Histoire générale du Congo des origines à nos jours (Tome 4): Le Congo et son avenir 2296543677, 9782296543676

Ce quatrième volume sur l'histoire du Congo traite de l'avenir du Congo en abordant différentes thématiques :

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Histoire générale du Congo des origines à nos jours (Tome 4): Le Congo et son avenir
 2296543677, 9782296543676

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Histoire générale du Congo des origines à nos jours

Couverture : Logo du Cinquantenaire de l’Indépendance du Congo.

Sous la direction du Professeur Théophile OBENGA

Histoire générale du Congo des origines à nos jours IV. Le Congo et son Avenir

Préface par Denis SASSOU GUESSO Président de la République du Congo L’HARMATTAN

© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN : 978-2-296-54367-6 EAN : 9782296543676

PREFACE Inaltérable conviction, dans l’intelligence pratique de l’action politique pour bâtir une nation, édifier une patrie, construire un Etat dans le monde moderne, notre constante réflexion, par goût personnel (à cause de la prime éducation au village) et par expérience des affaires publiques (à cause des nécessités circonstancielles et des responsabilités), est que l’histoire ne saurait se résoudre en une succession de péripéties fortuites, mais qu’elle est, assurément, l’expression même de la relation dialectique entre le présent et l’avenir, le passé restauré et assumé, les faits connus. C’est cela la liberté qui garantit et préserve les valeurs de paix sociale, d’espérance collective, les vertus de démocratie et de travail qui procurent la prospérité et le bonheur. Affaire de mémoire et de conscience, l’histoire est également une affaire d’historicité, c’est-à-dire de valeurs fondamentales qui sous-tendent toute action humaine remarquable. Dès lors, il nous plaît de féliciter l’équipe mise en place, pour ses compétences, en vue de la rédaction de ce premier ouvrage de synthèse sur l’Histoire générale du Congo, des origines à nos jours. Ce travail patriotique de science et de culture, de connaissance et de pédagogie, trouvera nécessairement, et toujours, grand accueil auprès de tous les Congolais et de tous les amis du Congo de par le monde. C’est un des fermes souhaits à la Nation que nous formulons à l’occasion de la célébration du Cinquantenaire de l’Indépendance de la République du Congo.

Denis Sassou-0guesso Président de la République du Congo

PARTIE IX LA CO0STRUCTIO0 ECO0OMIQUE DU CO0GO

CHAPITRE 1er LA GESTIO0 ÉCO0OMIQUE DU CO0GO DE 1960 À 2010 par Hervé DIATA I0TRODUCTIO0 Après avoir utilisé le système des concessions comme mode de gestion économique du territoire du Moyen-Congo, l’administration coloniale opta, dans les premières années qui suivirent la fin de la Seconde Guerre mondiale, pour une gestion économique plus directe en recourant à la planification1. C’est ainsi que furent mis en œuvre, à partir de 1947, deux plans septennaux et un plan quinquennal financés par le fonds d’investissement économique et social (FIDES) auquel la métropole avait consacré une partie de l’aide Marshall en vue de développer les colonies. Le premier plan (1947-1953) visait la modernisation de l’axe fédéral de communication, l’électrification et l’adduction d’eau des principales villes, la construction d’aérodromes, des routes du Djoué et du Gabon, de la poste centrale à Brazzaville, des formations sanitaires, des infrastructures scolaires et urbaines. Le deuxième (1953-1959) visait le développement de l’économie rurale (agriculture, élevage, exploitation forestière),

1

Lire, à ce propos, Abraham Constant Ndinga Mbo, 2010, « La gestion économique du Congo (1886-1960) », in Histoire générale du Congo, vol. 2, pp. 197-223. -9-

l’équipement des centres secondaires et l’extension des écoles de brousse. Le troisième plan (1958-1962) visait l’encadrement des fermes pépinières, l’extension du réseau routier et le développement de l’industrie du bois. Complétant les investissements publics réalisés dans l’entredeux guerres (ouverture des routes, construction des ports de Brazzaville et de Pointe-Noire, construction du CFCO), les réalisations ayant sanctionné la mise en oeuvre de ces trois plans firent qu’à l’indépendance, le Congo disposait d’une infrastructure économique et sociale de base parmi les plus avancées d’Afrique subsaharienne. . Un projet qui aurait pu faire du Congo le centre industriel de l’Afrique est la construction du barrage du Kouilou auquel se seraient greffées de nombreuses industries lourdes, notamment sidérurgiques. Ce projet n’a pu être réalisé à cause du « non » guinéen à la Communauté, car la matière première devrait provenir de ce pays. Il a été récupéré par le Cameroun qui l’a réalisé, en dimensions plus réduites, à Edéa. En 1960, le PIB par habitant du Congo était de 511 dollars américains contre une moyenne de 330 pour l’ensemble des pays en développement. La structure de la production était la suivante : 23 % pour l’agriculture ; 17 % pour l’industrie (dont 10 % pour l’industrie manufacturière) ; 60 % pour les services. Les plans et programmes de développement ainsi que les politiques appliquées depuis l’accession du pays à l’indépendance ont-ils permis au Congo de réaliser des avancées significatives en matière de développement économique, social, culturel et humain ? Les lignes qui suivent sont consacrées à l’examen de cette question. Au cours des cinquante années écoulées, des efforts non négligeables ont certainement été déployés et une masse importante de ressources mobilisée. Cependant, la structure

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actuelle de l’économie congolaise et le taux de pauvreté atteint permettent de douter de l’efficacité de ces efforts. Aussi, l’objectif poursuivi à travers ce texte est-il d’analyser la pertinence, la cohérence et les effets des plans, programmes et politiques de développement mis en œuvre au Congo depuis l’indépendance. L’approche est à la fois historique, statistique et qualitative. Les plans, programmes et politiques de développement ayant une durée et des caractéristiques particulières, leur analyse peut nécessiter, moyennant des regroupements, un découpage de la période considérée en sous-périodes dominées par tel ou tel type de plan ou programme. Ainsi, l’histoire économique d’après indépendance permet-elle de distinguer deux souspériodes : la première (1960 à 1985) dominée par les plans et programmes de développement ; la seconde (1986-2010) dominée par les programmes d’ajustement structurel et les réformes de politique économique. En outre, les progrès enregistrés sur le plan statistique permettent de plus en plus de combiner la présentation des faits stylisés avec l’analyse quantitative des principales tendances. Toute analyse de performance nécessite le recours à deux types de variables et d’indicateurs à savoir, d’une part les variables et indicateurs d’effort et, d’autre part les variables et indicateurs de résultat. Dans notre cas, les variables et indicateurs d’effort correspondent aux objectifs des plans, programmes et politiques de développement, leur pertinence, les moyens pour les atteindre et la cohérence de ceux-ci par rapport aux objectifs et entre eux. Quant aux variables et indicateurs de résultat, ils renvoient à l’impact de la mise en œuvre de ces plans, programmes et politiques sur la croissance, les changements structurels de l’économie et la pauvreté. Les données quantitatives utilisées proviennent du Centre national de la statistique et des études économiques, de la - 11 -

Direction générale de l’économie, de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Les informations qualitatives sont tirées de nombreux documents présentés dans la bibliographie. Le texte comprend deux parties, la première rend compte des efforts accomplis par les autorités congolaises pour promouvoir le développement et, la deuxième est consacrée à l’analyse des résultats obtenus. I –Modalités de gestion de l’économie congolaise 1. Plans et programmes de développement Le premier effort de planification du développement fourni par les autorités congolaises remonte à 1963, lorsque fut élaboré le plan intérimaire 1964-1968. Ce plan avait pour objectif principal d’accélérer le processus de développement du Congo dans une perspective d’indépendance économique. Plus spécifiquement, il visait à concentrer l’effort sur la croissance, à assurer une bonne mise en valeur de l’agriculture en prenant comme critère principal la rentabilité et enfin, à étudier les perspectives d’une industrialisation rationnelle et obtenir une croissance par effets d’entraînement 2 Les investissements prévus dans le cadre de ce plan n’ont été réalisés qu’à hauteur de 32 % pour la raison suivante : selon les prévisions initiales, l’Etat devait financer 65 % des investissements, la majeure partie de ceux-ci devant provenir de l’aide extérieure, malgré le souci d’indépendance économique placé au centre du plan ; l’aide extérieure s’étant fait attendre, l’Etat n’a contribué finalement qu’à hauteur de 37 % contre 63 % pour le secteur privé. Cette contre performance a surtout touché le développement agricole et

2

République du Congo, 1963, Plan intérimaire 1964-1968. - 12 -

forestier, les réalisations dans ce domaine n’ayant été que de 12 % par rapport aux prévisions. La deuxième tentative de maîtrise du processus de développement s’est concrétisée à travers le Programme triennal de développement économique, social et culturel 1975-1977, après six années de vide complet pendant lesquelles les considérations politiques et idéologiques ont totalement pris le dessus sur le développement socioéconomique. Elaboré dans le contexte du boom pétrolier de 1973-1974, ce programme a fait de l’agriculture la « priorité des priorités », conformément aux directives du parti unique, le Parti congolais du travail (PCT), qui avait décidé de «prendre l’agriculture comme base et l’industrie comme facteur déterminant »3 du développement au Congo. Les missions essentielles assignées à l’agriculture dans ce programme sont : a) assurer la base de l’alimentation du peuple à des prix raisonnables ; b) fournir des matières premières à l’industrie nationale ; c) procurer des devises à l’Etat par l’exportation de certains produits. Le moyen privilégié par ce programme pour développer l’agriculture est la promotion coopérative. Cependant, malgré la proclamation de cette priorité, l’agriculture et l’élevage ne devaient recevoir que 7,2 % des investissements prévus et les Eaux et forêts 8 %. En outre, aucun financement n’avait été prévu dans ce programme pour la promotion coopérative, la quasi-totalité des ressources ayant été allouées au redressement et à la création des fermes d’Etat. Enfin, l’essentiel du financement devait provenir des recettes pétrolières ; 3

Comité central du Parti congolais du travail, 1974, Premier programme triennal de développement économique, social et culturel de la République populaire du Congo 1975-1977, p. 3. - 13 -

cependant le non maîtrise de celles-ci par l’Etat congolais et le retournement de la conjoncture sur le marché pétrolier ont fait que leur niveau ait été largement inférieur à celui escompté ; aussi ce programme n’a t-il été réalisé qu’à hauteur de 36 % des prévisions initiales. Après l’échec du programme triennal et, dans la confusion qui a suivi l’assassinat en 1977 du Président Marien NGOUABI, un programme d’action gouvernementale a été adopté pour la période 1978-1979. Ce programme qui réaffirmait la priorité à l’agriculture et la poursuite des actions en faveur de l’assainissement des fermes d’Etat, soulignait en outre la nécessité de désenclaver l’arrière-pays. Son niveau d’exécution a été bien plus faible que les précédents (15,8 % des prévisions). Deux autres programmes ont été adoptés par la suite, à savoir : le programme complémentaire 1980 et le programme transitoire 1981, avec comme préoccupation de prolonger les objectifs des programmes antérieurs et de préparer le futur plan quinquennal 1982-1986. Exécutés dans une conjoncture pétrolière particulièrement favorable, ces deux programmes ont connu des niveaux de réalisation appréciables (respectivement 69,7 % et 59 %). Elaboré dans un contexte marqué par le deuxième choc pétrolier, un cours du dollar élevé et l’abondance de liquidités au niveau international, le plan quinquennal 1982-1986 est sans conteste le plus ambitieux des programmes de développement jamais conçu au Congo. Ce plan avait comme visée stratégique la création d’un appareil de production national capable à la fois de permettre le plein emploi du facteur travail et de dégager un surplus suffisant pour assurer la reproduction élargie du capital. Dans cette perspective, deux grandes orientations avaient été retenues, à savoir : une fois de plus « prendre l’agriculture pour base et l’industrie comme facteur déterminant », puis « implanter un puissant secteur agro-industriel basé sur la sylviculture et la filière - 14 -

transformation du bois »4. Une place particulière avait été faite, dans ce plan, à l’aménagement du territoire, considéré comme la principale condition de succès de la stratégie. Quant à la répartition des investissements, l’agriculture (y compris l’élevage) proclamée cette fois encore « priorité des priorités » ne s’est vu allouer que 6,6 % des ressources et l’industrie 8,6 %. Avec un taux de réalisation de 67 % par rapport aux prévisions, le plan quinquennal 1982-1986 est à l’origine du niveau élevé d’endettement que connaît le Congo depuis le milieu des années 80. En effet, d’après les hypothèses envisagées lors de l’élaboration de ce plan, son financement à un niveau d’endettement acceptable supposait un montant de recettes pétrolières de l’ordre de 1050 milliards de francs CFA pendant les cinq années du plan. Un niveau de recettes inférieur à ce montant rendait l’endettement insupportable et, en dessous de 900 milliards, le financement devenait difficile, voire impossible. Or, les recettes pétrolières, sur l’ensemble de la période, n’ont été que de 835 milliards de francs CFA. Plutôt que de renoncer à l’exécution du plan, les autorités ont préféré définir un « noyau dur » comportant les projets supposés avoir des effets structurants sur l’ensemble de l’économie. Malgré cela, l’accroissement des dépenses de fonctionnement, notamment de la masse salariale, a contraint ces autorités à recourir aux emprunts extérieurs pour près de 429,24 milliards de francs CFA.5 L’augmentation du service de la dette et des frais de fonctionnement des services non compensée par celle des recettes budgétaires, a entraîné une crise des finances publiques qui a obligé les autorités congolaises à s’engager, à 4

5

République du Congo, 1986, Plan quinquennal de développement économique et social 1982-1986, p. 21. Ministère de l’économie, des finances et du budget, 2000, Reconstitution de la base de données budgétaires (1965-1990), Brazzaville, pp. 11, 12, 13, 61, 62. - 15 -

partir de 1985, dans un long processus d’ajustement structurel et de réformes qui se poursuit au moment où le Congo célèbre le cinquantième anniversaire de son indépendance. Reléguée depuis lors à l’arrière plan, la planification du développement semble néanmoins refaire surface depuis le milieu des années 2000. En effet, tout en poursuivant la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel et de réformes, les autorités congolaises ont élaboré un certain nombre de plans sectoriels et de programmes d’investissement publics. Il s’agit notamment des plans et programmes suivant : - Schéma national d’aménagement du territoire ; - Programme spécial pour la sécurité alimentaire ; - Programme national de développement sanitaire ; - Programme d’appui à l’éducation de base ; - Programme triennal d’investissements publics 20052007 ; - Programme triennal d’investissements publics 20092011 ; - Plan national d’action pour l’environnement ; - Plan national des transports ; - Plan national pour l’atteinte des objectifs du millénaire pour le développement. On pourrait ajouter à cette liste, le document intérimaire de réduction de la pauvreté (DSRP intérimaire 2005-2007) et le DSRP final 2008-2010 considérés comme cadre unique de référence et de coordination de toutes les interventions du gouvernement et des partenaires en matière de développement. Mais, bien qu’ils mettent l’accent sur l’une des dimensions essentielles du développement, à savoir : la réduction de la pauvreté et, bien qu’ils soient élaborés selon une démarche participative, les DSRP n’en sont pas moins une conditionnalité imposée par les bailleurs de fonds pour le desserrement de la contrainte financière et l’octroi de l’aide au - 16 -

développement. A cet égard, ils peuvent parfaitement être analysés dans le cadre des programmes d’ajustement structurel et de gestion des réformes. Si 7 des 9 plans et programmes cités ci-dessus sont sectoriels, les deux programmes triennaux d’investissements publics permettent de cerner les objectifs globaux poursuivis par les autorités depuis 2005. Le cadre de référence de ces programmes s’articule autour des objectifs du millénaire pour le développement, des engagements du Président de la République, Denis Sassou-Nguesso, contenus dans son projet de société, Le Chemin d’Avenir : de l’espérance à la prospérité, du DSRP et des accords conclus avec les institutions de Bretton Woods en vue de l’allègement de la dette congolaise. Ces programmes visent à consolider la paix et la sécurité, promouvoir la bonne gouvernance, la croissance, la diversification de l’économie, la création d’emplois, l’accès des populations aux services sociaux de base, la protection sociale, la réduction ou l’annulation de la dette, la restructuration du système financier national et le renforcement de l’intégration sous régionale. 2. Programmes d’ajustement structurel et gestion des réformes Le processus d’ajustement a été marqué par l’adoption de trois programmes d’auto-ajustement (1985-1986, 1994, 1995), trois programmes d’ajustement structurel ayant donné lieu à la signature d’accords avec le FMI (1986-1987, 1987-1988, 1996-1999). Les programmes d’ajustement structurel (PAS) mettent l’accent sur l’assainissement des finances publiques (accroissement des recettes, réduction des dépenses, remboursement de la dette extérieure), les réformes structurelles (fiscalité, cadre juridique et institutionnel, fonction publique, privatisations) et les politiques sectorielles (appui à la production agricole et forestière, amélioration de l’infra- 17 -

structure de base, augmentation des ressources consacrées aux secteurs sociaux). Interrompu par la guerre de 5 juin 1997, ce processus s’est poursuivi à travers le programme intérimaire post-conflit (PIPC) 2000-2002 ayant pour objet essentiel l’amélioration du cadre macro économique et la relance économique et sociale. Les priorités retenues dans le cadre du PIPC ont porté sur la mise en place des infrastructures économiques (35 % des investissements prévus) et sociales (20 %) jugées indispensables à la promotion de la croissance économique et à la réduction de la pauvreté.6 A partir de 2003, la République du Congo s’est lancée, avec l’appui de la Banque mondiale, du FMI et d’autres partenaires au développement, dans l’élaboration d’un document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) destiné à servir de cadre unique de référence et de coordination de toutes les interventions du gouvernement et des partenaires en matière de développement. Le DSRP intérimaire portant sur la période 2005-2007 retient les axes stratégiques suivants : 1/ consolider la paix et la bonne gouvernance ; 2/ consolider le cadre macroéconomique et relancer les secteurs clés ; 3/ améliorer l’accès aux services sociaux de base (éducation, santé, hygiène, assainissement et approvisionnement en eau de qualité) la protection sociale et l’emploi ; 4/ améliorer l’accès aux infrastructures de base ; 5/ renforcer la lutte contre le VIH/SIDA. De nombreuses faiblesses ayant été décelées dans ce document, notamment le manque de données statistiques fiables et de stratégies sectorielles, la faible concertation avec 6

République du Congo, 2000, Programme intérimaire post-conflit (PIPC) 2000-2002, p .6. - 18 -

les partenaires au développement, la faible appropriation du processus par les décideurs et la participation limitée de la société civile et des communautés de base, les autorités ont dû, à partir de 2005, toujours avec l’appui de la Banque mondiale, du FMI et d’autres partenaires au développement, élaborer un nouveau DSRP dénommé DSRP final couvrant la période 2009-2010. Celui-ci reprend les cinq axes stratégiques définis dans le DSRP intérimaire et les huit objectifs du millénaire pour le développement. S’agissant de la gestion des réformes, les efforts déployés par les autorités congolaises peuvent se saisir à travers l’adoption de plusieurs programmes et l’application de nombreuses mesures définies dans les accords de confirmation, la facilité d’ajustement structurel renforcée, la facilité de réduction de la pauvreté et pour la croissance, l’aide d’urgence post-conflit et les programmes suivis par les services du FMI. Ainsi en est-il de la libéralisation des prix, de la suppression des subventions aux entreprises publiques, de la suppression des monopoles publics et de la privatisation de certaines entreprises publiques opérée dès le début du processus d’ajustement. Dans le domaine de la gestion des finances publiques, on peut citer les mesures prises en vue d’améliorer la perception des recettes et le contrôle des dépenses, la création d’une cellule de suivi des recettes pétrolières, l’adhésion du Congo à l’initiative sur la transparence des industries extractives et , en ce qui concerne particulièrement la gestion de la dette publique, l’application des mesures qui ont permis l’accès du Congo au point d’achèvement de l’initiative pays pauvres très endettés. Sur le plan monétaire et financier, le système bancaire a été restructuré, une charte nationale des investissements et un nouveau code des marchés publics ont été adoptés. Enfin, s’agissant de l’intégration régionale, le système fiscalo-douanier sous-régional a fait l’objet d’une - 19 -

réforme dans le sens d’une harmonisation, un système de surveillance multilatérale a été instauré et un programme économique régional a été élaboré. 3. Appréciation des efforts accomplis Au-delà de l’adoption et de la mise en œuvre des plans et programmes de développement ainsi que des programmes d’ajustement structurel et des réformes, les efforts accomplis par les autorités congolaises en matière de développement doivent être appréciés par rapport à l’évolution et à la pertinence des objectifs, à l’importance des ressources mobilisées, à l’affectation de ces ressources et à la cohérence de cette affectation vis-à-vis des objectifs. De 1960 à 1985, l’objectif général affiché par les autorités congolaises à travers les différents plans et programmes mis en œuvre a toujours été d’accélérer le développement du pays dans une perspective d’indépendance économique devant compléter l’indépendance politique. Les objectifs secondaires, moyens de cet objectif général, ont varié avec le temps et les choix idéologiques : - accélérer la croissance par les effets d’entraînement, la mise en valeur agricole et une industrialisation rationnelle (programme intérimaire 1964-1968) ; - consolider et élargir le secteur étatique, liquider le secteur privé étranger en faisant de l’agriculture la priorité des priorités (programme triennal 1975-1977) ; - reconquérir l’espace national en faisant toujours de l’agriculture la priorité des priorités et en mettant l’accent sur l’infrastructure de transport. Pour un pays venant d’accéder à l’indépendance politique avec une économie qui, malgré l’héritage colonial évoqué en introduisant ce texte, présentait un potentiel agricole et industriel insuffisamment valorisé et un degré élevé d’enclavement de certaines zones, ces objectifs étaient tout à - 20 -

fait pertinents, bien que les modalités et le faible niveau de leur réalisation se soient soldés par une crise qui a obligé les autorités à changer d’objectifs. En effet, comme cela a déjà été dit, les autorités congolaises ont dû, à partir de 1985, accorder le primat à la libéralisation de l’économie, au rétablissement des équilibres internes et externes, au remboursement de la dette et à la gestion des réformes. S’il s’était agi de mesures de stabilisation et de relance s’inscrivant dans le court terme, celles-ci auraient pu être considérées comme de simples corrections apportées aux mécanismes de fonctionnement de l’économie afin de garantir la stabilité et la durabilité du développement. Mais le problème, dans le cas du Congo et, sans doute de nombreux pays en Afrique subsaharienne, tient au fait que le processus d’ajustement dure depuis vingt ans (un quart de siècle !!!), forcément en lieu et place du processus de développement. S’agissant des ressources mobilisées, signalons d’abord qu’entre 1960 et 2009, le produit intérieur brut (PIB) du Congo a été multiplié par 136, passant de 29,2 à 3983,3 milliards de francs CFA et que les recettes publiques ont été multipliées par 625, passant de 4,5 milliards en 1960 à 2814,9 milliards en 2010. Ces chiffres, qui illustrent l’augmentation spectaculaire du PIB et des ressources dont dispose l’Etat dans ce pays qualifié de très pauvre, ne disent rien sur les efforts accomplis par la puissance publique pour atteindre ces niveaux et pour promouvoir la croissance et le développement. Le taux d’investissement qui est la part du PIB consacrée à l’augmentation des capacités de production permet d’apprécier le niveau atteint par ces efforts. Sur l’ensemble de la période, ce taux s’est situé en moyenne à 31%, soit près du tiers du PIB. Il faut préciser que ce taux a été plus élevé entre 1960 et 1985 (35,7 %) que pendant la période d’ajustement structurel (26,4 %). Il faut aussi souligner le fait que depuis que le

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processus d’ajustement est en cours, l’essentiel de l’investissement est réalisé par le secteur pétrolier. Une appréciation plus qualitative des efforts réalisés peut être faite à partir de la manière dont l’investissement a été réparti entre les différents secteurs d’activité. Tableau 1 : Répartition sectorielle des investissements (en pourcentage) Secteurs

Infrastructur es de base Secteurs productifs, dont : - Agriculture élevage et pêche - filière bois - Industrie Secteurs sociaux, dont : - Santé - Education Autres secteurs

Plan intérimaire 1964-1968

Programme Plan triennal quinquennal 1975-1977 1982-1986

PIPC 20002002

DSRP-I DSRP-F 2005- 2008-2010 2007

36

35,8

49,7

38

41,97

50,5

28

22,9

35

8,7

11,8

12

7,2

7,6

3,7

6,5

5,47

7 9

8 7,7

17 8,6

2,7 0,5

2 0,9

8,19

13

10

5,5

20,3

18,8

4 9

2,6 7,4

2,3 2

8,6 0,4

10,1 4,7

23

31,3

9,8

27

28

5,29 6,23

Sources : Plan intérimaire 1964-1968 ; Programme triennal 1975-1977 ; Plan quinquennal 1982-1986 ; PIPC 2000-2002 ; DSRP-I, septembre 2004 ; DSRP-F, Mars 2008 Il apparaît à la lecture de ce tableau, que depuis 1964, le plus gros de l’investissement a prioritairement été alloué non pas à l’agriculture, ni à l’industrie, ni même aux secteurs sociaux, mais plutôt aux infrastructures de base. Ce choix - 22 -

stratégique a souvent été justifié par les effets d’entraînement que les investissements dans les infrastructures de base sont censés avoir sur les autres secteurs (réduction des coûts de transport et de l’énergie, amélioration de la compétitivité industrielle, amélioration des circuits d’approvisionnement en intrants et d’écoulement de la production agricole, accessibilité accrue aux services sociaux de base, etc.). En outre, la priorité donnée aux infrastructures s’est renforcée, notamment dans le cadre du DSRP final. II en est de même de la santé dont la part a augmenté depuis le début des années 2000. Par contre, l’agriculture, l’élevage, la pêche, l’industrie et l’éducation ont vu la part des investissements qui leur est consacrée se réduire. II – Impact sur le développement 1. Croissance de la production La croissance économique peut être analysée et caractérisée à partir de trois variables : d’abord son rythme qui permet d’en apprécier l’intensité et la stabilité ; ensuite ses sources qui informent sur son orientation ; enfin sa qualité qui peut être saisie à travers ses effets sur le développement. 2. Rythme de la croissance Après avoir connu une augmentation continue jusqu’en 1985, le PIB nominal a évolué de façon irrégulière au cours des vingt-cinq dernières années. Cette évolution a été surtout marquée par les périodes de boom pétrolier où la valeur nominale du PIB a augmenté à des taux particulièrement élevés : 30 % en 1974 et en 1979, 42 % en 1980, 50 % en 1981, 58 % en 2000. En termes réels, le PIB a cru au rythme annuel moyen de 4,6 %. Cette croissance se caractérise avant tout par les fréquentes fluctuations de son rythme, les périodes où le taux - 23 -

de croissance augmente, rarement supérieures à trois ans, alternant avec celles où ce taux diminue. Tableau 2 : Taux de croissance du PIB réel du Congo (%) Années

1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971

TCPIBR

15,2 8,8 5,8 8,7 6,7 6,1 7,6 8,8 1 -1,7 3,9 9

Années

TCPIBR

1972 1973 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983

4,1 -0,6 -0,8 -0,8 4,7 7,4 6 11,3 12,7 21,2 23,6 5,6

Années

1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995

TCPIBR

7,2 -1,2 -6,9 0,4 1,6 0,9 1,3 2,4 2,6 -1,2 -4,5 2,6

Années

1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009

TCPIBR

6,4 -2,4 3,7 -2,7 7,6 3,8 4,6 0,8 3,8 7,8 6,2 -1,6 5,8 7,9

Sources : C0SEE, BEAC

La comparaison des taux de croissance enregistrés pendant la période des plans et programmes de développement avec ceux de la période des programmes d’ajustement structurel révèle que les premiers sont en moyenne plus élevés (6,9 % entre 1960 et 1985) que les seconds (2,1 % entre 1986 et 2009). Il apparaît en outre que le Congo a connu sa plus forte croissance entre 1960 et 1967 (8,5 %) lors de la mise en œuvre du plan quinquennal 1958-1962 et du plan intérimaire 19641968 et, surtout, entre 1976 et 1985 (9,8 %) avec la mise en œuvre du programme triennal 1975-1977, du programme d’action gouvernementale 1978-1979, du programme complémentaire 1980, du programme transitoire 1981 et du plan quinquennal 1982-1986.

- 24 -

Par contre, la croissance la plus faible a été enregistrée entre 1968 et 1975 (1,8 %), période marquée, jusqu’en 1974, par l’absence totale de tout programme de développement, le primat ayant été accordé aux considérations politiques et idéologiques.

TCPIBR

Graphique 1 : Evolution du taux de croissance du PIB réel en République du Congo Evolution du taux de croissance du PIB réel de la République du Congo 30

25

20

15

10

5

2004

2002

2000

1998

1996

1994

1992

1990

1988

1986

1984

1982

1980

1978

1976

1974

1972

1970

1968

1966

1964

1962

1960

0

-5

-10

Années

En fin de compte, l’alternance des phases de forte croissance, de faible croissance et de stagnation confirme l’instabilité suggérée par les fréquentes fluctuations du taux de croissance d’une année à l’autre, comme l’illustre le graphique 1 ci-dessus. Cette instabilité, que l’on peut considérer comme l’une des principales caractéristiques de la croissance économique au Congo, semble liée à la dynamique des investissements publics et à l’évolution de la conjoncture pétrolière. Il faut cependant pousser plus loin l’analyse des sources et des facteurs

- 25 -

explicatifs de cette croissance pour identifier les déterminants de son instabilité. 3. Sources et facteurs explicatifs de la croissance La méthode traditionnelle d’analyse des sources de la croissance baptisée « compatibilité de la croissance » repose sur la fonction de production néoclassique reliant les augmentations du produit à celles des intrants de capital, de travail et d’autres variables. Cette méthode s’attache aussi à cibler l’apport de l’accroissement de la productivité d’emploi des intrants. Dans le cas de la République du Congo, le Centre National de la Statistique et des Etudes Economiques (CNSEE), la Direction générale de l’économie et la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) publient régulièrement, depuis une quinzaine d’années, les données sur la contribution des différents facteurs et secteurs à la croissance réelle du P I B. Pour des raisons de disponibilité et de fiabilité des données, l’analyse des sources de la croissance sera limitée à la période 1995-2004. Portant à la fois sur la demande globale et sur l’offre, cette analyse devrait faciliter l’identification des facteurs explicatifs de la croissance, aussi bien pour cette période que pour les années antérieures. – Au niveau de la demande globale Les données du tableau suivant permettent d’apprécier la contribution des différentes composantes de la demande globale à la croissance réelle du PIB.

- 26 -

Tableau 3 : Contribution des composantes de la demande globale à la croissance réelle du PIB (%) 1995-2004

1995-1999

2000-2004

PIB aux prix constants du marché

2,82

1,52

4,12

Consommation publique

0,35

0,12

0,58

Consommation privée

2,08

-2,42

6,58

Investissements publics

0,17

0,06

0,28

Investissements pétroliers

-1,61

-3,50

0,28

Investissements privés non pétroliers

0,17

-0,16

0,50

Variation des stocks

0,12

0,02

0,22

Exportations nettes

1,50

7,36

-4,36

Sources : C0SEE, BEAC

Au regard de ces données, la croissance est tirée, sur l’ensemble de la période (1995-2004), essentiellement par la consommation privée (2,08 %) et par les exportations nettes (1,5 %). Par contre, les investissements pétroliers ont freiné la croissance de l’économie globale (-1,61 %). Il faut aussi souligner la faible contribution de la consommation publique, des investissements publics, des investissements privés non pétroliers et de la variation des stocks. Cependant, des nuances apparaissent lorsqu’on considère deux sous périodes, l’une (1995-1999) marquée par des cours du pétrole relativement bas, l’autre (2000-2005) dominée par une flambée de ces cours. En période de basse conjoncture pétrolière, la croissance est fortement tirée par les exportations nettes (7,36 %). On note, au cours de cette période, une contribution négative des investissements pétroliers (-3,5 %), de la consommation privée (-2,42 %) et des investissements privés non pétroliers (-0,16 %). On note également que la consommation publique,

- 27 -

les investissements publics et la variation des stocks ne contribuent que très faiblement à la croissance du PIB. En période de boom pétrolier, la principale source de la croissance est la consommation privée (6,58 %), la contribution des exportations nettes à cette croissance étant, contrairement à la période précédente, fortement négative (-4,36). Les investissements pétroliers et les investissements privés non pétroliers se caractérisent au cours de cette sous-période, comme la consommation publique, les investissements publics et la variation des stocks, par leur faible contribution à la croissance du PIB. – Au niveau de l’offre La contribution des composantes de l’offre à la croissance se présente de la manière suivante : Tableau 4 : Contribution des différents secteurs à la croissance réelle du PIB (%) 1995-2004

Agriculture, élevage, chasse, pêche Sylviculture et exportation forestière Industries extractives (pétrole) Industries manufacturières Electricité, gaz et eau Bâtiments et travaux publics Transports et Télécommunications Commerce, Restaurants et Hôtels Administrations publiques Autres services Droits et Taxes à l’importation PIB aux prix constants du marché

Source : BEAC

- 28 -

1995-1999

2000-2004

0,23 0,13

0,04 -0,02

0,42 0,14

0,90 0,31 0,05 0,08 0,41 0,41 0,40 0,15 0,15 2,82

3,18 -0,22 -0,10 -0,08 -0,20 -0,34 -0,36 -0,24 -0,08 1,52

-1,38 0,84 0,20 0,24 1,02 1,16 0,44 0,48 0,38 4,12

Au regard des données du tableau 3, la source la plus importante de la croissance réelle du PIB est, si l’on considère les activités séparément, le secteur pétrolier suivi des transports et télécommunications (0,41 %), du commerce, des restaurants et hôtels (0,41 %), puis des administrations publiques (0,4 %). La contribution la plus faible est celle du secteur de l’électricité, du gaz et de l’eau (0,05 %). Par contre le regroupement des différentes activités révèle que le secteur non pétrolier a contribué de façon bien plus importante à la croissance (2,32 %) que le secteur pétrolier. Mais, ce constat qui est valable pour l’ensemble de la période (1995-2004), présente des nuances lorsqu’on reprend la subdivision précédente. En effet, c’est en période de basse conjoncture pétrolière que la contribution du secteur pétrolier à la croissance est la plus élevée (3,18 %), tandis que les autres secteurs ont une contribution négative, à l’exception de l’agriculture, de l’élevage, de la chasse et de la pêche dont la contribution est presque nulle (0,04 %), ce qui se traduit par une contribution négative de l’ensemble du secteur non pétrolier (-1,6 %). A l’inverse, la contribution du secteur pétrolier est négative (-1,38 %) lorsque les cours du baril sont élevés (2000-2004), tous les autres secteurs ont une contribution positive, ce qui donne une très forte contribution du secteur hors pétrole (5,08 %). L’analyse précédente permet de considérer l’évolution du secteur pétrolier comme principal facteur explicatif de la croissance entre 1995 et 2004. En effet, le fait que la plus forte contribution de la consommation privée à cette croissance soit enregistrée pendant le boom pétrolier et que cette contribution soit négative en période de basse conjoncture signifie que ce sont les revenus pétroliers qui alimentent la croissance de la consommation privée, ces revenus représentant entre 33,8 et 65,5 % du PIB sur l’ensemble de la période. De même, ce sont les exportations pétrolières qui expliquent la contribution des - 29 -

exportations nettes à la croissance, dans la mesure où 74,5 à 88,8 % des exportations sont pétrolières. La contribution négative des investissements pétroliers s’explique par les baisses importantes de ceux-ci depuis l’augmentation record enregistrée en 1994 lors de la mise en exploitation du gisement Nkossa. En outre, ces investissements consistant quasi-exclusivement en importations de biens d’équipement, leur impact sur la croissance des autres secteurs est négatif. Quant à la faible contribution de la consommation publique et de l’investissement public à la croissance, elle trouve son explication dans les restrictions budgétaires liées à l’application des programmes d’ajustement structurel et à la contrainte de remboursement de la dette publique. On note cependant une contribution significative de la consommation publique en période de guerre (4,1 % en 1997, 3,5 % en 1998), au moment du lancement du programme intérimaire post-conflit (2,4 % en 2000) et en période électorale (4,1 % en 2002). On observe également que la contribution la plus élevée des investissements publics à la croissance intervient en période de boom pétrolier. En ce qui concerne les investissements privés non pétroliers, leur contribution, qui est également faible, varie en fonction de la conjoncture pétrolière : positive en période de boom, négative dans le cas contraire. Malgré l’absence de données sur les sources de la croissance jusqu’au début des années 1990, on peut affirmer que depuis le début des années 1980, la croissance économique au Congo est essentiellement tirée par le pétrole. En effet, si comme cela a déjà été souligné, les taux de croissance élevés enregistrés en 1981 et 1982 s’expliquent par l’importance des investissements publics, ces derniers ont été financés grâce aux recettes pétrolières. La chute brutale de ces taux avec l’avènement du contre-choc pétrolier et la persistance, pendant une quinzaine - 30 -

d’années, de la crise économique et financière, malgré l’adoption et l’application des PAS, confirment bien le rôle déterminant de ce secteur dans la croissance économique au Congo. Mais il faut également compter, parmi les facteurs explicatifs de cette croissance les remous sociaux qui ont marqué la fin du monopartisme en 1989 et 1990 par des taux de croissance faibles (respectivement 0,9 et 1,3 %), les guerres civiles de 1993 (-1,2 %) 1994 (-4,5 %), 1997 (-2,4%) et 1999 (-2, 7 %).  Structure de l’appareil productif Depuis l’accession du Congo à l’indépendance, la structure de son économie a évolué de la manière suivante : Tableau 5 : Evolution de la structure du PIB (en % du total) 1960

Agriculture, élevage, 22,4 chasse, pêche Sylviculture exploitation 40,8 forestière Industries extractives 0,8 Industries 90,1 manufacturières Electricité et eau 10,3 Bâtiment et travaux 10,7 publics Commerce, Restaurants et hôtels 15,1 Transports et télécommunications 10,5 Services marchands non directement administratifs Services non marchands Droits et taxes à l’importation

1965

1970

1975

1980

1985

1990

1995

2000

2005

2009

18,9

17,4

13,9

90,5

50,9

90,8

80,1

40,4

40,8

90,4

50,3

40,7

10,5

20,1

10,5

3

20,3

00,8

10,4

10,1

1

10,2

16,9

33,6

41

28,9

33,8

65,5

53,6

31,7

90,8

13

10,4

70,5

50,6

80,4

80,1

30,4

6

90,3

10,2

10,8

10,3

00,8

10,2

10,7

10,5

00,7

00,8

10,8

80,6

60,3

3,6

40,7

60,1

10,7

10,4

20,5

30,8

20,1

13,4

12,1

11,8

90,7

11,4

12,9

12

60,1

80,5

12,1

10,7

10,8

9

90,1

70,3

80,5

80,1

30,8

50,7

10,9

10,6

9

90,2

7

50,2

60,2

70,8

8

5

60,1

70,4

8,2

13,9

15,4

17,3

12,8

10,2

13,9

12,3

50,3

60,2

11,1

60,4

80,2

70,9

70,1

40,8

30,5

30,3

40,2

20,2

20,9

30,2

Source : C0SEE, BEAC, DGE

- 31 -

Jusqu’en 1980, l’économie congolaise a été dominée par le secteur tertiaire, bien que la part du pétrole dans le PIB ait augmenté substantiellement à partir de 1974, suite au premier choc pétrolier. A partir de 1981, à la faveur du deuxième boom pétrolier, la première place a été prise par le secteur pétrolier qui ne l’a occupée que pendant cinq ans. En effet, le contrechoc pétrolier de 1986 a eu pour conséquence de rétablir la domination du secteur tertiaire jusqu’en 1995. Depuis 1996, le pétrole a repris le dessus avec une part dans le PIB qui a atteint le niveau record de 65,5 % en 2000. Cette part tend à baisser depuis 2007. Un fait important à souligner est la diminution de la part dans le PIB de toutes les activités prises individuellement, au profit du secteur pétrolier. La baisse la plus drastique concerne l’agriculture, l’élevage, la chasse et la pêche dont la part est passée de 22,4 % en 1960 à 4,8 % en 2005. Bien que le bois soit le deuxième produit d’exploitation du Congo, la part de la sylviculture et de l’exploitation forestière n’est que de 1,4% en 2005, contre 4,8 % en 1960. La part des industries manufacturières est passée de 9,1 % en 1960 à 6 % en 2005, après avoir plafonné à 9,6 % en 1986. 4. 0iveau et qualité de la vie des populations  La pauvreté monétaire Si le PIB nominal a été multiplié par 92,27 entre 1960 et 2005, le PIB par habitant exprimé en francs CFA n’a été multiplié que par 23. Exprimé en dollars, celui-ci n’a été multiplié que par 12, passant de 119$ en 1960 à 1430 $ en 2005. Son taux de croissance annuel moyen a été inférieur à celui du PIB réel (2,9 contre 3,8 %) tout en présentant le même degré d’instabilité. Mais l’instabilité ne concerne pas que le rythme de croissance du revenu par habitant. Elle est aussi l’une des - 32 -

caractéristiques du niveau de ce revenu comme on peut le voir, à travers l’évolution du PNB par habitant. En effet, celui-ci après avoir connu une augmentation régulière de 1970 à 1985, passant de 234 à 1010 $, est descendu à 990 $ en 1990, 680 $ en 1995, 630 $ en 2000 pour remonter à 700$ en 2002. Certaines études réalisées tant en milieu urbain qu’en milieu semi-rural, ont tenté de mesurer l’incidence et la profondeur de la pauvreté dans certaines localités. Le rapport publié par la Banque mondiale en 1997 situait l’incidence de la pauvreté autour de 70 % en 1995 contre 36 % en 1985. Le profil de pauvreté basé sur les données d’une enquête réalisée en 1990 situait à 74 % la proportion de femmes parmi les populations les plus démunies. Ce rapport montrait également que la pauvreté affecte tous les groupes d’âges avec une incidence et une profondeur plus prononcées chez les jeunes de 15 à 25 ans et les personnes âgées. Une enquête réalisée en 1997 (RPSA/OC) a permis de mesurer les disparités entre zones urbaines et zones rurales en matière de pauvreté monétaire. Selon cette enquête, la proportion des ménages pauvres étaient de 43,9 % à Brazzaville, contre 48,5 % à Vindza, 51,1 % à Mouyondzi et 79,7 % à Lékana, ces trois dernières localités étant situées en zone rurale. Ces disparités sont confirmées par l’étude PNUD/CERAPE sur la pauvreté semi rurale, effectuée en 2003 dans les localités de Nkayi et de Ouesso, où la proportion des ménages pauvres était respectivement de 48,5 % et 52,5 %. Cette même étude montre que les disparités sont également fortes selon le genre, l’activité principale, la profession ou le niveau d’instruction du chef de ménage. Ainsi, le pourcentage des ménages pauvres dirigés par une femme est de 72,7 % à Nkayi et de 79,6 % à Ouesso ; la pauvreté à Nkayi touche surtout les chômeurs (71,4 %) alors qu’à Ouesso, c’est la totalité des retraités qui vit en dessous du seuil de pauvreté. - 33 -

Les données les plus récentes sur la pauvreté monétaire sont celles de l’Enquête congolaise auprès des ménages pour l’évaluation de la pauvreté (ECOM 2005). Selon les résultats de cette enquête, 50,1 % des Congolais vivaient, en 2005, au dessous du seuil de pauvreté de 837 FCFA, soit 1,6 USD par personne et par jour. Le niveau de la pauvreté est relativement plus faible en milieu urbain (45 % à Brazzaville, 23 % à Pointe-Noire et 41,5 % dans les autres communes) qu’en zone rurale (55,1 % en milieu semi-rural et 49,2 % en milieu rural). Les femmes, chefs de ménage, sont relativement plus pauvres (45,3 %) que les hommes (41,5 %).  La montée du chômage Parmi les facteurs explicatifs de la régression des activités non pétrolières, figurent la fermeture de nombreuses entreprises, notamment avec l’adoption des PAS, et la faible incitation à créer de nouvelles entreprises, en dehors de quelques activités liées à l’exploitation pétrolière, à l’exploitation forestière, à la téléphonie cellulaire et au secteur informel. Ces phénomènes, combinés avec la déflation des effectifs et l’arrêt des recrutements dans la fonction publique et la répétition des guerres civiles, ont entrainé la montée du chômage, particulièrement du chômage des jeunes. En effet, le taux de chômage est passé de 13,3 % en 1980 à 19,3 % en 990 et 30 % en 2002, certaines estimations le situant à plus de 34 %, voire à 50 % en 2005 (BAD, FAD, 2006). Ainsi la croissance réalisée au Congo, tirée essentiellement par le pétrole depuis le début des années 1980, loin d’accroître les possibilités d’emploi, a plutôt contribué à les amenuiser. Il reste à savoir si l’affectation des ressources tirées du pétrole a permis de compenser la précarité liée à la montée du chômage, notamment en ce qui concerne l’accès des populations aux services sociaux de base, tels que la santé et l’éducation.

- 34 -

 Santé et éducation Dans le domaine de la santé, l’effort des pouvoirs publics mesuré par les dépenses publiques de santé en pourcentage du PIB est demeuré à son niveau des premières années de l’indépendance (1,4 % en 1960 ; 1,5 % en 2002). Cet effort, proche de celui consenti en 2002 par certains pays comme le Gabon (1,8 %), le Cameroun (1,2 %), la Côte d’ivoire (1,4 %), est cependant faible au regard de la situation d’autres pays africains comme le Mali et le Sénégal (2,3 %), le Tchad (2,7 %), l’Afrique du sud (3,5 %), la Namibie (4,7 %), Sâo Tomé et Principe (9,7 %). La faiblesse des ressources consacrées à la santé se traduit par la dégradation des infrastructures socio-sanitaires, la vétusté du matériel, l’insuffisance de personnel qualifié et sa concentration dans les principales villes du pays. Quelques progrès ont néanmoins été enregistrés, puisque le taux de mortalité infantile est passé de 100 pour 1000 naissances vivantes en 1970 à 81 en 2003, le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans de 160 à 108, l’espérance de vie de 42 ans en 1960 à 49 ans en 1980 et 52 ans en 2003. Quant à l’éducation, les dépenses publiques qui lui sont dévolues représentaient 5% du PIB en 1990 et 3,2 %, en 2002. Ces efforts qui sont comparables à ceux rencontrés dans la plupart des pays africains, sont en réalité en recul par rapport aux niveaux atteints entre 1975 et 1979 (6,7 à 7,8 %) qui ont permis à la République du Congo d’enregistrer des taux bruts de scolarisation dans le primaire dépassant les 120 % (120,8 % en 1980 et 125,2 % en 1987). Le recul des efforts en matière d’éducation s’est traduit par la baisse du taux brut de scolarisation dans le primaire, qui n’était plus que de 77,4% en 2002. Cependant des progrès significatifs ont été réalisés dans le domaine de l’alphabétisation puisque le taux d’alphabétisation des adultes qui n’était que de 21,9 % en 1960 a atteint 51,6 % en 1980, 62,8 en 1990 et 82,8 % en 2003. - 35 -

D’une manière générale, les indicateurs de développement humain ne laissent aucun doute quant à l’aggravation de la pauvreté humaine dans la mesure où le Congo est passé, depuis 1991, d’un niveau de développement humain moyen, avec un IDH oscillant entre 0,501 et 0,512, à un faible développement humain, la valeur de l’IDH étant descendue jusqu’à 0,441 en 1999.  Dégradation des écosystèmes et de l’environnement L’orientation des efforts et le type de croissance qui ont prévalu au Congo depuis son accession à l’indépendance ont eu un impact négatif sur les écosystèmes et sur l’environnement. Jusqu’en 1974, l’exploitation forestière a constitué la première source de devises du Congo, bien que sa part dans le PIB n’ait jamais dépassé 10 %. Commencée en 1920, cette exploitation a entraîné la disparition de certaines essences comme le sapelli, le Sipo, l’Okoumé et le limba, au niveau des forêts du sud du Congo. Les forêts du massif du chaillu ontelles aussi été appauvries avec les raréfactions du limba, du Longhi, du Moabi, du Tiama, du Mouvengué et du Kambala. L’exploitation des forêts du nord Congo pourrait connaître le même sort si les dispositions législatives et réglementaires visant une meilleure valorisation des ressources forestière ne sont pas rigoureusement appliquées. Les dommages causés aux écosystèmes forestiers du Congo ne se réduisent pas à la raréfaction de certaines essences. Les méthodes d’abattage et de débardage pratiquées, ainsi que l’ouverture des voies d’évacuation et l’établissement des campements, augmentent le nombre et le type d’arbres abattus. En outre, le passage répété d’engins lourds, par le tassement, l’orniérage et le scalpage des sols et l’enlèvement des matières organiques, favorise l’érosion, le lessivage des sols et ralentit la régénération des forêts. L’exploitation forestière a - 36 -

également un impact sur la faune en augmentant la pression exercée sur celle-ci. L’importance prise par l’activité pétrolière depuis trois décennies a eu un impact négatif sur le plan écologique. En effet, l’exploitation des gisements off-shore a entraîné une importante pollution marine et côtière nuisible à la pêche artisanale et à la fréquentation des plages. De plus, la combustion du gaz accompagnant l’extraction du pétrole brut a pour effet une forte pollution de l’air qui devient de plus en plus difficile à supporter dans une grande partie de la ville de Pointe-Noire. CO0CLUSIO0 En cinquante ans d’indépendance, le Congo aura expérimenté deux modalités principales de gestion économique et de promotion du développement. Articulés autour d’objectifs tout à fait pertinents pour un pays qui cherche à renforcer son indépendance politique par l’indépendance économique, les plans et programmes de développement ont pêché par l’absence de cohérence entre les ressources, notamment leur mode d’affectation et les priorités affichées. En privilégiant le rétablissement des équilibres internes et externes, le remboursement de la dette et la gestion des réformes, les programmes d’ajustement structurel ont privé les Congolais d’un quart de siècle d’apprentissage du développement. Un demi-siècle après avoir accédé à la possibilité de prendre en main son développement, le Congo doit, malgré ses immenses potentialités, se contenter d’accéder « enfin » à l’initiative des pays pauvres très endettés, de fonder ses espoirs de développement sur une économie tirée par le pétrole. Ce triste bilan soulève, à nos yeux, trois défis majeurs. - 37 -

Premièrement, les autorités dont la mission première est de promouvoir le développement doivent œuvrer pour la réappropriation, par les principaux acteurs nationaux, du processus de conception, d’élaboration et de mise en œuvre des plans et programmes. L’expérience accumulée en matière de gestion des réformes et des politiques économiques, sociales et culturelles doit être mise à profit sans remplacer les stratégies et la gestion du développement. Deuxièmement, dans le contexte actuel, une stratégie axée sur l’utilisation des ressources tirées des exportations primaires pour financer la constitution du seul capital physique, a vite fait de révéler ses limites dès que le marché des matières premières enregistre une tendance à la baisse des cours. Le principal défi sur ce plan tient à la volonté et à la capacité des autorités à mobiliser et à affecter un volume adéquat de ressources pour la promotion du capital humain et la constitution d’une économie et d’une société axées sur le savoir. Troisièmement, le défi de la diversification de l’économie congolaise doit enfin être relevé en passant des simples intentions à l’élaboration, puis à la mise en œuvre d’une stratégie globale et de politiques sectorielles appropriées.

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CHAPITRE 2 U0E DECE00IE DE GRA0DS TRAVAUX par Placide MOUDOUDOU I0TRODUCTIO0 Si l’on fait un bilan de toutes les réalisations qualifiables de « grands travaux » depuis l’indépendance, il n’est pas possible de dire que rien ne se fait au Congo depuis un peu plus d’une décennie ; et si l’on refuse de voir, c’est qu’on est conscient que quelque chose se réalise ou est en train d’être fait quelque part par quelqu’un ou par une entité. Il est difficile de ne pas admettre qu’en matière d’infrastructures, le visage du Congo a changé depuis la dernière décennie. En effet, de l’indépendance jusqu’au lancement du premier Plan quinquennal 1982-1986, le Congo était parmi les pays africains les moins avancés en matière d’infrastructures de développement. Dans le domaine de la libre circulation des personnes et des biens, les routes, ports, aéroports, chemin de fer et voies fluviales manquaient d’attrait. Quant aux télécommunications, elles étaient encore, pour l’écrasante majorité des citoyens, sinon quelque chose d’inaccessible, du moins un luxe. L’énergie disponible ne répondait pas, en quantité et en qualité, aux besoins d’une population à tendance croissante. Le pays n’en était encore qu’à rechercher ses marques. On peut même se demander s’il avait existé une politique efficiente en matière d’infrastructures de base, car on ne retrouve pas, dans le discours politique de l’époque des indices suffisants et concordants d’une telle politique. Certes, dès l’indépendance on avait, par exemple, pensé à la construction du Barrage de Sounda dans le Kouilou et la construction du - 39 -

chemin de fer de la Compagnie Minière de l’Ogoué (COMILOG) était en voie d’achèvement ; mais la construction d’infrastructures se faisait au coup par coup. A titre d’illustration, la célèbre Déclaration du 12 décembre 1975 du Comité Central du Parti Congolais du Travail (P.C.T.) « radicalisant la Révolution » constate simplement « la faiblaisse du secteur économique d’Etat » ; au 3ème Congrès extraordinaire du P.C.T en mars 1979, si des motions et recommandations sont prises « sur les éléments de la bourgeoisie parasitaire des marchés de l’Etat », « sur l’utilisation des cadres », « sur l’organisation de la paysannerie », « sur les scandales économiques » ou « sur la justice » ou encore sur « l’éducation », rien n’est dit à propos des infrastructures. On peut néanmoins mentionner une motion « sur la construction du barrage de la Pama » dans laquelle, d’ailleurs, le P.C.T. reconnaît « que la stratégie de développement autocentré et autodynamique est une alternative au modèle de développement néocolonial qui a dévolu à notre pays une mission de transit, ignorant complètement l’arrière pays ». Même le Communiqué final des travaux de ce 3ème Congrès extraordinaire du P.C.T. n’aborde pas cette question. Il n’est pas étonnant que le nouveau Président du Comité central du Parti issu de ce Congrès et de droit Président de la République, corrige le tir en consacrant le premier Plan quinquennal (1982-1986) au « désenclavement de l’arrière-pays ». Il faut donc attendre 1982 pour voir se matérialiser un programme de grande envergure. Ce programme a été rendu possible grâce à une stabilité constitutionnelle et institutionnelle issue de la Constitution du 8 juillet 1979, modifiée en août 1984. En effet, cette stabilité constitutionnelle et institutionnelle (qui, depuis l’indépendance, n’a d’équivalent que celle que nous vivons actuellement) a permis de réaliser des travaux importants et de commencer le vrai processus de - 40 -

changement du visage du pays. Effectivement, le Plan quinquennal 1982-1986, centré notamment sur la réalisation d’un équilibre entre les régions, l’édification d’un appareil productif fort, le développement de l’emploi et l’amélioration du niveau de vie des Congolais, impulsera la marche vers le développement. La priorité est ainsi accordée à l’infrastructure. Plus d’un quart de siècle après l’indépendance, on notait que plus de 700 km de routes étaient bitumées, des centaines de pistes agricoles réhabilitées, plusieurs ponts sont construits : sur le fleuve Kouilou (le plus long avec 391 mètres), sur les rivières Djiri, Léfini, N’kéni, Komo, Alima, Kouyou, Lobi, Likouala-Mossaka, N’kenké, Loudima, Loutété, etc. Ces infrastructures de transport ont permis le désenclavement de l’arrière-pays, favorisé l’écoulement de la production agricole et rendu facile l’exploitation des ressources comme le bois. Dans le domaine ferroviaire, l’on notera le réalignement de la ligne du Chemin de fer congo-Océan (C.F.C.O.), entre Dolisie et Bilinga dans le Mayombe. Il faut ajouter la pose de plus de 400 km de ligne Haute Tension pour améliorer l’alimentation en énergie électrique, et les travaux de forage parallèlement à la construction d’une usine de production d’eau potable à Djiri, dans la banlieue brazzavilloise. Mais, les efforts des années 1980 n’ont pas été poursuivis dans la décennie 1990-2000 pour plusieurs raisons qui sont étudiées dans le présent chapitre. En effet, de la période de transition (1991-1992) qui a suivi la Conférence nationale souveraine aux guerres répétitives (1993-1994 ; juin à octobre 1997 ; 1998-1999) jusqu’à l’aube du troisième millénaire, le Congo n’a fait qu’aggraver son retard infrastructurel. Abandonnées à la nature faute d’entretien régulier, ces réalisations des années 1980-1990 sont plongées dans un état - 41 -

de délabrement sans précédent. D’autres sont partiellement ou totalement détruits du fait des guerres civiles sus-évoquées. En 2002, après une période de transition politique relativement réussie, le Congo avait plus que jamais besoin de relancer son dessein de reconstruction. Après l’élection du Président Denis Sassou Nguesso en juillet de la même année, il s’agissait de mettre en œuvre les douze engagements contenus dans son programme de société « La ouvelle Espérance », programme sur la base duquel il était élu. Celui-ci consistait à mailler l’ensemble du pays d’infrastructures de base viables. La présente analyse porte donc sur ce que la règlementation congolaise qualifie de « Grands travaux ». Après avoir présenté l’instrument chargé de mettre cette politique en œuvre qu’est la Délégation Générale des Grands Travaux, on examinera les avancées significatives observées secteur par secteur. I – La Délégation Générale des Grands Travaux Créée en 2002, la Délégation Générale des Grands travaux est aujourd’hui régie par le décret n°2009-158 du 20 mai 2009 la réorganisant. Elle est la cheville ouvrière de l’Etat en ce qui concerne la réalisation des grands projets structurants qualifiés de « Grands Travaux ». La lecture combinée des différents textes régissant ce domaine impose que tous les contrats ou opérations de marché public ou de délégation de service public des administrations congolaises (nationales, locales, personnalisées ou non) quel qu’en soit l’objet (travaux publics, fournitures, prestations intellectuelles), dont le montant est supérieur ou égal à 250 millions relèvent de la Délégation Générale des Grands travaux, qui est une structure de la Présidence de la République. La Délégation Générale des Grands travaux, contrairement aux idées reçues, n’est qu’un organisme administratif et - 42 -

technique. Toutefois, les administrations sont tenues de lui déléguer la maîtrise d’ouvrage pour la préparation, la passation et le suivi d’exécution des contrats de marché public ou de délégation de service public correspondant au seuil ci-dessus indiqué. En cette qualité de maître d’ouvrage délégué, elle est chargée notamment de : - mettre au point, en concertation avec le maître d’ouvrage, les programmes de passation ; - organiser et procéder à l’appel à la concurrence auprès des candidats aux marchés publics ou de délégation de service public ; - dépouiller et évaluer les offres portant exécution des marchés publics ou de délégation de service public ; - rédiger, conclure et gérer les marchés ; - apprécier, sous l’angle technique et financier, les devis descriptifs et estimatifs des contrats, ainsi que les décomptes relatifs à leur exécution ; - organiser et procéder à la réception des ouvrages, biens ou services et contrôler l’exécution du service public par le délégataire. Comme on peut le constater, elle traduit la volonté du Chef de l’Etat de suivre et d’exécuter directement les travaux et ouvrages d’intérêt national, par le moyen d’une administration transversale capable de mobiliser les énergies au sein de tous les ministères, vers des objectifs d’intérêt commun. II – Les transports Le secteur des transports a pendant longtemps fait du Congo un pays de transit. Les réalisations observées vont dans le sens de la reconquête de cette place perdue.

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1. Les routes Après l’élection de 2002, le Président élu Denis Sassou Nguesso s’engage à aménager les axes routiers interrégionaux : les routes Obouya-Boundji-Léconi, OwandoMakoua-Ouesso, Pointe-Noire-Brazzaville. Ces corridors, quadrillant tout le pays, ont pour objectifs stratégiques de rendre la mobilité aisée et de promouvoir des échanges en Afrique centrale, par l’interconnexion des réseaux routiers sous-régionaux, afin d’offrir aux pays limitrophes des commodités de transport, pour aider à la commercialisation des produits agricoles et rompre l’isolement de certaines localités. Des efforts appréciables ont donc été consentis dans la construction des routes. Le réseau routier, long de 17.300 kilomètres, est en extension. Les distances entre les localités éloignées se réduisent. Les défis, même les plus redoutables, sont en train d’être vaincus. La route Pointe-Noire-frontière du Cabinda, construite dans le département du Kouilou, a complètement réduit les délais d’acheminement des marchandises et des personnes et fluidifié le trafic des grumes. Les populations du Congo et d’Angola peuvent facilement échanger. La Route nationale n° 1 qui relie Pointe-Noire à Brazzaville, d’environ 600 kilomètres, est en construction ; elle entraînera la mise en valeur des zones traversées. Elle aidera à développer le potentiel agricole, à reconquérir et réapproprier les courants d’évacuation des produits vers les zones de consommation. La route Owando-Boundji est aujourd’hui achevée. Elle a vu la construction d’un nouvel ouvrage de franchissement qu’est le pont de la Vouma. Cet axe routier, qui s’achève au pont sur le Kouyou, marque le début de la route OwandoMakoua-Ouesso. Longue de 325 kilomètres, la route OwandoMakoua-Ouesso établit la liaison des départements de la Cuvette et de la Sangha. C’est le dernier tronçon du corridor qui part de Pointe-Noire à Ouesso, en passant par Brazzaville, - 44 -

N’go, Gamboma, Oyo et Owando. Il est donc désormais possible de Pointe-Noire, par la route, d’atteindre Ouesso ! Le réseau routier congolais s’étire avec cette autre voie d’intégration sous-régionale qu’est la route inter-départementale Obouya-Okoyo-Léconi, qui lie notre pays au Gabon. Sa longueur est de 125 kilomètres. S’y ajoutent, les routes SibitiMapati-Zanaga, Bouansa-Mouyondzi, Makoua-Etoumbi et le traitement du ravin d’Etoumbi, la deuxième sortie nord de Brazzaville. 2. Les transports fluviaux et maritimes Les transports fluviaux ont aussi vu leur réseau s’améliorer, avec la construction du port de Lékéty, le dragage de Mossaka et le désensablement du port autonome de Brazzaville et ports secondaires. Ces importants travaux de dragage ont aménagé et entretenu ces voies navigables. Dans « Le Chemin d’avenir », il est prévu la modernisation du transport maritime qui assure plus de 85 % des exportations du Congo. En effet, depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, le port autonome de Pointe-Noire, le seul en eaux profondes dans le golfe de Guinée, est en pleine modernisation, avec la mise en concession de son terminal à containers. Un appel d’offres a été lancé pour le choix de l’opérateur chargé de la gestion du terminal. Le groupe français Bolloré a été retenu comme adjudicataire du marché. Il est prévu de l’agrandir et de le transformer en un port d’éclatement pour l’Afrique centrale. Concomitamment, des travaux de désensablement sont régulièrement réalisés. 3. Les transports aériens Le transport aérien soulage les populations des zones difficilement accessibles par voies de surface. Au début de son mandat de 2002, le Président de la République s’était engagé à affecter des ressources conséquentes à la construction, à la - 45 -

réhabilitation et à la modernisation des infrastructures aéroportuaires : - construction d’une nouvelle aérogare pour l’aéroport international de Maya-Maya à Brazzaville ; - agrandissement et modernisation de l’aéroport international Agostino Neto de Pointe-Noire ; - achèvement de l’aéroport d’Ollombo ; - réhabilitation et aménagement des plates-formes aéroportuaires secondaires. Le Chef de l’Etat visait trois objectifs : créer les conditions économiques et psychologiques de l’ouverture du pays vers l’extérieur afin de le rendre fréquentable, participer au renforcement du transit international et assurer et faciliter les échanges entre les différentes villes du pays. Plus de sept ans après, l’aéroport international Agostino Neto de Pointe-Noire à été complètement modernisé. Les chaussées aéronautiques ont été réhabilitées, élargies et mises aux normes de l’avion de référence, l’Airbus A330. Cet aéroport est désormais doté des passerelles télescopiques, des tapis bagages, des salons catégorisés pour vols nationaux et internationaux. Il est désormais ouvert au trafic international ; à titre d’exemple, on peut désormais partir de Pointe-Noire à Paris en vol direct. Le projet d’achèvement de l’aérogare de Ouesso est réalisé : l’aérogare dispose d’un salon VIP avec des espaces séparés pour les flux départ et arrivée, un salon présidentiel, un bloc technique avec tour de contrôle, etc. La réhabilitation en cours de l’aéroport Maya-Maya de Brazzaville lui donnera des conditions d’exploitation optimales. Deux grands chantiers s’exécutent actuellement sur ce site : la réalisation d’une deuxième piste parallèle à la piste existante, et la construction de nouvelles installations - 46 -

terminales, dont une aérogare dotée de six passerelles télescopiques pour le traitement de 25 millions de passagers par an, un abri de piste, un aéro-club pour vulgariser le métier de pilotage par le pilotage de petits aéronefs jusqu’à la plaisance, un hôtel de grand standing. L’ancienne piste est en cours de réhabilitation. L’objectif est de faire de cet aéroport un hub, afin de donner à la ville de Brazzaville la fonction de ville d’éclatement du trafic aérien. La construction des chaussées nautiques de l’aéroport d’Ollombo a permis la réalisation d’une piste de 3300 mètres de long sur 45 mètres de large, bordée de bandes anti-souffles de 15 mètres de large, répondant aux caractéristiques et exigences de l’aviation civile internationale. A l’occasion des travaux de municipalisation du département de la Likouala en 2005, les chaussées aéronautiques de l’aéroport d’Impfondo ont fait l’objet d’une réhabilitation ; celle-ci a permis le rallongement, l’élargissement et la reconstruction de la piste sur 2050 mètres de long et 30 mètres de large, l’aménagement et le bitumage d’un parking d’avions de type Boeing 737-200. A la faveur de la municipalisation du département du Niari en 2006, l’aéroport Ngot-N’zoungou de Dolisie, qui n’était doté alors que d’une piste en terre, a bénéficié de travaux d’envergure, l’aménagement et le bitumage d’une piste longue de 2050 mètres et large de 30 mètres. Cet aéroport peut recevoir en même temps trois avions de type Boeing 737-200. L’aérogare est équipée de tapis bagages, de banques d’enregistrement et de matériel de sûreté pour le traitement des passagers au départ et à l’arrivée. L’aéroport d’Owando, pour avoir été construit sur un site convexe avec une visibilité problématique pour les aéronefs, les chaussées aéronautiques ont nécessité une reconstruction avec réorientation de l’axe sur un tracé qui offre des caractéristiques géométriques conformes aux normes - 47 -

internationales de la navigation aérienne. Les travaux de construction de cette chaussée, à l’occasion de la municipalisation accélérée du département de la Cuvette, a donné à cet aéroport une piste de 2050 mètres et large de 30 mètres, comme ceux de Dolisie et d’Impfondo. 4. La voie ferroviaire Progressivement, avec le retour de la paix, le trafic passagers et marchandises qui a diminué après les troubles socioéconomiques, retrouve du moins son ampleur d’antan, sinon analogue. Le Chemin de fer Congo-Océan est en cours de réhabilitation, avec l’appui de l’Union européenne et autres bailleurs de fonds. Les premières locomotives réhabilitées circulent. A terme, une mise en concession est envisagée. III- L’énergie, l’hydraulique et l’eau Des progrès notables ont aussi été observés ; la continuation de la mise en œuvre du projet « boulevard énergétique » en est un signe non négligeable. 1. L’énergie et l’hydraulique Elles ont également bénéficié des moyens humains, financiers et technologiques importants. Au plan politique, le gouvernement a décidé de la construction d’un boulevard énergétique entre Pointe-Noire et Ouesso. Ce boulevard a commencé avec la construction de la ligne Très Haute Tension de Pointe-Noire à Brazzaville, entre 1982 et 1986. Un barrage de 120 mégawatts se construit sur la Léfini, à la charnière des départements du Pool et des Plateaux, le barrage hydroélectrique d’Imboulou. Il comprend quatre turbines de 30 mégawatts chacune. Parallèlement à la construction du Barrage d’Imboulou, se réalise des lignes de transport attenantes de 220 kilovolts sur - 48 -

environ 800 kilomètres. Ces lignes seront amenées d’Imboulou à N’go, de N’go à Brazzaville, de N’go à Djambala, de N’go à Obouya en passant par Gamboma et Oyo, d’Obouya à Owando, et d’Obouya à Boundji. Pour accéder au barrage, une route bitumée de près de 60 kilomètre qui part du village Inoni sur la Route nationale n°2 au site d’Imboulou a été construite. Il est envisagé la construction d’un troisième barrage à Liouesso, dans la Sangha. Ce barrage aidera à construire des lignes de Ouesso vers Liouesso et de Liouesso vers Makoua, pour faire la jonction de la Très Haute Tension à Owando. Par ailleurs, les quatre turbines du barrage de Moukoukoulou ont été réhabilitées, alors qu’une centrale d’une puissance allant de 300 à 450 mégawatts se construit à Pointe-Noire. Il faut également signaler la réhabilitation du réseau de transport d’énergie électrique à Haute Tension entre Brazzaville et Pointe-Noire et, le doublement de la capacité de la centrale à gaz de Djeno dans le Kouilou. Enfin, une centrale thérmique construite à Brazzaville renforce les capacités de distribution de la Société Nationale d’Energie (S.N.E.) dans la capitale. S’y ajoutent, la réhabilitation des postes de transformation de Haute Tension de Tsélampo, Mongo Kamba, N’goyo ainsi que du barrage du Djoué, etc. 2. L’eau potable La politique de municipalisation accélérée lancée en 2004 dans les départements permet de renforcer le système d’adduction d’eau potable. D’autres initiatives ont été prises pour la réhabilitation, la densification et l’extension des réseaux des grandes villes, ainsi que l’augmentation de la production par l’acquisition des potablocs.

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Le programme triennal du gouvernement en la matière prévoit la réhabilitation de l’usine du Djoué, la construction d’une usine d’eau de surface à Pointe-Noire et la mise en œuvre d’un vaste programme d’hydraulique villageoise dans les départements du Pool, des Plateaux et de la Cuvette. IV – Les télécommunications et l’audiovisuel public Les Congolais vivent une révolution dans ce domaine dans la mesure où un réseau de téléphonie de grande qualité et de grande performance, au moindre coût d’utilisation, a vu le jour. Le Congo est aujourd’hui largement ouvert aux technologies nouvelles ; il a vu le parachèvement du projet de couverture satellitaire du territoire national, la création des conditions d’une production audiovisuelle nationale, etc. En matière de télécommunications, les communications orales sont désormais assurées et garanties sur l’ensemble du territoire national. Outre les communications réalisées par les sociétés privées qui couvrent l’ensemble du pays en GSM, l’objectif est de couvrir l’ensemble du pays en infrastructures soutenues par une épine dorsale à fibre optique. La liaison partira de Pointe-Noire à Ouesso. A terme, Pointe-Noire disposera de deux sorties internationales : une sortie par satellite et une sortie par câble sous-marin. Un centre national de la radio et de la télévision a été construit et est déjà fonctionnel à Nkombo-Matari, quartiernord de Brazzaville. Avec la mise en service de ce centre, le Président Denis Sassou Nguesso vient de doter le Congo d’une infrastructure audiovisuelle moderne. Dans le même temps, s’exécutent les travaux de la maison de la radio et de la télévision à Oyo, ceci dans le but de favoriser l’émergence de médias audiovisuels nationaux.

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V – L’éducation, la santé et la protection sociale et le sport Les infrastructures sanitaires et sociales ont toujours fait l’objet de beaucoup d’attention de la part des autorités nationales, y compris pendant les périodes de crise. Il est donc normal que l’éducation, la santé et le sport soient au cœur de la politique gouvernementale de la décennie passée. 1. L’éducation Pendant les années 1970, l’Ecole congolaise, fortement soutenue par l’Etat et les autorités politiques, faisait la fierté du pays. Cependant, après les changements politiques intervenus au début des années 1990, elle a subi plusieurs dysfonctionnements, allant jusqu’à connaître « une année blanche » en 1993-1994. En 2002, le Président de la République décide de mener des actions phares dans ce secteur ; actions consistant à Améliorer le statut des enseignants qui étaient maintenus dans des situations aléatoires et précaires (appelésvolontaires, vacataires, prestataires, etc.) ; tous ces enseignants sont tous aujourd’hui intégrés et leurs soldes, antérieurement dus, payés ; Vulgariser et diffuser, en vue de leur maîtrise, des nouvelles technologies de l’information et de la communication ; Améliorer les capacités de l’offre publique d’éducation, pour la rendre aussi, sinon plus compétitive que l’offre privée. La mise en œuvre du programme gouvernemental en la matière a eu pour effet, entre autres, la construction et la reconstruction des structures scolaires. La politique de la « municipalisation accélérée » a largement intensifié ce processus. Les Ecoles Normales des Instituteurs de Brazzaville, Dolisie et Owando sont réhabilitées et équipées. - 51 -

Au niveau de l’enseignement supérieur, un programme de réhabilitation de l’Université Marien N’gouabi est en cours. Des bâtiments nouveaux sont en cours de construction ou vont être construits pour abriter des services et des enseignements à l’Institut Supérieur de Gestion et les Facultés des Sciences, Sciences Economiques, de Droit. Et, plusieurs enseignants sortis des Ecoles de formation comme à l’Ecole Nationale des Beaux Arts (ENBA) ou l’Institut National de la Jeunesse et des Sports (INJS) ont été intégrés dans la fonction publique. Un lycée d’excellence a été créé et équipé dans la localité de M’Bounda, près de Dolisie. Cette localité a abrité en son temps une Ecole Internationale de formation de l’élite de la sous-région d’Afrique centrale où ont appris de nombreux cadres du pays, dont le Président Denis Sassou Nguesso. Ce dernier a pensé ériger sur les cendres de cette école, un lycée d’excellence avec la même vocation. Les travaux déjà réalisés consistent en la réhabilitation des logements des professeurs, la construction des bâtiments pour salles de classes et laboratoires, la construction d’un amphithéâtre, la construction des bâtiments dortoirs des élèves, la réalisation d’un forage et d’une bâche à eau, la construction du réfectoire et l’aménagement des espaces ainsi que ceux d’adduction d’eau potable. 2. La santé Au sortir de la guerre de 1997, la situation sanitaire du Congo était caractérisée par les dysfonctionnements et le souséquipement des structures de santé. L’engagement était donc pris en 2002 par le Chef de l’Etat de réhabiliter et de construire des hôpitaux de référence et des centres de santé intégrés à travers le pays : - réhabiliter entièrement le Centre Hospitalier et Universitaire de Brazzaville (CHU) ; - construire des hôpitaux départementaux ; - 52 -

- construire et réhabiliter les hôpitaux de base dans les districts et arrondissements ; - approvisionner les hôpitaux de référence et les centres de santé intégrés en médicaments essentiels et génériques ; - assurer la disponibilité en personnel qualifié et régulièrement recyclé, lui garantir des conditions motivantes de travail. La plupart des établissements sanitaires sont aujourd’hui refaits et équipés, grâce notamment à la mise en œuvre du Plan National de Développement Sanitaire (PNDS). En effet, les hôpitaux de Dolisie, d’Owando, d’Impfondo, de M’Pissa à Brazzaville sont à classer dans ce registre. L’hôpital de base de Bacongo (Brazzaville) a été transformé en hôpital de référence ; à ce tableau s’ajoute la réfection de la maternité Blanche Gomez à Brazzaville et la construction de l’hôpital général à Oyo dans la partie septentrionale. 3. Le sport En 2002, l’obsolescence des infrastructures sportives s’accompagnait d’une baisse de niveau dans les différentes disciplines sportives ainsi que de l’absence d’une politique fiable d’encadrement et d’une déconsidération de l’éducation physique et sportive, particulièrement à l’école, à l’université et au sein de la Force publique. La vision du Président de la République à partir de 2002 est organisée autour de deux axes stratégiques : - la réhabilitation et la construction des infrastructures de niveau national et/ ou international multidisciplinaire. Celleci consiste à la construction d’un grand centre sportif à PointeNoire, des infrastructures dans tous les chefs-lieux de départements et dans les communes, des infrastructures sportives dans les écoles, collèges, lycées et à l’université ; la

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réhabilitation des stades Franco Anselmi et M’voumvou de Pointe-Noire, Marchand de Brazzaville et Pont de Dolisie ; - la relance et le développement du sport scolaire et universitaire C’est ainsi que les stades Alphonse Massamba-Débat et son Annexe de Brazzaville et le stade municipal de Pointe-Noire ont été réhabilités, que le stade Pont de Dolisie a été reconstruit. De même, le stade municipal d’Owando et le gymnase d’Oyo ont également été construits. VI – Autres réalisations 1. Les divers projets préfectoraux, sous-préfectoraux et urbains On peut se contenter de les citer : - les hôtels de préfecture du Kouilou, de la Likouala et de la Cuvette ; - les hôtels de ville d’Oyo (Cuvette) et d’Impfondo dans la Likouala ; - les hôtels de sous préfectures de Nianga, Louvakou, Kimongo dans le Niari et d’Impfondo dans la Likouala ; - les sièges des Départements de la Cuvette (à Owando) et de la Likouala (Impfondo) ; - la gare routière de Dolisie ; - l’adduction d’eau potable des villes et localités de Dolisie, Owando, Makoua, Boundji et Mossaka ; - l’électrification des villes et localités de Dolisie, Mossendjo, Owando, Makoua, Oyo, Boundji, et Impfondo ; - les voiries urbaines de Pointe-Noire, Owando, Mossendjo et Impfondo ; - la garnison d’Impfondo ; - les marchés modernes d’owando, Oyo, et Impfondo ; - le tribunal de grande instance d’Impfondo. - 54 -

2. Les sièges des institutions constitutionnelles La Constitution du 20 janvier 2002 a institué plusieurs organes chargés de relancer et consolider la construction d’un Etat de droit et d’une démocratie pluraliste effective. Il restait à les doter d'un siège décent chacun pour en assurer le bon fonctionnement. Même si certaines institutions comme la Commission nationale des droits de l’homme attendent d’être « logées », des efforts ont été faits, comme en témoigne la construction des sièges de la Cour constitutionnelle, du Conseil économique et social ainsi que ceux des ministères de la Défense nationale et des Affaires étrangères. Celui du ministère de la Justice et des Droits humains est en construction. CO0CLUSIO0 Comme on le voit, les actions menées intègrent progressivement les divers segments de la vie des populations. Qu’il s’agisse des infrastructures de transport, des structures scolaires ou sanitaires, des réseaux de distribution de l’énergie ou des systèmes d’adduction d’eau potable, les débats n’en sont plus réduits aux simples hypothèses. Le Congo change en profondeur.

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Photographie de l’aéroport international Maya-Maya (Brazzaville)

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Aéroport Maya-Maya de Brazzaville (en construction)

Aéroport de rang international, Maya-Maya se modernise. Grâce à ces travaux, il sera doté d’une nouvelle aérogare de haut standing et d’une 2ème piste d’attérissage. Troisième aéroport subsaharien dimensionné pour recevoir le plus gros avion du monde, Maya-Maya facilitera les liaisons aériennes directes avec l’Amérique.

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Aéroport international Agostino 0eto de Pointe-0oire

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Le Centre national de Radiodiffusion et de Télévision de 0kombo-Matari (Brazzaville)

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Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération (Brazzaville)

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Le barrage d’Imboulou : vue d’ensemble

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Barrage hydroélectrique de Moukoukoulou (Bouenza)

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Maquette du stade omnisports d’Owando

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Maquette de la Route 0ationale n°1 Pointe-0oire – Brazzaville

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Route 0ationale n°1 Pointe-0oire – Brazzaville (la traversée du Mayombe)

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Maquette des logements sociaux de Mpila (Brazzaville)

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Maquette du Centre commercial de Mpila (Brazzaville)

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Maquette de l’hôpital spécialisé d’Oyo : vue aérienne

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PARTIE X ARTS, SPORT ET CULTURE

CHAPITRE 3 LES ARTS AU CREUSET DE LA PE0SEE CO0GOLAISE CO0TEMPORAI0E par Jean-Luc AKA-EVY I0TRODUCTIO0 Dans le dégagement de la pensée congolaise contemporaine à l’épreuve des combats des Africains pour les indépendances de leur pays, le travail créatif des artistes7, des écrivains et des intellectuels a été déterminant dans la prise de conscience historique et politique des peuples d’Afrique noire. Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, la lutte pour la reconnaissance des héritages culturels et historiques8 du Monde noir s’amorce partout en Afrique, en Europe, aux Amériques et dans les Caraïbes, surtout après l’effondrement et la libération du Monde occidental9 suite aux confrontations des deux Guerres mondiales. Les prises de position radicales concernant le vécu noir africain se font entendre dans les revues, dans les manifestations culturelles et artistiques internationales de grande envergure 10, dans les universités : 7

Alioune Diop, 1951, « Editorial : l’artiste (noir) n’est pas seul au monde » in L’Art nègre, Paris, Présence Africaine. 8 Cheikh Anta Diop, 1954, ations ègres et Culture, Paris, Présence Africaine. 9 Oswald Spengler, 1948, Le déclin de l’Occident. Esquisse d’une morphologie de l’histoire universelle, traduit de l’allemand par M. Tazerout, Paris, Gallimard. 10 Le 1er Congrès International des Ecrivains et Artistes oirs, Paris – Sorbonne 19-22 septembre 1956, Présence Africaine, 1956 ;

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des publications majeures sur le Monde noir sont annoncées et bouleversent la conscience mondiale sur les faits africains. Dès lors, les Noirs africains relisent autrement leur histoire et déploient désormais leur pensée suivant leurs propres paramètres11. On s’affranchit alors d’une certaine épistémologie européocentriste et africaniste pour appréhender le vrai Monde noir. Des paradigmes nouveaux, aiguisés souvent par les Noirs eux- mêmes s’émancipent et s’autorisent de prendre congé de ceux que l’Occident avait élaborés pour lire et dire le vécu noir africain. Au modèle gréco – latin, réactivé par les philosophies « providentialistes » de l’histoire des Lumières et du XIXeme siècle, en passant par la révolution copernico – galiléo – newtonienne, le fameux cogito cartésien ainsi que le calcul différentiel de Leibniz, modèle qui s’était instauré comme étant le seul paradigme d’appréhension et d’appréciation des êtres et des choses, il faut désormais compter avec les propositions du modèle négro-africain élaboré et conçu par les artistes, écrivains et intellectuels noirs dans la plupart de leurs travaux au croisement des années quarante et cinquante. Face donc à cette nouvelle installation de la pensée africaine sous toutes ses coutures, face à cette nouvelle mondialisation dont le concept « Art nègre » est le signe emblématique, raccordé aux idées novatrices du mouvement panafricaniste qui a érodé en profondeur les indépendances des pays d’Afrique noire, quel « bilan » historique et esthétique peut-on tirer du travail créatif des artistes d’Afrique noire en général, et

11

Deuxième Congrès des Ecrivains et Artistes oirs, t. I, L’Unité des Cultures Négro-Africaines, Rome : 26 mars – 1er avril 1959, Paris, Présence Africaine, 1959. Cheikh Anta Diop, 1957, Antériorité des civilisations nègres : mythe ou vérité historique ?, Paris, Présence Africaine ; Théophile Obenga, 1973, L’Afrique dans l’Antiquité. Egypte pharaonique – Afrique noire, Paris, Présence Africaine. - 76 -

du Congo en particulier ? Quelles sont les résonnances des arts dans le mouvement d’émergence du Congo à l’Indépendance ? Autrement dit, suivant la cadence historique et les combats des forces vives pour la conquête de l’Indépendance de notre pays, quel a été le parcours de nos arts et qu’elles sont les grandes tendances qui marquent l’évolution historique et esthétique de ces arts ? I – Considérations historiques sur les tendances artistiques du Congo à l’orée des indépendances africaines Le nom colonial du pays était « Moyen – Congo », c’est-àdire le pays situé sur le cours moyen du fleuve Congo. Il y’avait par conséquent, selon le parcours du fleuve, le BasCongo (pays situés de part et d’autre du cours du fleuve), et le Haut-Congo (contrées localisées dans le cours supérieur du fleuve). La locution « Congo » vient du nom du Royaume de Kongo, localisé dans le Nord-Ouest de l’Angola actuel12. Les migrations précoloniales ont amené certains groupes de ce royaume vers le cours inférieur et moyen du fleuve : les Ntandu et les Ndimbu de l’actuel Congo démocratique (ex Zaïre), les Kongo, Sundi et Manyanga du Congo-Brazzaville, les Soyo de l’enclave du Cabinda. Les Kongo de Brazzaville disent bien en signe de conscience de leur origine ethnique : « Mase meto ku kongo dia totila batuka (nos ancêtres sont issus du Kongo du chef suprême « ou Roi ». Ce chef suprême régnait sur l’ensemble du pays Kongo. » L’orthographe Kongo13, c’est pour désigner l’ancien royaume et un groupe 12

13

Théophile Obenga, 1974, Afrique centrale précoloniale. Documents d’histoire vivante, Paris, Présence Africaine, pp. 15-93. Voir à ce propos également A. Fu-Kiau Kia Bunseki-Lumanisa, 1969, kongo ye nza yakun’zungidila. Le Mukongo et le Monde qui l’entourait. Cosmogonie – Kongo, Recherches et Synthèses, n°1, Office National de la Recherche et de Développement, Kinshasa. - 77 -

humain de ce royaume désormais fixé dans le cours inférieur et moyen du fleuve « zadi », en langue des Kongo, d’où « Zaïre » dans la phonation portugaise. Car, suivant la traversée historique du Congo, c’est par l’Océan Atlantique, dès 1492, via l’Angola, San Salvador, et Punta Négra (PointeNoire), que le Portugal a pris pied et langue avec le Congo14. Par l’Océan Atlantique donc, tout au début de l’ère moderne européenne, par le biais de « l’humanisme » des affaires et des « découvertes » au temps de la Renaissance, le Congo entrait dans les circuits de la mondialisation ibérique et lusitanienne et s’ouvrait culturellement au monde15. A la fin du XVe siècle, les premiers artefacts et objets d’art des royaumes de Kongo et de Loango arrivent au Portugal. Ainsi le Congo moderne apparaît dans l’ouvrage d’Olfert Dapper, Description de l’Afrique16, publié en néerlandais en 1668 à Amsterdam. Il y décrit les royaumes du Kongo, du Kakongo, de Soyo, de Loango et de Makoko, en insistant sur les relations économiques, commerciales, artistiques, symboliques et culturelles entre le littoral maritime et le Pool Malébo, c’est-àdire entre les côtes vili et les savanes téké17, en passant par la verdoyante vallée du Niari. Les gens des environs de Ibiti (Sibiti de nos jours) chassaient l’éléphant pour le compte des rois-dieux de Loango dont la garde personnelle était recrutée 14

Abbé Proyart, 1776, Histoire de Loango, Kakongo, et autres royaumes d’Afrique, Paris, chez C.P. Berton et N. Crapart, et Lyon, chez Bruyset-Ponthus, pp. 124-126. 15 Se rapporter ici à Luc Aka Evy, 2006, L’Image des arts d’Afrique noire dans le Discours esthétique occidental moderne. De la Renaissance au temps de Picasso puis de « l’art primitif » aux « arts premiers », Thèse de Doctorat d’Etat es Lettres, Université de Paris 1Panthéon Sorbonne. 16 Olfert Dapper, 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, chez Wolfgang, Waesberge, Boom et van Someren, pp. 364-368. 17 Ibidem., p. 59. - 78 -

parmi les jeunes valeureux des contrées Yaka. Dapper affirme également que les Sundi mélangés aux Téké partaient extraire le cuivre dans la zone qui s’étend de Mindouli à Mouku Songo ou Boko Songo dont l’onomastique signifie précisément « Place du cuivre ». Les affaires, les industries culturelles de l’époque, notamment la métallurgie, le tissage et la poterie, la vaillance de la jeunesse, ont donc constitué le « moteur de l’histoire » et de la culture, pendant des siècles, pour ces pays de savanes et de forêts, de collines et de vallées que l’on admire toujours, entre la côte atlantique et le Congo, jusqu’à son haut bassin, chez les « gens d’eau », les Ngala du Nord Congo. Olfert Dapper a bien noté les arts et les rites de tous ces pays kongo, vili, téké, sundi et ngala, grâce aux informations des marchands négriers des Flandres et des PaysBas. Ce qui a sans doute frappé l’imaginaire d’Olfert Dapper, ce sont les personnages figurés en estampe dans son ouvrage, il y a trois siècles : ils sont grands, robustes, resplendissants de santé et de vigueur, – une belle race négro-africaine, bien nourrie et bien vêtue, certainement aussi bien soignée, vivant dans des écosystèmes non pollués, selon des rythmes biocosmiques et socio-culturels appropriés, déroulant ainsi un développement humain harmonieux. Les valeurs culturelles et politiques prônées étaient celles de la solidarité, de la concorde, de la dispute consensuelle, de la palabre négociée sans malice, du respect des ancêtres et des aînés, du culte des morts, de la crainte du père, de l’amour quasi religieux de la mère, du culte du beau, du bien et de la justice18. La vie individuelle et collective était respectée sans inutiles tautologies. La paix ne se réduisait pas au poids d’un simple 18

Théophile Obenga, 1991, « Histoire du Monde Bantu » in Racines Bantu. Bantu roots (sous la direction de Th. Obenga et S. Souindoula), Libreville, CICIBA, pp. 121-150. - 79 -

slogan, mais elle constituait fondamentalement une valeur de société et de civilisation. Ainsi donc, tout regard tourné vers le passé, même le plus lointain, reste nécessairement soutenu par des interrogations et considérations actuelles puisqu’il s’agit d’une nécessité dialectique et que toute histoire est histoire culturelle contemporaine. En conséquence de quoi, toute politique est d’abord et simplement la traduction d’une politique culturelle arrimée au travail de mémoire d’une civilisation, d’un peuple ou d’une nation. De facto, le plus haut point de la culture d’un peuple consiste à saisir l’esprit universel dans son génie. Pour toutes ces raisons, le domaine culturel doit être un prétexte privilégié pour servir de guide à la découverte et à la connaissance du Congo et de la politique culturelle dégagée par ce pays depuis quelques décennies. En effet, depuis l’amorce de l’Indépendance du Congo, la place et le rôle de la culture dans le développement global de ce pays n’ont jamais été clairement définis par les décideurs et le législateur congolais. La marginalisation permanente du secteur culturel, la faiblesse des investissements, ainsi que le manque des infrastructures qu’on y observe en sont la parfaite illustration. Or, l’histoire des peuples enseigne que la culture consolide la volonté de vivre et d’œuvrer ensemble à la construction d’un pays. La culture contribue donc à développer et à consolider la conscience d’appartenance commune à un même pays. Dès lors, la présente étude a pour but de baliser certains repères historiques d’ordre culturel et artistique en vue de servir modestement et éventuellement à l’élaboration d’une politique culturelle efficace, ou tout au moins à la susciter. Etant donné que toute investigation dans ce domaine doit être assortie de principes directeurs clairs reposant sur des pratiques culturelles et artistiques affirmées dans la conscience historique et politique des Congolais.

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De facto, notre étude se repartie en deux grandes articulations dont la première partie est un rappel historique de la dimension culturelle et artistique du Congo et la seconde porte sur les perspectives qu’offrent l’implication d’une telle dimension dans le développement global du Congo et des enjeux et impact de la culture dans l’élaboration d’une mémoire collective nationale et moderne, ouverte à la créativité contemporaine. II – De la profondeur préhistorique aux premières manifestations culturelles et artistiques Les âges de la préhistoire du Bassin du Congo (R.D.C et Congo – Brazza) commencent à être connus, définis et classés. Dès 1935, Jean Colette, africaniste belge tente d’établir la première chronologie de la préhistoire congolaise. Mais, c’est tout au début des années 80 et 90 que certains travaux, particulièrement ceux de Pierre de Maret, Raymond Lanfranchi, Bernard Clist, Aimé Manima, et récemment Abraham Constant Ndinga Mbo ont pu établir l’âge des industries préhistoriques du Congo19. La plupart des techniques issues de ces industries recèlent des gisements de surface attribuables au tshitolien. Suivant toutes ces indications archéologiques, on peut aujourd’hui affirmer que plusieurs hominidés et espèces humaines ont occupé, parcouru, marqué l’espace actuel du Congo : sur la base des vestiges lithiques des outils récoltés, il est fort possible de dessiner les types d’hommes préhistoriques qui ont été les initiateurs, les créateurs des outils récoltés, leurs âges respectifs, les 19

Abraham Constant Ndinga Mbo, 2010, « Migrations en Afrique : l’origine des premiers hommes du Congo », Le Regard diplomatique. Revue congolaise d’études et de pratiquees diplomatiques, n° 4, janvier-février, pp. 55-63. - 81 -

fondements approximatifs de leur milieu culturel. A cause de la présence de l’outillage lithique typique de la Pebble Culture et d’un certain nombre d’indices ostéologiques faisant signe à la présence de l’Homo habilis, ainsi que de la proximité du Bassin du Congo avec les régions de l’Afrique australe et de l’Afrique orientale, il peut être établi que l’occupation humaine du Congo remonterait aux âges australopithéciens, c’est-à-dire à plus d’un million d’années. Ainsi donc, on peut dire que suivant les différents âges archéologiques que le Bassin du Congo a connus, le Tshitolien est, (dans presque toute l’Afrique centrale), l’âge le plus « récent » de sa préhistoire, celui où s’amorce son processus de néolithisation. Sur diverses collines dominant les grandes vallées du Niari ou du Congo et de ses affluents, on trouve les outils caractéristiques de cet âge. De facto, les armatures tshilotiennes raffinées et spécialisées que l’on trouve ici conviennent parfaitement à une culture de la pêche, de la cueillette et de la chasse aux moyens et petits animaux ainsi qu’aux oiseaux. Ce caractère évolué, ces gisements superficiels, l’utilisation magique actuelle relative fréquente d’autre part de cet outillage tshilotien font accréditer l’hypothèse de sa date récente. S’en suit alors la classique proto histoire des métaux, cuivre et fer, argent et plomb. Désormais, il est admis que cet âge des métaux est celui par lequel se sont affirmés les peuples dits « Bantous » dont les descendants sont regroupés en quatre grandes familles linguistiques : Teke, Kongo, gala et Maka. S’il est convenu de reconnaître que ce sont ces Bantu qui constituent le grand groupe des habitants de l’espace culturel du Bassin du Congo, il y a lieu cependant de dire que les Tswa « Pygmées » furent les « premiers » hommes à s’installer dans cet espace. Et c’est au fur et à mesure que les Bantu prennent possession des lieux à partir desquels s’est dessiné

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historiquement et culturellement l’actuel territoire du Congo20. Dès lors l’affirmation de l’identité culturelle du Congo ne répond pas à un simple besoin de se singulariser. Elle n’est ni une simple proclamation de droit à la différence, ni le signe d’une crise politique ou d’un désarroi économique, pas plus qu’une réaction pathologique au traumatisme des effets pervers du colonialisme. Elle n’est ni réflexe d’auto défense face à l’agression de la culture technologique européenne issue de la nouvelle mondialisation et de la globalisation de l’économie du marché, ni processus de purification destiné à détruire les germes de la diversité culturelle, base de toute démocratie authentique et de l’instauration d’un Etat de droit républicain et laïc. C’est par conséquent l’esquisse des traits les plus caractéristiques de la personnalité culturelle et artistique congolaise plurielle qui peut servir de creuset au surgissement d’une pensée congolaise moderne efficace. Car la circulation des idées et des biens culturels qui, à travers les âges, s’entretiennent les différentes régions du Congo et d’autres pays d’Afrique centrale est amplement attestée. Frontières naturelles avec la République Démocratique du Congo, l’Angola, la République Centrafricaine, le Gabon et le Cameroun, cette circulation en dépit des obstacles naturels et des conflits de tout genre s’est étendue dans tous les sens, et a participé à l’éclosion et aux différentes créativités artistiques, spirituelles, littéraires et façonné les imaginaires anthropologiques de l’homme congolais. Le fleuve Congo lui-même, ainsi que l’Océan Atlantique ont représenté un lien naturel entre les différentes régions du Congo et les autres parties de l’Afrique et du monde, installant de fait le Congo dans les circuits de la modernité et du développement durable. Aussi, 20

Jean Vansina, « Expansion et identité culturelle des Bantu » in Les peuples Bantu…, op. cit., pp. 273-289. - 83 -

se donne à lire dans le déploiement de la créativité congolaise contemporaine, la conjonction de l’esprit de cette culture plurielle avec celui du développement arrimé à la modernité. Car un développement durable est toujours nourri constamment de l’intérieur par un esprit culturel, un idéal, une philosophie, une esthétique, une éthique et une politique, c’està-dire prosaïquement par une pulpe vivante d’idées, de croyances, d’ambitions, de thématiques inlassablement imaginées et inventées qui propulsent le développement dans le temps et dans l’espace. C’est ainsi qu’il faut comprendre pourquoi les arts, les lettres, et tout ce qui participe à l’élaboration des formes et expressions matérielles et immatérielles donnent un sens nouveau à la vie de l’esprit culturel du Congo, déroulant ainsi sa politique culturelle. III – Tendances historiques des formes et expressions artistiques du Congo Dans la mise en œuvre d’une mémoire collective efficace au Congo, en tenant compte du poids historique de ce pays dans le dégagement d’une rupture entre le passé et le présent, la ville de Brazzaville apparaît comme le point de mire d’une expérimentation originale. Car, à la veille de l’Indépendance du Congo, Brazzaville fut à la pointe d’une nouvelle expression culturelle et artistique issue des pratiques traditionnelles de l’arrière-pays, en confrontation avec celles dérivées de l’action culturelle urbaine de l’administration coloniale française. En effet, l’explorateur français d’origine italienne, Pierre Savorgnan de Brazza, a eu son nom donné à la métropole du Moyen-Congo et du Congo : Brazzaville, sur la rive droite du fleuve Congo, en pays téké où existait déjà le village Mfoa, sous l’autorité d’un chef politique et spirituel qui obéissait lui-

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même au roi résidant à Mbé21. Le pouvoir du chef de Mfoa s’étendait sur le puissant fleuve, en concertation avec les autres chefs téké de la rive gauche qui commandaient les ancrages de Ngobila, de Kitampo (Kintambo), jusqu’aux hauteurs du mont Amba (emplacement actuel de l’Université de Kinshasa, ex-Lovanium) et de Ngalieme ou Ngaliema. Il y’avait deux grands marchés : Maya-Maya dans la plaine de Ngamaba (actuel aéroport international de Brazzaville) sur la rive droite, et Untsaya (d’où Kinshasa en phonation européenne) sur la rive gauche. En fait le mot « u-ntsaya » veut dire en téké « échange », et « Maya-Maya » signifie dans la même langue « va-et-vient ». La vie, le trafic, le commerce, la navigation, la pêche, les échanges de toutes sortes liaient ainsi Mfoa et Untsaya hier, comme aujourd’hui Brazzaville et Kinshasa (ex-Léopoldville). Brazzaville ne peut pas vivre sans échanger avec Kinshasa, et vice versa, ceci depuis bien avant la colonisation. La préhistoire des deux rives révèle des relations, au temps néolithique, entre les habitants de la rive droite et ceux de la rive gauche. C’est dire la profondeur temporelle des solidarités qui unissent Brazzaville à Kinshasa. Dans les temps coloniaux et postcoloniaux, Brazzaville aura son histoire culturelle propre. Celle d’une ville glorieuse, aux nombreux monuments et aux symboles historiques et politiques toujours vivants. Ceux-ci doivent être intégrés dès le départ dans l’élaboration d’une politique culturelle harmonieuse. Parmi les monuments historiques les plus évocateurs de Brazzaville, on peut citer : la cathédrale à vitraux du Sacré-Cœur de Jésus bâtie par Monseigneur Prosper Augouard, la basilique-souvenir Sainte-Anne du Congo, œuvre gigantesque du Revérend Père Charles Le Comte, la Case du 21

Marcel Ibalico, 1955, « L’origine des Batékés d’Impila » in Revue Liaison, n°46, Brazzaville. - 85 -

Général de Gaulle, l’immense stèle souvenir de Pierre Savorgnan de Brazza surplombant le fleuve Congo, la colossale statue du Gouverneur Général Félix Eboué devant le stade qui porte son nom. Ces choses de pierre et de bronze, puissantes, grandioses, spectaculaires, enracinent ainsi Brazzaville dans le temps historique. Elles lui donnent son visage, son âme et sa renommée. En se promenant à Brazzaville, on va nécessairement à la rencontre de l’histoire, celle de grands hommes qui ont laissé l’exemple du dévouement, de la patience, du devoir, de l’honneur et de la gloire. Brazzaville est une Cité, certes, mais une cité bâtie dans l’éclat de la lumière équatoriale et verdoyante de sa superbe robe de la forêt de la patte d’oie. On l’appelle ainsi « Brazza la verte » ! Ville historique, Brazzaville est aussi une ville politique qui a ses symboles et ses mythes puissants, à l’instar de grandes figures telles que André Grenard Matsoua, De Gaulle, Jacques Opangault, Fulbert Youlou. Brazzaville est fière de ces personnages qui ont marqué et marquent encore aujourd’hui la conscience politique des Congolais. Ces figures politiques devenues de véritables icones historiques traduisent aussi l’activisme culturel et « militant » de la jeunesse congolaise. Car la jeunesse brazzavilloise a toujours été « activiste », évoluant en associations socio-culturelles et militantes. Pendant longtemps, la jeunesse de Brazzaville à l’image des jeunes de « Poto-poto », n’a pas connu le « tribalisme » ou le « régionalisme ». Seuls comptaient pour elle le débat d’idées et les stratégies de lutte pour la liberté au sein des cercles culturels de Poto-poto et de Bacongo. Le magazine « Carrefour des Jeunes » animé par Sylvère Tsamas et ses amis de tous les horizons du Congo est un témoignage historique concret de l’éveil à la fois culturel et politique de cette jeunesse toujours en quête de nouveauté et d’originalité dans les années 50-60. - 86 -

Ville historique, politique, Brazzaville est aussi et surtout une ville culturelle et intellectuelle, possédant jadis des librairies, des bibliothèques et des revues de belle qualité et de bonne facture. Car, c’est encore la métropole congolaise qui a initié toute l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F) aux belles lettres grâce à la célèbre revue Liaison, fabriquée, éditée et animée à Brazzaville par Lomami – Tchibamba (R.D.C), Patrice Lhoni, Leyhet-Gaboka, Mambéké-Boucher, Jean Malonga, Antoine Letembet-Ambily, Galin Douate (R.C.A.), etc. Le lycée « aéfien » Pierre Savorgnan de Brazza, si magnifique autrefois, a envoyé en France ses premiers élèves pour des études universitaires, plusieurs années avant l’indépendance du Congo en 1960. Seul le mérite prouvé comptait. La discipline stricte était sentie plutôt comme un bien par tous les élèves ; il fallait travailler d’arrache-pied pour prendre part au Concours général de la Métropole et se voir bien classé lors de la distribution des prix en fin d’année. Les aînés servaient de modèles aux cadets dans les études et les examens. La part du Lycée Savorgnan de Brazza et du Lycée Chaminade (confessionnel) dans la formation des cadres est irremplaçable. Culturelle, Brazzaville très tôt s’est installée dans le cycle de la mode et de l’élégance. Les enfants de Poto-poto et ceux de Bacongo, les somptueuses filles de ces deux vieux quartiers de la Cité, ont des « Amicales », des « Associations », des « Fraternités » et des « Sororités » qui existent depuis plus d’un demi-siècle. L’association féminine « La violette » a traversé le temps, mais la grâce, l’élégance, la distinction, le raffinement demeurent comme au bon vieux temps des célèbres bars-dancings tels que chez « Faignond », « Bankaitès », « Macedo » ou les « Cataractes ». Toutes ces indications montrent que Brazzaville est une ville où il faut savoir cultiver les relations humaines. Les hommes et les femmes authentiques de Brazzaville déconsidéraient ceux ou - 87 -

celles qui ne tenaient pas à l’honneur de la parole donnée. Toutes les ethnies et toutes les générations se côtoyaient autrefois à Brazzaville dans l’amour, la solidarité, l’entr’aide, le secours mutuel, particulièrement lors des mariages, naissances, baptêmes ou décès. Des traditions existent, culturelles, artistiques, artisanales, vestimentaires, culinaires, musicales, photographiques, littéraires, ludiques, etc. Par conséquent, Brazzaville a toujours célébré à sa manière selon son style de vie et sa cadence historique le beau, l’élégance, le bien, l’amitié, la solidarité, l’intelligence, l’hospitalité. En effet, par son hospitalité légendaire, Brazzaville est une ville extrêmement cosmopolite. La notion d’ « étranger » y est inconnue, car depuis toujours cette ville vit en phase avec sa sœur jumelle Kinshasa. A Brazzaville, Noirs et Blancs, Tchadiens, Centrafricains, Camerounais, Gabonais, Angolais, Sénégalais, Maliens, Guinéens, Mauritaniens, Béninois, Nigérians, Ivoiriens, etc., vivent et ont toujours vécu en symbiose et en harmonie. Et ensemble, ils partagent parfois les mêmes souvenirs, établissent de merveilleuses relations et tressent parfois dans une complicité inouïe des choses agréables à voir, à entendre, à savoir et à savoir faire. Les lieux, les squares, les monuments, les vieux édifices coloniaux, les dancings célèbres, les arbres, les bosquets et les avenues, constituent autant de repères pour les souvenirs et des étrangers et des Congolais qui habitent cette ville. Comment ne pas les prendre en compte quand il s’agit d’élaborer une vraie mémoire collective, base de toute historicité singulière en vue de la construction moderne du Congo ? Glorieuse cité, face à une autre énorme métropole africaine, Kinshasa, Brazzaville dite la « verte » forme en fait une seule et même grande masse urbaine avec « Kinshasa-la-Belle » : le Pool Malebo (ex-Stanley Pool), majestueux, unit les deux capitales les plus rapprochées du monde. L’île Mbamou, autrement-dit l’ïle-des-rôniers, bien qu’appartenant à la rive droite, semble - 88 -

prolonger à la fois Brazzaville et Kinshasa comme d’ailleurs l’île-au-diable, aux puissantes chûtes du Congo, là où précisément le fleuve franchit d’immenses obstacles de pierres. Avec donc tous ces atouts historiques, politiques, culturels et touristiques, Brazzaville apparaît donc comme le point focal à partir duquel l’on peut élaborer et expérimenter une politique culturelle en République du Congo. Celle-ci, s’appuyant sur l’ensemble des infrastructures en place, doit déboucher sur la mise en route des nouvelles acquisitions technologiques et sur l’érection de grands édifices culturels sur le territoire national. Par conséquent, l’élaboration d’une politique culturelle basée sur une loi d’orientation nationale ne peut que consolider le développement du Congo. IV – Congo, terre historique de la sculpture africaine Faut-il le rappeler ici, avant de présenter les grandes tendances des formes et expressions artistiques congolaises de la veille de l’Indépendance à aujourd’hui, qu’il a existé un art sculptural traditionnel, très ancien, considéré comme l’une des fortes expressions plastiques de l’Afrique noire22. En effet, si l’on considère le volume des études déjà publiées sur les arts d’Afrique noire depuis leur installation dans les sillons de l’art et de la littérature de l’Occident sous l’impulsion des Cubistes, des Surréalistes et des Expressionnistes au début du XXème siècle, on se rend compte que la connaissance de ces arts est désormais solidement constituée23. Remontant jusqu’à la fin du 22

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Ezio Bassani et William Fagg, 1988, Africa and the Renaissance. Art in Ivory, New York, The Center for African Art and Prestel – Verlag ; Joseph Cornet, « L’Art dans la culture Bantu » in Les peoples Bantu…, op. cit., t. II, pp. 415-420. Michel Leiris et Jacqueline Delange, 1967, Afrique noire. La création plastique, Paris, Gallimard, collection « L’Univers des formes » ; William Rubin (sous la direction de), 1987 et 1991, Le Primitivisme - 89 -

Moyen Age et au début de la Renaissance européenne, la sculpture congolaise traditionnelle englobe une pluralité plastique qui traverse tout le territoire national. La statuaire téké, kwélé, kota, les « fétiches » à clous kongo, mbembé, les marottes en bois kyébé-kyébé mbosi-koyo, les masques tsayi, punu, yombé, les cuillères et salières en ivoire loango sont parmi les œuvres de l’Art nègre qui ont marqué la conscience esthétique euro – américaine du début du XXe siècle24. On note cependant qu’il y a de profondes mutations sociologiques et esthétiques qui sont intervenues dans les structures sociales africaines post indépendances dans la réception historique et esthétique de ces arts anciens et les arts africains modernes d’essence urbaine. De ce fait, il n’y a pas à proprement parler, sur les plans symbolique et esthétique voire ontologique, de continuité ou d’héritage entre l’ancien art sculptural traditionnel et la sculpture congolaise contemporaine, essentiellement urbaine. Il n’y a ni possession, ni ré-appropriation et encore moins dénégation du sens esthétique ou plastique de cette sculpture congolaise contemporaine au détriment de l’ancienne. Autrement dit, la modernité de cette nouvelle sculpture n’est pas la version émancipatrice ou moderne de l’ancienne tradition sculpturale. Du point de vue historique et esthétique, il n’y a ni dépérissement, ni décadence, ni dépassement entre ces deux ordres plastiques. Entre les arts plastiques des aires culturelles congolaises pré coloniales et ceux issus des enclaves urbaines indépendantes et post indépendantes, il n’y a ni convergence ni divergence.

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dans l’art du 20e siècle (2 volumes), Paris, Flammarion ; Africa. The Art of a continent, Edited by Tom Philips, Prestel Verlag, New York, London, 1999 ; Arts of Africa. 7000 ans d’art africain, Grimaldi Forum Monaco, Genève, Skira Edition, 2005. Sculptures : Afrique, Asie, Océanie, Catalogue, Pavillon des Sessions, Musée du Louvre, Paris, RMN/Musée du Quai Branly, 2000. - 90 -

Cependant, par les « ruses » de l’histoire, par le jeu inconscient ou conscient du miroir du passé sur le présent, on peut tout au plus induire quelques rémanences formelles de la sculpture traditionnelle dans la nouvelle. Donc, ni rupture, ni continuité entre ces deux expressions plastiques. Juste l’entrecroisement formel différé, dû à une reprise bien pensée et bien détournée de quelques motifs de la thématique sculpturale ancienne suivant des cas précis dans les tendances plastiques urbaines actuelles. Les canons sociologiques et culturels présidant à la mise en signe formelle et à la révélation du sens esthétique des formes et expressions plastiques traditionnelles ne sont plus opérationnels aujourd’hui25. Les modes de réception, de circulation et de diffusion de ces œuvres ne relèvent pas non plus de l’économie d’un « marché de l’art » au sens occidental26. L’accès au travail du bois et des autres médiums, dans les sociétés traditionnelles africaines procède le plus souvent des pratiques initiatiques, cultuelles, sacrées, ésotériques27. Se révèle ici un rapport ontologique avec les artefacts, qui est certes esthétique, plastique, mais dont la vocation est aussi d’ordre symbolique, sacré et d’établir un maillage entre le monde visible et le monde invisible28. Dès lors les lieux de révélation et de monstration de ces œuvres sont secrets et sacrés. Car ces œuvres ne sont pas toujours visibles pour tout le monde. Elles sont fortement « chargées » symboliquement. Elles incarnent les esprits des 25

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Marie – Louise Bastin, 1986, « Art sculptural de l’Afrique Bantu » in revue Muntu, n° 4-5, CICIBA, Libreville, pp. 135-163. Jean-Godefroy Bidima, L’Art négro – africain, Paris, P.U.F., « Que sais-je ? », pp. 27-35. Engelbert Mveng, « La Symbolique dans l’art négro-africain », in Racines Bantu. Bantu roots, op. cit., pp. 193-224. Ibidem. Voir également Th. Obenga, 1984, « Caractéristiques de l’esthétique bantu » in revue Muntu, n°1, CICIBA, Libreville, pp. 6197. - 91 -

ancêtres ou des divinités de toutes sortes. Elles sont visibles suivant les grandes cérémonies qui rythment et marquent la vie sociale29. Par contre, l’accès au métier de la sculpture contemporaine est le plus souvent une initiative personnelle. Ce métier est basé sur un apprentissage profane lié au plaisir de s’approprier un médium, de le travailler suivant sa propre conception, sans instruction esthétique relevant d’une autorité sacrée. Les marques de la signature sur le médium sont attestées et révèlent l’œuvre comme processus d’individuation. L’individualisation est la marque, ici, de l’établissement de l’artiste congolais contemporain dans le microcosme urbain comme subjectivité signant son œuvre. Il s’agit donc de deux visions plastiques complètement différentes. Cependant les artistes congolais contemporains, par les effets d’une certaine réminiscence historique et culturelle, ont su instaurer un dialogue incessant, entre l’ancienne sculpture et la leur. Car, du point de vue thématique, ces deux expressions sculpturales se retrouvent : elles célèbrent toutes les formes de vie de l’homme et de son univers. V – Tendances actuelles de la sculpture congolaise contemporaine d’essence urbaine L’analyse de la sculpture congolaise contemporaine montre que cet art actuel est essentiellement urbain. Nous serions tenté de dire que c’est une sculpture urbaine du Stanley Pool, rive droite du fleuve Congo. A priori, trois grandes tendances presque imperméables les unes aux autres s’imposent. 29

Marcel Griaule, 1938, Masques Dogon, Paris, Institut d’Ethnologie – Musée de l’Homme ; voir également, Georges Niangoran Bouah, 1964, La division du temps et le calendrier rituel des peuples lagunaires de la Côte d’Ivoire, Paris, Institut d’Ethnologie – Musée de l’Homme. - 92 -

La première tendance, très prolixe et plus conservatrice, est celle des « descendants artistiques » de Mayola dont les représentants les plus célèbres demeurent Benoît Konongo et Grégoire Massengo. Cette tendance prend naissance dans les années 1930, précisément dans le village téké de Kingoma, appelé aujourd’hui « Massengo », situé à une dizaine de kilomètres au nord de Brazzaville. C’est précisément dans ce village téké de Kingoma que Mayola va signer la première rencontre moderne congolaise entre l’imaginaire urbain et le bois. C’est lui qui initiera ses neveux Grégoire Massengo et Benoît Konongo au travail de la sculpture. En raison de son âge très avancé et de son éducation traditionnelle kongo « classique », ainsi que de ses connaissances personnelles acquises auprès des notables téké, il s’exerça dans un premier moment à reproduire des œuvres qui évoquaient la sculpture téké et mbembé qu’il connaissait fort bien. L’une des premières productions qu’il fit faire par son neveu Konongo, fut la reproduction d’une pipe traditionnelle mbembé qu’il possédait. La plupart des statuettes que Mayola exécuta avec l’aide de ses neveux Massengo et Konongo étaient en fait des commandes des chefs de terre téké, et leur conception épousait la symbolique téké. Cette conception a longtemps inspiré l’œuvre de l’artiste Mayola et l’augmentation des commandes téké a joué un rôle déterminant sur les objets divers sculptés : coqs, oiseaux et surtout des pipes traditionnelles, très intériorisées, stylisées avec agencement d’une tête ouvragée ayant une ouverture servant de trou à tabac. Pour travailler ses œuvres, Mayola utilisait un bois nommé le « ngwala mumpala, mbaki » (consterit). Quelques années plus tard, à la fin des années quarante, Mayola quitta Kingoma, partit pour Léopolville (Kinshasa) sur la rive gauche du fleuve Congo. Il est malheureusement impossible aujourd’hui de trouver les œuvres de cet artiste dont la plupart furent « achetées » ou cédées aux chefs de terre téké. - 93 -

Après le départ de Mayola, ses neveux Grégoire Massengo et Benoît Konongo continuèrent de faire fonctionner l’atelier de Kingoma. Cependant, les commandes téké se raréfiaient alors que les statuettes votives et gémellaires d’inspiration téké perdaient de leur prestige auprès de Massengo. Les Téké avaient entre temps « retrouvé » leur sculpteur « traditionnel » qui gardait l’anonymat ; ce dernier retaillait le bois selon les « vrais » canons de leurs ancêtres. Grégoire Massengo procéda alors à une nouvelle orientation sculpturale de ses œuvres, suivant sa propre inspiration. Il élabora le système de représentation en bas relief, qui existait déjà, mais qui jusquelà n’avait pas été systématisé comme style sculptural. Avec l’essence du bois appelé « moungandji », très léger, facile à tailler, Grégoire Massengo mit au point, avec des matériaux maniables, de nouvelles possibilités plastiques à explorer. La trouvaille du système consistait à obtenir une homogénéité du fond en monochrome. Le noir était la couleur de prédilection dans le travail de Massengo. Un mélange d’huile au charbon donnait une pâte à l’effet escompté appliquée sur la surface traitée. Elle offrait ainsi l’impression d’une essence naturelle. Avec ingéniosité, l’artiste Massengo parvenait à élargir son champ d’action et diversifiait les thèmes choisis en conservant la représentation, travaillant des motifs zoomorphes (hiboux, cannes serpentines) ou anthropomorphes (pipes à têtes sculptées) et autres supports tels que des tabourets en basrelief. Massengo voulait, par ce travail, atteindre des sujets stylisés, sculptés avec des interstices blancs faisant apparaître la beauté des motifs représentés et mis en relief. C’est ici qu’il faut signaler qu’en dépit de cet effort d’élaboration sculpturale et en tenant compte des aspects très rudimentaire des outils du travail, les formes générales de ces statuettes ou de ces supports ne remplissaient pas toujours les conditions exigées ou les proportions relatives aux normes classiques

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d’orthodoxie sculpturale traditionnelle négro-africaine ou occidentale. Ces objets représentaient tout simplement des évidences plastiques réussies, parfois inédites ; ils témoignaient d’un travail artistique qui s’intercalait péniblement entre la sculpture traditionnelle téké/kongo d’essence rurale et la naissance d’un art urbain d’essence coloniale : ce qui confère un tant soit peu de valeur esthétique à ces œuvres. Ce travail révélait tout au plus que ces artistes congolais du début de l’ère moderne de la sculpture congolaise avaient un talent « inné » pour le métier du bois qui devait très tôt éveiller la curiosité des étrangers, particulièrement européens, artistes ou amateurs d’art de l’époque coloniale et susciter le désir de les « aider » à s’accomplir dans de nouvelles voies d’exploration plastique. Cet intérêt européen pour ces artistes « pionniers » était très ambigu : durant la période coloniale, on les indexait « d’artisans » et non d’artistes ! Les artistes et mécènes européens adoptaient diverses attitudes correspondant à leurs préoccupations coloniales dominantes : soit, ils s’attachaient à « sauver » l’art traditionnel ancestral, menacé de disparition par les bouleversements politiques, économiques, socioculturels d’origine coloniale ; soit, ils se préoccupaient « d’initier » les « artisans » congolais à de nouvelles perspectives plastiques en rupture avec l’ordre sculptural ancestral ; ou encore ils cherchaient des formules « intermédiaires » destinées à concilier l’originalité négroafricaine avec les techniques modernes des formes plastiques d’essence occidentale. C’est dans ce cadre qu’il faut situer la rencontre entre Benoît Konongo et l’architecte Roger Lelièvre connu sous le nom « d’Errel » vers 1945. Celui-ci, dans un souci de perfection technique lui fait reprendre plus d’une dizaine de fois une pipe qu’il voulait acquérir. A sa demande, Benoît Konongo quitta le village téké de Kingoma et s’installa - 95 -

quelque temps chez lui dans le quartier colonial européen de Brazzaville. Plus tard, il le fit engager dans la section des arts appliqués de l’école coloniale Edouard Renard de Brazzaville. Là, en compagnie de deux de ses cadets, Gustave Loumouamou et Edouard Malonga, il va initier d’autres jeunes Congolais au métier de la sculpture suivant les règles de cette école coloniale. Il va de soi que dans cette école, Benoît Konongo acquit une nouvelle expérience. Et, au contact des techniques modernes, il améliora sa propre technique sculpturale sur le plan de la finition et du rendu des matériaux. Mais par rapport aux métiers d’art exécutés dans cette école, Benoît Konongo avait le statut de « manœuvre », d’« artisan » plutôt que d’« artiste ». Les œuvres produites étaient vendues aux expatriés européens par l’école qui concédait un salaire mensuel à Konongo et à ses élèves. Les oiseaux, les pipes, les têtes sculptées, les statuettes votives représentant des jumeaux constituaient les motifs de ce travail en bois de « gwala ». C’est pendant son séjour à l’école Edouard Renard où il enseignait que l’architecte Roger Errel fit venir du Gabon la pierre de Mbigou. Ainsi, sur sa recommandation, Benoît Konongo exécuta pour le compte du Gouverneur général Félix Eboué l’une des premières œuvres congolaises en pierre de Mbigou représentant une jeune fille au torse nu. C’est également Errel qui lui fit découvrir le « wengué », bois très prisé par les expatriés européens. Avant de quitter l’école Edouard Renard, juste à la fin de 1948, il exécuta sur commande du Père Charles Lecomte, chargé de l’office religieux à la basilique Sainte-Anne de Brazzaville, trois statuettes votives représentant le Christ et la vierge Marie. A l’école des arts appliqués Edouard Renard, comme chez Roger Errel où il travailla un moment sous sa direction, Benoît Konongo améliora son travail de sculpteur. A-t-il subi une influence plastique de la part de l’architecte français ? Toujours est-il que Konongo acquit une certaine maîtrise - 96 -

technique dans le travail de la finition des matériaux, et qu’une transformation nette se fit sentir dans son travail d’élaboration sculpturale. Cela fut perceptible dans la géométrisation des motifs qui marqueront les œuvres qu’il exécutera au début des années 50, lorsqu’il quittera l’école Edouard Renard, pour aller fonder son propre atelier de la rue Mayama, un quartier situé au nord de Brazzaville. C’est tout au début des années 80 qu’il alla s’installer à Makélékélé, au sud de Brazzaville. Parallèlement, Grégoire Massengo, qui était resté à Kingoma, continua d’animer son propre atelier. C’est à l’occasion d’une vente de ses œuvres au quartier colonial européen qu’il fut découvert par le « commandant »30blanc de la ville de Kinkala, localité située dans la région du Pool, au sud de Brazzaville. Celui-ci, émerveillé par son œuvre, lui fit la proposition de décorer sa paillote. Il partit donc pour Kinkala et, avec l’aide de deux de ses élèves, il décora tous les piliers en bois massif de la paillotte. Par ce travail, il acquit une grande renommée dans toute la région du Pool et à Brazzaville ; et quand il revint dans son village téké de Kingoma, son atelier prit de l’ampleur et, de facto, il l’agrandit. Il devint célèbre et, le plus naturellement, le village Kingoma commença à attirer du beau monde colonial du fait du succès de l’artiste Massengo. c’est ainsi que la population environnante dénomma Kingoma en « Massengo » ! Dans la naissance des arts plastiques du Congo, particulière dans le dégagement urbain de la sculpture moderne, il est nécessaire de souligner la désappropriation culturelle coloniale qui fit perdre à Grégoire Massengo ses attaches d’origine kongo et téké. De plus en plus, en confrontation avec l’affirmation de certain nombre d’actions socio-culturelles de l’Administration, elles-mêmes maillées et érodées par les 30

Expression locale de l’époque pour désigner le représentant de l’autorité coloniale dans les régions intérieures. - 97 -

« impacts » culturels d’autres Africains en situation coloniale en Afrique Equatoriale Française, Grégoire Massengo, à l’instar d’autres artistes congolais et africains de cette époque, cherchait son chemin. De plus en plus, sa sculpture entamait une autre situation artistique inédite, complètement à la jointure du monde négro-africain ancien et l’espace urbain déployé et imposé par l’administration coloniale française. Dès lors, Grégoire Massengo se mit à utiliser de nouvelles essences de bois dans son nouvel atelier de la rue Mayama et à déplier des thèmes résolument inédits dans l’imaginaire plastique congolais. Les objets créés accédèrent à une nouvelle esthétique plus affermie et gagnèrent une valeur plastique réelle, et en même temps ils devinrent de véritables marchandises avec des prix variables. La plupart des commandes furent le fait des Européens qui travaillaient dans l’administration coloniale : rares furent les Congolais qui s’adonnèrent à ce commerce bien particulier. Le goût esthétique développé par la nouvelle installation plastique de Massengo correspondait plus à celui que souhaitaient les colons blancs. Il ne s’agissait pas ici de la naissance d’un marché de l’art au sens occidental du terme : il s’agissait en fait d’un espace « informel » qui permettait tout au plus à quelques amateurs d’artisanat dit « indigène » ou exotique d’acquérir des objets « primitifs » ou « curieux » selon l’expression de l’époque. D’où l’importance de la recherche de nouvelles connaissances sur les essences de bois dont les spécificités établies donnaient aux objets traités plus de brillance et de polissage. Le bois de fer appelé le « wengué », le « kambala » et la pierre de « Mbigou » sont de plus en plus utilisés. Et c’est vers les années 1956/1957, sur invitation de l’autorité administrative coloniale de Kéllé, localité située dans l’actuelle région de la Cuvette Ouest, où il va travailler précisément pour une société d’exploitation minière, que - 98 -

Grégoire Massengo découvrira l’ébène noire avec laquelle il exécutera quelques bustes, des masques et d’autres pièces majeures de son œuvre. Ce n’est que bien plus tard qu’il finira par utiliser le bois gris. En fin de compte, dans l’émergence de la sculpture congolaise contemporaine, Grégoire Massengo, à l’instar de Benoît Konongo dans la droite ligne tracée par Mayola, inaugure une œuvre plastique, qui trouve ses racines dans l’entrecroisement des restes des traditions kongo/téké et les plissures culturelles et artistiques coloniales de la nouvelle ville de Brazzaville. Et qu’en tout état de cause, ces artistes occupent une pace centrale dans l’histoire des arts plastiques du Congo moderne. Après cette première tendance de la sculpture congolaise contemporaine d’essence urbaine, apparaît une seconde incarnée par Bernard Mouanga Nkodia. Celui-ci, sorti de l’atelier de Maître Giela de Ouenzé, où il resta de 1957à 1959, fait la jonction entre cette première tendance et celle plus indépendante annoncée par l’œuvre sculpturale de Rémy Mongo-Etsion dépliée vers la fin des années soixante-dix. Vers 1959, Bernard Mouanga Nkodia fut admis au concours d’entrée à l’Académie des beaux-arts de Saint Luc de Léopolville (Kinshasa). Là il choisit l’option « sculpture sur bois » ; il y passera quatre ans à acquérir les règles du métier dans un environnement influencé par la « modernité » de l’école dite « belge »31. Cette formation pratique, essentiellement technique, se révélera propice pour le travail que cet artiste amorcera dès son retour à Brazzaville en 1964. Le retour sur la rive droite du fleuve Congo sera particulièrement intéressant car il sera 31

Badi-Banga Nemwine, 1977, Contribution à l’étude historique de l’art plastique zaïrois moderne, Kinshasa. - 99 -

embauché au centre forestier de Brazzaville comme enseignant sculpteur, décorateur en design d’ameublement intérieur. La traduction variée et stylisée des œuvres de Mouanga Nkodia n’obéissait nullement aux caractères hiérarchiques, même si la tradition, dans son éventail des scènes de terroir, était respectée. Avec Mouanga Nkodia on sent, on palpe des œuvres auxquelles il a su donner une vie intérieure. Marqué par une tendance occidentale classique, cet artiste a été fortement influencé par l’œuvre de Michel-Ange et Rodin. Il y’a cette approche de la grâce de Rodin qui se dégage de ses œuvres et la force expressive des formes qu’il trouve chez Michel-Ange. Entre ces deux forces plastiques contraires, « Papa Mouanga », ainsi que l’appellent les intimes, a su, par sa magie formelle, transposer des attitudes plastiques qui marquent profondément la modernité de la sculpture congolaise contemporaine. Son écriture plastique est un véritable régal pour l’œil et l’esprit : ici se dessine une sculpture dont la limpidité et la finesse transmettent une forte émotion. Plusieurs fois primé sur le plan local et en Afrique centrale, « Papa Mouanga » est considéré à juste titre, comme l’un des plus grands artistes sculpteurs de sa génération. Son œuvre plastique est parmi les plus prisées du Congo. A cheval entre la première tendance de la sculpture congolaise moderne d’essence strictement urbaine et la nouvelle tendance, il fait le lien entre les deux. Dominée par des formes géométriques filiformes et agréables à voir, la sculpture de « Papa Mouanga » est une merveilleuse voie pour saisir le passage entre la tradition et la modernité dans l’émergence des formes plastiques congolaises post indépendantes. Dans cette seconde tendance, à l’exception de l’œuvre de Bernard Mouanga Nkodia, il faut signaler également, les œuvres des sculpteurs d’ivoire descendus le long du fleuve Congo, influencés par l’art des miniatures des deux rives. Cette sculpture sur ivoire a pris naissance du côté des riverains - 100 -

Bolobo, Moye, Ngangoulou, Mbochi et Téké de la localité de Makotimpoko. Cette sculpture s’est affirmée entre 1950 et le début des années soixante. La troisième tendance, très indépendante, expérimentale et complètement ouverte à la modernité des formes plastiques d’Afrique et du monde occidental, est incarnée par l’œuvre de Rémy Mongo-Etsion. Cet artiste, à l’instar d’autres artistes plasticiens de sa génération comme Trigo Piula, Bill Kouélany, ou Ndinga Eleizer, propose et professe une exploration plastique extrêmement fine des matériaux, méthodes et concepts nouveaux. Celle-ci se situe dans une dynamique d’interactivité et de dialogue avec les autres médiums pour un ressourcement évolutif et perpétuel, et aurait pris forme à la jonction des années quatre-vingt et quatrevingt- dix. Sans être une tendance strictement homogène sur le plan plastique, bien distincte, cette tendance regroupe la plupart des jeunes sculpteurs congolais d’aujourd’hui. Cette tendance qui trouve également ses échos dans l’œuvre plastique de Bill Kouélany – assurément la plus grande artiste peintre congolaise de ces vingt dernières années – est un véritable hymne à la créativité plastique. Entre 1993 et 1994, cette tendance aborde le thème du mouvement compression/extension. Que ce soit sur le bois, sur la pierre, sur les métaux ou encore avec les couleurs, il y a ici chez Mongo-Etsion et Bill Kouélany une nette tentative de créer des formes plastiques nouvelles, complètement inédites. Assemblage des matériaux divers, qui peut être une réplique d’une équation mathématique relative à la ligne fermée, à la ligne ouverte, symboles de la vie et de mort. Opposition vie et vies vécues – vie/infinité – vies vécues – segments – vie close/vie ouverte – fini/infini – pénétration/de-pénétration. Vies vécues, ce sont des segments ; des sillons de la vie que chaque être vivant, humain, animal, végétal, minéral, trace, - 101 -

laisse dans la suite infinie du Cosmos. Toute une phénoménologie de matériaux découpés, assemblés, désassemblés, ouverts, vides et pleins, se révèle ici. Même dans les dernières performances de Bill Kouélany, il y a cette volonté manifeste, quasiment prométhéenne de visualiser à travers ces formes plastiques des mondes inconnus, inédits, des couleurs et des lignes qui font découvrir des horizons où l’invisible et le visible se côtoient sans se rencontrer si ce n’est pour ouvrir l’œil à des perspectives lointaines et merveilleuses. L’œil, au vu de ces matériaux « formés, déformés et reformés, n’arrête presque pas de voir et de revoir sans jamais trouver le point de vue et le point de fuite de sa vision : perspective sans point d’appui parce que toujours fuyant à travers les lignes pleines et vides de vie, naissance/mort/renaissance ». La sculpture, agencée à la peinture à la photographie, à d’autres médiums, est comme une équation mathématique, comme une partition musicale, c’est-à-dire une suite infinie de sons, de couleurs, d’éclats étincelants de tous les bruits silencieux du monde. Le vide est silence, mais silence bruissant, silence gros de toutes les sourdines (bruits en fond sonore) de l’univers. Silence grouillant, remuant, comprimant/ déprimant, libérant, criant à la fois ha ! et ouf ! ou hum ! Comme la femme en état de grossesse attend dans le silence, gémissant pendant l’accouchement, les cris de l’enfant qui vient, qui arrive et qui annonce les couleurs et les sons de la vie. Telles apparaissent la sculpture et la peinture de Rémy Mongo-Etsion, de Bill Kouélany et de tous ceux qui sont dans leur lignée. VI – Couleurs vives et merveilleuses du Congo Avec la naissance de l’Ecole de Peinture de Poto-Poto, au croisement des années cinquante du XXème siècle, la création plastique congolaise a pris de l’ampleur et s’est imposée au - 102 -

grand public international. La force créatrice ne s’est jamais démentie au fil des années, malgré quelques éclipses dues aux aléas de l’histoire, à un faible management de cette œuvre qu’à une régression de celle-ci, depuis sa fondation par Pierre Lodds en 1951 sous le label du Centre des arts africains. En effet, dans les années quarante déjà, quelques peintres congolais ont leur propre atelier. Ils ont, pour la plupart, été initiés à la peinture moderne et possèdent, pour certains d’entre eux, une connaissance générale de l’histoire de l’art européen. Les plus connus d’entre eux s’appellent Jean Balou, Eugène Malonga, Faustin Kitsiba, Guy-Léon Fylla. En fait de paysage culturel, il y a une certaine effervescence à Brazzaville dans les années 40. L’Afrique Equatoriale Française prend une part active à la Guerre mondiale grâce à Félix Eboué. En cette période de tourmente, Brazzaville a été élevée au rang de Capitale de la « France libre » par le Général de Gaule. Il y a donc cette guerre mais, en même temps, les échanges sont nombreux, les artistes circulent, cherchant à faire fortune ailleurs que dans leur patrie d’origine. C’est ainsi qu’on retrouve à Brazzaville un Bela Borkema, peintre d’origine tchadienne qui venait de l’Est du Congo belge où, grâce à Georges Desfossés, il avait appris les rudiments de l’art de peindre. De la même façon, Jean Balou, premier peintre congolais en date, voyage beaucoup sur le très vaste territoire français d’Afrique équatoriale. Cette nouvelle forme d’expression artistique semble gagner quelques-uns comme on attrape une maladie incurable. La peinture à l’huile, des outils comme le pinceau sont chose nouvelles et l’artiste qui vient de les adopter apparaît déjà, dans sa société, tantôt comme une sorte d’hurluberlu, tantôt comme un magicien, un sorcier qui apprivoise les couleurs pour reproduire la réalité quotidienne et l’emprisonner sur une toile. Cette première fournée de peintres, ces pionniers ont la pleine conscience qu’ils font partie d’une nouvelle caste. Pourtant, il faut bien avouer que ce - 103 -

mouvement qui est en train de prendre racine en Afrique, est relativement tardif en ce qui concerne le Congo français. Au Congo belge voisin, les choses ont commencé dès avant 1925 et les expositions de peinture nègre en Métropole attirent des foules de plus en plus nombreuses de curieux. Mais Brazzaville est une sorte de plaque tournante grâce à son accessibilité (le Chemin de Fer Congo-Océan relie PointeNoire et Brazzaville, tandis que le fleuve permet de naviguer jusqu’à Bangui) d’une part, mais sans doute aussi, grâce au prestige de la France. Cette effervescence donc, Brazzaville le doit en grande partie au succès personnel d’un peintre d’origine camerounaise qui a choisi de s’y installer : Gaspard de Mouko. Ce dernier exerce une sorte de fascination sur les Congolais, surtout grâce à sa réussite sociale. En somme, au Congo de ces années-là, la peinture pouvait faire vivre son homme. Très en vogue à la même époque, les paysages font l’honneur des bonnes maisons. Les portraits sont également très demandés car ils sont un signe extérieur de richesse ; plus encore que le premier, ce dernier genre fait la fortune de ceux qui ont une grande maîtrise du dessin. Militaire de carrière, Pierre Lods est en poste au Congo et, lorsqu’il quitte l’armée en 1949, il envisage de s’installer à Brazzaville comme peintre. Avec l’arrivée de Pierre Lods, les choses vont considérablement changer. On ne cherchera plus à reproduire la réalité, on va désormais la simplifier, la transformer et même, quelquefois, s’en écarter totalement. L a méthode de Lods est simple : pas de cours, pas d’instruction ; en un mot, pas de méthode. Il suffit de laisser courir le pinceau sur la toile, au gré de sa propre fantaisie, au gré d’une imagination qu’on se garde bien de brider au contact du monde extérieur. Tous les peintres que Lods trouve sur place sont à l’école européenne et c’est exactement le contraire de ce que recherche le peintre français. Pierre Lods souhaitait trouver, en - 104 -

effet, des peintres qui n’auraient jamais été au contact de l’art pictural de l’âme africaine. La légende, Guy-Léon Fylla, peintre et critique d’art, l’a fixée à travers un texte dont nous tirons l’extrait suivant : Pierre Lods, installé comme artiste peintre, prend à son service, en tant que personnel de maison, un jeune congolais, Félix Ossali, qui, nanti d’un sens de l’observation tout naturel, le regarde travailler du coin de l’œil en même temps qu’il s’occupe de ses travaux ménagers. Il est frappé par les couleurs avec lesquelles son patron joue à longueur de journée. (…). Quelque temps après, Ossali décide de faire comme son patron. Un matin, Pierre Lods, ayant abandonné comme d’habitude sa palette garnie de plusieurs peintures, s’en va faire quelques courses. A son retour, il surprend Ossali, pinceau en main, étalant sur un morceau de papier quelques couleurs de la palette, réalisant ainsi une véritable symphonie sauvage mais combien originale et frappante. Monsieur Lods, se gardant bien de le déranger, est émerveillé. Dans l’insouciance, Ossali continue son gribouillage jusqu’au moment où il s’aperçoit de la présence de son patron. Pris de panique, il tente de prendre la fuite, mais Pierre Lods le rattrape au bon moment, et tout heureux de trouver ce qu’il cherchait, le rassure, le met en confiance tout en le priant de poursuivre et d’achever son œuvre. Très peu rassuré, Félix Ossali continue, la mort dans l’âme, à manier la couleur jusqu’au moment où Pierre Lods lui demande d’arrêter, trouvant que l’œuvre parlait déjà de manière

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suffisante. Félix Ossali devint ainsi le premier élève de Pierre Lods (…)32. Il faut croire que Lods avait fait siennes toutes les grandes idées de la fin du XIXe siècle qui débouchèrent sur le crise de la conscience européenne en matière d’art et surtout en peinture. Crise qui aboutit à une lente et progressive subversion du Réel - pris comme mimesis du sujet ou de l’objet représenté -, au profit d’une prise en compte de plus en plus prégnante dans son travail, du caractère aléatoire, variable, relatif, de ce Réel. Sans compter qu’aux difficultés liées à la perception pourrait s’ajouter, va s’ajouter la mise à nu, l’intrusion d’un imaginaire personnel désormais sanctifié par une manière de phéno-ménologie liée à la connaissance créative. La vogue de la psychanalyse ne fera d’ailleurs qu’amplifier ce mouvement et, d’une certaine manière, le parachever. On admet généralement, pour des commodités de classement à la fois chronologique et esthétique, la succession de trois générations de peintures à l’Ecole de Peinture de PotoPoto. Cette théorie est renforcée par une manière de coïncidence entre le passage d’une génération à l’autre et l’abandon – parfois imperceptible sur le champ, mais chaque fois justifiable à travers les toiles –, d’un style longtemps dominant pour un autre. C’est ainsi que le style dit « Mickey » est considéré comme le premier style dominant de l’Ecole. Celle-ci a d’ailleurs acquis sa renommée grâce à cette manière héritée sans doute – si du moins l’on en croit la référence au personnage créé par 32

Guy Léon Fylla, « L’Ecole de Peinture de Poto-Poto et son impact dans la vie culturelle et artistique du Congo », in, Sanctuaire souvenir – Saint-Anne du Congo – Basilique de la liberté : 1943-1993.

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Walt Disney – des formes caricaturales des dessins animés de ce cinéaste américain. Voici d’ailleurs ce qu’en dit le poète et critique d’art Jean-Baptiste Tati Loutard : L’Ecole de peinture de Poto-Poto a connu plusieurs styles, mais le plus marquant fut le style « Mickey ». Inauguré par Félix Ossali, ce style se caractérise par des formes schématisées, rudimentaires. Les formes sont réduites à l’essentiel et rendues expressives par la fantaisie des mouvements, d’où le nom de « Mickey », par référence aux dessins animés du cinéaste Walt Disney. Ce sont en général de petits tableaux qui exaltent la vie africaine traditionnelle, à travers les scènes de chasse, de pêche, de marché, de guerre, de danse. On a plusieurs fois relevé la ressemblance de cette forme d’art avec l’art rupestre du Tassili et de l’Afrique du Sud. Les personnages essaiment un espace sans troisième dimension. La grande vogue des « Mickey » se situe entre 1950 et 1954. C’est par ce style que l’Ecole de Peinture de Poto-Poto a été le mieux connue dans le monde. Il reste encore quelque chose de ce graphisme pictural chez des peintres comme Gotene dont l’art n’est pas sans parenté avec précisément l’art rupestre. Il suffit de voir son tableau « la caravane des porteuses » et « la théorie des jeunes filles » de la caverne de jeunes filles (Ravin de Tsisab), pour s’en convaincre. Mais un tel comptage aurait le défaut d’omettre, pour ce qui concerne toute l’histoire de la peinture moderne au Congo, la toute première génération, celle des pionniers. Si cette dernière n’est pas directement liée à l’Ecole, il faut bien avouer qu’elle joue un rôle important dans la consolidation d’une identité propre à celle-ci. Il serait, en effet, illusoire de penser que les pionniers n’ont eu aucune influence sur les premiers élèves de - 107 -

Pierre Lods, dès 1951. C’était, on l’a vu, l’anti modèle : ce contre quoi il fallait à tout prix lutter, ce dont il fallait s’écarter artistiquement. Ne serait-ce que pour cela, on peut, en effet, admettre que les pionniers eurent une certaine influence sur la première génération des peintres de Poto-Poto. Le fameux style « mickey » n’est entièrement lié au Centre des Arts Africains (premier nom de l’Ecole de Poto-Poto) de Pierre Lods, que parce qu’il permet aux disciples de naître à l’art sans être à l’école de l’Occident, en ayant leur identité propre. Avec la naissance de l’Ecole donc, commence la seconde génération des peintres congolais. La troisième sera constituée par les nouveaux élèves du Centre des Arts, eux-mêmes pris en charge par les premiers élèves de Pierres Lods. Quelques-uns parmi ces nouveaux élèves deviennent très vite des indépendants. Le plus célèbre, mais aussi le plus doué d’entre eux, s’appelle Gotène. Pierre Lods a beaucoup de mal à le diriger, à discipliner son tempérament par trop libertaire ; en un mot, à brider son imagination échevelée. Au bout de deux mois de rapport plutôt orageux avec le « maître », l ‘élève finit par claquer la porte de l’Ecole pour aller ouvrir son propre atelier où il va inaugurer un style pictural des plus originaux de l’Afrique noire. Aujourd’hui on peut simplement affirmer que Marcel Gotene est le plus grand artiste peintre congolais vivant. Avec les « mickey », on a surtout des scènes de genre. On raconte la vie quotidienne sur une toile avec un nombre important de personnages. On voit la ménagère piler du sakasaka, tandis-que le joueur de tam-tam semble donner le la à des danseurs. Plus loin, d’autres personnages dans d’autres attitudes, avec d’autres occupations, reproduisent le menu d’un quotidien que les jeunes peintres répètent à l’envi. Plus tard (milieu des années 60), le style s’affinera, mais les scènes de chasse et de pêche auront à peine été remplacées par des scènes de marché, des foules bigarrées (Ondongo) et, - 108 -

beaucoup plus tard (année 70), par un inextricable enchevêtrement de formes et de couleurs, rappelant quelquefois les masques de l’Afrique traditionnelle. Ce changement de sujets lui-même correspond sans doute à une très forte urbanisation due à un exode rural massif qui, par ailleurs, s’explique moins par le développement économique des villes (notamment Brazzaville et Pointe-Noire) que par les structures mentales laissées par une colonisation subtile des esprits, à travers cette recherche éperdue de la reproduction du modèle colonial. En effet, la ville exerce une telle fascination sur les Congolais que, très vite, telle une pieuvre aux multiples tentacules, elle vide la campagne de ses bras les plus vigoureux. Elle concentre sur elle tous les fantasmes, tous les rêves de fortune et de gloire qui habitent la jeunesse et que le cinéma (notamment les films d’espionnage américains) fait miroiter. Paradoxalement, toute cette effervescence de la ville est absente des toiles. Le nu lui-même semble un sujet tabou. Sans trop forcer sur la formule, on pourrait aller jusqu’à dire que le sujet n’est pas la préoccupation première des peintres de Poto-Poto. Autrement dit et pour parodier Valéry, les sujets les plus usités, les personnages de ces toiles, c’est la vigueur du pinceau, c’est la belligérance des lignes, des formes et des couleurs. Au milieu des années soixante, l’Ecole s’affirme comme le vivier le plus important de la peinture congolaise. Les premiers élèves sont devenus des maîtres, chacun ayant développé son propre style. Certains pionniers d’ailleurs se laissent contaminer, féconder par le succès de cette « génération spontanée » d’artistes prodigieux. D’exposition en exposition, l’Ecole apparaît dès les années cinquante, selon le bon mot de Ballis (Directeur du Centre des Arts de Prétoria), comme « l’événement pictural le plus important de l’Afrique d’aujourd’hui ».

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Avec des artistes comme Iloki, Okola, Ossiete, Ondongo, Thango, Ouassa, Ossali, Zigoma, Ngavounka, Ntuta, Bandila, Tatty, Iloki (fils), Mangwanza, Boboma, Ted Elongo, cette Ecole a connu des fortunes diverses. Et avec des artistes indépendants de la trempe d’Eugène Malonga, Guy Léon Fylla, Gotene, Kitsiba, Noël Letolo, Ndinga Hilarion, Mokoko, Hengo, Mounkala, Trigo Piula, Rémy Mongo-Etsion, Elenga, Bill Kouelani, Balonga, Tondo-Ngoma, Gastinaux, etc., cette œuvre plastique, sous toutes ses formes et couleurs s’est nourrie de toutes les sensibilités culturelles du Congo. C’est aussi de cette diversité qu’elle s’est constamment renouvelée. C’est dans ce même moule que s’est dégagée également la sculpture congolaise contemporaine inaugurée dès les années 30-40 par Mayola dont le style sera repris et développé par Benoît Konongo et Grégoire Massengo, sculpteurs congolais bien connus en Afrique. Cette première tendance sera suivie, déroulée par Bernard Mouanga Nkodia issu de l’atelier de Maître Etienne Giela. Avec Babindama, Mbia, Mongo-Etsion, et Mouanga-Nkodia, la sculpture congolaise aborde le gigantisme monumental. Enfin, il y a celle de ses dix dernières années, attestée par les œuvres de Molvy Nzonzy, Leandre Itoua, Nicolas Bissi, Eugène Abdon Nsonde, Eliezer Josias Dinga, Clotaire Samba, Séverin Kinzonzi-Mouendo, Béa Matt, Pass’Iza. Célébration plastique de la vie en vue d’établir les vies vécues, ainsi se donne à lire le nouveau sens de cette sculpture congolaise contemporaine. Couleurs chatoyantes, chaudes, grouillantes, l’expression volontaire ou intuitive de cette peinture et cette sculpture sont d’une force inouïe, qui ouvrent à des imaginaires merveilleux, tourmentés, mais jamais pessimistes. C’est à quelque chose près ce qui distingue également l’univers de la littérature congolaise moderne. Œuvre remarquable, originale, la - 110 -

littérature congolaise est simplement l’une des plus intelligentes et puissantes de l’Afrique sub-saharienne. Constituant une véritable « phatrie », les écrivains congolais excellent dans le roman, la nouvelle, la poésie. De Jean Malonga à Alain Mabanckou, en passant par Tchicaya U Tam’Si, Letembet-Ambily, Tati-Loutard, Guy Menga, Henri Lopes, Sylvain Bemba, Tchitchele Tchivela, Théophile Obenga, Sony Labou Tansi, Emmanuel Dongala, Biyaoula, Boniface Mongo, Nené Amélia, Marie Léontine Tchibinda, Aimée Mambou Gnali, Maxime Ndébéka, Jean-Blaise SambaBilombo, la littérature congolaise de ces cinquante dernières années constitue assurément l’une des plus belles pages de l’écriture de l’histoire culturelle congolaise contemporaine. Elle est foncièrement habitée par le Congo dans toutes ses coutures, ses splendeurs et ses malheurs. Elle est rageuse dans sa singularité, pugnace dans sa thématique et décapante dans son humour et sa gouaille. Elle est profondément inclassable et fondamentalement unique dans le paysage littéraire africain. Œuvre exaltante, célébrant la vie, sous forme de réflexions, de sentiments, de sensations, la littérature congolaise moderne de ces cinquante dernières années, par ses tonalités et ses saveurs nouvelles, pleine de promesses, a ouvert grandes les frontières imaginaires du Congo au monde. Célébrer la vie dans toutes ses dimensions, c’est aussi le credo de la musique congolaise de ces cinquante dernières années. En effet, les années cinquante sont pour les musiciens du Congo de deux rives du Stanley Pool, celles de la réappropriation des rythmes des Antilles, des Caraïbes. Le mambo, le merengue, la mazurka, la biguine, la marche, le fox-trot, la rumba, le cha cha cha, le boléro, le « gévé » envahissent le marché phonographe congolais, puis par la radio naissante et les premiers bars dancings du Congo, intégrant le patrimoine sonore du Congo par un brassage - 111 -

complexe d’éléments tirés du fond local, de la rencontre avec les Africains venus du Golfe de Guinée qui apportent le highlife. Et au début des années 60, la romance euro-andalouse prend pied dans l’installation des sons du Congo : romance inspirée par le succès de Patrice et Mario, Georges Guetary, Luis Mariano, Tino Rossi. C’est cette nouvelle musique populaire, chantéeen langue nationale (lingala), mêlée par moment à un simulacre du créole, de l’espagnol, qui meuble les loisirs des Brazzavillois dès le samedi soir. C’est sans conteste Paul Kamba qui constitue la référence mythique de cette musique. Avec lui, il faut ajouter Dadet Damongo, Lebel Massamba, Guy-Léon Fylla comme les pionniers de la musique congolaise moderne. Suivront ensuite les ensembles qui rythment la vie des congolais avec NégroBand, Bantous de la Capitale, Orphée Jazz, Cercul Jazz, Tembo. Les musiciens comme Essous, Nino Malapet, Ophélé, Opia, Demon Kazano, Loubelo De la lune, Franklin Boukaka, Célio Nkounka, Papa Noël, Jacky, Jojo, Marie Bella, Mammadou Ntouta, ont émerveillé plus d’un Congolais entre les années des indépendances et la « Révolution ». La période qui suit est exemplaire de créativité avec l’arrivée des musiciens comme Joseph Mulamba Mujos, Mbemba Pamélo (Pablito), Mountouari Côme Kosmos, Biyeli Gerry Gérard, Bitsikou Théo, Richy Siméon dans les Bantous. C’est dans la même veine que s’affirmeront des jeunes ensembles comme Mando Négro « Kwala-kwalakwa », Super Boboto, Los Batchitcha, Los Rumbaros, les Fantômes, Super Kwalakwalakwa, Sindza Koto-koto, Africa Mod « matata », Manta lokoka, Novelty, Super Tembessa, Mok’National de Kiwo. Et au croisement des années 70 et 80, font surface des orchestres dits « amateurs » des élèves des Lycées comme les « Techniciens », le « groupe rouge », ainsi que ceux des quartiers populaire à l’instar des « Bilengue Sakana ». Viendront se greffer à cette panoplie, les Dzoï, le Peuple, Télé - 112 -

Music, les Anges. Depuis une vingtaine d’années, ce sont Nzao, Extra-Musica, les Patrouilles des Star, le Brazzavillois Rapha Afara Mbouendzeki, Kingoli, qui tiennent le pavé de cette musique. CO0CLUSIO0 La créativité congolaise à l’épreuve de la Guerre Avec le mouvement Recyd’Art amorcé en plein milieu des années 1990 et durant la période la plus sombre de l’histoire du Congo, la créativité congolaise moderne prend également un nouveau tournant. En effet, ce mouvement recueille et fait le recyclage artistique des objets usés, disparates et jetés à la rue. Sous la responsabilité de Nicolas Bissi, peintre sculpteur et grand animateur culturel, ce mouvement rassemble de jeunes artistes qui ont transformé toute une avenue du centre de Brazzaville en œuvre d’art. Papito, le plus jeune du groupe, a moins de 15 ans. Anicet Malonga, Eugène Nsondé, Magloire Nzonzi, Serge Ouaboulé et Molvy Nzonzi n’ont pas encore trentre ans. Ils sont peintres, sculpteurs et scénographes. Recyd’Art est le prétexte, le seul qui puisse unir ces artistes d’horizon si divers : confluence transversale, tel est le mot d’ordre de ce mouvement33. Pendant deux mois, avril-mai 1998, ces artistes ont ramassé dans les décharges publiques, les chantiers, les garages et amassé boîtes de conserve, carcasses de réfrigérateurs, écrous, 33

Nicolas Bissi, 1998, « Recycd’Art : recycler, réutiliser, recréer », in Lemba, n°001 du 15 mai. Notons que cette exposition a été soutenue par Danielle Adada, l’association « Brazza’Art », le projet culturel « patrimoine francocongolais » et le Centre Culturel français de Brazzaville ; l’association « Nouvel’Art » en a assuré la coordination. - 113 -

bougies de moteur, vaisselle cassée… Leur objectif : créer des œuvres d’art à partir des objets de récupération et les exposer « à même la rue », car désormais ils appartiennent à la rue. D’autant plus que ces objets sont les « témoins vivants », non parlants, non humains, mais symboliques de la guerre civile qui a détruit la ville de Brazzaville en 1997. Soixante jours d’imagination créative et de « folie positive » de la vie, opposée à la « folie négative » de la guerre et de la mort. A la pulsion de la guerre, génératrice de la mort, il faut opposer la pulsion de l’art qui est générateur de vie. Pendant soixante jours, ces jeunes artistes ont pris d’assaut une grande avenue de Brazzaville avec des couleurs, des collages en procédant par la même occasion au recyclage de tout objet trouvé dans la rue en lui donnant une nouvelle dimension pour aborder et entrer dans le monde nouveau créé par ces objets usés. D’une carcasse de réfrigérateur et d’un tuyau d’échappement de motocyclette naît un trompettiste ; un réservoir de moto, des amortisseurs d’automobile, des couvercles et des chaînes de transmission animent un couple dansant le « dombolo », la nouvelle danse en vogue à Kinshasa et à Brazzaville. D’un chauffe-eau surmonté de quatre tuyaux de fer sort un éléphant dont la queue est un robinet qui déverse un jus de tangawis (plus connu sous le nom de jus de gingembre) très prisé par les Brazzavillois ; le simple carton de sucre devient un support plastique, au même titre qu’une toile ; le charbon de bois, la farine de foufou, les feuilles de n’importe quelle plante, le kaolin sont des piments utilisés par ces artistes. La rue ainsi « squattée » se transforme elle-même en œuvre d’art. « L’art dans la rue », qui est un autre concept de ce mouvement indique tout au plus que la rue, à l’image d’une œuvre d’art, est une porte ouverte sur la vie, sur le monde. L’œuvre d’art, comme la rue, l’avenue, est une porte qui nous ouvre et nous livre à la vie, au monde. De ces objets usés, jetés - 114 -

et rejetés, cassés, concassés, déchargés, défaits et destitués de leur nature originale par le recyclage qu’ils subissent, ils accèdent à une nouvelle topologie d’être et à être. Ces objets deviennent autre chose et offrent à l’œil qui les voit un monde inédit, un monde en attente d’un nouveau matin, d’une nouvelle aube. Ce qui a été l’objet usé, jeté, recueilli par la rue et recyclé par l’artiste devient autre chose en nous ouvrant grandes les portes de la vie, du monde, annulant ainsi « les forces négatives » de la folie, du temps sombre, crépusculaire de la guerre et de la mort, c’est-à-dire du non-être. C’est en suivant ce crédo que Rémy Mongo-Etsion, Bill Kouélany, Gatinaux, Trigo Piula, Claude Balonga, Eleizer Ndinga et tous ceux qui sont dans leur lignée font de la sculpture, de la peinture et de tous les autres médiums une célébration plastique de la vie, des vies vécues. C’est ainsi qu’il faut déchiffrer le sens nouveau de la créativité plastique congolaise contemporaine à l’aube du XXIème siècle.

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CHAPITRE 4 LE SPORT CO0GOLAIS, DE 1960 A 2010 par Albert MBOUSSA I0TRODUCTIO0 La documentation écrite et orale disponible sur l’histoire du sport pratiqué au Congo au cours des 50 ans de notre Indépendance amène l’historien à la structurer en quatre périodes : Temps 1 : 1960 – 1970 Temps 2 : 1970 – 1990 Temps 3 : 1990 – 2000 Temps 4 : 2000 – 2010 Notre exposé a en fait l’ambition de relater les grands évènements sportifs qui ont marqué les 50 ans de notre Indépendance. Mais, on ne saurait parler des grands événements sportifs organisés par notre pays et de ceux auxquels nos athlètes ont pris part au plan international sans faire quelque mention des pionniers du sport congolais. De 1960 à 2010, au plan gouvernemental, le sport congolais a été géré par les personnalités ci-après : Bernard MambekéBoucher (Ministre des Sports à l’Indépendance), André Hombessa, Claude Ernest Ndalla, Prosper Matoumpa Mpolo, Paul Ngouala, Henri Elende, Sylvain Mbemba, Massamba Mamfouka. Au plan administratif, les personnalités ci-après l’ont géré avec beaucoup d’efficacité : Jean Claude Ganga, Boniface Massengo, Jean Mondele, Paul Ebondzibato, Michel Oba, Jean-Paul Ngaloua. - 117 -

Pour enseigner l’éducation physique et animer le sport, plusieurs enseignants ont été formés de 1956 à 1970 dans les pays étrangers (Cameroun, Congo-Kinshasa, Sénégal, Tunisie et France). La première génération est constituée par les cadres ci-après : Daniel Ovaga, Jean Dzong, Jérome Becale, PierreClaver Matoko, Placide Kodia, … I-Première période : 1960-1970 1. Des évènements sportifs au plan national Dans les années 1960, le 1er président de la République du Congo, l’Abbé Fulbert Youlou, initie le projet de construction à Brazzaville, dans la forêt de Diata, d’un grand stade Omnisports. La pose de la première pierre est faite le 24 février 1964 par le Président Alphonse Massamba-Débat qui lui succède. Ce stade est doté d’une piste de 400m, 8 couloirs en grès, d’une piscine et d’un stade annexe. Le stade est inauguré le 10 juin 1965 par le même Président. Il a une capacité de plus de 30.000 places. En 1991, il est doté d’une piste en matériaux synthétiques, don du Comité international olympique (CIO). Par décret présidentiel n°65-213 du 12 août 1965, le stade omnisports avait été baptisé « Stade de la Révolution » ; il fut débaptisé et rebaptisé Stade MassambaDébat, du nom de son constructeur, en 1996, conformément à une Recommandation de la Conférence Nationale souveraine. Ce stade accueille du 18 au 25 juillet 1965 les Premiers Jeux africains. En septembre 1969, un colloque sur la réorganisation de l’Education Physique (EP) se tient à Brazzaville. Les jeunes enseignants d’Education Physique et Sportive (EPS) ayant acquis pendant 3 ans une formation à Tunis comme professeurs adjoints d’EPS, constatent que le Congo est en retard sur la méthode d’enseignement de cette discipline. Ils - 118 -

réagissent et sollicitent des autorités la tenue de ce grand forum car la méthode d’enseignement utilisée au Congo à cette époque était basée sur l’hébertisme, c'est-à-dire la méthode naturelle : l’enseignant choisissait une discipline parmi les courses, la marche, le grimpé et autres pour transmettre sa leçon ; il n’y avait pas de programmes. Les participants au colloque, après plusieurs débats, adoptent la méthode sportive qui, elle-même, s’appuie sur l’EPS. La base de cette méthode est le jeu. Cette façon de faire réorganise l’enseignement de l’EPS dans un cycle ayant luimême des séances. Et pendant un cycle de quatre séances d’apprentissage, l’enseignant n’enseigne aux apprenants qu’une activité sportive. De cette méthode est née la structuration de la classe pédagogique en clubs ayant des présidents et vice présidents. Les clubs sont composés de deux ou trois équipes avec des capitaines et des capitaines-adjoints. Ce colloque avait pris des grandes décisions, notamment sur le volume horaire des enseignants repartis par catégorie, à savoir, maîtres d’EPS : 24 heures par semaine soit 20 heures de cours par semaine et 4 heures d’association sportive ; professeurs adjoints et professeurs certifiés d’EPS : 20 heures de cours par semaine soit, 16 heures de cours et 4 heures pour l’association sportive. Les finalités de l’EPS sont définies. Les activités à enseigner sont reparties par sexe. Ainsi l’EPS a un coordonnateur dans chaque établissement. Une circulaire est prise sous le n°069DS-HC du 10 juin 1970. Vingt quatre ans après, un deuxième colloque se tient à Pointe-Noire en avril 1994 pour la relecture de la première circulaire. Le changement de fond est opéré dans l’augmentation du nombre de séances d’apprentissage : il passe de 2 à 6, soit 2 séances de compétition et 4 d’apprentissage.

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De 1960 à 1975, l’enseignement de l’EPS était une discipline facultative et la note à l’examen était complémentaire et n’intervenait qu’au 2e tour au Baccalauréat. En 1980, la note de l’EPS intervient dans les programmes de l’enseignement et le coefficient est de 1. A partir de 1986, le coefficient dans toutes les épreuves d’Education Physique aux examens d’Etat est passé à 2. Les épreuves de l’EPS sont rendues obligatoires aux examens d’Etat. Le premier colloque du Conseil supérieur du sport en Afrique (CSSA) « sur la violence dans le sport » se tient du 19 au 21 août 1981. La plupart des pays africains, membres de ce Conseil, y prennent part. Le deuxième colloque sera celui de la Conférence des Ministres de la Jeunesse et des Sports ayant le français en partage (CONFEJES) « sur l’intégration de l’enseignement de l’Education Physique et Sportive en milieu scolaire » qui se tient à Brazzaville du 24 au 30 septembre 1981. Dorénavant, l’EPS intègre les disciplines d’enseignement au niveau scolaire. 2. Des évènements sportifs au plan international (19601970) Le Congo prend part aux Jeux de la Communauté franco – africaine en 1960 à Madagascar. Ces Jeux rentrent dans le cadre de la prise en main du colonialisme français sur ses anciennes colonies. Ils se déroulent dans toutes les disciplines sportives. En 1962, le football congolais a donné un signal fort en remportant la 1ère édition de la Coupe des Tropiques qui a eu lieu à Bangui (Centrafrique). Les Congolais s’imposent en finale devant le Cameroun, sur un score de 3 à 0, dans une compétition qui avait regroupé six pays, notamment le

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centrafrique, pays organisateur, le Cameroun, le Congo, le gabon, le Tchad et Madagascar. En 1964, Dakar abrite la 2e édition des Jeux de l’Amitié. Ces jeux se déroulent dans toutes les disciplines sportives. L’Egypte, la Tunisie et le Maroc y prennent part. C’est au cours de ces jeux que les pays participants décident du passage des Jeux de l’Amitié aux Jeux Africains. Ces jeux sont confiés au Congo-Brazzaville. Ces Premiers Jeux Africains, que le Congo organise du 18 au 25 juillet 1965, sont honorés de la présence d’Avery Brundage, Président du Comité International Olympique. A cette occasion, est créé le Conseil Supérieur du Sport en Afrique (CSSA). Jean Claude Ganga, Secrétaire général permanent du Comité d’organisation des Premiers Jeux Africains depuis 1964, est élu en 1966 Secrétaire général du CSSA à Bamako, puis réélu en 1975 pour une période de quatre ans à Kinshasa. Le siège du CSSA est fixé à Yaoundé Le Congo s’était aligné au cours de ces Premiers Jeux Africains dans les sports collectifs (Basket-ball, Volley-ball et Football), l’athlétisme, le Judo, la Boxe, le Cyclisme et la Natation. Le Congo avait fondé ses espoirs sur le Football et l’Athlétisme, particulièrement au saut en hauteur avec son recordman en saut en hauteur, Henri Elende. Au cours de ces jeux, le Congo obtient six médailles dont : une médaille en or (Football) deux médailles en argent (Hauteur et Judo) trois médailles en bronze (Basket-ball, Volley-ball et saut à la perche). Le Congo connaît, à l’évidence, une grande déception car il s’attendait à la médaille d’or d’Henri Elende au saut en hauteur. Celui-ci fut malheureusement battu par le nigérian Igun.

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Elende était en effet une valeur sûre de l’athlétisme congolais. Déjà, en 1964, il avait représenté valablement le Congo aux Jeux olympiques de Tokyo (Japon). L’’athlète avait réalisé la performance de 2,14 m au saut en hauteur. Auparavant, il avait été médaillé d’or aux Jeux de l’Amitié de Tananarive (Madagascar) en 1960, d’Abidjan (Côte d’Ivoire) en 1962 et de Dakar (Sénégal) en 1963. En 1968, pour la première fois, l’équipe nationale de Football est engagée à la phase finale de la Coupe des Nations à Asmara (Ethiopie). Les résultats furent médiocres. II-Deuxième période (1970-1990) Au cours de ces deux décennies, le Congo s’est engagé dans l’organisation et la participation aux compétitions nationales et internationales. 1. Des évènements sportifs au plan national  La formation A cause des besoins de plus en plus pressants, Henri Elende, alors Haut-commissaire, décide d’ouvrir à Brazzaville un Centre de formation des maîtres d’Education Physique et Sportive (CFMEPS). La direction du centre est confiée à Jérôme Basile Becale. Dans son prolongement, est créé l’Institut national des Sports par décret présidentiel n° 79-552 du 10 octobre 1979. Par décret du premier Ministre n°92-787 du 29 août 1992, l’Institut National des Sports deviendra Institut National de la Jeunesse et des Sports (INJS). Au-delà de la formation des maîtres d’Education Physique et Sportive, l’INJS va former les maîtres d’EPS, les maîtres de jeunesse, les conseillers de sport et de jeunesse et les inspecteurs de la jeunesse et des sports. - 122 -

Dans le souci de voir l’enseignement de l’EPS se développer au plus haut niveau, est créé en octobre 1975 l’Institut Supérieur d’EPS, un établissement faisant partie de l’Université Marien Ngouabi. La première promotion en est sortie en juin 1979 après quatre ans de formation. Il est notable de souligner que cet établissement a existé de 1975 jusqu’au mois de mars 1978 sans texte juridique. C’est le décret présidentiel n°78/280 du 13 avril 1978 qui créé en définitive l’Institut Supérieur (ISEPS). Paul Ebondzibato en fut le premier directeur. L’Institut est un établissement d’enseignement supérieur qui a commencé par la formation des professeurs certifiés des Lycées et, progressivement, les superviseurs de cette discipline (Inspecteurs et conseillers pédagogiques) puis les professeurs adjoints d’EPS, cadres dettinés à enseigner dans les collèges. N’ayant pas de compétences dans les sciences expérimentales et les sciences humaines, les responsables administratifs de l’ISEPS durent faire recours aux compétences de la Faculté des sciences, de la Faculté de médecine et de l’Ecole Normale Supérieure. Dans les années 1980, l’Université Marien Ngouabi, dans le cadre des accords bilatéraux avec l’Université Libre de Bruxelles (ULB), obtient des bourses de formation doctorale pour les enseignants. Ainsi, un premier groupe est envoyé à Bruxelles pour des formations en physiologie de l’effort, en psychologie du sport, en psychomotricité et en sciences de l’éducation. Des cinq, quatre sont revenus au pays entre 1986 et 1988 après avoir soutenu leur thèse de doctorat. L’Institut Supérieur d’Education Physique, dans le cadre de la coopération bilatérale, est reconnu comme membre des pays de la Conférence des Ministres des Sports et de la Jeunesse ayant le français en partage (CONFEJES).A cause de ce statut, les étudiants dont les pays sont membres de la CONFEJES sont reçus à l’ISEPS afin de subir des formations dans divers - 123 -

profils. Plusieurs étudiants nigériens, guinéens, mauritaniens, tchadiens, rwandais, burundais, gabonais, centrafricains sont formés entre 1982 et 1991. Les troubles socio-politiques survenus à Brazzaville dans les années 1990 mettent un coup d’arrêt à cette coopération. Cette coopération vient de reprendre, timidement, depuis l’année 2009. Outre les étudiants étrangers formés à l’ISEPS, certains enseignants de l’ISEPS ont bénéficié des bourses de formation de cet organisme francophone. La formation s’est faite au Canada entre 1986 et 1993. Cinq assistants ont subi des formations dans le domaine de la physiologie de l’effort, de la didactique et de l’évaluation des disciplines. Un seul a pu soutenir sa thèse. Trois sont rentrés avec des Masters et l’autre n’a pu terminer sa formation pour des raisons de santé. Dans les années 1970, les chefs d’Etat membres des pays de l’UDEAC décident de l’organisation des compétitions sportives pour la jeunesse de l’Afrique Centrale. Le Congo accepte d’organiser la première Coupe de l’Afrique Centrale où les sportifs de l’Afrique Centrale se retrouvent à Brazzaville en 1972 pour cette compétition. Progressivement de la Coupe de l’Afrique Centrale, les gouvernements des pays de l’Afrique Centrale transforment celle-ci en Premiers Jeux de l’Afrique Centrale, car le Conseil supérieur du sport en Afrique (CSSA) avait réparti l’Afrique en zones sportives. Et l’Afrique Centrale constitue la 4e zone. Après cette décision des gouvernements, le Gabon prend l’organisation des Premiers jeux de l’Afrique Centrale en juillet 1976. Ces jeux se déroulent sans la présence de la République populaire d’Angola, nouvellement indépendante.  Le sport universitaire En 1977, l’Université Marien Ngouabi fait engager les basketteurs et les athlètes au 100 m et 400 m (Nkounkou et - 124 -

Mandonda) aux jeux universitaires de la Fédération internationale du Sport Universitaire (FISU) à Sofia en Bulgarie. Cette participation ne fut qu’une simple figuration. En 1979 à Mexico, l’Université participe pour la seconde fois aux Jeux de la FISU. Si au basket-ball, les résultats ne sont pas bons, en athlétisme Théophile Nkounkou est finaliste et l’équipe de relais 4 x 100m composée de Antoine Nsana Nkounkou, Théophile Nkounkou, Jean Pierre Bassegela et Louis Kanza est éliminée en demi-finale. L’Université Marien Ngouabi participe pour l’avant dernière fois aux Jeux universitaires à Bucarest (Roumanie) en 1981. Ces participations eurent l’avantage de permettre aux jeunes sportifs congolais d’améliorer leurs performances techniques. Ils en firent profiter notamment les clubs civils de hand-ball, de basket-ball et de volley-ball.  Le Football Après la débâcle de l’équipe nationale de football en 1968 à Asmara (Ethiopie), le Congo avait pris l’engagement de participer chaque année aux compétitions africaines de football. De 1972 à 2010, le Congo a gagné en 1972 la 8e édition de la Coupe d’Afrique des Nations à Yaoundé et en 1974 la Coupe d’Afrique des Clubs champions avec le Club Athlétique Renaissance Aiglons (CARA). Et depuis ces deux victoires, le Congo, dans le domaine du football, connaît une période sombre, jusqu’à ce jour. Dans la recherche de la performance au niveau du football, les dirigeants du football congolais décidèrent d’organiser à partir de l’année 1978 un championnat national direct, c’est-àdire mettant en compétition les plus grands clubs des villes de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et Nkayi. A cause des difficultés financières de fonctionnement que connaissaient les - 125 -

clubs - ils n’ont jamais été professionnels au Congo ; ils vivaient grâce à la subvention de l’Etat - l’expérience avait dû être arrétée en 1993. En 1981, au sortir du 3e congrès du Parti congolais du travail (PCT), le Ministre de la Jeunesse et des Sports, premier Secrétaire du Comité Central de l’Union de la Jeunesse Socialiste Congolaise, réunit les dirigeants des clubs et annonce la démocratisation du sport, simplement, soi-disant « parce que dirigé par les éléments de la bourgeoisie bureaucrato – militaro – tribaliste ». Cette décision est prise sans une étude sociologique. Il s’agit de dissoudre les anciens clubs civils pour les remplacer par les équipes des entreprises et des sociétés. Cette décision fut très mal accueillie. A cause de ces manifestations et pour corriger cette grave décision, le pouvoir mit en place un Conseil supérieur de la culture physique et les sports. En 1983, le Conseil supérieur de la culture physique et des sports tint ses assises pour réorganiser le sport et revint sur cette décision qui avait été prise sur « la démocratisation du spor »t. Les clubs furent maintenus dans leur statut et affectés, à Brazzaville notamment dans les arrondissements, « pour un meilleur contrôle ».  Le Basket-ball 1974 est l’année de la première participation des DiablesRouges Basket-ball au 7e championnat d’Afrique des Nations, à Bangui. Le Congo y occupe la 6e place. Et depuis cette période, le Congo s’est toujours engagé à ces différents championnats au niveau continental. En décembre 1977, le Cameroun organise les éliminatoires des Troisièmes Jeux Africains d’Alger de 1978 dans les disciplines ci-après : handball (féminin et masculin), basketball, football et volley-ball. Le Congo s’engage dans toutes ces - 126 -

disciplines. Le Congo avait fondé ses espoirs au football et handball. Ce fut au basket-ball que le Congo brilla. Bien que qualifiés, les basketteurs congolais, pour des raisons de politique intérieure, ne prirent malheureusement pas part aux Jeux d’Alger. . La meilleure performance au basket-ball fut obtenue en 1981 à Mogadiscio où les Diables- Rouges avaient atteint la phase des demi-finales.  Le Hand-ball De 1976 à 1984, les Diables-Rouges, en version féminine, portèrent haut les couleurs du Congo. Pour leur première participation en coupe continentale, les Diables-Rouges atteignirent la finale à Alger en 1976. En 1979, le Congo organise la Coupe d’afrique dénommée « Challenge Président Marien Ngouabi ». Cette compétition se joue tous les deux ans dans les deux versions (masculine et féminine). Les Diables- Rouges, en version féminine, gagnèrent le trophée trois fois consécutivement, à Brazzaville en 1979, à Tunis en 1981 et au Caire en 1983, et le conservèrent définitivement. En 1985, à Luanda (Angola), les dames congolaises remportèrent la Coupe d’Afrique. Ce fut leur dernier sacre en Afrique. Les clubs prirent le relais de l’hégémonie congolaise en Afrique. L’Interclub masculin remporta en 1984 à Dakar la Coupe d’Afrique des clubs champions. De 1985 à 1995, le club Etoile du Congo, en version féminine, aligna les trophéess et devint l’équipe la plus titrée du Congo (1985, 1986, 1990, 1994 et 1995). 2-Des évènements sportifs au plan continental De 1973 à ce jour, le Congo a toujours participé aux différents Jeux africains.

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En 1973 à Lagos, le Congo gagne 1 médaille en or, 1 médaille en argent et 1 médaille en bronze en athlétisme, particulièrement dans les courses et le javelot. En 1978 à Alger, le Congo gagne 1 médaille d’argent et 1 médaille en bronze en athlétisme. En septembre 1981, l’Angola abrite la 2e édition des Jeux de l’Afrique Centrale. Le Congo y prend part et gagne 1 médaille en or (au hand-ball féminin), 7 médailles en argent et 1 médaille en bronze. Et, depuis, le Congo ne gagne plus une seule médaille aux compétitions internationales en athlétisme. III-Troisième période (1990 - 2000) C’est une période trouble car le pays est secoué par plusieurs événements socio-politiques, notamment après la Conférence Nationale Souveraine. Quelques compétitions des fédérations nationales sont organisées tant bien que mal. IV-Quatrième période (2000 - 2010) 1-L’athlétisme Dans cette décennie, le Congo s’est engagé dans l’organisation des compétitions sportives de haut niveau. En 2004, le Congo organise successivement deux grandes compétitions, à savoir : les 14e Championnats africains d’athlétisme. L’athlète Célestin Moussamboté Kengué remporte une médaille de bronze dans le décathlon, avec 6.475 points ; le semi-marathon, avant les festivités du 15 août 2004. Ce semi-marathon connait la participation de nombreux marathoniens de classe internationale. Depuis ce semimarathon se court chaque année avant le jour de

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l’Indépendance (15 août) et est patronné par le président de la République, denis Sassou Nguesso. A partir de 2005 et ce, chaque année, la mairie de Brazzaville organise un semi-meeting international d’athlétisme dit « Semi-meeting International de Brazzaville », (SMIB). Il est côté conjointement par la Fédération internationale d’athlétisme et la Confédération africaine d’athlétisme, sous le label : Grand Prix Confédération Africaine d’Athlétisme, (CAA). Il connaît toujours la participation de nombreux athlètes de classe internationale. 2-Le Football Ayant constaté les mauvais résultats techniques de notre Football et voulant prouver aux responsables du secteur des sports que les résultats techniques en sport s’obtiennent dans la durée, le président de la République, par décret n°2005-652 du 9 décembre 2005, créé le Centre national de formation de football de Brazzaville. Ce centre est installé au Stade Alphonse Massamba-Débat. Un contrat est signé entre un entraîneur français, Eddie Hudanski, et le gouvernement congolais pour former les jeunes footballeurs. Eddie Hudanski recrute un groupe de jeunes qu’il se met à former. Dans la foulée, le Congo accepte de prendre l’organisation de la Coupe des Nations dans la « catégorie juniors ». Les dirigeants de la Confédération Africaine de Football, sans hésitation, donnent l’organisation de ladite compétition au Congo. Mais avec la condition de voir le Congo réhabiliter le Stade municipal de Pointe-Noire. Au lieu d’une réhabilitation, l’Etat congolais construit un nouveau stade, avec pelouse synthétique, don de la FIFA. La compétition démarre le 10 janvier 2007 en deux poules de quatre nations chacune. Le Congo est placé dans la poule B basée à Pointe-Noire. Les Diables-Rouges juniors rencontrent en finale les Aigles verts du Nigéria et remportent ce match - 129 -

par un but à zéro.Cette victoire fait qualifier les DiablesRouges à la phase finale de la Coupe du Monde qui s’est jouée au mois de juillet 2007 au Canada. Le Congo en est éliminé dans les quarts de finales par le Mexique. En 2008, le Congo s’engage dans la même catégorie aux éliminatoires de cette compétition pour défendre son titre. Malheureusement, les Diables-rouges sont éliminés. Ils ne prendront pas part à la phase finale à Kigali en 2009. La même année, 2008, les Diables-Rouges (sélection locale) remporte à Ndjamena (Tchad) la 4ème édition de la Coupe de la Cemac (Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale). En octobre 2009, le Congo participe à la 9e édition des Jeux de la Francophonie qui se sont déroulés à Beyrouth, au Liban. Les Diables-Rouges ont gagné 1 médaille d’or au Football et 1 médaille de bronze au Judo féminin. 3-Le Tennis de table Les années 2000 connaissent l’éveil du Tennis de table animé par le Ministre Henri Ndjombo, Président de la Fédération Congolaise de Tennis de Table (FCTT). En 2008, les Diables-Rouges participent aux championnats du monde à Guangzhou (Chine), dans la 4e division. Au vu des résultats obtenus, ils sont passés de la 4e à la 3e division dans les deux versions, féminine et masculine. La même année, 2008, les pongistes congolais ont dominé les championnats d’Afrique seniors qui se sont déroulés du 22 au 30 novembre, à Kinshasa. Les Congolais ont glané 5 médailles en or sur les 7 mises en jeu, 2 médailles en argent et 5 médailles en bronze. Les filles sont championnes d’Afrique Centrale et médaillées d’or des derniers Jeux africains. Elles sont aussi championnes du monde au dernier championnat du monde qui s’est déroulé à Moscou du 23 au 30 mai 2010. Elles ont battu - 130 -

la Suisse par 3 sets à 1. Du coup, elles sont montées en 2e division, tout comme l’équipe masculine classée 3e au cours de cette compétition, et rejoignent ainsi les grandes nations européennes, américaines, asiatiques et l’Egypte. CO0CLUSIO0 Le sport congolais connait une baisse considérable sur tous les plans. Depuis plus de vingt ans, les résultats techniques au plan international sont négatifs. Les sportifs congolais montent très rarement sur les podiums. Il apparaît, au constat, les raisons ci-après (la liste n’est pas exhaustive) : –l’insuffisance de cadres techniques ; –le non-financement du sport par l’Etat. 1-De l’insuffisance des cadres techniques Il y a près de 20 ans, le Congo disposait des techniciens (animateurs ; entraineurs de niveau 1, 2 et 3). Ce sont ces animateurs et ces entraineurs de niveau 1et 2 qui ont réalisé un travail de fond en détectant et en formant des jeunes. Nombreux sont les enfants qui font du sport (le football notamment) entre 10, 15 et 17ans. Il n’y a qu’à sillonner les différentes espaces des villes pour les voir le pratiquer seuls, abandonnés et sans encadrement. A ce jour, le Congo, dans toutes les disciplines sportives, n’a plus d’animateurs pour détecter et former les jeunes. Le pays compte quelques entraîneurs de niveau 1 et 2, démotivés, fatigués et vieillissants. Les fédérations sportives n’ont pas de moyens financiers pour former ces cadres techniques de base qui prendraient en main les jeunes. Et même si elles avaient des moyens, celles-ci ne pourraient pas couvrir les formations de masse. - 131 -

Le ministère des sports peut combler cette insuffisance, car il dispose des enseignants d’EPS recrutés par la Fonction publique. Ils sont encore jeunes et peuvent subir des formations. Il s’agit d’organiser à Brazzaville, à Dolisie, à Pointe-Noire et à Owando, villes qui abritent aujourd’hui des installations sportives modernes, pendant les grandes vacances, des stages d’entraîneurs dans toutes les disciplines sportives olympiques. Le ministère pourrait les affecter par discipline. Le Congo dispose des experts techniques pour assurer ces formations. Ces formations se feront chaque année et ce, pendant les grandes vacances scolaires. Formés, ces enseignants participeraient à la formation des jeunes à l’école et, par effet d’entraînement, dans les quartiers. L’école reste le seul endroit sûr pour la relance du sport au Congo. On ne doit pas négliger à l’étape actuelle l’organisation du sport à l’école. 2- Du financement du sport national par l’Etat Au constat, les moyens financiers mis à la disposition du ministère du sport ne suffisent pas pour financer le sport sur le plan national. Car, les crédits prévus par l’Etat n’interviennent que dans la participation des équipes nationales aux compétitions internationales. Ils ne l’ont jamais été pour la formation des jeunes, des cadres techniques, encore moins dans la préparation des équipes nationales aux compétitions internationales. Le sport coûte en effet très cher. Car il faut doter le pays en infrastructures sportives, en matériels et équipements sportifs, notamment construire dans les villes et préfectures des installations sportives de proximité, ainsi que dans les établissements scolaires et universitaires. Il faut former les personnels techniques (entraîneurs, arbitres et officiels), les jeunes (benjamins, minimes, cadets, juniors), soutenir les - 132 -

différentes préparations et participations des diables-Rouges aux compétitions internationales, financer les compétitions nationales (championnats nationaux et Coupe du Congo). La pratique du spensoring est souhaitable dans ce cas précis. L’Etat devrait par exemple amener les grandes sociétés industrielles ou commerciales à participer au développement du sport par son financement. Certains pays en Afrique Angola, Afrique du sud, …- y excellent.

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CHAPITRE 5 LA MUSIQUE CO0GOLAISE, DE 1960 A 0OS JOURS par Saint-Eudes MFUMU FYLLA I0TRODUCTIO0 De tous les arts pratiqués au Congo, la musique est incontestablement la plus populaire. En 1960, toute « l’Afrique danse au rythme du Congo ». Cette créativité, on la doit aux musiciens congolais, héritiers de Paul Kamba, le plus illustre des pionniers de la musique congolaise moderne. Les Bantous, orchestre emblématique, nés en 1959, un an avant l’accession du Congo à l’indépendance, en sont les ambassadeurs dans toutes les capitales africaines, de Fort-Lamy (actuelle N’djamena) à Dakar, en passant par Abidjan. Son histoire remonte, à la création, en 1932, de Bonne Espérance, groupe fondateur de la musique congolaise moderne. I – La musique congolaise en 1960 La musique congolaise moderne prend forme sur les rives du fleuve Congo, où l’on situe les premières expressions musicales tribales dans les villes embryonnaires de Brazzaville (3 octobre 1880, capitale de l’A.E.F en 1904) et de Léopoldville (14 avril 1882, capitale du Congo-Belge, après la ville de Boma, en 1923). La musique moderne est le résultat du remaniement de la tradition au contact d’un nouveau contexte, d’un nouvel environnement, la ville, qui recrée une nouvelle société, un nouvel univers audiomental. La musique congolaise est donc inspirée par la nouvelle urbanité. Elle désigne un ensemble homogène d’œuvres puisées dans le folklore et remaniées au - 135 -

contact de nouvelles influences, qui aboutit à une musique qui transcende les différences, qui réunit dans une connaissance foncière à laquelle se réfèrent instantanément et spontanément les Congolais. En dépit de son caractère hybride, produit de la convergence des rythmes et chants traditionnels avec des influences extérieures, africaines, ghanéenne notamment, cubaines, européennes, antillaises, etc., véhiculées par le disque naissant, la musique congolaise est une réalité indiscutable depuis près de 80 ans. Elle dispose de son infrastructure mélodique et rythmique propre, qui fait qu’on la reconnaisse entre mille. Elle va bénéficier, pour sa promotion, de l’arrivée des 45 tours, qui popularise l’usage du disque. En 1960, la musique congolaise est polymorphe, évidemment, avec une prédominance de la musique moderne, dont la radio est un puissant vecteur de promotion, au-delà de l’aire de production. Au début des années 60, poursuivant en cela une tradition établie antérieurement, tous les dimanches, des groupes de musique traditionnelle se produisaient régulièrement dans certains endroits de la capitale : Rond point de Poto-Poto, Rond point de Moungali, à Ouenzé Manzanza, Centre sportif de Makélékélé, etc. Edenda, Ekongo, KebeKebe, Mouboukoula, Mumpapa… ont acquis leurs lettres de noblesse au cours de ces représentations publiques. C’est ce que Sylvain Bemba appelle « la reconstitution sonore de l’âme collective tribale autour du tam-tam du dimanche». C’était une tradition. Les communautés étrangères (gabonaises, tchadiennes, centrafricaines) établies à Brazzaville, y participaient également. Le public venait en masse à ces spectacles. Le contexte était propice pour la musique traditionnelle. Peu à peu, ces spectacles se sont raréfiés pour se cantonner à la périphérie de la ville, et réduits en une simple expression grégaire : Bole Bantou, Okwakassa, Vocal Bantou, etc. La musique traditionnelle ne doit désormais sa relative vivacité qu’aux différentes manifestations qui ponctuent la vie - 136 -

nationale : arrivée d’un chef d’État, accueil des officiels, congrès des partis politiques, buffets officiels auxquels sont conviés des artistes. La musique chorale est principalement l’œuvre des églises : catholique, protestante, salutiste, kimbanguiste. Elle reste enfermée dans les églises, hormis les Scholas populaires, tentative d’inculturation initiée, en 1957, par l’abbé Barthélemy Batantou, futur archevêque de Brazzaville. La musique fanfare est jouée par la gendarmerie pendant les défilés et au stade, lors des rencontres sportives, souvent accompagnée par les fanfares religieuses. Ces différents genres de musique sont les viviers, dans lesquels la musique moderne recrute ses acteurs, en particulier, les chorales et fanfares religieuses. Elles ont contribué à la formation des pionniers de la musique congolaise et ont continué d’alimenter, jusqu’à une période récente, les générations suivantes. Bien avant les orchestres modernes, la chorale des Piroguiers effectue une tournée en France pour des concerts, invitée par la radio Europe n°1 et le journal Le Pèlerin, fin 1959. Sous la conduite d’Émile Oboa, elle fait résonner le tam-tam sous les voûtes de la Cathédrale de Rouen, à la messe de minuit. « Canonisation » s’il en est. Il est intéressant de noter que les orchestres modernes ont su éviter le piège du grégarisme qui caractérisait les groupes de l’époque pionnière. Ils sont devenus plus cosmopolites dans leur composition, à partir des années 1940. Par ce fait, réapproprié par tous, la musique moderne a pu sortir de son cadre originel de production pour embrasser un univers plus large et plus diversifié. Ce qui n’est pas encore le cas de la musique traditionnelle, encore largement tribale. Ce qui, à l’évidence, plombe ses possibilités d’expansion.

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II – Les acteurs et les temps forts de la musique congolaise De Paul Kamba à Roga Roga, plusieurs générations de musiciens ont contribué à l’épanouissement puis au rayonnement de la musique congolaise, à partir des bars à ciel ouvert, où se retrouve la jeunesse brazzavilloise, regroupée dans des clubs – Existentialistes, les Cabarets, les JP (Jeunes Premiers), les Viveurs Brazzavillois, les Ducs, les Marquis – dont les membres sont parfois appelés « crâneurs », en raison de leur mise vestimentaire toujours soignée. Les femmes ne sont pas en reste. On les retrouve dans des associations telles que Diamant, Bana Violette, la Mode, la Rose, la Pose. A une certaine époque, on ne pouvait penser Faignond, lieu mythique des mondanités à Brazzaville, sans que ne viennent à l’esprit ces reines de beauté congolaise. On pourrait citer, à l’infini, de nombreux titres à la gloire des clubs et des associations de dames qui « écumaient » les bars-dancings et insufflaient, par leur présence, de la vitalité à la musique congolaise. Les femmes de Brazzaville « sont vraiment formidables, drapées dans leurs pagnes aux couleurs d’arc-en-ciel », déclare Franklin Boukaka, dans sa chanson intitulée « Les Brazzavilloises ». Quelques années avant lui, Pembelet Tino Mab avait chanté « Marianna », une ode à l’Association féminine Bana Violette. Baker, Gaieté Brazza, Congo Zoba, Mon Pays, Faignond, Super Jazz, Lumi Congo, Congo Bar, Pigalle, Cardot, Cascade, Texaco, Bouya bar, Elysée bar, Cabane bantou, Petit Pont (Santa Lucia), Choisis, Petit Faignond (Super jazz), Fofo bar, Sikozaba, Mess des Officiers, Mess des sous-officiers, Mouendo Koko, Chez Hugues, Centre de repos : ces bars et salles de cinéma ou de congrès, transformées en salles de spectacles sont autant de temples dédiés à l’art d’Orphée. C’est dans ces endroits que s’installent, à l’époque, quatre fois par semaine (mardi, jeudi, samedi et dimanche) les différents - 138 -

orchestres de Brazzaville, de Léopoldville. Faignond, situé sur la rue Mbaka (débaptisée rue Émile Faignond), à Poto-Poto, a vu défiler tous les orchestres congolais, kinois et d’ailleurs. Brazzaville concentre les plus grands orchestres du Congo : Cercul Jazz de Rikky Siméon, Franklin Boukaka, Samba Miguel, Maraca, Taloulou Alphonso, Paul Nzoungou, Massouka Henri et David Diambouana ; Negro band et ses vedettes : Boyibanda Michel, Loubassou Tintin, Max Massengo, Lyly Nguema, Elo, Jean Baguin Mokuna, Johnys, Damien Demoulend, Jean-Marie Foussikou Nezy et Démon Kasanaud (de son vrai nom Joseph Kasongo). Alors que se profile la perspective de l’indépendance, Essous Jean-Serge, Pandi Saturnin, Loubelo Delalune, Kouka Célestin et Ganga Edo, appuyés par Dignos et Dicky, regagnent Brazzaville. Ils y montent, le 15 août 1959, l’orchestre Bantous. Ce nom est sans doute inspiré par le Bantou Sextet de Dadet, Joseph Kaba, Beniamino Bienvenu qui se produisait dans les cercles européens, notamment, chez madame Alata, derrière le pont du Djoué. Autour de ces grands orchestres gravitent des groupes de moindre importance : Novelty (Mountou Typoa et Penki Gombet), Orphée Jazz (Sylvère Tsamas), City Negro, JMC. Ce dernier orchestre, né à Poto-Poto, en 1959, est composé de Jean-Pierre Gombé, Pamelo Mounk’A, Foundoux Mulélé, Guy-Abel Malanda, Terzief, Florentin Tchicaya, Charles Balla. Il constitue une vraie pépinière pour les orchestres Brazzavillois. Parmi ses membres, quatre feront une carrière professionnelle riche : Jean-Pierre Gombé, en qualité de parolier pour Rochereau. Il devient par la suite, éditeur de musique prolifique et auteur-compositeur à succès ; Pamelo Mounk’A (Pablito à cette époque) sera l’un des plus grands paroliers de la chanson congolaise, et l’un des porte-flambeaux de la musique congolaise ; Terzief rejoindra le Negro band, en qualité de saxophoniste ; Abel Malanda se retrouvera, des années plus tard, dans de nombreux groupes congolais : les - 139 -

Anges, l’orchestre Le Peuple du trio Cépakos (Célestin Pamelo et Kosmos). A l’aube de 1960, on assiste au déclin progressif du disque 78, au profit des 45 tours. Une révolution. Passi Ngongo Mermans met sur pied l’orchestre Mando Negro. Ryco Jazz de Freddy Mars Kounkou, Gerry Malekany, Mbilia Casino, Mavoungou, Jeannot Dikoto arrive à Paris, où les étudiants de la MEC (Maison des étudiants congolais) montent l’orchestre Baninga. Papa Noël puis Nino Malapet, transfuges du Rock’ A mambo, intègrent les Bantous. A Brazzaville, le ballet est un phénomène au succès grandissant auprès du public : Ballet Ganga, Ballet Fina, anciennement Ballet Wassakoumba, Ngwakatour du chef Depotin et Ballet Diaboua, le plus outillé, sans doute. La Sacem (Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique) s’installe dans la capitale congolaise. Jean-Serge Essous en est le premier adhérent. Nickys et Tagbor créent le Fiesta Negro. Rido Bayonne démarre sa carrière musicale au sein du K.O. Jazz de Pointe-Noire. Yano est recruté dans Novelty, pendant que Mbouta Raph fonde Vicio Jazz. En 1963, Papa Noël et Jojo Bukasa quittent les Bantous, qui, à la faveur de ces départs, recrutent, à quelques jours d’intervalle, Passi Mermans (ex Mando Negro), Michel Samba Miguel (exCercul Jazz), Michel Boyibanda (ex-Negro Band) ; ils sont rejoints, peu de temps après, par Bemba Pablito (Pamelo). Stein, agent publicitaire de nationalité française, installe une maison d’édition à Brazzaville, Stenco. Le cordon ombilical qui reliait les orchestres de la rive droite à la rive gauche du fleuve Congo se rompt. Pendant la période kinoise de la musique du Congo Brazza, qui s’étend de 1950 à 1959, ses musiciens ont contribué à créer quelques grands orchestres : Ok-Jazz, dont Essous fut le premier chef d’orchestre, Rock’ A Mambo ou Maquinaloca. Ces musiciens ont bénéficié de l’apport des artistes belges, - 140 -

expérimentés : Fud Candrix, Pilaeïs, Bill Alexandre, qui les ont encadrés dans les studios, où ils enregistraient à l’époque. Avec les éditions Stenco, les Bantou, le Cercul Jazz, le Negro band, Los Batchichas, font bouger Léopoldville, et le reste de l’Afrique par capillarité. Le 6 janvier 1964, Mujos Mulamba puis Gerry Gérard Biyela, le 3 février, sont recrutés par les Bantous. Ils apportent une nouvelle fraîcheur et confèrent, par leur présence, une nouvelle musicalité à l’orchestre, que décident de déserter Boyibanda et Pamelo, le 1er avril. Ils se rendent à Kinshasa. Entretemps, Jacques Loubelo, Prosper Nkouri, Maxime Kibongui, Fidèle Massamba (Sammy), Koster Massamba, Mouninguissa, Bruno Ntélansamou, Pierrette, Madeleine Gandou, Victoire Mialebama, Nsona Yvonne créent le groupe vocal les Cheveux Crépus et inaugurent un genre qui connaît par la suite un rayonnement extraordinaire dans la jeunesse congolaise. Ils font des émules : Les Griots (Josué Ndamba, Alphonse Zoubabela, Michel Ntandou, Alexis Mingolé, Bernard Nkouka, Rigobert Lubelo, Gustave Loubaki et Gabriel Kintoungui) et Les Pattes Tendres dont l’instrument de prédilection est la mandoline, jouée par Gérard Kimbolo et Jean-Pierre Massengo dit Fonctionnaire - qui pratique aussi de la cithare -, Clotaire Kimbolo, Pierre Sengholt et Josis Toungamani. Les Échos Noirs et d’autres groupes complètent la liste des groupes vocaux qui inondent la scène musicale congolaise. C’est le lieu de rappeler que depuis la création de RadioCongo, en 1960, héritière de Radio Inter-Équatoriale et de Radio Brazzaville, sa grille des programmes est constellée d’émissions, qui, à un titre ou un autre, ont contribué à la promotion de la musique congolaise. Le concert des auditeurs, dans toutes ses déclinaisons, est sans doute le concept le plus éprouvé. Toutes générations confondues, de nombreux animateurs ont mis leur talent dans ce type d’émission. A - 141 -

Radio Brazzaville, poste français émettant de la capitale congolaise, Joseph Kaba officie au Concert des auditeurs africains, tandis que Freddy Kebano anime l’antenne culturelle ; à Radio Congo, station nationale de radiodiffusion, Félicité Safouesse, Grégoire Ipepet, Anne-Marie Samba, Madeleine Nsona, Thérèse Kidiba, Pauline Bal, Anne Marcelle, Catherine Ballay, Firmin Tembé, Sedar Loembet, Jo Pambou tiennent l’antenne. Le Club des orchestres congolais, le Coco, une émission de la Voix de la révolution congolaise est créée le 29 mai 1964, par Claude Bivoua, Franklin Boukaka et Miguel Samba. Une longue lignée d’animateurs va se succéder à son animation, des décennies durant : Freddy Kebano, Clément Ossinondé, Lucien Sianard, Ferret, Claude Alain-Yakité, Louis-André Goma. En 1967, c’est au tour de Guy Menga de créer Escale à Brazza où Sylvestre Souka, François Yengo, Monique Kwamy vont officier, avant de passer le relais à d’autres animateurs. En 2010, Moussitou Paul Abo (ostalgie), Albin Lebanda et Lydie Bat (Le Coco), Firmin Lopez et Mâ Ro (Samedi na Brazza), Bardol Kandou (Pont sur le Congo), ont repris le flambeau de la promotion de la musique congolaise, appuyés par leur collègues des différentes télévisions, Charly Noël (Vidéo 45-Télé Congo), Delmas Pene (ganda Maboké et Star 2000- Télé Congo), Médard Milandou (Tam-tam-Télé-Congo), Ludovic Abia (Fiesta Tombola Bwaka), Vogel (Fara Fara-Drtv), Caramel (Mathurel-Top Tv), ainsi que ceux de Pointe-Noire, Papy Soul (Fara Fara-Tpt1), Bikarson (dulé-Dvs+), Serge de Mouandza (Culture et Arts-Drtv), Patrick Euloge (3/4 de vérité-Tpt1), Alfred (Happy Day-Tpt1). Pour revenir en 1964, Pamelo et Boyibanda sont ramenés à Brazzaville dans la charrette des expulsés du CongoLéopoldville, en compagnie d’autres musiciens : Dupool, Michel Touloulou, Baguette Ntalani, Ganga Edo, Loubelo - 142 -

Delalune, entre autres. Ce dernier crée, en 1965, Tembo - le vent. Cet orchestre, avec Ange Linaud, Arthur Nona, s’impose en rival des Bantous, qui plient mais ne cassent pas. Le vent passe. Les Bantous continuent et recrutent Kosmos Moutouari. Ils participent en 1966, au premier Festival des Arts nègres à Dakar. Essous se rend en France où il monte, avec Kabasele et Manu Dibango, l’African Team. Il est recruté par la suite dans le Ryco Jazz de Freddy Mars Kounkou. Sinza Kotoko naît en cette année. La Semaine culturelle a lieu à Brazzaville du 7 au 16 août 1967. Elle a pour objectif de procéder à un inventaire de toutes les valeurs culturelles et sportives aux fins de leur réhabilitation et de leur plein épanouissement ; de faire prendre conscience aux Congolais qu’ils vivent dans un pays détenteur d’une personnalité, d’une dignité et de valeurs culturelles certaines. A la faveur de cet événement, le public brazzavillois découvre les Cols Bleus, un groupe vocal de Pointe-Noire, qui fait forte impression. A cette occasion, Rigadin Mavoungou, sa figure de proue, étrenne ses galons de vedette à part entière. Une deuxième Semaine culturelle se tient du 8 au 16 août 1968. En 1967, le Ballet national est officiellement invité par le gouvernement français. La délégation comprend, en outre, le groupe vocal Cheveux Crépus, les Balafonnistes de la Sangha et le groupe La Sanza de Franklin Boukaka, composé de Pierre Badinga et Albert Mampouya. A la fin de la tournée, pour une question de cachets non payés, onze danseurs du Ballet national décident de rester en France : Liberlin de Shoriba Diop, Kikouaboudi Jean Karibi, Michel Oko, Lucky Zebila, Jean-Marie Bolangassa, André Badila, Georges Ngayaba, Azad, Tony Batchy, Antoine Lelo, Zacharie Bender et Anselme Kambakassa. Le 27 avril 1968, Ange Linaud, Mienandi Michou, Jean Saïdou, Mbaki-Mitoga, Johny Mazonga, José Bados - 143 -

Loumande, Jean Pirate Mayindou, Du Soleil André Kinzonzi, Tenga créent l’orchestre Super Boboto (SBB). Shamoukou prend en charge l’orchestre Super Tembessa de Mathias Mounkassa, Adamo, Petit Poisson, Bemba Petit Pierre, Sita Athis, Picasso, Nono Michel Jim Mwana Sénégalais, Matos et Robert. La même année, Sompa Titos, Kouka Porthos, Lauris Mounkala, Fantôme Bakangadio, Shérif Bifinabio, Samba Ngo et Danger des Échos Noirs, arrivent en France. Du 21 juillet au 5 août 1969, a lieu le Festival panafricain d’Alger. Les Bantous, accompagnés des danseurs : Wello, Youlou Morin, Mbimi, Ndalla et des danseuses Evelyne Ngongolo, Angèle Moussounda, Bobo et Clotilde alias Bouton Doré, remportent la médaille de bronze au cours de ce festival. C’est la consécration de la musique congolaise mais, hélas aussi, le chant du cygne. La génération de la batterie et des orchestres dits des jeunes entre en scène au début des années 70. Le démarrage, le 1er septembre 1970, de la Socodi (Société congolaise du disque) ouvre des perspectives mirobolantes pour la musique congolaise, qui dispose enfin d’un studio moderne et d’une usine de pressage de disques. Félix Taty (directeur général), Jean-Serge Essous, revenu de son escapade antillaise (directeur artistique), Andoche Ntoumi (ingénieur du son) constituent l’équipe chargée de conduire cette structure destinée à la musique. A tout seigneur tout honneur, les Bantous ouvrent le bal des enregistrements. Ils ont même le privilège d’y réaliser l’unique 30 cm de l’histoire de l’usine : De Brazzaville à La Havane. Des dizaines de succès seront enregistrés et gravés à la Socodi. Hélas, pour les musiciens congolais, Socodi n’a pas été à la hauteur des espoirs qu’elle avait suscités. Cependant, à son actif, les enregistrements de la musique traditionnelle, effectués sous la marque Antou. Edenda, Fouabisalou, doivent leurs premiers enregistrements à cet éditeur. L’éclosion et la promotion de l’orchestre Sosoliso - 144 -

du Trio Madjesi de Kinshasa sont, sans conteste, la vraie réussite de la Socodi. Mais, son fonctionnement trop administratif et peu commercial va entraîner sa fermeture, moins de trois ans après le début de ses activités. En 1972, le bel édifice des Bantous s’écroule. Il en naît deux nouvelles entités : Les Nzoïs (Théo Bitsikou, Passi Mermans, appuyés par Ange Linaud) ; Cépakos (Célestin Kouka, Pamelo Mounk’a et Kosmos Moutouari). Pendant ce temps, les Bantous poursuivent, tant bien que mal, leur chemin, sous la houlette de Jean-Serge Essous et Nino Malapet. De cet épisode, la musique congolaise sort complètement débilitée, malgré l’émulation et la féroce concurrence qui résultent de cette nouvelle configuration des orchestres à Brazzaville. Les autres groupes ne sont pas épargnés. Le Negro Band connaît une scission. Ses transfuges créent l’orchestre Masano Les Rebelles. Quelque temps après, Max Massengo, après avoir sabordé le Negro Band, monte l’orchestre Bunzila. John Tamponné déserte Mando Negro et fonde l’orchestre Super Kwala Kwa qui propulse Lambert Kabako aux premières loges de la chanson congolaise. Il convient, tout de même, de signaler deux autres faits importants qui caractérisent le début de cette décennie : la création du groupe Mbamina, né de la rencontre des musiciens des Échos noirs et d’African Rythm, parmi lesquels des transfuges du Ballet national, restés à Paris, en 1967 ; et, la prolifération des orchestres dits de jeunes à Brazzaville : Les Chaminadiens, Les Techniciens, Les Mystères, les Kowa, Ndimbola Lokolé, Shamamba, Suze Yema, Les Grands As, Djila Mouley, les Balka Sound, Les Walla Players entre autres. Le groupe vocal Les Grands Orphelins, associé à Joséphine Bijou, est une véritable pépinière de jeunes musiciens : Aimé Elangui, Marie-Hélène, Nelly Okemba, Damascène, Elenga Ellington. Certains, d’entre eux, contribueront à la création de l’orchestre Télé music, des années plus tard, avec la réussite - 145 -

que l’on sait. A Pointe-Noire se créent Tchessa et Awala Wala. Dans cet environnement, Audifax Bemba dit Brhel et le Groupe Rouge déteignent par leur engagement politique, à travers leurs œuvres. C’est au cours de cette période que naissent : l’Orchestre de la Jeunesse (Lucien Kimpouni, Denis Loubassou, Pambou Tchicaya, entre autres), le Ballet Lemba de Michel Rafa et autres Zebila, Fwa Congo, etc. Sako Mystérieux est très actif à Ouesso. Apparaissent aussi sur la scène musicale de nouvelles artistes féminines comme Youyou Nella et Carmen Essous. A l’initiative de Freddy Kebano, et sous l’impulsion de Mberi Martin, membre influent du Comité central du Pct, parti au pouvoir, un orchestre national est créé, avec des grands noms de la musique congolaise, sans doute, pour réactiver la créativité musicale plombée par l’implosion des Bantous en 1972. Un album, intitulé « Vision », sous la direction artistique de Biks Bikouta, couronne cette expérience. L’enregistrement de cet album est réalisé par Freddy Kebano, artiste iconoclaste, à l’origine de plusieurs innovations dans la musique congolaise. Il incarne avec Jojo Kakou, Louis-Marie Awé, la génération « pop music » et introduit le synthétiseur dans la musique congolaise, au sein du groupe vocal de l’Union de la jeunesse socialiste congolaise (Ujsc), jeunesse du parti au pouvoir. La célèbre chanteuse de la République Démocratique du Congo Abeti lui doit un début de carrière en fanfare, à Lomé et à Kinshasa. Dans cette dernière ville, grâce à lui, Pépé Kallé utilise, pour la première fois, le synthé, sur la rive gauche du fleuve Congo, dans la chanson Johnny. Huit ans après le dernier festival d’Alger, Lagos reprend le flambeau et organise le Festac 77 (Festival des Arts et de la Culture). Pour représenter le Congo à cette manifestation, l’orchestre national, dans une nouvelle version, est mis sur pied, composé de : Sébastien Bikouta Biks (chef d’orchestre), Ange Ndjendo, Athis Sita, Simon Mangouani, Felly Bouanga - 146 -

(chant), Gerry Gérard, Mascott Samba, Mermans Passy, Alphonse Taloulou, Léopold Bouma (guitares), Nino Malapet, Jean-Serge Essous, Jean Saïdou (saxo), Kabongo Wetu, Samuel Sammy Malonga (trompette), Saturnin Pandi, Ricky Siméon Malonga et Ernest Massengo (batterie). Boyibanda, Youlou et Loko Massengo, rentrent à Brazzaville, après un long séjour à Kinshasa. C’est en 1978, sous le vocable « Les Trois frères » qu’ils créent l’orchestre Rumbaya. Cette naissance est précédée par la sortie de « Petit chéri » de Youlou Mabiala qui contribue à mettre sur orbite le nouveau groupe. Entretemps, Mwana Moukamba Mathos, de son vrai nom Athanase Nkaya, effectue la sortie de son orchestre Sakomansa, créé à Nkayi, quelques mois avant. D’autres groupes naitront : Nous-mêmes de Lilo Flood, Ebalé Mbongue de Joseph Kiakonda, Veritas music de Kouloufoua Joselito, Shakara Music de Bernard Bapelengue, Télé Music. Cette vague de création des orchestres ne s’arrête pas. En 1979, naissent : R.A.S. Kebo de Daron Massika, Tcham Mélodia de Eusèbe Mandozi à Owando, Comi Stars et ATC Music à Pointe-Noire. Il convient tout de même de signaler l’extraordinaire succès sur la scène musicale traditionnelle du célèbre groupe Fouabisalou. Les Trois Frères connaissent des dissensions qui mettent à mal la cohésion du groupe. Ils finissent en 1979, un pied à terre. Le spectacle, dénommé « Expérimental Show », de Youlou Mabiala, au Cinéma Vog, semble être à l’origine de leurs difficultés, aggravées par des problèmes de leadership. Au début de la décennie 80, Les Trois Frères ne peuvent éviter la rupture. Youlou décide de voler de ses propres ailes. Soutenu par Publi-Congo, une structure de l’État, spécialisée dans la publicité. Pendant ce temps, emboîtant le pas à Fidel Babindamana Zizi, Master Mwana Congo, Sammy Massamba, Prosper Nkouri, Tanawa etc., Pamelo démarre une prometteuse carrière solo avec « Amour de ombakele » et - 147 -

« L’argent appelle l’argent », deux tubes « planétaires ». Sans être un instrumentiste, il restera l’un des plus grands arrangeurs de la musique congolaise. La sortie du nouvel orchestre de Youlou Mabiala, Kamikaze, a lieu en 1981, au cinéma Vog. 1980 est caractérisée par une importante vague d’expatriation des musiciens congolais qui choisissent Abidjan (Théo Blaise Kounkou) ou Paris (Sammy Massamba, Master Mwana Congo, Fidel Zizi, Tanawa) comme terres d’élection. Certains, comme Pamelo, Pierre Moutouari ou Moutouari Kosmos, optent pour des séjours ponctuels pour des enregistrements, en France notamment. Outre « L’argent appelle l’argent », succès prodigieux de Pamelo, « Missengue » de Pierre Moutouari, « Ebandeli ya mosala » (un remake) de Moutouari Kosmos et « Mwana Djambala » de Théo Blaise Kounkou ouvrent une période faste pour la musique congolaise. Localement, « Osala ngai nini ? » de Kabako et les Bantous, « Sala mbongo » de Célestin Kouka et l’orchestre Le Peuple complètent la liste des succès, présents sur le marché du disque. Cette vague précède de peu l’ouverture de l’IAD (Industrie africaine du disque), studio et usine de pressage de disques, installés sur le site de la défunte Socodi. Comme celle-ci, cette nouvelle structure, destinée à promouvoir la musique congolaise, n’a pas gagné son pari. Freddy Kebano réalise un album instrumental à partir des grands tubes de cette époque : Missengue, Osala ngai nini ?, etc. Un autre suivra. C’est dans un contexte de regain musical affirmé, que le ministère de la Culture organise le premier Festival national de musique, du 1er au 5 septembre 1982. Le passage à Brazzaville, quelque temps après, du célèbre groupe congolais de la diaspora, les Mbamina, est un autre haut moment musical. Ses membres s’efforcent, à partir des richesses du terroir, de parvenir à une nouvelle esthétique musicale. - 148 -

Nzongo Soul, les Balka Sound, les Palata s’inscrivent dans cette recherche d’un nouvel esthétisme musical. Ces années 80 correspondent à l’émergence et à l’expansion du soukous parisien, caractérisé par une musique reposant sur un rythme dynamique, mouvementé, quasiment sans point de repos dans son exécution. Ses partisans l’appellent soukous one way. Il se prête donc, dans son essence, à la danse. Dans cette mouvance, on note des artistes comme Alain Nkounkou, Tchico Tchicaya, Aurlus Mabélé et Loketo, Jean Baron, Rémy Salomon, Briscard Dolphos Kouadio, Blandin Wapacha, Ronald, Rubinel, Gilles Crochet, Damien Aziwa, Djo Balard, Géo Bilongo, Mack Macaire, Dany Engobo et les Cœurs brisés, Lucien Bokilo, Mav Cacharel, Pierre Moutouari, Ngakosso, etc. L’arrivée des cassettes éclipse les disques vinyles. L’uniformisation des danses et des animations est le fait le plus important dans la musique congolaise de cette décennie. À Brazzaville, s’accélère le mouvement de création des orchestres : Bantous Monument, Ebouka Système, Viva Mandolina, Véritable Mandolina, Yebo Nde, Hydro Music, Géo Momekano de San Martin Diafouka n’opposent qu’une faible résistance à l’orchestre Kamikaze de Youlou Mabiala. Serge Nlemvo Kiambukuta, Bola Bolith, Sélé, Pindu et Miguel (chant), Souza Vangu et Dercy Mandiangu (guitare solo), Don Joli Kiala ( accompagnement), Djaffar Lubamba (guitare basse), Iblo et Jeff (saxos), Zinga et Augustin (trompettes), Lilas (batterie), Simon Nona (tumbas) en constituent l’ossature. Ce groupe phare de la décennie tient la dragée haute à tous les autres. Cette décennie est aussi celle de la révélation de Philippe Sita et de Zao qui remportent le prix « Découvertes » de la Radio France Internationale avec le titre « Le sorcier ensorcelé ». Mais c’est surtout « Ancien combattant » qui permet à son auteur, Zao Casimir Zoba, de connaître un succès - 149 -

mondial. Ange Linaud Ndjendo et Nzongo Soul remporteront, à leur tour, le même prix. Kalidjatou déboule sur la scène musicale avec son premier album, « Premier salaire ». Pierre Moutouari, dans la foulée de son propre succès, propulse sa fille Michaëlle sur la scène musicale avec le titre « Héritage ». Pembey Sheiro démarre sa carrière sous la férule de Charles Tchicou. Diani Bakela, autre chanteuse, se met sous les ailes de Pamelo. Le groupe féminin Luozi, créé par Andoche Ntoumi, et composé de jeunes filles âgées de 17 à 19 ans : Germaine Moukadi, Chantal Mombo, Evelyne Mpassi, Blandine Mbemba et Judith, est une innovation. Toutes ces filles chantent et dansent. Judith Ndeko, Pélagie Mouloki et Nina sont aussi au nombre des artistes féminines, qui tentent de se frayer leur voie dans le monde de la musique au Congo, emboîtant les pas de Joséphine Bijou, Marie Bella et Carmen Essous. Mais de toutes ces filles, Mamhy Klaudia est la plus médiatique. Elle démarre, en fanfare, une prometteuse carrière musicale à Abidjan. De retour à Brazzaville, elle se fait appeler « Impératrice de la chanson congolaise ». Dans la diaspora : le Ballet Lemba, Lucky Zebila, Prosper Nkouri, en France, Sompa Titos et Malonga « Casque lourd » aux ÉtatsUnis, qui réalisent un formidable travail de promotion de la culture congolaise. En 1986, l’espace musical brazzavillois s’enrichit d’un nouvel orchestre, né de la dissidence de quelques musiciens de Kamikaze, qui montent l’orchestre Juventus Moziki. Les Bantous de la capitale tentent de recoller les morceaux sous les auspices de Jean-Jules Okabando, maire de la ville de Brazzaville. Jacques Koyo, artiste atypique fait son entrée sur la scène musicale. Il réussit le tour de force d’imposer sa danse Engondza à tous les autres orchestres des deux rives du fleuve Congo. Après la période flamboyante de Pamelo, Pierre Moutouari et Théo Blaise Kounkou, Aurlus Mabélé est, sans conteste, le porte-étendard, au plan extérieur, de la musique - 150 -

congolaise. Ses disques se vendent par milliers et ses spectacles dans le monde drainent des foules considérables. Au Congo, il est snobé par le public. Son titre, « Soukous Trouble », casse le box-office en cette fin de la décennie 80. Cette décennie correspond aussi à l’apparition timide des compacts discs (CD) sur le marché africain du disque en général, et au Congo en particulier, encore largement dominé par les cassettes audio et le disque vinyle qui fait encore de la résistance face à la poussée des nouveaux supports de production du son. Music Press de Nino Malapet, Éditions Tchi-Tchi de Tchimbakala, Éditions Beau-Saccot Sound et Promo Music de Mfumu Fylla Saint-Eudes, sont quelquesunes des maisons qui ont pignon sur rue à Brazzaville, dans le monde de l’édition, à côté des producteurs individuels et ponctuels comme Amouzou, Miambazila, Bernard Mena, Léopold Mombo, Jean Jeudi Malonda, Maxime Foutou etc. Sid Musique, de Sidonie Kouka, produit l’album de l’orchestre Véritable Mandolina, dans « Parisien refoulé » de Rapha Boundzeki, dont le titre précédent, « Christianisé », avait été « retoqué » et censuré par l’épiscopat congolais ; « Djani » de Koffi Ngoma Mbert, « Paco Rabanne » de Roger Lutin, « Mayala » et « Laura » de Jean Carrissala sont les autres titres de cet opus. En France, les frères Ngapy Anitha et Clesh ont pignon sur rue dans le monde de l’édition. En cette fin de la décennie 80, la musique congolaise est en perte de vitesse, portée à bout de bras, par Youlou Mabiala, Jacques Koyo, Fernand Mabala, Rigadin Mavoungou fils, Angelu Chevauchet, et quelques rares autres musiciens.

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III – Le nouvel espace musical La génération du tournant du siècle, celle de la décennie 90 du siècle dernier et du 21ème siècle débutant, arrive sur les devants de la scène musicale. Extra Musica et d’autres orchestres de cette obédience, tiennent le haut du pavé, accompagnés par les associations de musique traditionnelle, les groupes tradi-modernes, les compagnies de danse, les chorales, les orchestre de musique religieuse, les groupes hip hop, Rnb, reggae, gospel, coupé décalé, qui contribuent désormais au façonnement du nouvel espace musical congolais. Tamaris, maison de production appartenant à Jean Pierre NGombé « Akela Mokili », ancien ministre congolais, reconverti dans l’édition, fait une véritable razzia sur toutes les vedettes qui comptent dans la musique africaine. Il survole le monde de l’édition africaine de son siège parisien. La musique congolaise lui doit, en qualité de parolier, de nombreux titres à succès. Depuis son irruption sur la scène musicale, en 1993, Extra Musica connaît un succès d’estime qui dure. Né à Ouenzé sur les cendres de Suco Music, Extra Musica est porté sur les fonds baptismaux par : Roga Roga (guitare), Kila Mbongo (animateur), Espé Bass (guitare basse), Guy Guy Fall, Quentin Moyascko, Oxygène (chant). Son premier album, « Les ouveaux missiles », produit par Denide, le place, d’entrée de jeu, parmi les groupes qui comptent sur le nouvel échiquier musical congolais et africain. Le prix « Ngwomo Africa » qu’il remporte, en 1996, dans le sillage de cet opus, le propulse sur la scène internationale. Les Yuken’s et Fa-K Dièses qui naissent, au cours de la même période qu’Extra Musica, n’ont pas, hélas, la même visibilité. En 1995, le 12 novembre, c’est au tour de Yoamy, d’être fondé par Prince Chérubin Mayélélé. La guerre du 5 juin 1997 porte un coup d’arrêt à l’activité musicale à Brazzaville. La fin des hostilités, quelques mois

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plus tard, permet aux musiciens de reprendre leurs activités. S.O.S Salsa de Romain Nimy Gaston, Eddy Sonero, Willy Maniolo, tous anciens élèves et étudiants à Cuba, l’orchestre Vox Intello, initiative des étudiants de Brazzaville, contribuent à redonner vie au monde musical congolais. De nouveaux groupes font leur entrée sur la scène musicale congolaise: Front Cefa, Impression des As, Top Musica, Arcen-ciel, Top Jour, Imperia Musicana, Watikania, Lusakafula, Vivacité Mélodia, Explosif Fatal, Super la Musica, Formule Magique, Nova Strata, Dingizi, VGB Musica, Brazza Stars, Extra da Nova. Hormis les Dingizi de Pointe-Noire et Sanghana Musica de Ouesso, tous les orchestres sont créés à Brazzaville. Tous, engouffrés dans la brèche du ndombolo, rythme et danse en vogue. De ce point de vue, Sébas Enemen, par son éclectisme, est un cas particulier. Youlou Mabiala, Chiden de Mbuta, Rapha Boundzeki, Roger Rovias Adampot, Chairman Jacques Koyo, Sambadio, Achille Mouebo et les parisiens, comme on dit : Aurlus Mabélé, Fofana Moulady, Roger Lutin, Vital Fouemina sont les individualités musicales les plus en vue. En Europe, de jeunes Congolais, nés en France ou y ayant grandi, essaient avec des bonheurs divers de tracer leur voie dans le monde du show-business. Passi et Bisso na Bisso demeurent l’exemple le plus emblématique de cette mouvance avec leur album « Racine ». Extra Musica, figure de proue de la nouvelle génération des orchestres congolais, n’échappe pas au syndrome de la division. Il connaît une scission avec le départ de Guy Guy Fall, Régis Touba, Quentin Moyascko, Pinochet Thierry et Durell Loemba qui créent l’orchestre Extra Musica International. La danse Hélicoptère, stigmate « spirituelle » de la guerre, en abrégé Hélico, envahit les pistes de danse au Congo. En 1999, c’est au tour de Guy Guy Fall de claquer la

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porte de l’orchestre Extra Musica International. Il crée Quartier Général. Le 21ème siècle s’ouvre avec les Kora, distinction musicale, décernée à Johannesburg par Ernest Adjovi. Après Bisso na Bisso, meilleur groupe d’Afrique et meilleur clip vidéo en 1999, le Kora 2000 du meilleur groupe africain est décerné à l’orchestre Extra Musica de Roga Roga. Ce groupe a trusté de nombreux prix : révélation Ngwomo Africa (1996), meilleur groupe africain (African music Awards, 1997), meilleur groupe africain (Tropical Music Awards, 1999), Prix spécial du Président de la République du Congo (2000). Il compte à son actif de nombreux albums : ouveaux Missiles, confirmation, Ouragan, État-major, Shalaï, Trop c’est trop, La Main noire. Bana Poto-Poto est porté sur les fonds baptismaux par Roland Bienvenu Faignond. Pendant ce temps, quelques transfuges de l’orchestre Extra Musica International se séparent. Régis Touba, Durell Loemba, Cyrille Malonga et Pinochet Thierry abandonnent Quentin Moyascko et ÉtatsUnis ; l’orchestre Z1 International naît de cette scission. Après le départ de Doudou Kopa, c’est au tour de Sylvain Mbon dit Oxygène, Rossène, Papy Bastin, Kairson Saddam (chanteurs), Typhoïde (animateur) et Baudouin (claviériste) de quitter Extra Musica Zangul, en 2004. Les dissidents montent l’orchestre Universal Zangul que quitte, quelque temps après, Papy Bastin. Ce dernier crée son orchestre, dénommé les Jetliens. Rufin Hodjar, révélation du Tam-Tam d’or, édition 2006-2007, fait son entrée, en 2008, sur le marché musical avec « Olomi », un maxi single de sept titres. 2010 risque de sonner le glas d’Extra Musica Zangul, que vient de quitter à nouveau Régis Touba. Mais, plus grave, est le départ d’Herman Ngassaki, inconditionnel soutien de Roga-Roga et l’une des pièces maîtresses de l’orchestre Extra Musica.

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Après la poussée exceptionnelle vécue vers la fin des années 70 du siècle dernier, avec notamment l’extraordinaire succès du groupe Eturi ikanga, la musique traditionnelle vit de nouveau une période relativement prospère. Ses représentants les plus actifs sont, pêle-mêle, Bahulu ba Niari, Vocal bantou, qui fait partie de la famille large qui comprend en outre : Association Vocal Bantou National (Avbn), Vocal Bantou Association (Vba) et Association Vocal Bantou Rénovée (Avbr). Bana Moye, Ntémo Kongo, Kingoli original, Kongo Bu Tsiélé, Bane B’siane, le groupe Lemba, Moukoukoulou National, Bana ékolo, Kiwissa ku Congo, Moukala Nkaya évoluent dans cette catégorie. Ngoma za Kongo, qui se présente sous la forme d’un ballet, est l’un des groupes les plus en vue dans cette obédience. Créé en 1999, Ngoma za Kongo évolue sous la férule artistique d’Arnaud Loubayi, chorégraphe et de l’intrépide joueur de tam-tam Brice Séverin Tchikébi. A cheval entre les musiques moderne et traditionnelle, la musique tradi-moderne. Les groupes de ce genre particulier, dans la lignée des Bouzitou boua bantou, Les Très fâchés et autres Muyirika, groupes phares dans ce domaine, au cours des années 80, connaissent, depuis quelques années, les faveurs du public. Le tradi-moderne, est-ce la voie pour sortir la musique traditionnelle du ghetto du grégarisme dans lequel elle est enfermée ? Il semble, à l’observation, que c’est une voie possible. Le groupe Kingoli connaît un véritable succès auprès des mélomanes ; c’est aussi le cas de Kiburikiri, Adjani Musica, Th Musica, Kitembu qui ont modernisé le Muntuta (à l’origine, il se dansait à partir des éclats de voix et des battements de mains). On peut aussi citer Pape God dans ce genre de musique. Les griots Ngampika Perret et Zérina constituent, dans cet univers, une catégorie à part, à laquelle un festival est - 155 -

désormais réservé. Didier Malonga, Schol Marjulie alias Kaladia Mban, Fean François Nkeritila (catégorie traditionnelle) ; Kaly Djatou, Lise Babindamana, Sansi Mayindou et Shipata (catégorie moderne) sont les porteflambeaux de cet aspect de la culture congolaise, auxquels on peut ajouter, toutes catégories confondues : Tata Bouesso, Brice Mizingou, ya Vhos, Prince Mpoutou, Gisèle Tchicaya, Didier Ongalie Ndinga, Alain Ngono, Christian Ouissyka, etc. Dans un domaine consubstantiel à la musique, la danse, on note une grande explosion des compagnies proches du Ballet Lemba de Michel Rafa, de la compagnie de Lucky Zebila, de Sompa Titos ou de Malonga « Casque lourd », dans leur enracinement dans le fonds traditionnel, mais plus modernes dans leur jeu. Ces structures de spectacles vivants sont créées par de jeunes danseurs-chorégraphes, qui trustent de nombreux prix, aussi bien au Congo qu’à l’étranger. Dans ce registre, les Yela Wa méritent une mention spéciale. Dans la mouvance rap, rnb, hip hop il faut signaler quelques noms qui s’illustrent, parfois avec brio : Concept IA, Les Marsiens, Collectif 109, GM Dutchiles, Bambi, Kc3, Moulek et Dj Mboh, Bomb.I, Many, Mass, Pépin Ndalla, Arnaud des groupes comme S. Dollars, Many, Free Back. La diaspora congolaise est très active. Rido Bayonne, Franck Mouélé, Jocelyn Mayor, Aurlus Mabélé, Passi et Bisso na Bisso, Renaud Moupele, Nedy Adona, Emery Boyard, Mam Oumba, Saint-Petro, Didace Bemou en Europe ; Pierrette Adams et Saintrick en Afrique de l’ouest sont ses représentants les plus en vue. Du côté de l’édition, en France, il faut signaler l’activisme de Cyriaque Bassoka, Max Tundé et de Nzaba qui assurent la

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visibilité de la musique congolaise sur le marché parisien du disque. Depuis une trentaine d’années de nombreux musiciens dits « profanes » passent à la musique religieuse pour ne pas mourir artistiquement, ou pour connaître un succès qui leur a parfois fait défaut dans la musique mondaine. La musique dite religieuse ne se différencie de la musique mondaine que par le thème de Dieu, au centre de toutes les chansons. Ce n’est pas une nouveauté dans le paysage musical, loin s’en faut, mais son ampleur depuis quelques années a dépassé son caractère initial d’épiphénomène de la musique mondaine. Les Dj (Disc Jockeys), nouvelle race de musiciens, avec Dj Nono, Dj Lasco, Dj Kardi One, Dj Kooclax, Big Q Man, etc., investissent le nouvel espace musical avec un certain succès. Avec ces nouveaux musiciens, les boîtes de nuit semblent avoir pris le relais comme lieux de création et d’exécution de la musique congolaise. Quant aux adeptes du coupé décalé, à l’instar du groupe Zembé, ils bénéficient actuellement des faveurs du public. Quelques voix féminines : Harline Matongo, Béatrice Bamana, Nourra Patche (de son vrai nom Malonga Ndoundou), Shéryl (Claudine Gertrude NGambomi), Sonia Saigne, Sœur Fifi la Fleur, Laura Suzy, entre autres, tentent de s’affirmer dans tous les genres de la musique, un univers dominé par les hommes. De tous les orchestres « historiques » de la musique congolaise : Cercul Jazz, Negro Band, Novelty, African Mod Matata, Mando Negro, seuls les Bantous ont pu, à coup de ruptures et de réconciliations, fêté, en 2009, leur cinquantième anniversaire, recevant à cette occasion, des mains du Président

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Denis Sassou Nguesso, la médaille de Commandeur dans l’Ordre du mérite congolais. En 2010, les bars, dans lesquels évoluaient les orchestres congolais de musique moderne, sont devenus les reliques obsolètes d’une mondanité révolue. Les églises de réveil ont pris le relais et depuis, ironie de l’histoire, s’y élèvent des hymnes à la gloire de Dieu. En somme, un requiem pour les dinosaures de la musique congolaise, hommes et orchestres. La survie des Bantous ne saurait faire illusion. « Les Sanza de Mfoa » de Beethoven Germain Yombo et en 2006, un nouveau concept : « La Nuit du Congo », dont la première édition a eu lieu à Paris et la seconde le 4 décembre 2010 à Johannesbourg (Afrique du sud) ; les Tam-Tams d’or de Médard Milandou, Primuzik et Mtn Zick, trophées et manifestations musicales, pour ne citer que les plus courus, deviennent des temps forts de la convivialité musicale, dans la foulée du Fespam (Festival panafricain de la musique), lancé en 1996. Charles Tchicou, Christian Gilbert Bembet, Luc AkaEvy, Ferréol Gassakys, Germain Yombo Pela se sont succédé au commissariat général de cette institution, avant de céder la place à Dieudonné Moyongo, en poste actuellement. Depuis, de nombreux festivals ont vu le jour, aussi bien à Brazzaville qu’à Pointe-Noire : « U Sangu Ndji-Ndji, festival international des musiques de recherche, une initiative de Pierre Claver Mabiala, « Les Feux de Brazza », festival de musique traditionnelle créé par Hugues Gervais Ondaye, « Mabina Danse », « Brazza Jazz Fusion », festival « Lusinga, les griots », Ndulé, festival Music ambiance. Malgré sa dégradation constante, la musique congolaise réussit, tout de même, à écrire son nom en lettres de feu sur les frontons des salles prestigieuses en Afrique et dans sa

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diaspora, partout dans le monde. Ce qui n’est pas étonnant à l’heure du tout marketing. IV – Les œuvres de la chanson congolaise La chanson congolaise compte à son actif des milliers d’œuvres enregistrées depuis les années 40. Leur présentation exhaustive est difficile. Pour les besoins de ce chapitre, l’anthologie de Guy Léon Fylla est un excellent raccourci qui permet d’accéder aux œuvres majeures de la musique congolaise moderne. Cette anthologie, publiée en 1996, recense une quarantaine d’œuvres majeures sur la période 1940-1990. A quelques exceptions près, elles représentent les standards de la musique congolaise moderne. De 1990 à 2010, dans un monde d’artistes surfaits, qui accouchent de « chansons-Kleenex », peu de titres méritent de passer à la postérité. Du premier volume (1940-1969) de l’anthologie de Guy Léon Fylla, expurgé des œuvres antérieures à 1960, il reste quelques pépites dont se souviennent encore les mélomanes congolais : Espérancia Œuvre de Pembelet et de Nguinadio, Espérancia rencontre immédiatement les faveurs du public. C’est une chanson d’amour du début de la décennie 60. Ya Luna Umbanzila Cette chanson folklorisée de Daniel Loubelo Delalune, loin d’être une tentative mystificatrice, fait partie d’une œuvre abondante ayant pour dénominateur commun le folklore, d’où cet auteur tire sa substance créative. Ya luna Umbanzila, sortie en 1962, est sans conteste, l’un des plus grands succès de cet auteur-compositeur, ancien chef d’orchestre de l’Ok - 159 -

Jazz, puis de Tembo. Elle parle de la vie quotidienne dans la variété de ses activités. Masuwa énani Puisée à la source du folklore, Masuwa énani est l’une des chansons majeures de Michel Boyibanda. Que ce titre ait pu défier le temps et les modes témoigne de la solidité et de la simplicité de sa construction reposant sur une mélodie des Bonguili, originaires du département de la Sangha. Depuis sa sortie en 1964, elle n’a cessé de ravir le cœur des mélomanes des deux rives. Elle marque l’entrée, cette année-là, de Michel Boyibanda dans l’orchestre Ok Jazz. Mwanga Hymne à l’amitié, cette belle chanson de Franklin Boukaka, a été créée en mémoire d’Antoinette Mwanga, une célèbre égérie brazzavilloise. Phénoménal succès, Mwanga a maintes fois été interprétée, notamment, par l’orchestre Aragon de Cuba. Franklin Boukaka, décédé, lui-même, dans des circonstances tragiques, a laissé à la postérité, des œuvres dont le rayonnement n’est plus à démontrer. Masuwa Cette chanson fait partie des grands classiques de la musique congolaise moderne. Masuwa, très belle romance de 1968, est le grand succès définitif de Pamelo. Sa ligne mélodique est pleine de clarté. Tabu Ley Rochereau, lors de son passage à l’Olympia, en 1970, l’avait insérée dans son répertoire, à juste titre. Rosalie Diop Succès indémodable de Kouka Célestin est créé à Dakar, en 1966. A sa sortie un an plus tard, il est accueilli avec enthousiasme par le public. Grand classique du style « chanson - 160 -

larmoyante », Rosalie Diop dit la souffrance de son auteur à la recherche éperdue d’un amour. Milangui Mawakani, avec Milangui, écrit son plus grand succès discographique. Dans cette chanson de 1969, exécutée par le Mando Negro Kwala Kwa, dans sa période flamboyante, l’auteur se vante d’être le champion de Sovinco (Société congolaise de vins), ici synonyme de vin. Chanson burlesque, s’il en est, exprime les extases d’un homme habitué à se cuiter. Louzolo Créée en 1963-1964,par Franklin Boukaka et exécutée par le Cercul Jazz, Louzolo connaît une fortune considérable suite à la reprise qu’en fait l’auteur, sur des arrangements de Manu Dibango, en 1970. Ce titre figure dans l’unique 30 cm de Franklin Boukaka, œuvre exigeante et réussite absolue, qui fait entrer définitivement cet artiste dans la galerie mythique des artistes talentueux trop tôt disparus. Franklin avait atteint le sommet de son art. Manta Lokoka Chanson mièvre de 1969, exaltant l’orchestre Manta Lokoka. Son succès réside sans doute dans le simplisme de sa mélodie, facile à retenir et à fredonner. Énorme succès, Manta Lokoka a apporté une gloire posthume à Maurice Obami, son auteur, décédé en 1970. Ces chansons sus-mentionnées correspondent à la période d’or de la musique congolaise par la variété et la qualité de la production phonographique.

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Le second volume (1969-1990) de l’anthologie de Guy Léon Fylla, ne tient pas strictement compte de cette délimitation temporelle. Il présente pêle-mêle dix titres :

Missengue Chanson d’amour de Pierre Moutouari de 1981, Missengue est un succès durable qui établit tout aussi durablement la notoriété de son auteur. Amour de ombakele Valeur sûre de la musique congolaise, Pamelo Mounk’a démarre en fanfare une carrière solo, en 1981, avec un titre ravageur : Amour de ombakele. Cette ode à l’amour est le coup d’envoi donné à une carrière internationale exaltante. Son actualité perdure, en dépit du temps qui passe et de la mort de son créateur, en 1996. Mwana Djambala Au-delà de l’importance esthétique, cette chanson repose sur une complémentarité entre le texte, la mélodie et l’orchestration qui n’hésite pas à recourir au fonds traditionnel teke. Mwana Djambala, sorti en 1980, est l’un des grands succès de Théo Blaise Kounkou. Infidélité 1 Ce titre place Celi Bitshou, en 1970, sur l’orbite des créateurs à succès de la musique congolaise. Dans sa chanson, il dénonce l’infidélité, cette tare débilitante de l’amour. Les mélomanes ont apprécié une très belle chanson, servie par les musiciens talentueux de l’Ok Jazz.

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1 x 2 mabe En 1984, Youlou Mabiala, auteur-compositeur prolixe et fécond, parle une fois de plus d’amour. Dans 1x2 mabe, comme dans la plupart de ses chansons, tissées autour de ce thème, exprimé sur toutes les déclinaisons d’un sentimentalisme gai ou triste, cet artiste nous enchante avec ce titre au succès jamais démenti. Kimbanda Sida Thème grave, bien dans l’air du temps, est pour la première fois, abordé de manière allusive, dans une chanson, en 1988. Belle œuvre incontestablement, Kimbanda Sida se caractérise par une orchestration peu envahissante qui amplifie la qualité de la ligne mélodique épurée. Bruno Houla, décédé, en 2009, laisse une œuvre d’anthologie qui influencera encore longtemps les néo-créateurs. Un jeune artiste s’en est inspiré pour composer un récent succès de la musique de la rive gauche. Parisien refoulé D’une voix chevrotante, cultivant un accent prononcé du terroir kongo, Rapha Boundzeki raconte les vicissitudes d’un parisien (Congolais résidant ou ayant résidé à Paris). L’originalité d’un texte décapant a immédiatement eu un écho impressionnant dans le public. Parisien refoulé est un pamphlet en règle contre l’éducation actuelle des enfants. Vingt ans, après sa sortie, en 1989, cette chanson conserve, intacte, son actualité. Merci Mama Cette chanson d’Alphonse Taloulou est l’expression de l’amour filial. Dans cette chanson de 1967, comme dans Mama se Mama, du même auteur, écrite dans la même veine, quelques années plus tard, la prégnance de l’image archétypale - 163 -

de la mère, qui donne la vie, n’est pas étrangère au succès de ce titre du répertoire des Bantous de la capitale de la période faste de la musique congolaise. Makambo mibale Expression populaire reprise, avec justesse, par Kosmos Moutouari, Makambo mibalé (1967) est une peinture de l’univers urbain. Il s’en dégage une atmosphère qui incite à une réflexion existentielle sur l’argent et la femme, véritables fléaux de la société moderne. Ancien combattant Cette chanson de Casimir Zao, sort au cours de l’épisode exceptionnel de la création musicale du début des années 80. Avec Ancien combattant, le ton est donné, entre humour et dérision. Ce premier titre a presque aussitôt propulsé son auteur sur la scène internationale. Les dix premiers titres de l’anthologie de Guy Léon Fylla concernent la période 1949-1960. Tous les autres titres son représentatifs de l’époque faste de la musique congolaise (1960-1969) et de la courte période d’embellie des années 80. Le répertoire de cette anthologie est très varié même si les différents titres, surtout ceux de 1960 à 1990, indiquent que l’amour dans toute sa plénitude, prend son essor et impose sa dimension impériale dans la chanson congolaise moderne. L’amour qui se joue au théâtre de la ville. Dans ce corpus, le titre se déploie dans toute sa diversité : titre long, titre laconique, titre explicite et titre ambiguë. Un titre peut combiner de nombreuses caractéristiques. Amour de ombakele est, à la fois, long et explicite. Il laisse, sans difficulté deviner le contenu de la chanson qu’elle désigne. Masuwa énani, qui fait penser, de prime abord, au voyage, est un titre long et ambigu. A l’écoute, on se rend compte qu’il - 164 -

s’agit d’un message qui annonce l’arrivée au village de l’auteur, qui demande à ses parents de se préparer à le recevoir. Masuwa, le bateau, titre laconique et ambigu, est un prétexte pour écrire une aubade. Il est courant, dans la chanson congolaise, de rencontrer, en guise de titre : un mot, louzolo; un nom, Missengue; un prénom, ici Rosalie, combiné à un nom ; une expression, 1 x 2 mabé, etc. Parfois, le titre devient de plus en plus évocateur, presque porteur du sens intrinsèque de la chanson qu’il annonce : Congo na biso (Pamelo), Pont sur le Congo, Le Bûcheron (Franklin Boukaka), ces titres, auxquels on peut ajouter : Ata ozali (Franklin Boukaka et Henri Lopes) et Tongo étani (Jean-Serge Essous) qui auraient mérité de figurer dans l’anthologie de Guy Léon Fylla. Ces œuvres restent emblématiques de la luxuriance de la chanson nationaliste, panafricaniste, voire révolutionnaire. Tongo étani, dont l’emprunt à la première partie de l’hymne national, « la Congolaise », est évident, a servi, des années durant, d’ouverture aux différents journaux parlés de la Voix de la révolution congolaise, station nationale de radiodiffusion et de télévision. Fait surprenant, dans l’anthologie de Guy Léon Fylla, dont la sélection est éclectique du point de vue thématique, hormis 1X2 Mabe et Parisien refoulé, aucune autre « chanson mbuakela ». Le « mbuakela » s’inscrit dans une situation conflictuelle et traduit plusieurs types de sentiments : la jalousie, la raillerie, le mépris, la condescendance, la pitié, etc. La violence verbale émaille pourtant la chanson congolaise. Deux titres, entre autres, en sont le parangon : Antoine Kitunga, de Démon Kasanaud et Damba de Moutouari Kosmos. Le premier stigmatise le vol ; le second, l’escroquerie. On touche, ici, dans une certaine mesure, à la fonction sociale de la chanson, au-delà de sa fonction ludique.

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Depuis le début des années 90, dans un univers désormais caractérisé par une pauvreté de la création, en dépit d’une prolifique production, Point final de Youlou Mabiala, Congo uni de Julio Antonio des Patrouilles des Stars ou La Vie de Bienvenu Roland Faignond et Bana Poto-Poto valent leur pesant d’or. En effet, la chanson, un texte, mis en musique, qui raconte une histoire, n’est plus qu’un souvenir. L’animation et le « libanga » en constituent désormais la quintessence ; la première est, en général, un corpus autonome intégré dans une chanson au moment du sébène (accords en boucle) ; le second, « libanga » ou lancement (mabanga, au pluriel), consiste, pour un musicien, à citer dans une chanson, hors de propos et à tout va, le nom d’un individu qui a payé pour cela. Cette pratique prend des proportions inquiétantes pour la « salubrité musicale ». Les chansons sont devenues interchangeables désormais, et les néo-musiciens pourraient même chanter « l’annuaire téléphonique ». Ce phénomène est à relier à la « sape » (société des ambianceurs et des personnes élégantes) qui fait son incursion dans la chanson congolaise, au début des années 80, à travers la chanson Matebu de Papa Wemba, dans laquelle sont égrenés les noms des têtes d’affiche de la « sape », dont les adeptes sont férus de vêtements de grandes marques « griffées ». Les albums « Sapologie » de Rapha Boundzeki, en toile de fond, s’attachent à en faire l’apologie. Aurlus Mabélé, Jo Balard « le pape de la sape » et Fernand Mabala, entre autres, consacrent de nombreux titres à la sape ; Désormais, c’est l’irruption dans le champ musical du chanteur-sapeur, dont Boundzeki est la parfaite illustration. Dès lors, la structure de la chanson connaît des sauts brusques, avec des mélodies aux courbes déséquilibrées. Et, plus personne n’échappe au bruit de fond qu’elles sont devenues, du fait de ces « virus », animation et libanga. C’est le début de la dégradation mélodique.

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Quant au contenu, il est réduit en un véritable patchwork d’incongruités. Le contenant, ici la pochette d’un album, naguère porteuse de sens, a perdu sa fonction symbolique de révélateur du contenu. Dans un passé récent, c’est la chansonphare qui donnait son titre à l’album. Tel n’est plus le cas, actuellement, avec des albums aux dénominations fantaisistes. CO0CLUSIO0 A l’heure du Cinquantenaire de l’indépendance du Congo, la musique congolaise moderne qui dispose de nombreux atouts, est, paradoxalement, à la croisée des chemins. Se remettre en question ou se laisser déborder, comme c’est déjà le cas, par toutes les musiques qu’elle satellisait, hier encore, et qui, malgré tout, continuent à puiser dans son répertoire, pour assurer leur succès d’aujourd’hui. Parmi les pays qui caracolent en tête de la néo-musique africaine, ceux qui ont investi dans la formation musicale. Il n’est pas normal que la majorité de ceux qui font office de musiciens au Congo, continuent de pratiquer leur art à l’instinct. Au-delà de cette déplorable situation, un fait est indiscutable : en 2010, l’Afrique a désormais cessé de danser, uniquement, au rythme du Congo. La reconquête de son leadership passe, essentiellement, par la restauration de l’enseignement de la musique dans les structures scolaires et universitaires. La pratique de tout art, en plus du talent et, éventuellement, de la vocation, implique un apprentissage auprès des détenteurs du savoir, individus ou organismes de formation. La musique n’échappe pas à cette exigence.

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CHAPITRE 6 LE THEATRE CO0GOLAIS, DE LA COLO0ISATIO0 A 0OS JOURS par Dominique 0IOSSOBA0TOU

I0TRODUCTIO0 En Afrique subsaharienne, le Congo se classe incontestablement parmi les pays dont la production littéraire est perpétuellement en plein épanouissement. Pourtant, malgré une faramineuse créativité en matière de théâtre, les travaux consacrés à ce domaine sont peu abondants. Quelques mémoires et des thèses, encore rares, ne suffisent pas à donner une image panoramique de l’univers théâtral congolais. Notre étude qui ne peut prétendre rendre compte de toute l’activité théâtrale menée au Congo, de la colonisation à nos jours, s’attache cependant à poser les problèmes de fond concernant l’émergence, le fonctionnement et l’itinéraire de ce théâtre. Aussi allons-nous essayer, d’abord de reconstituer l’histoire de ce théâtre. Nous nous efforcerons ensuite d’en décrypter les formes qui ont contribué à son auréole. Puis, évoquant la tendance actuelle, nous dégagerons de manière théorique, notre vision prédictive et prospective. Ainsi, même sans parvenir à l’exhaustivité, nous aurons le mérite d’esquisser, tant soit peu, un tableau global et représentatif du théâtre congolais, de la colonisation à nos jours.

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I – Approche historique Dans un pays comme le nôtre où le réflexe de l’écriture n’a jamais primé sur celui de l’oralité, il n’existe ni des cahiers sur le théâtre, ni des comptes rendus, ni des procès-verbaux. Reconstituer l’histoire de notre théâtre impose des enquêtes et des entretiens auprès des pionniers encore vivants, témoins et seules ressources archivistiques a priori crédibles. Ce qui est vrai, sûr et certain, c’est qu’on ne peut parler de théâtre au Congo sans se référer à la colonisation, à la création des écoles qui ont permis l’identification à la culture de la Métropole (France). La période allant de 1930 à 1950 peut être considérée comme celle de l’initiation. Dans des écoles tenues par des missionnaires (catholiques ou protestants), dans l’enseignement public, il y avait une part d’initiation à la pratique théâtrale. De plus, des mouvements comme le scoutisme entraînaient des jeunes au jeu scénique. Chez les catholiques comme chez les protestants, les jeunes christianisés jouaient des saynètes à caractère liturgique visant à lutter contre le paganisme et les pratiques fétichistes très fortes à cette époque. A l’enseignement public, l’école Edouard Renard fut un foyer important à l’apprentissage des arts de la scène grâce à l’action du Gouverneur-général de l’AEF, Reste, installé à Brazzaville. Sous le patronage de Reste, fut organisée en 1938 la représentation de « Samba tue le guinarou », une pièce dont le contenu s’apparentait à celui de « Sokamé » joué par la troupe William Ponty à Paris (Champs Elysées), lors de l’Exposition Internationale les 12 et 17 août 1937. Le spectacle de « Samba tue le Guinarou » avait été préparé par un instituteur français. La prestation des acteurs, composés exclusivement d’élèves, avait donné des prémices encourageantes et des signes d’un avenir prometteur.

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Mais il faudra tout de même attendre plusieurs années avant de voir des Congolais commencer à prendre des initiatives hardies. C’est autour des années cinquante que se révèlent les pionniers du théâtre congolais qui sont : Ferdinand Mouangassa, Patrice Lhoni et Segolo dia Mahungou. Ferdinand Mouangassa, sorti du Collège Chaminade, s’intéresse au théâtre et fonde une troupe qui interprète Les précieuses ridicules, Le malade imaginaire et Les fourberies de Scapin de Moliere. Infirmier de carrière, muté à PointeNoire, il poursuit là-bas son activité théâtrale, participe à la création d’un « théâtre populaire congolais », puis fonde et dirige la troupe « Kamangos ». Parallèlement à Ferdinand Mouangassa, Patrice Lhoni se distingue à Brazzaville comme un grand fervent de l’art théâtral. Rentré de France et titulaire du BEPC en 1950, il enseigne au Collège Chaminade. Il renonce ensuite à l’enseignement pour d’autres activités : d’abord la Revue Liaison, ensuite il est secrétaire à la commune de Poto-Poto (Brazzaville), puis il occupe un moment d’importantes fonctions au ministère de l’Intérieur avant de diriger la Compagnie des transports. C’est, lorsqu’il est nommé chef du service municipal de la culture et des arts, qu’il s’illustre comme un grand animateur culturel. Il est co-fondateur de l’Institut d’Etudes Congolaises en 1960 et du Centre congolais du théâtre en 1964. Il participe avec Segolo Dia Mahoungou et autres à la création du l’Astheco (Association du Théâtre Congolais). Segolo dia Mahoungou, quant à lui, est un militaire que la passion pour les arts du spectacle a détourné du métier des armes. En formation militaire en France, puis en URSS, compagnon d’armes d’Augustin Poigny, il est séduit par Louis de Funès. Il l’admire, l’imite et s’identifie à lui. A la caserne, il amuse, il raconte, il mime. Rentré au Congo, la passion pour le - 171 -

théâtre devient sa seule raison de vivre. Il se distingue parmi les premiers disciples du Centre Culturel Français (CCF). Il se fait remarquer par un certain De la Montoise, qui l’introduit à Radio Brazzaville pour des prestations théâtrales. Segolo dia Mahoungou forme à Bacongo une troupe nommée « Kongo Lungouenia », qui livre des spectacles tradi-modernes. S’avisant qu’il n’est pas si facile d’entretenir une troupe, il s’entoure en 1963 de Pascal Mayenga, Dominique Samba et d’autres qui participent, avec Patrice Lhoni, à la création de l’Astheco. L’Astheco interprète surtout des pièces européennes comme Le cid, Hernani… Sous le parrainage et l’arbitrage du Centre Culturel Français (CCF) qui met fin aux querelles pour le leadership, l’Astheco fusionne avec les autres troupes existantes (celle de Lhoni de Moungali – Poto-Poto et celle de Segolo dia Mahoungou de Bacongo). De cette fusion est créé en 1965 le TNC (Théâtre National Congolais) qui sera pendant longtemps dirigé par Segolo dia Mahoungou. Le Théâtre national, dont le siège est jusqu’aujourd’hui le Centre de Formation et de Recherche en Art Dramatique (CFRAD), poursuit inexorablement son petit bonhomme de chemin. Pris en charge par l’Etat, les comédiens qui venaient des horizons divers (enseignement, administration…) ont acquis un statut de fonctionnaires rémunérés. L’équipe se renouvelle au fur et à mesure des départs à la retraite ou des décès. Certains comédiens ont profité des stages ou des séjours en Europe pour y rester. C’est le cas de Marius Yelolo, Pascal Nzonzi, Georges Mboussi…Le palmarès du Théâtre national est plus qu’élogieux. Le TNC a participé au Premier festival des Arts nègres qui s’est déroulé à Dakar en 1966, au Premier Festival panafricain qui s’est déroulé à Alger en 1975. Il prend part à une semaine culturelle à Dakar en 1975 puis, en 1977, il est au Deuxième Festival des Arts négres qui s’est déroulé à - 172 -

Lagos. Après la semaine culturelle de Kinshasa en 1982, puis la tournée artistique à Lomé en 1987, le Théâtre national entreprend en 1989 une tournée en France. Il participe au Bicentenaire de la Révolution Française au Fort de Joux (Pontarlier), Bergerac, Quiygey et à la Baule. Sa brillante prestation lors de la représentation de « Le précurseur Toussaint Louverture » lui vaut le privilège d’être décoré de la médaille de Citoyen d’honneur de la ville de Pontarlier. En 1990, le TNC est en tournée à Lomé et à Cotonou, en 1991 il participe au Premier Festival international au Bénin. Le répertoire du Théâtre national est à la fois abondant et varié. Il compte près d’une trentaine de textes (pièces ou adaptations scéniques) parmi lesquels nous pouvons, à titre indicatif, citer : La marmite de koka mbala de Guy Menga , L’annonce faite à Moukoko de Patrice Lhoni, Le client sérieux de Courteline, Les fourberies de Scapin de Molière, Papa sidi de Bernard Dadié, La stratégie du roi Christophe d’Aimé Césaire, L’exception et la règle de Bertolt Brecht, Embouteillage de Sylvain Bemba, Trois prétendants, un mari de Guillaume Oyono Mbia, La mort de Tchaka de Seydou Badian, Gouverneur de la rosée de Jacques Roumain, Le feu des origines d’Emmanuel Dongala, Le Zulu de Tchicaya Útamsi. Notons par ailleurs que dans les années 70, créée à l’initiative de Jacob Okandza, la troupe de la Fetrasseic s’est distinguée, notamment par la représentation de Propriété familiale, une pièce inédite de Sébastien Batangouna qui traite des problèmes de l’héritage et du destin de la veuve. Les instituteurs qui composaient la troupe étaient entre autres : Lucien Biahouila, Jean Marie Pepoka, Gabriel Foundoux, Ferdinand Trigo, Edouard Mbani, Pierre Massa, Monique Mienahata, Gabrielle Senga, Dambou, … L’engagement de Jacob Okandza pour cette troupe était irréductible. Lorsqu’en 1973, Lucien Biahouila est admis au - 173 -

Baccalauréat, Jacob Okandza se déploie à lui trouver une bourse d’études pour la France. Lucien Biahouila ira étudier le théâtre à Censier (Paris) et soutiendra en 1984 une thèse de doctorat 3e cycle sous la direction d’Anne Ubersfeld. Ce qui lui vaudra, de retour au Congo, de diriger le CFRAD et de dispenser des cours de théâtre à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de l’Université Marien Ngouabi, jusqu’au moment il a été admis à la retraite. II – Les grandes réussites (1960-1990) La période allant de 1960 à 1990 est sans contexte celle des grandes réussites théâtrales. Des troupes germent ici et là, des spectacles de toutes formes prolifèrent. Des textes publiés sont gratifiés par des prix. Le concours théâtral de Radio France Internationale qui crée une délirante émulation favorise la révélation des dramaturges talentueux. Le théâtre monte en puissance ; il y a une grande euphorie, un enthousiasme sidérant. L’itinéraire de cette prodigieuse floraison des arts de spectacle se caractérise par l’émergence des troupes, la consolidation d’un théâtre religieux, l’affirmation d’un théâtre populaire, la consécration d’un théâtre littéraire, la montée d’une nouvelle génération à partir de 1990 et l’appui des Congolais de l‘étranger. 1- L’émergence des troupes théâtrales Dans les années 80, il y avait une grande effervescence de l’activité théâtrale, impulsée par l’Etat. Le ministère de la Culture dirigé par Jean-BaptisteTati Loutard avait acquis des chapiteaux mobiles pour des représentations théâtrales dans les quartiers populaires de Brazzaville. L’on peut donc comprendre comment des troupes vont pousser par osmose dans les établissements scolaires et dans les quartiers.

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Dans la quasi-totalité des lycées, des troupes sont montées. La troupe du Lycée Lumumba se distingue dans la représentation de « Les idées de Lumumba » de François Obembé. La troupe de l’Ecole militaire des cadets de la révolution et celle du Lycée du Drapeau rouge interprètent « ous oserons », un texte de propagande marxiste-léniniste. Dans la même perspective, le Lycée central Savorgnan de Brazza joue « La vérité triomphera ». Les pièces jouées dans les lycées reflètent l’esprit de l’époque. Ce sont essentiellement des slogans politiques qui s’inscrivent dans la mouvance de l’UJSC (Union de la jeunesse socialiste congolaise). A l’Université Marien Ngouabi cependant, c’est Bekate Meyong qui forme un atelier de recherche théâtrale avec ses étudiants de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines, parmi lesquels Gabriel Kintsa, Dominique Niossobantou, Fidèle Biakoro, Milandou, etc. Le 9 mai 1981, sur l’esplanade du Complexe de Bayardelle, le groupe livre avec brio une adaptation scénique de Le roi miraculé de Mongo Beti, dans une mise en scène particulière. Le texte original en français, non soumis à des exigences puristes, était devenu un mélange où, bien que s’agissant d’incarner le peuple Essazam du Cameroun, l’amuseur public parlait en langues (congolaises) teke et lingala, les féticheurs chantaient en langue (congolaise) bembe, les danseurs exécutaient les rythmes du département du Pool. Ce théâtre, proche du happening, était un modèle que Bekate Meyong rêvait de vulgariser puisqu’il constitue une esthétique proche de nos réflexes socio-culturels. Dans la cité (Brazzaville), plus d’une dizaine de troupes émergentes se disputent la vedette : le théâtre de la Grande école de Poto-Poto dirigé par Gilbert Saladin et Léa Kimbeketé ; - 175 -

le théâtre des Trois francs d’Alphonse Mafoua ; le théâtre Mafula de Jean Bosco Mpankima et Gampika Mperet ; le théâtre Kimpa-Vita, animé par Auguste Miabeto et Josué Ndamba ; le théâtre de l’amitié incarné par Gabriel Kintsa, Milandou et Wenabio ; le théâtre national de la jeunesse ; le Zola théâtre…Gueules cassées, la Compagnie Auras Popularis du Centre culturel de Bacongo ; la troupe des frères Tchang, etc.

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Mais de toutes ces troupes, les mieux structurées et les mieux organisées sont, sans contexte, Le Rocado Zulu, Les Ngunga et le théâtre de L’éclair.  Le Rocado zulu théâtre Au départ, c’est une petite troupe, « Moni Mambou », animée par Nicolas Bissi et quelques anciens élèves de Sony Labou Tansi. Prise en charge en mars 1980 par Sony, elle s’appelle désormais Le Rocado Zulu et compte plusieurs artistes, parmi lesquels : Charles Chicou, Marie Léontine Tchibinda, Maurice Dibengué, Auguy Badjo, Missakidi, Véronique Bakatoula, Dian Daha Labou, Mabele Chry,… Le départ est très difficile pour Sony qui doit trouver des financements, que son seul revenu d’enseignant de collège ne peut procurer. Fort heureusement, Sony sait manager. Il bénéficie du soutien des connaissances et amis qui acceptent d’être les membres d’honneur de la troupe. Il y a, par exemple, le couple Chemain et le Ministre Boudo Neza. Le 13 mars 1980, Le Rocado Zulu fait sa première sortie au CFRAD avec Sur la tombe de ma mère de Nicolas Bissi. La représentation est remarquable.

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La troupe va se produire à Kinshasa en août et en décembre de la même année. Le 13 février 1981, elle monte et joue La tragédie du roi Christophe au CFRAD. Le succès de cette représentation propulse Le Rocado sur la scène internationale. La renommée de Sony est débordante La troupe se livre à une joute de représentations couronnées de succès : Eroshima de Sylvain Bemba, Baiser d’avril de Nicolas Bissi, Simba Vita de Sony, Cercueil de Luxe et L’Arc-en-terre une création collective du Rocado Zulu. La troupe participe ensuite au Festival de la francophonie à Limoges en 1985. Elle y joue La rue des mouches, dans une mise en scène de Pierre Val du Conservatoire de Paris, assisté de Pascal Nzonzi, Antoine m’a vendu son destin, dans une mise en scène de Daniel Mesguich. Le 2 décembre 1986 cette même pièce est jouée au théâtre du Rond Point (Paris) devant Danièle Mitterrand, Jean Christophe Mitterrand et JeanBaptiste Tati Loutard. Le Rocado zulu théâtre dont le succès et la notoriété s’étendaient au-delà des frontières congolaises, a malheureusement, brutalement, cessé d’exister avec la mort de Sony. Comme cela est fréquent, la mort du leader a entraîné la mort de l’équipe.  La troupe artistique 0gunga Créée en 1980, la troupe artistique Ngunga dirigée par Matondo Kubu Turé, démarre avec près d’une dizaine de membres dont Gilbert Monka, Batantou Oumba, Gisèle Boukaka, Emerance Loulendo, Serge Linvani, … Le spectacle qui inaugure sa sortie officielle est inspiré d’un vers de Maxime Ndebeka, « La vie diminue ici, elle s’allonge là », une création de Kambi Bitchène. Les Ngunga introduisent au théâtre un style nouveau : la scène est nue, dépouillée de tapis, de rampe et de praticables. Le jeu est un mélange de déclamations, de pantomimes, de - 177 -

chants et de danses qui s’enchaînent sans rideau et sans rupture. La mise en scène, souvent collective et participative, intègre à la perfection les moindres détails qui concourent au dénouement de l’intrigue. Les Ngunga ne se contentent pas de ne jouer que dans les salles conventionnelles telles que le CFRAD et le Centre Culturel Français (CCF), sa politique est de porter le spectacle au cœur de la cité, dans les écoles et dans les quartiers. En 1980, les Ngunga remportent le 1er prix du théâtre de la ville de Brazzaville, avec une adaptation de Les bouts de bois de Dieu de Sembène Ousmane. Le mérite de la troupe artistique Ngunga a été surtout d’avoir monté pour la première fois au Congo un opéra dramatique intitulé «Les griffes de la vie ». Cette création de Mampouya Mam’si (de son vrai nom Samuel Biampandou) avait obtenu en juillet 1981 le premier prix de théâtre du 2ème Festival communal (Brazzaville). En 1983, la troupe entreprend une tournée en Italie avec Qu’est devenu Ignoumba le chasseur de Sylvain Bemba. L’année suivante, le même spectacle est reproduit en Suisse. La troupe artistique Les Ngunga s’est éteinte peu à peu, entre 1987 et 1988, à la suite d’une simple lassitude de ses membres qui, grandissant, ont voulu chacun prendre sa liberté.  Le théâtre de l’éclair Dans les années 80, des jeunes comédiens regroupés dans une petite troupe théâtrale appelée « les frères Tchang », prennent le train en direction de Pointe-Noire pour des spectacles. En cours de route, une grande dispute éclate entre eux et se conclut par une scission. Ceux qui ne peuvent plus poursuivre le voyage, descendent à Dolisie et empruntent, pour rentrer à Brazzaville, la locomotive que les gestionnaires du CFCO (Chemin de fer Congo-océan) appelaient « Train éclair ». Ils décident de créer leur troupe et de l’appeler « théâtre de l’éclair ». - 178 -

Les co-fondateurs sont notamment : Léandre Alain Baker, Petro Maloubouka, Charles Baloukou. Très vite, la troupe se structure, s’organise et se consolide avec l’arrivée d’André Biakouka, un ancien du TNC, d’Afoumba, de Marie-Jeanne Kouloumbou et d’Emmanuel Pinoc. C’est à partir de 1982 qu’Emmanuel Dongala prend en charge le théâtre de l’éclair. La troupe monte un premier spectacle, « Maria vipère », une création de Claude Bivoua. Elle joue ensuite « Une eau dormante » de Sylvain Bemba. Ce qui caractérise le théâtre de l’éclair, c’est surtout ses prestations, fondées sur l’expression corporelle. Les mises en scène sont dirigées par André Biakouka ou par Charles Balouka. La troupe ne reste pas statique à Brazzaville, elle livre des spectacles à Dolisie et à Pointe-Noire. Son répertoire comprend entre autres, Les mains sales de Jean- Paul Sartre, La liberté des autres de Caya Makhelé, Le premier matin du monde d’Emmanuel Dongala, les éléphantômes de Sylvain Bemba, Y a bon chicouangue de Caya Makhelé. Le théâtre de l’éclair remporte le 3ème prix du Festival national de 1981. Mais son succès ne sera qu’éphémère. Très vite, la troupe se disloque et ne peut survivre après le départ vers l’Europe et vers les Etats-Unis de André Biakouka, Léandre Alain Baker et Emmanuel Dongala. 2- La consolidation d’un théâtre religieux Dès la création des écoles au Congo, les missionnaires catholiques ou protestants se servent du théâtre comme support didactique de l’évangélisation. Des segments de la bible sont portés sur scène : le péché d’Eve, le crime de Caïen, le naufrage de Noe, la foi d’Abraham, la naissance de Jésus, la fête des rameaux, etc. Les péripéties de la vie de Christ sont théâtralisées, le Chemin de la croix du Messie célébré dans une liturgie pathétique.

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En tout cas, bien que les travaux de recherche sur le théâtre dans les églises soient quasi inexistants, il existe bien au Congo un théâtre religieux, peu tapageux, presque discret, mais virtuel et dynamique. Les récents travaux de DEA (Diplôme d’Etudes Approfondies) de Riccy Nsoukina, consacrés aux formes de théâtre à Brazzaville, ont permis de dénombrer plusieurs troupes de théâtre religieux. A Brazzaville, plus de dix paroisses pratiquent de manière constante le théâtre. Il s’agit notamment : - des paroisses catholiques de Saint-Anne, de Saint Esprit, de Sainte Marie Vianney de Mouléké, de Saint Pierre Claver de Bacongo et de Saint Augustin de la Tsiémé - des églises évangéliques de Mayangui, de Makélékélé et de Poto-Poto. - de l’église de réveil Béthanie. Dans certaines églises qui n’ont pas de troupes, il arrive qu’à l’occasion de certaines fêtes religieuses, des fidèles s’organisent et improvisent des spectacles. Les paroisses Kisito, Saint Jean- Baptiste de Talangaï, Saint Charles Louanga, l’église évangélique de Talangaï figurent dans ce répertoire. Il faut toutefois noter la fragilité de ces troupes religieuses qui parfois disparaissent et renaissent au gré du mouvement des acteurs, qui sont essentiellement des fidèles, sans obligation et sans contrainte d’y rester. Pour la plupart de ces troupes, l’espace de représentation est tout naturellement la paroisse d’attache (l’intérieur ou les parvis). Les gestionnaires, les metteurs en scènes et les acteurs sont exclusivement des fidèles. Le financement provient des quêtes, des cotisations et des aides. Les représentations théâtrales sont ouvertes et gratuites. Les thèmes sont toujours - 180 -

en rapport avec la Bonne parole, à des exceptions près, sauf dans certaines exceptions relevées à Saint Pierre Claver de Bacongo, à Saint Esprit de Moungali et chez les Kimbanguistes. En effet, à Saint Pierre Claver de Bacongo, le théâtre de l’agora qui y évolue, n’est pas une troupe spécifiquement religieuse. Le groupe que dirige Olivier Bouesso compte en son sein des jeunes venus de divers milieux, notamment des lycées et de l’Université Marien Ngouabi. Pris en charge un moment par Dominique Niossobantou dont la pièce inédite Le silence des chiens est leur spectacle de prédilection, cette troupe n’entretient avec l’église qu’un lien apparent et formel. La troupe de la paroisse Saint Esprit de Moungali se particularise aussi par le fait que son répertoire intègre à la fois des spectacles religieux et des spectacles laïques donnés à l’extérieur, au CFRAD, au CCF et au Centre Culturel Sony Labou Tansi. Par exemple, en 2006, la troupe participe à la 3ème édition du Tusseo, une comédie du rire. Le 4 janvier 2008, elle représente au Centre Culturel Sony Labou Tansi un spectacle sur l’amour ou la coutume. La particularité chez les Kimbanguistes, c’est que la même troupe change de dénomination quand elle est dans le monde profane. Hors de la paroisse en effet, la troupe s’appelle Tuné, appellation visiblement tirée du nom de son metteur en scène Forturé Bateza. Le théâtre Tuné, très actif et très mobile, livre dans des espaces variés des scènes de vie courante, dans un style du théâtre populaire. Ce qui est commun au théâtre religieux c’est qu’il est conçu d’abord et essentiellement pour une pédagogie de l’évangile. C‘est un théâtre didactique qui vise à instruire et qui invite à réfléchir sur l’existence de Dieu, sur la parole biblique, sur la vie des Saints et celle du fils de Dieu. Le désir de changer

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l’homme par la force du message biblique est la grande spécificité de ce théâtre moralisateur. 3-L’affirmation d’un théâtre populaire Selon Brecht, le théâtre populaire doit être « compréhensible aux larges masses ; adoptant et enrichissant leurs modes d’expression ; adoptant leur point de vue, le consolidant et le corrigeant ; renouant avec les traditions et les continuant » (1). Le dictionnaire de théâtre de Patrice Pavis classe le théâtre populaire dans une catégorie plus sociologique qu’esthétique. Il se distingue du théâtre littéraire, du théâtre élitiste, savant, celui des doctes édictant les règles. Aussi, proches de la réalité socioculturelle et accessibles au plus grand public, les comédies ballets, les vaudevilles, les sketchs télévisés ou radiophoniques constituent-ils un indéniable répertoire d’un théâtre populaire au Congo.  La comédie- ballet La comédie-ballet est « une comédie qui fait intervenir les ballets au cours de l’action de la pièce ou comme intermèdes autonomes entre les scènes et les actes. »(2) Bâtie sur une succession de passages dansés, la comédieballet peut alterner selon le principe de la pièce à tiroir, des éléments de la comédie burlesque, de la comédie de caractère, de la comédie des mœurs ou de la comédie d’idées. A Brazzaville, la comédie- ballet émerge autour des années 60 avec Marie Isidore Diaboua qui travaille et perfectionne des danses inspirées ou proches du folklore centrafricain. Le ballet Diaboua qu’il fonde, offre dans des quartiers populaires des spectacles émouvants, faits de mimes, de chants, et de récitals… L’exemple du ballet Diaboua inspirera d’autres créateurs. Le mouvement prend de l’ampleur et dure près d’une décennie - 182 -

entraînant une multiplication d’autres troupes qui rivaliseront d’ardeur : Kongo dialemba, ballet Nganga, troupe Ntsia mba, troupe Mandola, ballet Bella, Sissa Congo, ballet Alexis, ballet Mfina, … Le genre, très apprécié, draine dans les quartiers populaires des foules très enthousiasmées. Dans le jargon populaire, ces comédies-ballets sont appelées « nguakatours ». Les « nguakatours » n’ont pas d’espace fixe. Les spectacles proches du happening, du vaudeville et du rough théâtre ou du théâtre brut sont livrés gratuitement, au grand air, parfois improvisés avec la participation du public. Les thèmes très variés donnent, tantôt lieu à une suite de péripéties comiques et des plaisanteries, tantôt ce sont des descriptions caricaturales de personnages, tantôt des satires des systèmes d’idées et des philosophies de la vie. Le théâtre qu’offrent les comédies-ballets est, comme dirait Jean Duvignaud, « une manifestation sociale »(1) En effet, les comédies-ballets de l’époque étaient de vraies manifestations sociales dont les sièges d’arrondissement de la JMNR, communément appelés « sections », constituaient des espaces privilégiés, des lieux de grande attraction. La chute du pouvoir et des sièges de la JMNR en 1968 entraîna l’interruption brutale des comédies-ballets. La réaction du nouveau pouvoir pour les ressusciter et les pérenniser ne suffira pas à recréer une vraie ambiance populaire. On se contentera de créer un Ballet national dont la direction sera confiée, pendant longtemps à Albert Mfina. C’est le Ballet national qui siège jusqu’à ce jour au CFRAD, incarné par Antoinette Nguelelé « la doyenne », la plus ancienne des comédiennes. Sa vocation actuelle est de maintenir en éveil l’âme du peuple, de représenter le Congo dans les grands rendez-vous culturels internationaux, de pérenniser nos coutumes et nos traditions dans tout ce qui les caractérise, c’est-à-dire la danse, les contes, le folklore, les rites, la chorégraphie… - 183 -

 Le théâtre radiophonique et télévisé Par osmose ou par contagion, il se développe dans la décennie 70-80 sur les deux rives du Congo, un théâtre radiophonique et télévisé qui suscite un engouement des larges masses. A Kinshasa, Mangobo, André Maboké, Massoumou, Sans Souci, Ebalé mondial, Kiodi et consorts excellent dans des saynètes et des sketchs. A Brazzaville, ce sont Ebende Kilo, Pantalon Zoba, Essouébé, Mbuta Lumingou, Ebilimounkoué et d’autres qui tiennent en haleine les auditeurs et téléspectateurs. Le groupe Molende et le groupe Mokili se disputent la vedette. Ce théâtre radiophonique et télévisé se caractérise par : - des patronymes des comédiens toujours chargés de symboles ; - l’usage d’une langue populaire, le lingala, parfois ponctuée par un français frelaté ; - des thèmes liés a la vie courante : satire, sensibilisation, éducation, instruction. Comme dirait le poète, « tous les aspects de l’existence sociale sont contournés, tournés et retournés ». C’est donc dans cette optique que se situe le groupe Molendé, le groupe Mokili, et même Georges Embana « papa lisapo », prématurément fauché par la mort vers 1997. Le groupe Molendé En 1975, une troupe dénommée OPIKA évolue à la télévision congolaise de manière encore balbutiante. Trois ans après, mieux structurée et plus dynamique avec dix acteurs dont six dames, elle s’appelle le groupe Molendé. Dirigée par Alexis Oko, alias Pantalon Zoba, la troupe présente à la télévision des sketchs dont les thèmes sont d’actualité : la vie conjugale, les problèmes de l’infidélité, de la délinquance, de la dépravation des mœurs, du viol, du SIDA, de la - 184 -

concupiscence… Elle les analyse et suggère des réflexions dans une perspective d’éducation. Par plaisir ou par passion, les comédiens de la troupe qui ne bénéficient d’aucune subvention, s’efforcent tant que faire se peut à trouver des moyens de subsistance. Le groupe Mokili Créé en 1979, il se produit à la radio sous la coordination de Marcel Ntadi Mikendi. Depuis 2004, il est dirigé par Jean Jacques Nzanga Bazo, dit « Cassado ». Il livre chaque semaine trois diffusions à la radio, tôt le matin de 7H15 à 7H30. Formée de dix acteurs dont trois dames, la troupe a pour cadre de répétition une petite salle resquillée dans l’enceinte de la radiodiffusion congolaise. Les textes, en langues vernaculaires, surtout le lingala, évoquent les problèmes de la vie courante dans la même perspective que le groupe Molendé. Les comédiens de Mokili comme ceux de Molendé portent pour la plupart des patronymes chargés de symboles : Litongue (bien, bon, bien, mûr), Mafouta (l’huile), Elanga (saison, champs), Pantalon zoba (un pantalon bête), etc. Georges Embana Militaire de formation, Georges Embana était un propagandiste du parti au pouvoir, le PCT. Dans un style proche de « l’agit- prop », il produisait à la radio des émissions éducatives qu’il théâtralisait à la télévision. C’était un mélange de reportages, de contes que les auditeurs et les spectateurs affectionnaient. Des familles se regroupaient le soir autour de leur appareil récepteur pour suivre « Lisapo-ngue », un spectacle livré dans un lingala frelaté, oberé d’emprunts au Teke, la langue maternelle de Georges Embana. Son succès l’avait amèné à concevoir dans les années 80 des représentations publiques au Stade de la Révolution. Comme au temps des Grecs, les Congolais déferlaient au « théâtron », - 185 -

le lieu où il se passe quelque chose. Malheureusement, cela n’a duré qu’un temps, l’initiateur et producteur décédé, le genre s’est estompé, faute de continuateur. 4. La consécration d’un théâtre littéraire Le théâtre littéraire, que Peter Brook désigne par « littérature dramatique », est la forme par laquelle le théâtre congolais a acquis ses lettres de noblesse. Loin d’en faire une approche critique qui examine l’œuvre dans sa complexité, nous nous contenterons d’une énumération descriptive comme dans une anthologie. Mais, notre répertoire ne sera qu’approximativement représentatif étant donné que certaines pièces, jouées se trouvent parfois en attente d’édition. L’ordre des dates de première publication est notre seul repère qui justifie la chronologie des dramaturges, ici établie.  Maurice Battambica Il peut paraître étonnant que Maurice Battambica figure en tête de liste, alors qu’il est presque inconnu du public congolais. C’est que sa pièce Le maître d’école a tué sa femme a été publiée en 1965, un an avant la célèbre Marmite de koka mbala de Guy Menga. Maurice Battambica qui n’a vécu que de 1930 à 1965, s’était très tôt distingué par son engagement au théâtre. Après ses études chez les catholiques à l’école Saint Vincent de potoPoto, puis au petit séminaire de Mbamou, il participe un moment au comité de rédaction de la Revue Liaison. Il y publie quelques poèmes, mais c’est le théâtre qui le passionne. Jean-Baptiste Tati Loutard, dans son Anthologie de la littérature congolaise d’expression française, affirme que Maurice Battambica « s’occupe du théâtre comme auteur, metteur en scène et acteur ; il crée les éditions du théâtre congolais. »

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Précisons par ailleurs que le maître d’école a tué sa femme fut représenté une fois du vivant de l’auteur. Guy Menga Enseignant, puis journaliste, Guy Menga se distingue dès 1966 comme un dramaturge talentueux avec la marmite de koka Mbala, une pièce qui obtint le 1er prix du Concours théâtral inter- africain. D’une langue claire et d’une écriture simple, la pièce puise dans l’histoire traditionnelle du peuple kongo, le problème des traditions et du conflit des générations. En 1967, dans un même style et avec la même verve, Guy Menga publie L’oracle. La pièce, jouée au studio des Champs Elysées à Paris en janvier 1969, remporte en 1970 le grand prix du Concours théâtral inter- africain. Malheureusement, alors qu’on attendait une suite logique à cette inspiration fulminante de Guy Menga dans l’écriture théâtrale, le dramaturge change de style et opte pour le théâtre populaire. Il se tourne vers des spectacles en langue vernaculaire. Il fait jouer à la maison commune de Moungali, dako ya dele une pièce en munukutuba (une des langues véhiculaires du Congo) qui prolonge sa satire des mœurs. La troupe de la Fretrasseic (la fédération syndicale des enseignants du Congo) se charge de jouer Okouele ou la défense des veuves. La pièce s’attaque à la colonisation et aussi aux intransigeances des coutumes. Deux autres pièces populaires, Le Dieu du clan, une comédie inédite et Tsia buala, une comédie musicale sont jouées de manière épisodique dans les années 70-72. Depuis, Guy Menga, devenu nouvelliste et romancier, semble avoir définitivement tourné le dos à ces premières amours. Par défaut d’inspiration ou par choix délibéré, Guy Menga a laissé tarir sa production théâtrale, au regret de tous.

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 Ferdinand Mouangassa Ferdinand Mouangassa est un dramaturge qui a la particularité de n’avoir jamais été enseignant. Certes, comme bien d’autres, il fait ses études chez les catholiques à Brazzaville, d’abord à l’Ecole des pères de la Congrégation du Saint Esprit, puis au collège Chaminade. C’est là qu’il est captivé par le théâtre et qu’il entreprend de jouer les pièces de Molière comme Le malade imaginaire, Les fourberies de Scapin. Sa passion pour le théâtre se consolide après une série de séjours en Europe. En 1957, il représente la jeunesse estudiante chrétienne à Rome. Il effectue ensuite un stage d’administration hospitalière à Paris. Rentré au Congo il est gestionnaire économe à Brazzaville, puis à Pointe- Noire de 1962 à 1968. C’est à Pointe- Noire que sa vacation pour le théâtre prend véritablement corps. Il entreprend d’écrire le théâtre et aussi de le pratiquer. Il fonde la troupe « Kamangos ». Son premier essai est un coup de maître : sa première pièce, ganga Mayala, une tragédie en trois actes, remporte le 1er prix de la Semaine culturelle de 1967. ganga Mayala est un roi progressiste et un père juste. Il assainit son entourage et lègue sa succession à Lozi sa fille, au détriment de Makaya un fils criminel et indigne. Le succès de ganga Mayala n’est pas encore évanescent quand Mouangassa publie Les apprivoisés, une tragédie mixte inspirée du matsouanisme. En 1970, il écrit, une comédie intitulée Les dents blanches. La pièce n’a pu être publiée. L’activité théâtrale du dramaturge s’est brutalement estompée avec sa mort, d’un accident de circulation en 1974 à Paris.  Patrice Lhoni Après ses études chez les pères de la Congrégation du Saint Esprit de Voka (région du Pool), et à l’Ecole normale de Brazzaville, il est envoyé en France. Il obtient le Brevet - 188 -

d’Etudes du Premier Cycle (BEPC) en 1950 au collège Stanislas de Cannes. De retour au Congo, il débute par l’enseignement, avant de servir dans l’adminidtration où il occupe souvent des postes de responsabilité. Après avoir dirigé de 1964 à 1966 la « Régie municipale des transports brazzavillois », il est nommé chef de service municipal de la culture et arts. Jean-Baptiste Tati Loutard, dans son Anthologie, rapporte que Patrice Lhoni a été l’un des animateurs de la vie culturelle au Congo. Homme d’initiatives, il est co-fondateur de l’Institut d’Etudes congolaises en 1960 et du Centre congolais du théâtre en 1964. Patrice Lhoni publie à l’Imprimerie nationale de Brazzaville sa première pièce, Matricule 22. La pièce jouée plusieurs fois, entre 1967 et 1968, est inspirée de l’histoire d’André Matsoua alias Matricule 22. Cet héros national, vivant à Paris, s’est vite rendu compte que l’amitié prêchée par la Métropole aux colonies n’était qu’une imposture. André Matsoua incite son peuple à la révolte, mais sa fougue révolutionnaire lui sera fatale. Emprisonné au Tchad, il mourra sans sépulture. Patrice Lhoni a écrit quatre autres pièces inédites : L’annonce faite à Moukoko, Les princes de Mbanza- Kongo, Les trois francs et Les termites. Comme Ferdinand Mouangassa, Patrice Lhoni meurt dans un accident de circulation.  Sylvain Bemba Artiste et créateur prolifique, Sylvain Bemba est à la fois journaliste, homme politique, musicien, nouvelliste, romancier et dramaturge. Son aventure théâtrale commence avec « Je cracherai sur la tombe de l’oncle Tom » dans le Petit journal de Brazzaville autour de 1968. En 1969, il obtient son premier succès avec L’enfer c’est orféo, qui deviendra un classique. La pièce, - 189 -

publiée sous le pseudonyme de Martial, retrace le drame d’un intellectuel, un médecin africain que le nouveau mode de vie après les indépendances attire et écoeure à la fois… La même année, une autre pièce inédite « Au pied du mur » est interprétée par la troupe de l’armée. En 1971, Sylvain Mbemba crée « Il faut tuer Tarzan ». L’homme qui tua le crocodile parait aux éditions Clé en 1973, tandis que Embouteillages, une autre pièce inédite, sera prise en charge par le théâtre national en 1976. Puis, arrive une série de trois pièces qui confirment le talent du dramaturge : Une eau dormante (1976), Tarentelle noire et diable blanc (1976 et Un foutu monde pour un blanchisseur trop honnête (1979). Une eau dormante pose le problème de l’exploitation de l’homme par l’homme, tandis que Tarentelle noire et diable blanc retrace l’histoire de la pénétration coloniale en Afrique. Un foutu monde pour un blanchisseur trop honnête est une satire sociale faite dans une langue populaire, un théâtre fantastique où le réel se mêle à l’irréel avec des apparitions de personnages miraculeux. Après ces trois pièces il faudra attendre quelques années avant de retrouver Sylvain Bemba au théâtre avec Qu’est devenu Ignoumba le chasseur, en 1987. Profession inavouée : sorcier de famille, une pièce inédite sera créée en 1988 au théâtre de la Tempête-Vincennes(France) par Pascal Nzonzi. En 1989, les éditions Silex de Paris, publient : Les éléphantômes, La chèvre et le léopard, Mbulu-konko ne chante qu’une fois, L’Etrange crime de Pancrace Amadeus. La dernière pièce de Sylvain Bemba, oces posthumes de Antigone, a été traduite et publiée en anglais par Towsend Brewster sous le titre, Black wendding candles blessed Antigone, en 1990. La version française est parue en 1995 (année de la mort de l’auteur) aux Editions « Le bruit des autres », à Solignac, France. - 190 -

 Antoine Letembet Ambily Antoine Letembet Ambily est peut-être le seul dramaturge congolais qui s’est consacré réellement, mais momentanément, aux études théâtrales. Après le petit séminaire de Mbamou, puis le grand séminaire Libermann qu’il quitte en 1952, il travaille dans grand nombre de services de l’administration coloniale. Mais, c’est sa passion pour les activités culturelles qui domine. Il collabore un moment à la Revue Liaison, mais, c’est à Paris où il est Conseiller culturel à l’ambassade du Congo qu’il se lie d’amitié avec André Veinstein, à l’Université Paris 8. Il y soutient en 1975 une thèse de doctorat du 3ème cycle intitulée : « L’art du théâtre contemporain au Congo, de la colonisation à nos jours ». Rentré au pays dans les années 80, il enseigne le théâtre à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines de l’Université Marien Ngouabi. Il assume en même temps des fonctions importantes à l’UNEAC, (l’Union nationale des écrivains et artistes congolais). Il sera d’abord Directeur général de la Culture, avant d’être nommé Ministre de la Culture et des Arts. Mais il faut toutefois faire remarquer que ses premières pièces, La femme infidèle, l’Europe inculpée, Grand prix du Concours théâtral inter- africain en 1969, et Les Aryens, prix de l’académie internationale en 1977, ont été écrites quand il travaillait successivement, à la Mairie de Brazzaville, à la Caisse Nationale de Prévoyance sociale et aux Affaires étrangères. Seule sa dernière pièce, La mort de Barthélémy Boganda, éditée au Zaïre en 1983, a couronné sa carrière de théâtrologue.  Maxime 0débéka Maxime Ndébéka est avant tout un poète, dont, d’après Jean-Baptiste Tati Loutard dans son Anthologie, « les mots sont des baïonnettes investies d’un pouvoir polémique - 191 -

intense ». Il a publié trois pièces de théâtre : Le président, Les lendemains qui chantent et Equatorium. Le président , publié en 1970, est un pamphlet politique. Un président nouvellement élu se comporte en potentat perpétuant le vol, l’injustice, la concussion et l’arbitraire ; ce qui précipite sa chute. Les lendemains qui chantent est aussi une tragédie politique. Mais ici, c’est le pouvoir qui doit faire un choix entre accepter le modernisme ou rester dans la tradition. La ville et la campagne, s’affrontent dans un dialogue intense, cristallisé autour d’un formidable enjeu…C’est la forêt, temple référence pour tout ce qui aide au ressourcement. Cette forêt, il faudra l’abattre, pour cause d’utilité publique. Dans Equatorium, c’est encore la politique qui inspire Maxime Ndébéka. Le « Revenant-Provocateur », personnage fantastique et étrange, qui ne marche pas mais qui trottine, cherche à réactiver un pays ankylosé. Mais le guide-éclairépère de la nation a décrété que toute velléité d’insoumission doit être étouffée dans l’œuf. En tout cas, dans Equatorium, la politique est l’unique art qui n’atteint le sublime qu’en s’acoquinant avec la duplicité, la fausseté, l’hypocrisie, la sournoiserie et la félonie  Owi-Okandza Jacob Okandza, dit Owi-Okandza, est l’exemple de l’autodidacte parfait. Entré dans l’enseignement dans les grades les plus inférieurs, il termine à l’Université et occupe des postes politiques importants. Secrétaire général du syndicat des enseignants dans les années 70, il fonde la troupe de la Fetrasseic. Son influence auprès du Président Marien Ngouabi dont il fut Conseiller culturel, Directeur du cabinet puis ministre, ne peut être contestée sur le plan du développement culturel de son époque. Mais, ce n’est que lorsqu’il est Ambassadeur du Congo en Roumanie qu’il publie - 192 -

tout son théâtre : Oba, l’instituteur en 1974, puis un recueil de trois pièces : Les sangsues, La trilogie déterminante, et SêleSêle, le mauvais cadre agricole en 1977. En 1983 il produit Kouakoua, « le fou démoniaque », une comédie- ballet en trois tableaux. Le théâtre de Owi-Okandza est essentiellement politique. C’est un théâtre « d’agit-prop » qui vise à éduquer les masses populaires, tout en les incitant à réagir aux problèmes politiques.  Tchicaya Utam’si Tchicaya Utam’si est avant tout un poète, l’un des plus célèbres du Congo, un créateur d’images et de mythes pétris dans un style métaphorique et amphigourique. Mais Tchicaya est aussi un dramaturge avec, à son actif, trois pièces : Le Zulu, Le destin glorieux du Maréchal nikon oriku prince qu’on sort et Le bal de dinga. Le Zulu représenté au festival d’Avignon en 1976 est une pièce polique. Le héros Chaka est un dictateur dont la soif de puissance est sans commune mesure. Son règne se transforme en une succession de crimes perpétrés cyniquement. Dans Le destin glorieux du Maréchal nikon oriku prince qu’on sort et dans le bal de dinga, le message autonome est, sans contredit, celui du pouvoir. Dans un mélange de fiction et de réalité, Tchicaya décrit la tyrannie des gouvernants et la dépendance des peuples. Le délire du pouvoir se caractérise par la terreur, la bêtise et la folie mégalomane.  Sony Labou Tansi Grand artiste et habile modeleur, il a excellé dans tous les compartiments de la littérature et a particulièrement brillé au théâtre. A l’image de son personnage, l’Instituteur Mallot Bayenda de Je soussigné cardiaque, Sony Labou Tansi a été un jeune - 193 -

professeur d’anglais perpétuellement muté d’un collège à un autre. Contrairement à « pierre qui roule et qui n’amasse pas mousse », Sony a semé le théâtre partout où il est passé. A Kindamba où il commence sa carrière d’enseignant, il forme en 1972 une troupe de théâtre, « Les Etonnants ». Quatre ans après, il crée à Boko, une autre troupe, « La vérité ». L’expérience de Boko brutalement interrompue à la suite d’une mutation, il se trouve obligé de créer à Mindouli en 1976, « Moni-Mambou ». En 1978, il enseigne au collège Félix Tchicaya de Pointe-Noire. Il y fonde la troupe « Tchiloango ». Un an après, en 1979, il est nommé chef de service de la coopération à la direction générale de la culture. La tempête des mutations calmée, Sony publie aux éditions NEA de Dakar sa première pièce, Conscience de Tracteur. Il fonde le « Rocado Zulu Théâtre ». C’est le début d’une ascension fulgurante : - en 1980, Rocado Zulu Théâtre remporte le prix national du théâtre. La troupe représente une adaptation scénique de Tribaliques d’Henri Lopes et obtient le 1er prix du Concours théâtral de Radio France Internationale (RFI) ; - en 1984, le Rocado Zulu joue La peau cassée. Trois spectacles sont présentés à Pointe-Noire, à Brazzaville, puis à Bordeaux. Sony organise la mise en scène en compagnie de Guy Lenoir. La même année, Sony obtient le premier prix RFI avec trois pièces : La parenthèse de sang, Je soussigné cardiaque et Le coup de vieux ; - en 1985, Sony et Pierre Val montent La rue des mouches qu’ils représentent à Pointe-Noire, à Brazzaville, puis à l’Unesco, à Paris ; - en 1986, le Rocado Zulu présente à Brazzaville, puis aux Champs Elysées à Paris, Antoine m’a vendu son destin. Sony en fait la mise en scène, en compagnie de Daniel Mesguish ;

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en 1987, Sony fait jouer à Brazzaville, Moi, veuve de l’empire. La pièce est ensuite présentée à Paris au 4ème Festival des Francophonies. Michel Rostain collabore à sa mise en scène ; - en 1989, Qui a mangé madame d’Avoine Bergotha est joué au festival Africa (Italie- Suisse-France) ; - en 1990, Sony publie La Résurrection blanche et rouge de Roméo et Juliette. Cette pièce, ainsi que Franco L’âge des cieux, sont jouées à Brazzaville, à Kinshasa, à Bordeaux puis à Turin. Franco L’âge des cieux sera par la suite jouée à New york ; - en 1992, Sony publie aux éditions Lasman, Une chouette petite vie bien osée ; - après la mort de Sony en 1995, les éditions Lasman publient Qu’ils le disent, qu’elles le beuglent et une vie en arbre et Chars .bonds. -

Comme on le voit, l’activité théâtrale de Sony fut dense, intense et abondante. Dramaturge, directeur de théâtre, metteur en scène, Sony a vécu comme un météore propulsé par une passion, cette passion qui l’a amené à adresser en février 1988 une lettre au président de la République, lui suggérant de créer à Brazzaville la Maison du théâtre. Cette même passion pour le théâtre lui vaudra d’être élevé au grade de Chevalier dans l’ordre des Arts et des lettres par le Ministre de la Culture et de la communication de France. Sony Labou Tansi est sans doute celui qui a clôturé l’ère de la grande euphorie et des grandes réussites théâtrales, de la colonisation à nos jours. Mais, comme dit le proverbe, là où il y avait de l’eau, il reste toujours un peu d’humidité. Chaque époque a son génie, d’autres virtuosités émergeront. Le Congo se caractérise justement par une grande ingéniosité, par un fourmillement de talents et par une émergence permanente d’émules qui garantissent la relève. - 195 -

5. La montée d’une nouvelle génération (de 1990 à nos jours) : quelques personnalités Il faut reconnaître que depuis 1990, l’activité théâtrale a considérablement baissé d’intensité. Certains fonctionnaires de la littérature se sont parfois intéressés à la politique, activité peut-être plus providentielle, plus productive de dividendes et de gloire. Guy Menga, Antoine Letembet Ambily, Maxime Ndébéka ont transité dans les gouvernements de la République. Sony Labou Tansi, membre influent du MCDDI, parti de Bernard Kolelas, a siégé au parlement. Et comme la politique ne laisse que très peu de temps à l’inspiration et à la créativité de l’homme épuisé par des réunions et des voyages, le génie a tari chez la plupart de ceux sur qui se fondaient nos espoirs. Fort heureusement, on peut compter sur la génération montante, constituée d’adolescents frais émoulus, encore passionnés par les valeurs de l’esprit. Il y a aussi, bien entendu, ceux qui n’ont de politique qu’une innocente indifférence et qui ne trouvent leur confort que dans la vie d’artiste. Parmi eux, s’illustrent déjà, Dieudonné Niangouna, Sylvie Dyclo-Pomos, Fany Bissila…  Dieudonné 0iangouna Dieudonné Niangouna est né en 1976 à Brazzaville. Son père, Augustin Niangouna, était enseignant à la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université Marien Ngouabi, spécialiste de la grammaire historique. Dieudonné qui fait ses études à l’Ecole nationale des Beaux Arts de Brazzaville, se passionne pour le théâtre et joue dans plusieurs compagnies locales. Il joue entre autres, L’exception et la règle de B. Brecht et La liberté des autres de Caya Makhélé. En 1997, peut-être inspiré par les turpitudes de la guerre qui embrase son pays, il fonde, avec son frère Criss, la compagnie « Les bruits de la - 196 -

rue ». Il signe les textes et les mises en scène de la Colère d’Afrique, Bye-bye et Carré blanc. En 2005, Dieudonné Niangouna fait partie de quatre acteurs de théâtre d’Afrique présentés en lecture à la Comédie française (Vieux colombier). Fin 2006, il met en scène et joue Dans la solitude des champs de coton de Bernard Marie Koltès, présenté en France, en Afrique de l’Ouest et Afrique centrale. Après une résidence d’écriture à Limoges, il crée Attitude clando au Festival d’Avignon de 2007. La pièce sera reprise à Bamako en novembre 2007. Niangouna présente en 2008 Les inepties volantes, en lecture à Limoges, accompagné par l’accordéoniste Pascal Contet. La création du spectacle commence à Avignon en juillet 2009. Niangouna entreprend une tournée qui se termine au Parc de la Villette (Paris) après Annecy, Arras, Montbéliard, Créteil et Malakoff. Niangouna est un jeune créateur dynamique, enthousiasmé et passionné par ce qu’il entreprend. Il est en train d’accumuler des expériences et d’acquérir une renommée qui va patiemment, mais sûrement, le hisser dans le cercle des grands hommes de théâtre du Congo de demain.  Sylvie Irène Dyclo-Pomos Née d’une mère comédienne (sa mère Georgette Kouatila est l’une des rares dames qui animent encore le théâtre national), Dyclo-Pomos se passionne très tôt pour le théâtre, qu’elle pratique déjà au lycée avec un remarquable zèle. En 1994, elle intègre la compagnie Alima Scène de Matondo Kubu Turé, puis poursuit sa formation chez Antoine Yirrika dans le théâtre du Scorpion. Lorsqu’elle termine sa licence de Lettres à l’Université Marien Ngouabi en 1999, elle est déjà une comédienne confirmée. Entre 2002 et 2005, elle a joué dans les créations suivantes :

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- La geste de gom Mbina de Dominique Ngoïe-Ngalla, dans une mise en scène de Matondo Kubu Turé ; -La guerre de Troie n’aura pas lieu de Jean Giraudoux, dans une mise en scène de Antoine Yirrika ; -Les pagnes mouillés de Marie Léontine Tchibinda, dans une mise en scène de Nicolas Bissi ; - Le songe de mer à la cité de Tati Loutard, dans une mise en scène de Matondo Kubu Turé ; -Le père Goriot d’Honoré de Balzac, dans une mise en scène de Charles Baloukou ; -La porcelaine de Chine de Marie Léontine Tchibinda, dans une mise en scène de Jean Claude Loukalamou. La pièce est jouée d’abord à Brazzaville, puis à Yaoundé au Cameroun en 2002 ; -Intérieur-Extérieur. Texte et mise en scène de Dieudonné Niangouna. La pièce est jouée à Brazzaville, à Yaoundé, puis à Paris en 2003 ; -Banc de touche. Texte et mise en scène de Dieudonné Niangouna. Jouée à Ouagadougou où Sylvie est en résidence d’écriture en 2004 ; -La dispute de Marivaux, dans une mise en scène d’Alain Gaintzburger, en 2005 à Brazzaville ; -Mémoires d’un homme dérangé, texte de Rodrigo Garcia, adaptation et mise en scène de Sylvie Dyclo-Pomos au CCF de Brazzaville en 2005. Sylvie n’est pas seulement une comédienne, metteur en scène ; elle est aussi une dramaturge de talent avec trois pièces : -La traversée, pièce montée par La compagnie eux & elles de France en 2004, mise en espace par Emmanuel Letouneux ; -Les griots du boss, pièce montée par la compagnie KAF, mise en scène par Abdon Fortuné Koumbha ;

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-La folie de Janus. La pièce, créée en décembre 2006 à Brazzaville au Festival Mantsina sur scène, a valu à Sylvie Dyclo-Pomos en 2006 une bourse d’encouragement à l’écriture du Ministère de la Culture et de la Communication de la France. Le texte a été publié dans Ecritures d’Afrique, Paris, Cultures France Editions. Sylvie Irène Dyclo-Pomos qui réside à Brazzaville assure actuellement la direction artistique de « la compagnie LudoSylvie» créée avec Ludovic Louppé en 2004. Elle prépare une mise en scène de Cendres sur les mains, un texte de Laurent Gaudé, publié par Acte Sud.  Fanny Bissila A coté de Dieudonné Niangouna, Sylvie Irène DycloPomos et bien d’autres, on peut citer Fanny Bissila, une autre étoile qui monte dans le firmament de l’espace théâtral, avec La compagnie guiri-guirii. Comédien et metteur en scène, son talent s’est exprimé dans Crabe rouge, une création théâtrale représentée avec succès au CFRAD et au CCF en juin 2007. En partenariat avec La « Compagnie du pauvre » de Iva Dumbia, Fanny entreprend des tournées en France. Son théâtre se fonde sur la recherche d’une esthétique d’innovation et de perfectionnement. Mais la génération montante ne se limite pas qu’à ces jeunes. A tout âge et en tout lieu, peuvent émerger tous ceux qui, dans des laboratoires de conception ou dans des chantiers de création, ne rêvent que de voir leur passion pour le théâtre accoucher des troupes ou des textes. On peut citer à tout hasard, parmi les universitaires, Victor Hervé Bery et Mukala Kadima Nzuji. Depuis 1987 Bery Victor Bevic assure la direction de l’Odyssée Théâtre, qui s’est distingué dans les adaptations scéniques de Case de Gaulle et des Aventures de Moni - 199 -

Mambou de Guy Menga. Avec le soutien de Jean Luc Rondreux, Conseiller Culturel de l’ambassade France, l’Odyssée Théâtre a donné des spectacles au CCF de PointeNoire et à l’Espace Malraux à Brazzaville en janvier 1997. Bevic a aussi monté ses propres créations : Les révélations du sorcier, La politichienne et les mendiants en 1997. La troupe prépare actuellement deux créations de Bevic : L’arbre du mal et Les caprices du miroir. En ce qui concerne Mukala Kadima Nzuji, tout a commencé en 2008 quand, pilotant un projet des Editions Hemar qu’il dirige, il passe avec Zenga Zenga théâtre un contrat d’adaptation scénique de Sur la braise, un roman d’Henri Djombo. La création est représentée avec succès en octobre 2008 au CCF dans une adaptation de Jean Marc Poaty et une mise en scène de Georges Boussi. L’équipe qui s’est distinguée lors de cette prestation est invitée à participer au Festival panafricain de la Culture d’Alger en juillet 2009. De retour au Congo, peut-être enivrée par un succès trop vite conquis, la troupe se disloque à la suite d’un malentendu. Une partie de Zenga Zenga théâtre qui garde l’appellation de Zenga Zenga continue son parcours avec quelques résistants. Cependant un collectif de onze comédiens décide de rejoindre Mukala Kadima Nzuji, et créé, à l’initiative des Editions Hemar, la troupe Théâtre-Rencontre. On y retrouve entre autres, Stan Matingou, Claudia Mokoko, Bernadette Bayonne. Théâtre-Rencontre qui s’organise très vite et très méthodiquement, se produit en grande première à Brazzaville, au Palais du parlement, en novembre 2009. L’adaptation et la mise en scène de Sur la braise sont de Stan Matingou. La troupe s’est produite ensuite à Pointe-Noire sur invitation de l’Association « 1ère rencontre littéraire congolaise ».

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La promotion du théâtre est aussi une préoccupation du Ministère de la Culture qui a nommé à la direction du CFRAD le pharmacien Blaise Bilombo Samba, un mordu de théâtre, et au Cercle Sony Labou Tansi Prosper Bassaboukila, un praticien rompu. Mais, il serait ingrat de clore cette énumération laudative des artisans du théâtre congolais sans évoquer la bienveillante et prolifique assistance du Centre Culturel français dont l’Espace André Malraux est un foyer d’intenses activités, un carrefour de tous ceux qui ont l’ambition et le génie, un lieu de l’émergence, de l’affirmation, de la confrontation et de la consolidation des talents. 6. L’appui artistique des Congolais de l’étranger Il existe, installés en Europe et ailleurs, des Congolais, hommes de théâtre, qui continuent leur activité. Mieux formés et plus outillés, ils sont comme nos ambassadeurs qui nous ramènent souvent d’enrichissantes expériences. Nous aurions voulu en dresser un répertoire exhaustif, mais, faute d’informations solides sur tous, nous nous limiterons à n’en présenter qu’un échantillon : Gabriel Kintsa Parti pour étudier le théâtre en France en 1983, il s’y est installé et s’est converti surtout en conteur. Il est revenu plus d’une fois à Brazzaville sur invitation du CCF pour des prestations à l’Espace André Malraux. Marius Yelolo Marius Yelolo, qui a suivi en 1983-1984 des séminaires de DEA animés par André Veinstein à Paris 8, est rentré ensuite au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris. Il parcourt le monde avec sa troupe et a travaillé avec des - 201 -

metteurs en scène célèbres tels que J.P Schack, M. Querre, J. Rosner, R. Louret, P. Nzoni… Il a joué dans Les fourberies de Scapin de Molière, dans une mise en scène de J. Le sergent, dans Qui hurle dans la nuit de Diur N’tumb, dans une mise en scène de P. Roze, dans Le bal de dinga de Tchicaya Utam’si, avec la mise en scène de G. Garran. Léandre Alain Baker Très jeune, il se passionne pour le théâtre et le cinéma. Il pense que le théâtre peut être un bon moyen pour raconter des histoires. Dans les années 80, il va en France à la faveur d’une tournée de théatre. Il y reste pour apprendre le métier de cinéaste. Il écrit des scénarios, réalise des courts métrages et des documentaires. En résidence d’écriture à Limoges, il envisage d’écrire « Dieu roulera l’univers comme une natte », une farce qui révèle la tragédie des guerres civiles en Afrique. Comédien, il collabore avec des metteurs en scène tels que Peter Brook, Philippe Adrien, Thierry Mennessier. Il écrit « Les jours se traînent, les nuits aussi », une comédie douce amère, qui parle de la rencontre de Alain Baker avec l’Occident, un monde opaque et froid. La pièce qui remporte le prix RFI en 1991, sera présentée en première tchèque sur la station de radio publique Vitava. Caya Makhélé A Brazzaville, Caya Makhélé s’intéresse très jeune au théâtre. Dans les années 80, il écrit Y a bon chicouangue et La liberté des autres. Il collabore avec Sony Labou Tansi à la création de Le coup de vieux. Caya Makhélé vit en France depuis 1982. Il y a fait des études de théâtre et de cinéma. Il a été en 1985, directeur de collection aux éditions Autrement, en tandem avec Bruno Tilliette.

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En 1989, résidant à la Chartreuse Villeneuve Lez Avignon il écrit La fable du cloître des cimetières. La pièce sera traduite en anglais, en tchèque et en allemand. En 1993 il obtient le Chilcote Award du Festival de théâtre de Cleveland (EtatsUnis). Actuellement Caya Makhélé est directeur des éditions Acoria à Paris. Pascal 0zonzi Né dans les années 50 au Congo, il fait des études modestes, mais il a du talent au théâtre qui le passionne dans les années 70. Il se distingue très vite au TNC dans une représentation de Le patriote de Bangoura, une pièce qui parle de la lutte de libération de la Guinée-Bissao. Il excelle encore dans La marmite de Koka Mbala. Peut-être aidé par un coopérant français qu’il a séduit et impressionné, Pascal Nzonzi se rend en France. Il fait le Conservatoire d’art dramatique de Paris et acquiert une incontestable notoriété. Il joue alors dans les grands théâtres de Paris. Il fait aussi du cinéma avec un palmarès extraordinaire. Il a joué avec Paul Belmondo dans le Professionnel. Nationalisé français, il s’occupe de la formation, en France en Afrique, et dans les DOM-TOM. Il fait régulièrement du théâtre radiophonique, lit les textes du concours de Radio France Internationale et participe souvent à la célèbre émission France Culture. Pascal Nzonzi obtient un succès fou dans le Théâtre de l’est parisien aux bouffes du Nord avec la représentation de Le camp du drap d’or de Rezvani. Avec le soutien et la subvention de la France, il entreprend en 88-89 des tournées en Afrique avec Le bal de dinga de Tchicaya Utam’si dont les représentations lui confèrent un immense succès. Pascal Nzonzi qui vit à Villampoy, une banlieue parisienne, est l’un des rares artistes franco-congolais qui peut se prévaloir d’avoir vraiment réussi le métier de comédien. - 203 -

Marie Léontine Tchibinda On peut compter avec Marie Léontine Tchibinda qui vit actuellement au Canada et dont la pièce, La porcelaine de Chine, a été montée au CCF par Média-Afrique de. Théâtre production en décembre 2004, dans une mise en scène de Claude Loukalamou. Alain Mabanckou On peut aussi espérer qu’Alain Mabanckou qui, au cours d’un récent séjour à Brazzaville en février 2010, a monté au CCF une adaptation scénique de son roman Verre cassé dans une brillante mise en scène de Fortuné Bateza puisse, après ce succès, écrire des pièces de théâtre ou entreprendre d’autres adaptations scéniques. CO0CLUSIO0 Au terme de cet exposé consacré au théâtre congolais, de la colonisation à nos jours, nous avons bonne conscience d’avoir laissé dans l’ombre un certain nombre d’informations. D’ailleurs, comment prétendre atteindre à l’exhaustivité quand notre étude ne s’est focalisée que sur Brazzaville, même si c’est là le plus important foyer des producteurs et des productions. Il existe bien ailleurs au Congo, des hommes de théâtre et des troupes que nous n’avons pu répertorier. Mais le mérite de notre étude est d’avoir osé reconstituer tant soit peu, et de manière représentative, ce théâtre dans toutes ses formes. Nous avons accordé une large place à l’histoire, à l’émergence et à l’itinéraire. Nous avons montré que le théâtre congolais a connu des moments de gloire et qu’il évolue au rythme du temps et des événements. Sans doute, et nous l’avons souligné, tant que le soleil se lève sur le Congo, la production théâtrale rayonnera. Après Guy Menga, Lhoni, - 204 -

Mouangassa, Sony Labou Tansi, viendra le règne d’autres émules. Dieudonné Niangouna, Irène Dyclo-Pomos, Fanny Bissila et consorts s’activent déjà à pérenniser la gloire du Congo. Le génie et la créativité ne tariront jamais dans un pays où les artistes ont intériorisé les paroles sacrées de leur hymne : « Des forêts jusqu’à la savane, des savanes jusqu’à, la mer, un seul peuple, une seule âme, un seul cœur ardent et fier. Luttons tous tant que nous sommes, pour notre beau pays noir ». Les Congolais debout, fièrement partout, hisseront haut le flambeau de leur littérature, en général, et du théâtre, en particulier.

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CHAPITRE 7 LA QUETE DE L’U0IVERSALITE ET LA PE0SEE CO0GOLAISE par Charles Zacharie BOWAO I0TRODUCTIO0 Dans l’horizon tracé du cinquantenaire des Indépendances africaines, qui se déroule dans un contexte historique marqué par une mondialisation effrénée et dont les contours demeurent opaques, comment peut-on saisir l’intuition fondatrice d’une pensée congolaise contemporaine, et en délimiter subséquemment les articulations essentielles ? Nous sommes là en face d’un questionnement fondamental, qui pourrait se décliner à travers multiples interrogations, dont voici trois d’entre elles qui, dans la mesure du possible, peuvent en fixer théoriquement, méthodologiquement et épistémologiquement une trame logique : De manière générale, comment peut-on aujourd’hui penser la pensée ? De manière spécifique, comment extraire une pensée dite congolaise de cette pensée générale, de cette « pensée de la pensée », pour ainsi dire d’un point de vue de la philosophie du langage ? En quoi alors une pensée ainsi dite substantiellement congolaise, peut-elle se qualifier de contemporaine, si tant est que la contemporanéité renvoie systématiquement au présent, pour ne pas dire à l’avenir en construction, démarquant ainsi d’une certaine manière le vécu historique et/ou traditionnel ? Volontairement, notre analyse instruit l’histoire générale du Congo, d’une « pensée de la pensée » d’abord, d’une « pensée de la pensée congolaise » ensuite, et d’une « pensée de la

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pensée congolaise contemporaine », en fin de compte, la démarche privilégiant la perspective épistémologique beaucoup plus que l’objet historique. Et cela étant, l’universalité de la condition humaine ne s’appréhendera dans ce cheminement qu’en étant le point de jonction entre la perspective ainsi considérée et l’objet ainsi mis en veilleuse. C’est, au demeurant, postuler fermement qu’un pays, quel qu’il soit de nos jours, ne peut se développer volets clos dans un monde « mondialisé », c'est-à-dire de plus en plus interconnecté. La réflexion s’enracine, pour ainsi dire, dans une séquence temporelle d’un présent lui-même ouvert, qui fait signe vers un recommencement dont la qualité prospective se cherche encore ; un présent dont la lisibilité est source de plusieurs trac tractions mondiales et/ou tractations internationales, aussi complexes les unes que les autres, renvoyant à l’avenir de l’humanité, donc au devenir de la civilisation, puisqu’il n’est de civilisation autre qu’humaine… Un avenir (ou un devenir peu importe la charge émotionnelle) qui, à ce titre, engage tant bien que mal contraintes nationales et exigences planétaires dans une négociation sans précédent, où la question de l’identité nationale qui hier avait fait de l’Indépendance le paradigme de (re)mise en cause systématique de la colonisation, à juste titre, est en train d’être confusément relayée par le constat persistant d’un épuisement progressif de l’Etat-Nation. Etat-Nation comme fait historique constitué dans la trajectoire moderne et/ou contemporaine de l’Occident ; mais aussi Etat-Nation comme idéal de production postcoloniale, en Afrique particulièrement. Dès lors, et par de-là les quelques irrédentismes que l’on peut constater ça et là, mais qui ne remettent pas en cause l’épuisement évoqué de l’Etat-Nation, la question qui se pose est celle de savoir si la construction des grands ensembles - 208 -

régionaux (économiques, financiers et politiques) ne fait-elle pas subrepticement inclinaison vers l’émergence d’un nouveau paradigme civilisationnel, celui tant bien que mal accepté de l’Interdépendance universelle ? Entre Indépendance nationale et Interdépendance universelle, entre rétrospection et anticipation, la pensée congolaise contemporaine devrait délivrer sa capacité critique de prospection, selon la trame logique indiquée supra. I- De la pensée Qu’est-ce donc la pensée ? Ainsi posée simplement et massivement, la réponse à la question que voilà ne saurait se placer, autant que faire se peut, que dans l’universalité de la raison, autrement dit, dans une perspective épistémologique, celle qui privilégie une synthèse plus ou moins chaotique, plus ou moins systématique des actes qui font et défont l’humain, à travers l’espace et le temps ; des actes conscients et/ou inconscients qui fondent ou non la civilisation, en bien comme en mal. Parce que, encore une fois, il n’est de civilisation qu’humaine, de raison qu’humaine ; la pensée se révélant dans cette optique distinctive, ce qui démarque l’homme dans l’océan infini de ce qui est, et peut-être, de ce qui n’est pas. La pensée est de ce fait à la croisée de l’être et du non-être. On comprend à ce point de saturation historique, que l’homme est ce qu’il n’a cessé de faire de son humanité, donc il est ce qu’il fait de son humanité et sera ce qu’il en fera, éternellement. Celui qui tue son alter ego a d’abord tué l’humanité en lui pour être capable de tuer celle qui est en l’autre, en son semblable. Celui qui fait du bien à l’autre par altruisme, ne peut le faire sans avoir préalablement disposé son propre esprit en se projetant en cet autre lui-même. Celui qui risque sa vie pour cet autre qu’il ne connait pas forcément, est submergé par une pulsion positive qui le dépasse certes, mais - 209 -

qui demeure consécutive à cet élan de transcendance qui lie les humains entre eux, et qui, bon an mal an, constitue le signal permanent, mais pas toujours aisément perceptible par chacun ni par tous, de l’éternité de la vie. Que la raison se décline en déraison n’est pas, de ce point de vue, une remise en cause de cette (im) pulsion positive qui instaure en l’humanité une quête inachevée, toujours imparfaite de l’homme sur lui-même. C’est cette école d’humanité qu’est la vie, une école qui fait de l’homme un éternel apprenti, dont la douleur est le maître, comme on l’enseigne initiatiquement aussi bien dans les sociétés africaines qu’occidentales. L’adage est universellement revendiqué, à savoir que « l’homme n’est qu’un apprenti, la douleur est son maître », ou encore « nul n’est sage, s’il n’a pas souffert ». Comme si le sage est celui qui fait contre mauvaise fortune bon cœur, qui de sa souffrance fait bonne école. Et qu’à cela ne tienne, que de discussions philosophiques interminables ne foisonnent pas autour de la vie comme école, ou de l’apprentissage comme source d’élévation de l’homme en société ? On pourrait multiplier infiniment des exemples de proverbes, allégories, métaphores ou symboles puisés dans diverses langues vivantes ou mortes, et sensés relevés à première vue de cultures différentes, mais qui trouvent des significations ou référents pratiques s’accommodant d’une forme ou d’une autre de chacune d’elles. Il y’a ainsi une sagesse qui, pour être transculturelle et/ou universelle, soutient et régule cette « pensée de la pensée » en ce qu’elle est conscience critique ou non d’une humanité plurielle en son essence, plurielle également en ses multiples visages. Cette transculturalité de la sagesse s’exprime à travers la multiplicité interprétative des jeux du langage et/ou de la pensée, et se trouve être, au fond, cet élan d’universalité qui se cache sous les auspices (aspect négatif ?) du choc des - 210 -

civilisations (ou des cultures), ou qui se révèle dans les méandres (aspect positif ?) du dialogue des cultures (ou des civilisations). A vrai dire, la transculturalité se fait plutôt rencontre, voire dépassement de la rencontre, si tant est que l’échange peut se dérouler dans l’ordre de l’hospitalité, de l’étrangeté et de l’extériorité, mais aussi dans l’ordre de l’hostilité et du désir de consommation et de destruction, comme le souligne non sans raison Fathi Triki, dépassement, dès lors que la transculturalité récupère l’aspect critique de toute culture pour en déterminer à la fois d’une façon transversale et transcendante ce qui peut être universel et constituer par là un corpus critique et toujours renouvelable des valeurs communes à toute l’humanité. Pour cela, une émancipation du « tout culturel », mais aussi du divers éparpillé du culturel, est nécessaire tout en gardant opératoires les différences culturelles.34 La pensée reflète activement ou passivement ce « tout » et cet « éparpillement » du culturel. Par conséquent, qu’elle soit écrite ou orale, active ou passive, continue ou discontinue, formalisée ou imaginaire, confuse ou claire, implicite ou explicite, la pensée devient le reflet controversé de la vie ellemême, comme une brisure du temps au travers d’un miroir qui épouse malgré tout la forme diversifiée du langage (des langages) de notre existence fatidique, pour fixer d’une génération à une autre et de générations en générations, la relevance visible et/ou invisible d’une humanité récréative de 34

Cf. Fathi Triki, 2004, « Transculturalité et convivialité » in L’avenir de l’humain, Paris, UNESCO, Troisième Journée de la Philosophie, p. 82.

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la vie, mais hélas impuissante devant la mort et désemparée devant le néant. La pensée devient ainsi, à travers le langage (et vice versa), le lieu sans parti pris de médiation ontologique, ou s’entremêlent et s’enchevêtrent mémoire et mémoires, identité et identités, méditation et méditations, peurs et angoisses existentielles, confiances et méfiances, assurances et inquiétudes, certitudes et incertitudes. Tout peut ou ne pas être dit. Tout peut ou ne pas arriver. Tout peut ou ne pas être permis. Tout peut ou ne pas être interdit. D’une culture à une autre, d’une société à une autre, d’une race à une autre, d’une ethnie à une autre, d’une époque historique à une autre, se joue (pacifiquement) ou se déjoue (conflictuellement) le vouloir-vivre-ensemble. C’est là que l’éthique intervient à travers pensée et langage pour tenter de sauver l’harmonie et la stabilité en donnant à la société le sens de la limite entre l’acceptable et l’inacceptable, le tolérable et l’intolérable, avec ou sans succès, ouvrant grandement la porte au droit (national ou international) pour devenir positif. Mais c’est aussi à l’aune contradictoire de ce même vouloir-vivreensemble, que se manifeste l’esthétique pour sacraliser l’art. Entre la fabrication du sens par l’éthique et la sublimation du beau par l’esthétique, la pensée se pluralise, se politise ou se démocratise, devient performative, en fragmentant et/ou en totalisant partout où besoin est ou n’est pas. On voit bien qu’il y’a « une pensée de la pensée » qui, loin de se réaliser en instance impensée, en vide cognitif, se projette métaphoriquement à la charnière de la pensée comme vie et de la vie comme pensée.

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II- De la pensée congolaise Qu’en est-il de la « pensée congolaise » dans cette dialectique universellement consacrée de (par) la « pensée de la pensée » ? Entre traditions orales, descriptions anthropologiques/ ethnologiques, critiques ou légitimations de la colonisation/ luttes pour ou contre l’Indépendance nationale, et enfin, controverses postcoloniales, ce que l’on appelle de nos jours la République du Congo, n’aura pas échappé, loin s’en faut, à cette quête d’humanité comme procès historique ; un procès inachevé bien évidemment, mais dont la restitution ne peut que mettre en lumière les joies et amertumes, les progrès et stagnations, les regrets et espérances, les insignifiances et profondeurs existentielles, les (in)quiétudes et (in)certitudes, les utopies et réalisations, les rêves et les peurs, les angoisses et assurances, les fondamentaux et les accessoires, les (in)variants et (in)déterminismes ; bref, toutes ces choses qui font et défont la pensée, toutes choses qui font et défont la vie. Une pensée congolaise ne saurait se déchiffrer ou se décrypter qu’en se synthétisant analytiquement en fonction des valeurs et autres mythes, fondateurs ou non, qui sont au cœur de ce procès historique, pluriel et contradictoire, à travers des actes explicites ou implicites, dont l’intellection prend aujourd’hui corps dans différentes productions intellectuelles ou matérielles qui, elles mêmes, participent peu ou prou de cette pensée de la vie et de la vie de la pensée. A l’intérieur ou à l’extérieur du pays, ces productions donnent lieu à des discussions ou recherches plus ou moins systématiques selon des modalités diverses, entre autres ; expositions, conférences, thèses doctorales ou postdoctorales, colloques, écoles, manifestations publiques ou privées, enseignements, etc. Si ces productions sont dites congolaises, c’est avant et après tout - 213 -

parce qu’elles sont l’œuvre des créateurs, des philosophes, des chercheurs ou autres spécialistes dont la nationalité ne souffre, a priori, d’aucune contestation, encore que la thèse d’une pureté congolaise, historique et/culturelle, ne court pas les rues, ni ne végète dans les arcanes intellectuelles ou idéologiques. Elle est ici sans épaisseur épistémologique. Du reste, il est plutôt rare de rencontrer une revendication identitaire, même naïve, d’un concept comme celui de « congolité » pour exalter à quelque titre que soit un nationalisme meurtrier. La tentation est ici grande de prescrire péremptoirement que la « congolité » ne fait pas partie du discours congolais ; d’affirmer sans ambages que la « congolité » n’est pas congolaise. Ce qui ne signifie pas – l’on s’en doute bien – que l’on consacre ici la thèse de l’inexistence d’un nationalisme congolais. Par-delà l’instrumentalisation ethnique du jeu politique et démocratique avec ses conséquences meurtrières avérées, le nationalisme congolais se caractérise peu ou prou par une pondération exemplaire, un nationalisme que l’on peut qualifier d’ouverture, de positif, parce qu’il a toujours été bienveillant avec l’étranger en général, y compris tout au long de la remise en cause sans complaisance des pratiques coloniales et néocoloniales. C’est cette posture permanente de bienveillance critique et d’hospitalité universelle, donc de tolérance positive, que l’on retrouve particulièrement dans les œuvres congolaises. De cette posture découle assurément l’ouverture d’esprit qui justifie le sentiment de haute considération à la personne du Général Charles de Gaule et de Brazzaville capitale de la France libre, et l’esprit d’ouverture qui a présidé à la construction du Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza, ce lieu historique de « Rencontre », où se cristallise une lecture - 214 -

apaisée et confiante entre le passé et l’avenir du Congo. On comprend pourquoi la radicalité révolutionnaire n’a pas pu débaptiser la capitale du pays au profit d’une authenticité culturelle problématique, ou d’une espérance révolutionnaire sujet à caution, in fine. Ce n’est pas dire pour autant qu’il n’y a pas d’éminence contestataire de cette « lecture apaisée et confiante » ; simplement que cette contestation subtile et bruyante à la fois, n’a pas réussi à déstabiliser l’opinion publique au profit d’une cause nationaliste radicale, qu’à cela ne tienne. Cette déconsidération est aussi constitutive de cette pensée congolaise ; elle est sa dimension équivoque, émotive, ou dérisoire, voire illusoire. Ainsi va la vie de la pensée et la pensée de la vie, dont la pensée congolaise est vectrice, particulièrement à travers sa créativité littéraire et artistique. C’est un lieu commun de dire que le Congo est un pays de musique, de littérature et des arts. De Cœur d’Ariane [1950] de Jean Malonga à La guerre des banlieues n’aura pas lieu [2010] d’Abd al Malik, en passant par Gotène, c’est la convivialité humaine qui est célébrée, et la tragédie ou la bêtise humaine traquée. C’est l’humain qui se dévoile. C’est l’universel qui chante. C’est l’humanité qui pleure. C’est le vent qui rit. C’est le sourire qui devient accablant. C’est la colère qui sourit. C’est l’homme qui prend la figure du serpent. Le serpent s’humilie devant l’adversité féminine. C’est le vers qui se casse. C’est l’identité qui respire. C’est le tonnerre qui rassure. C’est la pluie qui inquiète. C’est la mer qui tue. C’est le ciel qui tombe. C’est le sage qui devient orgueilleux. C’est la nuit qui est ensoleillée. C’est le soleil qui rafraichît. C’est la lune qui est au zénith. C’est la révolution qui se prostitue. C’est la dictature qui s’humanise. C’est la démocratie qui devient monolithique, ou le monolithisme qui devient démocratique ou pluraliste. C’est le dictateur qui devient humaniste. C’est le soldat qui devient démocrate. La citoyenneté devient ethnique et l’ethnie se nationalise, tandis - 215 -

que la nation se mondialise. Le monde se fait petit village, au point que la banlieue française se révèle objet de créativité congolaise. Le corbeau devient le corps beau, c'est-à-dire un pavé mosaïque. Le fleuve n’est que le boulevard naturel entre deux pays en un. La mer devient poétique. La mort, le travail, la danse, la sape se placent tantôt au cœur de la dérision, tantôt au firmament de l’ironie. Le beau se sacralise. L’identité oscille entre répétition historique et invention de la modernité. L’identité devient, singulièrement avec Henri Lopès, l’harmonie recherchée entre les multiples apparte-nances et trajectoires d’un individu, d’une culture pour faire face avec ou sans succès aux combats pour la vie et pour le sens, pour le partage de ce que l’on a de bon pour soi, traduisant ainsi le refus de l’enfermement sur soi, le rejet de toute forme d’emprisonnement moral ou spirituel (Mes trois identités). On se rend bien compte qu’au Congo, l’écriture un est acte de passion, la peinture un déguisement de soi, une compassion existentielle. L’existence se fait vibration, ou plutôt vibraction. Le silence se fait parole et la parole devient silencieuse. C’est tout cela qui fait la fascination de la pensée congolaise qu’inspire une transfiguration soutenue et chaotique des êtres et des choses, dans un élan de gratuité et de liberté résumé par Jean-Baptiste Tati Loutard dans les termes que voici : Une vie atone nous révolte autant qu’une vie misérable. Le corps sent et l’esprit magnifie.35 La littérature congolaise s’est tenue, se tient à une distance temporelle suffisamment haute et critique pour éviter les 35

Jean-Baptiste Tati Loutard, 2003, Libres mélanges Littérature et destins littéraires, Paris, Présence Africaine, p. 10.

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pièges d’un nationalisme antinationaliste, d’un racisme antiraciste. L’ethnocentrisme n’est pas sa pilule idéologique, ni sa misère stylistique. Cette littérature, dans son effervescence créatrice ou dans son élan vital, n’a pas été outre mesure enthousiasmée par la Négritude, ou toute autre démarche de cristallisation de la revendication (légitimation) identitaire. Vue du point de vue d’une écriture fluide, exigeante et engageante, qui n’a jamais trahi la noblesse de ses lettres, on peut dire que la question de l’identité ne donne pas lieu à des figures d’intolérance ontologique ou d’exclusion existentialiste. Il s’agit donc d’une odyssée à la recherche constante de la félicité humaine. On peut aussi faire le constat que le travail de l’universel sous-tend les réflexions philosophiques et historiques que l’on peut çà et là repérer à travers la pensée congolaise en question. Se situant pour l’essentiel à l’antipode du culturalisme et de l’historicisme africaniste, ces réflexions témoignent d’une liberté de recherche à la mesure d’une recherche de liberté que l’époque du monolithisme triomphant n’a pu aliéner. Les débats sur l’existence ou non d’une philosophie africaine, sur l’existence ou non d’une histoire africaine, ne se sont pas soldés, loin s’en faut, par la mise en exergue d’un afrocentrisme impénitent. Sans dogmatisme et sans mimétisme, la réflexion est demeurée ouverte à l’histoire de l’humanité, à l’avenir de la raison, à la complexité du temps, donc aux trajectoires multiples et diversifiés des sociétés humaines, avec leurs forces et leurs faiblesses. La critique, parfois radicale, de l’eurocentrisme (ou de l’européocentrisme) ne s’est formulée ni philosophiquement ni historiquement qu’à l’aune d’une éthique déroulant l’universalité de la condition humaine. La notion même de conscience historique et philosophique mise en route par Théophile Obenga, participe de cette tolérance épistémologique positive qui est refus d’enfermement de la raison dans l’incompétence déroutante des - 217 -

« ethnophilosophies », des « ethnosciences », des 36 « ethnohistoires » . On peut donc dire, sans risque de se tromper, qu’il y a un génie créateur congolais reconnu comme tel par les Congolais eux-mêmes, mais aussi reconnu à l’étranger par plus d’un spécialiste ou autre connaisseur, mais qui n’a pas donné lieu à un quelconque chauvinisme ni intellectuel, ni politique, ni culturel. Ainsi, à la charnière de la philosophie, de l’histoire, de la sociologie et des autres matières de recherche sociale ou scientifique, voire technique, peut-on affirmer qu’il n’est de spécificité congolaise entrevue épistémiquement, qui ne soit ouverture de sens, ouverture à la multiplicité des expériences humaines, autrement dit, dialogue transculturel, cela, dans cette optique qui entrevoit l’identité culturelle, somme toute, comme projet de développement, désir de modernité, c'est-àdire capacité de s’élever au niveau des exigences du présent. Ce que Jean-Baptiste Tati Loutard dit tant et si bien : L’identité culturelle, pour nous, ce n’est pas seulement le sentiment d’une certaine cohésion collective à partir de notre passé et de nos traditions, c’est aussi, sinon davantage, dans le contexte du développement, le sentiment de cohésion de notre personnalité à partir d’une somme d’aspirations communes. Pourquoi doit-on définir l’identité, plus par ce qu’on a été que par ce qu’on voudrait devenir ? Dans cette somme d’aspirations, nous trouvons la volonté de nous développer, volonté dans laquelle est impliquée la maîtrise de la technologie (…) Si la technologie est née du désir constant et légitime de dominer la nature pour l’assujettir à 36

Théophile Obenga, 1990, La philosophie africaine de la periode pharaonique 2780-330 avant notre ère, Paris, L’Harmattan. - 218 -

notre bien-être, il faut convenir que la culture technologique doit être un élément constitutif de l’identité générique de l’homme de notre temps. Car, qu’est ce que l’homme moderne, disait Jung, sinon celui qui a la plus profonde conscience du présent. Or la substance de notre siècle est en quelque sorte technologique. On ne saurait de ce fait confondre notre identité culturelle avec des degrés ou formes de conscience correspondant à des états antérieurs de civilisations. Il se trouve ainsi posé le problème de notre rapport au monde actuel37. Or notre temps, le temps actuel est celui de la mondialisation comme espace total d’expérimentation de l’homme38. Il s’agit en d’autres termes d’un processus irréversible, sans précédent dans l’histoire de l’humanité, qui engage « tout l’homme », embarquant pays et continents dans une cruelle interdépendance, parce que malheureusement sans justice, sans équité, la loi capitaliste du marché (donc des plus puissants) s’imposant à tous, surtout économiquement, financièrement et technologiquement. Dès lors, que peut bien signifier « une pensée congolaise contemporaine » qui ne saurait faire l’économie des défis colossaux et complexes d’un temps devenu mondial, donc d’une culture de la mondialité comme épreuve éthique, parce que alliant dans une dynamique ouverte de négociations souvent difficiles, autant la responsabilité des Etats souverains, des Communautés (sous-) régionales, du système des Nations

37 38

Jean-Baptiste Tati Loutard, op. cit., pp. 144-145. Jacques Poulain, 2002, La culture à l’épreuve de la mondialisation, Paris, UNESCO, Journée de la Philosophie, pp. 9-29. - 219 -

Unies, que celle des Organisations non gouvernementales planétaires.39 De la critique de la colonisation à l’intellection de l’Indépendance, la pensée congolaise contemporaine, a su faire preuve d’ouverture au temps, portée par des valeurs de tolérance positive, de créativité remarquable, en demeurant autant que possible travaillée par une exigence d’universalité qui en fait un lieu exemplaire d’expérimentation de la « pensée de la pensée », un espace qui a à entendre raison de la tentation intellectuelle de sclérose ou de mécréance. Elle retiendra assurément du cinquantenaire des Indépendances africaines le mouvement de sa propre autonomie discursive, en quête inachevée de liberté et/ou d’humanité. Sa critique des pratiques postcoloniales ou des limites du paradigme de l’Indépendance Nationale retentira-t-elle comme (re)mise en perspective épistémologique et historique de l’Interdépendance des Nations et des Continents qu’annonce la culture de la mondialité ? Peut-on soupçonner alors une Interdépendance universelle comme valeur fondatrice d’une nouvelle histoire, celle du triomphe de la rationalité technoscientifique ? Faudra-t-il alors attendre le prochain cinquantenaire pour aviser, c'est-à-dire constater que l’Interdépendance universelle aura été, cette fois ci l’horizon indépassable des ces Indépendances africaines dont nous célébrons en 2010 le cinquantenaire ? L’interdépendance universelle, entre Nations et Continents, semble s’offrir à la « pensée de la pensée » ici mise en culture, comme une des leçons éthiques de ce 21e siècle qu’il appartient à tous, et à chacun d’apprendre pour rendre plus productive les Indépendances africaines. La pensée congolaise contemporaine n’échappera pas à cet apprentissage universel. 39

Charles Zacharie Bowao, 2004, La mondialité entre histoire et avenir, Paris, Paari. - 220 -

CHAPITRE 8 LA PE0SÉE CO0GOLAISE CO0TEMPORAI0E par Grégoire LEFOUOBA

I0TRODUCTIO0 Réfléchir sur la pensée congolaise moderne revient à explorer un champ large dans lequel peuvent germer beaucoup de plantes de natures diverses. Qu’est-ce que la pensée contemporaine ? On pourrait penser que contemporain exprime ce qui est actuel, voire moderne. Or on sait bien que les temps modernes commencent après la fin du Moyen âge, exactement en 1453 ; et la pensée moderne commençait avec Bacon qui avait enfin opposé au raisonnement scholastique, les droits de l’expérience et de la saine raison humaine. Cette périodisation est valable fondamentalement pour l’Occident européen. Au Congo, notre histoire peut être liée à celle de l’acquisition de la liberté par le moyen de l’indépendance à partir de 1960. Au total, rentre dans la pensée congolaise contemporaine, toute pensée qui rentre dans ce cadre historique déterminé et circoncis. Il peut être tentant de privilégier le domaine philosophique ou littéraire pour y découvrir le fond réel de la pensée. Une telle tendance peut paraître arbitraire si l’on veut découvrir toute la dimension que recouvre la pensée qui est un tout dans le tout dominant, celui qui émerge et influence les autres aspects du savoir. Il est difficile dans cet exercice de cerner le

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point par lequel le décor peut être planté pour examiner de manière rigoureuse la pensée congolaise. La pensée est âme, esprit, et intelligence d’un peuple et, de ce fait, elle recouvre de manière circulaire l’ensemble de tous les savoirs. On pourrait imaginer que pour écrire sur la pensée congolaise moderne, il faille s’inspirer de l’Encyclopédie hégélienne qui, en son titre même se différencie de la grande Encyclopédie française du XVIIIème siècle, celle de Diderot et d’Alembert, comme une « Encyclopédie des sciences philosophiques » qui se distingue d’un « Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers ». Il est plutôt question de penser la pensée congolaise moderne comme le moment de maturité de la pensée congolaise autonome consciente de son existence singulière, sans rejeter l’universel. Un choix assurément arbitraire de ne retenir que trois intellectuels. Il s’agit de respecter les critères qui font l’unanimité, notamment l’influence de l’œuvre et la personnalité de l’homme. Si Pascal Lissouba et Henri Lopès sont retenus, l’on peut justifier le choix par le courage de leurs opinions publiques. Ils ont publié en juillet 1968 un texte à l’endroit du Président Massamba-Débat sur la nécessité de mettre le socialisme « scientifique » entre parenthèse. Le premier bien que spécialiste de la génétique et non des sciences humaines et sociales produira une œuvre féconde relative à l’analyse des comportements de classe des différentes tribus congolaises. Le second produira des œuvres de l’esprit, des romans dans lesquels il peint avec intelligence et rigueur la société congolaise en y faisant des prescriptions pour des lendemains meilleurs. Le « pleurer-rire » se donne à lire comme le - 222 -

diagnostic de la débâcle de l’homo congolocus dans sa recherche des voies de libération nationale et surtout dans sa volonté de s’assumer en tant qu’être libre. Quant à Théophile Obenga, omnivore culturel comme l’est son maître Cheik Anta Diop, son nom et son œuvre lui sont liés. Par une restitution éminemment savante, fruit de son érudition, il tente de reconstituer l’histoire de l’Egypte en ressortant le fond nègre de cette histoire cachée ou oubliée. A vrai dire, ce n’est nullement au nom de la légitimation d’une race soit-elle, la race noire contre une autre ; ce qui serait désuet et contreproductif, mais au nom de l’humanité entière qu’il argumente, remet ce qu’il appelle la « Nouvelle Histoire » en lumière, celle de l’histoire écologique de l’homme dans sa toute splendeur en sa qualité de producteur par son cerveau, une histoire qui se lit et s’écrit humanité et fraternité universelles. Pour tracer le sillon de notre réflexion, il est important d’identifier les lieux de production intellectuelle qui cimentent la pensée originale, de découvrir par une lecture attentive l’analyse féconde de Pascal Lissouba, le jaillissement de l’œuvre de Théophile Obenga et l’esthétique inauguratrice d’une peinture sociale d’exception d’Henri Lopès. L’apport de l’intellectuel organique à travers les appareils idéologiques d’Etat dans l’affermissement de la pensée contemporaine congolaise, dans des analyses et orientations d’Alphonse Massamba-Débat, Marien Ngouabi, Joachim Yhomby-Opango et Denis Sassou-Nguesso et le rapport de l’homme congolais au rationnel, est psychanalysé comme moment qui bloque et obstrue le regard vers le progrès.

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I-Les lieux de production de la pensée congolaise Deux lieux essentiels de production intellectuelle se rivalisent : la pensée solitaire (réflexion individuelle) et la pensée de groupe (intellectuel organique : parti et appareils politiques). Pour comprendre les enjeux de la production de la pensée congolaise, il importe avant tout d’identifier les espaces de réflexion (genre d’écriture : la poésie, le roman, le théâtre, les essais) ou instruments d’appareils politiques ou idéologiques d’Etat (partis politiques, associations de jeunesse, etc.) afin de saisir ensuite de manière intrinsèque. 1-La pensée de Pascal Lissouba : une analyse du réel sur la base d’une lecture locale Professeur de Génétique, Lissouba est le premier docteur ès sciences congolais et d’Afrique équatoriale française. Il est né en 1931 à Tsinguidi dans le Niari forestier. Premier ministre et président de la République du Congo, il a été hautfonctionnaire de l’Unesco. Il a fondé en 1992 le parti politique « Union panafricaine pour la démocratie sociale » (Upads). Pascal Lissouba a animé un courant politique dans les années soixante, au sein de la gauche congolaise. Il s’est distingué comme idéologue ou mieux, celui qui vulgarisait la pensée de Marx. Ses adeptes sont identifiés comme des Lissoubistes. Candidat pour la magistrature suprême du Congo en 1992, il publie un projet de société qui s’appuie sur la science et la technologie et l’informatique comme moments de recentrer les mentalités en les amarrant au modernisme afin de récuser l’archaïsme dans la manière de penser. La pensée de Lissouba est sortie de la sphère des débats intellectuels pour influencer la sphère publique. Son livre

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Conscience du développement et démocratie40, préfacé par Samir Amin, occupe la scène politique depuis trente cinq ans. La thèse de « classe-tribu » y est examinée et il aboutit au résultat que les tribus au Congo se comportent comme des classes amorphes41. Il y examine les contradictions au sein du peuple et analyse de manière dialectique l’attitude des tribus et /ou ethnies dans le procès de la construction nationale, dans les relations qu’elles entretiennent devant le pouvoir. Textes choisis 1 – La conscience tribale Refoulé et enfermé depuis des siècles dans ces seuls horizons, comment s’étonner que l’homme congolais ait cultivé la conscience tribale ou régionale si puissamment entretenue depuis des générations ? Est-il utile de rappeler que la colonisation a systématiquement profité des possibilités qui lui étaient offertes de dresser les unes contre les autres ces « minorités », créant des antagonismes ravivés avec les indépendances obtenues, comme chacun le sait, dans un contexte néocolonial ? Est-il besoin de préciser que le passage d’un « département » à l’autre, ou mieux d’une « subdivision » à une autre, nécessitait un «laissez-passer » ? L’aliénation de l’homme congolais, freiné dans son développement, cloîtré et interné dans son espace natal, fut totale. L’homme congolais s’est tribalisé… 42

40

Ouvrage publié en aux Nouvelles Editions Africaines en 1975. Op cit., p. 49. 42 Ibidem, p. 31. 41

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2 – La tribu est d’abord une réalité objective… La tribu est un groupement linguistique et géographique. Ses contours ne sont jamais précis, ce qui est le propre de tous les faits sociaux. Mais la tribu est également une réalité subjective. C’est une unité psychologique vraie. Tous les ressortissants ont le sentiment plus ou moins confus de descendre d’une lointaine, mais unique souche originelle. Le fait de parler la même « langue » ou de se comprendre, de se familiariser aux mêmes paysages, crée une unité qui permet au groupe de se distinguer des autres groupements43. 3 – La conscience nationale L’analyse de la société congolaise actuelle montre qu’il existe des liens dialectiques entre les divers aspects de ces consciences, dont l’expression est mieux comprise si la société est étudiée par rapport aux situations auxquelles elle se trouve confrontée : qu’il s’agisse de la position dans la production (analyse des classes), de la conscience face à l’étranger( impérialisme monopoleur) ou à d’autres réalités : le pouvoir, le panafricanisme, la foi religieuse, la vision du monde, etc. L’imbrication des critères spécifiques, caractéristiques de toutes ces consciences, peut encore égarer chercheurs et penseurs. Par exemple, face au pouvoir, le tribalisme épouse dangereusement les manifestations d’une conscience de classe. Il a existé, il existe des luttes tribales ayant abouti à la succession des tribus au pouvoir44. 43 44

Supra, pp. 31-32. Ibidem, p. 37. - 226 -

Commentaire de texte Lissouba décrit le comportement des ethnies face au pouvoir politique. Ce passage est actuel, vu les attitudes des acteurs et des pouvoirs face au pouvoir. Sur le plan pratique, il serait difficile de nier la valeur de la démarche. Mais dans l’absolu, cette attitude est due aux rapports sociaux de production qui sont très faibles et n’autorisent pas la prise de conscience de classe. Il définit l’attitude d’une classe-tribu de manière suivante : Une classe-tribu est au pouvoir. Les autres n’y sont pas, ne participent pas. Elle ordonne, les autres obéissent. C’est la couche au pouvoir qui exploite et opprime. Ce sont les couches qui, dans la résignation, dans la haine, exécutent les ordres. (-) La plus claire de la tribu au pouvoir est donc l’oppression des autres tribus, surtout les plus actives, les candidats les plus sérieux à la course au pillage : car dès qu’elles retrouveront à leur tour l’appareil coercitif, elles s’ingénieront à organiser celui-ci avec les mêmes rites et selon la même pernicieuse minutie, mue par la même « conscience ».45 Commentaire général sur tous les textes choisis Depuis l’indépendance jusqu’à nos jours, aucune œuvre intellectuelle n’a fait l’objet d’autant de débats (politique et scientifique) souvent passionnés, et exercé une grande influence en dehors du champ strictement intellectuel. En réalité le professeur Lissouba essaie de penser le marxisme de la réalité nationale, congolaise, sans tenter de copier et de faire 45

Supra, p. 52. - 227 -

appliquer servilement une théorie sans en avoir mesuré les moments de son applicabilité. 2-L’œuvre de Théophile Obenga dans la dialectique du rayonnement historique de l’Egypte ancienne comme espace nègre dans le progrès des savoirs universels Théoricien de la renaissance africaine, Joseph-Théophile Obenga est né en 1936, a étudié la philosophie à Bordeaux, l’histoire générale, l’archéologie préhistorique, l’égyptologie et la linguistique en Suisse. Il a soutenu une thèse de doctorat d’Etat ès lettres et Sciences humaines (histoire) en 1988 à Montpellier (France). Si Pascal Lissouba semble avoir influencé l’élite congolaise de manière plus visible, c’est précisément en fonction du thème choisi et de l’intérêt immédiat que celui-ci offre pour la saisie de la réalité sociale, concrète. Par contre, Théophile Obenga est plus connu à l’extérieur du Congo, en milieu intellectuel et universitaire. Sa posture intellectuelle à travers ses recherches scientifiques a joué un rôle important dans l’affirmation et l’accentuation des valeurs panafricaines et de la renaissance africaine. Il a parcouru tous les domaines du savoir, vécu intimement les moments turbulents de l’histoire. Texte choisi L’homme se présente par conséquent à lui-même comme agent. Le « passé » est du coup aboli. Comment un temps qui se crée à partir des choses du passé (monuments, textes, traditions) ne s’élèverait-il pas à la dignité d’acte durable ? Comment ne serions-nous pas compris dans ce monde de pensées, de volontés (stèles chinoises, épopées mésopotamiennes, monuments égyptiens, codes et lois hindous, mythes hellènes) ? - 228 -

L’énergie créatrice des hommes d’autrefois n’est jamais totalement vaincue par la succession des siècles. L’être historial de l’homme se saisit mieux en considérant le continuum historique de l’Humanité. Cette étape de l’évolution sociale est elle-même la conséquence d’une étape antérieure 46 Commentaire Ce texte d’une fécondité extraordinaire souligne aussi l’influence de la pensée marxiste sur le chercheur congolais. C’est précisément dans l’ « Idéologie allemande » et le « Capital » où Marx retrace les fondements des idées dominantes d’une époque et examine la place des modes de production et des rapports de production dans les changements qui interviennent dans la société. A travers ce texte, on voit apparaitre la naissance et l’ouverture à la science du continent Histoire pour donner une méthodologie sûre pour comprendre l’évolution des sociétés à travers le matérialisme historique. C’est précisément dans son livre fort documenté· Pour une ouvelle Histoire qu’Obenga retrace, non l’histoire de l’humanité, mais précisément l’histoire écologique de l’homme.47 Texte choisi Les efforts de l’Espèce humaine ont abouti en effet à une coopération cosmique au long des millénaires. Les répertoires, les sols et niveaux écologiques, les foyers, les ensembles intégrés et analysables, sont justement ceux-là mêmes où sont accumulées, par strates et équilibres fondamentaux, 46

Théophile Obenga, 1973, L’Afrique dans l’Antiquité, Paris, Présence Africaine, p XI. 47 Obenga Th, op cit., p. 10. - 229 -

les traditions humaines, depuis l’origine des temps. En d’autres mots, voulus plus nets, l’histoire humaine doit impérativement rendre compte de l’histoire de la nature : ces deux histoires ne constituent qu’une histoire, celle-ci produisant celle-là, génétiquement, dialectiquement. Cette histoire unique, faite de boue et de raison ensemble, est l’ordre impérieux qui rétablit, avec une force enseignante nouvelle, la ouvelle Histoire.48 Commentaire Théophile Obenga rejoint en cela Marx qui écrivait, qu’il ne reconnaissait qu’une seule science, la science de l’histoire qui est ouverture au monde et à sa destinée. C’est dans un texte dit de jeunesse, mais fondamentalement profond, les Manuscrits de 1844, qu’on ressent de manière phénoménale l’adhésion à la vision marxiste de Théophile Obenga. Pour illustrer sa démonstration sur la valeur scientifique de son œuvre, il écrit ceci, s’appuyant sur Marx : L’histoire elle-même est une partie réelle de l’histoire de la nature, de la transformation de la nature en homme. Les sciences de la nature comprendront plus tard aussi bien la science de l’homme, que la science de l’homme englobera les sciences de la nature : il y aura une seule histoire. En examinant les fondements de la civilisation égyptienne, Théophile Obenga décrit avec rigueur et précision scientifiques la parenté linguistique des langues égyptiennes et négro-africaines.

48

Théophile Obenga, op. cit., pp. 10-11. - 230 -

L’œuvre majeure qui est assurément son livre encyclopédique, L’Afrique dans l’Antiquité, se donne à réfléchir sur l’unité culturelle de l’Afrique noire. Texte choisi Psychisme égyptien et négro-africain Il est question de mettre en relief des caractères psychiques qui se présentent comme identiques ici et là, en Egypte et en Afrique oire traditionnelle. On verra que l’esprit, la pensée de l’Egypte pharaonique est bien partie intégrante de l’univers culturel négroafricain dans son ensemble, ainsi que souligneront les rapports, intimes, entre la logique égyptienne et la logique mbosi, entre l’ « ontologie » égyptienne et l’ « ontologie » mbosi. Par « ontologie », on entend l’ensemble des notions que l’être humain a de luimême, du monde, du passé, du présent et de l’avenir : des notions peuvent dire, dans une certaine mesure, l’être de l’homme …49 Commentaire C’est précisément vers le milieu des années quatre vingt que quelques intellectuels50 ont commencé à interroger les thèses de Théophile Obenga et à s’y intéresser car plusieurs d’entre eux s’en réclament.

49 50

Théophile Obenga, op. cit., pp. 323-324. G. Lefouoba, 1973, « L’œuvre de Obenga a dix ans », Mweti, Brazzaville, avril. - 231 -

3-La démarche d’Henri Lopès ou le triomphe de l’esthétique dans l’art de peindre la société congolaise Né en 1937 à Kinshasa, Henri Lopès a enseigné à l’Université de Brazzaville et occupé des hautes fonctions politiques. Il fut premier ministre. Il a obtenu de nombreux prix littéraires. Avec sa nouvelle Tribaliques, Lopès inaugure de manière innovante une dimension de la littérature qui se veut carrefour des savoirs dans la mesure où on retrouve aussi bien des analyses portant sur l’anthropologie culturelle, la sociologie, l’histoire et les mœurs. Lopès pense que pour opérer des reformes, il faut des nouvelles lois et pour changer les mœurs, l’exemple est la voie royale par excellence. Engagé politiquement, il l’est aussi en littérature, d’où son poème historique Du coté de Katanga dans lequel, il manifeste sa solidarité avec Patrice-Emery Lumumba à travers son poème Par le roman, Lopès peint la société et surtout décrit avec goût les problèmes de la société. L’exemple du Pleurer-rire est une peinture qui scrute l’avenir et annonce la fin des certitudes. Sa pensée domine la littérature au point où certaines œuvres sont mises en scène et la jeunesse affirme volontiers son adhésion et sa sympathie avec cet intellectuel très fécond. II-Production de la pensée à travers des appareils idéologiques de l’Etat et pensée sociale entre l’archaïsme et le savoir rationnel La pensée congolaise contemporaine se déploie aussi de manière admirable au sein des appareils idéologiques d’Etat comme lieux de débats et d’échanges en vue de transformer la société par le moyen de la politique. Il est donc à la fois pertinent et opportun de signaler l’apport des hommes d’Etat, lesquels symbolisent, à juste titre, l’intellectuel organique,

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dimension conceptualisée par Gramsci, laquelle trouve tout son sens ici. 1-Les apports des leaders politiques dans l’élaboration de la pensée congolaise contemporaine De ce point de vue, on peut citer des prises de position dont l’idéologie est fondamentalement arbitraire comme celle véhiculée par le Président Alphonse Massamba-Débat avec le « socialisme bantou ». Par contre le Président Marien Ngouabi51 a eu, à travers un texte sur les questions du socialisme scientifique en Afrique, dans sa conférence de Dakar devant le Président Senghor en 1973, à préciser les nuances pour l’application de la théorie universelle dans les conditions spécifiques de l’Afrique. Le Président Marien Ngouabi a essayé de penser le marxisme au Congo en y introduisant une rigueur, on ne peut plus militaire, dans les phases d’égarement de la « révolution » congolaise et se présente comme un orthodoxe en mettant en place avec la gauche historique un parti de gauche, l’avant-garde du prolétariat congolais, le Parti congolais du travail (PCT) dont la ligne politique est guidée par les enseignements de Marx, Engels et Lénine. Le Président Joachim Yhomby-Opango fleurit la pensée pour avoir annoncé une maxime de bon sens « qu’on ne rate jamais les débuts » et s’est distingué comme le triomphe de la rigueur sociale et politique. Il a écrit une œuvre qui est vite oubliée, L’arme théorique du militant52 dans laquelle, par une 51

52

Marien Ngouabi, 1975, Vers la construction du socialisme en Afrique, Paris, Présence Africaine. Joachim Yhomby-Opango, 1977, L’arme théorique. Manuel du Militant de la Révolution Congolaise, Brazzaville, Editions du Parti congolais du Travail, 118 p. - 233 -

approche pédagogique, il expose les concepts relevant du matérialisme dialectique et du matérialisme historique comme fondements essentiels pour saisir la pensée de Marx, et donc d’en comprendre l’essence du socialisme scientifique. Le Président Denis Sassou Nguesso est un marxiste réaliste et pragmatique. Au quatrième congrès du Pct de 1989, il se démarque de la gauche qu’il qualifie de lyrique en écrivant dans son rapport au Congrès « qu’il ne faut pas faire boire de l’eau salée au peuple en prétextant que c’est de la limonade ». La Conférence nationale qui annonce les bouleversements profonds de la société congolaise en 1991, voit l’émergence d’une éthique de responsabilité à dimension historique. Le « J’assume » devient le point d’attraction éthique et inaugure ce que Platon désignait par la « timocratie », le régime qui privilégie le code d’honneur et de dignité en toute situation. C’est précisément avec le « Chemin d’avenir », le programme de société sur lequel il a été réélu pour sept ans le 12 juillet 2009, que l’on constate la maturation de sa pensée politique, dans la mesure où il s’engouffre dans le champ des rationalités qui propulsent pour longtemps le développement. Ici, de manière abyssale, il construit une vision intellectuelle qui s’appuie sur la dialectique des changements sociaux, en intégrant la modernisation de l’industrie comme axe pour bâtir solidement le Congo économique et social, la modernisation politique pour l’émancipation intellectuelle et culturelle. 2-Pensée sociale, entre archaïsme et savoir scientifique La pensée congolaise contemporaine, c’est la prééminence de la pensée prélogique dans la formulation des jugements. Assurément la pensée d’ordre fétichiste domine la pensée rationnelle dans la société. Ce phénomène s’explique par le fait que la société congolaise est traversée par plusieurs modes de production. De ces différents modes de production, aucun - 234 -

n’est dominant. Il y a survivance de la féodalité en milieu rural et urbain, alors que la ville devrait de toute évidence être dominée par le mode de production capitaliste, régulé par un mode de vie semblable à celui de la bourgeoisie occidentale. Or, il n’en est rien. Dans les villes comme dans les villages, les réactions devant les situations de décès sont les mêmes. Il n’est pas rare d’observer qu’un diplômé de l’enseignement supérieur ait les mêmes analyses sur un phénomène social qui exige une bonne part de rationalité qu’un analphabète total. Toutes les morts sont suspectes et le diagnostic est connu d’avance : la mort n’est pas naturelle et serait le fait de la magie noire, des fétiches. Les morts ne sont pas naturelles et les personnes âgées sont la proie d’une bande de quelques caïds avides de violence fortuite. Le rapport à l’environnement exclut dans la réflexion, le danger que représentent la saleté et les microbes. On continue à Souanké, à Mvouti, à Zanaga et Mpouya, Brazzaville et Pointe-oire, de penser que le noir ne meurt pas de saleté donc de microbes. De même, on observe que l’ignorance n’est pas le fruit du manque d’application, mais la conséquence de la malédiction. L’intelligence, capacité de résoudre les problèmes nouveaux, est suspecte car toute réussite ne peut être vraie, mais plutôt le fait d’avoir sacrifié quelqu’un, d’où cette pensée d’origine mbéré (un peuple du groupe ethnique téké) qui dit : « Chez l’enfant mbéré, quand il est intelligent, on imagine qu’il a sacrifié un des parents, et quand il ne vaut rien, il est maudit ».

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COMME POUR CO0CLURE Au total, les trois principales figures intellectuelles qui ont dominé la pensée congolaise sont : Pascal Lissouba, personnage à partir duquel on est obligé de se déterminer pour ou contre, et Théophile Obenga qui est plutôt dans le champ universitaire africain et militant du panafricanisme et de la renaissance Africaine. Quant à Henri Lopès, son rayonnement dépasse le cadre restreint du territoire congolais car son influence est africaine. Selon Théophile Obenga, il ne sert à rien d’accumuler les savoirs, les informations, les expertises si l’on ne sait les assembler, les tisser ensemble. Comme Edgar Morin, Théophile Obenga estime qu’il faut lier les savoirs aux divers contextes. Ici, c’est le lieu de convergence scientifique entre Obenga et Lissouba dans l’analyse du réel africain (Obenga), du réel congolais (Lissouba). Les problèmes de l’humanité ne peuvent plus être résolus de manière unilatérale et unidimensionnelle comme s’ils relevaient des domaines séparés de l’activité humaine : politiques, économiques, écologiques. Au total, la pensée contemporaine congolaise est ce que nous construirons de manière laborieuse au contact d’autres civilisations, en évitant de se nier au profit d’autres cultures. La pensée se construit avec nos matériaux, notre originalité, nos émotions, notre philosophie de la vie.

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CHAPITRE 9 LA0GUES CO0GOLAISES ET DEVELOPPEME0T OU QU’IL EST DUR DE RE0TRER CHEZ SOI∗ ∗ par André-Patient BOKIBA À Antoine dinga-Oba, in memoriam On ne peut envisager les problèmes qui concernent les politiques linguistiques en Afrique sans prendre en compte les événements qui s’y déroulent sur le plan de la politique générale.

Robert Chaudenson I0TRODUCTIO0 Le contexte historique de la publication de cet ouvrage – le cinquantenaire de l’indépendance de la République du Congo – suppose résolue la question de la langue d’écriture utilisée. La pratique de l’écrit, ce que Jack Goody appelle la littératie53, ∗

Je remercie Monsieur Jean Boyi, chef du département de linguistique et langues africaines à l'Université Marien Ngouabi, Monsieur Gilbert Ibiou, directeur de l’Institut national de recherche et d’action pédagogique (INRAP), Monsieur Dominique Banganda, directeur de l’alphabétisation au ministère de l’enseignement primaire et secondaire et de l’alphabétisation, Monsieur Rock Bankoussou, directeur de la Société internationale de linguistique (SIL-Congo) pour toute la documentation mise à ma disposition en vue de la rédaction de ce texte. 53 Jack Goody, 2007, Pouvoirs et savoirs de l’écrit, Traduction de Claire Maniez, Coordination par Jean-Marie Privat, Paris, La Dispute/ SNÉDIT, p. 10. - 237 -

pose fondamentalement le problème de la langue du discours. Il se trouve que les brillantes contributions de cet ouvrage ont été rédigées en français, c'est-à-dire dans une langue à laquelle l’histoire de la colonisation du Congo a donné un statut hégémonique de médium exclusif du discours et de la pensée. À propos de la langue française, la place qu’elle occupe dans notre société nationale est d’une évidence si écrasante qu’elle a fait l’objet, à travers la multitude de ses usages, de nombreuses études : la place d’une langue dans une société se mesure à l’aune de la réflexion qu’elle secrète. En l’occurrence, la langue française, tant dans le cadre national qu’au sein de l’espace francophone, jouit d’une attention soutenue de la recherche qui contraint, dans l’optique commémorative de l’accès d’un pays à l’identité nationale, de se pencher du côté des langues congolaises. La conduite de cette contribution en français et non dans une langue congolaise, en raison de la dimension autoréflexive de la langue, est en soi, une singularité de cette problématique, d’autant que le statut des langues congolaises ne saurait être pensé en dehors de celui de la langue française. Dans cet exercice de reterritorialisation ou de recentrage patriotique de la réflexion, le comble de l’ironie est de devoir, pour des raisons pragmatiques et pratiques, le faire en français : c’est comme si l’on devait rentrer chez soi par effraction. Sur le plan sociolinguistique, la langue est un facteur d’enracinement dans l’espace social. Dans le contexte plurilingue moderne, la question de la langue se pose en termes d’une nécessaire conciliation de l’ancrage à son milieu natal, de l’affirmation de son identité et de l’ouverture à l’autre : de telle sorte que la problématique de la langue, dans un État moderne, implique une démarche où la quête de l’unité nationale se conjugue avec la diversité linguistique. La langue, en tant qu’élément de l’identité culturelle, ne se pense jamais qu’en relation avec d’autres langues. La quadrature du cercle, - 238 -

en l’occurrence, réside dans la nécessité de la sauvegarde ou parfois du sauvetage de toutes les langues – la disparition d’une langue signifie l’effacement irréversible d’un pan de l’âme nationale – et la promotion d’un médium qui figure, symbolise et consolide l’idéal de l’unité nationale. La présente réflexion sur les langues congolaises s’effectuera autour de deux axes : le premier, diachronique, visera l’examen de l’évolution des politiques linguistiques de l’époque coloniale à nos jours, le second, synchronique, s’attachera à déterminer comment se présente actuellement la question de la langue dans notre pays. A titre de rappel, notons que les spécialistes s’accordent pour distinguer sur le territoire congolais deux familles de langues : les langues bantu et les langues oubanguiennes. Les langues bantu représentent 95 % des langues relevées. Elles sont subdivisées en cinq groupes : Teke, Kongo, Ngala et Maka. Les langues oubanguiennes sont attestées aux frontières du Congo avec le Centrafrique, le Cameroun et le Nord-Ouest de la République démocratique du Congo. La description diachronique des éléments d’une politique linguistique distinguera l’époque coloniale où les orientations en la matière sont appliquées de manière indifférenciée à toutes les colonies de l’ancienne puissance colonisatrice et la période postcoloniale où la responsabilité incombe aux autorités politiques du Congo indépendant. I. La période coloniale ou le choc de deux politiques L’aventure coloniale, en dehors des objectifs économiques, était, par la volonté de la puissance coloniale, d’assurer la propagation de la civilisation européenne dans le cadre de la - 239 -

« mission civilisatrice », elle-même inspirée de l’idéologie de l’excellence française que Guy Jucquois, cité par Raymond Renard, définit en ces termes : Depuis les Lumières et la Révolution de 1789, la France semble avoir incarné aux yeux de beaucoup une idéologie de rédemption de l’humanité (…), au service du Bien, du Bonheur et de la Liberté, assimilant de ce fait l’idée d’une France messianique et celle d’un progrès libérateur. Cette idéologie, largement répandue durant le dixneuvième siècle et dans la première moitié du vingtième, a fait de la France la grande puissance tutélaire des nouveaux États de l’Amérique centrale et du sud, ainsi que de l’Europe centrale et balkanique. L’engouement pour les idées françaises se répandra sur son mode de vie et sur sa langue, pour atteindre finalement un enseignement de langue française et elle s’engagera dans une politique de diffusion culturelle dont les retombées politiques et économiques furent très importantes. L’impact mondial de la France s’accrut encore durant cette période qui coïncide, pour elle, avec la grande expansion coloniale et avec l’évangélisation réalisée par de nombreux missionnaires qui préférèrent souvent exercer leur ministère à l’étranger que dans une France devenue entretemps anticléricale54.

54

Raymond Renard, 2001, « Francophonie : de l’apartheid au partenariat », in Robert Chaudenson et Louis-Jean Calvet, Les Langues dans l’espace francophone : de la coexistence au partenariat, Paris, Institut de la Francophonie, L’Harmattan, p. 84. - 240 -

Dans le cadre de l’entreprise coloniale, il s’agissait de mettre en place une politique d’assimilation dont l’objectif était d’amener le colonisé au niveau du colonisateur, notamment par la diffusion de la langue française. Cette option se heurtait à des difficultés d’ordre idéologique et d’ordre pratique car, outre d’être coûteuse, elle supposait chez le colonisateur, l’intention ultime de se détruire en tant que colonisateur. En tout état de cause, l’école fut l’instrument majeur de cette politique de propagation de la civilisation occidentale. Dans Les Politiques linguistiques du Cameroun. Essai d’aménagement linguistique, Jean Tabi-Manga rappelle les débats qui caractérisèrent la question du choix de la langue d’enseignement en France : On se rappelle que deux thèses s’opposaient en France sur l’introduction de la langue française dans les colonies. Certains milieux doutaient de l’utilité du français dans l’enseignement primaire. Ils estimaient que le français, bien que rudimentaire, ne serait pas à la portée des enfants. Il fallait plutôt utiliser la langue locale pour accéder plus commodément au français… La seconde thèse, qui préconisait l’introduction précoce de l’enseignement en français dans les écoles du village, rencontrait un large accord.… Œuvrer à l’expansion de la langue française par l’éducation, la scolarisation, revenait à accomplir un devoir patriotique. L’idée centrale tendait à affirmer qu’une colonie n’est franchement liée à la métropole que si la langue de cette dernière est largement partagée par la colonie. D’où, la

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politique d’imposition du français dans tous les aspects de la vie officielle55. La notion de spécialisation fonctionnelle renvoie à une utilisation des langues congolaises dans des sphères. L’administration coloniale n’accorde aucune place aux langues locales véhiculaires ou vernaculaires. Les textes coloniaux imposent l’usage exclusif du français dans les milieux publics. Augustin Niangouna écrit à cet effet : Les langues des oirs sont exclues de l’interaction entre Blancs et oirs… Les langues primaires du Congo, dépouillées de leur souveraineté et reléguées au rang de « dialectes » et même de « patois », la France impose l’utilisation exclusive du français dans tous les actes de caractère sérieux, comme le précisent les prescriptions aussi rigoureuses et durables de la Circulaire n° 8 du 8 mai 1911 concernant l’enseignement des oirs : 1) Le français est seul en usage dans les écoles. Il est interdit aux maîtres de se servir avec leurs élèves des idiomes du pays. (…) 3) donner des connaissances du français parlé véhicule l’essentiel de la civilisation française56. La politique coloniale française avait créé l’hégémonie du français, en en faisant la langue de la communication entre le colonisateur et le colonisé, en en assurant la perpétuation à 55

56

Jean Tabi-Manga, 2000, Les Politiques linguistiques du Cameroun Essai d’aménagement linguistique, Paris, Karthala, pp. 35-36. Augustin Niangouna, 1990, « La langue française au Congo », in Le Congo aujourd’hui : Figures du changement social, Brazzaville, Faculté des Lettres et des Sciences humaines, p. 164. - 242 -

travers l’institution scolaire. Seuls les missionnaires avaient perçu la nécessité de la promotion des langues africaines pour des besoins de l’évangélisation dans une stratégie de conversion de proximité. Le primat de la langue française n’était pas donc partagé par les missionnaires qui préconisaient le recours aux langues locales pour leur entreprise d’évangélisation. Depuis 1868, le cardinal Lavigerie, le promoteur de l’évangélisation de l’Afrique, avait enjoint aux missionnaires de n’utiliser que les langues africaines : otre intention formelle est que l’étude de la langue tienne le premier rang dans toutes les préoccupations des missionnaires, jusqu’à ce qu’ils la parlent parfaitement (…) Je désire que, dès que la chose sera possible et au plus tard six mois après l’arrivée dans la mission, tous les missionnaires ne parlent plus entre eux que la langue des tribus au milieu desquelles ils résident (…). Dans chaque mission dont le dialecte n’aura pas encore été imprimé, j’ordonne également que l’un des missionnaires soit appliqué, pendant une ou deux heures par jour, à la composition d’un dictionnaire, au moyen de ses conversations avec les indigènes et des questions qu’il leur adressera sur la valeur des différents mots. Le même père sera chargé de composer en langue vulgaire un petit catéchisme (…). Plus tard on fera les mêmes choses pour les Saints Évangiles. La Société des Missions Africaines (SMA) exigeait des missionnaires la connaissance des langues africaines dans l’enseignement du catéchisme et la lecture de l’Histoire sainte. Mais, l’entreprise d’évangélisation ne se limitait pas à - 243 -

l’enseignement du catéchisme et à la propagation des saintes écritures : chaque mission dut assumer à la longue une activité d’enseignement scolaire dont l’ampleur sans cesse croissante nécessitait de recourir aux subventions de l’État. C’est là qu’apparut le choc de deux politiques d’aménagement linguistique, celle de l’administration coloniale, farouchement attachée à la diffusion et à l’usage exclusif de la langue française dans l’enseignement et celle des missionnaires, tournée vers l’utilisation des langues ethniques africaines. La résistance des missionnaires était assez forte pour nécessiter des mises au point récurrentes des administrateurs coloniaux. L’arrêté du 28 décembre 1920 signé du Gouverneur général de l’AEF, Victor Augagneur, était sans ambiguïté sur la question : Aucune école ne sera autorisée si l’enseignement n’y est donné en français. L’enseignement de toute autre langue est interdit57. Une lettre circulaire gouvernementale du 8 décembre 1921 affirmant la nécessité du renforcement de l’unité politique entre la métropole et les colonies en AEF précisera que : ulle école ne peut fonctionner si l’enseignement n’y est donné en français. Cette disposition n’a pas besoin de justification. Entre les indigènes et nous, n’existera un lien solide que par l’initiation des indigènes à notre langue58. À propos de cette politique d’assimilation ou de « glottophagie », Raymond Renard note la différence du traitement de l’attitude à l’égard des langues africaines dans 57 58

Jean Tabi-Manga, op. cit., p. 43. Cité par Jean Tabi-Manga, ibid., p. 43. - 244 -

les colonies françaises et dans celles de l’Empire britannique : En comparaison avec la française, la colonisation britannique (de même d’ailleurs que la belge) s’est montrée relativement ouverte au regard des langues et des cultures indigènes. Bien que la langue de la métropole ait partout servi de médium d’enseignement, c’est dans les pays de colonisation britannique que les langues locales ont pu se maintenir le mieux, surtout dans les zones non urbanisées. Ces langues ont été et demeurent seules ou en partage avec l’anglais, le moyen de scolarisation au igeria ou au Ghana. Sans doute est-ce dû au fait que la colonisation abandonnait le secteur éducatif - affaire locale (comme au RoyaumeUni) - aux congrégations religieuses59. Le bilan du choc entre l’autorité coloniale et les missionnaires est que, du côté de ceux-ci, en ce qui concerne l’usage des langues africaines, cette injonction n’empêcha pas la production abondante d’ouvrages à vocation pratique, qui constitueront les premiers essais de description des langues africaines, notamment dans les livres de catéchisme, les recueils de prières et de chants religieux. Pour s’en tenir au Moyen-Congo, il faut rappeler que l’option d’un système scolaire utilisant exclusivement le français comme langue d’enseignement et la modicité des moyens mis en œuvre, si elle présentait l’avantage de régler commodément la question de la pluralité des langues africaines dans la colonie, ne donna pas quantitativement des résultats intéressants. La capitale, Brazzaville, qui accueillait 59

Raymond Renard, « Francophonie : de l’apartheid au partenariat », op. cit., p. 90. - 245 -

des jeunes fonctionnaires de tous les territoires de la fédération, verra éclore la première génération d’intellectuels à travers la revue Liaison, organe des cercles culturels de l’AEF. II. Les langues congolaises dans linguistiques du Congo indépendant

les

politiques

L’histoire sociopolitique du Congo indépendant peut se subdiviser en trois périodes. La première va de 1960 à 1963 et concerne le régime de l’Abbé Fulbert Youlou. La seconde comprend les vingt-huit ans de la « révolution socialiste ». La troisième, de 1991 à ce jour, est celle de la démocratie pluripartite née de la Conférence nationale. Il s’agit maintenant d’examiner les politiques linguistiques élaborées pendant ces trois périodes. 1. Les premières années de l’indépendance Les trois années de l’indépendance de la République du Congo sont caractérisées, sur le plan de la situation linguistique, par la reconduction tacite de la politique coloniale. Les autorités de la jeune république ne paraissent avoir cure de la nécessité de la définition d’une politique linguistique de rupture. La première constitution du nouvel État qui confère au français le statut de langue officielle, ignore totalement les langues vernaculaires et les langues véhiculaires congolaises. Aucune politique d’aménagement linguistique n’est envisagée. Si la loi 44-61 du 28 septembre 1961 préconise la gratuité du service et son extension à tous les établissements d’enseignement aussi bien publics que privés, tout est fait dans la stricte sauvegarde de la primauté de la langue française comme médium d’enseignement. Un tel désintérêt peut s’expliquer par différents facteurs. La multiplicité des langues congolaises et leur caractère peu écrit rendaient le choix hasardeux, outre le fait que - 246 -

l’aménagement linguistique, rappelle Raymond Renard, est « une entreprise à risques, (…) et suppose une intervention de l’État »60. La langue représente, en effet, un élément fondamental de l’identité de l’individu : « son domaine est de l’ordre du sacré »61. Dans un contexte conflictuel interne d’accession à l’indépendance, notamment après les troubles civils de février 1959, le temps n’était certainement pas propice pour le nouveau pouvoir de s’attaquer aux questions de choix de langue, d’autant que, comme le rappelle Robert Chaudensoncité dans Une Éthique pour la francophonie, Questions de politique linguistique : Lorsqu’elles sont dans un même espace social, les langues instaurent entre elles une forme de lutte qui équivaut à la sélection naturelle des espèces. Deux langues ne coexistent pas plus facilement dans un même lieu que deux crocodiles dans le même marigot ! 62. Jean-Pierre Makouta-Mboukou souligne dans Le français en Afrique, que le personnel politique qui accède aux postes de responsabilité est constitué essentiellement de lettrés ayant subi le conditionnement de l’éducation coloniale. Incarnant la pertinence du choix d’une instruction en langue française et d’une connaissance de la culture française, ils n’étaient peutêtre pas les mieux indiqués pour remettre en cause un système auquel ils devaient leur statut social. Les nouveaux dirigeants, anciens « évolués », n’étaient pas du tout disposés à se faire hara-kiri, c'est-à-dire à se dessaisir d’une position sociale 60

Raymond Renard, 2000, Une Éthique pour la francophonie. Questions de politique linguistique, Paris, Mons, Didier Érudition, Centre international de Phonétique Appliquée, p. 57. 61 Raymond Renard, ibid., p. 83. 62 Cité par Raymond Renard, id., p. 57. - 247 -

qu’ils devaient à leur connaissance et à leur pratique de la langue et de la culture françaises. Par ailleurs, l’exercice de la jeune souveraineté de l’État congolais, sur le plan international, imposait la reconduite de la langue de l’ancienne puissance coloniale dont la présence, par conseillers français interposés, n’avait pas disparu des sphères de décision. Dans un tel contexte, l’opportunité de la promotion des langues congolaises ne pouvait être perçue comme une urgence vitale par une élite politique et intellectuelle qui avait été formée depuis près d’une décennie à l’école de la revue Liaison. 2. Les politiques linguistiques de l’ère socialiste La révolution des « glorieuses journées » des 13, 14 et 15 août 1963 sonna l’avènement au Congo d’un changement idéologique fondamental, avec l’instauration d’un système de gestion socialiste, après le système libéral du pouvoir de l’Abbé Fulbert Youlou. Sous l’impulsion du Mouvement national de la révolution (MNR), la nouvelle constitution de décembre 1963 précise les orientations idéologiques du nouveau pouvoir. Le discours critique des nouveaux dirigeants à l’égard du régime « néocolonial », ne se solde guère, en ce qui concerne la politique linguistique, par un changement décisif. Encore une fois, la nouvelle classe constituée, pour l’essentiel, d’anciens étudiants rentrés de France, devait sa légitimité et son aura au prestige d’une éducation reçue en France et à la maîtrise de la langue française. Cet exemple vivant de légitimité acquise à travers la maîtrise d’un médium étranger ne pouvait favoriser l’essor des langues nationales. Les tentatives de valorisation des langues congolaises n’avaient donc pas beaucoup de chance de succès. Dans un

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« Débat avec les masses »63, un texte de Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres des Gaulois, Henri Lopes évoque une rencontre avec les paysans : Puis commença le débat. Je le résume en style télégraphique. Moi (en lingala) : Qui est contre l’enseignement en lingala et en kikongo ? Presque tous les doigts se levèrent. Moi (en lingala) : Attention !… suivez-moi bien. Qui est pour l’enseignement en français ? Et pour éviter tout malentendu, je précisai, ouvrant des yeux menaçants : Qui est pour l’enseignement dans la langue des Oncles, celle des colonisateurs ? Tous les doigts se levèrent. En conclusion, l’auteur souligne son embarras : Soucieux de me séparer en bonne amitié de mes interlocuteurs, (je devrais dire mes maîtres), j’annonçai dans ma conclusion que «le débat avait été d’un très haut niveau », que « je prenais soigneusement note de tous les avis exprimés », avant d’ajouter un morceau de bravoure où j’infligeais (en français) une leçon de patriotisme : nous avions notre souveraineté internationale, notre drapeau et notre hymne, il nous fallait recouvrer notre indépendance culturelle : nous devions enseigner dans nos langues nationales ! Vexé, mais ébranlé, je rangeai mes notes et repris le chemin de la capitale. 63

Henri Lopes, 2003, Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois, Paris, Gallimard, Coll. Continents Noirs, p. 21. - 249 -

Il convient d’ouvrir ici une parenthèse sur la question des langues au sein de la Francophonie qui fut le cadre multilatéral de réflexion en la matière, étant donné la similitude de la problématique des rapports de la langue française et des langues africaines dans les nouveaux États qui, à leur accession à l’indépendance, avaient choisi le français comme langue officielle64. Dans un article particulièrement éclairant, Robert Chaudenson rappelle que, dans la convention du 20 mars 1970, un des textes fondateurs de la Francophonie, la seule langue mentionnée est la langue française. Mais l’omission des langues africaines sera corrigée dans le texte final de la Conférence générale de Maurice en novembre 1975, qui assignera à l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) des programmes axés autour de trois axes : a) le développement économique et social ; b) l’éducation et la coopération culturelle et technique ; c) la promotion des langues et des cultures nationales. Le troisième axe donnera naissance à un programme dénommé « Promotion des cultures et des langues nationales » (PCLN) qui comprendra quatre projets que Robert Chaudenson appelle « les projets de première génération » : Lexiques thématiques de l’Afrique centrale (LETAC), Promotion des langues manding et peul (MAPE), Atlas sociolinguistiques (ASOL) et Atlas linguistiques de l’Afrique centrale (ALAC). Les chercheurs congolais du département de linguistique et langues africaines de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université 64

Il est évident qu’une ouverture multilatérale de la réflexion sur les langues africaines invoquerait avantageusement les déclarations d’autres organisations internationales ou interétatiques, telles l’Organisation de l’unité africaine, l’Union africaine et l’UNESCO qui publia, dès 1953, un rapport sur L’Emploi des langues vernaculaires dans l’enseignement. Le choix de la Francophonie est d’ordre historique et dérive du statut singulier de la langue française dans les États francophones. - 250 -

Marien Ngouabi) prirent part à la réalisation des projets LETAC et ALAC. Au milieu des années quatre-vingt, le Congo rejoint en décembre 1981 les instances politiques de la Francophonie, après l’élection à la présidence de la République de François Mitterrand en France en mai de la même année, et participe, depuis son adhésion, aux différents sommets de la Francophonie, c'est-à-dire à tous les débats qui, au sein de cette organisation multilatérale, concernent la question des langues nationales en relation avec le développement et l’éducation, notamment dans la perspective de l’emploi des langues africaines dans l’enseignement. Le Congo adhère à toutes les déclarations relatives à la valorisation des langues et des cultures nationales aux sommets de Paris (1986), de Québec (1987), de Dakar (1989), de Paris (1991), de Maurice (1993), etc. Sur le plan national, divers congrès du Parti congolais du travail (PCT) affirment, de manière récurrente, la nécessité d’introduire les langues nationales dans le système éducatif. Déjà le colloque de 1970 affirmait dans une de ses résolutions : Un des éléments qui permet de définir une nation est la langue. Un peuple s’instruit, se cultive et s’éduque plus vite s’il peut s’instruire et s’éduquer dans la langue qu’il parle. Le Congolais doit se souvenir que le français, langue officielle, est d’abord une langue étrangère. Les dirigeants politiques du pays doivent nommer une commission ad hoc chargée d’étudier les modalités d’application, pour qu’une langue nationale soit proposée à l’assentiment des larges masses aux fins d’alphabétisation des adultes, puis aux jeunes enfants.

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Le 2e congrès ordinaire du PCT (27-30 décembre 1974) recommandait l’intensification de l’alphabétisation fonctionnelle en langues nationales, comme facteur de la consolidation de l’unité nationale. Le séminaire des cadres de l’éducation nationale (02-18 août 1975) préconisait l’usage des langues nationales dans la cour et les rassemblements scolaires, l’utilisation d’une langue congolaise au collège d’enseignement général et au lycée, l’étude d’une langue congolaise dans les écoles de formation et à l'université, l’enseignement des chants et des contes à l’école maternelle et à l’école primaire en langues congolaises. Le 3e congrès extraordinaire du PCT (26-31 mai 1979) revint sur les mêmes préoccupations en recommandant la création d’un environnement politique susceptible de favoriser le choix d’une langue nationale par la pratique effective des langues nationales dans toutes les activités ayant un impact sur les masses populaires, l’introduction des langues nationales dans les programmes scolaires de formation professionnelle et leur usage effectif par les responsables du Parti et de l’État, la traduction des textes du Parti en langues véhiculaires. Il convient de mentionner les divers efforts déployés par le Ministre de l’Éducation nationale Antoine Ndinga-Oba en vue de l’introduction des langues nationales dans le système éducatif. À cet égard, les dispositions réglementaires et légales prises manifestaient la volonté d’une action effective dans ce domaine. Il faudrait, à titre d’illustration, citer : • la note de service n° 134/MEN-SGEN du 23 février 1979 créant sous l’égide de l’INRAP une commission préparatoire chargée d’étudier les bases d’une politique linguistique au Congo ; • la note de service n° 971/MEN-CAB du 05 octobre 1979 introduisant l’enseignement obligatoire du lingala et du

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munukutuba dans les écoles de formation et à l'Université Marien Ngouabi ; • la loi scolaire du 20/80 du 11 septembre 1980 portant réorganisation du système éducatif en République Populaire du Congo qui disposait en son article 4 : « les deux langues nationales, le lingala et le munukutuba, sont enseignées à l’École du Peuple » ; • la note de service n° 072/MEN-CAB du 17 janvier 1981 ouvrant un stage de formation des formateurs en langues nationales à l'Université Marien Ngouabi ; • la note de service n° 1813/MEN-CAB du 16 octobre 1982 créant une commission ad hoc pour la relance de la filière CAPEL langues nationales. À propos de cette dernière note de service, il faut rappeler que la commission ad hoc devait procéder à l’évaluation du Certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement des lycées (CAPEL) « Langues nationales » dont l’expérimentation avait été lancée à l’Institut supérieur des sciences de l’éducation (INSSED) pendant les années universitaires 19801981 et 1981-1982, avec un effectif de moins de dix étudiants. Le 3e congrès ordinaire du PCT (27-31 juillet 1984) mit l’accent sur l’organisation structurelle en préconisant la création d’un institut des langues nationales, recommanda la résolution des problèmes psychologiques liés à la pratique et à l’enseignement des langues nationales, à la consommation des produits culturels en ces langues, la coopération avec les pays voisins en vue de l’élaboration du code orthographique et de la coordination des travaux de recherche et la création des conditions favorables à l’émergence d’une langue nationale. Un document intitulé Éléments d’une politique linguistique nationale congolaise synthétise toutes ces orientations qui - 253 -

visent à promouvoir une langue nationale qui puisse symboliser l’unité nationale, promouvoir son développement et garantir son indépendance et sa démocratie. Le texte fait une recension de toutes les décisions en faveur des langues nationales et rappelle les résolutions portant sur l’intégration des celles-ci dans le système éducatif. Il justifie la nécessité de l’adoption d’un monolinguisme national pour la nation congolaise. L’importance d’une telle entreprise nécessite la création complémentaire d’un institut de langues nationales. Le document présente ensuite six étapes dans la mise en œuvre de cette politique d’aménagement linguistique qui articule la définition d’un cadre juridique et institutionnel (définition des langues à promouvoir et création des institutions), la formation et la sensibilisation des cadres, la codification de la langue (normalisation de la transcription, fixation de l’orthographe), l’élaboration et la diffusion des documents (matériel pédagogique, promotion culturelle des langues), la coopération linguistique en vue de l’harmonisation des programmes au sein de la sous-région de l’Afrique centrale et la planification (évaluation). Le document fait le point du programme réalisé et en cours de réalisation par le Parti et l’État dans le cadre de cette politique d’aménagement linguistique. Le lingala était enseigné à l’École supérieure du Parti. Les ministères de l’éducation nationale et de l’information devaient travailler à la promotion et à la valorisation des langues nationales. L’Institut de recherche et d’action pédagogique (INRAP), l’Université Marien Ngouabi, la Direction de l’alphabétisation, Radio-Congo et Télé-Congo devaient mettre en œuvre les éléments de cette politique. Par ailleurs, le document recense les travaux entrepris dans la production de textes en lingala et kituba, essentiellement des dictionnaires, des traductions d’œuvres littéraires, des recueils de contes, des documents politiques et administratifs. Sur un - 254 -

plan spécifiquement oral, le document rappelle la place du lingala et du kituba à Radio-Congo et à Télé-Congo. Enfin, le texte indique les mesures à prendre au niveau de l’État en faveur des langues nationales, concernant notamment la planification, l’administration et la justice, l’enseignement et les médias. Si ce document du Parti congolais du travail se veut un texte fondateur sur la question de la promotion des langues nationales, il déplore cependant le relatif désintérêt des intellectuels et souligne le fossé qui existe en la matière entre la volonté politique et la réalité du terrain. La journée de réflexion sur les langues nationales du 17 avril 1987 qui avait réuni autour du thème « Langues nationales au Congo : problèmes et perspectives » linguistes, journalistes, pédagogues et représentants des pouvoirs publics, avait abouti aux mêmes conclusions que les précédentes assises du Parti, à savoir : une formulation systématique de la politique linguistique nationale, la création d’un institut de langues nationales qui serait l’organe de centralisation des actions de promotion des langues nationales, la formation d’une opinion publique ouverte et sensible à la question linguistique, la dotation d’équipements de recherche requis pour l’étude sur les langues nationales, la formation des enseignants en langues nationales. Le colloque-bilan sur l’enseignement (26-29 juillet 1988) et le 4e congrès ordinaire du PCT (juillet 1989) ne préconiseront aucune innovation en ce qui concerne la question linguistique. En conclusion, on peut retenir que la politique du PCT en matière de langues aura essentiellement consisté à affirmer de manière récurrente l’intérêt de la promotion des langues nationales, sans faire accompagner ces professions de foi de réalisations concrètes. Du reste, à propos des Éléments pour - 255 -

une politique linguistique nationale congolaise, Omer Massoumou analyse dans son introduction à Le français en République du Congo sous l’ère pluripartiste (1991-2006) « l’impossible passage au monolinguisme »65 par le sentiment de frustration qu’engendrerait le choix d’une langue chez des communautés dont la langue serait exclue de ce privilège. Au niveau national, la reconnaissance dans la constitution d’un statut national au lingala et au kituba cache mal la division identitaire et spatiale qu’ils véhiculent. Omer Massoumou écrit, à cet effet : Dans la perspective de la construction d’un Étatation, il est préjudiciable de l’envisager sur la base de deux langues partiellement nationales qui révèlent beaucoup plus la division que l’unité nationale. Le kituba et le lingala séparent les Congolais aussi bien avant qu’après l’indépendance. Ces deux langues symbolisent à elles seules dans l’imaginaire collectif les conflits sociaux, politiques, militaires, etc.66 L’auteur rappelle la persistance d’une autre opposition en défaveur des langues, celle qui existe entre l’élite et les analphabètes. Il cite, à cet effet, Paul Nzete : L’observation de la pratique des gouvernements africains en matière d’emploi des langues africaines aboutit à ce constat : les langues africaines sont 65

Omer Massoumou et Ambroise Queffélec, 2007, Le français en République du Congo sous l’ère monopartiste (1991-2006), Paris, Éditions des archives contemporaines, Agence universitaire de la Francophonie, p. 21. 66 Ibid., p. 23. - 256 -

réservées aux illettrés et ce, à travers la radio et la télévision et à travers l’alphabétisation67. 3. La question linguistique à l’ère pluripartite Si le monolithisme politique de l’ère socialiste avait permis d’esquisser les éléments d’une politique monolingue difficile à mettre en œuvre, l’ouverture démocratique qui a donné naissance à des partis créés, pour la plupart, à partir d’un réflexe de repliement identitaire, ne pouvait qu’annihiler les chances d’un monolinguisme national en délégitimant les options unitaires de l’ancien parti unique. En tout état de cause, la constitution du 15 mars 1992 définit, en ces termes, le statut des langues : « La langue officielle est le français. Les langues nationales véhiculaires sont le lingala et le munukutuba »68. La Conférence nationale, réunie du 25 février au 10 juin 1991, apporta une innovation en matière d’usage public des langues nationales : pour la première fois, au cours d’assises publiques et nationales, les langues nationales, le lingala et le kituba, furent reconnues comme langues de travail. Le règlement intérieur de cette rencontre stipulait en son article 44 : « Les langues de travail de la Conférence nationale souveraine sont : le français, le lingala, le munukutuba et l’anglais ». Par ailleurs, la Conférence nationale préconisait un ensemble de dispositions relatives à la reconnaissance politique et à l’usage des langues nationales. L’article 8 de l’Acte fondamental est une affirmation des droits linguistiques : « Les citoyens congolais jouissent du droit à la culture, à l’éducation et au respect de leur identité culturelle. Toutes les communautés composant la nation 67

Paul Nzete, cité par Omer Massoumou et Ambroise Queffélec, ibid., p. 23. 68 Constitution de la République du Congo du 15 mars 1992, article 3. - 257 -

congolaise jouissent de la liberté d’utiliser leurs langues et leur propre culture sans porter préjudice à celles d’autrui ». Le Chapitre IX de la Charte de l’unité nationale reconnaît des langues nationales dans la sphère administrative : « L’État doit lever l’hypothèque qui pèse sur les langues en faisant obligation aux dirigeants de l’administration et de la politique de parler correctement les langues nationales ». Le document « Éducation » recommande la promotion d’un texte de loi portant statut des langues nationales et la mise en place d’une commission chargée d’élaborer une politique linguistique nationale. Le document « Culture et Arts » recommande la promotion d’un texte de loi sur l’orthographe des langues congolaises, la création d’un comité national d’étude sur la possibilité de créer un institut national des langues congolaises, l’élaboration d’une politique linguistique nationale, une plus grande présence des langues congolaises et de la culture nationale plurielle dans les médias congolais. L’article 24 de la « Charte des droits et des libertés » stipule que « les minorités ethniques, religieuses ou linguistiques ne peuvent être privées du droit d’avoir, en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion ou d’employer leur propre langue ». En somme, les textes de la Conférence nationale mettent l’action sur la reconnaissance d’une diversité culturelle et linguistique consécutive aux nouveaux principes de la gestion démocratique de la nation. L’usage des mêmes formulations concernant la nécessité de la définition d’une politique linguistique nationale ne recouvre pas les mêmes contenus. De toute évidence, ces textes portent la marque de la revendication d’une reconnaissance ou de la restauration d’un plurilinguisme alternatif à cette quête d’une langue nationale symbolique de l’unité nationale affirmée vingt ans plus tôt. À - 258 -

cet égard, l’on peut affirmer que, si le pluralisme politique, au nom de la légitimité de la diversité démocratique et culturelle, ne peut s’accommoder d’une politique linguistique tendant à privilégier telle ou telle langue congolaise, les déchirements laissés dans le tissu national et l’imaginaire collectif par les conflagrations politiques des années quatre-vingt-dix ont enterré pour longtemps les rêves d’un monolinguisme national. La constitution de janvier 2002 confirme le statut officiel de la langue française : « La langue officielle est le français. Les langues nationales véhiculaires sont le lingala et le munukutuba »69. Au terme de cette évocation diachronique des politiques linguistiques de la période coloniale au premier demi-siècle de l’indépendance du Congo, l’on peut se poser des questions sur le destin des langues congolaises dont tout laisse à penser que le pluralisme linguistique affirmé dans les textes de la Conférence nationale l’a exclu de manière irrémissible de la sphère de la gestion politique. À cet égard, de toute évidence, il n’est pas sans intérêt de mettre en regard les professions de foi politiques et le travail concret de valorisation des langues congolaises. III. De la volonté politique au travail de terrain Sur le plan international, il convient de noter que le Congo prend part à toutes les concertations relatives au débat sur les langues africaines. À cet égard, il est utile de lire les déclarations ou les résolutions des instances internationales dont le pays est membre. Au niveau de l’Union africaine, l’article 25 de l’acte constitutif de l’organisation panafricaine stipule, en ce 69

Constitution de la République du Congo du 20 janvier 2002, article 6. - 259 -

qui concerne les langues de travail : « Les langues de travail de l’Union et de toutes ses institutions sont, si possible, les langues africaines ainsi que l’arabe, l’anglais, le français et le portugais ». Le projet final de la vision de l’Union africaine et la mission de la commission de l’Union africaine publié le 23 février 2004 pour un panafricanisme rénové, retient parmi les défis à relever, « les problèmes liés à la préservation du patrimoine culturel et à la valorisation des biens culturels et des langues africaines dont l’importance pour le futur de l’Afrique, doit être soulignée »70. Le document retient comme mission de réflexion, « la valorisation des langues africaines et leur plus grande utilisation »71. Parmi les décisions et les déclarations de la neuvième session ordinaire de la conférence de l’Union africaine (AddisAbeba, 31 janvier-2 février 2008), on lit la décision relative à l’année internationale des langues proclamée par l’Assemblé générale des Nations Unies le 16 mai 2007 : dans l’ensemble, ce texte, loin de proposer un bilan des actions entreprises dans le cadre de l’utilisation des langues africaines, se situe encore au niveau des intentions et des célébrations en réaffirmant « le rôle privilégié des langues africaines dans le développement socioéconomique et culturel, ainsi que dans l’intégration politique du Continent », en se félicitant de la proclamation par la 61e session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies de « 2008, Année internationale des Langues » et en exhortant « les États membres à saisir cette opportunité pour renforcer la mobilisation pour la promotion et la valorisation des langues africaines, par des activités diverses aux plans local, national et régional, afin de garantir ainsi la contribution de l’Afrique à la célébration de l’Année 70

Union africaine, 2004, Vision de l’Union africaine et mission de la commission de l’union africaine, Addis-Abeba, 23 février, p. 28. 71 Union africaine, ibid., p. 33. - 260 -

Internationale des Langues, dans le prolongement de l’Année des Langues Africaines ». Au niveau de la Francophonie, les sommets paraissent avoir tourné le dos aux langues africaines pour ne retenir, en matière de langue et devant le péril de l’hégémonie de l’angloaméricain, que l’objectif de la défense de la langue française. Le XIIe Sommet de la Francophonie (Québec, 17-19 octobre 2008) a produit une déclaration, une résolution sur la langue française de la part des Chefs d’État et de gouvernement « désireux de doter la Francophonie d’outils novateurs de rayonnement et de promotion de l’usage de la langue française ». Sur le plan national, la question des langues nationales, après l’abandon de la mise en œuvre du projet monolingue des Éléments de politique linguistique nationale congolaise, est traitée de manière particulière à travers la dynamique de l’alphabétisation dont la nécessité apparaît dans maints programmes politiques. L’un des objectifs de la modernisation de l’éducation préconisée dans Le Chemin d’avenir, programme électoral du candidat Denis Sassou Nguesso, est « d’assurer l’alphabétisation et l’acquisition des connaissances scientifiques de base au profit d’adolescents et d’adultes non lettrés »72. À cet égard, l’on peut relever l’intervention de l’État congolais à travers notamment la direction de l’alphabétisation du ministère de l’enseignement primaire et secondaire et de l’alphabétisation, l’Institut national de recherche et d’action pédagogiques (INRAP), le département de linguistique et des langues africaines de l'Université Marien Ngouabi et les initiatives de la

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Le Chemin d’avenir, De l’espérance à la prospérité. Projet de Denis Sassou-Nguesso pour le Congo 2009-2016, p. 11. - 261 -

société civile dont la plus remarquable est celle de la Société internationale de linguistique (SIL).  Les acteurs de la promotion des langues congolaises • La direction de l’alphabétisation La naissance des services nationaux d’alphabétisation date de septembre 1965. Leur objectif était à l’époque d’assurer l’alphabétisation des adultes en langue française.C’est au début des années 70 que sera lancée la dimension « langues nationales », notamment dans l’optique des grands projets d’alphabétisation fonctionnelle du PDR-Pool et PDR-Plateau Koukouya et l’Opération des travailleurs du bois (OPETRAB). En 1977, la Radio rurale a lancé une alphabétisation fonctionnelle en langues nationales sur la commercialisation des produits agricoles. Ces activités prendront fin en 1985. Cet intérêt pour les langues nationales était soutenu par des organismes internationaux, tels l’UNESCO et avait donné lieu à la publication de la loi 20/80 du 11 septembre 1980. Le document Pratiques congolaises garantissant l’éducation de base des jeunes et adultes pour une meilleure intégration socioéconomique indique en son introduction que « en vue de répondre à la préoccupation fortement proclamée de la communauté internationale, le Congo s’est engagé à amorcer des actions pour l’élimination de l’analphabétisme, pour la validation en 2002 d’un plan d’action en conformité aux conclusions du Forum de Dakar, particulièrement les objectifs 3 et 4. Ce plan garantit la généralisation de l’éducation de base (forme préventive de l’analphabétisme) et l’intensification des programmes d’alphabétisation des jeunes non scolarisés ainsi que des adultes n’ayant pas bénéficié des bienfaits de l’école au cours de leur enfance (forme curative de l’analphabétisme). Sur le plan structurel, l’action de l’État dans le cadre de la lutte contre l’analphabétisme est prise en charge par : - 262 -

− un Conseil national permanent d’organisation de lutte contre l’analphabétisme (CNPOLA) créé par décret n° 82/211 du 26 février 1982 qui « développe les stratégies en matière d’alphabétisation des adultes et d’éducation non formelle pour les enfants ou jeunes qui sont hors de l’école, conformément aux orientations gouvernementales » ; − un conseiller à l’alphabétisation qui « coordonne et pilote les tâches des différents acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux » du sous-secteur ; − une direction de l’alphabétisation qui « élabore et met en œuvre toutes les actions d’alphabétisation et d’éducation non formelle ainsi que la promotion du partenariat avec les différents opérateurs (ONG, associations, confessions religieuses, collectivités locales) ; − un centre de recherche pour la formation des adultes qui a pour objectif « l’amélioration des compétences d’encadrement des personnes appelées à assurer des actions d’alphabétisation et d’éducation des adultes » ; − des coordinations départementales et techniques qui assurent la réalisation des activités au niveau local. Les langues congolaises visées par l’action de la direction de l’alphabétisation, qui vient d’être érigée en Direction générale de l’alphabétisation, sont les deux langues retenues par la Constitution du 20 janvier 2002 : le lingala et le kituba. Il convient de noter que la direction de l’alphabétisation expérimente avec succès la stratégie d’une convergence langues congolaises-langue française. • Le département de linguistique et des langues africaines (DLLA) de l'Université Marien 0gouabi L’enseignement des langues congolaises dans l'enseignement supérieur congolais a débuté en 1969 avec un cours de la langue fumu dispensé par le Professeur Jean-Pierre Makouta-

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Mboukou ; deux ans après, le Professeur François Lumwamu ouvrait un enseignement de kikongo, tandis que le Professeur Antoine Ndinga-Oba initiait l’enseignement du lingala. Le département de linguistique et des langues africaines propose des enseignements du lingala et du kituba sous leurs aspects phonétiques, morphosyntaxtiques et lexicologiques depuis 1977. Optionnel dans les départements de lettres modernes, d’histoire, de géographie, de psychologie, de philosophie et de sociologie jusqu’en 1984, l’enseignement du lingala et du kituba a été rendu obligatoire à la rentrée 19841985 pour la licence de linguistique et langues africaines et pour celle de littératures et civilisations africaines. Actuellement, l’enseignement du lingala et du kituba se déroule sur les trois années du 1er et du 2e cycle. En deuxième année du Diplôme d’études universitaires générales (DEUG), le département assure l’enseignement des langues kongo et en année de licence celui des langues ngala. En matière de recherche, le département de linguistique et des langues africaines a participé aux programmes de recherche des projets de première génération – LETAC, ALAC – dont il a été question plus haut. À cet égard, il convient de noter l’Atlas linguistique du Congo. Inventaire préliminaire publié en 1987, qui demeure un document de référence pour la connaissance de la situation linguistique congolaise, en plus du fait qu’il comporte une bibliographie de 214 études entreprises par différents chercheurs, y compris, en raison de la dimension transfrontalière de certaines langues, ceux des États voisins. Le département produit, dans le cadre des mémoires et des thèses, des monographies sur les langues congolaises. Les orientations des travaux concernent la description linguistique (phonologie, morphologie et syntaxe), la dialectologie, l’acquisition et l’émergence des langues, la toponymie et la sémantique. Les chercheurs de cette unité

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d’enseignement et de recherche entretiennent également un atelier des sciences du langage. Le Centre d’études des langues congolaises (CELCO) dont l’organe de diffusion était la revue Dimi a vu ses activités se réduire à partir de l’année 1985. Le département de linguistique et langues africaines a signé des accords de partenariat avec les universités de Provence et Cologne et avec le Musée royal de Tervuren. Sur le plan national, il entretient des relations de collaboration avec d’autres services de l’État, tels que la direction de l’alphabétisation et l’Institut national de recherche et d’action pédagogiques (INRAP). • L’Institut national de recherche et d’action pédagogiques (I0RAP) L’histoire de l’Institut national de recherche et d’action pédagogiques (INRAP) remonte à l’année 1955 quand fut créé un Centre de documentation pédagogique dont la fonction était d’assurer les œuvres scolaires et les examens et concours par correspondance destinés aux maîtres. Au cours de l’année scolaire 1962-1963, le Centre devient, avec le concours de l’UNESCO, un Centre national de documentation et de recherche pédagogiques (CNDRP) avec la mission d’assurer la formation et le perfectionnement des maîtres dans les domaines pédagogique et administratif. À la rentrée 19761977, le Centre national de documentation et de recherche pédagogiques est transformé en Centre national de recherche et d’action pédagogiques (CNRAP). Jusque-là, cette structure était gérée par des fonctionnaires français. Ensuite, afin de bénéficier du soutien financier de l’UNESCO, les autorités congolaises créent un Institut pédagogique national (IPN) dont le premier directeur est Cardorelle. La Direction de la recherche et de l’action pédagogiques (DRAP) se substitue ensuite à l’Institut pédagogique national.C’est en 1972 que le - 265 -

décret n° 72-87 du 10 mars 1972 crée l’Institut de recherche et d’action pédagogiques (INRAP). Le premier directeur de cet établissement est Antoine Ndinga-Oba. Le service des langues nationales de l’Institut d’action et de recherche pédagogiques a pour missions essentielles de concevoir et d’élaborer les supports didactiques en lingala et en kituba et de concourir à l’introduction des langues nationales dans les programmes scolaires comme outil et comme objet d’apprentissage. Parmi les travaux qu’il a réalisés, l’on peut retenir la rédaction de quelques manuels pour l’enseignement primaire, la traduction d’une série de pièces de théâtre et, pour le compte du Centre d’information des Nations unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Sommet mondial pour le développement social, Habit II. Conférence des ations unies pour sur les établissements humains, la publication des lexiques, des éléments de grammaire et des textes de lecture. Outre ces ouvrages à portée didactique ou scolaire, l’INRAP a traduit en lingala et en kituba des documents de base du PCT. Le Service des langues nationales produit à Radio-Congo une émission « Langues et Nation », en lingala « Nkota mpe Ekolo », « Bandinga na Yinsi » en kituba ce, dans le cadre de la sensibilisation des Congolais à l’importance des langues nationales dans la société congolaise. • La Société internationale de linguistique (SIL-Congo) Hormis les établissements ou les services de l’État, des opérateurs de la société civile travaillent à la promotion des langues congolaises avec des orientations particulières. L’on peut citer, à titre d’exemple, l’Alliance biblique du Congo (ABC), l’Association pour la promotion des langues africaines (APROLAF), l’Association Antoine Ndinga Oba (AANO), la Société internationale de Linguistique (SIL-Congo). Des confessions religieuses développent des activités dans le même - 266 -

domaine : L’Armée du Salut, l’Église évangélique luthérienne du Congo (EELC), la Fédération des assemblées de réveil (FAR). C’est à titre purement illustratif que sont évoquées ici les activités de la Société internationale de linguistique (SILCongo). Cette organisation non gouvernementale (ONG) qui s’est installée au Congo depuis 1983, s’emploie à développer les compétences et les aptitudes nécessaires à la préservation et à la revitalisation des langues congolaises. Parmi les travaux réalisés par la SIL-Congo dont le champ d’action ne se limite pas aux langues nationales retenues dans les différentes constitutions congolaises, on compte la production d’outils didactiques pour l’alphabétisation, la traduction et la collecte de la documentation orale sur les langues les moins connues, l’initiation à l’orthographe des langues congolaises. Son programme concerne l’étude intensive des langues congolaises (phonologie, grammaire et lexique), la collecte et l’analyse des différents textes de tradition orale des langues, l’enregistrement des spécimens de langues mbochi, bakwele, kituba, teke, bembe, vili sur des supports magnétiques, l’élaboration d’une cartographie linguistique. En ce qui concerne les langues en étude, la SIL-Congo a constitué un corps d’écrivains pour la production des ouvrages littéraires, en vue de la pérennisation ou de la consolidation de l’apprentissage par l’écrit. Dans le cadre d’un partenariat avec le gouvernement congolais, la SIL-Congo a signé en 1988 un accord avec le ministère de la recherche scientifique en vue d’une meilleure connaissance de la situation sociolinguistique du Congo et des applications portant sur les langues congolaises. Elle collabore avec l’INRAP et la direction de l’alphabétisation en ce qui concerne l’alphabétisation en lingala et kituba.

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En somme, on peut se féliciter, au terme de cette évocation de l’activité des opérateurs de la promotion des langues congolaises, d’une intensification des travaux de recherche. L’illustration de cette dynamique est inscrite de manière incontestable dans le projet de création d’une « Plateforme pour le développement des langues congolaises » auquel travaillent les services étatiques et les ONG suivants : - Alliance biblique du Congo (ABC) ; - Association pour la promotion des langues africaines (APROLAF) ; - Association Antoine Ndinga Oba (AANO) ; - Armée du Salut (ADS) ; - Direction de l’alphabétisation ; - Église évangélique luthérienne du Congo (EELC) ; - Fédération des Assemblées de Réveil (FAR) ; - Institut national de recherche et d’action pédagogiques (INRAP) ; - SociétéInternationale de Linguistique (SIL-Congo) ; - Département de linguistique et langues africaines de l'Université Marien Ngouabi. CO0CLUSIO0 La problématique fondamentale est celle de l’introduction des langues nationales dans le système éducatif. La question du choix de la langue maternelle et son articulation ultérieure avec la langue française se heurte à deux écueils. Le premier est la réticence des parents qui, obnubilés par le mirage de l’excellence du français comme langue de promotion sociale, considèrent l’introduction de la langue maternelle ou d’une langue nationale comme un fâcheux recul et une forme insidieuse de discrimination : dans certaines familles congolaises, des parents mettent un point d’honneur à parler français à leurs enfants pour leur garantir une avance sur le - 268 -

plan scolaire. Le second est la frilosité et la réserve des pouvoirs publics sur le choix des langues, une question délicate où l’investissement identitaire, tant sur le plan familial qu’au niveau national, conduit à préférer la politique du « laisser-faire » qui implique de conserver les choses en l’état. En dehors d’un monolinguisme hors d’atteinte au nom du droit à la différence et des droits linguistiques, il n’est pas impossible, en tenant compte des pesanteurs sociales et du bilinguisme national inscrit dans les constitutions successives de l’histoire politique du pays en faveur du lingala et du kituba, d’impulser un aménagement linguistique qui sauvegarde à la fois la démocratie, la diversité culturelle et l’unité plurielle de la Nation. Seule une articulation rationnelle et concertée des langues congolaises et de la langue française peut assurer un développement équilibré, c'est-à-dire hors de l’insécurité linguistique du Congolais et de la société congolaise.

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PARTIE XI LES MEDIAS

CHAPITRE 10 HISTOIRE DE LA PRESSE ECRITE CO0GOLAISE par Guy-0oël SAM’OVHEY-PA0QUIMA I0TRODUCTIO0 L’origine de la presse au Congo se situe sans nul doute dans les notes des explorateurs et les rapports des différentes missions scientifiques qui se sont succédé à la découverte des terres inconnues de cette partie de l’empire colonial français. Ces documents, soigneusement élaborés par leurs auteurs, sont de toute évidence la première source d’information des pouvoirs européens sur ces vastes terres lointaines d’Afrique et leurs peuples. Ainsi, dès l’organisation de l’administration coloniale, la transcription des actes administratifs constitue un maillon important du cheminement d’une activité qui va conduire à la naissance de la presse congolaise. A la fin du 19ème siècle et au début du siècle suivant, les transports et les communications sont difficiles entre les différents territoires et avec la métropole, à cause des distances à franchir avec des moyens de transport encore « empiriques ». Pendant longtemps, les relations des colons sont presque coupées avec leur mère patrie (la France) et bien souvent entre eux en Afrique, voire entre colons d’un même territoire. Les courriers sont confiés à des messagers à pied à travers la savane, la brousse et des forêts hostiles. Au fur et à mesure que le régime colonial s’installe, les besoins d’exploitation des richesses naturelles s’accroissent

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tout comme ceux en communication. On assiste alors aux premiers balbutiements de la presse dans la fédération de l’Afrique Equatoriale Française (A.E.F.), particulièrement à Brazzaville, capitale de la fédération. Au départ et pendant longtemps, il s’agit d’une presse pro coloniale exclusivement aux mains des Européens du fait de l’alphabétisation tardive et lente des peuples de l’ A.E.F. Plus tard deux facteurs occasionnent l’émergence d’une presse favorable à l’émancipation des peuples de l’A.E.F., à savoir les relations d’une élite congolaise embryonnaire avec des partis politiques métropolitains de gauche et le retour des soldats ayant participé à la Seconde Guerre mondiale. Il en a résulté l’éveil de conscience de ces peuples qui vont surtout s’exprimer dans les colonnes d’une presse typiquement congolaise naissante. Par la suite, la presse devient un élément moteur de l’évolution politique et sociale de la jeune république. L’apparition de la radio, puis celle de la télévision, modifie quelque peu le rôle social de la presse écrite, sans pour autant la déclasser auprès du public congolais. Les hommes politiques ne se privent pas de ses services pour conquérir ou asseoir leur pouvoir. Mais aujourd’hui, cette presse souffre encore de son mauvais équipement à l’heure de l’informatique et de l’Internet. L’avènement des technologies de l’information et de la communication (TIC) lui ouvre de nouvelles perspectives, tout en lui lançant un véritable défi pour l’avenir, tellement les enjeux sont nombreux et importants.

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I – La presse coloniale Les journaux officiels constituent sans doute les premiers organes de presse73 des territoires de l’A.E.F., en raison de leur contenu. Publiés à partir du 18 juin 1887 jusqu’au 31 août 1959 sous diverses appellations, leur relève est assurée par le journal officiel de la république du Congo depuis 1960, année de proclamation de l’indépendance du territoire du MoyenCongo. Durant toute la période coloniale, le Journal officiel (J.O.) contient de multiples informations de natures diverses sur la vie des territoires de l’ancienne A.E.F., particulièrement celle du territoire du Moyen-Congo. On y lit des circulaires de politique générale, des comptes rendus des actes administratifs ou judiciaires, des comptes rendus des opérations économiques, des textes réglementaires de la vie des circonscriptions administratives, des rapports de faits sociaux, etc. Mais on ne peut pas encore parler de presse proprement dite. Du début de la colonisation du Congo jusqu’après la Seconde Guerre mondiale, très peu d’indigènes74 sont à peine alphabétisés. Jusqu’à une décennie de la proclamation de la république, il n’y a donc pas encore de personnes capables d’animer une publication75 quelconque traitant de l’actualité. 73

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Organe de presse : journal ou autre moyen de communication pour diffuser des nouvelles. Indigènes : c’est la dénomination des autochtones de l’Afrique sous domination coloniale française auxquels était appliqué le Code de l’Indigénat. Lire, à ce propos, les chapitres de l’Histoire générale du Congo, vol. 2, de Antoine-Marie Aïssi, La domination coloniale (1886-1960) : systèmes politico-administratif et judiciaire et Abraham Constant Ndinga Mbo, La gestion économique du Congo (1886-1960). Publication : journal constitué par des nouvelles sous forme d’articles écrits et publiés. - 279 -

La presse congolaise débute donc avec des journaux entretenus uniquement par des colons. Les centres d’intérêt qui retiennent l’attention des rédacteurs concernent essentiellement le social, l’économie et la vie des sociétés commerciales. Peu à peu, la politique y gagne du terrain avec les débuts de la presse d’opinion76, à cause des clivages politiques en Métropole (la France) et leurs répercussions dans l’empire français. En effet, les tenanciers de la poursuite de l’exploitation des territoires d’outre-mer et ceux favorables à l’émancipation de ces mêmes territoires s’opposent à travers les colonnes des journaux qui y sont édités comme dans ceux publiés en France. Les techniques typographiques d’impression employées sont encore rudimentaires. La mise en page des articles est austère, de surcroît sans illustration aucune. Elle est réalisée sans recherche. Il n’y a pas d’équilibre dans la longueur des articles. Les titres n’offrent aucun attrait. Les genres journalistiques les plus courants sont le compte rendu et la brève77. Les articles de commentaire, particulièrement l’éditorial, sont encore inconnus des journalistes de l’époque. Le reportage encore à ses débuts est pratiqué sans habillage journalistique, c’est-à-dire dénué d’éléments de commentaire qui le rendent plus vivant et attrayant. Le tirage des journaux imprimés dans ces conditions atteint à peine quelques centaines d’exemplaires. Leur diffusion se limite à la capitale de la fédération de l’A.E.F., aux capitales des territoires et aux chefs-lieux des circonscriptions administratives. Il n’empêche que ces premiers journaux

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Presse d’opinion : presse engagée qui exprime des idées avec des prises de positions partisanes. 77 Brève : article de presse qui donne une courte information, sans titre et sans développement. - 280 -

rencontrent un énorme succès auprès des lecteurs, presque à 100 % européens. Concrètement, pendant deux ans (1913-1914), paraît à Brazzaville Le Petit Courrier Colonial, vraisemblablement le premier journal en A.E.F., avec une périodicité hebdomadaire78. Il donne des nouvelles de l’A.E.F. et celles en provenance de la France. Sa disparition intervient au début de la Première Guerre mondiale (1914-1918). Pour l’essentiel, la seule presse disponible au Moyen-Congo, par exemple, est constituée par des journaux en provenance de la Métropole et du Congo Belge, tels que Le Carrefour d’Afrique (1930) et L’Avenir Colonial (1931). Ces journaux, édités à Léopoldville (actuellement Kinshasa), donnent des informations sur les deux Congo, particulièrement celle des deux capitales voisines. Ils tirent en moyenne à 300 exemplaires chacun. La capitale de l’A.E.F. commence à devenir le centre d’une activité journalistique prometteuse. Alors, quelques titres viennent enrichir cette presse encore à ses débuts. Le trimestriel79 A .E.F. Paris diffuse dix numéros de 1934 à 1937, suivi par Etoile de l’A.E.F., un autre hebdomadaire, édité seulement au cours du second semestre de 1936 à l’initiative des colons belges. Il change de nom par la suite et devient L’Eveil de l’A .E.F. Dans la période de l’entre-deux-guerres, le gouvernement général de l’A.E.F. publie deux hebdomadaires avec l’intention de contrebalancer l’influence des journaux belges. Il s’agit de France Equatoriale (1937) et Les Recherches Congolaises (1938). Ces deux journaux développent la doctrine de la colonisation française dans le contexte de 78 79

Hebdomadaire : journal publié une fois par semaine. Trimestriel : publication qui paraît tous les trois mois. - 281 -

rivalité avec celle du royaume de Belgique. Ces publications s’adressent en priorité aux administrateurs et à d’autres cadres européens en service au Moyen-Congo. Pendant ce temps les prêtres catholiques lancent un hebdomadaire appelé Les Deux Congo et un mensuel, Le Bon Messager. Le réseau en place des missionnaires catholiques assure la distribution de ces deux publications. Cette expérience des prêtres catholiques confirme leur caractère de pionniers de la presse dans les colonies d’Afrique tel que cela s’est déjà avéré dans plusieurs autres territoires de l’Union Française. Il faut attendre les années 1941-1942 pour voir paraître une nouvelle publication, de périodicité hebdomadaire, appelée France D’abord. Sol des Français Libres d’Afrique. La France est en guerre contre l’Allemagne. Ce journal est un organe de la résistance française à l’occupation allemande nazie. Il soutient l’action du général de Gaulle à la suite de son Appel de Londres du 18 juin 1940. France D’abord. Sol des Français Libres d’Afrique est le pendant en presse écrite de Radio Brazzaville, née de la transformation de la station privée Radio Club (créée en 1932). Les partisans du Général de Gaulle mettent ainsi Radio Brazzaville au service de la France Libre dont Brazzaville est proclamée la capitale, après l’Appel de Londres. Le journal développe la propagande gaullienne tout en combattant celle de l’Allemagne nazie dirigée par Adolf Hitler. Durant la Seconde Guerre mondiale le gouvernement fédéral de l’A.E.F. publie le Bulletin d’Information de la Guerre. Quelques colons créent Le Journal de l’Union Educative de la Jeunesse Africaine et Le Réveil de l’Afrique. Le bulletin s’adresse en priorité aux administrateurs et aux chefs des armées coloniales françaises en Afrique. Les deux autres publications sont destinées au grand public. - 282 -

Au lendemain de la Guerre, on compte trois imprimeries à Brazzaville: l’Imprimerie Officielle de l’ A.E.F, l’Imprimerie Centrale de l’A.E.F., propriété de Senez et l’Imprimerie SaintPaul des missionnaires spiritains, les deux dernières étant privées. Elles vont jouer un rôle important dans l’éclosion d’une presse locale de toutes tendances. Entre-temps, la presse coloniale de l’A.E.F. accélère sa cadence de parution. Elle tente une nouvelle expérience avec un bihebdomadaire80 titré A.E.F. Liberté, Egalité, Fraternité édité à Brazzaville de juillet à décembre 1947. La même année, un jeune prêtre, le père Jean Legall, fonde un petit journal bihebdomadaire au nom de Brazzaville distribué en intercalaire dans le magazine français La Vie Catholique. Le journal donne des nouvelles locales et il est fort apprécié dans les milieux européens de Brazzaville et des centres administratifs secondaires du Moyen-Congo. Petit à petit, son audience s’élargit à quelques Africains qui savent lire. Trois ans plus tard, apparaît un quotidien81 nommé A.E.F. Brazzaville, publié par le Haut Commissariat de la République Française. Il ne dure que sept mois (mai – novembre 1950), à côté de deux mensuels3: La Voix de l’A.E.F. et de l’Union Française (à partir de 1950) et L’Etincelle de l’A.E.F. (19501952). Le journal A.E.F. Brazzaville fait sensation par sa périodicité et par son contenu. Plusieurs nouvelles rubriques trouvent place dans ce premier quotidien de l’A.E.F., conférant à celui-ci une substance quelque peu révolutionnaire82. Le journal propose à ses lecteurs des petites annonces se 80

Bihebdomadaire : publication qui parait deux fois par semaine. Quotidien : dont le rythme de parution est quotidien (en général, sauf pendant le week-end). 82 Révolutionnaire : qui apporte de profonds changements dans un domaine donné, parfois de façon violente et radicale. 81

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rapportant à la vie quotidienne des colons, des nouvelles sur les mouvements des personnels de l’administration coloniale et des propriétaires des sociétés concessionnaires ainsi que des faits divers. Cependant, ce premier quotidien est éphémère. Le volume de travail nécessaire à la vie d’un quotidien exige un personnel permanent et formé pour accomplir les diverses tâches rédactionnelles et celles de son administration, surtout dans les conditions de fabrication des journaux à cette époque. Ce dont sont incapables d’assurer les animateurs du journal A.E.F. Brazzaville, tous des bénévoles, qui occupent diverses fonctions dans l’administration coloniale ou dans le secteur privé. Le mensuel L’Etincelle de l’A.E.F. (1950-1951) qui s’ajoute aux publications pro colonialistes s’inscrit dans la ligne politique de la Métropole. En effet, les colons entendent s'assurer des lendemains d'hégémonie politico-économique après l'indépendance de l'Afrique Noire déjà perceptible dans certains esprits. D’où, la nécessité de renforcer le combat politique par l’appui aux autochtones pro-européens, en s’aidant de la presse. Les années 1950-1951 sont caractérisées par un climat d’antagonisme plus ou moins larvé entre les colons et les indigènes. Dans ce contexte, le 29 décembre 1951, la presse coloniale du Moyen-Congo lance de nouveau un quotidien appelé Equateur. En plus des habituels articles consacrés à l’idéologie colonialiste, cette fois-ci le nouveau journal accorde une place importante aux informations générales. Sa disparition le 30 juin 1952 sonne le glas de la presse coloniale au Moyen-Congo. Ce que confirme le sort de l’autre quotidien, et le dernier qui lui succède, France Equateur de Christian Jay Le Vialet, édité de 1952 à 1955.

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Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les peuples noirs ont pris conscience de leur situation d’exploités. En effet, à la suite de la Seconde Guerre mondiale naissent et se diffusent des idées nouvelles qui éveillent la mentalité des Noirs. Par ailleurs, jusque-là reconnus simplement en tant que « êtres chroniquement inférieurs aux Blancs », les peuples autochtones des colonies obtiennent la citoyenneté française grâce à la réforme administrative introduite en 1947 par l'amorce de la loi-cadre. Cette réforme, contrairement à toute attente, donne un véritable coup de fouet à l'opinion congolaise, de même que certaines publications existantes suscitent de l'intérêt auprès des populations indigènes ; parmi celles-ci on commence à compter des intellectuels83 au sein de la classe embryonnaire des évolués84. Ce sont les intellectuels qui vont constituer la véritable avant-garde de la lutte pour l’émancipation des populations du Moyen-Congo. La presse jusque-là aux mains des seuls Européens, va servir de levier de bataille à la jeune classe politique pour son combat contre le régime colonial. Entre les colons d’une part et les « évolués » à côté des syndicalistes d’autre part, s’engage une lutte à armes inégales au départ, par voie de presse. Mais, au fil du temps, la jeune élite congolaise va s’affirmer dans le combat de libération ainsi engagé. II – Le prélude à l’indépendance A l’instar de ce qui se passe chez les autres peuples colonisés d’Afrique noire française après la Seconde Guerre 83 84

Intellectuels : les premiers indigènes lettrés. Évolué (notable évolué) : habitant de l’A.E.F bénéficiant du statut spécial d’appartenance à une élite privilégiée ayant accompli de bons et loyaux services dans l’administrarion coloniale. Les évolués sont les premiers Africains lettrés à commencer à accéder à la « civilisation européenne ». - 285 -

mondiale, il naît chez les ressortissants du Moyen-Congo le même sentiment de refus de la domination coloniale. Ainsi apparaît une presse que l’on pourrait qualifier « d’opinion »85 dont les principaux acteurs sont les militants des jeunes partis politiques et des syndicats, les uns et les autres généralement affiliés aux formations homologues métropolitaines. Dans ce nouveau contexte, la presse va jouer un rôle de premier ordre dans l’évolution politique du territoire du Moyen-Congo. C’est le début d’une ère nouvelle pour la presse dans son ensemble. Le contenu des journaux pro coloniaux change du point de vue de la mise en page, du nombre de rubriques en augmentation et des genres journalistiques de plus en plus variés avec pour toile de fond, la défense des intérêts coloniaux. Le format demeure celui du tabloïd86 ; les journaux offrent plus de lisibilité87 aidés par une mise en page dont les techniques commencent à s’affiner. Grâce à l’ardeur de la classe politique et à l’activisme des syndicalistes, les articles d’analyse et de formation contenus dans la presse pro africaine en éclosion constituent les principaux moyens de lutte contre le régime colonialiste. Dans les faits et sur le plan juridique, de ses débuts jusqu’à la fin de la colonisation, la presse de la fédération de l’A.E.F. est soumise au régime législatif appliqué en Métropole, parfois avec des modifications nécessitées par le statut colonial des territoires membres. En Métropole, c’est la loi du 29 juillet 1881 qui régit la presse. Cette loi est fondamentalement libérale ; mais elle subit de nombreuses modifications par la 85

Lire, à ce propos, A. C. Ndinga Mbo, 2004, Pour une histoire du Congo-Brazzaville. Méthodologie et réflexions, Paris, L’Harmattan, pp. 82-91. 86 Tabloïd : format du journal équivalent à la moitié du grand format. 87 Lisibilité : déchiffrage aisé, compréhension facile d’un texte, en l’occurrence un article de presse. - 286 -

suite, parfois dans un sens restrictif. Plus tard, le décret-loi du 6 mai 1939 donne pouvoir au ministre de l’Intérieur d’interdire des publications imprimées à l’étranger ou en France. Ces différentes dispositions sont appliquées de manière stricte et sévère dans toutes les colonies françaises sans exception. L’une des conséquences directes de cette loi en A.E.F. est l’étouffement de la jeune presse nationaliste congolaise. 1. La presse pro coloniale Dans la situation décrite précédemment, les quelques journaux des Européens favorables aux Congolais, sont étroitement surveillés par l’administration coloniale. C’est particulièrement le cas des publications animées conjointement par des Européens et des Congolais et dont l’objectif majeur est l'affirmation et la réhabilitation de la personnalité africaine. Leur contenu est donc passé au crible de la censure88. D’ailleurs, les colons ne baissent pas les bras face à la contestation du statut colonial par les populations congolaises. Constatant leur impuissance à empêcher l'évolution politique de celles-ci, ils encouragent les dissensions entre les jeunes partis politiques congolais à travers leur presse embryonnaire, selon le principe de diviser pour régner. L’action de la plupart des colons se focalise sur l’Union Démocratique pour le Développement Intégral Africain (U.D.D.I.A.), parti de l’Abbé Fulbert Youlou créé en mai 1955. Cela se constate à propos de l’activité journalistique déployée dans le milieu des Européens, qui ont jeté leur dévolu sur l’Abbé Fulbert Youlou. Ainsi par exemple, un parti de colons, l’Union du MoyenCongo (U.M.C.), s’allie à l’U.D.D.I.A. De cette union naît un mensuel appelé France-Equateur-L’Avenir (1958), qui 88

Censure : limitation de la liberté d’expression au moyen de l’interdiction totale ou partielle d’un organe. - 287 -

soutient l’U.D.D.I.A. Ce journal est animé par Christian Jayle Vialet (sympathisant du gouvernement de Vichy sous l’occupation allemande de la France) et René Mahé (journaliste de profession), tous deux membres de l’U.M.C. Un autre allié de l’Abbé Fulbert Youlou, Senez, met à sa disposition son quotidien, Le Petit Journal de Brazzaville, créé aussi en 1958. Cet organe s’adresse principalement aux Européens et à la jeune élite congolaise. Par ailleurs, la coalition U.M.C. – U.D.D.I.A. publie Le Progrès économique et social du Moyen-Congo. Dirigée par René Mahé, cette feuille hebdomadaire participe également à la propagande de l’Abbé Fulbert Youlou. En 1958, le système de communication de celui-ci s’enrichit d’un autre journal appartenant à un de ses alliés européens, l’hebdomadaire Le Progrès. Il est la transformation de l’ancien journal FranceEquateur de Christian Jayle Vialet. Le Progrès cesse de paraître en 1960. Toutes les publications du groupe de propagande de l’Abbé Fulbert Youlou sont éditées à Brazzaville. Leurs tirages varient entre 500 et 750 exemplaires ; ce qui est fort remarquable à cette époque. Les rédactions sont animées par des comités composés en majorité d’Européens. Elles bénéficient de l’expérience des professionnels tels que René Mahé, Christian Jayle Vialet et bien d’autres Européens et surtout des services de l’Imprimerie Centrale de l’A.E.F. de l’allié Joseph Vial, homme d’affaires européen. Ce qui n’est pas le cas pour les journaux appartenant aux « progressistes » congolais. Le groupe des colons détenteurs de la majorité des journaux édités à Brazzaville va assurer l’ascension politique de l’Abbé Fulbert Youlou à l’aide de l’arsenal journalistique ainsi constitué. En outre, on constate que l’Abbé Fulbert Youlou a vite compris l’avantage qu’il peut tirer des médias pour sa propagande. C’est ainsi que deux ans après sa conquête du pouvoir, il inaugure la première télévision en Afrique noire - 288 -

francophone. Entre-temps, les choses ne seront plus comme avant. Il va falloir compter avec la presse de la jeune classe congolaise. 2. La presse intermédiaire Depuis 1952, les Africains s’intéressent de plus en plus au journalisme et à ses produits. Les lettrés s’illustrent par leur participation rédactionnelle aux publications en création. Cette activité journalistique des deux camps opposés confirme Brazzaville dans son rôle de principal centre de production journalistique aussi bien pour les tenants de la colonisation que pour les « nationalistes » congolais. Les organes de presse de la catégorie intermédiaire sont d’existence récente. Leurs rédactions comprennent des Européens et des Africains. Sur l’échiquier national, il s’agit d’une presse située entre celle qui est aux mains des Européens et la jeune presse généralement dirigée par des autochtones congolais. Entre les journaux qui soutiennent la pérennisation de la colonisation et ceux qui traduisent l’expression de l’éveil politique des peuples meurtris par ce régime se distinguent trois périodiques selon leurs propriétaires et leurs contenus respectifs. L’un est laïc et les deux autres sont religieux. Le laïc, c’est la revue Liaison, tandis que les deux religieux sont La Semaine de l’A.E.F. et Islam - A.E.F. La revue Liaison naît à la fin de 1950. C’est un organe trimestriel de libre expression des jeunes évolués lettrés des cercles culturels89 implantés dans les centres urbains et dans les chefs-lieux de région et de district des quatre territoires de l’A.E.F. 89

Cercles culturels : centres d’activités culturelles et éducatives crées dans les territoires de l’A.E.F par l’administration coloniale. - 289 -

La particularité de cette revue réside dans le fait que ce n’est pas exactement un organe de presse. C’est une revue scientifique de périodicité trimestrielle. Elle tire près de 1200 exemplaires au numéro et se consacre aux échanges entre les membres des différents cercles culturels. Son contenu rédactionnel concerne les activités des cercles dans divers domaines culturels (histoire, géographie, littérature, économie, sociologie, arts, culture, etc.). Aidés par le gouvernement général de l’A.E.F., les animateurs de Liaison trouvent en celle-ci un support de qualité pour exprimer leur africanité. Ils font appel à la collaboration de nombreux correspondants disséminés à travers toute la fédération équatoriale parmi lesquels, des instituteurs. En effet, ceux-ci représentent la première classe des Africains qui accèdent à l’alphabétisation. La plupart des articles de Liaison sont des comptes rendus des activités des cercles culturels, des tribunes libres, des résultats de recherche et d’étude de divers thèmes sur lesquels se penchent les animateurs des cercles en question. Le comité de rédaction de la revue est composé aux deux tiers d’Africains. L’un d’eux, Paul Lomami Tchibamba, dirige la revue de sa création jusqu’à sa cessation de parution au début de 1959. A l’accession du Moyen-Congo à l’indépendance, plusieurs membres du comité de rédaction de la revue embrassent la vie politique dans leurs pays respectifs. Au Moyen-Congo, c’est le cas de Céline Yandza, Marcel Ibalico, Bernard Mambeke-Boucher, Dominique Nzalakanda, Maurice Lheyet Gaboka, Antoine Letembey-Ambili ... La revue Liaison aura contribué à la formation de la première élite intellectuelle d’Afrique centrale. La Semaine de l’A.E.F., journal de l’église catholique, c’est une fois de plus l’œuvre du père Jean Legall. Bihebdomadaire créé en septembre 1952, sa vocation est d’être témoin de

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l’histoire de l’A.E.F. en tant qu journal d’information et de servir de moyen d’expression libre à la jeune élite de l’A.E.F. A peine créé, le journal ouvre ses colonnes aux lecteurs et aux correspondants tous azimuts. Au fil du temps, il s’y exprime cette effervescence caractéristique des prémisses de libération nationale déjà observée ailleurs. Après avoir été dirigé par son créateur, puis par un autre prêtre français, la direction du journal est assurée par des Congolais dont le premier est Mgr Louis Badila. En tant que directeur de la publication90, Mgr Badila apporte du tonus au journal. Plus tard, prenant ouvertement position contre le régime politique de la deuxième république, il s’attire les foudres du pouvoir en place. Par ailleurs, le nombre de rubriques augmente en rapport avec l’intérêt qu’un public de plus en plus large accorde au journal. Le sport et la culture y occupent une surface rédactionnelle importante. Le nombre de pages aussi augmente rapidement ; il passe de huit à douze par exemplaire. La chronique91fait son apparition à côté du courrier des lecteurs. Alors que la radio est encore à ses débuts, La Semaine de l’A.E.F. s’impose comme l’un des meilleurs organes d’information depuis sa création jusqu’au milieu des années 1960. Le journal doit cette position à son rigorisme moral et à la qualité rédactionnelle de ses articles, tout en prenant un moment ses distances avec les querelles politiques. Sur le plan technique, il s’assure les services de l’Imprimerie Saint-Paul. D’où sa régularité de parution. La Semaine de l’A.E.F. change d’appellation en janvier 1959 et devient La Semaine Africaine, en harmonie avec la 90

Directeur de la publication : personne qui incarne l’autorité d’un organe de presse et qui est responsable devant la loi. 91 Chronique : article qui commente régulièrement l’actualité sur un ton léger et signé par une personnalité du journal ou non. - 291 -

création des Etats-Unis d’Afrique Centrale (E.U.A.C.), à la place de la fédération de l’A.E.F. Le troisième organe de la catégorie intermédiaire est le mensuel Islam - A.E.F. édité par la communauté musulmane de Brazzaville à partir de 1954. Le tirage de ce mensuel d’obédience islamique se situe généralement autour de 600 exemplaires. Le journal manifeste ouvertement son engagement politique en faveur des « Aéfiens »92. Edouard Eliet, européen converti à l’islam et présentateur d’émissions à Radio-Brazzaville, en est le principal animateur. Sous sa plume, le pamphlet93 fait son apparition comme genre journalistique. A partir de 1959, l’auteur s’en prend sans ménagement aux musulmans originaires de l’Afrique Occidentale Française (A.O.F.), favorables aux Européens. Entre-temps, la direction de l’Islam - A.E.F. connaît des dissensions en son sein justement à cause de l’antagonisme entre les musulmans « Aofiens » (pro européens) et les musulmans ressortissants de l’A.E.F. C’est ainsi que par la suite, Edouard Eliet prend la direction du journal qui se transforme en Climats d’Afrique et d’A.E.F. Tout en conservant l’ancienne périodicité de parution, le mensuel adopte une ligne éditoriale franchement hostile à l’Abbé Fulbert Youlou, lequel est soutenu par la majorité des Européens vivant au Moyen-Congo. Dans la même catégorie des publications dites intermédiaires, on trouve un quotidien, Le bulletin de l’Agence France Presse. C’est un organe de collecte et de distribution des nouvelles de l’actualité de l’A.E.F. adressées aux 92

Aéfien : habitant de la fédération de l’Afrique Equatoriale Française (à l’époque coloniale). 93 Pamphlet : article satirique d’un ton souvent violent, caustique. - 292 -

rédactions de la presse locale et, bien sûr, au desk94 central à Paris, par liaison radiotélégraphique. 3. La presse nationaliste A une presse aux comités de rédaction partiellement ou de majorité européenne, s’oppose une autre presse engagée dont les équipes rédactionnelles sont majoritairement africaines. Les Africains prennent le contrôle d’une partie des nouvelles publications. Les jeunes partis politiques et les syndicats autochtones trouvent dans les colonnes de la nouvelle presse en herbe un espace favorable à la diffusion de leurs idées et des mots d’ordre à l’attention des travailleurs congolais. Les notables évolués sont les principaux animateurs de la nouvelle presse qui se présente à la fois sous forme de publications habituelles, c’est-à-dire des journaux, et sous celle de feuilles de chou95 (particulièrement en ce qui concerne la presse syndicale). Ils vont constituer la première génération de l’élite congolaise. La jeunesse congolaise n’est pas en reste dans la lutte anticoloniale. Au sein du territoire du MoyenCongo et en France, elle s’organise et souvent par voie de presse, se joint aux partis politiques et aux syndicats pour combattre le pouvoir colonial. Fait remarquable de taille, la jeune presse pro-aéfienne va cohabiter avec celle des colons dans les mêmes conditions que le sont les populations africaines avec les colons européens depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En effet, les populations africaines supportent de plus en plus mal la domination coloniale. C’est donc à travers la presse que s’exprime essentiellement leur ras le bol. D’où, la presse de la période 1956-1960 participe à la préparation du terrain pour la 94 95

Desk : bureau ou représentation d’une agence de presse. Feuille de chou : journal de fabrication artisanale imprimé sur du papier dactylographié ou ronéoté. - 293 -

libération du joug colonial. Sa principale tâche consiste à former les populations indigènes à la vie civique et politique. La décennie 1948-1958 est significative de la naissance du nationalisme des ressortissants des territoires de l’A.E.F. et de la reconquête de leur personnalité après plus d’un demi-siècle de colonisation. Pendant cette période, les syndicats se situent aux avants-postes de la lutte pour l’indépendance en A.E.F., comme dans la plupart des colonies africaines de la France. L’action des journaux d’opinion se cristallise donc sur la lutte anti-coloniale. Ainsi à la veille de l’indépendance, d’autres publications voient le jour, certaines ayant une espérance de vie plus ou moins longue que d'autres. On y distingue une presse aux mains des partis politiques, celle tenue par les syndicalistes et une autre animée par des mouvements de jeunesse.  La presse politique Les partis politiques sont actifs au Moyen-Congo au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ils utilisent à fond la presse pour la mobilisation et la formation de leurs militants. Cette presse sert aussi de moyen de communication entre les dirigeants des divers partis de même obédience. Ainsi vont éclore plusieurs publications, soit sous forme de journaux classiques, soit sous forme de feuilles ronéotées Le rôle de la presse politique va en croissant dans le territoire du MoyenCongo, vu sa large audience en milieu des travailleurs. Elle véhicule essentiellement les idées et les mots d’ordre des partis dont la contestation du régime colonial s’accroît. Le Mouvement Socialiste Africain (M.S.A.) de Jacques Opangault compte parmi les premiers partis à se servir de la presse au Moyen-Congo. De 1949 à 1959, le M.S.A. publie L’Indépendant du Moyen-Congo ; un mensuel de périodicité plutôt irrégulière et dont le tirage se limite à 300 exemplaires. - 294 -

Par ailleurs pendant deux ans (1958-1960), le M.S.A. lance un autre mensuel, aussi irrégulier que le premier, dénommé L'Essor, avec près de 350 exemplaires de tirage. Le Parti Africain pour l'Indépendance de Moe Poaty, de tendance communiste, édite lui aussi un mensuel sous le titre de La Lutte depuis 1949. Son tirage atteint difficilement les 200 exemplaires ; sa périodicité est irrégulière. A.E.F. ouvelle, organe du Parti Progressiste Congolais (P.P.C.) présidé par Félix Tchicaya paraît d’août 1948 à novembre 1949. Jean Malonga préside le comité de rédaction composé de Félix Tchicaya, Stéphane Tchitchelle, Gabriel d’Arbousier, Gabriel Lisette, etc. Le journal introduit une innovation de taille dans ses colonnes : une rubrique satirique96 contre le colonialisme et le racisme des blancs intitulée, Citoyens ou pas citoyens ? Dans les colonnes du journal, on lit également des articles d’information sur la vie du parti et des articles de fond du genre « tribune libre ». Le tirage d’A.E.F. ouvelle oscille entre 300 et 400 exemplaires. Dans la même période pré indépendance, on enregistre la parution d’autres journaux, tels que La Croix du Sud, L’Etincelle, Envol, moins importants par leur tirage autant que par leur audience. L’exemplaire revenant à 15 F CFA en moyenne.

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Article (journal) satirique : article (journal) de contenu critique souvent avec un penchant ironique. - 295 -

 La presse syndicale Les moyens de communication des syndicats corporatifs sont essentiellement des feuilles ronéotées, des brochures et des tracts97 fabriqués le plus souvent de façon artisanale avec de faibles tirages. Ici également, ce sont les lettrés qui jouent les premiers rôles, presque tous des amateurs en matière de journalisme. Les publications syndicales sont de parution occasionnelle ou irrégulière. Elles sont diffusées souvent clandestinement ; mais elles jouent un grand rôle dans la transmission des mots d’ordre des états-majors des partis et la diffusion des informations vers leurs bases, ainsi que la formation des travailleurs. Dès 1950, l’activité syndicale va en s’amplifiant ; elle est fortement appuyée par une presse dont les acteurs sont inexpérimentés. A partir de cette date, la C.F.T.C. (Confédération française des travailleurs chrétiens) diffuse le mensuel Conscience Ouvrière tiré à près de 300 exemplaires. L’Union des Syndicats du Moyen-Congo édite un mensuel sous l’appellation Solidarité, de fin 1954 à la mi-1959. 1956 est le point de départ de l’intensification de l’action syndicale. A cette date le mensuel A.E.F.-Force Ouvrière fait son apparition dans les kiosques. Le nombre de feuilles se multiplie. Parmi celles-ci, on trouve La Croix du Sud, Envol.  La presse de la jeunesse Elle est localisée à Pointe-Noire où l’Union de la Jeunesse, présidée par Aimé Matsika, publie une feuille ronéotée appelée Eveil de Pointe-oire et qui tire à 200 exemplaires. Toujours à Pointe-Noire, l'Union de la Jeunesse Congolaise (U.J.C.)

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Tract : document clandestinement.

imprimé

anonyme

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(non

signé)

distribué

publie quotidiennement Le Bulletin de Pointe-oire, sous forme de feuille ronéotée par Faci, et de diffusion limitée. En France, les étudiants congolais participent au combat politique contre le colonisateur. Organisés au sein de l’Association des Etudiants Congolais (A.E.C.) et affiliés à la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (F.E.A.N.F.), ils publient Le Bulletin de l’A.E.C. qui paraît mensuellement et est distribué jusqu’au Moyen-Congo. L’organe d’expression des étudiants congolais est un mensuel créé en 1953. Son ton est virulent vis-à-vis du système colonial et de ses tenants. Lazare Matsokota est le président du comité de rédaction, auquel appartiennent Hélène Bouboutou, Jean-Marie Conko et Martial Sinda. On note également l’existence de Carrefour des Jeunes, une autre publication de la jeunesse, publiée cette fois-ci à Brazzaville. III – La presse sous la première république ( 1960-1963) Au lendemain de l’accession du territoire du Moyen-Congo à l’indépendance, beaucoup de publications cessent de paraître. Il en reste quelques unes, entre autres FranceEquateur-L’Avenir, Le Petit Journal de Brazzaville, La Semaine Africaine, Le Bulletin de Pointe-oire, Le Bulletin de l’A.F.P., Le Bulletin de l’A.E.C. Pour la plupart, ces publications augmentent leur potentiel rédactionnel, améliorent leurs structures de direction et maintiennent leur périodicité. Dans l’ensemble, leurs tirages respectifs augmentent peu. Dès la proclamation de l'indépendance, l'Abbé Fulbert Youlou, devenu président de la République, créé un hebdomadaire gouvernemental appelé L'Homme ouveau. Kongo Ya Sika, tirant à près de 800 exemplaires. Excellent organe de propagande de l’U.D.D.I.A. et de son chef ayant

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accédé à la magistrature suprême, il cesse de paraître en 1963 avec la fin de la première république. L’Organisation de l’Unité Africaine née en 1960 insuffle aux jeunes Etats africains l’esprit de mettre en place des organes de souveraineté nationale. Dans ce contexte, le président Fulbert Youlou nationalise l’Agence France Presse (A.F.P.) en juin 1961, en créant l’Agence Congolaise d’Information (A.C.I.). La nouvelle agence nationale qui produit et distribue un bulletin d’information à la place de celui de l’A.F.P. a le monopole de collecte et de distribution des nouvelles. Les principaux clients de l’agence nationale sont les administrations, les représentations diplomatiques, les agences du système des Nations Unies et les organisations non gouvernementales. L’A.C.I., organisme autonome doté de la personnalité civile, est gérée selon le droit commercial. Cinq ans plus tard, l’agence est transformée en service public rattaché à la Direction de l’Information. Le tout nouveau président de la République redoute la diffusion des idées progressistes en vogue sur le continent africain. L'orientation de la politique nationale imprimée par son gouvernement apparaît en porte à faux par rapport aux aspirations de la jeune classe politique. Alors le pouvoir érige un système législatif répressif envers la presse de l’opposition. En conséquence, la réglementation en vigueur sur la presse vide les publications jugées dangereuses de leur contenu rédactionnel. Les restrictions judiciaires contre la presse s'accentuent; le régime de censure exaspère les partis politiques et les syndicats opposés à l'U.D.D.I.A. Dans cette atmosphère d’étouffement, la presse clandestine se développe, surtout celle entretenue par les syndicats : brochures, feuilles ronéotées, tracts, etc. circulent hors de portée du pouvoir et à son détriment. La presse d’opinion se confirme en jouant à fond son rôle de contre-poids au pouvoir. - 298 -

On y note des essais timides de caricature et l’accentuation des pamphlets. Editoriaux, libres opinions et tribunes libres occupent des surfaces rédactionnelles importantes dans les journaux qui se vendent à 25 F CFA pour la plupart. C’est dans ces conditions de contestation politique et sociale largement soutenue par la presse que le régime du président Youlou s’achemine vers sa chute en août 1963, laissant la place à une équipe de jeunes « socialistes », artisans des lendemains de la Révolution congolaise. IV – La presse sous le régime révolutionnaire (1963-1991) 1. La première partie de l'expérience « révolutionnaire » (1963-1975) Comme cela s'observe généralement au lendemain de bouleversements politiques de profonde ampleur, la période qui s'étend de 1963 à 1968 se caractérise par une floraison de journaux et autres feuilles de chou, la plupart d’entre eux d’une vie éphémère. D'une part, l'enthousiasme révolutionnaire encourage la naissance d'une presse véritablement congolaise, essentiellement militante; d'autre part l’éclosion de cette presse ne se traduit pas par son épanouissement réel. Parmi les facteurs à l’origine de cet état des choses, il y a l'absence de capitaux privés congolais importants investis dans le secteur de la presse, la caducité des moyens d'impression, le manque de qualification professionnelle et l'incompétence de beaucoup de personnes devant se vouer aux tâches journalistiques. Le nouveau pouvoir, de type socialiste, met en place une législation sur la presse conforme à son idéologie socialiste. D’ailleurs, la notion d’information est vite remplacée par celle de propagande, avec pour conséquence l’instauration officielle de la censure. Pour le pouvoir, « les organes de presse sont des instruments de conquête et de consolidation du pouvoir ». - 299 -

Au cours de cette période, l'hebdomadaire La Semaine Africaine survit aux tracasseries infligées par le nouveau régime socialiste de parti unique, le Mouvement national de la Révolution (M.N.R.). La principale victime en est le directeur de la publication, à cause de ses prises de position anticommunistes. Il est l’un des rares rescapés de la première république sur l’échiquier national de la presse. Son prix de vente, de 10 F CFA à la création est passé successivement à 20, 25, 30, puis 40 F CFA de 1971 à 1976. Dans l’enthousiasme révolutionnaire il se produit une floraison de nouveaux journaux, parmi lesquels on note : Dipanda, Etumba (tous deux pro gouvernementaux), Basali Ya Congo (organe du syndicat unique), La Voix Africaine, gounga, Mouinda, La ouvelle Congolaise, Le Journal de Brazzaville, La Vie Congolaise. Plusieurs de ces journaux sont théoriquement des hebdomadaires. D’ailleurs, certains d’entre eux sont voués à une disparition rapide. Leur prix de vente varie entre 25 et 50 F CFA. De cet ensemble de publications en émerge un nombre limité. Le plus important est Dipanda, en raison de son rôle de catalyseur dans le processus révolutionnaire et de son impact sur le public. Son comité de réaction est composé essentiellement de cadres du parti et de militants. Le contenu rédactionnel est purement de la propagande inspirée du style soviétique. Son tirage croît de 1500 à 2500 au cours de son existence. Dipanda, créé en septembre 1963, est un hebdomadaire d'opinion. Il est résolument rangé aux côtés du Mouvement national de la Révolution (M.N.R.) et, plus tard, au Parti Congolais du Travail (P.C.T.). NDalla Graille (alias Claude Ernest NDalla) est le moteur de la publication. Celle-ci cesse de paraître en septembre 1967. Dipanda représente une expérience

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limitée dans le temps, mais dont la portée idéologique et politique est déterminante pour le régime socialiste. A cette époque, une autre publication retient l'attention, Etumba (1965). C’est vraiment l’organe de combat politique et idéologique du parti unique au pouvoir. Le nom du journal est explicite à ce sujet. Au début, c’est un bimensuel, puis à compter de 1966, il devient hebdomadaire. Son tirage moyen est de 1500 exemplaires. Journal d'opinion par excellence, il est l'organe du comité central du M.N.R., puis du Parti Congolais du Travail qui succède au M.N.R. Devenu hebdomadaire, il se substitue progressivement à Dipanda dont il prend finalement la place, celui-ci ayant cessé d’exister en 1967. Etumba cesse de paraître en 1991. A l’instar d’autres régimes socialistes, le P.C.T., parti unique au pouvoir, s'appuie sur les organisations de masse qui orchestrent une propagande effrénée. Une gamme de publications dirigées par ces organisations voit le jour : Basali Ya Congo (1966) de la Confédération Syndicale Congolaise (syndicat unique), Le Combattant Rouge (1970) de l'Armée Populaire Nationale (A.P.N.), Jeunesse et Révolution (1975) de la Jeunesse Socialiste du Congo (U.J.S.C.), Bakento Ya Congo (1976) de l'Union Révolutionnaire des Femmes du Congo (U.R.F.C.). Animés par des militants généralement sans formation journalistique et parfois de faible niveau culturel, tous ces journaux essentiellement de propagande, enregistrent beaucoup d’invendus du fait du peu d’intérêt qu’ils suscitent auprès des lecteurs. En effet, le fond et la forme des articles ne sont pas toujours convaincants et attrayants, vu le peu de substance informatif et la qualité rédactionnelle des articles. Pour parer au désintéressement du grand public vis-à-vis de la presse du parti et sur recommandation du deuxième congrès - 301 -

ordinaire du P.C.T. (juillet 1974), il est créé un hebdomadaire d’envergure nationale, le journal Mwéti, lancé en 1975. Il est fabriqué avec professionnalisme, en dépit de l'absence d'une sérieuse étude de faisabilité. Tiré à près de 3500 exemplaires, Mwéti s'impose sur le marché sous l’impulsion de Claude Bivoua, un ancien journaliste de talent de Radio-Congo. Le service public tente l’expérience d’un journal économique en 1973 avec le mensuel L’Effort. L’objectif du journal est la vulgarisation des questions économiques et de donner la possibilité aux acteurs économiques de s’exprimer à travers ses colonnes. En grand format, son tirage de démarrage est de quelques centaines d’exemplaires. Mais l’expérience tourne court et le journal s’arrête de paraître en 1974. Pendant longtemps, les seules tentatives viables du secteur public sont constituées par le mensuel rural sengo (1972) et le bulletin trimestriel du Centre Congolais du Commerce Extérieur (C.C.C.E.) (1975-1978). sengo, organe de vulgarisation agricole édité par la direction de l'Education Permanente et de l'Alphabétisation, a une longévité appréciable, puisqu’il paraît jusque dans les années 1995 avec un tirage variant autour de 600 exemplaires. Quant au bulletin du C.C.C.E, avec près de 300 exemplaires distribués, il représente une source d’information et de liaison pour les exportateurs, les importateurs congolais et leurs partenaires étrangers. Enfin, toujours parmi les publications gouvernementales, le Centre Régional Forestier de Pointe-Noire édite la revue La Forêt à partir de 1971. Cette revue est destinée aux exploitants forestiers et au monde des affaires intéressé par l'économie du bois, une des principales ressources naturelles du Congo.

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Sur le plan de la presse sportive, une courte expérience, la première du genre, est tentée avec l’hebdomadaire Le Sportif (1972-1974) : œuvre d'un ancien journaliste de La Voix de La Révolution Congolaise, Auguste Célestin NKoua. Confronté à de multiples difficultés de diverses natures, la disparition de cet hebdomadaire, tiré à près de 2000 exemplaires et fort apprécié du grand public, laisse un vide qui ne sera comblé que plus tard. Il est probable aussi que l'absorption du journal Le Sportif par l'Agence Congolaise pour le Développement du Sport, de la Culture et des Arts (A.C.D.S.), soit une autre cause de sa disparition. A cette époque, la présence du mensuel féminin Mwasi dans les kiosques congolais est un cas particulier. En effet, cette publication fondée en 1972 est éditée hors du Congo ; elle appartient à une chaîne de revues africaines ayant pour siège Dakar. Mwasi n’a pas de matière journalistique substantielle ; il affiche une attitude pro occidentale flagrante (certainement pas au goût du jour, politiquement parlant). 2. La seconde partie de l'expérience révolutionnaire (1976-1991) La seconde partie de l’expérience révolutionnaire va de la veille de l'assassinat du président Marien Ngouabi (mars 1977) à la fin du régime de parti unique (1991). La Semaine Africaine, qui a déjà eu plusieurs démêlés avec le pouvoir socialiste par le passé, a perdu un peu de sa vigueur et de sa causticité d’antan. Le journal continue de paraître régulièrement, mais avec un contenu adouci concernant la vie politique et l’action gouvernementale. Le coût de l’exemplaire est de100 F CFA jusqu’en 1992. Quelques autres journaux sont mis sur le marché sans succès. Aucun d’entre eux ne parvient à susciter de l’intérêt - 303 -

réel auprès du public en raison de la médiocrité des articles et du champ des investigations journalistiques réduit presque aux faits politiques. La presse du parti-Etat se développe tant bien que mal. Mwéti, jusque-là hebdomadaire, devient quadrihebdomadaire, avant de retomber à une cadence de parution inférieure à celle du temps de sa création. Son tirage se stabilise autour de 3000 exemplaires, auxquels s’ajoutent des numéros spéciaux à l’occasion de grands événements nationaux. Par ailleurs, en 1980, la présidence de la République lance Congo Magazine, un magazine illustré d’informations générales. Par la suite, celui-ci est repris par le ministère de l’information dans les années 1984-1985, puis il disparaît. Quelques autres tentatives d’édition d’un magazine illustré, cette fois-ci des activités présidentielles, échouent les unes après les autres sous divers titres : Prési-infos, Congoscopie, etc. Par ailleurs en 1985, le ministère de l’information crée un hebdomadaire sportif, Le Stade. Pendant une demi-décennie, ce journal en grand format connaît un succès réel avec un tirage qui atteint les 6000 exemplaires à l’occasion de grands événements sportifs nationaux. Le Stade finit par sombrer dans la torpeur générale qui caractérise alors l’ensemble des médias du secteur public de l’époque. Il disparaît à cause de l’irrégularité de parution, la baisse sans cesse du tirage et de bien d’autres facteurs. Dans les années 1985-1986, un mécène au nom de Maurice Nguesso, tente l’expérience d’un magazine mensuel d’économie, axé sur le développement appelé Le Fanion. En raison d’une étude de marché peu fiable, Le Fanion manque son objectif et se transforme en un magazine culturel et sportif d’Afrique Centrale. Cependant la faiblesse de la rédaction et le faible taux de collecte de publicité censée rentabiliser - 304 -

l’entreprise, vouent le magazine à l’échec. Près de 25 ans plus tard, le mécène lancera un groupe de presse98 de même nom comprenant deux stations radio et une station télévision. En novembre 1988, un décret présidentiel érige l’A.C.I. en une direction générale de service public à caractère industriel, tout en lui conservant le monopole de la collecte et de la distribution des nouvelles. Sous-équipée, l’agence ne parvient pas à jouer le rôle de « grossiste » de nouvelles pour les autres médias. Même la réalisation d’un vaste projet de régionalisation de l’agence et de renforcement de ses capacités techniques, à l’aide de la coopération canadienne, n’améliore pas la qualité des prestations de l’A.C.I. dont le bulletin est tiré à moins de 1000 exemplaires. La seconde partie du régime socialiste se caractérise par une forte emprise du pouvoir politique sur les médias publics et par le découragement de la presse privée par l'action du département de la presse et de la propagande du parti unique. Cependant quelques nouveaux titres de valeur inégale et de longévité variable voient le jour dans la presse du service public, tandis que quelques expériences privées sont souvent éphémères. Au cours des années 1976-1991, la propagande du parti unique – bien que parfois mal conçue et souvent mal réalisée – a pour principal effet de laminer l'opinion publique. L’Etat privilégie le secteur de l’audiovisuel public au détriment de la presse écrite. L'imprimerie nationale accuse déjà la vétusté criarde de ses équipements, concurrencée par l’Imprimerie Nouvelle, tandis qu'on assiste à la naissance et à l'évolution aléatoire 98

Groupe de presse : ensemble de plusieurs organes de presse, par exemple de journaux appartenant à un même propriétaire. - 305 -

d'imprimeries privées. Celles-ci se développent surtout grâce aux travaux de ville, alors que le contenu des journaux est pauvre, peu attrayant et d'un intérêt pas toujours certain. Grâce à l’introduction de l’informatique, la publication assistée par l’ordinateur fait son apparition dans les jeunes imprimeries et dans quelques services de rédaction des journaux. Cette période se caractérise par l’apparition de la caricature99 dans les journaux, en plus d’une certaine audace rédactionnelle dans le traitement de l’actualité politique. A la veille de la Conférence nationale (février- juin 1991), le paysage médiatique congolais accuse une morosité sans précédent ; peut-être est-ce le reflet de la situation sociopolitique nationale, elle-même marquée par une lassitude sociale perceptible. V – La presse du renouveau démocratique : 1991-2010 1. De l’après Conférence nationale aux « événements » de 1997 L'année 1991 marque un tournant décisif sur le plan politique, mais aussi sur celui de la presse. Le processus démocratique engendré par la Conférence nationale donne lieu à une explosion médiatique sans précédent; mais il s'agit d'une presse euphorique, sans ressources et de mauvaise qualité dans son ensemble. Il y a émergence d'une nouvelle presse écrite de tendance libérale dans des conditions par ailleurs comparables à celles des années 1964-1965. Au nom de la liberté proclamée à la Conférence nationale, les journalistes ne ratent pas d’occasions de se défouler sur le dos des hommes politiques, parfois de 99

Caricature : dessin de presse d’un personnage sous ses traits grossiers, déformés, dans une intention satirique ou polémique. - 306 -

manière outrageuse, en commettant des délits de presse rarement réprimés. A côté des anciennes publications telles que La Semaine Africaine, Etumba, Mwéti et le bulletin de l'A.C.I., naissent de nombreux périodiques aussi bien variés du point de vue de leur substance que de leurs formats (de la feuille volante, en passant par le format tabloïd jusqu'au grand format). En 1991 on enregistre la naissance des journaux suivants : Aujourd'hui, Madukutsékélé, Le Choc, Les Chiens Ecrasés, Le Tam-tam, L'Océan, gouvou. Tous ces journaux et ceux qui vont suivre sont imprimés en format tabloïd sur 6 colonnes. Le prix du journal se standardise. Entre 1992 et 1997, il augmente graduellement de 200 à 350 F CFA. La presse satirique fait son apparition avec l’hebdomadaire Madukutsékélé, pionnier de cette nouvelle approche journalistique des faits. Le journal excelle dans l’utilisation de la caricature en tant que genre journalistique à part entière. Journal satirique par excellence, son audace et sa vivacité en font vite l'une des publications préférées du grand public. D’où, il bat les records des ventes, celles-ci se situant autour des 3000 exemplaires. Dans son genre, il est bientôt rejoint par La Rumeur. Par suite de profondes divergences internes, une partie de l’équipe de La Rumeur se sépare du journal et créé un autre périodique dénommé La Rue Meurt. Politiquement, Aujourd'hui, Révélations, La Rumeur, La Ruche, Le Rayon et quelques autres journaux soutiennent les partis de l’opposition au président Pascal Lissouba. Du point de vue journalistique, Aujourd'hui et Le Temps, par exemple, se distinguent de cet ensemble par leur professionnalisme. Ils sont imprimés en grand format sur 6 colonnes et utilisent abondamment la photo. Mais celle-ci, est généralement de

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qualité moyenne à cause des défauts à l’impression typographique, comme pour la plupart d’autres journaux. Les partis politiques créés entre-temps s'intéressent également à l'activité journalistique à travers des journaux d'opinion. Cela donne des publications théoriquement hebdomadaires tels que La Colombe, Le Soleil, Mon Pays, le Tabou. Plusieurs autres publications, bien que se réclamant journaux d'informations générales sont en réalité plus ou moins proches de l'un ou l'autre des deux pôles de l'échiquier politique national. Il s’agit de : L'Explosion, La Boussole, Le Canard du Mercredi, Le Temps, La Corne Enchantée, Son Journal, etc. tous, favorables à la coalition des partis au pouvoir. Aujourd'hui, Révélations, La Rumeur, La Ruche, Le Rayon et quelques autres titres soutiennent les partis de l’opposition au président Pascal Lissouba. La vie politique nationale se caractérise par l’apparition de deux pôles constitués par les deux grands partis du moment (le P.C.T. et l’U.P.A.D.S.) et leurs alliés ; ce qui rappelle sans trop d’analogie la division du pays en nord et sud à la veille de la proclamation de la République. Cette situation a un large écho dans la presse et donc influe beaucoup sur l’opinion publique au sein de laquelle on perçoit des signes avant coureurs de luttes politiques âpres. La classification de la plupart de ces journaux selon les critères habituels est difficile. En effet, la distinction entre journaux d'informations générales, journaux d'opinion et ceux dits spécialisés est quasi impossible. Dénués de ligne éditoriale précise, les genres journalistiques pratiqués sont confus. Une analyse sommaire révèle les principales caractéristiques de leur contenu. Il y a un point commun entre ces différents journaux : la propension à traiter presque exclusivement des sujets politiques au détriment des autres aspects non moins - 308 -

importants de la vie. En grande majorité, les articles ont une portée soit informative, soit explicative ou encore promotionnelle avec un recours fréquent au reportage, à l’interview et au commentaire. Le journalisme d’investigation est à peine abordé en l’absence d’enquêtes véritables, d’articles d’éducation, de vulgarisation et de prospection. Quant au langage, il est encore de qualité passable. Le résultat global est une presse au contenu pauvre du point de vue informatif et une espérance de vie généralement courte des journaux. La majorité des journalistes accusent un niveau moyen de qualification et une faible expérience professionnelle. Ils connaissent à peine les principes déontologiques et les textes juridiques et réglementaires en matière de journalisme. Il en résulte beaucoup de possibilités de poursuites judiciaires en raison de nombreux cas de délits de presse observés à travers diverses livraisons, d’où l’interpellation de temps à autre de quelque directeur de publication par les tribunaux pour délit de presse. Cela se produit, bien que les Etats généraux de l’information et de la communication tenus en avril et mai 1992 aient donné lieu à un code déontologique appelé « Charte des professionnels de l'information et de la communication » et à la « Loi sur la liberté de la presse », promulguée tardivement en juillet 1996. D’ailleurs, dans son application, cette loi était devenue un outil de répression au service du pouvoir du président Pascal Lissouba. Malgré la curiosité et l'intérêt du public pour la presse écrite, les propriétaires de ces journaux enregistrent beaucoup d'invendus, variant entre 15 et 22 % de leurs tirages. Le phénomène des invendus tient à la faiblesse de distribution des journaux au Congo, car il n’existe pas toujours des réseaux de distribution de la presse, à défaut de messageries. A cause de cela, la presse congolaise demeure encore largement un phénomène urbain, cantonné essentiellement dans la capitale, Brazzaville. - 309 -

Les conditions de fabrication des journaux n'ont pas beaucoup évolué depuis longtemps, si ce n'est l'introduction de la publication assistée par ordinateur et le recours progressif à des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Enfin, il n’y a pas encore de véritables entreprises de presse. La gestion des périodiques demeure quelque peu artisanale. Le Conseil Supérieur de l'Information et de la Communication (C.S.I.C), organe de régulation en matière de communication, créé par la loi de juillet 1996, est mis en place au début de 1997. Réduit à un simple rôle consultatif, il est dissout à l'instar de toutes les institutions nationales sans avoir réellement fonctionné, du fait de la guerre civile du 5 juin 1997. C’est alors qu’en 1997, tandis que le pays s’achemine vers la guerre civile, naît une agence de presse multimédia, Les Dépêches de Brazzaville, véritable gageure dans le contexte politico-économique du moment qui tient de la féroce volonté d’un journaliste français, Jean-Paul Pigasse. Les événements qui surviennent par la suite vont porter un coup dur à l’ensemble de la presse congolaise. 2. La presse post conflit (1998-2010) Après les tragiques « événements » de 1997 et 1998, la presse se relance lentement. Les technologies de l’information et de la communication entrent dans ce secteur. De plus en plus, de jeunes gens formés aux métiers de la presse arrivent sur le marché de l’emploi. De nouvelles lois sur la liberté de l’information et de la communication sont adoptées. Le secteur de l’audiovisuel est libéré. Il en résulte la création de stations privées de radio et de télévision libres. Pour les mêmes raisons déjà évoquées au sujet de la création et la gestion des journaux congolais, beaucoup de publications nées dans la période allant de la Conférence nationale aux - 310 -

guerres fratricides de 1997 et 1998, disparaissent les unes après les autres. Cependant, trois d’entre elles franchissent ce cap sans trop de difficultés. Il s’agit du plus ancien journal de tous, La Semaine Africaine, avec Le Choc et La Rue Meurt, auxquels s’ajoute le bulletin de l’A.C.I. Ces trois hebdomadaires imprimés en format tabloïd sont vendus à 500 FCFA l’exemplaire. Au lendemain de ces guerres, La Semaine Africaine entre dans son cinquantenaire ; il tire à 3000 exemplaires en moyenne sur 6 colonnes. Au cours de la décennie, il passe à la périodicité bihebdomadaire et le prix de l’exemplaire redescend à 250 FCFA. Journal d’informations générales, il privilégie le social et le religieux tout en prenant de plus en plus part au débat politique national, particulièrement au moyen de ses éditoriaux et par l’ouverture de ses colonnes à des tribunes libres fort appréciées de ses lecteurs. Le Choc, créé en 1991, a dix ans révolus de parution ininterrompue. Il se présente sur 5 colonnes avec un tirage de 2000 exemplaires. Le journal est généralement reconnu comme proche du pouvoir du président Denis Sassou Nguesso, bien que prônant une ligne éditoriale neutre. La loi n°8-2001 du 12 novembre 2001 sur la liberté de l’information et de la communication libéralise le secteur de la communication, ouvrant particulièrement la voie à la création d’agences privées de presse, de son et d’images. Pendant ce temps, l’A.C.I. continue de vivre médiocrement, sans espoir de s’épanouir, faute de moyens financiers et techniques en rapport avec sa mission, toujours logée dans des locaux en ruine. Néanmoins, bien qu’à faible diffusion, son bulletin d’information paraît dans des conditions de fabrication dérisoires. En fait, l’A.C.I. n’a jamais fonctionné comme une véritable agence, pourvoyeuse de nouvelles aux organes d’information - 311 -

(périodiques de presse écrite, radios et télévisions). Au contraire, elle reprend plutôt les informations des médias audiovisuels qu’elle redistribue au moyen de son bulletin d’information dont la périodicité s’est étendue du quotidien au bihebdomadaire. En 1994 l’agence de presse Les Dépêches de Brazzaville adopte la forme d’un journal hebdomadaire grand format sous l’impulsion de son créateur. Ce journal d’informations générales est proche du président Denis Sassou Nguesso. D’excellente présentation, il améliore sans cesse la qualité de ses articles, bien desservi par son imprimerie dotée d’équipements modernes. A partir de la mi-mai 2007, le journal devient le premier quotidien national ; il est alors vendu à 100 FFCA l’exemplaire. La création de La Rue Meurt remonte également à 1991 à la suite d’un mouvement de scission au sein de l’équipe rédactionnelle de La Rumeur. Le journal ne s’est pas vraiment affirmé dans le style satirique dont il est encore à la recherche. C’est aussi un journal proche de l’opposition au pouvoir du président Denis Sassou Nguesso. Dans la décennie 2000-2010, plusieurs périodiques font leur apparition dans les kiosques. Comme c’est souvent le cas, leur création n’obéit pas nécessairement aux conditions d’existence d’entreprises de presse dignes de ce nom. Ainsi la parution de la plupart des nouveaux journaux va devenir irrégulière, ou bien certains d’entre eux vont simplement cesser de paraître. La nouvelle presse est inaugurée par Les Echos du Congo (janvier 2000), hebdomadaire d’informations générales imprimées en format tabloïd sur 6 colonnes. Le journal est généralement perçu comme pro gouvernemental. En mai 2000 paraît pour la première fois Tam-tam d’Afrique, un autre hebdomadaire d’informations générales de - 312 -

12 pages sur 6 colonnes. Avec ses 1200 à 1500 exemplaires par semaine, Tam-tam d’Afrique se caractérise par sa prise de distance vis-à-vis des milieux politiques de tous bords, d’où sa relative neutralité. La ouvelle République (2000) est un hebdomadaire d’informations générales de service public, évidemment proche du gouvernement. Imprimé en grand format sur 7 colonnes, il possède une édition magazine mensuelle et publie parfois des éditions spéciales à la faveur de certains grands événements nationaux. Dans la même période d’autres journaux voient le jour. Généralement ils affichent la périodicité hebdomadaire; mais dans les faits ils sont de parution irrégulière. Depuis 2000, le prix du journal est généralement 500 FCFA. Beaucoup d’entre eux cessent d’exister, tandis que quelques autres ont du mal à subsister. Entre autres nouveaux journaux, on peut citer : – Le Défi Africain, hebdomadaire d’information et d’analyse publié en grand format ; – Amicale, propriété du mouvement messianique « matswaniste », irrégulier, opposé au pouvoir du président Denis Sassou Nguesso ; – Talassa, journal à sensation très proche de l’opposition au président Denis Sassou Nguesso. Il excelle dans le fait divers politique et financier ; – Le Fanion, hebdomadaire d’information et d’analyse, réapparaît au sein du groupe de même nom composé de stations de radio et d’une station de télévision. Toujours parmi les nouvelles publications on note Epanza Makita, Baobab, L’Observateur, Le ouvel Observateur, Le Chemin, tsié, Pari Africain. Du point de vue technique, l’informatique est en train de se vulgariser dans les rédactions. Celles-ci recourent de plus en plus à l’Internet et aux nombreuses possibilités qu’offrent les - 313 -

technologies de l’information et de la communication. Les imprimeries jouissant d’équipements modernes sont très peu nombreuses. Les Dépêches de Brazzaville sont le seul journal qui possède une imprimerie et de loin la mieux équipée. En plus de l’impression de son journal, celle-ci réalise les travaux de ville de haute classe et ceux des éditeurs littéraires. VI – Situation actuelle de la presse congolaise La presse congolaise a près d’un siècle d’existence. Des rudimentaires moyens d’impression du début du 19ème siècle, elle est passée aux nouvelles techniques du journalisme et aux procédés modernes de fabrication des journaux. Elle s’adapte tant bien que mal au progrès. Au milieu de beaucoup de difficultés de tout ordre, elle se fraie son chemin dans l’accomplissement de sa mission d’information et d’éducation. De la lutte anticolonialiste, on est arrivé au combat pour la conquête du pouvoir entre citoyens congolais. Les partis politiques actuels, sans véritable idéologie, sont constitués sur des bases tribales, ethniques ou régionales. La société civile est encore faible vu que l’opinion publique est en cours de formation. La mission des journalistes est difficile dans un tel environnement, où en plus, le taux de lecture est passable (bien qu’en progrès) pour un pays fortement scolarisé depuis la colonisation. Cette mission est d’autant plus difficile que la situation sociale des professionnels de l’information et de la communication est encore précaire, mal définie pour la plupart d’entre eux, hormis ceux du secteur public en leur qualité de fonctionnaires. La corporation manque encore d’organisation. La convention collective, concernant le statut des employés de presse du privé, adoptée en janvier 2009 n’est pas toujours appliquée par les patrons des organes de presse cosignataires. D’ailleurs légalement, parmi les journaux existants, un grand - 314 -

nombre d’entre eux ne sont pas déclarés ou ne possèdent pas de siège fixe et connu. En réalité, les journaux congolais ne sont pas de véritables entreprises de presse. Dépourvus d’études de faisabilité, dénués de capitaux substantiels à leur création et de fonds de roulement, ils fonctionnent presque sans l’aide de l’Eta,t et même sans la redevance audiovisuelle (R.A.V.) prévue par la loi n° 8-2001, censée leur être reversée. La publicité qui aurait pu constituer une source importante de recettes génère des revenus dérisoires, faute de gros annonceurs, excepté les trois compagnies de téléphonie mobile, qui d’ailleurs fixent leurs prix elles-mêmes. Le journal coûte 500 F CFA de façon standard pour presque tous les journaux sans pouvoir couvrir les coûts de fabrication. Ceux-ci ne parviennent pas à payer des salaires décents à leurs employés. Ces derniers sont confinés dans une situation sociale précaire et professionnellement informelle, le plus souvent sans rapport avec leurs prestations. Il en résulte une presse écrite privée économiquement dépendante. Du point de vue de la composition des comités de rédaction, ceux-ci comprennent encore beaucoup de personnes sans qualification professionnelle. Le nombre de pigistes ou de collaborateurs extérieurs, parfois occasionnels, est relativement important. Les rédactions fonctionnent le plus souvent avec des moyens du bord. La collecte des informations est quelquefois difficile, particulièrement en milieux officiels où la rétention des informations est courante au nom du secret professionnel ou de la raison d’Etat. Après la transition politique suite aux guerres de 1997 et 1998, un dispositif législatif sur la presse est mis en place à la fin de 2001 avec les lois suivantes : - loi n°8-2001 du 12 novembre2001 sur la liberté de l’information et de la communication ; - 315 -

- loi n°15-2001 du 31 décembre 2001 relative au pluralisme dans l’audiovisuel public ; - loi organique n°4 -2003 du 18 janvier 2003 déterminant les missions, l’organisation, la composition et le fonctionnement du Conseil supérieur de la Liberté de Communication (C.S.L.C.). Peu de temps avant, un groupe de journalistes et quelques personnalités de la société civile créent un organe privé d’autorégulation de la presse dénommée, Observatoire Congolais des Médias (O.C.M.). Celui-ci a pour mission de veiller au contenu des médias en s’appuyant sur la législation en matière de presse et sur la charte des professionnels de l’information et de la communication. Les journalistes et autres professionnels de la communication connaissent peu ou ignorent totalement les cadres juridique et déontologique régissant leurs métiers, bien que les textes d’application de certaines lois ne soient pas encore publiés. Par exemple, ils ne déclarent pas le tirage de leurs éditions, les articles sont signés par des pseudonymes non conformes aux prescriptions légales. Le C.S.L.C., organe de régulation de la liberté de communication, en fonction depuis août 2003, a d’abord procédé par une action pédagogique en leur direction. Il a organisé des séminaires d’information, de renforcement des capacités et de vulgarisation des textes régissant le secteur de la presse. Depuis le milieu de l’année 2008, il est passé au stade des sanctions envers les organes de presse coupables des délits de presse prévus par la loi. Les principales fautes professionnelles commises qui font l’objet de sanctions sont les suivantes, dans un ordre décroissant de leur manifestation : – atteinte à l’objectivité et à l’équilibre de l’information – incitation à la haine raciale, politique et ethnique - 316 -

– diffusion de fausses nouvelles – atteinte aux bonnes mœurs – atteinte à la vie privée et à la dignité humaine. Les sanctions du C.S.L.C. sont la mise en garde envers les fautifs ou la suspension de parution du journal ou celle de diffusion des programmes audiovisuels de la station pour une durée déterminée. Presse essentiellement urbaine et surtout cantonnée à Brazzaville, elle s’initie aux technologies de l’information et de la communication. De qualité encore moyenne, elle s’appuie sur des infrastructures passables, alors que les nouvelles technologies s’imposent à elle. Ses tirages sont faibles et sa diffusion limitée aux grands centres urbains, particulièrement Brazzaville et Pointe-Noire. A cet égard, l’absence de messageries de la presse constitue un obstacle de taille. Le rôle social de la presse congolaise s’accroîtrait si cet état des choses venait à changer. Cette presse est encore à élaborer. CO0CLUSIO0 La naissance et l'évolution de la presse au Moyen Congo n'ont rien de comparable avec ce qui s'est passé dans le pays voisin (le Congo belge à l'époque). Léopoldville, capitale de l'ancienne colonie belge, était un important foyer de presse en Afrique centrale, contrairement à Brazzaville. Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il n'existe pas encore de presse animée par les autochtones. Les publications de l'époque sont l'œuvre de l'administration coloniale à des fins personnelles. Les débuts d’une presse réellement congolaise se situent après la Second Guerre mondiale, timidement et souvent de manière clandestine. Son objectif majeur est la réhabilitation de l'homme noir et l'affirmation de sa personnalité. - 317 -

A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'opinion publique congolaise naît et se développe rapidement jusqu'à la veille de l'indépendance. La lutte de libération nationale stimule les populations et trouve en la presse un terrain d'expression propice. Mais, des querelles de partis dévient sensiblement de ses orientations une bonne partie de la presse, en lui conférant un caractère simplement ethnique, tribal et polémiste, dans la course au pouvoir post colonial. De l'indépendance nationale à la Révolution des 13, 14 et 15 août 1963, la lutte anticommuniste menée par le pouvoir ne favorise guère l'épanouissement de la presse au Congo. Alors que le nombre de titres édités s'accroît, l'élan « nationaliste » entre-temps entretenu par la presse est brisé en raison d'un système juridique hostile à la jeune presse d’opinion. La plupart des publications de l'époque affichent un penchant à peine voilé pour l'Occident. Seules celles à caractère clandestin, éditées par les syndicats, quelques partis politiques et les étudiants osent défier le pouvoir en prônant la vraie lutte de libération nationale. Et puis, peu à peu, la presse d'opinion prend le dessus sur celle des informations générales. Dès son instauration, le pouvoir socialiste influence considérablement le contenu de la presse. Cela n'empêche pas La Semaine Africaine de manifester ouvertement son anticommunisme ; et ce, malgré les tracasseries du pouvoir politique à son égard. C'est d'ailleurs le journal qui justifie du taux de lecture le plus élevé jusqu'à 1977, date à laquelle s'affirme le jeune journal Mwéti. Depuis lors, la physionomie de la presse congolaise a beaucoup changé avec l’apparition sur le marché de plusieurs journaux et l’adoption de nouveaux moyens de travail, bien que de façon imparfaite. La Conférence nationale souveraine marque un tournant décisif dans l'histoire de la presse congolaise. En effet, le retour au multipartisme politique déclenche un processus d'ouverture qui se traduit par la création en cascades de feuilles - 318 -

d’information et de journaux plus ou moins viables. Par la suite, on assiste à la disparition progressive ou brutale des nouveaux titres selon les cas; alors que quelques-uns d’entre eux s'affirment à côté des anciens. Actuellement plusieurs facteurs constituent des causes de faiblesse de la presse congolaise. Entre autres, il y a : l'insuffisance des moyens d'existence, le faible pouvoir d'achat des populations lettrées, la concurrence de l'audiovisuel et de la presse étrangère (essentiellement française). On peut aussi ajouter l'absence d'organisation proprement corporative des journalistes. Au cours de la dernière décennie un nouveau cadre juridique et déontologique a été mis en place pour permettre à la presse d’œuvrer en toute responsabilité et valablement. Mais elle est encore à la recherche de son âme. Pour l’instant, elle est très peu stable et loin de répondre aux attentes des publics consommateurs. Le journalisme pratiqué aujourd’hui est encore de qualité à peine moyenne face aux nombreux enjeux qui l’attendent. A l’heure de la numérisation des équipements techniques, de l’Internet et de la mondialisation des relations multiformes internationales, la presse congolaise doit créer des entreprises viables pour lui permettre de jouer efficacement le rôle de vecteur de dialogue social et politique, d’appui au développement national et de catalyseur de la démocratie en cours d’élaboration. Pour ce faire, la presse congolaise a intérêt à agir de façon responsable dans le cadre juridique et déontologique qui la régit et à s’arrimer fermement au train de la modernité, en utilisant à bon escient les nombreuses possibilités qu’offrent les technologies del’information et de la communication. C’est en cela qu’elle assurera son avenir en accompagnant la société civile et la classe politique dans le processus

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démocratique en cours. La presse congolaise est encore à élaborer. C’est un véritable chantier en vue.

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CHAPITRE 11 L’AUDIOVISUEL par François ITOUA I0TRODUCTIO0 A l’origine, chaque société humaine se devait d’inventer son propre système de communication. Les progrès de la science et de la technologie qui nous permettent aujourd’hui d’échanger les nouvelles avec des personnes se trouvant sur un autre continent, de voir ou d’apprendre ce qui se passe à l’autre bout du monde, ne doivent pas nous faire oublier cette vérité première : chez les Bantu, d’une manière générale et dans certaines sociétés congolaises en particulier ; la communication était assurée par le porte-parole du chef traditionnel, le « Malela » chez les Kongo, « l’Obéla » chez les Ngala (Mbosi, Koyo, Akwa, etc.). Le porte parole soufflait dans une corne de buffle en signe d’avertissement avant de donner les nouvelles. De nos jours, quelques communautés rurales utilisent encore ce système, malgré l’irruption des journaux, de la radiodiffusion et de la télévision. Ceux qui glosent aujourd’hui sur la survivance de ce procédé d’un autre âge, oublient souvent que d’autres sociétés humaines ont pratiqué le leur avec, sans doute, leurs propres instruments. Au fait, notre porte-parole d’aujourd’hui est-il si différent du coureur de Marathon (soldat anonyme des troupes victorieuses du Général athénien Miltiade sur celles du roi Perse Darius en 489 avant J.C et que les journalistes considèrent comme l’un des ancêtres de la profession) ? L’un

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et l’autre jouent pourtant un rôle comparable, celui de porteur de nouvelles. L’un se déplace à pied pour annoncer son message dans les quartiers et l’autre, le marathonien, courut sur une distance de 40 kms jusqu’à Athènes pour annoncer la victoire. Là s’arrête la comparaison car, on rapporte que ce dernier mourut d’épuisement à son arrivée à destination. I – Moyens traditionnels de communication Autrefois, dans nos villages et peut-être même de nos jours, deux procédés de communication, le vocal et l’instrumental, étaient ou demeurent en vogue. Le premier requiert une parfaite connaissance de la langue et de ses ressources par le porteur des nouvelles. C’est à cette condition qu’il se voit confier la charge de communiquer, en son nom, à toute la communauté par le chef du village. Il faut que s’y ajoute la maîtrise du sujet car l’annonce d’une succession de chefferie, du décès d’un notable ou de l’épilogue d’une affaire d’adultère ne peut être confiée au premier-venu. Ces sujets commandent des niveaux de langage différents. Cette exigence de pertinence fait que les porte-paroles ne sont jamais les mêmes. Ils le deviennent en fonction de la matière à diffuser. Le second fait appel à l’énergie et au sens du rythme. Sauf cas exceptionnel, les annonces se font généralement la nuit tombée ou de très grand matin, que l’on estime être des moments de grande écoute. A l’échelle du village, le messager à pied parcourt les quartiers l’un après l’autre. Mais les destinataires peuvent aussi ne pas être du même endroit. Dans ce cas, il lui faut braver, en toutes saisons, de longues distances, la pluie et le vent, des sentiers étroits et les ardeurs du soleil. A pied ou en pirogue, il doit atteindre ceux à qui le message est destiné.

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D’autres communicateurs ont recours à un procédé qui requiert agilité et robustesse : c’est la technique dite du « perchoir » qui consiste en ceci que l’informateur doit grimper sur un arbre jusqu’à son point le plus élevé. A la manière d’un crieur juché sur une branche d’arbre, il procède aux annonces. Celles-ci sont reprises par un camarade, comme lui, perché sur un autre arbre et qui les répercutent en direction d’un troisième, lequel se fait l’écho de ce dernier. Ceux qui les voient ou les aperçoivent, les admirent autant qu’ils les écoutent. Les messages de ces « faisceaux hertziens vivants » s’amplifient souvent au gré du vent qui peut les pousser loin, très loin, jusqu’à traverser les cours d’eau (fleuve, rivières…). Il y a, au terme de cette très brève évocation, une autre technique de transmission : l’utilisation des tambours de bois. Le tam-tam, toujours présent dans la vie de la communauté, outre son rôle de rassembleur et de communicateur d’émotions diverses, sert aussi comme moyen d’information et de renseignement. Le vrai tambourinaire, celui qui fait frémir les veines de ses mains tantôt en caressant, tantôt en frappant la peau tendue à l’extrémité supérieure du tronc de bois travaillé, tire de cet instrument des rythmes et des sons, des intonations des roulements que seuls ne peuvent interpréter que des initiés, alors que les enfants du village y perçoivent une invite à un jaillissement chorégraphique. D’ailleurs, l’administrateur colonial en profitait, qui faisait annoncer, éventuellement sa venue dans le district ou le cheflieu de département par des messages tambourinés. Il est regrettable qu’à ce jour, ce langage n’ait fait l’objet d’analyses cherchant à démontrer comment il pouvait ou ne pas être considéré comme l’un des lointains précurseurs du système moderne de transmission par ondes radio-électriques.

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Il reste qu’en son temps, ce système aujourd’hui archaïque, représentait un progrès par sa capacité à transmettre vite des informations. L’apparition et le développement de l’information et de la communication sont donc des moments importants dans la vie des communautés humaines. Voici, à travers ces quelques pages, une des premières bases de l’histoire de la radiodiffusion au Congo et les étapes successives de sa lente et pénible évolution. Elles tentent également de fixer quelques repères, avant de caresser l’espoir d’un passage ultérieur plus aisé aux structures encore plus performantes, d’une réforme qui tienne compte à la fois de la spécificité du métier et du personnel en charge des médias comme le laisse présager la récente inauguration de la Maison de l’audiovisuel public. II – De « Radio Club » à « Radio Brazzaville » (1935-1940) Ce chapitre consacré aux médias concerne essentiellement la période qui va de 1960 à aujourd’hui. Il importe, toutefois, de l’aborder par le rappel d’un fait qui paraît anodin, mais dont l’évolution, dans sa phase ultime, a fait acquérir une renommée internationale à la ville de Brazzaville. Vu sous cet angle, il marque le point de départ de la radiodiffusion au Congo. Radiodiffusion est un terme générique au sens de l’Union internationale des télécommunications (UIT) pour désigner aussi bien la radiodiffusion sonore que visuelle. Ce fait remonte à 1935 avec la création, à Brazzaville, d’une station locale de radiodiffusion à l’initiative d’un groupe de fonctionnaires et de particuliers sous l’appellation de « Radio Club » ; station privée, modeste, d’un émetteur de 50 watts travaillant dans la bande de 36 mètres. Créée en pleine période coloniale, elle avait dû obtenir l’aval de l’administration française de l’époque. Comment « Radio Club » aurait-elle pu autrement se muer en « Poste clandestin » cinq ans plus tard, - 324 -

c’est-à-dire en juin 1940, puis mise à la disposition du Général de Larminat au nom du Général de Gaulle ? L’ouvrage intitulé Afrique Equatoriale française 100 qui apporte ces éléments ajoute : « Le modeste poste devient propriété du service d’information de la France combattante le 28 août 1940. C’est aussi le premier émetteur en sol français au micro duquel le Général de Gaulle parlera en 1940 ». A partir de ce moment-là, seule donc l’ancienne « Voix de la France combattante » devenue « Radio Brazzaville » émettait de Brazzaville. Elle s’était réorganisée entre-temps en se constituant en deux chaînes : la « Nationale » et la « Fédérale ». La première, c’est-à-dire « Radio Brazzaville », était équipée de quatre émetteurs installés à M’pila (deux 50 kw ondes courtes et deux autres petits émetteurs). La seconde, « Radio AEF », disposait de cinq émetteurs de faible puissance. L’ensemble de ces installations assurait aux deux chaînes une très grande audience dans la fédération de l’Afrique Equatoriale Française (Moyen-Congo, Gabon, Oubangui-Chari et Tchad) et ailleurs dans le monde car les antennes de « Radio Brazzaville » étaient orientées non seulement vers la France, mais également vers l’Amérique du Nord et du Sud, le Moyen et l’Extrême Orient. Le 28 septembre 1958, le Congo devient une République, membre de la Communauté (statut acquis après approbation par le peuple congolais du référendum proposé par le Général de Gaulle aux anciens territoires d’Outre-mer). Malgré l’évolution de son statut, notre pays ne disposait d’aucun organe national de presse, encore moins de service national de radiodiffusion et de télévision que l’on considère, fort justement, comme attributs de la souveraineté nationale,

100

Eugène Guernier (sous la direction de), 1950, L’Encyclopédie Coloniale et maritime. Afrique Equatoriale Française, Paris, p. 197. - 325 -

Toutefois, le simple fait de la présence de Radio Brazzaville sur le sol congolais, conduira à la conclusion d’un arrangement avec sa direction au terme duquel, Radio AEF et Radio interéquatoriale qui devait lui succéder, pouvaient assurer, pendant quelques heures, la diffusion des actualités congolaises en même temps que celles d’autres pays membres de la Communauté. Cette contrepartie par effet de conscience de la part de Radio Brazzaville, avait pourtant des limites en ce qu’elle était loin d’assumer la réalité d’une vraie assistance car ses journalistes en maîtrisaient la matière, le volume, la durée et la périodicité de diffusion. Autant dire que les nouvelles étaient à la fois orientées et filtrées. De toute évidence, cette station avait pour but historique de promouvoir, soutenir et faire entendre la Voix de la France combattante dans le monde après que le général de Gaulle eût rallié l’Afrique équatoriale. Elle devint ensuite la voix de la France tout court jusqu’à sa nationalisation par le Congo en 1972. III – Radio AEF et Radio interéquatoriale (1950-1958) Créée au début des années 50 et, comme son nom l’indique, Radio AEF, chaîne fédérale de Radio Brazzaville, avait pour rôle de servir de support à la politique française en Afrique équatoriale, essentiellement. Or, depuis la loi-cadre de 1956, la plupart des pays africains avaient accédé à une certaine autonomie, statut élargi en 1958, avec l’institution d’une Communauté où les anciennes colonies, érigées en Républiques autonomes, pouvaient évoluer vers l’indépendance. Dans ces conditions, quel serait donc le sort de Radio AEF d’autant que ces indépendances constituaient justement le creuset d’un certain nationalisme de la part des futurs nouveaux Etats anciennement membres de la fédération de l’Afrique équatoriale française ? - 326 -

D’ailleurs à Brazzaville-même (ancienne capitale de l’AEF), quelques signes de nervosité étaient déjà perceptibles, à travers des interventions peu amènes de nombre de dirigeants de pays voisins qui exigeaient, par anticipation, une évaluation puis un partage équitable du patrimoine de l’ancienne fédération. Au-delà d’une simple affaire d’ordre purement matériel, planait quelque chose de plus sérieux, porteur de graves contradictions au moment où ces futurs Etats devraient être, plus que jamais, conscients de la communauté de leur destin. Néanmoins, Radio AEF se devait de poursuivre sa mission traditionnelle pour servir, le cas échéant, de rempart au fédéralisme après un éclatement institutionnel de l’Afrique équatoriale française devenu inéluctable ; demeurer, en quelque sorte, un trait d’union entre ces pays en vue d’une coopération politique et économique ultérieure ; une vision conforme à la stratégie de regroupement qui fut l’une des bases de la politique de l’ancienne métropole tant qu’elle encourageait et soutenait dans le passé des organismes de coopération interafricaine tels que le Grand Conseil de l’AEF, l’Agence transéquatoriale des communications, l’Union douanière équatoriale, devenue par la suite l’Union douanière et économique de l’Afrique centrale et ce, pour des raisons politiques et économiques objectives. On suppose que cette magnanimité de l’ancien colonisateur n’était pas exempte d’arrières-pensées quand il se devait de contrer certaines idéologies ou préserver sa propre influence. En ces nouvelles circonstances historiques, Radio AEF est devenue Radio Interéquatoriale. En réalité, elle n’a fait que changer d’appellation. « Radio Brazzaville » qui continuait de la coiffer s’est adaptée de cette manière à l’évolution de l’environnement politique et institutionnel pour inscrire son action dans la continuité.

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En évitant toute référence au terme « AEF », les nouveaux dirigeants de Radio interéquatoriale (qui étaient en réalité les anciens de Radio AEF) espéraient ainsi réduire, ou tout au moins minimiser les relents du fédéralisme chez ceux qui rêvaient d’en sortir le plus tôt possible et, en même temps, les risques d’être incompris et rejetés par ceux-là. Radio interéquatoriale était dirigée par un assistant technique français, Jacques Alexandre, ancien directeur de Radio AEF. Il s’appuyait sur le professionnalisme de deux journalistes formés en France au Studio Ecole de Maisons Laffitte (Yvelines), sous les auspices de la Société française de Radiodiffusion d’Outre-mer (SORAFOM), à laquelle succédera l’Office de coopération radiophonique (OCORA). Il s’agit d’Henri Métro, français d’origine antillaise et du sénégalais Alioune Fall Manel. Y ont travaillé également tantôt comme speakers, tantôt comme traducteurs, chroniqueurs ou animateurs d’écran sonore : Dadet, Loko, Lascony, Moundjélé et notamment Félicité Safouesse et Marie- José Mathé, tous recrutés localement en qualité de collaborateurs extérieurs. IV – De la Radiodiffusion Télévision Congolaise (1960-2009) Nul n’ignore que l’une des préoccupations essentielles de la première génération des chefs d’Etats africains des années 60, était de disposer d’outils modernes de gouvernement, capables de les aider à conduire le grand tournant historique que représentait l’indépendance de manière à permettre à celle-ci de s’accomplir. Dans le cas du Congo, cette entreprise devait être menée dans les limites d’un pays encore largement en butte à l’analphabétisme, d’environ 600.000 habitants101, 101

575.758 habitants en 1950. Cf., Guernier, p. 16. - 328 -

s’exprimant dans une trentaine de langues environ sur 342.000 km2, aux difficultés de communications énormes mais désireux de pleinement réaliser son unité nationale. Il fallait pourtant qu’en amont, les populations sachent et comprennent ce que ce nouveau concept d’indépendance recouvre comme changement, efforts et devoirs, sans oublier ses impératifs qui peuvent être diversement ressentis. D’où, les contradictions possibles. Ce travail d’explication, les médias et surtout l’audiovisuel se doivent de l’accomplir. L’indépendance acquise, le gouvernement a voulu doter le pays d’une station de radiodiffusion qui, outre ses missions traditionnelles d’informer, éduquer et distraire, devait être la source la plus fiable de collecte et de diffusion des actes et mesures du gouvernement pour que tous soient informés sur la conduite des affaires du pays. Comme celui-ci ne disposait, en la matière, d’aucun modèle proprement congolais, cette station a été créée nécessairement sur celui de l’étranger. Mais, il n’y avait pas de bâtiment devant abriter ses services, pas de personnel technique, pas d’émetteur, ni de studio. Le projet eût été impossible sans l’assistance des collègues de Radio interéquatoriale qui étaient, du reste, sur le point de fermer leur propre structure. Et pourtant, l’indépendance était non seulement prévisible mais annoncée dès 1958 après le référendum du général de Gaulle. Une bonne réflexion sur notre propre avenir immédiat aurait pu conduire les pouvoirs publics de l’époque à prévoir un budget en vue du financement de la création et la mise en œuvre de nouvelles structures dont, évidemment, une station de radiodiffusion. Cette réflexion prospective était d’autant plus nécessaire que la France, elle, pensant à la future gestion de Radio Congo, avait déjà commencé à former les professionnels de la radiodiffusion un an auparavant. Le recours à des solutions

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improvisées et forcément aléatoires était donc dû à un manque de planification au niveau du Congo. Toutefois, le retour à Brazzaville, quelques semaines auparavant, de la première promotion des journalistes radiophoniques formés en France (Joachim Bitouloulou, François Itoua et Jean Malonga) a permis l’élaboration d’un plan prévoyant une première grille de programmes et la mise en place progressive des services pour un démarrage de la mise en ondes. Au commencement, Radio Congo, inaugurée en 1960, s’était installée dans une partie des services de l’Agence congolaise d’Information, sous les manguiers, face à l’actuel Palais du peuple. Elle était dotée d’un émetteur de 200 watts, ondes moyennes, monté sur un camion et d’un studio rudimentaire. En 1961, elle occupa l’ancien siège de la direction de l’Agriculture de l’ancienne AEF. C’est à cette époque que l’Office de coopération radiophonique (OCORA) chargé de recruter et former les personnels techniques et des programmes, approvisionnait les stations africaines en moyens matériels basses fréquences et en productions enregistrées. En même temps, cet Office avait conclu un accord avec l’Office national des Postes et Télécommunications (ONPT) pour la gestion des centres d’émissions de Radio Congo. Devant la pluralité de nos langues sur le plan national et même parfois à l’échelle d’une région ou d’un département, la direction a opté pour une diffusion en Kikongo et Lingala, en dehors bien entendu, du français qui est la langue officielle de travail dans notre pays. Le choix de ces deux langues se justifie par le fait que le Lingala est pratiquement compris et pratiqué dans le Nord du pays, cependant que le Kikongo l’est dans le Sud, majoritairement. Propriété de l’Etat, Radio Congo disposait d’un monopole puisqu’elle était le seul organe autorisé à produire et diffuser - 330 -

ses programmes par voie des ondes hertziennes sur l’étendue du territoire national. C’était la voix, l’unique voix de la jeune République du Congo ; le gouvernement voulait en faire essentiellement un instrument d’unité nationale et une base de solidité du pouvoir. La première station mobile était équipée de pupitres avec consoles enregistreurs permettant d’une part de communiquer avec un studio central et d’autre part, d’émettre de façon autonome sur un rayon limité. Elle servait donc pour la transmission des nouvelles. Cellesci étaient relayées par un petit émetteur de 4 kw situé à M’piaka, propriété des services des Postes et Télécommunications. Avec des moyens techniques aussi rudimentaires, Radio Congo ne pouvait pas être captée hors de Brazzaville, ni même dans la ville capitale dans sa totalité. Sauf un système rotatif permettait de couvrir les quartiers à tour de rôle, moyennant un déplacement de la station mobile dans la zone considérée. Au niveau acoustique, les trois studios BF (basses fréquences) étaient équipés de matériel SAFT et le CDM (centre de modulation), capable d’enregistrer le monitoring de l’OCORA et aussi les radiodiffusions étrangères captées au Congo. Un nouveau car de reportage ou station mobile sur Jeep Wagonner permettait d’effectuer les retransmissions et autres reportages en mobile. C’est ainsi qu’une mission partie de Brazzaville effectua la première émission publique à Makoua. Un événement pour l’une des régions septentrionales du pays à l’accès malaisé par la route, à l’époque. En 1972, un acte de souveraineté de la part du gouvernement, sonna le glas de Radio Brazzaville qui fut nationalisée. Radio Congo, devenue « La Voix de la Révolution congolaise », eut de nouvelles possessions. Les bâtiments BF avec 3 studios, 1 CDM, une discothèque très - 331 -

riche et un centre émetteur doté de 2 x 50 kW RCA, adaptés aux nouvelles techniques, un émetteur OM de 200 watts, un puissant champ d’antennes rhombiques à MPILA. Un accord de coopération technique conclu avec la République Populaire de Chine a permis au Congo de disposer d’un centre comprenant deux émetteurs de 50 KW, ondes courtes, à Poto-Poto Djoué. A ce moment-là, la diffusion de Radio-Congo devint presque continentale. La direction technique obtient d’autres moyens de diffusion composée d’un émetteur de 25 KW et de quatre autres de 4 KW au Camp 15 août, en plus de ceux du Djoué. La « Voix de la Révolution Congolaise » devint un puissant poste en Afrique centrale et se mit au service des mouvements de libération de l’Afrique australe (MPLA, Frelimo, Swapo). Par ailleurs, pour revigorer et enrichir les journaux parlés radiodiffusés toujours centrés sur l’actualité brazzavilloise, quelle soit gouvernementale, d’essence politique diverse ou populaire, une décision fut prise au début des années 70 d’affecter un correspondant de presse dans chaque chef-lieu de région (Kinkala, Madingou, Dolisie, Sibiti, Pointe-Noire, Djambala, Owando, Ouesso et Impfondo). Hormis le professionnalisme de chacun d’entre eux, ils ne disposaient paradoxalement, pas de matériel ni de la moindre installation nécessaire pour exercer leur métier. La direction de la Radiodiffusion Télévision congolaise prit l’initiative de les pourvoir en poste émetteur-recepteur BLU de 10 watts portatif (bande latérale unique) d’un enregistreur professionnel (magnétophone de marque UHER), d’un micro et pied de table. Aux heures du journal parlé (J.P), le Centre de Modulation (CDM) était transformé en Centre Nodal pour les régions et, à l’appel de chaque correspondant, celui-ci « avait l’antenne ». Mais, perçue comme une affectation-sanction, les correspondants, jouant de leurs « relations » furent rappelés pour - 332 -

d’autres occupations à Brazzaville. L’expérience prit fin au bout de deux ans. En 1973 une station mobile sur « DS » vint donner du tonus à cette radiodiffusion qui demandait plus de matériel qu’elle n’en recevait. En mai 1962, une station expérimentale de TV fut créée en Noir et Blanc. C’est une vieille case abondonnée par le service « Poids et Mesures » d’aspect minable qui l’a abritée. Il s’agit d’un petit studio, d’un petit émetteur et d’une antenne auto portée. François Itoua en fut le premier directeur. Les premières émissions télévisées furent accueillies avec curiosité à Brazzaville, là où quelques récepteurs « Thomson » de marque « Clarvile » avaient pu être installés : centres culturels, maisons communes, buvettes. Au fil du temps, le studio de télévision se dote de 3 caméras ORTHICON plus performants pour l’époque que les Vidicons. La France, dans le cadre de sa tutelle technique, avait auparavant inscrit au CCIR le Congo dans la bande III de télévision en K’. C’est-à-dire que les porteuses son et images sont séparées de 6,5 MHZ et que le maximum de puissance est obtenu dans le Noir du signal. Une délégation se rendit même à Kinshasa dissuader nos confrères pour qu’ils tiennent compte du système de Brazzaville qui fut le premier en Afrique au Sud du Sahara et choisissent le leur en conséquence. Et depuis, Kinshasa et Brazzaville sont en K’ bande III et, récemment, en UHF. Par ailleurs, pour pallier aux interruptions intempestives du signal BF vers les émetteurs du Djoué, les ruptures du câble pupinisé, souvent coupé par les nivelleuses de la Voirie municipale au niveau de la descente de la rue Fulbert Youlou à Makelekele, ont conduit la Radio Télévision Congolaise à opter pour la FM pour joindre les deux sites. Enfin, quand en 1967, l’OCORA se désengageait du Congo en retirant toute son assistance technique, un an plus tôt des - 333 -

jeunes cadres étaient déjà rentrés au pays. C’était l’âge d’or de cette radiodiffusion avec l’un des premiers films africains « Kaka Yo » de Sébastien Kamba, la participation aux grands Prix de l’Union des radiodiffusions télévisées nationales d’Afrique (URTNA) à Lagos en 1970, à Dakar en 1972 avec les films « Le Passeur » et une fiction d’Améya-Nguia. En 1978, la TV congolaise changea et devint colorée avec 1 émetteur de 10 kW, 3 caméras studios en couleur, 2 cars de reportage allemands dont l’un était de seconde-main. Le studio aussi connut quelques changements pour offrir un meilleur cadre aux travailleurs et aux invités. La station relai de Pointe-Noire, qui se mua en station régionale, a vu le jour le 23 décembre 1968. Aujourd’hui, la TV a une existence régionale bien ancrée. En 2009, la Radiodiffusion Télévision Congolaise est dotée d’une nouvelle Maison, dénommée « Centre National de Radio et de Télévision», construit selon les contraintes d’une maison moderne, de belle stature, à Kombo, quartier périphériphérique de Brazzaville-Nord. Elle s’enorgueillit de s’être équipée d’un car de reportage de fabrication belge à 5 caméras, 2 camions suiveurs et d’un deuxième émetteur de10 kW au PK 13, centre émetteur sur l’ancien centre d’Etudes et de Recherches Spatiales (CERS) français, désaffecté après la fin du programme. V – Le visage actuel de l’audiovisuel (2001-2010) Si l’on s’en tient uniquement à l’aspect législatif du dossier, on peut affirmer que l’ensemble des lois sur la presse au Congo consacre le libéralisme. L’un des textes, la loi n° 82001 du 12 novembre 2001 sur la liberté de l’information et de la communication, dit expressément en son article 2 : « Le régime de l’information et de la communication est celui de la - 334 -

libre entreprise ». Toutefois, « Radio Liberté » et la « DRTV » ont été créées avant la lettre, c'est-à-dire avant la promulgation des lois consacrant le libéralisme dans l’audiovisuel et l’institution du Conseil Supérieur de la liberté de l’information et de la communication qui aurait dû en fixer les conditions et décider, au préalable de l’attribution de leurs fréquences d’émissions radiophoniques et télévisuelles. En effet, cette institution dispose d’une loi organique déterminant ses missions, son organisation, sa composition et son fonctionnement. « Il veille au bon fonctionnement de la liberté de l’information et de la communication ». Signalons enfin une loi relative au pluralisme dans l’audiovisuel public fixant les principes et les modalités d’accès à ces médias, des formations et groupements politiques, des organisations professionnelles et syndicales. Mais, une inquiétude demeure : l’absence de toute instance de recours où pourrait s’adresser une entreprise de presse ou de radiodiffusion qui s’estimerait lésée dans ses intérêts en cas de sanction à son encontre par le Conseil. Il ne s’agit pas de créer un refuge pour les présumés blâmables, mais d’éviter tout recul du principe de justice et d’égalité pour tous. En résumé, moyennant l’accomplissement des procédures de création d’entreprises de presse, toute personne physique ou morale peut désormais posséder une station de radiodiffusion ou de télévision, à condition toutefois de pouvoir en payer le prix. Ce nouveau cadre juridique est un progrès vers une libéralisation de la presse et de l’audiovisuel par rapport à la loi n° 30-96 du 2 juillet 1996 jugée coercitive et, du reste, abrogée. Il faut pourtant relativiser les choses, car d’autres réalités n’apparaissent pas en surface. Considérons l’audiovisuel.

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La loi n° 15-2001 du 31/12/2001 relative au pluralisme dans l’audiovisuel public stipule en son article 3 : « la radio et la télévision du secteur public sont tenues de produire, de programmer et de faire diffuser des émissions régulières consacrées à l’expression directe des formations et des groupements politiques, des organisations professionnelles et syndicales ». Mais, on est en droit, pourtant, de se poser la question suivante : pourquoi une autre loi, celle sur la liberté de l’information et de la communication (loi n° 8-2001) issue du même Conseil National de Transition interdit-elle, en son article 72, aux formations politiques « d’exploiter, ni directement, ni par personne interposée, ni détenir des actions dans une entreprise audiovisuelle » ? L’intention de réduire cette liberté apparaît ici clairement. Veut-on lui imposer des limites de crainte que son plein usage soit nuisible ? VI – Perspectives Il y a lieu de réfléchir à un meilleur contrôle de l’espace national en matière de radiodiffusion. En effet, des radios libres apparaissent déjà à l’intérieur du pays. Ces initiatives devraient être soumises au régime de l’autorisation préalable, pour prévenir toute propension à l’anarchie. Concernant la gestion de l’audiovisuel public, il serait utile d’initier une réflexion qui aboutisse à l’introduction d’un mode de fonctionnement plus souple sur les plans administratif et financier, sans pour cela s’écarter des exigences de contrôle, conformément aux règles de la comptabilité publique. Nous pensons à un statut porteur de résultats performants pour nos entreprises publiques de communication, tout en tolérant un contrôle constant du gouvernement. Nombre d’Etats africains ont opté pour la formule « Office de Radiodiffusion Télévision », ce qui donne de la souplesse à - 336 -

la gestion de l’entreprise dont le financement et le pouvoir de nomination restent du domaine de l’Etat. Mais, on ne peut pas modifier les statuts de l’entreprise et garder intact l’ancien cadre professionnel de ses agents car les performances doivent être stimulées par l’entreprise elle-même. La rémunération de l’agent de l’information et de la communication doit nécessairement tenir compte de la nature spécifique d’un métier qui implique de grandes spécialisations dans ses multiples secteurs. Or, chez nous, pour ne considérer que celui des médias publics, l’ensemble du personnel, est soit fonctionnaire, soit contractuel. Ce cadre nous parait à la fois rigide et stérilisant face à un métier que l’on exerce d’une manière aussi permanente que possible et qui exige de l’innovation et de la créativité. Après l’inauguration du Centre National de Radio et de Télévision, le public, toujours exigeant, ne cesse d’écouter et de regarder dans l’espoir de sentir et de voir apparaître d’autres signes de vitalité dans l’univers des médias. Il souhaite l’apport d’autres moyens logistiques en sa direction pour rendre la profession mobile et, pour qu’à l’instar de Brazzaville, le reste du pays soit aussi présent dans l’actualité nationale. L’échec de la première tentative en matière de diversifications des informations peut, paradoxalement, faire nourrir de nouveaux espoirs de réussite face aux moyens modernes de communication beaucoup plus efficients (fibre optique, coaxial, faisceau hertzien, satellite, télévision numérique). Par ailleurs, le public attend surtout que ses principales préoccupations socio-économiques soient prises en compte par les médias autant que les priorités qu’ils se donnent euxmêmes. La profession étant aujourd’hui libéralisée, elle ne devrait rien perdre de sa crédibilité à vouloir traiter de toute

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l’actualité même de sujets à priori sensibles, pourvu qu’ils le soient en toute responsabilité professionnelle. « Last but not least », (locution anglaise qui veut dire : dernier point mais non le moindre), la formation des communicateurs est une priorité. L’enseignement supérieur devrait l’inscrire parmi ses innovations car, la création d’écoles ou instituts supérieurs où puissent être enseignés les métiers de l’information et de la communication comprenant des sections qui répondraient aux besoins de toutes ces disciplines, devient absolument indispensable et urgente. CO0CLUSIO0 L’apparition de la radiodiffusion au Congo est due à un concours de circonstances insoupçonnées. Petite installation privée au départ, française ensuite dans un contexte historique exceptionnel, elle a connu un début de développement en pleine Guerre mondiale de 1939-45 après le ralliement de l’Afrique Equatoriale Française à la France libre du général de Gaulle. S’appuyant sur la structure et l’expertise française, le Congo, devenu autonome puis indépendant, a créé son propre système de communication radiophonique. Les étapes successives de sa mise en œuvre furent difficiles à gérer faute de cadres, de structures et d’équipements adéquats. Mais, les fruits d’une politique de coopération avec les pays amis d’une part et l’usage du fait du prince aux dépens de l’Office de radiodiffusion télévision française d’autre part, ont permis au gouvernement d’y faire face par l’installation et l’amélioration progressive des structures audiovisuelles. La plus récente réalisation en la matière est l’érection et l’inauguration de la nouvelle Maison de la radiodiffusion et de la télévision. Sur le plan législatif, plusieurs textes promulgués ont consacré la libéralisation des médias. Un organe de régulation - 338 -

est en place dont la mission est de veiller au respect de l’expression pluraliste des courants de pensée. Mais une réforme du statut de l’audiovisuel public et de son personnel est souhaitable en vue de stimuler davantage la production et la créativité.

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PARTIE XII GRA0DES FIGURES DE L’HISTOIRE DU CO0GO par Joachim GOMA-THETHET

Introduction Ce texte rassemble et présente au grand public, notamment à tous ceux qui s’intéressent à l’histoire du Congo, les informations, souvent éparses, sur la vie et l’œuvre politiques de quelques personnalités importantes ayant marqué l’histoire du pays. La présentation de ces portraits prendra, de ce fait, un caractère pédagogique. La démarche première a consisté à recenser et à identifier dans un ordre chronologique les personnalités politiques considérées comme grandes figures. Cela a permis, dans une tranche chronologique donnée, de retenir une ou deux personnalités principales autour desquelles, par ricochets, ont été abordées d’autres personnalités considérées comme secondaires mais non moins importantes. Ayant identifié André Grenard Matsoua comme la première figure politique congolaise, nous avons pris comme terminus a quo la fin du XXe siècle, étant entendu que l’histoire des grandes figures encore en vie continue de courir. Ce cadre chronologique nous a permis de dénombrer neuf personnalités politiques. Il s’agit de : – pour la période du début du XXème siècle à la fin de la Seconde Guerre mondiale, André Grenard Matsoua ; – pour la période qui va, du lendemain de la Seconde Guerre mondiale au mouvement populaire des 13, 14 et 15 aout 1963, qui a abouti à la chute du premier président du Congo indépendant, Jean Félix-Tchicaya, Jacques Opangault et Fulbert Youlou ; – pour la période qui va de 1963 à 1977, Alphonse Massamba-Debat et Marien Ngouabi. – pour la période allant de 1977 à la fin du XXe siècle, Joachim Yhomby-Opango, Denis Sassou Nguesso et Pascal Lissouba.

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Mais avant de parler de ces grandes figures, il convient d’abord de définir le concept « grande figure ». I - Définition du concept « grande figure » Les différents dictionnaires définissent généralement le terme « figure » comme une personnalité importante. L’importance de la personne considérée comme une figure vient de l’action que cette dernière exerce ou a exercé dans un domaine donné. Ainsi, on peut parler d’une figure du football congolais, de la peinture congolaise, du théâtre congolais, etc. Les domaines dans lesquels une personne peut exceller pour apparaître aux yeux d’aucuns comme une figure, un exemple particulier, sont donc variés. Ils concernent en réalité tous les domaines de la vie humaine : politique, économique, social, culturel, intellectuel, scientifique, sportif, musical, etc. Dans un domaine donné, les personnalités identifiées comme figures emblématiques peuvent faire de nouveau l’objet d’un classement. Aussi, en arrive-t-on à la notion de grandes figures. Il s’agit ici généralement de personnes qui se sont particulièrement distinguées dans leur domaine respectif. Leurs actions ont modifié immédiatement le cours des événements, ou continuent à exercer une influence indéniable. Jean Serge Essous, par exemple, est une grande figure de la musique congolaise pour avoir contribué à la naissance de la musique moderne des deux rives du Congo en introduisant des sonorités nouvelles et en donnant naissance à trois grandes formations musicales de Kinshasa et Brazzaville. Les spécialistes des sciences humaines présentent souvent les grandes figures dans leurs disciplines respectives : les grandes figures de l’histoire africaine, de la littérature française du XVIIIe siècle, etc. Dans cette étude, nous nous penchons uniquement sur les personnalités qui ont marqué profondément la vie politique - 344 -

congolaise, et dont les traces sont encore visibles. Pour des besoins de commodité, nous n’avons choisi de parler après l’indépendance que des présidents. II – Grenard Matsoua (1889-1942) C’est dans la période de l’entre-deux-guerres que les premiers mouvements autochtones de revendications politiques apparaissent pour la première fois en Afrique équatoriale et centrale, de façon organisée. Ces mouvements d’opposition aux Européens sont d’essence religieuse parce qu’ils sont nés pour la plupart à partir des missions chrétiennes. Ces mouvements apparus au lendemain de la Première Guerre mondiale au Congo belge et au MoyenCongo sont qualifiés de mouvements messianiques parce que leurs leaders, encore appelés prophètes, annoncent la fin de l’ère coloniale et l’avènement d’une nouvelle ère pour les populations indigènes. Ils trouvent leurs fondements dans les conditions socio-économiques et politiques difficiles vécues par les indigènes et aussi dans une action missionnaire mal ajustée. Ces mouvements s’inscrivent donc comme une réaction globale au système colonial. Deux personnalités caractérisent ces mouvements qu’Isidore Ndaywel è Nziem qualifie de « protonationalistes »102: Simon Kimbangu et André Grenard Matsoua. Nous n’évoquons pas dans cette étude la figure de Simon Kimbangu qui intéresse plus l’histoire du Congo belge malgré l’arrestation et la déportation de ses adeptes au Moyen-Congo.103 102

Isidore Ndaywel è Nziem, 1998, Histoire générale du Congo. De l’héritage ancien à la République démocratique, Paris/Bruxelles, Duculot, p. 439. 103 Un arrêté du Gouverneur général prononça en 1931 des peines d’emprisonnement et de résidences obligatoires contre des indigènes de la circonscription du Pool (Moyen-Congo) pour fait de kimbanguisme, - 345 -

Né le 17 janvier 1889 à Mandzakala (Kinkala), près de Brazzaville, André Grenard Matsoua fut d’abord catéchiste à Mayama avant de venir à Brazzaville en 1919. Persuadé de la nécessité de se mettre à l’école des Blancs, il s’embarqua par la suite pour la Métropole. De 1924 à 1925, il participa à la guerre du Rif dans les rangs des tirailleurs « sénégalais ». Revenu à Paris, il obtint la nationalité française et fonda en juillet 1927 l’Association amicale des originaires de l’Afrique équatoriale française. L’Amicale se présenta alors comme une société de secours mutuel pour tous les Congolais installés à Paris. Grâce à des cours du soir, l’Amicale entendait aider à la formation d’une élite congolaise. Afin d’implanter l’Amicale en terre congolaise, une délégation fut envoyée en 1929 à Brazzaville. Confrontée à la réalité socio-politique locale, la délégation quitta rapidement le champ social pour des revendications plus politiques. Inquiètes de la tournure des événements du fait des adhésions massives de la population de Brazzaville à l’Amicale, les autorités coloniales décidèrent de l’arrestation des délégués. Cela déclencha la colère et la révolte des populations indigènes. Considéré comme l’instigateur de la révolte des colonisés, Matsoua fut arrêté à Paris en décembre 1929 et transféré à Brazzaville pour y être jugé. Le jugement eut lieu au début d’août 1930 dans un climat de tension : multiplication des refus d’obéissance, campagnes contre le code de l’indigénat et les injustices coloniales. La condamnation de Matsoua à trois ans de prison et dix ans d’interdiction de séjour déclencha la colère de la foule qui tenta d’arracher le prisonnier des mains des policiers. Mais, face aux renforts de police appelés d’urgence, la foule capitula. Pendant une semaine, les manifestations se poursuivirent sous la forme d’une grève qui Journal officiel de l’Afrique Equatoriale Française du 1er avril 1931, pp. 281-282. - 346 -

paralysa la ville. L’administration rechercha les meneurs qui furent arrêtés et déportés dans les autres territoires de l’AEF.104 Ayant réussi à s’échapper de sa prison le 17 septembre 1935, Matsoua gagna Berbérati (ville de l’Oubangui-Chari), puis Paris. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Matsoua s’engagea dans les troupes françaises pour combattre le nazisme. Blessé au combat, il fut arrêté à nouveau et transféré au Congo. Le 8 février 1941, la justice coloniale le condamna aux travaux forcés à perpétuité. Incarcéré à la prison de Mayama, il y mourut le 13 janvier 1942 du fait de mauvais traitements. N’ayant pas vu sa dépouille mortuaire, ses partisans refusèrent d’admettre sa mort, estimant qu’il s’était à nouveau enfui en France afin d’y poursuivre son combat. La répression coloniale, notamment l’interdiction de l’Amicale, poussa les partisans de Matsoua à la clandestinité. Progressivement, la doctrine de l’association glissa du politique vers le religieux. Le discours de Simon Pierre Mpadi, partisan de Simon Kimbangu venu du Congo belge, exhortant les Congolais de Brazzaville à considérer Simon Kimbangu et André Matsoua comme leurs nouveaux prophètes, contribua à la naissance d’un nouveau culte au centre duquel se trouva Matsoua. Le matsouanisme était donc né. 104

Les spécialistes de l’histoire politique du Congo, étudiant la période de l’entre-deux-guerres n’ont souvent mis l’accent que sur les activités de Matsoua et de ses partisans. Il convient de signaler qu’au cours des années 1930, parallèlement à ce qui se passait à Brazzaville et dans le Pool, son arrière pays immédiat, on assista à un éveil des populations dans la partie nord. Dès 1930, Jacques Opangault, greffier au tribunal de Brazzaville créa le Comité de défense de la culture Mbosi. Cette association lui a permis d’affuter ses armes pour le combat syndical et politique qu’il mènera dans les premières années de la décennie 1940 et qui lui vaudra l’arrestation et l’exil en Oubangui-Chari. C’est au retour de cet exil qu’il se lança dans l’arène politique à la faveur des élections à la Constituante de 1945. - 347 -

La phase véritablement nationaliste de l’histoire du Congo débute au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec l’adoption par la France d’un nouveau cadre politique qui permet aux colonisés d’Afrique en général, et du MoyenCongo en particulier, de devenir des citoyens et de pouvoir participer désormais à la vie politique locale. C’est cette phase qui va conduire à l’indépendance d’août 1960. De 1945 à 1956, la vie politique congolaise a été dominée par trois principaux leaders : Jean Félix-Tchicaya, Jacques Opangault et Fulbert Youlou. III – Les grandes figures politiques congolaises (1945-1963) 1. Jean Félix-Tchicaya105 (1903-1961) Jean Félix-Tchicaya est né le 9 novembre 1903 à Libreville, au Gabon, où s’étaient installés ses parents, Tchicaya Félix et Portella Antoinette, tous deux de l’ethnie vili du MoyenCongo. Son père qui exerce le métier de tailleur quitte Libreville pour Grand Bassam en Côte d’ivoire. Il entre à l’Ecole normale William Ponty de Dakar où il obtient en 1924 le diplôme d’instituteur.106 Affecté à Libreville, il y enseigne quelque temps avant de changer de profession ; il est tour à tour secrétaire dans l’administration coloniale à Libreville puis comptable à Pointe-Noire. Mobilisé en 1939, il combat les forces nazies au sein des Force françaises libres (FFL). Il est démobilisé en 1945, à Marseille, avec le grade de sergent de réserve. Alors qu’il attend, dans cette ville française, le bateau 105

Il ressort des documents d’archives que le leader congolais avait désormais pour patronyme Félix-Tchicaya et non Tchicaya tout court, c’est pourquoi dans ce texte Jean sera considéré comme son prénom. 106 Claude Gérard indique qu’il eut, parmi ses maîtres, Lamine Guèye futur député du Sénégal au parlement français et fondateur de la première section SFIO au Sénégal (Claude Gérard, 1975, Les pionniers de l’indépendance, Paris, Inter-continents promotion, p. 109). - 348 -

de retour pour Pointe-Noire, les notables vili du MoyenCongo, par un télégramme, lui annonce qu’ils l’ont choisi pour être leur candidat aux élections à la première Assemblée nationale constituante française. Il va être en effet candidat au niveau du collège des non citoyens de la circonscription électorale du Gabon-Moyen-Congo. Cet ancien instituteur reconverti dans la comptabilité, décoré de l’Etoile noire du Bénin en sa qualité d’ancien combattant des FFL, entre donc en politique par la volonté d’une frange de la population du Moyen-Congo. Il est élu, le 21 octobre 1945, député du Gabon et du Moyen-Congo. Sur quelle base a-t-il été élu ? Dispose-t-il en 1945 d’un programme politique ? Si non, quelle a été par la suite l’évolution de ses idées politiques jusqu’en 1947, année où l’ancienne circonscription électorale Gabon-Moyen-Congo se scinde, permettant ainsi aux Gabonais et aux Congolais d’élire respectivement leur propre député au Parlement français ? Le 7 décembre 1945, Jean Félix-Tchicaya est élu membre de l’Assemblée constituante prévue par l’ordonnance du 22 août 1945, à la suite du second tour du scrutin organisé le 18 novembre 1945. Le premier tour du scrutin a eu lieu le 21 octobre 1945. Les leaders congolais suivants y ont pris part : Emmanuel Dadet, René Dzonza, Aubert Lounda, Jacques Opangault et Pierre Tchicaya.107 Ces élections sont loin d’être populaires. Seule une frange infime de la population, c’est-à-dire les catégories sociales les plus liées au système colonial, a le droit de voter ; les lettrés constituent la catégorie qui a fourni la totalité des candidats. Ces lettrés, en l’absence de l’application dans la colonie des lois relatives aux libertés d’association et de réunion, ne se sont pas organisés en partis politiques, instruments nécessaires 107

Archives du Gouvernement général de l’AEF, Brazzaville, carton GG 225. - 349 -

pour la lutte politique. L’ethnie, formation sociale astucieusement préparée par l’administration coloniale comme donnée pour la compréhension et l’interprétation des faits africains, devient alors la base sur laquelle s’est structurée la lutte politique de ces premiers leaders politiques aéfiens.108 De nouvelles élections ont lieu dans les territoires africains d’outre-mer, pour désigner les membres de l’Assemblée nationale, le 2 juin 1946 pour le premier tour et le 30 juin 1946 pour le deuxième tour. Jean Félix-Tchicaya est élu dès le premier tour pour le compte du deuxième collège. Jusqu’à la naissance du RDA en 1946, Félix-Tchicaya ne dispose pas véritablement d’un instrument de mobilisation des populations en vue d’une action politique à court et à long terme. Elu du 2e collège du Gabon et du Moyen-Congo, il s’inscrit au Palais Bourbon au Mouvement unifié de la résistance française (MURF) qui regroupe notamment les communistes. Il s’apparente par la suite (avec d’autres élus africains comme Houphouët-Boigny de Côte d’Ivoire, Filly Dabo Sissoko du Soudan et Apithy du Dahomey) au groupe communiste.109 Lorsqu’il monte pour la première fois, le 23 mars 1945, à la tribune de l’Assemblée nationale, Félix-Tchicaya surprend l’auditoire en réclamant pour les populations de l’AEF la restitution des terres spoliées par la colonisation. Son discours trouve un écho chez Houphouët-Boigny qui, à la tête du syndicat agricole africain créé en juillet 1944, travaille pour libérer l’homme africain des servitudes coloniales. Les itinéraires des deux hommes se croisent dès lors. C’est donc 108

Aéfiens, c’est-à-dire habitants de l’AEF (Afrique équatoriale française). 109 A l’Assemblée nationale constituante, les élus du premier collège des colonies d’Afrique se sont inscrits pour la plupart au groupe MRP ; Gabriel d’Arboussier élu du Gabon-Moyen-Congo sur la liste « Front national », s’est inscrit au groupe communiste. - 350 -

sans hésitation que Félix-Tchicaya signe en septembre 1946 l’appel lancé par Houphouët-Boigny en vue de la convocation à Bamako, au Soudan français, d’un congrès regroupant les élus africains. C’est de ce congrès que naît le 18 octobre le Rassemblement démocratique africain (RDA). HouphouëtBoigny est élu président du comité de coordination, et FélixTchicaya en est un des vice-présidents. Revenu de Bamako, Félix-Tchicaya s’atèle à structurer la section congolaise du RDA, qui prend la dénomination de Parti progressiste congolais (PPC). S’inspirant du principe de rassemblement du RDA, le jeune leader congolais veut regrouper toutes les populations du Moyen-Congo, voire de l’AEF. L’objectif est certes noble mais sa mise en œuvre n’est pas sans difficultés. Au Moyen-Congo, le leader du PPC doit faire face à un autre leader, Jacques Opangault, qui se réclame du courant socialiste. Malgré ses grands talents oratoires, il ne réussit à rassembler de militants que dans la partie sud du pays, précisément dans le sud-ouest dont il est originaire. Le nord reste le fief du leader de la SFIO locale, Jacques Opangault. Après le référendum du 13 octobre 1946, le Gabon et le Moyen-Congo deviennent des circonscriptions électorales autonomes. Pour la première fois, lors des élections à l’Assemblée nationale du 10 novembre 1946, chacun des territoires élit son propre député pour le collège des autochtones. Une nouvelle fois, Félix-Tchicaya est élu au Moyen-Congo. Il est aussi élu lors des élections du 15 décembre 1946 relative à la désignation des membres des Assemblées représentatives, au Moyen-Congo.110 De nouvelles élections législatives ont lieu en 1951. Ces élections sont un moment particulier dans l’itinéraire politique 110

L’Abbé Fulbert Youlou se présenta sur la liste « Evolution » avec Joachim Dacodjout, Bernard Mambéké Boucher et Abel. - 351 -

de Jean Félix-Tchicaya. Le leader congolais qui a commencé sa carrière politique en 1945 a, jusqu’à cette date, sollicité et obtenu sans anicroches les suffrages de ses compatriotes. Il a battu jusqu’ici son challenger Jacques Opongault. Mais en 1951, les choses commencent à changer. Pour la première fois, l’élection de Félix-Tchicaya est contestée puis invalidée111. Cela conduit l’administration à organiser un nouveau scrutin que le leader du RDA gagne à la fin. Malgré ces difficultés, tous s’accordent à reconnaître en lui, jusqu’au milieu des années 1950, un grand leader africain qui a marqué de sa présence les débats au Palais Bourbon sur les questions d’outre-mer. Il n’a cessé, en effet, de contester l’ordre colonial. Il a combattu le principe du double collège comme anti-démocratique. Cela lui a valu un satisfecit de la part des participants au congrès de Bamako en ces termes : Le Rassemblement Démocratique Africain constate que, grâce à l’aide des députés autochtones et notamment de Jean-Félix Tchicaya, le principe du double collège, instrument de la réaction colonialiste, a failli être définitivement supprimé en Afrique noire.112 Il réclame le contrôle des concessions agricoles, forestières et minières par les assemblées locales ; ce qui sous entend la suppression du décret du 23 mars 1899 octroyant d’énormes 111

Les adversaires du député ont évoqué les motifs suivants : non révision des listes électorales ; distribution défectueuse des cartes d’électeurs ; insuffisance des lieux de vote et, par voie de conséquence, fermeture tardive de certains bureaux ; pressions diverses. Jean Félix-Tchicaya est réélu au grand dam de ses adversaires. Sur les quelques 40 000 voix exprimées, le leader du PPC-RDA obtient plus de la moitié des voix et devance son adversaire immédiat de plus de 5000 voix. 112 Claude Gérard, op. cit., p. 110. - 352 -

concessions de terres d’Afrique équatoriale à des compagnies coloniales françaises. Il réclame aussi une législation qui assure aux Blancs et aux Noirs les mêmes droits et libertés dans les colonies d’Afrique. A la faveur de la loi cadre votée le 23 mars 1956 et qui doit accélérer l’évolution administrative et politique des territoires d’outre-mer, de nouvelles élections législatives sont organisées. Pour la cinquième fois depuis 1945, Jean FélixTchicaya, député sortant au parlement de la République, sollicite les suffrages des populations du Moyen-Congo. Au niveau du deuxième collège, la lutte a été plus serrée entre le député sortant et les autres candidats, notamment les deux suivants immédiats, comme le montre les chiffres ci-après : Félix-Tchicaya : 45 976 voix ; Opangault : 43 193 ; Youlou : 41 084. Le duel politique qui a opposé depuis 1945 Jean FélixTchicaya (considéré comme leader du sud et qui a bénéficié du vote dit « des os »113 des partisans de Matsoua) à Jacques Opangault (leader du nord) va s’estomper au profit d’un nouveau duel qui opposera désormais, à partir de 1956, Jacques Opangault à l’Abbé Fulbert Youlou. Ce dernier prend progressivement le leadership politique du sud qui était jusque là incarné par Félix-Tchicaya.114 Les élections municipales qui 113

Les partisans de Matsoua refusant de voter pour les candidats officiels, ont pendant longtemps reporter leurs voix sur Matsoua mort depuis 1942. Pour le commun des Congolais, ils votaient donc pour « des os » d’un mort. 114 Après les élections législatives de janvier, l’Abbé Fulbert Youlou décide de créer son propre instrument de prise de pouvoir : l’Union démocratique de défense des intérêts africains (UDDIA). Il rassemble autour de lui les personnalités suivantes : Stéphane Tchichelle, numéro 2 du PPC, Jean Biyoudi, Joseph Senso, Raphaël Ndeko, Gérard Nkoumbou, Michel Kibangou, Marc Dehlot, Alphonse Soukantima, Prosper Gandzion, Samuel Vouka, Patrice Lhoni, Bernard Kolelas, Yves Mfouna, Prosper Locko. - 353 -

se déroulent le 18 novembre 1956 à Brazzaville et à PointeNoire en ce qui concerne le Moyen-Congo confirment la perte de vitesse du parti de Félix-Tchicaya et la montée fulgurante de Fulbert Youlou dont les listes remportent les élections municipales á Brazzaville et Pointe-Noire. Battu en 1957 aux élections à l’Assemblée territoriale par l’UDDIA, son étoile cesse progressivement de briller dans le firmament politique congolais. Malade depuis de longs mois, c’est avec peine qu’il assiste aux festivités de l’indépendance à Brazzaville. Le 16 janvier 1961, Jean Félix-Tchicaya, président fondateur du premier parti politique congolais, le Parti progressiste congolais, membre fondateur du Rassemblement démocratique africain et député à l’Assemblée nationale française de 1945 à 1956, décède à Pointe-Noire, à l’hôpital Adolphe Cissé. L’homme a dominé la vie politique congolaise pendant un peu plus de dix ans, de 1945 à 1956. Elu député du Moyen-Congo en 1945, il a constamment été élu jusqu’à la fin de la présence des députés d’outre-mer à l’Assemblée nationale française. Jean Félix-Tchicaya a été inhumé le 17 janvier 1961 dans le vieux cimetière de la Mission-Mère de Loango. Auparavant, de nombreux hommages furent rendus au disparu. Dans son éloge funèbre, Rossard, Haut Représentant de la France au Congo a indiqué que « Félix-Tchicaya est un député français et un patriote congolais. Député français, il est une des figures les plus populaires du Parlement français de 1945 à 1958. Patriote congolais, il fut aussi, un des plus typiques représentants de cette génération d’Africains qui, tout en participant à la vie politique française, ont conduit sans heurt leur pays sur les chemins de la maturité et de l’indépendance ».115

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« Eloge funèbre de M. Jean Félix-Tchicaya par le Haut Représentant de la France (17 janvier 1961) », Ministère de l’information, 1961, - 354 -

2. Jacques Opangault (1907-1978) Jacques Napoléon Ludovic Opangault est né le 13 décembre 1907 à Ikanga, village de la subdivision d’Ewo, dans le département de la Likouala-Mossaka dans le territoire du Moyen-Congo. Il est le fils de Jacques Adolphe Opangault dit Lebandzi et de Marie Thérèse Miangouba. Ancien élève de l’école de la mission catholique de Boundji et du séminaire de Brazzaville116, il entre dans l’administration coloniale en qualité de commis. En juin 1943, Jacques Opangault est porté à la présidence de l’ « Association des fonctionnaires indigènes » nouvellement créée et qui n’avait pas les faveurs de l’administration coloniale. Aussitôt après, avec quatre de ses compagnons, Jean Kibath, Jacques Mwene Kolo, Pamphile Adada et Moïse Eckomband, il dépose auprès du Gouvernement général un document revendiquant de meilleures conditions de travail et de traitement. Ce document est jugé par l’administration comme dangereux. Aussi, les cinq compagnons sont immédiatement arrêtés. Ce texte constitue la première trace de l’utilisation d’un tract par les Congolais. En juillet 1943, le tribunal indigène de 2ème degré siégeant à Brazzaville juge l’ « affaire Opangault et consorts ». Jacques Opangault, commis d’administration au tribunal de Brazzaville, est « inculpé d’écrits séditieux et appel à la révolte contre l’autorité par distribution de tracts dans les bureaux du

1960, Année de l’Afrique. La vie politique dans la République du Congo Brazzaville, Brazzaville, Imprimerie nationale, p. 226. 116 Maurice Ognamy indique dans une interview relative au 30e anniversaire de la mort de Jacques Opangault, que celui-ci se destina, avant d’entrer dans l’administration coloniale, à la fonction religieuse de frère (interview du 20 août 2008, DRTV, Brazzaville).

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Gouvernement général de l’AEF »117. Par arrêté n° 1459 du 5 juillet 1943, Jacques Opangault et ses amis sont révoqués de leurs emplois respectifs pour fautes graves et incarcérés à Kinkala.118 Il transparaît donc, qu’au cours de la Seconde Guerre mondiale, les autochtones congolais ne pouvaient formuler des revendications corporatistes ; celles-ci étaient automatiquement assimilées à des revendications politiques, et donc condamnables. En octobre 1943, Pierre Buttafoco, administrateur maire de Brazzaville et chef du Département du Pool, ordonna la mise en liberté de Jacques Opangault et de ses amis. Leur réintégration dans la fonction publique intervint le 9 janvier 1944 (arrêté n° 81 du 9 janvier 1944). Mais, en guise de sanction administrative, Opangault et deux de ses amis sont mutés hors du Moyen-Congo : lui-même à Bangui, en Oubangui-Chari ; Jean Kibath au Gabon et Jacques Mwene Kolo au Tchad. En 1945, au moment où il présente sa candidature devant le collège électoral indigène de Brazzaville pour la représentation des originaires du Gabon et du Moyen-Congo devant l’Assemblée nationale constituante, Jacques Opangault est commis d’administration de 2e classe en service à Bangui, en Oubangui-Chari.119 Résidant hors du Moyen-Congo, Jacques Opangault se fait donc représenté par son mandataire lors de ces élections, Prosper Decorads, commis principal des douanes résident à Brazzaville. 117

Jacques Opangault, 1987, Discours et écrits politiques, Paris, Présence Africaine, p. 22. 118 Ibid, p. 22. 119 Informations tirées de la lettre en date du 28 septembre 1945 dans laquelle Jacques Opangault sollicite son inscription en qualité de candidat aux élections du 21 octobre 1945 à l’Assemblée nationale constituante française (Archives du gouvernement général de l’AEF, Brazzaville, cote GG226 (2), sous- chemise 16 : Jacques Opangault). - 356 -

Tout comme Jean Félix-Tchicaya, Jacques Opangault n’a pas véritablement de programme politique pour le compte de ces premières élections.120 Il est devenu militant socialiste après sa rencontre avec un groupe de militants socialistes métropolitains de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que la SFIO crée une fédération en AEF. Revenu en 1945 de l’Oubangui-Chari où il avait été exilé par l’administration coloniale, Jacques Opangault prend attache avec ce petit groupe d’Européens qui vient de créer la fédération d’Afrique équatoriale française de la SFIO. La mobilisation des « militants » africains autour de Jacques Opangault ne se fait pas sur des bases réellement politiques mais essentiellement ethniques. Les Mbosi, ethnie du leader et d’autres ethnies du Nord constituent le cercle de recrutement de la section locale de la SFIO, puis plus tard du MSA. En effet, la SFIO devient en 1957, avec l’africanisation, le Mouvement Socialiste Africain (MSA). C’est du 31 août au 1er septembre 1957 que la section congolaise de la SFIO, le MSA, tient son congrès constitutif. Jacques Opangault est porté à la présidence du mouvement. Le parti reçoit dès 1957 l’appui du leader syndicaliste (CGT) Simon Pierre Kikhounga Ngot. Ce dernier, originaire du Niari, avait créé en août 1956 le Groupement pour le Progrès Economique et Social du MoyenCongo (GPES). Après un bref apparentement au MSA, le leader du GPES est intégré à la direction du MSA et en devient le principal animateur au sud du pays, notamment au Niari. L’entrée de Kikhounga Ngot au MSA permet à ce parti d’étendre son influence au sud. 120

Le dossier GG 226 (2) ci-dessus mentionné ne contient pas la profession de foi d’Opangault pour les élections du 21 octobre 1945. Cela aurait permis de savoir quels étaient ses points de vue sur l’avenir politique de l’AEF en général, et du Moyen-Congo en particulier. - 357 -

De 1946 à 1955, le Mouvement Socialiste Africain est le parti rival du Parti Progressiste Congolais de Jean félixTchicaya. De 1945 à 1956, Jacques Opangault a été le challenger de Jean Félix-Tchicaya dans la course pour le siège de député du Moyen-Congo au Palais Bourbon. Dès 1957, c’est Fulbert Youlou qui devient son vis-à-vis politique jusqu’à l’indépendance. Le 31 mars 1957 se déroulent les élections législatives. Elles diffèrent des élections précédentes car il s’agit d’élire une assemblée qui aura notamment la charge de désigner un conseil de gouvernement, véritable embryon d’exécutif local. Le parti de Jacques Opangault obtient 23 sièges et celui de Fulbert Youlou 22 sièges. Leader du groupe parlementaire majoritaire à l’Assemblée territoriale, Jacques Opangault, devient donc le vice-président du Conseil du gouvernement, mais le MSA ne dispose pas d’une majorité suffisante pour constituer le Conseil du gouvernement. C’est finalement un gouvernement de coalition que le gouverneur Soupault met en place. Celui-ci comprend quatre Français et six Congolais. Du fait de la courte marge entre les deux forces en présence, chacun des deux partis a donc obtenu cinq postes ministériels. Le PPC en pleine déconfiture n’obtient aucun portefeuille ministériel. L’abbé Youlou, qui est en même temps maire de Brazzaville, occupe le département de l’agriculture, poste qui va lui permettre d’entrer en contact avec le monde des paysans, majoritaires dans le pays. Le jeu politique congolais est désormais organisé autour d’un bipartisme représenté par le MSA et l’UDDIA. Ce gouvernement de coalition va malheureusement avoir une vie très mouvementée en raison du changement de majorité survenu à l’Assemblée territoriale en septembre 1957. En effet à cette date, Georges Yambot élu à Mossendjo sur la liste GPES

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de Kikhounga-Ngot121, change de camp à l’Assemblée territoriale, faisant basculer la fragile majorité au profit de l’UDDIA. Sa défection serait due vraisemblablement à son « achat » par les Blancs de l’UDDIA. L’UDDIA qui a désormais 23 sièges sur les 45 du total, exige la formation d’un nouveau gouvernement dans lequel son leader, Fulbert Youlou, prendrait la vice-présidence. Jacques Opangault et le MSA qui ne l’entendent pas de cette oreille exigent l’exclusion de l’Assemblée du transfuge et la reprise des élections dans la circonscription de Mossendjo. Georges Yambot refuse de se plier aux desideratas de son ancienne formation politique. L’affaire est portée devant le Haut-commissaire. Mais ce dernier propose, en attendant un règlement judiciaire, la suspension de l’élu de toute délibération au Parlement. Un communiqué récapitulant cette position admise par les deux parties en conflit est signé le 19 septembre 1957 sous l’égide du Haut-commissaire. La situation politique en cours à l’Assemblée territoriale se traduit dans le pays par une tension sourde, chaque famille politique cherchant le prétexte qui déclenchera la confrontation directe.122 L’élection de Fulbert Youlou comme Premier ministre et le transfert de la capitale de Pointe-Noire à Brazzaville, le 28 novembre 1958, lors de la dernière session 121

Simon Pierre Kikhounga-Ngot, né à Maboukou (Niari) en 1920, a eu un parcours de militant syndicaliste CGT et de conseiller territorial du Moyen-Congo d’abord pour le compte du PPC de Félix-Tchicaya, puis pour le compte du MSA après l’intégration de son parti, le GPES, au sein du MSA. 122 Des incidents éclatent à Dolisie le 11 janvier 1958 lors de la tenue des assises de l’UDDIA ; sac du village Kakamoeka le 8 avril 1958 suite à la mort accidentelle du député UDDIA Dumond ; défection du député du MSA, Henri Itoua, qui permet l’accès au perchoir de l’Assemblée du député UDDIA, Christian Jayle et l’élection de Fulbert Youlou comme Premier ministre en 1958. - 359 -

ordinaire de l’Assemblée territoriale du Moyen-Congo à Pointe-Noire, dans des conditions contestées par le MSA, est la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Le refus du nouveau Premier ministre de reprendre les élections que réclame à cor et à cri le MSA, envenime la situation dans le pays. Les principales villes, Pointe-Noire, Dolisie et Brazzaville s’embrasent dans des violences inouïes. Le bilan des émeutes de février 1959 est très lourd à Brazzaville : officiellement 120 personnes ont été tuées, cent soixante-dix blessés graves, plus de trois cent cinquante maisons détruites.123 Jacques Opangault et Simon Pierre Kikhounga-Ngot sont arrêtés pour incitation à la violence. Ils ne retrouveront leur liberté que cinq mois plus tard à la faveur d’une loi d’amnistie. Le MSA sort très affaibli de ces troubles sociopolitiques. De nouvelles élections législatives organisées en 1959, par le gouvernement Youlou, sur la base d’un nouveau découpage électoral favorable à l’UDDIA affaiblit de plus bel le MSA qui n’obtient que 10 des 60 sièges de la nouvelle Assemblée. En situation de faiblesse et au nom de l’intérêt national, le leader du MSA est obligé de composer avec le gouvernement pour que l’accession à l’indépendance se face sous le sceau de le réconciliation, de la paix et de l’unité nationales. Celle-ci intervient le 15 août 1960, et Fulbert Youlou devient le premier président du nouvel Etat. Au nom de l’unité nationale et de la lutte pour le développement économique national, les leaders politiques congolais, toutes tendances confondues, jettent aux calendes grecques les vieilles querelles partisanes. Ce consensus se traduit par la suite, dans la pratique, d’une part par l’unanimité autour des questions d’intérêt national, et d’autre part par la désignation de Fulbert Youlou comme candidat unique à 123

Rémy Boutet, 1990, Les trois glorieuses ou la chute de Fulbert Youlou, Dakar, Chaka, p. 28. - 360 -

l’élection présidentielle de 1961. Elu sans difficulté, il met en place un gouvernement d’union nationale dans lequel participent ses anciens adversaires politiques. Fort de la légitimité populaire et de l’avis favorable des leaders d’autres partis et même des syndicats, Fulbert Youlou propose la création d’un parti unique. Celui-ci est adopté le samedi 13 avril 1963 par le Parlement congolais. Mais les fondateurs de la première République n’ont pas le temps de l’expérimenter, car ils sont renversés par un soulèvement populaire en 1963. Absent du pays au moment de ce soulèvement, Jacques Opangault, solidaire du gouvernement Youlou dont il était membre,124 rejoint Brazzaville. Refusant les sollicitations des responsables du mouvement qui lui demandent de devenir chef du futur gouvernement, il retrouve Fulbert Youlou en prison. En 1965, après avoir mis en place les nouvelles institutions, le gouvernement révolutionnaire issu du mouvement des 13, 14 et 15 août 1963, procède au procès de l’ancien régime. Jacques Opangault, Stéphane Tchichelle, Simon Pierre Kikhounga-Ngot et Dominique Nzalakanda sont relaxés. Ce procès a sonné le glas pour la première génération d’hommes politiques congolais qui disparaissent progressivement de la scène politique. Le dimanche 20 aout 1978, Jacques Opangault, ancien leader du MSA et titulaire de nombreuses décorations étrangères, meurt à l’Hôpital général de Brazzaville, des suites d’une longue maladie. Son corps repose actuellement à Boundji, dans le Département de la Cuvette. 3. Fulbert Youlou (1917-1972) Fulbert Youlou, comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, surgit sur la scène politique congolaise à l’occasion des 124

De 1962 à 1963, Jacques Opangault est ministre d’Etat chargé des travaux publics. - 361 -

élections législatives et municipales de 1956. Qui est-ce ? Quels ont été sa formation intellectuelle et son parcours politique ? Fulbert Youlou est né le 7 juin 1917 à Madibou125, à quelque dix kilomètres au sud de Brazzaville. Après ses études primaires, il entre en 1929 au petit séminaire de Brazzaville. Il est envoyé ensuite au Cameroun pour y poursuivre ses études secondaires. Il étudie tour à tour à Akono, puis au Grand Séminaire de Yaoundé. Revenu au Congo, il est professeur au petit séminaire de Mbamou. Il quitte à nouveau Brazzaville pour aller poursuivre ses études de théologie au Séminaire Libermann de Libreville. Mais, c’est à Brazzaville qu’il achève lesdites études et est ordonné prêtre le 9 juin 1946. L’année où Jean Félix-Tchicaya et Jacques Opangault se disputent à nouveau le siège de député du collège indigène à l’Assemblée nationale française, Fulbert Youlou est affecté a la paroisse Saint-François de Brazzaville où il s’occupe des œuvres catholiques et des organisations de jeunesse. Il assume aussi les fonctions d’aumônier de l’hôpital général. Bien qu’homme d’Eglise, Fulbert Youlou n’est pas indifférent à la politique, et particulièrement à l’évolution politique de son pays. Lors des élections du 15 décembre 1946 relatives à la désignation des membres des Assemblées représentatives, au Moyen-Congo, l’Abbé Fulbert Youlou se présente sur la liste « Evolution » avec Joachim Dacodjout, Bernard Mambéké Boucher et Abel Ganga. Encore inconnu, le 125

Les documents de l’administration coloniale relatifs aux élections du 2 janvier 1956 (candidature du 2ème collège Gabon et Moyen-Congo) indiquent qu’il est né le 9 juin 1917 à Moumboualo, district de Brazzaville), cf. dépôt microfilmé des Archives nationales de France, Section outre-mer ANSOM) d’Aix-en-Provence ; cf. Archives nationales du Gabon (ANG) – Libreville : cote du microfilm 51 MIOM 131, série 21 D 29.

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jeune abbé fut battu. Dix ans plus tard, à la faveur des élections législatives du 2 janvier 1956 relatives à l’application de la loi cadre, il entre réellement sur la scène politique congolaise. Il est certes battu par le député sortant FélixTchicaya, mais il vient de se révéler comme son successeur politique dans la partie sud du pays. Fort de son succès électoral, Fulbert Youlou décide de créer en mai 1956 son propre instrument de conquête politique : l’Union démocratique de défense des intérêts africains (UDDIA). Avec l’appui des milieux d’affaires européens de Brazzaville, l’UDDIA devient une véritable machine politique qui permet à Fulbert Youlou et à son lieutenant, à PointeNoire, Stéphane Tchichelle, d’arracher les mairies de Brazzaville et Pointe-Noire lors des élections municipales du 18 novembre 1956. Les élections à l’Assemblée territoriale du Moyen-Congo confirment la montée fulgurante de Fulbert Youlou dont le parti obtient 22 des 45 sièges. Devancée par le MSA d’Opangault, d’un seul siège, l’UDDIA accepte de faire partie du gouvernement de coalition dont la vice-présidence est confiée, selon la loi, à Jacques Opangault. Fulbert Youlou, numéro deux du gouvernement, gère le portefeuille de l’agriculture qui lui permet d’être en contact avec le monde rural congolais, fait important pour son avenir politique. Le 28 novembre 1958, dans le contexte déjà décrit à propos de Jacques Opangault, la République du Congo est proclamée et l’Abbé Youlou en devient Premier ministre, puis président de la République en juin 1959, avant d’être réélu en mars 1961. Renversé le 15 aout 1963 par un mouvement populaire dirigé par les syndicalistes et les jeunes, Fulbert Youlou signe sa démission et permet à Alphonse Massamba Debat, choisi par les meneurs du mouvement, de devenir le nouveau chef de l’Etat.

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Détenu à Brazzaville, il réussit à s’enfuir pour Léopoldville avant son jugement. S’étant vu refuser l’installation en France par le gouvernement français, il se réfugie à Madrid en Espagne où il est mort le 5 mai 1972. Le Conseil d’Etat de la République populaire du Congo (le gouvernement) et le Bureau politique du Parti congolais du travail (PCT) réunis le 7 mai 1972 à Brazzaville répondirent favorablement à la demande des parents de Fulbert Youlou de voir la dépouille mortelle de ce dernier être rapatriée au Congo, malgré les divergences idéologiques qui ont existé entre lui et les autorités congolaises. Il fut enterré à Madibou, son village natal. Fulbert Youlou est l’auteur de trois ouvrages qui se rapportent à l’histoire politique de notre pays et de l’Afrique : Le matsouanisme (1955), L’Afrique aux Africains (1960) et J’accuse la Chine (1966).126 IV – Les grandes figures politiques congolaises (1963-2010) 1. Alphonse Massamba-Débat (1921-1977) En démissionnant de ses fonctions présidentielles, Fulbert Youlou, assigné momentanément au palais où il est gardé par l’armée congolaise, a provisoirement confié le pouvoir aux deux officiers congolais les plus élevés en grade : les capitaines Mountsaka et Mouzabakani. De concert avec les syndicalistes, ces officiers sont allés à Boko (à quelque 100 km de Brazzaville) solliciter Alphonse Massamba-Debat de prendre la tête d’un gouvernement provisoire. Qui est cet homme auquel recourent les leaders syndicalistes, en panne de candidat à la succession du président démissionnaire ? 126

Fulbert Youlou, 1955, Le matsouanisme, Brazzaville, Imprimerie centrale, 11 p. ; - 1960, L’Afrique aux Africains, Brazzaville, Ministère de l’information, 16 p. ; -1966, J’accuse la Chine, Paris, La Table ronde, 253 p. - 364 -

Né en 1921 à Kolo, à quelques kilomètres de Boko, dans la région du Pool, Alphonse Massamba-Debat débute sa vie politique dans les rangs du RDA dès sa fondation en 1946 par Houphouët-Boigny, d’abord au Tchad où il est instituteur puis au Moyen-Congo, son pays. En 1956, il s’inscrit à l’UDDIA de Fulbert Youlou, devenue la section congolaise du RDA. En juin 1959, il est élu député de la 4ème circonscription (Brazzaville) pour le compte de l’UDDIA. Président de l’Assemblée nationale pendant deux législatures de 1960 à 1962, il devient par la suite ministre du Plan et de l’équipement jusqu’en mai 1963. Révoqué du gouvernement par le président Youlou, il se retire dans son village près de Boko. C’est là que la délégation des leaders syndicaux et des officiers de l’armée congolaise le rencontre dans la journée du 15 août 1963. Revenu dans la soirée du 15 août à Brazzaville, Alphonse Massamba-Debat, réuni avec les chefs syndicalistes et quelques hauts cadres proches de ces derniers, met sur pied ledit gouvernement qui est rendu public le 16 août. C’est une équipe réduite de huit membres que l’on s’est empressé de revêtir du qualificatif de gouvernement des « techniciens ». En dehors de Massamba-Debat et Germain Bicoumat, les deux seuls hommes politiques connus, les autres sont pour le grand public congolais des illustres inconnus sur le plan politique. Le terme « techniciens » leur est en réalité destiné. Il s’agit de jeunes cadres qui ont été choisis non pour leur expérience politique, mais pour leur savoir faire ; parce qu’ils maîtrisent des domaines dont on leur a confié la charge. Premier ministre du gouvernement révolutionnaire, il s’attelle à mettre en place les nouvelles institutions. Un double scrutin est organisé le 8 décembre 1963 ; il concerne le référendum constitutionnel et l’élection des députés. La nouvelle constitution est adoptée à 85% et les 55 sièges de la future Assemblée reviennent aux révolutionnaires concoctés - 365 -

sur la liste du Mouvement national révolutionnaire, qui deviendra en 1964 Mouvement national de la révolution (MNR).127 En application de la nouvelle constitution, Massamba-Debat est élu président de la République le jeudi 19 décembre 1963 par un collège électoral comprenant des membres de l’Assemblée nationale, des conseillers préfectoraux, souspréfectoraux et municipaux. Avec l’appui de nouvelles figures politiques (syndicalistes, intellectuels et jeunes), il crée le 2 juillet 1964 le premier parti politique «unique » d’Afrique centrale, le Mouvement national de la révolution (MNR) dont il est le Secrétaire général. Des organisations satellites y sont rattachées : la Jeunesse du mouvement national de la révolution (JMNR), la Confédération syndicale congolaise (CSC) et l’Union révolutionnaire des femmes du Congo (URFC).128 L’alliance qui a permis la naissance du MNR va se détériorer au fil des temps. Alphonse Massamba-Debat qui est partisan du « socialisme bantou » doit faire face à deux fronts. Il y a d’une part, la fougue des jeunes intellectuels marxistes ou marxisants venus de France ou formés idéologiquement en 127

La liste du MNR a été en réalité l’alliance des forces politiques qui ont conduit à la chute du régime de Fulbert Youlou, c’est-à-dire les syndicalistes, les jeunes cadres récemment rentrés de l’étranger, notamment de France, la jeunesse scolaire et estudiantine de Brazzaville. Les 7 sièges de la commune de Brazzaville, par exemple, en sont une illustration patente : Julien Boukambou (syndicaliste), Jean-Francois Gandou (syndicaliste), Léon Angor (syndicaliste), Martin Mbéri (étudiant en licence de droit au Centre d’enseignement supérieur de Brazzaville, président de l’ASCO), Oscar Samba (cadre), Marie Kombo et Ahissou (née Golengo Micheline) (Association de femmes). 128 Congrès constitutive du MNR du 29 juin au 2 juillet 1964 ; du 4 au 6 août 1964 congrès constitutif de la JMNR ; novembre 1964 congrès constitutif de la CSC ; 4 mars 1965 congrès constitutif de l’URFC. - 366 -

URSS ou en Chine populaire, qui réclament les nationalisations dans les secteurs clés de l’économie et dans l’enseignement. Il y a d’autre part les jeunes de la JMNR qui brillent par des exactions de plus en plus nombreuses. L’omniprésence du parti sur l’ensemble des structures de l’Etat et dans la vie quotidienne des Congolais se traduit de plus en plus par des pratiques qui prennent un caractère dictatorial et dangereux : arrestations et disparitions des opposants ou supposés tels, jugements sommaires, brimades à l’endroit de certains cadres civils ou militaires, etc. Malgré des performances économiques qui lui donnent l’image d’un bon gestionnaire, cette situation et les conflits entre les différentes tendances politiques au sein du parti entament le crédit du régime. En août 1968, Alphonse Massamba-Debat supprime le poste de Premier ministre (occupé de 1964 à 1966 par Pascal Lissouba et de 1966 à 1968 par Ambroise Noumazalaye) et dissout l’Assemblée nationale. Le mécontentement se généralise et ne tarde pas à gagner les casernes. L’arrestation du capitaine Marien Ngouabi le 27 juillet 1968 est la goutte d’eau qui fait déborder le vase du MNR. Délivré par ses partisans, Marien Ngouabi prend la tête du mouvement dit du 31 juillet 1968, qui se conclue le 14 septembre par l’éviction d’Alphonse Massamba-Debat du pouvoir. Il se retire pendant près de dix ans, à nouveau dans son village, loin des turbulences de la vie politique active. En mars 1977, il ressurgit sur la scène politique congolaise à l’occasion de l’assassinat de son successeur, le président Marien Ngouabi. Il est accusé par les nouvelles autorités politiques congolaises regroupées au sein du Comité militaire du parti (CMP) d’être le commanditaire du complot qui a conduit à la mort de Marien Ngouabi. Arrêté, il est jugé et condamné à mort par une cour martiale siégeant à huis clos. Il est exécuté le 25 mars 1977.

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2. Marien 0gouabi (1938-1977) Marien Ngouabi est né le 31 décembre 1938 à Ombélé, village du district de Fort-Rousset (actuel Owando), dans le département actuel de la Cuvette. Après ses études primaires à Fort-Rousset, il est admis à l’Ecole préparatoire militaire Général Leclerc de Brazzaville où il reçoit de 1953 à 1957 la formation militaire de base. C’est en France qu’il poursuit ses études supérieures, précisément à l’Ecole militaire préparatoire de Strasbourg et à l’Ecole militaire interarmes de Coëtquidan. Après sa formation, il revient au Congo où, avec d’autres jeunes officiers congolais, ils formeront l’ossature de la jeune armée congolaise au moment de l’indépendance. Affecté à Pointe-Noire en 1962, il assume tour à tour les fonctions d’Adjoint au Commandant de la compagnie d’infanterie et de Commandant d’Armes de la ville de PointeNoire. Nommé capitaine après le mouvement des 13, 14 et 15 aout 1963, il est appelé en 1964 à Brazzaville pour prendre la tête du premier bataillon des para-commandos. Son action d’organisation et d’encadrement à la tête de ce bataillon lui vaut d’être proposé par les soldats et les officiers comme représentant de l’armée au comité central du MNR. Les critiques qu’il formule dans les réunions du comité central du MNR à propos de la politisation de l’armée, lui valent rapidement la méfiance du président Alphonse Massamba-Debat. Celui-ci le fait affecter à nouveau à PointeNoire. Mais Marien Ngouabi, qui ne veut pas s’éloigner du centre des décisions politiques, refuse de rejoindre PointeNoire. Ce refus est considéré par ses supérieurs hiérarchiques et par les autorités politiques comme un acte d’indiscipline. Aussi, est-il rétrogradé soldat de deuxième classe. Cette décision suscita au sein de l’armée, des milieux politiques dits de gauche et d’une frange de la population brazzavilloise, des manifestations de protestation. Le pouvoir - 368 -

de Massamba-Debat recula en annulant la décision. L’influence et l’audience politiques de Marien Ngouabi venaient d’être décuplées malgré lui. Mais son arrestation le 29 juillet 1968 pour tentative de coup d’Etat précipita vers sa chute le régime de Massamba-Debat de plus en plus décrié. Marien Ngouabi est connu comme le fondateur du Parti congolais du travail (PCT), comme celui qui a fait engager officiellement le Congo sur la voie du « socialisme scientifique » en adoptant le marxisme-léninisme comme idéologie. Cette option l’a amené à faire face à un certain nombre de situations. Sur le plan de la politique intérieure, Marien Ngouabi dut affronter des mouvements de contestation venant aussi bien de ses opposants, de ses amis politiques, des jeunes que des travailleurs. En effet, aussitôt après l’unanimité qui s’était faite sur sa personne à la veille de la chute du régime de MassambaDebat, il se heurta à des coups d’Etat organisés soit par des opposants déclarés au marxisme-léninisme (Bernard Kolélas et Mouzabakani en 1969 ; Pierre Kinganga en mars 1970), soit par ses camarades du parti en divergence politique avec sa ligne politique (mouvement du 22 février 1972 d’Ange Diawara, encore appelé M22). Par leurs mouvements de grève, les élèves et étudiants du Congo regroupés au sein de l’Union générale des élèves et étudiants du Congo (UGEEC) en 1971 et 1975, et les travailleurs congolais sous la férule de la CSC, ont montré qu’en l’absence d’une opposition politique organisée, les jeunes et les syndicats constituaient la seule forme de contestation dans un système de parti unique. Sur le plan international, Marien Ngouabi marqua d’importants points. Au niveau de la sous région Afrique centrale, il se révéla non seulement comme un partisan de l’intégration économique en participant activement aux réunions de l’Union douanière et économique de l’Afrique - 369 -

centrale (UDEAC), mais aussi comme un partisan de la paix et de la sécurité sous régionale. Malgré les tensions entre le Congo et son voisin de la rive gauche du fleuve Congo, le Zaïre, notamment après l’exécution de Pierre Mulele (rentré à Kinshasa, via Brazzaville) par le pouvoir du président Mobutu, il privilégia le dialogue avec son homologue et la sauvegarde des liens d’amitié et de fraternité séculaires entre les deux pays. Au niveau de l’Afrique australe, Marien Ngouabi apporta un soutien indéfectible aux mouvements de libération africains. C’est à ce titre que Brazzaville devint, en 1975, la plaque tournante du dispositif russo-cubain pour aider le Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA) aux prises avec ses adversaires (le Front national de libération de l’Angola (FNLA) et l’Union pour la libération totale de l’Angola (Unita), pour le contrôle de la capitale Luanda. Sur le plan économique, les gouvernements successifs de cette période ne firent pas de grandes prouesses. Grâce aux 21 milliards 400 millions de FCFA obtenus de la compagnie pétrolière française Elf Congo en 1974, au titre des redevances et des impôts sur le pétrole, Marien Ngouabi fit adopter par le comité central du PCT un programme triennal de développement économique et social. Ce programme qui s’appuyait sur la planification de l’économie et les nationalisations ne donna pas les résultats escomptés, les revenus pétroliers ayant curieusement baissé par la suite. La planification se révéla donc impossible dans ce pays où l’économie extravertie était sous le contrôle d’entreprises essentiellement françaises. Les difficultés économiques, conjuguées aux tensions internes au sein des instances politiques (radicalisation de la révolution, remplacement du Bureau politique par l’Etat-major spécial révolutionnaire, EMSR) créèrent le terreau à partir duquel germa le complot qui devait mettre fin à ses jours en mars 1977. En effet, le 18 mars 1977, Marien Ngouabi est assassiné à Brazzaville. - 370 -

Officiellement, il l’a été dans sa résidence de l’Etat-major par un commando ayant à sa tête le capitaine Kikadidi. Cet assassinat aurait été commandité par l’ancien président, Alphonse Massamba-Debat. Cet assassinat est l’un des grands drames de l’histoire politique du Congo. Il a entrainé l’assassinat du premier cardinal congolais, Emile Biayenda le 22 mars ; l’exécution du commanditaire et des membres du commando ; l’arrestation et la condamnation de nombreuses personnalités politiques pour leur participation réelle ou supposée au complot. En 1991, soit près de quinze ans après le procès des assassins de Marien Ngouabi, la Conférence nationale mit en place une commission chargée d’apporter la lumière sur les différents crimes qui ont émaillé la vie politique congolaise depuis 1963. Les conclusions de cette commission sur cette question ne semblent pas avoir mieux éclairé la lanterne des Congolais. Le commun des Congolais a, de Marien Ngouabi, l’image d’un homme affable, très simple, qui a vécu loin des palais fastueux. Cet homme pouvait, un matin aller au lycée technique de la capitale vérifier de visu comment les élèves de la section bois du lycée technique pouvaient travailler sans bois alors que le Congo est grand producteur de bois ! Marien Ngouabi était un homme assoiffé de connaissances. C’est pourquoi, il s’était inscrit à la Faculté des sciences de Brazzaville où il obtint en 1975 une maîtrise de physique. Ce diplôme lui avait permis, par la suite, avec le concours des professeurs de l’université Paul Sabatier de Toulouse, en France, d’obtenir un Diplôme d’études approfondies (DEA) en énergie solaire. C’est donc, à juste titre, que l’on avait pensé, après sa mort, dénommer l’université de Brazzaville : université Marien Ngouabi. - 371 -

Il est l’auteur, chez Présence Africaine à Paris, d’un ouvrage intitulé Vers la construction d’une société socialiste en Afrique129. Ce livre qui regroupe ses principaux écrits et discours de la période allant de 1969 à 1975 est important pour saisir l’itinéraire et la pensée politiques de l’homme, deux ans avant sa mort.130 3. Joachim Yhomby-Opango (12 janvier 1939 - ) Joachim Yhomby-Opango est né le 12 janvier 1939 à FortRousset (aujour’hui Owando) dans l’actuel département de la Cuvette. Il a été le condisciple de Marien Ngouabi à l'école primaire de Fort-Rousset où ils ont étudié de 1947 à 1954, avant de rejoindre l’Ecole préparatoire militaire Général Leclerc de Brazzaville. Yhomby-Opango en sort en 1957 avec le grade de sergent et est envoyé servir au Tchad jusqu’en 1960. De 1960 à 1962, il est en France, où, comme son compagnon d’armes Ngouabi, il suit une formation à l'École militaire interarmes de Coëtquidan. Il en sort avec le grade de lieutenant. Rentré au Congo, il est parmi les premiers officiers qui vont structurer l’armée nationale congolaise. Promu au grade de capitaine après le mouvement des 13, 14 et 15 août 1963, il entre au début de l’année 1965 dans le cabinet du président Massamba-Debat en qualité de chef de cabinet militaire. Mais, un décret du 21 avril 1965 le nomme Attaché militaire auprès de l’Ambassade du Congo à Moscou. En 1968, à la faveur de l’accession au pouvoir de Marien Ngouabi, il est rappelé à Brazzaville où il occupe tour à tour les fonctions de commandant du bataillon des paracommandos et de Chef 129

Marien Ngouabi, 1975, Vers la construction d’une société socialiste en Afrique, Paris, Présence Africaine. 130 On consultera avec grand intérêt la biographie de Marien Ngouabi faite par Théophile Obenga, 1977, La vie de Marien gouabi, 19381977, Paris, Présence Africaine. - 372 -

d'État-major Général avec le grade de commandant (novembre 1969). Il va occuper ce dernier poste stratégique jusqu’en 1973. Alors que son frère d’armes et ami Ngouabi demeure commandant, lui progresse en grade ; il est colonel en janvier 1973 et général de brigade en 1978. C’est dans le sillage de son compagnon d’armes, Marien Ngouabi, que Yhomby-Opango est entré en politique et a occupé des fonctions ministérielles131. Il entre au Comité Central du Parti congolais du travail (PCT) dès sa création en décembre 1969. Mais, six ans plus tard, à la suite de la session extraordinaire du Comité Central du PCT de décembre 1975 qui procède à la radicalisation de la révolution congolaise, il est exclu de cette instance en même temps que d’autres personnalités, et démis de son poste d'Inspecteur Général des armées. Il est par la suite nommé directeur de la Régie nationale des travaux publics (RNTP). En mars 1977, à la suite de l’assassinat du président Ngouabi, il fait partie du Comité militaire du parti (CMP) qui s’est octroyé les pouvoirs de l'Assemblée nationale dissoute et ceux du Comité central du PCT. Le 6 avril, il prête serment comme quatrième président de la République du Congo. Son pouvoir, malheureusement, sera de courte durée. Il est remplacé le 5 février 1979, sans violence, à la tête de l’Etat par Denis Sassou-Nguesso qui, avec l’appui de jean-Pierre Thystère-Tchicaya, l'ancien numéro deux du PCT sous Ngouabi et des organisations satellites du PCT (CSC, URFC et Union de la jeunesse congolaise), a réussi à organiser une session extraordinaire du Comité central du PCT, en sommeil depuis l'institution du CMP. 131

En juillet 1974, il est nommé ministre délégué auprès du président de la République, chargé de la Défense et de la Sécurité et des Postes et télécommunications, cumulativement avec ses fonctions d’Inspecteur général des forces armées. - 373 -

Pendant près de dix ans, c’est la traversée du désert pour Joachim Yhomby-Opango (arrestations et résidence surveillée). Le processus de démocratisation qui touche le Congo à partir de 1990 lui permet de revenir sur la scène politique. Il crée en fin 1990 le Rassemblement pour la Démocratie et le Développement (RDD) qui prend une part active à la Conférence nationale. Après l’élection présidentielle de 1992, son Parti politique entre dans la coalition gouvernementale dirigée par l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS) du nouveau président, Pascal Lissouba. Dans la turbulence politique qui caractérise le pays en 1993, il est nommé Premier ministre par Pascal Lissouba le 15 juin 1993 et le restera jusqu’en août 1996. La guerre qui embrase la capitale congolaise à partir du 5 juin 1997 et qui se terminele 15 octtobre 1997 par la victoire des forces de Denis Sassou-Nguesso, le contraint à l’exil pendant dix ans. Revenu au Congo, il a redynamisé son parti, le RDD qui, aujourd’hui, fait partie de la coalition gouvernementale dirigée par le PCT. 4. Denis Sassou-0guesso (1943 - ) Denis Sassou Nguesso est né en 1943 à Edou, un petit village des environs d'Oyo. Après avoir étudié à l'école primaire d’Edou, puis à celle de Fort-Rousset (où Marien Ngouabi et Joachim Yhomby-Opango firent aussi leurs études), il est allé de 1956 à 1960 à Dolisie, au Collège Normal de Mbounda, pour devenir instituteur. Mais il n’exercera pas ce métier, car il choisit d’exercer le métier des armes. En 1961, il suit la formation de l'École Interarmes de Cherchell, en Algérie. Rentré au Congo en 1962, il est reversé dans le cadre des officiers avec le grade de sous-lieutenant. L'année suivante, il intègre l'École d'Application de l'Infanterie

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de Saint-Maixent, en France. Il en sort avec le grade de lieutenant. Lorsque le capitaine Marien Ngouabi créé en 1965 le premier bataillon parachutiste de l'armée congolaise, il est l'un des premiers officiers du Groupement aéroporté. De 1968 à 1975, il est responsable de postes importants au sein de l’Armée, notamment à la Zone militaire de Brazzaville (ZAB). De tous les postes qu’il a occupés, c’est sûrement celui de directeur de la Sécurité d’Etat (services de renseignement du Congo) qui l’a préparé à la magistrature suprême. Il devient capitaine, puis commandant. En 1978, il devient colonel. Et en 1989, il devient général d'armée. L’itinéraire politique de Denis Sassou-Nguesso jusqu’en 1977 est intimement lié à celui de Marien Ngouabi. Il fait partie des membres fondateurs du Parti congolais du travail (PCT), et entre au Bureau Politique après le Congrès Extraordinaire du PCT de mars 1970 qui suit le putsch manqué du lieutenant Kinganga. Il est un des cinq membres, avec Marien Ngouabi, JeanPierre Thystère-Tchicaya, Louis Sylvain-Goma et Jean-Pierre Gombe, de l’État Major Spécial Révolutionnaire (EMSR) institué à la suite de la session extraordinaire du Comité central du PCT qui s’était tenue du 5 au 12 décembre 1975. Le 28 décembre 1975, sur délégation du Conseil d'Etat, exécutif de la République qui réunit l'EMSR et d'autres corps constitués, il est nommé, par décret présidentiel, Ministre de la Défense et de la Sécurité. A la mort de Marien Ngouabi en 1977, il est un des onze membres du CMP. Nous avons montré plus haut comment il a réussi à écarter Yhomby-Opango du pouvoir. De février 1979 à la Conférence nationale de 1991, Denis Sassou-Nguesso a été le seul maitre à bord du bateau « Congo ». Il a accepté l’ouverture du Congo au multipartisme - 375 -

et à la démocratie. Battu aux présidentielles de 1992, il a accepté le verdict des urnes et su se retirer dans la dignité. En 1996, devant le Parlement congolais réuni en congrès, le président français Jacques Chirac saluait son acte en ces termes : Je salue l’alternance dans la sérénité et l’attitude de ceux qui, prenant acte du verdict des urnes, ont su se retirer dans la paix et dans la dignité. Ceuxlà ont fait accomplir à leur peuple un pas décisif vers les valeurs républicaines.132 Mais le 5 juin 1997, la capitale congolaise s’embrase une nouvelle fois dans une guerre qui va opposer jusqu’au 15 octobre 1997 les partisans armés de Denis Sassou-Nguesso à ceux de Pascal Lissouba. La guerre civile se termine par la victoire militaire de Denis Sassou-Nguesso. Celui-ci revient au pouvoir et transforme sa victoire militaire en victoire politique (promulgation d’un Acte fondamental qui permet une transition de durée flexible, adoption d’une nouvelle constitution et élection présidentielle en 2002). Le nouveau président fait face d’une part, aux multiples problèmes de la reconstruction de Brazzaville ravagée par la guerre, et d’autre part à une rébellion animée dans le Pool par les Ninjas de Frédéric Bitsamou alias pasteur Ntoumi et dans les pays du Niari par des anciens partisans de Pascal Lissouba. C'est aux prix de négociations avec les chefs de guerre et avec les dirigeants politiques en exil qu’il parvient à normaliser la situation sur l’ensemble du territoire national. Fort du soutien de David Ganao, Bernard Kolelas, Joachim Yhombi-Opango, en juillet 2009, il se présente de nouveau à 132

Extrait du discours prononcé le 18 juillet 1996 par Jacques Chirac devant le Parlement congolais réuni en congrès. - 376 -

l'élection présidentielle. Il est élu dès le premier tour avec 78% de voix. Denis Sassou-Nguesso est l’auteur d’un ouvrage autobiographique intitulé Le manguier, le fleuve et la souris publié en 1997.133 Ce livre est un document essentiel lorsque l’on veut comprendre le destin de cet homme qu’André Soussan a qualifié d’ « exceptionnel ».134 5. Pascal Lissouba (15 novembre 1931 - ) C’est le 15 novembre 1931, à Tsinguidi, petite localité située dans le district de Mossendjo dans le département du Niari, que naît Pascal Lissouba. Il est membre du groupe ethnique nzabi, une communauté à cheval entre le Congo et le Gabon135. Après ses études primaires à Mossendjo et à Dolisie, il débute ses études secondaires à Boko, puis à Brazzaville, avant de les poursuivre à Nice, en France, où il obtient son baccalauréat en 1952. Il entre à l'École Supérieure d'Agriculture de Tunis et obtient en 1956 un diplôme d’ingénieur agronome. Revenu en France, il entreprend des études de sciences naturelles. Stagiaire au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Paris et à l’ORSTOM dans la spécialité « phytogénétique et amélioration des plantes », il prépare ensuite une thèse en génétique. En 1961, il soutient à Paris sa thèse d’état et accède au grade de docteur ès sciences, avec les félicitations du jury. Dès Juin 1961, il est recruté à l’Office de la recherche scientifique et technique outre-mer (ORSTOM) comme chargé de recherches. La même année, il est promu Maître de Conférences en Biologie végétale de 3ème 133

Denis Sassou NGuesso, 1997, Le manguier, le fleuve et la souris, Paris, JC Lattès. 134 André Soussan, 2001, Un homme d’honneur, Paris, Editions Ramsay. 135 Pascal Lissouba, 1997, Les fruits de la passion partagée, Paris, Odilon Média. - 377 -

classe, par arrêté du 3 Novembre 1961 du Ministre de l’Éducation nationale de la République Française. A la demande du président Fulbert Youlou, Lissouba rentre au Congo en 1962 où il a été nommé Directeur général des Services agricoles.136 Pascal Lissouba qui souhaitait se consacrer à la recherche et à l’enseignement, va faire une fulgurante ascension politique entre 1963 et 1966. En effet le 16 août 1963, il est nommé ministre de l’Agriculture et des Eaux et Forêts par Alphonse MassambaDebat, Chef du gouvernement provisoire après le renversement de Fulbert Youlou. L’élection d’Alphonse Massamba-Debat comme président de la République lui permet d’accéder le 24 décembre 1963 au poste de Premier ministre. Moins de deux ans après son entrée dans la vie active, il devient, à 32 ans, l’un des principaux personnages de l’État et le premier collaborateur du Chef de l'Etat. De 1963 à ce jour, la vie politique de Pascal Lissouba sera intimement liée à celle des quatre autres grands acteurs politiques congolais, à savoir : Alphonse Massamba-Debat, Marien Ngouabi, Joachim Yhomby-Opango et Denis Sassou Nguesso. Son nom a été quasiment associé à tous les grands événements politiques qui ont marqué l’histoire politique du Congo (assassinats politiques, création du PCT, coups d’Etat, assassinat du président Marien Ngouabi, Conférence nationale souveraine, vie politique post Conférence nationale) Après s’être éloigné involontairement de la vie politique du Congo de 1979 à 1990, Lissouba revient sur la scène politique congolaise à la faveur de la démocratisation. En juillet 1991, il fonde l’Union Panafricaine pour la Démocratie Sociale 136

Cf. La Semaine Africaine, n0458 du dimanche 18 juin 1961, annonce en page 4 son arrivée à Brazzaville le 3 juin de Paris par le DC8 de l’UAT pour prendre ses fonctions dans la République du Congo. - 378 -

(UPADS), formation politique qui, en s’alliant avec d’autres formations dont le PCT, lui permet d’accéder à la magistrature suprême en 1992. Il obtient au second tour 6 1,32 % des voix contre 38,68 % à Bernard Kolelas. Le jeu d’alliances et de contre alliances avait conduit sous sa présidence à une instabilité politique et à une grave crise institutionnelle. De 1993 à 1997, le pays, notamment la capitale est en proie à des violences politiques épisodiques que viennent apaiser des accords sous la médiation du président gabonais Omar Bongo ou de l’OUA. Ces violences politiques atteignent leur point d’orgue en juin 1997. La guerre du 5 juin se termine par la défaite militaire du clan Lissouba. Ce dernier se réfugie à Londres. Lissouba et les principaux dignitaires sont jugés par les autorités judiciaires congolaises et condamnés lourdement. Le 11 décembre 2009, à l’initiative de Sassou Nguesso, le Parlement Congolais prononce son amnistie. Outre la difficile gestion de l’Etat du fait de l’existence des milices politiques, on retiendra surtout de Pascal Lissouba d’avoir doté le Congo d’une loi sur le partage de production en matière des hydrocarbures avec les sociétés pétrolières étrangères adoptée en 1994.

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CO0CLUSIO0 Ces personnalités dont les portraits viennent d’être tracés rapidement ne sont pas les seules de la génération qui va de la naissance de l’ « Amicale des ressortissants de l’AEF » de Matsoua à 2010. Nous ne pouvions malheureusement pas les présenter tous ici. Nous avons choisi de mettre l’accent sur les personnalités politiques, notamment celles qui ont occupé des responsabilités de chef d’Etat. Mais, il convient de noter qu’il n’est pas aisé pour l’historien de parler de personnes encore en vie et en vue. Même lorsqu’on fait l’histoire du temps présent, il est nécessaire que le chercheur ait une marge de recul du point de vue du temps. Il faut un certain détachement par rapport aux faits de l’époque étudiée. C’est pourquoi, nous n’avons donné que des grandes lignes des actions des trois derniers chefs d’Etat du Congo. Il existe une littérature sur les événements les plus récents de l’histoire congolaise que les lecteurs pourraient consulter pour mieux s’édifier.

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SOURCES ET REFERE0CES BIBLIOGRAPHIQUES 1-Sources - Archives du Gouvernement général de l’AEF, Brazzaville, côte carton GG 225. - Archives du gouvernement général de l’AEF, Brazzaville, côte carton GG226 (2), sous chemise 16 : Jacques Opangault - Archives nationales du Gabon (A0G)-Libreville : dépôt microfilmé des Archives nationales de France, Section outre-mer (ANSOM) d’Aix-en-Provence ; côte du microfilm 51 MIOM 131, série 21 D 29 9 (élections de 1956 candidatures du 2ème collège Gabon et MoyenCongo). - Arrêté du Gouverneur général prononçant des peines d’emprisonnement et de résidences obligatoires contre un certain nombre d’indigènes de la circonscription du Pool (Moyen-Congo) pour fait de kimbanguisme, Journal officiel de l’Afrique Equatoriale Française du 1er avril 1931, pp. 281-282. 2-Bibliograhie Boutet R., 1990, Les trois glorieuses ou la chute de Fulbert Youlou, Dakar, Chaka Gérard Cl., 1975, Les pionniers de l’indépendance, Paris, Inter-continents promotion. Lissouba P., 1997, Les fruits de la passion partagée, Paris, Odilon Média. 0daywel è 0ziem I., 1998, Histoire générale du Congo. De l’héritage ancien à la République démocratique, Paris/ Bruxelles, Duculot.

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0gouabi M., 1975, Vers la construction d’une société socialiste en Afrique, Paris, Présence Africaine. Obenga Th., 1977, La vie de Marien gouabi, 1938-1977, Paris, Présence Africaine. Opangault J., 1987, Discours et écrits politiques, Paris, Présence Africaine. Sassou 0guesso D., 1997, Le manguier, le fleuve et la souris, Paris, JC Lattès. Sinda M., 1972, Le messianisme congolais et ses incidences politiques, Paris, Payot. Soussan A., 2001, Un homme d’honneur, Paris, Editions Ramsay. Yhomby-Opango J., 1977, L’arme théorique. Manuel du Militant de la Révolution Congolaise, Brazzaville, Editions du Parti Congolais du Travail. Youlou F., 1955, Le matsouanisme, Brazzaville, Imprimerie centrale. Youlou F., 1960, L’Afrique aux Africains, Brazzaville, Ministère de l’information. Youlou F., 1966, J’accuse la Chine, Paris, La Table ronde.

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PARTIE XIII LES VILLES CO0GOLAISES DA0S L’HISTOIRE

CHAPITRE 12 MBA0ZA KO0GO, CAPITALE DU ROYAUME DE KO0GO par Théophile OBE0GA I0TRODUCTIO0 Les points ci-après seront examinés avec minutie dans le but de présenter Mbanza Kongo, dans l’histoire, mieux qu’on ne l’a jamais fait auparavant : 1. Ce que recouvre le terme « mbanza » 2. Origine de cette métropole 3. Différentes dénominations de cette ville à travers les âges 4. Environnement et écologie 5. Morphologie urbaine 6. Mbanza Kongo et l’histoire 1. Ce que recouvre le terme « mbanza » Avec le terme mbanza, qui signifie : « cité principale », « métropole », « capitale », nous avons pratiquement une strate proto-historique du système urbain de la société agraire précoloniale kongo. En sa signification sociologique, mbanza désigne un lieu de ralliement, de rassemblement, de dispute et de grandes décisions, autour d’une autorité clanique ou interclanique donnée. C’est la traduction dans le paysage, l’espace géographique, d’un moment historique fort déterminant. Mbanza est un concept éminemment politique : il est la concrétisation topographique du pouvoir politique, judiciaire et administratif. Le pouvoir (buntinu ; mpu) doit avoir - 385 -

nécessairement, pour fonctionner, un siège reconnu : un centre vers lequel tout va et à partir duquel tout repart, sacralisé, investi de l’autorité centrale. Le lieu de résidence du pouvoir devient alors la capitale de toute une région, la source de l’autorité spirituelle pour tous les clans et lignages du pays (makanda). Ainsi Mbanza Kongo est le cordon nourricier, la capitale de l’ensemble du pays kongo, parce que le roi (ntinu ; ntotila, mfumu) y habite, parce que tous les groupes claniques s’y rattachent aussi bien par l’histoire que par la légende137. Le village (vata) du roi (ntinu) est désormais perçu par toutes les familles claniques kongo (makanda na mavila ma Bakongo) comme leur propre lieu de naissance. En prenant ainsi une dimension historique exceptionnelle, le petit espace qui abrite le roi, un village parmi tant d’autres, devient du coup un grand village, un mbanza : la ville du roi de Kongo (Mbanza Ntinu ; Mbanza Kongo). La cité du roi assume alors, mythiquement et historiquement, tous les liens des Kongo entre eux, toute l’émergence à la vie nationale de ce peuple. Pour tous les Kongo, présents et futurs, leur histoire, en tant que genèse collective, commence à Mbanza Kongo : Ku Mbanza Kongo ta tuka, « nous sommes tous issus de Mbanza Kongo », le mot issu étant pris au sens le plus exact et le plus fort, au sens génétique. Une autre expression pour dire la même chose : kikulu (origine) kieto kuna kongo kiena. Espace privilégié, doté d’un immense prestige, Mbanza Kongo est la marque, la référence essentielle de l’évolution culturelle des Kongo, depuis les débuts ancestraux, les commencements initiaux. La culture et la cosmogonie kongo 137

Cf. par exemple L. Philippart, 1947, Le Bas-Congo. Etat religieux et social, Louvain, Bibliotheca Alfonsiana, p. 184 : « Les populations de ce pays croient que leur berceau est le pays de San-Salvador, la ville des grands rois congolais, d’où leurs ancêtres remontèrent lentement vers le nord ». - 386 -

ont fait de Mbanza Kongo un haut lieu historique, révélant par là même une organisation supérieure de la vie collective des communautés agraires du royaume de Kongo. Depuis, le terme Mbanza n’a cessé d’exercer son influence sur l’imaginaire national kongo, comme un écho affaibli de l’ancienne et prestigieuse métropole, qui a rallié pour la première fois les clans kongo fondamentaux au sommet de la Colline-du-Partage (Mongo Kayila). Cette fonction-symbole de la Capitale kongo est restée, jusqu’à nos jours, comme l’impact intellectuel d’une idée-force. Une archéologie du paysage aux environs de Boko révèle que les migrations relativement récentes ont emporté avec elles le souvenir du berceau ancestral, le souvenir immortel du pays natal. C’est ce qu’indiquent beaucoup de villages kongo dans le voisinage de Boko, au sud de Brazzaville : - Mbanza Ndounga - Mbanza Mankondi - Mbanza Baka - Mbanza Mankaka - Mbanza Koubatika - Mbanza Nsanda - Mbanza Poudi. 2. Origine de Mbanza Kongo Mbanza Kongo n’est pas à considérer comme une « villeneuve », en ce sens qu’il existait auparavant un village –le village de mani kabunga, chef des Besikongo (Solongo) – antérieurement au roi-fondateur, venu du Vungu (la région actuelle de Tseke Mbanza, au nord de Matadi, dans le Mayombe ba-congolais) : le roi (wene) Lukeni Nimi, avec ses hommes, « s’en alla vers la Ville de Congo, à laquelle le roi emprunte son nom. Il épousa une fille du mani kabunga, le Pontife (Chef) de ces païens (les Besikongo), qui y résidait, et

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s’y fixa comme roi et seigneur absolu de tout un grand royaume »138. La naissance de Mbanza Kongo introduit par conséquent une discontinuité dans la trame historique du peuple Kongo. En effet, Mbanza Kongo naît d’une logique particulière. Lukeni Nimi, le roi-fondateur que l’on présente souvent sous forme de noble rural conquérant, aurait rompu les amarres claniques pour agir désormais pour son propre compte. Cette déconnexion qui n’efface pas pour autant le patrimoine agricole des siècles antérieurs va faire intervenir des connexions nouvelles. Un réel processus de fusion apparaît : les parentés se reconnaissent et se rapprochent, la vie collective subit une nouvelle tendance à l’unification du réseau interclanique, l’institution royale est créée au-dessus de la vie clanique. Ce commentaire, vraisemblable, est en fait autorisé par des documents sérieux : Dans le Bungo (Vungu), il y a encore des rois qui sont en relations avec ceux du Congo ; ils s’envoient mutuellement des présents et de la sorte ils reconnaissent les liens de parenté qui les unissent, car tous sont issus d’une même et unique souche.139 Ainsi, Mbanza Kongo émerge du temps au IXème siècle de notre ère, soit 700 ans avant l’arrivée de Diego Cao à l’embouchure de 0zadi (Zaïre, Congo). Les contradictions du 138

Historia do Reino do Congo, ms. 8080 de la Bibliothèque Nationale de Lisbonne, trad. Fr. par F. Bontinck, in « Etudes d’Histoire Africaine », IV, Université Nationale du Zaïre, 1972, p. 87. Ce document date de la première moitié du XVIIème siècle (circa 1624). 139 Ibid. - 388 -

régime agricole et matrilinéaire au pays de Vungu ont favorisé cette émergence. Une petite bourgade devient le centre d’un conquérant qui veut étendre son autorité à l’ensemble du pays kongo. La géographie elle-même montre que Mbanza Kongo est situé sur des hauteurs, à l’intérieur des terres, pratiquement au milieu de l’antique pays kongo. C’est un point culminant, stratégique, offrant de gros atouts pour l’exercice du pouvoir de contrôle territorial. Siège de l’autorité, centre nerveux de l’administration et de la justice, Mbanza Kongo, née avec la fondation du royaume, est toute entière l’expression d’une volonté politique. 3. Différentes dénominations à travers les âges La capitale du royaume de Kongo a reçu plusieurs dénominations qui reflètent et épousent, à leur manière, à travers le temps, les rythmes et les cycles de la ville royale : - Mbanza Kongo dia 0totila, « La Ville de Kongo du Chef suprême », a dû être la première désignation de la capitale du pays, récemment investie dans ce rôle politique. L’expression insiste sur la fonction de chef territorial, de l’homme fort qui réside désormais à la Cité de Kongo des deux rives du 0zadi (Zaïre, Congo). Une telle affirmation était nécessaire dans les premiers moments de l’installation de Lukeni Nimi sur les hauteurs de la Montagne-du-Partage (Mongo Kayila). Mbanza Kongo dia 0totila, c’est proprement « la Cité où réside l’empereur des Kongo, le Grand Chef des Kongo ». L’idée de « territoire », d’« étendue contrôlée politiquement », d’« espace soumis », est par conséquent ce que tient à mettre en relief l’expression Mbanza Kongo dia 0totila ; - Kongo dia Wene, « le Kongo du Seigneur », est une expression qui souligne surtout le pouvoir spirituel (pas nécessairement magique) du roi de Kongo. Wene, mwene, - 389 -

mwe, ma (qu’il ne faut pas confondre à bene, un adverbe déterminant un substantif), sont comme ne, des titres et des noms honorifiques qui soulignent le respect dû à quelque personnage noble (nanga). La Ville (Mbanza) de celui à qui tous les clans kongo doivent du respect ne peut être que Kongo dia Wene. L’accent est expressément mis sur la dimension spirituelle des attributs royaux ; - Mbanza Kongo, qui retient l’essentiel des deux précédentes expressions, est une dénomination beaucoup plus courte et élégante ; elle simplifie en résumant l’essentiel. La Métropole est tout. Le monde kongo, réconcilié avec lui-même et la nature, trouve sa profonde cohésion en considérant Mbanza Kongo, « La ville de Kongo », comme le lieu originel de la société kongo rénovée, avec tous ses systèmes et sous-systèmes, ses méta-systèmes aussi. Mbanza Kongo doit être définie effectivement comme la « communauté urbaine » précoloniale kongo. Un système total de forces de vie. Un méta-système unificateur qui régénère pour ainsi dire toutes les générations successives des grands lignages kongo. Mbanza kongo, dans l’imaginaire des Kongo, représente avant tout un site exceptionnel, fait de grandeur et d’honneur, tirant son mystère de son antiquité même ; - San Salvador, « La Ville du Saint-Sauveur », nom imposé par les Portugais, avec l’introduction du christianisme au Kongo, dès la fin du XVème siècle. La ville de Kongo est devenue « la Cité de Dieu ». Ce qui rehausse encore son prestige ancestral de ville royale. La ville du Saint-Sauveur de Kongo sera encore perçue par les Kongo de l’époque comme Kongo dia 0gunga, « Le Kongo de la Cloche », « Le Kongo de l’Eglise ». Bouleversement de la Métropole kongo, bouleversements de la société kongo elle-même qui sera, dès le XVIIIème siècle, la terre des syncrétismes religieux, des millénarismes de toutes sortes.

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De tout temps donc, Mbanza Kongo a été constamment perçue comme ville-symbole. Cette ville a été tour à tour la Cité du partage et de la Nouvelle Alliance, la Cité du roi de Kongo, enfin la Cité de Dieu (comme la Florence de la fin du XVème siècle par exemple). Ce symbolisme de Mbanza Kongo correspond à un imaginaire urbain réel des habitants du royaume de Kongo. Tous les contenus alternatifs de cet imaginaire urbain soulignent toujours le caractère supra-clanique de Mbanza Kongo. C’est en effet la résidence du roi des Kongo, donc le siège de ce qui transcende leurs particularités claniques et providenciales. Les habitants du royaume de Kongo, en nommant Mbanza Kongo et en sachant que la Cité du roi existe et vit, tentaient invariablement d’exprimer leur solidarité interclanique, l’historicité de leur vie sociale collective. Mbanza Kongo fut le déclencheur d’une restructuration sociale. Signe de nouvelles forces physiques et intellectuelles (Lukeni Nimi et ses hommes), en même temps que renforcement des alliances interclaniques existantes, Mbanza Kongo aura été un élément actif : qui rallie et auquel on s’allie, montrant l’extrême imbrication des dynamismes sociaux nouveaux. Cette ville dévoile ainsi tout un processus mental d’ouverture au monde, à la civilisation, à l’histoire. Peut-être ce qui reste aujourd’hui du vieux Kongo, dans l’histoire, au niveau des grands souvenirs collectifs, chez tous les Kongo actuels, c’est bien le nom de Mbanza Kongo, avec toute la force séculaire de son symbolisme quasi mystique. 4. Environnement-Ecologie Nous avons essayé de montrer que Mbanza Kongo est née d’une nouvelle logique politique, et non économique ou commerciale par exemple. C’est le groupe de Lukeni Nimi

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(« une grande multitude de jeunes gens »)140 qui était porteur de cette logique, de cette contradiction politique. A cause de cette naissance sous le signe de l’alliance, de la solidarité interclanique - Lukeni Nimi « ordonna que tous les siens épousent des femmes du pays »141-, Mbanza Kongo devait rester une ville essentiellement politique. Analysons à présent sa structure physique. Situé à 150 milles de l’océan Atlantique, Mbanza Kongo s’étendait sur un plateau élevé, mesurant environ 10 milles de pourtour142. Ce fait d’ordre topologique est important. Il permet à la capitale de dominer l’horizon montagneux qui l’entoure : Le coteau sur lequel elle (la ville) est bâtie est si haut, que de dessus son sommet on porte la vue loin qu’elle se peut étendre, sans qu’aucune montagne ne l’arrête.143 Le climat, fort agréable et salubre (un peu souvent brumeux tout de même), reste influencé par le courant froid du Benguela : Comme la ville de San Salvador est située sur une haute montagne, la température y est des meilleurs 140

Historia do Reino do Congo, ouvrage déjà cité, p. 85, trad. de F. Bontinck. 141 Histoire do Reino do Congo, ouvrage déjà cité, p. 87, trad. de F. Bontinck. 142 Pigafetta-Lopes, Relatione, Rome, 1951, liv. II, chap. 1, p. 39 : « Questa città (…) è situata lontano dal Mare 150. miglia in una gran montagna, ed alta (…) circondante forse 10. miglia ». 143 O. Dapper, 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, p. 342. - 392 -

dont j’ai fait l’expérience. Les chaleurs y sont très tempérées, il n’y a ni mouches, ni punaises, ni puces, ni moustiques.144 Et le problème de l’eau ? Il était également résolu par la nature. L’eau potable, abondante et pure, était fournie par deux sources à l’intérieur de la Ville même : l’une se trouvait dans la rue S. Jacques et l’autre dans une cour du palais145. Dapper donne encore ces renseignements supplémentaires : Outre cela, il y a un bras de la rivière Lelunde, qu’on nomme Vese qui sort au pied de la montagne, au levant de la ville. Son eau est fort bonne, le peuple en va puiser, et elle sert à arroser et rendre fertiles les campagnes d’alentour. 146 Le texte de Dapper est des plus exacts. La rivière Lelunde, c’est la Lunda. Son bras nommé Vese et qui arrose Mbanza Kongo ne peut être que la Luezi. Effectivement, la Luezi est un affluent de la Lunda, affluent lui-même de la Mpozo qui se jette dans le 0zadi (Zaïre, Congo) à Matadi. La Luezi (appelée par le Lt. Grandy Luanji, en 1873) passe à Mbanza Kongo, en venant effectivement du Levant, c’est-à-dire de l’Est. Ces éléments « d’environnement » : site élevé, climat merveilleux, sources, rivières, sol fertile pour la culture, ont certainement déterminé Lukeni Nimi pour faire de la bourgade

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Jean-François de Rome, La Fondation de la mission des Capucins au Royaume du Congo (1648), Louvain-Paris, Nauwelaerts, trad. par F. Bontinck, 1964, p. 87. 145 O. Dapper, op. cit., p. 343. 146 O. Dapper, op. cit., p. 343. Mots soulignés dans le texte du géographe hollandais. - 393 -

de mani Kabunga une résidence royale, c’est-à-dire la première ville du royaume de kongo. Que savons-nous de la population de Mbanza Kongo, cet autre « écologique » qui joue un rôle décisif dans la vie des cités ? Le commerçant portugais Duarte Lopes, informateur de l’Italien Filipo Pigafetta, a vécu à Mbanza Kongo de 1579 à 1583. Il a estimé la population de la capitale du Kongo à plus de 100 000 personnes qui y habitent et y vivent : « …si alloggiano, e vivino più di 100.milia persone. »147 Cavazzi, missionnaire toujours bien renseigné qui a passé plus de dix ans au royaume de Kongo (Kongo, Ngola, Matamba), de 1654 à 1667, pense que la population de Mbanza Kongo pouvait bien atteindre 60 000 à 70 000 âmes : « Sarà capace di sessanta in settanta mila anime. »148 Dapper qui écrit en 1668, chiffrait la population de la capitale du Kongo à environ 40 000 habitants149. Les effectifs décroissent de génération en génération, de siècle en siècle, pour atteindre 35 000 habitants en 1760150, et 100 personnes et 22 cases à la fin du XVIIIème siècle (1795) d’après le P. Dicomano151. 147

F. Pigafetta – D. Lopes (1591), op. cit., liv. II, chap. 1, p. 39. Cavazzi, 1687, Istorica Descrizione, Bologne, liv. II, & 83, p. 256. 149 O. Dapper, op. cit., p. 350. 150 L. Jadin, 1963, Aperçu de la situation du Congo en 1775, in « Bull. de l’Inst. Hist. Belge de Rome », fasc. XXXV, p. 378. Témoignage du P. Cherubino da Savona, missionnaire. 151 L. Jadin, 1957, Relation sur le royaume du Congo du P. Raimondo da Dicomano, missionnaire de 1791 à 1795, in « Bull. des Séances de l’Acad. Roy. Des Sc. Colon », vol. III, fasc. 2, p. 320. Titre indicatif : Vienne, une place commerciale au Moyen Age, avait 60 000 habitants. Au XIVème siècle, Rome n’avait plus que 17 000 habitants. Cracovie, une ville de 30 000 habitants au XIIIème siècle, 148

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5. Morphologie urbaine : démographie, quartiers, architecture, catégories sociales, fêtes, etc. L’histoire des villes est faite de transitions successives. Les caractéristiques sont des particularités liées à des civilisations données. Il n’y a par conséquent que la description fidèle et détaillée qui peut conduire à un essai rigoureux sur l’urbanisme de Mbanza Kongo. Cette ville était bâtie dans un coin ou angle de ce sommet du plateau de Kongo, exposée au sud : « la Città è posta in un cantone, overo Angelo di qel giogo inver sirocco »152. Il s’agit du cœur de la ville – la cour de Mbanza Kongo – qui n’occupait pas, bien entendu, tout le plateau. Avant l’installation des premiers étrangers, fin XVème – début XVième siècle, il semble que la ville n’était pas pourvue d’enceintes. C’est le roi Afonso I Nzinga Mvemba (règne de 1506 à 1543) qui ceignit la ville de murs : « la quale (città) il Re D. Alfonso il primo Christiano cinse de mura »153. Il faut bien sérier les choses. Le texte de Pigafetta mentionne trois sortes d’enceintes : - une enceinte entourant toute la ville, construite sous Afonso I, ainsi qu’il vient d’être examiné ; - le mur entourant le quartier réservé aux Portugais, quartier ou emplacement donné par Afonso I lui-même :

n’avait plus que 10 000 habitants à la fin du XVIIIème siècle (transfert de la capitale à Varsovie, guerres et partage de la Pologne). 152 Pigafetta-Lopes, Relatione, Rome, 1591, liv. II, chap. 1, p. 40. 153 Pigafetta-Lopes, op. cit., Ibid. Le premier roi Kongo baptisé est le roi Nzinga Nkuvu D. Joao I, mort en 1506: il fut baptisé le 3 mai 1491. Cette année est l’année exacte de l’introduction de la foi catholique au Kongo, sous le roi portugais Joao II (1481-1495). - 395 -

« dando alli Portoghesi separatamente il suo luogo chiuso di muro ».154 - Un enclos à l’intérieur duquel se trouvaient le palais et les dépendances royales : « ed egli parimente serrando il suo palazzo, e le case reali di muro ».155 Un grand espace entre les deux enceintes, celles entourant le palais et les demeures royales et celle protégeant le quartier des Portugais, était laissé libre, aménagé pour la construction de l’église principale, qui avait une place devant : « lasciando nel mezo di questi due serragli uno spatio grande, dove è frabricata la chiesa principale con la sua piazza dinanti ».156 Ainsi donc, à l’intérieur des murailles de Mbanza Kongo, il y avait les éléments suivants : - « Le Vieux Quartier » comprenant la Cour royale : d’abord le palais et les dépendances royales entourés d’un enclos, ensuite les demeures de quelques grands seigneurs de la Cour, à l’entrée de la place de l’église : « e nel principio della piazza habitamo alcuni Signori grandi della Corte ».157 ; - « Le Quartier des Etrangers », celui des Portugais ; - « Le Quartier Religieux », celui qui abritait les différentes églises et les demeures des missionnaires (cure, école, etc.) 154

Pigafetta-Lopes, op. cit., Ibid. Le quartier résidentiel des Portugais s’appelait Mbole : cf. Histoire du royaume du Congo (c. 1624), p. 119 de la traduction de Bontinck (1972). 155 Pigafetta-Lopes, op. cit., Ibid. Le texte de Pigafetta-Lopes est ici le mieux pour la question qui nous occupe. Il est aussi l’un des plus riches en détails fournis par un commerçant qui a vécu sur les lieux. 156 Pigafetta-Lopes, Relatione, Rome, 1591, liv. II, chap. 1, p. 40. Sous le règne du roi Afonso I (1506-1543), les églises suivantes furent construites : la première église « Notre-Dame Sainte Marie », commencée le 6 mai 1491 ; l’église du « Saint-Sauveur » édifiée de 1517 à 1526 ; l’église « Saint-Jacques Majeur ». 157 Pigafetta-Lopes, Ibid. - 396 -

Pigafetta-Lopes précise : les portes, tant des habitations seigneuriales que des maisons des Portugais, donnaient sur les côtés de l’église principale : « e le porte altre si delli casamenti signorili, e delle habitationi de Portoghesi riguardano alato della Chiesa sudetta ».158 Un préjugé culturel, reflet d’un certain européocentrisme moderne, s’est refusé à examiner les textes en détail, pour ne s’intéresser qu’à la nature des matériaux employés dans la construction de ces enceintes de Mbanza Kongo. Dans le Haut Moyen Age, la ville médiévale n’avait pas tous les éléments principaux des villes modernes (bains publics, égouts, canalisations : éléments importants pour l’hygiène urbaine). A propos des enceintes de Mbanza Kongo, Dapper écrit : « Le Palais du Roi est aussi grand qu’une ville ordinaire, il est fermé de quatre murailles, celle qui regarde sur le quartier des Portugais est de chaux et de pierre, les autres ne sont que de paille, mais travaillées fort proprement.159 La paille et les pieux en bois devaient être changés assez régulièrement à cause de l’humilité corrosive du climat. La pierre calcaire fournie par les rochers du voisinage de Mbanza Kongo a laissé des vestiges : le mur qui entourait le quartier

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Pigafetta-Lopes, Ibid. O. Dapper, 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, p.343. Les villes africaines précoloniales ont presque partout été entourées de murailles : cf. l’ouvrage très remarquable de Richard W. Hull, 1976, African Cities and Towns Before the European Conquest, New York, W.W. Norton and C°. - 397 -

des Portugais avait environ 1 500 mètres de contour, 3 mètres de hauteur, 1 40 d’épaisseur.160 Derrière l’église que Pigafetta appelle « principale », la place publique s’achevait en une rue étroite et munie d’une porte : « e dietro la chiesa la piazza finisce in una strada stretta, che chà la sua porta ».161 La nuit, les portes de la ville « intérieure » n’étaient pas fermées ni même gardées : « ne si chiudono le porte la notte, ne meno vi stanno le guardie. »162 Ce n’est donc pas pour se prémunir des vols ou du banditisme que ces murailles avaient été dressées. Leur destination était autre. Il s’agissait de préserver le caractère transcendant du pouvoir royal et de tout ce qui l’approche. Le nouveau pouvoir, religieux, spirituel, amené par les missionnaires, devait être aussi retranché derrière de hautes murailles. Les innovations apportées par les Portugais (alphabet, livre, richesses matérielles inconnues) méritaient également d’être protégées. Mbanza Kongo est devenue brusquement, en plein XVIème siècle, une ville royale à relations lointaines : le Portugal, le Vatican, le Brésil, les Pays-Bas ont des relations suivies avec la capitale de Kongo. Ces éléments et pouvoirs nouveaux étaient en fait des facteurs d’inertie et non de développement. Ils ont conduit Mbanza Kongo à la mort lente. Ces éléments et pouvoirs nouveaux étaient au service exclusif des intérêts de l’Europe 160

J.Cuvelier, 1946, L’Ancien Royaume de Congo, Paris, Bruges, note 57, p.327. Ce qui est assez conforme aux indications de PigafettaLopes, op. cit., liv. II, chap. 1, p. 40 : le pourtour de la ville portugaise mesure environ un mille (« ad un miglio), et le quartier royal autant ; les murs sont très épais (« le mura sono assai grosse »). 161 Pigafetta-Lopes, op. cit., liv. II, chap. 1, p. 40. 162 Pigafetta-Lopes, Ibid. - 398 -

(traite négrière, propagation de la foi catholique selon l’unique théologie occidentale). Pour transformer la ville des rois de Kongo, ces éléments auraient dû intégrer profondément l’environnement rural et urbain kongo, agir efficacement de l’intérieur, développer l’initiative kongo en tout. Or ce ne fut pas le cas. La ville s’étendait hors des murailles qui entouraient l’enclos royal et le quartier des Portugais : Pigafetta écrit bien fuori di queste muraglie (liv. II chap. 1, p. 40). Ce quartier populaire – partie distincte et individualisée de Mbanza Kongo – était populeux et très étendu : sa superficie, sa grandeur était difficile à déterminer : « talche non si puo te determinare la grandezza di questa Città. »163 Divers seigneurs et le peuple habitaient ce quartier extérieur, un peu en désordre. De sorte que toute la campagne était remplie de maisons rurales et de palais : « tutta quella campagna peina de ville, e di palazzi ».164 Les habitations rectangulaires aux murs de pisé et aux toits de paille (matériaux combien fragiles que la terre, le bois et la paille) étaient assez dispersées, enfermées chacune dans un enclos (la parcelle d’aujourd’hui). Les toits, en pente, ne laissaient couler aucune goutte d’eau à l’intérieur des maisons : « Quoique le toit soit de chacune, ils savent néanmoins si bien joindre la paille que pas une goutte d’eau ne passe et pourtant il pleut abondamment dans ces pays ».165 Ce style architectural s’est maintenu presque intact dans les campagnes congolaises d’aujourd’hui, même si quelques toits sont en tôle. Le style européen ne s’imite que difficilement, et 163

Pigafetta-Lopes, Relatione, Rome, 1591, liv. II, chap. 1, p. 40. Pigafetta-Lopes, Ibid. 165 Jean-François de Rome, La Fondation de la mission des capucins au Royaume du Congo (1648), Louvain-Paris, Nauwelaersts, 1964, trad. par F. Bontinck, p. 114. 164

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cela depuis le royaume de Kongo : « Les gens sont peu portés à faire des édifices selon l’usage européen ».166 Au milieu du XVIIème siècle, le capucin Jean-François de Rome qui a été effectivement à Mbanza Kongo, signale que le roi de Kongo habitait une maison en bois avec étage : Le roi habite une maison en bois avec un étage ; dans tout le Congo, il n’y a donc que le roi à posséder une maison à étage.167 Dans le quartier populaire, « les habitations des personnes du commun sont rangées de file, en diverses rues ».168 Ces rues devaient être d’étroits organes de passage desservant les différents enclos et leurs habitations. Mbanza Kongo avait ses heurs et ses malheurs, ses fêtes et ses deuils. Le P. Jean-François de Rome rapporte formellement qu’à certaines fêtes solennelles de l’année (Noël, Pâques, Pentecôte, etc.), les habitants de Mbanza Kongo avaient « l’habitude de faire une revue militaire à laquelle le plus souvent le roi (assistait) en personne ».169 Ces fêtes étaient des grands moments de la liturgie catholique, mais les manifestations déployées en de telles circonstances restaient nationales, kongo. Des combats étaient simulés par plusieurs troupes de soldats, armés de flèches, de lances, d’épées et de boucliers : « Après ceux-ci, d’autres s’avancent et ainsi successivement chacun démontre sa valeur en présence du roi ».170 166

Jean-François de Rome, op. cit., p. 115. Jean-François de Rome, op. cit., p. 115. 168 O. Dapper, 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, p. 343. 169 Jean-François de Rome, La Fondation… (1648), Louvain-Paris, 1964, trad. par F. Bontinck, p. 129. 170 Jean-François de Rome, op. cit., p. 130. 167

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Jean-François de Rome apprécie ainsi cette revue militaire : « C’est un spectacle captivant ».171 Après la revue militaire, quelques nobles se produisaient, « l’épée nue à la main et le bouclier au bras gauche ».172 Le texte ajoute : Quand ils passent devant le roi, chacun s’efforce de se montrer aussi valeureux que possible, ils font divers mouvements du corps, soit en se dressant sur les pointes des pieds, soit en se baissant, tout en escrimant avec l’épée en main.173 Dans ces revues militaires et démonstrations civiles, les participants portaient « avec eux quantité d’instruments de musique : Cors, tambours du pays et tambours européens importés par les Portugais et les Hollandais ».174 Le roi se mêlait à la foule après ces festivités. Même si les différents quartiers de Mbanza Kongo gardaient une certaine hétérogénéité (quartiers royal, religieux, portugais, noble ou seigneurial, populaire), les fêtes leur permettaient néanmoins des contacts, des échanges, des joies collectives. Une certaine cohésion sociale existait entre les différents quartiers ou agglomérations de Mbanza Kongo. Une mentalité citadine est perceptible. Au temps de Jean-François de Rome (1648), près de dixsept rois chrétiens Kongo étaient déjà morts. Le missionnaire italien dit avoir vu plusieurs tombeaux d’anciens rois et reines catholiques dans les églises suivantes : 171

Jean-François de Rome, Ibid. Jean-François de Rome, Ibid. 173 Jean-François de Rome, Ibid. 174 Jean-François de Rome, op. cit., pp.130-131. 172

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- l’église du Saint-Sauveur « très grande et spacieuse » (1ère moitié du XVIème siècle) : tombeaux de rois ; - l’église de Notre Dame de la Conception (mise à la disposition des Carmes en 1584) : sépulcres de rois ; - l’église de l’Apôtre Saint-Jacques « également grande » ère (1 moitié du XVIème siècle) : tombeaux de rois et de reines.175 Toutes ces églises étaient construites de pierres et de chaux : les pierres calcaires des environs de Mbanza Kongo. D’autres églises, à cause de leur ancienneté, étaient « à moitié tombées en ruines ».176 Pour la disposition et la forme de ces tombeaux royaux, le missionnaire Jean-François de Rome donne des détails du plus haut intérêt : Certains sépulcres sont faits de chaux et de pierre, d’autres de terre et de pierre seulement. Ces tombeaux ont la forme d’un tertre ou d’un catafalque tel qu’on en met un en Europe au milieu de l’église quand on célèbre l’office ou l’anniversaire d’un défunt. Les tombeaux royaux sont couverts d’une étoffe noire et se trouvent dans les nefs latérales de l’église 177. Les ruines actuelles, visitées et photographiées (A.Bastian, 1859 ; P.Raymaekers, juin 1960), confirment cette description de Jean-François de Rome : les tombeaux royaux sont effectivement impressionnants, sortes de puissantes montagnes en miniature. Bien moins que les pyramides, certes. Mais, la

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Jean-François de Rome, La Fondation… (1648), Louvain-Paris, 1964, trad. par F. Bontinck, p. 109. 176 Jean-François de Rome, Ibid., p.110. 177 Jean-François de Rome, Ibid. - 402 -

lutte de l’être humain contre les destructions du temps, partout et toujours, reçoit ici un témoignage admirable. Il reste un problème important. Comment concevoir le quartier « hors murailles » : L’agglomération extra muros ? Mbanza Kongo n’était pas coupée de la campagne environnante. Il n’y avait ni séparation topologique de la ville et de la campagne, ni séparation économique entre la ville et la campagne. Bref, la campagne est encore dans la ville. Rien de surprenant à cela, car la société agraire kongo puisait justement sa force et sa vitalité de la terre. Dans l’agriculture et l’élevage domestique, et non pas tant dans l’industrie ou le grand commerce. Des porcs (ngulu) et des chèvres (nkombo) étaient élevés ; mais peu de moutons (bindongo) et de bœufs (ngombe), dit Dapper qui ajoute : « la nuit tombée, on les enfermait dans des parcs, des enclos, c’est-à-dire des abris à animaux, dans la ville près des maisons ».178 A la fin de septembre, c’est-à-dire au début de la saison des pluies, on commençait habituellement à cultiver la terre. La récolte se faisait alors au mois de décembre. On semait de nouveau au début de janvier, pour obtenir une autre récolte vers la fin d’avril. La terre était cultivée avec la houe (nsengo). Ce cycle agricole décrit par Jean-François de Rome179 est encore exact dans ses grandes lignes, de nos jours. Les traditions agricoles en Afrique centrale de façon générale sont vieilles et ont bien marqué les paysages des villages, disparus, anciens et actuels, dans les campagnes.

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O. Dapper, 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, p.343. Jean-François de Rome, La Fondation…(1648), Louvain-Paris, 1964, trad. par F. Bontinck, p. 109. - 403 -

Le plateau de Mbanza Kongo, entièrement fertile et cultivé, avait des prés herbeux et des arbres toujours verts ; il produisait des grains de diverses espèces : « Tutta la pianura è fruttiefera, e coltivata, ed ha prati herbosi, ed alberi sempre verdi, e produce grani di varie manière ».180 Parmi ces graines et ces plantes, Pigafetta, sur la foi de Lopes, mentionne : le luko, l’éleusine corocana ; le riz, le masa, une sorte de sorgho ; le masa ma Mputu, le maïs (Zea mays), introduit au Kongo par les Portugais ; le bananier (dikondo) ; diverses espèces de palmiers dont le palmier à huile (Elaeis guineensis) si bien décrit ; des kolatiers enfin.181 Le manioc n’était pas encore cultivé à Mbanza Kongo au temps de Duarte Lopes (1579-1583). Il n’en dit mot à Pigafetta. Effectivement, le manioc, aujourd’hui aliment de base, n’est introduit au Kongo par les Portugais qu’au début du XVIIème siècle. Parmi les descriptions les plus détaillées de cette plante, nous avons celles de Jean-François de Rome (1648), de Dapper (1668) et de Cavazzi (1687). Compte tenu de sa position géographique favorable, à l’intersection de deux courants de circulation, le courant maritime (les gens de la côte atlantique) et le courant intérieur (les gens de l’intérieur des terres, jusqu’au Kwango et au-delà, jusqu’au royaume de Makoko, roi des Teke), Mbanza kongo était devenue une place commerciale de grande importance, drainant les échanges entre Européens et Africains. Esclaves, ivoire, huile, bois précieux, denrées européennes (les pacotilles de la traite), tout se vendait et s’achetait à Mbanza Kongo : « La ville de S. Salvador est le rendez-vous des marchands portugais. Ils y portent des tapis de Turquie, de 180 181

Pigafetta-Lopes, Relatione, Rome, 1591, liv. II, chap. 1, p. 40. Pigafetta-Lopes, Relatione, Rome, 1591, liv. II, chap. 1, pp. 40-41.

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petites cruches de terre bleue, des bassins de cuivre, des draps d’Angleterre, des Simbos (0zimbu) de Lovando (Luanda), des Boesjes (Cauris), ce sont deux différentes espèces de coquilles qui tiennent lieu d’argent en ce paīs-là, des bagues, du corail, etc. »182 Mbanza Kongo semble avoir été en contact commercial avec la côte orientale africaine : « On apporte aussi des boesjes (cauris) de l’autre côté, c’est-à-dire par terre, apparemment qu’elles viennent de Sofala ou de Mozambique. »183 Ces échanges avaient un caractère précis : « Les Portugais de S. Salvador se servent bien de poids et de mesures ».184 On serait tenté de croire que Mbanza Kongo, à cause de ces échanges et courants commerciaux, à cause d’un certain cosmopolitisme des affaires (Portugais, Hollandais, différents groupes ethniques africains), avait ou aurait dû changer de physionomie. En réalité, Mbanza Kongo était « végétatif » parce que la ville subissait les lois du mercantilisme occidental. Voici une ville bantu précoloniale (avant la décadence coloniale de l’Afrique qui a inoculé le doute historique chez les Africains), avec ses quartiers distincts, mais sans cloisonnement humain entre eux. Une ville avec des murailles en pierres, la maison du roi en étage, des places publiques pour les fêtes populaires et les revues militaires, des fontaines pour son alimentation en eau potable, des rues, des espaces verts et cultivés (choses importantes pour l’équilibre écologique). Une ville peuplée de plus de 100 000 habitants à la fin du XVIème siècle. Une ville politique, bientôt religieuse et commerçante avec les Portugais. 182

O. Dapper, Ibid. O. Dapper, Ibid. 184 O. Dapper, Ibid. 183

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Quelles contradictions sociales pouvaient bien « cacher » une telle ossature urbaine ? Les nobles habitaient près de la cour. Avec le roi et ses conseillers, ils formaient la classe dirigeante. Le palais, les maisons royales, les habitations des seigneurs (mani, mfumu), reflétaient donc des structures politiques données. Ces nobles possédaient des esclaves domestiques, des terres ; ils pratiquaient le commerce. Mais l’exploitation de tous ces biens, de tous ces moyens ne les rendaient pas plus riches, soit à cause de la concurrence portugaise, soit à cause du peu d’enclin au profit pour le profit. Jean-François de Rome a bien noté cette tendance qui consiste à se satisfaire de peu : « Les riches et les nobles, qui ont beaucoup d’esclaves et de possessions, font un peu de commerce ; ceux-là ont quelques soucis : comment faire cultiver leurs terres, vendre les fruits récoltés, reprendre leurs esclaves qui souvent s’enfuient, et autres choses semblables. Mais comme ils ne sont pas trop préoccupés à amasser des richesses, s’il leur arrive quelque désastre, ils ne le prennent pas au tragique et ne s’en soucient pas longtemps ».185 Cette catégorie sociale qui renferme des éléments riches et nobles, commerçants, maîtres d’esclaves, possesseurs des terres, est en fait une catégorie sociale parasitaire, peu soucieuse de faire des affaires, à l’instar des commerçants portugais. L’obtention des faveurs du roi était leur préoccupation majeure. Le quartier populaire, extra muros, abritait « les personnes du commun », dit Dapper. C’est-à-dire les classes moyennes et pauvres, les gens de basse condition sociale et les artisans. Parmi les artisans, il faut inclure, à côté de ceux qui cultivent la terre, les forgerons, les menuisiers, les fabricants d’étoffes, 185

Jean-François de Rome, La Fondation…(1648), Louvain-Paris, 1964, trad. par F. Bontinck, p. 109. - 406 -

de plats en bois, de nattes ornées de dessins, cousues et non tissées, les potiers qui, « d’une argile noire, font des pots et des récipients d’eau très beaux et curieux ».186 On peut dire qu’à Mbanza Kongo « le moteur de l’histoire » fonctionnait du côté du quartier populaire, mais au ralenti, selon des pratiques et des mentalités paralysantes, peu favorables à l’innovation : « Ils (les forgerons) ne savent pas forger des épées, pourtant il y en a au Congo en grande quantité, importées par les Portugais et les Hollandais ».187 Même inertie mentale avec les menuisiers : « Il y a aussi des menuisiers ; mais rares sont ceux qui se servent de scies pour faire des planches ; ils les fabriquent avec des hachettes ».188 La houe bantu protohistorique est restée la même depuis des siècles, des millénaires. Avec de tels moyens techniques rudimentaires, d’importants changements socio-économiques ne pouvaient pas avoir lieu pour « détruire » la fragilité matérielle ancestrale, séculaire. Le mot d’ordre sociologique semble avoir été : « Peu ». Cultiver peu, commencer peu, s’habiller peu, manger peu, cette observation de Jean-François de Rome est quelque peu vraisemblable : « Si le temps reste sec, tout se dessèche et les gens sont réduits à une grande pénurie, car ils n’amassent pas de réserves pour l’avenir et ne sèment que le nécessaire ».189 Certes, la société avait son rythme d’évolution. Mais les forces et moyens de production étaient trop rudimentaires et sclérosés dans des cadres assez rigides pour favoriser d’importantes mutations dans les traditions et les habitudes.

186

Jean-François de Rome, La Fondation… (1648), Louvain-Paris, 1964, trad. par F. Bontinck, p. 116. 187 Jean-François de Rome, Ibid. 188 Jean-François de Rome, Ibid. 189 Jean-François de Rome, op. cit., p. 89.

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Ce n’est pas pour une raison raciale, croyons-nous, que le quartier des Portugais a existé à l’écart du reste de la population de Mbanza Kongo. La cordialité, la jovialité et les civilités des Kongo (de Soyo, de la capitale, de tout le royaume) ont toujours fait l’objet de grands éloges de la part des Blancs, depuis l’équipage de Diego Cao, à la fin du XVème siècle. Apercevoir ici un signe avant-coureur de la caractéristique des villes africaines coloniales où les résidences des Européens (« La Ville ») sont nettement séparées des agglomérations indigènes (« La Cité »), c’est voir le passé avec les préjugés déformants des temps coloniaux. Les Portugais étaient venus au Kongo pour commencer, faire fortune, s’enrichir (esclaves, ivoire, mines, etc.). Essentiel lement mercantiliste, mais tourné par l’ordre naturel des choses vers un autre espace économique, cet élément étranger ne pouvait pas émanciper Mbanza Kongo sur le plan vital de l’économie. Le quartier religieux (églises, cure, écoles) était peut-être le plus exotique de Mbanza Kongo. Par ignorance ou/et par fanatisme, les missionnaires ont créé tout un cérémonial guindé, artificiel, absolument étranger aux mœurs des gens. Les danses, les mariages à l’essai, la dot, les guérisseurs, tout cela était « très nuisible », « pervers », « pernicieux », « diabolique », sans nuance aucune. A propos du mariage à l’essai par exemple, le P. Jean-François de Rome constate avec amertume : « Cette coutume si perverse est très difficile à extirper, parce qu’ils objectent : Dois-je m’obliger à vivre toute ma vie avec une femme sans connaître son caractère et tempérament ? ».190 Ainsi chacun des quartiers de Mbanza Kongo avait sa vie profonde particulière. Les rois, leurs courtisans et conseillers, 190

Jean-François de Rome, La Fondation…(1648), Louvain-Paris, 1964, trad. par F. Bontinck, p. 118. - 408 -

les prêtres, missionnaires trop traditionnalistes et formalistes, les commerçants, avides et non moins faiseurs d’intrigues royales que les capucins, tous sont maintenant matériaux pour l’historien. La vie profonde de la campagne continue : « Au pied de la colline, la source donne toujours son eau fraîche et limpide. La population de San Salvador vaque, aimable et facile, à ses occupations quotidiennes ».191 6. Mbanza-Kongo dans l’histoire Mbanza kongo a été dans la suite des siècles une bourgade, une résidence royale, une ville épiscopale et un centre religieux pour l’évangélisation du pays kongo (jusqu’à avoir plus de dix églises), une place commerçante (ivoire, esclave, denrées européennes). Ainsi donc, Mbanza kongo aurait pu devenir une ville prospère, en constant progrès social et démographique. Dès lors, pourquoi la capitale du royaume de Kongo n’a-telle pas connu un grand développement démographique ? L’histoire est là pour répondre. Entre 1568 et 1573, les Jaga envahirent le royaume de Kongo, venant du sud, de l’Angola qu’ils n’épargnèrent pas non plus. Ils saccagèrent Mbanza Kongo. Les habitants durent s’enfuir et se réfugier dans les montagnes et les lieux déserts. La ville, les églises furent incendiées. Tout fut détruit. Réduites à errer dans des régions inhospitalières, les populations moururent de faim et du manque de toutes choses. Une petite quantité de nourriture en arriva à coûter le prix d’un esclave, c’est-à-dire au moins dix écus. Sous le coup de la nécessité, le père vendait son fils, le frère vendait son frère. 191

Olivier de Bouveignes, 1948, Les Anciens Rois de Congo, Namur, p.27. - 409 -

Les gens que la famine faisait ainsi vendre étaient achetés par les marchands portugais qui venaient de San Tomé avec des bateaux chargés de victuailles. C’est ainsi qu’à San Tomé et au Portugal se trouvèrent en grande quantité des esclaves originaires du Kongo, vendus par nécessité : « ed in questa maniera si trovanoro in S. Tomaso, ed in Portogallo quantità non poca de schiavi per cotal necessità venduti, natii di Congo ».192 Le texte poursuit : parmi ces esclaves, il y avait des personnes de sang royal et des seigneurs de haut rang : « De quali erano alcuni di sangue reale, e di Signori principali ».193 Ces faits correspondent à la réalité, sinon Duarte Lopes (1591) ne les aurait pas relatés. Le « phénomène Jaga » s’est bien produit. Or les dévastations sont les plus grandes ennemies des villes. Le déplacement du commerce vers le sud et Saint-Paul de Luanda, après que Salvador Correa de Sa e Benavides eut reconquis Luanda sur les Hollandais, en 1648, donna plus d’importance à Luanda qu’à Mbanza Kongo. La couronne de Portugal avait le plus gros de ses ressources des taxes sur l’exportation des esclaves. Or la paix entre les Pays-Bas et le Portugal, en 1649, avait fait de Luanda, après le départ des Hollandais un an plus tôt, la ville et le port principal de toute la côte, du cap Lopez au Benguela. Il n’y avait donc plus de raison majeure à soutenir, comme par le passé, les rois de Mbanza Kongo. Comme toujours dans l’histoire des hommes, la psychologie des intérêts a encore une fois triomphé. Ce mouvement – le déplacement des négociants portugais de Mbanza Kongo vers Luanda, dans la première moitié du XVIIème siècle – fut suivi par les missions catholiques.

192 193

Pigafetta-Lopes, 1591, Relatione, Rome, liv. II, chap. 1, p. 60. Pigafetta-Lopes, op. cit., Ibid. - 410 -

Luanda était depuis une ville épiscopale, au détriment de la ville des rois kongo. Le 29 octobre 1665, le roi de Kongo Antonio I tombe sur le champ de bataille (et d’honneur), à Ambuila, en luttant contre les Portugais et leurs alliés Kongo (« II Rè D. Antonio ando alla guerra verso il fine dell’anno 1665 contro due suoi vassalli, che si erano ribellati, i quali erano protetti da Portoghesi », texte du P. Girolamo da Monte Sarchio, mort le 25 mai 1669). Ces Portugais de Luanda voulaient la liberté de commerce, l’abolition des droits et taxes de péage, l’exploitation des mines de cuivre de Bembe. Promesses du roi kongo Garcia II. S’ouvrit alors l’ère des rivalités, des élections anarchiques. Les clans s’affrontèrent impitoyablement. Des assassinats politiques furent commis. Les missionnaires capucins et les commerçants portugais, véritables meneurs de jeu, furent largement responsables de toutes ces compétitions pour le pouvoir. Le royaume de Kongo eut alors trois capitales rivales : Mbanza Kongo (abandonnée de 1678 à 1703), Kongo dia Lemba ou Bula où le clan des Nsuki a Ntamba prit le pouvoir avec la proclamation de Pedro III Nsimba Ntamba comme roi, enfin Kibangu où régnèrent de 1666 à 1680 les hommes des clans Nlaza (Andre I) et Kinimi Mbemba (Alvaro). A Mbanza Kongo même, le désordre était à son comble. En 1666, le mani de Soyo, Paulo I da Silva (1658-1668) se rendit lui-même à Mbanza Kongo. Il fit élire un jeune homme de près de vingt ans qui prit le nom d’Avaro VIII (1666-1669). L’affaire de la donation des mines était toujours au cœur des dissensions. C’est ainsi que Luiz Ferreiro De Macedo, gouverneur d’Angola de 1667 à 1669, alla à Mbanza Kongo en avril 1668. Le mani de Sundi qui se rebella contre la donation des mines pour ne pas compromettre l’indépendance du pays, fut tué par Alvaro VIII. Or parmi les plus violents - 411 -

adversaires de la cession des mines, il se trouvait Raphaël, « marquis » de la province de Mpemba. C’est lui qui fit décapiter Alvaro VIII en 1669. Par ses autres manœuvres, il mit en opposition le gouverneur de Luanda, Francisco De Tavaro et le mani de Soyo. Epuisée de tant d’intrigues, de tant d’ambitions humaines, de tant d’intérêts contradictoires, la ville royale de Lukeni Nimi ne se relèvera plus. En 1667, elle comptait trois missionnaires capucins et trois prêtres mulâtres. Dix ans plus tard, la capitale de Kongo n’avait plus qu’un Père capucin et deux ecclésiastiques noirs. En 1684, il n’y en avait plus aucun. En 1693, Mbanza Kongo, au dire de l’évêque de Luanda, était devenu un repaire d’animaux sauvages. Décadence de Mbanza Kongo ? Oui, mais l’histoire fut trop lourde, les évènements difficilement maîtrisables. Les missionnaires, depuis le XVème siècle, étaient trop « envahissants », « encombrants ». La bataille d’Ambuila, provoquée par des problèmes économiques – comme toujours –, fut vraiment une brutale coupure dans l’histoire de Kongo. Il ne faut pas laisser inaperçu un fait important : la traite négrière vers le Brésil ne prit toute son ampleur qu’au XVIIème siècle. La tâche de l’administration militaire et civile des capitaineries de l’Angola était alors d’obtenir des esclaves dont avait besoin le Brésil. Les chefs nègres (soba) étaient invités, en tant que courtiers en esclaves (serviteurs des intérêts des marchands européens), à satisfaire les nombreuses demandes de Luanda. Il est remarquable qu’entre 1641 et 1680 la population de Luanda ait doublé pour atteindre 40 000

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habitants, la plupart étant des esclaves194. L’Angola était le principal fournisseur de Rio de Janeiro et Bahia. En 1642, les flottes hollandaises de la Compagnies des Indes Occidentales retiraient de l’Angola un revenu net de 2 118 000 florins, soit 6 500 000 francs de l’époque. Lorsque les Portugais, en fait les Brésiliens - Salvador Correa de Sa e Benavides était un Brésilien- reprirent Luanda des mains des Hollandais (depuis expulsés de Pernambouc en 1645), un esclave valait 32 écus 50 sur les marchés angolais de Kambambe, Massangano et Embaka (Ambaka). La traite négrière (depuis le XVIème siècle), les rivalités luso-néerlandaises (depuis 1600), le travail artificiel des missionnaires qui se contentaient seulement du nombre de baptêmes et de mariages et de la lutte contre les « idoles » et autres « superstitions », la bataille d’Ambuila en octobre 1665, les rivalités politiques entre différents clans royaux Kongo dans la deuxième moitié du XVIIème siècle, tout cela eut pour témoin Mbanza Kongo. Témoin tantôt actif, tantôt résigné. Mbanza Kongo n’a pas toujours pris l’initiative, pour autant que sa vie ait épousé ces grands cycles de l’histoire en Afrique centrale atlantique. Mbanza kongo, centre nerveux du royaume de Kongo, déclina lorsque les vicissitudes de la vie et les ruses des hommes eurent enfin raison du pays dans son ensemble, ruinant définitivement l’autorité et le prestige des rois de Kongo. Mbanza Kongo a succombé, mais Mbanza Kongo a vécu. La ville de Lukeni est entrée dans la légende et l’éternité.

194

Hildebrand, 1940, Le Martyre de Georges de Gheel et les débuts de la mission du Congo (1645-1652), Anvers, Archives des Capucins, p.143. - 413 -

CHAPITRE 13 BWALI, CAPITALE DU ROYAUME DE LOA0GO par Théophile OBE0GA I.–Localisation - Salubrité Sur Bwali ou Mbanza Loango, capitale du Loango, Andrew Battell qui séjourna durant dix-huit ans à la Côte d’Angola, de 1589 à 1607, dont trois ans passés au Loango, fournit ces indications qui sont celles d’un témoin direct : la ville de mani Loango se trouve à trois miles de la mer et s’étend dans une grande plaine. Cette ville est pleine de palmiers et de bananiers et est très reposante. Les maisons sont bâties sous les arbres. Les rues sont larges et longues, et toujours très bien entretenues. La maison du roi se trouve à l’ouest. Il y a un grand marché, tous les jours, qui se tient à partir de midi.195 Telle est la morphologie de la capitale du royaume de Loango à la fin du XVIème siècle et dans les premières années du XVIIème siècle. Un site des plus agréables. La plaine est toujours un terrain propice aux agglomérations : c’est une bonne position géographique. L’air marin donnait nécessairement un cachet particulier à l’écologie de Bwali, belle 195

A.Battell, 1905, The Strange Adventures, édit. de Samuel Purchas, Vol. VI de la Collection “Hakluytus Posthumus or Purchas his Pilgrimes”, Glasgow, p. 392: “The Towne of Mani Longo (Loango) is three miles from the waters side, and strandeth on a great Plaine. This Towne is full of the waters side, and very fresh: and their Houses are builded under the Trees. Their streets are wide and long, and always cleane swept. The King hath his Houses on the West-side, (…); and there is a great Market every day, and it doth begin at twelve of the clocke.” - 415 -

ville ombragée, avec des rues bien propres, régulièrement entretenues, un grand marché quotidien, une route maritime s’ouvrant au cabotage des pêcheurs et bientôt aux navires des négriers. II.– Le nom Bwali Dapper, auteur non moins important sur le Loango, donne en 1668 des détails supplémentaires fort intéressants. D’abord sur la dénomination même de Bwali, qu’« on appelle Loango, ou Banza Lovangiri, et dans la langue des Nègres communément Boarie ou Buri ».196 Ce texte est assez difficile à commenter. Bwali était nommée aussi Lovango, c’est-à-dire Loango, du titre du roi (0ganga Mvumba) devenu alors maluwangu, « détenteur du pouvoir » après plusieurs années de règne (sept en principe). On a la situation suivante : soit que le titre maluwangu, « dignité royale », « détenteur du pouvoir », porté par le roi (0ganga Mvumba, Fumu) du royaume (si) des Vili ait servi à désigner et le pays (le Loango, le royaume de Loango) et les habitants du pays (Les Loango, c’est-à-dire les Vili : même les Mbosi par exemple appellent les Vili indifféremment Avili ou Aluango), soit que le nom, très anciennement, et du pays et des habitants du pays, ait été porté par la suite par le roi du pays. Mais là n’est pas vraiment le problème. Pourquoi Dapper écritil que Bwali s’appelait aussi Mbanza Lovangiri, c’est-à-dire Mbanza Luangiri ou Mbanza Luandjili, du même nom que la province de Luandjili ou Loandjili ou encore Lwandjili ? Cette province porte en fait le nom de l’ancienne capitale des Buvandji. Or d’après Dapper lui-même, la province dans laquelle était située Bwali s’appelait non pas « Lovangiri », 196

O. Dapper, 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, p.321. Mots soulignés par l’auteur. - 416 -

« Loandjili », mais Lovangomongo ou Luangomongo, « pays grand et montueux », - autre nom de la province de Mampili. On peut donc supposer que Bwali ou Loango s’appelait encore Mbanza Loandjili, en souvenir de l’ancien pays des Buvandji, l’une des familles royales, depuis les origines vili, qui aurait donné les clans Kondi (mariage d’une princesse Buvandji, Nombe, avec un prince Kondi) et 0kata (branche fondée par un prince Buvandji). Un texte de Dapper laisse entrevoir ces conflits et rivalités des origines, au moment de la recherche de l’unification du pays : « Après une longue guerre entre les princes de ces différentes provinces, lesquels on appelle mani dans la langue du pays, enfin Manilovango, qu’on dit tirer son origine de Zerri en Kakongo, se trouva le plus fort, et subjugua les autres, quoi que la fortune de la guerre eût été extrêmement diverse pendant plusieurs années ».197 Dans un autre texte qui est la conclusion logique du précédent, Dapper semble indiquer que les rois de Loango n’ont pas toujours habité la province de Lovangomongo ou Mampili : « Depuis que les rois de Lovango (Loango) se sont rendus puissants par les armes, et qu’ils ont subjugué leurs voisins, ils ont fait leur demeure ordinaire dans cette province (de Lovangomongo), et c’est présentement le lieu de la naissance des rois ».198 Bwali est-elle une « Villeneuve » ? Il semble que l’emplacement de Bwali était antérieurement occupé : « Ainsi la demeure des rois, Banza Lovangiri, ou plus simplement Lovango, ou comme les Nègres la nomment, Boarie, est située 197

O. Dapper, 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, p.320-321. Mots soulignés par l’auteur. Kakongo correspond à une partie de Cabinda actuel. 198 O. Dapper, op. cit., p. 320. Mots soulignés par nous. - 417 -

dans un lieu qui appartenait auparavant aux princes de Piri ».199, c’est-à-dire de Lovangomongo ou Mampili. Il faut par conséquent distinguer les éléments suivants, à partir d’une lecture serrée des textes à la lumière de la tradition orale historisante : 1. les différentes dénominations de la capitale du royaume de Loango : Bwali, Mbanza Lovangiri (Mbanza Loandjili), Loango (Luangu, Luwangu) ; 2. la province dans laquelle était située cette capitale : Lovangomongo (Lovangomongo, Luangumongo) ou Mampili (Mpili, Pili, Piri) ; 3. l’occupation antérieure (ou non) du site de cette capitale : le lieu abritait auparavant une cité des princes de Piri (Mampili, Mpili, Pili) ou de Loangomongo ; 4. la désignation des habitants de la capitale (et finalement du pays tout entier, après processus conflictuel d’unification et d’intégration ethnique), soit par l’un des titres du souvenir : Maluangu, Maluwangu (les gens de Maluangu = les Loango, les Luangu ; le pays de Maluangu= le Loango, le Luangu), soit par le nom du sous-groupe ethnique qui occupait déjà les lieux : « C’est de ce mot Piri que les habitants de Lovangiri (Mbanza Lovangiri) sont appelés Mouviri, qui n’est qu’une contraction de Moutsie-Piri, c’est-à-dire peuple de Piri ».200

199 200

O. Dapper, 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, p.321. O. Dapper, op. cit., p. 321. L’étymologie proposée par le médecin et géographe hollandais a une allure scientifique. En effet, musi signifie : « originaire de », « habitant de ». Les habitants originaires de Piri peuvent être effectivement appelés : musi Piri, au sing. et basi Piri, bas’ Piri, au plur. Le changement de Piri ou Pili en Vili peut se concevoir facilement, avec les permutations constatables ailleurs de r et l qui se réalisent à peu près de la même façon. - 418 -

Quoi qu’il en soit, Bwali, c’est la Cité (bwal’) par excellence, la Mbanza, « capitale », « métropole », du pays (si) du roi (maluwangu) des Vili ou Loango. A propos de l’emplacement exact de Bwali, Dapper, qui écrit en 1668, donne ces précisions : « La capitale où le roi tient sa cour est située à quatre degrés et demi de latitude australe, et une lieue et demi de la côte ».201 Voici une autre estimation géographique qui date du XVIIIème siècle : « Bwali sa capitale (du royaume de Loango), que les Français appellent communément Loango, est située vers le quatrième degré quarante-cinq minutes ».202 La différence entre les deux appréciations n’est pas énorme. Située par 4°45’ latitude Sud, Bwali (Boarie, Buri, Boari, Bouali) était éloignée de l’océan Atlantique de 2 à 2,5 Km, une lieue de terre équivalant à 4,445 Km. Quelle pouvait être la grandeur, l’étendue de la capitale du royaume de Loango ? A la fin du XVIème siècle, Battell indique seulement que la capitale de Loango, aux rues larges et longues, s’étend dans une grande plaine (« on a great plaine »). Ces indications correspondent en général à la physionomie urbaine des grandes agglomérations. Dans la deuxième moitié du XVIIème siècle, Dapper écrit : « Cette ville est à peu près de la grandeur de Rouen, mais les bâtiments ne s’y touchent pas. Elle a de grandes rues, et d’autres traversantes, que les habitants ont un grand soin de tenir nettes. Il y a devant les maisons de grandes allées de palmiers, de bananas (bananiers) et de bakoves ». 201 202

O. Dapper, 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, p.321. Abbé Proyart, 1776, Histoire de Loango, Kakongo, et autres royaumes d’Afrique, Paris-Lyon, p. 7-8. - 419 -

« Il y en a aussi sur la dernière, et quelquefois par ornement, elles en sont de la part des enceintes ».203 Toujours cette insistance sur la grandeur des rues qui se croisent, se coupent, sont bordées d’arbres. La propreté des rues de Bwali a toujours provoqué un vif étonnement de la part des étrangers. La ville de Rouen, mentionnée par Dapper à titre de comparaison avec Bwali, n’était qu’une garnison à l’époque romaine ; jusqu’à la fin du XIIIème siècle, Rouen est encore une modeste localité, qui se transformera alors successivement en ville de métiers, de cordonniers, de pelletiers, etc., puis, dès le milieu du XVème siècle, en ville « drapante ». Rouen ne subira une autre poussée économique qu’au XVIIIème siècle avec le coton et le charbon. Par conséquent, cette ville pouvait bien avoir l’allure de Bwali au XVIIème siècle (au point de vue de la grandeur, de l’étendue). Au XVIIIème siècle, Degrandpré, Officier de la Marine française qui voyagea effectivement au Loango et y traita 1500 esclaves en 1787, notait : « Banze Loango (Mbanza Loango) a bien près d’une lieue carrée, ce qui fait près de quatre lieues de tour, soit un grand espace contenant une population d’à-peuprès 15 000 âmes ».204 Il y a deux faits à ne pas confondre et, d’autre part, ces deux faits, dans l’histoire des villes, ne sont pas nécessairement 203 204

O. Dapper, 1686, Description de l’Afrique, Amsterdam, p.321. L. Degrandpré, 1801, Voyage à la Côte Occidentale d’Afrique, fait dans les années 1786 et 1787, Paris, tome I, p.68. Un enclos pouvait bien tenir 30 personnes, soit 3 à 4 familles, c’est-à-dire 3 à 4 femmes, sinon plus, mariées à un seul homme. Les trois royaumes de Loango (Bwali), Kakongo (Malemba) et Ngoyo (Cabinda) pouvaient totaliser une population de 600000 habitants, dit Degrandpré qui ajoute aussitôt : chiffre « bien fiable lorsqu’on veut tenir compte de la polygamie et de la prodigieuse fécondité des femmes », L. Degrandpré, op. cit., p. 216. - 420 -

liés : il s’agit de l’étendue d’une ville et du nombre d’habitants qu’une ville peut contenir. La superficie d’une lieue carrée est environ 16 kilomètres carrés. Par conséquent, d’après Degrandpré, Bwali avait environ 16 kilomètres carrés de superficie. Ce qui représente tout de même une agglomération assez étendue. Supposons que la ville de Bwali ait été un carré, elle aurait eu alors 4 Km/4Km. Les rues ne pouvaient qu’être larges et longues. D’après le même Officier de la Marine française, Bwali avait une population d’environ 15000 habitants. La densité de la population urbaine aurait donc approché de 1000 habitants au kilomètre carré. Le P. Bernadino Ungaro est le missionnaire qui a introduit la religion chrétienne au royaume de Loango, en 1663 : il baptisa le roi et la reine, les maria selon les rites de la foi catholique romaine ; il baptisa également le fils aîné du roi, ainsi que toute la cour royale qui comptait plus de 300 personnes. En l’espace d’un an passé à Bwali, ce missionnaire baptisa plus de 12000 personnes.205 Ce qui importe, c’est de ne point perdre de vue le caractère rural des villes que nous étudions. Chaque enclos, chaque enceinte, chaque « entourage » comme dit Degrandpré, était « environné d’un terrain cultivé en manioque (manioc) pour l’usage des habitants. On y trouve des légumes et des fruits destinés aux Européens (…). Tout le terrain qui renferme la ville est planté de palmiers et cocotiers ; ce sont les arbres nourriciers du pays. (…). Les villes au surplus fourmillent de

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Girolamo Merolla da Sorrento, 1726, Breve, e succinta Relazione del viaggio nel Regno di Congo, Naples, 2ème partie. A moins que le P. Ungaro ait menti, on ne voit pas pourquoi le chiffre donné serait « gonflé ». - 421 -

volailles, de cochons, de cabris et d’enfants tous nus, qui se vautrent dans la poussière pêle-mêle avec les animaux ».206 Après avoir énuméré les principales villes et bourgades du royaume de Loango, Dapper écrit que Bwali avait plusieurs villages ou bourgs. Ils sont autour de Loango (Bwali) à une journée et demie de marche.207 Bwali avait donc plusieurs banlieues ou, plus exactement sans doute, Bwali était formé de plusieurs villages ou bourgs. La liste de ces bourgs varie selon les auteurs mais, chaque fois, il ne s’agit pas moins d’une dizaine de noms.208 Ces bourgs intégrés à Bwali relevaient directement de la couronne : la mère du roi habitait Makonde (Kondi), et la sœur du roi Sekie et Katte. Dans l’ensemble, chacun de ces bourgs pouvait atteindre 500 habitants.209 III.– Activités économiques Si l’on admet avec Vidal de La Blache que la ville, dans le plein sens du mot, est une organisation sociale de plus grande envergure, alors Bwali, compte tenu de son espace urbain, était véritablement une haupstadt, une ville principale du Loango, aux multiples fonctions : agriculteurs, guérisseurs (nganga), forgerons (ngangula), potiers, tisserands, sauniers, pêcheurs, courtiers (« les princes même sont courtiers. C’est dans la société le rang qui suit immédiatement celui de

206

L. Degrandpré, op. cit., pp.68-70. O. Dapper, op. cit., p.321. 208 Cf. O. Dapper, op. cit., p.321, et Frank Hagenbucher-Sacripanti, 1973, Les fondements spirituels du pouvoir au royaume de Loango, Paris, O.R.S.T.O.M., p.70. 209 O. Dapper, op. cit., p.321. 207

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prince »210 ) faisaient que Bwali avait une grande activité productrice. L’existence d’un grand marché quotidien prouve nettement que la production avait des excédents, des services d’origine interne. La traite négrière spécialisera Bwali, comme tous les autres grands marchés négriers de la côte (Cabinda, Malemba, etc.), en ville-entrepôt. Ainsi, Bwali fut captée par un courant commercial tout à fait dévastateur pour le royaume de Loango lui-même et pour les autres pays de l’intérieur (régions des Yombe, Teke, Mbosi, Mbeti, etc.). Une classe parasitaire, utile au commerce des Européens, naquit alors : les courtiers des intermédiaires, avec leurs lieux de la traite (« la pointe », « la petite terre »), au bord de la mer. Un certain Andriz Samba de Cabinda avait jusqu’à 700 esclaves sur sa petite terre, qui faisaient sa force et sa fortune.211 Degrandpré écrit que « l’action de saisir un homme que l’on vend, s’appelle en français de traite, poigner. »212. Le poignage était très utilisé à la côte. C’est un procédé de vente des plus arbitraires : « Ce malheureux usage est le fruit du luxe et du commerce que nous y avons porté. Les superfluités (pacotille) que nous leur procurons sont devenues pour eux des besoins, et il n’est rien qu’ils ne fassent pour acquérir ; le commerce n’eût-il fait d’autre mal à ce pays que de dépeupler, ce serait assez pour le lui faire considérer comme un fléau ».213 Le rôle économique des courtiers n’était donc pas l’enrichissement du pays, du royaume, de la capitale. La traite négrière a fait naître sur la côte une série de points de vente des esclaves, portant ainsi, petit à petit, de coups mortels aux sociétés africaines de l’époque. Il s’en est suivi une régression 210

L. Degrandpré, op. cit., p. 106. L. Degrandpré, op. cit., p. 209. 212 L. Degrandpré, op. cit., p. 212. 213 L. Degrandpré, op. cit., p. 215. 211

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sociale généralisée. La traite négrière n’a ni ranimé ni repeuplé les anciennes cités rurales, comme Bwali. Elle a au contraire précipité dans la misère les villes de la côte qu’elle a groupées en vue du commerce international atlantique, en une sorte de ligue marchande (Bwali, Cabinda, Malemba), arrêtant ainsi l’urbanisation qui existait antérieurement au négoce négrier. IV.– Urbanisation et Architecture de Bwali Quel type d’habitation construisait-on à Bwali ? Une grande place publique existait au centre de la ville, dans le quartier où résidaient le roi et la cour : « Au milieu de la ville est une grande place proche du palais du roi. Il est environné d’une palissade de palmier, et forme un carré qui est large et long d’une lieue et demi. On y voit un grand nombre de maisons pour ses femmes ».214 Le quartier royal était donc très grand : environ 300 personnes y habitaient (baptisées par le P. Ungaro, en 1663). En 1776, on ne comptait plus que cinq à six cases dans le quartier royal : « Il (le palais du roi) n’est composé que de cinq ou six cases, un peu plus grandes que celles dont nous venons de parler ».215 C’était déjà le déclin, en cette fin du XVIIIème siècle, de sorte que le XIXème siècle, siècle de la « découverte » de l’Afrique, de la conquête militaire du continent et de son partage en différentes zones d’influence européennes (1885), aura à faire à une Afrique déjà ruinée par plusieurs siècles de traite négrière, une Afrique qui ne vivait plus que sur des 214 215

O. Dapper, op. cit., p. 321. Abbé Proyart, 1776, Histoire de Loango, Kakongo et autres royaumes d’Afrique, Paris-Lyon, p. 57. Au temps de Battell (début XVIIème siècle), l’enclos (lumbu) du palais du roi renfermait dix grandes maisons : « The King hath ten great houses. », A. Battell, op. cit., p. 392. - 424 -

fragments socio-culturels hérités des brillantes civilisations d’autrefois. Les maisons des particuliers, uniformes, longues, rectangulaires, avec des toits en pente et des pieux en bois qui les soutiennent, sont décrites de façon surprenante par Dapper : « Les maisons sont longues, et couvertes en sorte que le milieu du toit est plat, et les deux côtés vont en penchant, comme on bâtit en Italie. Le toit est appuyé sur des mâts forts longs et forts épais, dont ceux qui soutiennent le haut sont dix ou douze pieds au-dessus des autres qui sont à côté. Ils sont soutenus par des colonnes qui ont des hautes proportions. On garde aussi une certaine proportion entre la hauteur des maisons et leur longueur et largeur ».216 C’est encore la technique de construction des maisons dans les campagnes congolaises contemporaines. Le mbongi, case publique du village, peut avoir son prototype dans ce que dit Degrandpré : Indépendamment de toutes ces cours distinctes, chaque case est précédée d’un petit carré vide, dans lequel s’élève un petit toit attenant à la case. Il est supporté par des bâtons en guise de colonnes ; c’est indifféremment dans l’un de ces endroits que le oir reçoit ses visites, et jamais dans sa case.217 Comme aujourd’hui encore, les cases étaient entourées d’enclos : « chaque maison a une haie de branches de palmiers tout autour, ou un tissu de jonc qui l’environne. D’autres font ce tissu de cannes, et y renferment sept ou huit maisons, ou même davantage.218 216

O. Dapper, op. cit., p. 321. L. Degrandpré, op. cit., p. 63. 218 O. Dapper, op. cit., p. 321. 217

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Degrandpré précise que ces murailles de jonc étaient très élevées, « ce qui forme un labyrinthe complet auquel il faut être accoutumé pour ne pas s’y égarer. Je me suis souvent trouvé au quartier des femmes (…), méprise qui ne plaisait pas toujours aux maris naturellement très jaloux ».219 En fait de « quartier des femmes », il s’agit de cases destinées à chaque femme d’un polygame à l’intérieur de son enclos qui renfermait évidemment plusieurs cases. Les enfants vivaient avec leur mère. De ce fait, l’enclos - « un très grand entourage de paille » - avait plusieurs cours distinctes. Il y avait de grandes allées bordées d’arbres, et des organes de circulations beaucoup moins larges, « une quantité de petits chemins, larges de deux pieds (66 cm), mènent à toutes ces différentes cases, entre deux murailles de jonc très élevées ».220 Dans les maisons, il y avait des pots, des calebasses, des paniers, des « nattes bien tressées », de petites et grandes corbeilles. Mais la fortune était variable selon le rang social occupé : le roi et sa famille, les princes, les maris des princesses, les nobles du pays, les courtiers, les esclaves domestiques (serviteurs de toutes espèces), le bas-peuple, tous n’avaient pas le même niveau de vie. Cet exemple d’un makaya (prince) de Kakongo pouvait se rencontrer aussi au Loango : « Le ma-kaïa de Kakongo, l’un des plus puissants princes du royaume, a un appartement meublé à l’européenne : on y voit des lits, des commodes, des buffets garnis d’argenterie. Le prince offre des sièges aux Européens qui vont lui faire visite ; pour lui, il trouve qu’il est plus commode de s’asseoir par terre, selon l’usage du pas ».221

219

L. Degrandpré, op. cit., pp. 64-65. L. Degrandpré, op. cit., p. 64. 221 Abbé Proyart, op. cit., p. 77. 220

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Bwali, capitale du Loango au 17ème siècle, d’après Olfert Dapper.

Tombeaux des rois de Kongo à Mbanza Kongo, capitale du royaume. - 427 -

V.– Bwali morte, Diosso survit Bwali est morte. Diosso, l’un des bourgs de la capitale du vieux Loango, survit, témoin des oscillations qui ont jadis marqué les rythmes d’évolution de la ville des maluwangu. Le site est magnifique, naturellement accueillant. Ce qui reste des anciens dynastes, distant, discret, d’une sérénité humaine touchante. A cause de Bwali qui a vécu, Diosso est aujourd’hui un haut lieu peuplé d’histoire, non loin de Lubu, cimetière des princes vili, assez proche aussi de Luandjili, cimetière des rois de Loango, entouré d’une palissade en dents d’éléphants, 8 Km environ de Bwali.222 En jetant un regard du côté de la mer et des cirques de Diosso, on croit entendre une voix dire : nec plus ultra.

222

A. Battell, op. cit., (1589-1607), p. 396 : “There is place two leagues from the Towne of Longo (Loango), called Longeri (Luandjili), where all their Kings be buried: and it is compassed round about with Elephants teeth pitched in the ground, as it were a pale, and it is ten roods in compasse”.- 428 -

CHAPITRE 14 VILLES ET CITES CO0GOLAISES MODER0ES : HISTORIQUE, AME0AGEME0T ET AVE0IR par Pierre 0DIO0 I0TRODUCTIO0 Pour une présentation simplifiée de cette partie consacrée aux villes et cités congolaises modernes, il sied d’abord de rappeler deux définitions possibles de la ville, avant d’évoquer brièvement le rôle de la colonisation européenne dans l’urbanisation du Congo, le contenu des projets d’aménagement urbain et de la politique nationale de la ville. La première acception proposée de la ville se réfère aux cités antiques définies comme étant des communautés politiques souveraines et indépendantes. Ces cités ont fonctionné en véritables centres de commandement qui administraient des territoires placés sous leur juridiction et autorité administrative, politique, économique et culturelle. À partir des sources écrites européennes sur la découverte de la côte d’Angol par les Portugais à la fin du XVe siècle, les historiens affirment que plusieurs cités comme MbanzaKongo, capitale du royaume du Kongo, ont effectivement existé sous les latitudes tropicales. Malheureusement, les conditions climatiques et pédologiques, le relief et la végétation de la sous-région rendent difficile la mise en œuvre des projets de fouilles archéologiques qui pourraient établir de façon incontestable, l’existence, la localisation et la datation de ces cités historiques africaines. La seconde proposition de définition de la ville repose sur des critères plus contemporains qui se réfèrent aux fonctions de la ville, fondées sur la démographie et les densités urbaines, - 429 -

l’architecture des paysages, les formes d’aménagement et d’urbanisme, la qualité des tissus urbains, le niveau des équipements collectifs et des services, la prépondérance des secteurs secondaire et tertiaire. Aussi au Congo, la ville devient-elle une nouvelle forme d’aménagement du territoire, car l’urbanisation implique une mobilité résidentielle et une création progressive de nouveaux espaces de vie qui modifient considérablement la répartition de la population héritée de la traite négrière (XVIe - XIXe siècle). Le projet colonial de conquête et de création artificielle des territoires-pays est confirmé par la Conférence de Berlin (1885) qui achève la mise en place de ce dispositif d’organisation spatiale des territoires colonisés. En effet, la colonisation européenne met en œuvre de façon simultanée, trois grands projets sociaux complémentaires et révolutionnaires au sens propre du terme, dans un univers traditionnel africain caractérisé par la fragilité de son système économique et l’immobilisme de ses us et coutumes codifiés par des règles gérontocratiques séculaires d’organisation de la société. Il s’agit des projets d’urbanisation, de scolarisation et d’évangélisation. Force a été de constater que l’exécution de ces trois projets a fondamentalement bouleversé les équilibres de fonctionnement des sociétés africaines. L’urbanisation a rapidement pris le commandement politique, économique et socioculturel de ces sociétés désormais soumises aux valeurs du nouvel ordre inspiré de l’humanisme judéo-chrétien. C’est dire que les agglomérations urbaines du Congo moderne sont une création de la colonisation européenne.

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I – La colonisation et l’urbanisation du Congo moderne 1. Bref rappel historique À partir de 1872, les missions de conquête coloniale se sont multipliées en Afrique centrale. La mission Grandy venait de mettre en évidence l’impossibilité de remonter le cours du fleuve Congo à partir de la baie de Loango. Dès lors, le fleuve Ogooué est considéré comme étant la seule voie possible d’accès à l’intérieur du continent. L’expédition de Marche et du marquis de Compiègne s’inscrit dans cette logique, puisqu’elle remonte le fleuve Ogooué jusqu’au confluent de l’Ivindo où le corps expéditionnaire rencontre une opposition des populations Fang qui l’obligent à rebrousser chemin. Deux ans plus tard, en 1874, le jeune aspirant Pierre-Paul François Camille Savorgnan de Brazza, âgé de 22 ans, fraîchement sorti de l’école navale, se prépare à reprendre le même chemin, en réalisant une série de trois expéditions, de 1876 à 1878 (mission avec le Docteur Noël Ballay et Marche), de 1879 à 1880 (signature du traité de paix avec Onkoo Iloo, roi des Téké, le 10 septembre 1880 et fondation de Brazzaville), et de 1883 à 1885 (expédition Cordier et traité avec le Ma Loango, le 12 mars 1883). Cette période voit se réaliser une compétition acharnée entre Stanley, agissant pour le compte du roi des Belges, et de Brazza accompagné de Descazes, Lastours, de Chavannes, Albert Dolisie pour conquérir le Sud et le Nord du Congo. La signature de l’Acte de Berlin est annoncée à de Brazza sur son chemin de retour à Franceville le 15 juillet 1885. En somme, toutes ces missions engagées dans la sousrégion, les revendications du Portugal sur l’embouchure du Congo suite au traité luso-britannique de 1884 forcent l’urgence de la convocation de la Conférence de Berlin qui se tient du 15 avril 1884 au 26 février 1885. L’objectif de cette - 431 -

conférence est de résoudre l’épineux problème des zones d’influence au sein des empires coloniaux. Pour la colonie du Congo Français, les principales conclusions de cette conférence sont : - l’accord entre la France et le royaume de Belgique pour céder le Bas Congo et le Loango au Congo, en échange des territoires teke de la rive gauche du fleuve Congo ; - l’accord entre la France et le Portugal pour confier le Cabinda au Portugal en échange des territoires conquis sur la côte dans le royaume de Loango ; - l’accord entre la France et l’Allemagne pour limiter l’expansion orientale du Cameroun au confluent des rivières N’Goko et Sangha. Après la Conférence de Berlin, les empires coloniaux se mettent en place dans un contexte de domination des territoires conquis. Cette politique de conquête et d’exploitation rencontre une hostilité de la part des populations congolaises qui développent diverses formes de résistance face à cette oppression coloniale (travaux forcés au fouet, portage) et à l’économie de traite (compagnies concessionnaires). Pour organiser des expéditions militaires et contrôler les territoires des colonies, les explorateurs construisent des bases d’opérations en des endroits stratégiques du territoire (le cas de Fort-Rousset, actuelle ville d’Owando). Ces postes de contrôle administratif se développent au rythme des circonstances de leur création et des conditions locales de leur existence. Les voies d’eau navigables qui offraient les seules possibilités de pénétration et de circulation à l’intérieur des terres seront relayées, à partir des années 1920, par des routes carrossables entretenues par les Sociétés indigènes de prévoyance (SIP). Les travaux de construction du Chemin de Fer Congo Océan (CFCO) qui relie Brazzaville et le port de Pointe-Noire mobilisent une main d’œuvre provenant de tous les territoires de l’Afrique Équatoriale Française (AEF). - 432 -

Cette voie ferrée essaime des gares ferroviaires sur son parcours qui se transforment en centres d’activités commerciales. Certaines gares connaîtront un essor rapide du fait des activités économiques développées dans leur hinterland (canne à sucre de Jacob, bois de Dolisie). Les nombreux cours d’eau navigables, les 540 km de voie ferrée au sud ouest du pays, le réseau routier sur le territoire national relient les sites portuaires, les gares ferroviaires et les postes de contrôle administratif. Ainsi a été esquissée l’armature urbaine du pays. À la veille de l’indépendance, le législateur congolais hérite de cette armature urbaine issue du projet colonial d’aménagement du territoire. Il s’appuie sur cet héritage colonial pour opérer une classification et différenciation des territoires urbains qui se présentent comme suit sur l’étendue du territoire de la République du Congo : deux communes (Brazzaville et Pointe-Noire), un centre urbain primaire (Dolisie), les centres urbains secondaires (Jacob, Mossendjo, Ouesso, Sibiti, Madingou, Kinkala, Djambala, Fort Rousset, Impfondo), les centres urbains tertiaires (Éwo et les chefslieux des districts en général). 2. Les explorateurs européens et la toponymie urbaine En application de l’Acte de Berlin, la loi du 27 février 1886 sépare les colonies du Moyen Congo et du Gabon, afin de faciliter les expéditions militaires programmées en direction du Bas et du Haut Congo, notamment : – pour le Bas Congo : la récupération des postes fondés par les Belges dans le Kouilou et le Niari depuis 1882 : Stéphanieville (Loudima), Francktown (Makabana) créées par Grant ; le dégagement de la piste allant de Loango à Brazzaville de 1886 à 1887 par le lieutenant Largeau jusqu’à Loudima et poursuivi par le lieutenant Margin jusqu’à Kimbédi ; l’identification du tracé du chemin de fer par - 433 -

Jacob (fondateur de Nkayi) ; l’exploration de la haute Louessé et l’ouverture de la piste de Madingou à Sibiti en 1909 par le lieutenant Limasset ; la prospection de la boucle du Niari et la création de Mouyondzi en 1911 ; la fondation de Mossendjo en 1916… ; – pour le Haut Congo : la remontée du fleuve Congo et l’Oubangui par de Brazza en 1885 ; la poursuite de cette remontée par Albert Dolisie en 1888 ; la conquête de la Sangha jusqu’à la N’goko par le lieutenant Cholet ; l’arrivée du Gabon par Ivindo de Crampel pour fonder Ouesso en 1890 ; la reconnaissance de la haute Sangha jusqu’à Nola par Fourneau ; la pacification du reste de la haute Sangha par les lieutenants Chateau et Clément de 1901 à 1904 ; la réduction de la résistance Mbosi à la bataille de la plaine de Ngania en 1902 ; l’installation pacifique des missions catholiques de Boundji et Lékéty en 1904 ; la violente répression de la rébellion de Sembé par le bataillon du lieutenant Blaise en 1910 ; la restauration de l’ordre dans la Likouala-Mossaka suite à la longue dissidence des populations locales dans cette partie du Congo septentrional… 3. L’héritage colonial de la conscience urbaine Les métropoles africaines continuent à entretenir en leur sein des pratiques sociales et des idéologies communautaires qui renforcent les regroupements ethniques dans leurs quartiers et alimentent des courants de relations de même nature. Dans ce sens, le fonctionnement des territoires urbains ressemble beaucoup à celui des communautés rurales, en ce qui concerne notamment : les langues de communication, les associations, les mariages, les visites et fréquentations, le choix des quartiers de résidence… Ce mode de fonctionnement des espaces urbains ne favorise pas beaucoup le brassage des communautés, de nature à construire de nouveaux corps sociaux capables d’expurger à la - 434 -

fois, la conscience urbaine des valeurs négatives héritées du système colonial et de la culture traditionnelle. L’on sait combien ce double héritage retarde tout progrès vers la consolidation des communautés nationales pluriethniques et multiculturelles. En effet, si les communautés ethniques viennent massivement en ville et se préoccupent d’acquérir des armes culturelles nouvelles qui leur permettent par la suite, de raviver leurs identités sectaires ou de nourrir leurs ambitions d’hégémonie sociale et politique, la communauté nationale dans son ensemble évolue vers un affaiblissement certain, joue perdant dans sa cohésion sociale et sa volonté de bâtir une nation unie. Pourtant au Congo, l’histoire des jeunes territoires urbains a participé à la réalisation des synthèses remarquables dans le domaine de la linguistique par exemple. En effet, les villes de Brazzaville et de Léopoldville (actuelle Kinshasa), les centres urbains secondaires (capitales régionales) ont considérablement favorisé la promotion et la diffusion de deux langues congolaises de communication, résultant des dialectes des Kongo (Kituba) et des Ngala (Lingala). Cette remarquable synthèse linguistique a permis de surmonter la kyrielle des dialectes au sein des ex-empires coloniaux belge et français. Cet exemple de mutation des sociétés africaines et de synthèse culturelle favorisée par les communautés urbaines ne devrait pas faire figure de phénomène d’exception. Les milieux urbains devraient faciliter d’autres mutations et influer sur la dynamique sociale des pays africains. Les villes africaines, les métropoles nationales en particulier, devraient servir de plate-formes d’intégration sociale par les moyens de l’éducation, de la culture, des sports, des mariages interethniques, de la vie associative, des rapports de voisinage... Les résultats d’une enquête que nous avons menée en 1990 dans les quartiers de Brazzaville renseignent - 435 -

sur l’ampleur des mariages ethniques : 59 % en milieu de cadres supérieurs et hauts fonctionnaires (Mounkondo et Batignolles), 79% dans les quartiers populaires (Talangaï et Mfilou Ngamaba). Pourtant, en cette matière, l’élite sociale urbaine devrait échapper à la logique communautaire prédominant dans l’univers traditionnel. À la veille de la Conférence nationale souveraine de 1991, le ministère de l’Intérieur du Congo avait enregistré 469 demandes de reconnaissance d’associations de toutes les catégories (sociales, religieuses, humanitaires, sportives, culturelles, scientifiques, politiques, économiques…). L’enquête de 1991 révèle que même dans des quartiers relativement aisés de Brazzaville comme Moukondo et Batignolles, la moitié d’associations a un caractère familial et régional. Dans ces quartiers, les fréquentations entre voisins sont occasionnelles. Quant aux visites rendues et reçues, cette même enquête met en évidence le fait que ces deux quartiers aisés de Brazzaville entretiennent plus de relations avec le monde extérieur (autres quartiers de la ville et régions du pays). L’ampleur de ces relations se présente comme suit : un résident sur trois fréquente ses voisins ; les résidents rendent et reçoivent en grand nombre de visites de leurs parents et amis de leurs régions d’origine résidant dans d’autres quartiers de la ville. Il a été mis en évidence que le pouvoir unificateur de la capitale congolaise demeure encore faible. De façon générale, après environ deux siècles d’existence, les deux grandes métropoles du pays ne fonctionnent pas encore comme de véritables plateaux de synthèse culturelle propices à l’émergence d’une nouvelle conscience citoyenne affranchie de toutes les pesanteurs de la civilisation traditionnelle. L’enquête de 1990 met également en évidence l’imitation des comportements chez des générations nées en ville qui calquent presque de façon systématique, les pratiques urbaines - 436 -

de leurs parents d’origine villageoise dans le choix des quartiers de résidence, d’associations culturelles, sportives et politiques, de conjoints, de la pratique des langues nationales, etc. Il est montré que l’impact de l’éducation, de la culture, du travail, de la condition sociale n’est pas encore bien sensible dans la conscience du citoyen urbain. 4. L’indépendance et l’accélération du phénomène urbain Au sein des États-pays créés de toutes pièces, les administrations coloniales ont pratiqué des politiques sélectives en matière d’immigration sur les territoires des villes en construction. Lorsque les pays d’Afrique accèdent à l’indépendance dans les années 1960, le droit de vivre en ville est apparu comme une liberté fondamentale conquise politiquement. Le verrou étant levé, la ruée vers les villes africaines a été spectaculaire. Le phénomène migratoire à l’intérieur des États africains, la mobilité résidentielle urbaine (choix de quartiers de résidence) qui en résulte, la création des espaces relationnels en ville, influencent de façon significative la dynamique sociale et marquent profondément la conscience collective des citoyens de ces jeunes États - nations en création. Dans les pays d’Afrique noire, le fonctionnement des systèmes urbains s’est réalisé selon un schéma totalement inverse de celui du Maghreb décrit par Mohammed Naciri dans sa célèbre thèse sur l’exode rural au Maroc. Ce géographe a montré que dans les pays d’Afrique du nord de façon générale, la petite bourgeoisie urbaine et les pouvoirs publics agissaient comme un véritable bouclier contre le phénomène d’exode rural, limitant ainsi les élans de solidarité ethnique en faveur des ruraux attirés par la ville. Mais nos propres recherches sur les territoires et les communautés de Brazzaville et nos observations sur le terrain - 437 -

en Afrique centrale (Bangui) et occidentale (Abidjan) ont mis en évidence une réalité sociale contraire. Ici, la « classe moyenne » ouvre largement ses portes aux migrants, développe des alliances avec les catégories sociales défavorisées pour accroître sa puissance numérique afin de créer un rapport de force en sa faveur dans les négociations syndicales et politiques avec les groupes dirigeants, en vue de l’amélioration de ses stratégies d’insertion sociale et professionnelle en milieu urbain. À ce propos, Gilles Sautter marquait son étonnement en se posant cette question: Comment se fait- il que des hommes qui, au village, ne se sentent d’obligation que dans les limites de parenté ou d’alliance strictement codifiée, en viennent en ville à prêter assistance au premier venu, sous le couvert des liens beaucoup plus vagues, voire d’une simple référence à la communauté géographique et ethnique ? En réalité, les groupes dirigeants africains du sud du Sahara tolèrent les regroupements ethniques au sein des agglomérations urbaines, car ils en tirent un profit politique évident, surtout en période de consultations électorales, eu égard au niveau de conscience peu élevé des populations rurales et urbaines. Les communautés urbaines ainsi constituées fonctionnent comme un niveau supérieur d’organisation sociale et d’élaboration d’une conscience collective, à partir duquel se développent en ville et de façon paradoxale, plusieurs formes de solidarité à caractère identitaire. Ces regroupements ethniques en ville sont politiquement exploités par des acteurs publics qui intègrent habilement ce phénomène dans leurs stratégies individuelles pour conquérir - 438 -

des positions dominantes au sein des sociétés urbaines et nationales. Les enjeux des politiques urbaines déterminent donc le rôle des acteurs et des groupes sociaux dans l’exécution des projets politiques. Ainsi, la formation et l’animation des appareils modernes (associations et partis politiques) se placent au centre des préoccupations des acteurs publics. Ces appareils politiques fonctionnent comme des moyens de mobilisation et de conscientisation des individus et des groupes sociaux. Il a été observé que les solidarités communautaires qui naissent en ville, participent à la production de l’habitat et au fonctionnement des territoires urbains. Or, ces espaces urbains jouent un rôle moteur dans la dynamique sociale des pays d’Afrique noire. En amont, les communautés rurales, constituées en véritables viviers, procurent constamment aux courants migratoires, les ressources humaines et les valeurs culturelles qui prennent en ville une ampleur sociale et politique incontestable. II – Les projets urbains colonial et national 1. Exode rural et mobilité résidentielle sur les territoires africains Le changement de lieux de résidence à l’intérieur des États d’Afrique noire francophone et au sein des territoires urbains, n’est pas nécessairement un indicateur de vitalité économique des migrants et des appareils modernes de production. Il révèle à l’évidence une quête accrue de valorisation du statut des migrants ruraux fortement soutenus par les membres de leurs communautés résidant en ville, et l’obligation morale pour les anciens ruraux installés en ville de perpétuer cette tradition d’entraide sociale. Le droit de vivre en ville n’est pas un héritage colonial, mais une conséquence des politiques nationales encouragées à la - 439 -

veille des indépendances des pays d’Afrique tropicale. Cette forme de liberté conquise par les ruraux s’exerce de façon socialement codifiée, mais juridiquement très peu réglementée. Il s’agit des libertés : de migrer en ville ; d’y séjourner de façon temporaire ou définitive sans formalité administrative ; d’occuper des espaces urbains sans contrepartie financière et obligation juridique. Dans ce domaine de la création des espaces sociaux urbains et de la réglementation des séjours en ville, la législation formelle accuse un retard considérable sur les pratiques urbaines. La production individuelle de l’habitat sur des terrains anarchiquement occupés, est l’une des causes de la croissance spectaculaire des extensions urbaines et de la prolifération des formes d’urbanisation horizontale dans les pays africains. Ce qui frappe dans ces pratiques urbaines, c’est surtout la médiocrité du tissu urbain et la qualité de l’environnement social, la faiblesse de la mise en œuvre des schémas d’aménagement et d’urbanisme, à côté de la richesse d’initiatives individuelles dans la production de l’habitat. Les pouvoirs publics sont réduits à l’impuissance dans leur rôle régalien de planification et de gestion des sociétés urbaines. Chaque citoyen peut aller en ville avec le simple espoir de trouver refuge chez un parent, un ami de la famille, un voisin. Plusieurs migrants arrivent en ville sans prévenir la première famille d’accueil. Au Congo, l’opinion collective condamne beaucoup plus la décision du citadin qui refuse de se soumettre à l’obligation d’héberger un arrivant. L’attitude du migrant qui prend la liberté de débarquer inopinément dans une famille urbaine est tolérée dans l’opinion générale. Pendant son séjour en ville, le migrant n’est soumis à aucune formalité administrative. Il n’a aucune obligation de se présenter devant une autorité administrative pour changement d’adresse ou déclaration de sa - 440 -

profession et de ses revenus. Il peut se donner le droit de transformer son séjour temporaire en une installation définitive, sans aucune justification officielle. Comme au Congo le statut de citadin est considéré comme plus valorisant, il est courant que le migrant se livre en ville à une activité proche de son occupation habituelle à la campagne du point de vue de la pénibilité du travail. Il choisirait de résider en ville, quand bien même cette nouvelle activité ne lui procurerait pas de revenus suffisants pour améliorer sa condition de vie. Après un temps passé en ville, l’éventualité de repartir à la campagne devient difficile à envisager. Ce retour sans gloire, expose le migrant à une dévalorisation de son image et de celle de sa famille. Pour sortir de leur statut de personnes hébergées, les migrants sans ressources financières sûres profitent de leur séjour urbain, pour occuper anarchiquement des terrains à bâtir dans les périphéries des grandes villes. La formule est facile à mettre en œuvre. Il suffit de désherber et d’entretenir régulièrement une portion de terrain et d’y afficher un écriteau portant l’inscription consacrée de « parcelle occupée », en prenant soin de payer un dû au propriétaire foncier. Ainsi, a été créé, par exemple, le quartier « Tout pour le peuple, rien que pour le peuple » (devise du parti unique au pouvoir, le PCT, 1969-1991) au nord de Brazzaville. L’itinéraire résidentiel classique du migrant comprend plusieurs étapes. Il débute par la décision motivée ou non de quitter le village, le centre urbain secondaire. Dans les grandes villes, il réalise des séjours dans plusieurs familles d’accueil ; puis devient ensuite locataire plusieurs fois avant de rechercher un terrain à bâtir, à titre gratuit ou acheté auprès d’un propriétaire foncier ou d’une tierce personne. Il fait venir sa famille sans autorisation de l’autorité municipale, construit un logement de fortune et ne paie aucun impôt foncier, ni de taxe d’habitation. Dans la mesure de ses - 441 -

moyens, le migrant engage une procédure de régularisation d’acquisition officielle de son terrain, avant de construire une habitation en matériaux durables éventuellement avec une autorisation de construire délivrée par une autorité nationale. À la fin de ce processus, et même avant, il est en mesure d’accueillir à son tour, des migrants de sa famille, de sa communauté ethnique. Ce processus se renouvelle sans cesse et alimente les réseaux d’exode rural. Dans les pays africains francophones, toute cette dynamique sociale est implicitement tolérée par la classe moyenne et les groupes dirigeants, soucieux d’accroître leur potentiel sécuritaire et électoral, en cas de conflits ou d’échéances électorales. Dans ces conditions, l’exode rural vécu comme moyen permettant aux individus et aux groupes sociaux d’accéder à un nouveau statut, devient une ambition collective massivement partagée en milieu rural et urbain. Cette dynamique sociale qui mobilise les ressources humaines des pays sous-développés ne s’arrête pas souvent à l’échelle des métropoles nationales de chaque pays. Elle peut traverser les frontières nationales pour prendre la forme d’une émigration internationale impulsée par les mêmes raisons de valorisation individuelle de statut social et économique du migrant. 2. Étude de cas : Brazzaville  Le « déterminisme » géographique du site La préférence pour l’estuaire de la Komo par rapport à la baie de Loango détermine la logique générale de l’histoire de la conquête coloniale du Congo Brazzaville. Cette logique de terrain conditionne tous les événements historiques postérieurs de la conquête et de l’occupation du territoire de la colonie du Moyen Congo en comparaison avec le grand Congo de la rive gauche. - 442 -

La seconde prédisposition résulte d’un déterminisme géographique dicté par l’orientation du réseau hydrographique qui offre l’unique possibilité de pénétration et de circulation à l’intérieur des terres dans cette partie du continent. La création de Brazzaville, capitale nationale sur la rivière Mfoa résulte donc des exigences géographiques et du système hydrographique axé sur le fleuve Congo qui perd sa navigabilité dans la zone dénommée Stanley Pool. Ce point de rupture de charge sur le fleuve Congo donne à ce site une importance stratégique indéniable pour les contacts commerciaux. Pour de Brazza qui descend le cours supérieur du fleuve du Congo et pour Stanley accompagné de porteurs à pied lourdement chargés, qui remonte son bief inférieur non navigable, ce site est prédestiné à la création des deux postes de contrôle administratif. Ces postes deviendront les deux capitales les plus rapprochées du monde : l’une sur la rive droite du fleuve Congo (Brazzaville fondée par de Brazza) et l’autre sur la rive gauche (Léopoldville, actuelle Kinshasa) créée par Stanley. Cette rupture de charge, véritable lieu d’échange entre les marchands de la côte atlantique et les commerçants continentaux, est prolongée par l’historique route des caravanes à pied qui a inspiré par la suite le tracé du Chemin de Fer Congo Océan (CFCO).  Les voies d’accès à la capitale L’exode rural et le mécanisme de desserrement des quartiers d’accueil permettent d’établir le sens de la migration intraurbaine et la préférence de quartiers de résidence. Cette migration favorise peu le mélange ethnique au sein des agglomérations urbaines. Selon une enquête menée en 1991 à Brazzaville, les voies d’accès à la ville ont déterminé la création des territoires urbains en relation directe avec la - 443 -

répartition géographique des populations sur le territoire national : l’arrondissement de Poto-Poto était au départ majoritairement habité par les populations (Bangala et minorités nationales du nord) riveraines du fleuve Congo et ses affluents de la rive droite (Oubangui, Likouala, Sangha, Kouyou, Alima…) avant son occupation massive par des immigrés de l’Afrique centrale et occidentale ; les arrondissements de Moungali et de Mfilou desservis par la route de Mayama - Kindamba sont peuplés par les populations du centre et du Pool nord (Bateke, Bakongo et Balari) ; la route nationale n°1 et le chemin de fer acheminent les populations du sud et du sud Ouest (Kongo) qui sont à l’origine de la création et du peuplement des arrondissements du Sud de la capitale (Bacongo et Makélékélé) ; les Européens ont occupé le centre de la ville qui se trouve directement relié à l’aéroport international de Maya Maya et entouré d’une double ceinture de « santé » (espaces verts) et de « sécurité » (camps de police, de gendarmerie et de l’armée). Le schéma simplifié des chemins pris par l’exode rural et les migrations à l’intérieur du périmètre urbain présenté cidessous indique les tendances générales d’arrivée et d’occupation du site urbain. Il fait partie d’une série de graphiques conçues par l’auteur pour des travaux antérieurs de recherche universitaires, précédés d’une enquête systématique sur échantillons dans quatre quartiers de Brazzaville. Ce graphique établit clairement les voies et orientations prises par les migrants : les populations Bangala et minorités du nord arrivent à Brazzaville par le fleuve Congo et la route du nord (n°2), les Africains et Européens par avion, les Kongo par le chemin de fer et la route du sud (n°1), les Teke par les routes du nord et de Mayama. Chaque voie d’accès dirige et concentre donc ses migrants dans des quartiers de la ville selon leur origine géographique. - 444 -

Itinéraires de l’exode rural et de la migration intraurbaine

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La ville blanche, « les Brazzavilles noires », les ceintures de sécurité et de santé

Le schéma d’urbanisme colonial place la ville blanche (française) au centre du site situé le long du fleuve et cerné par un relief collinaire sablonneux. Selon les thèses hygiénistes en vogue dans les années 1920 en Europe, les populations européennes devraient vivre séparées des indigènes pour se protéger des miasmes des populations noires des colonies. Ainsi, dans la pure tradition de la bourgeoisie française, la ville européenne est ventilée par une « ceinture de santé » constituée d’espaces verts et du plan d’eau, à savoir : le fleuve Congo à l’ouest et au nord, les forêts de la patte d’oie à l’est, - 446 -

de la glacière au sud. Cette ville blanche est directement reliée à l’aéroport international de Maya Maya ; ses accès sont protégés par des camps militaires, de police et gendarmerie (« ceinture de sécurité »). La traversée de cette la ville blanche est interdite aux indigènes à certaines heures de la journée et de la nuit ; des autorisations spéciales leur sont délivrées pour ce faire. Ainsi, deux « Brazzavilles noires » se sont créées au nord (village de Poto-Poto) et au sud (village de Bacongo) de cette ville européenne (Français et Portugais). De ce fait, les deux villes noires se sont développées dans une réelle séparation et opposition géographique, linguistique, sociologique et politique. La mobilité résidentielle intra-urbaine

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Au cours du premier cinquantenaire du XXe siècle, la ville européenne de Brazzaville connaît une extension dans les limites de la zone protégée par la « ceinture de sécurité ». Il s’agit des activités au port fluvial de Brazzaville, des commerces et la petite industrie dans la plaine de Mpila, des ateliers et entrepôts du Chemin de Fer Congo-Océan (CFCO)… impulsés par les compagnies concessionnaires. Les « Brazzavilles noires » prennent de plus en plus d’extension spatiale et cultivent des univers linguistiques, sociologiques et politiques séparés. Cependant, la conflictualité politique et sociale n’est pas apparente, à cause de la modération des principaux leaders (Jean-Félix Tchicaya et Jacques Opangault) et acteurs politiques : Jean Malonga, Emmanuel Damango Dadet, Hyacinthe Samba-Delhot, Pierre Goura, Simon Pierre Kikoungha-Ngot, Albert Lounda, Maurice Lheyet - Gaboka ... Le second cinquantenaire est marqué par la densification de la ville européenne. Chaque « Brazzaville noire » amorce séparément le desserrement de ses quartiers et la mobilité résidentielle de ses résidents vers la périphérie de sa propre circonscription. En même temps, l’exode rural se trouve activé avec l’ouverture des trois routes et la promotion de la fonction de transit symbolisée par le CFCO et le port fluvial de Brazzaville. L’activité politique nationale s’anime avec l’entrée en scène de l’Abbé Fulbert Youlou à partir de 1956.

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Après l’indépendance, la croissance urbaine s’accélère en relation directe avec cet événement historique en ouvrant la voie aux ruraux qui recouvrent la liberté d’aller et de vivre en ville sans aucune restriction administrative. Ainsi, la troisième « Brazzaville noire » fait son apparition à l’ouest de l’aire urbaine de la capitale en une seule décennie (1970 - 1980). Cette agglomération urbaine est créée principalement par un desserrement des quartiers sud de la ville, de Moungali, du quartier Palmeraie Mbemba (Ouenzé) et par l’exode rural des populations Teke et Laari qui accèdent à la ville par la route de Mayama. Cette période correspond à la création du Parti Congolais du Travail (PCT) qui suscite un grand enthousiasme populaire en faveur de la « révolution prolétarienne ». Le régime politique

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voue un culte au génie créateur des masses car, ce sont les masses populaires qui font l’histoire (slogans de l’époque). Dans cette euphorie révolutionnaire, se créent spontanément plusieurs quartiers périphériques comme « Tout pour le peuple, » au nord de Brazzaville. Fondées en 1880, Brazzaville nord et Brazzaville sud ne réalisent la jonction de leurs deux agglomérations qu’en 1980, au terme d’un siècle seulement d’existence. Pourtant, cet événement historique est passé totalement inaperçu dans l’opinion publique congolaise.  La croissance spatiale de Brazzaville (horizon 2000)

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Au cours de ces dernières décennies, la croissance spatiale de la ville de Brazzaville s’est frénétiquement poursuivie le long des voies d’accès à la capitale sous l’impulsion des facteurs sociaux anciens et nouveaux combinés, à savoir notamment : - un exode rural soutenu depuis l’indépendance ; - un phénomène continu de desserrement des quartiers de la ville qui s’effectue selon une logique coloniale de croissance séparée et d’extension horizontale ; - un mimétisme de comportements des générations nées en ville qui calquent leurs pratiques urbaines sur celles de leurs ascendants venus des villages dans le choix de quartiers de résidence ; - une accentuation de tous les phénomènes ci-dessus évoqués, à cause de la psychose sécuritaire résultant des guerres civiles successives connues au cours de cette décennie, lesquelles puisent en grande partie leur origine dans une conflictualité politique et sociale historique qu’il faudrait coûte que coûte annihiler au Congo.  Les zones de polarisation de Brazzaville En sa qualité de capitale nationale, Brazzaville exerce son pouvoir polarisateur sur des zones d’influence aux dimensions croissantes : - une zone attractivité directe ; - un rayonnement national ; - une influence sous-régionale ; - une dimension internationale. • La zone attractivité directe Le pouvoir attractif de Brazzaville s’exerce de façon directe sur deux territoires concentriques de 100 à 150 km de rayon pour le premier et de 150 à 250 km pour le second. Cette forte attraction est à l’origine du désert humain constaté dans cette - 451 -

zone périphérique soumise par ailleurs à une savanisation progressive résultant d’un déboisement intense. La première couronne (moins de 150 km autour de la ville) englobe le centre urbain secondaire de Kinkala et les centres urbains tertiaires de Boko, Mindouli, Mayama, Kindamba, Mbandza Ndounga et les centres ruraux de Ngabé, Loumo, Louingui, Ngoma Tsé Tsé, Mvindza, Inié, Odziba. La seconde couronne (250 km au plus à vol d’oiseau) s’étend jusqu’aux centres urbains secondaires de Djambala, Gamboma, Sibiti, Madingou, Mouyondzi, Nkayi, les centres urbains tertiaires de Ngo, Mpouya, Makotimpoko, Lékana, Zanaga, Komono, Boko Songo, Londela Kayes et les centres ruraux de Mfouati, Loutété, Kamba, Mayéyé, Mabombo, Ntsiaki, Kinkoué, Bambama, Mbon, Bouemba, Mbouambé Léfini. Pour atténuer le pouvoir centralisateur de Brazzaville sur ces deux territoires, les partis d’aménagement devraient favoriser de façon progressive : – la mise en œuvre des schémas d’aménagement et d’urbanisme des centres urbains précités ; – la construction des infrastructures de desserte et –l’édification de villes nouvelles à l’intérieur du périmètre de ces centres. Des activités agricoles à caractère industriel, tel que préconisé dans le projet « nouveaux villages » devraient être développées autour de ces centres modernisés. • Le rayonnement national de Brazzaville Par son poids démographique et ses fonctions : administrative, politique, économique, culturelle, Brazzaville exerce une influence classique de capitale nationale. Cette polarisation du territoire national est jugé trop excessive. Par conséquent, les pouvoirs publics se proposent d’atténuer ce pouvoir centralisateur de la capitale dans le schéma

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d’aménagement du territoire en vigueur, en favorisant une armature urbaine stratifiée en pôles : - de référence (Pointe-Noire) ; - d’équilibre national (Dolisie, Madingou, Mossendjo, Oyo, Owando, Ouesso, Impfondo) ; - départementaux (capitales des départements principalement). Selon le projet officiel, cette armature principale serait appuyée par une armature urbaine secondaire qui favorise l’amélioration des services dans ces centres urbains tertiaires avec l’appui des collectivités locales dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de décentralisation. • L’influence sous-régionale de Brazzaville Jusqu’à la proclamation de la République du Congo, le 28 novembre 1958 à Pointe-Noire, capitale du Moyen Congo, Brazzaville assumait la fonction de capitale de l’Afrique Équatoriale Française (AEF). À ce titre, la ville concentra sur son territoire des structures à caractère sous-régional dans les domaines de l’éducation (Fondation de l’Enseignement Supérieur de l’Afrique Centrale), de la santé (Hôpital Général de Brazzaville), des transports (Chemin de Fer Congo-Océan), des sports (stade Félix Eboué). L’histoire politique, économique et culturelle de Brazzaville lui a conféré une dimension historique et une réputation sous-régionale incontestables. • La dimension internationale de Brazzaville En plus de sa fonction de capitale de l’AEF, Brazzaville fut pour un temps, capitale de la France libre. En effet, face à la progression des troupes allemandes dans l’occupation du territoire français pendant la Seconde Guerre mondiale, les autorités de la IVè République avaient décidé de déplacer la capitale de la France à Brazzaville. Ce rôle politique, son poids - 453 -

économique (nœud de transports aériens internationaux assurés par l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et Madagascar (ASECNA), l’implantation des organisations internationales et représentations diplomatiques (ambassades), son influence culturelle (École de peinture de Poto-Poto) et sociale (Organisation mondiale de la Santé)… assure à Brazzaville une notoriété internationale reconnue. III – La politique nationale de la ville 1. Problématique de la politique urbaine du Congo La vocation des politiques urbaines après l’indépendance serait d’inverser progressivement la logique coloniale d’urbanisation des pays africains. Ce processus de longue haleine devrait en permanence préoccuper les groupes dirigeants successifs et les élites politiques qui ont pris la responsabilité de conduire le destin des États africains depuis leur accession à la souveraineté nationale. En effet, il est urgent d’intégrer davantage les politiques urbaines dans la définition des politiques générales de développement économique et social conduites par les appareils modernes de production des pays africains en construction. Dans la présente contribution, une démarche holistique de mise en place d’un système urbain est préconisée au détriment de toute tentative de valorisation d’une armature urbaine héritée de l’administration coloniale dont la logique d’urbanisation des pays poursuivait des objectifs fondamentalement opposés aux aspirations des populations à l’indépendance. Généralement les classiques modernes définissent : - le territoire dans son fonctionnement normal comme un espace spatial au sein duquel s’exprime constamment une

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dualité (physique, économique et culturelle) complémentaire entre la campagne et la ville ; - et l’aménagement du territoire comme une mobilisation programmatique par les pouvoirs publics, des ressources humaines, matérielles et financières dans le souci d’accroître l’attractivité et d’instaurer un équilibre de développement de ces deux univers, à savoir : le monde rural qui développe des activités de secteur primaire (agriculture au sens large, mines solides et liquides, ressources forestières, cueillette…) ; les centres urbains multifonctionnels qui concentrent les activités des secteurs secondaire (transformation industrielle des produits du sol et du sous-sol) et tertiaire (administrations, communications, transports, banques, assurances, éducation, santé…). La ville serait donc un territoire particulier défini comme étant un sous-système territorial créé à partir d’une fonction principale, laquelle occuperait la majeure partie de sa population active. À cette raison principale de son existence, s’ajouterait une série d’activités à caractère soit industriel, soit administratif et de services dans différentes proportions. Ces différentes fonctions et activités se reflèteraient dans le paysage urbain résultant des partis d’aménagement et d’urbanisme opérationnel. C’est dire qu’au Congo, chaque sous-système urbain devrait jouer une partition spécifique au sein de chaque territoire départemental. L’ensemble des soussystèmes urbains mis en relation à l’échelle nationale, développerait des rapports fonctionnels qui caractérisent un système urbain national. Le rôle principal de ce système urbain national serait de contribuer à la valorisation des patrimoines locaux, en même temps qu’il participerait à l’augmentation de la production et à la création de la richesse nationale. Aussi, la fonctionnalité modulable et flexible d’un soussystème urbain pris individuellement et d’un système urbain - 455 -

national évolutif et économiquement diversifié serait-elle hautement préférable par rapport à la rigidité d’une armature urbaine hiérarchisée selon une logique purement administrative héritée de l’administration coloniale. Sur cette question cruciale de choix stratégique qui détermine l’avenir du fonctionnement des espaces territoriaux des pays africains, force est de constater que, depuis l’indépendance, les politiques africaines ont peu innové. De façon générale, elles s’attellent peu à la recherche des voies et moyens pour sortir la croissance urbaine de la logique d’urbanisation conçue dans une optique de renforcement des appareils de production en faveur de l’exploitation des richesses des colonies au profit des sociétés et des métropoles européennes. Le Moyen Congo, comme les autres États de l’AEF et l’AOF, qui n’étaient pas des colonies de peuplement, l’organisation et le contrôle de son territoire obéissaient donc à une logique générale qui favorisait, de façon prioritaire, l’exploitation systématique de ses produits du sol et du soussol destinés à l’exportation. Ainsi, son armature urbaine était conçue pour fonctionner comme moyen d’appui et de relais de cette politique de conquête, de domination et d’exploitation. Les grands enjeux de l’aménagement du territoire en faveur d’un développement harmonieux et équilibré des collectivités locales décentralisées, à savoir : la recherche d’une meilleure répartition de la population sur le territoire national, la lutte contre les inégalités départementales de développement, la transformation industrielle des matières premières proche des lieux de production, l’ouverture des axes structurants (autoroutes), la construction des infrastructures de base (routes et ponts), la modernisation de l’habitat rural et urbain, l’assainissement de l’environnement urbain, la mise en œuvre des plans d’urbanisme des villes,…étaient, de façon volontaire, occultés par l’administration coloniale. - 456 -

2. Du fonctionnement du système urbain national La stratégie de mise en place progressive du système urbain national au Congo recommande fortement une démarche exégétique pour analyser et aménager le territoire de chaque centre urbain du pays. Ce processus serait engagé au terme d’une enquête systématique menée sur toute l’entendue du territoire national. L’objectif principal de cette investigation serait d’identifier de façon précise les activités de la population active et de connaître le niveau exact des autres activités économiques et sociales exercées par les habitants de chaque centre urbain. Comme il est improbable que les fonctions administratives héritées de la vision coloniale de ces centres se confirment, l’enquête indiquerait alors les véritables activités des populations de chaque entité urbaine, lesquelles déterminent leurs fonctions principales et secondaires. À partir des résultats de cette enquête lourde, une typologie nationale des centres urbains et ruraux serait dressée et adoptée par la représentation nationale suivant les critères indiqués : villages, communautés de villages, villages-centres, centres ruraux, centres urbains tertiaires, secondaires, et primaires, villes par exemple. Cette typologie déterminerait le niveau des énergies humaines, matérielles et financières à mobiliser par les pouvoirs publics, afin de promouvoir les activités identifiées dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire des centres urbains. Par exemple, si les enquêtes révèlent que la population active d’un centre comme Boko exerce majoritairement des activités agricoles (cultures maraîchères, pomme golden, licthi …), cette agglomération serait alors classée comme un centre rural, du fait de la prépondérance du secteur primaire. Mais cette nouvelle classification ne supprimerait en rien les attributs actuels de son statut de chef-lieu de district ; par contre, elle lui conférerait un bonus pour accéder, de façon - 457 -

prioritaire aux dotations financières apportées par le Conseil départemental du Pool et l’Etat en faveur du développement des activités agricoles. Ainsi, la production des denrées alimentaires concernées connaîtrait un essor certain qui favoriserait la construction des structures modernes de traitement, de conditionnement, d’emballage commercial de ces produits destinés à la commercialisation sur le marché national et à l’exportation. La multiplication de ce genre de petites unités industrielles créées à partir de la promotion des ressources locales, apporterait à coup sûr une valeur ajoutée aux économies des centres ruraux et urbains. La conséquence de ce développement local serait bénéfique sur plusieurs plans : amélioration de l’habitat rural, développement des services connexes.... ; cette stratégie vient ainsi renforcer la logique du projet « nouveaux villages » préconisé dans Le chemin d’avenir du Président Denis Sassou Nguesso à partir des années 2010. Le rôle de l’aménagement régional consisterait à programmer la réalisation des infrastructures de desserte en appui à cette politique de valorisation du patrimoine local et de modernisation des espaces sociaux collectifs. Pour ce faire, le schéma d’aménagement du territoire devrait être complété par des schémas départementaux d’aménagement et des schémas d’urbanisme des centres ruraux, urbains tertiaires, secondaires, et primaires, afin de planifier la croissance urbaine au Congo. Le but de ce vaste programme national de modernisation serait à court, moyen et long terme de mettre en place un système urbain national dont la finalité serait d’amorcer de façon progressive un mouvement d’exode urbain (retour des urbains et de la diaspora dans les centres ruraux et à la campagne). Cette nouvelle approche de fonctionnement des centres ruraux et urbains devrait s’appuyer sur une politique de décentralisation forte, de niveaux élevés de dotations - 458 -

publiques au profit des entités rurales et urbaines, d’un renforcement des capacités des administrations préfectorales, des conseils locaux et départementaux. Il n’est pas évident que les capitales départementales comme Éwo, Impfondo, Djambala, Sibiti…justifient leur existence par la seule importance de leurs fonctions principales. Dans ces conditions, leurs fonctions principales identifiées seraient renforcées par un dispositif mis en place pour favoriser la promotion des autres activités économiques et sociales. 3. De la décentralisation et municipalisation des capitales départementales Les rapports officiels indiquent que d’importants financements ont été mobilisés au profit du développement des capitales départementales assuré de façon rotative à l’échelle nationale dans le cadre de la municipalisation accélérée. Cette politique nationale de création et de valorisation des patrimoines historiques, socioculturels et économiques des capitales départementales, n’aurait pas atteint tous les objectifs escomptés. L’une des explications de cette contre-performance résiderait dans le fait que la relation directe et rapide entre les sous-systèmes urbains (capitales départementales) et le cœur du système urbain national (Brazzaville) ne serait pas effective sur toute l’étendue du territoire national. En termes d’application de la décision nationale, de rapidité de transport et de fluidité de la circulation des hommes, des biens visibles et invisibles (informations sécuritaires, financières…), l’aménagement du territoire et l’art militaire recourent aux mêmes techniques pour dresser des cartes nationales du Temps d’Information de la Décision (TID) et du Temps Réel d’Intervention (TRI). Si de nos jours, le problème du TID est résolu par la téléphonie fixe et mobile, celui du TRI demeure une préoccupation majeure pour - 459 -

l’aménagement du territoire et le fonctionnement du système urbain national. En effet, la chaîne et le maillage des infrastructures de base, les différents modes et nœuds de transport, la fluidité de circulation sur l’étendue du territoire national constituent des composantes déterminantes d’aménagement et de modernisation du territoire. Plus ce maillage est dense, plus le territoire respire et exploite au mieux ses capacités de production des richesses, mobilise facilement les ressources humaines, matérielles et financières qui alimentent les soussystèmes urbains mis en relation entre eux et avec le centre de commandement dans le cadre d’une effective politique de décentralisation. Le renforcement de la politique de décentration devient alors un moyen indispensable de la vitalité du territoire national et du système urbain national intégré au processus général de développement. Les appuis au développement local provenant du cœur du système urbain national transiteraient nécessairement par les capitales départementales qui assureraient le relais du pouvoir central dans l’application du principe légal de transfert des charges et des compétences aux collectivités locales décentralisées. La force de la politique de décentralisation administrative et économique se mesure donc par la volonté nationale de transférer aux collectivités locales, l’entièreté des charges et compétences, mais également des moyens correspondants en ressources humaines et financières (fonction publique territoriale, centimes additionnels et dotations publiques). Les réformes structurelles seraient donc nécessaires dans plusieurs domaines : fiscalité, fonction publique territoriale, systématisation des plans locaux de développement, renforcement des contrôles administratifs…afin de concrétiser sur le terrain, le rapprochement du service public du citoyen.

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Dans le même temps, le renforcement des capacités humaines des collectivités locales décentralisées serait une mesure d’accompagnement indispensable, tant et si bien que la gestion des entités territoriales, la mise en œuvre des plans locaux de développement, l’application des schémas d’aménagement et d’urbanisme des communautés urbaines, la promotion des initiatives économiques locales… requièrent des personnels qualifiés en service à demeure dans les départements. Cette main d’œuvre qualifiée est disponible dans la diaspora congolaise et sur le marché national du travail. La création de nouveaux bassins d’emplois résulterait de la synergie de développement ainsi créée. Le succès de cette politique de décentralisation et de l’insertion du système urbain national dans la chaine de production nationale serait mesuré à partir des indicateurs objectivement vérifiables (iov). RECOMMA0DATIO0S E0 GUISE DE CO0CLUSIO0 1. De la nécessité d’un code d’urbanisme pour la ville d’aujourd’hui et de demain Le schéma d’aménagement du territoire national en vigueur devrait systématiquement être complété sur les territoires des départements et centres urbains, afin de donner une personnalité à chaque centre urbain et ville de notre pays. La construction des patrimoines et parcs immobiliers, des équipements collectifs, l’aménagement des espaces verts et jardins publics de chaque entité urbaine est l’œuvre des architectes, urbanistes et paysagistes. Ces professionnels de la conception des espaces de vie, d’activités et de détente dans les périmètres urbains ont besoin de reposer sur un cadre normatif et juridique complet pour exercer leur profession au profit de la ville. Dans notre pays, les plans d’urbanisme sont assortis de simples prescriptions techniques qui donnent des orientations - 461 -

et caractéristiques de l’habitat suivant la vocation des quartiers. Ces contraintes techniques sont vaille que vaille appliquées et la police administrative du ministère de l’urbanisme et de l’habitat ne dispose pas de moyens adéquats de contrôle et de couverture juridique suffisante pour faire respecter les dispositions réglementaires. Il est donc recommandé de donner à ces prescriptions qui accompagnent les documents d’urbanisme opérationnel la force d’un code d’urbanisme élaboré en bonne et due forme qui serait adopté par la représentation nationale. Mais l’élaboration de ce document technique nécessite la mise en place d’un grand projet d’importance nationale. 2. De l’adressage fiscal comme moyen de financement de la gestion urbaine Les métropoles nationales (Brazzaville et Pointe-Noire) et tous les centres urbains du Congo sont les rares agglomérations urbaines gratuites du monde. Des sommes colossales nécessaires à la gestion courante de la ville (parking, enlèvement d’ordures ménagères, évacuation des eaux usées et excréta, assainissement et hygiène des habitations…) ne sont pas recouvrées par l’autorité municipale faute de dispositions légales suffisantes et de support technique d’imposition des taxes conventionnelles (taxes professionnelle, d’habitation, sur le foncier bâti et non bâti). Un projet « établissement de cadastre national » est actuellement initié par le Gouvernement. La première phase de ce projet vient de réaliser une cartographie géo référencée et d’établir les plans de sections. La deuxième phase mettra en place un organe géomatique et un système d’information géographique à partir de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Nkayi, Ouesso et Ollombo-Oyo. Les deux premières villes du pays disposent déjà des plans de sections, ainsi que Nkayi, Ouesso et Ollombo-Oyo. - 462 -

Il est projeté la réalisation d’une enquête adressage, afin de disposer de toutes les informations cadastrales sur l’étendue des territoires urbains pour recueillir des données d’adresses. Cette opération d’identification devrait se poursuivre jusqu’à l’adressage fiscal, en vue de l’amélioration de l’assiette d’imposition urbaine et de la mise en place d’un système de collecte de ces impôts urbains.

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CO0CLUSIO0 GE0ERALE Le sens ultime par Théophile OBE0GA Le sens ultime, quel est-il ? Comment le comprendre ? Pourquoi faut-il qu’il y ait nécessairement un sens ultime ? Répondre à ces demandes qui concernent toutes les parties de cet ouvrage, c’est s’ouvrir à ce qu’est le Congo en le rencontrant dans sa substance géographique, préhistorique, linguistique, sociale, culturelle, économique, politique : sa substance humaine dans sa plénitude. En effet, le Congo est une entité physique et historique, tantôt autonome, tantôt dominée, tantôt investie par ses propres crises, mais toujours active et renaissante. Le Congo ne perd jamais l’espoir et l’honneur. C’est ce qui caractérise la fierté et l’intelligence de ses habitants, de tout temps. La décision du Président de la République de rédiger l’Histoire Générale du Congo, des origines à nos jours reçoit sa justification fondamentale dans la beauté de vie des Congolais et des Congolaises. Un pays dont les habitants ignorent leur propre histoire n’est constitué que d’un ramassis de tribus éparses, sans lien historique conscientisé, sans ciment social et sans communauté de destin. En revanche, un pays dont les habitants s’expliquent à euxmêmes leur propre histoire, au fil des générations, est un pays où les habitants vivent aux rythmes des grandes ambitions de l’humanité entière. Au Congo, la paix revenue, la sécurité assurée, les droits garantis, il était urgent de façonner l’âme congolaise tout en bâtissant les infrastructures en vue de la modernisation du pays. Il est difficile de réussir la modernisation du pays sans - 465 -

conscience historique du peuple congolais, sans accroissement de son niveau psychique, mental, culturel, intellectuel, scientifique et technologique. Si le Congo participe bien à l’intégration régionale, il doit au préalable s’intégrer lui-même à l’échelle nationale, c’est-àdire effacer définitivement les logiques étriquées de la conscience tribale et les remplacer progressivement par les impératifs transcendants de la conscience nationale. Telle est la didactique de cet ouvrage, son sens ultime, tout en espérant que les prochains cinquantenaires et les siècles à venir s’accompliront avec des signes et des symboles du véritable humanisme africain. Ainsi, ce livre, comme il est, pour ce qu’il est, établit un pont spirituel entre les Congolais d’aujourd’hui et de demain.

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0OTICE BIOGRAPHIQUE DES AUTEURS par Abraham Constant 0DI0GA MBO223 -

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Aïssi Antoine Marie, Docteur de 3e cycle de Toulouse-Le Mirail. Maître- Assistant à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Spécialité : histoire politique et sociale. Aka Evy Jean-Luc, Docteur d’Etat ès Lettres et Sciences humaines de la Sorbonne. Maître de Conférences à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Spécialités : Philosophie et Histoire de l’art. Andzoka Sévérin, Chercheur en droit à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal) Anizock Jean-Bosco, Docteur de 3e cycle de Montpellier III. Maître Assistant d’histoire à l’Ecole Normale Supérieure (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Berton-Ofouémé Yolande, Docteur de géographie tropicale de l’Université Michel Montaigne de Bordeaux. Maître de Conférences de géographie humaine à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Bokiba Andé-Patient, HDR de Littérature générale et comparée. Professeur des universités. Enseignant à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Bongou Camille, Homme politique. Ancien Secrétaire permanent du Parti Congolais du Travail (PCT).

La mise en page des 4 volumes de l’Histoire générale du Congo a été assurée par le Professeur Abraham Constant Ndinga Mbo et Monsieur Da-Mboa Obenga, ingénieur informaticien (France). - 467 -

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Bowao Charles Zacharie, Docteur d’Etat ès Lettres et Sciences humaines (Philosophie) de l’Université Cheikh Anta Diop (Dakar). Professeur des universités. Enseigne la logique, l’histoire des sciences et l’éthique à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Dambendzet Jeanne, Ancienne Ministre en charge de la Promotion de la femme au Congo. Diamouangana Jean, Docteur ès Sciences de Bordeaux III. Maître de recherche. Ancien Directeur Général de la Recherche Scientifique et Technologique (Congo). Dianzinga Scholastique, Docteur d’histoire de l’Université de Pau et des pays de l’Adour. Maître Assistante à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Spécialités : histoire du genre et histoire urbaine. Diata Hervé, Agrégé de Sciences économiques. Maître de Conférences à la Faculté des Sciences Economiques (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Spécialité : Economie du développement. Filla Mfumu Saint Eudes, Docteur en Sciences de la Communication et de l’Information de l’Université de Bordeaux III. Musicographe. Gambeg Yvon-0orbert, Docteur d’Etat ès Lettres et Sciences humaines de l’Université Marien Ngouabi. Maître-Assistant à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Spécialité : Histoire des Aka (« Pygmées ».) Gambou Auguste-René, Docteur de 3e cycle d’histoire de l’Université de Bordeaux III. Maître-Assistant à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville).

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Gayama Pascal, Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris, Ancien Secrétaire Général Adjoint de l’OUA, Ancien Président du Conseil de Sécurité de l’ONU. Goma-Thethet Joachim, Docteur de 3e cycle d’histoire de Toulouse-Le Mirail. Maître-Assistant à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Ibiou Gilbert, Docteur de Paris XII en Lettres modernes et Didactique du Français. Maître-Assistant à l’Ecole Normale Supérieure (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Ipari Marcel, Docteur de 3e cycle d’histoire du Centre d’Etudes Africaines de Paris I Sorbonne. Assistant à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Itoua François, ancien Directeur Général de la Radiodiffusion et Télévision Congolaise et ancien Secrétaire Général de l’Union des radiodiffusions et télévisions nationales d’Afrique. Licencié ès lettres modernes. Maître ès Lettres modernes de l’Université Marien Ngouabi. Kinata Côme, Docteur ès Lettres et Sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Sénégal). Maître de Conférences d’histoire à l’Ecole Normale Supérieure (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Spécialité : histoire des religions. Lefouoba Grégoire, Ph. D. de Philosophie de l’Université d’Etat Lomonossov de Moscou. DESS en Sciences politiques du Centre d’Etudes stratégiques de l’Ecole des Hautes études internationales de Paris. MaîtreAssistant de philosophie à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville).

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Makosso-Makosso Sylvain, Docteur de 3e cycle d’histoire de Poitiers. Maître de Conférences à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Spécialité : histoire des religions. Mberi Martin, ancien 1er Vice-président de la JMNR (Jeunesse du Mouvement National de la Révolution) ; ancien Secrétaire général du PCT (Parti Congolais du Travail). Avocat. Mboussa Albert, Assistant d’Education Physique et Sportive à l’Institut Supérieur des Sciences Physiques et Sportives (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Ancien joueur international de basket-ball ; ancien entraineur de l’Equipe nationale de basket-ball du Congo-Brazzaville. Melphon Kamba Jean-Marie, Docteur en Droit international de l’Université Paris XI. Ambassadeur. Mengho Maurice Bonaventure, Docteur ès Lettres et Sciences humaines de Bordeaux III. Professeur des universités. Enseignant à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Spécialité : géographie humaine et économique. Moudoudou Placide, Agrégé de droit public. Maître de Conférences à la Faculté de Droit (Université Marien Ngouabi de Brazzaville) Mouyabi Jean, Docteur de 3e cycle de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales de Paris. Maître-Assistant d’histoire à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Moyen 0gnia 0gama, Chercheur en droit international. Etudiante à l’Université de Toulouse-Le Mirail. 0dalla Claude Ernest, Homme politique. Numéro 2 du PCT à sa fondation (31 décembre 1969). - 470 -

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0dinga Mbo Abraham Constant, Docteur ès Lettres et Sciences humaines de l’Université Jean Moulin, Lyon III. Professeur des universités. Enseignant à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Spécialité : histoire et civilisations africaines. 0dion Pierre, Docteur de Paris I Sorbonne. Spécialité : aménagement. 0goie-0galla Dominique, Docteur ès Lettres et Sciences humaines de Paris I Sorbonne. Professeur des universités. Enseignant à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Spécialité : histoire et civilisations africaines. 0gombé Jean-Pierre, ancien Commissaire général des pionniers ; ancien 1er Secrétaire du Comité Central de l’UJSC (Union de la Jeunesse Socialiste congolaise) 0iossobantou Dominique, Docteur de la Sorbonne Nouvelle, Paris III. Maître-Assistant à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Spécialité : théatrologie. 0tary-Calaffard Asta Rose, Docteur d’histoire ancienne, option anthropologie, de l’Université de Besançon (Franche-Comté). Assistante d’histoire à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Obenga Théophile, Docteur ès Lettres et Sciences humaines de l’Université Paul Valéry, Montpellier III. Professeur des universités. Professeur émérite à l’Université d’Etat de San Francisco (Californie/USA). Philosophe. Historien. Linguiste. Egyptologue. Membre de la Société française d’Egyptologie (Collège de France, Paris).

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Okassa-Léboa Frédéric, Docteur de Paris I Sorbonne. Spécialités : préhistoire, anthropologie et ethnologie. Chercheur au Laboratoire de paléoanthropologie et préhistoire du Collège de France (Paris). Ollandet Jérôme, Docteur de 3e cycle de l’Université Paul Valéry, Montpellier III. Maître-Assistant d’histoire à l’Ecole Normale Supérieure (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Ambassadeur. Ongagna Philippe, Docteur en droit privé. Assistant à la Faculté de Droit (Université Marien Ngouabi de Brazzaville) Sam’Ovhey-Panquima Guy-0oël, Docteur en sciences de l’information et de la communication de Paris II. Maître-Assistant à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines (Université Marien Ngouabi de Brazzaville). Journaliste.

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TABLE DES MATIERES

PRÉFACE Denis Sassou-guesso ....................................................... 5 PARTIE IX – LA CONSTRUCTION ECONOMIQUE DU CONGO ............................................... 7 Chapitre 1er La gestion économique du Congo, de 1960 à 2010 Hervé Diata ........................................................................ 9 Chapitre 2 Une décennie de grands travaux Placide Moudoudou ........................................................... 39 BIBLIOGRAPHIE .............................................................. 69 PARTIE X – ARTS, SPORT ET CULTURE..................... 73 Chapitre 3 Les arts au creuset de la pensée congolaise contemporaine Jean-Luc Aka-Evy .............................................................. 75 Chapitre 4 Le sport congolais, de 1960 à 2010 Albert Mboussa ................................................................ 117

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Chapitre 5 La musique congolaise, de 1960 à nos jours Saint-Eudes Mfumu Fylla................................................. 135 Chapitre 6 Le théâtre congolais, de la colonisation à nos jours Dominique iossobantou ................................................. 169 Chapitre 7 La quête de l'universalité et la pensée congolaise Charles Zacharie Bowao ................................................. 207 Chapitre 8 La pensée congolaise contemporaine Grégoire Lefouoba ........................................................... 221 Chapitre 9 Langues congolaises et développement ou qu'il est dur de rentrer chez soi André-Patient Bokiba ....................................................... 237 BIBLIOGRAPHIE ............................................................ 270 PARTIE XI – LES MEDIAS ............................................ 275 Chapitre 10 Histoire de la presse écrite congolaise Guy-oël Sam'Ovhey Panquima...................................... 277 Chapitre 11 L'audiovisuel François Itoua .................................................................. 321

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PARTIE XII – GRANDES FIGURES DE L'HISTOIRE DU CONGO Joachim Goma-Thethet .................................................... 341 BIBLIOGRAPHIE ............................................................ 381 PARTIE XIII – LES VILLES CONGOLAISES DANS L'HISTOIRE ......................................... 383 Chapitre 12 Mbanza-Kongo, capitale du royaume de Kongo Théophile Obenga ............................................................ 385 Chapitre 13 Bwali, capitale du royaume de Loango Théophile Obenga ............................................................ 415 Chapitre 14 Villes et cités congolaises modernes : historique, aménagement et avenir Pierre dion ..................................................................... 429 CONCLUSION GENERALE Le sens ultime Théophile Obenga ............................................................ 465 NOTICE BIOGRAPHIQUE DES AUTEURS Abraham Constant dinga Mbo ...................................... 467

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L'HARMATTAN, ITALIA Via Degli Artisti 15; 10124 Torino L'HARMATTAN HONGRIE Könyvesbolt ; Kossuth L. u. 14-16 1053 Budapest L'HARMATTAN BURKINA FASO Rue 15.167 Route du Pô Patte d’oie 12 BP 226 Ouagadougou 12 (00226) 76 59 79 86 ESPACE L'HARMATTAN KINSHASA Faculté des Sciences sociales, politiques et administratives BP243, KIN XI ; Université de Kinshasa

L’HARMATTAN CONGO 67, av. E. P. Lumumba Bât. – Congo Pharmacie (Bib. Nat.) BP2874 Brazzaville [email protected]

L’HARMATTAN GUINÉE Almamya Rue KA 028, en face du restaurant Le Cèdre OKB agency BP 3470 Conakry (00224) 60 20 85 08 [email protected] L’HARMATTAN CÔTE D’IVOIRE M. Etien N’dah Ahmon Résidence Karl / cité des arts Abidjan-Cocody 03 BP 1588 Abidjan 03 (00225) 05 77 87 31 L’HARMATTAN MAURITANIE Espace El Kettab du livre francophone N° 472 avenue du Palais des Congrès BP 316 Nouakchott (00222) 63 25 980 L’HARMATTAN CAMEROUN BP 11486 Face à la SNI, immeuble Don Bosco Yaoundé (00237) 99 76 61 66 [email protected] L’HARMATTAN SENEGAL « Villa Rose », rue de Diourbel X G, Point E BP 45034 Dakar FANN (00221) 33 825 98 58 / 77 242 25 08 [email protected]

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