Jeanne Bouvier und Gabrielle Duchêne. Duchêne gründete dann die aus dem Kongress hervorgegangene „französische Sektion für dauerhaften Frieden“. Ende 1915 verfasste sie in diesem Sinn die Broschüre Eine dringende weibliche Pflicht, welche an Lehrer und Politiker 75 76 77 78 79 80 81

Thébaud, „Le féminisme“, S. 33. Die Frau, 22. Jg., S. 560. Ebd.. Die internationale Zusammenarbeit beruhte – wie die Frauenbewegung an sich – auf persönlichen Kontakten („persönliche Fühlungnahme“ auf Kongressen etc.). Aber man fordert z. B. die Gewährung des Eisernen Kreuzes an die (deutschen) Krankenschwestern, Die Frau 23. Jg. (Oktober 1915), S. 57. Schaser, Lange und Bäumer, S. 162. Bäumer berichtet, Österreicherinnen und Deutsche seien nur als Einzelpersonen – „wohl gemerkt nicht als Vertreter der organisierten Frauenbewegung“ – vor Ort anwesend. Die Frau, 22. Jg., S. 560. Schaser, Lange und Bäumer, S. 163–164.

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verschickt wurde. Sie versuchte, mit vielen rhetorischen Vorsichtsmaßnahmen, die Einsicht zu verbreiten, dass es „neben dem Verbrechen eines verfrühten Friedens das eines nutzlos verlängerten Krieges“ gäbe. Sie lud die alliierten Regierungen dazu ein, Friedensbedingungen zu formulieren, Friedensvorschläge zu untersuchen oder von den Kammern untersuchen zu lassen.82 Die Reaktion von Jane Misme in La Française ließ nicht lange auf sich warten. Verächtlich blickte sie auf die ehemaligen Wegstreiterinnen herab: „Erbarmen wir uns ihrer aufgrund ihrer Blindheit, aber soweit es in unserer Möglichkeit steht, setzen wir sie außer Gefecht […]“.83 Gabrielle Duchêne wurde aus dem CNFF ausgeschlossen und aus den Reihen des französischen Feminismus verbannt. Obwohl der Burgfrieden, ähnlich wie in Deutschland84, Risse aufwies (man war davon ausgegangen, dass der Konflikt innerhalb weniger Monate ein siegreiches Ende nehmen würde), blieb der französische Feminismus ein „Bollwerk des Patriotismus“.85 Noch im Februar 1917 appellierte der CNFF in einer Ansprache in der Sorbonne an den Durchhaltewillen der Frauen. In den darauffolgenden Monaten äußerte sich die Kriegsmüdigkeit der Soldaten und Zivilisten in Meutereien und Streiks, die öffentliche Meinung war bewegt von den Wilson’schen Prinzipien und der Oktoberrevolution; doch La Française denunzierte unbeirrt die Apostel eines sofortigen Friedens. Eine Sonderausgabe erschien sogar, um die Frauen gegen die Zweideutigkeit des Pazifismus zu warnen. Es gäbe zweierlei Sorten von Pazifisten: Die ersteren glauben, dass der Krieg für immer aus der Welt geschaffen werde müsse und setzen sich dafür ein. Die zweiten befürworten einen sofortigen Frieden ohne Sieg, welcher nur Deutschland und den Kriegsgewinnlern unter den Alliierten zugute käme.86 Man rechnet sich also in fine zu den „echten“ Pazifisten und verachtet den Defätismus. In der „Heimatchronik“ vom 19. Dezember 1916 – d. h. eine Woche nach dem deutschen Friedensangebot87 – zeichnet Gertrud Bäumer in Die Frau Frauengespräche auf: „Sie sollten nun Schluss machen. – Schluss machen, dass wir verlieren, das geht doch nicht!“88 Die Darstellung von Gesprächen (insbesondere aus öffentlichen Transportmitteln89) bildet ein oftmals verwendetes stilistisches Verfahren; den Wahrheitsgehalt der Aussagen kann man in Zweifel ziehen. Hier z. B. wird indirekt behauptet, die öffentliche Mei82 83 84 85 86 87

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Thébaud, „Le féminisme“, S. 34. La Française (11. Dezember 1915), zitiert nach Thébaud, „Le féminisme“, S. 34. „Der im August 1914 proklamierte ‚Burgfrieden‘ sollte die innenpolitischen Konflikte stilllegen. […] Bis 1916 zerfiel das Gespinst der großen Worte dann allerdings.“ Hans-Ulrich Wehler, Das deutsche Kaiserreich 1871–1918, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1994, S. 211. Thébaud, „Le féminisme“, S. 34. Ebd., S. 35. Präsident Wilson hatte 1914 die vereinigten Staaten für neutral erklärt. Er plante bis Ende 1916 eine Vermittlung zwischen den Kriegsparteien. Die deutsche Regierung hoffte lange auf diesen Friedensschritt, glaubte aber nach dem Fall von Bukarest, nicht mehr warten zu können. So kam es am 12. Dezember 1916 zu einem Friedensangebot Deutschlands (keine inhaltliche Zielvorstellung, nur prinzipielle Bereitschaft zum Frieden). Gespräche von Müttern über „Weihnachten ohne Konfekt“ für die Kinder, Die Frau, 24. Jg, S. 242 (Heimatchronik vom 19. Dezember 1916). Bäumer ist tatsächliche eine unermüdliche Reisende und äußerst aktive Person, wie aus der „Heimatchronik“ hervorgeht, siehe auch Walle, „Féminisme et nationalisme“, S. 47.

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nung richte sich gegen den Verlustfrieden. Dabei waren insbesondere die Frauen spätestens in diesem schlimmen Winter („Steckrübenwinter“) den Krieg leid; erstmals kam es im Reich zu Hungerprotesten.90 Bemerkt man in Die Frau gar nichts von dieser „Wende“ oder wird sie bewusst ignoriert? Leise hegt die Redaktion zwar schon seit Längerem die Hoffnung auf Frieden91, meint aber damit ausschließlich einen Frieden, der die deutschen Interessen wahrt („Schluss machen, dass wir verlieren, das geht doch nicht!“). Das deutsche Friedensangebot vom Dezember 1916 wurde von den Entente-Mächten sofort zurückgewiesen. Wilson forderte die kriegführenden Großmächte nun auf, ihre Kriegsziele zu nennen; daraufhin gaben die Mächte der Entente im Januar 1917 erstmals ihre Kriegsziele bekannt. In Hinblick auf „Wilsons Friedensangebote“ wird der Friedensgedanke in Die Frau der bitteren Entschlossenheit zum Krieg gegenübergestellt.92 Die Monatsschrift polemisiert gegen die „verhetzte(n) Kundgebungen der Entente“; die äußerste Kraftprobe im Frühjahr werde von der Entente, nicht von den Mittelmächten, gewollt.93 Obwohl der Mythos vom Verteidigungskrieg spätestens zu diesem Zeitpunkt immer brüchiger wird, vertritt die Monatsschrift ihn weiterhin: Das Kämpfen bis zum Ende werde Deutschland aufgezwungen.94 Im November 1918 gibt der Vorstand des BDF eine Erklärung ab, in der es heißt, die deutschen Frauen seien bereit, ihre Kräfte für einen Verteidigungskampf bis zum Äußersten einzusetzen.95 Theoretisch wünschen Deutsche und Französinnen also den Frieden, aber dass sie selber unnachgiebig bleiben, wenn es um nationale Interessen geht, scheinen sie nicht als Problem zu empfinden – dabei wird die Verständigung zwischen ihnen nachhaltig belastet: Man ahnt, dass der Dialog nach Waffenstillstand erst einmal stocken wird. Für die französischen Feministinnen, wie für einen Großteil der öffentlichen Meinung in Frankreich, hat nun die Stunde der Revanche oder zumindest der Reparationen geschlagen. Es kommt nicht infrage, die internationalen Föderationen zusammenzurufen, d. h. Kontakte zu den Feinden herzustellen, bevor der Frieden unterzeichnet ist. Der CNFF lehnt es ab, der Bitte der deutschen Frauen nachzugeben und bei seiner Regierung einzugreifen, um die Bedingungen des Waffenstillstands zu mildern, da ihr Zweck ausschließlich ist, „jegliche Wiederauf-

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Folge des Krieges waren auch gesellschaftliche Spannungen. Der Gegensatz zwischen ländlicher und städtischer Bevölkerung verstärkte sich. Zwangswirtschaft bedeutete ein Eingriff in die bäuerliche Verfügungsgewalt (festgesetzte Preise). Die Frau, 22. Jg., S. 189. Ein Zusammenarbeiten von Stadt- und Landfrauen scheint von Seiten der Frauenbewegung erwünscht, vgl. ebd., S. 741. Siehe Heimatchronik vom 5. August: die Besatzung Warschaus versetzt die Deutschen in festliche Stimmung (sie singen, hissen Fahnen und Flaggen) „und hinter dem allen die leise, zaghafte – selige Hoffnung: Friede?“ Die Frau, 22. Jg., S. 752. Die Frau, 24. Jg., S. 306 (Heimatchronik vom 24. Dezember 1916). Die Frau, 24. Jg., S. 307. Immer noch richtet sich Die Frau ausdrücklich gegen jeglichen Pazifismus, siehe die Heimatchronik vom 10. Juni 1917 über Prinz Hohenlohe in der Neuen Züricher Zeitung; Bäumer kritisiert diese „merkwürdigen deutschen Pazifisten […] mit ihrer Kunst, die Einkreisungspolitik zu ignorieren […], und ihrem ‚Pharisäertum‘“. Die Frau 24. Jg., S. 625. Zitiert nach Hering, Kriegsgewinnlerinnen, S. 79.

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nahme des Krieges zu verhindern“.96 Hochmütig antwortet er auch auf den von Ellen Key und Selma Lagerlöf verfassten „Aufruf der Frauen aus den Opferländern“, den 18.935 Schwedinnen unterzeichnet haben: „Ihr habt uns während des Kriegs nicht unterstützt, die Bedingungen des Friedens dürfen von keiner Edelmut diktiert werden, sondern von dem Willen, die französischen Opfer zu entschädigen“.97 In ihrem Leitartikel vom Juni 1919 empört sich Helene Lange über das „Diktat“ und freut sich über das „einstimmige Nein der deutschen Volksvertretung“.98 Doch schon im Juli titelt Die Frau „Das Versagen“: Deutschland musste die Friedensbedingungen annehmen.99 Am 28. Juni 1919, Tag der Unterzeichnung des Versailler Vertrags, veröffentlicht Jane Misme ein pessimistisches Editorial, „Der Frieden zwischen den Frauen“: „Ich glaube weder, dass jetzt schon die Zeit gekommen ist, die Feindinnen von gestern zu umarmen – unsere Freundinnen von vorgestern – noch die gemeinsame Arbeit wieder aufzunehmen. Vergessen wir nicht, dass wir uns vor dem Krieg Illusionen machten über den pazifistischen Wert dessen, was wir gern die internationale Verständigung der weiblichen Elite nannten […].“100

Von der deutschen Frauenbewegung wurde der Versailler Vertrag als demütigend und ungerecht empfunden, eine Wiederaufnahme der internationalen Arbeit schien unter diesen Bedingungen zunächst unmöglich.101 Im Oktober 1920 blieb der BDF dem Internationalen Frauenkongress zu Christiana fern, d. h. der ersten internationalen Konferenz des ICW nach dem Krieg. Als Hauptgrund dafür nannte er „die Kluft des Friedens von Versailles“.102 Mit seinem Fernbleiben knüpfte der BDF seine künftige Mitarbeit an eine Verurteilung der Versailler Verträge vonseiten des ICW. Ab 1922 war der BDF dann wieder auf internationaler Ebene vertreten und nahm an den Kongressen des ICW und IAW teil. Die Versöhnung mit Frankreich wurde jedoch erst 1926 symbolisch besiegelt, als Gertrud Bäumer auf der zehnten Generalversammlung der IAW in Paris zur Völkerfreundschaft und Versöhnung aufrief und eine Französin spontan mit einer Umarmung und einem Kuss für die Rednerin reagierte. Diese deutsch-französische Annäherung wurde in der französischen Presse ausführlich gewürdigt und auch von der deutschen Gesandtschaft mit Genugtuung zur Kenntnis genommen.103 Interessant erscheint es, eine Bemerkung von Jane Misme aus ihrem Aufsatz vom 28. Juni 1919 hinzuzufügen („Frieden zwischen den Frauen“): „Lasst uns vor allem daran arbeiten, in unserem Land diese Eigenschaft als Staatsbürgerinnen, die die Deutschen besitzen, zu erlangen; ohnedies wird es uns sehr an Autorität mangeln, wenn wir unsere Beziehungen zu ihnen wieder aufnehmen.“104 Als Argument 96 97 98 99 100 101 102 103 104

La Française, 30 (November 1918), zitiert nach Thébaud, „Le féminisme“, S. 36. Ebd. Die Frau, 26. Jg., S. 261–262. Ebd., S. 293–294. La Française, 28 (Juni 1919), zitiert nach Thébaud, „Le féminisme“, S. 37. Schaser, Frauenbewegung, S. 93. Die Frau, 27. Jg., S. 21. Schaser, Frauenbewegung, 96. La Française, 28 (Juni 1919), zitiert nach Thébaud, „Le féminisme“, S. 37.

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für das Frauenwahlrecht, das in Frankreich ab Januar 1917 wieder vermehrt gefordert wird, wird angeführt, dass die Frauen sich im Krieg bewährt haben (insbesondere in den Stadtverwaltungen), und dass man sie für den Wiederaufbau des Landes brauchen wird. Vor allem jedoch gilt das Beispiel des Auslands, hier: Deutschlands. Was war dort passiert? Spätestens bei der mit dem Wechsel der Obersten Heeresleitung im Sommer 1916 einsetzenden Kriegswende änderte sich die Bereitschaft der deutschen Frauenbewegung, bedingungslos stillzuhalten und den „Burgfrieden im Patriarchat“ weiterhin vorbehaltlos zu respektieren.105 Nachdem die Osterbotschaft des Kaisers die Frauen in keiner Weise erwähnte, weder ihre Leistungen im Krieg würdigte noch – und das war ausschlaggebend106 – das Wahlrecht in Aussicht stellte, verdeutlichte Helene Lange der Öffentlichkeit, dass die Frauen für ihr nationales Engagement Entgegenkommen erwarteten.107 Im September 1917 verabschiedete der BDF eine Denkschrift, die an Regierung und Parlament gerichtet wurde und kritisierte, dass die versprochene Neuorientierung im Lande, die Umbildung der politischen und sozialen Lebensformen die Frauen ausgespart habe. Als Konsequenz wurden vehement die Verankerung der weiblichen Berufstätigkeit sowie das aktive und passive Wahlrecht gefordert.108 Im Oktober 1917 schrieb Jane Misme ihrerseits in La Française, dass es für die Frauen (ihr zufolge „die stärkste Macht der Welt“ aufgrund des Sterbens und der Gebrechen von Millionen Männern) nunmehr zwei gleichzeitig auszufechtende Kämpfe gäbe: den der weiblichen Erwerbsarbeit und den der politischen Rechte.109 Gingen die politischen Standpunkte der deutschen Frauen in der Frage des „Schandfriedens“ weit auseinander, waren sie sich am Ende des Krieges in der Frage des Frauenstimmrechts, das in dieser historischen Situation kommen musste, doch sehr nah. Alle politisch engagierten Gruppierungen unter den Frauen hatten daran teil. Die „großen Organisationen der deutschen Frauen“ baten am 25. Oktober 1918 den Reichskanzler um eine Unterredung. In ihrem Schreiben110 hieß es: „Sollen wir keinen Teil haben an dem, was jetzt wird? Haben wir Frauen nicht auch im vollsten Maße unsere schweren Pflichten erfüllt? […] Wir sind Staatsbürgerinnen und wollen als solche behandelt sein; Gebt uns Frauen daher das Wahlrecht!“111 Die Argumentation gleicht der der Französinnen. Der Rat der Volksbeauftragten rief am 12. November die Einführung des gleichen, geheimen, direkten und allgemeinen Wahlrechts für alle männlichen und weiblichen Personen über 20 Jahre aus. Das Stimmrecht war also das Produkt einer revolutionären Situation – nicht das Resultat der Einsicht jener politischen Kräfte in Deutschland, die vor dem Winter 1918/19 und bald danach wieder das Sagen hatten. Die Frauenfeindlichkeit dieser Kräfte ruhte nicht, nur weil es jetzt 105 106 107 108 109 110

Hering, Kriegsgewinnlerinnen, S. 10. Ebd., S. 154. Die Frau, 24. Jg., S. 454. Hering, Kriegsgewinnlerinnen, S. 78. La Française (Oktober 1917), zitiert nach Thébaud, „Le féminisme“, S. 38. Dieses Schreiben wurde u. a. unterzeichnet von den „Radikalen“ Anita Augspurg und Lida Gustava Heymann, aber auch von den „gemäßigten“ Helene Lange und Gertrud Bäumer. Auch die sozialistische Gleichheit veröffentlichte den Brief. 111 Zitiert nach Hering, Kriegsgewinnlerinnen, S. 79.

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Christina Stange-Fayos

das Frauenstimmrecht gab.112 Da es in Frankreich, im Gegenteil zu Deutschland, nach Kriegsende zu keiner Revolution kam, war das Land weniger reformbereit. Den komplexen Problemen der Stunde gegenüber erschien die Frauenfrage vielen Politikern nicht dringend. Die Abgeordneten sprachen sich zwar schließlich für das Frauenstimmrecht aus (20. Mai 1919), doch die Senatoren wiesen den Gesetzesvorschlag (am 21. November 1922) definitiv zurück, nachdem sie die Debatten lange Zeit vertagt hatten. Der Senat galt nunmehr als der Ort, an dem die feministischen Illusionen begraben wurden. Verallgemeinernd kann man schließen, dass im laizistischen Frankreich die Angst vor der Beeinflussung der weiblichen Wähler durch den Klerus zu groß war.113 FAZIT In allen Ländern Europas, in denen es organisierte Frauenbewegungen gab, dürfen Frauen sich nach dem Ersten Weltkrieg an politischen Wahlen beteiligen, außer in Frankreich: Hat man es hier mit einer exception française zu tun? Oder ist der Wahlzettel in fine nur ein Mythos, der keineswegs von der condition féminine befreit? Anhand des Vergleichs mit Deutschland lässt sich diese Frage beantworten: Bei den Wahlen zur Weimarer Nationalversammlung am 19. Januar 1919 zeigte sich, dass in Deutschland Frauen vorwiegend konservativ und konfessionell gebunden wählten. Mit Artikel 109 der Weimarer Verfassung erhielten Frauen und Männer „grundsätzlich“ die gleichen staatsbürgerlichen Rechte und Pflichten. Diese „grundsätzliche Gleichstellung“ ermöglichte jedoch in der Realität zahlreiche Sonderregelungen, die die Gleichstellung der Frau in vielen Bereichen ad absurdum führte. Beiderseits des Rheins hat der Großteil der Frauenrechtlerinnen im Ersten Weltkrieg also äußerst gewagt agiert beziehungsweise taktiert. Bei Kriegsausgang werden sie dafür unzulänglich belohnt und es wird noch viel Zeit in Anspruch nehmen, bis die Theorie der Gleichberechtigung in die Praxis übergeht.

112 Ebd. 113 Karl, Frauenbewegung, S. 60.

« CE N’EST PAS VOTRE BÉTAIL QUE NOUS RÉCLAMONS, C’EST LE NÔTRE. » Limites de la solidarité féminine internationale au sortir de la Grande Guerre (hiver 1920–1921) Agathe Bernier-Monod Résumé Dans le cadre des réparations de guerre, l’Allemagne s’était engagée à livrer un million de vaches laitières à la France. À l’hiver 1920–1921, des députées allemandes et des suffragistes françaises entretinrent une brève correspondance au sujet du retard pris par cette livraison, présentée comme une menace pour l’alimentation enfantine des deux côtés du Rhin. L’appel à la solidarité féminine par-delà les frontières déboucha rapidement sur une impasse, les Françaises rappelant finalement les Allemandes à leur devoir de payer les réparations. Ce « petit fait significatif » nous renseigne sur la façon dont les ennemies d’hier se percevaient et appréhendaient le politique au lendemain de la Première Guerre. Tandis que les Françaises victorieuses luttaient encore pour le droit de vote, les Allemandes vaincues commençaient à s’approprier ce droit. Cette contribution entend reconstituer les circonstances particulières de cette correspondance emblématique du discours féministe modéré de l’Entre-deux-guerres en France et en Allemagne, et examiner la succession de campagnes de mobilisation féminines franco-allemandes dans laquelle elle s’inscrit.

Zusammenfassung Im Rahmen der Kriegsreparationen hatte sich Deutschland verpflichtet, Frankreich eine Million Milchkühe zu liefern. Im Winter 1920/1921 standen deutsche Abgeordnete und französische Suffragetten in kurzem Briefwechsel bezüglich der Lieferverzögerung, die als Gefährdung der Kinderversorgung beiderseits des Rheins dargestellt wurde. Der Appell an die Frauensolidarität jenseits der Grenzen mündete schnell in eine Sackgasse und die Französinnen erinnerten die Deutschen schließlich an ihre Pflicht, die Reparationen zu zahlen. Dieses „kleine, aber bedeutsame Ereignis“ zeigt, wie sich die ehemaligen Feindinnen unmittelbar nach dem Ersten Weltkrieg wahrnahmen und das Politische begriffen. Während die siegreichen Französinnen immer noch um das Wahlrecht kämpften, kamen die besiegten deutschen Frauen diesem Recht allmählich näher. Dieser Artikel rekonstruiert die besonderen Umstände dieses Briefwechsels als sinnbildliches Zeugnis des gemäßigten feministischen Diskurses der Zwischenkriegszeit in Frankreich und Deutschland im Kontext der deutsch-französischen Mobilisierungskampagnen von Frauen.

L’histoire des femmes et du genre sonde depuis les années 1980 les effets de la Première Guerre mondiale sur l’émancipation féminine. Les objets privilégiés de cette exploration sont la démobilisation – reléguant les femmes au foyer –, l’obtention du droit de vote en Allemagne et l’échec des revendications suffragistes en France,

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ainsi que l’émergence d’un nationalisme au féminin, dans la continuité de la forte mobilisation idéologique de l’arrière. Largement abordés dans des contextes nationaux ou dans une perspective comparée européenne, ces phénomènes ne sont que rarement traités dans une perspective transnationale. Un « petit fait significatif » donne un aperçu de la façon dont se percevaient Françaises et Allemandes et dont elles appréhendaient le politique au lendemain de la Première Guerre mondiale. À l’hiver 1920–1921, l’Union française pour le suffrage des femmes (UFSF), la plus importante association suffragiste en France, et certaines députées du Reichstag, entretinrent une correspondance insolite au sujet de la livraison de vaches laitières due par l’Allemagne à la France dans le cadre des réparations. Cet échange a laissé peu de traces. Il est relaté dans un compte-rendu de l’activité des femmes au Reichstag paru en 1923, Zwei Jahre parlamentarischer Frauenarbeit1, et relayé par La Française2, publication de l’UFSF. Malgré son caractère anecdotique, cette brève correspondance est révélatrice des relations internes à l’espace public féminin dans le contexte de l’après-Première Guerre mondiale, qui marque un tournant nationaliste pour le mouvement des femmes en Allemagne comme en France. Cette correspondance permet d’interroger les spécificités françaises et allemandes du rapport qu’entretenaient les citoyennes – récentes ou en devenir – au politique et à la nation, à l’aube des années 1920. La situation de communication manifeste en effet une double asymétrie entre les interlocutrices : les Françaises victorieuses, qui demandent aux Allemandes vaincues de s’acquitter des réparations, luttent encore pour l’obtention de droits politiques, tandis que les Allemandes élues commencent à s’approprier ces droits. Cet échange fait également apparaître les limites du discours internationaliste et pacifiste propagé par le mouvement féministe. L’objet de la discorde – le lait revient-il de droit aux enfants français ou allemands ? – comporte enfin une dimension symbolique indéniable, emblématique d’un discours nationaliste au féminin, intimement associé au devoir maternel. Cette contribution propose d’analyser cette dispute par lettres comme un exemple de communication entre les deux « espaces publics partiels » (Teilöffentlichkeiten) féminins en France et en Allemagne au lendemain de la Première Guerre mondiale. Dans les années d’après-guerre, ces deux « espaces publics partiels » sont représentés en France principalement par le mouvement suffragiste, l’UFSF notamment, en Allemagne par les députées et les dirigeantes de la Ligue des associations féminines allemandes, association faîtière du mouvement féminin bourgeois modéré (Bund deutscher Frauenvereine, BDF). Il convient d’abord d’examiner les caractéristiques du discours féministe modéré de l’Entre-deux-guerres en France et en Allemagne, dans lequel s’inscrit cette correspondance. Sera ensuite évoquée la succession de campagnes de mobilisation franco-allemandes animées par des femmes dans laquelle elle s’insère. Dans un dernier temps, les circonstances particulières de cet échange seront reconstituées. 1 2

Regine Deutsch, Zwei Jahre parlamentarischer Frauenarbeit, Stuttgart, Perthes, 1923, p. 4–7. « Le lait des petits Français », La Française, 18 déc. 1920 ; « Le lait des petits Français », La Française, 22 janv.1921 ; « Nos bêtes laitières. Les députées allemandes sont opposées à la restitution », La Française, 19 fév. 1921.

« Ce n’est pas votre bétail que nous réclamons, c’est le nôtre. »

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DES DISCOURS SIMILAIRES : LE TRIOMPHE DU PATRIOTISME AU FÉMININ ET DU MATERNALISME Le repli national Cette première partie n’ambitionne pas de traiter de façon exhaustive la relation fructueuse qu’entretinrent nationalisme et féminisme après 1918. Il s’agit plutôt de présenter le discours généré par les mouvements féminins français et allemand entre 1914 et le début des années 1920, auquel participe la querelle épistolaire entre féministes et députées. Dès le déclenchement de la guerre, le discours internationaliste et pacifiste des mouvements féminins bourgeois révèle ses limites. En 1914, la grande majorité des partisanes de la cause féminine en France comme en Allemagne rejoint l’Union sacrée3. Les revendications émancipatrices comme les activités féministes internationales sont mises entre parenthèses au nom de la participation à l’effort de guerre. En France, le Conseil national des femmes françaises (CNFF), principale organisation féministe française, encadre l’Office central de l’activité féminine, destiné à faciliter le recrutement des femmes4. En Allemagne, le BDF supervise le Service national des femmes (Nationaler Frauendienst), qui coordonne la mobilisation de l’arrière. Cet engagement total des féministes modérées au service de la patrie sert une stratégie d’intégration dans les deux pays. Les militantes espèrent ainsi démontrer l’utilité sociale des femmes et leur attachement à la nation. Valorisation du dévouement féminin et surenchère nationaliste répondent en outre à la concurrence implicite que se livrent le front et l’arrière, les soldats accusant les civils d’être indignes des sacrifices du front5. L’inimitié et l’incompréhension persistent Après la guerre, l’enthousiasme national subsiste et empêche la reprise de relations entre associations féminines françaises et allemandes. Dans La Française, le sentiment antiallemand conserve toute sa virulence bien après la fin des hostilités6. La question de la faute allemande y revient comme un leitmotiv ; les protestations des Allemands face à la dureté du traité de Versailles sont dénoncées comme le signe d’une absence de remords : « Ce n’est qu’à la condition que la question de 3

4 5 6

En Allemagne, seules quelques organisations et personnalités isolées, féministes socialistes ou radicales résistent à l’appel national. Certaines d’entre elles se détourneront du mouvement des femmes après la guerre pour se consacrer entièrement au pacifisme. Ces défections contribuent à une droitisation du mouvement féministe allemand. Anne-Sarah Bouglé-Moalic, Le vote des Françaises. Cent ans de débats. 1848–1944, Presses Universitaires de Rennes, 2012, p. 202. Nicolas Patin, La catastrophe allemande (1914–1945). 1674 destins parlementaires, Paris, Fayard, 2014, p. 41. Sur le nationalisme et l’anti-germanisme virulents de La Française, cf. Françoise Thébaud, « Le féminisme à l´épreuve de la guerre », in : Rita Thalmann (éd.), La Tentation nationaliste. Entre émancipation et nationalisme : la presse féminine d’Europe 1914–1945, Paris, Deuxtemps Tierce, 1990, p. 17–44.

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la responsabilité ne soit pas laissée de côté que l’expiation viendra. Le devoir de l’Allemagne est de confesser le tort commis […]. »7 De leur côté, les Allemandes, élues ou militantes féministes, réfutent la thèse de la responsabilité allemande dans la guerre. Gertrud Bäumer, députée libérale (Deutsche Demokratische Partei) et dirigeante du BDF, espère qu’une enquête sur les origines du conflit innocentera l’Allemagne8. Quoique plus à gauche et pacifiste, Adele Schreiber rejette également la thèse de la culpabilité9. En novembre 1921, un « Comité féminin allemand de lutte contre le mensonge de la culpabilité » (Deutscher Frauenausschuss zur Bekämpfung der Schuldlüge) se forme dans le but de combattre l’article 231 du traité de Versailles. Situé à droite, il regroupe le Deutschnationale Volkspartei, la Ligue allemande des femmes protestantes (Deutscher Evangelischer Frauenbund) et le comité féminin du Deutsche Volkspartei. Le BDF et la Ligue allemande des femmes catholiques (Katholischer Deutscher Frauenbund) ne tardent pas à y adhérer10. Pour ce groupe d’agitation, les femmes doivent être à l’avant-garde du rejet du traité de Versailles pour préserver leurs enfants de l’asservissement futur qu’implique la dette de guerre. Plus largement, l’attachement revendiqué à la nation traverse l’ensemble des milieux associatifs, politiques et confessionnels féminins de l’Allemagne de l’après-guerre11. Die Frau, l’organe du BDF, déploie une rhétorique peu favorable à la réconciliation12. Gertrud Bäumer, sa principale rédactrice, exalte, dans ses articles dédiés à la participation politique et à la reconstruction, les liens indéfectibles reliant femme et nation. Pour les Allemandes, il s’agit donc, à l’égard de la France, moins d’entretenir la méfiance vis-à-vis de leurs ennemies d’hier que de faire front contre le traité de Versailles et d’obtenir la reconnaissance de l’injustice frappant l’Allemagne. La symbolique maternaliste Au sortir de la guerre, alors qu’il importe de repeupler les nations exsangues, ce patriotisme au féminin voit sa dimension démographique s’accentuer. En France comme en Allemagne, les mouvements féminins modérés plaident la cause populationniste avec une énergie redoublée. En France, l’UFSF se rapproche de la 7 8 9

10 11 12

Cf. Anna Lindhagen, « La question des responsabilités », La Française, 3 mai 1919. Gertrud Bäumer, « Die Frage der ‹ Schuld am Kriege › », Die Frau, n° 9, juin 1921, p. 257–259. Asja Braune, Konsequent den unbequemen Weg gegangen: Adele Schreiber (1872–1975). Politikerin, Frauenrechtlerin, Journalistin, Berlin, Humboldt-Univ., Diss., 2003, p. 304, https:// www.deutsche-digitale-bibliothek.de/binary/ABHVVRCWD3QPQPGDZNZ3TC73I3 6FHAD/full/1.pdf (5 août 2014). Raffael Scheck, « Women against Versailles : Maternalism and Nationalism of Female Bourgeois Politicians in the Early Weimar Republic », German Studies Review, n° 1, fév. 1999, p. 26. Ute Planert, Nation, Politik und Geschlecht. Frauenbewegungen und Nationalismus in der Moderne, Frankfurt a. M., Campus, 2000. Cf. Marianne Walle, « Féminisme et nationalisme dans Die Frau », in : Rita Thalmann (éd.), op. cit., p. 47–61.

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Ligue nataliste13. Cette course à la repopulation s’explique en partie par la haine héréditaire qui règne entre la France et l’Allemagne. D’après Anna Cova, « la question de la dépopulation hante la France depuis la guerre de 1870 et la conviction que l’Allemagne va prendre sa revanche est une idée très répandue servant d’argument aux familiaux et aux natalistes »14. La Française diffuse largement cette incitation nataliste visant à endiguer la menace allemande. À la date symbolique du 11 novembre 1920, le discours du président de la Commission de l’Hygiène et de la Prévoyance sociale y est retranscrit dans ces termes: « Vous me demandez […] quelques lignes ayant trait à l’un des intérêts majeurs de la France réclamant également des Françaises et des Français de patriotiques efforts. Je vous réponds : Des enfants ! Des enfants ! Des enfants ! […] Les égoïstes et les involontairement stériles paieront. » 15 En Allemagne aussi, les femmes de tous milieux politiques, de l’extrême-droite jusqu’au parti socialiste, arborent une « idéologie de la maternité »16 et considèrent l’activité maternelle comme le devoir suprême des femmes. Cette idéologie est omniprésente dans la sphère politique, où elle permet de justifier la participation des femmes en les présentant comme les mères de la nation. Cette idéologie maternaliste a des retombées juridiques. En France, la pénalisation de l’avortement et de la propagande anticonceptionnelle est renforcée17. En Allemagne, les sévères paragraphes 218 et 219 du code pénal hérités de l’Empire sont d’abord maintenus, avant que la législation ne soit légèrement assouplie en 192618. Ces dispositions sont adoptées avec le soutien des féministes bourgeoises modérées et de certaines femmes parlementaires, socialistes et communistes exceptées. Ce qui se profile derrière l’enjeu laitier de cet échange – la querelle suscitée par la livraison du bétail –, c’est donc autant la hantise de la dépopulation que le maternalisme affiché des femmes politiques allemandes. « La victoire des vaincues » Ce climat de méfiance entre Françaises et Allemandes est exacerbé par l’inégalité flagrante des épistolières. En demandant aux Allemandes d’intervenir pour accélérer la livraison des bêtes laitières, les Françaises se retrouvent dans une position 13 14 15 16 17 18

Françoise Thébaud, « Le féminisme à l’épreuve de la guerre », op. cit., p. 26 ; Christine Bard, Les filles de Marianne. Histoire des féminismes (1914–1940), Paris, Fayard, 1995, p. 64–65. Anne Cova, « Cécile Brunschvicg (1877–1946) et la protection de la maternité », in : Comité d’histoire de la sécurité sociale, Colloque sur l’histoire de la Sécurité sociale, Actes du 113e Congrès national des sociétés savantes, Strasbourg, 1989, p. 91. « Commission de l’Hygiène et de la Prévoyance sociale », La Française, 11 nov. 1920 ; « La lutte contre la dépopulation est l’affaire des femmes. », La Française, 15 mai 1920. Cornelie Usborne, Frauenkörper – Volkskörper. Geburtenkontrolle und Bevölkerungspolitik in der Weimarer Republik, Münster, Westfälisches Dampfboot, 1994, p. 81. Françoise Thébaud, « La Grande Guerre: le triomphe de la division sexuelle », in : Georges Duby, Michelle Perrot (éd.), L’histoire des femmes en Occident, tome 5, F. Thébaud (éd.), XXe siècle, Paris, Plon, 1992, p. 55. Cornelie Usborne, op. cit., p. 271–272.

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humiliante. Bien que représentantes du pays vainqueur, elles se voient réduites à quémander quelque chose aux Allemandes, qui sont vaincues, mais détentrices de droits politiques et même élues au Parlement. Cette dissymétrie est vécue par les Françaises comme un obstacle majeur à la reprise de relations entre les femmes des deux pays : « Avant tout, travaillons dans notre pays à obtenir cette qualité de citoyennes que les Allemandes possèdent, et sans laquelle nous nous trouverions singulièrement privées d’autorité dans nos rapports avec elles le jour où ils seront repris. », écrit Jane Misme, rédactrice en chef de La Française, dans son éditorial de juin 191919. Les féministes françaises ont en effet ressenti l’obtention du droit de vote par les Allemandes en novembre 1918 comme une humiliation. « Profond est le regret des suffragistes françaises de se voir distancer par les femmes des pays ennemis dans la reconnaissance de leurs droits. », commente amèrement la journaliste féministe socialiste Maria Vérone20. Le « retard français » suscite la honte et le ressentiment envers les voisines désormais citoyennes21. Dans le même temps, il fournit aux suffragistes françaises un argument de poids en faveur du vote des femmes, d’autant plus que la guerre est omniprésente lors du débat sur cette question à l’Assemblée22. « Dira-t-on encore que l’éducation politique des Autrichiennes, obligatoirement tenues à l’écart de tout groupement, ou des Allemandes, généralement reléguées à la cuisine, était supérieure à la nôtre ? »23, argue Maria Vérone. Le refus du Sénat en 1922 entérine le « retard français ». À l’inverse, les femmes politiques allemandes ressentent l’obtention des droits politiques comme une compensation à la détresse nationale. Adele Schreiber évoque la frustration des femmes fraîchement élues de ne pouvoir « réaliser leurs idéaux, car l’effondrement économique [les] en empêche », mais ressent de la consolation à côtoyer, lors de rencontres féminines internationales, des femmes – certes issues de pays mieux lotis économiquement –, mais qui ne jouissent pas encore de droits politiques24. LA CONCURRENCE DANS LA DOULEUR : SCANDALES FRANCO-ALLEMANDS PORTÉS PAR LES ASSOCIATIONS FÉMININES ET LES FEMMES PARLEMENTAIRES Dans ce contexte de national-féminisme accentué, les rapports entre sphères féminines françaises et allemandes constituent un lieu de tension hautement dramatisé. À l’hiver 1920–1921, date de la correspondance, les associations féminines 19 20 21

22 23 24

Jane Misme, « La paix entre les Femmes », La Française, 28 juin 1919. Maria Vérone, « Les victoires des vaincues », La Française, 22 fév. 1919. « Nous nous sommes bornées à répéter les protestations des féministes françaises contre les lenteurs coupables de nos parlementaires, qui laissent la France si loin derrière ses ennemis. » peut-on lire dans « Les Femmes députées en Allemagne », La Française, 15 mars 1919 ; voir aussi Jane Misme, « Les Françaises humiliées devant l’étranger », La Française, 11 oct. 1919. Anne-Sarah Bouglé-Moalic, op. cit., p. 215. Maria Vérone, op. cit. Adele Schreiber, « Women in German politics », Current History, nov. 1923, p. 300–303 ; BArch / N1173 / 80 / fol. 94–96.

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n’ont pas encore officiellement rétabli leurs relations. La direction du BDF, qui voit dans le traité de Versailles une injustice, ajourne dans un premier temps la reprise de ses activités internationales et refuse en septembre 1920 de se rendre à la réunion du Conseil international des femmes à Christiania (Oslo)25. La communication entre organisations françaises et allemandes s’avère donc sporadique et hostile et recourt aux moyens détournés des lettres ouvertes et des campagnes de mobilisation. Les militantes s’interpellent à plusieurs reprises de part et d’autre du Rhin pour dénoncer la barbarie des hommes de l’autre camp et en appeler à une solidarité féminine transcendant conflit et frontières. Chaque appel aboutit à la même déception, au même constat que la femme de l’ennemi vaut à peine mieux que l’ennemi. Se dessine en creux une stratégie visant à démontrer que la nation adverse a le primat de l’inhumanité, tandis que celle dont on est issu est vertueuse. Ces campagnes reposent en outre sur le déni ou l’ignorance des souffrances du pays adverse, renforcés par la censure de guerre. Cette stratégie de communication peut être mise en relation avec les procédés de « scandalisation » auxquels recouraient les mouvements féminins allemands sous l’Empire26, qui consistaient à alerter l’opinion publique à l’occasion d’événements suscitant l’indignation. Dans les années de guerre et d’après-guerre, on peut citer les tentatives de scandalisation franco-allemandes suivantes : au premier semestre 1915, les associations féminines s’indignent du malheur des « femmes outragées » lors de l’invasion et de l’occupation allemande. En 1917, l’UFSF mène une « croisade des femmes françaises » contre les déportations forcées de mineures françaises et belges27. La campagne internationale contre les déportations se poursuit jusqu’en juin 1920, date du Congrès de l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes à Genève, auquel les Françaises acceptent de participer à la condition que les déléguées allemandes aient présenté des excuses28. Gertrud Bäumer s’était acquittée de cette tâche le 25 juillet 1919 devant l’Assemblée nationale constituante en exigeant que pleine lumière soit faite sur ces déportations29. Parallèlement à ces attaques françaises contre l’Allemagne, la plupart des députées du Reichstag et représentantes du mouvement féminin allemand font cause commune contre le traité de Versailles30. Elle s’insurgent d’abord contre le maintien, bien après l’armistice, du « blocus de la faim ». Le 1er mars 1919, dans une 25 26

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Angelika Schaser, Frauenbewegung in Deutschland (1848–1933), Darmstadt, WBG, 2006, p. 93 ; Gertrud Bäumer, « Prinzipienfragen des Weltbundes », Die Frau, oct. 1920, n° 1, p. 1. Ulla Wischermann, Frauenbewegungen und Öffentlichkeiten um 1900. Netzwerke, Gegenöffentlichkeiten, Protestinszenierungen, Königstein/Taunus, Helmer, 2003, p. 236–245 ; Anne-Laure Briatte-Peters, Citoyennes sous tutelle, le mouvement féministe « radical » dans l’Allemagne wilhelmienne, Berne, Peter Lang, 2013, p. 180. Centre d’Archives du Féminisme (CAF) / Archives Cécile Brunschvicg / 1AF185, fol. 9. « Une pétition féminine pour le châtiment des bourreaux », La Française, 17 mai 1919 ; CAF / Archives Cécile Brunschvicg / 1AF147–1AF148. Verhandlungen der verfassunggebenden Nationalversammlung, 66e séance, 25 juil. 1919, p. 1906–1908. http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_wv_bsb00000012_00456.html (21 juil. 2014). Sur les actions communes des Allemandes contre les conséquences du traité de Versailles, cf. Raffael Scheck, « Women against Versailles », op.cit.

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motion conjointe menée par les femmes du SPD, les députées issues de tous les partis interpellent l’Entente pour en réclamer la levée31. D’après Gertrud Bäumer, les féministes allemandes avaient, dès l’hiver 1916–1917, attiré l’attention des Françaises et des Anglaises sur les effets dévastateurs du blocus, mais s’étaient vu opposer un refus de leur venir en aide32. La campagne d’agitation de dimension franco-allemande portée par des femmes qui connaît le plus grand retentissement reste la protestation contre l’occupation de la Rhénanie par les troupes coloniales françaises33. Relayée et amplifiée par la presse et les milieux politiques, la « Honte noire » (die « schwarze Schmach ») bénéficie du soutien de la quasi-totalité des députées et des organisations féminines allemandes. Celles-ci protestent contre l’existence en Rhénanie de maisons closes employant des Allemandes et accessibles entre autres aux soldats coloniaux. Résolument raciste, la campagne accuse les soldats africains de terroriser femmes et enfants rhénans. L’« interpellation concernant les troupes de couleur dans les territoires occupés »34, présentée le 20 mai 1920 devant l’Assemblée nationale constituante par Paul Löbe, président du Parlement, est soutenue principalement par les femmes parlementaires. En juin 1920, le BDF envoie une lettre de protestation à ce sujet à Julie Siegfried, présidente du CNFF35. À l’exception des socialistes, les féministes françaises refusent toutefois d’entendre les protestations des Allemandes contre la « Honte noire »36. Cette campagne remporte néanmoins un succès global, puisque l’armée française se voit dans l’obligation de limiter le déploiement des troupes coloniales en Rhénanie37. Par ces actions rassemblant divers groupes parlementaires, les femmes du Reichstag mettent en scène leur unité dans l’opposition au traité de Versailles. Entrées tout récemment dans le monde politique, elles se considèrent comme moins liées aux intérêts de partis ou de lobbies et semblent moins compromises par l’horreur de la guerre que leurs homologues masculins. Ces qualités les rendent à leurs yeux mieux à même de dénoncer l’injustice de Versailles auprès de l’Entente 38. Ces campagnes françaises et allemandes, dont les ressorts principaux sont l’infanticide et le viol, tendent à démontrer la monstruosité supposée de l’adversaire. 31 32 33 34 35 36 37 38

Verhandlungen der verfassunggebenden Nationalversammlung, 18e séance, 1er mars 1919, p. 410–411. http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_wv_bsb00000010_00417.html (30 juil. 2014). Verhandlungen der verfassunggebenden Nationalversammlung, 66e séance, 25 juil. 1919, p.1908. Cf. Jean-Yves Le Naour, La honte noire. L’Allemagne et les troupes coloniales françaises. 1914–1945, Paris, Hachette littératures, 2004. Verhandlungen der verfassunggebenden Nationalversammlung, 177e séance, 20 mai 1920, p. 5690–5697, http://www.reichstagsprotokolle.de/Blatt2_wv_bsb00000017_00654.html (30 juil. 2014). CAF / Archives CNFF / 2AF48 / « Protestation du BDF contre les troupes coloniales », Lettre de Marianne Weber et Elisabeth Altmann-Gottheiner à l’intention de Mme Jules Siegfried, présidente du Conseil national des femmes françaises, 1er juin 1920. Jean-Yves Le Naour, op. cit., p. 67 ; CAF / Archives CNFF / 2AF48 / Réponse de Julie Siegfried au BDF, 4 mars 1920. Raffael Scheck, op. cit., p. 27. Ibid., p. 21.

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La violence individuelle y est présentée comme métonymique de celle de la totalité du peuple ennemi. Chaque acte de violence touche aux forces vives de la nation, les amoindrit ou les altère. Elisabeth Röhl, élue SPD à l’Assemblée nationale constituante, dénonce ainsi l’occupation de la Rhénanie, qui entraîne l’« anéantissement physique et psychique de membres de notre peuple »39. C’est aussi dans un réflexe de « conservation de la race »40 que les voix féminines s’élèvent contre les outrages faits aux femmes ou la pénurie de lait. Le grand retentissement de la « Honte noire » permet de comprendre l’enjeu de cet échange épistolaire. Les suffragistes françaises qui l’initient entendent contrer les campagnes de protestation des Allemandes contre Versailles et démontrer que ces dernières n’ont pas le monopole de la souffrance. Marguerite de Witt-Schlumberger et Cécile Brunschvicg, qui dirigent l’organisation suffragiste française, reprochent ainsi aux députées allemandes de « faire passer [les Français] pour un peuple dur et dénué de compassion. »41 Après avoir analysé le contexte discursif brûlant des « mondes féminins » (« Frauenwelten ») dans l’immédiat après-guerre, il est temps de reconstituer l’échange épistolaire tel qu’il se produisit entre députées allemandes et suffragistes françaises à l’hiver 1920–1921. « LE LAIT DES PETITS FRANÇAIS » : POLÉMIQUE AUTOUR DE LA LIVRAISON DE VACHES LAITIÈRES Le 18 novembre 1920, Marguerite de Witt-Schlumberger et Cécile Brunschvicg, respectivement présidente et secrétaire générale de l’UFSF, principale association suffragiste française, contactent Adele Schreiber, élue du parti social-démocrate majoritaire (SPD) au Reichstag. Elles lui demandent de consulter les 36 autres députées du Parlement au sujet du retard pris par une livraison de vaches laitières due par l’Allemagne à la France. Sur le million de bêtes promises, seules 220 000 ont été envoyées. Les Françaises soulignent avec solennité l’enjeu crucial de leur requête, puisqu’il s’agit de sauver des enfants français de la malnutrition. Depuis la fin du XIXe siècle, le lait occupe en France comme en Allemagne une place centrale dans le discours hygiéniste et constitue un élément-clé de l’amélioration de l’alimentation enfantine42. Les plans de reconstruction des régions dévastées comprennent des mesures d’hygiène alimentaire, au même titre que la constitution d’un habitat moderne, spacieux et sain. La campagne des Allemandes contre la livraison de vaches laitières apparaît donc aux Françaises comme la volonté délibérée d’entraver la reconstruction des territoires détruits. « Nous pensons », écrivent les suf39 40 41 42

Verhandlungen der verfassunggebenden Nationalversammlung, 177e séance, 20 mai 1920, 5691B. « Le lait des petits Français », La Française, 18 déc. 1920. Regine Deutsch, op. cit., p. 7. Cf. la création de l’association La Goutte de lait, dispensaire fondé à Belleville en 1892, ensuite imité par de nombreuses institutions en France et à l’étranger : http://musee-aphp.fr/la-gouttede-lait-de-belleville-debut-20e-siecle (27 août 2014).

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fragistes françaises, « que si les femmes allemandes avaient visité les tristes régions dévastées de la France, si elles avaient pu constater comme nous l’affreuse mortalité infantile qui y règne, […] ces mères de familles n’essaieraient pas de faire de l’agitation pour empêcher l’Allemagne de tenir ses engagements. »43 Brunschvicg et Witt-Schlumberger réagissent en effet à une action réclamant un délai pour la livraison des bêtes, initiée par la Croix-Rouge allemande et le BDF44. Les dirigeantes de l’UFSF choisissent de s’adresser à Adele Schreiber, rencontrée quelques mois auparavant, lors du Congrès de l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes à Genève en juin 192045. Ces trois personnalités ont en commun d’évoluer dans le mouvement suffragiste international et d’être spécialistes de la protection maternelle. En tant que dirigeante du département « Mère et enfant » de la Croix-Rouge allemande et députée du SPD, Schreiber semble en outre bien placée pour mettre fin à la campagne et interpeler le Parlement, afin que la livraison soit honorée dans les temps46. Ces protagonistes incarnent néanmoins des tendances opposées du féminisme. Les féministes modérées Brunschvicg et Witt-Schlumberger font face à la socialiste Schreiber qui, sous l’Empire, a été proche des radicales47. Les deux premières ont rompu tout contact avec le mouvement féministe international dès 1914 et pleinement soutenu l’effort de guerre. Schreiber fait partie de la minorité pacifiste, parvenue à maintenir des liens entre les associations féminines internationales pendant le conflit48. Le 19 décembre 1920, une réponse de refus est envoyée aux suffragistes françaises : les députées n’interviendront pas en faveur de la livraison. Cette réponse est co-signée par six parlementaires allemandes : Marie Juchacz (SPD), Clara Mende (Deutsche Volkspartei), Elisabeth Bronner-Hoepfner (Deutsche Demokratische Partei), Margarete Behm (Deutschnationale Volkspartei), Thusnelda Lang-Brumann (Bayerische Volkspartei) et Agnes Neuhaus (Zentrum). Toutes les tendances politiques siégeant au Reichstag se voient représentées, à l’exception du parti socialiste indépendant et du parti communiste. Comme évoqué plus haut, les initiatives rassemblant les femmes issues de divers groupes parlementaires n’étaient pas rares au Reichstag de Weimar, notamment dans le cadre de l’opposition au traité de Versailles. Dans leur réponse commune, les députées font preuve de « compassion pour les enfants de toutes les nations en souffrance […], surtout ceux des territoires français détruits », mais affirment qu’« une autre livraison de vaches laitières 43 44 45 46 47 48

« Le lait des petits Français », La Française, 18 déc. 1920. CAF / Fonds CNFF / 2AF48 / « Protest gegen die Auslieferung von Milchkühen an die Entente », lettre de Marianne Weber et Elisabeth Altmann-Gottheiner au Conseil international des femmes, s. d. CAF / Fonds Cécile Brunschvicg / 1AF148 / fol. 23, Cécile Brunschvicg, Le Congrès de l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes, Paris, Éditions de la revue politique et littéraire (Revue Bleue) et de la Revue scientifique, 1920. Asja Braune, op.cit., p. 342. Adele Schreiber a été une des fondatrices de la Ligue pour la protection des mères (Bund für Mutterschutz), dirigée par la scandaleuse Helene Stöcker, qui défendait le droit des femmes à disposer librement de leur corps. Ilse Fischer, « Schreiber-Krieger, Adele, geborene Schreiber », Neue Deutsche Biographie, 23 (2007), p. 535–536, http://www.deutsche-biographie.de/pnd117033774.html (5 août 2014).

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entraînerait la condamnation à mort de centaines de milliers d’enfants »49. Adele Schreiber joint à cette réponse commune une lettre personnelle adressée à Marguerite de Witt-Schlumberger et à Cécile Brunschvicg. Elle y évoque « le devoir des femmes de consacrer toutes leurs forces à la reconstruction », reconstruction qui est « vouée à l’échec si elle n’est pas portée par l’idée révolutionnaire de la solidarité entre toutes les nations pour le sauvetage de l’humanité »50. Elle demande à ses interlocutrices de « s’élever[r] au-dessus des souffrances amères de leur propre nation pour embrasser les blessures de toute l’Europe dans un amour maternel véritable »51. L’« amour maternel véritable » mis en avant ici est universel, sans distinction de nationalité, et s’oppose en creux à l’amour maternel sélectif dont font preuve Brunschvicg et Witt-Schlumberger. Dans une dernière lettre datée du 19 janvier 1921, les Françaises victorieuses rappellent finalement les Allemandes à leur devoir de s’acquitter des réparations, quelles que soient les privations pesant sur leur pays. Et d’expliquer qu’en s’adressant aux parlementaires allemandes, elles n’ont nullement voulu solliciter leur mansuétude, mais réclamaient simplement leur dû de pays créditeur. « Nous demandons seulement la restitution de ce qui nous a été volé : ce n’est pas votre bétail que nous réclamons, c’est le nôtre. »52 Cette lettre comminatoire se termine par ces mots, manifestant l’échec de la communication entre les épistolières : « Il est dans notre intérêt de prévenir toute déformation des actes et des pensées : la mission qui nous revient, à nous les femmes, est une mission d’apaisement : notre volonté doit tendre vers une meilleure compréhension internationale, c’est pourquoi il nous a paru utile d’entrer en correspondance avec vous. »53 Les députées, qui ne reçoivent cette lettre qu’en février 1921, renoncent, après le fiasco de la première conférence de Londres sur l’application des traités de paix, à y répondre, d’autant que son ton vindicatif ne laisse présager aucun accord possible54. L’affrontement, mené par des professionnelles de la politique – qu’elles aient ou non le droit de vote –, revêt en outre une dimension statistique. Chaque parti revendique le plus grand nombre d’enfants morts de malnutrition ou de tuberculose ; de leur côté, les Françaises relativisent l’importance de cette livraison par rapport à la production bovine allemande globale55. L’appel mutuel à la solidarité féminine par-delà les frontières, rédigé par les suffragistes et les députées, débouche donc sur une impasse. La rhétorique pacifiste traditionnelle du mouvement féministe international est subvertie dans cette correspondance pour servir des intérêts tout nationaux.

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Regine Deutsch, op. cit., p. 5 [traduction par l’auteure de cet article]. Ibid., p. 6. Ibid. « Nos bêtes laitières. », op. cit. Regine Deutsch, op. cit., p. 7. Ibid. « Nos bêtes laitières. », op. cit.

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CONCLUSION Au tournant des années 1920–1921, les relations entre femmes politiques françaises et allemandes reprennent de façon tumultueuse. La propagande de guerre continue, bien après l’armistice, d’agir sur les mentalités et se voit perpétuée par la presse féministe modérée. Le rétablissement des relations est en outre grevé par deux événements majeurs propres à alimenter le ressentiment de part et d’autre. L’absence d’empathie des Françaises face à la dureté du traité de Versailles suscite l’indignation des Allemandes. De même, la proclamation du suffrage féminin en Allemagne prend de court les Françaises en donnant aux adversaires un atout dont elles étaient privées. Ainsi placée sous le signe de la méfiance et de l’incompréhension, la communication entre ces actrices consiste principalement à rivaliser dans la souffrance. Les campagnes de protestation se répondent en écho : Aux déportations de mineures françaises et belges on oppose la violence des troupes coloniales en Rhénanie, à l’étendue de la dévastation du front de l’Ouest les effets du « blocus de la faim ». Il faudra attendre que souffle l’« esprit de Locarno » pour que Françaises et Allemandes entreprennent à nouveau d’œuvrer de concert pour la paix et l’émancipation. En juin 1926, lors du Congrès de l’Alliance internationale pour le suffrage des femmes à Paris, l’étreinte symbolique de Gertrud Bäumer et de la suffragiste Germaine Malaterre-Sellier scelle la reprise des relations entre féministes modérées allemandes et françaises56.

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Angelika Schaser, Helene Lange und Gertrud Bäumer: eine politische Lebensgemeinschaft, Köln, Weimar, Wien, Böhlau, 2010, p. 248.

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Zur Entwicklung der Geschlechterhierarchien in Frankreich und Deutschland 1914–1933 Malte König Zusammenfassung Die Rückwirkungen des Ersten Weltkrieges auf die Geschlechterhierarchien in Frankreich und Deutschland resultieren diesem historischen Vergleich zufolge aus vornehmlich drei Faktoren: der langfristigen Trennung der Geschlechter, den enormen Kriegsverlusten und dem Systemumbruch. Ersterer öffnete den Frauen beider Staaten gesellschaftliche Spielräume und ermöglichte die Ausbildung eines nachhaltig stärkeren Selbstbewusstseins. Die Kriegsverluste, der zweite Faktor, erhöhten insbesondere in Frankreich die „Entvölkerungsfurcht“. Wirtschaftlich und bevölkerungspolitisch war der hohe Blutzoll für das Funktionieren des französischen Staates von größerer Relevanz als für den Nachbarn. Die Geburtenpolitik der beiden Nationen unterschied sich daraufhin deutlich – mit unmittelbaren Konsequenzen für das Sexualleben. Lediglich in Deutschland schlug der dritte Faktor, der Zusammenbruch des alten politischen Systems, zu Buche. Die daraus resultierende Einführung des Frauenwahlrechts und die Niederschrift einer Verfassung, in der die Gleichberechtigung der Geschlechter schriftlich verbürgt war, schuf eine parlamentarische und juristische Basis, auf der emanzipatorische Forderungen fortan Rückhalt erfuhren und weiterentwickelt werden konnten.

Résumé Les retombées de la Première Guerre mondiale sur la hiérarchie entre les sexes en France et en Allemagne résultent, selon la comparaison historique proposée ici, principalement de trois facteurs : la longue séparation entre hommes et femmes, les pertes énormes dues à la guerre et le bouleversement profond du système en place. Le premier facteur a donné aux femmes des deux pays accès à des domaines d’action dans la société et leur a permis d’acquérir durablement une plus grande confiance en elles-mêmes. Les pertes de guerre, le second facteur, ont accentué, particulièrement en France, la « peur de la dépopulation ». Du point de vue économique et de la politique démographique, l’important tribut en vies humaines a eu un impact plus grand sur le fonctionnement de l’État français que sur celui de son voisin. La politique nataliste a pris dès lors des orientations très différentes dans les deux nations, avec les conséquences immédiates que cela a eu sur la vie sexuelle. Le troisième facteur, l’effondrement du système politique, ne s’est rencontré qu’en Allemagne. L’introduction du droit de vote pour les femmes, qui s’en est suivie, et l’élaboration d’une constitution dans laquelle était garantie l’égalité de droits entre les sexes, ont créé une base parlementaire et juridique grâce à laquelle les revendications émancipatrices ont désormais gagné des soutiens et ont pu être portées de l’avant.

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Fiktiv, aber nicht ohne einen wahren Kern war ein Brief, den die Schriftstellerin Colette während des Ersten Weltkrieges in einem Zeitungsartikel zitierte. Ein Unteroffizier habe ihr darin geschildert, wie er im Februar 1915 die Wiederbegegnung mit seiner Gattin erlebte, als er von der Front am Pariser Gare de l’Est eintraf: „Ich suchte sie […], als plötzlich ein erstickter Schrei mich rief, und ich fiel in die Arme … eines kleinen entzückenden Unterleutnants, der auf meiner Schulter in Tränen ausbrach, dabei ‚Mon chéri, mon chéri‘ stammelte und mich in skandalösester Weise abküsste. Dieser Unterleutnant war meine Frau. Dem neuesten Modetrend der Schützengräben folgend trug sie einen Mantel aus graublauem Tuch mit zwei Knopfreihen, und ihre kleinen Ohren lugten nackt unter einer Polizeimütze hervor, die mit einer Borte aus Altgold versehen war.“1

Diese Erscheinung entsprach ganz und gar nicht der Gemahlin, wie sie der Unteroffizier vor einem halben Jahr zurückgelassen hatte. „Eine junge Frau, ganz Frau“ habe er am Gleis erwartet – blond, zart und zerbrechlich. Doch die wenigen Monate seiner Abwesenheit hatten Veränderungen mit sich gebracht, die den Geschlechtsunterschied verwischten. Wenn auch weniger drastisch als in Colettes ironischer Überzeichnung dargestellt, machten viele Soldaten im Laufe des Ersten Weltkrieges vergleichbare Erfahrungen. Die in der Heimat verbliebenen Frauen erfuhren während der Kriegsjahre eine Entwicklung, die das Verhältnis zwischen Männern und Frauen erschütterte. Über das Ausmaß dieser Erschütterung wurde in der Wissenschaft viel spekuliert; denn die Veränderungen schlugen sich nicht nur modisch nieder. Frauen übernahmen Männerberufe, sexuelle Sitten und Gebräuche lockerten sich, von der kriegsbedingten Trennung der Geschlechter profitierte insbesondere das weibliche Geschlecht. Ihm öffneten sich Freiheiten, in deren Genuss bis dahin vornehmlich Männer gekommen waren. Ob und inwiefern der Erste Weltkrieg aber tatsächlich als „Schrittmacher der Frauenemanzipation“2 wirkte, ist in Frankreich wie in Deutschland hoch umstritten. Seit Ute Daniel und James MacMillan in den 1980er Jahren die angebliche Neucodierung der Geschlechterordnung in Zweifel zogen,3 neigt die Forschung dazu, der Wirkmacht des Krieges diesbezüglich nur noch eine geringe Tragweite beizumessen. Bisweilen wird gar behauptet, die traditionelle Rollenverteilung sei durch das Kriegsgeschehen eher gefestigt als erschüttert worden. Doch welche Erkenntnisse tun sich auf, wenn man die Entwicklung innerhalb der beiden Nationen miteinander vergleicht? 1

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Colette, Les heures longues 1914–1917, Paris, Fayard, 1984 (1917), S. 70 f.: „Je la cherchais, Madame, lorsqu’un cri étranglé m’appela, et je tombai dans les bras … d’un petit sous-lieutenant délicieux qui fondit en pleurs sur mon épaule en bégayant: ‚Mon chéri, mon chéri …‘ et m’embrassa de la plus scandaleuse manière. Ce sous-lieutenant, c’était ma femme. Une capote de drap gris-bleu, à deux rangées de boutons, l’équipait à la dernière mode des tranchées, et ses petites oreilles sortaient toutes nues d’un bonnet de police galonné d’or bruni.“ Susanne Rouette, „Frauenarbeit, Geschlechterverhältnisse und staatliche Politik“, in: Wolfgang Kruse (Hg.), Eine Welt von Feinden. Der Große Krieg 1914–1918, Frankfurt a. M., Fischer Verlag, 1997, S. 92–126, hier: S. 92. Ute Daniel, Arbeiterfrauen in der Kriegsgesellschaft. Beruf, Familie und Politik im Ersten Weltkrieg, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1989; James F. MacMillan, Housewife or Harlot: The Place of Women in French Society 1870–1940, Brighton, Harvester Press, 1981.

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SEXUALMORAL UND KRIEGSMODE: UMWÄLZUNG ALLER WERTE Im Laufe des Ersten Weltkrieges konstatierten männliche Beobachter in Frankreich wie in Deutschland eine regelrechte „Umwandlung der Begriffe“: Hässliche und unscheinbare Männer seien mit einem Mal erfolgreich, hieß es. Sie könnten von Abenteuern mit schönen, früher heiß umworbenen Damen erzählen.4 Aufgrund des Männermangels, mutmaßte der deutsche Arzt Isaak Spier-Irving, befänden sich die Frauen in einem Ausnahmezustand: Sie litten „in ihrer sexuellen Versorgung“.5 Der Krieg hatte nicht nur einen Keil zwischen die Völker getrieben, sondern auch die Geschlechter langfristig voneinander getrennt. Während die Front von den Soldaten als „Land ohne Frauen“ erlebt wurde, schienen Städte wie Paris vornehmlich vom weiblichen Geschlecht bewohnt zu sein.6 Spier-Irving berichtete 1917, dass in München vier bis sechs Frauen auf einen Mann kämen.7 Die Aufteilung in eine männliche Kriegs- und eine weibliche Heimatfront definierte die sozialen Lebensbedingungen neu. Ehepaare entfremdeten sich aufgrund der langen Trennung und begegneten sich auf Urlauben wie Unbekannte.8 Ein Großteil der Soldaten fühlte sich mit den verstörenden Fronterlebnissen – der akuten Lebensgefahr, dem Sterben der Kameraden, nie gesehenen Wunden, dem Dreck, Gestank und Krach – ebenso allein gelassen wie die Heimgebliebenen, die ganz auf sich selbst gestellt einen ungewohnten Alltag bewältigen mussten. Verständnis für derlei Probleme konnten die Ehefrauen kaum erwarten; im Gegenteil, das ruhige Leben der Zivilisten irritierte die Kriegsheimkehrer. Insbesondere im großstädtischen Bürgertum trafen sie auf eine Welt, die ihnen im Vergleich zu der ihren luxuriös und verschwenderisch erschien.9 Empörung rief etwa die Kriegsmode hervor, die nicht bescheidener und sparsamer ausfiel als vor 1914, sondern pompöser und aufwändiger. Analysen französischer Feldpost ergeben, dass die Entwicklung von den Soldaten als Beleidigung all derer aufgefasst wurde, die im Krieg starben oder verletzt worden waren.10 Beiderseits des Rheins schien das Ziel der Damenwelt darin zu bestehen, sich reizvoller

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Isaak Spier-Irving, Irrwege und Notstände des Geschlechtslebens im Krieg, München, Universal Verlag, 1917, S. 32; vgl. Mary Louise Roberts, Civilization without Sexes. Reconstructing Gender in Postwar France, 1917–1927, Chicago/London, University of Chicago Press, 1994, S. 37 f. Spier-Irving, Irrwege, S. 30. Roberts, Civilization, S. 21. Spier-Irving, Irrwege, S. 31. Vgl. Jean-Yves Le Naour, Misères et tourments de la chair durant la Grande Guerre. Les mœurs sexuelles des Français, 1914–1918, Paris, Aubier, 2002, S. 384, sowie die zeitgenössischen Karikaturen in Magnus Hirschfeld / Andreas Gaspar (Hg.), Sittengeschichte des Ersten Weltkrieges, Hanau a. M., Schustek, 1965, S. 97, 309. Roberts, Civilization, S. 21–26; Birthe Kundrus, „Geschlechterkriege. Der Erste Weltkrieg und die Deutung der Geschlechterverhältnisse in der Weimarer Republik“, in: Karen Hagemann / Stefanie Schüler-Springorum (Hg.), Heimat-Front. Militär und Geschlechterverhältnisse im Zeitalter der Weltkriege, Frankfurt a. M./New York, Campus, 2002, S. 171–187, hier: S. 174. Le Naour, Misères, S. 65 f.

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zu kleiden denn je.11 Dieser Betonung der Weiblichkeit stand bald eine Tendenz ins Maskuline gegenüber. Denn der Einsatz von Frauen in Männerberufen brachte pragmatische Einflüsse wie etwa das Tragen hoher Schnürstiefel mit sich; wie von Colette beschrieben, wurden zudem Elemente der Militäruniform von Frauen spielerisch aufgegriffen.12 Vielerorts machte sich Groll gegen die „leichtfertigen Modepuppen“ breit.13 Nicht nur Bischöfe, auch Frauen- und Modezeitschriften kritisierten die anstößige Kleidertracht. In Frankreich forderte die Ligue contre les exagérations de la mode die Behörden auf, Maßnahmen zu ergreifen, und in Deutschland erließen einige Städte entsprechende Kleidervorschriften.14 An der Front wuchsen derweil das Gefühl des Kontrollverlusts sowie die Furcht, vergessen zu werden – und das nicht zu Unrecht. Die Abwesenheit von Vätern, Ehemännern und Brüdern lockerte die Familienbande und hob die traditionellen Kontrollmechanismen auf: Einerseits fehlte es den Frauen nunmehr an Schutz, andererseits gewannen sie an Bewegungsfreiheit hinzu. Der Anblick von Damen, die alleine reisten, selbstständig ein Theater oder Restaurant besuchten, gehörte bald zum Alltag. Schutzlosigkeit wie neue Freiheiten förderten dabei frühzeitige und außereheliche Liebeserfahrungen. Nur zum Teil basierten diese auf sexueller Abenteuerlust; in ärmeren Schichten war es schlicht materielle Not, die manche Ehefrau und Mutter in die Arme eines Fremden trieb.15 In allen kriegführenden Ländern ließ sich beobachten, dass die Gelegenheitsprostitution zunahm.16 Die spätere Moderevolution der années folles und das selbstbewusste, „männlich“ freizügige Auftreten der „Neuen Frau“ beziehungsweise garçonne17 waren unmittelbare Resultate des Ersten Weltkrieges. Mochte es sich auch bloß um eine Minderheit handeln, so setzten diese Frauen allein durch ihre Präsenz – als reines

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Hirschfeld/Gaspar, Sittengeschichte, S. 86; Roberts, Civilization, S. 24; Spier-Irving, Irrwege, S. 53 f. Le Naour, Misères, S. 64; Hirschfeld/Gaspar, Sittengeschichte, S. 90. Planmäßiger Kampf gegen Würdelosigkeit im weiblichen Geschlecht. Ein Beispiel neuer Seelsorgsaufgaben und ein Beitrag zu ihrer Lösung nach dem Krieg, von einem Beobachter am Wege, Hamm (Westf.), Breer & Thiemann, 1916 (= Frankfurter Zeitgemäße Broschüren, Bd. 35, H. 1), S. 4. Bruno Grabinski (Hg.), Weltkrieg und Sittlichkeit. Beiträge zur Kulturgeschichte der Weltkriegsjahre, Hildesheim, Borgmeyer, 1917, S. 149–152; Le Naour, Misères, S. 65; Spier-Irving, Irrwege, S. 55. Hirschfeld/Gaspar, Sittengeschichte, S. 308 f.; Spier-Irving, Irrwege, S. 64, 27; Le Naour, Misères, S. 156–160; Susanne Michl, Im Dienste des „Volkskörpers“. Deutsche und französische Ärzte im Ersten Weltkrieg, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2007, S. 155–162. Wolfgang Sorge, Geschichte der Prostitution, Berlin, Potthof, 1920, S. 398 f.; Louis Fiaux, L’Armée et la Police des Mœurs. Biologie sexuelle du Soldat, Paris, Alcan, 1916, S. VI–VII. Vgl. weiterführend: Stephanie Bung / Margarete Zimmermann (Hg.), Garçonnes à la mode im Berlin und Paris der Zwanziger Jahre, Göttingen, Wallstein, 2006; Gesa Kessemeier, Sportlich, sachlich, männlich: Das Bild der „Neuen Frau“ in den Zwanziger Jahren. Zur Konstruktion geschlechterspezifischer Körperbilder in der Mode der Jahre 1920 bis 1929, Dortmund, Ed. Ebersbach, 2000; Christine Bard, Modes et fantasme des années folles, Paris, Flammarion, 1998; Ingrid Loschek, Mode im 20. Jahrhundert. Eine Kulturgeschichte unserer Zeit, München, Bruckmann, 1988, S. 57–96.

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Medienphänomen – einen alternativen Maßstab für Sexualverhalten, Partnerschaft, ja, für die Geschlechterrolle generell. FRAUENARBEIT UND EMANZIPATION Aufgrund des eklatanten Männermangels öffnete der Erste Weltkrieg den Frauen zahlreiche Berufssparten, die zuvor als rein männlich galten: Straßenreinigerin, Postbotin, Schaffnerin oder gar Kranführerin. Überall übernahmen Frauen die frei werdenden Ämter und Posten. Fronturlauber und Kriegsheimkehrer konnten sich daher des Eindrucks nicht erwehren, in der Arbeitswelt ersetzt worden zu sein. Ute Daniels Hinweis, dass Frauen Ende des 19. Jahrhunderts in weit größerem Maße in die Berufswelt gedrängt waren,18 ändert nichts an der Tatsache, dass die Neubeschäftigung zwischen 1914 und 1918 extrem wuchs. Da zudem eine Wanderbewegung aus traditionellen Frauenbranchen – wie der Textilindustrie und dem Bekleidungsgewerbe – in typische Männerberufe – etwa der Rüstungsindustrie – stattfand, erlebte das Gesellschaftsgefüge einen erheblichen Wandel. Zwar mussten viele Frauen nach 1918 ihren Arbeitsplatz wieder räumen,19 doch von großem Gewicht war die Symbolik, die von den Kriegsjahren ausstrahlte: Aufgrund der strukturellen Veränderungen hatten die Frauen die Möglichkeit ökonomischer und sozialer Unabhängigkeit erlebt. Aus diesem Wissen, frei und unabhängig gehandelt zu haben und handeln zu können, verblieb ihnen ein neues gesteigertes Selbstwertgefühl.20 Nimmt man exemplarisch Berufe in den Blick, die als reine Männerdomänen galten – das Richteramt und die Polizei –, fällt auf, dass der Wandel der Geschlechterhierarchie in Deutschland und Frankreich nach dem Krieg in unterschiedlichem Tempo voranschritt. Hier wie dort wurde z. B. der weibliche Zugriff auf das Richteramt höchst kritisch gesehen. Juristen bezeichneten dieses als den „männlichsten aller Berufe“;21 sie konnten und wollten sich nicht vorstellen, dass Männer von Frauen verurteilt werden würden.22 Kritiker sprachen den Frauen jede Befähigung zum Richteramt ab: Der weibliche Geist sei kindähnlich beschaffen, die weibliche Psyche übersensibel, gefühlsbetont und nicht belastbar; abstraktes Denken liege Frauen ebenso fern wie Logik.23 18 19

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Daniel, Arbeiterfrauen, S. 36–50, 259–265. Stefan Bajohr, Die Hälfte der Fabrik. Geschichte der Frauenarbeit in Deutschland 1914 bis 1945, Marburg, Verlag Arbeiterbewegung und Gesellschaftswissenschaft, 1979, S. 158–167; Steven C. Hause, „More Minerva than Mars. The French Women’s Rights Campaign and the First World War“, in: Margaret R. Higonnet et al. (Hg.), Behind the Lines. Gender and the Two World Wars, New Haven/London, Yale University Press, 1987, S. 99–113, hier: S. 105 f. Vgl. Kundrus, „Geschlechterkriege“, S. 174–176. George de Niem, „Weibliche Richter?“, in: Deutsche Richterzeitung, 11.19–20 (1919), Sp. 320–325, hier: 325. Marion Röwekamp, Die ersten deutschen Juristinnen. Eine Geschichte ihrer Professionalisierung und Emanzipation (1900–1945), Köln/Weimar/Wien, Böhlau, 2011, S. 351. Ebd., S. 337–349; Anne Boigeol, „Les femmes et les cours. La difficile mise en œuvre de l’égalité des sexes dans l’accès à la magistrature“, in: Genèses, 22 (1996), S. 107–129, hier: S. 111 f.;

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Frankreich gewährte Frauen im Jahr 1900 zwar als erstes europäisches Land, den Beruf des Rechtsanwalts auszuüben,24 doch Richterinnen sollte es hier erst nach 1946 geben.25 Anders die Weimarer Republik, die den Weg in beide juristische Berufe gleichzeitig öffnete: Mit Inkrafttreten des Gesetzes vom 7. Juli 1922 waren deutschen Frauen die Berufe des Rechts- und Staatsanwalts sowie des Richters zugänglich.26 Obwohl auch hier die juristische Zunft und die Justizministerien einiger Länder mit Vorbehalten reagierten und sich nur zögerlich bereit fanden, Richterinnen einzustellen,27 nahm Deutschland im Ländervergleich eine Sonderstellung ein: Ende der 1920er Jahre fällten die ersten Frauen in deutschen Gerichtssälen Urteile. Und gleichwohl ihr Anteil 1933 nur 0,3 Prozent der Richter- und Staatsanwaltschaft ausmachte,28 markierte ihr Amtsantritt eine deutliche Verschiebung in der Geschlechterhierarchie. Vergleichbar die Entwicklung in der Polizei: Während in deutschen Städten und Ländern ab Mitte der 1920er Jahre Frauen zunehmend in den Streifendienst gelangten,29 sperrten sich die französischen Behörden beharrlich gegen die Rekrutierung weiblicher Beamter. Erst im April 1935 verpflichtete die Pariser Polizeipräfektur erstmals zwei Frauen;30 ernsthaft vorangetrieben wurde die Einrichtung eines weiblichen Polizeikorps jedoch erst nach dem Zweiten Weltkrieg.31 Dass in Deutschland die Initiative früher ergriffen wurde, resultierte übrigens unmittelbar aus dem Ersten Weltkrieg. Die erste Kölner Frauen-Wohlfahrtspolizei wurde von der britischen Besatzungsbehörde installiert.

24 25 26 27

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Juliette Rennes, Le mérite et la nature. Une controverse républicaine: l’accès des femmes aux professions de prestige, 1880–1940, Paris, Fayard, 2007, S. 165–175, 228–241. James C. Albisetti, „Portia Ante Portas: Women and the Legal Profession in Europe, ca. 1870– 1925“, in: Journal of Social History, 33.4 (2000), S. 825–857, hier: S. 830 f.; Rennes, Mérite, S. 99 f. Boigeol, „Femmes“, S. 113–116. Röwekamp, Juristinnen, S. 312–327. Die Aufhebung des sogenannten „Lehrerinnen-Zölibats“, laut dem Lehrerinnen nach einer Eheschließung ihre Anstellung verloren, stieß ebenso auf Widerstände. Vgl. „Man kann mit der festen Anstellung bis zum Tod des Mannes warten, dann würde […] der Grundsatz gewahrt, verheiratete Frauen nicht als Beamtinnen anzustellen.“ Eugenie W. Gohr, „Die Erwerbstätigkeit verheirateter Lehrerinnen in der Weimarer Republik“, in: Arbeiterbewegung und Sozialgeschichte, 21–22 (2008), S. 65–84. Staatlichen Angaben zufolge waren 1933 reichsweit 36 weibliche Richter und Staatsanwälte beschäftigt. Vgl. Röwekamp, Juristinnen, S. 449. Ursula Nienhaus, „Nicht für eine Führungsposition geeignet …“ Josephine Erkens und die Anfänge weiblicher Polizei in Deutschland, 1923–1933, Münster, Westfälisches Dampfboot, 1999, S. 21–28; Friederike Wieking, Die Entwicklung der weiblichen Kriminalpolizei in Deutschland von den Anfängen bis zur Gegenwart, Lübeck, Verlag für polizeiliches Fachschrifttum, 1958, S. 26. Germaine Bernheim, „La police féminine et son rôle social“, in: Hygiène mentale. Journal de psychiatrie appliquée, 7 (1934), S. 177–184, hier: S. 178; H. Reybier, „Une expérience concluante: Dix-huit mois d’activité des inspectrices sociales de police à Grénoble“, in: B. Rolland / H. Reybier, La police féminine: son rôle dans la lutte contre proxénètisme et la prostitution, Paris, Cartel d’action morale et sociale, 1947, S. 13–30, hier: S. 13. Bernheim, „La police féminine“, S. 178; La prophylaxie sanitaire et morale, 26.6 (1954), S. 134: Proposition de loi: Pour la création d’une police féminine spécialisée.

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WAHLRECHT UND KONSTITUTIONELLE GLEICHBERECHTIGUNG Der auffälligste Wandel in der Geschlechterhierarchie, den der Erste Weltkrieg mit sich brachte, war die Einführung des Frauenwahlrechts in Deutschland. Gerade der Kontrast zu Frankreich unterstreicht dabei die Bedeutung des Krieges, denn wohl in keinem europäischen Land stützte sich die Frauenwahlrechtsbewegung auf eine vergleichbar lange Tradition. Mit Verve waren französische Frauen seit der Revolution von 1789 für ihre politischen Rechte eingetreten. Doch ein Automatismus, der unweigerlich zur Durchsetzung des Frauenwahlrechts führte, folgte aus diesem Engagement nicht. Mochten die daraus resultierenden Debatten auch dazu führen, dass weibliche politische Partizipation denkbar wurde, dominierten doch allerorts die Ängste vor den Auswirkungen, die mit einer solch tiefgreifenden Reform verbunden waren. Immerhin handelte es sich um eine Verdoppelung des Wahlvolks, die Resultate waren nicht kalkulierbar; sowohl bestehende als auch angestrebte Machtverhältnisse galten als gefährdet. Tatsächlich lässt sich im europäischen Raum beobachten, dass die Einführung des Frauenstimmrechts äußerst selten auf parlamentarischem Wege erfolgte.32 Im Regelfall bedurfte es einer Ausnahmesituation, eines systemischen Umbruchs, um den Schritt zu ermöglichen oder unumgänglich zu machen. In Deutschland waren dies der Erste Weltkrieg und der Zusammenbruch des Kaiserreichs. Per Erlass erhielten die Frauen am 12. November 1918 das aktive und passive Wahlrecht.33 In Frankreich sollte erst der Zweite Weltkrieg die entscheidende Zäsur setzen, ebenfalls ein erzwungener konstitutiver Neuanfang. Dass die Einführung des Frauenwahlrechts in Frankreich nach dem Ersten Weltkrieg ausblieb, lag aber nicht allein an dem fehlenden Systemumbruch. Auch der politische Druck vonseiten der Frauenbewegung war zu diesem Zeitpunkt erlahmt. Anders als in Deutschland hatte sich die französische Bewegung während des Krieges zergliedert: Ehemals engagierte Aktivisten mussten sich ihren Familien widmen oder waren gestorben; feministischen Zeitschriften fehlte es an Papier und Arbeitskräften; die Russische Revolution vergrößerte die ideologische Kluft zwischen den einzelnen Strömungen.34 In der Quintessenz stellte der Erste Weltkrieg einen herben Rückschlag für die französische Stimmrechtsbewegung dar, die nach 1918 wie gelähmt verharrte – zumal die falsche Hoffnung geweckt wurde, das Wahlrecht als „Belohnung“ für die Unterstützung während der Kriegsjahre zu erhalten.35 Den deutschen Frauen ermöglichte die Errichtung der Weimarer Republik aber nicht bloß das Wahlrecht, sie brachte ihnen auch eine Verfassung, die erstmals 32

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Vgl. Gabriele Bremme, Die politische Rolle der Frau in Deutschland, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1956, S. 24 f.; Bettina Bab, „Gemeinsamkeiten und Unterschiede – die Einführung des Frauenstimmrechts im Vergleich“, in: dies. (Hg.), Mit Macht zur Wahl. 100 Jahre Frauenwahlrecht, Bd. 1: Geschichtlicher Teil, Bonn, Verlag Frauenmuseum, 2006, S. 246–252, hier: S. 250 f. Reichsgesetzblatt Nr. 153 (1918), S. 1303 f.: Aufruf des Rates der Volksbeauftragten an das deutsche Volk – 12.11.1918. Steven C. Hause / Anne R. Kenney, Women’s Suffrage and Social Politics in the French Third Republic, Princeton, Princeton University Press, 1984, S. 202–211. Ebd., S. 206, 230.

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Gleichberechtigung versprach. Historische Studien, die sich allein auf Deutschland konzentrieren, haben zwar wiederholt moniert, dass die in der Weimarer Verfassung proklamierte Gleichberechtigung nur „programmatische Verheißung“ geblieben sei.36 Doch der Ländervergleich zeigt, dass die rechtspolitische Debatte in Deutschland durch die neue Verfassung zumindest einen Schub erhielt, während beim Nachbarn die Entwicklung stockte. In allen staatsbürgerlichen Angelegenheiten versprach die Weimarer Verfassung die Gleichberechtigung der Geschlechter, ausdrücklich betont für das Eheleben und den Eintritt in öffentliche Ämter.37 Uneingeschränkt fiel dieses Versprechen nicht aus, da der entsprechende Artikel Männern und Frauen nur „grundsätzlich“ die gleichen Rechte und Pflichten erteilte. Doch Wirkung zeitigte die emanzipatorische Leitlinie dennoch. Die Revision des Familienrechts, das noch auf den Vorgaben des Bürgerlichen Gesetzbuches basierte, wurde in Angriff genommen, die Reform des ehelichen Güterrechts, der elterlichen Erziehungsgewalt sowie der Scheidung intensiv diskutiert. Der Drang, eine Neudeutung der Ehe im Sinne einer ebenbürtigen Partnerschaft zweier Individuen zu erschaffen, war spürbar – auch wenn es während der Weimarer Jahre nicht gelang, diese Bestrebungen legislativ umzusetzen.38 Der Verfassungstext verwirklichte die Gleichberechtigung somit zwar nicht, aber er bot die juristische Grundlage für den Streit um diese.39 In der Debatte um die reglementierte Prostitution etwa konnten sich Parlamentarier jetzt auf den konstitutionell verankerten Gleichheitsanspruch stützen. So prangerte der Sozialdemokrat Alfred Grotjahn 1923 an, dass weibliche Personen allein durch die Möglichkeit, zwangsweise in Dirnenlisten eingeschrieben zu werden, unter ein „Ausnahmerecht“ gestellt würden, das „mit den Grundsätzen des Volksstaates und der Verfassung im krassen Widerspruch steht, da diese selbstverständlich keine getrennte rechtliche Stellung der Geschlechter mehr zulassen“.40 Wie im Falle des Wahlrechts hatte vor dem Ersten Weltkrieg auch die abolitionistische Bewegung in Frankreich vehementer als in Deutschland agiert, um die Abschaffung der staatlich reglementierten Prostitution, d. h. die Schließung der maisons de tolérance, voranzutreiben. In den 1920er Jahren war es dann aber nicht das französische Parlament, sondern der Reichstag, der das entsprechende Gesetz 36 37 38

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Gustav Boehmer, „Die Gleichberechtigung der Frau im Eherecht“, in: Monatsschrift für Deutsches Recht, 4.7 (1950), S. 386–393, hier: S. 386; Christoph Gusy, Die Weimarer Reichsverfassung, Tübingen, Mohr Siebeck, 1997, S. 300. Vgl. die Verfassung des Deutschen Reichs – 11.8.1919, in: Reichsgesetzblatt Nr. 152 (1919), S. 1383–1418, hier: S. 1404, 1406 f., Artikel 109, 119, 128. Rebecca Heinemann, Familie zwischen Tradition und Emanzipation. Katholische und sozialdemokratische Familienkonzeptionen in der Weimarer Republik, München, Oldenbourg, 2004, S. 151–181; Mark-Alexander Grimme, Die Entwicklung der Emanzipation der Frau in der Familienrechtsgeschichte bis zum Gleichberechtigungsgesetz 1957, Frankfurt a. M. u. a., Peter Lang Verlag, 2003, S. 115–121. Vgl. Alexander J. Schwitanski, Die Freiheit des Volksstaats. Die Entwicklung der Grund- und Menschenrechte und die deutsche Sozialdemokratie bis zum Ende der Weimarer Republik, Essen, Klartext-Verlag, 2008, S. 222. Reichstagsprotokolle. Verhandlungen des Deutschen Reichstages, Bd. 360, 364. Sitz., S. 11313 – 13.6.1923.

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verabschiedete. Frauen mussten sich im Parlament selbst vertreten, um weibliche Forderungen durchzusetzen. Vorher tat sich in der Frage des Prostitutionswesens nichts. Frankreich schloss die staatlich lizenzierten Bordelle daher erst 194641 – eine Institution, die wie kaum eine andere den Stand der Geschlechterhierarchie anzeigte. BEVÖLKERUNGSPOLITIK: EMPFÄNGNISVERHÜTUNG UND ABTREIBUNG Als Wegscheide, ab der die Entwicklung Frankreichs und Deutschlands einen anderen Verlauf nahm, fungierte der Erste Weltkrieg auch hinsichtlich der Bevölkerungspolitik, was sich unmittelbar im Handlungsspielraum der Frauen niederschlug. Vor und nach 1918 waren zwar beide Nationen grundsätzlich pronatalistisch eingestellt, aber in der Geburtenpolitik, in der Praxis, schlugen sie in der Nachkriegszeit unterschiedliche Wege ein. Für beide Länder markierte der Erste Weltkrieg einen tiefen Einschnitt: Die enormen Kriegsverluste verstärkten die Besorgnis, die der Geburtenrückgang bereits vor 1914 ausgelöst hatte. Aufgrund der heftigen Schlachten an der Westfront gehörten Frankreich und Deutschland zu den Staaten mit den höchsten Todeszahlen. Absolut betrachtet hatte das Deutsche Reich die meisten Toten zu beklagen, über 2 Millionen Soldaten und geschätzte 700.000 Zivilisten waren umgekommen. Frankreich hatte ca. 1,3 Millionen Soldaten und 600.000 Zivilisten verloren. Im Verhältnis zur ursprünglichen Bevölkerungszahl (D: 67,8 Mio.; F: 39 Mio.) wogen die französischen Verluste jedoch weit schwerer.42 Stimmen wurden laut, dass die Verteidigung des Landes nicht gewährleistet sei, wenn der Nachwuchs es rein zahlenmäßig nicht mit dem des Nachbarn aufnehmen könne. Zu diesen sicherheitspolitischen Bedenken kamen volkswirtschaftliche: Der französischen Wirtschaft mangelte es an jungen Arbeitskräften, das Land litt an Überalterung.43 Schon lange vor dem Krieg hatte Frankreich als „sterbende Nation“ gegolten, jetzt griff eine regelrechte „Entvölkerungsfurcht“ um sich.44 In der Weimarer Republik hingegen konnten sich derartige Ängste nicht fortentwickeln. Da das deutsche Gebiet deutlich verkleinert worden war, spürte man den Mangel an Arbeitskräften viel weniger; tatsächlich war die Bevölkerungsdichte aufgrund der Gebietsverluste sogar gestiegen.45 41 42 43 44 45

Journal officiel de la République française, 78.89 (1946), S. 3138 f.: Loi n° 46–685; vgl. Alain Corbin, Women for Hire. Prostitution and Sexuality in France after 1850, Cambridge, Harvard University Press, 1990, S. 348–350. Rüdiger Overmans, „Kriegsverluste“, in: Gerhard Hirschfeld / Gerd Krumeich / Irina Renz (Hg.), Enzyklopädie Erster Weltkrieg, Paderborn u. a., Schöningh, 2004, S. 663–666. Richard Tomlinson, „The ‚Disappearance‘ of France, 1896–1940: French Politics and the Birth Rate“, in: The Historical Journal 28 (1985), S. 405–415, hier: S. 407. Jean-Yves Le Naour / Catherine Valenti, Histoire de l’avortement: XIXe–XXe siècle, Paris, Éditions du Seuil, 2003, S. 115; Angus McLaren, A History of Contraception. From Antiquity to the Present Day, Oxford, Blackwell, 1990, S. 178. Ursula Büttner, Weimar: die überforderte Republik 1918–1933. Leistung und Versagen in Staat, Gesellschaft, Wirtschaft und Kultur, Stuttgart, Klett-Cotta, 2008, S. 211, 813 Tab. 9.

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Vor diesem Hintergrund ist nachvollziehbar, dass sich die Geburtenpolitik der beiden Nationen fortan deutlich voneinander unterschied – mit unmittelbaren Konsequenzen auf das Sexualleben. Denn im französischen Parlament wurde nach dem Krieg gefordert, Verhütungsmittel und -propaganda gesetzlich zu verbieten und gegen Abtreibungsbefürworter härter vorzugehen.46 Im Jahre 1920 folgte das Gesetz: Der Aufruf zur Abtreibung, die Verbreitung empfängnisverhütender Propaganda und die Weitergabe entsprechender Mittel wurde verboten; bei Zuwiderhandlung hatte man mit mindestens sechs Monaten Haft zu rechnen.47 In der Weimarer Republik führte die wirtschaftliche Nachkriegskrise zu einer ganz anderen Entwicklung: Die offizielle Einstellung zur Empfängnisverhütung wurde liberaler; das neue Parlament neigte in seiner Familienpolitik eher zur Fürsorge als zur Bestrafung. Von einer eher quantitativen Bevölkerungspolitik ging man über zu einer qualitativen; statt mehr Kinder wollte man gesündere haben. Angesichts des allgemeinen Elends geriet die Sorge um die öffentliche Moral in den Hintergrund. Empfängnisverhütung erschien angesichts der hohen Zahl illegaler Abtreibungen zudem als das kleinere Übel.48 Im Jahr 1919 gründete Max Hirschfeld das Berliner Institut für Sexualwissenschaft, in dem erstmals eine Sexualberatungsstelle eingerichtet wurde. Wenige Jahre später eröffnete der Bund für Mutterschutz weitere Beratungsstellen, in Hamburg, Frankfurt, Mannheim, Breslau, Bremen und Berlin.49 Im Parlament wirkte sich aus, dass mit den Frauen eine neue Klasse von Politikern Einzug hielt, die in Fragen der Geburtenpolitik weit pragmatischer entschied als ihre männlichen Kollegen. Ihr Blick galt weniger den Statistiken als vielmehr dem Alltag der betroffenen Frauen.50 Verglichen mit dem Kaiserreich wuchs die Sorge um die „Volksgesundheit“, die Gesundheitsvorsorge bekam in der Weimarer Republik einen neuen Stellenwert. Eine Folge war, dass im Februar 1927 die sexuelle Aufklärung der Öffentlichkeit und der Verkauf von Schutzmitteln per Gesetz erlaubt wurden. Ziel war die Bekämpfung der Geschlechtskrankheiten. Ein Teil der Verhütungsmittel durfte fortan frei gehandelt werden, das heißt, Herren46

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Melanie Latham, Regulating Reproduction. A Century of Conflict in Britain and France, Manchester, New York, Manchester University Press, 2002, S. 84; vgl. den Debattenauszug vom 23.7.1920 in: Michel Mopin (Hg.), Les grands débats parlementaires: de 1875 à nos jours, Paris, Documentation Française, 1988, S. 460–463. Gesetzestext in: André Armengaud, Les Français et Malthus, Vendôme, Presse universitaire de France, 1975, S. 68 f. Cornelie Usborne, Frauenkörper – Volkskörper. Geburtenkontrolle und Bevölkerungspolitik in der Weimarer Republik, Münster, Westfälisches Dampfboot, 1994, S. 57, 64, 137–139; dies., „Die Stellung der Empfängnisverhütung in der Weimarer Gesundheits- und Bevölkerungspolitik“, in: Jürgen Reulecke / Adelheid Gräfin zu Castell Rüdenhausen (Hg.), Stadt und Gesundheit. Zum Wandel von „Volksgesundheit“ und kommunaler Gesundheitspolitik im 19. und frühen 20. Jahrhundert, Stuttgart, Steiner Verlag, 1991, S. 271–285, hier: S. 271–274; Ulrike Manz, Bürgerliche Frauenbewegung und Eugenik in der Weimarer Republik, Königstein, Helmer, 2007, S. 72. Kristine von Soden, Die Sexualberatungsstellen in der Weimarer Republik, 1919–1933, Berlin, Edition Hentrich, 1988, S. 63 f.; zur Geschichte dieser Laienbewegung vgl. Atina Grossmann, Reforming Sex. The German Movement for Birth Control and Abortion Reform 1920–1950, New York/Oxford, Oxford University Press, 1995. Usborne, Frauenkörper, S. 62 f.

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toiletten von Bahnhöfen, Cafés und Restaurants konnten mit Kondomautomaten ausgestattet werden.51 Die Politik der beiden Nationen unterschied sich in diesem Punkt deutlich: Während der Unternehmer Julius Fromm seine Kondome ab 1931 mit Plakaten bewarb, war in Frankreich deren Vertrieb bis in die fünfziger Jahre nur Apotheken gestattet und jegliche Werbung verboten.52 Parallel zur sexuellen Aufklärung wurde in der Weimarer Republik die Abtreibungsfrage zunehmend thematisiert und entwickelte politisches Gewicht. Nachdem Frauen das Wahlrecht erhalten hatten, tat sich hier ein Programmpunkt auf, mit dem man Wählerstimmen gewinnen konnte. Insbesondere die politische Linke engagierte sich für eine Reform des Gesetzes.53 Im Jahre 1926 gelang es der SPD, eine Gesetzesnovelle durchzusetzen, laut der die einfache Abtreibung fortan nur noch als Vergehen und nicht mehr als Verbrechen bestraft wurde. Die Spannweite der Bestrafung reichte nun von fünf Jahren bis zu einem Tag oder einer Geldstrafe von drei Mark, d. h. bei mildernden Umständen konnte die Strafe auf ein symbolisches Maß reduziert werden.54 Ein Ziel der Strafmilderung war dabei sicherlich, dass in Zukunft mehr Fälle verurteilt wurden. In Frankreich hatte man im Jahre 1923 das Abtreibungsgesetz aus diesem Grund ebenfalls leicht gemildert: Ein Delikt, das gesühnt werde, sei besser als ein Verbrechen, das unbestraft bleibe. Angesichts der Höhe des ursprünglichen Strafmaßes hatten die französischen Gerichte nämlich viele Angeklagte zuvor freigesprochen; nach der Verabschiedung des neuen Gesetzes stieg die Zahl der Verurteilungen rapide an.55 Kriminell blieb die Schwangerschaftsunterbrechung hier wie dort. Im Unterschied zu Frankreich drang das Thema in der Weimarer Republik 1931 jedoch mit Wucht auf die Straße. Deutschland erlebte Proteste von überraschendem Ausmaß; in öffentlichen Kundgebungen und Großdemonstrationen formierte sich eine Massenbewegung, vornehmlich weiblich, die sich gegen den „kirchlich und staatlich verordneten ‚Gebärzwang‘“56 auflehnte. Hauptursache war die Weltwirtschaftskrise, die die Lebensbedingungen der Bevölkerung deutlich verschlechterte und zu unterstreichen schien, dass es sich bei dem Paragrafen 218 StGB, laut dem Schwangerschaftsabbruch unter Strafe stand, um einen „Klassenparagrafen“ handelte. Die soziale und wirtschaftliche Not ließ die Zahl der Abtreibungsfälle steigen; und während wohlhabende Frauen weiterhin Mittel und Wege fanden, sich von einem Arzt behandeln zu lassen, riskierten vor allem Arbeiterfrauen immer wieder den Tod, da sie den Eingriff selbst vornahmen.57 Erst nach Monaten ebbte das Engagement der 51 52 53 54 55 56 57

Lutz Sauerteig, „Medizin und Moral in der Syphilisbekämpfung“, in: Medizin, Gesellschaft und Geschichte, 19 (2000), S. 55–70, hier: S. 61 f.; Usborne, „Empfängnisverhütung“, S. 278. Béatrice Fontanel / Daniel Wolfromm, Petite histoire du préservatif, Paris, Stock, 2009, S. 130; Götz Aly / Michael Sontheimer, Fromms. Wie der jüdische Kondomfabrikant Julius F. unter die deutschen Räuber fiel, Frankfurt a. M., Fischer Verlag, 2007, S. 49. Usborne, Frauenkörper, S. 201–220. Ebd., S. 220 f.; Grossmann, Reforming Sex, S. 82 f. Le Naour/Valenti, Avortement, S. 163 f.; Latham, Regulating reproduction, S. 84. Karen Hagemann (Hg.), Eine Frauensache. Alltagsleben und Geburtenpolitik, Pfaffenweiler, Centaurus-Verlagsgesellschaft, 1991, S. 174. Sabine Putzke, Die Strafbarkeit der Abtreibung in der Kaiserzeit und in der Weimarer Zeit. Eine Analyse der Reformdiskussion und der Straftatbestände in den Reformentwürfen (1908–

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Bevölkerung wieder ab; im Frühsommer 1931 stellte die deutsche Polizei beruhigt fest, dass sich die Aktivitäten um den Paragrafen 218 deutlich reduziert hatten.58 In Frankreich kam es nicht zu einer vergleichbaren Protestbewegung. Und auch im Parlament herrschte hier über die Bevölkerungspolitik weitgehend Konsens; kaum ein Politiker kritisierte den pronatalistischen Ansatz.59 Für die Legalisierung der Abtreibung setzten sich lediglich Anarchisten und die kommunistische Partei ein – ja selbst der Parti communiste änderte 1935 überraschend seine Meinung, nachdem Josef Stalin die Abtreibung in der Sowjetunion wieder verbot: Die Arbeiterklasse benötige Nachwuchs, sonst könne sie im kommenden Machtkampf nicht bestehen. Die Regierung der Volksfront, die kurz darauf an die Macht kam, änderte folglich auch nichts an dem Gesetz von 1920 – zumal sich die Sozialisten um Léon Blum in der Frage ohnehin bedeckt hielten. FAZIT Die Rückwirkungen des Ersten Weltkrieges auf die Geschlechterhierarchien in Frankreich und Deutschland resultierten vornehmlich aus drei Faktoren: der langfristigen Trennung der Geschlechter, den enormen Kriegsverlusten und dem Systemumbruch. Ersteres wurde von beiden Staaten gleich erlebt. Hier wie dort zwang der Krieg die Frauen, sich in Alltag und Beruf allein zu bewähren. Und da dies zumeist gelang, führte die erzwungene Selbstständigkeit zu einem neuen Selbstbewusstsein, das auch nach 1918, als die Männer in ihre Berufe zurückkehrten, bestehen blieb. Ergänzt wurde dieser Mentalitätswandel durch die neue, ungewohnte Freiheit, die sich aus der Aufhebung der familiären Kontrolle ergab. Die Kriegsumstände brachten – insbesondere den Frauen des Bürgertums – nicht nur Not und Leid, sondern öffneten diesen auch gesellschaftliche Spielräume und sexuelle Möglichkeiten, die ihnen zuvor verwehrt waren. In der Nachkriegszeit kulminierte diese Entwicklung in einem neuen Rollenmodell: der „Neuen Frau“ beziehungsweise der garçonne. Deren Existenz zeugt ebenso wie die ihrer Vorläuferin im Krieg von einer Veränderung der Geschlechterhierarchie, bei der zwar kein eklatanter Bruch stattfand, wohl aber eine Verschiebung der Gewichte. Der zweite Faktor, die Kriegsverluste, wurde von den beiden Nationen jeweils unterschiedlich wahrgenommen und verarbeitet. Wirtschaftlich und bevölkerungspolitisch betrachtet, war der hohe Blutzoll für das Funktionieren des französischen Staates von größerer Relevanz als für Deutschland, wo die Bevölkerungsdichte aufgrund der territorialen Umstrukturierung sogar zunahm. Die „Entvölkerungsfurcht“ konnte in Frankreich daher größere Kraft entfalten als in der Weimarer Republik. Sozialdarwinistische Argumente traten in den Vordergrund; die Sorge um

58 59

1931), Berlin, Berliner Wissenschaftsverlag, 2003, S. 207; Kirsten Reinert, Frauen und Sexualreform 1897–1933, Herbholzheim, Centaurus-Verlag, 2000, S. 255. Grossmann, Reforming Sex, S. 106; Putzke, Strafbarkeit der Abtreibung, S. 209, 321–323. Marie-Monique Huss, „Pronatalism in the Inter-War Period in France“, in: Journal of Contemporary History, 25.1 (1990), S. 39–68, hier: S. 41 f.

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den Erhalt der Nation bestimmte die politische Debatte, und pronatalistische Organisationen wie etwa die Alliance nationale pour l’accroissement de la population française befanden sich im Aufwind. Die politische und gesellschaftliche Auseinandersetzung um Empfängnisverhütung und Abtreibung fand daher vor einem ganz anderen Hintergrund statt. Im Zusammenspiel mit dem dritten Faktor, dem Systemumbruch, führten diese Einflüsse zu einer unterschiedlichen Entwicklung der Geschlechterhierarchien diesund jenseits des Rheins. Während die französische Republik den Ersten Weltkrieg überlebte, brach das Deutsche Kaiserreich in sich zusammen, was den Weg zu einem Neuanfang ebnete. Der Zusammenbruch des alten politischen Systems ermöglichte die Einführung des Frauenwahlrechts und die Niederschrift einer Verfassung, in der die Gleichberechtigung der Geschlechter schriftlich verbürgt war. Dies schuf eine parlamentarische und juristische Basis, auf der emanzipatorische Forderungen Rückhalt erfuhren und weiterentwickelt werden konnten. In der Weimarer Republik war es Frauen daher möglich, tiefer in sogenannte Männerberufe vorzudringen oder das System der lizenzierten Prostitution abzuschaffen.

DES « CONDITIONS MASCULINES » AU SORTIR DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE Perspectives transnationales

Patrick Farges / Elissa Mailänder Résumé Partant d’un aperçu historiographique franco-allemand sur l’histoire des masculinités, nous proposons d’examiner les « conditions masculines » en Allemagne au sortir de la Seconde Guerre mondiale. L’histoire des hommes et des masculinités ne peut se concevoir que comme l’héritière d’une histoire des femmes et du genre qui mit au cœur de l’analyse l’intersection des rapports de domination. Les périodes de sortie de guerre constituent des périodes particulièrement troublées pour des relations de genre oscillant entre expérimentation, violence et misère sexuelle. Comment relire l’historiographie sur la sortie de guerre à l’aune d’une histoire du genre ? Dans quel contexte des représentations hiérarchisées du masculin, voire d’éventuels modèles alternatifs de masculinité ont-ils été produits dans l’après-guerre ? Peut-on faire une différence entre des masculinités de « vaincus » et de « vainqueurs » ?

Zusammenfassung Ausgehend von einem Überblick über die historische Männlichkeitsforschung in Deutschland und Frankreich befasst sich der vorliegende Artikel mit männlichen Erfahrungen nach 1945, in der unmittelbaren Nachkriegszeit. Männer- und Männlichkeitsgeschichte wird hier als die direkte Erbin einer Frauen- und Geschlechtergeschichte gesehen, deren Anliegen es ist, Macht- und Herrschaftsbeziehungen zu erkunden. Die unmittelbare Nachkriegszeit ist hierfür besonders interessant, weil dort die Geschlechterbeziehungen und Geschlechtergrenzen, zwischen sexuellem Experimentieren, Gewalt und Not schwankend, neu definiert werden. Wie lässt sich die Geschichtsschreibung über die Nachkriegszeit als eine Geschlechter- und Männlichkeitsgeschichte neu betrachten? Wie und in welchem Kontext bildeten sich hierarchisierte Männlichkeitsvorstellungen heraus? Gab es auch alternative Männlichkeitsentwürfe? Und lassen sich Unterschiede zwischen „Siegern“ und „Besiegten“ ausmachen?

Le présent article est consacré à une réflexion sur les « conditions masculines » dans l’Allemagne de l’immédiat après-guerre (1945–1951). Le cas allemand, caractérisé par un régime totalitaire ultra-militarisé ayant exercé un contrôle sans précédent sur les vies privées et les sphères intimes des individus, est en effet un objet d’étude particulièrement pertinent pour une étude genrée de l’histoire. Nous proposons ainsi de relire l’historiographie sur la sortie de la Seconde Guerre mondiale à l’aune d’une histoire des masculinités : comment les anciens soldats de la Wehrmacht et les occupants de l’Europe se réinsèrent-ils dans une société civile occupée par les Alliés ? Comment ces hommes ébranlés par la défaite se recomposent et se

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réaffirment-ils ? Quelles sont les difficultés et rivalités auxquels ils se heurtent ? Y a-t-il une différence entre des masculinités « vaincues » et des masculinités de « vainqueurs » ? L’historiographie en langue allemande sur les femmes et le genre est apparue depuis plus d’une trentaine d’années1, dans un dialogue transatlantique ininterrompu2, alors que l’historiographie française s’est saisie du concept de genre plus récemment3. Le XXe siècle est à la fois le siècle d’une reconfiguration importante des relations sociales de genre4 et le « century of sex », comme le formulait récemment l’historienne américaine Dagmar Herzog5. Les débats en matière de relations de genre – du droit de vote des femmes au contrôle de la fertilité en passant par le droit au divorce et l’émancipation des femmes6 et jusqu’au mariage homosexuel – ont profondément transformé les sociétés européennes tout au long du XXe siècle.

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Voir Gisela Bock, « Geschichte, Frauengeschichte, Geschlechtergeschichte », Geschichte und Gesellschaft, 14/3 (1988), p. 364–391 ; Hans Medick et Anne Charlott Trepp (éd.), Geschlechtergeschichte und Allgemeine Geschichte. Herausforderungen und Perspektiven, Göttingen, Wallstein Verlag, 1998 ; Johanna Gehmacher et Maria Mesner (éd.), Frauen- und Geschlechtergeschichte. Positionen/Perspektiven, Innsbruck-Vienne-Munich-Bolzano, Studien Verlag, 2003. Soulignons l’apport des historien-ne-s américain-e-s de l’Allemagne au champ de l’histoire du genre et des sexualités. Natalie Zemon Davis, « Women’s History in Transition. The European Case », Feminist Studies, 3 (1976), p. 83–103 ; Gerda Lerner, The Majority Finds its Past. Placing Women in History, New York/Oxford, Oxford UP, 1979 ; Joan W. Scott, « Gender: A Useful Category of Historical Analysis », American Historical Review, 91/5 (1986), p. 1053– 1075 ; Kathleen Canning, Gender History in Practice. Historical Perspectives on Bodies, Class, and Citizenship, Ithaca/Londres, Cornell UP, 2006. Voir Michèle Riot-Sarcey, « L’historiographie française et le concept de ‹ genre ›», Revue d’histoire moderne et contemporaine, 47/4 (2000), p. 805–814 ; Françoise Thébaud, Écrire l’histoire des femmes et du genre, Lyon, ENS Editions, 2007 ; Michèle Riot-Sarcey (éd.), De la différence des sexes. Le genre en histoire, Paris, Larousse, 2010. Notons que l’intersection entre domination de classe, domination genrée et domination racialisée était déjà au cœur des premiers débats historiographiques outre-Atlantique : voir Anne McClintock, Imperial Leather: Race, Gender and Sexuality in the Colonial Contest, New York, Routledge, 1995 ; Lora Wildenthal, German Women for Empire, 1884–1945, Durham, Duke UP, 2001 ; Ann Laura Stoler, La chair de l’empire. Savoirs intimes et pouvoirs raciaux en régime colonial, Paris, La Découverte, 2013. En l’état actuel, il est particulièrement intéressant de ré-interroger conjointement les questions de genre et le passé « racialisé ». Laura Lee Downs, Writing Gender History, Londres, Arnold Press, 2004. Dagmar Herzog, Sexuality in Europe: A Twentieth-Century History (New Approaches to European History), Cambridge-New York, Cambridge UP, 2011. Atina Grossmann, Reforming Sex: The German Movement for Birth Control and Abortion Reform, 1920–1950, Oxford, Oxford UP, 1995 ; Cornelie Usborne, Cultures of Abortion in Weimar Germany, New York/Oxford, Berghahn, 2007 ; Julia Roos, Weimar through the Lens of Gender: Prostitution Reform, Woman’s Emancipation, and German Democracy, 1919–1933, Ann Arbor, Michigan UP, 2010 ; Annette Timm, The Politics of Fertility in Twentieth Century Berlin, New York/Cambridge : Cambridge UP, 2010 ; Patrick Farges / Anne-Marie Saint-Gille (éd.), Le premier féminisme allemand (1848–1933). Un mouvement social de dimension internationale, Villeneuve d’Ascq, PU du Septentrion, 2013.

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Mais il apparaît que rien n’est jamais acquis – du moins pas à n’importe quel prix. Les guerres en particulier – alternant avec des périodes « denses » de sortie de guerre – ont constitué des périodes particulièrement troubl(é)es pour des relations de genre oscillant entre expérimentation, violence et misère sociales et sexuelles7. Si les guerres semblent à première vue renforcer la séparation des sexes, elles ont en réalité largement contribué à déplacer les frontières de genre8. L’exemple du nazisme montre quant à lui que l’émancipation sexuelle et sociale de certaines femmes s’est fondée sur une discrimination, une exploitation et une persécution raciales9. La sexualité apparaît comme une catégorie « pertinente », mais aussi « récalcitrante », de l’analyse historique, en ce qu’elle imbrique inextricablement des aspects de libéralisation et de répression. Il faut pouvoir mettre en relation fine les contextes de guerre ou de conflit armé avec ceux d’avant et d’après-guerre, et il manque encore une analyse micro-historique de ces continuités « émotionnelles ». Il est donc pertinent de se placer à l’intersection de l’histoire du genre et des approches méthodologiques relevant de l’histoire du quotidien, qui a très tôt placé au cœur de son programme de recherche l’examen des relations concrètes entre et à l’intérieur même des sexes10. L’Alltagsgeschichte, comme elle a été définie par Hans Medick et Alf Lüdtke, se présente comme une forme de micro-histoire en ce qu’elle permet d’analyser en profondeur les expériences vécues des acteur-e-s, les rapports de force et les relations interpersonnelles dans leurs multiples implications politiques. Par ailleurs, elle met en avant la perspective des acteur-e-s et leurs pratiques sociales. Or la recherche relative à l’histoire du genre en période d’(après-)guerre doit s’appuyer sur les constructions de sens (M. de Certeau11) et les appropriations (A. Lüdtke12) que les femmes et les hommes ont données à leurs réalités sociales et politiques vécues. De plus, l’histoire du quotidien contribue à mieux comprendre comment les acteur-e-s s’octroient des marges de manœuvre et 7

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Robert Moeller, Protecting Motherhood: Women and the Family in the Politics of Postwar West Germany, Berkeley, California UP, 1996 ; Elizabeth D. Heinemann, What Difference Does a Husband Make? Women and Marital Status in Nazi and Postwar Germany, Berkeley, California UP, 1999 ; Atina Grossmann, « Victims, Villains, and Survivors: Gendered Perceptions and Self-Perceptions of Jewish Displaced Persons in Occupied Postwar Germany », Journal of the History of Sexuality, 11/1–2 (2002), p. 291–318. Fabrice Virgili / Luc Capdevila / François Rouquet / Danièle Voldman, Sexes, genre et guerres (France 1914–1945), Paris, Payot, 2010. Elissa Mailänder, « Des femmes allemandes au service de la guerre : participations actives aux politiques raciales nationales-socialistes, à la déportation et au génocide (1939–1945) », Genre et Histoire (en ligne), 15 (2015) http://genrehistoire.revues.org/2202. Voir Dorothee Wierling, « Histoire du quotidien et histoire des relations entre les sexes. Sur la situation historique et historiographique », in : Alf Lüdtke (éd.), Histoire du quotidien, Paris, Éd. de la MSH, 1994, p. 153–173 ; Geoff Eley, « Missionaries of the Volksgemeinschaft: Ordinary Women, Nazification, and the Social », in : G. Eley (ed.) Nazism as Fascism. Violence, Ideology, and the Ground of Consent in Germany 1930–1945, New York, Routledge, 2013, p. 91–130. Michel de Certeau (éd.), L’invention du quotidien, t. 1, Paris, Gallimard 1990. Alf Lüdtke « Introduction. Qu’est-ce que l’histoire du quotidien? », in : A. Lüdtke (éd.), Histoire du quotidien, Paris, Éd. de la MSH, 1994, p. 2–38.

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d’action en contexte contraint, et à mieux comprendre les motivations qu’ils/elles tirent de leurs expériences genrées au quotidien. Notre article s’inscrit dans un projet de recherche plus large sur l’histoire du genre et des sexualités en Allemagne au XXe siècle13. Il s’agit donc moins ici de présenter des réflexions abouties que des questionnements de recherche en cours. Après un bref aperçu historiographique situant l’histoire du genre et des masculinités dans un contexte de réception transnationale, nous interrogerons conjointement les « conditions » féminine et masculine au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Les dynamiques de la masculinité seront ensuite illustrées à partir de l’étude succincte d’un cas, celui d’un ancien capitaine de la Luftwaffe. POUR UNE NOUVELLE HISTORIOGRAPHIE TRANSNATIONALE SUR LES MASCULINITÉS Le long processus ayant mené à une égalisation des droits entre les sexes, ainsi que le processus de « libération » des sexualités avant et après les deux grandes guerres, ont profondément redessiné les « conditions féminines », les relations du couple ainsi que les relations familiales et sociales14. Mais l’histoire du genre – au regard des avancées historiographiques sur la connaissance de ces mêmes « conditions féminines » – ne peut faire l’économie d’une réflexion concomitante sur les « conditions masculines », et sur la production de représentations conjointes du féminin et du masculin mettant en jeu des relations complexes de domination et de pouvoir. Pour résumer : il n’est plus possible de faire « une histoire sans les hommes » (Anne-Marie Sohn)15. L’histoire critique des masculinités et l’histoire des hommes en tant qu’histoire du genre, telle qu’elle s’est développée outre-Atlantique, puis en Europe depuis les années 1980 et de manière accrue depuis la fin des années 199016, sont largement 13

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Il s’agit d’un projet conjoint (SAB-Sciences Po et PFR-CIERA) porté par Patrick Farges (CEREG – Sorbonne Nouvelle – Paris 3), Elissa Mailänder (Centre d’Histoire de Sciences Po) et Stefanie Schüler-Springorum (Zentrum für Antisemitismusforschung – TU-Berlin). Plusieurs séminaires et journées d’études internationales ont été organisées dans ce cadre, notamment : « Sources for Historians of Love, Sex and War » (mai 2015), « Masculinities in Times of (Post) War (1870s-1970s): The German Case » (novembre 2015) et « Liens familiaux dans le Berlin d’(après-)guerre (1939–1961) » (avril 2016, en coopération avec Aurélie Denoyer, Centre Marc Bloch). Voir par ex. Elizabeth D. Heineman, What Difference …, op. cit.; Dagmar Herzog. Sex After Fascism: Memory and Morality in Twentieth-Century Germany. Princeton, Princeton UP, 2005; Josie McLellan, Love in the Time of Communism: Intimacy and Sexuality in the GDR, Cambridge, Cambridge UP, 2011 ; Sybille Steinbacher, Wie der Sex nach Deutschland kam. Der Kampf um Sittlichkeit und Anstand in der frühen Bundesrepublik, München, Siedler Verlag, 2011. Anne-Marie Sohn (éd.), Une histoire sans les hommes est-elle possible ?, Lyon, ENS éditions, 2013. L’un des premiers travaux d’histoire culturelle de la masculinité est l’œuvre de George L. Mosse qui s’intéresse au milieu des années 1990 aux conditions d’émergence de critères normatifs de la masculinité dans l’espace germanophone au cours du grand XIXe siècle (L’image

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redevables à l’historiographie féministe des années 1970. Comme le souligne Anne-Marie Sohn : « [l]’histoire des femmes et du genre a eu pour principal mérite de démontrer que la différence des sexes est socialement construite. On ne naît donc pas homme, on le devient. »17 Une histoire du genre et des rapports sociaux entre les femmes et les hommes permet d’éclairer la variabilité des constructions tant du féminin que du masculin. À y regarder de plus près en effet, « le » masculin et « la » masculinité, si longtemps considérés comme allant de soi et immuables, au point d’avoir été un point quasi aveugle de l’historiographie, sont en réalité extrêmement variables dans le temps et l’espace social. Contrairement à l’histoire des femmes, l’histoire des hommes et des masculinités est encore relativement peu explorée, notamment en France. Or cette dernière ne peut se concevoir que comme l’héritière épistémologique d’une histoire des femmes et du genre qui a mis au cœur de l’analyse la multiplicité et l’intersection des rapports sociaux de domination. L’histoire des hommes et des masculinités doit donc se construire contre les approches essentialistes de la virilité, pour déployer une compréhension historicisée des masculinités, appréhendées dans leur multiplicité, et à partir des rapports de pouvoir qui les constituent et les hiérarchisent. Certes il existe des recherches centrées sur les constellations historiques complexes du masculin, tant en France que dans les pays germanophones. Alors que les historien-ne-s de langue allemande ont recours aux outils méthodologiques issus du « tournant culturel »18, le paysage français se divise entre une histoire sociale des masculinités19 et une histoire culturelle de la virilité20. Notons toutefois que les publications relevant de cette dernière catégorie ne se réclament pas systématiquement des apports heuristiques de l’histoire des femmes, ni des analyses critiques des masculinités21. Or comme le faisait remarquer Ernst Hanisch dans son « autre » histoire du XXe siècle, le féminisme a littéralement mis l’histoire des hommes sens dessus-dessous22. La masculinité comme objet d’étude correspond, à une époque et dans un contexte social donnés, à un ensemble d’éléments reconnus comme étant le « propre » des hommes. L’histoire des masculinités comme nous l’entendons s’ap-

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de l’homme. L’invention de la virilité moderne, Paris, Abbeville, 1997). Notons qu’en France, l’œuvre de Mosse – décédé en 1999 – est longtemps passée inaperçue ; cf. Stéphane Audoin-Rouzeau, « George L. Mosse : réflexions sur une méconnaissance française », Annales. Histoire, Sciences sociales, 56/1 (2001), p. 183–186. Anne-Marie Sohn, « Sois un homme ! » La construction de la masculinité au XIXe siècle, Paris, Seuil, 2009, p. 8. Voir par ex. Wolfgang Schmale, Geschichte der Männlichkeit in Europa (1450–2000), Vienne-Cologne-Weimar, Böhlau, 2003 ; Jürgen Martschukat / Olaf Stieglitz, Geschichte der Männlichkeiten, Francfort-sur-le-Main, Campus, 2008. A.-M. Sohn, Sois un homme, op. cit. ; A.-M. Sohn (éd.), Une histoire sans les hommes, op. cit. André Rauch, Histoire du premier sexe. De la Révolution à nos jours, Paris, Hachette, 2006 ; A. Corbin / J.-J. Courtine / G. Vigarello (éd.), Histoire de la virilité, 3 vol., Paris, Seuil, 2011. C’est le cas notamment de la monumentale Histoire de la virilité en trois volumes (voir note précédente). Ernst Hanisch, Männlichkeiten. Eine andere Geschichte des 20. Jahrhunderts, Vienne-Cologne-Weimar, Böhlau, 2005, p. 9.

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puie sur deux hypothèses de travail : d’une part, le « doing gender »23, c’est-à-dire la dimension performative du genre. D’autre part, la notion de « masculinité hégémonique » empruntée à Raewyn Connell, qui permet de différencier en repérant des modèles dominants voire normatifs de masculinité et, en retour, des masculinités « dominées », « subordonnées », mais aussi des masculinités « complices » participant au maintien de l’hégémonie24. Ainsi le modèle hégémonique sert-il dans un contexte socio-historique donné, de référence, et les éventuelles masculinités alternatives se positionnent par rapport à lui. Relationnelle, multidimensionnelle et intersectionnelle, l’histoire des hommes et des masculinités doit intégrer différentes formes de domination : domination des hommes sur les femmes, domination de certains hommes sur d’autres hommes, mais aussi rapports de domination sociale et rapports de domination raciale25. Dans le contexte social et politique de la sortie de guerre (1945–1951), quelles sont les hiérarchisations et pratiques de mise en genre des masculinités allemandes ? Quels modèles de masculinité dominants voire alternatifs ont-elles produits ? DES « CONDITIONS MASCULINES » ET « FÉMININES » AU SORTIR DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne est vaincue et considérablement détruite par les bombardements alliés26. Les armées de libération trouvent une Allemagne ravagée et frappée par la pénurie de logements, de nourriture et d’énergie. Nombreux sont les décès et les maladies causés par les famines, le froid et la sous-nutrition qui accompagnent l’immédiat après-guerre. En moyenne, durant l’hiver 1946, le rationnement dans les quatre zones d’occupation correspond 23 24

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Candace West / Don H. Zimmerman, « Doing Gender », Gender & Society, 1 (1987), p. 125– 151. Selon Connell, la « masculinité hégémonique » est constituée d’un ensemble de pratiques, rites et normes mis en place par ceux qui bénéficient des avantages conférés par cette hégémonie, et qui ont intérêt à en assurer la pérennité. La masculinité n’est donc qu’une performance assignée aux hommes et en même temps appropriée par eux comme telle. Les différentes formes sont constamment rejouées par les acteur-e-s (hommes et femmes) afin de prouver que les hommes sont bien des hommes, des « vrais ». Voir Raewyn Connell, Masculinities, 2e éd., Cambridge, Polity Press, 2005 ; Raewyn Connell / James W. Messerschmidt, « Hegemonic Masculinity. Rethinking the Concept », Gender and Society, 19/6 (2005), p. 829–859 ; Raewyn Connell, Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, Paris, éditions Amsterdam, 2014. C’est ce que soulignent Jürgen Martschukat et Olaf Stieglitz : « Wir plädieren mit Nachdruck dafür, Geschichten der Männlichkeit als mehrfach relationale Geschlechtergeschichten zu konzipieren und zu schreiben. Das bedeutet, dass sich ein spezifischer Männlichkeitsentwurf sowohl in Bezug zu weiteren Männlichkeitsentwürfen (…) als auch zu Weiblichkeiten konstituiert » (Geschichte der Männlichkeiten, op. cit., p. 9–10). Voir aussi Thomas Kühne, « Männergeschichte als Geschlechtergeschichte », in : T. Kühne (Hg.), Männergeschichte – Geschlechtergeschichte. Männlichkeit im Wandel der Moderne, Francfort-sur-le-Main, Campus, 1996, p. 7–30. Sully Ledermann / Charles Corcelle, « Berlin de 1939 à 1946 », Population, 2 (1947), p. 354– 362.

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à 1000 calories par jour par personne, soit deux fois moins que ce dont un adulte a besoin27. Alors que la majorité de la population masculine adulte se trouve soit en captivité, soit internée dans le cadre des mesures de dénazification, ou tout simplement qu’elle se voit interdite d’exercer un travail, c’est aux femmes allemandes (en surplus de 20 % dans la population) que revient le rôle primordial, non pas tant de reconstruire la vie politique, que de rétablir l’intégrité du pays. En allemand, le mot de Trümmerfrauen (femmes des décombres ou femmes des ruines) désigne déjà à l’époque les femmes chargées par les Alliées de ramasser les gravats et de déblayer les ruines en raison du manque de main d’œuvre masculine. Dans l’élan de l’histoire des femmes, la recherche en RFA a longtemps quasi exclusivement mis l’accent sur les traumatismes de guerre et la détresse de la population allemande au sortir de la guerre et sur la contribution héroïque des femmes allemandes à la reconstruction du pays28. Sans pour autant dénigrer la validité de ces réalités vécues, il semble important de tenir compte également de leur instrumentalisation politique29. Ces discours ont servi dans la seconde moitié des années 1940 et dans les années 1950 à mettre en avant la souffrance de la population civile allemande, surtout féminine, et du même coup d’occulter, entre autres choses, la large participation des femmes au projet nazi. Notons ici la problématisation en termes d’histoire du genre que propose l’historienne américaine Elizabeth Heineman au sujet des « Trümmerfrauen »30. Sa relecture fine et critique pointe notamment les ambivalences de ces actrices historiques : la grande majorité de la population féminine avait, en effet, soutenu le projet politique national-socialiste ainsi que la guerre, du moins tant qu’en temps de victoire, elle y trouvait ses avantages. Il ne s’agit pas évidemment de remettre en question la réalité des bombardements massifs à la fin de la guerre et les expériences dramatiques et traumatiques

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Günter J. Trittel, « Ernährung », in : Wolfgang Benz (Hg.), Deutschland unter alliierter Besatzung 1945–1949/55, ein Handbuch, Berlin, Akademie Verlag, 1999, p.118–119 ; Jörg Echterkamp, « Fin de la guerre – transition vers la paix ? Traits marquants de la société allemande en 1945 », Revue d’Allemagne et des pays de langue allemande, 2 (2008), p. 189–207. Voir par ex. Sibylle Meyer / Eva Schulze, Wie wir das alles geschafft haben: Alleinstehende Frauen berichten über ihr Leben nach 1945, Munich : C. H. Beck, 1984 ; Klaus-Jörg Ruhl (Hg.), Unsere verlorenen Jahre: Frauenalltag und Nachkriegszeit, 1939–1949, Munich, Deutscher Taschenbuchverlag, 1985 ; Christian Graf von Krockow, Die Stunde der Frauen: Bericht aus Pommern 1944 bis 1947, Stuttgart, Deutsche Verlags-Anstalt, 1988 ; Gabriele Rosenthal (Hg.), « Als der Krieg kam, hatte ich mit Hitler nichts mehr zu tun ». Zur Gegenwärtigkeit des « Dritten Reiches » in: Biographien, Opladen, Leske + Budrich, 1990 ; Annette Kuhn, « Die vergessene Frauenarbeit in der deutschen Nachkriegszeit », in : E. Freier / A. Kuhn (Hg.), Das Schicksal Deutschlands liegt in der Hand seiner Frauen. Frauen in der deutschen Nachkriegsgeschichte, Düsseldorf, Schwann, 1984, p. 13–24 ; Sabine Reichel, Zwischen Trümmern und Träumen. Aufgewachsen im Schatten der Schuld, Hambourg, Hoffmann & Campe, 1991. C’est ce que fait Leonie Treber dans son étude récente : Mythos Trümmerfrauen. Von der Trümmerbeseitigung in der Kriegs- und Nachkriegszeit und der Entstehung eines deutschen Erinnerungsortes, Essen, Klartext, 2014. Elizabeth Heineman, « The Hour of the Woman: Memories of Germany’s ‹ Crisis Years › and West German National Identity », The American Historical Review, 2 (1996), p. 354–395.

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associées à la défaite (au premier rang desquelles les viols31), mais de souligner toute la complexité de la situation et la simultanéité de phénomènes qui peuvent être a posteriori ressentis comme contradictoires. Si l’attention de la recherche historique s’est portée sur les femmes allemandes, la présence de soldats occupants, les violences sexuelles et les milliers de viols de femmes perpétrés par les soldats de l’Armée rouge – et aussi dans une moindre mesure par les Alliés32, ces approches ont souvent occulté la sexualité comme levier d’action ou monnaie d’échange33. Par choix ou par nécessité, des femmes, mariées ou célibataires, mères ou sans enfants, ont eu recours au sexe avec des hommes comme ressource pour assurer la survie ou améliorer les conditions de vie34. Cela reflète évidemment les relations de pouvoir asymétriques entre les sexes dans toute leur ambivalence. Dans cette perspective, les historien-ne-s ont commencé relativement récemment à explorer les relations affectives entre occupants et occupées, ou encore à s’interroger sur la situation des enfants nés de ces relations35. Bien d’autres travaux seront nécessaires afin d’étudier les « conditions féminines » dans les derniers mois de la guerre et les premiers mois de l’après-guerre, afin de mettre en avant les marges de manœuvre que s’est forgée cette population civile féminine dans un contexte de contraintes fortes et de violence (bombardements, viols, précarité, lutte pour la survie). La période de l’immédiat après-guerre, c’est-à-dire entre 1945 et 1951, est donc une période qui mérite toute notre attention car c’est là que se joue la transition entre l’expérience du nazisme et de la guerre, et la création de la République 31

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Anonyme, Eine Frau in Berlin: Tagesbuchaufzeichnungen, Genève-Francfort, Verlag Helmut Kossodo, 1959 ; Atina Grossmann, « A Question of Silence: The Rape of German Women by Occupation Soldiers », October, 72 (1995), p. 43–63. Voir aussi Fabrice Virgili / Raphaëlle Branche (éd.), Viols en temps de guerre, Paris, Payot, 2011. Ute Frevert, Frauen-Geschichte zwischen bürgerlicher Verbesserung und neuer Weiblichkeit, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 1986, en particulier p. 246–247. Voir aussi Eva Schulze, Von Liebe sprach damals keiner: Familienalltag in der Nachkriegszeit, Munich, C. H. Beck, 1985 ; Annemarie Troger, « Between Rape and Prostitution: Survival Strategies and Possibilities of Liberation of Berlin Women in 1945–48 », in : J. Friedlander / A. Kessler-Harris / C. Smith-Rosenberg (eds.), Women in Culture and Politics: A Century of Change, Bloomington, Indiana University Press, 1986, p. 97–117 ; Norman Naimark, The Russians in Germany: A History of the Soviet Zone of Occupation, 1945–1949, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1995, p. 69–140. Pour l’Allemagne de l’Est, voir par ex. Johannes Kaps (Hg.), Martyrium und Heldentum ostdeutscher Frauen. Ein Ausschnitt aus der schlesischen Passion 1945/46, Berne, Peter Lang, 1954. Klaus-Dietmar Henke, Die amerikanische Besatzung Deutschlands, München, Oldenbourg Verlag, 1995. Pour une analyse de ces échanges dans le contexte extrême du ghetto de Theresienstadt entre 1941 et 1945, cf. Anna Hájková, « Sexual Barter in Times of Genocide: Negotiating the Sexual Economy of the Theresienstadt Ghetto », Signs, 3 (2013), p. 503–533 ; pour l’Europe de l’Est sous occupation nationale-socialiste, cf. Regina Mühlhäuser, Eroberungen: Sexuelle Gewalttaten und intime Beziehungen deutscher Soldaten in der Sowjetunion 1941–1945, Hambourg, Hamburger Edition, 2010. Voir aussi Silke Satjukow, Befreiung? Die Ostdeutschen und 1945, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 2009. Voir par ex. Fabrice Virgili, Naître ennemi. Les enfants nés de couples franco-allemands pendant la Seconde Guerre mondiale, Paris, Payot, 2009.

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fédérale d’Allemagne en 1949. Il s’agit là d’une transition entre la participation à un régime dictatorial et génocidaire, et l’engagement dans un projet démocratique et capitaliste. Dans une perspective d’histoire du quotidien, il est pertinent de s’interroger sur les acteur-e-s et leurs pratiques sociales, sur les formes d’appropriation des conditions politiques, matérielles et idéologiques par les femmes et les hommes allemands (et autrichiens). Si l’on se place à présent sur le terrain d’une histoire de la sexualité, il faut pouvoir étudier le caractère improvisé et chaotique de cette période sans a priori moralisateurs. Il n’est par exemple pas possible d’appliquer à cette période les critères de la société pacifiée des années 1950 ou des années ultérieures. Il s’agit plutôt de resituer les pratiques sociales dans leur contexte historique et de tenir compte de la réalité des douze années de nazisme, avec leur politique hétérosexuelle relativement libérale pour celles et ceux qui correspondaient aux attentes nationales-socialistes tant raciales que sociales36. D’ailleurs, toujours en ce qui concerne l’hétérosexualité, le nazisme n’avait pas pratiqué une complète rupture avec la République de Weimar, qui avait déjà constitué des dossiers policiers et médicaux extrêmement détaillés sur les prostitué-e-s, dont les autorités nazies n’ont eu qu’à s’emparer37. Dans le champ de l’étude historique de l’homosexualité par exemple, on ne peut que constater les continuités dans les pratiques administratives et juridiques en matière de répression des homosexuels et de la prostitution masculine dans les années d’immédiat après-guerre, voire jusque dans les années 1950 en RFA38. Un point particulièrement intéressant a été récemment soulevé par les chercheur-e-s sur l’histoire des hommes et des masculinités : celui de l’étude critique de la prétendue « pacification » et démilitarisation de la société masculine allemande. Le concept de « masculinité hégémonique », développé par la sociologue australienne Raewyn Connell, peut ici s’avérer utile. Chez Connell, la masculinité est définie comme une « configuration de pratiques situées au sein d’un système 36 37

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Dagmar Herzog, Sex After Fascism, op. cit, en particulier p. 10–63. C’est une question importante qu’il n’est pas possible d’approfondir dans le cadre de cet article. Voir Paul Weindling, Health, Race and German Politics between National Unification and Nazism, 1870–1945, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 1993 ; Atina Grossmann, Reforming Sex: The German Movement for Birth Control and Abortion Reform, 1920– 1950, Oxford, Oxford University Press 1995 ; Annette F. Timm, « Sex with a Purpose: Prostitution, Venereal Disease and Militarized Masculinity in the Third Reich », Journal of the History of Sexuality, 1–2 (2002), p. 223–255 ; Annette F. Timm, The Politics of Fertility in Twentieth-Century Berlin, Cambridge-New York, Cambridge University Press, 2010. Pour la question de la prostitution forcée sous le nazisme, voir Insa Meinen, Wehrmacht et prostitution sous l’Occupation, 1940–1945, Paris, Payot, 2006 ; Cyril Olivier, Le Vice ou la vertu. Vichy et les politiques de la sexualité, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2005 ; Robert Sommer, Das KZ-Bordell. Sexuelle Zwangsarbeit in nationalsozialistischen Konzentrationslagern, Paderborn, Schöningh, 2009. Jennifer V. Evans, « Bahnhof Boys: Policing Male Prostitution in Post-Nazi Berlin », Journal of the History of Sexuality, 12/4 (2003), p. 605–636 ; Régis Schlagdenhauffen, Triangle rose : La persécution nazie des homosexuels et sa mémoire, Paris, Autrement, 2011. Sur la période nationale-socialiste voir Geoffrey Giles, « Legislating Homophobia in the Third Reich: The Radicalization of Prosecution Against Homosexuality by the Legal Profession », German History, 3 (2005), p. 339–354.

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de rapports de genre39 » et elle insiste ainsi sur la nécessité de fonder la définition du groupe des hommes sur le fait que la majorité d’entre eux perçoivent les « dividendes du patriarcat », en d’autres termes qu’ils tirent profit de leur position sociale relative40. Appréhender les masculinités dans toute leur complexité nécessite donc de rendre compte des positionnements divers des hommes. Connell dégage ainsi quatre idéaux-types concernant la place des hommes dans les rapports sociaux de genre : l’hégémonie, la subordination, la complicité et, enfin, la marginalisation. Pour Connell, qui a étudié principalement les sociétés occidentales des années 1980 à nos jours, la masculinité hégémonique est la forme culturellement valorisée de masculinité dans un contexte donné. Ce type de configuration se constitue en tension non seulement avec la féminité, mais également avec d’autres formes de masculinité, plus ou moins complices de la première, mais marginalisées en raison des rapports de classe, de race ou de sexualité. Ainsi pour l’Allemagne (et l’Autriche), si des formes de masculinité protestataire sont apparues dès la fin des années 1940 et dans les années 1950 dans les milieux populaires, notamment à l’occasion d’un transfert transatlantique de modèles de masculinité « rebelle » (avec le phénomène des Halbstarke41) ou « nonchalante » (lässig)42, il faut également interroger les retours d’hégémonie qui se sont opérés au sein des cercles d’anciens combattants ou encore des sociabilités de Stammtisch (table d’habitués) et qui n’ont pas complètement perdu leur influence dans la RFA. Tout au contraire, ces lieux, véritables fabriques du masculin dans l’entre-soi où se transmettent des codes de conduite, ont également contribué à reconfigurer le masculin43.

39 40 41 42 43

Voir Raewyn Connell, Masculinities, Berkeley, University of California Press, 2002. Voir aussi Raewyn Connell, « L’organisation sociale de la masculinité », in : R. Connell (éd.), Masculinités. Enjeux sociaux d’une hégémonie, op. cit., p. 59–88. Voir le chapitre « A very straight gay » dans l’ouvrage de R. Connell, Masculinities, op. cit., p. 143–163. Werner Lindner, Jugendprotest seit den fünfziger Jahren. Dissens und kultureller Eigensinn, Opladen, Leske + Budrich, 1996. Voir Kaspar Maase, « Masculinités militaires et civiles en Allemagne après la Seconde Guerre mondiale », in : A.-M. Sohn (éd.), Une histoire sans les hommes, op. cit., p. 173–185. Nous pensons notamment à l’affaire Kurt Waldheim en Autriche (1987) et aux controverses autour de la première exposition consacrée aux crimes de la Wehrmacht en 1995. Voir Ruth Beckermann, Jenseits des Krieges: ehemalige Wehrmachtssoldaten erinnern sich, film documentaire, Vienne, Döcker, 1996 ; Gehler Michael, « Die Affäre Waldheim: Eine Fallstudie zum Umgang mit der NS-Vergangenheit in den späten achtziger Jahren », in : R. Steininger / M. Gehler (Hg.), Österreich im 20. Jahrhundert, vol. 2, Vom Zweiten Weltkrieg bis zur Gegenwart, Vienne, Böhlau, 1997, p. 355–414.

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L’HISTOIRE D’UN « HOMME INCOMPLET »44 Tout comme les femmes, les hommes allemands et autrichiens se sont retrouvés après la guerre dans une position délicate parce que la défaite est aussi venue modifier en profondeur le modèle hégémonique de masculinité militarisée45. Qu’en est-il de leur retour à la vie civile ? Comment ces hommes allemands et autrichiens – leur nombre est estimé à 17 millions –, qui se sont battus pour le projet politique du nazisme et pour un nouvel « ordre européen », qui ont fait la guerre en commettant des crimes et qui ont finalement perdu, ont-ils vécu la sortie de guerre et le « retour à la normale » ? Comment les prisonniers de guerre, qui pour certains sont restés dix ans en camp de prisonniers, se sont-ils réadaptés à la vie civile après une période de vacuum biographique ? Le cas d’un ancien militaire illustre bien la complexité de « la » masculinité attribuée comme rôle social et incarnée par les acteurs : il ne s’agit pas d’un rôle figé et statique mais d’un phénomène extrêmement fluide et contradictoire46. Cet ancien capitaine de l’armée de l’air (Hauptmann der Luftwaffe) âgé de 53 ans adresse ainsi dans l’après-guerre une longue lettre à la revue Amours et Mariage (Liebe und Ehe)47, qui la publie en février 1950 dans la rubrique intitulée « Allô docteur ? Un médecin s’adresse aux hommes ». Avec beaucoup de détails, l’ancien militaire relate son histoire : jusqu’au début de la guerre, il a travaillé comme représentant d’une des plus grandes entreprises allemandes à l’étranger avec un revenu considérable de 4000 RM par mois, soit environ 30 000 € actuels. Il est à l’époque marié depuis dix ans avec une femme de dix ans sa cadette ; ils ont deux enfants. En septembre 1939, avec le déclenchement de la guerre, le quadragénaire est appelé aux armes et intégré dans la Luftwaffe, la section la plus prestigieuse de l’armée allemande. Mais un accident d’avion dans les toutes premières semaines de l’invasion allemande en Pologne le rend invalide. Ayant perdu ses testicules, alors que son pénis est resté intact, il souffre de dépression et de complexes vis-à-vis de ces camarades. Pour prévenir des moqueries dans les douches, il recourt à la chirurgie esthétique qui doit lui redonner une apparence « normale ». Parfaitement capable d’accomplir l’acte sexuel, le capitaine affirme pourtant qu’il se sent comme un « mort vivant » et un « homme incomplet » (als lebenden Toten und nicht vollwertigen Mann). Il sombre dans la dépression, fait plusieurs 44 45

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47

Le cas présenté ici de manière succincte fait l’objet d’une analyse plus poussée, assortie d’une critique des sources, dans le travail d’habilitation à diriger des recherches d’Elissa Mailänder, « Amour, mariage et rapports sexuels dans la société nationale-socialiste » (titre provisoire). Sur les masculinités de « vaincus », voir Michael S. Maier, « La masculinité vaincue : transformations de la masculinité dans les récits autobiographiques de deux anciens soldats autrichiens de la Wehrmacht (1945–1960) », in : A.-M. Sohn (éd.), Une histoire sans les hommes …, op. cit., p. 311–328. Elissa Mailänder, « Retours impuissants ? Parler du dysfonctionnement sexuel masculin en Allemagne à la sortie de guerre (1945–1951) », intervention dans le séminaire « Approches critiques des masculinités : colonialité, néolibéralisme, globalisation », EHESS, Paris, 10 mars 2014. Liebe und Ehe, 2 (1950), p. 4–6. Voir aussi Dagmar Herzog, Sex After Fascism, op. cit., p. 65– 100.

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tentatives de suicide et divorce. Réintégré dans l’armée, le capitaine est envoyé en France en 1940, il fait la connaissance d’une veuve fortunée issue d’un milieu bourgeois, avec laquelle il vit une histoire d’amour et sexuelle épanouie48. Elle lui recommande un chirurgien qui résout ses problèmes pour un certain temps. La Libération marque la fin de ce couple franco-allemand. Au début de l’année 1944, le capitaine est muté à Hambourg. Âgé de 47 ans, il rencontre une jeune femme originaire d’Allemagne du nord, de 22 ans sa cadette. Des cures d’injections hormonales lui assurent une vie sexuelle régulière. La vie continue plutôt agréablement, jusqu’à ce que la fin de la guerre change totalement la donne. Il se retrouve soudain dans la précarité : ancien cadre dans le secteur de l’ingénierie mécanique et ancien militaire, il ne trouve pas d’emploi, ce qui est probablement aussi à mettre en relation avec son dossier de dénazification. Le capitaine subvient à ses besoins grâce à la débrouille et à des « petits trafics à moitié légaux » (teils legal, teils nebenher), tournure qui fait référence au marché noir florissant dans l’Allemagne de l’immédiat après-guerre49. Il est difficile d’ignorer que son statut a drastiquement changé. Dans la période précédant immédiatement la réforme monétaire de 1948, sa « petite femme d’Allemagne du nord » (diese kleine Frau in Norddeutschland), comme il appelle sa compagne, prend la relève : c’est elle qui a ouvert en 1945 une petite épicerie avec ses parents, un commerce familial qui connaît une forte croissance. Trentenaire, elle commence à vivre difficilement la différence d’âge avec son compagnon, et rompt définitivement avec lui en 1949, après quatre ans de vie commune. Pour le capitaine, âgé alors de 53 ans, cette rupture est une expérience brutale qu’il décrit en détail dans sa longue lettre, en s’apitoyant sur lui-même. Alors que les statistiques évoquées par la revue Amours et Mariage montrent qu’en 1950, l’Allemagne occidentale compte un surcroît de 21 % de femmes – décrivant au passage tous les obstacles que ces femmes rencontrent pour trouver un compagnon –, il semblerait ici qu’elles n’étaient pas disposées à tout accepter. On peut d’ailleurs se demander comment le capitaine a réussi à cacher durant quatre ans son handicap et son infertilité, mais la précarité en Allemagne de l’immédiat après-guerre n’invite probablement pas à faire des enfants50. Vues dans une perspective d’histoire des masculinités, les cinq années et demie de guerre ont été pour la majorité des soldats allemands des années de conquêtes où ils ont joui d’une considérable liberté hétérosexuelle, qui incluait notamment des relations intimes consenties extra- ou pré-maritales. La fin de la guerre est venue largement réduire les marges de manœuvre et les espaces d’opportunités de ces 48 49 50

Le capitaine ne mentionne pas exactement où il est stationné en France ; il évoque simplement la « province ». Cf. Paul Steege, Black Market, Cold War. Everyday Life in Berlin, 1946–1949, Cambridge-New York, Cambridge UP, 2007. Contrairement à ce qui se passe dans les camps de « personnes déplacées » en Allemagne dans l’immédiat après-guerre. Voir Margarete Myers Feinstein, « Jewish Women Survivors in the Displaced Persons Camps of Occupied Germany: Transmitters of the Past, Caretakers of the Present, and Builders of the Future », Shofar. An Interdisciplinary Journal of Jewish Studies, 4 (2006), p. 67–89.

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hommes. Rien d’étonnant alors qu’à ce stade, la gestion d’un foyer familial intact devienne une ressource de valorisation sociale et de repère. Une ressource que le capitaine voit partir en fumée lorsque sa jeune compagne rompt avec lui. Sans domicile permanent, sans travail et sans économies, cet homme dans sa cinquantaine a peu de chances de reconstruire sa vie affective – on ne sait d’ailleurs rien de plus sur son devenir. Dans son souci continu d’être « à la hauteur », pris dans un processus perpétuel de hiérarchisation, de normalisation et de marginalisation, ce capitaine s’est soumis à des autocontraintes importantes. On voit par ailleurs que le corps genré est fragmentaire : à aucun moment, le capitaine n’évoque son torse, ses cicatrices ou encore sa force musculaire. La seule et unique source d’identité masculine est son sexe et sa puissance sexuelle, grâce auxquels il se définit. Rien d’étonnant à ce qu’il tente à tout prix de les restaurer en recourant à la chirurgie et à des traitements hormonaux. La puissance sexuelle et la possibilité de procréer constituent une qualité de la masculinité et peuvent être identifiées, au sens foucaldien, comme le centre masculin du souci de soi (M. Foucault). On constate enfin que même si le capitaine a déjà eu deux enfants avec sa première épouse, l’impossibilité de procréer l’écarte du reste des autres hommes : cela devient même l’une des causes de sa rupture avec sa jeune compagne. Ainsi ce capitaine a-t-il incarné tour à tour différents avatars de la masculinité hégémonique. Membre de la Luftwaffe, et donc de l’élite de l’armée hitlérienne – du moins jusqu’à la défaite –, homme d’affaires à succès dans les années précédant la guerre, cet ingénieur-capitaine incarnait tout ce dont un homme allemand pouvait rêver : succès matériel, succès professionnel, rôle de chef de famille accompli, vie sexuelle plutôt épanouie etc. Et pourtant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que pour maintenir cette position, cet homme a dû recourir à de multiples manœuvres lui permettant d’assurer une performance crédible de la masculinité et donc d’incarner le masculin – face à lui-même, face à des femmes, et face à d’autres hommes. Au travers de cet exemple, on observe les multiples relations genrées de pouvoir dans une période qui inclut à la fois la période nationale-socialiste et l’après-guerre. Cela rend visible non seulement la domination des hommes allemands sur les femmes allemandes – encore qu’il conviendrait de nuancer cela puisqu’existent des marges de manœuvre des deux côtés –, mais aussi la domination de certains hommes sur d’autres hommes. Ce cas particulier montre aussi comment un homme qui incarne une position hégémonique à une période de sa vie peut se retrouver par la suite dans une position marginalisée.

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CONCLUSION : QU’EN EST-IL DE LA « CRISE DE LA MASCULINITÉ » DES HOMMES ALLEMANDS APRÈS LA GUERRE ? Selon Pierre Bourdieu, le privilège des hommes est aussi un piège car il « est avant tout une charge »51. Sans dénigrer l’expérience, voire la crise personnelle vécue par le capitaine, peut-on pour autant parler d’une « crise » de la « masculinité allemande » au sortir de la guerre ? En plaçant la vulnérabilité du capitaine dans un champ de force social, on ne peut que se rendre compte qu’alors même que les masculinités allemandes militaires sont dénigrées, surgit une masculinité pacifiée : celle du père de famille consciencieux et travailleur, qui joue le rôle de soutien de famille. Cet homo faber, qui a évidemment lui aussi un « passé nazi », sort finalement vainqueur de la guerre, alors que les masculinités militaires, jugées trop « viriles », sont écartées, du moins temporairement. La masculinité hégémonique est donc bien fluide et relève de relations de pouvoir historiquement situées. La fertilité sexuelle masculine reste, tant dans la société allemande nationale-socialiste qu’au sortir de la guerre, un instrument puissant dans la négociation du positionnement des hommes en tant que groupe social dominant dans un ordre social genré, mais elle représente en même temps leur talon d’Achille. Dans une perspective féministe et en nous référant une nouvelle fois à l’article fondateur d’Elizabeth Heineman, on peut se demander en retour si le chaos de l’immédiat après-guerre qui, avec l’absence voire l’affaiblissement des hommes a offert des marges de manœuvre aux femmes allemandes, a vraiment été l’« heure de femmes »52. Pourquoi en revient-on en RFA dans les années 1950 à un modèle bourgeois où les mères sont au foyer et où l’homme redevient le pater familias ? Dans une perspective connellienne, il est sans doute nécessaire de considérer « les » femmes non seulement comme des victimes de circonstances politiques voire de leur « condition », mais aussi comme des vectrices de complicités qui co-construisent l’ordre social genré. C’est en cela que l’histoire des hommes et des masculinités ne peut se concevoir que comme une histoire du genre, c’est-à-dire une histoire conjointe des femmes et des hommes.

51 52

Pierre Bourdieu, La domination masculine, Paris, Seuil 1998, p. 75–76. Elizabeth Heineman, « The Hour of the Woman », op. cit.

DIE 1970ER JAHRE ALS ZÄSUR / LE TOURNANT DES ANNÉES 1970

DÉCONDITIONNER LA PLACE DES FEMMES Féminisme, genre et engagement dans les « années 1968 » Ludivine Bantigny / Anne Kwaschik Zusammenfassung Die 1970er Jahre sind im Zeichen eines tiefgreifenden sozio-ökonomischen Strukturwandels und der „Fundamentalliberalisierung“ (Habermas) auch der Höhepunkt des second wave feminism als einer transnationalen sozialen Bewegung. Trotz unterschiedlicher Dynamiken in Deutschland und Frankreich zeichnen sich die verschiedenen Frauenbewegungen durch ähnliche Interpretationsmuster der „condition féminine“ aus, die zwischen differentialistischen und egalitaristischen Positionen changieren. Auf der einen Seiten kämpften die Frauen gegen ihre Entfremdung, die sie in der „condition féminine“ repräsentiert sahen. Auf der anderen Seite bezweifelten sie – unabhängig von der aktuellen gesellschaftlichen Situation – die Existenz einer solchen „condition féminine“. Der Artikel verfolgt diese Interpretationen und Diskussionen in verschiedenen Gruppen und Milieus und im Umkreis unterschiedlicher Initiativen: für Deutschland im Aktionsrat für die Befreiung der Frau, dem Kampf der Heinze-Frauen für Lohngleichheit und den Aktivitäten der Leitstelle für die Gleichberechtigung der Frau in Hamburg; für Frankreich in den Arbeiter-Frauengruppen aus Lyon (Bibliotheken), Besançon (Lip) und Paris (11. und 12. Arrondissement). Als symptomatisch für diese Positionen werden die Auseinandersetzung der Frauenrechtlerinnen mit ersten institutionalisierten Reaktion auf ihren Kampf ausgewertet, wie dem Jahr der Frau (1975) und ersten Positionen staatlicher Frauenförderung, die als Instrumentalisierung und Festschreibung einer „condition féminine“ kritisiert werden. Der Artikel versucht, die Geschichte aus dem Blickwinkel der Frauen, die sie gemacht haben (Offen) zu lesen und versteht sich als Plädoyer, die Vielstimmigkeit ihrer Positionen zur Grundlage der Geschichtsschreibung der zweiten Frauenbewegung zu machen.

Résumé Les années 1970, marquées par un profond changement socio-économique structurel et par la « libéralisation fondamentale » (Habermas), sont aussi le point culminant de la seconde vague du féminisme en tant que mouvement social transnational. Malgré des dynamiques différentes, en Allemagne et en France, les divers mouvements des femmes sont caractérisés par des tendances similaires pour l’interprétation de la « condition féminine », qui varient entre positions différentialistes et égalitaristes. D’une part, les femmes se battaient contre leur aliénation, qu’elles voyaient représentée par la notion de « condition féminine ». D’autre part, elles doutaient – indépendamment de la situation sociale du moment – de l’existence même d’une telle « condition féminine ». L’article présente ces interprétations et ces discussions dans les différents groupes et milieux et dans des cercles d’initiatives variées : en Allemagne, au sein du Comité d’action pour la libération de la femme, dans le combat des femmes de la société Heinze pour l’égalité salariale et dans les activités du Centre de coordination pour l’égalité des droits des femmes, à Hambourg ; pour la France, au sein des mouvements des femmes travailleuses de la bibliothèque de Lyon, de la société Lip, à Besançon, ainsi qu’à Paris, dans les 11e et 12e arrondissement. La contestation, par les féministes défendant les droits des femmes, des premières réponses institutionnelles face à leur combat – telle que l’organisation d’une

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« Année de la femme » et des premières promotions de femmes dans des postes publics – est symptomatique de leur position : elles les critiquent en tant qu’instrumentalisation, mais aussi comme fixation d’une « condition féminine. L’article tente de lire l’histoire du point de vue des femmes qui l’ont véritablement faite, et se considère comme un moyen de rendre la polyphonie de leurs positions comme base de l’écriture de l’histoire du second mouvement féministe.

« La femme n’existe pas, c’est une des créations du patriarcat destinées à écraser les femmes. » Telle est la conclusion lancée par les militantes qui, en novembre 1970, mettent en œuvre le détournement des États généraux de la femme, organisés par l’hebdomadaire Elle1. La position fait écho à ce qu’écrivait déjà George Sand quelque cent ans plus tôt : « Il n’y a qu’un sexe. Un homme et une femme, c’est si bien la même chose que l’on ne comprend guère le tas de distinctions et de raisonnements subtils dont se sont nourries les sociétés sur ce chapitre-là »2. Cependant, le discours célèbre de Helke Sander en Allemagne, en proposant une lecture marxiste de l’aliénation féminine postule, en 1968 : « Nous aspirons à des conditions de vie qui supprimeraient les rapports de concurrence entre hommes et femmes. Cela ne peut advenir qu’avec une transformation des rapports de production, et par conséquent des rapports de domination, afin d’édifier une société démocratique.»3 Les années 1970, marquées par des crises et par un processus de transformation socio-économique profonde, sont aussi un moment de cristallisation pour les luttes féministes et la réflexion autour de la « condition féminine ». Le second wave feminism4 représente un élément-clé des vagues de la libéralisation et démocratisation qui touche la République fédérale et des luttes sociales qui secouent la France. Il s’agit, certes, d’un moment transnational, mais qui reste ancré dans les développements nationaux caractérisés par des dynamiques différentes5. L’article présent en tient compte, mais ne vise pas l’analyse chronologique des mouvements 1 2 3

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5

Voir à ce sujet Françoise Picq, Libération des femmes. Les années-mouvement, Paris, Seuil, 1993. Lettre de George Sand à Gustave Flaubert, 15 janvier 1867, in : George Sand, Gustave Flaubert, Correspondance. 1863–1876, Clermont-Ferrand, Éditions Paleo, 2011, p. 73. Rede von Helke Sander (Aktionsrat zur Befreiung der Frauen) auf der 23. Delegiertenkonferenz des Sozialistischen Deutschen Studentenbundes (SDS) am 13. September 1968 in Frankfurt, in : Ilse Lenz (Hg.), Die neue Frauenbewegung in Deutschland. Abschied vom kleinen Unterschied. Eine Quellensammlung, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2008, p. 59–63 (dans l’original: « Wir streben Lebensbedingungen an, die das Konkurrenzverhältnis zwischen Mann und Frau aufheben. Dies geht nur durch Umwandlung der Produktionsverhältnisse und damit der Machtverhältnisse, um eine demokratische Gesellschaft zu schaffen »). Toutes les traductions de l’allemand sont réalisées par les auteures qui remercient toutes collègues franco-allemandes pour leur soutien et les discussions autour de certains termes. Voir Charlotte Kroløkke / Anne Scott Sørensen, Gender Communication. Theories & Analyses. From Silence to Performance, Thousand Oaks, Sage Publications, 2006, chap. 1 (« Three Waves of Feminism. From Suffragettes to Girls »), p. 1–24. Pour une voix de la critique, voir Becky Thompson, « Multiracial Feminism: Recasting the Chronology of Second Wave Feminism », Feminist Studies, 2 (2002), p. 336–360. Sur le mouvement féministe en général et les différences nationales, voir Christine Bard (éd.), Les féministes de la deuxième vague, Rennes, PUR, 2012 ; Julia Paulus / Eva-Maria Silies / Kerstin Wolff (Hg.), Zeitgeschichte als Geschlechtergeschichte. Neue Perspektiven auf die Bundesrepublik, Frankfurt a. M., Campus, 2012; Kristina Schulz, Der lange Atem der Provoka-

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d’une manière compréhensive. Il part des contextes nationaux pour dégager les caractéristiques des différents discours autour de « la condition féminine » en France et en Allemagne. Ceux-ci se voient institutionnalisés sous différentes formes et ils mobilisent des engagements variés. Sans vouloir hiérarchiser et homogénéiser ces discours, l’article part du constat que ce processus de la construction des discours féministes dans les années 1970 se distingue d’autres périodes par sa polyphonie tout comme par l’ironie et l’humour des femmes qui ne réduit pas leur persévérance ni leur rigueur théorique6. On peut lire, dans les propos cités, une double position caractéristique « des années 1968 »7 : d’une part, ces féministes luttent frontalement contre l’aliénation spécifique subie par les femmes dans le cadre de l’ordre patriarcal et de la domination masculine qu’elles dénoncent ; d’autre part, elles doutent pourtant qu’il puisse y avoir une « condition féminine », précisément, en dehors de la construction qui en est faite par ceux qu’elle arrange parce qu’elle les sert. Ainsi en France lorsque, en 1974, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing, est mis en place un secrétariat d’État à la Condition féminine, d’aucunes en récusent l’appellation, car il s’agit pour elles de « déconditionner » la place des femmes et de cesser donc de l’essentialiser8. En Allemagne, le terme « la condition féminine » ne connaît pas d’équivalent propre, ce sont « les femmes » qui se voient institutionnalisées au niveau politique dans le Frauenreferat (Secrétariat des femmes), rattaché au ministère de la Famille (1972). Celui-ci change de nom en 1986 et devient, sous la direction de la ministre Rita Süßmuth (CDU), le Bundesministerium für Jugend, Familie, Frauen und Gesundheit (ministère de la Jeunesse, la Famille, des Femmes et la Santé). La nouvelle appellation apporte aussi un élargissement des fonctions9. Toujours est-il

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tion. Die Frauenbewegung in der Bundesrepublik und in Frankreich 1968–1976, Frankfurt a. M., Campus, 2002. Voir Andrée Lévesque, « Militer », in : Eliane Gubin / Catherine Jacques / Florence Rochefort / Brigitte Studer / Françoise Thébaud / Michelle Zancarini-Fournel (éd.), Le siècle des féminismes, Paris, Éditions de l’atelier / Éditions ouvrières, 2004 ; Eva-Maria Silies, « Ein, zwei, viele Bewegungen? Die Diversität der Neuen Frauenbewegung in den 1970er Jahren der Bundesrepublik », in : Sebastian Gehrig / Cordia Baumann / Nicolas Büchse (Hg.), Linksalternative Milieus und Neue Soziale Bewegungen in den 1970er Jahren, Heidelberg, Winter, 2011, p. 87–106. Sur les États-Unis, voir le film documentaire She Is Beautiful When She is Angry (États-Unis, 2014), de la réalisatrice Mary Dore. Les « années 1968 », expression communément utilisée dans l’historiographie française en particulier, désignent la période s’étirant approximativement de la fin de la guerre d’Algérie (1962) à la fin des « Trente Glorieuses » (1973–1974) pour la France, mais plus généralement l’époque marquée par l’engagement révolutionnaire et les luttes d’émancipation. Voir notamment Geneviève Dreyfus-Armand / Robert Frank / Marie-Françoise Lévy / Michelle Zancarini-Fournel (éd.), Les Années 68. Le temps de la contestation, Bruxelles, Complexe, 2000. Voir Christine Bard, « La fin de la condition féminine ? », in : Jean Garrigues / Sylvie Guillaume / Jean-François Sirinelli (éd.), Comprendre la Ve République, Paris, PUF, 2010, p. 67– 83. Depuis 1987, ce ministère est responsable de la protection de la maternité et des questions concernant l’égalité des chances et de traitement des femmes ; voir Irene Gerlach, Familienpolitik, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2009, 2e éd. (1re éd. 2004), p. 172 sq.

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que, outre cette institutionnalisation de la « condition féminine » comme partie de la politique familiale, c’est la lutte contre la discrimination qui se trouve institutionnalisée au même titre dans les postes des Gleichstellungsbeauftragten (déléguée à l’Égalité entre femmes et hommes). Ces dernières et derniers sont un résultat politique concret de la première phase du mouvement et son consciousness raising collectif dans des espaces autonomes. En étudiant quelques développements ainsi que les éléments de débats en France et en Allemagne à propos de la « condition féminine », et de la contestation de cette expression, le parti pris défendu ici vise à prendre au sérieux la définition du « genre » proposée par Joan Scott en 1986 : « Le genre est un élément constitutif des rapports sociaux fondé sur des différences perçues entre les sexes, et le genre est une façon première de signifier des rapports de pouvoir »10. Ces rapports de pouvoir sont largement mis au jour au cours des années qui suivent 1968. En cela, les engagements féministes ne sauraient être déconnectés des mouvements sociaux en général, des mobilisations étudiantes en particulier, qui jalonnent cette période. Ce sont donc les liens entre féministes et organisations des gauches réformistes et révolutionnaires qui seront analysés, mais aussi l’émergence de « groupes femmes » et de « groupes de conscience ». On pourra dès lors observer que les tensions autour de la « condition féminine », par l’analyse des discriminations sociales, économiques et culturelles, soulèvent une question politique et intellectuelle de premier ordre. LA « CONDITION FÉMININE » : UNE RÉCUPÉRATION ? « Condition féminine » : l’expression et l’idée sont mal tolérées parmi les féministes françaises et allemandes qui se réunissent dans leurs quartiers ou sur leurs lieux de travail, dans des « groupes femmes » qui se multiplient après 1968. Ou, plus précisément, la formule crée une ambiguïté. Certes, il y a une « condition féminine », disent certaines d’entre elles, comme ce groupe de femmes travaillant dans les bibliothèques de Lyon. « La condition féminine, qu’est-ce que c’est ? », s’interrogent-elles. Dans leur réponse figurent le mariage et la vie au foyer au service du mari et des enfants, la double journée de travail, les bas salaires, les postes d’auxiliaires ou de temporaires, la dévalorisation des professions dites « féminines », les licenciements qui les frappent toujours les premières en cas de crise économique. Mais l’appellation de la nouvelle secrétaire d’État à la « condition féminine », la journaliste Françoise Giroud, est contestée : « La ‹ condition féminine ›, c’est le sort fait aux femmes dans une société organisée pour et par les hommes. Cela, ni l’UNESCO ni F. Giroud ne veulent rien y changer. C’est à nous de prendre en main nos problèmes »11. 10 11

Joan Scott, « Genre : une catégorie utile d’analyse historique », Les Cahiers du GRIF, « Le genre de l’histoire », 37 (1988), p. 125–153, ici: p. 141. Des femmes travaillant dans les bibliothèques de Lyon et des environs, « Les femmes n’ont pas attendu l’ONU », mars 1975, Bibliothèque nationale de France (désormais BNF) Fol- WZ1546.

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Car la méfiance est grande à l’égard de ce président qui, certes, pour la première fois, introduit la question des femmes à l’agenda ministériel, mais contribue dans le même mouvement à réifier « la femme », « les femmes », comme si elles formaient une essence, une entité, en reconduisant les clichés. Valéry Giscard d’Estaing évoque en effet, à leur sujet, « leur désintéressement, leur générosité, leur simplicité et leur capacité d’agir pour une société meilleure et non pour des avantages immédiats »12. Pour les féministes mobilisées, c’est un double piège. D’abord parce que ce type de propos a pour effet de reproduire l’imposition de rôles sexués. Ensuite parce que la visibilité donnée aux femmes avec un portefeuille ministériel peut tout aussi bien servir à faire taire leur soulèvement. « Toutes ces fleurs qui nous sont jetées et qui ne coûtent pas cher à leurs expéditeurs, leur semblent un moyen de calmer le mécontentement grandissant des femmes »13. « Mais si c’était pour nous faire taire ? », interroge lui aussi le « groupe femmes » des XIe-XIIe arrondissements de Paris ; et si c’était là une manière de donner acte à l’image des « femmesfleurs, femmes-enfants, femmes-épouses ou femmes-mères »14 ? Enfin, la vigilance se mue en hostilité ouverte face aux propos et propositions de Françoise Giroud. Lors de l’émission du 30 novembre 1975 sur Antenne 2, consacrée à l’Année de la Femme, le présentateur Bernard Pivot invite la secrétaire d’État à la Condition féminine. Interrogée sur la misogynie de certains maris, Françoise Giroud lance à propos de leurs épouses : « Ah, mais je crois qu’elles aiment ça ! » A propos de la chanson « Mon homme » de Mistinguett que Françoise Giroud est invitée à commenter – et qui comprend notamment ces paroles : « I’m’fout des coups, I’m’prend mes sous, je suis à bout », elle lance : « Mais c’est une chanson d’amour ! » Dans le film de la réalisatrice féministe Carole Roussopoulos, Maso et Miso vont en bateau (1975), ces passages provocateurs sont insérés et détournés. Les auteures du film reviennent ainsi sur une certaine acception de la « condition féminine » selon sa représentante officielle et ministérielle qui se révèle in fine très misogyne : « Elle ne peut qu’incarner la condition féminine, oscillant entre la nécessité de plaire (féminisation – Maso) et le désir d’accéder au pouvoir (masculinisation – Miso) ». D’où la formule d’ouverture qui sert d’amorce au film : « Nous avons toujours pensé que le secrétariat à la Condition féminine et l’Année de la femme étaient une mystification. En voici une preuve officielle »15. C’est donc bel et bien à un « déconditionnement » que ces féministes en appellent, et non à une reproduction du terme même de « condition ». En Allemagne, l’évolution est marquée d’une double dynamique. D’un côté, le portefeuille ministériel se fait attendre jusque dans les années 1980. En 1972, le Frauenreferat établi en 1950 auprès du ministère de l’Intérieur est rattaché au ministère de la Famille16. La « condition féminine » est entendue comme partie (du 12 13 14 15 16

Ibid. Ibid. Groupe femmes XIe-XIIe, « L’année internationale de la femme ? Et si c’était un piège ? », 2 mars 1975, BNF 4-WZ-13312. Voir les travaux d’Hélène Fleckinger et sa thèse à paraître aux Presses universitaires de Rennes sur les rapports entre cinéma, vidéo et féminisme (France, 1968–1981). Voir Christiane Kuller, Familienpolitik im föderativen Sozialstaat. Die Formierung eines Poli-

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moins) plus négligeable de la politique familiale, au même titre que la jeunesse ou les questions sociales. À la visibilité faible de ce Referat s’ajoute la compréhension marginalisante (et quelque peu méprisante) de sa mission telle qu’elle se traduit dans la formule célèbre du chancelier Gerhard Schröder – qui s’y référait en 1998 à « la famille et tout le bataclan »17. Il n’en demeure pas moins que « le bataclan » a pris une dimension politique réelle, non seulement au niveau fédéral, mais dans les différents pays et au sein des villes, à partir des années 1980. Toujours est-il que la récupération politique se fait parallèlement aussi à l’échelle locale. L’évolution allemande connaît, en plus de l’intégration d’une dimension féminine à la politique familiale, une deuxième référence institutionnelle à la « condition féminine », à savoir la création des Gleichstellungsbeauftragte. L’idée d’une assimilation des femmes et de la nécessité de promouvoir et de soutenir d’une manière active leur intégration fut à l’origine d’une notion de mission à accomplir par la politique. Le premier centre de coordination pour l’égalité des droits des femmes (Leitstelle für die Gleichberechtigung der Frau), sous la tutelle d’Eva Rühmkorf (SPD), vit le jour à Hambourg à la fin des années 1970. Son but était la mise en œuvre du principe constitutionnel d’égalité des femmes aux niveaux étatiques, économiques et sociaux. Bien que le centre de coordination ne disposât d’aucun pouvoir exécutif, ses succès furent remarquables, mais aussi caractéristiques du travail dans le domaine de l’égalité des droits. Son influence crût progressivement et les premiers succès se cristallisèrent : une part fixe du budget du Land fut octroyée aux centre d’accueils pour femmes (Frauenhäuser), à Hambourg des policières furent autorisées à exercer au poste de police (Polizeiwachen) et un premier débat public au sujet de la prostitution fut lancé. Bien entendu, il s’agissait de guider une prise de conscience de la discrimination ainsi qu’une mobilisation de l’opinion publique envers des sujets tabous, mais cela constituait aussi un soutien personnel aux femmes. Le travail pour l’égalité des chances prit également une dimension constitutionnelle. À Hambourg, les femmes commencèrent par établir des statistiques, car il n’existait pas de chiffres qui traitent des femmes et des hommes séparément et qui puissent ainsi servir de preuve de la discrimination. Ceci fut à la base d’une initiative novatrice. En coopération avec le juge de la Cour constitutionnelle, Ernst Benda, un rapport d’expertise sur la promotion des femmes dans la fonction publique fut rédigé au milieu des années 1980. S’appuyant sur la « sous-représentation des femmes à des postes plus élevés », il discutait la possible introduction de quotas et leur rôle éventuel, et il participait de l’écriture de « l’histoire de l’égalité »18. « Certains pensaient que nous courions juste dans tous les sens en salopettes violettes et qu’on avait brûlé nos soutiens-gorge – mais nous avions travaillé dur », 17

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tikfeldes in der Bundesrepublik 1949–1975, München, Oldenbourg Verlag, 2004, p. 85 s. Gerhard Schröder, alors candidat à la chancellerie, cherchait pour son futur cabinet une ministre de la famille, des personnes âgées, des femmes et de la jeunesse. Il annonça lors d’une réunion de fraction parlementaire du SPD au Bundestag en 1998 à Christine Bergmann, parlementaire du SPD et ancienne sénatrice du Travail au Sénat de Berlin : « Tu recevras le ministère de la famille et de tout le bataclan (Gedöns). » Ernst Benda, Notwendigkeit und Möglichkeit positiver Aktionen zugunsten von Frauen im öf-

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se souvient Eva Rühmkorf trente ans plus tard19. Le centre de coordination de Hambourg fut un modèle pour de nombreux Länder et municipalités de la République fédérale d’Allemagne qui nommèrent, dans les années 1980, des représentants pour la condition féminine et l’égalité des droits des femmes20. Organisées par les femmes pour les femmes dans des espaces publics, les initiatives locales de la Gleichstellung obtinrent non seulement des résultats concrets, mais contribuèrent largement à la démocratisation de l’Allemagne de l’Ouest21. Or, les récupérations politiques se jouent aussi sur l’échelle globale. En 1975, l’« Année internationale de la femme » est décrétée par l’ONU en réponse aux mouvements féministes internationaux. Les douze mois consacrés à une action intensive pour promouvoir le droit des femmes dans le monde sont très critiqués par de nombreuses féministes qui y voient une récupération, sans effet concret. Au contraire, l’initiative permet selon elles de se dédouaner à bon compte : mais la page sera vite tournée et, après l’année de la femme, on passera à d’autres causes, à autre chose. Certaines l’imaginent avec dérision : après l’Année de la femme en 1975 seront peut-être organisées en 1976 « l’Année du chien, le plus fidèle ami de l’homme » et en 1977 « l’Année du cheval, la plus noble conquête de l’homme »22. Elles ironisent donc, par un jeu de mots – car l’humour est un trait essentiel du féminisme durant cette période : « ONU soit qui mâle y pense ». Ou bien elles chantent : « Les hommes savent plus quoi faire / Pour nous remettre au pas / Voilà qu’ils nous libèrent / Il ne manquait plus qu’ça ». Que des responsables politiques se mettent en tête de « libérer la femme » leur semble suspect ; elles craignent l’instrumentalisation de leurs luttes et leur affaiblissement. Pour les féministes, « chaque année est une Année de la femme », remarque la syndicaliste Claudia Pinl, dans son rapport d’activités du comité allemand pour l’Année de la femme23. Pour cette dernière, l’initiative représente aussi une manœuvre de diversion. Elle insiste sur les effets dévastateurs de la récession économique qui – en concomitance avec l’Année de la femme – avait quasiment exclu les femmes de certains domaines professionnels depuis quelques années. Le taux de chômage chez les femmes était chaque mois significativement plus élevé que le taux de chômage chez les hommes (notamment à la fin septembre 1975 : hommes, 3,7 % ; femmes, 5,5 %). Les prestations de chômage (auxquelles toute personne qui, dans un cadre spécifique, a payé une cotisation à l’assurance-chômage peut pré-

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fentlichen Dienst. Rechtsgutachten erstattet im Auftrag der Senatskanzlei, Leitstelle Gleichstellung der Frau der Freien und Hansestadt Hamburg, Hamburg, 1986. Insa Gall / Eva Eusterhus, « Mit Diplomatie gegen antiquierte Rollenbilder. Vor 30 Jahren gründete Hamburg die Leitstelle Gleichstellung der Frau. Die erste Chefin Eva Rühmkorf (SPD) erinnert sich », Die Welt, 7 mars 2009. Beate Hoecker, Frauen, Männer und die Politik, Bonn, Dietz, 1998. Pour l’idée d’une « Fundamentalliberalisierung » (Habermas) comme paradigme de la période 1959–1973/74, voir : Ulrich Herbert (Hg.), Wandlungsprozesse in Westdeutschland. Belastung, Integration, Liberalisierung 1945–1980, Göttingen, Wallstein, 2002. Catherine Deudon, Un mouvement à soi. Images du mouvement des femmes, 1970–2001, Paris, Syllepses, 2003, p. 55. Claudia Pinl, « Das Internationale Jahr der Frau und die Bundesrepublik. Eine vorläufige Bilanz », Gewerkschaftliche Monatshefte, 11 (1975), p. 678–685.

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tendre) ne furent versées aux mères de jeunes enfants et d’enfants en âge scolaire qu’après que celles-ci aient prouvé au bureau du travail, par la signature d’un tiers, que les enfants étaient pris en charge pendant les heures normales de travail et que la mère demeurait ainsi entièrement disponible pour le marché du travail. Parallèlement à la rhétorique de l’« Année de la femme », les possibilités d’emploi pour les femmes se détériorèrent dramatiquement, tandis que l’idéologie du « double rôle » avait le vent en poupe, dans le contexte d’une renaissance conservatrice de la femme au foyer (Hausfrau) en Allemagne. Les médias célébraient ces femmes dans le sillage de l’étude très débattue que la sociologue Helge Pross avait menée pour le compte du magazine féminin Brigitte en 197524. Katharina Focke, ministre socialiste de la Famille, posa en toute sincérité – au sujet du sentiment d’infériorité des femmes sur les lieux de travail (une conclusion de l’étude) – la question suivante : « Faut-il laisser les femmes au foyer rester de leur avis – ou leur ouvrir les yeux par la force ? »25. Le « cadeau que les hommes, par mauvaise conscience, avait fait aux femmes » se révéla un cadeau empoisonné. Il n’est pas étonnant que le nouveau mouvement des femmes n’ait pas participé aux actions que la ministre Focke prit soin de qualifier « d’aucun défi lancé aux hommes »26. La « condition féminine », contre laquelle les féministes s’insurgeaient, tenait donc bien à cette assignation faite aux femmes, qui les réduisait le plus souvent à être des objets. Dès lors, refuser cette « condition », c’était aussi une manière de devenir sujet. C’est pourquoi elles s’écriaient : « Déconstruisons l’institutionnalisation de la lutte des femmes »27, car elles y voyaient une autre forme de dépossession et d’objectivation. Dans « Une habile action concertée qui a travaillé à faire du mouvement des femmes une mode et ainsi à lui couper son élan », l’écrivaine est-allemande Irmtraud Morgner reconnut rétrospectivement le danger d’une « Année de la femme » 28.

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Dans son étude de 1975, Pross avait interrogé 1 200 femmes au foyer sans activité salariée. Elle donna ainsi une voix à l’un des plus grands groupes de femmes en Allemagne de l’Ouest. Pross mit en évidence « leur travail de sous-traitance pour la société active » (ihre Zuliefererdienste für die Erwerbsgesellschaft) et reconnu en même temps aux femmes, sur la base d’auto-évaluations, une satisfaction subjective ; voir Helge Pross, Die Wirklichkeit der Hausfrau. Die erste repräsentative Untersuchung über nichterwerbstätige Ehefrauen, Reinbek, Rowohlt, 1975. Sur Helge Pross, voir également Evelyn Tegeler, Frauenfragen sind Männerfragen. Helge Pross als Vorreiterin des Gender-Mainstreaming, Opladen, Leske und Budrich, 2003. « Heile Welt. Erstmals erforschten Soziologen, wie sich Deutschlands Hausfrauen fühlen. Über die Ergebnisse stritten letzte Woche in Hamburg Gegner und Befürworter der Frauenemanzipation », Der Spiegel, n° 10, 4 mars 1974 : une femme interrogée sur deux (entre 18–54 ans) est convaincue « qu’elle ne serait jamais en mesure de remplacer son mari au travail », même avec une formation appropriée. Pinl, op. cit. Voir ici aussi pour les membres du conseil d’administration qui comprennent l’évêque catholique Heinrich Tenhumberg (Munster) ainsi que le président de la Fédération nationale des organisations patronales allemandes (BDA), Hanns Martin Schleyer. Tract signé « D’autres femmes », 1975, Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (désormais BDIC) / F delta res 704/1/6. Irmtraud Morgner, « Das letzte Interview (1989) », Emma, 1er février 1990.

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DES FEMMES EN LUTTE Dans les grandes grèves et luttes sociales qui marquent en France les années 1970, les femmes occupent une place centrale. À cet égard, la longue mobilisation chez Lip – une entreprise de fabrication de montres et d’horloges située à Besançon – est significative d’une prise de parole tout à la fois féminine et féministe. À partir de 1973, les travailleuses et travailleurs de cette entreprise, menacés par un dépôt de bilan et donc une fermeture, entrent en grève. Mais elles – et ils – emploient rapidement un mode d’action qui rendra leur combat célèbre dans toute la France et au-delà : l’autogestion, avec le slogan « On fabrique, on vend, on se paie ». Lip ouvre un champ de possible : l’imagination d’une usine sans patron. Or les femmes sont très présentes au sein de l’entreprise : elles représentent 50 % du personnel et occupent souvent les échelons les plus bas de la hiérarchie. Pleinement partie prenante de la grève autogestionnaire, ces femmes se réunissent aussi entre elles pour parler de leur situation singulière, comme femmes et comme employées ou ouvrières. Leurs témoignages donnent une bonne idée de leur difficulté à ne pas être enfermées dans une certaine « condition féminine » et de leur détermination à la dépasser. C’est par et dans la lutte elle-même qu’elles parviennent à le faire, comme si la mobilisation était un révélateur et un catalyseur. En une phrase, ces femmes engagées résument ce rapport tendu : « nous et tant d’autres femmes, souvent plus réticentes, plus passives, moins formées que les hommes à la lutte, nous sommes arrivées, grâce au conflit, à une prise de conscience extraordinaire »29. Dans le même mouvement, elles expriment donc leur vision des femmes comme infériorisées et se sentant souvent peu légitimes, mais aussi le changement qu’apporte la grève dans cette représentation. L’une d’elles, Georgette, manifeste également un détachement à l’égard des qualités que les femmes sont supposées avoir, la douceur et la tendresse : « Nous à qui on répète depuis l’enfance que nous devons être amour, dévouement, harmonie, il a fallu apprendre à nous battre »30. Dans un dialogue, elles s’interrogent : au début de la grève, les femmes sont d’abord les plus réticentes à se lancer dans le mouvement ; elles en questionnent les raisons. Peut-être les femmes attachent-elles plus d’importance que les hommes au travail, peut-être sont-elles plus « minutieuses » ? Mais encore une fois, pourquoi ? Pourquoi « la femme » serait-elle dans une certaine mesure plus docile et plus respectueuse des relations d’autorité et de domination qui règnent dans la sphère de travail ? « Peut-être parce que le chef l’attend au tournant. Mais n’est-ce pas aussi parce qu’elle espère ainsi s’affirmer, faire ses preuves dans le domaine du travail, montrer qu’elle est capable d’être autre chose qu’une femme au foyer ? », répond Jacqueline31. Ce qu’il y a de passionnant ici, c’est que l’engagement crée une sorte de maïeutique : il permet un dévoilement de la situation faite aux femmes. Et cette

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Collectif, Lip au féminin, Paris, Syros, 1977, p. 14. Ibid., p. 14. Ibid., p. 31.

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révélation s’opère aussi par le fait de se retrouver – de manière mixte ou entre femmes – pour prendre du recul sur la lutte32. Ce recul permet une interrogation sur les femmes, mais également sur les hommes, et en particulier sur les injonctions qui leur sont faites à eux aussi. Par exemple, Monique explique : « Nous avons tous des idées inculquées, qu’on soit homme ou femme. Par exemple, on m’avait toujours laissé entendre : un homme, c’est fort et courageux, et j’y croyais. Mais lors de l’envahissement de notre usine par les CRS, j’ai vu des hommes que je tenais pour des lutteurs, avoir peur, refuser tout affrontement. J’ai été déçue et j’ai eu du mal à l’admettre. Je les ai mal jugés et puis j’ai réfléchi : l’homme n’a pas de raison d’être plus courageux que la femme ; de même que, dans un autre ordre d’idée, la femme n’a pas de raison d’aimer mieux faire le ménage que l’homme »33. Sans que le mot s’impose encore alors, Monique Piton éclaire avec justesse ce qu’est le « genre » : une construction sociale des rôles masculins et féminins, un ensemble d’assignations et de fonctions attribuées selon le sexe. Mais elle souligne également que l’oppression sexiste existe au cœur des luttes ; c’est pourquoi, pour mieux faire entendre ce que subissent les femmes, elle remplace le mot « femmes » par le mot « arabes » et « hommes » par « blancs » : « Les grands chefs sont des « blancs ». Il n’y a pas de grands chefs arabes. Les grands chefs blancs pensent, réfléchissent et parlent. Nous, les Arabes, on pense – moi, je le sais puisque je suis un Arabe –, on réfléchit, mais les grands chefs blancs, ils ne peuvent pas le savoir qu’on réfléchit puisqu’on n’a jamais le droit de dire à quoi on a réfléchi »34. Par une telle analogie, éminemment provocatrice, Monique Piton montre combien ce qui est imposé aux femmes est peu visible : il faut une certaine subversion pour le révéler. Le rapprochement donne aussi une bonne indication sur le fait que les ouvrières comme les ouvriers spécialisés (OS), souvent immigrés, subissent des formes de domination semblables, mais s’y opposent aussi par leurs engagements – comme les femmes, les OS sont très présents dans les grèves ouvrières des années 1970. Ce que Monique Piton explique n’est autre que « le rapport de concurrence et d’exploitation » dans sa lecture marxiste qui mobilise le mouvement féministe en RFA. En République fédérale d’Allemagne, le mouvement féministe, à ses débuts, était une réaction des femmes de gauche à l’intérieur du mouvement étudiant à prédominance masculine. Il n’en demeure pas moins qu’ici aussi l’engagement incarnait une forme de maïeutique collective et solidaire. L’Aktionsrat zur Befreiung der Frau (Comité d’action pour la libération de la femme), qui se réunissait tous les mercredis au Club républicain à Berlin, voulait saisir les bases de l’oppression des femmes au niveau théorique également. Il rendait les femmes, au moins pendant trois jours, confiantes et heureuses : « Quand je rentre à la maison le mercredi soir, je me sens si heureuse, et ce sentiment persiste le jeudi, le vendredi, et le samedi. 32 33 34

Sur le travail et les engagements des ouvrières dans d’autres entreprises à partir de 1968, voir Fanny Gallot, En découdre. Comment les ouvrières ont révolutionné le travail et la société, Paris, La Découverte, 2015. Collectif, Lip au féminin, op. cit., p. 72. Voir le film de Carole Roussopoulos, Lip : Monique, 1973.

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Le dimanche cette confiance en moi s’affaiblit et à partir du lundi je ne me réjouis plus que pour le mercredi », se souvient une participante35. Confiantes en la conception antiautoritaire du mouvement de protestation, les femmes n’étaient pas préparées à ce que leurs préoccupations soient rejetées36. Après qu’elles furent découragées de présenter un exposé de leurs positions lors d’une conférence, Helke Sander proclama dans un discours emblématique à la 23e Conférence des délégués de l’Union estudiantine socialiste allemande (SDS), en septembre 1968 à Francfort sur le Main, la « condition féminine » comme le résultat de rapports d’exploitation. Elle ne se référait pas uniquement aux structures de la société, mais critiquait directement le traitement des femmes dans le SDS : « Séparer un domaine particulier de la vie de sa dimension collective et sociétale, c’est le tabouiser en le nommant vie privée. Dans ce processus de tabouisation, le SDS ne se différencie en rien des syndicats et des partis établis. Cette tabouisation a pour conséquence de refouler les rapports d’exploitation qui régissent la vie des femmes, et par là même de garantir aux hommes qu’ils ne devront pas abandonner leur ancienne identité acquise grâce au patriarcat. On peut garantir la liberté parole pour les femmes, mais ne pas en analyser les fondamentaux : pourquoi leur est-il si difficile de faire leur preuve, pourquoi sont-elles aussi passives, pourquoi sont-elles capables d’exécuter la politique de l’association, mais ne sont-elles pas en mesure de la définir ? »37

Sander repoussait l’ajustement, ou respectivement l’intégration des femmes dans le système existant. « L’‹ émancipation › ainsi comprise ne cherche qu’à obtenir une égalité dans l’injustice, et par le biais des principes de concurrence et de performance que nous récusons. »38. Sa conception de l’amélioration de la situation des femmes appelait à un changement structurel de la société et à l’abolition de la séparation des sphères publiques et privées. À la fin du discours, Sigrid Rüger jeta une tomate pour forcer un débat sur la question39. Plus de trente groupes de femmes 35 36

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Ute Kätzel, Die 68erinnen. Porträt einer rebellischen Frauengeneration, Berlin, Rowohlt, 2002, p. 167. Sur le sexisme, voir le film d’Helke Sander, Der subjektive Faktor (1981) ; pour la réalisatrice Sander, voir Richard W. McCormick, « Re-Presenting History: The Subjective Factor by Helke Sander », in: R. W. McCormick (ed.), : Politics of the Self: Feminism and the Postmodern in West German Literature and Film, Princeton, NJ, Princeton UP, 1991, p. 207–228. Rede von Helke Sander, op. cit. (dans l’original : « Nämlich dadurch, daß man einen bestimmten Bereich des Lebens vom gesellschaftlichen abtrennt, ihn tabuisiert, indem man ihm den Namen Privatleben gibt. In dieser Tabuisierung unterscheidet sich der SDS in nichts von den Gewerkschaften und den bestehenden Parteien. Diese Tabuisierung hat zur Folge, daß das spezifische Ausbeutungsverhältnis, unter dem die Frauen stehen, verdrängt wird, wodurch gewährleistet wird, daß die Männer ihre alte, durch das Patriarchat gewonnene Identität noch nicht aufgeben müssen. Man gewährt zwar den Frauen Redefreiheit, untersucht aber nicht die Ursachen, warum sie sich so schlecht bewähren, warum sie passiv sind, warum sie zwar in der Lage sind, die Verbandspolitik mit zu vollziehen, aber nicht dazu in der Lage sind, sie auch zu bestimmen. ») Ibid. (dans l’original: « Die so verstandene Emanzipation erstrebt nur eine Gleichheit in der Ungerechtigkeit und zwar mit den von uns abgelehnten Mitteln des Konkurrenzkampfes und des Leistungsprinzips. »). Voir Ulrike Marie Meinhof, « Die Würde des Menschen ist unantastbar », Konkret, 7 octobre 1968. Pour une version en ligne, voir http://www.frauenmediaturm.de/themen-portraets/chronik-

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furent fondés. Lors de la conférence suivante des délégués du SDS circula le fameux « Schwänzeflugblatt » (tract des queues)40. Une solidarité et des stratégies de lutte communes se cristallisèrent, et un domaine d’action spécifique du mouvement des femmes se dessina. Celui-ci visait le dépassement de la société patriarcale et devait dissoudre la « condition féminine » – à travers la mise en place de Kinderläden (crèches autogérées antiautoritaire). La forme d’éducation qui devait y être testée allait servir le libre développement de la personnalité et, au même titre, la transformation de la société par l’abolition de la « condition féminine ». À Berlin, après que les premières crèches autogérées aient été ouvertes en 1967, « l’affaire » fut « assez rapidement » arrachée des mains des femmes. Le Conseil d’action fut même banni41. Or l’expérience de méthodes d’éducation antiautoritaire faisait désormais office d’élément constitutif du milieu gauchiste en République fédérale42. Avant la campagne pour l’avortement en 1971, le mouvement des crèches autogérées représentait un moteur du mouvement de protestation dans les milieux estudiantins ainsi qu’un mode de vie. Mais le mouvement des crèches autogérées répondait également au fait que l’éducation préscolaire n’était pas considérée comme une tâche publique en République fédérale, mais « structurée » comme une tâche privée et une responsabilité de la mère. En 1965, seuls 30 % des enfants obtinrent une place en crèche en RFA, contre 70 % en France et 50 % en Italie. Environ 75 % des places pourvues n’avaient d’ailleurs pas été fournies par l’État, mais par des Églises et d’autres organismes43. De l’autre côté des barricades, dans les usines, « là où le conflit d’intérêts entre travail et capital éclatait de façon encore plus évidente », ce fut la discrimination salariale qui focalisa les débats sociaux : 29 employées auprès du département de développement de film de la société photographique Heinze, de Gelsenkirchen, portèrent plainte pour réclamer un salaire égal à travail égal, et furent soutenues à partir de 1979 par un mouvement de solidarité qui attira l’attention à l’échelle nationale. « Ici – comme passées à la loupe – se reflètent toutes les autres formes de discrimination. Ici, il devient évident à quel point le travail des femmes est sous-payé et sous-estimé. », déclarait Gisela Kessler, secrétaire femme du comité directeur d’IG

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der-neuen-frauenbewegung/vorfruehling-1968–1970/die-frauen-im-sds/ (consulté le 26 mai 2015). Pour une reproduction de ce tract, voir « Rechenschaftsbericht des weiberrats der gruppe frankfurt (November 1968) », in : Lenz (Hg.), Die neue Frauenbewegung, op. cit., p. 64 s. Le texte énonçait : « Libérons les éminences socialistes de leurs queues bourgeoises. » (dans l’original : « Befreit die sozialistischen Eminenzen von ihren bürgerlichen Schwänzen. ») Voir également les mémoires d’Helke Sander, Kätzel, Die 68erinnen, op. cit., p. 169 ; sur les réactions mitigées face à la provocation parmi les femmes, voir Schulz, Der lange Atem der Provokation, op. cit, p. 88 sq. Pour l’analyse du milieu et des biographies des membres du weiberrat à Francfort, voir Morvarid Dehnavi, Das politisierte Geschlecht. Biographische Wege zum Studentinnenprotest von ‹ 1968’ › und zur Neuen Frauenbewegung, Bielefeld, Transcript, 2013. Kätzel, Die 68erinnen, op. cit., p. 167. Sven Reichardt, Authentizität und Gemeinschaft. Linksalternatives Leben in den siebziger und frühen achtziger Jahren, Berlin, Suhrkamp, 2014, p. 721 s. Ibid., p. 722 s.

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Druck und Papier (le syndicat des imprimeurs) de 1971 à 1991, et jusqu’en 1995, vice-présidente de l’IG Medien (le syndicat des médias). Dans la chambre noire, un collègue avait laissé traîner ses fiches de paie qui étaient devenues la preuve de l’inégalité des salaires : « Dans la lutte pour des salaires plus élevés et pour l’égalité salariale, il est question de plus que de quelques centimes ; il en va également de la confiance en soi-même auprès des personnes qui travaillent ; ainsi que d’une société différente et meilleure que celle que le capitalisme offre ou n’a jamais eu à offrir. […] Chers collègues hommes, venez et battez-vous avec nous, pour vous ! »44. La Cour fédérale travail statua que les femmes toucheraient la même indemnité tarifaire complémentaire (übertarifliche Zulage) que les hommes. Le jugement avait confirmé que, pour les femmes, le marché du travail de la République fédérale était anticonstitutionnel. Les femmes de la société Heinze devinrent des symboles : « Porter plainte, persévérer, obtenir raison », même si – comme l’avaient déjà remarqué des esprits critiques à l’époque – dans le cas de figure, l’entreprise s’était restructurée de façon à ce qu’au moment du prononcé du jugement envers les employeurs, la discrimination ne prit que des formes nouvelles45. LES FEMMES : ESSENCE ET DIFFÉRENCES ? Si la discrimination des femmes à l’université et dans les entreprises était évidente, les explications et les mesures à prendre l’étaient moins. On le voit, l’enjeu qui s’exprime dans les prises de position sur la « condition féminine » repose dans une tension majeure entre essentialisme et différentialisme. L’essentialisme néglige la profonde diversité sociale, économique et culturelle qui règne parmi les femmes pour privilégier une identité féminine supposée. Le différentialisme affine cette position, en mettant en exergue ce qui distinguerait les femmes des hommes. La question était loin d’être réglée par le constat de Simone de Beauvoir : « On ne naît pas femme. On le devient. ». Au milieu des années 1970, différentes influences venant des États-Unis et de France se trouvaient en concurrence en RFA pour repenser les rapports entre hommes et femmes, afin d’identifier des stratégies de lutte46. À une première phase 44

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Gisela Kessler, « Der Kampf der Heinze-Frauen », in : Dorothea Müller / Holger Menze / Jörg Wollenberg (Hg.), Das Wunder von Hörste. 50 Jahre politische Bildung. Ein Lese-Bilder-Buch, Hamburg, VSA Verlag, 2004. (dans l’original: « Hier – wie durch ein Brennglas gebündelt – spiegeln sich alle anderen Diskriminierungen wider. Hier eben zeigt sich, wie sehr die Arbeitskraft der Frauen unterbezahlt und unterbewertet wird »; « Beim Kampf um mehr Lohn und um Lohngleichheit geht es um mehr als ein paar Pfennige; es geht gleichermaßen um das Selbstbewußtsein der arbeitenden Menschen; hin zu einer anderen, für uns besseren Gesellschaft als es der Kapitalismus je war oder ist. […] Kollegen, Männer kommt her und kämpft mit uns für Euch! ») Christine Becker, « Allein hätte keine durchgehalten: Urteil im Heinze-Prozeß », Courage. Berliner Frauenzeitung, 10 (1981), p. 8–11 (dans l’original: « Klagen, Durchhalten, Recht bekommen ».) Voir également le dossier de Marianne Kaiser (Hg.), Wir wollen gleiche Löhne! Dokumentation zum Kampf der 29 « Heinze »-Frauen, Reinbek, Rowohlt, 1980. Schulz, Der lange Atem der Provokation, op. cit., p. 44 sqq.

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consacrée plutôt aux projets concrets, succéda une phase de réflexion plus théorique, à laquelle participaient notamment les réseaux autour des deux revues Courage et Emma, fondées en 1976 et 1977. L’ouvrage de Simone de Beauvoir, dont la traduction en allemand avait déjà été publiée en 1951 sous le titre révélateur Das andere Geschlecht. Sitte und Sexus der Frau, connut une réception tardive par le mouvement féministe, et celle-ci fut principalement animée par Alice Schwarzer. C’est Schwarzer aussi qui proposa une traduction de la première phrase du Deuxième Sexe mettant l’accent sur la construction sociale des sexes. Alors que la traduction de 1951 le formulait ainsi : « Man kommt nicht als Frau zur Welt, man wird es. », Schwarzer traduisait par : « man wird dazu gemacht. » La première phrase exprimait non seulement le supposé existentialiste, mais aussi l’hypothèse selon laquelle la femme gère et organise sa vie selon son propre gré. Grâce à cet acte de volonté a priori, elle peut échapper à son « destin » supposé47. À partir de cette idée, la fonction de S. de Beauvoir en RFA fut moins de fournir un cadre de référence théorique qu’une narration de légitimation. En se référant à ce texte, on s’inscrivait dans une tradition intellectuelle. Comme l’a analysé l’historienne suisse Kristina Schulz, c’est la parution des mémoires de S. de Beauvoir qui a déclenché les lectures allemandes. Tandis qu’en France, les rapports entre féminisme et sexualité postulés par de Beauvoir faisaient scandale (notamment à partir du deuxième chapitre), le livre fut lu en Allemagne de l’Ouest comme un manuel pour femmes désirant mener leur vie d’une manière indépendante et autodéterminée – ce qui amènerait à une participation égale dans la société48. Si S. de Beauvoir explique la « condition féminine » pour saisir la discrimination économique, culturelle et juridique, elle n’entend pas résoudre le problème des possibilités d’acculturation des femmes. Ainsi, même les courants politiques qui, à gauche, entendent lutter pour l’émancipation des femmes, ne parviennent pas tout à fait à se détacher de postures essentialisantes. C’est pourquoi ils font l’objet de critiques parmi les féministes – elles-mêmes divisées sur le sujet. Par exemple, Yvette Roudy, secrétaire nationale à l’Action féminine au Parti socialiste49, juge qu’il serait absurde, dans la vie politique, de se priver du regard singulier que porteraient les femmes sur « les choses de la vie » ; grâce à elles, on éviterait nombre d’erreurs, notamment en matière de cadre de vie : « Car si les femmes sont absentes des lieux de décisions, elles sont très présentes sur les lieux d’exécution, et aux premières loges pour connaître des problèmes de la vie quotidienne. Elles auraient sûrement beaucoup à dire sur nombre de décisions prises par nos jeunes et brillants technocrates ou certains ma47

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Voir Anne Kwaschik, « Selbstentwürfe intellektueller Frauen als Herausforderung an die Intellektuellengeschichte: Am Beispiel von Simone de Beauvoir und Colette Audry », in: Stephanie Bung / Romana Weiershausen (Hg.), Querelles-Jahrbuch 2010: Simone de Beauvoir, Göttingen, Wallstein, 2010, p. 165–181. Voir Sylvie Chaperon, Les années Beauvoir (1945–1970), Paris, Fayard, 2000 ; Ursula Konnertz, « Simone de Beauvoir, Das andere Geschlecht », in : Martina Löw / Bettina Mathes (Hg.), Schüsselwerke der Geschlechterforschung, Wiesbaden, VS Verlag für Sozialwissenschaften, 2005, p. 26–58. Elle sera ministre des Droits de la femme à partir de 1981.

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tamores des arènes du pouvoir »50. On mesure la complexité du problème : il s’agit pour Yvette Roudy d’en appeler à une place bien plus grande des femmes dans les postes à responsabilités politiques ; mais ce faisant, cette militante des droits des femmes au sein du Parti socialiste participe à faire des femmes une catégorie à part entière, qui aurait des vertus et des qualités spécifiques. Cette tension est plus flagrante encore au Parti communiste français. En 1968, Jeannette Vermeersch, alors membre du Bureau politique du PCF, déclare que « la femme doit pouvoir s’épanouir comme travailleuse, mère et citoyenne »51. Cette tripartition de la fonction féminine est reproduite à de nombreuses reprises dans les textes et discours tenus par les dirigeant-e-s du Parti. Ainsi dans les Cahiers du communisme, en 1970, retrouve-t-on la formule presque au mot près, sous la plume de Mireille Bertrand, membre du Comité central : « Depuis 50 ans, le PCF a mené la lutte pour l’émancipation de la femme, pour lui permettre de concilier ses rôles de citoyenne, de mère et de travailleuse »52. Ce qu’il y a là de notable, c’est que la femme est toujours associée à la maternité. Or ce postulat délaisse évidemment les femmes qui n’ont pas d’enfants, comme s’il allait de soi que la vocation féminine soit d’être mère. De surcroît, cette assimilation ne trouve jamais son équivalent pour les hommes : ceux-ci ne sont jamais définis ou caractérisés en tant que pères. En fait, Jeannette Vermeersch le souligne en évoquant explicitement la « condition féminine » : « il faut prendre la condition de la femme telle qu’elle est, le fait qu’elle est du sexe féminin, qu’elle a des responsabilités maternelles, qu’elle a certaines responsabilités dans le foyer et qu’en définitive, elle fait deux journées de travail »53. La description correspond de fait à la réalité sociale. Mais cette réalité n’est pas mise en cause ; il n’est nullement question de suggérer que les hommes pourraient prendre leur part de ces tâches domestiques. En cela, la position du Parti communiste diffère de celle qu’adopte le Parti socialiste dans son Programme de gouvernement, en 1972 : « Il est normal que les tâches ménagères soient équitablement réparties entre le mari, la femme et leurs enfants, garçons et filles ». Au-delà, la direction du PCF associe souvent les femmes à des thèmes et des qualités qui leur seraient propres : « Elles souhaitent ardemment que la justice, la fraternité, la paix règnent sur le monde. Tout ce qu’elles ressentent ainsi (parfois confusément) résume les problèmes auxquels l’humanité d’aujourd’hui est confrontée »54 ; « Toujours [le PCF] s’est efforcé d’aider les femmes à s’unir autour des mots d’ordre qui les concernent directement : leurs conditions de vie et de travail, 50 51 52 53 54

« Conférence de presse d’Yvette Roudy, Lyon, 7 février 1977 », in : Parti socialiste, Les Immigrées de l’intérieur. Dossier préparatoire à la convention du 14 janvier 78 « Le PS et les luttes des femmes », fonds BNF 8° R 83655 (1). Jeannette Vermeersch, « Discours de clôture aux journées d’étude sur le travail du parti parmi les femmes, Ivry, 3 et 4 février 1968 », Cahiers du communisme, no 7, mars 1968, p. 170. Mireille Bertrand, « La lutte des communistes français pour l’émancipation de la femme », Cahiers du communisme, n° 12, décembre 1970, p. 122. Vermeersch, op. cit., p. 158. Les communistes et la condition de la femme. Étude de la commission centrale de travail du Parti communiste français parmi les femmes, rédigée par Yvonne Dumont, Paris, Éditions sociales, 1970, p. 120.

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les problèmes de la famille, la paix »55. Par là même, les femmes sont ramenées à leur condition, par l’enfermement dans des causes qui les concerneraient spécialement, au nom de leurs vertus imaginées : l’attention, la bienveillance, la sollicitude et la paix. Une telle position, négligeant la dimension socialement construite de ces représentations, est alors vivement critiquée par certain-e-s féministes, qu’ils et elles s’inscrivent dans le courant du féminisme matérialiste, comme Christine Delphy, ou dans celui d’un féminisme lutte de classes, comme Claude Alzon ou Frédérique Vinteuil56.

Tract « Dans le système capitaliste, l’Église, le droit et la publicité engendrent l’oppression des femmes au sein de la famille et de la société. » Berlin Ouest, février 1973. Frauenforschungs-, -bildungs- und -informationszentrum Berlin, Plakatsammlung F Rep. 10 Berlin 22 (416 a-c) © Landesbildstelle/Medienforum Berlin.

Dans la République fédérale, « la question homme/femme » (Vieth) représente un problème secondaire à la réforme sociale. Elle s’intègre dans une transformation jugée plus profonde. L’idée de cette intégration a été telle que certains groupes ont refusé d’utiliser le mot « émancipation », y compris le Comité d’action à Berlin Ouest57. Il fut expliqué, dans un tract diffusé en 1968, que le terme était rejeté 55 56

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Bertrand, op. cit., p. 120. Voir Christine Dupont [pseudonyme de Christine Delphy], « L’ennemi principal », Partisans, « Libération des femmes année zéro », n° 54–55, juillet-octobre 1970, p. 157–172 ; Claude Alzon, « La femme potiche et la femme bonniche. Pouvoir bourgeois et pouvoir mâle », Partisans, n° 68, novembre-décembre 1972, p. 5–24 ; Frédérique Vinteuil, « Capitalisme et ‹ patriarcat › : questions de méthode », Marx ou crève. Revue de critique communiste, décembre 1975-janvier 1976. Voir également Helke Sander « Feminismus war ein Schimpfwort », in : Kätzel, Die 68erinnen, op. cit., p. 172.

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à cause de la tradition bourgeoise qu’il comportait. Il faisait allusion au premier mouvement de femmes et à leurs revendications dites « réformistes » (droit de vote). À l’opposé des suffragettes, le Comité d’action aspirait non pas aux droits de l’homme, mais à « la transformation des rapports de production ainsi que des rapports de pouvoir, afin de construire une société socialiste »58. Ainsi, la différence entre un féminisme égalitariste et un féminisme différentialiste se joue au cœur de l’engagement des femmes. Soit on plaide, dans une tradition culturaliste, pour une société qui reconnaît l’Autre, soit on vise sa destruction ou sa transformation. Les positions oscillent entre la suppression de la hiérarchie des genres et la suppression des différences des genres. Lorsque le Congrès national des femmes réunit 400 femmes de 35 groupes différents, le 12 mars 1972 à Francfort, la perspective politique se résumait dans une question simple : « Le féminisme serait-il compatible avec le socialisme ? » s’interrogeaient les participantes pendant la phase culminante de la lutte contre le paragraphe 218. La question suscita un débat de fond, mais l’agenda constitué en guise de résultat était sans équivoque. Il comprenait la féminité des femmes comme problème politique au même titre qu’une interrogation sur l’importance historique du mouvement de libération des femmes. Les discussions portèrent sur les points suivants : « Instrumentalisation du rôle de la femme par le capital – Rôle spécifique des femmes dans la lutte des classes – Retard dans l’émancipation de la femme au foyer – Rémunération des travaux ménagers est-elle un pérennisation du statut de la femme au foyer? – Les qualités « typiquement féminines » jusque-là connotées négativement doivent-elles être utilisées dans un sens positif par les femmes? – Le mouvement d’émancipation des femmes est-il un mouvement de transition ? »59. CONCLUSION L’attention portée à la « condition féminine » au cours de la décennie 1970 répond au souhait, énoncé entre autres par Joan Scott, de faire une histoire politique du genre : elle met donc l’accent sur les rapports de force, de pouvoir et de domination. Mais ce sujet même, « la condition féminine », rejoint ce que Joan Scott avait pointé du doigt à propos de la « citoyenne paradoxale » : l’universalisme des luttes pour l’émancipation des femmes se heurte à des contradictions. Comment parler de la situation des femmes sans les y enfermer ? Comment lutter pour et au nom des femmes sans faire de celles-ci une catégorie qui aurait des qualités et des rôles 58 59

Aktionsrat zur Befreiung der Frau, Gruppe Westberlin, Berlin, 16. Oktober 1968. FrauenMediaTurm, Köln (dans l’original : « Umwandlung der Produktionsverhältnisse und Machtverhältnisse mit dem Ziel einer sozialistischen Gesellschaft. » – souligné dans l’original). Protokoll zum Plenum des Bundesfrauenkongresses am 12. März 1972 in Frankfurt, in : Lenz (Hg.), Die neue Frauenbewegung, op. cit., p. 95 (dans l’original : « Ausnutzung der Frauenrolle durch das Kapital – Frauenspezifische Rolle im Klassenkampf – Emanzipationsrückstand der Hausfrau – Ist Bezahlung der Hausfrauentätigkeit Verewigung des Hausfrauenstandes? – Sollen Frauen die bisher als negativ bewerteten ‹ typisch weiblichen › Eigenschaften positiv nutzen? – Ist die Frauenbewegung ein Durchgangsstadium? »).

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spécifiques60 ? Il s’agit donc tout à la fois de revendiquer et de refuser la différence ; comme le dit Scott à propos des féministes qu’elle a étudiées : « Elles refusaient d’être des femmes dans les termes qu’imposait la société, tout en parlant au nom de ces mêmes femmes »61. C’est de cette difficulté que nous parlent les débats et combats menés durant les années 1970, et qui restent évidemment d’une grande actualité.

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« Comment poser la question de la différence des sexes sans reproduire les termes dans lesquels l’exclusion a tout d’abord été formulée ? » (Joan Wallach Scott, La citoyenne paradoxale : les féministes françaises et les droits de l’homme, Paris, Albin Michel, 1998. Trad. de : Only Paradoxes to Offer. French Feminists and the Rights of Man, Harvard University Press, 1996, p. 13.) Ibid., p. 29.

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Femmes, politiques et sociétés dans la presse féminine de gauche en France, Italie et RDA de 1968 à la fin des années 1970 Monica Fioravanzo Résumé L’article analyse la presse féminine politique de gauche en Italie, en France et dans la République démocratique allemande, de 1968 à la fin des années 1970. Sont analysées les revues Noi donne, organe de l’Unione Donne Italiane, (UDI), Für Dich, organe du Demokratischer Frauenbund Deutschlands (DFD) et Heures claires des femmes françaises (ensuite : Clara), revue de l’Union des femmes françaises (UFF). Dans une période marquée par de profonds bouleversements telle qu’elle avait été ouverte par le « mai » français, et qui eut aussi des conséquences dans l’Europe de l’Est, on vise donc à comprendre comment se développèrent et changèrent les perceptions réciproques, l’image de la femme, de la société et l’interprétation même des changements, en deçà et au-delà du Mur.

Zusammenfassung Der Artikel untersucht die linksgerichtete Frauenpresse in Italien, Frankreich und der DDR im Zeitraum von 1968 bis zum Ende der 1970er Jahre. Im Mittelpunkt der Analyse stehen die Zeitschriften Noi donne, Presseorgan der Vereinigung Italienischer Frauen (Unione Donne Italiane, UDI), Heures claires des femmes françaises (später: Clara), Heft der Union Französischer Frauen (l’Union des femmes françaises, UFF) sowie Für Dich, Presseorgan des Demokratischen Frauenbunds Deutschlands (DFD). Angesichts einer Zeit, die – eingeleitet durch den französischen Mai ̓68 – von tiefgreifenden Umwälzungen geprägt war und auch in Osteuropa Auswirkungen hatte, ist das Ziel dieser Untersuchung zu verstehen, wie sich diesseits und jenseits der Mauer die gegenseitigen Wahrnehmungen, das Frauen- und Gesellschaftsbild ebenso wie die Interpretation jener Veränderungen entwickelten und wandelten.

INTRODUCTION La période entre 1968 et la fin des années 1970 représente, dans les trois pays concernés (France, Italie et Allemagne de l’Est), une phase très importante pour l’évolution des droits de la femme et de la conception de la famille, car des réformes considérables furent introduites, qui changeaient ou du moins auraient pu changer le rôle même de la femme. Nous entendons nous référer principalement à la loi sur l’avortement, adoptée en France en 1975 et en Italie en 1978, à la loi sur la contraception (France, 1967 et Italie, 1971), à la réforme du droit de la famille en

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Italie (1975), et enfin à la loi sur le divorce en Italie, en 1974 – loi déjà instituée en France depuis l’année 1949, quand avaient été abrogées les lois plus restrictives de Vichy, mais qui n’était plus entièrement satisfaisante pour les années 1970, comme nous le verrons ci-après1. La République démocratique allemande (RDA) était plus avancée, par rapport aux deux autres pays, en ce qui concerne la condition juridique de la femme dans la société : la dernière réforme du droit de famille remontait à l’année 1965 et le divorce était aussi un droit reconnu dès le début de la République, mais en termes d’égalité réelle, la question se posait probablement de façon bien différente2. Toutefois, les années 1970 représentent quand même une période de changements pour la femme allemande : qu’il suffise de penser aux dispositions de la loi sur l’avortement (1972) – étendues par rapport au passé –, à la réduction générale de la semaine de travail pour les femmes et à l’introduction, en 1976, du Babyjahr, c’est-à-dire la possibilité de ne pas travailler pendant une année après la naissance d’un enfant3. Au-delà de ces différences, il faut aussi souligner qu’en Italie et en France les réformes étaient l’effet de la contestation de 1968, et surtout le résultat des efforts du mouvement féministe et des organisations féminines, tandis qu’en RDA, c’était l’État qui avait engagé ces réformes, dans le but non seulement d’améliorer la position de la femme – à la fois mère, travailleuse et activiste –, mais aussi de renforcer ses liens avec l’État socialiste. C’était un choix toujours plus nécessaire, au fur et à mesure que la RDA s’ouvrait à l’Occident : dès 1973, au lendemain de l’accord avec la République fédérale allemande (RFA) – le Grundlagenvertrag, signé en 1972 –, aussi bien l’Italie que la France et plusieurs autres pays occidentaux reconnaissaient officiellement la RDA4. L’intérêt de celle-ci à être reconnue comme État souverain en dehors du bloc soviétique, à l’instar de la RFA, se mêlait en même temps à la peur de l’influence de l’Occident sur les mœurs et la culture de la RDA5. Cela explique aussi le ton et l’ambiguïté de l’attitude de la presse féminine est-allemande – presse féminine, mais aussi presse d’État envers l’étranger et, en ce qui nous concerne ici, envers l’Italie et la France. Il reste que les rapports plus fréquents de la RDA avec l’Occident, et les importantes innovations sociales et législatives, tant à l’Ouest qu’à l’Est, sont l’oc1 2

3

4 5

Christine Bard, Les femmes dans la société française au 20e siècle, Paris, Armand Colin, 2001, p. 165–174. Paul Betts, Within Walls. Private Life in the German Democratic Republic, New York, Oxford U. P., 2010, p. 95–100; Irene Dolling, « Culture and Gender », in : Marilyn Rueschemeyer / Christiane Lemke (ed.), The Quality of Life in the German Democratic Republic. Changes and Developments in a State Socialist Society, New York, Sharpe, 1989, p. 27–75. Johannes Frerich / Martin Frey, Sozialpolitik in der Deutschen Demokratischen Republik, München Wien, Oldenbourg Verlag, 1993, p. 411–424, mais aussi Stefan Wolle, Die heile Welt der Diktatur. Herrschaft und Alltag in der DDR 1971–1989, Berlin, Ch. Links Verlag, 2009, p. 227–242. Hermann Wentker, Außenpolitik in engen Grenzen. Die DDR im internationalen System 1949– 1989, München, Oldenbourg Verlag, 2007, p. 442–459. Bundesarchiv Lichterfelde West, Berlin, DR 1/19242, Ministerium für Kultur, Konferenz der Kulturminister sozialistischer Länder, 1968–1974, Kurzeinschätzung der V. Konferenz der Kulturminister der sozialistischen Ländern, 29.–31. Mai 1973 in Warschau, p. 1–4.

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casion pour des regards croisés entre les revues des trois principales organisations féminines de la gauche en Italie, en RDA et en France : Noi Donne (ND), organe de l’Unione Donne Italiane, (UDI), Für Dich (FD), organe du Demokratischer Frauenbund Deutschlands (DFD) et Heures claires des femmes françaises (HC), revue de l’Union des femmes françaises (UFF). Nées toutes trois au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, si l’UFF et l’UDI étaient très proches respectivement du Parti communiste français et italien, le DFD était, de fait, la longa manus du SED (Sozialistische Einheitspartei Deutschlands), en tant qu’organisation féminine unique et officielle de la RDA. Qui plus est, dès le milieu des années 1940, les trois organisations appartenaient à la Fédération démocratique internationale féminine (FDIF) qui avait été fondée à Paris par Eugénie Cotton, en novembre 19456. Le but de cet article est donc de saisir, à la lecture des trois revues, l’influence des évolutions sociales et politiques sur les perceptions mutuelles, l’émergence de thématiques transversales, et la différence de perception du changement dans ces trois organisations, « sœurs » du point de vue des fins institutionnelles (promotion de la femme) et de l’orientation idéologique, mais œuvrant dans des contextes sociaux et politiques antinomiques. UN TOURNANT SIGNIFICATIF : MAI 1968 C’est sur la base d’une longue tradition de rapports mutuels – puisque le DFD recevait et analysait, au moins depuis 1950, tant Noi donne que Femmes françaises (nommée ensuite Heures claires des femmes françaises), ceci entrainant une correspondance directe avec l’UDI et l’UFF –, que l’on connaissait, en 1968, un échange plus approfondi qui passait « en deçà et au-delà du Mur ». Jusque-là, le DFD avait considéré le monde capitaliste comme une société statique, marquée par l’injustice sociale, l’exploitation économique, ainsi que par l’inégalité politique et entre les sexes, contre lesquelles seuls combattaient les partis et les organisations féminines de la gauche. Cette vision servait à faire ressortir la supériorité incontestée de la société socialiste et à renforcer le lien entre les femmes et le Vaterstaat7. Le contact avec les organisations féminines étrangères, leur reconnaissance, se traduisait également par un plus grand prestige auprès des inscrites, 6

7

Petra Scheidt, Karriere im Stillstand ? Der Demokratischer Frauenbund Deutschlands im Spiegel seiner Kaderarbeit und der Kaderstrukturen seines hauptamtlichen Funktionärskorps, Stuttgart, Franz Steiner V., 2011, p. 37–48 et p. 405 ; Marisa Rodano, Memorie di una che c’era. Una storia dell’Udi, Milano, Il Saggiatore, 2010, p. 62–63 et Maria Michetti / Margherita Repetto / Luciana Viviani, Udi : laboratorio di politica delle donne. Idee e materiali per una storia, Roma, Cooperativa Libera Stampa, 1984, p. 57–59 ; Sylvie Chaperon, Les années Beauvoir (1945–1970), Paris, Fayard, 2000, p. 72 ; Sandra Fayolle, L’Union des femmes françaises : une organisation féminine de masse du Parti communiste français (1945–1965), thèse de l’université de Paris I, dir. Philippe Braud, 2005 [première microfiche]. Ute Gerhard, « Die staatliche institutionalisierte ‹ Lösung › der Frauenfrage. Zur Geschichte der Geschlechterverhältnisse in der DDR », in : Hartmut Kaelble / Jürgen Kocka / Hartmut Zwahr (Hg.), Sozialgeschichte der DDR, Stuttgart, Klett-Cotta, 1994, p. 387–388.

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parce qu’elles conféraient au DFD au moins un semblant d’autonomie par rapport au SED8. Les événements de l’année 1968 marquèrent un tournant : la révolution paraissait éclater dans le monde occidental au lieu de l’immobilisme, de la situation traditionnelle et du conservatisme d’auparavant. La France et l’Italie attiraient maintenant l’attention du DFD : les protestations des étudiants, les manifestations des femmes et les luttes ouvrières ouvraient aux lectrices de FD des horizons internationaux inédits, en confirmant la crise du système politique libéral et capitaliste, mais aussi la force du mouvement socialiste international, qui avait été crédité du changement9. C’était la gauche qui s’opposait, en France, au régime du général de Gaulle et, en Italie, au gouvernement conservateur et patriarcal de la Democrazia Cristiana (parti de la Démocratie chrétienne). FD soulignait le rôle central des femmes françaises : « Les femmes étaient en première ligne dans cette lutte », écrivait la revue10. Quant à la « révolution » en Italie, la revue remarquait surtout le problème des universités, élitaires et insuffisantes par rapport au nombre des étudiants, et signalait la force des manifestations organisées par l’UDI, en lutte pour les droits des jeunes, des femmes et des masses populaires11. Mais, en même temps, le DFD craignait la contagion, en RDA, de l’esprit de rébellion de l’Occident et FD expliquait à ses lectrices que les buts pour lesquels la femme italienne et française devaient lutter étaient déjà atteints dans leur Vaterstaat – on soulignait aussi la « beauté » de ce terme : un État qui était aussi un père pour ses citoyennes ! Puisque – lit-on – « nous avons dans notre État toutes les opportunités » (wir in diesem Staat alle Möglichkeiten haben), en RDA il n’y avait pas besoin d’une révolution. Ainsi suggérait-on que dans le Vaterstaat, c’était au sein de la société, au bureau ou à l’usine, qu’il fallait faire la révolution, « en utilisant les idées nouvelles, en s’engageant dans le travail, en contrôlant la qualité »12. Tandis qu’en France et en Italie, la police chargeait les jeunes manifestants, FD consacrait un long article à la loi pour la formation professionnelle et l’emploi des jeunes, que la Volkskammer s’apprêtait à promulguer13. 8

9 10 11 12 13

Le DFD était « weltoffen » (cosmopolite) ; voir : Ursula Schröter, « Die DDR-Frauenorganisation im Rückblick », in : Ursula Schröter / Renate Ullrich / Rainer Ferchland (Hg.), Patriarchat in der DDR. Nachträgliche Entdeckungen un DFD-Dokumente, DEFA-Dokumentarfilmen und soziologischen Befragungen, Berlin, Karl Dietz V., p. 52–58 ; Petra Scheidt, op. cit., p. 45 et 404. Voir : « Für Dich meldet : Italien », Für Dich (FD), 1. Märzheft 1968. Sur la France, « Machtvolle Einheitsfront in Frankreich. Klassenkampf », FD,1. Juniheft 1968. « Für Dich informiert: Frankreich », FD, 1. Juniheft 1968 ; « Frauen kämpfen für ihre Rechte », FD, 2. Juniheft 1968 ; Sylvie Chaperon, « La radicalisation des mouvements féminins français de 1960 à 1970 », Vingtième siècle, revue d’histoire, octobre-décembre 1995, p. 61–74. Voir : « Universitäten besetzt », FD, 3. Märzheft 1968 ; « Vertrauen in die IKP », FD, 4. Juniheft 1968. « Die Abgeordnete », FD, 5. Oktoberheft 1968; « Im Geist Lilo Hermanns », FD, 3. Juniheft 1968. « Köpfchen haben ist Trumpf », FD, 4. Juniheft 1968; « Blutiger Polizeiterror », FD, 4. Juniheft 1968.

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Mais l’UDI observait aussi la France : bien que très frappée par les événements qui se déroulaient en Italie et s’y sentant impliquée14, ND prêtait une grande attention à la situation française qui paraissait exemplaire et qui était donc comme un modèle à suivre pour l’Italie. On écrivait qu’« en France a éclaté la liberté », grâce à la grève de sept millions de travailleurs et à l’occupation des usines ; dès le mois de mai, on découvrait un Paris nouveau, une ville sans autos où l’on pouvait se promener, délivré de « toute hiérarchie » et qui donnait aux citoyens du temps pour communiquer15. En ce qui concerne HC, la revue était très attentive – cela va sans dire – à la « révolution » du mai français qui éclata précisément au moment du Xe congrès de l’Union des femmes françaises, qui se réunissait à Nîmes du 3 au 5 mai. La déléguée de l’UDI, Marisa Passigli, était présente, tandis que la représentante du DFD n’était pas là, car la Commission interalliée – qui avait son siège à Berlin-Ouest – avait refusé de lui délivrer un passeport, malgré l’octroi par le gouvernement français d’un visa de séjour. FD ne manquait pas d’informer ses lectrices sur le congrès de l’UFF, auquel ses propres déléguées n’avaient donc pas pu participer, tandis qu’on signalait la présence de la cosmonaute soviétique Valentina Terechkova. L’accent était mis sur le combat mené par les femmes françaises, sans pour autant négliger l’appel conjoint contre la guerre au Vietnam16. En fait, bien que le congrès ait été consacré à « La femme à notre époque, dans la famille et la société », et même s’il entrainait un rapport très fort avec les faits politiques et sociaux, le document officiel du congrès devait reconnaître que « les événements de mai-juin ont apporté à la situation sociale, économique et politique des changements dont les textes de cette brochure ne peuvent évidemment tenir compte », au point que la résolution finale ne concernait que le soutien au Vietnam17. Mais HC allait revenir en juin sur les événements de mai : « Pendant 10 ans, capitalisme, nationalisme et propagande se sont alliés pour provoquer la sclérose des idées, la démission des citoyens […]. Il aura fallu la colère universitaire, la grève de 10 millions de travailleurs pour substituer le dialogue au monologue, la prise en considération des revendications. […] Tout n’est pas gagné, mais des succès de taille sont à mettre à l’actif […]. La réponse, on ne peut la trouver que dans l’Union de tous les républicains, [de tous] les démocrates, de toutes les forces progressistes ».

Les retombées sur l’organisation de l’appel « Femmes, mères de famille, plus que jamais, unissons-nous ! » se révélaient évidentes :

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Voir Giulietta Ascoli, « Le cinque giornate del Mamiani », Noi Donne (ND), 30 mars 1968 et D. Frosini, « Rivoluzione all’Università », ND, 24 fév. 1968. Voir aussi, Alba Lazzaretto, « Il Sessantotto all’Università di Padova », Ventunesimo secolo, 34 (2014), p. 173–198. Cf. « In Francia è esplosa la libertà », ND, 1er juin 1968 ; Maria Antonietta Maciocchi, « Parigi a cuore aperto. I giorni che hanno cambiato il volto di un Paese », ND, 22 juin 1968. « Valentina in Nîmes. Frauenkongress der UFF », FD, 4. Maiheft 1968. Xe Congrès national de l’Union des femmes françaises, Nîmes, 3,4 et 5 mai 1968, La femme à notre époque dans la famille et la société, p. 117 à 119. Voir aussi, Bard, op. cit., p.169–170.

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Monica Fioravanzo « À la suite des événements de mai, 1 060 femmes ont pris place dans l’UFF, 29 comités nouveaux sont créés, 30 000 femmes ont donné leur signature pour l’abrogation des ordonnances de la Sécurité sociale »18.

Contrairement à Noi donne, qui voyait la France comme un exemple à suivre, la revue de l’UFF ne prêtait pas dans cette période une attention particulière à l’Italie et à ses bouleversements sociaux, et son intérêt envers l’étranger était plutôt centré sur la situation sociale et politique des femmes des pays communistes ou du Tiers Monde. C’était par rapport au congrès mondial des femmes, et à la situation des femmes africaines, que HC rappelait aussi les « grandes luttes de mai l’année dernière en matière d’égalité de rémunération, de congé de maternité, de réduction du temps de travail – questions aussi à l’ordre du jour en Italie, en Finlande »19. Mais il faut souligner que les interprétations de « mai 68 » de la part de ND et de la part de HC se ressemblaient beaucoup et, en revanche, elles se distinguaient de celles de FD. Tandis que la revue allemande, craignant les excès libertaires, voyait dans la « révolution » la preuve de la crise du système occidental, et l’interprétait comme une révolution de classe contre le capitalisme – on insistait par exemple sur les conditions du travail, et sur le chômage, lequel concernait principalement les femmes –, ND et HC envisageaient surtout la liberté qu’on allait conquérir. Elles voyaient dans la révolution, une révolution des mœurs, en partageant la même critique de la société autoritaire et répressive traditionnelle, qui refusait à la femme le droit à l’avortement, au divorce et à la liberté sexuelle20. Le « point de vue de genre », et même de l’individu, dépassait donc le côté politique général. ND écrivait : « Nel mondo, nato dal maggio ’68, la questione della felicità è posta » (dans le monde né en mai 68, la question du bonheur a été posée)21. À cet égard, il est intéressant de rappeler que 80 % des femmes françaises qui ont vécu ces événements se sont reconnues comme la « génération politique de 68 », tandis que parmi les hommes, le pourcentage est inférieur à 60 %22. Cela parait confirmer le caractère genré de la révolution de 68, parce que l’UDI aussi bien que l’UFF avaient jusque-là suivi l’invitation du PCI et du PCF à lutter contre le gouvernement, au nom des objectifs plus généraux de la gauche – de la mobilisation pour la Paix à la lutte contre l’OTAN et aux protestations contre la guerre de Corée –, à ne pas

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Denise Breton, « Dix ans de mépris, dix ans ça suffit », Heures claires des femmes françaises (HC), juin 1968. « Vers le Congrès mondiale des femmes », HC, mai 1969. « Il pudore non è più di moda », ND, 6 janv. 1968; « 8 marzo 1968 : l’italiana è cambiata. L’Italia deve cambiare », ND, 9 mars 1968 ; « Sécurité sociale santé », HC, juillet-août 1968. En France, la loi admettait le divorce, mais les conditions pour l’obtenir étaient très difficiles et donc contestées par l’UFF. M. A. Maciocchi, op. cit. ; « Disegnare la libertà. I ‘bambini ribelli’ della Sorbona », ND, 6 juil. 1968. Julie Pagis, « Repenser la formation de générations politiques sous l’angle du genre. Le cas de Mai-Juin 1968 », Clio. Histoire, femmes et sociétés, 68’ : révolutions dans les genres ?, 29 (2009), p. 97–101 ; J. Pagis, Mai 68, un pavé dans leur histoire. Événements et socialisation politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2014.

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affaiblir le front de la gauche avec des instances spécifiquement féminines. Elles commençaient alors seulement à fixer leurs objectifs propres et « genrés »23. Au-delà des différents jugements que nous avons évoqués, des thématiques transversales et communes parcouraient les trois revues : le problème du rôle du père, dans la famille et avec les enfants, intéressait aussi bien FD que ND qui ironisaient en demandant : « Est-ce que les pères n’ont pas d’enfants ? »24. HC et ND s’intéressaient à l’image de la femme dans la presse féminine et à la télévision : au centre des deux revues, il y avait le problème du divorce, de la contraception et même de l’adultère, donc surtout la question du rôle, de la liberté et de l’indépendance de la femme dans le couple marié25. Ces thèmes n’étaient pas centraux dans FD – au moins jusqu’au début des années 1970 –, car la revue allemande essayait plutôt de sauver l’unité des couples, en proposant par exemple une chronique régulière, « Eheforum », qui était consacrée aux rapports entre mari et femme. La relation différente entre l’État et les organisations, antagoniste en France et en Italie, mais « collatérale » en RDA, marquait justement des différences profondes : la solidité de la cellule familiale était utile à l’État socialiste26. LA RÉVOLUTION EST-ELLE TERMINÉE ? LA DÉCEPTION DU DFD Après la fin des « bouleversements » de 1968, et pendant toutes les années 1970, on assiste à des changements dans les rapports entre les trois organisations, changements qui se reflètent dans la presse. La révolution en Occident n’éclate pas et les réformes arrivent, mais en retard, et avec beaucoup d’efforts de la part des organisations féminines qui ne sont pas toujours encouragées et soutenues par le Parti communiste. L’UDI s’éloigne en effet peu à peu du PCI. En France, le rapport entre l’UFF et le PCF parait meilleur, car le Parti communiste français, élargissant ses idées et ses positions, s’était lié au projet politique de François Mitterrand, contri-

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Marisa Rodano, op. cit., p. 62–65 ; Patrizia Gabrielli, La pace e la mimosa. L’Unione donne italiane e la costruzione politica della memoria (1944–1955), Roma, Donzelli, 2005; Sylvie Chaperon, « L’ingresso delle donne nella vita politica : Francia e Italia a confronto », Genesis, 2 (2006), p. 132. « Haben Väter keine Kinder ? », FD, 1. Juniheft 1968 ; « Il padre, questo sconosciuto », ND, 30 mars 1968. « Il video nemico delle donne », ND, 23 mars 1968; « Tradisco mio marito ma non lo lascio », ND, 13 janv. 1968 ; « Giorni infecondi e giorni infelici » (sur le procédé de contraception Ogino-Knaus), ND, 31 août 1968. Voir Giovanni Gozzini, La mutazione individualista : gli italiani e la televisione, 1954–2011, Roma-Bari, Laterza, 2011. Sur les pages de Heures claires : « Enfants du divorce. Un dossier qu’il fallait ouvrir », janvier 1968 ; « La contraception », avril 1969 et « La presse féminine : où va-t-elle ? », juin 1969. Bruna Bellonzi, « Un giornale diverso per mademoiselle. I settimanali femminili francesi e la rivolta di maggio », ND, 29 juin 1968. « Lernen zu Leben, Eheforum », voir par exemple FD, 4. Oktoberheft 1972 et « Diese Ehe ist noch zu retten, Eheforum », FD, 4. Juliheft 1972 ; Sur la conception traditionnelle de la famille qui était aussi celle du PCI, voir Fiammetta Balestracci, « Il PCI, il divorzio e il mutamento dei valori », Studi Storici, 4 (2013), p. 995–1000.

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buant à former une gauche française unie. Mais en France aussi, la lutte pour les réformes est principalement un dur combat féminin27. Dans cette situation, le DFD semblait moins s’intéresser à la France et à l’Italie28. En premier lieu, les réformes introduites en RDA (avortement plus libre, semaine de 40 heures et Babyjahr) incitaient la revue à présenter à ses lectrices les avantages de la vie féminine dans l’État socialiste29. Ces réformes, et un meilleur niveau de vie, renforçaient en effet le lien entre la femme, l’État et le DFD. Le rôle international acquis par la RDA, grâce à sa participation à l’ONU et à la Conférence sur la coopération et la sécurité internationale, accroissaient le prestige de l’« autre Allemagne » et le consensus à l’intérieur de l’État (rappelons aussi le passage de Ulbricht à Honecker, et l’objectif de ce dernier d’allier la politique sociale et la politique économique)30. De plus, le DFD était déçu des résultats obtenus en Occident après la révolution de l’année 1968 : le monde capitaliste – disait-on aux lectrices –, n’avait plus d’idéaux, les femmes « ne descendaient plus dans la rue pour les autres femmes, comme la génération protestataire (Protestgeneration) de ‹ 68 ›, et elles n’avaient pas le temps, ou plus l’envie, de s’engager politiquement ». Le féminisme également n’était pas très apprécié, parce qu’on le jugeait comme étant un mouvement trop hétérogène et lié à la crise du capitalisme qui, incapable de satisfaire les droits des femmes et des jeunes, générait une insatisfaction profonde. La réponse donnée par le féminisme était fausse, puisqu’il n’incitait pas à lutter contre le capitalisme – le vrai coupable –, mais contre l’homme. Pour FD, la lutte exigeait au contraire la collaboration entre les deux sexes : le modèle à suivre restait la RDA31. Par conséquent, si le DFD s’intéressait à l’Italie, c’était pour relever la persistance en Italie de mœurs familiales et sexuelles patriarcales, même si FD modérait son jugement pour souligner les progrès obtenus grâce aux activités du PCI et de l’UDI. On établissait en effet une distinction entre la société italienne – encore très 27

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Francesco Di Palma, « PCF und SED im späten Kalten Krieg : ein translokales Beziehungsgeflecht », in : Anne Kawaschik / Ulrich Pfeil (Hg.), Die DDR in den deutsch-französischen Beziehungen / La RDA dans les relations franco-allemandes, Bruxelles, Peter Lang, 2013, p. 278– 279. Sylvie Chaperon, « L’ingresso delle donne », op. cit., p. 136. Voir aussi : « Hoffnung für die Französin », FD, 2. Augustheft 1972. « Nachdenken über freie Stunden », FD, 3. Juniheft 1972 ; « Wie klappt es mit der 40-Stundend-Woche? », FD, 3. Septemberheft 1972 ; « Nur Wunschkinder? », FD, 1. octobre 1972 ; « Ehrenkredite für 400 000 junge Paare «, FD, 32 (1977). Christian Wenkel, Auf der Suche nach einem « anderen Deutschland ». Das Verhältnis Frankreichs zur DDR im Spannungsfeld von Perzeption und Diplomatie, München, Oldenbourg, 2014 ; Anja Hanisch, Die DDR im KSZE-Prozess 1972–1985. Zwischen Ostabhängigkeit, Westabgrenzung und Ausreisebewegung, München, Oldenbourg, 2012 ; G. Weber, « Um eine ganze Epoche voraus? 25 Jahre DFD, » Deutschland Archiv, April 1972, p. 410–416. « Die Sache mit der Himmelsmacht », FD, 25 (1977) ; On écrivait : « Ehe vor einer Krise? Liebe und Ehe stehen bei uns im Blickpunkt », FD, 24 (1977). Mais sur le féminisme, l’UDI aussi était sceptique au début : « Cala il sipario sul femminismo », ND, 21 mai 1972 ; Teresa Bertilotti / Anna Scattigno (ed.), Il femminismo degli anni Settanta, Roma, Viella, 2005 ; Marisa Ombra, La bella politica : la Resistenza, « Noi donne », il femminismo, Torino, SEB, 2009, p. 64–77 et 86–98.

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arriérée – et l’organisation des femmes de la gauche qui, au contraire, luttait pour les réformes. En ce qui concerne la société française, on soulignait des événements importants, surtout du point de vue des intérêts de la RDA et de la détente internationale – fondamentale pour la RDA elle-même, surtout dans cette période-là –, comme la rencontre à Paris de Brejnev avec Georges Pompidou à Paris en 1971, et FD mettait en évidence le rôle de femmes françaises exemplaires, surtout parmi celles qui avaient lutté contre le système capitaliste et impérialiste. En revanche, on ne retrouvait pas d’Italiennes parmi les modèles féminins proposés32. En même temps, les rapports entre les trois organisations restaient étroits et fréquents : le DFD envoyait des brochures sur le rôle et la condition de la femme dans la société socialiste, tandis que grâce à la reconnaissance officielle de la RDA par les États français et italien, il était possible à l’UFF et à l’UDI d’envoyer des délégations de femmes en visite en RDA. En 1975, Année internationale de la femme, le Congrès mondial des femmes eut lieu à Berlin-Est : une fenêtre sur l’Occident pour le DFD, mais aussi l’occasion pour une confrontation très étroite entre les féministes américaines, les organisations féminines de l’Europe occidentale et celles des pays socialistes33. « EN DEÇÀ DU MUR » : L’UDI ET L’UFF FONT LE POINT Du point de vue de l’UDI et donc de sa revue, on voyait dans la RDA, au moins jusqu’à la seconde moitié des années 1970, l’exemple d’une société avancée, qui reconnaissait à la femme des services sociaux, l’égalité, un emploi et le droit à l’avortement, sans vraiment s’interroger sur les limites d’une émancipation octroyée par l’État. Une société – lisait-on –, où l’« on cherche à effacer la division des rôles »34. La comparaison avec la condition de la femme en République fédérale allemande confirmait la supériorité des systèmes socialistes, au moins quant aux droits recon32

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« Gewöhnlicher Kapitalismus : nur durch Kampf mehr Rechte für Frauen », FD, 27 (1977) ; « Oktober 1971 : ein Beispiel fűr friedliche Koesistenz », FD, nov. 1972 ; on évoquait Mme Cotton et surtout Raymonde Dien qui, en 1950, avait bloqué un train militaire pour protester contre la guerre impérialiste de la France en Indochine. Voir « Ein herzliches Freundschaft », FD, août 1972. Voir Archivio UDI Nazionale / B. 57 / Donne nel Mondo, fasc. 292, Germania, La donna nella società socialista. Informazioni, fatti, cifre sulla parità di diritti, Panorama RDT, Berlin, 1974 ; id./B. 63/fasc. 321/subf. Germania/correspondance entre Marisa Passigli (segr. UDI) et Ilse Thiele (DFD), au sujet d’une visite du DFD en Italie, 1er juin 1977 et 28 juil. 1977. Voir aussi Politisches Archiv des Auswärtigen Amts / Abt. Westeuropa / Sektor: Italien, Spanien, Portugal, Frauenorganisation/MfAA/ZR 1507/83; « Otto donne nella DDR », ND, 21 avril 1974 ; « Viaggio nella RDT. Genitori a turno », ND, 5 nov. 1974. Pour la France, voir : « Une lettre de I. Thilde », HC, juin 1971 ; « Rencontre d’une délégation de l’UFF avec l’Union des femmes soviétiques », HC, juin 1969 ; et naturellement « Le congrès mondiale des femmes à Berlin », HD, déc. 1975. Cf. Christine Bard, op. cit., p. 173. « L’aborto non è reato », ND, 12 nov. 1972 ; « URSS : un ‹ inno › alla donna », ND, 27 janv. 1974. On jugeait très bien aussi la Chine populaire, où l’avortement, la contraception et la stérilisation étaient gratuits : voir « Comitati di quartiere per il controllo », ND, 3 fév. 1974.

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nus à la femme35. La RDA était le pays où « toutes les voies lui sont ouvertes [à la femme] et [où] on lui reconnait l’égalité des droits avec l’homme et […] un parfait fonctionnement des services sociaux »36. Mais, en même temps, la France suscitait aussi l’intérêt : la correspondance entre l’UFF et l’UDI était très soutenue37, et ND soulignait à la fois la liberté de la femme française, et la force de provocation et de transgression du mouvement féminin en France. On relevait bien sûr le hiatus entre l’organisation féminine avancée et des lois et des mœurs sociales plus arriérées, mais on annonçait aussi avec enthousiasme que Louise Weiss, 81 ans en 1975, était candidate à l’Académie française38. Deux années après, on présentait à la lectrice italienne la nouvelle loi française sur le congé parental, qui reconnaissait aussi au père le droit de s’occuper des enfants, pendant deux ans après leur naissance, sans perdre son travail : en Italie, on n’avait rien de pareil ! Dès 1974, il y avait en effet en France un secrétariat d’État à la Condition féminine, dont la titulaire, en 1977, Nicole Pasquier, s’était battue afin d’obtenir un « congé parental d’éducation » destiné à la famille, et non pas simplement à la mère39. En lisant ND pendant les années 1970, on s’aperçoit que l’UDI jugeait la situation sociale et politique de la femme française bien plus avancée que celle de l’Italie, où l’influence de l’Église et de la morale catholique étaient plus fortes et difficiles à surmonter. La véritable différence était dans le noyau dur de la laïcité de l’État. L’image que la revue donnait de la société italienne, et que les femmes de l’UDI communiquaient à leurs « camarades » françaises et allemandes, était celle d’un « pays en crise », et pas seulement pour les femmes ; un pays qui, jusqu’à la réforme du droit de la famille (1975), prévoyait encore dans son code le crime d’honneur (art. 523) et la puissance paternelle, héritage de la culture catholique40. HC et UFF distinguaient aussi la RDA et les pays communistes en général, où les droits sociaux et l’égalité étaient déjà conquis, de l’Italie, arriérée et en crise, où les femmes luttaient quand même pour leurs droits41. On soulignait ainsi que : 35 36 37 38

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« Attenzione alle donne ! », ND, 13 juil. 1975; Giglia Tedesco, « La moglie cento anni dopo », ND, 27 juil. 1975. « Otto donne nella DDR », op. cit. Voir Archivio UDI nazionale / B. 46 / Donne nel Mondo / fasc. 236 / Europa / subf. 6 / Francia ; ici : B. 56 / UFF (bulletin mensuel édité par le bureau directeur de l’UFF), n° 77 (1973 Année de la condition de la femme. Chacune à sa manière), mai-juin 1973. « Francia : la famiglia mi sta stretta », ND, 9 janv. 1977 (qui observait la famille en France du point de vue de la femme française) ; « Fate lo sciopero non fate l’amore », ND, 30 juin 1974 ; « A 81 anni candidata ‹ bomba ›», ND, 23 juin 1974, sur la candidature de Louise Weiss à l’Académie française. « Il papa può fare la mamma, et E da noi? », ND, 2 oct. 1977. Voir Amy G. Mazur, « Strong State and Symbolic Reform. The Ministère des Droits de la Femme in France », in : Dorothy McBride Stetson / Amy G. Mazur (ed.), Comparative State Feminism, Thousand Oak, Sage Publication, 1995, p. 76–80. « Mappa di un paese in crisi », ND, 3 sept. 1972 (il s’agit d’un dossier sur l’Italie) ; « Quanto di me.. l’educazione cattolica », ND, 9 oct. 1977 ; « Un focolare in rotocalco », ND, 9 oct. 1977, consacré à Famiglia Cristiana qui était l’hebdomadaire (catholique) le plus vendu en Italie. « Presse féminine à Palerme », HC, juillet-août 1972 ; « À l’écoute du monde …», HC, nov. 1972 et « À l’écoute du monde … », HC, mars 1975 ; « Femmes soviétiques », HC, janvier 1974.

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« 50 000 femmes étaient dans les rues de Rome en novembre dernier pour réclamer un nou-

veau statut juridique de la femme […] alors que leur condition de femme restait la même. Travailleuses ou non, elles étaient unies pour que leur soient reconnus de nouveaux droits en tant que citoyennes. Elles ne veulent plus être traitées en ‹ mineures › ni dans la famille, ni dans la société »42.

Mais si l’Italie n’était pas un modèle à suivre pour la revue et pour l’UFF, il fallait quand même reconnaitre que les sujets traités – et donc les problèmes principaux –, étaient souvent les mêmes que ceux que l’UDI proposait dans sa propre revue : le divorce, l’avortement, les rôles du père et de la mère dans la famille, la contraception et la sexualité43. Ce qui confirme que, au-delà du poids différent de l’Église catholique, la situation sociale et politique des femmes était similaire dans les deux pays. C’étaient là des questions qu’on abordait avec un ton et un esprit toujours plus libres et indépendants de toute idéologie. On prenait en considération les droits et la liberté de l’individu et de la femme, plus que l’intérêt du parti ou d’un modèle économique ou social. Ainsi, à propos de la réforme de la loi sur le divorce, on suggérait que « la notion de divorce-sanction doit faire place à une notion de divorce-remède qui tendrait, non à sanctionner l’époux coupable, mais à porter remède à une situation familiale où la vie commune est devenue impossible »44. « Femmes : vous êtes importantes », titrait la revue, en s’adressant aux lectrices et en les encourageant à s’affirmer dans la vie publique et familiale45. Le problème de l’avortement était aussi central dans les pages de HC que dans les pages de ND, qui s’interrogeait, en 1972 : « Quante Marie Claire in Italia ? » (Combien de Marie-Claire en Italie ?)46. En ce qui concerne la lutte pour l’avortement et pour la contraception en France, cela marquait un changement important dans la ligne de l’UFF qui, en conformité avec le PCF, avait longtemps suivi une ligne maternaliste et rejeté comme bourgeois et individualiste le contrôle des naissances47.

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« À l’écoute du monde … », HC, mars 1975. « Avortement, libéralisation », HC, janvier 1975 ; « La contraception : où en sommes-nous ? », HC, juillet-août 1977; « La sexualité », HC, avril 1978 et Papa lit, maman coud, HC, septembre 1978. Perché la stampa femminile?, UDI, Ferrara 1977, p. 13–14; « Speciale Noi donne. Le malfamate », ND, 3 fév. 1974; « Nuda da scoprire », ND, 11 sept. 1977 ; « Aborto : a che punto siamo? », ND,12 mars 1978. « Divorce », HC, avril 1975. Pour l’Italie, voir : Fiamma Lussana, L’Italia del divorzio. La battaglia fra Stato, Chiesa e gente comune (1946–1974). Con lettere inedite dei « fuorilegge del matrimonio »,, Roma, Carocci, 2014. « L’UFF : interdit d’éducation populaire. Femmes, vous êtes importantes », HC, mai 1978. « Quante Marie-Claire in Italia », ND, 12 déc. 1972 ; ensuite : « Ora è semi-clandestino. I nodi di una legge carente sull’aborto vengono al pettine a due anni dalla sua approvazione », ND, 13 fév. 1977 ; « L’interruption volontaire de la grossesse est-elle dangereuse ? », HC, juin 1971 ; « 20 femmes parlent …avortement », HC, février 1972. Christine Bard, op. cit, p. 165–167 ; Bibia Pavard, « Genre et militantisme dans le Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception. Pratique des avortements (1973–1979) », Clio, 29 (2009), p. 79–96.

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CONCLUSION Dès la seconde moitié des années 1970, on enregistrait un éloignement croissant entre les trois organisations : l’UFF et l’UDI devenaient de plus en plus autonomes et indépendantes dans leur action et dans leurs objectifs, par rapport aux partis de gauche, en accordant de plus en plus d’attention à la sphère privée de la vie des femmes, tandis que, jusqu’aux années 1980, FD ne prêta jamais autant d’attention que les deux autres revues à la dimension subjective féminine. Comme on l’a dit, l’État et le SED restaient au premier plan48, et le thème de la femme seule ou de la violence familiale, par exemple, resta un tabou pour FD jusqu’aux années 198049. Il est vrai que, tout au long des années 1970, un fil rouge « surmontait le Mur », car les trois revues, lorsqu’elles se tournaient vers l’étranger, manifestaient un même intérêt envers ce qu’on appelait alors le Tiers Monde, dans le cadre d’une vision du monde manichéenne qui reflétait encore les conflits de la guerre froide. D’un côté, une Union soviétique louée pour ses réalisations, surtout en faveur des femmes, de l’autre les États-Unis dont on célébrait surtout Angela Davis ou Jane Fonda, symboles de la contestation et de la gauche américaine50. Mais en 1977, ND écrivait à propos des femmes socialistes, « Emancipate ma non liberate » (émancipées mais non libérées), et HC consacrait une longue enquête au féminisme que la revue définissait maintenant comme « une recherche d’identité, de personnalité, un cri de liberté » et dont elle soulignait le lien profond avec l’humanisme51. Pour l’UDI et pour l’UFF, la société communiste était désormais un modèle d’émancipation dépassé. 48

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Voir Monica Fioravanzo, « Das Frauenleitbild in der politischen Frauenpresse der DDR und der Kommunistischen Partei Italiens im Vergleich (1960–1989) », Deutschland Archiv, 4 déc. 2014 http://www.bpb.de/geschichte/zeitgeschichte/deutschlandarchiv/196980/das-frauenbild-inder-frauenpresse-der-ddr-und-der-pci-1961-1989 ; mais il y avait des exceptions, voir : « Immer der Deine » ou « Nachricht von dem neuen Adam », FD, 34 (1977). « Gedränge um Platz 1 : Gerechtigkeit und Gleichberechtigung : was heißt das? », FD, 10 (1989) ; « Familienstand : alleinstehend », FD, 4 (1989) ; c’était un thème tabou pour la RDA jusqu’à ce moment ; voir Sabine Tonscheidt, Frauenzeitschriften am Ende? Ostdeutsche Frauenpresse vor und nach der Wende 1989, Münster, Lit, 1996, p. 234–5. Voir «Erlebte Freundschaft», FD, 1. Juniheft 1972 ; « Frieden für Nahost », FD, 23 (1977) ; Le premier cahier d’octobre 1972 de FD consacrait sa couverture à Angela Davis; « Jane Fonda », FD, 3. Septemberheft 1972. ND consacrait aussi, le 18 juin 1972, sa couverture à A. Davis, et la revue avait une chronique régulière sur les États-Unis ; « Autobiografia di una rivoluzionaria », ND, 27 juil. 1975 (sur le livre de A. Davis, publié par Garzanti) ; Sofia Lorenz, «‹ Heldin des anderen Amerikas ›. Die DDR-Solidaritätsbewegung für Angela Davis, 1970–1973 », Zeithistorische Forschungen / Studies in Contemporary History, 10 (2013), p. 38–60 (http :// www.zeithistorische-forschungen.de/16126041-Lorenz-1–2013) ; « Cameriere delle bianche », ND, 13 janv. 1974 ; en outre, « Un catalogo femminista », ND, 17 fév. 1974, sur l’œuvre de Susan Rennie et Kirsten Grimstad, de la Columbia University (NY). Colette Jakob, « Les rayons de la liberté », HC, avril 1971 ; « Femmes soviétiques », HC, janvier 1974 ; « Coup d’œil sur la Bulgarie », HC, nov. 1975. « Liberate ma non emancipate », ND, 2 oct. 1977 ; « Toutes féministes ? », HC, mai 1977 et « Féminisme et humanisme, c’est nous », HC, juillet-août 1977. Christoph Cornelißen / Brunello Mantelli / Petra Terhoeven (ed.), Il decennio rosso: contestazione sociale e conflitto politico in Germania e in Italia negli anni Sessanta e ettanta, Bologna, Il Mulino, 2012.

En deçà et au-delà du mur

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Pour conclure, notre recherche montre comment le lien entre les trois organisations, qui à l’occasion de mai 68 avait connu une phase de syntonie intense, se transforma, au cours des années 1970, en un progressif éloignement qui conduisit finalement à des sensibilités divergentes. Alors qu’en France et en Italie, l’UFF et l’UDI s’émancipaient de leur parti communiste respectif, et qu’elles finissaient par ne plus se reconnaitre dans le modèle socialiste, jusqu’à la chute du régime, le DFF maintenait une pleine confiance dans la capacité de l’État socialiste à abattre les obstacles qui empêchaient l’effective égalité des sexes52.

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« Frauenförderungspläne: immer griffbereit? », FD, 28 (1989) et « DFD in 40 Jahren DDR: Wegbereiter, Wegbegleiter », FD, 39 (1989).

« WIR HABEN ABGETRIEBEN ! NOUS NOUS SOMMES FAIT AVORTER ! » Regards croisés franco-allemands Gilles Leroux Résumé L’histoire croisée des luttes française et allemande pour la libéralisation de l’avortement au début des années 1970 met en exergue le transfert d’un mode opératoire de la France vers l’Allemagne : la campagne d’auto-dénonciation de 343 Françaises dans Le Nouvel Observateur en avril 1971 fut en effet reproduite en Allemagne par 374 femmes dans le magazine Stern en juin de la même année. Dans les deux pays, les manifestes publiés dans le cadre de ces campagnes permirent de lever le tabou sur le sujet et contraignirent les autorités à prendre position. Les réformes ainsi devenues incontournables des articles de loi incriminés n’aboutirent cependant pas aux mêmes résultats. Bien que ni les Françaises ni les Allemandes n’obtinssent la légalisation qu’elles demandaient, c’est-àdire l’abrogation des articles répressifs de la loi, la solution française se rapprochait davantage de cette revendication. Nous voyons dans cette différence entre les deux sociétés la manifestation de divergences profondes sur le consensus social portant sur les valeurs.

Zusammenfassung Betrachtet man die französischen und deutschen Kämpfe für die Liberalisierung der Abtreibung zu Beginn der 1970er Jahre fällt ein von Frankreich auf Deutschland übertragener Modus Operandi auf: Die Selbstbezichtigungskampagne von 343 Französinnen in der Wochenzeitschrift Le Nouvel Observateur im April 1971 wurde zwei Monate später von 374 deutschen Frauen zum Vorbild genommen und im Stern nachgeahmt. Die Manifeste, die im Rahmen dieser Kampagnen veröffentlicht wurden, ermöglichten die Enttabuisierung des Themas in beiden Ländern und zwangen den Staat dazu, Stellung zu beziehen. Die nun unumgänglichen Reformen, die beiderseits des Rheins verabschiedet wurden, führten jedoch zu unterschiedlichen Lösungen. Selbst wenn weder die französischen noch die deutschen Frauen die geforderte Streichung der betroffenen repressiven Paragraphen erreichten, konnten Frauen in Frankreich eine für sie befriedigendere Lösung erreichen. In diesem Unterschied zwischen den beiden Gesellschaften sehen wir den Ausdruck tiefgreifender Divergenzen im Hinblick auf den sozialen Wertekonsens.

La comparaison des luttes française et allemande pour la libéralisation de l’avortement au début des années 1970 fait d’abord apparaître un transfert : celui du mode opératoire, à savoir une campagne d’auto-dénonciation dans la presse de femmes ayant eu recours à l’avortement. Le transfert s’est clairement opéré de la France vers l’Allemagne, non seulement parce que la campagne française précéda la campagne allemande, mais aussi parce que l’initiatrice principale de la campagne allemande, la jeune journaliste et féministe Alice Schwarzer, s’est directement inspirée des actions des féministes françaises. Cette étude ne se limitera toutefois pas à l’analyse

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du transfert en tant que tel, mais procèdera à une analyse pluridimensionnelle des contextes nationaux permettant de la traiter sous l’angle de l’histoire croisée1. CONSTELLATIONS POLITIQUES ET IVG À LA VEILLE DES CAMPAGNES D’AUTO-DÉNONCIATION Sur le plan politique, 1969 est marquée par des ruptures importantes en France comme en Allemagne. En France, c’est la démission du Général de Gaulle, dix ans après son élection à la présidence du pays et son remplacement par Pompidou qui marque la fin d’une ère. En Allemagne, pour la première fois depuis la fondation de la République fédérale, les partis conservateurs de l’Union ne gouvernent plus le pays et les sociaux-démocrates entament leur première coalition avec les libéraux du FDP. Le retrait du pouvoir d’une personnalité comme le Général de Gaulle ayant fortement imprégné la vie politique française marque évidemment une césure importante dans la vie politique du pays, bien que Pompidou ait réussi à reconstituer l’ancienne majorité de droite au pouvoir, avec le soutien des libéraux de Valéry Giscard d’Estaing. La transition n’est donc pas de la même nature en France et en Allemagne, bien que le changement ait été placé sous le signe d’une ouverture dans les deux pays. Le premier ministre Chaban-Delmas présente en effet un programme intitulé « La nouvelle société » et le chancelier Willy Brandt a fait campagne sur le thème de l’ouverture à la fois internationale et nationale et souhaite plus de démocratie. Sur le plan « technique », en France la majorité présidentielle est très large à l’Assemblée nationale depuis les élections législatives de juin 1968 (394 sièges sur un total de 485 !), alors qu’en Allemagne, la coalition gouvernementale ne dispose que d’une très faible majorité de douze mandats au Bundestag. Face à la question de l’avortement, il y a en France un large consensus des partis au pouvoir contre une légalisation si bien que le sujet ne sera même pas l’objet de véritables débats parlementaires2. L’avortement reste marqué par la répression dont il fait l’objet depuis toujours, qualifié d’acte tantôt contraire à l’éthique, aux préceptes religieux, tantôt aux intérêts de la société, de l’État voire aux prérogatives du père. En réalité, plus que l’avortement, c’est la contraception qui a été l’enjeu d’un débat national. Avec la création de l’association La maternité heureuse, en 1956, l’accent est mis sur la demande de légalisation et de généralisation des moyens anticonceptionnels3. Lorsque la question de l’avortement est évoquée, elle l’est de façon marginale, en tant qu’acte qu’il convient d’éviter, ce à quoi la libéralisation de la contraception peut conduire. Le thème de la contraception s’impose même lors de la campagne pour les présidentielles de 1965 et des propositions d’abrogation des articles de la loi de 1920 interdisant la propa1 2 3

Michael Werner/Bénédicte Zimmermann, « Penser l’histoire croisée : Entre empirie et réflexivité », Annales. Histoire, Sciences sociales, 1 (2003), p. 7–36. Kristina Schulz, Der lange Atem der Provokation – Die Frauenbewegung in der Bundesrepublik und in Frankreich 1968–1976, Campus Verlag, Frankfurt a. M., 2002, p. 122. Jean-Yves Le Naour/Catherine Valenti, Histoire de l’avortement XIXe-XXe siècle, Paris, Seuil, 2003, p. 201.

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gande des moyens anticonceptionnels sont déposées. La proposition déposée par le député UDR Lucien Neuwirth est finalement adoptée en décembre 1967 et elle va permettre indirectement de poser la question de l’avortement en de nouveaux termes : en effet, à partir du moment où l’on autorise la contraception, comment ne pas se poser la question de son échec et des solutions alors envisageables ? C’est désormais l’alternative entre pratiques contraceptives et pratiques abortives qui est mise en avant4. Mais c’est aussi pour une autre raison que la loi Neuwirth relance le débat sur l’avortement : les lenteurs des pouvoirs publics dans la mise en œuvre des textes d’application, qui ne sont promulgués qu’entre 1969 et 1972, font naître une grande déception, mais ne permettent pas non plus la baisse du nombre d’avortements, contrairement à ce qu’avait avancé le Planning familial5. L’Association nationale pour l’étude de l’avortement (ANEA) est alors fondée et elle élabore en juillet 1969 un projet de légalisation de l’avortement dans certains cas bien définis6. C’est sur cette tendance modérée que s’appuie ensuite la première proposition de loi Peyret déposée en juillet 1970, bien qu’elle soit moins libérale. Cette proposition provoque une double levée de boucliers : le conseil de l’Ordre des médecins rappelle en octobre 1970 que le respect de la vie humaine constitue un dogme fondamental de l’action du médecin et la droite conservatrice crée en novembre 1970 l’association Laissez-les-vivre7. Face à ces résistances, le gouvernement hésite et temporise. En Allemagne aussi il y a, à l’époque, un consensus politique contre une légalisation pure et simple de l’avortement qui résulterait d’une abrogation du § 218. Quant à la nécessité de libéraliser ce paragraphe, elle est loin de faire l’unanimité comme le montre le débat sur l’introduction d’une indication éthique (ou criminologique)8 au début des années 1960 dans le cadre de la réforme du Code pénal. Bien que la commission parlementaire concernée se soit prononcée pour l’introduction de cette indication, le gouvernement ne la retient pas. Dans les années 1960, aucun congrès fédéral des principaux partis politiques ne fait de la réforme du § 218 une priorité, pas même au SPD où l’on avait pourtant appelé de ses vœux une telle réforme, dans les années 19409. En juin 1969, suite à la requalification de l’avortement, celui-ci n’est plus un crime, mais un délit, et l’on précise que la réforme à venir du Code pénal sera l’occasion de s’interroger à nouveau sur l’élargissement de l’indication thérapeutique, voire sur l’introduction de nouvelles indications. Le ministre de la Justice, Gerhard Jahn, annonce fin 1969 un projet en ce sens, ce qui suscite immédiatement des réactions de l’église catholique et menace le « rap4 5 6 7 8 9

Anne-Marie Devreux/Michèle Ferrand-Picard, « La loi sur l’avortement. Chronologie des événements et des prises de position », Revue française de sociologie, 23/3 (1982), p. 504. Jean-Yves Le Naour, op. cit., p. 222. Il s’agit d’une position intermédiaire entre répression totale et légalisation, in Jean-Yves Le Naour, op. cit., p. 224. Michèle Ferrand/Maryse Jaspard, L’interruption volontaire de grossesse, Paris, Que Sais-Je ? PUF, 1987, p. 20. En cas de viol ou d’inceste. Michael Gante, § 218 in der Diskussion – Meinungs- und Willensbildung 1945–1976, Forschungen und Quellen zur Zeitgeschichte, Band 21, Düsseldorf, Droste, 1991, p. 118.

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prochement » opéré entre cette église et le SPD depuis Bad Godesberg10. Face à la protestation très bien organisée par les catholiques, le ministre recule11. En 1970, deux autres projets, élaborés en dehors du cadre parlementaire ou gouvernemental, suscitent encore plus d’émoi que les timides tentatives du gouvernement fédéral. Il s’agit, d’une part, du projet formulé par une association de défense des droits civiques, l’Union humaniste, qui revendique la légalisation de l’avortement (abrogation du § 218) au nom de la laïcité12. L’autre projet est celui émanant d’un groupe de professeurs libéraux de droit pénal dont les propositions vont fortement influencer la suite des débats. En réalité, ce projet qualifié « d’alternatif » contient deux propositions : une proposition majoritaire qui repose sur le respect d’un délai (Fristenlösung) et une proposition minoritaire pour laquelle le simple respect d’un délai annule le caractère pénal de l’acte13. Le point de vue majoritaire sera endossé par le FDP lors de son congrès de Bonn, en 1970. L’HISTOIRE DU TRANSFERT : LES CAMPAGNES D’AUTO-DÉNONCIATION ET LES MANIFESTES DE 197114 L’idée d’une campagne d’auto-dénonciation menée par des femmes célèbres est partie de France et c’est un homme un peu oublié par l’histoire qui l’a eue : Jean Moreau, le chef du service documentation du Nouvel Observateur. Avec Nicole Muchnik, une collègue de la rédaction, ils en parlèrent à des membres du MLF dont la majorité se montra hostile au recours à des célébrités. Un petit groupe décida tout de même d’en parler à Simone de Beauvoir qui adhéra et promit de les aider, et ce fut finalement elle qui rédigea la version finale du manifeste15. Au cours de 10

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Hermann Tallen, Die Auseinandersetzungen zwischen der katholischen Kirche und der sozialdemokratischen Partei Deutschlands über die Reform des § 218 StGB, Inauguraldissertation zur Erlangung des Doktorgrades der Philosophischen Fakultät der Westphälischen Wilhelms-Universität zu Münster, p.21. Non seulement d’éminents représentants du SPD se rendirent séparément au Vatican en 1969–1970 (Brandt, Wehner et Leber), mais l’église catholique cessa également la publication de recommandations de vote (en faveur des partis de l’Union) à la veille d’élections importantes (Wahlhirtenbriefe). Alice Schwarzer, Stern, 6 juin 1971. Le ministre reçut des coupons pré-imprimés de la part de 12 000 lecteurs d’un journal catholique, lesquels l’invitaient à « n’envisager aucune réforme libérale du § 218 ni maintenant ni à l’avenir ». En réponse, le ministère fit savoir qu’un tel projet n’était nullement à l’ordre du jour. Cet argumentaire est très minoritaire à l’époque, même chez les partisans d’une légalisation. L’argument le plus fréquemment utilisé (pour justifier des entorses au principe de protection de la vie) est en effet celui de l’amélioration de cette même protection de la vie à travers une diminution du nombre d’avortements. Suite à une dépénalisation, les femmes seraient en effet plus accessibles ce qui permettrait de mieux les aider et peut-être d’éviter certaines interruptions de grossesse. Pour la Humanistische Union par contre, les arguments des opposants à une légalisation reposent sur des considérations religieuses qui n’ont pas lieu d’être dans un État laïc comme la République fédérale. Michael Gante, op. cit., p. 122–123. Manifestes parus dans Le Nouvel Observateur du 5 avril 1971 et dans Stern du 6 juin 1971. Sophie Des Déserts, « L’histoire secrète du manifeste des 343 ‹ salopes › », Le Nouvel Obser-

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l’hiver 1970–1971, le MLF décida en effet de mener des campagnes systématiques contre l’interdiction de l’avortement, dont le manifeste des 34316 est le meilleur exemple17. Les femmes qui furent plus précisément à l’origine du manifeste étaient écrivaines, journalistes, enseignantes, membres du MLF ou du MLA (Mouvement de libération de l’avortement) ; lorsqu’elles se réunirent dans un appartement parisien en février 1971, elles envisagèrent de collecter une centaine de signatures pour le mois suivant. Le 15 mars, elles en avaient déjà 200 et d’autres arrivaient quotidiennement18. La collecte fut donc particulièrement rapide. Il faut dire que certaines femmes du groupe fondateur avaient un carnet d’adresses bien rempli – par ex. l’écrivaine Christiane Rochefort ou la comédienne Christiane Dancourt19. Face au succès de l’opération de collecte des signatures, Jean Moreau informa Jean Daniel, directeur de la rédaction, de son projet et obtint son soutien. Mais malgré l’enthousiasme de la rédaction, les filles du manifeste hésitaient sur ces choix et songeaient à confier leur pétition au Monde, à Politique Hebdo ou à France Soir contacté par Simone de Beauvoir, mais qui rejeta l’offre. Ce fut donc bien le Nouvel Observateur qui fut choisi, mais il dut toutefois s’engager à publier les noms et prénoms des signataires et confier une tribune d’une page au MLF sous l’intitulé : « Notre ventre nous appartient »20. L’objectif de ce manifeste était de révéler le problème au grand jour et de contraindre le gouvernement à prendre position soit en poursuivant toutes les signataires, soit en s’abstenant et en admettant par là même la caducité de fait des lois de 1920 et 1923. Le choix d’impliquer des célébrités parmi les signataires, qui était une condition ou du moins une suggestion du Nouvel Observateur21, avait bien sûr pour but d’appuyer les revendications, mais aussi d’inciter l’Etat à bien peser sa réaction. La personnalité qui s’engagea sans conteste le plus fut Simone de Beauvoir et elle le fit par pure solidarité féminine puisqu’elle admit plus tard ne jamais avoir été enceinte22. D’ailleurs, sur les sept femmes célèbres prenant brièvement la parole dans Le Nouvel Observateur pour dire pourquoi elles ont signé le manifeste, seules deux disent clairement qu’elles sont elles-mêmes passées par là. Les autres mettent plutôt en avant une démarche solidaire, logique, stratégique, morale ou pragmatique23. Notons que le choix de faire signer quelques femmes célèbres fut critiqué par plusieurs membres du MLF qui considéraient que les stars 16

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vateur, 30 mars 2006. Il y a en réalité 342 et non 343 signataires, l’une d’elles, Liliane Siegel, ayant signé deux fois sous deux noms différents (nom de jeune fille et nom d’épouse). Il semblerait aussi que les filles du MLF aient parfois « fait signer » des célébrités (en l’occurrence Françoise Hardy et Sheila) sans leur consentement. D’autres fois, une célébrité oublia qu’elle avait signé la pétition (en l’occurrence Catherine Deneuve) et menaça l’hebdomadaire de poursuite in Sophie Des Déserts, op.cit. Kristina Schulz, op. cit., p. 123. Le Nouvel Observateur, 5–11 avril 1971, p. 44. Sophie Des Déserts, op. cit. Ibid. Kristina Schulz, op. cit., p.125. Ibid., note 103 p. 125. Le Nouvel Observateur, 5–11 avril 1971, p. 43. Les sept célébrités en question sont : Simone

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monopolisaient la parole, au détriment des femmes réellement concernées par le problème. Cette question se posera à nouveau lors du procès de Bobigny fin 1972, alors que l’avocate et fondatrice de l’association Choisir, Gisèle Halimi, souhaitera faire témoigner des personnalités et que le MLF s’y opposera. Pour le MLF révolutionnaire, en tant que combat menant à l’émancipation des femmes, la lutte pour la légalisation de l’avortement devait, d’une part, être menée exclusivement par elles et, d’autre part, agir au nom de toutes les femmes. Choisir et le MLF se séparèrent après le procès de Bobigny24. L’impact de ce manifeste fut considérable car il cristallisa un mouvement de masse beaucoup plus large que celui des militantes féministes25. Bien que le conseil de l’Ordre rappelât rapidement son hostilité à toute libéralisation de l’avortement, en mai 1971, 252 médecins signèrent à leur tour un manifeste en faveur de la liberté d’avortement, sans pour autant admettre en avoir pratiqué eux-mêmes26. En juin, ce fut au tour de 220 gynécologues français de se déclarer solidaires des 252 médecins précédents, bien qu’ils exprimassent quelques réserves sur la liberté totale d’avortement27. Côté allemand, c’est la féministe Alice Schwarzer qui fut l’élément déclencheur, bien qu’elle restât dans l’ombre et conçût son rôle comme celui de passeuse entre femmes françaises et allemandes28 : elle vivait à Paris depuis plusieurs mois où elle travaillait comme pigiste et militait depuis peu au sein du mouvement féministe parisien. Elle rencontra Simone de Beauvoir et participa aux actions du MLF dont elle transféra les stratégies en Allemagne29. Elle connaissait aussi Jean Moreau du Nouvel Observateur et, lorsque fin avril 1971 celui-ci l’appela pour lui faire part de son inquiétude de voir son idée récupérée par le magazine allemand Jasmin, elle n’hésita pas. Elle prit contact avec le rédacteur en chef du magazine Stern, Winfried Maaß, et lui demanda s’il publierait les auto-dénonciations de 300 à 400 femmes allemandes, si elle parvenait à les rassembler. Un mois plus tard, une liste de 374 femmes lui était remise30. Pour Alice Schwarzer, il était clair qu’il n’existait en Allemagne aucun groupe de femmes qui, comme les Parisiennes, eût été capable de centraliser une telle action et elle se tourna vers plusieurs interlocuteurs31. Parmi les groupes contactés pour se joindre à la campagne, seuls trois acceptèrent d’emblée32, d’autres manifestèrent d’abord leur refus, avant de se raviser (Frankfurter Weiberrat). À Munich, le projet suscita une scission du Rote Frauen Front, une

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de Beauvoir, Marguerite Duras, Françoise Fabian, Gisèle Halimi, Jeanne Moreau, Micheline Presle et Françoise Sagan. Kristina Schulz, op. cit., p. 132–135. Choisir comptait des membres masculins. Michèle Ferrand, op. cit., p. 21. Ce manifeste sera également publié dans Le Nouvel Observateur et d’autres suivront. Jean-Yves Le Naour, op. cit., p. 231–232. Alice Schwarzer, « Ein unerhörtes Selbstbekenntnis », Die Zeit, 18 (2009). Christiane Kohser-Spohn, « Mouvement antiautoritaire en Allemagne et mouvement contestataire en France: interactions ? », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 2 (2009), p. 33–38. Alice Schwarzer, « Ein unerhörtes … », op. cit. Ibid. La Frauenaktion 70 (Francfort), le Sozialistische Frauenbund (Berlin) et les Roten Frauen (Munich), cités par : Alice Schwarzer, 10 Jahre Frauenbewegung – So fing es an !, Köln, Emma-Frauenverlag, 1981, p. 23–24.

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partie refusant de participer, l’autre – constituée majoritairement d’étudiantes –, acceptant33. Quant au SPD, au FDP et aux syndicats vers lesquels Alice Schwarzer se tourna également, ils refusèrent34. Les choses changèrent après la publication du manifeste, mais ce furent surtout les organisations de jeunesse de ces partis (Jusos, Jungdemokraten, quelques groupuscules socialistes et communistes) qui s’engagèrent. Contrairement aux dirigeants du SPD, les Jusos défendaient l’abrogation pure et simple du § 21835. Finalement, le 3 mai 1971, dans un quartier de Francfort-sur-le-Main, sept femmes se retrouvèrent pour rédiger un texte. Elles étaient membres de la Frauenaktion 70, une association forte d’environ 150 membres à Francfort, qui luttait depuis un an déjà contre le § 218 et dont le slogan est aujourd’hui bien connu : « Mon ventre m’appartient ». Mais après l’avoir rédigé, aucune de ces femmes ne se sentit prête à signer le manifeste et les premières signataires furent en fait cinq Munichoises. Leur témoignage fut polycopié à l’Université de Munich et diffusé, accompagné d’une lettre indiquant que cette action n’avait de sens que si l’appel faisait naître un mouvement de masse. Les femmes devaient se mobiliser dans tout le pays et collecter des signatures. C’est de cette façon que la moitié environ des signataires fut trouvée. Le reste afflua grâce au bouche à oreille. Dans l’ensemble, les signatures émanèrent essentiellement de Berlin (131 signatures sur 374), Munich (68), Francfort (50), et la région Bonn/Cologne (44)36 et furent très largement collectées par les trois groupes cités plus haut37. A. Schwarzer indique qu’en contrepartie des signatures, elle avait obtenu du magazine Stern que la Une soit collective et ne mette pas en avant une ou deux célébrités ; par ailleurs, l’appel politique ne serait ni censuré ni raccourci et enfin, le reportage qu’elle avait réalisé sur l’action serait publié. Elle voulait éviter que cette action ne soit réduite à un événement sensationnel. C’est pour cette raison qu’elle ne remit la liste de signatures qu’à la dernière minute, une fois certaine que la présentation du dossier serait adéquate38. REGARDS CROISÉS FRANCO-ALLEMANDS Les campagnes d’auto-dénonciation créèrent une dynamique sans précédent et permirent de lever le tabou continuant de peser sur la question de l’avortement. Du point de vue des poursuites encourues, le recours à des célébrités s’avéra payant puisque aucune poursuite ne fut engagée, malgré l’annonce d’une répression sévère. Mais le plus grand mérite de ces campagnes est d’avoir réussi à mobiliser

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Kristina Schulz, op. cit., p. 146–150. Michael Gante, op .cit., p. 126. Kristina Schulz, op. cit., p. 156. Ibid., p. 145. Michael Gante, op. cit., p. 126. Alice Schwarzer, « Ein unerhörtes … », op. cit. Elle écrira plus tard que « Stern avait certes son scandale, mais que s’il avait deviné à quoi il participait, il se serait certainement abstenu » (cf. A. Schwarzer, 10 Jahre, op. cit., p. 23).

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l’opinion publique et contraint les autorités à légiférer. Pour autant, leurs effets à long terme ne furent pas les mêmes en France et en Allemagne. En France, moins de deux mois après la parution du manifeste, les soutiens et les actions s’enchaînent et s’avèrent plus forts que les oppositions : en janvier 1972, le président Pompidou finit par se prononcer en faveur d’une révision de la loi ; mais l’événement déterminant, celui qui fera réellement éclater la loi de 1920, c’est le procès de Bobigny qui se tient à la fin de la même année (nov. 1972). C’est à ce moment que l’on entre dans une nouvelle phase, celle d’une modification législative éventuelle39. Quelques semaines plus tard, en décembre, le député Peyret présente un rapport préconisant la libéralisation de l’avortement qui est approuvé à l’unanimité par la commission parlementaire concernée40. Les actions se poursuivent ; nous sommes à la veille des élections législatives de mars 1973. En avril est créé le Mouvement de libération de l’avortement et de la contraception (MLAC) qui fédèrera divers groupes. La majorité sortante ayant remporté les élections, le gouvernement s’empare enfin du dossier et dépose un projet de loi en juin 1973 (projet Messmer-Taittinger-Poniatowski) qui reprend essentiellement les propositions du rapport Peyret41. Mais le projet ne trouve pas de soutien suffisant à l’Assemblée ni dans le corps médical et se voit renvoyé en commission. Cette dernière décide d’ouvrir une série de consultations entre juillet et novembre 1973, au cours desquelles 154 personnalités sont auditionnées. Le rapport de ces auditions doit servir de base aux débats à l’Assemblée au printemps 1974, mais le décès du président Pompidou en avril bouleverse le calendrier. Le projet défendu par la ministre de la Santé Simone Veil l’est donc sous un autre président : Valéry Giscard d’Estaing qui, bien qu’il ait tenté de se soustraire au débat lors de la campagne présidentielle, considérant qu’il s’agissait d’un terrain miné42, n’en crée pas moins un secrétariat d’État à la Condition féminine, une fois élu. Il le confie à Françoise Giroud, connue pour ses positions favorables à une large réforme de la loi de 1920, et c’est aussi pour cette raison qu’il préfère demander à une quasi-inconnue, Simone Veil, de s’emparer du dossier sur l’avortement43. Le fait de confier le dossier à la ministre de la Santé, plutôt qu’à la secrétaire d’État à la Condition féminine, permet surtout de mettre en avant l’argument de santé publique plutôt que celui du droit des femmes à disposer de leur corps. Le projet est finalement adopté par les deux assemblées en décembre 1974, mais aussitôt contesté par 77 députés prétendant que la loi est contraire, entre autres, à la constitution française et qui saisissent le Conseil constitutionnel. Dans son verdict du 15 janvier 1975, ce dernier valide toutefois la loi Veil44. 39 40 41 42 43 44

Michèle Ferrand, op. cit., p. 22. Ibid., p. 23. Outre la prise en compte des indications éthique et eugénique, le projet prévoyait l’élargissement de l’indication thérapeutique à des indications médico-sociales in Michèle Ferrand, op. cit., p. 24–26. Jean-Yves Le Naour, op. cit., p. 261. Ibid., p. 262. Décision n° 74–54 DC du 15 janvier 1975 , www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1975/7454dc. htm. Il n’est porté atteinte ni au principe de liberté ancré dans l’article 2 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ni au respect de la vie de façon fondamentale puisque la remise en cause de ce principe dans la loi n’est prévue qu’en cas de nécessité et dans certaines limites.

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En Allemagne, le manifeste fait aussi l’effet d’une bombe et marque le point de départ du captage de l’opinion publique45. Comme en France, les actions et les soutiens se multiplient, mais la résistance ne faiblit pas non plus. Parmi les 374 signataires figurent aussi des femmes qui n’ont jamais avorté, mais qui se sont « bien imaginées ce que ce pouvait être »46. Concomitamment à la parution du manifeste est née l’Aktion 218 dont l’objectif est la mise en réseau des différentes protestations contre le § 218. La seule condition pour en faire partie est de revendiquer l’abrogation pure et simple de ce paragraphe47. Cette structure lâche organise des congrès fédéraux de femmes auxquels participent de nombreuses déléguées de différents groupes ; elle perturbe aussi les auditions réalisées par le Bundestag en avril 1972 auxquelles elle est pourtant invitée à s’exprimer48. Le gouvernement réagit à la publication en annonçant, en septembre, par la voix du ministre de la Justice Gerhard Jahn (SPD), un projet de réforme reposant sur l’introduction de trois indications (médico-sociale, éthique et eugénique). Il s’avère rapidement que ce projet ne fait pas l’unanimité dans son propre camp : le FDP a opté dès 1970 pour un modèle reposant essentiellement sur le respect d’un délai (Fristenlösung) et le SPD lui emboîte le pas en novembre 1971, lors de son congrès extraordinaire de Bonn49. Le chancelier Brandt indique d’emblée que le projet gouvernemental sera tout de même maintenu et que lui-même ne participera pas à un vote à l’Assemblée portant sur un projet de Fristenlösung. Malgré cette mise en garde au plus haut niveau, le congrès adopte ce modèle à une très large majorité50. En février 1972, lorsque le gouvernement dépose son projet51 à l’Assemblée (Indikationenregelung), 51 députés des groupes FDP et SPD en déposent un autre (Fristenlösung), si bien que le camp gouvernemental présente deux projets. Quant à l’opposition, elle rejette les deux modèles, prône le statu quo et n’a pas l’intention de présenter de projet. Durant trois jours en avril 1972, la commission parlementaire spéciale pour la réforme du Code pénal organise des consultations et invite 29 experts (dont huit femmes) à des auditions publiques. La première journée est consacrée aux scientifiques qui se prononcent majoritairement en faveur d’une Indikationenregelung ; la seconde aux représentants du secteur social défendant presque tous une Fristenlösung ; le troisième jour est réservé aux églises : les représentants catholiques rejettent sans surprise les deux projets et disent n’accepter qu’une indication thérapeutique stricte ; quant au représentant protestant, il demande que l’indication sociale (Notlagenindi45 46 47 48 49 50 51

Michael Gante, op. cit., p. 126. Alice Schwarzer, « Ein unerhörtes …», op. cit. On apprend par la même occasion que c’était son cas. Kristina Schulz, op. cit., p. 154. En janvier 1972, l’Aktion 218 fédérait une vingtaine de groupes de femmes. Ibid., p. 160. Michael Gante, op. cit., p. 135. Ibid., p. 136. Entre-temps augmenté d’une quatrième indication, l’indication sociale indépendante. La décision ne fut pas facile car le gouvernement lui-même était divisé, certains de ses membres favorisant plutôt une Fristenregelung (W. Scheel, H. D. Genscher et H. Schmidt par ex.) in Simone Mantei, Nein und Ja zur Abtreibung – Die evangelische Kirche in der Reformdebatte um § 218 StGB (1970–1976), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2004, p. 177.

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kation) ne soit pas indépendante, mais figure plutôt comme clause générale du catalogue d’indications52. Toutefois, comme en France, le processus est interrompu : ici, la fragilisation de la majorité parlementaire – suite aux défections de quelques députés libéraux – entraîne une dissolution prématurée du Bundestag et de nouvelles élections à l’automne 1972. La majorité sortante ressort nettement renforcée de ce scrutin, en particulier le SPD qui forme, pour la première fois de l’histoire de la RFA, le plus grand groupe parlementaire et dispose – contrairement à la législature précédente – d’une forte majorité. Dans sa déclaration de janvier 1973, le chancelier Brandt annonce que le gouvernement renonce désormais à présenter son propre projet (projet Jahn) et s’en remet au Parlement dont il espère qu’il réussira à formuler une solution davantage consensuelle pour la société allemande que le modèle de Fristenlösung53. En réalité, ce sont à nouveau deux projets de la majorité parlementaire qui seront déposés en mars 1973 : un projet commun des groupes parlementaires FDP et SPD, prônant une Fristenlösung, et un projet émanant de 28 députés du groupe SPD autour du député Müller-Emmert, basé sur quatre indications (proche du projet Jahn de 1972). A cette date aucun projet de l’opposition n’existe encore. Pour cela, il faut attendre le mois de mai et ce n’est alors pas un, mais également deux projets qui sont élaborés par ce camp. Le premier est le projet majoritaire du groupe CDU/CSU et c’est un modèle d’indications excluant l’indication sociale (trois indications), mais prévoyant l’abandon des poursuites contre la femme si elle a agi dans une situation de détresse extrême. Le projet minoritaire ; autour du député Heck (Heck-Entwurf), se distingue du précédent en cela qu’il limite la situation de détresse à un risque pour la santé physique ou psychique de la femme, autrement dit, à une cause strictement thérapeutique, ceci valant aussi pour les autres indications. Selon ce projet, la vie de l’enfant à naître n’est tangible que si on peut lui opposer la vie de la mère. C’est finalement le projet majoritaire des groupes SPD/FDP qui est adopté au Bundestag, en avril 1974, avec une majorité de 21 voix54. Après une tentative de véto du Bundesrat qui n’aboutit pas, de nombreux députés de l’Union et le gouvernement du Bade-Wurtemberg saisissent le Tribunal constitutionnel et demandent la suspension de la loi, en invoquant le fait qu’elle n’offre plus aucune protection de la vie (Art. 2 GG) dans les douze premières semaines de grossesse, un point de vue qui sera confirmé par le verdict du Tribunal constitutionnel en février 1975. Afin d’éviter un échec complet du processus de réforme, le législateur se remet au travail : les groupes SPD et FDP déposent en octobre 1975 un nouveau projet commun, fondé cette fois sur un modèle d’indications comprenant une indication médico-sociale au sens large. En dehors de ces indications, l’avortement reste répréhensible pénalement55. Quant à l’Union, le projet qu’elle dépose finalement à la fin du même mois ne se distingue inévitablement plus tellement de celui de la majorité en ce qui concerne le catalogue d’indications. Mais des différences existent bel et bien au niveau de la procédure conduisant à la 52 53 54 55

Simone Mantei, op. cit., p. 207. Hermann Tallen, op. cit., p. 208. Michael Gante, op. cit., p. 156–158. Ibid., p. 182.

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prescription des indications, une procédure que l’Union veut plus contraignante56. L’Union renonce finalement à soumettre son projet au vote du Bundestag et le projet de la coalition gouvernementale est adopté en février 1976 avec une majorité confortable – pratiquement aucune défection n’ayant été enregistrée dans un camp comme dans l’autre57 – et entre en vigueur en mai. Bien qu’avant les campagnes d’auto-dénonciation, aucun camp politique en France ou en Allemagne ne songeât à légaliser l’avortement, en formulant cette demande, les féministes françaises obtinrent une solution de compromis se rapprochant de la légalisation. Les féministes allemandes, bien qu’elles eussent nourri les mêmes espoirs, n’obtinrent que l’élargissement de l’indication thérapeutique. Comment peut-on expliquer cette différence en dépit à la fois d’un émoi et d’un sursaut identiques provoqués par les manifestes ? On songe immédiatement aux temporalités différentes évoquées par Kristina Schulz pour qui, en Allemagne – contrairement au cas français – l’action précéda l’organisation. Elle rappelle qu’en France, le MLF s’était constitué avant la campagne pour la libéralisation de l’avortement, alors qu’en Allemagne ce fut cette mobilisation qui fit se constituer socialement un mouvement58. Quoi qu’il en soit, à partir de 1970, le nouveau mouvement de femmes se transforma en un vaste mouvement social, avec des groupes dans toute la République fédérale. La lutte pour l’abrogation du § 218 en fut à la fois le leitmotiv et le symbole de l’engagement politique des femmes59. La publication des manifestes eut pour effet de rendre le sujet incontournable, en contraignant les autorités à réagir et les partis, les grandes organisations, à prendre position. Ils contribuèrent aussi à élargir le soutien en faveur d’une libéralisation de l’avortement. Étant donné que l’idée partit de France et fut reproduite en Allemagne, nous pouvons conclure au transfert transnational d’un mode opératoire. Mais ce transfert n’en révèle pas moins les limites des actions féministes, puisque la lutte pour la dépénalisation de l’avortement n’aboutit pas aux mêmes résultats en France et en Allemagne. Alors qu’en France, la loi Veil réussit à trouver une forte majorité au Parlement (284 voix pour et 189 contre)60, on ne peut que constater l’énorme dispersion des forces en 56 57 58

59 60

Ibid., p. 192 Ibid., p. 199. Kristina Schulz, op. cit., p. 144. Alice Schwarzer partage cet avis comme en atteste le sous-titre de l’ouvrage publié en 1981 (cf. A. Schwarzer, 10 Jahre, op.cit.). Nous laissons aux historiens du féminisme le soin de déterminer avec précision le moment où les revendications féminines furent articulées au sein d’un vaste mouvement social et nous contentons d’indiquer les travaux de Sylvie Chaperon (France), pour qui « le renouveau féministe revendicatif commence dans les années 1960 avec un crescendo significatif à partir de 1965 » (cf. « La radicalisation des mouvements féminins français de 1960 à 1970 », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 48, octobre-décembre 1995, p. 67) et ceux de Susanne Hertrampf (Allemagne) qui voit, dans le célèbre jet de tomates lors du congrès SDS en septembre 1968, « le signal de départ pour une seconde vague du mouvement de femmes à l’Ouest » (cf. « Ein Tomatenwurf und seine Folgen, http://www.bpb.de/gesellschaft/gender/frauenbewegung/35287/neue-welle-im-westen (8 sept. 2015). Ilse Lenz (Hrsg.), Die Neue Frauenbewegung in Deutschland. Abschied vom kleinen Unterschied – Eine Quellensammlung, 2. aktualisierte Auflage, Wiesbaden, Verlag für Sozialwissenschaften, 2010, p. 69. Jean-Yves Le Naour, op. cit., p. 269.

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présence en Allemagne, puisque ce furent au total quatre projets de réforme différents qui furent soumis au Parlement. Même lorsqu’elle fut adoptée – avant d’être invalidée par le Tribunal constitutionnel –, la proposition de Fristenregelung ne rassembla qu’une faible majorité en troisième lecture (261 voix pour et 240 contre)61. En France, le projet émanait du gouvernement et du président de la République qui réussirent à l’imposer – en partie contre leur camp – grâce au soutien de l’opposition de gauche, mais aussi à des stratégies donnant toute leur chance à la réforme62. En Allemagne, le projet émanait de la majorité parlementaire qui l’imposa contre la volonté du chancelier, d’une partie du gouvernement et de toute l’opposition. Il apparaît par conséquent qu’au-delà des différences de configurations politiques, c’est bien la question d’une dépénalisation de l’avortement dans les trois premiers mois de grossesse qui peinait, en Allemagne, à rassembler. Des sondages publiés en mars 1974, juste avant le vote parlementaire, indiquent d’ailleurs que seules entre 35 et 38 % des femmes allemandes étaient favorables à une Fristenlösung63. Les débats avaient déjà montré que, même chez une partie des défenseurs de ce modèle, ce n’était pas le droit des femmes à l’autodétermination qui était mis en avant, mais l’amélioration de la protection de la vie à naître, grâce à une diminution globale du nombre d’avortements. L’attitude de l’Union est aussi symptomatique : elle ne présenta un projet de réforme qu’à la toute dernière minute, lorsque la perspective de présenter un projet commun avec le SPD dut être définitivement abandonnée. Dans l’absolu, elle aurait préféré s’en tenir au statu quo sur la question64. Elle réagit aussi, bien que tardivement, aux pressions nées de la publication du manifeste et aux injonctions de l’Église catholique. Le rôle des églises semble en effet avoir été plus important dans le débat éthique allemand, bien que les mêmes réflexions sur la vie humaine fussent menées. Les positions des églises catholique et protestante furent fortement divergentes sur la portée que devait avoir la réforme, la première associant – en France comme en Allemagne – avortement et euthanasie, et mettant en avant le droit naturel. Côté protestant, des différences furent perceptibles entre la France et l’Allemagne : alors que le camp protestant français, à travers les voix de ses représentants auditionnés, parlait d’une seule et même voix et prônait une solution très libérale en reconnaissant à la femme un droit à l’autodétermination65, les choses furent plus compliquées en Allemagne, bien que l’EKD finît par faire preuve là-bas aussi d’une plus grande ouverture que l’Eglise catholique66. Ces difficultés des représentants protestants allemands à formuler un point de vue à la fois unique et différent de celui des catholiques sont à nos yeux caractéristiques de la plus grande difficulté à mener cette réforme en Allemagne où le poids des églises et de la 61 62 63 64 65 66

Hermann Tallen, op. cit., p. 322. M. Gante précise que le projet ne put être adopté que suite au revirement, par discipline, de députés SPD ayant lors des lectures précédentes adhéré au projet Müller-Emmert, op. cit., p. 158. À F. Giroud qui fut écartée, il faut ajouter le Garde des Sceaux, Jean Lecanuet, qui aurait très bien pu conduire la réforme, mais qui était connu pour ses convictions religieuses. Sondages Allensbach et Emnid cités in: Hermann Tallen, op. cit., p. 297–299. Michael Gante, op. cit., p. 138–141. Paul Ladrière, « Religion, morale et politique : le débat sur l’avortement », Revue française de sociologie, 23/3 (1982), p. 417–454. Nous renvoyons ici aux travaux déjà cités d’Hermann Tallen et Simone Mantei.

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religion est traditionnellement plus important qu’en France. Cet ancrage plus profond a empêché le recours à des stratégies politiques permettant, comme en France, de faire avancer la cause féminine sous couvert de santé publique. Le droit de la femme à disposer librement de son corps n’a certes pu s’imposer officiellement ni en France ni en Allemagne, mais la loi Veil lui reconnaît ce droit dans les faits, alors qu’en Allemagne le consensus social sur la valeur à accorder aux droits du fœtus a été déterminant. Loin d’être anodine, cette différence est révélatrice de divergences profondes sur le consensus social portant sur les valeurs entre les sociétés française et allemande à cette époque.

L’ANTIFÉMINISME DES FEMMES

L’extrême droite face au défi de la question féminine en France et en Allemagne depuis les années 1970 Valérie Dubslaff Résumé Cet article étudie les spécificités de l’antiféminisme véhiculé par l’extrême droite et plus particulièrement par les femmes extrémistes en France et en Allemagne depuis les années 1970. Leur lutte contre les féministes, les droits et libertés que celles-ci revendiquent, et plus récemment contre le genre, s’accompagne d’un discours réactionnaire sur l’ordre des sexes, la vie et le rôle des femmes dans la famille et la société. Le combat antiféministe comporte également une composante stratégique : il sert la mobilisation et la légitimation politique de femmes qui militent dans des milieux particulièrement masculinistes. Certaines extrémistes entretiennent néanmoins un rapport plus ambigu au féminisme – elles prônent un « féminisme nationaliste » pour critiquer l’hégémonie masculine dans l’extrême droite. La question féminine est ainsi au cœur du dilemme entre traditionalisme et modernité qui tenaille l’extrême droite dans l’Europe du XXIe siècle.

Zusammenfassung Dieser Artikel untersucht die antifeministischen Bestrebungen der extremen Rechten und insbesondere rechtsextremer Frauen in Frankreich und Deutschland seit den 1970er Jahren. Ihr Kampf gegen die Anhänger des Feminismus und die von ihnen reklamierten Rechte und Freiheiten sowie neuerdings gegen den Genderismus geht einher mit einem reaktionären Diskurs über die Geschlechterordnung, das Leben und die Rolle der Frau innerhalb der Familie und der Gesellschaft. Der Antifeminismus wird auch strategisch zur Mobilisierung und politischen Legitimation von Frauen in den vorwiegend männlich dominierten Milieus genutzt. Dennoch haben einige rechtsextremistische Frauen nicht immer eine eindeutige Haltung gegenüber dem Feminismus: Einige sprechen sich für einen „nationalen Feminismus“ aus, um die männliche Hegemonie in rechtsextremistischen Parteien und Gruppierungen zu kritisieren. Die Frauenfrage ist demnach zentral für das Dilemma zwischen Traditionalismus und Moderne, mit dem sich die extreme Rechte im Europa des 21. Jahrhunderts konfrontiert sieht.

Comme elle engageait non seulement les femmes et la famille, mais aussi le devenir de la société dans son intégralité, la question féminine fut longtemps au cœur des luttes politiques en France et en Allemagne. Dès les années 1970, l’égalité entre les hommes et les femmes, principe phare des démocraties européennes, fut virulemment combattue par des mouvances d’extrême droite opposées à la démocratisation du politique, à la libéralisation des mœurs, partant à la féminisation de la société. Le féminisme, dont la deuxième vague commençait à peine à se déployer dans l’espace européen, fut alors identifié comme moteur de la « décadence » – non seulement de la France ou de l’Allemagne, mais de l’Europe, voire de l’Occident – et consi-

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déré par les courants de pensée antilibéraux et antimodernistes comme l’ennemi à abattre. L’antiféminisme, comme posture et comme combat dirigé contre le féminisme, les féministes, leurs revendications et leurs acquis, n’est pas toujours extrémiste, mais il est – avec la misogynie, cette haine des femmes – un trait marquant de l’extrême droite française et allemande depuis plus de quarante ans. Si l’antiféminisme des hommes d’extrême droite paraît banal, celui des femmes semble paradoxal : en combattant les féministes, elles s’opposent à l’évolution de leurs propres droits et libertés sur le plan privé, professionnel et politique. Afin d’éclairer ce paradoxe, il faut d’abord interroger les fondements idéologiques qui déterminent le discours réactionnaire sur le corps, la vie et le rôle des femmes tel que le propagent les partis et les divers courants d’extrême droite en France et en Allemagne, puis questionner les enjeux proprement politiques et stratégiques de cet antiféminisme. Non seulement le combat contre l’émancipation féminine est un outil de propagande efficace pour la diffusion de valeurs traditionnelles, mais il sert aussi d’arme de légitimation politique notamment pour les femmes cherchant à se faire une place dans une extrême droite traditionnellement masculiniste. Or, l’antiféminisme affiché des femmes d’extrême droite ne les empêche pas de s’inspirer ponctuellement de revendications féministes : certaines osent formuler une critique antisexiste à l’égard de l’hégémonie masculine au sein de leurs formations politiques, d’autres vont même jusqu’à prôner un « féminisme nationaliste ». C’est là toute l’équivocité d’une extrême droite prise en tenaille entre le traditionalisme qu’elle défend et une certaine injonction à la modernisation, sans laquelle elle ne peut subsister au XXIe siècle. L’UTOPIE DU FÉMININ : LE NATURALISME AU FONDEMENT DES IDÉOLOGIES EXTRÉMISTES Les différents courants d’extrême droite, qu’ils soient français ou allemands, fondent leur conception de la femme et de la relation des sexes sur un principe supérieur, prétendument incontestable et qui fige la féminité dans son acception extrémiste : la nature. Qu’elle soit de source divine, mythique ou biologique, elle légitime une vision du monde binaire et postule une différence originelle entre l’homme et la femme, liés inextricablement l’un à l’autre dans un ordre des sexes en apparence immuable et atemporel. Même si la définition des rapports entre hommes et femmes peut diverger, l’hétérosexualité normative fait consensus. En France, un courant important de l’extrême droite propose une lecture biblique des relations hommes-femmes. Les partisans du catholicisme traditionaliste, comme la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, schismatique et antimoderniste, se fondent sur l’Épitre aux Corinthiens de Saint-Paul pour justifier une conception patriarcale de la relation des sexes qui induit la soumission inconditionnelle de la femme à l’homme : « Le chef de tout homme c’est le Christ, le chef de la femme c’est l’homme (…). L’homme n’a pas été tiré de la femme, mais la femme de l’homme ;

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l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme »1. Cette conception du patriarche, comme élément structurant de la vie (le Christ), de la famille (le père) et de la politique (le chef de l’État), prévalait également, à un degré moindre, dans l’idéologie du Front national, quand Jean-Marie Le Pen le présidait encore (1972–2011). À l’inverse de cette conception hiérarchique des sexes, le courant néo-païen et culturaliste du GRECE, fondé en 1969 par Alain de Benoist, instigateur de la Nouvelle Droite française, introduisit l’idée de sexes « égaux dans la différence » et donc d’une complémentarité entre les hommes et les femmes qui serait biologiquement déterminée et constituerait la base de la civilisation indo-européenne2. Cette idée est également reprise en Allemagne par les cercles de femmes völkisch militant pour la restauration d’une communauté raciale, la Volksgemeinschaft. Ainsi, la Communauté des femmes allemandes (GDF), créée en 2000 par des néonazies, rejette par exemple la Genèse chrétienne au profit d’un mythe pagano-germanique qui prône « l’égalité entre les sexes ». Selon celui-ci, l’homme et la femme primitifs émaneraient de deux troncs d’arbre échoués sur une plage qui auraient été vivifiés par des divinités. Homme et femme créés simultanément seraient ainsi égaux, mais dotés d’une « nature » (Wesen) différente. Cependant, cette « égalité » ne stipule pas une égalité des droits (Gleichberechtigung) entre les hommes et les femmes, mais l’équivalence (Gleichwertigkeit) des rôles de sexes et des devoirs spécifiques qui leur sont attribués. Cette interprétation extrémiste de l’« égalité » est donc foncièrement déterministe et contraignante : elle enferme la femme dans une conception essentialisée de la féminité. La représentation d’une féminité par essence pure et sentimentale, incorruptible et vigoureuse, domine dans tous les courants de pensée extrémistes. La femme, éternel parangon de vertu et d’authenticité, possèderait un naturel protecteur, modeste, doux et responsable qui la renverrait inlassablement à son « essence » reproductrice. Qu’elle soit considérée comme « sacerdoce » ou comme « mission », la maternité devient la « vocation » de toutes les femmes. Il incombe à l’État « d’assurer [leur] épanouissement […] en leur permettant d’accomplir leur destin biologique dans la transmission de la vie et leur destin social dans l’éducation de leurs enfants »3. Dans la pensée extrémiste, le corps et le destin de la femme appartiennent à un ensemble qui la dépasse. En se mettant au service de la famille, considérée comme la « cellule de base » (Keimzelle) de la société, elle sert avant tout l’intérêt collectif – aussi bien la « race » que la « nation », ou la Volksgemeinschaft pour les extrémistes allemands. Le Parti national-démocrate d’Allemagne souligne, en 1996, que « la famille est porteuse de l’héritage biologique. Un peuple qui assiste passivement à la destruction de la famille ou à la perte de sa vigueur est voué au déclin parce qu’il ne peut y avoir de peuple sain sans famille saine »4. Féminité, 1 2 3 4

Bulletin paroissial de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, 1990, cité dans Claudie Lesselier, « De la Vierge Marie à Jeanne d’Arc, images de femmes à l’extrême droite », L’Homme et la société, 99 (1991), p. 100. Alain de Benoist, « La condition féminine », Éléments, mars/avril 1976. « Les femmes dans la société moderne », Bulletin du CNFE, nos 2 à 4 (1985). NPD, Grundsatzprogramm, Bremervörde, 1996.

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maternité et nationalisme sont donc inextricablement liés pour les extrémistes soucieux de restaurer un ordre originel dont l’injonction est à la fois autoritaire, nationaliste, xénophobe et foncièrement antiféministe. LA FÉMINISTE OU L’ENNEMIE À ABATTRE L’idée d’une « nature » immuable et génitrice de la femme, telle que la professent toutes les idéologies extrémistes indépendamment de leur sensibilité propre, va clairement à l’encontre du projet de l’émancipation féminine si cher aux féministes de l’après 1968. Et c’est en toute logique contre le deuxième mouvement des femmes que s’organisa en priorité la riposte antiféministe de l’extrême droite dans les deux pays. Les origines de l’antiféminisme sont évidemment plus anciennes5, mais il connut dans les années 1970 un nouvel apogée. Par la suite, son intensité dépendit largement de l’actualité féministe. Les controverses et débats suscités autour de la question féminine dans l’espace public ou l’arène parlementaire se prêtaient particulièrement à la réaction antiféministe6. Les représentations et revendications véhiculées par ses partisans ont en revanche peu évolué : elles se fondent toujours sur une critique radicale de la modernité, décriée comme fossoyeuse de la société traditionnelle. Pour l’extrême droite, l’émancipation des femmes est le symptôme d’un mal plus profond dans lequel seraient plongés la France, l’Allemagne, voire l’Occident tout entier: celui du déclin généralisé d’un monde laissé à l’abandon. La démocratie, synonyme de libéralisme, aurait corrompu les valeurs traditionnelles et laissé libre cours à la décadence. Nombreux sont les extrémistes à hurler au complot : « Immigration, drogue, prostitution, homosexualité, sida. La boucle est bouclée. Avec la bénédiction d’un appareil politique dont la seule mission semble être d’accélérer la déchéance morale et physique de la France et le suicide de l’Occident »7, écrivit le journal Rivarol en juin 1990. Les extrémistes allemands ne sont guère plus optimistes en 2010, même si la menace est définie en d’autres termes : « Le XXIe siècle décidera de l’être ou de l’anéantissement du peuple allemand. La baisse des naissances, la déculturation galopante, l’aliénation par des institutions supranationales et la mondialisation avec ses conséquences néfastes représentent des menaces existentielles »8. Par conséquent, les luttes dédiées à la légalisation de l’avortement, au travail des femmes ou à l’égalité entre les sexes ont toujours été considérées par ces forces antimodernistes et antilibérales comme moteur de cette évolution « fatale ». Les féministes devinrent ainsi la cible de prédilection de l’extrême droite, 5

6 7 8

Ute Planert a consacré un ouvrage à l’antiféminisme sous l’Empire allemand. Cf. Ute Planert, Antifeminismus im Kaiserreich. Diskurs, soziale Formation und politische Mentalität, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1998. Pour la France, consulter Christine Bard (éd.), Un siècle d’antiféminisme, Paris, Fayard, 1999. Christine Bard (éd.), ibid., p. 26 et suiv. Rivarol, 15 juin 1990, cité dans Claudie Lesselier, « De la Vierge Marie à Jeanne d’Arc », op. cit., p. 102. NPD, Arbeit, Familie, Vaterland, Parteiprogramm, Bamberg, 2010.

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notamment des femmes extrémistes pour qui la condition féminine représentait un véritable enjeu de civilisation. En France comme en Allemagne, les antiféministes se servaient de stéréotypes misogynes pour diffamer ces femmes qui, selon elles, incarnaient une féminité contre-nature: qualifiées de « monstrueuses anti-mères »9, les féministes auraient « une certaine laideur tout à la fois physique et morale »10 et seraient des « créatures obsédées par l’émancipation, misandres et frustrées »11 ; le féminisme serait une « idéologie de débauche » dévolue au « prosélytisme lesbianique (sic) »12. Associée à la gauche de l’échiquier politique et donc à une force de subversion dangereuse, la féministe – figure essentialisée, fantasmée – représentait l’ennemie absolue des femmes d’extrême droite qui tentaient par tous les moyens de s’en distinguer, de les contrer dans l’espace public et politique. Certains partis d’extrême droite mirent spécialement en avant l’engagement politique de leurs militantes et responsables politiques, parangons d’un antiféminisme au féminin. Dès les années 1980, Marie-France Stirbois fut l’une de ces femmes politiques de premier plan du Front national. Elle s’érigea en contre-exemple d’un féminisme synonyme d’individualisme et d’égoïsme qu’elle entendait combattre par une politique réactionnaire et nationaliste : « Si la femme de droite par rapport à celle de gauche garde une certaine image traditionnelle, elle peut et doit se consacrer à d’autres tâches, même au détriment de sa vie de femme (…). C’est nécessaire pour le devenir du pays »13. Pour les militantes d’extrême droite, la critique antiféministe était un atout politique élémentaire : non seulement elle légitimait la parole et l’action de femmes dans une extrême droite particulièrement masculiniste, elle leur permettait également de proposer une politique alternative pour les femmes (Frauenpolitik). Comme elles semblaient bénéficier d’une expertise « naturelle » en la matière, elles s’estimaient les mieux placées pour se prononcer sur la question féminine et familiale au sein et au nom de leurs familles politiques. Et elles le firent avec détermination et véhémence sur de nombreux thèmes comme l’IVG, le travail des femmes ou l’égalité entre les femmes et les hommes. PROTÉGER LES FEMMES CONTRE LEUR ÉMANCIPATION Au cours des quarante dernières années, la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) fut sans doute l’acquis féministe le plus combattu par l’extrême droite française et allemande. L’aveu des « 343 salopes » en France et des 374 femmes en Allemagne qui, dans les colonnes du Nouvel Observateur et du Stern, reconnurent en 1971 avoir avorté dans l’illégalité, la loi Veil (1975) et les aménagements du § 218 du code pénal allemand (Fristenregelung en 1974 et Indikationsre9 10 11 12 13

Bulletin du CNFE, mars 1986. Martine Lehideux, citée par Fiammetta Venner, « L’extrême droite et l’antiféminisme » in : Christine Bard, op.cit., p. 421. NPD, Deutsche Stimme, 7 (1977), p. 4. Marie-France Stirbois citée in : Le Monde, 26 août 1998. Claudie Lesselier, op.cit., p. 112.

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gelung en 1976)14 firent avancer la législation sur l’avortement dans les deux pays en déchaînant simultanément la réaction des militants d’extrême droite qui y virent des « provocations féministes ». En France, la contre-attaque s’organisa dans les milieux pro-vie, notamment autour du groupuscule Laissez-les-vivre créé en 1971 par des catholiques traditionalistes et des militants du Front national. Du début des années 1980 à la fin des années 1990, on dénombre plus de 250 actions coup de poing initiées notamment par ces mouvances : outre les manifestations et les prières de rue, des commandos anti-IVG se spécialisèrent dans l’assaut de cliniques pratiquant l’avortement15. Même si l’opposition à l’IVG fait consensus parmi les extrémistes français et allemands, sa justification peut varier. Comme les milieux conservateurs chrétiens, les militants pro-vie avancent un argument moral et religieux fondé sur le « caractère sacré de la vie »: commençant dès la conception de l’enfant, la vie serait un droit fondamental de toute personne. L’avortement est alors assimilé à un « meurtre » et à un « crime » à l’égard de la Création. Cet argument chrétien trouve son prolongement dans une justification éthique : l’avortement ouvrirait la voie à l’eugénisme, à l’euthanasie, à la procréation artificielle et à des manipulations génétiques en tous genres. Si cette conception n’est guère extrémiste en soi, elle le devient quand lui sont adjointes des connotations antisémites : Simone Veil, rescapée des camps d’extermination nazis et instigatrice de la loi légalisant l’avortement en 1975, fit l’objet de violentes attaques. On lui reprochait de cautionner le « génocide » d’enfants non nés. En Allemagne, le NPD reprend le même discours en 2007 : il fustige « l’Holocauste à l’encontre de nos enfants », formule qui permet à ce parti néonazi de renvoyer dos-à-dos l’avortement et la Shoah, et par conséquent de relativiser cette dernière16. Pour les milieux ultranationalistes et völkisch allemands, la lutte contre l’avortement dépasse le droit des femmes à disposer de leur corps. En favorisant la dénatalité, son enjeu serait plus globalement démographique. « Dans un monde où les femmes peuvent impunément encourager l’avortement, où des dizaines de milliers d’enfants sont tués chaque année par leur « mère » et [dans une période] où notre peuple souffre d’une baisse fulgurante des naissances, il est de notre devoir de protéger cette nouvelle vie », expliquait une militante néonazie du Front des femmes allemandes (DFF) en 198717. Ce leitmotiv nataliste, avec tous ses a priori raciaux et xénophobes, se retrouve dans la plupart des écrits de l’extrême droite française : la « préférence » ou la « priorité nationale », revendiquée par le FN depuis sa création en est un exemple probant. Pour Jean-Marie Le Pen, les familles nombreuses françaises devaient contrebalancer « l’immigration massive », considérée comme « fléau » qui risquait 14 15 16 17

Michèle Perrot, « Préface » in : Christine Bard (éd.), Un siècle d’antiféminisme, op.cit., p. 9 et Ute Gerhard, Frauenbewegung und Feminismus, München, C. H. Beck, 2009, p. 110 et suiv. Fiametta Venner, op.cit., p. 428. Waldemar Maier (Hg.), Die demographische Katastrophe stoppen! Der bevölkerungspolitische Notstand des deutschen Volks und die familienpolitischen Initiativen der NPD-Fraktion im sächsischen Landtag, 2007, http://npd-fraktion-sachsen.de (2 déc. 2009). DFF, « Frau im Dienst », Der Mädelbrief, 4 (1987), p. 4.

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de saper les fondements biologiques de la France. Le slogan frontiste « faisons des bébés avec des Françaises »18 est à la fois sexiste (il ne s’adresse qu’aux hommes), raciste (le métissage est prohibé) et organiciste (la femme est garante de la pureté ethnique) ; les Françaises servent de bouclier contre la « société multiculturelle » que le FN abhorre. Outre l’avortement, les extrémistes allemands et français fustigent la société de consommation dans son ensemble. Cette « société de loisir, [où] tout est facultatif, quelconque et divertissant »19, où l’individualisme serait roi, où la sexualité serait libérée et donc « débridée », où le divorce et l’adultère auraient détruit le mariage, et la pornographie remplacé l’amour, est perçue comme un avatar du libéralisme politique et déclarée contraire à la communauté (Gemeinschaft) et à ses valeurs traditionnelles. La famille apparaît alors comme seul et ultime rempart contre le chaos et l’anarchie incarnés par la « femme émancipée » (Emanze), représentante d’une modernité dépravée. Martine Lehideux (FN) en fit son crédo : « Le monde moderne entend bien briser l’ordre naturel et s’attaquer en priorité à sa clef de voûte : la famille. (…) A cette conception totalitaire inhumaine, nous opposons le sens profondément humain de l’enfant bercé et élevé par sa mère, protégé par son père, se développant parmi ceux de son sang »20. La « femme émancipée » est d’abord celle qui travaille loin de son foyer et de sa famille. Elle est déclarée responsable de la désintégration sociale et de l’insécurité : « Le travail féminin a pour conséquence dramatique l’éclatement de la famille (…) et la délégation d’éducation de la mère à la crèche ou à l’école, qui va avoir des conséquences dramatiques dans un certain nombre d’autres domaines, la délinquance ou la drogue » prédit Jean-Marie Le Pen lors du premier congrès du CNFE, l’organisation des femmes du FN, en 198721. Sans le savoir, la femme « libérée » deviendrait la victime de sa propre émancipation en acceptant des charges supplémentaires, car ce choix de vie lui imposerait « trois métiers dans la même journée » – le travail salarié, les tâches domestiques et le « métier de mère de famille ». Sa libération ne serait faite que de contraintes. Depuis le milieu des années 1990, le NPD ramène le travail des femmes à une « logique économique » dictée par un capitalisme « aliénant » qui les aurait réduites en esclavage. Cette analyse sert ainsi ses diatribes socio-révolutionnaires et antisystèmes. Comme le Front national avant lui, il entend y remédier en introduisant pour les femmes une certaine « liberté de choix » (Wahlfreiheit) qui revaloriserait l’activité domestique et familiale au détriment du travail salarié des femmes, car « la performance de la femme au foyer et de la mère ne peut être comparée au rendement de nul autre métier »22. Depuis sa création en 2006, l’organisation des femmes du NPD, le Cercle des femmes nationalistes (RNF), exige l’instauration d’un salaire maternel, un accès prioritaire aux logements sociaux comme aux allocations fami18 19 20 21 22

Stirbois et de Rostolan choisirent ce slogan pour le VIIIe congrès du FN. Cf. Fiammetta Venner, op.cit., p. 420. Waldemar Maier (Hg.), Die demographische Katastrophe stoppen, op.cit., p. 10. Martine Lehideux, La politique familiale, in : Supplément à Europe et Patrie, 7 (1985), p. 9. Jean-Marie Le Pen, Discours tenu au 1er congrès du CNFE, décembre 1987. NPD, Grundsatzprogramm, Bremervörde, 1996.

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liales pour les familles allemandes et un prêt spécifique pour jeunes mariés. Toutes ces mesures figurent dès 1973 dans le programme de « préférence familiale » du Front National. Même si depuis quelque temps, le « salaire parental » y a supplanté le « salaire maternel », la politique familiale préconisée par Marine Le Pen depuis 2011 responsabilise avant tout les « femmes au foyer » et s’inscrit dans la lignée du natalisme prôné par son père23. On comprend dès lors pourquoi la revendication féministe d’une égalité des droits (Gleichberechtigung) et de la parité (Gleichstellung) entre les hommes et les femmes, notamment dans la sphère professionnelle et politique, semble inacceptable pour les extrêmes droites française et allemande. Elles sont interprétées comme la volonté de calquer les modes de vie féminins sur ceux des hommes et donc de gommer la différence entre les sexes, de viriliser les femmes en féminisant les hommes. Pour les nationaux-démocrates (NPD), les féministes ne seraient pas seules à s’adonner à la subversion « perverse » de l’ordre naturellement binaire des sexes ; elles seraient encouragées et assistées par les « partis établis » et le gouvernement, piliers du « système décadent » de la République fédérale d’Allemagne. Au nom du principe de la performance (Leistungsprinzip), les extrémistes allemands refusent l’instauration de quotas pour femmes, considérés comme sexisme larvé à l’encontre des hommes. Ils pourfendent surtout le modèle du Gender Mainstreaming, initié par l’ONU et le Parlement européen et appliqué, dès 2002, en Allemagne à dessein de réaliser la promotion des femmes et l’égalité des chances entre les sexes à tous les niveaux de la société. Le NPD y voit une conjuration à la fois féministe, marxiste et capitaliste qui aurait pour finalité « l’androgynisation de l’humanité ». Ainsi, la « dictature du genre » (Gender-Diktatur) aurait triomphé en Allemagne : elle s’apparenterait à une manipulation maléfique savamment orchestrée par les milieux académiques et le pouvoir en place. Le genre, amalgamé avec le féminisme serait à la racine du mal, si bien que la lutte « anti-genre » semble aujourd’hui avoir remplacé le combat antiféministe classique. Depuis 2009, l’initiative « Free Gender » dit lutter contre « l’idéologie totalitariste du genre » qui serait au fondement de la prise de pouvoir des femmes et du « féminisme radical » en Allemagne24, un point de vue antiféministe largement partagé par les cercles masculinistes du Mouvement des droits des hommes (Männerrechtsbewegung)25. En France aussi, les extrémistes s’attaquent au genre : en 2014, l’introduction de l’« ABCD de l’égalité », dispositif pédagogique censé lutter contre le sexisme et les inégalités entre les garçons et les filles à l’école, suscite une vive controverse dans les sphères publique et médiatique. Farida Belghoul, ancienne militante de la cause « beur » dans les années 1980, passée à l’extrême droite, appelle en janvier 2014 avec succès à la « journée de retrait de l’école » (boycottage scolaire) et à la mobilisation de familles conservatrices contre la « théorie du genre », destinée selon elle à « détruire le modèle hétérosexuel de la famille ». 23 24 25

FN, « Le projet du FN », 2011, http://www.frontnational.com (16 juin 2014). Free-gender, « Raus aus den Köpfen – Genderterror abschaffen », 2011, http://www.free-gender.de (24 juin 2014). Hinrich Rosenbrock, Die antifeministische Männerrechtsbewegung, Berlin, Heinrich-BöllStiftung, 2012.

L’antiféminisme des femmes

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Cette cause est relayée par les lobbies traditionalistes et catholiques, notamment par la Manif pour tous qui s’est illustrée dans sa lutte contre la légalisation du mariage homosexuel en 2013. Les questions de l’égalité et de la liberté, de la famille, des mœurs et de la sexualité – champs profondément bouleversés sous l’impulsion féministe – restent encore aujourd’hui le principal levier de mobilisation de l’extrême droite notamment féminine qui, dans certains combats, peut compter sur le soutien de conservateurs plus modérés et espérer par conséquent peser davantage sur les politiques et l’opinion publique. Le féminisme qui dévoie les femmes (qui avortent), déresponsabilise les mères (qui délaissent leurs familles pour travailler), corrompt les mœurs (par une sexualité débridée) et abolit les frontières « naturelles » entre les sexes, est ainsi une cible utile et incontournable pour l’extrême droite. Et pourtant, certaines femmes entretiennent un rapport plus ambigu à son égard; certaines se sont même laissées tenter par celui-ci et prônent un « féminisme » extrémiste. TENTATIONS FÉMINISTES, DILEMME ANTISEXISTE … L’AMBIGUÏTÉ DE L’ENGAGEMENT FÉMININ DANS L’EXTRÊME DROITE CONTEMPORAINE Les militantes de l’extrême droite politique se heurtent à un paradoxe fondamental : elles ne correspondent pas toujours à la féminité « naturelle » qu’elles professent et ne peuvent parfois que difficilement dénoncer des droits et des intérêts féminins qui servent leurs ambitions. Comme elles ne se contentent pas d’être génitrices, elles doivent concilier leur engagement politique avec l’image « maternelle » de la féminité. Elles peuvent alors être tentées de dépasser cette aporie en nuançant leur critique du féminisme et en ne gardant de celui-ci que les éléments qui servent leur vision du monde extrémiste. L’Union féminine pour le respect et l’aide à la maternité (UFRAM), créée en 1983, revendique ainsi « une autre manière d’être féministe », largement inspirée du premier mouvement des femmes de la fin du XIXe s. qui, selon ses adhérentes, aurait apporté le « droit de vote pour tous, [la] pleine capacité des femmes mariées, [le] droit à l’instruction pour les filles comme pour les garçons, [l’]accès libre aux professions ». Ce premier féminisme aurait fait avancer la cause des femmes en préservant la différence entre les sexes. A l’inverse, le féminisme « moderne », représenté par les féministes du MLF, était vigoureusement condamné par l’UFRAM. Avec sa mise en garde, « femmes, attention, le féminisme n’est plus ce qu’il était », l’Union entendait lutter contre ce « nouveau » féminisme allié du marxisme et adepte d’une « guerre entre les sexes » qui aurait dénaturé le combat initial des féministes : « le féminisme ne travaille plus pour le bien de la femme, il est au service d’une idéologie qui nie la féminité et se révèle destructrice pour la famille et le pays ». On retrouve, derrière le paravent du « féminisme de droite » de l’UFRAM, les mêmes ingrédients qui font la particularité de l’antiféminisme classique : un discours réactionnaire sur la place des femmes alimenté par l’hostilité farouche à l’égard de l’avortement ou de la contraception et fondé sur le culte de la maternité : « un vrai féminisme doit respecter notre féminité,

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donc notre vocation à la maternité »26. A défaut d’être un féminisme original, cet extrémisme larvé fit peu d’adeptes et disparut au début des années 1990. Il existe néanmoins des expériences « féministes » plus audacieuses. Au milieu des années 2000, un petit groupuscule de femmes issues de la subculture néonazie de Thuringe, le Cercle des filles de Thuringe (MRT), tenta d’introduire des revendications féministes dans son combat nationaliste. Dans son manifeste, le MRT disait lutter pour l’égalité entre les sexes en appelant les femmes allemandes à « se défendre contre le patriarcat et la discrimination politique ». Selon lui, il fallait « éviter toute exagération du rôle de la mère », comprendre que la femme était « l’égale » de l’homme et « autonome ». Cette alternative féminine, qualifiée par ses auteures de « féminisme nationaliste »27 généra une forte réprobation dans les milieux néonazis. Le MRT fut exclu de toutes les actions et manifestations de la « résistance nationaliste » (nationaler Widerstand). Ce courant fortement minoritaire s’inscrivait dans la continuité de la pensée de Sigrid Hunke, intellectuelle proche de la Nouvelle Droite allemande, qui fut l’une des premières représentantes du « féminisme nationaliste » en République fédérale d’Allemagne. Dans son œuvre Am Anfang waren Mann und Frau (1955)28, elle fit de l’égalité des sexes le principe fondateur de la supériorité raciale des Allemands et des « Européens du Nord ». Ce féminisme était à la fois völkisch, antisémite, anti-chrétien et xénophobe29. La question de l’égalité homme-femme au sein même des organisations et partis d’extrême droite est certainement l’une des plus épineuses, surtout pour les femmes. Certaines rejoignent les organisations de femmes des partis d’extrême droite comme le Cercle national des femmes d’Europe, affilié au FN en 1985, ou le Cercle des femmes nationalistes, fondé en 2006 au sein du NPD. Ces organisations leur offrent non seulement une certaine autonomie, mais aussi une reconnaissance et une visibilité en politique. Cependant, les marges de manœuvre des ces groupements de femmes demeurent restreintes. Elles peinent encore à se faire entendre dans un milieu extrêmement viril et misogyne où toute critique antisexiste de l’hégémonie masculine est vécue comme opprobre et suivie de sévères sanctions. Gitta Schüssler, députée nationale-démocrate au Parlement de Saxe en fit les frais lorsqu’elle s’opposa, en 2009, à l’éviction arbitraire de femmes des postes à responsabilités au sein du NPD. Qualifiant le parti de « secte d’hommes » (Männersekte), elle s’attira les foudres des cadres du parti et dut se retirer durablement 26 27 28 29

Lettres d’information de l’UFRAM, non datées, citées par Gaëlle Erdenet, « ‹ Une autre manière d’être féministe ? › Le militantisme féminin d’extrême droite », M, Mensuel, Marxisme, Mouvement, 53 (1992). MRT, « Nationaler Feminismus – ein Paradoxon? », cité par Renate Bitzan, « Frauen im Rechtsextremismus in Theorie und Praxis », Berlin, Friedrich-Ebert-Stiftung, 2008, www. fes-online-akademie.de. Sigrid Hunke, Am Anfang waren Mann und Frau: Vorbilder und Wandlungen der Geschlechterbeziehungen, Hamm, Grote, 1955. Sigrid Hunke s’inspire fortement des idées défendues dans les années 1920–1930 par Pia-Sophie Rogge-Börner. Cf. Jennifer Meyer, « Mouvement völkisch et féminismes en Allemagne. Une approche intersectionnelle à partir de l’exemple de Sophie Rogge-Börner (1878-1955) », in : Patrick Farges / Anne-Marie Saint-Gille, Le premier féminisme allemand (1848-1933), Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013; p. 77–90.

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de ses fonctions de présidente de son organisation féminine, le RNF. Pour se rendre inattaquables, les femmes du RNF se réclament aujourd’hui du « post-féminisme ». Selon elles, le féminisme serait suranné et inutile pour les nouvelles générations de femmes qui, comme elles, se disent « modernes » et « émancipées de l’émancipation ». Mais elles restent traditionalistes et foncièrement antiféministes. Personne ne semble mieux incarner ce compromis entre modernité et traditionalisme que Marine Le Pen, présidente du Front National depuis 2011 et représentante d’une nouvelle génération de femmes d’extrême droite qui, certes, rejette l’héritage féministe de 1968, mais qui en a incontestablement profité dans les faits. Divorcée et mère de trois enfants, avocate et femme politique de premier plan, elle est, pour de nombreux Français et Françaises, l’incarnation même de la réussite au féminin. Elle ne correspond en rien à l’image d’une féminité réactionnaire, c’est ce qui fait très certainement son succès et sa popularité. Même si elle s’est, en certains points, distanciée de son père – sur la question de la laïcité ou de l’antisémitisme par exemple –, et qu’elle paraît de ce fait moins radicale que Jean-Marie Le Pen, elle continue pourtant à défendre certains de ses principes fondamentaux, comme la « priorité nationale » et familiale. Dans les médias et son programme politique, elle dénonce « l’avortement de confort » et exige le déremboursement de l’IVG. Selon elle, la parité est inacceptable parce qu’elle découlerait d’une « idéologie différentialiste et multiculturelle » et s’apparenterait à un « racisme inversé » à l’encontre des « hommes blancs hétérosexuels »30. Elle s’est de même régulièrement opposée aux textes sur l’égalité hommes-femmes, comme le rapport Estrela (décembre 2013) ou le rapport Zuber (mars 2014) au Parlement européen où elle est députée depuis 200931. Tel semble être le défi d’une extrême droite « dédiabolisée » : conserver sa substance radicale tout en ralliant le plus grand nombre de Français, et a fortiori de Françaises qui, pour la plupart, sont attachées à leurs droits et acquis. C’est donc aussi sur la question des femmes que se jouera l’avenir politique du FN. CONCLUSION En élaborant un discours réactionnaire sur le corps et la vie des femmes, l’extrême droite propage une conception très traditionnelle de la relation des sexes qui relègue les femmes à la sphère privée et familiale. Ces valeurs anti-émancipatrices sont utilisées comme lance-pierre contre les féministes, considérées dès les années 1970 comme épouvantail politique. La posture antiféministe représente de plus un levier politique, notamment pour les femmes qui s’en servent comme faire-valoir dans une extrême droite éminemment masculine et souvent misogyne : en s’emparant de la question féminine et familiale, domaine qui semble leur incomber « naturellement », elles se rendent indispensables au sein de leurs mouvements. En même temps, l’extrême droite profite de l’engagement antiféministe de ses femmes : en 30 31

FN, « Le projet du FN », 2011, op. cit. Florence Montreynaud / Lydie Labat: « Avec Marine le Pen les droits des femmes en danger », Libération, 20 juin 2014, http://www.liberation.fr (12 juil. 2014).

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combattant les droits et les libertés féminines, l’IVG et la contraception, l’égalité et la parité entre les sexes, en alimentant et véhiculant l’antiféminisme, elles le légitiment en tant que femmes dans la sphère publique et politique. Et pourtant, l’extrême droite aussi a subi l’impact du féminisme. Même si la lutte antiféministe ou son corrélat actuel, la lutte anti-genre, reste fondamentalement ancrée dans la pensée et l’action d’extrême droite, certaines extrémistes ont « osé » porter un « féminisme de droite ». Cette ouverture – bien que timide et hésitante – est symptomatique du dilemme extrémiste dans l’Europe actuelle : si elle ne s’adapte pas, l’extrême droite risque la marginalisation politique. En revanche, elle pourra s’imposer si elle fait des concessions à la modernité. Son avenir dépendra aussi des réponses qu’elle saura apporter à la question féminine.

PATHS TO ZERO

Childlessness in France and Germany in a Historical Perspective Rachel Chrastil Abstract Nearly one in five women in most Western countries today do not bear children. While contemporary commentators have focused on changes since the 1960s, particularly the availability of medical contraceptives, demographic studies complicate the story. Rates of childlessness for European women born in the early twentieth century were at least as high as for those born in the late twentieth century. Since the late 1960s, rates of childlessness in France have remained low, whereas they have skyrocketed in Germany. High fertility and low childlessness are no longer always correlated. The Second Demographic Transition theory provides a convincing framework for understanding these changes, but it raises new issues regarding the nature of reproductive choice and the historical and contemporary dilemmas that women have faced. The aim of this article is to examine the implications and shortcomings of conventional explanations for contemporary childlessness as permissiveness and the availability of medical contraceptives since the late 1960s.

Nearly one in five women in most Western countries today do not bear children.1 From Australia to Britain, from the United States to Italy, childlessness is a common experience for women born since the mid-twentieth century.2 Childlessness has attracted its share of media interest, as well as the attention of social scientists and a handful of humanists.3 Social commentators often present contemporary childlessness as a new trend, propelled by contraceptives, 1970s feminism, and women’s drive for high-powered careers. The received popular wisdom overstates the importance of the late 1960s, as historians and demographers demonstrate. Childlessness, a phenomenon distinct from low fertility, has long been a part of the modern European experience; childlessness among women born in 1900 was as common or more common than among women born in 1965. Childlessness is a complex phenomenon with different manifestations in different contexts: since the late 1960s, France and Germany (particu1 2 3

This article is part of a book project on childlessness in historical perspective. Elisabeth Badinter, The Conflict: How Modern Motherhood Undermines the Status of Women, trans. Adriana Hunter (New York: Metropolitan Books, 2011), 20. For example, Lauren Sandler, “Having It All Without Having Children,” Time (August 12, 2013); Elizabeth Gregory, “A Childless Generation?,” The Atlantic (September 5, 2013), http:// www.theatlantic.com/health/archive/2013/09/a-childless-generation/279277/; Elaine Tyler May, Barren in the Promised Land: Childless Americans and the Pursuit of Happiness (New York: Basic Books, 1995); Demographic Research 19 (July 2008); Dirk Konietzka and Michaela Kreyenfeld, eds., Ein Leben ohne Kinder: Kinderlosigkeit in Deutschland (Wiesbaden: Verlag für Sozialwissenschaften, 2007).

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larly Western Germany) have diverged such that by the early twenty-first century, they are at the extremes of childlessness among industrialized countries.

Percentage of Women b.1965 with No Children 35 30 25 20 15 10 5 0

Source: Elisabeth Badinter, The Conflict: How Modern Motherhood Undermines the Status of Women, trans. Adriana Hunter (New York: Metropolitan Books, 2011), 20.

Furthermore, for women born in the mid-twentieth century, high fertility and low childlessness are not always correlated. The theory of the Second Demographic Transition (2DT), first developed by demographers Ron Lesthaeghe and Dirk J. van de Kaa in 1986 and elaborated in the decades since then, goes a long way towards explaining the differences.4 In both countries, women have postponed giving birth; the difference lies in their rates of recuperation after postponement.5 But the 2DT raises a host of additional issues regarding the nature of reproductive choice and the historical and contemporary dilemmas that women have faced. THE END OF THE BABY BOOM: CHILDLESSNESS AND THE MID-1960s Let us start by assessing the validity of placing childlessness in the mid-1960s. The high fertility regime of the baby boom (c.1945–1965) is often the standard against which more recent lower fertility cohorts are measured.6 For the cohort born in 1935, fertility rates were relatively high and childlessness low: childlessness in 4 5 6

Ron Lesthaeghe and Dirk J. van de Kaa, “Twee Demografische Transities?,” in Ron Lesthaeghe and Dirk J. van de Kaa, eds., Bevolking: Groei en Krimp. Mens en Maatschappij book supplement (Deventer: Van Loghum-Slaterus, 1986): 9–24. Ron Lesthaeghe, “The Unfolding Story of the Second Demographic Transition,” Population and Development Review 36, no. 2 (June 2010), 231–234. According to Toulemon, the baby boom ended in France between 1966–1975 (Laurent Toulemon, Ariane Pailhé and Clémentine Rossier, “France: High and Stable Fertility,” Demo-

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France reached only ten percent, and in Germany, 7.1 percent. As children, the cohort of 1935 experienced war, dislocation, and food shortages, but by the time they came of age in the 1950s, the economic prosperity of the trente glorieuses, improved prenatal care and relative political stability, along with the cultural dominance of the gender division of domestic labor and the high value placed on children and family, made it possible for them to usher in the baby boom.7 In terms of age at first birth, cohort fertility rates, and cohort childlessness, the fertility regime of the early twenty-first century is quite different from theirs. If we extend our timeframe, however, it becomes quickly apparent that childlessness is not a new trend. Rates of childlessness for women born in the early twentieth century reached at least the same heights as for those born in the late twentieth century; it was only during the postwar baby boom that childlessness plummeted. France and Germany: Cohort Childlessness 30 25

Childlessness

20

France

15

Germany West Germany

10

East Germany

5

0 1900 1905 1910 1915 1920 1925 1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 Year of Cohort Birth

Sources: Laurent Toulemon, Ariane Pailhé, Clémentine Rossier, “France: High and Stable Fertility,” Demographic Research 19, article 16 (July 2008), 518; Jürgen Dorbritz, “Germany: Family Diversity with Low Actual and Desired Fertility,” Demographic Research 19 (July 1, 2008): 557-598 (570).

7

graphic Research 19 (July 2008), 509. Lesthaeghe writes, “From the second half of the 1960s onward, fertility started falling from its ‘baby boom’ high” (“Unfolding Story,” 212). Luc Masson, “Avez-vous eu des enfants? Si oui, combien?” Insee dossier, France, portrait social – édition 2013, 95; Rebecca Pulju, Women and Mass Consumer Society in Postwar France (New York: Cambridge University Press, 2011).

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France and Germany: Cohort Completed Fertility 3

Cohort Completed Fertility

2,5 2 France

1,5

Germany West Germany

1

East Germany

0,5 0 1900 1905 1910 1915 1920 1925 1930 1935 1940 1945 1950 1955 1960 1965 Cohort Year of Birth

Sources: Laurent Toulemon, Ariane Pailhé, Clémentine Rossier, “France: High and Stable Fertility,” Demographic Research 19, article 16 (July 2008), 508; Jürgen Dorbritz, “Germany: Family Diversity with Low Actual and Desired Fertility,” Demographic Research 19 (July 1, 2008), 570.

In some respects, the fertility of the women born in 1900 is not so different from that of women born in 1970. For the 1900 cohort, which reached childbearing age in the 1920s and 1930s, completed fertility was 2.1 children in both France and Germany, well below the replacement level of the era (about three children per woman).8 For women born in 1970, completed fertility in France is about 2.0 children, and in Germany, just under 1.5 children – that is, under replacement (about 2.1 children per woman), but not quite as far below as for the 1900 cohort. As for childlessness, twenty-three percent of French women born in 1900, almost one out of every four, never had a child.9 Childlessness was far more common for these women than it is today. In Germany, twenty-six percent of women were childless, just a little less than today.10 The notion that a high rate of childlessness is a contemporary condition lacks historical perspective – and therefore limits our understanding of the causes and consequences of the phenomenon. THE LEGALIZATION OF CONTRACEPTIVES AS KEY FACTOR OF CHILDLESSNESS Next let us examine the belief that the availability of medical contraceptives, coupled with legalized abortion, explains the rise in childlessness. Historians have demonstrated the complicated consequences of the Pill and legalized abortion for 8 9 10

Jürgen Dorbritz, “Germany: Family Diversity with Low Actual and Desired Fertility,” Demographic Research 19 (July 2008), 566. Toulemon, “France,” 4. Dorbritz, “Germany,” 569. This is for cohorts born 1901–1905.

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sexuality, gender relations, and politics.11 Here we will simply consider a few pieces of demographic data. While we do not have complete, reliable data on childlessness among women from earlier centuries, it is well known that couples in France limited their fertility long before the late 1960s. The demographic transition (or the “first” demographic transition), characterized by low mortality and low fertility, started in France in the final third of the eighteenth century and in Germany in the late nineteenth century. While medical contraceptives are far more reliable than mechanical ones, they are not necessary for diminished fertility.12 Let us look more closely at trends in childlessness since the 1960s, that is, since the end of the baby boom and the legalization of medical contraceptives. Starting with cohorts born around 1940, who came of age in the 1960s, rates of childlessness diverged sharply. French nulliparity remained low, childlessness in East Germany dropped lower still, while in West Germany childlessness climbed steadily for three decades. In the early twenty-first century, France and Germany rest at the extremes of childlessness among industrialized countries. France’s rate of childlessness remains low, between ten and twelve percent, whereas childlessness in the former West Germany is high, almost thirty percent. It is revealing that there is no French equivalent to the German word Kinderlosigkeit.13 This divergence in childlessness occurred even though each country experienced a decline in the total fertility rate (TFR). In other words, childlessness and lowered fertility were no longer consistently strongly correlated. In France, TFR started to drop in the early 1960s, well before the legalization of contraceptives at the very end of 1967.14 But the rate of childlessness remained around ten percent for cohorts born between the mid-1930s and mid-1950s, with a slight increase to twelve percent for those born in 1955 – 1960. Demographers estimate that the percentage of childless women will increase slightly for the cohorts born between 1965 and 1980, to somewhere between twelve and 13.5 percent.15 This uptick is explained by a rise in women who have never lived as part of a couple; for those who have lived in a couple, the proportion without children has remained stable at around 8.5 percent.16 11

12

13 14 15 16

Dagmar Herzog, “Between Coitus and Commodification: Young West German Women and the Impact of the Pill,” in Between Marx and Coca-Cola: Youth Cultures in Changing European Societies, 1960–1980, ed. Axel Schildt and Detlef Siegfried (New York: Berghahn Books, 2006): 261–286; Eva-Maria Silies, Liebe, Lust und Last: Die Pille als weibliche Generationserfahrung in der Bundesrepublik, 1960–1980 (Göttingen: Wallstein Verlag, 2010). See also Gilles Leroux, “‘Wir haben abgetrieben! Nous nous sommes fait avorter!’: Regards croisés franco-allemands,” in this volume. Jean-Claude Chenais, The Demographic Transition: Stages, Patterns, and Economic Implications. A Longitudinal Study of Sixty-Seven Countries Covering the Period 1720–1984, trans. Elizabeth and Philip Kreager (New York: Oxford University Press, 1992), 145, 337–338, 514; Toulemon, “France,” 536; Dorbritz, “Germany,” 561. Badinter, The Conflict, 132. Elinor Accampo, Blessed Motherhood, Bitter Fruit: Nelly Roussel and the Politics of Female Pain in Third Republic France (Baltimore: Johns Hopkins University Press, 2006), 249. Toulemon, “France,” 518; Masson, “Enfants?,” 93. Masson, “Enfants?,” 95. The percentage of French men without children (biological or adopted) is a little higher for men born in the early 1960s–almost twenty percent, an increase over those

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The difference between West Germany and East Germany during the 1970s and 1980s is striking. Women born in West Germany any time after 1940 have been more likely to be childless than in East Germany – more than twice as likely for cohorts born after 1950. Fifteen percent of women born in 1950 do not have children. For those born in 1960, twenty-one percent – more than one in five – are childless.17 And for women born in the late 1960s, childlessness has risen to nearly thirty percent. Only Switzerland has similarly high rates of childless women.18 By contrast, in the German Democratic Republic, childlessness among those born c.1945–1960 declined to about seven percent, lower than in France. For those who completed their fertility after reunification, childlessness in eastern parts of Germany has risen to 14.4 percent. Despite their divergent patterns of childlessness, western and eastern Germany today have nearly the same TFR: 1.44 in the West, 1.47 in the East.19 We might be tempted to assume that fertility and childlessness are inversely correlated – that a decrease in fertility signals an increase in childlessness, and vice versa.20 This is the case in France for the cohorts born 1900 to 1934, when France reached its lowest levels of childlessness: as fertility increased, rates of childlessness decreased; the correlation is strong.21 This is also the case in West Germany for cohorts born 1935–1966, where the correlation between decreasing fertility and high childlessness is strong.22 The French 1935–1966 cohorts, however, follow a completely different pattern. In fact, there is essentially no correlation between fertility and childlessness for these women.23 Childlessness remained around ten percent regardless of fertility during this period. In East Germany, too, the correlation is weak and not significant. In this case, childlessness and fertility varied, but not in a discernible pattern.24 A glance at scatterplots comparing childlessness to the fertility of women with at least one child reveals the variation in fertility regime for cohorts born since 1935. So the usual explanations for lowered fertility – including the availability of medical contraceptives – may or may not also explain childlessness. The experiences in France and East Germany suggest that even when women could control their fertility, few women forwent children all together. While improved and effective contraceptives “played a catalytic role” in changing family forms, they are neither sufficient nor necessary for explaining high rates of childlessness.25

17 18 19 20 21 22 23 24 25

a generation older that is explained by fewer men living as a couple (Masson, “Enfants?,” 93– 95). Dorbritz, “Germany,” 569. Ibid. Ibid., 566. For this analysis, I calculated fertility only among women who had at least one child. r = -0.772, p < .0001. The same correlation is probably evident for Germany during the same period, because for the 1900 cohort childlessness was high, and for the 1935 cohort, it was low, and because fertility declined during that period, too. r = -0.711, p < .0001. r = 0.144, p = .432. r = -0.153, p = .402. Dirk J. van de Kaa, “Is the Second Demographic Transition a Useful Research Concept: Questions and Answers,” Vienna Yearbook of Population Research 2 (2004), 9.

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W. Germany: Childlessness and Fertility of Women who had at least one child, Cohorts 1935–1966 3,5

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Percentage of Childless Women

Source: Jürgen Dorbritz, “Germany: Family Diversity with Low Actual and Desired Fertility,” Demographic Research 19 (July 1, 2008), 570.

E. Germany: Childlessness and Fertility of women with at least one child, Cohort 1935 – 1966 3,5

Number of children per woman with at least one child

3,3 3,1 2,9 2,7 2,5 2,3

2,1 1,9 1,7 1,5 5

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Percentage of Childless Women

Source: Jürgen Dorbritz, “Germany: Family Diversity with Low Actual and Desired Fertility,” Demographic Research 19 (July 1, 2008), 570.

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France: Childlessness and Fertilty of women who had at least one child, Cohorts 1900 – 1968 3,5

Number of children per woman who had at least one child

3,3 3,1 2,9 2,7 2,5 2,3

2,1 1,9 1,7 1,5 5

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25

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Percentage of childless women

Source: Laurent Toulemon, Ariane Pailhé, Clémentine Rossier, “France: High and Stable Fertility,” Demographic Research 19, article 16 (July 2008), 508, 518.

THE SECOND DEMOGRAPHIC TRANSITION AS EXPLANATORY MODEL The theory of the Second Demographic Transition (2DT) can help to explain some of these trends. The 2DT theory argues that a new demographic regime took hold in industrialized, liberal countries starting in the mid-1960s.26 Dirk J. van de Kaa describes the 2DT as a shift from the “bourgeois family model” of the first demographic transition to the “individualistic family model,” which features divorce, low and delayed fertility, reformulated families, and in many countries an increase in childlessness.27 The 2DT is accompanied by new patterns of immigration from high fertility regions (such as Africa) to low fertility regions (such as Europe). The proponents of the 2DT theory recognize the complexity of its causes. Micro-economic decisions and large-scale structural changes – such as female education, advanced medical technology and proliferating communications networks – are necessary conditions, but they are not sufficient.28 The 2DT requires a separate change in cultural values, specifically a shift toward the value of self-actualization. The 2DT, argues van de Kaa, will not be signaled by a demographic measure (as with the first demographic transition, in which declining mortality is usually the 26 27 28

Van de Kaa, “Questions and Answers,” 4. Ibid., 5. On the relationship between structure and culture, see Lesthaeghe, “Unfolding Story,” 242; on gender roles, see Ursula Henz, “Gender Roles and Values of Children: Childless Couples in East and West Germany,” Demographic Research 19, article 39 (August 22, 2008), 1451–1500; on education, see Heike Wirth, “Kinderlosigkeit von hoch qualifizierten Frauen und Männern in Paarkontext – Eine Folge von Bildungshomogamie?,” in Konietzka and Kreyenfeld, Ein Leben ohne Kinder, 167–197.

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leading indicator), but rather by some complex “measure capable of documenting changes in value orientation, in Weltanschauung, or in the spirit of the age.”29 Here Lesthaeghe and van de Kaa draw on the hierarchy of needs theorized by American psychologist Abraham Maslow: once lower-order needs are satisfied – physiological needs, safety, love, esteem – humans seek self-actualization, “to become more and more what one is, to become everything that one is capable of becoming.”30 Therefore, according to van de Kaa, the driving principle behind the contemporary family is the “right to self-realization granted to each individual,” which can be manifested in a wide variety of family structures.31 Van de Kaa argues that prospective parents now ask themselves, “‘Will our lives be enriched by having a child, or an additional child now?’ The couple will weigh a great many aspects, including the direct and opportunity costs, but their guiding light will be whether it would be self-fulfilling.”32 This shift toward the value of self-realization has a complex effect on the rate of childlessness. Self-realization can justify postponing or foregoing childbirth, and it can justify raising children. Polls support this view; when asked “why have a child?,” sixty percent of respondents answered, “a child improves daily life and makes it happier.”33 In other words, “hedonism ranks first among the motives, with no mention of self-sacrifice.”34 According to Lesthaeghe, in countries that experience the 2DT, women postpone childbirth to pursue education, to keep their options open, to find a better partner, to establish economic security, to pursue consumer and leisure aspirations – that is, for a combination of structural, economic and cultural reasons.35 As Canadian sociologist Jean E. Veevers describes, postponers often do not make an explicit choice against children; rather, they make other choices that make childbearing more difficult.36 The crucial distinction between France and Western Germany is what happens after postponement. In Germany, women never make up for the postponed children. Many remain childless. In France, women tend to postpone childbearing, but ultimately they do have children. Childlessness is low. Lesthaeghe explains that recuperation rates after postponement are due, again, for a combination of economic, structural, and cultural reasons. France’s lower rate of childlessness is due in part because of 2DT-related attitudes in favor of gender equality, emancipation, and independence, with less cultural significance placed on motherhood.37 It is also due 29 30 31 32 33 34 35 36 37

van de Kaa, “Questions and Answers,” 9. A. H. Maslow, “A Theory of Human Motivation,” Psychological Review 50, no. 4 (July 1943), 382. van de Kaa, “Questions and Answers,” 8. Ibid.; Lesthaeghe concurs in “Unfolding Story,” 217. Poll from the magazine Philosophie cited in Badinter, The Conflict, 10. Badinter, The Conflict, 11. Lesthaeghe, “Unfolding Story,” 233. Jean E. Veevers, Childless by Choice (Toronto: Butterworths, 1980). Lesthaeghe, “Unfolding Story,” 231–234; on the status of women, see Eva Bernhardt, “Is the Second Demographic Transition a Useful Concept for Demography?,” Vienna Yearbook of Population Research 2 (2004), 27; on the expectations placed on mothers, see Badinter, The Conflict, 133–134. A common explanation for France’s lower rate of childlessness is the avail-

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to economic and social policies supporting mothers and children, some of which were developed for reasons other than gender equity.38 “The cultural components of the SDT theory appear to be operating in opposite directions,” writes Lesthaeghe; “some foster postponement and hence lower fertility, while others support greater recuperation of fertility.”39 The French philosopher Elisabeth Badinter frames the issue this way: “The individualism and hedonism that are hallmarks of our culture have become the primary motivations for having children, but also sometimes the reason not to.”40 THE PROBLEM WITH SELF-ACTUALIZATION AS AN EXPLANATION FOR CHILDLESSNESS The 2DT theory provides a convincing explanation for why France and Germany’s fertility regimes have diverged since the late 1960s. But it raises a host of additional issues that are not readily addressed through demography. First, even in its more complex formulation, the 2DT theory tends to obscure the relationship between low fertility and childlessness. Lesthaeghe folds childlessness into lower fertility, but the experience of those with one or two children is vastly different from those with none at all. Childlessness is worthy of study on its own, not simply as a piece of lower fertility. Second, framing the recent increase of childlessness as the exercise of deliberate choice within an era of greater permissiveness casts undesirable shadows. Infertile couples may find the implication that they have chosen their lot to be painful, whereas many who have children did not make the deliberate choice to do so. Framing childbearing as choice can pile guilt and duty upon women who are mothers. And the notion of individualism is sometimes misused to compare those with children against those without children within the same culture, under the assumption that those without children are individualistic, whereas those with children are not.41 Third, we must be cautious about reducing childless experiences in the past to the unwanted outcome of unfortunate circumstances. German demographer Jürgen Dorbritz argues that childlessness in the 1900 cohort was “a result of the First World War and of the number of men lost … The same applies to women in the birth cohorts up to 1925 as a result of the Second World War.”42 Badinter writes that “a hundred years ago, a large proportion of women did not have children – those in

38 39 40 41 42

ability of a variety of options for women who have children. French family policy supports them whether they continue to work or leave the workforce to raise the child (Toulemon, “France,” 536–542). Toulemon, “France,” 506. Lesthaeghe, “Unfolding Story,” 233–234. Badinter, The Conflict, 2. Dorbritz, “Germany,” 586. Ibid., 569.

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holy orders, those too poor to marry, servants.”43 She explains that this was not often a happy circumstance for these women, but rather their lot in life to be endured. This interpretation goes a long way, but in the end it founders on empirical evidence and creates the false impression that people in the past lacked reproductive agency. The gloomy interpretation of widespread reproductive misfortune may be valid for many childless women of the turn of the twentieth century, but it is not clear that it was the case for all women. Among French couples – that is, among those women who overcame the difficulties enumerated above – a smaller percentage had children than do today.44 In the United States, nearly twenty percent of married white women born in 1900 did not have children. We may be tempted to ascribe these high rates of childlessness to poor health. But in the United States, the percentage differed widely between industrialized and rural states. In 1910, one out of five married women aged 45–49 in New Hampshire did not have children. This suggests active preferences related to economic circumstances or cultural difference.45 Fourth, we would like to see how individual choice is exercised within a historical context. We have seen Lesthaeghe explain the interplay of economic and structural factors with cultural and values factors, but we want to know more about the decisions themselves: what is it like in the teeth of these conflicts? What is it like in the bedrooms and brains of those who are childless? What pressures do they face to normalize through procreation? While self-actualization may be an interesting umbrella factor, we might seek a more fine-grained analysis of what this fulfillment might entail. It may be useful to break down the reasons that the voluntarily childless provide: freedom, the ability to take advantage of opportunities, marital happiness, professional trajectories, lack of interest in children.46 The contexts are endless: the criminalization of clerical celibacy during the French Revolution; natalism during the early twentieth century; the persistent belief in many contexts that a woman is not fully grown until she has become a mother.47 Finally, the cognitive and emotional experience of reproductive decision-making remains to be explored. Even among those whom we might characterize as choosing childlessness as an explicit avenue toward self-realization, the issue of 43 44 45 46 47

Badinter, The Conflict, 123. Masson, “Enfants?,” 95. S. Philip Morgan, “Late Nineteenth- and Early Twentieth-Century Childlessness,” American Journal of Sociology 97, no. 3 (November 1991), 782, 784. Meta-study of childlessness surveys by American sociologist Kristin Park, cited in Badinter, The Conflict, 143. Claire Cage, “‘Celibacy Is a Social Crime’: The Politics of Clerical Marriage, 1793–1797,” French Historical Studies 36, vol. 4 (Fall 2013), 601–628. To name just a few recent works on natalism: Margaret Cook Andersen, Regeneration through Empire: French Pronatalists and Colonial Settlement in the Third Republic (Lincoln: University of Nebraska Press, 2015); Leslie Tuttle, Conceiving the Old Regime: Pronatalism and the Politics of Reproduction in Early Modern France (New York: Oxford University Press, 2010); Marie-Monique Huss, “Pronatalism in the Inter-War Period in France,” Journal of Contemporary History 25, no. 1 (January 1990), 39–68. On motherhood as a rite of passage, see for instance Martha Hanna, Your Death Would Be Mine: Paul and Marie Pireaud in the Great War (Cambridge: Harvard University Press, 2006), 68.

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choice is unclear. Childlessness is not a one-time choice, but a series of moments and interactions between self and society, a dynamic process that unfolds over the course of decades. Even among those women for whom childlessness is an explicit and early decision, the black-and-white rhetoric surrounding choice may not adequately encompass their experience. They may recognize that all choices have consequences, some positive and some negative. Instead of “choice,” the word “preference” may be more appropriate. “Choice” implies black-and-white, one or the other, and a command over one’s life that seems out of step with the reality of context, whim and accident. “Preference” implies a spectrum of desirability, flexible tendencies, a willingness to entertain or embrace alternatives. CONCLUSION The purpose of this article has been to examine the implications and shortcomings of the conventional explanation for contemporary childlessness, that is, that permissiveness and the availability of medical contraceptives since the late 1960s allowed women to exercise choice. Although that explanation enjoys a lot of face validity, it is problematic in terms of the historical fertility evidence: childlessness was common for women born in 1900, and in the years since the 1960s, childlessness and low fertility have not always been tightly correlated. The theory of the Second Demographic Transition – particularly the recent formulation by Ron Lesthaeghe – can explain the return of childlessness and its different manifestations in France and Germany.48 However, this theory leaves a number of theoretical, philosophical and historical issues unanswered. Childlessness – distinct not only from motherhood but also from celibacy and low fertility – is a rich topic worthy of continued research. Further research will place childlessness in the context of the varieties of European family formation, and the ego-documents of childless women will illuminate their experiences and the connections they forge with future generations.

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Lesthaeghe, “Unfolding Story,” 231–234.

GENDER

Der Streit um eine Forschungskategorie Cornelia Möser Zusammenfassung Um zu einem besseren Verständnis der aktuellen konservativen und rechtsradikalen Mobilisierung gegen die „Gender-Theorie“ beizutragen, untersucht dieser Artikel die Gender-Debatten innerhalb der feministischen Wissenschaft selbst, die ab den 1990er Jahren stattgefunden haben. Nach der Wiedergabe und Analyse der Kontexte und Inhalte dieser Debatten werden sie mit einer vorangegangenen Rezeptions-Diskussion in Verbindung gebracht: den Diskussionen um den French feminism. Abschließend soll eine Analyse der Einführungsliteratur in Gender Aufschluss darüber geben, in welches Verhältnis die feministische Wissenschaft sich zu Gender setzt und wie sie Gender als Kategorie damit zum Teil auch konstruiert. Es zeigt sich, dass damit implizit und manchmal auch unbewusst die feministische Wissenschaft ihre eigene Geschichte reflektiert und schreibt.

Résumé Pour une meilleure compréhension des mobilisations récentes contre « la théorie du genre » organisées par des forces religieuses, conservatrices et de l’extrême droite, cet article se propose d’analyser les débats sur le genre au sein même de la recherche féministe en France et en Allemagne depuis les années 1990. Après une exposition et une analyse des contextes et contenus de ces débats, ils seront rapprochés d’un autre débat autour d’une histoire de réception : à savoir les discussions autour du French feminism. En troisième partie seront examinés les ouvrages d’introduction à la théorie du genre en France et en Allemagne afin de savoir comment la recherche féministe se positionne par rapport au genre et comment le genre comme catégorie de recherche est aussi construite en tant que telle de part ces positionnements. On apprend que dans ces processus, la recherche féministe réfléchit sur et écrit sa propre histoire parfois de manière implicite ou inconsciemment.

In der französischen und deutschen Öffentlichkeit wird seit ca. zwei Jahren ein Gespenst gejagt: la théorie du genre, eine Ideologie, die nach Meinung der mobilisierten Kritiker_innen dazu diene, kleine Kinder zu Homosexualität und zum Masturbieren zu verleiten und die ohne Zweifel zum Zusammenbruch der westlichen Zivilisation führen werde. Während in Frankreich die aktuelle Debatte ausgelöst wurde durch eine Handreichung der Regierung an Lehrkräfte mit dem Ziel der Sensibilisierung gegen Homophobie und sexistische Stereotype, hat in Deutschland ein Bildungsplan gegen Diskriminierung sexueller Minderheiten in Baden-Württemberg eine Welle von „besorgten“ Wut-Eltern toben lassen.1 Auf „linker“ und feministischer Seite in Frankreich waren die Reaktionen auf den heterosexistischen 1

Vgl. dazu auch den Beitrag von Dominique Herbet im vorliegenden Band.

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Mob erstaunlich defensiv: Die Regierung hat mittlerweile die Handreichung zurückgezogen. Die Gender-Forscherinnen und -Forscher, die in den Medien auftreten, betonen die Wissenschaftlichkeit der Gender-Studien, verneinen jeglichen politischen Gehalt und versichern die Massen, dass niemand die biologische Differenz von Mann und Frau infrage stelle. Antifeminismus hat eine lange Geschichte, die auch in der Forschung gut dokumentiert und analysiert worden ist.2 Das Spezielle der aktuellen Situation liegt sicher in dem Bündnis Bürgerlich-Konservativer mit christlichen Fanatiker_innen und Rechtsradikalen. Zum rechten Rand und neonazistischen Gruppierungen scheint es in diesem Bündnis keinerlei Abgrenzungsoder Distanzierungsbedürfnis bei den Bürgerlichen und Religiösen zu geben3 (aktuell in Deutschland auch an dem Phänomen AfD und deren Kooperationen mit der NPD und Pegida zu beobachten). Das Bündnis von Bürgerlichen, Religiösen und Rechtsradikalen überrascht nicht allzu sehr, es verblüfft vor allem in Frankreich die relative Defensivität der feministischen Forschung und Politik. Wenn sich positioniert wurde, dann fast immer unter Leugnung des politischen Gehalts der Gender Studies und der feministischen Forschung4 und unter wiederholter Betonung der Wissenschaftlichkeit von Gender Studies. Woher kommt diese Zurückhaltung? Gleichzeitig taucht in den Diskussionen um die théorie du genre so gut wie nie das Wort „Feminismus“ auf, was beim Bestimmen der Ursprünge dieser bedrohlichen „Gender-Theorie“ die verschwörungstheoretischen Phantasien beflügelt (wahlweise geht sie auf die Lesben-Lobby, die Juden oder die Sozialisten zurück). Wenn Feminismus so abwesend ist in einer Diskussion über feministische Theorie, und selbst Feministinnen ihn vertuschen, dann lohnt es sich, genauer hinzusehen. Vielleicht versteht man die Diskussion besser, wenn man sich ansieht, wie feministische und Gender-Forscherinnen selbst vor nicht allzu langer Zeit gegen die „Gender-Theorien“ auf die Barrikaden gegangen sind. Und vielleicht erklärt dies die relative Verhaltenheit in der Verteidigung dieser Forschungskategorie in den feministischen Gender-Debatten in den 1990er Jahren und Anfang des neuen Jahrtausends.5 Ich habe sie in meiner Dissertation untersucht, um die starke Abwehr der feministischen Forschung gegen Gender als Forschungskategorie zu verstehen.

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Z. B. Christine Bard (Hg.), Un siècle d’antiféminisme, Paris, Fayard, 1999. Unter „Antifeminismus“ verstehe ich hier das Bekämpfen feministischer Bestrebungen gegen Heterosexismus und Geschlechterherrschaft. Zu keinem Zeitpunkt hat sich die „Manif pour tous“ gegen die Teilnahme rechtsradikaler Organisationen an ihren Veranstaltungen ausgesprochen, wie z. B. die Neonazi-Organisationen „Génération identitaire“ oder „Printemps français“. „Feministische Forschung“ benutze ich als Sammelbegriff für die anfangs als Frauenforschung, später als Frauen- und Geschlechterforschung und heute als Gender-Forschung bezeichnete Wissenschaft. Cornelia Möser, Féminismes en traductions: théories voyageuses et traductions culturelles, Paris, Editions des archives contemporaines, 2013.

Gender

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DIE GENDER-DEBATTEN IN DEN 1990ER JAHREN IN DEUTSCHLAND UND FRANKREICH In Deutschland kam es Anfang der 1990er Jahren zu vehementen Diskussionen, die unter dem Namen „Butler-Debatte“ bekannt sind, und die es bis ins Feuilleton großer Zeitungen geschafft haben.6 In Frankreich hatte der breite feministische Konsens, dass Gender in den französischen Kontext weder sprachlich noch kulturell übersetzbar sei zur Folge, dass z. B. Gender Trouble von Judith Butler erst 15 Jahre nach dem Erscheinen und 14 Jahre nach der deutschen Übersetzung veröffentlicht werden konnte.7 Lange Zeit galt Gender Trouble den französischen Verlegern als zu amerikanisch, um in Frankreich verkauft zu werden, während es in den USA Butlers French book genannt wird.8 Was waren die Umstände dieser innerfeministischen Auseinandersetzungen? Zunächst müssen die Diskussionen in Deutschland und Frankreich in ihren jeweiligen Kontexten betrachtet werden. Während eine wirklich Auseinandersetzung mit den Inhalten der sogenannten „Gender-Theorien“ in Frankreich erst Mitte der 2000er Jahre mit der Übersetzung von Gender Trouble ins Französische begann, lässt sie sich in Deutschland schon Anfang der 1990er Jahre mit der deutschen „Butler-Debatte“ nachverfolgen.9 Damit waren die Diskussionen natürlich auch verschiedenen Zeitkontexten ausgesetzt. Die „Butler-Debatte“ in Deutschland fand unmittelbar nach der Wende statt, eine Zeit, in der Differenzen unter Frauen und unter Feministinnen abermals sehr augenscheinlich wurden.10 In diese Zeit fällt auch das sogenannte Ende der Geschichte, das linke und emanzipatorische Kritiken für lange Zeit in die Defensive trieb.11 Im Unterschied dazu steht die französische De6

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Patricia Purtschert, „Feministischer Schauplatz umkämpfter Bedeutungen. Zur deutschsprachigen Rezeption von Judith Butlers ‚Gender Trouble‘“, in: Widerspruch, 44 (2003), S. 147–58; und Patricia Purtschert, „Des réactions troublantes: La réception de Trouble dans le genre de Judith Butler dans le monde germanophone“, in: Sociétés contemporaines, 71 (2008), S. 29– 47. Judith Butler, Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion, traduit par Cynthia Kraus, Paris, La Découverte, 2005. Nach Butlers eigenen Aussagen in dem Vorwort zur zweiten Auflage von Gender Trouble von 1999. Judith Butler, Gender Trouble: feminism and the subversion of identity, New York, Routledge, 1999. Vgl. Cornelia Möser, French Gender? Die feministischen Gender-Debatten in Frankreich, Saarbrücken, VDM Verlag, 2009. Es ist die Zeit von Ute Gerhards Paradigma der Gleichheit in der Differenz, aber auch die Zeit, in der durch afro-deutsche Feministinnen Differenzen unter Frauen thematisiert werden und auch ost- und westdeutsche Feministinnen sich mit ihren politischen und historischen Verschiedenheiten konfrontiert sehen. Zu Differenz und Ost-/West-Feminismus vgl. Eva Schäfer, „Was meint ‚wir‘? Bedeutung von Postmoderne und Dekonstruktion im ostdeutschen feministischen Kontext“, in: Weibblick. Informationsblatt von Frauen für Frauen, 28 (Dezember 1996), S. 33– 40. Zu afro-deutschem Feminismus vgl. Katharina Oguntoye / May Ayim / Dagmar Schultz (Hg.), Farbe bekennen: afro-deutsche Frauen auf den Spuren ihrer Geschichte, 1. Aufl., Berlin, Orlanda Frauenverlag, 1986. Vgl. Francis Fukuyama, The End of History and the Last Man, New York, Free Press, 1992. Für eine kritische Befragung dieser These vom Ende der Geschichte, das vor allem ein Ende des Marxismus sein soll, vgl. Jacques Derrida, Spectres de Marx, Paris, Galilée, 1993.

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batte Anfang des Neuen Jahrtausends im Zeichen der sogenannten Dritten Welle12 des Feminismus und auch die globale Linke hat sich mit der Antiglobalisierungsbewegung bereits neu formiert. Das ist insofern für die Rezeption bedeutsam, als dass der Schreibkontext von Gender Trouble wie auch die deutsche Rezeption in eine Zeit des antifeministischen backlashs fallen, in der Feminismus in die Krise gerät, während zum neuen Jahrtausend auch auf Bewegungsebene bereits neue Formen von feministischem und linkem Aktivismus präsent sind, die dann auch mit Gender in Verbindung gebracht werden, z. B. der Queer-Aktivismus des Zoo oder der Panthères Roses und die wissenschaftlichen Arbeiten von Marie-Hélène Bourcier oder Beatriz Preciado. Aber nicht nur die politischen und historischen Situationen unterscheiden sich in Frankreich und in Deutschland. Auch die Theorietraditionen, in die sich feministisches Denken und Forschen einschreiben, sind in ihrer Zusammensetzung und in ihrer Bedeutung nicht identisch. Natürlich sind in beiden Ländern feministische Wissenschaftsansätze gleichzeitig im Rahmen der Neuen Linken wie auch in Abgrenzung zu ihr entstanden.13 Somit finden sich viele marxistische oder materialistische Ansätze in beiden Ländern. Aber bei genauerer Betrachtung fällt auf, dass es z. B. einen vergleichbaren Bruch zwischen Psychoanalyse und materialistischem Feminismus wie er in Frankreich Tradition hat, in Deutschland aufgrund des starken Einflusses der Kritischen Theorie der Frankfurter Schule und deren interdisziplinärem Projekt zwischen gesellschaftlicher Psychoanalyse und neu formuliertem Materialismus nicht gibt.14 Wenn die Umstände der feministischen Gender-Debatten erklärt werden sollen, dann muss auch darauf hingewiesen werden, dass in Deutschland und Frankreich recht unterschiedliche Institutionalisierungsstrategien in der feministischen Wissenschaft verfolgt wurden. Während in Deutschland eine, wenn auch immer bedrohte und nicht ausreichende, aber dennoch existierende Einrichtung von Zentren und Studiengängen im Bereich der Frauen- und Geschlechterforschung stattgefun-

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Vgl. Leslie Heywood / Jennifer Drake (Hg.), Third Wave Agenda: Being Feminist, Doing Feminism, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1997; Ann Braithwaite, „The personal, the political, third-wave, and postfeminisms“, in: Feminist Theory, 3 (2002); und Stéphanie Genz, „Third Way/ve: The politics of postfeminism“, in: Feminist Theory, 7 (2006). Zum Verhältnis zwischen der Neuen Linken und dem Feminismus vgl. Kristina Schulz, Der lange Atem der Provokation. Die Frauenbewegung in der Bundesrepublik und in Frankreich 1968–1976, Frankfurt a. M., Campus, 2002. Auf die theoretischen Traditionen des feministischen Denkens in Frankreich und Deutschland gehe ich im ersten Kapitel meiner Dissertation ein, vgl. Möser, Féminismes en traductions.

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den hat,15 so wurde sich nach dem Colloque de Toulouse 1982 in Frankreich,16 bei dem die Schaffung eines solchen Zentrums noch im Raum stand, von einer solchen Institutionalisierung abgewandt. Bis heute tut sich eine große Zahl feministischer Forscher_innen in Frankreich schwer mit der Schaffung eigener Zentren und Studiengänge aus Angst vor Marginalisierung, Abschottung und Interdisziplinarität.17 Worüber wurde in den feministischen Gender-Debatten gestritten? In Deutschland hat sich die Auseinandersetzung nach einer anfänglichen Diskussion recht schnell polarisiert. Die häufig, aber nicht immer jüngeren Forscherinnen fanden Butlers Ansatz vor allem deshalb interessant, weil das politische Subjekt Frau auf seine inneren Differenzen befragt wurde, weil Heterosexualität als gesellschaftliches Machtverhältnis benannt wurde und vor allem, weil sie hofften, mit Butlers Theorie effektiv gegen Naturalisierung von Geschlecht vorgehen zu können, da wo auch in der feministischen Wissenschaft häufig noch ein Rest Biologie eingeräumt wurde.18 Die Kritiker_innen, häufig, aber nicht immer, aus der Generation derer, die die feministische Wissenschaft auf den Weg gebracht hatten, warnten vor dem Abschaffen der politisch hart erfochtenen Kategorie Frau.19 Sie kritisierten die ver15

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Um nur einige Reflexionen über die Institutionalisierung der deutschen Frauen- und/oder Geschlechterforschung zu nennen: Planungsgruppe für Frauenstudien und -forschung beim Präsidenten der Freien Universität, Berlin (Hg.), Ziele, Inhalte und Institutionalisierung von Frauenstudien und Frauenforschung. Internationale Konferenz 16.–18. April 1980 in Berlin (West), Berlin, FU Berlin, 1980; Anne Schlüter / Ingeborg Stahr (Hg.), Wohin geht die Frauenforschung? Dokumentation des gleichnamigen Symposions vom 11.–12. November 1988 in Dortmund, Köln/Wien, Böhlau, 1990; Renate Hof, „Die Entwicklung der Gender Studies“, in: Hadumod Bußmann / Renate Hof (Hg.), Genus. Zur Geschlechterdifferenz in den Kulturwissenschaften, Stuttgart, Alfred Kröner Verlag, 1995, S. 3–33; Ulla Bock, „Am Ausgang des Jahrhunderts. Zum Stand der Institutionalisierung von Frauenstudien an Universitäten Deutschlands“, in: Querelles-Net, Rezensionszeitschrift für Frauen und Geschlechterforschung, http:// www.querelles-net.de/2000–1/; Astrid Deuber-Mankowksy, „Eine neue Form der Institutionalisierung von Gender Studies“, in: Die Philosophin, 17 (1998), S. 109–115; Ulla Bock, „Zwanzig Jahre Institutionalisierung von Frauen- und Geschlechterforschung an deutschen Universitäten“, in: Feministische Studien, 1 (2002), S. 113–125; Zentrum für transdisziplinäre Geschlechterstudien an der Humboldt Universität zu Berlin. Geschlechterstudien im deutschsprachigen Raum. Studiengänge, Erfahrungen, Herausforderungen. Dokumentation der gleichnamigen Tagung vom 4.–5. Juli 2003. Berlin, ZtG, 2004; Rita Casale / Barbara Rendtorff (Hg.), Was kommt nach der Genderforschung? Zur Zukunft der feministischen Theoriebildung, Bielefeld, transcript, 2008. AFFER, Femmes, féminismes et recherche. Actes du colloque, Toulouse, AFFER, 1984; Liliane Kandel, „Un tournant institutionnel: Le colloque de Toulouse“, in: Cedref (Hg.), Vingtcinq ans d’études féministes: l’expérience Jussieu: colloque, Université Paris 7, 14 novembre 1997, Paris, Publications universitaires Denis-Diderot 7, 2001; Françoise Picq, „Toulouse et après“, in: La revue d’en Face, 14 (1983), S. 91–96; Françoise Picq, „Toulouse, vingt ans après. Les études féministes et l’institutionnalisation“, in: ANEF Actes no. Les études féministes: quelle visibilité? (2002), S. 7–17; Catherine Sofer, „A propos du colloque de Toulouse“, in: La revue d’en Face, 14 (1983), S. 85–90. Siehe hierzu auch Claude Zaidman, „Institutionnalisation des études féministes“, in: Cahiers du CEDREF, 4/5 (1995), S. 131–137. Vgl. das Nachwort von Corinna Genschel, Caren Lay, Nancy Wagenknecht und Volker Woltersdorff zu Annamarie Jagose, Queer Theory. Eine Einführung, Berlin, Querverlag, 2001. Vgl. das Heft „Die Kritik der Kategorie Geschlecht“ der Zeitschrift Feministische Studien, 11/2

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meintliche Geschichtslosigkeit Butlers, ihre „Diskursontologie“ und vor allem aber eine mangelnde Berücksichtigung leiblicher Erfahrungen.20 In Frankreich wurde zunächst vor allem interdisziplinär bewiesen, dass Gender nicht übersetzbar sei.21 Nicht nur verfüge die feministische Frauen- und Geschlechterforschung Frankreichs bereits über eine ausreichende Bandbreite von Begrifflichkeiten. Gender sei auch wegen der Verwechselungsgefahr mit dem „Genre“ als Kunstkategorie und dem genre humain überhaupt nicht verwendbar. Überdies wurde festgestellt, dass sich der in Gender vermeintlich angelegte Kommunitarismus der US-amerikanischen Kultur so gar nicht mit dem französischen Universalismus vertrage. Die Besonderheit Frankreichs, la singularité française, bestehe darin, so liest man z. B. von Mona Ozouf bis Elisabeth Badinter, dass sich hier Männer und Frauen so gut verstünden und ihr Verhältnis vielmehr von Verführung geprägt sei, im völligen Gegensatz zum angelsächsischen Geschlechterkampf.22 Das Gespenst der emanzipierten Amerikanerin, die ihre gesellschaftliche Macht mit ihrer Weiblichkeit bezahlt habe, geisterte durch die Diskussion, eine Vorstellung, die in Frankreich bis in feministische Kreise hinein bedrohlich wirkt.23 Im kritischen Rückblick auf diese erste Rezeptionsphase lässt sich erkennen, dass in beiden Ländern die eigentliche Crux des Gender Trouble, nämlich ihre Analyse der heterosexuellen Matrix und Butlers Kritik an Identitätspolitik, so gut wie gar nicht oder nur in marginalen Kreisen diskutiert wurde. Der Befund, dass diese Situation bis heute anhält, überrascht wenig, hält man sich die Bedeutung homophober Elemente der Diskussion in beiden Ländern vor Augen: Butler wurde als die Verführerin der feministischen Jugend dargestellt und gleichzeitig rätselte man, ob die überhaupt eine Frau sei, so wie sie aussehe.24 Zum Teil wurde ihr gar abgesprochen, einen Unterleib zu besitzen.25 Man warf ihr vor, mit den Ideologen der neuen Reproduktionstechnologien gemeinsame Sache zu machen und die Frauen

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(1993), aber auch Gudrun-Axeli Knapp / Angelika Wetterer (Hg.), TraditionenBrüche. Entwicklungen feministischer Theorie (Forum Frauenforschung: Schriftenreihe der Sektion Frauenforschung in der Deutschen Gesellschaft für Soziologie, 6), Freiburg, Kore Verlag, 1992; Katharina Pühl/IfS Frankfurt (Hg.), Geschlechterverhältnisse und Politik, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1994; und Bußmann/Hof (Hg.), Genus. Zur Geschlechterdifferenz in den Kulturwissenschaften. Vgl. Gesa Lindemann, „Wider die Verdrängung des Leibes aus der Geschlechtskonstruktion“, in: Feministische Studien, 11/2 (1993). Vgl. Marie-Claude Hurtig / Michèle Kail / Hélène Rouch (Hg.), Sexe et genre. De la hiérarchie entre les sexes, Paris, Éditions du CNRS, 1991. Vgl. Françoise Collin, „L’apport de ‚gender studies‘: la singularité française“, in: Revue française des affaires (Hg.), Du côté des femmes: conférence, institutions, recherches, Paris, Ministère de la Santé publique, 1995, S.159–69; Mona Ozouf, „Femmes: une singularité française?“, in: Le Débat, 87 (1995), S. 140–46; Elisabeth Badinter, „L’exception française“, in: Le Débat, 87 (1995), S. 104–106. Vgl. Dan Diner, Feindbild Amerika. Über die Beständigkeit eines Ressentiments, München, Propyläen Verlag, Ullstein Heyne List, 2002. Vgl. Sabine Hark, Dissidente Partizipation. Eine Diskursgeschichte des Feminismus. Frankfurt a. M., Suhrkamp, 2005. Vgl. Barbara Duden, „Die Frau ohne Unterleib. Zu Judith Butlers Entkörperung. Ein Zeitdokument“, in: Feministische Studien, 11 (1993), S. 24–33.

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ihrer eigenen Körper zu enteignen.26 In Frankreich erklärt sich die Abwesenheit einer Diskussion dieser zentralen Elemente von Gender Trouble vor allem darüber, dass Butler sich an dieser Stelle stark auf Monique Wittig bezieht, eine lesbische materialistische Autorin, die, rezeptionsgeschichtlich betrachtet, mit dem French feminism in die USA ausgewandert ist und dort eine deutlich breitere Anerkennung erfahren hat als in ihrem Herkunftsland.27 In Frankreich rufen meines Erachtens die Schriften Monique Wittigs bis heute die Erinnerungen an den Bruch innerhalb der Zeitschriftenredaktion der Questions féministes 1980 zwischen radikalen Lesben und jenen Autorinnen um Simone de Beauvoir auf, die zwar ebenfalls mit einem konzeptuellen Rahmen von Geschlechterklassen operierten, diesen auch nicht aufgeben, aber eben nicht in letzter Konsequenz zu Ende denken wollten.28 Im Zentrum dieses Konflikts steht die radikalfeministische These, dass wenn die Frauenklasse von der Männerklasse unterdrückt und ausgebeutet wird, Lesbischsein ein politisch-strategischer Ausweg aus diesem Verhältnis darstellt. Diese These stellte eine Art Sackgasse im feministischen Denken dar und führte zu heftigen Konflikten, die allerdings nicht zur Folge hatten, dass das Geschlechterklassen-Modell über Bord geworfen wurde. Stattdessen wurde aber seine lesbische Konsequenz und mit ihr gleich die gesamte lesbische Theorie in Frankreich verabschiedet. Dieser Bruch ist bis heute ein sensibles und tabuisiertes Thema in der feministischen Forschung, daran konnte auch Wittigs Rückkehr nach Frankreich durch Butlers Interpretation ihrer Arbeit nichts ändern. In letzter Konsequenz ist die starke Abwehr gegen Gender von feministischer Seite maßgeblich durch den Widerwillen dieser Kreise geprägt, sich diesem Teil der eigenen Geschichte – und letztlich auch der eigenen Homophobie – zu stellen. In ihrem nationalen Chauvinismus, aber auch in der speziellen Einschreibung von Sexualität in den Diskussionen, ähneln die feministischen Gender-Debatten in Frankreich und Deutschland stark einer Diskussion, die sich etwa ein Jahrzehnt früher vollzog, nämlich die French feminism-Kontroverse im US-amerikanischen Feminismus, die auch als essentialism-Diskussion bekannt ist. Es handelt sich bei French feminism um einen höchst selektiven Korpus von Texten französischer Autorinnen, welche ins Englische übersetzt wurden.29 Dieser Kanon ist hinlänglich 26 27

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Vgl. Gerburg Treusch-Dieter, „Geschlechtslose Wunderbarbie. Oder vom Phänotypus zum Genotypus“, in: Lisbeth N. Trallori (Hg.), Die Eroberung des Lebens. Technik und Gesellschaft an der Wende zum 21. Jahrhundert, Wien, Verlag für Gesellschaftskritik, 1996, S. 177–187. Vgl. Monique Wittig, La Pensée straight, Paris, Balland, 2001. Zu Wittigs Rezeption in Frankreich vgl. Marie-Hélène Bourcier / Suzette Robichon (Hg.), Parce que les lesbiennes ne sont pas des femmes, Paris, Éditions gaies et lesbiennes, 2002. Zur deutschen Rezeption siehe Vojin Saša Vukadinovic, „Guérrières & Kriegsmaschinen. Über Monique Wittig“, in: Freiburger FrauenStudien. Zeitschrift für Interdisziplinäre Frauenforschung, 17 (2005), S. 69–92. Vgl. Emmanuel de Lesseps, „Hétérosexualité et féminisme“, in: Questions féministes, 7 (février 1980), S. 55–69; und Monique Wittig, „La pensée straight“, in: Questions féministes, 7 (février 1980). S. 45–53. Z. B. Elaine Marks / Isabelle de Courtivron (Hg.), New French Feminisms: An Anthology, Brighton, The Harvester Press, 1981; Nancy Fraser / Sandra Lee Bartky (Hg.), Revaluing French feminism: critical essays on difference, agency, and culture, Bloomington, Indiana University Press, 1992; Toril Moi (Hg.), French feminist thought: a reader, Cambridge u. a., Black-

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von französischen Forscher_innen kritisiert worden, nicht zuletzt dafür, dass die US-amerikanische Verlags- und Übersetzungspolitik durch das Label French inneramerikanische hegemoniale Konflikte austrage.30 Dennoch sind der Textkorpus French theory sowie der French feminism von großer Bedeutung für die Repräsentation französischer Philosophie weit über die Grenzen der USA hinaus und z. B. auch in Deutschland. Letztlich wird in der Auseinandersetzung um French feminism auch ein Kampf um Bedeutungshoheiten von Theorien ausgetragen: Es geht hier um die Kontroverse von Gleichheitspolitiken einerseits und das Hinterfragen symbolischer Ordnungen über das Sichtbarmachen von Differenz andererseits. Des Weiteren stand die Vormachtstellung von Soziologie und Geschichte in der Geschlechterforschung zur Debatte, die durch Literatur- und Kulturwissenschaft kritisch hinterfragt wurde. Und last, but not least ging es um eine Abkehr von freudomarxistischen Erklärungsmodellen bisheriger feministischer Wissenschaft zugunsten einer Auseinandersetzung mit und einer Aneignung von poststrukturalistischen Ansätzen. Sowohl in der Auseinandersetzung um French feminism als auch in den deutschen und französischen Gender-Debatten kommt im ersten Fall das französische Denken, im letzteren Fall das US-amerikanische Denken als ästhetischer und differenzierter und letzten Endes auch als sexyer als sein anderes (im ersten Fall das US-amerikanische, im letzten das französische beziehungsweise deutsche) daher und erlaubt es feministischer Wissenschaft gewissermaßen, das antifeministische Klischee der verbitterten Emanze hinter sich zu lassen. Mit anderen Worten, sich Anfang der 1980er Jahre dem French feminism zuzuwenden, konnte auch als Geste der Abgrenzung gegen den dominanten US-Feminismus zu jener Zeit gelesen werden, genauso wie sich in den 1990er Jahren die Gender-Adeptinnen unter den Feministinnen auch zum Teil gegen den althergebrachten Feminismus abgrenzen wollten. French feminism und Gender enthielten das Versprechen einer größeren institutionellen Anerkennung, die den lila Latzhosen nicht entgegengebracht wurde. Die erstaunlichen Parallelen zwischen den Diskussionen um French feminism in den USA in den 1980ern und den feministischen Gender-Debatten in Frankreich und Deutschland ab den 1990ern zeigen die Möglichkeit der strategischen Herstellung eines nationalisierenden Kanons auf, mit dem hegemoniale Theorien infrage gestellt wurden. GENDER ERZÄHLEN Für die feministische Forschung in Frankreich und Deutschland sind die GenderDebatten nicht loszulösen von der Hoffnung auf und dem Kampf um institutionelle Anerkennung (wie auch immer der Weg dahin strategisch unterschiedlich bereitet wird). Um also z. B. gegenüber den antifeministischen Universitäten Gender

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well, 1993; Kelly Oliver (Hg.), French feminism reader, Lanham, Md., Rowman & Littlefield, 2000. Vgl. Christine Delphy, „L’invention du French Feminism“, in: dies., L’ennemi principal 2: Penser le genre. Paris, Editions Syllepse, 2001.

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als neue feministische Alternative zu verkaufen, wurden – ganz so wie Thomas Kuhn es im Paradigmenwechsel mit den textbooks beschreibt – in einer Reihe von Texten und Einführungsbüchern diese Vor- und Nachteile von Gender dargestellt und diskutiert. Um dem Unterschied von Feminismus und Gender auf die Schliche zu kommen, habe ich Einführungsliteratur in „Gender-Theorien“ daraufhin untersucht, wie diese Gender vorstellen, was als das Neue und Andere dieser Perspektive angeführt wird.31 Dabei scheint die Gender-Perspektive selbst sich nicht derart stark von vorangegangenen feministischen Ansätzen zu unterscheiden, wie dies zum Teil behauptet wird. Es geht vielmehr um eine rhetorische Zäsur, in welcher implizit die Beziehung zwischen feministischer Politik und Forschung verhandelt wird. Seit kurzer Zeit fängt die feministische Forschung an, die Geschichte ihres eigenen Denkens zu erzählen. Die teleologischen Fallen dieses Projektes habe ich durch die Analyse der häufigsten Narrative kritisch herauszustellen versucht. In Frankreich gibt es noch nicht sehr viele Einführungsbücher, da die lang andauernde abwehrende Haltung gegenüber Gender in der Geschlechterforschung Frankreichs und die Strategie, sich nicht in Zentren und Studiengängen zu institutionalisieren, eine solche Praxis nicht gerade beförderte. In den dennoch erschienenen einführenden Texten und Büchern wird Gender meist in die Tradition des materialistischen Feminismus gestellt, da Butler wie auch Delphy die Kategorie gender als der Kategorie sex vorgängig beschreiben.32 Besonders augenscheinlich ist, wie auch von jüngeren Forscher_innen Sexualität ausgeklammert wird.33 Bemerkenswert ist bei der Darstellung der Charakteristika der „Gender-Theorien“ in der französischen Einführungsliteratur, dass häufig Aspekte herausgestellt werden, welche eigentlich für die gesamte feministische Wissenschaft bezeichnend sind. Z.B. führen zahlreiche Einführungsbände die „Gender-Theorien“ darüber ein, dass sie die kulturelle und historische Situiertheit von Geschlechterverhältnissen zu denken erlauben würden.34 Ein kurzer Blick in frühere feministische Wissenschaft zeigt jedoch, dass bereits die ersten feministischen Forschungen eben diese Strategien wählten, um darüber die Veränderbarkeit dieser Verhältnisse denkbar zu machen, um einem biologistischen oder religiösen Fatalismus zu begegnen.35 Das 31 32

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Für eine detailliertere Beschreibung der Untersuchung, des untersuchten Korpus und der Methoden vgl. Möser, Féminismes en traductions. So z. B. in Laure Bereni et al., Introduction aux Gender Studies. Manuel des études sur le genre, Ouvertures politiques, Bruxelles, de boeck, 2008. Zu der Vorgängigkeit von gender vor sex vgl. „Penser le genre“ in : Christine Delphy, L’ennemi principal 2: Penser le genre, Paris, Editions Syllepse, 2001. In der Einführung von Bereni et al. taucht sie z. B. überhaupt nicht auf. Jeanne Bisilliat, Christine Verschuur, „Le genre un outil nécessaire : introduction à une problèmatique“, in: Cahiers Genre et Développement 1 (2000), S. 19-29. Claude Zaidman, „Introduction“, in: Dominique Fougeyrollas-Schwebel et al. (Hg.), Le genre comme catégorie d’analyse. Sociologie, histoire, littérature, Paris, L’Harmattan, 2003, p. 9-20; Nicky Le Feuvre, „Le genre: de la catégorisation du sexe“, in: Utinam. Revue de sociologie et d’anthropologie, 5 (2002), S. 59-85. Nicky Le Feuvre, „Le ‚genre‘ comme outil d’analyse sociologique“, in: Fougeyrollas-Schwebel (Hg.), Le genre, S. 39–52. Für Deutschland zeigen z. B. die Arbeiten von Karin Hausen und Claudia Honegger die historische Entstehung der Geschlechtscharaktere. Vgl. Claudia Honegger, Die Ordnung der Geschlechter. Die Wissenschaft vom Menschen und das Weib. 1750–1850, Frankfurt a. M., Cam-

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gleiche gilt für die Darstellung, dass erst durch die „Gender-Theorien“ denkbar geworden wäre, das Verhältnis zwischen „Mann“ und „Frau“ zu theoretisieren, während feministische Forschung vor Gender sich ausschließlich für die Geschichte und Lebensumstände von „Frauen“ interessiert habe.36 In der Analyse der deutschen Einführungsbände fielen vor allem drei Narrative zur Entwicklung feministischen Denkens auf, welche zum Teil in gemischter Form vorliegen. Die von mir „Differenzierungsnarrativ“ genannte Figur erzählt die Ausdifferenzierung feministischer Wissenschaft über die „Gender-Theorien“ als Reifungsprozess einer zunächst politisch orientierten Bewegungsforschung.37 Dabei wird diese Entwicklung nicht als konflikthaft, sondern vielmehr als notwendiger Fortschritt gewissermaßen teleologisch aufgefasst.38 Doch indem „GenderForschung“ als differenzierter und komplexer als die vorangegangene feministische Forschung dargestellt wird, erscheint letztere notwendig als undifferenziert und unterkomplex, was einer näheren Untersuchung nicht immer standhält. Das zweite Narrativ, welches sich „Verfallsnarrativ“ nennen könnte, ist in gewisser Hinsicht die Negativfolie des Differenzierungsnarrativs, wobei beide häufig zusammen auftauchen. Das „Verfallsnarrativ“ beklagt eine Entpolitisierung der feministischen Forschung, welche sich derart gut in die universitäre Institution integriert habe, dass sie jeglichen kritischen Anspruch verloren habe.39 Bemer-

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pus, 1991; Karin Hausen, „Die Polarisierung der Geschlechtscharaktere“, in: Werner Conze (Hg.), Sozialgeschichte der Familie in der Neuzeit Europas, Stuttgart, Klett, 1976, S. 363–93. Vgl. auch die neue Auflage und den Kommentar von Hausen zur Rezeption in: Karin Hausen, Geschlechtergeschichte als Gesellschaftsgeschichte (Kritische Studien zur Geschichtswissenschaft, 202), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2012. Für anthropologische Ansätze zur Relativierung der Universalität der Geschlechterherrschaft, siehe beispielsweise Nicole-Claude Mathieu, L’anatomie politique: catégorisations et idéologies du sexe, Paris, Côté-Femmes, 1991 oder Gayle Rubin, „The traffic in women“, in: Rayna Reiter (Hg.), Towards an anthropology of women, New York, Monthly Review Press, 1975, S. 157–209. Z. B. zu finden bei Françoise Thébaud, Écrire l’histoire des femmes et du genre (Collection société, espaces, temps, 1), 2e ed. revue et augmentée, Paris, ENS Editions, 2007, S. 123. Diese Darstellung überrascht vor allem vor dem Hintergrund, dass die materialistische Tradition, welche in der französischen feministischen Forschung sehr präsent ist, bereits mit ihren später umstrittenen Begriffen wie „Geschlechterklassen“, aber auch der immer noch weit verbreiteten Begrifflichkeit rapport sociaux de sexe (soziale Geschlechterverhältnisse) Geschlecht sehr wohl als Verhältnis denkt und sich damit keinesfalls ausschließlich für „Frauen“ interessiert. Sabine Hark stellt ebenfalls diese Rhetorik heraus, z. B. in Hark, Dissidente Partizipation, S. 260 („von Geschlechterkampf zu Geschlechtsdifferenzierungsforschung“). Beispiele für die Verwendung dieses Narrativs sind die Einführungen von Sabine Wesely (Hg.), Gender Studies in den Sozial- und Kulturwissenschaften (Wissenschaftliche Reihe, 133), Bielefeld, Kleine, 2000; Andrea Dorothea Bührmann / Angelika Diezinger / Sigrid Metz-Göckel (Hg.), Arbeit, Sozialisation, Sexualität: Zentrale Felder der Frauen- und Geschlechterforschung (Sektion Frauenforschung in der Deutschen Gesellschaft für Soziologie, Lehrbuchreiche zur sozialwissenschaftlichen Frauen- und Geschlechterforschung, 1), Opladen, Leske + Budrich, 2000; oder Hannelore Faulstich-Wieland, Einführung in Genderstudien (Einführungstexte Erziehungswissenschaft, 12), Opladen, Leske + Budrich, 2003, S. 12. Z. B. Hildegard Maria Nickel, „Feministische Gesellschaftskritik oder selbstreferentielle Debatte? Ein (ostdeutscher) Zwischenruf zur Frauen- und Geschlechterforschung“, in: Berliner Journal für Soziologie, 4 (1996), S. 336; Hark, Dissidente Partizipation, S. 260 oder Ina Domi-

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kenswert ist dabei allerdings, dass die Kritik der Entpolitisierung vor allem jenen Forschungsfeldern nachgetragen wird, welche Forschung betreiben, die sich nicht unmittelbar in politische Maßnahmen wie z. B. Gender-Mainstreaming übersetzen lässt. French feminism, aber auch die „Gender-Theorien“, können hierfür als historische Beispiele herangezogen werden.40 Wird politische Umsetzbarkeit zum einzigen Kriterium, um zu urteilen, ob eine Theorie politisch ist oder nicht, dann liegt hier ein sehr enger Politik-Begriff zugrunde, der staatliche und lobbyistische Politiken bevorzugt. Eine Kritik, welche sich Negativität erlaubt, erscheint aus dieser Perspektive bereits als unpolitisch. In Zeiten konservativer backlashs ist es jedoch meines Erachtens häufig Abstraktion, in der eine radikale Kritik Zuflucht findet, um z. B. an der Universität bestehen zu können. Das dritte Narrativ, das ich „Versöhnungs- oder Überwindungsnarrativ“ genannt habe, erklärt sich über die Gender-Debatten selbst: In den Debatten wurde häufig die Kategorie „Frau“ dem „Gender“ gegenüber gestellt. Dieses Oppositionspaar ruft eine Gegenüberstellung von Denktraditionen auf, in die sie jeweils zu Recht oder zu Unrecht gestellt werden. Verkürzt wird demnach die „Frau“ einer humanistischen oder materialistischen Tradition zugeordnet, während „Gender“ einer „antihumanistischen“, „postmodernen“ oder „postnietzscheanischen“ Tradition zugerechnet wird. Das Versöhnungsnarrativ versucht nun, diese Gegenüberstellung zu relativieren, indem es die Gemeinsamkeiten beider Traditionen hervorhebt (z. B. den geteilten Antinaturalismus und Antiessentialismus).41 Auf diese Weise soll auf kultur- und symbolpolitischer Ebene von der Stärke antiuniversalistischer Ansätze profitiert werden, während gleichzeitig die Stärke humanistischer Ansätze im Bereich der kollektiven Aktion genutzt werden soll.42 Problematisch an allen drei rhetorischen Figuren ist, dass die real geführten Konflikte hinter den Erzählungen verschwinden. Demgegenüber könnte eine Er-

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nijanni, „Matrix der Differenz. Zum Unterschied zwischen gender und sexueller Differenz“, in: Casale/Rendtorff (Hg.), Was kommt nach der Genderforschung?, S. 143. Butler wurde häufig ein unverständlicher Stil vorgeworfen, eine Kritik, auf die sie in der Gender Trouble-Ausgabe von 1999 in Anlehnung an Adorno antwortet: „there is nothing radical about common sense. It would be a mistake to think that received grammar is the best vehicle for expressing radical views, given the constraints that grammar imposes on thought, indeed, upon the thinkable itself.“ Butler, Gender trouble: S. xix. Man könnte heute sogar fragen, inwiefern der aktuelle backlash gegen Gender nicht auch zum Teil auf die „Vulgarisierungsbemühungen“ von Gender-Mainstreaming und Antidiskriminierungspolitik zurückzuführen ist. Damit soll natürlich nicht gesagt werden, dass Theorien sich im Jargon verstecken sollten, sondern einfach nur ein Erklärungsversuch angeboten werden, warum gerade jetzt so stark gegen Gender mobilisiert wird, dass sich der Papst, der Präsident und alle Autoritäten dazu äußern müssen. Beispielsweise bei Regina Becker-Schmidt / Gudrun-Axeli Knapp, Feministische Theorien. Zur Einführung. Hamburg, Junius, 2000, S. 37 und Gudrun-Axeli Knapp, Kurskorrekturen. Feminismus zwischen Kritischer Theorie und Postmoderne. Frankfurt a. M., Campus, 1998, S. 11. Alle drei Narrative stehen in Beziehung zu den in der Arbeit angeführten Kontexten und sind damit zum Teil deren Ergebnis, zum Teil eine Reaktion darauf, zum Teil produzieren und verändern sie diese Kontexte. Die Grenzen dieser Erzählungen liegen vielleicht in meiner rhetorischen Glättung.

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zählung feministischen Denkens, die sich an einer Auffassung des Politischen als konflikthaft und agonistisch im Sinne Chantal Mouffes43 orientiert, die tatsächlichen Hegemonien auch innerhalb feministischer Wissensproduktion offenlegen und damit theoretisierbar machen. FAZIT Zusammenfassend lässt sich also festhalten, dass die Zurückhaltung der GenderForscherinnen im aktuellen Streit um die sogenannten „Gender-Theorien“ weniger überrascht, wenn man betrachtet, dass ein großer Teil der feministischen Wissenschaft sich vor Kurzem noch selbst vehement gegen diesen Ansatz sträubte. Gender wurde zum Teil als (amerikanische) Bedrohung für die feministische Forschung, zum Teil als (poststrukturalistische) Entpolitisierung derselben kritisiert und damit bereits von einem großen Teil der deutschen und französischen Feministinnen selbst in Gegensatz zum Feminismus gestellt. Dass heute der Begriff Gender in vielen Forschungs- und Lehrprogrammen auftaucht, täuscht nicht darüber hinweg, dass in einer Vielzahl von Fällen nicht alles Gender ist, wo Gender draufsteht: Mit anderen Worten wird häufig dieselbe Forschung und Lehre fortgesetzt und aus institutionspolitischen Gründen lediglich mit Gender betitelt. Darüber hinaus konnte gezeigt werden, dass in dem Spannungsverhältnis von Gender und Feminismus eine Reihe von politischen Konflikten aufgehoben sind, um beispielsweise das Verhältnis von feministischer Bewegung und Wissenschaft, oder auch der genannte Konflikt um lesbische Theorie und Geschlechterklassen. Aber was kann aus den feministischen Gender-Debatten für die kommenden Auseinandersetzungen mit Antigenderbewegungen gelernt werden? Ich denke, die feministischen Gender-Debatten in Frankreich und Deutschland zeigen sehr deutlich, dass Nationalismus und Homophobie in der feministischen Wissenschaft mit dafür verantwortlich sind, dass die Rechte heute so leichtes Spiel hat. Schon die feministischen Gender-Debatten in den 1990er Jahren waren eine Art Verhandlungsraum für das Verhältnis von feministischer Wissenschaft und feministischer Politik. Mit der sogenannten Dritten Welle hat sich das Feld feministischer Positionen nochmals vervielfältigt und sogar Marine Le Pen und Ursula von der Leyen geben sich als feministisch. Wenn der Begriff Feminismus nicht völlig obsolet werden soll, dann braucht es dringend eine Debatte über das Verhältnis von feministischem Denken und feministischer Politik.

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Vgl. Chantal Mouffe, On the Political. Thinking in Action, London/New York, Routledge, 2005, S. 9.

BILDUNGS- UND BERUFSWELTEN / ÉDUCATION, FORMATION ET MONDES DU TRAVAIL

SALON UND ÖFFENTLICHKEIT

Grenzen und Durchlässigkeiten für Instrumentalistinnen auf dem Weg der Professionalisierung Annkatrin Babbe / Freia Hoffmann / Volker Timmermann Zusammenfassung Die bürgerlichen Salons des 19. Jahrhunderts gehörten mit ihrer besonderen Position in der Grauzone zwischen Öffentlichkeit und Privatheit in Deutschland und Frankreich schon früh zu den wenigen Orten, an denen Instrumentalistinnen ihre Kunst ausüben konnten. Der Artikel argumentiert, dass dem Salon in beiden Ländern eine gewisse Schutzfunktion zukam, seine Bedeutung für die Professionalisierung der Instrumentalistinnen sich aber grundlegend unterschied. Während im deutschsprachigen Raum musikalische Aktivitäten in den Salons in der Regel ohne öffentliche Berichterstattung stattfanden und kaum Chancen zur Professionalisierung boten, erhielten Salonauftritte in Paris im Lauf des Jahrhunderts erhebliche mediale Resonanz. Die Veranstaltungen waren Konzerten in gemieteten Sälen oft gleichwertig und teilweise sogar nur gegen Entgelt zugänglich. Der Artikel kommt zu dem Schluss, dass der Auftritt im Salon für französische Musikerinnen keinen Ersatz für ein unerwünschtes öffentliches Auftreten darstellte, sondern vielmehr eine institutionelle Bedingung für eine erfolgreiche Karriere.

Résumé Le salon bourgeois du 19e siècle, dans sa position intermédiaire entre le privé et le public, fut assez tôt, en France aussi bien qu’en Allemagne, un des rares endroits où les femmes instrumentistes pouvaient exercer leur art. Cet article avance l’idée qu’en Allemagne, aussi bien qu’en France, le salon avait une fonction protectrice pour les musiciennes, mais qu’en Allemagne il n’avait pas du tout la même importance pour leur professionnalisation. Les activités musicales dans les salons des pays allemands furent presque toujours ignorées par les journaux et n’offraient donc que peu de chances d’une professionnalisation. En France, en revanche, les récitals dans les salons de Paris obtenaient un écho de plus en plus important dans la presse du 19e siècle. Ces manifestations égalaient souvent en qualité celles qui avaient lieu dans des salles de concerts, parfois même celles avec entrée payante. L’article arrive à la conclusion que si les musiciennes françaises se produisaient dans les salons, ce n’était pas à défaut d’une représentation publique non souhaitée, mais plutôt pour se conformer à une contrainte institutionnelle et indispensable à une carrière professionnelle réussie.

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Annkatrin Babbe / Freia Hoffmann / Volker Timmermann

Nachdem sich im 18. Jahrhundert in Europa das öffentliche, gegen Entgelt allgemein zugängliche Konzert als Institution herausgebildet hatte,1 entstand für Musikerinnen ein Antagonismus zwischen Entfaltungsmöglichkeiten im privaten Raum und professioneller Betätigung im öffentlichen Konzert sowie auf der Opernbühne. Dass vor allem Frauen der bürgerlichen Schicht auf den privaten Raum und allenfalls Wohltätigkeitskonzerte verwiesen waren, ist andernorts ausführlich dargestellt worden.2 Eine Möglichkeit, den engeren Rahmen geselliger Veranstaltungen zu überschreiten, bot sich für Musikerinnen, die aus Standesrücksichten oder nach einer Heirat nicht (mehr) öffentlich und gegen Entgelt auftreten konnten, mit dem Entstehen der Salons. Der Salon befindet sich direkt am „Schnittpunkt von Öffentlichkeit und Privatheit“.3 Andreas Ballstaedt schreibt, er sei „seinem Charakter nach eher eine halböffentliche Institution, die der Idee nach einen von gesellschaftlichen Hierarchien entbundenen kommunikativ-geselligen Raum darstellt und damit dem feudalstaatlichen Geburtsprinzip ebenso entgegensteht wie dem egalitären Öffentlichkeitsprinzip bürgerlicher Prägung“.4 Als das „Öffentliche im Privaten“ bezeichnet Joachim Eibach den Salon und setzt ihn der intimen Privatheit der Familie gegenüber;5 Hans Peter Thurn charakterisiert ihn als „teils privat, teils öffentlich“,6 und Petra Wilhelmy-Dollinger kennzeichnet den Salon von Amalie Beer als ein „Stück privat initiierten und finanzierten (fast) öffentlichen Berliner Musiklebens“.7 Die Praxis bürgerlicher Geselligkeit in den Salons lässt sich nicht über die Dichotomie von Privatheit und Öffentlichkeit bestimmen,8 da sich schon die Räumlichkeiten nicht eindeutig zuordnen lassen. Die mittlerweile in Arbeits- und 1 2 3 4 5 6 7 8

Zur Entwicklung des Konzertwesens siehe Walter Salmen, Das Konzert. Eine Kulturgeschichte, München, Beck, 1988. Siehe einführend Freia Hoffmann, Instrument und Körper. Die musizierende Frau in der bürgerlichen Kultur 1750–1850, Frankfurt a. M./Leipzig, Insel, 1991. Peter Seibert, „Salon“, in: Jan-Dirk Müller (Hg.), Reallexikon der deutschen Literaturwissenschaft, 3 Bde., Bd. 3, Berlin/New York, de Gruyter, 2003, S. 351. Andreas Ballstaedt, „Salonmusik“, in: Ludwig Finscher (Hg.), Die Musik in Geschichte und Gegenwart, 29 Bde., Sachteil, Bd. 8, Kassel/Stuttgart, Bärenreiter, 1998, S. 856. Joachim Eibach, „Die Schubertiade. Bürgerlichkeit, Hausmusik und das Öffentliche im Privaten“, in: Hannes Siegrist et al. (Hg.), Themenportal Europäische Geschichte, 2008, URL: http://www.europa.clio-online.de/2008/Article=307, Zugriff am 21. Juli 2014. Hans Peter Thurn, „Das Projekt ‚Kultur‘ – destruktionsanalytisch betrachtet“, in: Dirk Baecker et al. (Hg.), Über Kultur. Theorie und Praxis der Kulturreflexion (= Sozialtheorie), Bielefeld, Transcript, 2008, S. 59. Petra Wilhelmy-Dollinger, Die Berliner Salons. Mit historisch-literarischen Spaziergängen, Berlin/New York, de Gruyter, 2000, S. 152. Zur Geschichte der Bürgerlichkeit vgl. Manfred Riedel, „Gesellschaft, bürgerliche“, in: Otto Brunner et al. (Hg.), Geschichtliche Grundbegriffe, 8 Bde., Bd. 2, Stuttgart, Klett-Cotta, 1975, S. 719–800; Jürgen Kocka / Ute Frevert (Hg.), Bürgertum im 19. Jahrhundert. Deutschland im europäischen Vergleich, 3 Bde., München, dtv, 1988; Zur Musik vgl. Gunilla Budde, „Musik in Bürgerhäusern“, in: Hans Erich Bödeker / Patrice Veit / Michael Werner (Hg.), Le concert et son public. Mutations de la vie musicale en Europe de 1780 à 1914 (France, Allemagne, Angleterre), Paris, Maison des Sciences de l’Homme, 2002, S. 427–457; zur Forschungsdiskussion siehe auch Claudia Opitz Belakhal, Geschlechtergeschichte (= Historische Einführungen 8), Frankfurt a. M./New York, Campus, 2010.

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Privaträume ausdifferenzierte bürgerliche Wohnung verfügte auch über Repräsentationsräume. Zur gesellschaftlichen Außendarstellung der Familie konzipiert, wichen diese Räume in ihrer Ausstattung nicht selten von dem eigentlichen Lebensstandard der Familie ab.9 Auch über die BesucherInnen kann keine Zuordnung der Salons zu einer der beiden Komplementärkategorien vorgenommen werden. Während zu den kleineren Formen der bürgerlichen Geselligkeit lediglich Verwandte beziehungsweise enge Freunde der Familie zugelassen waren, umfasste der größere Besucherkreis im Salon neben Verwandtschaft und Hausfreunden durchaus auch Fremde, die meist über Empfehlungsschreiben von Verwandten oder Freunden Zugang gefunden hatten. Damit entwickelten sich einige Salons, so Ingrid Mittenzwei, zu wichtigen „Institution[en] der Öffentlichkeit“.10 Es handelt sich allerdings um eine Form, die Jürgen Habermas als „bürgerliche Öffentlichkeit“ näher bestimmt. Er will sie verstanden wissen als etwas, „in dem das öffentliche Interesse in der privaten Sphäre der bürgerlichen Gesellschaft nicht mehr nur von der Obrigkeit wahrgenommen, sondern von den Untertanen als ihr eigenes in Betracht gezogen wird“.11 Eine so verstandene Öffentlichkeit konstituiert sich nicht über den öffentlichen Raum und ist zugleich nicht als Antagonismus von Privatheit aufzufassen. In diesem Beitrag sollen die Entwicklungsmöglichkeiten betrachtet werden, die sich für Instrumentalistinnen unter den besonderen Bedingungen der Salons boten. Die Verhältnisse entwickelten sich dabei in Frankreich und dem deutschen Sprachraum in unterschiedlicher Weise, sodass eine separate, vergleichende Betrachtung sinnfällig erscheint. MUSIKALISCHE SALONS IN DEUTSCHLAND ALS „SCHUTZRAUM“ Im deutschen Sprachraum entstanden musikalische Salons – von anderen Salontypen sei hier nicht die Rede – vermehrt in der Zeit um 1800. Zu finden waren sie beispielsweise in Berlin,12 neben Wien und Leipzig einem der Zentren der deutschen Salonkultur. Die bereits erwähnte Amalie Beer führte einen der wichtigsten Berliner Musik-Salons,13 in dem bedeutende InterpretInnen zu Gast waren: Niccolò Paganini, Louis Spohr, Johann Nepomuk Hummel, Angelica Catalani und andere. Dabei waren die Auftritte selbst berühmter MusikerInnen keineswegs nur für Gastgeber und Zuhörer von Vorteil. Schließlich stellte der Zuhörerkreis 9

10 11 12 13

Vgl. Gisela Mettele, „Der private Raum als öffentlicher Ort. Geselligkeit im bürgerlichen Haus“, in: Dieter Hein / Andreas Schulz (Hg.), Bürgerkultur im 19. Jahrhundert. Bildung, Kunst und Lebenswelt [Lothar Gall zum 60. Geburtstag], München, Beck, 1996, S. 155–169, hier: S. 162 f. Ingrid Mittenzwei, Zwischen Gestern und Morgen. Wiens frühe Bourgeoisie an der Wende vom 18. zum 19. Jahrhundert (= Bürgertum in der Habsburgermonarchie 7), Wien/Köln/Weimar, Böhlau, 1998, S. 283. Jürgen Habermas, Strukturwandel der Öffentlichkeit. Untersuchungen zu einer Kategorie der bürgerlichen Gesellschaft, Darmstadt/Neuwied, Luchterhand, 151984, S. 37 f. Für die Berliner musikalischen Salons siehe Wilhelmy-Dollinger, Die Berliner Salons, S. 145– 154. Zum Salon der Beer siehe ebd., S. 149–151.

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aus fachlich interessierten ZuhörerInnen und KollegInnen einen Multiplikator dar, konnten KünstlerInnen also auf Unterstützung hoffen – etwa in Form mündlicher oder schriftlicher Empfehlungen. Wie wichtig solch logistische Hilfe war, bevor der Beruf der Konzertveranstalter entstand, lässt sich leicht denken. Dass berufsmusizierende und reisende Frauen von solcher Unterstützung besonders profitierten, ist angesichts der schwierigen Reisebedingungen für Frauen in dieser Zeit ebenfalls zu vermuten. Im Fall der Amalie Beer war zudem der direkte Einfluss der Gastgeberin auf jene Berliner Kultur- und Politik-Verantwortlichen nicht zu unterschätzen, die bei den Beers ein- und ausgingen. Auch dies lässt sich zumindest teilweise verallgemeinern: VeranstalterInnen musikalischer Salons kamen ebenso aus bürgerlichen Kreisen wie das anwesende Publikum. Anzutreffen waren dort also auch kommunale Beamte und Würdenträger, manchmal auch Adlige, und damit eben jene Leute, die in den Städten über administrative Fragen zu entscheiden hatten. Für die Konzertinteressen durchreisender Musiker konnte dies hilfreich sein. Welche Rolle aber spielten Salons für professionelle Instrumentalistinnen vor dem Hintergrund ihres Geschlechts? Die Ausgangsbedingungen für Frauen, die sich mit einem Instrument professionalisieren wollten, waren zu Beginn des 19. Jahrhunderts ungünstig.14 Instrumentalistinnen waren in der Öffentlichkeit nicht gern gesehen. Um 1800 wurde in den Medien eine intensive Diskussion um die Angemessenheit ihrer Auftritte in Konzerten geführt. Nur wenige Instrumentalistinnen waren überhaupt in der Lage, sich durch öffentliche Auftritte zu finanzieren. Gab es für solche Frauen in der für die Öffentlichkeit eher verborgenen Welt der musikalischen Salons eine Art Parallel-Musikleben, in welchem sie sich mehr entfalten konnten als auf den kritisch beäugten Konzertpodien? Berichterstattungen aus musikalischen Salons sind im deutschsprachigen Raum selten, zeitgenössische Musikzeitschriften und andere Gazetten hielten sich zurück, sobald es um Darbietungen in Privathäusern ging. Das galt selbst für Fanny Hensels Sonntagsmusiken (ab 1831), bei denen in Spitzenzeiten bis zu 300 Personen im Publikum saßen.15 Es ist also nach derzeitigem Recherchestand schwierig, konkrete Aussagen über das Geschehen in den musikalischen Salons des früheren 19. Jahrhunderts zu treffen. Die Pianistin und Salonnière Sara Levy,16 geborene Itzig (1761–1854) beispielsweise wird erst dann im Zusammenhang mit ihrer salonmusikalischen Tätigkeit erwähnt, als sie in einem Rahmen auftrat, der auch als 14 15 16

Zur Etablierung des Frauenberufs der Klavierlehrerin siehe den Artikel Claudia Schweitzers im vorliegenden Band. Siehe Cornelia Bartsch, Fanny Hensel, geb. Mendelssohn Bartholdy. Musik als Korrespondenz, Kassel, Furore, 2007, S. 180. Hanna Bergmann, „Levy, Sara“, in: Freia Hoffmann (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen des 18. und 19. Jahrhunderts, http://www.sophie-drinker-institut.de/cms/index.php/ levy-sara, Zugriff am 26. Mai 2015. Vgl. Wilhelmy-Dolliger, Die Berliner Salons, S. 146 f. Das Instrumentalistinnen-Lexikon ist ein Projekt des Sophie Drinker Instituts für musikwissenschaftliche Frauen- und Geschlechterforschung in Bremen. Unterstützt von zahlreichen auswärtigen AutorInnen wird das Lexikon nach Fertigstellung ca. 700 Biographien von Musikerinnen enthalten, die aus dem Gedächtnis der Musikgeschichtsschreibung oft nahezu spurlos verschwunden sind.

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öffentlich wahrgenommen werden konnte. Spaziers Berlinische Musikalische Zeitung berichtet im März 1793: „Das Fliessische Koncert in Berlin hält Hr. Fliess, von der jüdischen Kolonie, in seinem Hause. Da hier aber auch der Eingang bezahlt wird (monatlich für drei männliche oder weibliche Personen 1 Rthlr. 8 Gr., also zu sehr billigem Preise) so ist es immer auch als öffentliches zu betrachten. Es spielen darin concertirend das Clavecin Mad. Wulf, Mad. Levi und Hr. D. Fliess.“17

Hinzu kamen andere Instrumentalisten sowie SängerInnen. Interessant ist, wie sehr der Aspekt Eintrittsgeld als Kriterium für das Attribut „öffentlich“ verwendet wurde, ebenso wichtig ist aber die Einschränkung „auch öffentlich“. Dass sich hier also ein halböffentlicher Rahmen vermuten lässt, liegt nicht nur am Veranstaltungsort Privathaus. Neben Sara Levy spielte ihr Schwager Joseph Fliess das Tasteninstrument, und auch bei „Mad. Wulf“ dürfte es sich um enge Verwandtschaft gehandelt haben: Zippora Wulff, geborene Itzig, später nochmals verheiratete Eskeles (ca. 1760–1836),18 eine Schwester Sara Levys. Keineswegs waren dies also öffentliche Konzerte im engeren Sinne, sondern eher musikalische Familienangelegenheiten. Dass diese auf hohem Niveau stattgefunden haben müssen, darauf deutet schon der Aspekt des Eintrittsgeldes hin, der die musikalische Betätigung Sara Levys in einen halböffentlichen Rahmen und ein Stück weiter in Richtung Professionalisierung rückt. Dazu passt, dass Sara Levy, die übrigens Schülerin Wilhelm Friedemann Bachs war und heute vor allem für ihre Bach-Pflege um 1800 in Erinnerung geblieben ist, auch in Veranstaltungen der Berliner Ripienschule auftrat. Ansonsten aber scheint sich für Instrumentalistinnen in der ersten Hälfte des 19. Jahrhunderts in Salons kaum die Möglichkeit zur Professionalisierung geboten zu haben. Der Salon war Schutzraum, errichtete aber auch Grenzen, obwohl dort gelegentlich profilierte Instrumentalistinnen zu hören waren. Um bei der genannten Familie zu bleiben: Neben Sara Levy und ihrer Schwester Zippora Wulff beziehungsweise Eskeles spielte auch Fanny Arnstein,19 eine weitere Schwester, auf anscheinend hohem Niveau und führte – ebenso wie die beiden Schwestern – selbst einen Salon, den sie nach ihrer Heirat in Wien etabliert hatte. Alle drei Schwestern – übrigens Großtanten von Fanny und Felix Mendelssohn – nutzten ihre pianistischen Fähigkeiten im Rahmen ihrer Salons, ohne selbst eine Tätigkeit als Berufspianistin anzustreben. Ebenfalls in Wien führte Dorothea von Ertmann,20 geborene Graumann (1781–1849) einen musikalischen Salon. Sie ist ein prägnantes Beispiel dafür, wie hochmögend die Fähigkeiten von Pianistinnen sein konnten, die fern jeder professionellen Ambition lediglich im häuslichen Rahmen der Salons zu hören waren. Ertmann, die noch vor 1804 Beethoven kennengelernt hatte und seine 17 18 19 20

Berlinische Musikalische Zeitung, 5. Stück (1793), S. 18. Hanna Bergmann, „Eskeles, Cäcilie Freiin von“, in: Hoffmann (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. Hanna Bergmann, „Arnstein, Fanny“, in: Hoffmann (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. Hanna Bergmann, „Ertmann, Dorothea“, in: Hoffmann (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen.

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Schülerin wurde, galt später als besonders bedeutsame Beethoven-Interpretin. Einer allgemeinen Öffentlichkeit verborgen, war sie Kennern dennoch wohlbekannt, was auch daran lag, dass sie nicht nur in ihrem eigenen Salon spielte, sondern beispielsweise auch bei Carl Czerny. Während, bei aller Kritik an öffentlich tätigen Instrumentalistinnen, das Klavier als Fraueninstrument hoch anerkannt war, hatten es Frauen mit anderen Musikinstrumenten schwerer. Trat beispielsweise eine Geigerin auf, so wurde sie schon aufgrund ihrer Erscheinung kritisch beäugt. Zwar gab es auch in dieser Zeit einige professionelle Violinistinnen, insgesamt jedoch waren Geigerinnen selbst in der intimeren Atmosphäre der Salons ungewöhnliche und seltene Gäste. Doch selbst die erheblichen Ressentiments ihnen gegenüber konnten in solchen Gesellschaften in den Hintergrund rücken, wenn die Außenbedingungen passten. Ein Beispiel dafür ist die Geigerin Mariane von Berner (1791– nach 1836).21 Sie lebte in Mitau, heute Jelgava, in Kurland, Teil Lettlands. Der Vater war als örtlicher Bankier kommunal eine zentrale Figur. Ein wichtiger Aspekt für die Entwicklung der Geigerin war die Lage der Heimatstadt: Mitau war Etappenziel auf dem Weg von Berlin nach Sankt Petersburg. Der Vater Johann Friedrich von Berner lud zahlreiche MusikerInnen zum Verweilen in sein Haus oder in seine Sommerresidenz ein. Bedeutsame Geiger wie Pierre Baillot und Pierre Rode machten dort Station und bildeten Mariane von Berner zu einer Violinistin aus, die offenbar hohen Ansprüchen genügte. Doch nicht nur die Lehrer kamen zu ihr – der stete Strom von Personen auf dem Weg zwischen Sankt Petersburg und Berlin spülte auch interessierte ZuhörerInnen ins Haus der von Berners. Das Publikum kam also einer freundlichen Einladung nach, genoss neben der Gastfreiheit der Familie auch einen meist wohl unerwarteten musikalischen Beitrag und war im kleinen Mitau weit davon entfernt, mit den üblichen gesellschaftlichen Maßstäben zu messen. Zusammenfassend lässt sich also sagen: Musikalische Salons wurden im frühen 19. Jahrhundert im deutschsprachigen Raum oft von Frauen geführt, die trotz intensiver Musikpraxis und ausreichender Qualifikationen keine weitergehenden professionellen Karriereinteressen hatten. Und es scheint so, als ob diese Salons auch keine Betätigungsorte für andere Frauen waren, die anstelle einer Konzertkarriere im weniger kritisch beäugten Ambiente der Salons nach einem professionellen Betätigungsfeld gesucht hätten. In der zweiten Hälfte des 19. Jahrhunderts änderten sich die Verhältnisse zumindest graduell. Weiterhin spielten Salons für die Entwicklung von Berufsmusikerinnen keine herausragende Rolle. Die deutliche Abwertung, die der Salon nun gegenüber dem Konzertsaal erfuhr, wird an einer Kritik der Neuen Zeitschrift für Musik deutlich, die von der Harfenistin Helene Heermann schrieb, sie ermangele „noch der erforderlichen Kraft für den öffentlichen Vortrag, so wie des innern Feuers. Ihr Spiel ist noch zu klein, fast dilettantisch: es entspricht mehr einem Salon, als einem Concertsaale“.22 Aber zumindest in Einzelfällen – und hier zumeist nach einer Heirat oder nach Aufgabe der eigentlichen Karriere – betätigten sich 21 22

Volker Timmermann, „… wie ein Mann mit dem Kochlöffel“. Violinistinnen um 1800, Diss. phil., Oldenburg, Druck i. V. Neue Zeitschrift für Musik, II (1863), S. 162.

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Instrumentalistinnen weiterhin als Salonnièren. Ein Beispiel ist die bedeutende französische Pianistin Caroline Montigny-Rémaury (1843–1913).23 Sie eröffnete in späten Jahren – zwischen 1885 und 1890, und damit kurz vor Ende ihrer Pianistinnen-Laufbahn – einen Salon, in dem die inzwischen in Wien angesiedelte Musikerin viele erstklassige einheimische MusikerInnen zum Kammermusizieren empfing. Eine Ausnahme war ein zweckorientierter Salon von und für Berufsmusikerinnen, wie er bei Anna (1835–1909) und Helene Stahr (1838–1914) zu finden war.24 Die Gesellschaften bei den Schwestern Stahr in Weimar dienten der Kommunikation zwischen (angehenden) Berufsmusikerinnen, sie sorgten für Identifikation innerhalb des Kreises um Franz Liszt, welcher selbst oft anwesend war, und machten die TeilnehmerInnen (darunter durchaus prominente Gäste) mit Werken Liszts und anderer Neudeutscher bekannt. Die Salons bei den Stahrs wurden somit „Centralpunkte für alle jungen Lisztianerinnen und Lisztianer, welche hier bei diesen lieben Menschen immer aufrichtig und herzlich empfangen werden“.25 PARISER SALONS ALS „CONTRE-POUVOIR“ Für die Verhältnisse in Paris kann zunächst festgehalten werden, dass auch hier der Salon ein Ort war, an dem sich fähige Musikerinnen betätigen konnten, ohne sich in vollem Umfang der Öffentlichkeit und etwa einer übelwollenden Kritik auszusetzen. Auch die Möglichkeit, nach einer Eheschließung mit einem Adligen oder gutsituierten Bürger weiterhin musikalisch aktiv zu sein, war mit dieser Institution gegeben. Insgesamt entwickelte sich das Musikleben in Paris im Lauf des 19. Jahrhunderts aber anders als im deutschsprachigen Raum. Vor allem behielten die musikalischen Salons eine so wichtige Funktion, dass Jean-Marie Fauquet in seinem einschlägigen Artikel für die zweite Hälfte des Jahrhunderts feststellt: „Ces salons ont une influence si importante qu’on peut dire qu’ils exercent un contrepouvoir“.26 Bevor die Unterschiede im Einzelnen dargestellt werden, soll an einem bemerkenswerten Phänomen die Schutzfunktion beleuchtet werden, die der Salon in Paris um 1800 haben konnte. Es handelt sich um ein Streichquartett, zu dem sich vier Musikerinnen zusammengetan hatten, das früheste uns bekannte Beispiel. Der Griff nach dieser männlich konnotierten Gattung war zusätzlich mit einer Instrumentenwahl verbunden,27 die – wie am Beispiel Mariane von Berners angesprochen – aus 23 24 25 26

27

Freia Hoffmann, „Montigny-Remaury, Caroline“, in: dies. (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. Annkatrin Babbe, „Stahr, Anna und Helene“, in: Hoffmann (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. Neue Zeitschrift für Musik (1873), S. 331. „Diese Salons haben einen so großen Einfluss, dass man geradezu von einer Gegenmacht sprechen kann“ (Übersetzung der Verfasser, F. H.), Jean-Marie Fauquet, „salon“, in: ders. (Hg.), Dictionnaire de la musique en France au XIXe siècle, Paris, Fayard, 2003, S. 1115 f., hier: S. 1115. Dörte Schmidt, „‚… in vierfach geschlungener Bruderumarmung aufschweben‘. Beethoven und das Streichquartett als ästhetische, politische und soziale Idee in der zeitgenössischen

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verschiedenen Gründen Anstoß erregte. „Saiteninstrumente“, so formuliert Carl Ludwig Junker im Jahr 1784, „erfordern […] oft, eine schnelle, heftige, gewaltsame, rasche Bewegung, die […] mit der anerkannten Schwäche des zweyten Geschlechts, gar in keiner Verbindung stehet. Ueberdem – der Stand des Weibes ist Ruhe – soll es seyn, so gedenkt sich ihn, wenigstens der Mann am liebsten […]. Eine solche heftige Bewegung […] brächte uns doch auch gewiss, tausendmahl in Absicht der Spielerinn auf die Vermuthung eines cholerischen Temperaments.“28

Selbst Jahrzehnte später berichtet die Neue Zeitschrift für Musik, in einem Konzert der Violinistin Nanette Oswald hätten sich Damen geweigert, die Musikerin anzusehen, „da sie kein Frauenzimmer mit der Geige am Kinn, und keine weiblichen Finger die Violinsaiten berühren sehen wollten“.29 Noch anstößiger war das Violoncellospiel, verlangte es doch, lange bevor in der zweiten Hälfte des 19. Jahrhunderts der Stachel üblich wurde, das Umfassen des Instruments durch die Beine des Spielers. Der oben zitierte Carl Ludwig Junker konstatiert in diesem Fall kategorisch, wenn auch diplomatisch formuliert, eine „Dißproportion, die zwischen der lokalen Stellung des Körpers, und dem eigentlichen Dekorum herrscht“ und eine „Lage des Körpers, die sich mit den Begriffen des sittlichen Anstandes nicht […] verträgt“.30 Erst im Vormärz wagte es mit Lise Cristiani eine Musikerin, die Öffentlichkeit mit diesem „unschicklichen“ Anblick zu konfrontieren. Um 1800 hatten sich in den Mittwochsgesellschaften des Ehepaares Ladurner vier Streicherinnern zusammengefunden: Die Hausherrin, Agathe-Victoire Ladurner, die vor ihrer Heirat „brilla longtemps dans les concerts de Paris“,31 führte das Streichquartett an. Den Part der zweiten Geige übernahm Clarisse Larcher,32 von der das Lexikon von Choron und Fayolle widersprüchlich mitteilt, sie sei eine „célèbre amateur sur le violon“ und habe „avec succès, des concertos et des airs variés dans plusieurs concerts publics“33 aufgeführt. Bratschistin des Streichquartetts

28 29 30 31

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Publizistik“, in: Cornelia Bartsch / Beatrix Borchard / Rainer Cadenbach (Hg.), Der „männliche“ und der „weibliche“ Beethoven: Bericht über den Internationalen Musikwissenschaftlichen Kongress vom 31. Oktober bis 4. November 2001 an der Universität der Künste Berlin, Bonn, Verlag Beethovenhaus, 2003, S. 351–368. Zur Instrumentenwahl von Frauen vgl. grundsätzlich Hoffmann, Instrument und Körper, sowie Freia Hoffmann / Volker Timmermann (Hg.), Quellentexte zur Geschichte der Instrumentalistin im 19. Jahrhundert, Hildesheim u. a., Olms, 2013. Carl Ludwig Junker, „Vom Kostüm des Frauenzimmer Spielens“, in: Musikalischer und Künstler-Almanach auf das Jahr 1784, Freyburg, 1784, S. 85–99, hier: S. 92. Neue Zeitschrift für Musik, II (1837), S. 43. Junker, „Vom Kostüm des Frauenzimmer Spielens“, S. 96. „längere Zeit in den Pariser Konzerten geglänzt hat“ (Übersetzung der Verfasser, F. H.), François-Joseph Fétis, „Ladurner, Ignace-Antoine-François-Xavier“, in: ders., Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale des musiciens, 8 Bde., Bd. 5, Paris, Firmin Didot, 1877/78, S. 159. Freia Hoffmann, „Larcher, Clarisse“, in: dies. (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. „berühmte Geigen-Amateurin“, „erfolgreich Konzerte und verschiedene Arien in mehreren öffentlichen Konzerten“ (Übersetzung der Verfasser, F. H.), Alexandre-Etienne Choron / François-Joseph Marie Fayolle, „Ladurner, Agathe-Victoire“, in: dies., Dictionnaire historique des musiciens, artistes et amateurs, 2 Bde., Bd. 1, Paris, Valade, Lenormant, 1810/11, S. 401.

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war Felicita Blangini (1780–1844), eine aus Turin eingewanderte professionelle Musikerin, die um 1805 sogar eine Anstellung am bayerischen Hof hatte.34 Cellistin des Frauen-Streichquartetts war Marie-Thérèse Pain35 (1773–1859). Von ihr berichten Choron und Fayolle, sie sei „amateur à Paris, […] une virtuose distinguée sur le violoncelle, instrument encore plus extraordinaire sous la main d’une femme que le violon“.36 Da sie als amateur bezeichnet wird, ist anzunehmen, dass sie ihre Auftritte auf Salons und Wohltätigkeitskonzerte beschränkte. Wie ungewöhnlich und angreifbar das Violinspiel von Frauen auch in Paris war, ist in einem Konzertbericht der Zeitschrift La Romance nachzulesen. Er betrifft die Geigerin Ladurner, die in diesem Fall als Solistin auftrat: „J’ai vu, il y a déjà plusieurs années (alors c’était une rareté véritable), madame Ladurner, femme du pianiste, jouer du violon. Ce n’était pas gracieux. […] Il a fallu tout le talent de cette dame sur cet instrument pour rendre moins pénible la gêne que fait éprouver la vue d’une femme munie d’un archet, d’autant plus que l’artiste […] ne s’occupe pas le moins du monde de l’effet qu’elle peut produire sur les yeux. Elle se présente au pupitre, une paire de besicles sur le nez, un petit coussinet en satin, attaché sur l’épaule, à l’aide d’un ruban, afin que le violon ne puisse la blesser. Cet aspect bizarre fait sourire; mais bientôt l’archet part, les cordes s’animent, parlent… On ne rit plus! on écoute, on est transporté, et l’on a que des applaudissements pour cette femme qui sait produire des sons si purs, si fermes, si harmonieux, et qui a dû déployer tant de persévérance pour arriver au résultat extraordinaire que nous signalons aujourd’hui.“37

Dass schließlich das „Unschickliche“ des Geigenspiels im individuellen Fall entschuldigt wird und hinter dem musikalischen Eindruck zurücktritt, ist typisch für die Mehrheit der zeitgenössischen Konzertberichte der Zeit, sowohl in der französischen wie auch in der deutschen Presse. Dennoch ist festzuhalten, dass Geigerinnen, Violoncellistinnen und selbstverständlich auch Bläserinnen sich einem erheblichen Risiko aussetzten, durch ihr öffentliches Auftreten zum Objekt von Voyeurismus, 34 35 36

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Hanna Bergmann, „Blangini, Felicita“, in: Hoffmann (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. Freia Hoffmann, „Pain, Marie-Thérèse-Rosalie“, in: dies. (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. „Liebhaberin zu Paris, […] eine hervorragende Virtuosin auf dem Violoncello, einem Instrument, das in den Händen einer Frau noch außergewöhnlicher ist als die Violine“ (Übersetzung der Verfasser, F. H.), Alexandre-Etienne Choron / François-Joseph Marie Fayolle, „Pain, Marie-Thérèse-Rosalie“, in: dies., Dictionnaire historique des musiciens, Bd. 2, S. 117. „Vor mehreren Jahren – damals war es eine wirkliche Seltenheit – habe ich Mme. Ladurner, die Frau des Pianisten, Geige spielen sehen. Das war unschön. […] Es war das ganze Können der Dame auf diesem Instrument vonnöten, um das Missbehagen, das eine mit einem Bogen bewaffnete Frau auslöst, weniger peinlich zu machen, um so mehr, als die […] Künstlerin sich nicht im geringsten darum kümmert, welche Wirkung sie im Ansehen anderer haben könnte. Sie präsentiert sich am Pult, eine Brille auf der Nase und ein kleines Satinpolster mit einem Band auf der Schulter befestigt, damit die Violine sie nicht wundreiben kann. Dieser bizarre Anblick ist zum Lachen; aber sobald der Bogen loslegt, die Saiten in Bewegung geraten und erzählen … Man lacht nicht mehr! Man horcht auf, man ist bewegt, und man hat nur noch Beifall für diese Frau, die Klänge zu erzeugen weiß, so rein, so sicher, so harmonisch, und die so viel Ausdauer hat aufbieten müssen, um die außergewöhnlichen Ergebnisse zu erzielen, die wir heute schildern“ (Übersetzung der Verfasser, F. H.), La Romance (1834/35), S. 61.

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Sensationslust, Ironie und Ablehnung zu werden. Ganz anders ging offenbar der Auftritt des Frauen-Streichquartetts über die (private) Bühne. Wir besitzen zwar keine unmittelbare Pressereaktion auf dieses Hauskonzert. Es ist aber zu vermuten, dass der private Raum, die Autorität des Gastgeber-Ehepaares Ladurner und die an der Sache und nicht an der Sensation interessierten Gäste insgesamt einen Rahmen schufen, in dem die Frauen geschützt waren vor Ablehnung und moralischen Wertungen und vor einer doch herabsetzenden Beschreibung wie in der oben wiedergegebenen Konzertkritik. Fast ein halbes Jahrhundert später, im Jahr 1847, erinnert sich der Autor der Histoire de la musique moderne dieses bemerkenswerten Ensembles. Dabei beeindruckte ihn nicht nur das „Hörerlebnis“, sondern auch der „Augenschmaus“ – ein offenbar unvermeidlicher Automatismus beim Musizieren von Frauen, hier aber jedenfalls freundlich und wohlwollend formuliert: „On se fera sans doute une idée de l’impression que devait causer cet assemblage de quatre femmes répandant à flots autour d’elles le plaisir, et disputant par les talents l’empire de l’attention au plaisir des yeux et à celui des oreilles“.38 Das Frauen-Streichquartett im Salon von Madame Ladurner blieb einmalig. Es sollte über 60 Jahre dauern, bevor in Paris die ersten Frauen-Streichquartette öffentlich auftraten.39 Auch im weiteren Verlauf des Jahrhunderts bot der Salon in Paris einigen prominenten Musikerinnen, vor allem nach der Eheschließung, die Möglichkeit, in einem von der Öffentlichkeit abgeschirmten Rahmen ihre Kunst auszuüben. Beispiele sind die Pianistin Josephine Eder,40 die nach ihrer Heirat mit dem berühmten Violinisten Henri Vieuxtemps von 1866 an in ihrer Wohnung 17, rue Chaptal im 9e arrondissement einen Salon führte, und Marie Pleyel,41 eine europaweit bekannte Pianistin und von 1848 bis 1872 Professorin am Konservatorium in Brüssel. Sie zog sich Anfang der 1860er Jahre aus gesundheitlichen Gründen zurück und konzertierte von da an vorwiegend im privaten Rahmen. Aus der Vielzahl der Pariser Salons, die Jean-Marie Fauquet in seinem einschlägigen Text aufführt, sind für die Frage der Professionalisierungsmöglichkeiten vor allem die zahlreichen „salons de musiciens“ von Interesse, „consacrés exclusivement à la musique“.42 Fauquets Bemerkung, der Salon sei „le seul lieu où la femme musicienne qui enseigne le chant ou le piano, puisse exercer son talent de chanteuse ou d’instrumentiste“,43 trifft jedoch keinesfalls zu. Tatsächlich mischen 38

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„Man kann sich gewiss ein Bild machen von dem lebhaften Vergnügen, das dieses Ensemble von vier Frauen auslöste, wenn man sich vorstellt, wie die Darstellung ihrer Fähigkeiten mit dem Augenschmaus und dem Hörerlebnis wetteiferten“ (Übersetzung der Verfasser, F. H.), Pierre-Auguste-Louis Blondeau, Histoire de la musique moderne, depuis le premier siècle de l’ère chrétienne jusqu’à nos jours, 2 Bde., Bd. 2, Paris, Tantenstein & Cordel, 1847, S. 290. Siehe Freia Hoffmann, „Prins-Clauss, Fanny“ und „Tayau, Marie“, in: dies. (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. Freia Hoffmann / Gernot Schmidt, „Eder, Josephine“, in: Hoffmann (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. Jenny Kip, „Pleyel, Marie“, in: Hoffmann (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. Fauquet, „salon“. „der einzige Ort, an dem eine Musikerin, die Gesang oder Klavier unterrichtet, ihre Kunst als Sängerin oder Instrumentalistin ausüben kann“ (Übersetzung der Verfasser, F. H.), ebd.

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sich in Paris öffentliches Konzert und Salon in einer Weise, die für die professionellen Ambitionen von Musikerinnen eine ausgesprochen günstige Basis bildete. Hierzu ist ein kurzer Exkurs in die Geschichte der Räumlichkeiten vonnöten, die in Paris für Konzerte zur Verfügung standen.44 Bekanntlich beklagte man in der französischen Metropole, etwa im Vergleich zu London oder Wien, in der ersten Hälfte des 19. Jahrhunderts allgemein einen Mangel an geeigneten Konzertsälen. Während Opernaufführungen in den Theatern angemessene Bedingungen fanden, mussten Instrumentalkonzerte zu Beginn des Jahrhunderts z. B. in das Hôtel particulier eines Malers namens Lebrun (96, rue de Cléry im 2e arrondissement) ausweichen.45 Der Saal des Konservatoriums, 1811 erbaut, diente häufig als Konzertsaal, war allerdings mit Bühne, Vorhang und Logen auf drei Etagen immer noch mehr auf Opern- und Gesangsaufführungen als auf Instrumentalkonzerte zugeschnitten.46 Diese Lücke füllten über viele Jahrzehnte Klavierfirmen, die ihre Ausstellungsräume so gestalteten und ergänzten, dass dort auch Konzerte stattfinden konnten, die dem Fabrikanten die Möglichkeit boten, Kaufinteressenten seine Instrumente zu präsentieren.47 Der Klavierbauer Camille Pleyel etwa mietete von 1828 an ein Hôtel particulier (9, rue Cadet im 9e arrondissement), das im ersten Stockwerk eine Reihe von Salons umfasste. Im größten dieser Salons, der auf einer Fläche von ca. 63 m2 zwischen 60 und 150 Personen aufnehmen konnte, fand im Februar 1832 Frédéric Chopins Pariser Debüt statt. 1837 erwarb der Klavierbauer Henri Herz ein Hôtel particulier (38, später 48, rue de la Victoire, 9e arrondissement), in dessen ca. 170 m2 großem Saal die Komponistin Louise Farrenc (1804–1875) am 27. April 1845 ihre erste Sinfonie und eine ihrer Orchester-Ouvertüren aufführen ließ. Auch die Firma Erard betrieb Salons, bevor auf ihrem Gelände 1860 ein großer Konzertsaal mit etwa 300 Sitzplätzen erbaut wurde. In all diesen salons oder salles, die ergänzt wurden durch ähnliche Räumlichkeiten von Verlegern, traten im 19. Jahrhundert zahlreiche Musikerinnen auf. Konzerte, die in diesen Räumen stattfanden, erfüllen weder die Kriterien einer öffentlichen Veranstaltung, noch können sie ohne Weiteres einer privaten oder auch einer privat-unternehmerischen Einrichtung zugeordnet werden. Fauquet hat darauf hingewiesen, dass vor 1830 die Bezeichnungen salle und salon je nachdem wechselten, ob ein Eintrittsgeld erhoben wurde oder nicht.48 Ein spätes Beispiel hierfür ist die Uraufführung von Louise Farrencs Nonett op. 38 am 19. März 1850 in den Salons Erard und die Aufführung eines ihrer Klavierquintette zwei Tage später in der Salle Erard.49 Auch bei eher kommerziellen Konzerten war es üblich, 44

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Vgl. Joël-Marie Fauquet, „concert“, „salle de concert“ und „salon“, in: ders., Dictionnaire de la musique, S. 298 f., 1113 f. und 1115 f.; Laure Schnapper, „Entre théâtre et salon: Les premières salles de concert parisiennes au XIXe siècle“, in: Laure Gauthier / Mélanie Traversier (Hg.), Mélodies urbaines. La musique dans les villes d’Europe (XVIe–XIXe siècles), Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2008, S. 201–219. Schnapper, „Entre théâtre et salon“, S. 203. Ebd., S. 204. Ebd., S. 208–219. Fauquet, „salon“, S. 1116. Christin Heitmann, Die Orchester- und Kammermusik von Louise Farrenc vor dem Hintergrund der zeitgenössischen Sonatentheorie (= Veröffentlichungen zur Musikforschung 20),

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dass MusikerInnen dem Inhaber ein erhebliches Kontingent an Eintrittskarten überließen, die der Fabrikant zur Einladung von Kaufinteressenten verwenden konnte. Laure Schnapper beschreibt den Zugang zum Herz’schen Saal, der jenseits eines Innenhofs lag, wie folgt: „L’aspect commercial se mêlait au caractère privé de la salle puisque, pour y accéder, il fallait traverser l’hôtel d’habitation du propriétaire“.50 Für das Publikum war in den ersten Jahrzehnten nur teilweise – nämlich für die Damen – eine Bestuhlung vorgesehen, während die Herren sich stehend im hinteren Teil des Saales, in den Fensternischen und, bei starkem Andrang, in den angrenzenden Fluren aufhielten. Schon der Mangel an geeigneten Räumen für Kammermusik und die sogenannten „gemischten Programme“ waren Gründe, Musikveranstaltungen in den eigenen Räumen anzubieten, zumal auch die Wohnungen gewöhnlich eine deutliche Trennung zwischen repräsentativen Salons und den eigentlichen Privatgemächern vorsahen.51 In Einzelfällen ist sogar bekannt, dass auch für Privatkonzerte Eintritt erhoben wurde. So berichtet die Schweizer Musikerin Caroline Boissier-Butini 1818 von Privatkonzerten der Opern-Komponistin Sophie Gail als „réunions où l’on peut souscrire“.52 In vielen Berufsbiografien von Musikerinnen verbinden sich Auftritte in den Salons mit öffentlichen Konzerten. Dabei handelt es sich nicht nur um die bereits vielfach beschriebenen Parcours durch verschiedene Salons, mit denen sich reisende MusikerInnen in Paris zunächst ohne den damals erheblichen Aufwand einer regulären Konzertorganisation bekannt machen konnten. Beispiele hierfür sind Clara Wieck 1839, die Geigerin Hortensia Zirges 1844/45 und die Violoncellistin Rosa Suck 1866, wobei die Letzteren ihre Erfahrungen in ausführlichen Reiseberichten festgehalten haben.53 Auch parallel zu einer Konzert- oder Opernkarriere und zusätzlich zu Anstellungen etwa am Conservatoire national de musique traten zahlreiche Instrumentalistinnen und Sängerinnen immer wieder in Salons auf, sei es in eigenen, sei es in den Salons ihrer KollegInnen. Clara Loveday54 (um 1820– nach 1857), eine aus England stammende Pianistin, Schülerin von Liszt, Paganini und Chopin, veranstaltete von 1840 bis 1847 in der elterlichen Wohnung am square d’Orléans (9e arrondissement) jeweils ab Januar alle

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Wilhelmshaven, Florian Noetzel, 2004, S. 40 f. In beiden Fällen handelte es sich um mehrere ineinander gehende Räume, vgl. Schnapper, „Entre théâtre et salon“, S. 217. „Der kommerzielle Aspekt mischte sich mit dem privaten Charakter des Saales, denn um dorthin zu gelangen, musste man den Wohntrakt des Eigentümers durchqueren“ (Übersetzung der Verfasser, F. H.), „Entre théâtre et salon“, S. 209. Caroline Varlet unterscheidet in den Bürgerwohnungen des 19. Jahrhunderts Räume für „reception“, „famille“ und „service“. Caroline Varlet, L’habitat des élites à Paris: une spirale innovatrice (XVIIIe–XXe), XIV. International Economic History Congress, Helsinki, 2006, URL: http://www.helsinki.fi/iehc2006/papers3/Varlet.pdf, S. 7, Zugriff am 5. Dezember 2014. „Zusammenkünften, die man subskribieren kann“ (Übersetzung der Verfasser, F. H.), Correspondance 27. Februar 1818. Für diesen Hinweis und die Mitteilung der Quelle danke ich Dr. Irène Minder-Jeanneret, Bern; vgl. auch Schnapper, „Entre théâtre et salon“, S. 203. Volker Timmermann, „Hortensia Zirges in Süddeutschland, Straßburg und Paris“, in: Freia Hoffmann (Hg.), Reiseberichte von Musikerinnen des 19. Jahrhunderts. Quellentexte, Biographien, Kommentare, Hildesheim u. a., Olms, 2011, S. 122–147, hier: S. 133–136; Rosa Suck, Handschriftliches Tagebuch, Kopie im Bestand des Sophie Drinker Instituts, Doppels. 235 ff. Freia Hoffmann, „Loveday, Clara“, in: dies. (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen.

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vierzehn Tage Matineen, an denen so prominente MitspielerInnen wie die Geiger Henri Vieuxtemps und Jean-Delphin Alard, der Violoncellist Auguste-Joseph Franchomme sowie die Harfenistin Pauline Jourdan55 teilnahmen. Den Abschluss der Reihe bildete jeweils ein öffentliches Konzert am Ende der Wintersaison in der Salle Herz. Eine ähnliche Praxis, öffentliche Konzerte durch regelmäßige Hauskonzerte vorzubereiten, kennen wir von einer weiteren prominenten Pariser Pianistin, Josephine Martin (1822–1902).56 Pauline Viardot (1821–1910), die berühmte Mezzosopranistin und Komponistin, lud parallel zu ihrer Karriere seit den 1840er Jahren in Paris (48, rue de Douai, 9e arrondissement) zu Donnerstagskonzerten ein, die von namhaften MusikerInnen ebenso wie von SchriftstellerInnen besucht wurden.57 Von Marie Jaëll (1846–1925) ist bekannt, dass sie neben ihrer Konzerttätigkeit einen Salon führte, in dem ihr Lehrer Franz Liszt kurz vor seinem Tod 1886 auftrat.58 Die französische Presse – auch dies ist ein markanter Unterschied zu Gepflogenheiten im deutschsprachigen Raum – nahm von den Aktivitäten der verschiedenen Salons ausführlich Notiz, sodass auch die Werbewirksamkeit von SalonKonzerten gesichert war. Neben einer Vielzahl unterhaltender Blätter gaben der Ménestrel (seit 1833), die Revue et Gazette musicale (seit 1835) und die France musicale (seit 1837) regelmäßig Berichte aus den Salons, und für so prominente Kritiker wie Henri Blanchard und die Brüder Léon und Marie Escudier war es anscheinend eine Selbstverständlichkeit, sich in der Welt der musikalischen Salons zu bewegen. Während in vielen Salons oft virtuose und gefällige Kompositionen vorgetragen wurden, gab es auch Salons, „où les œuvres nouvelles sont mises au banc d’essai avant d’affronter le public“.59 Das konnte auch Programme betreffen, von denen die MusikerInnen annahmen, das große „kommerzielle“ Pariser Publikum sei für sie (noch) nicht reif. Ein solches Beispiel wird 1872 von der aus Böhmen stammenden Pianistin Wilhelmine Clauss (1832–1907) referiert, die inzwischen mit dem Pariser Schriftsteller Friedrich Szarvady verheiratet war.60 Über die Vermittlung ihrer Pariser Korrespondenten gab die deutsche Musikpresse damit auch ausnahmsweise Einblick in Salon-Aktivitäten des Nachbarlandes: „Seitdem die treffliche Pianistin Frau Szarvady (Wilhelmine Clauß) sich aus der Oeffentlichkeit zurückgezogen, hat sie ihr Haus in Paris mehr und mehr zu einer Pflegstätte der Kunst, und namentlich der deutschen Kunst, gemacht, zu einer Pflegstätte, an der sie selbst mit vollster 55 56 57 58 59 60

Freia Hoffmann, „Jourdan, Pauline“, in: dies. (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. Claudia Schweitzer, „Martin, Josephine“, in: Hoffmann (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. Myriam Chimènes, Mécènes et musiciens. Du salon au concert à Paris sous la IIIe République, Paris, Fayard, 2004, S. 300 f. Jannis Wichmann, „Jaëll, Marie“, in: Hoffmann (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen. „in denen neue Musik geboten wurde, bevor man das Publikum damit konfrontierte“ (Übersetzung der Verfasser, F. H.), Fauquet, „salon“, S. 1115. Anja Herold, „Clauss-Szarvady, Wilhelmine“, in: Hoffmann (Hg.), Lexikon Europäische Instrumentalistinnen.

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Annkatrin Babbe / Freia Hoffmann / Volker Timmermann Hingebung sowohl als mit der ungeschmälertsten Superiorität ihres seit Langem anerkannten Talentes waltet. Auch in der jüngstverflossenen Saison 1871–1872 hat sie einen Kreis von Kunstfreunden um sich versammelt zu einer Reihe von Kammermusik-Soiréen.“61

Anschließend gab die Zeitschrift auf zwei Seiten die Programme von 14 Abenden wieder, Kammermusik vorwiegend der deutschen Klassik und Romantik. Im Korrespondentenbericht der Neuen Zeitschrift für Musik wird deutlich, wie hoch angesehen diese Konzerte waren: „Bei Beginn des Winters war die Académie de Musique weniger in der großen Oper als im Hotel der Frau Szarvady am Boulevard Malesherbes [8., 17. Arrondissement, (Anmerkung der Verfasser, F. H.)] installirt. Die Künstlerin verschickte keine Einladungen sondern erwartete die Zulassungsgesuche. Um so unabhängiger war sie in der Zusammenstellung des Repertoire’s. Mit den eminentesten Quartettspielern spielte sie in einer ersten Sitzung ein Trio von Beethoven, ein Quartett von Schumann, eine Sonate von Raff. Sie fügte in einer zweiten Sitzung Bach und Mendelssohn hinzu. Der Zudrang ward immer größer, die Zulassungsgesuche immer unabweislicher. So wurde Frau Szarvady bis zu einer vierzehnten Sitzung gedrängt und die classische Concertsaison in ihrem Hotel konnte erst im Juni geschlossen werden.“62

FAZIT Nicht nur für den deutschen Sprachraum, sondern auch für Frankreich lässt sich zusammenfassend feststellen, dass Instrumentalistinnen, die auf öffentlichen Bühnen oft nur unter schwierigen Bedingungen und mit einer auf das Geschlecht bezogenen, kritischen Rezeption auftreten konnten, in Salons mit deutlich weniger Widerspruch zu rechnen hatten. Hier bot sich die Möglichkeit, den engen Rahmen privater Geselligkeit zu verlassen, trotzdem aber von der Schutzfunktion zu profitieren. Die Übergänge von der Privatheit zur Öffentlichkeit waren dabei fließend – sowohl in Frankreich als auch im deutschsprachigen Raum. Gleichwohl entwickelten sich die Verhältnisse dies- und jenseits des Rheins auf unterschiedliche Weise. Fanden Salons hierzulande in eigentlich privaten Räumlichkeiten statt, so fungierten in Paris auch die Säle von Klavierfirmen als Veranstaltungsorte. Anders als im deutschen Raum wurde an der Seine durchaus auch Eintrittsgeld erhoben. Die Differenzierung von salle und salon kennzeichnet bereits einen allmählichen Übergang zum öffentlichen Konzertwesen ebenso wie die mediale Resonanz. Während deutsche Medien selbst bei Anwesenheit von Kritikern kaum über Salonveranstaltungen berichteten, gab es in französischen Musikzeitschriften regelmäßig ausführliche Besprechungen über das musikalische Geschehen in den Salons. Wichtig waren diese für Instrumentalistinnen in beiden Ausprägungen: Während hier Salons eine große Bedeutung vor allem durch ihre Schutzfunktion hatten, die in einigen Fällen gar das Spielen für Frauen eigentlich als ungeeignet betrachteter Instrumente ermöglichte, boten die Pariser Salons Instrumentalistinnen zunehmend auch Professionalisierungsmöglichkeiten. 61 62

Signale für die musikalische Welt (1872), S. 486. Neue Zeitschrift für Musik (1872), S. 341.

LA PROFESSEURE DE PIANO

Convergences et divergences du processus de professionnalisation d’un métier typiquement féminin en France et en Allemagne Claudia Schweitzer Résumé Au XIXe siècle, l’apprentissage du piano fait irrémédiablement partie de l’éducation de la femme bourgeoise. Beaucoup de romans mettent en scène la fille de la maison jouant du piano, notamment dans des situations intimes : le piano est un objet caractéristique pour un certain milieu. Mais pour respecter l’apparence soigneusement créée, ainsi que pour satisfaire aux exigences imposées par la vertu, il faut aussi une enseignante convenable : la maîtresse de piano, un être décent, pudique et presque asexuel. Pourtant, ce cliché, bien connu aujourd’hui encore, semble s’opposer au fait que la « professeure de piano » est effectivement un des premiers métiers ouverts aux femmes. L’article cherche à expliquer les conditions de ce développement et à montrer comment dans deux sociétés si différentes au niveau politique, social et philosophique que le sont la France et l’Allemagne, la « professeure de piano » est devenu un métier reconnu.

Zusammenfassung Im 19. Jahrhundert bildete der Klavierunterricht unweigerlich einen festen Bestandteil der Erziehung höherer Töchter. Viele Romane der Zeit stellen die klavierspielende Tochter des Hauses besonders in häuslichen Situationen dar; das Klavier gilt als charakteristisches Objekt für ein bestimmtes Milieu. Um den sorgfältig erschaffenen Schein zu wahren und den Anforderungen an die Tugendhaftigkeit Genüge zu leisten, bedarf es ebenso einer angemessenen Klavierlehrerin – wohlanständig, züchtig und beinahe geschlechtslos. Dieses Klischee, das auch heute noch geläufig ist, scheint jedoch der Tatsache zu widersprechen, dass der Beruf der „Klavierlehrerin“ einer der ersten war, der Frauen in der Geschichte offenstand. Der Artikel versucht, die Voraussetzungen dieser Entwicklung zu erklären und zu zeigen, wie die Tätigkeit der „Klavierlehrerin“ in Frankeich und Deutschland, zwei in politischer, sozialer und philosophischer Hinsicht so unterschiedliche Gesellschaften, zu einem anerkannten Beruf avancierte.

La professeure de piano fait irrémédiablement partie de la vie culturelle du XIXe siècle. L’apprentissage du piano est, pour ainsi dire, obligatoire pour chaque fille bourgeoise. Il lui donne la possibilité de montrer toutes ses qualités : sa sensibilité, sa retenue, sa capacité d’adaptation – dans l’accompagnement de sa propre voix ou d’autres musiciens –, une certaine connaissance et culture par la présentation d’œuvres des compositeurs réputés et à la mode, tout ceci dans le cadre sécurisé du salon familial. Dans les romans du XIXe siècle, beaucoup de scènes intimes, voire de séduction se déroulent autour d’un piano. Pour la fille, faire de la musique relève à la fois de la sphère intime, en montrant ses sentiments, et de la sphère sociale,

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en déclarant ainsi appartenir à un certain milieu. Il suffit de penser à des œuvres comme Emma Bovary (Flaubert) ou Le Père Goriot (Balzac) pour comprendre le grand rôle de cet instrument dans la société bourgeoise de l’époque. Un autre aspect important expliquant la popularité du piano concerne le corps de la fille ou femme musicienne. Pour satisfaire à l’idéal de la femme pudique, notamment dans l’espace germanophone, le rayonnement érotique devait être réduit au minimum. Le clavier comme instrument solide, stable, fixé à un endroit précis, qui permet une posture tout à fait vertueuse, y jouait naturellement un rôle extraordinaire. Cependant la posture de la joueuse ne suffit pas ; pour correspondre à l’idéal ainsi créé, il fallait avoir une enseignante convenable, c’est-à-dire décente, pudique ou, autrement dit, presque asexuée. Voilà le cliché le plus typique de la maîtresse de piano que beaucoup d’auteurs de romans, de chansons ou de films reprennent encore aux XXe et XXIe siècles, soit dans sa forme moralisante et éducatrice, soit de manière dissuasive. De manière négative, la professeure de piano est devenue ou la « vieille fille », la « alte Jungfer » (voir la chanson d’Alice Dona, « La prof de piano »), ou celle qui enseigne parce qu’elle n’a pas réussi une carrière comme soliste (voir le roman d’Elfriede Jelinek, La pianiste, ainsi que son adaptation cinématographique), ou un être frustré sur le plan sexuel (par exemple dans la chanson d’Udo Lindenberg, « Die Klavierlehrerin »). Bref, elle est considérée comme une personne déçue par la vie qui vit en général dans une « bulle » jusqu’au jour où, notamment dans les romans, un événement bouleverse sa vie uniforme, laborieuse, solitaire et tout entière consacrée à son art. Et pourtant, le métier de professeure de piano est un des premiers métiers que les femmes peuvent exercer professionnellement. Comment ce statut emblématique est-il conciliable avec l’image plutôt négative que la « professeure de piano » suscite dans l’esprit de la majorité des gens lorsqu’ils pensent au XIXe ou au début du XXe siècle – et plus loin encore, parfois ? Les raisons de cette contradiction apparente se trouvent dans les conditions du processus de professionnalisation du métier au cours du XVIIIe siècle même. Il est intéressant à ce titre que dans deux sociétés si différentes aux niveaux politique, social et philosophique comme celles de la France et de l’Allemagne (Vienne inclus), un certain nombre de femmes se voient confrontées au même problème et qu’elles trouvent pour leur survie économique une solution similaire : les cours de piano. Pour mieux comprendre cet enjeu, nous réfléchirons d’abord aux racines de la condition de la professeure de piano qui se situent dans le processus de professionnalisation du métier au XVIIIe siècle, nous verrons ensuite quelles en ont été les conséquences au XIXe siècle, ainsi que les points de ressemblances et de divergences dans les deux pays en question.

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LE XVIIIe SIÈCLE : LA PROFESSIONNALISATION D’UN MÉTIER FÉMININ La « professeure de piano » est un des métiers les plus anciens ouverts aux femmes. Généralement, ces professeures sont issues de familles de musiciens, condition essentielle pour avoir accès aux connaissances indispensables à ce métier : elles sont instrumentistes, copistes et professeures à la fois. Par ailleurs, il faut rappeler que le statut social généralement peu élevé des musiciens exclut du métier de professeur de piano les femmes de la bourgeoisie et a fortiori de l’aristocratie. Néanmoins, notamment après la Révolution française et les grands bouleversements qui y sont liés, maintes femmes, forcées à gagner leur vie, s’inspirent du modèle professionnel des musiciennes. L’étude comparative montre plus nettement différents aspects de ce développement historique. LES THÉORIES DOMINANTES RELATIVES À LA FEMME AU XVIIIe SIÈCLE Jusqu’à la Révolution, les musiciennes françaises disposent, en comparaison avec leurs collègues allemandes, d’une marge de manœuvre assez large. La situation est en effet extrêmement favorable à une activité musicale professionnelle des femmes. Sans avoir la place pour entrer dans les détails de ce phénomène souvent méconnu, il suffit de rappeler la grande culture des salons qui offrent une place importante à la femme d’esprit, mais aussi à l’art. Si au niveau idéologique, beaucoup de théoriciens, qui se prononcent dans le cadre de la Querelle des femmes sur ce sujet, encadrent la situation des femmes, d’autres s’y montrent plus ouverts. Ainsi, Rousseau déclare en 1772 dans l’Émile que « en tout ce qui ne tient pas au sexe, la femme est homme »1. Il souligne même que la nature veut que les femmes pensent et cultivent leur esprit2. Rousseau se place dans la lignée de Poulain de la Barre qui, cent ans plus tôt, avait constaté que « l’esprit n’a point de sexe »3. Homme et femme sont destinés à apprendre l’un de l’autre. Dans ce partage et dans cette interaction, chacun et chacune tient une place importante. Tout dépend finalement de la bonne et juste éducation. Plus concrète – et encadrante – est la description que Pierre Roussel fait de la femme : de sa nature plus faible que l’homme (on parle donc d’un paramètre inchangeable), elle est plus douce et compatissante que celui-ci, mais aussi plus en proie à ses émotions et moins capable de faire abstraction ou de réfléchir et de décider à la base d’un calcul raisonné et prévoyant4. Cependant, si différentes que ces deux théories puissent paraître à première vue, elles dévoilent en réalité deux manières d’interpréter un certain caractère défini comme typique, une nature imagi1 2 3 4

Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l’éducation, Paris, éd. André Charrak, 1772, réed.GF Flammarion, 2003, p. 515. Ibid., p. 525. François Poulain de la Barre, De l’égalité des deux sexes, Paris, 1676, p. 60. Pierre Roussel, Système physique et moral de la femme, Paris, 1775.

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née pour la femme qui se fixe définitivement au plus tard vers la fin du XVIIIe siècle et qui distingue fortement les deux sexes dans les yeux des théoriciens. La faiblesse féminine chez Roussel correspond à la souplesse chez Rousseau, l’émotivité exagérée et les réactions instinctives chez le premier, au goût et au sens cultivé chez le second. Quoi qu’il en soit, la musique comme un art qui incorpore la sensibilité, la sensualité, l’expression d’une pensée intime et une vie cultivée, paraît comme un espace idéal pour la femme, que ce soit pour se former ou bien pour travailler. La musicienne peut alors, avec l’enseignement, exercer une profession qui est reconnue puisqu’elle correspond à sa nature. Les théoriciens allemands reprennent ces traits et continuent à les développer. Ils poussent plus loin encore la définition de ce soi-disant Geschlechtscharakter de la femme. Notamment au sein des philanthropes, on construit une théorie élaborée et détaillée à la suite de laquelle le modèle de la femme épouse et mère l’emporte. Johann Heinrich Campe parle de la « vernünftigen und guten Gattin », de la « auf alles aufmerksamen und selbsttätigen Hausfrau und […] sorgfältigen Mutter »5. La femme se voit de plus en plus réduite au fameux « Kinder – Küche – Kirche ». L’activité professionnelle féminine hors du foyer familial ne peut se justifier qu’en recourant à des artifices. Le métier de la professeure de piano se développe sous ces conditions dans le cadre intime du privé, mais reste cependant soumis à une grande diversité. L’activité professionnelle de la femme est tacitement tolérée pour deux raisons majeures : premièrement, elle reste, en général, ici aussi implantée dans le métier – il s’agit avant tout d’enseignantes issue de familles de musiciens – ; deuxièmement, elle peut être matériellement nécessaire. LE MÉTIER DE LA PROFESSEURE DE PIANO JUSQU’AU DÉBUT DU XIXe SIÈCLE Malgré toutes les restrictions dues au Geschlechtscharakter, ce dernier offre également la justification même pour une activité de la femme comme professeure. Le rôle naturel de la mère, qui condamne la femme à l’espace confiné du domicile, fait parallèlement d’elle une enseignante par excellence pour les enfants. Ainsi, depuis la deuxième moitié du XVIIIe siècle, on assiste dans les pays germaniques à l’établissement d’un grand nombre de professeures spécialisées dans l’enseignement de filles, notamment de familles aristocrates ou bourgeoises. De fait, ici, la situation de la femme au tournant du XIXe siècle est moins déterminée par les bouleversements politiques et sociaux que par les théories, règles et préceptes déjà développés. Dans un climat fortement imprégné de changements sociaux et musicaux – on pense par exemple à la montée de la bourgeoisie allemande et à son influence sur le développement de la vie de concert –, les célibataires profitent de la situation pour trouver dans les cours de piano une solution pour leur survie économique. Issues de plus en plus souvent de familles bourgeoises, et 5

Joachim Heinrich Campe, Väterlicher Rath für meine Tochter, Braunschweig, 1796, réed. Paderborn 1988, p. 42.

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par conséquent moins pourvues de savoir théorique, elles profitent de l’image de la femme mère pour se spécialiser dans l’enseignement des enfants. Une pédagogie instrumentale commence à se développer. Ce sont en effet les débats sur l’enseignement qui commencent en Allemagne au début du XVIIIe siècle (voir par exemple Johann Mattheson6 qui développe longuement le modèle du « bon maître » sous un aspect non seulement musical, mais aussi social) qui sont à l’origine des méthodes de piano pour une nouvelle clientèle bourgeoise. La bonne « méthode d’enseignement » étant un moyen pour se distinguer sur le « marché » émergeant, se voit revêtir une grande importance. C’est à partir de ce moment qu’on peut commencer à parler – prudemment, certes – d’une nouvelle conception et vision de soi dans le domaine des professions musicales en Allemagne. Si en France le nombre de femmes issues de familles de musiciens (par exemple les Couperins) est toujours beaucoup plus élevé qu’en Allemagne, la Révolution change complètement la situation jusque-là relativement libre de la femme et crée de réelles nécessités. Le « travail » prend un autre statut. Ainsi, Hélène de Montgeroult (1764–1836), femme de la noblesse, devient la première professeure de piano au Conservatoire national. Son statut est extraordinaire : c’est elle qui dirige la classe des élèves (masculins !) les plus avancés, c’est-à-dire la « première classe », avec le salaire annuel maximum des professeurs (si l’on excepte les professeurs de composition musicale)7. Toutefois, malgré la renommée de ce poste, elle le quitte très rapidement pour se retirer dans la sphère privée et intime des salons, répondant ainsi pleinement à l’ancien idéal de la femme. Autre exemple : Marie Bigot (1786–1820) dont le mari avait été tué à la guerre et qui est alors forcée de donner des leçons pour garantir sa survie économique et celle de ses deux enfants mineurs. Parmi ses élèves, on trouve des personnages illustres comme Felix Mendelssohn-Bartholdy et sa sœur Fanny, tous les deux de jeunes gens encore. Marie Bigot, fille d’un père bibliothécaire et d’une mère pianiste, fournit déjà un exemple plus typique de l’enseignante qu’on retrouvera au XIXe siècle : l’image de la femme-professeure qui consacre sa vie à ses élèves. Sur Bigot, on peut alors lire dans une biographie, publiée par M. Miel dans la Revue musicale : « Si le désir d’arriver à l’indépendance et d’assurer le sort de ses enfants soutenait son courage, elle se sentait aussi affermie dans sa résolution par la certitude d’être utile à l’art qui était l’objet de son culte ; malheureusement, les forces du corps ne répondaient pas chez elle à l’énergie morale, la fatigue altérait visiblement sa santé ; elle venait d’appeler auprès d’elle sa mère et sa sœur pour la seconder ; disciple de l’une, maîtresse de l’autre, elle trouvait dans toutes deux des collaboratrices capables de la suppléer. Son école, remarquable par la pureté des principes, l’eût encore été par la parfaite unité des traditions : sa fille même, héritière de ses dispositions, pourrait propager sa doctrine. »8 6 7

8

Johann Mattheson, Kleine General-Bass-Schule, Hamburg, 1735, réed. Laaber 1980. Pour plus d’informations sur cette instrumentiste ainsi que les autres musiciennes mentionnées dans cette contribution nous renvoyons aux articles biographiques in : Freia Hoffmann (Hg.), Europäische Instrumentalistinnen des 18. und 19. Jahrhunderts, www.sophie-drinker-institut. de/cms/index.php/lexikon. M. Miel, « Biographie (Madame Bigot) », Revue musicale, (1833), p. 317.

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Il apparaît que l’activité qui faisait, au début du XVIIIe siècle encore, tout simplement partie du travail de l’artiste, devient après la Révolution une nécessité financière, mais aussi un champ d’action satisfaisant qui permet d’établir de nouvelles traditions, tant au niveau d’une profession qui se constitue qu’à celui de l’établissement d’une « méthode ». Les différences entre les conditions de travail des professeures françaises et allemandes sont évidentes. Dans les pays germanophones, le groupe de femmes qui exercent le nouveau métier s’élargit constamment, tandis qu’en France il se spécialise et se singularise de plus en plus. Pourtant, on peut noter un développement comparable dans les deux espaces géographiques. Qu’il s’agisse de la femme allemande qui se spécialise, dans la lignée rousseauiste, sur l’enseignement des filles, ou bien d’une Marie Bigot, en France, qui fonde une véritable « école », on note dans l’ensemble la naissance de spécialistes : l’enseignante se sépare de l’instrumentiste. En particulier, leurs conditions de travail et de vie dépendent des contextes géographiques, sociaux et familiaux, et ce sont en effet ces contextes extérieurs qui, en combinaison avec la théorie du genre dans ses différentes accentuations, permettent la professionnalisation d’un métier qui, longtemps et souvent aujourd’hui encore – même si cela n’est plus fondé –, est considéré comme typiquement féminin. LE DÉVELOPPEMENT AU XIXe SIÈCLE Au tournant du siècle, en Allemagne comme en France, toute une société est bouleversée. L’ordre traditionnel et les anciennes valeurs sont critiqués, de nouveaux modèles sont ébauchés, rejetés ou essayés. Ce qui se dessine toutefois, c’est que la vie personnelle se forme selon des concepts individuels qui restent toujours soumis au cadre de vie dans lequel travaille la professeure de piano. Dans cette partie, nous opposons quelques aspects qui, fondés dans le développement que nous venons d’évoquer, concernent les possibilités et les conditions de vie et de travail des professeures de piano au XIXe siècle en Allemagne/Autriche et en France. LA QUALIFICATION PROFESSIONNELLE DES ENSEIGNANTES Tout d’abord, il faut souligner qu’à l’époque, aucun examen ou diplôme n’est requis pour certifier l’aptitude à l’enseignement d’un instrument. Si en Allemagne, pour les maîtres d’écoles, les premiers diplômes font leur apparition à partir de la « Preußische Schulreform » (1808/1809), les attestations en ce qui concerne l’enseignement d’un instrument doivent attendre la fin du XIXe siècle (les années 1880 en Allemagne)9. Les critères neutres et concentrés sur la matière manquent encore. On s’en tient toujours à la théorie du genre. Sous cet angle, il n’est point étonnant 9

Voir Michael Roske, Sozialgeschichte des privaten Musiklehrers vom 17. zum 19. Jahrhundert, Mainz, Schott-Music Verlag, 1985.

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de lire des caractérisations pour les professeurs masculins ou féminins, selon le « naturel » de leur sexe, comme chez Louis Köhler : « Der Lehrer ist, gemäß der männlichen Natur, mehr eingreifend, wirklich schaffend, somit kraftvoller als die Lehrerin. Diese aber ist von Natur mehr duldend, anschmiegend, vermittelnd. Jener hat demnach, als Mann, immer eine feste Berufsbestimmung – er weiß, es gilt die Existenz, und ist so geschaffen, daß er die Gaben zur Erringung und Behauptung einer solchen hat ; die Lehrerin ist von Natur nicht auf einen ausschliesslichen Beruf, sondern ganz vorwiegend auf den rein menschlichen hingewiesen. Was darum das Gegenständliche, dessen energisches Erfassen und Handhaben anbetrifft, wird der Lehrer stärker sein ; was aber das Menschliche und Persönliche, dessen Berücksichtigung und Behandlung anbetrifft, wird jener leicht der Lehrerin nachstehen, vorausgesetzt, daß Beide in ihrer einseitigen Art ‹ vollkommen › sind. »10

On y retrouve une opposition fortement mise en avant par Karin Hausen : l’homme est un être actif et rationnel, la femme est passive et émotive. Elle caractérise toute la théorie en vigueur du XIXe siècle. Pour enseigner, il s’agit avant tout de maîtriser ce que l’élève doit apprendre – que ce soit peu ou beaucoup. Cependant, on note une différence fondamentale entre la France et l’Allemagne quant à la question des conservatoires et écoles de réputation qu’une femme, voulant acquérir de bonnes connaissances musicales et instrumentales, peut intégrer. En France, dès la fondation du Conservatoire national, les filles ne sont pas exclues des classes instrumentales. Une pianiste comme Louise-Aglaé Massart (1827–1887), y ayant suivi une éducation approfondie et ayant gagné un premier prix (concours du Conservatoire de 1840), peut même devenir professeure de piano dans cette institution, à partir de 1874. Sa collègue, la célèbre Thérèse Wartel (1814–1865), élève de Louis Adam et de Pierre-Joseph Zimmermann, travaille de 1829 à 1838 comme professeure de solfège et comme accompagnatrice, au Conservatoire. La bonne éducation et le succès dans des concours annuels servent alors aux femmes françaises de billet d’entrée dans un lieu d’enseignement professionnel et prestigieux. Les pianistes allemandes en revanche ne fréquentent guère les quelques institutions qui ouvrent peu à peu leurs portes au cours du siècle. Leur éducation se déroule le plus souvent dans un cadre privé, et ce n’est que dans la deuxième moitié du siècle qu’on voit entrer les femmes et futures enseignantes, par exemple dans le conservatoire de Leipzig (ouvert en 1843), de Stuttgart (fondé en 1857) ou encore dans la Neue Akademie der Tonkunst de Theodor Kullak, à Berlin (à partir de 1878). S’il est difficile de tirer des conclusions quant à la qualité de l’enseignement fourni ultérieurement par les femmes pianistes, on peut néanmoins parler d’un statut plus ou moins élevé et reconnu du début d’une carrière professionnelle.

10

Louis Köhler, Der Klavierunterricht. Studien, Erfahrungen und Rathschläge, Leipzig 1860, d’après Freia Hoffmann / Volker Timmermann (Hg.), Quellentexte zur Geschichte der Instrumentalistin im 19. Jahrhundert, Hildesheim, Olms Verlag, 2013, p. 93–94.

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LE STATUT SOCIAL DE LA PROFESSEURE DE PIANO D’un point de vue idéologique, l’enseignement figure parmi les professions qui sont non seulement possibles, mais même conseillées aux femmes françaises. Le Guide pour le choix d’un état, de 1842, explique que « l’éducation d’une femme n’est pas complète sans la musique » et, de plus, que « la musique est, de tous les arts, celui qu’une femme peut apprendre, cultiver, et même exercer comme profession avec le moins d’inconvénients, avec le plus d’avantages »11. Généralement, un poste au Conservatoire correspond à un certain prestige. Rarement offert aux femmes, comme nous l’avons vu pour Massart et Wartel – et la plupart du temps, réservé à des classes de filles et de débutants –, le Conservatoire en tant qu’institution nationale reste quand même une valeur sûre. L’exemple phare est évidemment fourni par Louise Farrenc (1804–1875), la première professeure de piano pleinement installée qui, à l’opposé de Montgeroult, exerce cette fonction pendant une longue période, de 1842 à 1873. La renommée de la professeure est toutefois autant due à l’institution qu’aux succès de ses enseignements. Cependant, un bon nombre de ses élèves obtiennent un premier prix lors des concours annuels du Conservatoire. L’importance de la renommée des élèves est d’ailleurs également valable pour les professeures privées. Joséphine Martin (1822–1902) par exemple, élève de Zimmermann sans avoir fréquenté le Conservatoire, mais ayant préparé le célèbre pianiste Raoul Pugno (1852–1914) à ses futures études, figure régulièrement dans les biographies de ce dernier comme celle qui avait découvert et développé le talent du garçon. Cette musicienne, autant professeure qu’interprète reconnue, est installée dans un logement parisien du faubourg Saint-Germain, à Paris, où elle donne ses cours privés à des élèves choisis. Sont reconnus aussi ses cours de musique de chambre. Outre la réputation du lieu d’enseignement, la future carrière pianistique des élèves est donc aussi un point décisif qui détermine le statut de la professeure de piano. Le nombre des professeures, déjà élevé au XVIIIe siècle – comme le montrent les almanachs musicaux régulièrement publiés12 –, augmente continuellement. Pour l’année 1835, l’Agenda musical13 nomme, dans une liste des « Dames professeurs. Piano, Harpe, Guitare, Solfège, Chant, Harmonie », cent quatre-vingt-huit professeures qui enseignent le piano soit exclusivement, soit en combinaison avec une des autres matières nommées, sur un nombre total de plus de deux cent trente enseignantes. Le métier est officiellement accepté et en général lié à une certaine exigence. Dans les pays germaniques, chaque professeure ne peut que compter sur ellemême. Pour une carrière en tant qu’instrumentiste, un séjour d’études chez Liszt semble incontournable, tandis que pour l’enseignement, il vaut mieux renoncer à une carrière personnelle. Si la femme n’est pas gouvernante (c’est-à-dire pré11 12 13

Edouard Charton, Guide pour le choix d’un état ou Dictionnaire des professions, Paris, 1842, p. 433. Voir Claudia Schweitzer, «… ist übrigens als Lehrerinn höchst empfehlungswürdig ». Kulturgeschichte der Clavierlehrerin, Oldenburg, BIS-Verlag, 2008. Planque, Agenda musical, Paris, 1835.

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ceptrice), enseignant alors plusieurs matières dont la musique, à un niveau généralement très basique, il faut créer une image professionnelle qui se base sur des capacités et sur l’aptitude pour l’enseignement, le savoir-faire et le rôle destiné à la femme. Les chiffres auxquels nous avons aujourd’hui encore accès montrent la popularité de cette profession. Michael Roske détaille par exemple le nombre des femmes parmi les professeurs de musique privés à Hambourg-Altona, qui est en constante évolution et passe de 16,7 % en 1821, à 35,9 % en 184914. Consacrer sa vie à l’enseignement musical, cela devient bientôt l’image même d’une nouvelle « pédagogie » professionnelle. Parallèlement, il semble logique que la femme mariée, mère de ses propres enfants, n’ait plus le temps de s’occuper de sa famille lorsqu’elle travaille avec toutes ses forces mentales et physiques pour les enfants des autres. C’est pourquoi la profession semble réservée aux femmes non-mariées. Autrement dit, le développement que nous avons vu commencer au XVIIIe siècle, est renforcé. Le fait d’avoir eu droit à une bonne éducation artistique, ou le plaisir individuel, ne suffisent pas à justifier l’exercice d’une profession d’une femme allemande : il faut avoir une sorte d’« excuse » ou à tout le moins une raison de l’exercer. Très logiquement, la carrière est plus facile – pour ne pas dire simplement possible – si l’enseignement se spécialise sur une clientèle composée soit de filles et de femmes, soit d’enfants, le premier ramenant à la question de la Schicklichkeit, le deuxième celle de la mère-éducatrice. Les meilleurs exemples pour les dangers craints par la société se trouvent dans les romans ou la peinture : la relation étroite entre l’enseignant et l’apprenante, dans un cadre intime autour d’un intérêt commun, n’est pas sans tension15. Un cliché prend forme et on voit facilement l’incompatibilité de ces présupposés avec le statut renommé d’un professeur travaillant pour une institution publique, comme l’est le Conservatoire parisien. LA CLIENTÈLE ET LA MÉTHODE Dans ce cadre privé pourtant, le métier prospère. Les professeures fortement fréquentées ne peuvent souvent plus satisfaire aux demandes. Plusieurs femmes, comme Fanny Schindelmeisser, se placent dans la lignée de Jean Bernard Logier et se spécialisent dans l’enseignement en groupe. Schindelmeisser ouvre en 1836 une école de musique à Berlin, dans laquelle un premier groupe de douze à quinze élèves s’exercent sur un clavier muet (stumme Tastatur) pour apprendre les notions de base de la musique et les harmonies. Un deuxième groupe de deux ou trois élèves joue dans une autre pièce à tour de rôle, sur un véritable pianoforte, se corrigeant les uns les autres. Dans une troisième pièce enfin, une professeure donne des cours individuels aux élèves les plus avancés. Schindelmeisser est une professeure et pédagogue reconnue, en revanche, aucun concert public n’est connu d’elle. Peu de temps après sa mort en 1846, la popularité de sa méthode décline et des doutes se font entendre sur la pertinence de sa méthode pour assurer une éducation musicale 14 15

Michael Roske, « Umrisse einer Sozialgeschichte der Instrumentalpädagogik », in : Christoph Richter (Hg.), Handbuch der Musikpädagogik, Bd. 2, Kassel, 1993, p. 158–196. Ibid.

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approfondie. En tout état de cause, Schindelmeisser bénéficie du grand « boom » de filles apprenant le piano, conformément à l’image de la femme bourgeoise. Elle montre très nettement comment une professeure peut directement profiter de ce fait. Schindelmeisser est également un exemple probant pour la dichotomie progressive qui s’installe entre le/la virtuose, techniquement brillant(e), et celui ou celle qui connaît à fond la musique. Johanna Kinkel (1810–1858) commence sa carrière musicale après le bouleversement personnel que représente son divorce. Non seulement c’est une professeure renommée, mais elle publie aussi un petit livre dans lequel elle se prononce pour un enseignement adapté au parcours et au plan de vie d’une femme : « der Lehrer darf nicht außer Acht lassen, welchen Schnitt in alles Lernen der Frauen die Heirat macht. Diese Rücksicht allein schon macht es nötig, für Dilettantinnen bestimmte Stufen anzuordnen, auf denen es möglich ist, sich so festzustellen, dass sie im Laufe des Lebens das Erlernte nicht mehr verlieren können. »16

Ce qui la distingue cependant des promoteurs des théories philanthropiques, c’est sa critique de l’éducation musicale superficielle de la femme. Kinkel se place en effet dans la lignée de ses prédécesseurs du XVIIIe siècle en ce qu’elle dispose – et insiste sur la nécessité – d’un savoir approfondi. Vu les efforts des théoriciens allemands pour cimenter le Geschlechtscharakter féminin, une telle prise de position ne semble imaginable que dans le cadre privé. Le fait que les sources contemporaines la décrivent sans exception comme une femme laide17, ne fait que souligner l’opposition entre la femme épouse-mère et la femme travaillant professionnellement. Quant à la France, la réputation des femmes qui occupent des postes renommés ou travaillent dans un cadre choisi ne doit certainement pas nous leurrer : une majorité de jeunes filles n’apprend que quelques bases simples sur le clavier, juste assez pour pianoter un petit air en société. En 1844, la Gazette et revue musicale de Paris critique que, « toute mère un peu musicienne donne les premières leçons de musique à sa fille et guide ses petites mains sur le clavier du piano, sans lui donner, bien entendu, les moindres notions des principes de la musique qu’elle a fort négligés elle-même dans son temps, et que souvent l’absence d’autres principes lui a fait oublier. »18

Henri Blanchard, l’auteur de l’article, s’y prononce fortement pour « l’étude sévère et patiente » de la musique d’ensemble, apte à mettre de l’ordre dans les idées, à épurer la sensibilité et à unir les familles autour d’un même centre d’intérêt. On constate alors que le point fort qui caractérisait, selon les théories du XVIIIe siècle, la femme et son interaction avec l’autre sexe, se transmet maintenant à la musique même. L’art prend la place qu’avait la soi-disant nature de la femme. Il dote la femme de 16 17 18

Johanna Kinkel, Acht Briefe an eine Freundin über Clavier-Unterricht, Stuttgart-Tübingen, 1852. Reprint Zimmermann, 1989, p. 63. Anja Herold, « Johanna Kinkel », in : Lexikon Europäische Instrumentalistinnen des 18. und 19. Jahrhunderts, note 7, http://www.sophie-drinker-institut.de/cms/index.php/kinkel-johanna. Henri Blanchard, « De l’éducation musicale des femmes », Gazette et revue musicale de Paris, 7 janv. 1844, p. 2–3.

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toutes ces caractéristiques qui expliquaient, au siècle précédent, son activité professionnelle. Il s’agit d’un véritable transfert épistémologique qui distingue fondamentalement la situation des femmes françaises de celle de leurs consœurs allemandes. Outre le statut plus renommé, fortement soutenu par les femmes occupant des postes au Conservatoire – ce qui en est peut-être une des raisons – les professeures françaises se rassemblent beaucoup plus tôt (dès 1843) que leurs collègues d’outre-Rhin dans des organisations professionnelles19 : une fois la théorie sur la nature ou le destin de la femme séparé du métier, les femmes peuvent participer aux associations comme les artistes masculins. Vers la fin du siècle, elles intègrent aussi des sociétés qui cherchent à protéger leurs membres contre la précarité en cas de maladie prolongée (dès 1894) et soulignent ainsi le statut libéral de leur profession. CONCLUSION Jusqu’au tournant du XIXe siècle, la profession de professeure de piano se caractérise par sa grande disparité formelle et des conditions de vie dépendant de différents contextes géographiques, sociaux ou familiaux. On constate, notamment au sein des clavecinistes françaises, une activité professionnelle d’un niveau qualitatif rare pour l’époque. Le métier doit son émergence aux bouleversements politiques et culturels du XVIIIe siècle. L’enseignement musical s’ouvre aux femmes d’un milieu différent. La motivation du travail passe de la tradition familiale à la nécessité matérielle. Cette tendance se voit renforcée au cours du XIXe siècle. La « méthode », bien élaborée et individualisée, devient un moyen pour se distinguer sur le marché émergeant. Toutefois, l’héritage théorique pèse, notamment en Allemagne, sur la nouvelle profession : la « nature » de la femme selon la théorie du genre destine la professeure a priori à l’enseignement aux filles et aux enfants. Dans ce domaine, on lui accorde le droit d’être alerte, ingénieuse et d’avoir du succès. Le prix en est la contre-image qui s’installe : celle d’une femme asexuée, peu attrayante et concentrée exclusivement sur sa musique et ses élèves. En France, où le statut officiel de la professeure semble plus assuré, on note non seulement l’écart entre des personnalités phares et l’enseignement de la masse de filles n’apprenant que les connaissances de base du piano, mais aussi une forte tendance à encadrer la femme par rapport au répertoire qu’elle exécute. À l’instar du concept sur la nature de la femme, proposé par les théoriciens comme Rousseau et Roussel, elle reste idéologiquement « l’accompagnatrice de l’homme ». Être professeure de piano, c’est être précurseur. D’un côté, il s’agit d’une des premières professions ouvertes et reconnues pour être exercées par la femme, c’est le point de vue positif. De l’autre, pourtant, c’est aussi un endroit où les préjugés que la société porte face à l’activité professionnelle féminine se montrent extrêmement persévérants. Dans les deux pays, les clichés restent tenaces.

19

Voir Florence Launay, « Les musiciennes : de la pionnière adulée à la concurrente redoutée. Bref histoire d’une longue professionnalisation », Travail, genre et société, 1 (2008), p. 41–63.

RÉÉDUQUER LES « MAUVAISES FILLES » Essai d’analyse comparée dans l’Espagne franquiste, en France et en RDA (années 1940–1950) Amélie Nuq Résumé Cette ébauche d’histoire sociale comparée aborde la question de la condition féminine par le biais de la perception de la déviance juvénile. Elle s’intéresse au destin de « mauvaises filles » envoyées en maison de redressement au cours des décennies 1940 et 1950, dans trois pays différents : l’Espagne franquiste, la France et la République démocratique allemande. Elle permet de montrer que les autorités, secondées par les familles, traitent la déviance chez les jeunes garçons et chez les jeunes filles de façon différente. L’étude des procédures et des motifs d’envoi en maison de redressement, ainsi que la description du traitement éducatif dispensé entre les murs des institutions, montre qu’au-delà de la spécificité des contextes nationaux, la perception de la déviance des mineures reste influencée par des stéréotypes fondés sur l’existence d’une prétendue nature féminine, caractérisée avant tout par la maternité et, partant, par la sexualité.

Zusammenfassung Der vorliegende Artikel fragt aus einer komparatistischen sozialgeschichtlichen Perspektive nach der Bedeutung der Kategorie „Geschlecht“ für die historische Analyse jugendlicher Devianz. Er behandelt das Schicksal der „schwer erziehbaren Mädchen“, die in den 1940er und 1950er Jahren im Spanien Francos, in Frankreich und in der Deutschen Demokratischen Republik in Erziehungsanstalten geschickt wurden. Es wird gezeigt, dass die Behörden mit Unterstützung der Familien die Devianz von Jungen und Mädchen auf sehr unterschiedliche Weise behandeln. Über die verschiedenen nationalen Kontexte hinaus ist im Ergebnis der Analyse des juristischen Rahmens sowie der Erziehungsmaßnahmen zu sehen, dass die Wahrnehmung der Devianz von weiblichen Minderjährigen in den drei Ländern von vergleichbaren Stereotypen beeinflusst ist, die auf einer angeblich weiblichen Natur beruhen, die durch Mutterschaft und Sexualität geprägt wird.

En mai 1940, le père de Pilar porte plainte auprès du tribunal pour mineurs de Valence : sa fille, âgée de 15 ans, est insoumise ; elle va par exemple au bal tous les après-midis. Il souhaite que la juridiction prenne les mesures qui s’imposent « avant que sa fille ne se prostitue ». Pilar est internée pendant deux ans1. A Berlin, la police informe les services sociaux de Köpenick du fait que M. B. a été arrêtée pour avoir eu des « rapports sexuels avec des partenaires souvent différents »2. Lisette, une jeune Française de 17 ans, est présentée au tribunal pour enfants de la Seine 1 2

Sauf mention contraire, tous les exemples relatifs à l’Espagne franquiste sont tirés des Archives du tribunal pour mineurs de Valence (ci-après ATV) ; ici, dossier n°117/1940. Archives du Land de Berlin (ci-après LAB)/C Rep 341/5306.

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suite à la plainte de sa mère : « Ma fille mène une vie absolument désordonnée, elle a été placée au monastère de Chevilly-Larue pendant six mois, sur intervention des assistantes sociales de Ch. » ; la jeune fille sera suivie par la justice pendant quatre ans3. Ces trois cas, loin d’être isolés, montrent la prégnance des questions morales et sexuelles dans la prise en charge de la déviance des jeunes filles dans les années 1940 et 1950. De telles préoccupations sont beaucoup moins présentes dans les dossiers personnels des mineurs de sexe masculin. En Espagne, en Allemagne de l’Est et en France, comme dans d’autres pays occidentaux (Belgique, Canada, États-Unis, Royaume-Uni), la justice des mineurs ne semble donc pas traiter de la même façon les garçons et les filles4. Cet article a pour but d’étudier le destin de « mauvaises filles » envoyées en maison de redressement au cours des décennies 1940 et 1950, dans trois pays différents : l’Espagne franquiste, la France et la République démocratique allemande5. Si les régimes politiques considérés sont de nature différente (dictature traditionnaliste et catholique née sur les cendres d’une guerre civile, régime républicain et démocratique, dictature communiste qui a pu être qualifiée d’« éducative » ou d’« assistancielle »), ils ont en commun d’hériter tous trois de tribunaux spécifiquement destinés aux mineurs. Depuis le début du XXe siècle en effet, les jeunes délinquants ne sont plus considérés comme des coupables qu’il faut punir, mais comme des victimes qu’il faut rééduquer. Ils sont présentés devant des tribunaux pour enfants qui ont la possibilité de les envoyer dans des institutions correctives (Jugendwerkhöfe en Allemagne de l’Est, établissements de l’Éducation surveillée en France, reformatorios en Espagne)6. Cette ébauche d’étude comparative se propose de voir dans quelle mesure les autorités, secondées par les familles, traitent effectivement la déviance chez les jeunes garçons et chez les jeunes filles de façon 3 4

5 6

Archives départementales de Paris / cote 1418W127 / dossier n° 1634 (document dépouillé et analysé par Véronique Blanchard : Cf. V. Blanchard, « Les filles ‹ perdues › sont-elles amendables ? », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière » 10 (2008), p. 48). Voir Meda Chesney-Lind / Randall Shelden, Girls, delinquency and juvenile justice, Belmont, Wadsworth Publishing, 2004 ; Pamela Cox, Justice and welfare : bad girls in Britain, 1900– 1950, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2003 ; Nadine Lanctôt / Benjamin Desaive, « La nature de la prise en charge des adolescentes par la justice : jonction des attitudes paternalistes et du profil comportemental des adolescentes », Déviance et société 4 (2004) ; Mary Odem, Delinquent daughters: protecting and policing female sexuality in the United States, 1850–1920, Chapel Hill, North Carolina UP, 1995 ; Jean Trépanier / Lucie Quévillon, « Garçons et filles : définitions des problèmes posés par les mineurs traduits à la cour des jeunes délinquants de Montréal (1912–1950) », in : Christine Bard / Frédéric Chauvaud / Michelle Perrot / JacquesGuy Petit (éd.), Femmes et justice pénale (XIXe – XXe siècles), Rennes, PU de Rennes, 2002. L’expression « mauvaises filles », qui désigne des mineures déviantes et délinquantes, donne son nom à une exposition qui ouvrira en juin 2015 au centre d’exposition Enfants en justice, à Savigny-sur-Orge : http://mauvaisesfilles.info/. Contrairement aux institutions françaises et espagnoles, les Jugendwerkhöfe ne dépendent pas du ministère de la Justice, mais du ministère de l’Éducation (Ministerium für Volksbildung), le régime est-allemand n’ayant pas gardé du système hérité de Weimar la séparation entre l’enseignement et l’aide sociale à l’enfance. S’exprime ici la croyance irréductible de la « dictature éducative » en l’éducabilité de tous, des enfants aux jeunes adultes, en passant par les délinquants et les handicapés mentaux.

Rééduquer les « mauvaises filles »

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différente. Il s’agit de questionner l’hypothèse selon laquelle, malgré la rupture que constituent les années 1936–1945 (guerre civile espagnole, second conflit mondial) et l’instauration de sociétés « nouvelles », tant en RDA que dans l’Espagne franquiste, la perception de la déviance féminine serait toujours influencée par des stéréotypes fondés sur l’existence d’une prétendue nature féminine, caractérisée avant tout par la maternité et, partant, par la sexualité. La partie espagnole de cette étude repose sur un travail de thèse et se fonde sur le dépouillement des dossiers personnels de 154 mineures internées, entre 1939 et 1959, dans la section pour filles de la Colonia San Vicente Ferrer de Valence7. Ces dossiers personnels ont été croisés avec ceux du tribunal pour mineurs de Valence, beaucoup plus développés et riches8. La prise en charge de la déviance des jeunes Valenciennes sera mise en regard avec la situation est-allemande grâce à des recherches effectuées, il y a une dizaine d’années, dans le cadre d’un travail de maîtrise qui reposait sur l’analyse des archives du ministère de l’Éducation populaire et du tribunal de jeunesse de Berlin9. Notons que pour la RDA, l’ouvrage de référence portant sur les maisons de redressement n’intègre que peu la dimension du genre10. Celle-ci est en revanche présente depuis plusieurs années dans les études françaises s’inscrivant dans le champ de l’histoire de l’enfance irrégulière11. Nous verrons d’abord que la déviance juvénile n’est pas perçue et prise en charge de la même manière chez les mineurs des deux sexes : l’analyse des procédures et des motifs d’envoi en maison de redressement fait apparaître, chez les filles, une dimension morale qui n’existe pas chez les garçons. Dans une seconde partie, nous étudierons la façon dont l’Espagne franquiste, la République française et le régime est-allemand se proposent de rééduquer les « mauvaises filles » : quelles valeurs tâche-t-on de leur inculquer ? Quel rôle les mineures « redressées » sont-elles appelées à jouer dans la société (re)construite après la guerre ? Que nous 7 8

9

10 11

Amélie Nuq, La rééducation des jeunes déviants dans les maisons de redressement de l’Espagne franquiste (1939–1975), thèse de doctorat d’histoire de l’université d’Aix-Marseille, dir. Gérard Chastagnaret, 2012. La documentation de la section pour filles de la Colonia San Vicente Ferrer et celle du tribunal pour mineurs de Valence sont consultables à l’Arxiu Històric de la Comunitat Valenciana. Les bornes chronologiques de cette étude s’expliquent par le fait qu’en Espagne, un délai de 50 ans doit s’être écoulé depuis la fermeture d’une archive contenant des données personnelles pour que celle-ci puisse être consultée. Amélie Nuq, Rééduquer les jeunes difficiles et délinquants : les Jugendwerkhöfe est-allemands (1949–1990), mémoire de maîtrise, dir. Marie-Pierre Rey / Sandrine Kott, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2004. La documentation de la section Jugendhilfe/Heimerziehung du Ministerium für Volksbildung, qui était chargée de l’administration des maisons de redressement, est consultable au Bundesarchiv de Berlin-Lichterfelde. Les dossiers judiciaires des mineurs envoyés en maison de redressement par le tribunal de jeunesse de Berlin n’ont pu être consultés que pour les années 1949–1952, la documentation postérieure n’ayant pas encore été livrée au Landesarchiv Berlin au moment de la réalisation du travail de maîtrise. Verena Zimmermann, Den neuen Menschen schaffen. Die Umerziehung von schwererziehbaren und straffälligen Judenglichen in der DDR (1945–1990), Böhlau Verlag, 2004. Nous nous réfèrerons principalement aux travaux de Ludivine Bantigny, de Véronique Blanchard et d’Anne Thomazeau, qui nourriront la partie française de l’analyse.

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disent les constances qui apparaissent de l’état de la condition féminine dans chacun des trois pays considérés ? « POUR LES FILLES, C’EST DIFFÉRENT »12 : UNE PRISE EN CHARGE GENRÉE DE LA DÉVIANCE JUVÉNILE Ni en France, ni en Espagne, ni en RDA, les textes normatifs régissant le fonctionnement des tribunaux pour mineurs (ou pour enfants ou pour jeunes, en fonction de l’appellation en vigueur dans chacun des trois pays considérés) n’établissent de distinction entre les individus des deux sexes. En Espagne par exemple, le terme générique de menores (mineurs) est utilisé. Les archives montrent néanmoins que les procédures judiciaires conduisant à l’envoi en maison de redressement des filles et des garçons ne sont pas similaires. De façon générale, les juridictions pour mineurs ont beaucoup plus souvent affaire à des garçons qu’à des filles. En France, entre la Libération et les années 1960, les mineures ne représentent que 7 à 20 % des délinquants juvéniles présentés aux juges des enfants13. Cette présence féminine plus rare serait le reflet d’une constitution biologique spécifique : les femmes étant « moins fortes, moins indépendantes et plus timides que les hommes », elles exprimeraient leur agressivité de manière plus insidieuse et raffinée, en commettant moins de délits14. Par ailleurs, d’un point de vue procédural, les tribunaux pour mineurs ne traitent pas de la même manière les cas des filles et ceux des garçons. En RDA, 49 % des garçons ont été envoyés en maison de redressement suite à une décision de justice ; c’est le cas de 22 % seulement des filles. Entre 1956 et 1958, les tribunaux pour mineurs espagnols prennent en charge 2 144 garçons et 425 filles au titre de leur « compétence de redressement », et 870 garçons et 1 123 filles au titre de leur « compétence de protection »15. Les filles représentent donc 17 % des mineurs « redressés », mais 57 % de ceux qui sont « protégés », un déséquilibre que l’on constate également en France à la même période16. On estime ainsi que les mineures sont plus vulnérables, faibles et influençables que leurs homologues masculins, et que leur propre conduite constitue moins une menace pour la société que pour elles-mêmes. Enfin, il apparaît que la prise en charge de la déviance juvénile est, chez les filles beaucoup plus que chez les garçons, une affaire de famille. En RDA, les mineures internées en maison de redressement ont massivement souscrit un « contrat d’éducation volontaire », signé entre leurs responsables légaux et l’administration du Bezirk17. L’Espagne ne fait pas exception puisqu’à Valence, 12 13 14 15 16 17

Françoise Tétard / Claire Dumas, Filles de Justice. Du Bon-Pasteur à l’Education surveillée (XIXe-XXe siècles), Paris, Beauchesne-ENPJJ, 2009, p. 117. Anne Thomazeau, « La rééducation des filles en internat (1945–1965) », Histoire de l’éducation 115–116 (2007), p. 228. Tribunal Tutelar de Menores de Barcelona, Memoria del cincuentenario, Barcelone, s. n., 1969, p. 50. Instituto Nacional de Estadística, Estadística de los Tribunales tutelares de menores, Madrid, Presidencia del Gobierno, 1960, p. 49–50 et 96–97. Anne Thomazeau, « La rééducation des filles … », op. cit., p. 229. En Allemagne de l’Est, un mineur peut être interné en maison de redressement suite à un juge-

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dans deux cas sur trois, les filles sont internées à la demande d’un parent ; elles sont arrêtées par les forces de l’ordre deux fois moins souvent que leurs camarades masculins. La force du contrôle privé, informel, et le primat de la famille sont sans aucun doute au cœur de la définition des illégalismes féminins et de leur gestion par la police et le système judiciaire. Au-delà des procédures judiciaires mises en œuvre, l’examen des motifs d’envoi en maison de redressement montre que les jeunes filles ne sont pas traitées de la même manière que les jeunes garçons. Notons tout d’abord qu’en Espagne comme en RDA, les deux motifs d’internement les plus fréquents sont le vol et l’indiscipline. De 1955 à 1957 par exemple, 65 % des pensionnaires allemands de sexe masculin ont été internés pour vol et 21 % pour indiscipline. 63 % des jeunes filles sont en revanche envoyées en Jugendwerkhof à la suite d’un « délit d’ordre sexuel » ou de « tout autre manifestation de dépravation morale – dont attentat à la pudeur », selon les articles 175 et 184 du code pénal18. À la toute fin des années 1940, M. B. a par exemple été arrêtée pour avoir eu des « rapports sexuels avec des partenaires souvent différents » (häufig wechselnder Geschlechtsverkehr)19. En Espagne, certains motifs d’internement ne concernent que des mineures de sexe féminin, comme la « vie licencieuse ». La mère de Rosa, par exemple, affirme que sa fille est attirée par les hommes et que des voisins l’ont vue, à plusieurs reprises, « se faire tripoter par des garçons sous les porches, en même temps qu’elle les masturbait ». L’adolescente est internée à la Colonia San Vicente Ferrer en mai 1946, alors que l’enquêteur du tribunal reconnaît que si Rosa a effectivement joué avec des garçons dans la rue, il n’a pas pu prouver qu’elle ait commis avec eux des « actes malhonnêtes »20. Les filles « indisciplinées » ont souvent commis des larcins pour s’acheter des bonbons, aller au cinéma, s’offrir une permanente ou une paire de chaussures. Mais en Espagne, dans plus d’un cas sur cinq, c’est leur conduite sentimentale et sexuelle qui est en cause (la fréquence est d’un cas sur cinquante chez les garçons internés en maison de redressement). L’éventail des faits réprouvés va de l’attirance pour le sexe opposé à la vie en concubinage, en passant par le fait de parler avec des garçons, de côtoyer des hommes, des prostituées, d’avoir un petit ami ou d’avoir eu des relations sexuelles. La focalisation des acteurs sur cette question est telle que, malgré la diversité des situations, toutes les jeunes filles placées semblent être, sans exception, soupçonnées d’inconduite. Ainsi, en 1950, Odette Philippon qualifie indistinctement toutes les mineures placées de « débauchées » tandis que, selon la directrice de l’Institution publique d’Éducation surveillée de Brécourt, « sauf

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ment prononcé par un tribunal de jeunesse, à une décision de l’aide sociale à la jeunesse ou après l’établissement d’un « contrat d’éducation volontaire » (freiwillige Erziehungsvereinbarung). Bundesarchiv Berlin-Lichterfelde (ci-après BAB), BAB/DR2/3479. LAB/C Rep 341/5306. ATV / Rapport d’enquête rédigé par l’enquêteur du tribunal pour mineurs de Valence / Dossier n°390/1946.

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en de rares exceptions, le malheur [des] pupilles a son origine dans les relations sexuelles »21. S’attachant au cas des prostituées mineures, qui représentent moins de 10 % du corpus étudié, Véronique Blanchard souligne que le mot « prostitution » est cité dans trois fois plus de dossiers, les différents intervenants s’inquiétant alors des mœurs légères des jeunes filles et de leur débauche inévitable22. De la même manière, si l’on confronte les motifs d’envoi avec les faits réellement commis par les Valenciennes internées pour « vie licencieuse », il apparaît que la conduite sexuelle et sentimentale des jeunes filles n’est pas la seule en cause. Cet aspect de la déviance, auquel les autorités franquistes sont particulièrement sensibles, est en fait mis en avant, accentué voire inventé par les requérants pour avoir plus de chance d’obtenir l’internement en maison de redressement. Ainsi, Josefa, 17 ans, aurait un penchant certain pour l’autre sexe impliquant qu’il est dangereux pour elle « d’être dans la rue » ; mais sa mère lui reproche surtout de ne pas vouloir travailler et de quitter toutes les places qu’elle lui trouve23. Citant Alain Corbin, Pascale Quincy-Lefebvre rappelle que la prostitution n’est pas un délit dans le droit français, mais qu’elle est néanmoins saisie comme un désordre justifiant le développement d’un contrôle policier et administratif : la problématique n’est pas seulement sanitaire, elle est morale24. Dans les trois pays étudiés, la volonté de contrôler la vie sentimentale et sexuelle des jeunes filles est nette, mais elle est plus ou moins marquée selon le contexte politique, social et religieux considéré. Le fonctionnaire des services sociaux chargé de suivre Helga écrit sans ambages qu’il « faut mettre fin à [la] relation » que la jeune fille entretient avec le propriétaire d’un café de Berlin-Ouest25. Anne Thomazeau souligne qu’en France, la mesure de placement intervient souvent lorsque l’on soupçonne un comportement sexuel déviant (avoir des rapports sexuels précoces, avec des partenaires multiples, voire se prostituer) ou même seulement potentiellement déviant (avoir de mauvaises fréquentations, sortir le soir, fuguer)26. Il semble que la fréquentation du sexe opposé soit, en soi, une mauvaise fréquentation27. De fait, l’obsession de l’inconduite sexuelle peut être utilisée par les parents pour mettre fin à une relation qu’ils ne voient pas d’un bon œil : un rapport relatif au foyer Ernst Scheller d’Eilenburg indique que les envois en foyers spéciaux ne sont pas toujours justifiés, par exemple « lorsque les jeunes filles entretiennent des relations avec un garçon contre 21 22 23 24 25 26 27

Anne Thomazeau, « La rééducation des filles … », op. cit., p. 230. Véronique Blanchard, op. cit., p. 42. ATV / Dossier n° 502/1953. Pascale Quincy-Lefebvre, « La prostitution des mineurs dans le débat républicain à la Belle Époque. L’expertise juridique et l’échec d’une politique », Histoire@Politique 2 (2011), p. 7–10. LAB/C Rep 341/3990. Anne Thomazeau, « La rééducation des filles … », op. cit., p. 229. Anne Thomazeau, « Militaires, souteneurs, blousons noirs : les ‹ mauvaises fréquentations › des filles déviantes de la Libération aux années 1970 », in : Jean-Claude Caron / Annie Stora-Lamarre / Jean-Jacques Yvorel (éd.), Les âmes mal nées : jeunesse et délinquance urbaine en France et en Europe, XIXe-XXIe siècles, actes du colloque international de Besançon, 2006, Besançon, PU de Franche-Comté, 2008, p. 140–143.

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l’avis de ses parents »28. La conduite sentimentale et sexuelle d’une mineure est particulièrement surveillée pour deux raisons essentielles. Quel que soit son sexe, un adolescent est dangereux pour lui-même et pour la société, à cause de sa mutation sexuelle et de la conscience qu’il en prend29. Une jeune fille est également une femme en devenir, en qui guette le danger de l’intempérance : son comportement sexuel obnubile donc les autorités. Le contrôle qui s’exerce sur la sexualité des jeunes filles est strict : en RDA et en Espagne au moins, les archives indiquent qu’à l’arrivée en maison de redressement, un examen médical est pratiqué et qu’il est routinier d’indiquer si les filles sont déflorées ou non. Il arrive parfois que les autorités judiciaires et éducatives espagnoles, soupçonnant les mineures d’être « tombées », c’est-à-dire d’avoir eu des relations sexuelles sans être mariées, ordonnent un examen médical. Notons que sur 513 dossiers de garçons consultés dans le cadre de notre travail de thèse, aucun ne fait état d’une question posée à un adolescent à propos de sa virginité. La stigmatisation de l’inconduite sentimentale et sexuelle des mineures va de pair avec un contrôle strict de leur temps et de leurs loisirs. Ludivine Bantigny souligne combien, dans la France de l’après-guerre, l’adage « garçon libre, fille surveillée » est une certitude partagée30. Chez les filles couve une menace d’ordre sexuel lorsqu’elles se trouvent dans la rue, la nuit venue : Amalia est envoyée à la Colonia San Vicente Ferrer pour « insoumission » car elle vole ses parents et a été arrêtée par la police sur une plage valencienne, à deux heures du matin31. Le cinéma et surtout le bal constituent des lieux que les autorités et les familles semblent craindre plus que tout : la promiscuité des corps, aggravée par la lascivité de la danse, fait craindre que le pire n’advienne, à savoir des relations sexuelles hors mariage ou la prostitution. Cette question prend un relief particulier dans l’Espagne « national-catholique » des années 1940 et 1950, où une véritable « croisade morale » est menée par les autorités. La déléguée à la liberté surveillée a ainsi appris qu’Ángeles s’habillait « de façon exagérée », allait au bal et ne rentrait pas passer la nuit chez elle. Elle suggère au tribunal d’interner à nouveau l’adolescente « pour éviter que [celle-ci] ne tombe dans l’abîme vers lequel la mène la vie qu’elle a choisie »32. Mais l’internement en maison de redressement peut aussi être une sanction utilisée contre des jeunes filles qui refusent de se plier aux normes sociales de genre, la famille se plaignant par exemple expressément du fait que certaines adolescentes ne souhaitent pas accomplir les tâches ménagères. En août 1949, le père de Pilar déplore que sa fille, âgée de 16 ans, ne veuille pas s’occuper de la maison alors que sa mère souffre d’un ulcère à l’estomac. L’insoumission de sa fille entraîne un renversement des rôles intolérable : en rentrant du travail, c’est lui qui doit préparer son 28 29 30 31 32

BAB/DR2/A8162, cité par Verena Zimmermann, op. cit., p. 261. Le constat dressé par Michelle Perrot pour le XIXe siècle peut être étendu à la période et à l’espace qui nous intéressent ici. Philippe Ariès / Georges Duby (éd.), Histoire de la vie privée. De la Révolution à la Grande Guerre, tome 4, Paris, Seuil, 1999, p. 148. Ludivine Bantigny, Le plus bel âge ? Jeunes et jeunesse en France de l’aube des « Trente Glorieuses » à la guerre d’Algérie, Paris, Fayard, 2007, p. 142. ATV / Dossier n°156/1945. ATV / Rapport datant du 23 sept. 1952, dossier n°270/1949.

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dîner et s’occuper de la maison33. Ainsi, même si la peur de l’inconduite féminine domine les inquiétudes relatives aux mauvaises fréquentations, elle ne résume pas l’ensemble des craintes suscitées par ces relations non conformes. En effet, avoir des « fréquentations subversives », c’est aussi « se rire de toutes les conventions sociales admises régulièrement » et donc remettre en cause des normes sociales telles que les modèles sexués, les hiérarchies sociales ou le respect de la famille et de l’autorité paternelle34. LA RÉÉDUCATION DES JEUNES FILLES DANGEREUSES ET EN DANGER Dans les trois pays considérés, le travail est considéré comme l’un des piliers de la rééducation ; dans le cas allemand, il est au cœur même de la notion de Jugendwerkhof. Les institutions correctives est-allemandes ont pour mission de faire des jeunes difficiles, des membres à part entière de la société socialiste et des citoyens conscients, c’est-à-dire des ouvriers ayant acquis des habitudes de vie et de travail35. Les acteurs ne cessent d’insister sur l’importance de la formation professionnelle, présentée en France comme l’« élément de base d’une bonne rééducation »36. Il s’agit de fournir aux pensionnaires la possibilité d’une réinsertion plus facile en dispensant une formation professionnelle soit entre les murs de la maison de redressement, soit dans l’entreprise ou chez le particulier chez lesquels ils travaillent. Les 120 jeunes filles internées à Werftpfuhl passent huit semaines dans les ateliers de jardinage, de blanchisserie et de cuisine ; l’établissement a également passé un contrat avec l’usine d’ampoules de Berlin. Les pensionnaires de la Colonia San Vicente Ferrer apprennent pour leur part à coudre, à tricoter, à repriser ou à taper à la machine. Mais il y parfois loin du discours à la réalité du fonctionnement des institutions. En Espagne, la formation professionnelle fonctionne très mal : dans les années 1940, la situation économique des tribunaux pour mineurs et des institutions auxiliaires est catastrophique et la pénurie règne, à l’image de la situation que connaît le pays tout entier dans l’après-guerre. En Allemagne de l’Est, la rééducation par le travail des jeunes Allemandes de l’Est s’effectue surtout dans les ateliers et les fermes des foyers, la plupart des établissements étant installés à la campagne, loin de la ville et de ses menaces. Les activités comme la menuiserie, le jardinage et l’agriculture pour les garçons, la couture, la blanchisserie et la cuisine pour les filles sont privilégiées dans la mesure où elles permettent de répondre aux besoins de fonctionnement des institutions. De plus, les entreprises semblent plus intéressées par une main-d’œuvre bon marché et corvéable que par le devoir éducatif qu’on leur impose37. La situation semble moins dysfonctionnelle en France où, après la 33 34 35 36 37

ATV / Dossier n°485/1941. Anne Thomazeau, « Militaires, souteneurs … », op. cit., p. 150. LAB/C Rep 120–2976. Anne Thomazeau, « La rééducation des filles … », op. cit., p. 231. Ministerium für Bildung, Jugend und Sport des Landes Brandenburg, op. cit., p. 71

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Seconde Guerre mondiale, la formation professionnelle est progressivement placée au cœur de leur prise en charge. Un nombre croissant d’établissements prépare leurs élèves à des diplômes officiels (essentiellement le certificat d’aptitude professionnelle, CAP), qui correspondent principalement aux métiers du vêtement et du textile, aux emplois de bureau et de service38. Dans l’Espagne franquiste, la religion occupe, à côté du travail, une place prépondérante dans le « redressement » des jeunes filles. Tous les mois, les pensionnaires doivent indiquer si elles ont bien accompli les nombreux actes de piété personnelle que l’on attend d’elles et si elles se sont conformées aux exigences « de mortification, de pauvreté, de chasteté, d’obéissance, de charité fraternelle, de travail, d’étude, d’apostolat, de silence, de modestie »39. Elles ne doivent pas lire de romans, parler valencien plutôt que castillan, être coquettes, tenir des propos « immoraux » ou entretenir des relations pouvant les amener à pécher. Le séjour en maison de redressement doit permettre d’apprendre les rudiments du catéchisme et d’aller régulièrement à la messe. Les pensionnaires sont au besoin baptisées ou font leur première communion entre les murs de l’établissement. Lorsqu’elle arrive à la Colonia San Vicente Ferrer en 1943, Luisa, 14 ans, n’est pas du tout intéressée par la religion ; elle finit pourtant par recevoir « les sacrements de la Pénitence et de la Communion »40. Mais l’omniprésence de la religion dans le quotidien des pensionnaires ne fait pas forcément de celles-ci des pratiquantes convaincues : María dénigre ouvertement la religion devant ses camarades41. Même si une formation professionnelle que l’on souhaite qualifiante est dispensée, il est frappant de constater que sous des régimes politiques aussi différents que la IVe République, la dictature est-allemande et le régime franquiste, la rééducation des jeunes filles déviantes ait pour but de « préparer [les élèves] à leur futur rôle de maîtresse de maison, en veillant à la formation familiale et ménagère »42. Les pensionnaires de la Colonia San Vicente Ferrer doivent devenir des femmes « pures », centrées sur la famille et le foyer. Celles qui sont placées en liberté surveillée sont tenues de respecter les règles de la moralité chrétienne : leur tenue, leur coiffure ou leur maquillage doivent rester discrets ; elles ne doivent pas assister à des concerts, aller au bal ou à la piscine43. Ces normes de comportement sont en adéquation avec l’archétype féminin promu par le « Nouvel État » et la Section féminine, qui met en exergue des valeurs telles que la soumission, la piété, la pureté, la chasteté et le dévouement à la famille44. Le corps féminin doit être spirituel, lumineux et dépourvu de toute fonction sexuelle, proche de la Vierge Marie et de sainte Thérèse. Son exact contraire est le corps érotique et sexuel des « vamps » mises en 38 39 40 41 42 43 44

Rapport annuel de la direction de l’Éducation surveillée, 1951, p. 27, cité par Anne Thomazeau, « La rééducation des filles … », op. cit., p. 232–233. ATV / « Examen journalier et bulletin mensuel de régularité ». ATV / Dossier n° 698/1942. ATV / Dossier n° 287/1941 / Rapport datant du 14 juin 1943. CAC 2000 0111–7, IPES de Brécourt, Emploi du temps, 1967 ; document dépouillé et analysé par Anne Thomazeau, « La rééducation des filles … », op. cit., p. 235. ATV / carton n° 577 / document non daté. Carmen Domingo, Coser y cantar. Las mujeres bajo la dictadura franquista, Barcelone, Lumen, 2007, p. 55.

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scène par le cinéma étranger, femmes fatales dont le regard, les lèvres et la manière de fumer éveillent le désir et la passion45. En 1948, la mère de Silvia reproche à sa fille d’être attirée par les garçons, de se déshabiller devant eux, de fuguer et de « ressembler en tous points à Gilda », l’héroïne rousse et flamboyante immortalisée par Rita Hayworth46. Dans ce contexte, l’objectif ultime du séjour à la Colonia San Vicente Ferrer, la seule voie par laquelle les mineures pourront être « sauvées du vice et de la délinquance », c’est le mariage catholique. Il est plus étonnant de constater que dans la France des Trente Glorieuses, les acteurs semblent considérer que le mariage et la maternité légitime sont davantage les signes d’une rééducation réussie que les succès professionnels. Alors que, dans les années 1960, le discours officiel, tant politique que médiatique, reste traditionnel, exaltant la vocation maternelle et la femme au foyer, il paraît bien difficile pour les acteurs de se distancier d’un modèle d’éducation féminine hérité du XIXe siècle47. Examinons de façon détaillée le cas de l’Allemagne de l’Est, qui s’enorgueillit d’avoir réalisé dans les faits l’égalité des hommes et des femmes (Gleichberechtigung) et en tire une supériorité sur sa rivale, l’Allemagne capitaliste48. Cette égalité des droits ou égalité en droit, inscrite dans l’article 7 de la constitution, constitue le fondement de la politique de la SED à l’égard des femmes. Le droit au travail féminin est garanti ; c’est d’ailleurs celui-ci qui confère aux femmes une place égale dans la société. Pourtant, dans les années 1950, l’idée est reine dans les foyers « d’enseigner aux jeunes filles les rudiments nécessaires pour savoir tenir une maison »49. Dans l’institution August Bebel de Burg, en 1958, le jeudi est réservé aux exercices sportifs et militaires organisés par la Gesellschaft für Sport und Technik (GST) mais « les filles prennent peu part aux exercices ; elles lavent et reprisent leur propre linge et celui des garçons ». De même, le dimanche matin, elles apprennent à cuisiner50. En 1956, certains fonctionnaires de l’aide sociale à la jeunesse s’insurgent : « l’égalité des droits est interdite aux jeunes filles, y compris dans le domaine de la production ». N’étant ensuite pas qualifiées, les jeunes filles ne peuvent espérer gagner beaucoup d’argent : « voulant tout de même être bien habillées, elles sont d’autant plus menacées par la prostitution ». Contraintes de se marier jeunes, d’autres deviendront être femmes au foyer, n’ayant pas de possibilité de s’insérer dans le processus de production. En somme, l’exigence d’impliquer 45 46 47 48

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Jordi Roca i Girona, De la pureza a la maternidad. La construcción del género femenino en la postguerra española, Madrid, Ministerio de Educación y Cultura, 1996, p. 24. ATV / Dossier n° 490/1948. Anne-Marie Sohn, Âge tendre et tête de bois. Histoire des jeunes des années 1960, Paris, Hachette, 2001, p. 219. Grit Bühler, Mythos Gleichberechtigung in der DDR : politische Partizipation von Frauen am Beispiel des Demokratischen Frauenbunds Deutschlands, Francfort, Campus-Verlag, 1997 ; David Großekathöfer, « Es ist ja jetzt Gleichberechtigung » : die Stellung der Frau im nachehelichen Unterhaltsrecht der DDR, Cologne, Böhlau, 2003 ; Andreas Lilienthal, Die Entwicklung der Frauenpolitik und Gleichberechtigung in der ehemaligen DDR, München, GRIN Verlag, 2010 ; Helke Schmidt, Frauenpolitik in der DDR : Gestaltungsspielräume und -grenzen in der Diktatur, Wvb, 2007. BAB/DR2/5568. Ministerium für Bildung, Jugend und Sport des Landes Brandenburg, op. cit., p. 74.

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plus nettement la femme dans la construction du socialisme n’est ici pas remplie51. Apparaît ainsi une ligne de rupture entre les tenants de l’éducation féminine traditionnelle (inculquer une morale féminine), encore nombreux parmi les éducateurs des années 1950, et les fonctionnaires de l’aide sociale à la jeunesse, qui plaident pour l’introduction des rapports socialistes à l’intérieur des Jugendwerkhöfe. Dans l’établissement Friedrichswerth Mitte, on exige ainsi que les garçons participent également aux tâches ménagères52. Ne disposant pas de document postérieur, nous ne pouvons savoir si cet aspect genré de la rééducation des jeunes délinquants survit au changement de génération et au passage de flambeau de la vieille garde aux Neuerzieher, en théorie pétris des principes socialistes. Selon Dorothee Wierling, un véritable fossé sépare en effet les éducateurs nés dans les années 1920, ayant connu les événements traumatisants de la guerre et de l’après-guerre, de la génération suivante. Les désirs de celles-ci rencontrent les besoin énormes du nouvel appareil d’État dans le domaine de l’éducation, massivement dénazifiée53. CONCLUSION Nous avons ici choisi d’aborder la question de la condition féminine par le biais de la perception de la déviance juvénile. En Espagne, alors que la Seconde République (1931–1939) avait proclamé l’égalité entre les hommes et les femmes (suffrage féminin, mariage civil, divorce), l’instauration du franquisme implique une dégradation brutale du statut juridique des femmes et la promotion d’une vision conservatrice de leur place dans la société. En France, l’ordonnance du 21 avril 1944 accorde aux femmes le droit de vote et d’éligibilité, près de cent ans après l’adoption du suffrage universel masculin. Le régime est-allemand, lui, affirme avoir réalisé l’égalité des hommes et des femmes. Le fossé semble donc infranchissable entre la condition des femmes espagnoles, françaises et est-allemandes. Pourtant, l’étude comparative ébauchée ici a révélé que les jeunes filles difficiles sont partout internées en maison de redressement pour des raisons relevant de la transgression de la loi, mais aussi – et surtout –, du non-respect des normes sociales, particulièrement celles de genre. Comme la délinquance des femmes adultes, étudiée par Claudie Lesselier pour la France d’avant 1945, la déviance des « mauvaises filles » est caractérisée par une « double transgression » : transgression légale, mais surtout transgression morale54. Dans les années 1940 et 1950 au moins, police et tribunaux répondent différemment aux garçons et aux filles, utilisant leurs pouvoirs discrétionnaires au service des rôles sexuels traditionnels des uns et des autres. Ces premiers pas faits dans le sens d’une histoire sociale de la prise en charge de la déviance juvénile, sensible 51 52 53 54

BAB/DR2/2602. BAB/DR2/5571. Dorothee Wierling, « The Hitler youth generation in the GDR: insecurities, ambitions and dilemmas », in : Konrad Jarausch, Dictatorship as an experience. Towards a social-cultural history of the GDR, New York/Oxford, Bergham Books, 1999, p. 307–325. Claudie Lesselier, « Les femmes et la prison, 1820–1939 », in : Jacques-Guy Petit (éd.), La Prison, le bagne et l’histoire, Paris, Les Méridiens, 1984, p. 116.

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à la question du genre, permettent ainsi de nuancer la condition des femmes dans chacun des pays considérés en soulignant l’importance des constances et du temps long, au-delà de l’aspiration à la fondation de nouvelles sociétés et à la création d’un « homme nouveau ». Il serait à cet égard instructif d’aller plus avant dans le sens d’une histoire comparative : l’insertion de la réflexion dans une anthropologie culturelle européenne et, plus précisément, dans la prise en compte de représentations sociales transcendant les normes et les pratiques politiques, permettrait sans nul doute de tempérer la spécificité des dictatures franquiste et est-allemande, et de poursuivre le débat engagé par les historiens autour de la question de la nature de ces régimes.

L’INDUSTRIE LOURDE, UN MONDE INTERDIT AUX FEMMES ? Comparaison franco-allemande de la place des femmes dans l’industrie métallurgique, du début du XXe siècle à nos jours. Françoise Berger Résumé Les métiers de l’industrie lourde ont toujours évoqué un travail typiquement masculin. Pourtant, au cours du XXe siècle, ce secteur économique a connu des transformations majeures (mécanisation, robotisation, informatisation). Ces évolutions ont en partie modifié la place des femmes par rapport à la sidérurgie et à la métallurgie, mais les stéréotypes ont la vie dure et il existe toujours des freins à l’embauche, tant de la part des entreprises que des femmes elles-mêmes. Le phénomène est commun à la France et à l’Allemagne, mais les rythmes sur la longue durée n’y sont pas les mêmes. Lors des guerres, la main d’œuvre féminine a été largement utilisée dans ces secteurs industriels, mais pas de manière aussi massive qu’on le pense souvent et de manière peu durable. Aujourd’hui, devant des problèmes récurrents de recrutement de main d’œuvre qualifiée, les entreprises des deux pays tiennent un discours nouveau et tentent d’attirer à elles des femmes et ce, jusqu’au plus haut niveau d’expertise. Mais les changements sont lents à se mettre en place.

Zusammenfassung Die Berufe in der Schwerindustrie waren stets mit der Vorstellung von typisch männlicher Arbeit verbunden. Im Laufe des 20. Jahrhunderts hat dieser Wirtschaftszweig jedoch bedeutende Veränderungen (Mechanisierung, Automatisierung, Computerisierung) erfahren. Diese Entwicklungen haben die Position der Frauen in der Stahl- und Metallindustrie teilweise neu definiert, wobei sich die Stereotype hartnäckig halten und es immer noch Einstellungshemmnisse gibt, sowohl seitens der Unternehmen als auch seitens der Frauen selbst. Das Phänomen ist Frankreich und Deutschland gemeinsam, allerdings sind die Entwicklungen über einen langen Zeitraum betrachtet nicht die gleichen. Während der Kriege wurde die weibliche Arbeitskraft in diesen Industriezweigen viel genutzt, aber nicht so massiv, wie man es häufig denkt und nur temporär. Vor dem Hintergrund der wiederkehrenden Probleme bei der Anwerbung qualifizierter Arbeitskräfte schlagen die Unternehmen in beiden Ländern heute neue Töne an und versuchen, Frauen bis in die höchsten Qualifizierungsstufen zu gewinnen. Die Veränderungen setzen sich aber nur langsam durch.

Les métiers de l’industrie « lourde » ont toujours eu – et ont toujours – une connotation masculine car ils sont associés à des tâches de force. Au cours du XXe siècle, ce secteur a connu pourtant de profondes transformations, laissant une part de plus en plus grande au management, au commercial, avec une production de plus en plus automatisée. Qui a récemment visité une usine sidérurgique sait que beaucoup de postes sont situés dans des salles de commandement totalement informatisées et que tout – ou presque – est automatisé.

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Ces évolutions ont-elles modifié la place des femmes, en Allemagne, en France – deux pays clés pour la sidérurgie et la métallurgie européennes –, dans des secteurs où traditionnellement l’emploi féminin était faible ? Constate-t-on une « singularité française » ou au contraire les évolutions sont-elles plutôt comparables ? En partant de la situation depuis le tournant du XXe siècle, et sans ignorer le temps très spécifique, mais marquant, des deux guerres mondiales, nous évaluerons sur la longue durée les conséquences, en termes d’emploi féminin, des transformations majeures de secteurs qui restent, dans la perception commune, des secteurs « masculins ». Or les métiers ont largement changé, ce qui peut avoir offert un potentiel de mixité plus grande, même si la représentation et l’image de ces secteurs ont finalement peu évolué. Sidérurgie et métallurgie sont-elles toujours un monde interdit aux femmes ? Et si oui, pourquoi1 ? ÉTAT DES LIEUX ET COMPARAISON SUR LA LONGUE DURÉE Le faible pourcentage de femmes dans l’industrie sidérurgique, au début du XXe siècle, va de pair avec la nature des postes de travail, souvent « de force », au moins pour les aciéries. Ce n’est pas le cas dans les autres ateliers des usines sidérurgiques ou dans les usines métallurgiques qui sont, depuis le début de la révolution industrielle, pourvues en machines qui allègent considérablement les manipulations lourdes. À travers les données statistiques sur la main d’œuvre – très lacunaires sur la question féminine – il s’agit tout d’abord de cerner les évolutions sur le long vingtième siècle et les différences entre les deux pays. Approche comparative : des différences sensibles entre France et Allemagne Les statistiques générales sur l’emploi, tout comme celles sur l’emploi industriel le montrent nettement : les différences sont importantes entre les deux marchés nationaux de l’emploi, car la structure de l’emploi n’est pas la même en France et en Allemagne, depuis la Révolution industrielle. La focalisation qui a été faite depuis longtemps sur la période spécifique des guerres nous conduit à reprendre ces spécificités – pour partie réelles –, mais en les replaçant dans une perspective comparative sur la longue durée. L’emploi des femmes dans l’industrie pendant les guerres est un fait qui semblait avoir été établi, en particulier en France pour la Première Guerre mondiale. Cependant on en a peutêtre mal estimé, voire surestimé l’ampleur, puisque des auteurs tels que Catherine Omnès dénoncent « la vision d’une entrée massive des femmes sur le marché du

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L’intérêt pour cette analyse n’est pas nouveau : il existe une thèse française consacrée à la question des femmes dans l’industrie datant de 1899 : Joseph Vallier, Le travail des femmes dans l’industrie française, Université de Grenoble.

L’industrie lourde, un monde interdit aux femmes ?

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travail à la faveur de la Première Guerre mondiale, au moment même où les taux d’activité féminins s’orientent durablement à la baisse »2. Les statistiques sur la longue durée le confirment tout-à-fait3. En France, le niveau le plus haut de l’emploi industriel féminin, pour l’industrie manufacturière, se situe vers 1906, avec 39,4 % des emplois, mais il est déjà de 35,4 % en 1856. Ce groupe comprend la sidérurgie et la métallurgie, mais aussi l’industrie mécanique comme l’industrie textile, et la plus grande part de l’emploi féminin se situe évidemment dans ce dernier secteur. Après la Première Guerre mondiale, la part des femmes diminue un peu dans l’industrie manufacturière (37,3 % en 1921), mais plus encore dans les années 1950 et 1960 (31,3 % en 1954, 29,5 % en 1968)4. Pourtant, de la période de l’après-guerre jusqu’au début des années 1970, la part de l’emploi féminin en général a nettement progressé en France : 6,5 millions en 1959 (28,2 %), 8,2 en 1975 (30,2 %) et 11,1 en 1990 (38,1 %)5, mais au profit du tertiaire. On ne possède malheureusement, pour les deux pays, que des statistiques inégalement détaillées, plus souvent par secteur (industrie manufacturière) que par branche (sidérurgie, métallurgie, transformation des métaux, machines), et moins encore sur la longue durée ; en outre, ces statistiques sont basées sur des catégories qui ne sont pas exactement identiques dans les deux pays et se sont modifiées à plusieurs reprises au cours du siècle. Ponctuellement, on trouve cependant quelques indications sectorielles : ainsi en 1926, le secteur français de la métallurgie, dans son ensemble, représente 22,6 % de l’emploi industriel total, et les femmes y comptent pour 8,5 % (139 847)6. Sans être un chiffre important, il s’agit néanmoins d’un nombre non négligeable de femmes qui travaillent dans ce secteur réputé masculin. Côté allemand, c’est une part plus importante encore, mais une valeur absolue un peu plus faible : en 1925, le secteur de la métallurgie comprend 10,6 % de femmes (133 967)7.

2 3 4

5 6 7

Catherine Omnès, « Les trois temps de l’emploi féminin : réalités et représentations », L’Année sociologique 2 (2003), p. 373–398. Cf. graphique G1. Ce phénomène de retour des femmes au foyer, dans les milieux modestes, est connu pour la période des « Trente glorieuses », car le niveau de vie a augmenté pour tous. Chiffres : B. R. Mitchell (ed.), European Historical Statistics 1750–1970, London, Macmillan, 1975, p. 53–54. OECD, Population and labour force, 2015. AA/Botschaft Paris/VI.7/708a/Dossier sur le Comité des Forges, 1933. Dans la sidérurgie elle-même, les femmes sont alors 15 720 (3,2 %), dans l’industrie de transformation des métaux, 118 247 (15,5 %) : Statistisches Jahresbuch, 1929, p. 191.

294

Françoise Berger

Part des femmes (%) 45 40

France-Allemagne : emploi féminin dans le secteur de l’industrie manufacturière France Allemagne

35 30 25 20 15 1850 1860 1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970

G1. France-Allemagne : emploi féminin dans le secteur de l’industrie manufacturière (1850–1980)8

Dans le cas allemand, on constate une évolution très différente de celle de la France. En effet, la part de l’emploi féminin dans l’industrie manufacturière, en général, y est au début sensiblement inférieure ; pour les premières données comparables (1895–1896), cette part n’est que de 22,8 % contre 37,2 % en France. Alors que cette part décroît lentement en France, à 33 % en 1936, elle atteint 30 % en Allemagne trois ans plus tard9. Après une nette baisse après la Seconde Guerre mondiale, cette part progresse à nouveau pour atteindre son maximum au début des années soixante (31,3 % en Allemagne en 1962, mais seulement 30 % en France en 1961). Les caractéristiques du marché de l’emploi féminin industriel des deux pays se sont donc rapprochées au fil des années et une petite inversion se dessine au profit de l’Allemagne à partir des années soixante – tout comme pour l’emploi féminin en général10. À partir de la crise de 1973, on constate pour la France un recul progressif du nombre de femmes dans l’industrie en général : le maximum de 2 millions est atteint en 1973. L’explication de cette évolution française est double, à la fois la poursuite de la baisse sur la longue durée de l’emploi féminin industriel au profit du tertiaire, mais aussi les changements structurels dans l’économie française11. 8 9 10 11

D’après B. R. Mitchell, op. cit., p. 53–54. Ceci casse un peu le cliché des femmes allemandes retournant dans leur foyer sous le Troisième Reich, comme la propagande tend à le laisser croire pour des raisons idéologiques. Chiffres : B. R. Mitchell, op. cit. La part de l’emploi féminin en général y est également supérieur à celle de la France : 9,4 millions en 1959 (37,6 %), la même chose en 1975 (37 %) et 11,6 en 1990 (40 %), mais là encore, au profit du tertiaire. « En 1970, l’emploi était principalement masculin (65 %). L’industrie (26 %), l’agriculture

L’industrie lourde, un monde interdit aux femmes ?

295

En effet, cette baisse de l’emploi féminin dans l’industrie suit exactement la baisse de l’emploi industriel en général12. Ce n’est donc pas un retrait des femmes de l’emploi industriel, mais un recul de l’emploi industriel global, assez marqué sur la longue durée et plus net chez les hommes que chez les femmes. Dans une industrie française en perte constante d’emplois – au profit du secteur tertiaire –, la part des femmes est passée de 29,7 % à 27,2 %, entre 1990 et 201213. Dans l’industrie métallurgique elle-même, au cours des dernières décennies, le rapport hommes/femmes est resté plus constant encore14, autour de 17 % depuis 1989, malgré la baisse continue des effectifs de ce secteur15. En 1974, dans l’industrie manufacturière allemande, les femmes représentent 29,1 % du secteur (contre 36,9 % de l’emploi en général), en 1984, 27,9 %, et 27,7 % en 1989. Après cette date, la comparaison est plus complexe, car il s’agit de l’Allemagne réunifiée : en 1999, les femmes représentent 27,5 % (26,8 % pour les anciens Länder de la RFA), soit une assez grande constante sur la longue durée, malgré une légère baisse. Pour la sidérurgie et la métallurgie, la part des femmes reste plus faible (ex. : 12,8 % en 1970, 13,9 % en 1987)16. La période des guerres : un cas particulier pour l’industrie lourde ? Si, comme on l’a précédemment mentionné, il faut relativiser la « vague » de l’emploi de guerre féminin dans son ensemble, dans le cas de l’industrie lourde et de la métallurgie, au contraire, l’entrée des femmes dans ces secteurs de l’industrie où elles étaient peu nombreuses est importante. On ne peut pas pour autant parler de phénomène massif, puisque la part des femmes reste souvent entre 10 et 20 %. C’est cependant un apport remarquable, car assez inédit et resté dans la mémoire collective par la diffusion des photos des « obusettes », par exemple.

12 13 14

15 16

(12 %) et la construction (9 %) représentaient près de la moitié des emplois (…). En 2012, l’emploi est essentiellement (…) tertiaire (78 %) et proche de la parité (48 % de femmes)», INSEE, Marché du travail, déc.2013. Insee, cité par Michel Husson, « Chapitre 1. Soixante ans d’emploi », in : M. Husson, La France du travail, L’Atelier/Ires, 2009. Base Insee, emploi total par secteurs d‘activité et par sexe, 1989–2012. La thèse de Madeleine Guilbert (Les fonctions des femmes dans l’industrie, Paris, 1966) avait pour cadre d’étude l’industrie des métaux, elle y affirmait que le pourcentage des femmes y avait quadruplé environ depuis la Première Guerre mondiale. Ceci devrait sans doute être révisé aujourd’hui, mais son travail qui distingue dans le détail le « genre » des postes de travail reste unique pour la métallurgie. Base Insee, op.cit. Statistisches Jahrbuch für die BRD, div. vol., et Eurostat.

296

Françoise Berger

Le cas de la Première Guerre mondiale Plusieurs études, en particulier celles de Françoise Thébaud, ont montré cet afflux de femmes dans le secteur de la métallurgie et particulièrement de l’armement, pendant la Première Guerre mondiale17. Ainsi en 1914, l’industrie française de la défense compte 8 000 à 9 000 femmes, ce chiffre s’élève à 420 000 en 1918. Mais il ne s’agit pas – ou très peu – de créations d’emploi, mais d’adaptation de la production industrielle aux nécessités de guerre. La plupart de ces femmes travaillaient déjà dans l’industrie, comme l’indique la stagnation (graphique G1) de la part de l’emploi féminin dans l’emploi industriel total. À l’échelle locale, on observe les mêmes phénomènes. Ainsi dans la Société métallurgique de l’Ariège (Pamiers)18, les femmes remplacent les hommes sur tous les postes dès le départ au Front en 1914, y compris dans l’aciérie, la fonderie ou les laminoirs. L’entreprise s’est adaptée à cette main d’œuvre en créant une pouponnière – avec nourrices – et une salle d’allaitement19. En 1916, l’usine emploie au total 3 461 personnels ouvriers20 parmi lesquels 514 femmes, soit 14,9 %. Un an plus tard, elles sont 791, sur un total de 3 808 ouvriers, soit 20,8 %. C’est aussi le cas chez Citroën qui utilise, lors de la Première Guerre mondiale, des femmes pour près d’un poste sur deux, certains ateliers étant féminisés à plus de 80 %. Il s’agit essentiellement de chaînes de fabrication d’obus, extrêmement rationalisées (usine de Javel, qui dispose elle aussi d’une pouponnière et de salles d’allaitement)21. Ces femmes n’ont guère le choix, les nécessités du moment et leur situation familiale leur imposant le plus souvent ce travail. En Allemagne, la main d’œuvre féminine a augmenté dans l’industrie en général, depuis le dernier quart du XIXe siècle : par exemple, pour la Bavière, de 10,7 % de la main d’œuvre industrielle en 1882, leur part passe à 16,4 % en 1895, puis marque un léger fléchissement (15,2 % en 1907). Pendant la guerre, elle s’élève 20,9 % (1916)22. Ce n’est pas une augmentation négligeable, mais c’est très peu au regard des besoins affichés dans les industries, de guerre en particulier. Ute Daniel23 souligne que cela montre bien que le soi-disant énorme afflux des femmes sur le marché du travail, lors de la Première Guerre mondiale, est une vue de l’esprit. La progression des femmes au travail en Allemagne avait été très importante bien avant : en 1889, 1 195 662 femmes, 2 288 270 en 1901, et enfin 4 127 401 en 1913, 17 18 19 20 21 22 23

Françoise Thébaud, La femme pendant la guerre de 1914, Paris, Stock, 1986 ; id., « La Grande Guerre. Le triomphe de la division sexuelle », in : Collectif, L’Histoire des femmes en Occident, tome V, Paris, Tempus, rééd. 2002. On parle ici d’une usine sidérurgique (aujourd’hui société Aubert et Duval, précédemment groupe Usinor). « L’usine de Pamiers pendant la grande guerre », France-Métallurgie, 4 mai 2010. Dont des étrangers et des prisonniers de guerre. Jean-Louis Loubet, « De l’obus à la voiture de série : Citroën, 1915–1927 », Les cahiers de RECITS, 2 (2003), p. 19. Ute Daniel, Arbeiterfrauen in der Kriegsgesellschaft: Beruf, Familie und Politik im Ersten Weltkrieg, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1989, p. 44. Ibid.

L’industrie lourde, un monde interdit aux femmes ?

297

soit une progression, accélérée depuis le début du siècle, de 345 % en moins de 25 ans. Les statistiques des industries les plus sensibles24 montrent pourtant un fort accroissement de la main d’œuvre féminine au moment de la guerre. Ainsi, dans les 2 594 entreprises de l’industrie métallurgique bavaroise, le nombre de travailleuses en août/septembre 1916 était de 266 530, à mettre en perspective avec celui de 63 570 avant la guerre, soit une augmentation de 319 %, qui concerne essentiellement les industries de guerre25. De même dans l’arrondissement de Potsdam, dans les entreprises de plus de 50 employés – ce qui est généralement le cas pour la métallurgie –, le nombre de femmes ouvrières passe de 34 845, en juillet 1914, à 103 844 en avril 1918, soit presque un triplement26. Ute Daniel, qui a travaillé sur les statistiques des assurances maladie obligatoires dont le nombre change peu, en déduit que ce sont essentiellement des déplacements d’emploi et peu de nouveaux recrutements. La situation semble cependant très variable, selon les entreprises et selon la localisation. Dans l’ensemble allemand, l’augmentation est très importante pour l’industrie métallurgique : avec un indice 100, commun hommes et femmes en mars 1914, l’indice pour les hommes passe à 145 (+ 45 %) pour mars 1918, celui des femmes connaît une progression extrêmement forte à 846 (+746 %) à la même date27. En comparaison, dans l’industrie en général, l’indice est de 120 pour les hommes (+ 20 %) et de 233 pour les femmes (+ 133 %), en mars 1918. Comme attendu, le secteur métallurgique a donc réussi à drainer des femmes des autres secteurs industriels, mais aussi de secteurs non industriels. Le cas de la Seconde Guerre mondiale Lors de la Seconde Guerre mondiale, en France, les entreprises de la sidérurgie, telle que les Forges de Gueugnon (Saône et Loire)28, embauchent de même des femmes sur la plupart des postes29. Le cas de Schneider permet de suivre précisément les variations au cours de la guerre, mais d’abord celles engendrées précédemment par la crise. Il est en effet intéressant de noter que la compression des effectifs ouvriers due à la crise s’effectue en partie au détriment des femmes : leur nombre passe de 1 003 ouvrières en 1930–1931 (5,7 %) à 355 en 1937–1938 (3,1 %), une légère remontée de ce chiffre ayant lieu l’année suivante, précédant la guerre (3,4 %). Cela représente donc un recul, sur l’ensemble de la période, de 61 %, alors que dans le même temps, l’effectif ouvrier masculin ne recule que de 34 %30.

24 25 26 27 28 29 30

Métallurgie, machine, outillage électrique et chimie. Ute Daniel, op. cit, p. 44. Ibid., p. 45. Ibid, p. 47. Groupe de Wendel. Sauf les tourneurs, requis sur place. AN/187 AQ / diverses séries.

298

Françoise Berger T1. Effectifs du personnel Schneider pendant la guerre31

Exercices

1938–39

1939–40

1940–41

1941–42

1943

1944

1945

11 427

13 518

10 923

12 862

11 908

11 186

11 301

Effectif féminin

394

598

423

448

551

764

685

% femmes (ouvriers)

3,4

4,4

3,9

3,5

4,6

6,8

6,1

Personnel ouvrier total

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’entrée des femmes ouvrières n’est pas beaucoup plus importante qu’avant, hormis pour l’année 1944 qui constitue un record avec 6,8 % de main d’œuvre ouvrière féminine. Mais il faut rappeler que les dirigeants de Schneider sont très conservateurs et cherchent sans doute d’autres solutions que l’emploi des femmes. Dans le cas allemand, le problème de la main d’œuvre féminine dans la sidérurgie se pose déjà dès la montée en puissance de l’armement. Ainsi, fin 1938, lors d’une rencontre entre les principaux dirigeants de la sidérurgie allemande (Nord-Ouest), Albert Vögler (Vereinigte Stahl Werke) évoque le problème de la main d’œuvre et se demande si l’on doit recruter plus de femmes. Il pense qu’elles travaillent très bien, mais qu’il faut envisager les conséquences de leur emploi sur les familles. Peter Klöckner (Klöckner Konzern) répond qu’elles sont désormais indispensables et c’est aussi l’avis de Wilhelm Zangen (Mannesmann Konzern)32. Pendant le conflit, les industriels allemands de l’acier sont confrontés à un problème de main d’œuvre aggravé par l’affectation toujours en plus grand nombre des ouvriers sur le front russe. Progressivement, on remplace une partie de la main d’œuvre envoyée au front de l’Est en embauchant des femmes33. Dès 1940 néanmoins, les femmes représentent déjà un quart des ouvriers nouvellement recrutés chez Mannesmann34.

31 32 33 34

Idem. BA/R 13 I/692/CR du 4 novembre 1938, in F. Berger, La France, l’Allemagne et l’acier. De la stratégie des cartels à l’élaboration de la CECA, thèse de doctorat, dir. R. Girault, Université de Paris-I, 2000, p. 373. La main d’œuvre forcée suivra. BA/B 109/2160/Mannesmann/rapport d’exercice 1940, in F. Berger, op. cit, p. 390.

299

L’industrie lourde, un monde interdit aux femmes ? T2. Personnel des usines allemandes du Nord-Ouest (1942–1943)35 déc. 1942

oct. 1943

déc. 1943

Hommes allemands

245 700

221 000

215 000

Femmes allemandes

34 850

42 800

42 200

12,4

16,2

16,4

96 800

87 700

92 200

Femmes allemandes, en % Étrangers et prisonniers de guerre Femmes étrangères

16 600

19 700

20 100

TOTAL PERSONNEL

393 950

371 200

369 500

TOTAL personnel présent36

308 896

261 000

254 900

Total femmes (allemandes et étrangères)

51 450

62 500

62 300

Femmes, en % du personnel total présent

16,6

23,9

24,4

Étrangers en % du personnel présent

36,8

41,1

44,1

Parmi les plus de 300 000 personnes employées dans les usines sidérurgiques et métallurgiques de la plus grande région industrielle allemande, le Nord-Ouest, fin 1942, 36,8 % sont des ouvrières et des ouvriers étrangers, travailleurs volontaires ou forcés de l’Ouest ou de l’Est37 et prisonniers, 44,1 % un an plus tard. La part des femmes allemandes, déjà de plus de 12 % en 1942, s’élève à plus de 16 % en 1943. Au total, les femmes représentent à cette date presque un quart du total des ouvriers (env. 24 % en 1943). Le groupe des Vereinigte Stahlwerke, le plus gros des Konzerns, est aussi celui qui embauche le plus de femmes pendant la guerre. Ceci n’empêche pourtant pas sa production de décroître au cours des années de guerre (- 22 %)38. En revanche, dans le cas de Mannesmann, qui voit également son personnel le plus qualifié diminuer (-17 % au cours de la guerre), l’ensemble du personnel allemand (ouvriers et employés), comprend peu de femmes (2 571 femmes, soit 7,6 %, en 1944)39. De l’avant à l’après-guerre, les choses ne changent guère dans l’industrie sidérurgique où l’on trouve 6,2 % de femmes en 1938 comme en 1951 ; pour l’industrie de transformation des métaux, on note une progression de 2,3 points, un peu moins forte que celle de l’emploi féminin dans son ensemble (3 points).

35 36 37 38 39

MAN/M 20.025/dossiers Zangen/CR réunion du 10 fév. 1944 du Nord-West Gruppe. Sont déduits les hommes appelés sous les drapeaux. Les femmes sont exclusivement originaires de l’Est : Polonaises, Russes, Ukrainiennes, Lituaniennes, etc. (MAN/M 20.025/ibid.). Conséquences de la déqualification de la main d’œuvre et des difficultés de l’approvisionnement en matières premières. MAN/M.12.820 / Statistique du personnel.

300

Françoise Berger T3. Emploi sur l’ensemble du territoire allemand (1938 et 1951)40 Emplois 1938 – Total

Femmes

% de femmes

Emplois 1951 – Total

Femmes

% de femmes

Industrie du fer et de la métallurgie

433 800

16 200

6,2

381 200

25 200

6,2

Industrie transformatrice de métaux

530 800

104 000

19,6

605 800

132 500

21,9

12 243 700

3 449 100

28,2

14 120 600

4 499 200

31,9

Tous secteurs confondus

Cette expérience de la guerre a permis à des femmes, d’abord sous la contrainte de la nécessité, de découvrir un secteur qui leur était presque interdit et dans lequel elles se trouvent aussi bien que dans un autre, avec en outre un sentiment de grande utilité nationale, vu les circonstances, même si le travail y est plus dur. Elle a cependant ses limites, en raison de multiples résistances. COMMENT EXPLIQUER LES RÉSISTANCES ? Ayant constaté que, pour la plupart des postes, les femmes ont pu remplacer les hommes, au moins pendant les périodes de conflit, il s’agit donc d’expliquer les résistances apparentes qui ont longtemps exclu les femmes de l’emploi de ces secteurs industriels, des résistances venues tant des recruteurs que des travailleurs/ travailleuses. De la fin du XIXe siècle au début du XXe, pour les postes de travail qui nécessitent peu de force, il y a un véritable affrontement des sexes41. Moins payées, les femmes de plus en plus nombreuses dans l’industrie font une concurrence certaine aux hommes. À tel point qu’apparaît une méfiance envers une mécanisation qui offre de nouveaux postes de travail accessibles aux femmes. Le contre-exemple des périodes de guerre Lors des périodes de guerre, les résistances ont été levées par la nécessité42. Si ce recrutement a pu être localement massif43, les entreprises arrivent en général très difficilement à attirer beaucoup de femmes, malgré des mesures prises pour tenter 40 41 42 43

Statistisches Jahresbuch für die BRD, Chap. B. Beschäftigung und Arbeitslosigkeit, 1955, p. 124–129. J. Vallier, op. cit. Cf. infra. Comme le montre l’exemple de la Société des Chantiers aéronautiques de Normandie qui a implanté en 1938 une usine de bombardiers à Cherbourg, dans une région déjà pauvre en main d’œuvre spécialisée (cité par J. Lecarpentier, cf. note suiv.).

L’industrie lourde, un monde interdit aux femmes ?

301

de résoudre ces difficultés de recrutement, dont une formation interne et une augmentation des salaires et des primes44. Et ce, avant même la mobilisation de 1939. Pour employer utilement et en nombre cette main d’œuvre féminine, quelques adaptations techniques sont nécessaires pour les postes de travail les plus exigeants en force45. L’emploi féminin pourrait donc être durable, puisque les adaptations ont été faites. Pourtant le retour « à la normale » s’effectue assez vite après la guerre, contre la volonté d’une partie des femmes. Et ce, d’autant plus que certaines ont revendiqué – et obtenu sous la pression de la situation – des augmentations de salaire. Ainsi en mai 1917, aux usines Citroën (usine de Javel), près de 2 000 femmes font une grève pour la journée de 10h et des augmentations de salaire – pour compenser la forte inflation. L’usine est paralysée et cette action aboutit à des hausses de salaire et à l’élection de déléguées d’atelier. Mais dès 1919, la plupart de ces ouvrières sont renvoyées à leurs foyers et les avantages obtenus sont supprimés46. Des explications plurielles La question des salaires est une première explication. Ils sont en effet généralement un peu plus élevés dans l’industrie lourde que la moyenne de l’industrie. Or, on sait que les travaux les moins bien payés sont majoritairement occupés par des femmes. On serait tenté d’en déduire qu’il y aurait une sorte de « mainmise » ouvrière masculine sur un secteur plutôt rentable. Même dans le cas des emplois féminins dans le secteur métallurgique, on peut noter une grande inégalité due à une « division sexuée du travail »47. De ce fait, les métiers les plus intéressants du secteur restent pourvus exclusivement par des hommes. Catherine Omnès utilise une expression qui nous semble très adéquate, celle de « ségrégation recomposée » après l’irruption des femmes dans « des espaces masculins »48. DES ÉVOLUTIONS RÉCENTES ? Dans le secteur de l’industrie métallurgique, pour la période 1995–2013, on constate un repli de la production sur la durée, avec une légère reprise depuis 2006, côté allemand, tandis que le repli est assez constant depuis 2000 côté français, après 44 45 46 47 48

Justin Lecarpentier, « Les problèmes de recrutement de main-d’œuvre spécialisée en 1940, à travers l’exemple des Chantiers Aéronautiques de Normandie, à Cherbourg », Annales de Normandie, décembre 2013, p. 143–166. Yves Cohen, « une histoire de pratique : les usines Peugeot, la première guerre mondiale et l’action d’un organisateur, Ernest Mattern », Les cahiers de RECITS, 2 (2003), p. 39. Jean-Louis Loubet, op.cit., p. 20. Laura Lee Downs, L’inégalité à la chaîne. La division sexuée du travail dans l’industrie métallurgique en France et en Angleterre, Paris, Albin Michel, 2002. Catherine Omnès, « Les trois temps de l‘emploi féminin : réalités et représentations », L’Année sociologique 2 (2003), p. 373–398.

302

Françoise Berger

une phase de reprise entre 1997 et 200049. Pour analyser la situation des femmes dans ce secteur, il faut donc tenir compte du contexte économique spécifique de chaque pays. En France, un décrochage est notable pour la part des femmes entre 1995 et 1996, mais avec la reprise progressive de l’emploi, cette part augmente à nouveau50 : dans un contexte favorable, elle tend donc à croître. Cependant, dans le secteur du travail des métaux, les femmes restent en majorité des ouvrières non qualifiées51, alors que les hommes sont surtout des ouvriers qualifiés. Pour l’Allemagne, les variations sont plus complexes à analyser et elles semblent moins dépendantes de l’environnement industriel. À partir de 2006, alors que le secteur connaît une recrudescence de l’emploi, les conséquences en sont moins visibles sur l’emploi féminin dont le taux évolue cependant, globalement, comme celui du secteur. En revanche, de façon étonnante, alors qu’en France l’emploi du secteur métallurgique se réduit, la part des femmes y augmente, avec quelques variations atypiques cependant (2012). On est donc tenté d’en déduire que contrairement à l’Allemagne où la part des femmes dans la métallurgie ne change guère, mais est un peu plus forte dans les périodes fastes, en France il semble que cette part tende à se renforcer, en partie indépendamment du contexte économique sectoriel. Est-ce le résultat d’un changement dans les recrutements ? Ou dans les demandes des femmes, plus ouvertes à ces métiers ? 19,5 19

Part des femmes en %

Allemagne en % France en %

Emplois en milliers

3.000

Total Allemagne Total France

18,5

2.500

18 17,5

2.000

17 16,5

1.500

16 15,5

1.000

15

14,5

500 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2008b 2009 2010 2011 2012 2013

G2. Part des femmes (France et Allemagne) dans l’ensemble du secteur métallurgique (1995–2013)52 49 50 51 52

Cf. graphique G2. Pour 2003 et 2004 : absence de données pour la branche « métallurgie » (femmes) pour la France. Près du tiers des effectifs féminins totaux en 2004 (Anne Boniou, Économie du secteur des services industriels du travail des métaux, étude de l’Insee, Sessi, décembre 2008). Pour les 3 secteurs suivants (confondus) : métallurgie, fabrication de produits métalliques, fabrication de machines et équipements, source Eurostat. Jusqu’en 1990, ancien territoire de la

L’industrie lourde, un monde interdit aux femmes ?

303

Pour le secteur plus restreint de la branche sidérurgie et métallurgie de base, les pourcentages sont un peu plus faibles – ce qui est peu étonnant –, mais très variables, ce qui l’est plus. Si les femmes semblent prendre plus de place dans cette branche pour la France, mais assez aléatoirement d’une année à l’autre, côté allemand, c’est plutôt une part en régression depuis 2001. Une des explications à ces évolutions plus fortes que dans l’ensemble du secteur métallurgique tient sans doute à la forte volatilité des prix de l’acier et aux énormes changements toujours en cours dans le secteur sidérurgique à l’échelle mondiale. 17 16

% F-Allemagne % F-France

15

14 13

12 11

10 9

8

G3. Part des femmes (France et Allemagne) dans la branche sidérurgie et métallurgie de base53 (1995–2013)

Pour une vision plus précise à l’intérieur du secteur métallurgique lourd, il est intéressant de changer une nouvelle fois d’échelle d’observation pour se placer à celle d’une entreprise. Ainsi, l’exemple du Konzern sidérurgique Salzgitter permet d’affiner les évolutions récentes, selon les divisions de l’entreprise. Si la Holding, qui propose un emploi de type tertiaire, comprend près de la moitié de femmes (chiffres en augmentation), et les services commerciaux, un petit quart, les départements de l’acier et des tubes comprennent, de manière particulièrement stable, entre 7,9 et 8,8 % de femmes. Donc pas de révolution récente, mais ce sont des chiffres supérieurs à ceux de la Wirtschaftsvereinigung Stahl (6 % en 2011) pour l’ensemble des entreprises du secteur sidérurgique.

53

RFA pour l’Allemagne. À partir de 2008, la nomenclature Eurostat a été modifiée, d’où 2008b indiquant les chiffres avec la nouvelle nomenclature. Hors industrie transformatrice des métaux et hors machines. Source Eurostat, 2003 et 2004.

304

Françoise Berger T4. Part des femmes dans le personnel permanent dans le Konzern Salzgitter54 En %

Ensemble du Konzern Division acier

Division tubes

2007

2008

2009

2010

2011

7,9

8,0

8,2

8,4

8,5

11,4 8,5

11,6 8,6

11,7 8,8

11,8 8,7

11,9 8,5

Division commerciale

23,8

24,0

24,0

24,1

24,5

Division technologie

13,9

14,0

14,3

14,1

14,2

Division service clientèle Holding

11,6

45,7

11,6

47,2

11,6

47,3

11,9

48,2

12,1 50,9

En France, les entreprises adhérentes du Groupement des entreprises sidérurgiques et métallurgiques (GESIM)55 font état d’une part des femmes de 9,59 % en 2009, et de 11,54 % en 2013 (plus haut niveau provisoire en 2011 : 12,41 %). Mais ici encore, les divisions précises des entreprises ne sont pas indiquées. Dans l’ensemble, les femmes restent majoritairement dans les emplois de bureau. Cependant le discours a beaucoup changé. De timides évolutions sur la question du genre dans l’industrie lourde Qu’en est-il aujourd’hui, dans deux pays où l’on proclame depuis longtemps l’égalité hommes-femmes ? Les secteurs sidérurgiques et métallurgiques sont-ils toujours réservés aux hommes ? Il est certain qu’en parcourant la presse ou les médias, l’image de ces secteurs dans l’opinion publique reste très masculine, car toujours liée à une perception de travaux de force. Or dans la plupart des cas, la réalité est bien autre. Les entreprises semblent plus sensibles que le grand public à ces évolutions. Ainsi, la question du genre est aujourd’hui largement prise en compte par les entreprises du secteur sidérurgique/métallurgique, même si c’est un phénomène vraiment très récent. Des études sur plusieurs grandes entreprises allemandes56 montrent que cette préoccupation renvoie à d’autres – par exemple celle de la responsabilité environnementale ou celle de la « différence » acceptée, « politiquement correcte » – et qu’il convient à une grande entreprise de les prendre en compte. Toutes mettent en avant des femmes, sur leurs sites Internet ou dans leurs brochures de présentation. Ce phénomène est aussi relayé dans la presse, y compris régionale. Il est enfin 54 55

56

Salzgitter, Zwischenbericht 9 Monate, 2012 (territoire national). Le GESIM est un syndicat professionnel patronal de la sidérurgie; membres : 40 sociétés représentant 82 établissements pour 27 719 salariés (comparable, pour l’Allemagne, au Wirtschaftsvereinigung Stahl). L’UIMM (Union des industries et métiers de la métallurgie) comporte plusieurs branches industrielles. Statistiques en ligne : http://www.gesim.fr/index.php?id=23 Tant dans le groupe Salzgitter-Mannesmann, HKM (Hüttenwerke Krupp-Mannesmann) que chez Arcelor-Mittal Allemagne.

L’industrie lourde, un monde interdit aux femmes ?

305

instrumentalisé dans les discours syndicaux et politiques. Ces timides évolutions sont-elles comparables en France et en Allemagne ? Les chiffres récents montrent une légère progression des personnels féminins dans la sidérurgie allemande57. En 2012, la part des femmes y était de 8,9 %, contre 8,2 % deux ans plus tôt58. Pour le Konzern ThyssenKrupp, la part totale des femmes était de 17 % pour l’Europe (2012–2013), mais la répartition par division n’est pas indiquée. L’entreprise précise qu’elle s’est engagée à doubler le nombre de femmes dans son personnel d’encadrement supérieur en Allemagne de 7,6 % en 2010 à 15 % à la fin de 202059. Par ailleurs, la Wirtschaftsvereinigung Stahl précise que la comparaison avec les autres secteurs de l’économie est défavorable, parce que dans le secteur de l’acier, 90 % des emplois sont des postes techniques et seulement 10 % dans l’administration, au lieu de 40 % en moyenne dans les autres secteurs. Les chiffres les plus récents concernant les postes véritablement techniques de la sidérurgie font état d’un total de 7 900 femmes (2014). Cela reste évidemment très peu. En France aussi, l’image de l’emploi féminin dans l’industrie lourde a changé et la presse populaire y consacre quelques reportages. Mais les faits sont néanmoins présentés comme un peu exceptionnels, comme le suggère le titre d’un article de La Voix du Nord60 : « Métallurgie : ces femmes qui font un métier d’homme ». Cependant, « Elles sont mêmes les bienvenues dans un secteur qui peine à trouver une main-d’œuvre qualifiée. ». Exit la peur masculine d’une conséquence négative pour le niveau de rémunération … mais peut-être justement parce qu’elles sont peu nombreuses. Ainsi chez CPM (Construction métallique et de préfabrication), où l’on fabrique notamment des réservoirs de stockage pétrochimique, la première femme est arrivée en octobre 2007. Depuis, elles sont cinq à travailler au milieu d’une centaine de collègues masculins61. Les stratégies nouvelles des entreprises pour recruter plus de femmes C’est désormais une nécessité pour l’industrie lourde des deux pays : il faut recruter beaucoup plus de femmes pour pallier les difficultés générales du recrutement. Dans ce but, l’industrie lourde française cherche aussi, comme en Allemagne, à séduire les femmes, d’autant plus que la pénibilité n’est plus une barrière, dans la plupart des postes. Ainsi, l’UIMM (Union des industries métallurgiques et minières) a commencé, en 2013, à organiser des rencontres avec des lycéennes pour les sensibiliser à ses métiers et tenter de les y attirer. C’est le cas dans la Manche, par exemple, où le secteur de la métallurgie emploie plus de 14 000 personnes, avec un personnel presque exclusivement masculin. L’UIMM veut « briser les ta57 58 59 60 61

La partie tertiaire de l’emploi, telle que la gestion, n’est pas prise en compte, il s’agit bien d’emploi industriel. « Frauen im Stahlindustrie », Bulletin Stahl, 19 sept. 2014. https://www.thyssenkrupp.com/de/nachhaltigkeit/diversity.html [25.05.2016]. « Métallurgie: ces femmes qui font un métier d’homme », La voix du Nord, 16 nov. 2009. Ibid.

306

Françoise Berger

bous »62. Formation et reconversion représentent une alternative au problème de main d’œuvre rencontré par certaines entreprises métallurgiques63. La fédération professionnelle de la métallurgie souhaite inciter des jeunes femmes à suivre une formation d’un an en alternance en Centre de formation d’apprentis (CFAI) sur des métiers de son secteur. Si les discriminations salariales persistent, elles sont étonnamment plus restreintes dans ces secteurs que dans la moyenne nationale – ici encore, peut-être parce que la part des femmes y est faible. Ainsi une étude de l’APEC64 de mars 2010 montre que dans la métallurgie, l’écart salarial entre les hommes et les femmes serait de 4,4 % chez les cadres et 4,8 % chez les non cadres, les écarts variant selon les fonctions et les secteurs, de l’automobile, où il est le plus faible (+2,9 % en faveur des hommes), aux instruments médicaux et de précision où il est le plus fort (+7,6 %), mais le tout, très loin de la moyenne nationale où cet écart dépasse largement 20 %. Ce qui change aussi, c’est la place de ces femmes dans l’industrie, en général. Ainsi L’Usine nouvelle organise pour la troisième année un « trophée des femmes de l’industrie », récompensant des « parcours féminins d’exception »65. Et ce sont les femmes de tête que l’on recherche, des « capitaines » d’industrie en quelque sorte. En Allemagne aussi, les entreprises et les médias ont adopté un discours beaucoup plus offensif pour encourager le recrutement des femmes dans l’industrie lourde. Par exemple, la dernière brochure de recrutement chez Salzgitter, qui commence par des illustrations traditionnelles du secteur, met clairement en avant des femmes dans les illustrations sur le personnel, tout en gardant un discours non genré66. Un paragraphe est consacré à la place des femmes : « Le mot carrière est féminin. Les postes dans nos carrières techniques et de gestion sont encore majoritairement occupés par des hommes. Nous voulons changer cela. Pour cela, il existe un programme pour permettre, avec des offres ciblées, la croissance du nombre de femmes et les accompagner au cours des premières étapes de leur carrière. »67

L’enjeu est clairement le problème du renouvellement de la main d’œuvre spécialisée, car HKM précise que d’ici 2030, par l’effet des départs à la retraite, c’est un tiers du personnel qu’il faudra renouveler68.

62 63 64 65 66 67 68

« La métallurgie veut séduire les femmes », Ouest France, 27 nov. 2013. « Paradoxalement, si les industries métallurgiques ont supprimé des milliers d’emplois, certaines entreprises peinent à trouver des compétences. » (Bernard Broustet, « La métallurgie commence à attirer les femmes », Sud-Ouest, 5 avril 2011). Association pour l’emploi des cadres. Anne-Sophie Bellaiche, « Où sont les femmes de l’industrie ? », L’Usine nouvelle, 6 mars 2014. Salzgitter, Zukunft mit uns, avril 2012. Idem. HKM, Wir bei HKM, 4 (2014).

307

L’industrie lourde, un monde interdit aux femmes ?

Les résultats restent très modestes, au regard des autres industries L’exemple de la recherche industrielle montre à la fois l’ampleur de la féminisation, mais aussi les grandes inégalités sectorielles. L’industrie lourde et la métallurgie attirent toujours bien moins les femmes que d’autres secteurs de l’industrie, le record étant l’industrie pharmaceutique, majoritairement féminine pour la recherche. T5. Emplois dans la recherche française (industrie) : comparaison H/F par secteurs69 Quelques branches d’activité industrielle (en 2001) Industrie extractive et métallurgie

Chercheurs et chercheuses en milliers Industrie lourde

Part des femmes dans l’effectif en %

1 207

15,4

Industrie automobile

10 555

14,6

Travail des métaux

1 177

Construction aéronautique et spatiale Fabric. machines et équipements Constr. navale et matériels de transport terrestre

5 665 4 906 383

15,0 11,2 9,5 6,1

pour comparer Industrie pharmaceutique

8 787

54,5

Industrie chimique

4 466

36,2

Industries agricoles et alimentaires Textiles, habillement, cuirs et chaussures

1 739 423

40,7 26,1

On ne connait pas les statistiques allemandes correspondantes au tableau ci-dessus, mais les entreprises insistent pour le recrutement de femmes aux plus hauts postes de la recherche. Ce sont désormais plus de 10 % de femmes (2012) parmi les ingénieurs qui sont recrutés pour l’ensemble de la sidérurgie allemande70 et l’on cite le cas de trois femmes parvenues à la direction générale de très grosses usines. Le nombre de stagiaires ingénieurs femmes y était de 11 % en 201371.

69 70 71

Élisabeth Rignols, « L’emploi des femmes dans l’industrie, La qualité plutôt que la quantité », Sessi, 200, janv. 2005. Jürgen H. Wintermann, « Frauen erobern eine Männerdomäne », Die Welt, 6 nov. 2014. Wirtschaftsvereinigung Stahl.

308

Françoise Berger

CONCLUSION Un long blocage dû à des raisons multiples Les statistiques sur la longue durée montrent à l’évidence que les femmes des deux pays ont été peu nombreuses à travailler dans l’industrie sidérurgique ou métallurgique, et que la situation n’a pas été renversée par la révolution de l’informatisation et de la robotisation. Parmi les explications, la question de l’accès à la formation et celle des salaires sont sans doute deux raisons importantes de cette grande difficulté à l’accès à ces secteurs de l’industrie lourde pour les femmes. Les stéréotypes et les différences France/Allemagne Depuis la fin du XIXe siècle, on ne peut pas parler, finalement, d’un secteur métallurgique ou sidérurgique « interdit aux femmes », même si elles s’y trouvent en nombre très faible. Par différents procédés, elles y sont reléguées aux postes les moins rémunérés. Avec la mécanisation de nombreux postes de travail, elles forment une main d’œuvre concurrente mal vue par les ouvriers hommes. Et sur la longue durée, les stéréotypes sur « les métiers d’homme » résistent. La comparaison France-Allemagne montre des rythmes différents pour l’emploi féminin en général, ce qui a des répercussions en termes d’emplois des femmes dans l’industrie. Le changement actuel est-il profond ou seulement « conjoncturel » ? Après avoir reculé au cours du XXe siècle, la part de l’emploi industriel féminin dans les industries sidérurgique et métallurgique peut atteindre aujourd’hui près de 10 % dans certaines entreprises. Est-ce une tendance de longue durée ? Il est difficile de l’évaluer, même si ce changement est annoncé comme durable. Dans la mesure où la demande des entreprises est forte et le niveau de formation des femmes supérieur à celui des hommes72, la tendance devrait pourtant se confirmer pour les décennies à venir.

72

En France, les chiffres indiquent que « les femmes sont en moyenne plus diplômées que les hommes : 39 % ont au moins le bac, contre 31 % des hommes ; l’écart est moins prononcé pour les diplômes supérieurs » (É. Rignols, op. cit.).

DEUTSCHE UNTERNEHMERINNEN IN DER NACHKRIEGSZEIT

Irene Kärcher als Pionierin auf französischen Märkten (1959–1989) Stefanie van de Kerkhof Zusammenfassung Unternehmerinnen gerieten in den letzten Jahren erstmals in den Fokus der Geschichtswissenschaft. Doch bislang existieren kaum Studien, die das unternehmerische Handeln von Frauen in international oder transnational vergleichender Perspektive betrachten. Dieser Betrag widmet sich daher der grenzüberschreitenden Tätigkeit von deutschen Unternehmerinnen in der Nachkriegszeit. Zentral für die Analyse sind die unternehmerischen Funktionen, zudem fließen verbandspolitische, marketing- und kulturhistorische Aspekte ein. Irene Kärcher als Fallbeispiel demonstriert, dass im Unternehmen zwar spezifizierte Werbebotschaften für die französischen Märkte der Nachkriegszeit entwickelt wurden, die Unternehmerin aber bewusst im Hintergrund blieb. Die condition féminine des 19. Jahrhunderts, als Unternehmerinnen wie Sophie Henschel in Schwerindustrie und Maschinenbau im Verborgenen agierten, änderte sich bis in die 1980er Jahre nur unwesentlich. Irene Kärcher als Unternehmerin verschwand hinter Werk und Technologie, während „le Kärcher“ in Frankreich aufgrund spezifischer Marketingstrategien zu einem Synonym für Reinigen wurde. Daran änderte auch der Verband deutscher Unternehmerinnen wenig, der auf Anstoß von französischer Seite 1954 gegründet wurde, womit ein zweiter Aspekt der deutsch-französischen Beziehungen behandelt wird.

Résumé Ce n’est qu’au cours des dernières années que les entrepreneuses se sont retrouvées au cœur de recherches historiques. Jusqu’ici, il n’existait presqu’aucune étude qui se soit intéressée aux activités des femmes entrepreneuses dans une perspective comparative internationale ou transnationale. Cette contribution se consacre donc à l’action transnationale de femmes entrepreneuses allemandes, dans la période de l’après Seconde Guerre mondiale. Au centre de cette analyse se trouvent les fonctions entrepreneuriales, parmi lesquelles la politique d’association, les politiques commerciales et les aspects culturels et historiques. L’analyse de l’action d’Irene Kärcher, comme étude de cas, montre que, dans l’après-guerre, une publicité spécifique à destination du marché français a été particulièrement développée par son entreprise, mais que l’entrepreneuse est délibérément restée à l’arrière-plan. La « condition féminine » du XIXe siècle, avec laquelle des entrepreneuses telles que Sophie Henschel – dans le secteur de l’industrie lourde et dans celui des machines – devaient composer en agissant dans le secret, ne se modifia qu’à la marge jusqu’aux années 1990. Irene Kärcher comme entrepreneuse s’effaçait derrière l’usine et la technologie, tandis que le « Karcher » devenait en France synonyme de « nettoyage », à la suite d’une stratégie commerciale spécifique. L’Association des femmes entrepreneuses allemandes, créée en 1954 sous l’impulsion française, qui constitue le second aspect abordé de ces relations franco-allemandes, n’évolua guère.

310

Stefanie van de Kerkhof

Die condition féminine von Unternehmerinnen wurde in den letzten Jahren nicht nur in der deutschen Öffentlichkeit diskutiert, wozu Bestsellerautorinnen wie Sheryl Sandberg (CEO bei Facebook) sowie die Berichterstattung in Wirtschaftsmedien beitrugen. Hitzige Debatten über Frauenquoten in Vorständen und Aufsichtsräten halten weiterhin an. Die traditionelle bürgerliche Gender Bias wird dabei zwar einerseits in Frage gestellt, andererseits ist die Berichterstattung hochgradig emotionalisiert und überkommene Stereotypen weisen ein erstaunliches Maß an Beharrungskraft auf. In Qualitäts- und Boulevardpresse, aber auch in Fachjournalen wie dem Manager-Magazin, Handelsblatt und der Wirtschaftswoche werden Rollenstereotype und Geschlechterverhältnisse verhandelt und ausgeprägt (doing gender), wie gegenwartsbezogene Untersuchungen zeigen.1 DEUTSCHE UNTERNEHMERINNEN IN DER FORSCHUNG Allgemein wurden Unternehmerinnen in den letzten beiden Jahrzehnten erstmals genauer in den Wirtschafts- und Sozialwissenschaften betrachtet. Insbesondere die Rolle von klein- und mittelständischen Familienunternehmen (über 97 % der deutschen Unternehmen) geriet dabei in den Fokus, nachdem zuvor die Großunternehmen jahrzehntelang das Bild geprägt hatten. Auch die geschichtswissenschaftliche Forschung hat sich neuerdings den Unternehmerinnen in ersten Grundlagenstudien, vorwiegend zur Frühen Neuzeit, gewidmet. Diese sind sowohl sozial- und mikrogeschichtlich ausgerichtet, werfen genderhistorische Fragen auf oder untersuchen unternehmenshistorische Fallbeispiele bzw. Unternehmerinnenverbände.2 Im Unterschied zu Unternehmern oder Managern wie August Thyssen, Alfried Krupp oder Carl Duisberg sind Gründerinnen und weibliche Führungskräfte bislang wirtschafts- und unternehmenshistorisch kaum untersucht und standen im „Schatten der ‚großen Männer‘“.3 Dieses Desiderat ist auch darauf zurückzuführen, dass die Forschung vermutete, Frauen würden in der Wirtschaft eine Quantité négligeable darstellen. Doch 1

2

3

Vgl. Gertraude Krell, „Emotionen, Frauen, Arbeit und Führung“, in: Claudia Jarzebowski / Anne Kwaschik (Hg.), Performing Emotions: Interdisziplinäre Perspektiven auf das Verhältnis von Politik und Emotion in der Frühen Neuzeit und in der Moderne, Göttingen, V&R unipress, 2013, S. 259–282; Friederike Welter, „Süßes Leben mit bitteren Noten“. Unternehmerinnen und Gründerinnen in der deutschen Presse – eine diskursanalytische Betrachtung, Düsseldorf, Pro KMU, 2006; Thomas Döbler, Frauen als Unternehmerinnen. Erfolgspotentiale weiblicher Selbständiger, Wiesbaden, Deutscher Universitätsverlag, 1998. Elke Hlawatschek, „Die Unternehmerin (1800–1945)“, in: Hans Pohl (Hg.), Die Frau in der deutschen Wirtschaft, Stuttgart, Steiner, 1985, S. 127–146; Anke Probst, Helene Amalie Krupp – eine Essener Unternehmerin um 1800, Stuttgart, Steiner, 1985; Susanne Schötz, Handelsfrauen in Leipzig. Zur Geschichte von Arbeit und Geschlecht in der Neuzeit, Köln, Böhlau, 2004; Christiane Eifert, Deutsche Unternehmerinnen im 20. Jahrhundert, München, Beck, 2011. Dorothea Schmidt, „Im Schatten der „großen Männer“. Zur unterbelichteten Rolle der Unternehmerinnen in der deutschen Wirtschaftsgeschichte des 19. und 20. Jahrhunderts“, in: Angela Fiedler / Friederike Maier (Hg.), Gender Matters, Berlin, Sigma, 2002, S. 211–230.

Deutsche Unternehmerinnen in der Nachkriegszeit

311

die Zahl der Unternehmerinnen war kontinuierlich hoch, wie eine neuere Statistik vom Institut für Mittelstandsforschung demonstriert. Der Anteil von Frauen an selbständiger Tätigkeit lag von 1882 bis 1990 immer bei ca. 17 bis 30 %.4 Verschwanden Unternehmerinnen in Deutschland also nur aus der öffentlichen Wahrnehmung, wie Béatrice Craig für die internationale Entwicklung festgestellt hat?5 Und spielte dabei auch die Dominanz der Großunternehmen und die teils schwierige Archivlage klein- und mittelständischer Familienunternehmen eine Rolle?6 Unternehmerinnen waren schließlich oft als Teileigentümerinnen oder Mitunternehmerinnen tätig, wozu es bisweilen an Quellen mangelt. Ihre Arbeit wurde daher häufig vernachlässigt, oder gar als reine Repräsentation marginalisiert.7 Ob dafür die organisationale Differenzierung in den Großunternehmen8 oder vielmehr die Verfestigung dualistischer Geschlechterrollen seit dem 19. Jahrhundert ursächlich waren,9 muss noch genauer untersucht werden.10 Hartmut Berghoff betonte die Desiderate der Geschichtsschreibung, denn: „die mitarbeitende und mitentscheidende Ehefrau [sei] wohl der Regelfall, über den jedoch spätere Festschriften nicht mehr oder nur am Rande berichteten, um dem Idealbild der bürgerlichen Familie wenigstens in der Erinnerung zu entsprechen und die Leistung des Mannes nicht zu schmälern. Auf diese Weise wurde weibliches Unternehmertum systematisch verschwiegen bzw. marginalisiert. Auch eine lange fast ausschließlich von Männern betriebene Wirtschaftsgeschichte hatte kein Interesse an der Korrektur des überlieferten Bildes.“11

Ursächlich dafür mag auch der exklusiv männlich definierte Unternehmerbegriff von Theoretikern wie Joseph Schumpeter und Fritz Redlich gewesen sein. Für sie war der Entrepreneur ein „Mann oder das Team von Männern, denen es gegeben ist, Unternehmungen ins Leben zu rufen und (oder) denen es zufällt, in der wie 4 5

6 7 8 9

10 11

Institut für Mittelstandsforschung (Hg.), Unternehmerinnen in Deutschland – Kurzfassung, Bonn, Deutscher Universitätsverlag, 2003. Béatrice Craig, „Where Have All the Business-Women Gone? Images and Reality in the Life of Nineteenth-Century Middle-Class Women in Northern France“, in: Dies. / Robert Beachy / Alastair Owens (Hg.), Women, Business and Finance in 19th c. Europe: Rethinking Separate Spheres, Oxford, Berg, 2006, S. 52–66. Harold James, Familienunternehmen in Europa, München, Beck, 2005; David Landes, Die Macht der Familie. Wirtschaftsdynastien in der Weltgeschichte, München, Siedler, 2006. Manuela Weller, Die soziale Positionierung der Ehefrau im Familienunternehmen, Wiesbaden, Gabler, 2009. Jürgen Kocka, Unternehmensverwaltung und Angestelltenschaft am Beispiel Siemens 1847– 1914, Stuttgart, Klett, 1969. Karin Hausen, „Die Polarisierung der „Geschlechtscharaktere“. Eine Spiegelung der Dissoziation von Erwerbs- und Familienleben“, in: Werner Conze (Hg.), Sozialgeschichte der Familie in der Neuzeit Europas. Neue Forschungen, Stuttgart, Klett, 1976, S. 363–393. Vgl. Craig, „Where Have All“. Jürgen Kocka, „Management in der Industrialisierung: die Entstehung und Entwicklung des klassischen Musters“, in: Zeitschrift für Unternehmensgeschichte, 44/2 (1999), S. 135–149, hier: S. 141. Hartmut Berghoff, Moderne Unternehmensgeschichte, Paderborn, Schöningh, 2004, S. 253. Vgl. Karin Hausen, „Altbewährt und zählebig: Wirtschaften mit der Geschlechterordnung“, in: Eva Labouvie / Katharina Bunzmann (Hg.), Ökonomien des Lebens. Zum Wirtschaften der Geschlechter in Geschichte und Gegenwart, München, LIT Verlag, 2004, S. 13–32.

312

Stefanie van de Kerkhof

immer organisierten Unternehmung, die Entscheidungen zu treffen, die das Gebilde am Leben erhalten und es in den Markt und die Volkswirtschaft einordnen“.12 Obwohl Ökonomen und Wirtschaftshistoriker den Unternehmerbegriff ausgeweitet und z. B. Manager einbezogen haben,13 wurde diese Definition kaum hinterfragt.14 Doch Frauen übernahmen als Witwen auch in der Moderne häufig für mehrere Jahrzehnte die Leitung bedeutender Unternehmen oder gründeten kleinere und mittelständische Betriebe. Bislang wenig gewürdigte, aber bedeutende deutsche Unternehmerinnen sind neben Irene Kärcher z. B. Sophie Henschel (Kassel, Eisenbahn- und Maschinenbau), Käte Ahlmann (Carlshütte bei Rendsburg), Maria Zander (Papierfabrikation), Julia Lanz (Traktorenbau), Bertha Benz (Automobil), Margarethe Steiff (Spielwaren), Aenne Burda (Verlag) und Grete Schickedanz (Versand, „Quelle“). Besonders häufig finden sich Frauen als leitende Eigentümerin oder Teileigentümerin in sogenannten „Hidden Champions“, Marktführern auf nationaler oder internationaler Ebene, häufig in Nischenmärkten.15 Viele dieser Unternehmen sind dem Maschinenbau zugehörig, eine Branche, die für die Nachkriegszeit nicht nur ein Desiderat der Unternehmensgeschichte darstellt,16 sondern sich auch durch traditionelle Rollenvorstellungen auszeichnet.17 Wie Ulrich Bröckling gezeigt hat, sind moderne Unternehmerinnen-Diskurse durch dichotomische Geschlechterzuschreibungen geprägt, die zwischen traditionellen Weiblichkeitsmodellen und einer Orientierung an maskulinen Stereotypen changieren.18 Spielte hier auch die Distanz von Frauen zur Welt der Technik und des Maschinenbaus, wie sie Karin Hausen verdeutlich hat,19 eine wesentliche Rolle? Wie entwickelte sich die Sozialisation von Unternehmerinnen im Elternhaus, Gewerbe und Bildungsinstitutionen? Unklar ist beispielsweise bislang, inwiefern Unternehmerinnen über formelles Wissen aus (höherer) Schulbildung oder Studium verfügten oder ob sie eher informelles Wissen aus ihrer Mitarbeit in familiären Unternehmungen anwenden konnten. Gab es auch eine international oder grenzüberschreitend ausgerichtete Erziehung von bürgerlichen Frauen? Bislang existieren kaum Studien, die das unternehmerische Handeln von Frauen international verglei12 13

14 15 16 17 18 19

Fritz Redlich, Der Unternehmer, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1964, S. 489. Hans Pohl (Hg.), Legitimation des Managements im Wandel: Zur Diskussion über Funktion und Auftrag der Unternehmensleitung während der letzten 150 Jahre, Wiesbaden, Steiner, 1983; Alfred D. Chandler Jr., The Visible Hand: The Managerial Revolution in American Business, Cambridge, Mass., Belknap, 1977. Mark Casson, Art. Entrepreneurship, in: The Concise Encyclopedia of Economics 1993 (2002; URL: http://www.econlib.org). Hermann Simon, Die heimlichen Gewinner: die Erfolgsstrategien unbekannter Weltmarktführer, Frankfurt a. M., Campus, 1996 (im Original: Hidden Champions, 1996). Vgl. Ralf Ahrens, „Krisenreaktionen im Strukturwandel. Der deutsche Maschinenbau in den ‚langen siebziger Jahren‘“, in: Jahresbericht des Zentrums für Zeithistorische Forschung, 2010 (2011), S. 42–47. Vgl. dazu den Artikel von Françoise Berger im vorliegenden Band. Ulrich Bröckling, Das unternehmerische Selbst. Soziologie einer Subjektivierungsform, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 2007, S. 191 f. und S. 185. Karin Hausen, „‚Doch der Graben war viel zu tief‘. Zur Distanzierung der Frauen von der Welt der Technik“, in: R. Grube u. a. (Hg.), Diskussionsfeld Technische Ausbildung 4, Alsbach, Leuchtturm, 1990, S. 155–161.

Deutsche Unternehmerinnen in der Nachkriegszeit

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chend betrachten oder ihre grenzüberschreitende Tätigkeit thematisieren, so dass der vorliegende Artikel weitgehend Neuland betritt. Aus Beschränkungsgründen werden hier an einem aussagekräftigen Fallbeispiel, der schwäbischen Unternehmerin Irene Kärcher, verschiedene unternehmerische Aspekte genauer betrachtet, die für dieses Agieren zwischen Deutschland und Frankreich relevant waren. Als Quellen dienen neben Veröffentlichungen und Interviews aus dem Unternehmen auch die wenigen vorhandenen Zeitungsberichte und Selbstzeugnisse.20 HERKUNFT, SOZIALISATION UND AUFBAULEISTUNG DER UNTERNEHMERIN Irene Kärcher (1920–1989) entstammte der frommen Kaufmannsfamilie Herzog aus Esslingen. Sie verfügte durch das Tübinger Jura-Studium ihres Vaters und ihr Engagement als Schaftführerin im Bund Deutscher Mädel bereits seit früher Jugend über ein beachtliches privates Netzwerk, das über ihren Heimatort hinausreichte.21 Während die Mutter als Tochter eines Schmuck- und Goldwarenhändlers in ihrer Jugend einen längeren Aufenthalt in England verbracht hatte, war Irenes Vater, mit dem sie noch enger verbunden war, frankophil und reiste häufig nach Frankreich. Daher erlernte Irene sowohl Französisch als auch Englisch. Nach Besuch der Realschule mit dem Abschluss der Mittleren Reife erhielt sie zudem eine Hauswirtschaftsausbildung in einem privaten Institut am Bodensee.22 Seit Ende der 1930er Jahre war sie als Sekretärin des Direktoriums bei Daimler-Benz beschäftigt und konnte dort umfangreiches Wissen über Buchführung, Personalmanagement und die Führung eines der größten deutschen Industrieunternehmen erwerben. Möglicherweise vermittelte ihr diese gehobene Position als Chefsekretärin auch ihr Bruder Eberhard (1928–2000), der dort ebenfalls in leitender Funktion tätig war. Am Arbeitsplatz wurde sie neben wichtigen Größen der Maschinenbau- und Fahrzeugindustrie mit dem 19 Jahre älteren Alfred Kärcher bekannt. Sie heirateten nach Zögern Irenes aufgrund der großen Altersdifferenz erst 1949, zogen auf das Firmengelände und bekamen zwei Kinder, Johannes (*1950) und Susanne (*1957).23 Irene Kärcher zeichnete sich neben ihrer höheren Schulbildung und Kenntnissen durch die etwa zehnjährige Tätigkeit bei Daimler-Benz dadurch aus, dass sie sich von Beginn an mit dem Familienunternehmen identifizierte. Sie sagte rückblickend in einem Interview (1987): „Vom Tage meiner Heirat an engagierte ich mich 20

21 22

23

Umfassend auch Sabine Villhauer, Irene Kärcher. Eine schwäbische Unternehmerin im späten deutschen Wirtschaftswunder, unveröff. Masterarbeit, Universität Mannheim 2013. Frau Villhauer danke ich für weiterführende Hinweise, Transkriptionen und Diskussionen über Irene Kärcher als Pionierunternehmerin. Villhauer, Kärcher, S. 27 ff. Interview mit Susanne Zimmermann von Siefart, Tochter von Irene und Alfred Kärcher in der Filmdokumentation über Alfred und Irene Kärcher von Johannes Kaltenhauser und Norbert Schnitzler, vgl. die zweite Irene Kärcher gewidmete DVD, Das Vermächtnis. Erinnerungen an die Unternehmerin Irene Kärcher, o. O. [Winnenden] 2002, Minute 02:08. Vgl. zur Tätigkeit bei Daimler auch Jörg Müller, Neffe von Alfred Kärcher und ehemaliger Leiter der Entwicklungsabteilung, in: Das Vermächtnis.

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im Unternehmen meines Mannes. Ich war sein Mädchen für alles.“24 Auch ihre Tochter, Susanne Zimmermann von Siefart, beschrieb sie in einem postumen Interview als aktive Mitunternehmerin: „Sie war nicht nur Hausfrau. Also … Hausfrau passt zu meiner Mutter nicht. Das hat schon damals nicht gepasst. Sie war zwar zu Hause, aber das Haus stand ja mitten in der Firma und sie hat alle Vorgänge in der Firma mitgekriegt über meinen Vater. Also sie kannte alle Leute, sie wusste, was dort los ist und was wie läuft und warum und warum nicht.“25 Das kleine Unternehmen war von Alfred Kärcher (1901–1959) als Kommanditgesellschaft bereits im Jahre 1935 gegründet wurden. Der studierte Maschinenbauer und Elektrotechniker erhielt schon vor dem Vierjahresplan 1936 einen Großauftrag als Zulieferer für die Luftfahrtindustrie.26 Rüstungsgrößen wie Dornier, Heinkel und Junkers gehörten neben dem Sanitärfachhandel zu Kärchers wichtigsten Abnehmern. Zwar liegen bislang keine durchgängigen Umsatz- und Gewinnzahlen vor. Sie müssen aber beständig angestiegen sein, denn im Kriegsjahr 1943 erzielte Kärcher schon rund 11 Mio. Reichsmark Umsatz. Zudem verkaufte er 1936 sein Patent für Salzbadeöfen und erwarb mit dem Erlös ein größeres Firmengelände in Winnenden.27 Die Beschäftigtenzahl blieb zunächst noch in bescheidenem Umfang: 120 (1937), 140 (1948) bzw. 250 Beschäftigte (1959).28 Alfred Kärcher war von den in Deutschland stationierten US-Streitkräften für die Wartung von Heißwasser-Hochdruckreinigern beauftragt worden und entwickelte nach US-Vorbild bis 1951 ein eigenes Modell. Es sollte für lange Jahre der einzige europäische Hochdruckreiniger bleiben. Zwar waren die Umsätze mit 6,6 Mio. DM (1959) schon eindrucksvoll, doch das enorme Wachstum des Unternehmens sollte Alfred Kärcher nicht mehr erleben. Er verstarb im September 1959 plötzlich mit nur 58 Jahren an einem Herzinfarkt.29 Hatte er schon zuvor seine Frau in Entscheidungen, insbesondere über Personal und Investitionen miteinbezogen und auf ihren Rat in Konflikten vertraut, so übernahm diese nun nach kurzer Bedenkzeit als Eigentümerunternehmerin die Leitung.30 Zurückgreifen konnte sie als persönlich haftende Gesellschafterin nicht nur auf ihr im Rahmen der Mitunternehmerschaft erworbenes implizites Wissen, sondern auch auf die bewährte Führungsmannschaft ihres Mannes. Sie bestand aus drei Managern für die Bereiche Vertrieb, Konstruktion und Entwicklung sowie Finanz- und Rechnungswesen.31 24 25 26 27 28 29 30 31

Benno Keysselitz (Hg.), Kärcher. Reinigen zum System entwickelt, Münsing, Verlag für Wirtschaftskommunikation, 1987, S. 26. Vgl. Villhauer, Irene Kärcher, S. 35. Interview Zimmermann von Siefart, in: Das Vermächtnis. Alfred Kärcher GmbH & Co. KG, Kärcher Museum, S. 17–29. Vgl. auch dies. (Hg.), Alfred Kärcher – Ein württembergischer Tüftler & Unternehmer, Katalog zur Ausstellung, Winnenden, Eigenverlag, 2009, S. 6, 19. Ebd., vgl. Villhauer, Irene Kärcher, S. 25. Alfred Kärcher GmbH & Co. KG (Hg.), Alfred Kärcher, S. 25. Alfred Kärcher GmbH & Co. KG, Creating Values with Ideas, Winnenden, Eigenverlag, 2010, S. 9. Siehe Eintragung in das Handelsregister. Ihre Kinder wurden beschränkt haftende Kommanditisten. Interview Jörg Müller, Dr. Rolf Jauch und Margarete Judex, in: Das Vermächtnis.

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Entscheidende Schritte für die weitere, zunächst langsame Expansion des Unternehmens waren der Aufbau eines deutschlandweiten Vertriebsnetzes und die beständige Entwicklung neuer innovativer Produkte für gewerbliche Reinigungstechnik.32 Die rührige Tätigkeit der Chefin, die sich nach den Interviews mit Familienmitgliedern und Mitarbeitenden mit großer Verbissenheit in die Unternehmensleitung einarbeitete, führte schnell zu ersten Erfolgen: Nach einem Jahr stieg der Umsatz um bemerkenswerte 67,6 % an, und in den Folgejahren erhöhte sich nicht nur der Umsatz weiter (umgerechnet von 3,4 (1959) auf 8,8 Mio. Euro (1968)), sondern auch die Zahl der Mitarbeiter verdoppelte sich nahezu auf 420 Beschäftigte. Eine nach der kurzen Nachkriegsrezession 1967/68 begonnene Diversifizierung brachte mit der Ausweitung des Händlernetzes eine weitere Umsatzverdopplung: von 8,8 auf 16,5 Mio. Euro bis 1972.33 Irene Kärcher entschied 1974, dass das Unternehmen sich auf den Hochdruckreiniger fokussieren, die zuvor breit diversifizierte Produktpalette schmälern und als neue Markenfarbe Gelb einführen sollte. Der stärkeren öffentlichen Wahrnehmung des Unternehmens wurde damit der Weg bereitet, der 1984 im Einstieg in den Konsumgütermarkt für Privatkunden mündete.34 Umsatz und Beschäftigte verdoppelten sich danach nahezu alle zwei Jahre. Wesentliche Voraussetzungen dafür waren die früh genutzte Chance zur Internationalisierung des Absatzes, aber auch die Ausweitung des allgemeinen Konsums in der Bundesrepublik Deutschland. Denn wie aus einer Studie von Alfred Reckendrees hervorgeht, vergrößerte sich das disponible Einkommen erst langsam seit Mitte der 1960er Jahre. Da zunächst wichtige Konsumgüter für Fortbewegung und Versorgung wie Automobil, Fernseher und elektrische Haushaltsgeräte bevorzugt wurden, war der Kauf von kostspieligen Hochdruckreinigern nur einem kleinen Kreis von Privatleuten möglich. Dies änderte sich aber Mitte der 1980er Jahre, wie auch andere konsumhistorische Forschungen nahelegen.35 Daher bildet dieser strukturelle Wandel im Konsum eine wichtige sozio-ökonomische Basis für den Einstieg der Kärcher GmbH & Co. KG in das Geschäft mit Haushalts- und Gartenreinigungsgeräten.

32 33 34 35

Das Unternehmen meldete laut Deutschem Patent- und Markenamt insgesamt 3.045 Patente an und hält davon 999 aktuell. Die Firmenwebsite berichtet dagegen nur von 1.300 Patenten seit Gründung, von denen Kärcher heutzutage (2013) 460 hält. Siehe Villhauer, Kärcher, S. 40 und Anhang I.1. und I.12. mit Datenmaterial. Dazu ausführliches Interview Roland Kamm, Geschäftsführer Marketing und Entwicklung, in: Das Vermächtnis, 39:18–40:34 und 44:21–47:45. Alfred Reckendrees, „Konsummuster im Wandel, 1952–98“, in: Jahrbuch für Wirtschaftsgeschichte, 2 (2007), S. 29–61, hier: Statistischer Anhang. Vgl. Arne Andersen, Der Traum vom guten Leben. Alltags- und Konsumgeschichte vom Wirtschaftswunder bis heute, Frankfurt a. M., Campus, 1997, S. 21; Christian Kleinschmidt, Konsumgesellschaft, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2008.

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GRENZÜBERSCHREITENDE TÄTIGKEIT AUF FRANZÖSISCHEN MÄRKTEN Vorangegangen waren den Entscheidungen Kärchers intensive Beratungen mit ihrem nun für den Export bei Daimler-Benz zuständigen Bruder Eberhard Herzog und ihrem Netzwerk von Geschäftsfreunden und Ratgebern, z. B. von Bosch und Daimler.36 Ein besonders hoher Stellenwert kam in den ersten Jahren familiären Ratgebern zu, wie ein Neffe betonte: „Es war sicher nicht leicht, und ich glaube, ihr wichtigster Helfer war ihr Bruder, Eberhard Herzog, den sie gelegentlich mit ihren Fragen plagte oder vielleicht also auch mit ihren Befürchtungen plagte und der sie dann wieder aufgebaut hat.“37 Auch ihre enge Freundin Waltrude Schleyer, die Ehefrau von Daimler-Personalvorstand und späterem Arbeitgeberpräsident HannsMartin Schleyer, unterstützte diese Einschätzung.38 Für die Entscheidungen, neue Vertriebswege im Ausland zu gehen, scheint also Kärchers Bruder mitverantwortlich gewesen zu sein. So berichtete eine Vertraute im Haushalt Kärcher über ihn: „… wenn er unterwegs war, hat er wahrscheinlich, was ich vermute, sehr stark gesorgt dafür, dass auch dort für sie gearbeitet wird. … Weil sie hat immer gesagt: ‚Sonst komm’ ich ja nicht dahin. Mein Bruder kennt so viele. Dass ich da auch mit einsteigen kann.‘ Und sie waren ja dann überall in der Welt, sind jetzt überall.“39 Der Geschäftsführer für den Bereich Finanzen bestätigte wie zwei weitere Vorstandsmitglieder in Interviews diesen Eindruck der Haushälterin nicht nur, sondern berichtete auch anekdotisch über das Vorgehen Herzogs im Dienste der Kontaktanbahnung für Kärcher.40 Die erste Auslandsgesellschaft des Unternehmens, die „Kärcher Vaporapid“ wurde 1962 in Maisons-Alfort bei Paris installiert. Österreich und die Schweiz folgten wenige Jahre später, 1964 und 1966, mit eigenen Filialen.41 Weitere Auslandsgesellschaften wie Italien, Großbritannien, die USA und Ozeanien wurden erst ab 1974 und verstärkt seit den 1980er Jahren mit dem Einstieg in das Privatkundengeschäft begründet. Die endgültigen Entscheidungen über neue Vertriebsgesellschaften oder Standorte wurden von Irene Kärcher in Absprache mit der Geschäftsführung und dem Verwaltungsrat getroffen. Dies galt vermutlich auch für die erste Auslandsgesellschaft in Frankreich. Hier könnte sich auch das persönliche Interesse am Nach36

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Zu Herzogs Position bei Daimler-Benz in den 1990er Jahren siehe o. V., „Vom Rabatt ein paar Prozent“, in: Der Spiegel, 12 (1991), S. 112–118. Vgl. Interview-Passagen, in: Das Vermächtnis von Dr. Rolf Jauch, Rechtsanwalt, Ehrenvorsitzender des Verwaltungsrats der Kärcher GmbH & Co. KG, zuvor Mitglied des Verwaltungsrats der Kärcher KG, 1:03:51; Roland Kamm, 41:15 oder Arnhilde Domisch, Verwandte, 42:17. Kamm berichtete, dass sie sich intensiv mit Beratern besprach, keine spontanen Entscheidungen traf und wichtige Entscheidungen bisweilen zwei Jahre Vorlauf bedurften. Interviews Müller (Neffe) und Peter Weller, ehemaliger Leiter des Verkaufshauses Stuttgart, in: Das Vermächtnis. Interview Waltrude Schleyer, Freundin von Irene Kärcher, in: Das Vermächtnis, 30:12. Interview Gertrude Heer, Haushälterin und Kinderfrau bei Irene Kärcher, in: Das Vermächtnis, 31:36. Interview Robert Deibler, ehemaliger Geschäftsführer Finanzen, in: Das Vermächtnis, 32:08. Kärcher Museum, S. 49. Vgl. Villhauer, Kärcher, S. 39.

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barland ausgewirkt haben, dass sie mit ihrem früh verstorbenen Vater und ihrem Ehemann Alfred sogar über familiäre Konflikte hinweg verband.42 Ein längeres Interview, dass für einen historischen Erinnerungsfilm des Unternehmens mit Dr. Theo Katz, dem ehemaligen Geschäftsführer Frankreich der Kärcher KG, geführt wurde, macht deutlich, dass das Unternehmen in den 1960er Jahren zu den deutschen First Mover auf Auslandsmärkten zählte: „Kärcher war damals ein Pionierunternehmen, es war ein Abenteuer, wie die Erkämpfung des Westens in den Vereinigten Staaten.“43 Obgleich auch für diese Einschätzung quellenkritisch berücksichtigt werden muss, dass es sich beim Interviewten um einen ehemaligen Mitarbeiter mit großem Interesse an einer positiven Selbstdarstellung handelt, so lassen sich seinen Aussagen wesentliche Elemente des Frankreich-spezifischen Marketings von Kärcher entnehmen. Zudem können seine Aussagen mit den Interviews weiterer Geschäftsführer kontrastiert und überprüft werden. Ähnlich wie andere Unternehmen der Maschinenbaubranche, z. B. die Anker-Werke oder Rheinmetall, verfügte Kärcher mit seinen Vertriebsstandorten in Deutschland und im Ausland über wesentliche Voraussetzungen für das Direktmarketing von Industriekunden.44 Die technisch komplexe Reinigungstechnik benötigte ausführlichere Einführung, Beratung und Kundenservice in Form von Wartung, Ersatzteillieferung und Zubehör. Neben diesen klassischen Formen des Investitionsgütermarketings setzte Kärcher allerdings in Frankreich sehr früh auf Werbung in öffentlich breit zugänglichen Medien. Wie der Geschäftsführer Frankreich berichtete, war dafür ein Franzose verantwortlich: „ … ein Werbemann, den wir vom ersten Tag bis zum letzten hatten, Monsieur Le Jean und der hat viel Werbung sehr geschickt gemacht, mit wenig Geld. Am Radio vor allem den Namen bekannt gemacht. Durch Kärcher, Kärcher, Kärcher. Und dann im Fernsehen, als Geld etwas mehr verfügbar war, haben wir im Fernsehen Werbung gemacht. Die ganze Mannschaft bei Kärcher war dagegen. Ich war der Meinung, dass jeder Mann, der Radio hört, selbst vielleicht eine Garage hat oder ein Cousin oder Freunde und der kann ihm erzählen, da gibt’s was Neues, um Fett loszuwerden, um zu reinigen und das ist Kärcher. Und so kam ich zum Fernsehen, obwohl die Zielgruppe nur sehr bescheiden war. Habe ich immer gesagt, die Leute werden davon sprechen unter sich und der Name bekannt werden. Und es hat sich auch herausgestellt.“45

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Interview mit Kamm, in: Das Vermächtnis und Interview von Stefanie van de Kerkhof mit Hartmut Jenner, Vorsitzender der Geschäftsführung der Kärcher GmbH & Co. KG am 12.06.2013 im Hause Kärcher. Interview Dr. Theo Katz, ehemaliger Geschäftsführer Frankreich der Kärcher KG, in: Das Vermächtnis, 55:44. Britta Stücker, „‚Werbung um Vertrauen durch Schaffung eines positiven Firmenbildes‘ – die Öffentlichkeitsarbeit der Bielefelder Anker-Werke“, in: Clemens Wischermann (Hg.), Unternehmenskommunikation deutscher Mittel- und Großunternehmen, Dortmund, Gesellschaft für Westfälische Wirtschaftsgeschichte e. V., 2003, S. 181–213; Stefanie van de Kerkhof, „‚It’s good to have a reliable navy!‘ – Zur Rolle von Vertrauen und Sicherheit im Marketing deutscher Rüstungsunternehmen“, in: Christian Hillen (Hg.), „Mit Gott!“ Zum Verhältnis von Vertrauen und Wirtschaftsgeschichte, Köln, Stiftung Rheinisch-Westfälisches Wirtschaftsarchiv, 2007, S. 107–124. Interview Dr. Katz, in: Das Vermächtnis, 59:04.

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Fernsehwerbung war zu diesem Zeitpunkt in Westdeutschland erst in der Entstehung und wurde für Maschinen und Investitionsgüter kaum verwendet, weil die Märkte noch sehr aufnahmefähig waren.46 Für den französischen Markt von Kärcher hatte dieses neuartige Engagement in der Publikumswerbung aber Auswirkungen, die bis in die Gegenwart spürbar sind. Der französische Geschäftsführer berichtete: „[A]ls dann viele Jahre später, so wahrscheinlich 85, 84, 85, dann Hochdruckreiniger erschienen, für’s breite Publikum, für den Privatmann, für den Garten, für das Auto, war die Nachfrage in Frankreich wahnsinnig stark und wir konnten nicht nachkommen mit den Lieferungen. Also Kärcher konnte nicht mit den Lieferungen nachkommen. Wir haben damals unheimlich Geld verdient mit dem Hochdruckreiniger für den Privatmann und Do-it-yourself heißt das, und konnten leider nicht nachkommen, Kärcher konnte nicht liefern.“47

Mit dem Erfolg des Privatkundengeschäfts war ein neuer Slogan verbunden, der unter der Ägide der Marketingabteilung entwickelt worden war. Dr. Katz erinnerte sich richtigerweise daran, dass „sein [Roland Kamms, S. K.] Motto war dann, ‚Reinigen ist unsere Sache‘. Wir in Frankreich haben das etwas anders ausgedrückt, wir haben gesagt, ‚Kärcher mechanisiert die Reinigung‘, denn ‚Reinigung ist unsere Sache‘, da habe ich den Eindruck gehabt, das war ein Reinigungsunternehmen, nicht ein Maschinenbauunternehmen. Deshalb habe ich in Frankreich gewählt, ‚Kärcher mechanisiert die Reinigung‘.“48 Inwieweit diese spezifische Ausrichtung der Werbestrategien auf den französischen Markt sich auf Produktionszahlen, Absatz, Umsatz und Gewinne des Tochterunternehmens auswirkten, kann aufgrund des weitgehenden Fehlens quantitativer Daten aus dem Kärcher-Unternehmensarchiv nicht ermittelt werden. Die Erinnerungen des ehemaligen französischen Geschäftsführers lassen allerdings zum einen auf gute Expansions- und Profitmöglichkeiten schließen, die von Irene Kärcher reinvestiert wurden. Zum anderen machen sie deutlich, wie bekannt Unternehmen und Produkte wurden. Katz meinte: „Während mindestens 10 Jahren, 10 Jahre, haben wir Geld verdient und Frau Kärcher hat nie einen Cent aus Frankreich herausgezogen. Das Geld blieb immer in Frankreich, um zu investieren, vor allem in Werbung, um den Namen bekannt zu machen. Nebenbei gesagt, durch diese Werbung, die wir hier in Frankreich getrieben haben, ist der Name Kärcher in Frankreich sehr bekannt geworden und als Herr Kamm 15 Jahre später eine Forschung machen ließ über den Bekanntheitsgrad der Marke Kärcher in Europa hat sich herausgestellt, dass glaube ich 95 Prozent der Franzosen den Namen Kärcher kannten, wussten, dass das Hochdruckreiniger waren, während in Deutschland, ich bin nicht sicher, ob die Zahl stimmt, 70 Prozent der Deutschen nur wussten, was [Kärcher ist]. Zum Beispiel bin ich oft in ein Taxi eingestiegen und hab’ gesagt: ‚Fahren sie mich zu Kärcher!‘ Und der Taxifahrer in Frankreich wusste sofort, was das war,

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Vgl. Stücker: „Werbung um Vertrauen“ und Odin Schumacher: Die (Massen)konsumgesellschaft in den Medien – zur Etablierung des Werbefernsehens im öffentlich-rechtlichen Rundfunk, Dipl.-Arb. Masch. Köln 2009. Interview Dr. Katz, in: Das Vermächtnis, 59:04. Ebd., 40:35.

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während in Winnenden, Stuttgart, wusste der Taxifahrer nie, was Kärcher bedeutete. Also wir waren natürlich sehr stolz darauf.“49

Dieses Zitat zeigt die Bedeutung von „le Karcher“ in Frankreich sehr eindrücklich: Die breite Öffentlichkeit war informiert über das Gerät, die Technologie und ordnete den französisierten Namen dem Werk zu. Allerdings blieb in Frankreich wie in Deutschland Irene Kärcher, ihre Funktion und Bedeutung als Eigentümerunternehmerin nahezu unsichtbar. Berichte in Wirtschaftszeitschriften oder Tagespresse finden sich äußert selten und nur beschränkt auf gesellschaftliche Anlässe im Raum Winnenden. Während sich die Reinigungstechnik zu einem internationalen Markenartikel entwickelte, verschwand die leitende Unternehmerin hinter dem Werk und der Technologie.50 Dass „der Kärcher“ in Frankreich einen wesentlich höheren Bekanntheitsgrad als in Deutschland aufwies, war nicht zuletzt auf die länderspezifischen Marketingstrategien des Geschäftsbereiches und die entsprechenden Entscheidungen der Unternehmerin zurückzuführen. Der französische Geschäftsführer schrieb im Interview den enormen Erfolg auf den französischen Märkten der sorgfältigen Reinvestitionsstrategie der Pionierin Kärcher zu.51 Diese Einschätzung der französischen Führungsspitze galt auch für die Schweiz, die nur vier Jahre nach dem französischen Markt als neues Standbein auserkoren wurde. Der Geschäftsführer für die Schweiz, René Rutschmann, bestätigte den Eindruck länderspezifischen Marketings in einem Interview und berichtete detailliert von gescheiterten Übernahmen von Werbematerial aus Frankreich oder aus Deutschland, z. B. wurden Prospekte „helvetisiert“.52 Ein wesentliches Erfolgsrezept für das Kärcher-Marketing in Frankreich und der Schweiz war also die bewusste und sensible Adaption an die nationalen Spezifika. Dazu reichte es nicht nur, Verkaufstalente und kompetente einheimische Niederlassungsleiter zu rekrutieren, was von Irene Kärcher besonders ernst genommen wurde. Es galt auch, ein Gespür für die Absatzmärkte zu entwickeln. So berichtete Rutschmann, dass es: „ja eigentlich auch das erfolgreiche [war], dass Kärcher gesagt hat, jedes Land hat eigentlich seine eigene Kultur. Kollegen, wir können euch nicht den deutschen Stil aufdrängen, ihr müsst das individuell machen, ihr müsst, ihr seid verantwortlich für euer Land und wir können euch gute Produkte geben, wir können euch unterstützen in der Werbung, aber schlussendlich, die Resultate müsst ihr selber machen. Mit ihren eigenen Leuten da, in ihrem Land. Und ich glaube, das ist auch gut gelungen.“53 49 50

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Ebd., 1:01:58. Zu Markenartikeln und Reklame u. a. Pamela E. Swett / S. Jonathan Wiesen / Jonathan R. Zatlin (Hg.), Selling Modernity. Advertising in Twentieth-Century Germany, Durham, NC u. a., Duke UP, 2007; Peter Borscheid / Clemens Wischermann (Hg.), Bilderwelt des Alltags. Werbung und Konsumgesellschaft des 19. und 20. Jahrhunderts, Stuttgart, Steiner, 1995; Dirk Reinhardt, Von der Reklame zum Marketing. Geschichte der Wirtschaftswerbung in Deutschland, Berlin, Akademie, 1993. Interview Dr. Katz, in: Das Vermächtnis, 1:12:09. Interview René Rutschmann, Geschäftsführer Schweiz der Kärcher KG, in: Das Vermächtnis, 58:32. Ebd., 55:08.

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In der Schweiz wurde beispielsweise im Unterschied zu Frankreich mehr Wert auf direkte „Bearbeitung“ der Kunden gelegt, wobei die Qualifikation der Berater wesentlich war. Wie sich Rutschmann erinnerte, gab es für die Schweiz als neue Vertriebsfachleute „sogenannte ‚Verkaufsmonteure‘, die mussten also reparieren und verkaufen.“54 Hinter diesen Entwicklungen stand nicht nur der Geschäftsführer für Marketing und Entwicklung, Roland Kamm, der den Auslandsmitarbeitern große Handlungsspielräume ließ, sondern „die Frau Kärcher war natürlich immer dahinter, tough, hat gesagt, was sie will…“55 Planung und Instruktion für die ausländischen Gesellschaften übernahm Irene Kärcher persönlich, Kamm als leitender Manager zeichnete für die operative Detailplanung verantwortlich: „Sie hat uns gesagt, so muss es sein, ich will diese Resultate sehen und der Herr Kamm hat sie dann entsprechend auch aufgeteilt, wusste jedes Land, was zu tun war, er hatte auch die Zahlen gebracht, pro Kopf Umsätze, das war der Maßstab, ihr müsst auch so viel machen, das geht auch in diesem Land und so war sie ja auch dahinter und auch die Gewinne mussten da sein. Also schlussendlich musste man ja auch das Wachstum finanzieren und da war sie auch streng. Auch bei Bilanzbesprechungen, da hat sie auch entsprechend Kritik angebracht und hat gesagt, was sie will.“56

Ein ähnliches Verhalten legte Irene Kärcher auch bis zu ihrem Ausscheiden (1989) bei der Personalauswahl an den Tag, wo sie abweichend vom weiblichen Stereotyp zwar charmant, aber bisweilen mit harter Hand agierte, wie Interviewpartner berichteten.57 Damit kann an diesem Fallbeispiel die vorgestellte These Bröcklings vom changierenden Genderdiskurs über Unternehmerinnen durchaus zugestimmt werden. DEUTSCH-FRANZÖSISCHE BEZIEHUNGEN IN DER VERBANDSPOLITIK An diesem Bias änderte auch der Verband deutscher Unternehmerinnen wenig, der auf Anstoß von französischer Seite 1954 gegründet wurde. Schon 1950 hatte die französische Unternehmerin Yvonne Foinant versucht, über die IHK Remscheid westdeutsche Unternehmerinnen zwecks grenzüberschreitender Zusammenarbeit kennenzulernen. Sie war äußerst aktiv, hatte sich mit Kolleginnen bereits 1946 zum französischen Unternehmerinnenverband „Femmes Chefs d’Enterprise“ zusammengeschlossen und 1949 niederländische und belgische Unternehmerinnen für das europäische Netzwerk „Femmes Chefs d’Enterprise Européennes“ gewonnen. Der Beitritt der Verbände aus Kanada und den USA zum Verband der „Femmes 54 55 56 57

Ebd., 1:01:00. Ebd., 24:35. Interview Rutschmann, in: Das Vermächtnis, 1:03:10. Interview Dr. Rolf Jauch, Rechtsanwalt, Ehrenvorsitzender des Verwaltungsrats der Kärcher GmbH & Co. KG, zuvor Mitglied des Verwaltungsrats der Kärcher KG, in: Das Vermächtnis, 1:03:51. Vgl. auch Interviews mit Herrn Klein, dem ehemaligen Betriebsratsvorsitzenden, ihrem Sohn Johannes Kärcher, in: Das Vermächtnis und mit Herrn Jenner.

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Chefs d’Enterprise Mondiales“ konnte 1957 in Deutschland im Beisein von Wirtschaftsminister Ludwig Erhard und Bundespräsident Theodor Heuss begangen werden.58 Besonders engagierte sich als Präsidentin hier eine andere Unternehmerin aus der Schwerindustrie: Käte Ahlmann, die Chefin der Carlshütte in Rendsburg. Sie knüpfte Kontakte in höchste Regierungskreise, öffnete Unternehmerinnen den Zugang zu den bislang rein männlich organisierten Unternehmerverbänden (BDI, BdA und DIHT) und setzte sich inhaltlich für Gleichstellung und Weiterqualifizierung von Unternehmerinnen und Ingenieurinnen ein. Dass Irene Kärcher im Gegensatz zu Ahlmann in diesem deutsch-französischen Unternehmerinnennetzwerk nicht hervorgetreten ist, mag neben ihrer öffentlichen Zurückhaltung auch damit zu tun haben, dass die Präsidentin verstärkt Unternehmerinnen aus dem Industrieverband Eisen-, Blech- und Metallverarbeitende Industrie rekrutierte, dem wie sie selbst vorwiegend Frauen aus dem Norden und Westen angehörten.59 Zudem sind Frauen bis heute im Maschinenbau-Verband besonders stark unterrepräsentiert und waren bis in die jüngste Gegenwart in Gremien nicht vertreten.60 SCHLUSSBETRACHTUNG UND AUSBLICK Die gebildete und über ein großes Netzwerk verfügende Irene Kärcher blieb also im Gegensatz zu den international bekannten Produkten im Hintergrund. Die condition féminine des frühen 19. Jahrhunderts, als Unternehmerinnen wie Sophie Henschel in Schwerindustrie und Maschinenbau im Verborgenen agierten, änderte sich bis in die 1980er Jahre nur unwesentlich.61 Auch im Fall von Irene Kärcher verschwand die Unternehmerin hinter dem Werk und der Technologie, während „le Karcher“ in Frankreich aufgrund spezifischer Marketingstrategien sogar zu einem Synonym für das Reinigen wurde, allenfalls vergleichbar mit Tempo, Kleenex oder Tesa.62 Der hohe Bekanntheitsgrad war kein Produkt einer zufälligen Entwicklung, sondern auf sorgfältig geplantes transnationales Marketing und auf bewusste Reinvestition von Gewinnen in Werbung zurückzuführen. Irene Kärcher als frankophile Unternehmerin legte auf den Absatz im französischen Markt besonderen Wert, ließ die dort 58 59 60

61 62

Eifert, Unternehmerinnen, S. 96 und Felicitas Glade, Käte Ahlmann. Eine Biographie, Neumünster, Wachholtz, 2006, S. 388–393. Eifert, Unternehmerinnen, S. 100 und 138. Seit Gründung 1892 gab es beim VDMA bzw. seinen Vorläuferorganisationen keine Frau als Präsidentin oder Hauptgeschäftsführerin. Seit 2015 gibt es ein weibliches Mitglied der Hauptgeschäftsführung, im Präsidium ist aber weiterhin keine Frau vertreten und im engeren Vorstand von 24 Unternehmensvertretern nur eine Frau. Siehe www.vdma.org. Stefanie van de Kerkhof, „Vom Verschwinden der Unternehmerinnen im Kaiserreich“, in: Thomas Schleper (Hg.), Aggression und Avantgarde. Zum Vorabend des Ersten Weltkrieges, Essen, Klartext, 2014, S. 200–208. International bekannt wurde die provokative Stellungnahme Präsident Sarkozys zu den Pariser Banlieues und der dort herrschenden Jugendkriminalität: „Le terme ‚nettoyer au karcher‘ est le terme qui s’impose, parce qu’il faut nettoyer cela.“ Vgl. u.a. France 2, 29. Juni 2005 und „Azouz Begag tenté par François Bayrou“, in: Le Figaro, 13.03.2007. Siehe auch o. V., „Nachdenken über ‚le Kärcher‘“, in: Der Freitag, 16.07.2012.

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verwendeten Strategien in der Schweiz wiederum an die Konsumenten adaptieren, was die vergleichende Perspektive zeigte. Insgesamt wurde auch deutlich, dass es sich lohnt, die inter- und transnationale Entwicklung des Female Entrepreneurship an weiteren Fallbeispielen zukünftig genauer zu erforschen. Hierzu liegen bereits Arbeiten vor, die sich für Vergleiche hervorragend eignen und dazu ermuntern, Diversität in der Unternehmensgeschichte stärker mitzudenken.63 Darüber hinaus fordern die genannten Arbeiten des britischen Ökonomen Mark Casson dazu heraus, Entrepreneurship als interdisziplinäre Chance zu nutzen, um die anhaltende Trennung der Sozial- und Wirtschaftswissenschaften zu überwinden.

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Marion Rabier, Entrepreneuses de cause: contribution à une sociologie des engagements des dirigeants économiques en France, Diss. Lille 2014; Alison Kay, The Foundations of Female Entrepreneurship. Enterprise, Home and Household in London, c. 1800–1870, New York u. a., Routledge, 2009; Hannah Barker, Business of Women: Female Enterprise and Urban Development in Northern England 1760–1830, Oxford, Oxford UP, 2006; Galina Ulianova, Female Entrepreneurs in 19th c. Russia, London, Pickering & Chatto, 2009; Irene Bandhauer-Schöffmann (Hg.), Unternehmerinnen – Geschichte und Gegenwart selbständiger Erwerbstätigkeit von Frauen, Frankfurt a. M. u. a., Lang, 2000.

VERS UNE RÉVOLUTION CONSERVATRICE EN EUROPE ? La réception par les médias allemands des débats sur les ABCD de l’égalité Dominique Herbet Résumé Dans les médias, les élections en France et en Allemagne occupent une part toujours plus importante de l’actualité internationale dans la perspective de regards croisés, un accent mis sur les conséquences du résultat des élections par delà la frontière, mais aussi une dimension européenne : il est intéressant de se demander pourquoi l’information sur le débat français autour de l’ABCD de l’égalité, la prétendue « question du genre », dépassa en 2014 le cadre de la sphère nationale. Il existait certes un contexte particulier en l’Allemagne sous la forme du plan éducatif élaboré par le Land de Bade-Wurtemberg pour 2015 : par delà l’asymétrie, les médias se positionnent par rapport à des enjeux de société comme l’évolution de la condition féminine. Les médias hésitent-ils entre reflet de l’opinion publique ou prises de position avant-gardistes ou encore repli frileux ? Quelle image donnent-ils de la femme française et en miroir de l’opinion publique allemande ?

Zusammenfassung Medien berichten immer ausführlicher über Wahlkampagnen und Wahlergebnisse in Frankreich und Deutschland in einer transnationalen Perspektive: Journalisten unterstreichen den Stellenwert der Ergebnisse für das andere Land und sogar auf europäischer Ebene. Aus diesem Grund darf man sich fragen, warum die deutschen Medien 2014 in der Debatte über das „ABCD der Gleichheit“, die sogenannte Gender-Theorie, so oft Stellung genommen haben. Zu dieser Zeit sorgte die Debatte über den Bildungsplan 2015 in Baden-Württemberg ebenfalls für Aufsehen, und trotz einer gewissen Asymmetrie wurden die Reaktionen der Öffentlichkeit in Deutschland und in Frankreich verglichen. Wo liegen die Gemeinsamkeiten? Welches Bild der französischen Frau vermitteln deutsche Medien und was lehren sie uns über den Zustand der deutschen Öffentlichkeit?

Le premier constat fut celui d’une excellente réception du débat sur l’ABCD de l’égalité en France par les médias germanophones. De la fin janvier à la mi-février 2014, les grands quotidiens allemands et autrichiens, Süddeutsche Zeitung, Taz, Rhein-Neckar-Zeitung, Die Welt, Die Presse, mais aussi les hebdomadaires Die Zeit, Der Spiegel ou le mensuel Emma, ainsi que les chaines de télévision Arte, Euronews, ORF, ZDF, sans parler des réseaux catholiques www.kath.net (Autriche) ou www.civitas-institut.de, site des intégristes, prirent position sur ce « Kulturkampf » à la française, après que des parents français eurent appelé à boycotter l’école publique. Or, l’intérêt de ces médias ne fléchit pas pendant tout le premier semestre 2014, ce qui donne une couverture et un corpus remarquables. Le second constat renvoie à un contexte analogue en Allemagne du Sud, davantage marquée par le catholicisme et qui vit émerger un débat tout aussi virulent

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sur l’introduction de la diversité sexuelle dans les programmes scolaires en élaboration pour 2015 : l’asymétrie avec la France est évidente, puisqu’il concernait uniquement le Land de Bade-Wurtemberg, un Land gouverné par le Vert, Winfried Kretschmann, alors que le projet était déjà au stade de l’expérimentation en France, avant une généralisation à l’échelon national. Alors que la France venait de légaliser le mariage homosexuel, le gouvernement rouge-vert (Andreas Stoch, le ministre de l’Éducation, est membre du SPD) voulait éduquer à la diversité sexuelle. De plus, les Allemands s’attaquaient à l’enseignement de la diversité sexuelle de manière interdisciplinaire dans les 5ème et 6ème classes, alors que les Français voulaient instaurer une réflexion sur l’égalité entre homme et femme, dès l’école maternelle et primaire, ce qui leur valut aussi le reproche de vouloir nier le genre, au risque de perturber la construction de l’identité sexuelle des enfants. Le parallélisme s’impose néanmoins à deux niveaux, celui d’une réaction conservatrice, parfois violente, face à des initiatives venant de gouvernements socialistes et écologistes, et celui du retrait final des projets après plusieurs mois de polémique. De manière significative, il existe une page Wikipedia dédiée à la « Controverse autour du programme éducatif 2015 » (site allemand) tout comme à l’ABCD de l’égalité (site français)1. Le retrait du projet par les politiques pose différentes questions : l’adaptation de l’école aux évolutions de la société et l’éducation des enfants à la tolérance dès leur plus jeune âge ne vaudraient donc pas une « guerre » ? Doit-on néanmoins parler d’échec ? Dans le cadre des grands débats de société actuels, explicitement mis en relation par les médias avec les événements en France ou en Allemagne, tels le Tea Party aux USA, avec une comparaison entre Béatrice Bourges du « Printemps français » et Sarah Palin dans Der Freitag2, ou la réforme du droit de l’avortement en Espagne3, mais aussi la légalisation du mariage homosexuel en France et d’un troisième genre en République fédérale en 2013, cette étude vise à cerner l’image de la femme et de la condition féminine en France, vue d’Allemagne, et ce faisant, l’état de l’opinion publique en République fédérale. BILDUNGSPLAN 2015 ET ABCD DE L’ÉGALITÉ La polémique autour des nouveaux programmes scolaires a précédé la controverse française, ce qui peut en expliquer la très bonne couverture, notamment dans les journaux du Sud de l’Allemagne. Des parents réagirent contre le projet du gouvernement rouge-vert et manifestèrent, après qu’un enseignant, Gabriel Stängle, eut lancé une pétition en ligne, le 28 novembre 20134. La pétition « contre l’idéo1 2 3 4

http://fr.wikipedia.org/wiki/ABCD_de_l%27 %C3 %A9galit%C3 %A9. http://de.wikipedia.org/wiki/Kontroverse_um_den_Bildungsplan_2015_(Baden-Württemberg) (consulté le 12 juil. 2014). Romy Strassenburg, « Nackte Körper, nackte Angst », Der Freitag, 19 mars 2014. « Protestmarsch für das Recht auf Abtreibung », Euronews, 1er fév. 2014; « Madrid: Spanier demonstrieren für Recht auf Abtreibung », http://www.zeit.de, 8 fév. 2014 (consulté le 18 juil. 2014). http://www.bildungsplan2015.de/.

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logie de l’arc en ciel » actait la nécessité de lutter contre toute discrimination dans le cadre de l’enseignement, mais rejetait « une nouvelle morale sexuelle » et toute « construction théorique idéologique » inspirées par les groupes de lesbiennes, homosexuels, bisexuels, transgenres, transsexuels, intersexuels et queer (LHBTTTIQ), notamment au nom de la santé publique. L’éducation sexuelle devait rester partie intégrante des cours de biologie et non être transférée vers les sciences sociales. Début janvier, Der Spiegel déplora que l’on puisse ainsi « faire campagne contre la tolérance sexuelle » et dénonça le « soutien effrayant » dont l’action bénéficia, avec 66 000 signatures enregistrées en un mois5. Le portail Openpetition. de aurait certes exigé une version expurgée de « passages discriminatoires » sur le corps enseignant, accusé d’être l’« instrument de combat d’un lobby ». Fin janvier, 192 000 personnes (142 700 en ligne et 49 505 sur papier) avaient signé la pétition et une manifestation fut organisée à Stuttgart, à la fois par les opposants au projet (600 personnes), mais aussi par ses partisans (500 environ) qui perturbèrent le premier cortège6. En outre, SWR signalait qu’une contre pétition avait reçu 136 000 signatures en ligne et 87 000 sur papier (la pétition en ligne pouvait être signée dans tout le pays). L’article du Spiegel évoqua également un recours hiérarchique et une plainte déposés contre l’enseignant, membre d’une communauté chrétienne, plainte qui ne serait pas recevable car le cas relevait de la liberté d’expression, selon le Süddeutsche Zeitung7. Die Zeit, qui avait aussi repris l’information, exposa les prises de position des présidents de groupes parlementaires des Verts et du SPD, qui plaidèrent pour « l’école comme lieu de la diversité » et « une société ouverte et tolérante », et informa ensuite que deux églises évangéliques régionales et deux diocèses catholiques avaient publié un communiqué commun contre « toute forme d’instrumentalisation, d’idéologie et d’endoctrinement dans l’éducation »8, « tout citoyen étant libre de donner son avis de manière adéquate ». On n’avait pas le « droit d’influencer des enfants et des jeunes en quête de leur identité sexuelle », en outre ce qui était « controversé au sein de la science, de la politique et de la société » devait être présenté dans l’esprit de la controverse. Le magazine Wirtschaftswoche fut très présent sur cette question, avec deux articles prenant fermement position contre les réformes. D’abord un long essai de Bettina Röhl – la fille d’Ulrike Meinhof – documenta les droits d’une majorité d’individus, qui « tiennent toujours une femme pour ce qu’elle est », tout comme un homme, face aux « droits des minorités » ; elle reprit les principaux arguments quant à la protection de l’enfance, rendant responsable de ces dérives l’« idéologie

5 6 7 8

https://www.openpetition.de/petition/online/zukunft-verantwortung-lernen-kein-bildungsplan2015-unter-der-ideologie-des-regenbogens (consulté le 12 juil. 2014). Carola Padtberg-Kruse, « Bildungsplan für Baden-Württemberg: Lehrer hetzt gegen sexuelle Toleranz », Der Spiegel, 9 janv. 2014. « Unterrichtsthema Homosexualität. Streit um Bildungsplan verlagert sich auf die Straße », Südwestfunk, 2 fév. 2014. Johanna Bruckner, « Wider die Intoleranz », Süddeutsche Zeitung, 10 janv. 2014, http://www.sueddeutsche.de/bildung/petition-gegen-homosexualitaet-im-unterricht-wider-dietoleranz-1.1859429. « Homosexualität im Sexualunterricht », Die Zeit, 8 janv. 2014 ; « Kirchen wehren sich gegen Homosexualität auf dem Lehrplan », Die Zeit, 10 janv. 2014.

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du genre dominée par des tendances féministes radicales », laquelle serait « un droit octroyé d’en haut en Allemagne » et « incompatible avec la Loi fondamentale »9. Un second article informa d’une tentative de supprimer les cours de biologie et de leur substituer des enseignements sur les « phénomènes naturels et la technique », ce que le journaliste présenta comme une victoire des partisans des études de genre ou « idéologues du genre », qui verraient ainsi une bonne occasion d’obtenir des chaires à l’université, puisqu’on n’aurait plus besoin de spécialistes de biologie pour former des enseignants10. Pour Claudia Roth (Bündnis90/Die Grünen), dans Die Zeit, la pétition avait un caractère « homophobe » et l’Allemagne, voire l’Europe, se trouvait dans un « conflit de modernisation », bloquée entre des « revendications réactionnaires et le souhait d’égalité de la majorité dans cette société ». Mettant en garde contre l’instrumentalisation de la liberté d’expression par les populistes, lorsqu’ils parlaient de « protection de l’enfance », par exemple, elle accentua l’aspect « discriminatoire » de telles paroles qui relevaient du « non-respect des droits de l’homme », et elle cita aussi « le triste exemple de la Russie » et les « mouvements de protestations en France » où il y allait aussi de l’égalité11. Or, là se situe la pierre angulaire des différents débats, les conservateurs, souvent d’obédience religieuse, défendent des positions conformes aux rôles traditionnels de l’homme et de la femme dans la société. De la fin janvier à la mi-février, les médias germanophones couvrirent donc très bien les mouvements de protestation en France. Dès le 29 janvier, l’édition allemande d’Arte, Euronews, mais aussi ORF, posèrent la question des études de genre, sexe comme différence d’ordre biologique ou comme construction culturelle – avec référence à Simone de Beauvoir, et ils informèrent de l’appel de parents à boycotter l’école publique (selon Euronews, un boycott des cours de biologie en seconde par des Musulmans de Strasbourg aurait déjà été constaté) en raison de l’enseignement d’une « théorie du genre »12. La dépêche d’AFP – « En France, le boycott de l’école provoque de vives réactions » – fut reprise par la FAZ, Die Zeit, Taz, Neues Deutschland, Die Welt13. Comme dans le cas de la pétition de G. Stängle, l’ORF et le TAZ soulignaient le « surprenant » succès de cette action, une centaine d’écoles ayant été touchées le vendredi 24 janvier (certes sur 48 000 en France, chiffre gé9 10 11

12 13

Bettina Röhl, « Bildungsabsolutismus, Gender und das Grundgesetz », Wirtschaftswoche, 11 fév. 2014. Ferdinand Knauß, « Baden-Württemberg will Biologie-Unterricht abschaffen. Stuttgart in der Hand der Gender-Ideologen », Wirtschaftswoche, 18 fév. 2014. Claudia Roth, « Auch die Heteros profitieren », Die Zeit, 20 janv. 2014. C. Roth est vice-présidente du Bundestag et fut présidente des Verts pendant onze ans. Voir également Stefan Simons, « Massenproteste gegen Ehe-Gesetz: Tea Party auf Französisch », Der Spiegel, 2 fév. 2014. http://de.euronews.com/2014/01/29/streit-um-gender-theorie-in-frankreich. « Schulboykott sorgt in Frankreich für Aufregung » (AFP), http://orf.at/stories/2216099; repris par: Die Zeit, 29 janv. 2014, Die Welt, 29 janv. 2014 et Neues Deutschland, 30 janv. 2014. Cf. Également Barbara Lohr, « Das ABC des ‹ Anti-Gender ›-Komplotts (Arte-Journal), Arte, 30 janv. 2014. Pour les réseaux http://www.kath.net/ (Autriche) : « Frankreich streicht guten Familienvater: Gesetzesnovelle soll ein überholtes Familienbild abschaffen », 4 fév 2014; Michaela Wiegel, « Frauen keine guten Väter », FAZ, 29 janv. 2014.

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néralement mentionné), puis un absentéisme de 30 % ayant été constaté le lundi en région parisienne, avec un plan de grèves prévu jusqu’au 10 février. Euronews retenait l’argument des opposants, qui parlaient d’une « instrumentalisation de l’école publique par les associations homosexuelles », ce qui renvoie au cas allemand, tandis que l’ORF et le TAZ situaient prioritairement les protestataires parmi les « cercles d’extrême droite et catholiques intégristes ». Le TAZ évoqua en effet le soutien de l’Institut Civitas14 qui défend des positions catholiques intégristes, ainsi que la proximité de l’organisatrice du boycott, Farida Belghoul, avec les cercles d’extrême droite (Alain Soral, Dieudonné). Enfin, le correspondant de Der Spiegel à Paris informa sur les manifestations du début février à Lyon et à Paris, en faisant explicitement le lien avec le mouvement Tea Party aux USA15 : protestant contre la loi sur la famille annoncée par le gouvernement Ayrault, que les manifestants qualifiaient « d’hostile à la famille », « une alliance hétérogène de traditionnalistes, de dogmatiques religieux et de militants extrémistes » criait « revanche » pour la bataille menée en vain contre le mariage homosexuel. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, aurait évoqué « un climat politique proche des années trente ». Le Rhein-Neckar-Zeitung constata que « les protestations avaient une bonne longueur d’avance en France par rapport à l’Allemagne », puisque la première manifestation contre « une revalorisation du thème de l’homosexualité dans les enseignements » en Bade-Wurtemberg eut lieu le samedi 1er février, alors qu’on en était déjà au stade du boycott en France. Le parallèle entre les deux mouvements est donc explicitement établi par les médias et expliqua la bonne couverture médiatique du boycott en Allemagne : dans un cas comme dans l’autre, les protestataires arguaient d’un danger pour « la structure traditionnelle de la famille – papa, maman et des enfants »16. Le site allemand de Civitas mit aussi en garde face à une menace comparable17 : « celui qui a suivi les tendres protestations des derniers jours en République fédérale, sait que quelque chose de similaire ou presque identique est projeté ». En défendant la « structure traditionnelle de la famille », les conservateurs décrétèrent a minima le statu quo quant à la condition féminine ou aux droits de la femme.

14 15 16 17

« Was in Frankreich abgeht, geht uns alle an », 5 fév. 2014, http://www.civitas-institut.de/index. php?option=com_content&view=article&id=2231:was-in-frankreich-abgeht-geht-uns-allean&catid=1:neuestes&Itemid=33. Stefan Simmons, « Massenproteste … », op. cit. « Furcht vor der Gender-Theorie. Streit um Geschlechterrollen in Frankreich führt zu Schulboykott », Rhein-Neckar-Zeitung, 31 janv. 2014. « Was in Frankreich … », op. cit.

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LA CONDITION FÉMININE EN FRANCE VUE PAR LES MÉDIAS En Allemagne et dans les médias allemands, c’est un lieu commun que d’affirmer que la femme française peut davantage concilier famille et travail. Il existe des études sur ce thème et les médias le redirent notamment lorsque l’Office fédéral des statistiques publia les dernièrs chiffres de la démographie en automne 201318. Dans un reportage de la Deutsche Welle et un article du Frankfurter Rundschau, Christina Schildmann (Fondation F. Ebert), Dominik Grillmeyer (Institut franco-allemand) et Siegfried Stresing (Association des familles allemandes) prirent, par exemple, explicitement parti en faveur du modèle français. Selon la première, le « manque d’infrastructures d’accueil pour les enfants », signifiait en effet moindre « égalité des chances pour les femmes » ; l’accès aux crèches était par contre synonyme d’« ascension sociale des femmes », car plus elles « montaient » dans la hiérarchie, « plus elles avaient d’enfants », selon la première. Le second soulignait l’absence d’incitations fiscales en Allemagne, et le dernier, un « manque de reconnaissance en direction des familles nombreuses » : pour lui, les Allemands se seraient même « déshabitués » des enfants. De manière significative, la question du travail des femmes est passée sous silence lorsqu’est évoquée officiellement la pénurie de main d’œuvre dans certains secteurs : la République fédérale n’enverra pas ses femmes « dans la production », comme ce fut le cas en RDA. Le travail féminin, qui est une question essentielle en lien avec la condition féminine et les droits de la femme – sous ses deux aspects de libération ou double fardeau –, demeure donc une des principales différences culturelles entre la France et l’Allemagne. Dans ce contexte, un éditorial du Süddeutsche Zeitung rappela la manière dont les Allemand(e)s perçoivent la condition féminine en France : « En France, les études de genre à l’américaine n’ont jamais eu beaucoup d’avenir. Au pays du travail généralisé pour les femmes, du « deuxième sexe » et de la haute couture qui accentue la sexualité, l’analyse des différences entre les sexes en fonction des aspects économiques, sociaux, culturels et éthiques se trouva bloquée entre une représentation du citoyen universaliste, dont le sexe joue un rôle insignifiant, selon la philosophe Elisabeth Badinter, et les acteurs d’un jeu social subtil qui suit les règles de l’art de la séduction, au sens où l’entend la féministe Sylviane Agacinski »19.

Entre volonté d’égalité et féminité revendiquée, la femme française suivrait une sorte de troisième voie. Cette image presque bipolaire de la femme se trouva corroborée par les nombreux articles et reportages publiés dans les médias allemands sur la personne de la ministre des Droits de la femme, Najat Vallaud-Belkacem, avant et pendant les faits et ce, toujours avec une photographie à l’appui. Die Zeit, Brigitte, le Schweizer Tagesanzeiger, Emma, Focus, le Stuttgarter Zeitung et le Frank18

19

Angela Luci, « Les femmes sur le marché du travail en Allemagne et en France. Pourquoi les Françaises réussissent mieux à concilier famille et emploi ? », http://library.fes.de/pdf-files/ bueros/paris/08107.pdf; « Frankreichs erfolgreiche Familienpolitik », Deutsche Welle, 11 juin 2013 ; Kathy Stolzenbach, « Frauen häufiger ohne Kinder », Frankfurter Rundschau, 7 nov. 2013. Joseph Hamilton, « Gender-Debatte an französischen Schulen. Ist Feuerwehrfrau ein absurder Beruf? », Süddeutsche Zeitung, 31 janv. 2014.

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furter Rundschau, mais aussi SRF ou Deutschlandfunk évoquèrent une femme politique engagée sur les différentes questions touchant la condition féminine : une des « héritières de Simone de Beauvoir » qui « revendiquerait » des droits, « une ministre qui appuie à fond sur l’accélérateur », une « abolitionniste », « qui se bat », mais qui serait aussi « la préférée des Français »20. Or il est intéressant de constater, outre l’intérêt marqué des médias allemands, que N. Vallaud-Belkacem semble apte à faire le lien entre les deux types évoqués ci-dessus : elle a fait des études de droit et de sciences politiques, son engagement est citoyen, mais son style et sa jeunesse sont en parfaite adéquation avec les codes de la mode actuelle. Elle incarne la femme française, mariée, avec deux enfants ; elle est avant tout jeune et jolie, mais aussi d’origine marocaine, et elle est devenue ministre du Droit des femmes à 35 ans ; elle est capable de porter des réformes sur les grands projets de société – qui concernent aussi les femmes allemandes – égalité (des salaires, par ex.), parité dans les conseils d’administration, parmi les cadres ou la haute fonction publique, prostitution, et éducation à l’égalité – qui faisait suite au constat d’une stagnation des avancées en matière de droits des femmes. Le 28 janvier 2014, elle avait fait voter par l’Assemblée nationale la loi sur l’égalité entre hommes et femmes, loi votée par quelques élues de l’UMP, ce que la FAZ rapporta avec force détails21 : ce jour là, même « les immortels » ne furent pas à l’abri de ses critiques, « les étudiants des écoles de journalisme devraient dorénavant « suivre un enseignement obligatoire afin qu’ils puissent reconnaître les préjugés et clichés », enfin les « élections de mini miss seraient interdites aux jeunes filles de moins de treize ans ». Si donc Nathalie Kosciusko-Morizet, Valérie Pécresse et Nicole Ameline avaient voté en faveur de la loi, la FAZ précisait que l’UMP s’était abstenue et que Jean-François Copé y voyait « un danger pour la famille traditionnelle ». En effet, la journaliste rappela que les Verts français avaient aussi obtenu que le terme de « en bon père de famille » soit supprimé du Code civil et remplacé par « raisonnablement », ce qui aurait fâché les participants de « La manif pour tous » (en français dans le texte). En outre, les articles soulignaient « le rythme à couper le souffle » avec lequel elle mena les dossiers. Par ailleurs, le contexte international, qui a pesé dans ces débats, renforce bien l’idée que la condition de la femme, en général, est au cœur des enjeux. En février, Emma revint sur la décision française de supprimer la notion « de détresse » du texte de loi sur l’interruption de grossesse, alors que le gouvernement espagnol de Mariano Rajoy tentait de remettre en question le droit à l’avortement (avortement 20

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Karin Finkenzeller, « Simone de Beauvoirs Enkelinnen begehren auf », Die Zeit, 16 oct. 2012; « Najat Vallaud-Belkacem. Die Vollgas-Ministerin », Brigitte, consulté le 18 juil. 2014; Olivier Meiler, « Die Abschafferin », Schweizer Tagesanzeiger, 5 déc. 2013; « Prostitution in Frankreich » (Interview durch Christoph Heineman), Deutschlandfunk, 29 nov. 2013; «Frankreichs Liebste», Focus, 24 fév. 2014; « Frankreichs forsche Frauenministerin », SRF, 8 mars2014; « Frauenministerin in Paris: offensiv » (Interview durch Alice Schwarzer), Emma, mars 2014. Ce magazine a publié dans le numéro de mars l’intégralité du discours de NVB en faveur de la pénalisation du recours à la prostitution. En mars également, Axel Veiel, « Frauenministerin macht Ernst », Frankfurter Rundschau, 23 mars 2014. Michaela Wiegel, « Frauen keine guten Väter », op. cit.

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pendant les trois premiers mois de grossesse, sans indication médicale)22, et que 78 % des Espagnoles se prononçaient en faveur de la libéralisation voulue par le gouvernement Zapatero en 2010. Il s’agit aussi d’un thème sensible en Allemagne, même s’il n’y est pas à l’ordre du jour. Enfin, tous les médias soulignèrent un des aspects sensibles du mouvement français, qui résidait dans l’adhésion des « migrants » à ces slogans conservateurs et leur collusion avec les catholiques intégristes ou l’extrême droite raciste. Or, leur seul point commun était la peur d’une remise en question de la cellule familiale. Paradoxalement F. Belghoul, d’origine algérienne, venait de la mouvance antiracisme et N. Vallaud-Belkacem s’était élevée au rang d’icône politique d’un féminisme légaliste, tout en étant d’origine marocaine. Ces femmes issues de l’immigration faisaient la preuve d’une évolution importante du rôle traditionnel réservé aux femmes. La qualité et la densité de l’information sur le débat français dans les médias allemands témoignent donc d’une reconnaissance du modèle français en matière de droit de la femme à travailler. Cette reconnaissance s’accompagne d’une certaine admiration pour l’aptitude de la Française à assumer pleinement sa féminité et ce, au risque de réactiver certains clichés. Par-delà ce focus sur la France, les médias délivrent clairement le message d’un combat qui est loin d’être gagné. Et en effet, comment interpréter le double retrait des projets ? Dans un cas comme dans l’autre, il ne s’agit pas officiellement d’un retrait, mais d’un report en Bade-Wurtemberg, d’une redéfinition en France, afin de tenir compte de l’état de l’opinion publique. L’ÉTAT DE L’OPINION PUBLIQUE EN ALLEMAGNE L’interdépendance entre travail féminin – donc égalité de la femme – et accueil ou éducation des enfants est attestée par les médias. L’école publique, dès le plus jeune âge, est le moteur d’une démographie dynamique en France. En Allemagne, la réussite de la politique familiale française est attestée comme une avancée pour les droits de la femme, mais des doutes subsistent toutefois quant à la qualité de l’éducation par l’État. Dans ce contexte particulier, le politiste Dominik Grillmeyer constata que, malgré une évolution favorable concernant l’accueil des enfants en Allemagne, « la crainte, que les enfants ne soient éduqués, dans des institutions étatiques, de manière trop libérale ou trop peu chrétienne » « s’ajoutait encore trop souvent » aux préjugés usuels sur les « mères indignes » : « Il existe des réserves, qui consistent à dire que l’on est plus apte à éduquer son enfant », « Je ne le confierai pas aux bons soins de l’État, où il pourrait être endoctriné »23. Certes l’opinion publique est divisée en Allemagne comme en France, les lignes ne sont pas toujours clairement tirées et il existe même un clivage à l’intérieur de groupes constitués. Die Zeit informa ainsi d’une « dispute interne » au FDP de Bade-Wurtemberg dans le cadre du débat sur le Bildungsplan 201524 : suite à 22 23 24

« Hart umkämpft : Recht auf Abtreibung », Emma, 3 fév. 2014. DW, op. cit., 11 juin 2013. « Kirchen wehren sich … », Die Zeit, op. cit.

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la déclaration du président régional du FDP, Hans-Ulrich Rülke, considérant « les formes de vie commune autres que la famille classique » comme « tolérables, mais non d’égale valeur », le responsable régional des jeunes libéraux (Julis), Sebastian Gratz, répliqua en effet « qu’il avait honte de ces propos » et que « ces dires concernant une valeur moindre de relations entre personnes de même sexe constituaient un grain de sable dans les rouages du FDP rénové ». Dans la presse, Die Welt ironisa à propos des luttes contre l’ABCD de l’égalité sur le thème « un fantôme rôde en Europe », le fantôme du genre25 : le journal, généralement conservateur, stigmatisa les opposants au projet, « des extrémistes catholiques et musulmans qui exigent que l’on expurge toutes les bibliothèques enfantines des livres qui ne correspondent pas à leur représentation de la morale ». La théorie du genre éveillerait les fantasmes sexuels de cercles ultra-conservateurs catholiques et musulmans ». Des « agissements prétendument dangereux et perturbants pour les enfants » ne justifiaient pas qu’on leur fît « sécher l’école ». Katholisches Info, magazine en ligne qui existe depuis huit ans et se veut critique à l’égard du nouveau pape, a pris connaissance de cette position libérale avec indignation et titra peu après « Die Welt porte-parole allemand de la cathophobie de Hollande »26. Il reprocha au successeur d’Axel Springer, Mathias Döpfner, d’avoir « édulcoré » le contenu du journal, l’article de S. Lehnartz constituant un « summum » : les catholiques pratiquants se mueraient en effet « dans la représentation des lecteurs en terroristes islamistes ». La composante religieuse conservatrice du mouvement, qu’elle fût catholique ou musulmane, a été relevée dans les deux pays : là réside une analogie majeure. Par l’éducation des générations futures doivent se régler les grands débats de société : ainsi il semble bien que les avancées obtenues grâce à la lutte des femmes doivent être remises en question, sous couvert d’éducation des enfants. La condamnation du quotidien plutôt conservateur, Die Welt, ainsi que le ton distancié de nombreux articles sur la situation en France, posent la question d’un stade plus avancé de la réflexion en Allemagne, où l’on ne remettrait plus en question l’égalité homme/femme. Quoi qu’il en fût, l’intérêt pour les mouvements de protestation en France n’avait pas faibli au mois de mai et l’on put même noter une certaine fascination des médias allemands ou autrichiens pour la « journée de la jupe ». La portée du slogan avait été, de manière significative, renversée par F. Belghoul27, avant que des lycéens de l’académie de Nantes ne tournent son initiative en ridicule. A l’origine, il visait à soutenir les jeunes filles des quartiers sensibles, afin qu’elles puissent porter une jupe sans être stigmatisées, traitées de « putes ». Pour une action limitée à la province, et à 27 écoles de l’académie, on releva un nombre important d’articles plutôt bienveillants, publiés dans Der Spiegel, FAZ, Brigitte, Stern, Focus, mais aussi Der Standard, par exemple28, dans lesquels le terme de Kulturkampf revient 25 26 27 28

Sascha Lehnartz, « Gegner der Gender-Theorie stürmen Büchereien », Die Welt, 12 déc. 2014. « Die Welt als deutsches Sprachrohr für Hollandes Kathophobie », Katholisches.Info, 15 fév. 2014. Susanne Krause, « Gender-Theorie. Streit um Gender », Deutschlandfunk, 24 mars 2014 (« Papa trägt eine Hose und Mama einen Rock »). Michaela Wiegel, « Tag des Rocks spaltet Frankreich », FAZ, 16 mai 2014; Stefan Simons,

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cependant comme un Leitmotiv. L’article de la FAZ resta même nuancé, surtout en comparaison avec celui du Figaro29, et prêtait à Jean-François Copé l’idée que le livre Tous à poil (en français dans le texte) « minerait l’autorité paternelle ».Très bien documenté, le reportage paru dans Der Spiegel rappela qu’une journée d’action similaire avait déjà été organisée en 2013, sans faire scandale, et qu’elle avait fait des « émules » dans certaines écoles aux USA. Cet intérêt des médias peut être mis en rapport avec le fait qu’ils avaient aussi donné la parole aux jeunes Allemands, dans le débat sur la diversité sexuelle, lesquels se montrèrent bien conscients du manque de tolérance régnant dans les institutions scolaires où « Schwul » était une insulte répandue30. Pour ZDF, la notion de Kulturkampf – à comprendre comme un combat politique entre le pouvoir et les Eglises autour de l’éducation des enfants – était évidente et il s’agissait d’un soulèvement contre l’Aufklärung, d’une dispute autour du sexe : les concepts activés marquaient aussi une forme de distanciation par rapport au contexte français31. La tendance était la même dans Die Presse qui évoqua une « révolution conservatrice en France », car « de tels débats auraient été impensables, il y a peu, dans cette France apparemment progressiste »32. Certes, Der Freitag33 fit plutôt le constat d’« un scénario comparable à celui que l’Allemagne connaissait à la même période », une « vague d’indignation déferlant suite aux nouvelles directives éducatives en Bade-Wurtemberg », mais il insista sur la différence entre le contexte français et allemand, « le débat allemand tournant essentiellement autour du thème de l’identité sexuelle », alors que la France vivait un véritable Kulturkampf depuis deux ans. L’auteur souligna bien que le mouvement de « La manif pour tous » n’était devenu « un phénomène de masse que lorsqu’il s’était érigé en défenseur de la famille », et la FAZ documenta le soutien apporté par la Manif pour tous à la manifestation organisée le 5 avril à Stuttgart34. Finalement, le quotidien de Francfort revint aussi sur les violences inhérentes aux manifestations en Bade-Wurtemberg, accompagnées en effet de contre-manifestations, et sembla donc placer les deux sociétés sur le même plan, ce qui équivalait potentiellement à une mise en garde en direction de l’opinion publique allemande35.

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« Protest gegen Diskriminierung; Schüler im Rock verstören Frankreichs Konservative », Der Spiegel, 16 mai 2014; Michele Rothenberg, « Gegen Sexismus: Jungs gehen in Röcken zur Schule », Brigitte, 16 mai 2014; Jean-Sébastien Evrard, « Demonstration gegen Sexismus in Frankreich. Jungs gehen in Röcken in die Schule » (AFP), Stern, 16 mai 2014; « Buben im Mädchenrock sorgen für Aufruhr », Der Standard, 18 mai 2014. Des références aussi au livre de la sociologue Christine Bard, Ce que soulève la jupe. Identités, transgressions, résistances, Paris, Autrement, 2010. Eugénie Bastié, « Journée de la jupe : quand l’égalitarisme conduit à l’indifférenciation », Le Figaro, 14 mai 2014 (« L’activisme queer a désormais remplacé le féminisme de maman »). Cf. aussi le terme de « néoféminisme LGBT ». Johanna Schoener, « Homophobie », Die Zeit, 8 fév. 2014. Judith Mintrop, « Aufstand gegen Aufklärung. Sex-Streit an französischen Schulen », ZDF, 12 fév. 2014. Rudolf Balmer, « Frankreichs konservative Revolution », Die Presse, 13 fév. 2014. Romy Strassenburg, « Nackte Körper, nackte Angst », op. cit. Rüdiger Soldt, « Rot-Grün regt Korrekturen für Bildungsplan an », FAZ, 8 avril 2014. Rüdiger Soldt, « Kompromiss beim Bildungsplan », FAZ, 7 mars 2014.

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En avril, le gouvernement rouge-vert a reporté l’entrée en vigueur des nouvelles directives à 2016, après concertation avec les Églises, et en édulcorant l’incidence du thème36, tout comme Manuel Valls a annoncé fin juin que l’ABCD de l’égalité ne serait pas pérennisé en tant que tel : les deux décisions furent relayées dans les quotidiens du Sud de l’Allemagne essentiellement, principalement la FAZ pour la reculade française37. De manière surprenante, l’éditorialiste de la FAZ reconnaissait au gouvernement socialiste, « sur de nombreux points », une « politique familiale réaliste, moderne, progressiste », mais lui reprochait de donner le sentiment de vouloir « rééduquer l’homme », pour créer « l’homme nouveau ». Le traitement des deux thèmes par les médias allemands, mais surtout des enjeux de l’ABCD de l’égalité en France, prouve l’européanisation des questions culturelles et sociétales, ainsi que l’existence d’un espace public franco-allemand toujours plus vaste, même si les Français n’ont guère été informés de l’existence d’un débat analogue en Allemagne38. C’est un bilan très positif des relations franco-allemandes. En général, cet espace public n’échappe pas à une certaine asymétrie, dans la mesure où le primat de l’économie et de la finance à l’échelon international impose l’Allemagne comme un leader européen, ce qui n’est plus vraiment le cas de la France. Mais l’on constate ici une reconnaissance du particularisme français en matière de politique familiale et de politique des droits de la femme – pas uniquement bien sûr, car le modèle scandinave jouit également d’une image positive. Il conviendrait également de nuancer ces conclusions, en raison d’un fossé potentiel entre Allemagne du Nord et de l’Est par rapport à l’Allemagne du Sud et à l’Autriche. L’intérêt souvent bienveillant des médias allemands acte à la fois cette attractivité d’un modèle français, tout en soulignant le caractère imprévisible des voisins par delà le Rhin, dont on attendait plus de constance sur le sujet des droits de la femme, puisque les structures d’accueil y sont précisément au service de la famille, d’une famille nombreuse, que défendent les Chrétiens, certes à condition que ces structures portent leurs valeurs morales. Plus généralement, les médias germanophones tendent à mettre en garde contre une potentielle « révolution conservatrice » déjà en route en Europe et dans le monde.

36 37 38

Ibid., « Grün-Rot streicht ‹ sexuelle Vielfalt › aus dem Bildungsplan », Süddeutsche Zeitung, 9 avril 2014. Jürg Altwegg, « Französischer Kulturkampf. Darf man seinen Bauch vermieten? », FAZ, 6 juil. 2104. Cf. un des rares articles à ce sujet : « La diversité sexuelle ‹ déchire › le Bade-Wurtemberg », Le Monde, 11 janv. 2014.

PERSONENREGISTER / INDEX DES NOMS DE PERSONNES Addams, Jane 107 Ahlmann, Käte 312, 321 Alzon, Claude 184 Arnstein, Fanny 257 Auclert, Hubertine 9, 36, 38, 89 Augspurg, Anita 93, 121

Clauss, Wilhelmine 265 Colette (Sidonie-Gabrielle Colette) 140, 142 Copé, Jean-François 332 Cristiani, Lise 260 Cruikshank, George 80 Czerny, Carl 258

Badinter, Elisabeth 236, 244 Baillot, Pierre 258 Bäumer, Gertrud 114, 115, 119, 120, 121, 122, 124, 130, 133, 134, 139 Beaumont (de), Charles- Édouard 84 Beauvoir (de), Simone 109, 181, 182, 204, 205, 206, 245 Beer, Amalie 254, 255, 256 Behm, Margarete 136 Belghoul, Farida 222, 327, 330, 331 Benda, Ernst 174 Benoist (de), Alain 217 Benz, Bertha 312 Berner (von), Johann Friedrich 258 Berner (von), Marianne 258, 259 Bernhardt, Sarah 89 Bertrand, Mireille 183 Bettignies (de), Louise 104 Bieber-Böhm, Hanna 64 Bigot, Marie 272, 274 Blanchard, Henri 265 Blangini, Felicita 261 Boissier-Butini, Caroline 264 Botchkareva, Maria Leontievna 102 Bourges, Béatrice 324 Bouvier, Jeanne 121 Brandt, Willy 209, 210 Braun, Caspar 84 Brion, Hélène 107 Bronner-Hoepfner, Elisabeth 136 Brunschvicg, Cécile 13, 135, 137 Bruyr, José 74 Burda, Aenne 312 Butler, Josephine 61, 63

Dancourt, Christiane 205 Daniel, Jean 205 Daubié, Julie 59 Daumier, Honoré 79, 82, 83, 84, 87 Davis, Angela 198 Delphy, Christine 184 Deraismes, Maria 38 Deroin, Jeanne 36, 84 Dohm, Hedwig 86 Dona, Alice 268 Duchêne, Gabrielle 121, 122 Dukas, Paul 70, 74 Durand, Marguerite 113, 114

Campe, Johann Heinrich 271 Capy, Marcelle 107 Catulle Mendes, Jane 104 Cauer, Minna 93 Cavell, Edith 104

Eder, Josephine 262 Ertmann (von), Dorothea 257 Escudier, Léon 265 Escudier, Marie 265 Estrela, Edite 225 Farrenc, Louise 263, 277 Flaubert, Gustave 90 Fliess, Joseph 257 Focke, Katharina 176 Foinant, Yvonne 320 Fonda, Jane 198 Fontane, Theodor 90 Fromm, Julius 149 Gail, Sophie 264 Gambetta, Léon 56 Gaulle (de), Charles 40 Gavarni, Paul 83, 86 Giroud, Françoise 172, 173, 208 Giscard d’Estaing, Valéry 171, 173, 208 Gouges (de), Olympe 25, 29, 35, 34 Grandjouan, Jules 87 Gratz, Sebastian 331 Grillmeyer, Dominik 328 Guillaume II 64

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Personenregister / Index des noms de personnes

Guillaume-Schack, Gertrud 58, 59 Gulbransson, Olaf 87 Guyot, Yves 55, 57, 59, 60, 61, 62 Halbwachs, Jeanne 121 Halimi, Gisèle 206 Hayworth, Rita 288 Heck, Bruno 210 Heermann, Helene 258 Heidbrinck, Pierre-Oswald 93 Heine, Thomas Theodor 87, 94 Heinze-Frauen, die 169, 180, 181 Henschel, Sophie 309, 312, 321 Hensel, Fanny 256 Heymann, Lida Gustava 121 Hirschfeld, Max 148 Hippel (von), Theodor Gottlieb 35 Hogarths, William 80 Hugo, Victor 64 Hunke, Sigrid 224 Jacobs, Aletta 107 Jaëll, Marie 265 Jahn, Gerhard 203, 209, 210 Jelinek, Elfriede 268 Jourdan, Pauline 265 Juchacz, Marie 136 Junker, Carl Ludwig 260 Kärcher, Irene 309, 312, 313, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 321 Kessler, Gisela 181 Key, Ellen 124 Kinkel, Johanna 279 Klöckner, Peter 298 Köhler, Louis 275 Kollwitz, Käthe 108 Kullak, Theodor 275 Ladreyt, Eugène 87 Ladurner, Agathe-Victoire 260, 261, 262 Lagerlöf, Selma 124 Laloë, Jeanne 92 Landsfeld (von), Marie 85 Lang-Brumann, Thusnelda 136 Lange, Helene 113, 114, 118, 119, 120, 124, 125 Lanz, Julia 312 Larcher, Clarisse 260 Le Pen, Jean-Marie 217, 220, 221, 225 Le Pen, Marine 222, 225, 251 Le Petit, Alfred 87 Lebasque, Henri 109

Leblanc, Georgette 68, 70, 72, 73, 74, 76, 77 Lehideux, Martine 221 Lenz, Lucie 85 Levy, Sara 256, 257 Leyen (von der), Ursula 251 Lindenberg, Udo 268 Lip (les femmes de Lip), 169, 177 Liszt, Franz 259, 277 Loveday, Clara 264 Luxemburg, Rosa 89 Maaß, Winfried 206 Maeterlinck, Maurice 19, 67, 68, 69, 70, 72, 73, 74, 75, 76, 77 Malaterre-Sellier, Germaine 139 Mann, Katja (Pringsheim geb.) 86 Mann, Thomas 86 Marie-Antoinette, Königin 29 Martin, Joséphine 265, 277 Massart, Louise-Aglaé 275, 277 Mende, Clara 136 Messmer, Pierre 208 Misme, Jane 106, 120, 121, 122, 124, 125, 132 Montgeroult (de), Hélène 272, 277 Montigny-Rémaury, Caroline 259 Moreau, Jean 204, 205, 206 Morgner, Irmtraud 177 Moses, Montrose Jonas 74 Muchnik, Nicole 204 Müller-Emmert, Adolf 210 Napoléon Ier (Napoléon Bonaparte) 28, 29, 31, 39, 82 Neuhaus, Agnes 136 Neuwirth, Lucien 203 Niboyet, Eugénie 36 Nightingale, Florence 49 Oppeln-Bronikowski (von), Friedrich 70, 72, 76 Oswald, Nanette 260 Otto, Louise 37 Pain, Marie-Thérèse 261 Palin, Sarah 324 Pankhurst, Emmeline 106 Pappritz, Anna 61 Pasquier, Nicole 196 Passigli, Marisa 191 Paul, Bruno 92 Pelletier, Madeleine 62 Peyret, Claude 203, 208

Personenregister / Index des noms de personnes Philipon, Charles 84 Philippon, Odette 283 Pinl, Claudia 175 Piton, Monique 178 Pleyel, Marie 262 Pompidou, Georges 208 Poniatowski, Michel 208 Potonié-Pierre, Eugénie 9 Pross, Helge 176 Proudhon, Joseph 65 Rajoy, Mariano 329 Reznicek (von), Ferdinand 87 Richer, Léon 38 Rochefort, Christiane 205 Rode, Pierre 258 Röhl, Bettina 325 Röhl, Elisabeth 135 Roland, Madame (Jeanne Marie Philipon geb.) 29 Roland, Pauline 36 Rolland, Romain 119 Roth, Claudia 326 Roudy, Yvette 182, 183 Rousseau, Jean-Jacques 269, 271, 280 Roussel, Pierre 269, 271, 280 Roussopoulos, Carole 173 Rowlandson, Thomas 80 Rüger, Sigrid 179 Rühmkorf, Eva 174, 175 Rülke, Hans-Ulrich 331 Sainte-Croix (de), Avril 63 Sand, George 82, 84, 170 Sander, Helke 170, 179 Savigny (von), Friedrich Carl 33 Schickedanz, Grete 312 Schildmann, Christina 328 Schiller (von), Friedrich 34 Schindelmeisser, Fanny 278, 279 Schirmacher, Käthe 10 Schleyer, Waltrude 316 Schlumberger, Camille 65 Schneider, Friedrich 84 Scholz, Wilhelm 86 Schreiber, Adele 130, 132, 135, 136, 137 Schröder, Gerhard 174 Schüssler, Gitta 224 Schwarzer, Alice 182, 201, 206, 207

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Séverine (Caroline Rémy) 106 Siegfried, Julie 134 Spier-Irving, Isaak 141 Spitzweg, Carl 84 Stahr, Anna 259 Stahr, Helene 259 Stängle, Gabriel 324 Steiff, Margarethe 312 Steinlen, Théophile-Alexandre 87, 91 Stirbois, Marie-France 219 Stoch, Andreas 324 Stöcker, Helene 62, 63, 67, 68, 70, 71, 76, 77, 93 Stresing, Siegfried 328 Strinz, Martha 119 Suck, Rosa 264 Süßmuth, Rita 171 Suttner (von), Bertha 89 Taittinger, Jean 208 Terechkova, Valentina 191 Vallaud-Belkacem, Najat 328, 329, 330 Valls, Manuel 333 Veil, Simone 208, 211, 213, 219, 220 Vermeersch, Jeannette 183 Vérone, Maria 132 Viardot, Pauline 265 Vinteuil, Frédérique 184 Viviani, René 100 Vögler, Albert 298 Wartel, Thérèse 275, 277 Weber, Marianne 28 Weiss, Louise 196 Wieck, Clara 264 Wittig, Monique 245 Witt-Schlumberger (de), Marguerite 136, 137 Wulff, Zippora 257 Zander, Maria 312 Zangen, Wilhelm 298 Zapatero, José Luis Rodríguez 330 Zetkin, Clara 107 Zille, Heinrich 90 Zirges, Hortensia 264 Zuber, Ines Cristina 225

135,

DIE AUTORINNEN UND AUTOREN / LES AUTEURES ET AUTEURS B aBBe a nnkatrin , Doktorandin an der Universität Oldenburg, Wissenschaftliche Mitarbeiterin am Sophie Drinker Institut. Publikationen: Clara Schumann und ihre SchülerInnen am Hoch’schen Konservatorium in Frankfurt a. M. (= Schriftenreihe des Sophie Drinker Instituts, 11), Oldenburg 2015; (mit Maren Bagge), „Aus dem Liedschaffen von Helen Buchholtz. Das Motiv der Nacht in den Liedern ‚Und um die Holzbank duftete der Flieder‘ und ‚O bleib bei mir‘“, in Komponistinnen in Luxemburg. Helen Buchholtz (1877–1953) und Lou Koster (1899–1973), hrsg. von Danielle Roster und Melanie Unseld, Wien [u. a.] 2014, S. 165–194; „Ein Orchester, wie es bisher in Europa noch nicht gesehen und gehört worden war“. Das „Erste Europäische Damenorchester“ von Josephine Amann-Weinlich (= Schriftenreihe des Sophie Drinker Instituts, 8), Oldenburg 2011. Email: [email protected] B antigny L udivine , maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Rouen, chercheuse au Centre d’histoire de Sciences Po. Publications : Le plus bel âge ? Jeunes et jeunesse en France de l’aube des « Trente Glorieuses » à la guerre d’Algérie, Fayard, 2007 ; Jeunesse oblige. Histoire des jeunes en France (XIXe-XXIe siècles), PUF, 2009 (avec Ivan Jablonka) ; La France à l’heure du monde. De 1981 à nos jours, Seuil, 2013. Email: [email protected] B erger F rançoise , maître de conférences en histoire contemporaine à Sciences Po Grenoble, membre de la Commission de publication des documents diplomatiques français. Publications : « Fall 13. Das Rastatter Röchling-Verfahren » (avec Hervé Joly), in K. Priemel / A. Stiller (Hg.), NMT. Die Nürnberger Militärtribunale zwischen Geschichte, Gerechtigkeit und Rechtschöpfung, Hamburger Edition, 2013, p. 464–490 ; « France-Allemagne : stratégies industrielles comparées sur la longue durée », Outre-Terre n° 33–34, décembre 2012, p. 213–231 ; « André François-Poncet, un acteur de l’histoire franco-allemande et européenne », Questions internationales n° 56, juillet-août 2012, p.108–114. Email: [email protected] Bernier-Monod agathe, doctorante à l’université Paris-Sorbonne, sujet de thèse : De Weimar à Bonn : les femmes députées du Reichstag jusqu’au Bundestag. Parcours politique et travail parlementaire de quatre doyennes de la démocratie allemande, 1918–1957. Publications : « ‹ La mère de Berlin ›, représentation de Louise Schroeder dans la presse écrite (1947–1957) », Allemagne d’aujourd’hui, 2014/1, p. 74–82 ; « ‹ Lève-toi ! Aie le courage de vivre ! › : Lecture commentée de La vieille femme d’Hedwig Dohm, pionnière du féminisme allemand », Recherches féministes, revue

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Die Autorinnen und Autoren / Les Auteures et Auteurs

interdisciplinaire francophone d’études féministes, février 2014, p. 25–36 ; « L’Institut de Magnus Hirschfeld et le féminisme (1919–1933) », in A.-M. Saint-Gille / P. Farges (dir.): Le premier féminisme allemand : 1848–1933. Un mouvement social de dimension internationale, Villeneuve d’Ascq, 2013, p. 147–156. Email: [email protected] B riatte -P eters a nne -L aure , maîtresse de conférences à l’Université Paris-Sorbonne, membre du groupe de recherche « Mondes germaniques » du Laboratoire SIRICE (Sorbonne-Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe), et du comité de pilotage de l’axe 6 : Une histoire genrée de l’Europe, du LabEx Écrire une histoire nouvelle de l’Europe (EHNE). Publications : « Hors du mariage point de salut? Regards de réformateurs et féministes (Allemagne, fin XIXe-début XXe siècles) », Genre et Histoire, 16, automne 2015, http://genrehistoire.revues. org/2252; Citoyennes sous tutelle. Le mouvement féministe « radical » dans l’Allemagne wilhelmienne, Peter Lang, 2013 ; dossier sur la place des femmes dans la vie politique en Allemagne de 1945 à nos jours, in Allemagne d’aujourd’hui, 2014/1, p. 5–154 (en codirection avec François Danckaert, Université de Haute-Alsace). Email: [email protected] C hrastiL r aCheL , associate professor of history at Xavier University, Ph.D. from Yale University (2005). Publications: The Siege of Strasbourg, Harvard, 2014; Organizing for War: France, 1870–1914, Louisiana State, 2010. Email: [email protected] d uBsLaFF v aLérie , doctorante à l’Université Paris-Sorbonne et à la Ludwig-Maximilians-Universität de Munich, sujet de thèse : L’extrême droite politique à l’épreuve du genre : l’exemple du Parti national-démocrate d’Allemagne (NPD) en RFA, de 1964 à nos jours. Publication : « Les femmes en quête de pouvoir ? Le défi de la participation politique en République démocratique allemande », Allemagne d’aujourd’hui, 2014/1, p. 33–45. Email: [email protected] F arges P atriCk , maître de conférences (civilisation, histoire) au département d’études germaniques de l’Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, chercheur au CEREG. Publications : Bindestrich-Identitäten? Sudetendeutsche Sozialdemokraten und deutsche Juden als Exilanten in Kanada. Studie zu Akkulturationsprozessen nach 1933, Edition lumière, 2015 ; « Jeckes in Palästina/Israel. Versuch einer Männlichkeitsgeschichte », in K. Schubert / L. Guillon (Hg.), Deutschland und Israel/Palästina von 1945 bis heute, Königshausen und Neumann 2014, p. 53–73 ; Le premier féminisme allemand (1848–1933). Un mouvement social de dimension internationale, Septentrion, 2013 (en codirection avec Anne-Marie Saint-Gille). Email: [email protected]

Die Autorinnen und Autoren / Les Auteures et Auteurs

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F ioravanzo M oniCa , professeur associée d’histoire contemporaine, Université de Padoue. Publications : Nel Nuovo Ordine Europeo: documenti sulla Repubblica di Salò sotto il Terzo Reich, Padova, Cleup, 2000; Élites e generazioni politiche Democristiani socialisti e comunisti veneti (1945–62), Milano, Franco Angeli, 2003; Mussolini e Hitler: la Repubblica sociale sotto il Terzo Reich, Roma, Donzelli, 2009; La stampa politica femminile della DDR e la costruzione del consenso (1946–1949), Clio, 3–4/2014, p. 371–394. Email: [email protected] g erhard u te , em. Professorin für Soziologie mit dem Schwerpunkt Frauen und Geschlechterforschung an der Universität Frankfurt a. M., Direktorin des Cornelia Goethe Centrums für Frauenstudien. Publikationen: Frauenbewegung und Feminismus. Eine Geschichte seit 1789, München, 2. Aufl. 2012; „Die Frau als Rechtsperson – oder: Wie verschieden sind die Geschlechter? Einblicke in die Jurisprudenz des 19. Jahrhunderts“, Zeitschrift der Savigny-Stiftung für Rechtsgeschichte, 130/2013, S. 281–304; „Care als sozialpolitische Herausforderung moderner Gesellschaften. Das Konzept fürsorglicher Praxis in der europäischen Geschlechterforschung“, in B. Aulenbacher u. a. (Hg.), Sorge: Arbeit, Verhältnisse, Regime. Soziale Welt, Sonderband 20, Baden-Baden 2014, S. 67–86. Email: [email protected] h erBet d oMinique , Professorin für Deutschlandstudien an der Universität Charles de Gaulle/Lille. Publikationen: „Antisemitismus-Debatte 2011. Zur Spaltung in der Partei Die Linke und in der linksradikalen Presse“, in K. Schubert / L. Guillon (Hg.), Deutschland und Israel / Palästina von 1945 bis heute, Würzburg, 2014, S. 119– 136; „Wie links ist Sahra Wagenknecht?“, Germanistik in der Schweiz, 10/2013, S. 89–100; (Hg.) Culture ouvrière, Arbeiterkultur, Villeneuve d’Ascq 2011. Email: [email protected] h oFFMann F reia , Prof. Dr. phil. habil., Universität Oldenburg, Direktorin des Sophie Drinker Instituts. Publikationen: Herausgeberin des Online-Lexikons Europäische Instrumentalistinnen des 18. und 19. Jahrhunderts; Instrument und Körper. Die musizierende Frau in der bürgerlichen Kultur 1750–1850, Frankfurt a. M., Leipzig 1991; (mit Rebecca Grotjahn, Hg.): Geschlechterpolaritäten in der Musikgeschichte des 18.–20. Jahrhunderts, Herbolzheim 2002. Email: [email protected] k Laus -C osCa B arBara , freiberufliche Musikwissenschaftlerin und Musikerin, 2013 Promotion an der Humboldt-Universität zu Berlin bei Prof. Dr. Gerd Rienäcker: „La Passion de la clarté“ – Die Entwicklung der Frauenfiguren in der Oper „Ariane et Barbe-Bleue“ von Paul Dukas und Maurice Maeterlinck vor dem Hintergrund der Entstehungsgeschichte des Librettos; Dissertation, Humboldt-Universität zu Berlin, Philosophische Fakultät III, publiziert am 07.04.2016, urn:nbn:de:kobv:11-100237641, 2007 Stipendiatin des Forschungszentrums Musik und Gender (fmg) Hannover. Publikationen: „Ariane et Barbe-Bleue –

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Die Autorinnen und Autoren / Les Auteures et Auteurs

‚frauenbewegtes Musiktheater‘? – Eine Untersuchung zur Rezeption der Oper von Paul Dukas und Maurice Maeterlinck“, in Musik-Stadt. Traditionen und Perspektiven urbaner Musikkulturen, Bericht über den XIV. internationalen Kongress der Gesellschaft für Musikforschung, Band 4, Leipzig 2012, S. 272–278. Email: [email protected] k oCh u rsuLa e., em. Professorin für Kommunikationswissenschaft an der Ludwig-Maximilians-Universität München, Mitbegründerin der Equipe Interdisciplinaire de Recherche sur l’Image Satirique (www.eiris.eu) und ihrer Zeitschrift Ridiculosa. Publikationen: Der Teufel in Berlin. Von der Märzrevolution bis zu Bismarcks Entlassung. Illustrierte politische Witzblätter einer Metropole 1848–1890, Köln 1991; Marianne und Germania in der Karikatur (1550–1999), Leipzig 2011. Email: [email protected] k önig M aLte , PD Dr. für Neuere und Neueste Geschichte, wissenschaftlicher Mitarbeiter an der Goethe Universität Frankfurt. Publikationen: Der Staat als Zuhälter. Die Abschaffung der reglementierten Prostitution in Deutschland, Frankreich und Italien im 20. Jahrhundert (= Bibliothek des Deutschen Historischen Instituts in Rom, 131), Berlin 2016; „Syphilisangst in Frankreich und Deutschland. Hintergrund, Beschwörung und Nutzung einer Gefahr 1880–1940“, in Malte Thießen (Hg.), Infiziertes Europa. Seuchen im langen 20. Jahrhundert (Historische Zeitschrift, Beiheft 64), München 2014, S. 50–75; Kooperation als Machtkampf. Das faschistische Achsenbündnis Berlin-Rom im Krieg 1940/41 (= Italien in der Moderne, 14), Köln 2007. Email: [email protected] k wasChik a nne , Juniorprofessorin für Westeuropäische Geschichte an der Freien Universität Berlin. Publikationen mit geschlechtergeschichtlichem Bezug: „Selbstentwürfe intellektueller Frauen als Herausforderung an die Intellektuellengeschichte: Am Beispiel von Simone de Beauvoir und Colette Audry“, in S. Bung / R. Weiershausen (Hg.), Querelles-Jahrbuch 2010: Simone de Beauvoir, Göttingen 2010, S. 165–181; „‚Zuweilen musste ich vergessen, dass ich eine Frau war‘. Artemisia Gentileschi, Anna Banti und Susan Sontag oder die Geschichte außergewöhnlicher Frauen“, in J. Engelmann / R. Faber / C. Holste (Hg.), Leidenschaft der Vernunft. Die öffentliche Intellektuelle Susan Sontag, Würzburg 2010, S. 49–63; „L’antifascisme au féminin: La RDA et Ravensbrück“, Témoigner. Entre histoire et mémoire. Revue pluridisciplinaire de la Fondation Auschwitz, 2009/104, S. 107–120. Email: [email protected] L eroux g iLLes , maître de conférences en langue et civilisation allemande contemporaine à l’Université de Strasbourg. Publications : « Femmes et familles de l’Est, vingt ans après » Cahiers d’études germaniques 58/2010, p. 221–235 ; « La condition féminine entre égalité des droits et égalité des chances » Allemagne d’aujourd’hui n° 4/2014, p. 125–137. Email: [email protected]

Die Autorinnen und Autoren / Les Auteures et Auteurs

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M aiLänder e Lissa , professeure associée à l’Institut d’études politiques de Paris et chercheure au Centre d’histoire de Sciences Po. Publications : « Eigensinn et ‹ usine de mort › : l’histoire du quotidien et l’univers concentrationnaire », Sociétés contemporaines, 2015/3, p. 81–104 ; « Ein Blick von außen: Was leistet die Soziologie aus der Sicht der Geschichtswissenschaften », in Michaela Christ / Maja Suderland (dir.), Soziologie und Nationalsozialismus. Positionen, Debatten, Perspektiven, Suhrkamp 2014, p. 511–527 ; Gewalt im Dienstalltag. Die SS-Aufseherinnen des Konzentrations- und Vernichtungslagers Majdanek 1942–1944, Hamburger Edition, 2009. Email: [email protected] M arLy M athieu , agrégé d’histoire, doctorant à l’Université de Lille 3, sujet de thèse : Recrutement, promotion et discipline dans les rangs de l’armée française (1872–1914). Publications : « Être ou ne pas être un ancien soldat de l’Empire ? Un processus identitaire dans les campagnes de Haute-Bretagne au XIXe siècle », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 2011/2, p. 103–116 ; « Les voix de la légende. Réflexions sur la parole des anciens soldats de Napoléon dans les campagnes du XIXe siècle », Romantisme, 2013/2, p. 113–122 ; « À l’école du régiment. Instruction, culture scolaire et promotion dans les rangs de l’armée française au XIXe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle, p. 145–161. Email: [email protected] M öser C orneLia , Wissenschaftlerin am CNRS in den Bereichen Geistesgeschichte und Genderforschung (Cresppa, Paris/CMB, Berlin). Publikationen: Féminismes en traductions, Paris 2013; „Translating Queer Theory to France and Germany. Tickets and Boundaries for a Traveling Theory“, in Mesquita, S. / Wiedlack, M. K. / Lasthofer, K. (eds.), Import – Export – Transport : Queer Theory, Queer Critique and Activism in Motion,Wien 2012. Email: [email protected] n uq a MéLie , maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université Pierre-Mendès-France (Grenoble), membre du LARHRA (Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes). Publications : « La première maison de redressement espagnole, l’École de réforme et l’asile de correction paternelle de Santa Rita (1883–1936) », in X. Huetz de Lemps / J.-P. Luis (dir.), Sortir du labyrinthe. Études d’histoire contemporaine de l’Espagne, Casa de Velázquez, 2012, p. 403– 430 ; « Les ‹ bagnes d’enfants › en question. Campagnes médiatiques et institutions éducatives », Revue d’histoire de l’enfance « irrégulière », 2012/13, p. 43–59 ; « Justice des mineurs, Église, contrôle social et croisade morale dans l’Espagne de Franco (années 1940 et 1950) », Rives méditerranéennes, Quelle régulation ? Normes, justice et violence du Moyen Âge à l’époque contemporaine, 2011/40, p. 107–132. Email: [email protected]

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Die Autorinnen und Autoren / Les Auteures et Auteurs

r iPa y anniCk , professeure en histoire sociale et politique de l’Europe du XIXe siècle, axe genre, à l’Université Paris 8, membre du laboratoire SIRICE (Sorbonne-Identités, relations internationales et civilisations de l’Europe), membre du comité de pilotage de l’axe 6 : Une histoire genrée de l’Europe, du LabEx Ecrire une histoire nouvelle de l’Europe, collaboratrice au quotidien Libération pour les critiques des ouvrages en histoire du genre. Publications : Les Femmes dans la société, une histoire d’idées reçues, Le cavalier bleu, 2016 ; L’étonnante histoire des belles-mères (éd.), Belin, 2016 Email: [email protected] s Chweitzer C Laudia , enseignant-chercheur au département de musicologie de l’Université Paul-Valéry (Montpellier). Thèse sur la professionnalisation du métier de la professeure de piano (« … ist übrigens als Lehrerin höchst empfehlungswürdig ». Kulturgeschichte der Clavierlehrerin, Oldenburg, 2008). Doctorante en science du langage à Paris 3, sujet de thèse : Histoire des théories du son du XVIIe au XIXe siècle (textes grammaticaux, textes de musique et de chant). Publications : « Überlegungen zur Entstehung und Bedeutung des französischen Musiksalons im ausgehenden 17. und im 18. Jahrhundert », in V. Timmermann / A.-K. Babbe (Hg.), Instrumentalistinnen des 18. und 19. Jahrhunderts und ihre Netzwerke, à paraître ; « Das unter ihrem Namen gedruckte Stück […], ob es nun gut oder schlecht sei, ist von ihr ; sowohl die Oberstimme, als auch der Bass und die Bezifferung – Französische Generalbassspielerinnen im 18. Jahrhundert », Musik & Ästhetik n° 5, 2013/1, p. 45–51. Email: [email protected] s tange -F ayos C hristina , professeur de civilisation allemande / histoire des idées à l’Université Jean Jaurès (Toulouse), directrice adjointe du Centre de recherches et d’études germaniques (EA 4151) des Universités Toulouse 2 et Montpellier 3. Publications : Lumières et obscurantisme en Prusse : le débat autour des édits de religion et de censure (1786–1796), Berne, Peter Lang, 2003 ; Publizistik und Politisierung der bürgerlichen Frauenbewegung. Die Zeitschrift « Die Frau » (1893– 1914), Frankfurt a. M., Peter Lang, 2014 ; (Hg.) Laboratorium der Moderne. Ideenzirkulation im wilhelminischen Reich, Frankfurt a. M., Peter Lang, 2015. Email: [email protected] t héBaud F rançoise , professeure émérite d’histoire contemporaine à l’Université d’Avignon, chercheuse associée à l’Institut des études genre de l’Université de Genève, codirectrice de la revue Clio. Femmes, genre, histoire. Publications : Écrire l’histoire des femmes et du genre, Lyon, ENS Editions, 2007 (traduction espagnole 2013) ; La fabrique des filles, Éditions Textuel, 2010 (avec Rebecca Rogers, réédition 2014) ; Les femmes au temps de la guerre de 14, Payot, 2013 (réédition complétée d’un ouvrage paru en 1986). Elle écrit actuellement la biographie de la Française Marguerite Thibert (1886–1982), docteure ès lettres, pacifiste, féministe, socialiste, et experte du travail des femmes au Bureau international du travail à Genève. Email: [email protected]

Die Autorinnen und Autoren / Les Auteures et Auteurs

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t iMMerMann v oLker , Dr. des. Wissenschaftlicher Mitarbeiter am Sophie Drinker Institut. Publikationen: (mit Freia Hoffmann, Hg.), Quellentexte zur Geschichte der Instrumentalistin im 19. Jahrhundert, Hildesheim [u. a.], Olms 2013; „Hortensia Zirges in Süddeutschland, Straßburg und Paris“, in Reiseberichte von Musikerinnen des 19. Jahrhunderts. Quellentexte, Biographien, Kommentare, hrsg. von Freia Hoffmann, Hildesheim 2011, S. 123–148; „… wie ein Mann mit dem Kochlöffel“. Violinistinnen um 1800 [Dissertation, Druck i. V.]. Email: [email protected] v an d e k erkhoF s teFanie , Dr. rer. pol. M. A., Professurvertreterin für Wirtschafts- und Sozialgeschichte an der Universität Mannheim. Publikationen: Von der Friedens- zur Kriegswirtschaft. Unternehmensstrategien der deutschen Eisen- und Stahlindustrie vom Kaiserreich bis zum Ende des Ersten Weltkrieges, Essen, 2006; „Vom Verschwinden der Unternehmerinnen im Kaiserreich“, in T. Schleper (Hg.), Aggression und Avantgarde. Zum Vorabend des Ersten Weltkrieges, Essen 2014, S. 200–208; „Die Industrialisierung der lothringisch-luxemburgischen Minette-Region 1800–1914“, in T. Pierenkemper (Hg.), Die Industrialisierung europäischer Montanregionen im 19. Jahrhundert, Stuttgart 2002, S. 225–275. Email: [email protected]; [email protected]

schriftenreihe des deutsch-französischen h i s t o r i k e r ko m i t e e s

Herausgegeben im Auftrag des Vorstands des Deutsch-Französischen Komitees für die Erforschung der deutschen und französischen Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts von Hélène Miard-Delacroix und Guido Thiemeyer.

Franz Steiner Verlag

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ISSN 1863–2076

Stefan Fisch / Florence Gauzy / Chantal Metzger (Hg.) Machtstrukturen im Staat in Deutschland und Frankreich / Les structures de pouvoir dans l’État en France et en Allemagne 2007. 188 S. mit 12 Abb., kt. ISBN 978-3-515-08946-3 Stefan Fisch / Florence Gauzy / Chantal Metzger (Hg.) Lernen und Lehren in Frankreich und Deutschland / Apprendre et enseigner en Allemagne et en France 2007. 240 S., kt. ISBN 978-3-515-08945-6 Chantal Metzger / Hartmut Kaelble (Hg.) Deutschland – Frankreich – Nordamerika: Transfers, Imaginationen, Beziehungen 2006. 227 S. mit 9 Abb., kt. ISBN 978-3-515-08926-5 Armin Heinen / Dietmar Hüser (Hg.) Tour de France Eine historische Rundreise. Festschrift für Rainer Hudemann 2008. 524 S. mit 92 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09234-0 Jean-Paul Cahn / Hartmut Kaelble (Hg.) Religion und Laizität in Frankreich und Deutschland im 19. und 20. Jahrhundert / Religions et laïcité en France et en Allemagne aux 19e et 20e siècles 2008. 197 S., kt. ISBN 978-3-515-09276-0 Alain Chatriot / Dieter Gosewinkel (Hg.) Koloniale Politik und Praktiken Deutschlands und Frankreichs 1880–1962 / Politiques et pratiques

coloniales dans les empires allemands et français 1880–1962 2010. 199 S., kt. ISBN 978-3-515-09670-6 7. Dietmar Hüser / Jean-François Eck (Hg.) Medien – Debatten – Öffentlichkeiten in Deutschland und Frankreich im 19. und 20. Jahrhundert / Médias, débats et espaces publiques en Allemagne et en France aux 19e et 20e siècles 2011. 321 S. mit 19 Abb., kt. ISBN 978-3-515-09886-1 8. Jean-François Eck / Dietmar Hüser (Hg.) Deutschland und Frankreich in der Globalisierung im 19. und 20. Jahrhundert / L’Allemagne, la France et la mondialisation aux XIXe et XXe siècles 2012. 213 S., kt. ISBN 978-3-515-10187-5 9. Michael Schmiedel „Sous cette pluie de fer“ Luftkrieg und Gesellschaft in Frankreich 1940–1944 2013. 360 S., kt. ISBN 978-3-515-10247-6 10. Johan S. U. Wagner Politische Beratungsinstitute, Europa und der Maghreb, 1990–2000 2014. 320 S., kt. ISBN 978-3-515-10647-4 11. Bernd Reichelt Fußball im deutsch-französischen Grenzraum Saarland/Moselle 1900–1952 2014. 421 S. mit 7 Abb., kt. ISBN 978-3-515-10893-5

Seit wenigen Jahren mehren sich die Stimmen, sowohl in Frankreich als auch in Deutschland, die neue Impulse für eine Geschichte der Frauen im Zeitalter der Geschlechtergeschichte fordern. Zeitgleich bringen aktuelle Diskussionen das Thema immer wieder auf die politische Agenda. Das Deutsch-Französische Historikerkomitee (DFHK) macht es sich daher zur Aufgabe, nach den „conditions féminines“ in der westeuropäischen Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts zu fragen und legt den Schwerpunkt dabei auf eine transnationale Perspektive.

Forscherinnen und Forscher aus Deutschland, Frankreich, Italien und den USA diskutieren unter anderem die folgenden Themenkomplexe: Welche Faktoren prägten die Entwicklung der Frauenbewegungen und wie wirkten sich Kriegsund Friedenszeiten aus? Welche Rolle spielten nationalstaatliche Kontexte und transnationale Verflechtungen in den 1970er Jahren? Welche Katalysatoren und Hindernisse sind für die Veränderungen von Arbeits- und Ausbildungswelten entscheidend? Und wie lässt sich die Geschichte von „Gender“ als einer Forschungskategorie in Europa schreiben?

www.steiner-verlag.de Franz Steiner Verlag

ISBN 978-3-515-11395-3

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