La biologie, des origines à nos jours: Une histoire des idées et des hommes 9782759801213

Les théories de l'évolution, les origines de la biologie cellulaire, celles de la biologie moléculaire et les racin

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French Pages 480 [482] Year 2001

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Table of contents :
AVANT-PROPOS
CHAPITRE I LES ARTISANS DES THÉORIES DE L'ÉVOLUTION
CHAPITRE II LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE CELLULAIRE
CHAPITRE III LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE MOLÉCULAIRE
CHAPITRE IV LES RACINES DU MÉTABOLISME CELLULAIRE
CHAPITRE V EPILOGUE
BIBLIOGRAPHIE
INDEX DES AUTEURS
GLOSSAIRE
TABLE DES MATIÈRES
ERRATA
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La biologie, des origines à nos jours: Une histoire des idées et des hommes
 9782759801213

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS UNE HISTOIRE DBS IDEES ET DBS HOMMES

Grenoble Sciences Grenoble Sciences poursuit un triple objectif : • realiser des ouvrages correspondant a un projet clairement defini, sans contrainte de mode ou de programme, • garantir les qualites scientifique et pedagogique des ouvrages retenus, • proposer des ouvrages a un prix accessible au public le plus large possible. Chaque projet est selectionne au niveau de Grenoble Sciences avec le concours de referees anonymes. Puis les auteurs travaillent pendant une annee (en moyenne) avec les membres d'un comite de lecture interactif, dont les noms apparaissent au debut de 1'ouvrage. Celui-ci est ensuite publie chez 1'editeur le plus adapte. (Contact: Tel. : (33)4 76 51 46 95, e-mail: [email protected]) Deux collections existent chez EDP Sciences : • la Collection Grenoble Sciences, connue pour son originalite de projets et sa qualite • Grenoble Sciences - Rencontres Scientifiques, collection presentant des themes de recherche d'actualite, traites par des scientifiques de premie.r plan issus de disciplines differentes. Directeur scientifique de Grenoble Sciences Jean BORNAREL, Professeur a 1'Universite Joseph Fourier, Grenoble I

Comite de lecture pour "La biologie, des origines a nos jours" Eva PEBAY-PEYROULA, Professeur a 1'Universite Joseph Fourier, Grenoble I Franchise FRIDLANSKY, Charge de Recherche CNRS, Gif-sur-Yvette Jean-Claude MOUNOLOU, Professeur a 1'Universite de Paris-Sud, Orsay Jean-Bernard ROBERT, Professeur a 1'Universite Joseph Fourier, Grenoble I Jean GAYON, Professeur a 1'Universite Denis Diderot, Paris VII Jean VICAT, Professeur a 1'Universite Joseph Fourier, Grenoble I Alain BOURRET, Ingenieur au CEA, Grenoble Jean BORNAREL, Professeur a 1'Universite Joseph Fourier, Grenoble I

Grenoble Sciences rec,oit le soutien du Ministere de 1'Education nationale, du Ministere de la Recherche, de la Region Rhone-Alpes, du Conseil general de 1'Isere et de la Ville de Grenoble.

Realisation et mise en pages : Centre technique Grenoble Sciences Illustration de couverture : Alice Giraud (d'apres R. Perrier, 1936 - E. Haeckel, 1877 - A.L. Lehninger, D.L. Nelson & M.M. Cox, 1993) ISBN 2-86883-519-8 © EDP Sciences, 2001

LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS UNE HISTOIRE DES IDEES ET DES HOMMES

Pierre VIGNAIS

SCIENCES 7, avenue du Hoggar Pare d'Activite de Courtaboeuf, BP 112 91944 Les Ulis Cedex A, France

Ouvrages Grenoble Sciences edites par EDP Sciences Collection Grenoble Sciences Chimie. Le minimum vital a savoir (/. Le Coarer) - Electrochimie des solides (C. Deportes et al.) - Thermodynamique chimique (M. Oturan & M. Robert) Chimie organometallique (D. Astruc) Introduction a la mecanique statistique (E. Belorizky & W. Gorecki) - Mecanique statistique. Exercices et problemes corriges (E. Belorizky & W. Gorecki) - La symetrie en mathematiques, physique et chimie (/. Sivardiere) - La cavitation. Mecanismes physiques et aspects industriels (J.P. Franc et al.) - La turbulence (M. Lesieur) - Magnetisme : I Fondements, II Materiaux et applications (sows la direction d'E. du Tremolet de Lacheisserie) - Du Soleil a la Terre. Aeronomie et meteorologie de 1'espace (/. Lilensten & P.L. Blelly) - Probabilites et incertitudes dans 1'analyse des donnees experimentales (K. Protassov) Exercices corriges d'analyse, Tomes 1 et 2 (D. Alibert) - Introduction aux varietes differentielles (/. Lafontaine) - Analyse numerique et equations differentielles (J.P. Demailly) - Mathematiques pour les sciences de la vie, de la nature et de la sante (F. & J.P. Bertrandias) - Approximation hilbertienne. Splines, ondelettes, fractales (M. Atteia & }. Caches) - Mathematiques pour 1'etudiant scientifique, Tomes 1 et 2 (Ph.]. Haug) Bacteries et environnement. Adaptations physiologiques (/. Pelmont) - Enzymes. Catalyseurs du monde vivant (/. Pelmont) - La plongee sous-marine a Fair. L'adaptation de 1'organisme et ses limites (Ph. Foster) - L'ergomotricite. Le corps, le travail et la sante (M. Gendrier) - Endocrinologie • et communications cellulaires (S. Idelman & J. Verdetti) L'Asie, source de sciences et de techniques (M. Soutif) Minimum Competence in Scientific English (J. Upjohn, S. Blattes & V. Jans) Listening Comprehension for Scientific English (/. Upjohn) - Speaking Skills in Scientific English (/. Upjohn, M.H. Fries & D. Amadis)

Grenoble Sciences - Rencontres Scientifiques Radiopharmaceutiques. Chimie des radiotraceurs et applications biologiques (sous la direction de M. Comet & M. Vidal) - Turbulence et determinisme (sous la direction de M. Lesieur) - Methodes et techniques de la chimie organique (sous la direction de D. Astruc)

AVANT-PROPOS "Modern Science rests on the older discoveries. Every scientist is intensively aware of this, and knows also that it would be instructive for himself and for students to refer back to the original work as an aid to understanding present-day ideas and terminology." T.R. BOYDE - Foundation stones of Biochemistry - 1980

En 1802, le terme biologie est cree independamment par deux naturalistes, le francais Jean-Baptiste LAMARCK et I'allemand Gottfried TREVIRANUS, pour designer une science qui etudie les differentes formes de vie ainsi que les conditions et les lois qui regissent le phenomene du vivant. Tout en conservant un lien avec la systematique, cette definition autonomisait la biologie en tant que discipline visant a etudier 1'organisation et le fonctionnement des organismes vivants. Pendant le siecle precedent, des systematiciens avaient accompli un effort considerable pour mettre de 1'ordre dans 1'extraordinaire diversite du monde animal et vegetal, regrouper les especes qui s'y trouvent en categories et etablir une classification. Des le XVII e siecle, 1'utilisation du microscope avait montre, d'abord sur des cellules isolees, en particulier des protozoaires, puis sur des fragments de tissus, qu'il etait possible grace a cet instrument d'aller plus avant dans la connaissance du vivant que par le simple examen de la morphologic de 1'animal ou du vegetal. Le XVIII 6 siecle est le temoin de progres en physique avec des decouvertes significatives en electrostatique et en magnetisme ainsi qu'en chimie avec, en particulier, une percee spectaculaire dans la connaissance des gaz et la demonstration que 1'air respire par les animaux sert, grace a 1'oxygene qu'il contient, a bruler des nutriments. La fonction de reproduction et la mise en place des feuillets embryonnaires a partir de 1'ceuf feconde sont egalement activement etudiees. Dans le fatras de la pathologie s'elabore une classification des maladies, appelee nosologie. Quelques timides propos sur le transformisme apparaissent dans la litterature, qui sont les premisses de la theorie de revolution developpee au XIX e siecle. L'engouement du public eclaire pour la science au XVIII6 siecle se traduit par un accroissement notable du nombre de cabinets scientifiques a Paris et en province, ou Ton expose des collections d'animaux, des fossiles, des herbiers, ainsi que par une proliferation d'enseignements de la chimie, de la physique et des sciences naturelles accompagnes de demonstrations. Au debut du XIX 6 siecle, 1'idee de rassembler des methodes et des concepts se rattachant a la structure et au fonctionnement du vivant dans une discipline a part entiere, la biologie, arrivait done a point nomme. C'est sous cette banniere

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que finirent par s'imposer a partir de 1850, en quelques decennies, la theorie de revolution ainsi que la theorie cellulaire et les lois de I'heredite. La biologic cellulaire s'individualisa au XX e siecle comme une expansion de la cytologie structurale, apportant a cette derniere la necessaire information fonctionnelle. Dans la premiere moitie du XX e siecle, les progres de la chimie et de I'enzymologie accompagnes de la maitrise des preparations tissulaires et cellulaires permirent le decryptage du metabolisme intermediate, c'est-a-dire du reseau des reactions de degradation et de synthese qui caracterisent 1'etat vivant. L'interet des geneticiens et des cytologistes pour 1'analyse microscopique du nombre, de la forme et de 1'appariement des chromosomes fut a 1'origine de la cytogenetique. Dans le milieu du XX e siecle, la conjonction de la biochimie et de la genetique conduisit a 1'emergence d'une nouvelle discipline, la biologie moleculaire, dont 1'ambition est de comprendre le fonctionnement des cellules au travers du fonctionnement des genes et de leurs produits. La microbiologie, de concert avec Yimmunologie, prit ses racines a la fin du XIX e siecle alors que se developpait 1'analyse microscopique des cellules eucaryotes. Les interactions entre cellules eucaryotes et microorganismes, en termes aussi bien de mecanismes qu'en termes d'applications a 1'infectiologie, sont devenues des sujets d'actualite. Le present ouvrage est issu d'un cours donne a des etudiants en physique et en chimie en fin de cursus universitaire. Plutot que de leur enseigner, en un laps de temps necessairement restreint, les connaissances actuelles en biologie, quelquefois difficiles a assimiler sans les bases indispensables, il m'a semble plus interessant de retracer 1'origine de quelques disciplines fondamentales qui constituent le cceur de la biologie contemporaine, a savoir les theories de 1'evolution, la biologie cellulaire, la biologie moleculaire et le metabolisme cellulaire, en insistant sur les liens qui les unissent. En remontant a une epoque ou les notions de base etaient rudimentaires et les moyens techniques limites, j'ai pense que cette demarche permettait de mieux apprehender la complexite des processus inherents a la vie et surtout qu'elle donnait 1'occasion de rendre justice au genie audacieux des pionniers de la biologie a travers leurs interrogations et leur vision intuitive des mecanism.es vitaux, souvent en depit d'obstacles et d'errements, quelquefois a la faveur du hasard et de la chance. L'accueil des decouvertes de la biologie, par 1'impact de leur application sur la vie des hommes, sur leurs habitudes et leurs modes de pensee, a souvent ete influence par le contexte politique et confessionnel du moment. II ne faut pas s'etonner des debars passionnes et passionnels que ces decouvertes ont pu susciter. Par ailleurs, il arrive que, dans des combats d'idees ou de doctrines scientifiques ou s'opposent des chercheurs armes d'arguments puissants et persuasifs, celui qui detient la verite abandonne la partie ; la tradition herite alors de concepts errones et les perpetue a longue distance dans le temps. L'histoire de la biologie n'est pas une "histoire lisse". Son parcours est cahotique comme le lecteur pourra en juger. M'adressant a un public scientifique non specialise en biologie, je me suis efforce de concilier historique et pedagogie, en limitant mon propos a des faits marquants de 1'histoire de la biologie et en essayant de montrer

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comment s'est construit notre savoir actuel. Conscient de la difficulte de cette tache et d'inevitables raccourcis dans la presentation des faits, j'ai selectionne une gamme suffisamment large de references relevant de sources primaries et secondaires que le lecteur interesse pourra utilement consulter. Get ouvrage n'aurait pas vu le jour si un soutien sans faille ne m'avait ete apporte par Paulette VIGNAIS et Isabelle GEAHEL qui ont eu le courage de se confronter avec le manuscrit dans sa version originale et, apres maintes reecritures, en ont assure rimpression. D'elles sont venues nombre de remarques et critiques avisees. Ma reconnaissance va egalement a Jeannine BOURNET-CAUCI. Elle a eu, en son temps, le merite de dechiffrer mon ecriture hieroglyphique et de fournir, a 1'usage de jeunes physiciens et chimistes, un texte resume qui allait etre a 1'origine du present ouvrage. Jean BORNAREL et Jean VICAT surent me persuader d'entreprendre la redaction de 1'histoire et des "histoires" de la biologie que je venais d'enseigner. Je remercie Sylvie BORDAGE et son equipe qui ont assure avec soin et patience 1'illustration du texte et sa mise en forme ainsi qu'Alice GIRAUD pour la realisation inspiree de la couverture et Nicole SAUVAL pour son travail de preparation editoriale. Mes collegues universitaires, Jean BORNAREL, Alain BOURRET, Francoise FREDLANSKY, Jean GAYON, JeanClaude MOUNOLOU, Eva PEBAY-PEYROULA, Jean-Bernard ROBERT, et Jean VICAT ont pris sur leur temps pour faire une lecture attentive du manuscrit. Us en ont note les failles inevitables et m'ont prodigue de precieux conseils. Les avis de Marie-Luce VIGNAIS et de Flavio DELLA SETA m'ont ete egalement utiles. Je n'oublie pas les etudiants qui dans cette aventure furent les premiers a se mesurer a un enseignement non conventionnel et a en evaluer les avantages et les defauts. Leurs reactions et leurs commentaires dans un esprit de totale liberte et de grande "fraicheur" intellectuelle me furent une source de reflexions salutaires et enrichissantes. A tous un grand et sincere merci.

Cette page est laissée intentionnellement en blanc.

CHAPITRE I LES ARTISANS DES THEORIES DE DEVOLUTION

1. SURVOL DU PHENOMENE DE DEVOLUTION "All living things have much in common, in their chemical composition, their germinal vesicles, their cellular structures, and their laws of growth and reproduction." Charles DARWIN - The Origin of Species by Means of Natural Selection or the Preservation of Favored Races in the Struggle for Life - 1859

Le monde vivant est caracterise par 1'enorme diversite morphologique des especes animales et vegetales et par la formidable complexite des mecanismes moleculaires qui president a leur fonctionnement. II existe plusieurs millions d'especes vivantes sur notre planete, au moins dix millions d'especes animales et deux millions d'especes vegetales auxquelles s'ajoutent des dizaines de milliers d'especes de protozoaires et de bacteries. Parmi les 1,4 millions d'especes animales deja identifiees, plus d'un million appartiennent au groupe des Arthropodes, c'est-a-dire d'animaux a pattes articulees qui comprennent les insectes, les crustaces et les arachnides alors que seulement un peu plus de 4 000 especes de mammiferes ont ete denombrees. Quant aux especes vegetales, 270 000 ont ete repertoriees. 1.1. LES IDEES SUR DEVOLUTION DEPUIS

L'ANTIQUITE

Le terme evolution designe la fagon dont les differentes formes de vie, animale et vegetale, sont apparues sur notre globe. Ainsi Ton sous-entend qu'il s'est produit au cours des temps, depuis 1'apparition des premieres formes de vie il y a pres de 4 milliards d'annees, des changements dans les structures animales et vegetales qui ont abouti a la formation d'especes nouvelles. Accepter cette definition est un prealable a la construction de toute theorie explicative de 1'evolution. Les reflexions sur 1'evolution ne sont pas seulement d'ordre scientifique ; elles ont souleve des debats d'ordre philosophique, religieux, economique, voire politique. Les philosophes de 1'ere chretienne jusqu'au XVIII6 siecle pensaient que chaque espece vivante avait ete creee grace a la volonte predeterminee d'une force divine. C'est la theorie du fixisme. En d'autres termes, le fixisme nie revolution.

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On assimile souvent fixisme et creationnisme. En fait, le creationnisme n'exige pas le fixisme, car on peut concevoir qu'une entite supranaturelle ait impose des contraintes physico-chimiques au monde atomique et moleculaire issu du bigbang, tout en laissant une grande marge de liberte au hasard, ce que Christian DE DUVE (n. 1917), Prix Nobel de physiologic et de medecine a designe par le terme "hasard contraint". Dans 1'ere pre-chretienne, des philosophes grecs ont reflechi sur la fac.on dont le monde vivant avait fait son apparition sur terre et s'etait diversified Leur philosophie etait essentiellement transformiste. C'est ainsi qu'ANAXIMANDRE (611 - 517 avant J.C.) ecrivait que les premiers animaux proviennent de la vase marine et qu'ils sont les precurseurs des animaux terrestres. DEMOCRITE (460 - 370 avant J.C.), reprenant les theses de son maitre LEUCIPPE (460 - 370 avant J.C.), postulait que la matiere est constitute de particules tres petites, nonsecables, les atomes, qui s'assemblent et engendrent des formes qui sont modelees sous certaines contraintes. EPICURE (341 -270 avant J.C.) suggerait que les organes des animaux se developpent par 1'usage et s'affaiblissent par inaction. L'un des plus celebres des philosophes grecs, ARISTOTE (384 - 322 avant J.C.) avait ete 1'eleve de PLATON. II fut le precepteur d'ALEXANDRE le Grand, fils de PHILIPPE de Macedoine. Un tiers de 1'ceuvre d'ARISTOTE est consacre a la description des animaux et a une reflexion sur le role des differents organes. Les deux documents les plus connus ont trait a 1'histoire naturelle des animaux Historia Animalium et a la formation de leur corps De Partibus Animalium. Dans ces ouvrages sont decrits en detail 1'anatomie de differentes especes d'animaux, leur mode de reproduction, ARISTOTE H84 322 t T C1 ainsi que leur fac.on de vivre, de se nourrir et de se comporter. ARISTOTE peut etre considere comme le premier naturaliste. Son systeme de classification du regne animal comportait neuf groupes. Dans les cinq premiers entraient les animaux a sang rouge : les quadrupedes vivipares (qui engendrent des petits vivants) correspondant a nos mammiferes moins les cetaces, les oiseaux, les quadrupedes ovipares (qui pondent des ceufs) avec les reptiles et les batraciens, puis les cetaces et enfin les poissons. Les quatre autres groupes correspondaient aux invertebres, ils etaient depourvus de sang et comprenaient les mollusques, les malacostraces ou crustaces superieurs, les ostracodermes caracterises par une coquille et les entomes ou animaux articules (insectes, arachnides...) auxquels furent rattaches les vers. ARISTOTE postulait que, si dans un animal chaque partie est indispensable a son tout, le tout est plus que la somme des parties, une reflexion en accord avec le principe d'integration inherent a la physiologie des etres vivants, totalement admis par les biologistes du XX e siecle. II formula des principes d'anatomie

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comparee. II nota par exemple qu'il existe une correspondance entre les nageoires anterieures des poissons et les ailes des oiseaux, ou bien entre les nageoires posterieures des poissons et les pattes des oiseaux. II affirmait que chaque espece vivante est caracterisee par une entelechie specifique, c'est-a-dire une force vitale interieure dont 1'activite est dirigee vers une fin; 1'ame etait considered comme 1'entelechie du corps, ressemblant au pilote qui gouverne son navire. Pour ARISTOTE, la matiere dont sont faites les especes vivantes et la forme qu'elles reverent le sont en fonction d'un but determine, tendant vers la perfection et dicte par un principe de finalisme. Ainsi, la relation d'une plante avec le sol s'explique par la nourriture qu'elle tire du sol. Les organes de perception d'un animal s'expliquent par 1'utilisation que 1'animal en fait pour reagir vis-a-vis de son environnement. L'homme est a part dans la creation, car il se distingue des animaux par la pensee. C'est cette philosophic teleonemique aristotelicienne que les theologiens du XIII 6 siecle au XVIII6 siecle retiendront pour batir une theorie fixiste de 1'apparition des formes vivantes sur la terre, selon laquelle chaque espece vivante a ete creee par Dieu telle qu'elle est actuellement, sans aucune transformation. ARISTOTE considerait que le monde etait eternel et que 1'ame et le corps etaient une seule et meme entite, ce qui contrastait avec la theorie dualiste du corps et de 1'ame de PLATON. Pour concilier la philosophie d'ARISTOTE avec la tradition biblique de la creation du monde, un compromis fut trouve par THOMAS D'AQUIN (1225 -1274). Au Dieu moteur du monde eternel d'ARISTOTE, THOMAS D'AQUIN substitua un Dieu a la fois createur et moteur. Le finalisme d'ARISTOTE fut fortement conteste par LUCRECE (98 - 55 avant J.C.), poete latin auteur du celebre ouvrage De Rerum Natura. LUCRECE deniait le finalisme et faisait appel au hasard : pour lui, 1'ceil, la langue, 1'oreille sont apparus spontanement; ce n'est qu'apres leur apparition qu'ils ont ete utilises pour la vision, le langage et 1'oui'e. II ne semble pas malgre tout que cette philosophie du vivant, fondee sur le hasard, ait eu de prise sur 1'heritage des idees finalistes d'ARISTOTE. La periode qui va de la fin du XV e siecle au debut du XVIe et qui se situe au cceur de la Renaissance fut le temoin d'un bouleversement des idees et des traditions du monde occidental. Deux des grandes affaires qui marquerent cette periode furent la revision du systeme geocentrique de 1'astronome grec PTOLEMEE (90 - 168) et les premieres explorations de terres inconnues que la legende peuplait de creatures malefiques. La theorie du geocentrisme de PTOLEMEE, selon laquelle la terre etait au centre d'un ensemble d'etoiles dans un ensemble ferme, une vaste sphere dont la voute etait le ciel, etait en accord avec la Bible. Ce fut le credo du Moyen Age. La premiere rupture avec ce systeme vint de 1'astronome polonais Nicolas COPERNIC (1473 -1543) qui fit 1'hypothese que le soleil, non la terre, etait au centre de 1'univers et que la terre, comme d'autres planetes, gravitaient autour du soleil. Malgre de vives oppositions, la theorie heliocentrique suivit son chemin et, en 1609 1'astronome et mathematicien

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allemand Jean KEPLER (1571 -1630) publia les premieres lois fondamentales qui regissent le mouvement des astres selon des orbites elliptiques. Le XVIIe siecle ouvrit une periode de realisations techniques remarquables avec 1'invention ou le perfectionriement d'appareils tels que le microscope, la lunette astronomique, la pompe pneumatique capable de realiser le vide, le thermometre, le barometre, 1'horloge a balancier. Avec la lunette astronomique, GALILEE (GALILEO GALILEI) (1514 -1642) decouvre le monde infini des etoiles et se rallie au systeme heliocentrique, mais se retracte en 1633 face a 1'Inquisition. Le microscope donne acces a rinfiniment petit, non visible a 1'ceil nu. Dans le Discours de la Methode pour bien conduire sa raison et chercher la verite dans les sciences (1637), Rene DESCARTES (1596 -1650), tout en pronant la transcendance de Thomme dans la nature, dissocie Tame du corps. Si 1'ame est immortelle, le corps fonctionne comme une machine, mais une machine mortelle. En Angleterre, le philosophe politique et scientifique Thomas HOBBES (1588 -1679) ironise 1'aristotelisme du Moyen Age en creant le terme "aristotelity". Ainsi, en deux siecles, le divorce avec la scholastique medievale aristotelicienne sera consomme. La doctrine du fixisme restait cependant inebranlable. A partir du milieu du XVIII6 siecle, grace aux progres de la paleontologie et de 1'anatomie comparee, le fixisme commenc,a a etre mis en doute. II fut serieusement conteste au debut du XIX e siecle dans la premiere theorie transformiste, ceuvre de Jean-Baptiste LAMARCK (1744 -1829), laquelle fut completee cinquante ans plus tard par Charles DARWIN (1809 -1882) avec le postulat que la selection naturelle, c'est-a-dire la survie du plus apte dans un environnement hostile, est un facteur majeur de revolution. La notion de force vitale introduite en 1774 par 1'Allemand Casimir MEDICUS (1736 -1808) fut developpee en France par Paul Joseph BARTHEZ (1734 -1806) et Xavier BICHAT (1771 -1802). Pour les vitalistes, les fonctions des etres vivants ne pouvaient pas s'expliquer par le simple jeu de lois physico-chimiques; elles necessitaient la presence d'un principe vital. A partir des annees 1840 -1850, le vitalisme commenca a s'effriter devant les coups de boutoir assenes par la jeune ecole de physiologic allemande avec Emil DU BOIS-REYMOND (1818 -1896), Karl LUDWIG (1816 -1895), Hermann HELMOTZ (1821 -1894). Ceci coi'ncidait avec les progres de la biologic cellulaire et de la chimie et la montee en puissance de la theorie transformiste. Avec la formulation des lois de 1'heredite par Gregor MENDEL (1822 -1884) dans les annees 1860 et leur redecouverte au tournant du XX e siecle, les vues transformistes formulees par LAMARCK et DARWIN furent radicalisees dans une nouvelle theorie denommee neo-darwinisme. Dans cette theorie, 1'evolution s'explique par 1'apparition de mutations dues au hasard, entrainant des variations phenotypiques, compatibles ou non avec 1'environnement, capables selon le cas de se perpetuer. Tandis que se developpait la theorie du transformisme, s'instaurait et progressait une nouvelle voie d'exploration du vivant avec 1'analyse des reactions chimiques a 1'interieur de la cellule. On commenga alors

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a parler de metabolisme cellulaire, de machinerie cellulaire, puis a evoquer les differents niveaux de complexite qui caracterisent 1'organisation des materiaux moleculaires a I'interieur de la cellule. Dans la deuxieme moitie du XX e siecle, avec les progres de la biochimie, de la biologie moleculaire et de la genetique, le debat sur 1'evolution a pris une nouvelle dimension en s'interessant a 1'apparition des premieres molecules organiques dans le monde pre-biotique et a la naissance des premieres formes de vie avec 1'apparition de la premiere cellule capable de se reproduire. 1.2. LES AGES DE LA TERRE ET I/EMERGENCE DES ESPECES

VIVANTES.

UN BREF APER£U

L'histoire de la terre est divisee en une serie d'ages (Tableau I.I). L'age d'une roche peut etre mesure de fac.on relativement precise'a 1'aide des radioisotopes qu'elle contient. Les datations modernes utilisent des mesures de radioactivite d'elements dont on connait la demi-vie. A titre d'exemple, le potassium 40K se desintegre en argon 40 Ar et calcium 40Ca avec une demi-vie de 1,3 milliard d'annees. Lors de phenomenes eruptifs qui ont eu lieu, il y a des millions ou centaines de millions d'annees, tout 1'argon 40Ar s'est volatilise alors que le potassium 40K est reste emprisonne dans la lave ou les cendres. Une fois la roche refroidie, le potassium a continue a se decomposer en argon et calcium dont la mesure donne une indication sur 1'anciennete du phenomene eruptif. Comme 1'ont montre les datations radiologiques sur les roches les plus anciennes connues, la terre s'est formee, il y a 4,5 milliards d'annees, peut-etre a la suite du choc entre deux planetes ou par agregation de poussieres interstellaires. Un demi-milliard d'annees plus tard, apres un abaissement notable de la temperature du globe terrestre et dans des conditions physiques exceptionnelles d'irradiation particulaire, de pression et de temperature, de simples molecules comme 1'eau, le methane, I'ammoniac, 1'hydrogene sulfure et le gaz carbonique ont ete engagees dans des reactions qui ont engendre des molecules plus complexes, certaines d'entre elles possedant un fort degre d'organisation structurale : oses, acides amines, acides gras a courte chaine, bases puriques et pyrimidiques, nucleosides, voire nucleotides et polynucleotides. Ces molecules se sont accumulees a la surface du globe. Ce fut 1'ere pre-biotique. La premiere cellule vivante ou protocellule entouree d'une membrane serait apparue, il y a 3,8 a 3,5 milliards d'annees. Cette cellule etait capable de se diviser, c'est-a-dire de produire des cellules filles identiques a elle-meme. Elle etait aussi le siege de reactions chimiques mettant en ceuvre des biomolecules. Dans 1'espace compartimente de la protocellule, la concentration des biomolecules atteignit des valeurs critiques qui rendirent nettement plus efficaces des reactions chimiques faisant partie de chaines metaboliques de degradation et de synthese. De cet evenement dont la probabilite etait infinitesimale, la vie allait surgir et atteindre la dimension que nous lui connaissons aujourd'hui. Les

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milliards de descendants qui resulterent de la division de la protocellule se diversifierent, fournissant des milliers d'especes differentes de microorganismes. Les bacteries sont les vestiges de ces premieres formes de vie. On les appelle procaryotes car leur materiel de replication, 1'ADN, est diffus dans la cellule et non enserre dans 1'interieur d'une enveloppe. Les procaryotes regnerent sans partage pendant un a deux milliards d'annees. En des dizaines de milliards de generations, ils couvrirent la surface de la terre. II y a environ trois milliards d'annees sont apparues les premieres bacteries photosynthetiques (cyanobacteries) capables d'extraire, grace a 1'energie solaire, 1'oxygene a partir de 1'eau. Avec la proliferation de ces bacteries pendant un milliard d'annees, 1'oxygene relache dans 1'atmosphere atteignit une concentration critique (~ 1%) qui allait permettre le developpement d'organismes aerobies, procurant a ceux-ci un avantage energetique considerable. Les bacteries photosynthetiques avaient de plus la capacite d'utiliser le gaz carbonique de 1'atmosphere comme materiel carbone et d'extraire les electrons de 1'eau pour la synthese de molecules organiques. La nature venait d'inventer 1'assimilation carbonee. Dans la haute atmosphere, sous 1'effet du rayonnement solaire, 1'oxygene se transforma en ozone, un gaz capable d'absorber la lumiere ultraviolette. L'ozone fut ainsi un bouclier efficace de protection pour les especes vivantes. On fait remonter a 1,5 voire 2 milliards d'annees 1'apparition de la premiere cellule eucaryote (du grec eu = Men et Kdpuou= noyau). A la difference des procaryotes, les cellules eucaryotes possedent un compartiment specifique (le noyau) limite par une membrane, empaquetant 1'ADN ainsi que le materiel enzymatique necessaire a sa replication et a sa transcription en ARN messager. Les premieres cellules eucaryotes prolifererent sous forme isolee. Elles sont designees par le terme "protistes". II y a 600 a 700 millions d'annees, a la frontiere du Cambrien et du Precambrien, des cellules eucaryotes isolees s'organiserent en agregats multicellulaires qui evoluerent rapidement vers des formes de plus en plus diversifiees. Cette periode fut grouillante de vie. Ce fut 1'emergence des animaux metazoaires et des plantes. Alors qu'auparavant les cellules eucaryotes isolees entraient en competition les unes centre les autres pour trouver leur subsistance et se creer des niches d'espace vital, brutalement, du fait des contacts qui s'etablirent entre elles, elles coopererent et amorcerent un dialogue moleculaire. Ce processus se mit en place progressivement et aboutit a 1'emergence des formes superieures de la vie. Dans les metazoaires primitifs, 1'association de cellules eucaryotes se fit d'abord sous forme de monocouches qui se refermerent sur elles-memes pour former des vesicules closes plus ou moins aplaties en fonction de leur depot sur un support (Figure I.I). Sur la face de ces vesicules en contact avec le support, en un endroit defini, le blastopore, appele a devenir la bouche, la membrane s'invagina sous forme d'un cylindre, le tube digestif, qui s'ouvrit sur la face opposee (face dorsale) pour former 1'anus.

I - LES ARTISANS DBS THEORIES DE L'EVOLUTION

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Les metazoaires (eucaryotes pluricellulaires) proviennent d'une cellule-oeuf totipotente qui, par segmentation, donne naissance a une cavite creuse, la blastula, delimitee par une seule assise de cellules. Par invagination, la blastula se transforme en gastrula, avec ses deux feuillets, I'ectoderme et 1'endoderme, ce dernier delimitant une cavite alimentaire communiquant avec 1'exterieur par un seul orifice, le blastopore. L'espace entre les deux feuillets est rempli par une gelee avec quelques cellules, la mesoglee (eponges, coelenteres). Chez des organismes plus evolues apparait un troisieme feuillet, le mesoderme, et la cavite alimentaire se perce d'un deuxieme orifice, 1'anus. Les moins complexes de ces organismes (annelides, mollusques et arthropodes) sont appeles protostomiens ("bouche en premier"). Plus haut dans 1'evolution, par suite d'une inversion bouche - anus, le blastopore est devenu 1'anus; a 1'autre extremite du tube digestif, la bouche est apparue comme une neoformation. On appelle ces organismes deuterostomiens ("bouche en second"). Figure I.I - Evolution des metazoaires

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Les premiers metazoaires ont ete retrouves dans les roches du Precambrien datees d'environ 670 millions d'annees dans les collines du Sud de 1'Australie qui correspondent a la region d'Ediacara. C'etaient des etres de forme tres plate depourvus de squelette. Us devaient vivre en symbiose avec des microorganismes photosynthetiques qui leur fournissaient des materiaux organiques fabriques par photosynthese. La tres faible epaisseur de ces creatures (quelques millimetres) facilitait 1'acces de la lumiere solaire aux microorganismes photosynthetiques heberges dans leur corps et par consequent 1'efficacite de la photosynthese (Figure 1.2). Quelques dizaines de millions d'annees plus tard apparurent des etres de forme tubulaire dotes d'une coquille de protection. Aucun animal vivant actuellement a la surface de la terre n'y est apparente. Le debut du Cambrien qui remonte a 530 millions d'annees est marque par une explosion de formes vivantes d'une etonnante diversite. Certaines sont parvenues jusqu'a nos jours; d'autres ont totalement disparu. Une reserve bien conservee de ces etres des temps recules fut decouverte en 1909 par 1'Americain Charles WALCOTT (1850 -1927) dans le site de Burgess dans les Rocheuses canadiennes a la frontiere de la Colombie britannique. Depuis, plus de 60 000 echantillons ont ete repertories dans ce site appele couramment schiste de Burgess. Ces echantillons sont conserves au Museum of National History de Washington. Leur tres bonne conservation s'explique par 1'absence d'oxygene dans une boue qui etait fortement impregnee d'hydrogene sulfure. Dans 1'extraordinaire diversite faunique du schiste de Burgess, il y avait des trilobites, dont le corps protege par une carapace se composait d'une tete, d'un thorax et d'une queue. Les trilobites disparurent, il y a 250 millions d'annees (Figure 1.2). La presence de coquilles et de carapaces calcifiees constituant des boucliers de protection suggere qu'il existait a cette epoque des animaux predateurs. L'un de ces etres, Anomalocaris, de plusieurs dizaines de centimetres de long, muni d'une machoire circulaire a proximite de crochets recourbes equipes d'epines, devait etre particulierement redoutable (Figure 1.2). Dans la faune de Burgess se situe le depart de 1'arthropodisation, c'est-a-dire la formation d'une carapace articulee et d'appendices. Les arthropodes actuels qui representent 80% des especes vivantes se repartissent en trois groupes : les crustaces (crabes et homards), les chelicerates (scorpions, araignees) et les unirames (insectes). Dans le cours de 1'evolution, un peu avant la transition invertebres - vertebres, survint un bouleversement topographique caracterise par une double inversion des structures anatomiques, a savoir 1'inversion bouche - anus et 1'inversion dos - ventre (Figure I.I). II est probable que ces remaniements ont ete accomplis grace a 1'intervention de genes homeotiques, c'est-a-dire de genes speciaux de regulation dont les produits procurent une identite spatiale aux cellules de 1'embryon en voie de developpement, et leur assignent un emplacement precis le long de 1'axe antero-posterieur de Torganisme.

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Figure 1.2 - Especes animales de la fin du Precambrien (Tribrachidium, Pteridinium, Parvancorina, Cloudina, Sinotubulite) et du debut du Cambrien (Trilobites, Anomalocaris) (d'apres M. Me MENAMIN - Pour la Science, juin 1987, droits reserves)

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Les animaux qui, dans revolution, sont apparus avant les annelides sont appeles protostomiens, ce qui signifie que leur bouche correspondant au blastopore s'est formee en premier. Chez les animaux qui, dans 1'evolution, se situent audela des annelides, des mollusques et des arthropodes, le blastopore est devenu 1'anus. Pour cette raison, ces animaux sont appeles deuterostomiens, c'est-adire que leur bouche s'est formee dans un second temps (Figure I.I). Comme resultat de 1'inversion dos - ventre, le tube neural qui etait ventral chez les invertebres devint dorsal chez les vertebres. La corde neurale, une structure rigide qui sous-tend le tube neural se segmenta en s'ossifiant pour former les vertebres. Au niveau de 1'ouverture buccale, se differencierent des diverticules qui devinrent chez les poissons des branchies, c'est-a-dire les composants d'un appareil respiratoire au niveau duquel pouvaient s'effectuer des echanges gazeux entre le sang et 1'eau. Les premiers vertebres vivaient dans 1'eau (Tableau I.I). Ce furent d'abord, il y a 500 millions d'annees, des poissons sans machoires dont 1'un des vestiges est la lamproie. Leur succederent, quelques millions d'annees plus tard, des poissons porteurs de machoires. II y a 400 millions d'annees, certains animaux dont 1'habitat etait exclusivement aquatique subirent des transformations anatomiques portant sur 1'appareil respiratoire (apparition de poumons remplagant les branchies) et 1'appareil de natation (apparition de membres remplac.ant les nageoires). C'est de cette epoque que date le regne des tetrapodes qui comprennent 1'ensemble des vertebres terrestres, amphibiens, reptiles, oiseaux et mammiferes. Alors que les poissons respirent au moyen de branchies et se deplacent dans 1'eau grace a des nageoires, les tetrapodes qui vivent sur terre utilisent des poumons pour respirer et des pattes pour se deplacer. Le dipneuste, en depit de son apparence de poisson, presente certains caracteres des amphibiens, comme des poumons, un cceur a deux oreillettes ; il pourrait etre le vestige d'une forme de transition entre les poissons et les tetrapodes. La metamorphose des amphibiens mime la transition anatomique et fonctionnelle a la suite du passage d'un habitat aquatique a un habitat terrestre. Ainsi, le retard qui vit dans 1'eau possede des branchies comme les poissons alors que la grenouille adulte possede des poumons qui lui permettent de respirer 1'air sur le rivage. L'Archseopterix qui vivait il y a 150 millions d'annees, pendant le Jurassique, fut sans doute un intermediate entre le dinosaure, un reptile, et les oiseaux; son squelette etait dinosaurien alors que ses plumes ressemblaient a celles des oiseaux modernes. Parallelement a 1'evolution des especes animales, les representants du regne vegetal prirent place dans la nature. On suppose que leur origine lointaine etait une algue verte. Une classification commode en botanique divise les plantes en deux grands groupes, les bryophytes (mousses, hepatiques) denues de tissus vasculaires et les tracheophytes (fougeres, gymnospermes representees abondamment par les coniferes et les angiospermes ou plantes a fleurs) qui sont porteurs de structures vasculaires adaptees au transport de 1'eau et de differents materiaux moleculaires.

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Tableau I.I - Les ages de la terre et 1'apparition de la vie Ere

Quaternaire

Millions d'annees avant aujourd'hui et Periodes geologiques

Formes de vie

1,6

Homme T\1 •

v

-» r •

v

Pliocene, Miocene Singes prehominiens Tertiaire

23

Oligocene, Eocene, Paleocene 65

Cretace

Proliferation des mammiferes Extinction des dinosaures Plantes a fleurs Oiseaux

130

Jurassique

Secondaire

Mammiferes

200

Trias Dinosaures

250

Permien 290

Primaire

Carbonifere

Reptiles

Devonien

Amphibiens

360 400

Silurien Plantes terrestres

440

Ordovicien 600

Poissons Premiers vertebres Premiers arthropodes

670 1500-2000

Metazoaires (Ediacara) Cellules eucaryotes

500

Cambrien

Precambrien

3800 4500

Cellules procaryotes

Les fougeres et des coniferes sont apparus il y a plus de 400 millions d'annees comme en temoignent des restes fossilises. Curieusement, les bryophytes de structure moins complexe que les fougeres ou les coniferes sont apparus une cinquantaine de millions d'annees plus tard. II y a 300 millions d'annees, pendant le Carbonifere, se developpent de vastes forets recouvertes de fougeres geantes et peuplees de coniferes. Les vestiges de

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ces arbres constituent les mines actuelles de charbon. Les mammiferes sont apparus sous forme de petits animaux, de la taille d'une souris, il y a environ 200 millions d'annees, a la fin du Trias, durant 1'ere secondaire, pas tres loin de 1'epoque des dinosaures. Durant le Cretace, les plantes a fleurs ou angiospermes se developperent avec une proliferation parallele des insectes pourvus d'ailes, butinant et transportant le pollen d'une plante a une autre. C'est egalement pendant le Cretace qu'apparurent les premiers oiseaux qui rapidement se diversifierent en plusieurs especes. Avec les oiseaux s'installa le mecanisme de 1'homeothermie. Au debut du Tertiaire, les mammiferes augmenterent de taille et accaparerent 1'espace terrestre, tout en se diversifiant. A 1'extremite de 1'echelle de revolution, les singes prehominiens firent leur apparition dans la jungle africaine, il y a une vingtaine de millions d'annees. Le proconsul en est le prototype. Des restes fossilises du proconsul furent decouverts au Kenya. Avec une capacite cranienne de 1'ordre de 170 cm3, le proconsul apparait comme un ancetre commun aux grands singes et a 1'homme. II y a 8 millions d'annees survint en Afrique un bouleversement tectonique qui accelera 1'emergence de 1'espece humaine. II s'agissait d'une fracture par effondrement, balafrant 1'Est de 1'Afrique du Nord au Sud sur 4 000 km. Cette fracture denommee Vallee du Rift isola deux regions qui, du fait du climat et, partant, de la vegetation, fournirent des habitats fortement contrasted : a 1'Ouest des pluies et une foret luxuriante, a 1'Est la secheresse et la savane. Ces deux habitats eurent une influence determinante sur le destin des singes prehominiens. A 1'Ouest, 1'environnement n'ayant pas ete modifie, 1'evolution des singes prehominiens resta discrete. Par contre, a 1'Est, du fait de conditions rigoureuses nouvelles, la loi de la selection naturelle s'imposa, favorisant les plus aptes des singes prehominiens, les selectionnant impitoyablement et dirigeant leur evolution vers I'homme pensant. C'est dans ces temps que la temperature a la surface du globe terrestre commence a decroitre. Les ressources alimentaires a 1'Est en furent d'autant plus affectees. Les menaces de predation augmenterent, entrainant une accentuation du phenomene de selection naturelle et en meme temps une organisation sociale avec regroupement hierarchique. L'australopitheque, etymologiquement singe de 1'Afrique Australe, fut il y a quelques millions d'annees 1'un des premiers representants pre-humains vivant dans 1'Est africain. Descendu des arbres, il s'adapta a une vie au sol. Sa demarche etait bipede, et sa taille etait comprise entre 1 metre et 1,5 metre. Lucy, dont les fragments de squelette fossilises dates de 3 millions d'annees furent retrouves dans le lit d'une ancienne riviere en Ethiopie en 1974, etait une jeune australopitheque. La cavite de son crane etait de 1'ordre de 400 a 500 cm3. Les restes d'un hominide encore plus ancien, date d'environ 6 millions d'annees, ont ete recemment decouverts au pied des collines Tugen au Kenya. L'Homo habilis apparait, il y a un peu plus de 2 millions d'annees. C'est le premier hominide du genre Homo. Sa cavite cranienne est portee jusqu'a 700 cm3. On retrouve dans son habitat les premiers silex tailles. Puis viennent I'Homo erectus (- 2 a -1,5 millions d'annees) adoptant definitivement la station

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debout, suivi de YHomo presapiens (appele aussi sapiens archaique) il y a 300.000 arts, avec un cerveau de 1000 cm3, et de I'Homo sapiens (ou sapiens sapiens), il y a seulement 100 000 ans. La station verticale, en liberant les mains, fournit a celles-ci la possibilite d'exprimer concretement par des oeuvres et des actes divers ce que le cerveau concevait. La qualite et le nombre des silex tallies dans les habitats de I'Homo sapiens permettent de suivre 1'ascension intellectuelle de nos lointains ancetres. II semble y avoir eu deux migrations humaines importantes a partir de 1'Afrique, 1'une relativement limitee a 1'epoque de I'Homo erectus, 1'autre massive au niveau de I'Homo sapiens sapiens, il y a 30 000 ans, en direction de 1'Orient et aussi de 1'Amerique a travers le Detroit de Behring. L'emergence et la disparition du phylum neanderthalien restent une enigme. On admet qu'il aurait diverge de la lignee de YHomo habilis, il y a 600 a 700 000 ans. Le cerveau de 1'homme de Neanderthal avait le meme volume que celui de I'Homo sapiens (1200 a 1300 cm3). L'homme de Neanderthal a occupe une grande partie de 1'Europe et du Moyen Orient, pendant une periode de plus de 300.000 ans. Une des caracteristiques de la tete des neanderthaliens etait le grand developpement des sinus maxillaires et 1'existence de forts bourrelets susorbitaires avec un front fuyant et une large ouverture nasale, ce qui leur aurait permis de resister plus facilement a un climat froid et sec. Etaient-ils capables de communiquer par un langage parle ? Parmi differentes hypotheses, il en est une qui propose que Thomme de Neanderthal ne parlait pas et que 1'apparition du langage parle chez Homo sapiens sapiens aurait ete la consequence d'une mutation qui aurait, entre autres, entraine la descente du larynx de quelques centimetres. Pour des raisons mysterieuses, la lignee neanderthalienne s'est eteinte il y a seulement 30.000 ans. Elle fit place a la lignee de l'homme moderne (Homo sapiens sapiens] dont les premiers representants en Europe furent les hommes de Cro-Magnon. On a calcule qu'un avantage de seulement 1% chez l'homme moderne par rapport a 1'homme de Neenderthal aurait conduit au remplacement complet de ce dernier en trente generations, soit environ un millier d'annees. Les techniques de fabrication des outils sont apparues, il y a 40 000 ans. Au nomadisme avec la chasse des animaux et la cueillette des fruits succede, il y a 10 000 ans, la revolution agricole et la pratique de 1'elevage. La population humaine etait estimee, a cette epoque, a un million d'individus ; 6 000 ans plus tard, elle avait decuple. 1.3. LES ETRES VIVANTS ET LEUR

ENVIRONNEMENT

Parmi les modifications du milieu qui ont influence 1'evolution des etres vivants, les contraintes geologiques, en particulier la formation des continents par fragmentation a partir d'un bloc unique, ont sans doute joue un role majeur, soit en isolant des especes vivantes et en permettant leur differenciation sur place, soit en rassemblant des especes differentes et en permettant un melange de ces especes. Cette separation des continents, Georges Louis DE BUFFON

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

(1707 -1788) 1'avait envisagee dans son ouvrage Les Epoques de la nature qui parut en 1779 et fait partie de 1'immense fresque de son Histoire Naturelle. En 1912, le geophysicien allemand Alfred WEGENER (1880 -1930) formula une theorie elaboree de la derive des continents. A sa suite, on s'accorda pour admettre qu'au debut du Precambrien la surface de la terre etait majoritairement occupee par les oceans. Puis emergerent des continents qui au Cambrien ne formaient qu'une seule masse correspondant a un supercontinent, la Pangee (Figure 1.3). Par la suite, la Pangee se fragmenta en deux continents la Laurasie et le Gondwana. Le premier allait donner naissance a 1'Amerique du Nord, 1'Europe et 1'Asie, et le second a 1'Amerique du Sud, 1'Afrique, 1'Arabic, Madagascar, 1'Inde, 1'Australie et 1'Antarctique. II y a environ 180 millions d'annees, dans le Gondwana 1'ensemble Afrique - Amerique du Sud, Madagascar et Inde se detacha d'un autre ensemble forme par 1'Australie et 1'Antarctique. Cette derive fut rapidement suivie par la separation de 1'Afrique et de 1'Amerique du Sud entre lesquelles s'engouffra 1'Ocean Atlantique. II y a 80 millions d'annees, ce fut au tour de Madagascar et de 1'Inde de s'individualiser. Puis la plaque africaine rejoignit 1'Eurasie. Au cours des differentes eres du Cambrien il y eut done de vastes rearrangements des plaques terrestres qui, de ce fait, furent soumises a des climats differents. A titre d'exemple, il y a 300 millions d'annees le Massif Central etait localise a 1'equateur, ainsi qu'en temoignent les restes fossilises de plantes et d'animaux. Des cataclysmes naturels comme la chute de meteorites ou les eruptions volcaniques ou bien des modifications climatiques comme les grandes glaciations ou la secheresse s'etendant sur des millions d'annees ou encore des epizooties ont pu etre a 1'origine d'extinctions massives. Les extinctions qui entrecoupent le cours de 1'evolution sont signalees par 1'accumulation de fossiles dans des strates geologiques de differente nature (sable, argile, pierre, schiste...). Une glaciation a la fin du Precambrien elimina une forte proportion d'unicellulaires eucaryotes. A la fin de 1'Ordovicien (- 440 millions d'annees), 75% des especes vivantes disparurent. Les autres extinctions remontent a 1'epoque du Devonien (- 360 millions d'annees), du Permien (- 250 millions d'annees), du Trias (- 210 millions d'annees) et enfin du Cretace (- 65 millions d'annees). L'extinction du Permien (95% d'extermination des etres vivants) vit disparaitre entierement les trilobites, qui etaient parmi les plus anciens des arthropodes invertebres apparus au Cambrien. L'extinction du Cretace est bien connue et a ete fortement mediatisee car elle vit 1'annihilation des deux tiers des etres vivants de cette epoque et surtout de la totalite des dinosaures; elle a ete suivie d'une pullulation de petits mammiferes qui se sont rapidement diversifies. Cette derniere extinction aurait ete provoquee par la collision d'une meteorite de quelques kilometres de diametre avec le globe terrestre. L'impact aurait souleve une enorme quantite de poussieres interceptant la lumiere solaire et empechant tout processus de photosynthese.

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a - La Pangee au debut du Cambrien

b - Les continents actuels

La fragmentation d'une plaque emergee unique, la Pangee, suivie par la derive des fragments (continents) explique, en partie, la repartition et 1'evolution des especes vivantes a partir d'especes ancestrales qui se sont trouvees isolees (speciation geographique). Cette theorie fut formulee par A. WEGENER en 1912. Figure 1.3 - Theorie de la derive des continents (d'apres A. HALLAM - Scientific American 232 n°2 (1975) 89, avec 1'autorisation de Ms Raboni)

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2. LA SYSTEMATIQUE

LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

DANS LES SCIENCES DE LA NATURE

"Les biologistes modernes ne rendent pas toujours justice au genie des hommes qui sous la stupefiante variete des morphologies et des modes de vie des etres vivants ont su reconnoitre un nombre fini de plans anatomiques et realise une classification des especes animales et vegetales." Jacques MONOD - Le Hasard et la Necessite - 1970

L'interet pour les sciences naturelles dans le monde occidental n'avait pas ete une preoccupation majeure pendant le Moyen Age. La Renaissance est 1'ere des grands navigateurs. Des contrees jusqu'alors inconnues sont decouvertes, qui sont porteuses d'une flore et d'une faune d'une variete insoupc.onnee. Alors commence a poindre de la curiosite pour le monde vivant. On essaie de comprendre comment sont organises les etres innombrables qui le composent. Pour avancer de fagon constructive dans une reflexion sur le sens de la nature et pour repondre au formidable defi de son apparente complexite, il etait necessaire d'organiser en un systeme coherent les especes vivantes animales ou vegetales a la surface du globe terrestre, en bref d'eriger un systeme rationnel de classification. Avec la Renaissance s'amorce un mouvement qui fait revivre les oeuvres oubliees des naturalistes de 1'Antiquite. Dans les annees 1450, le pape NICOLAS V fait traduire en latin par Theodore GAZA (1398 -1478) VHistoire des Plantes de THEOPHRASTE (372 - 287 avant J.C.) et la partie des ceuvres d'ARISTOTE qui portait sur la zoologie. Les ecrits du medecin grec DIOSCORIDES (40 - 80) sur les plantes medicinales sont traduites egalement en latin a la fin des annees 1490. Ces traductions se repandent dans les universites. Elles suscitent un renouveau d'interet pour les sciences naturelles. Elles incitent a comprendre le fonctionnement du vivant et, pour commencer, a perfectionner le systeme de classification ebauche par ARISTOTE. C'est a Andrea CESALPINO (1519 - 1608), professeur de medecine et de botanique a Pise, puis a Rome, et medecin du pape CLEMENT VIII que Ton attribue la premiere tentative d'une classification methodique des plantes. Son ouvrage De plantis publie en 1583 s'inspirait de la doctrine d'ARISTOTE d'une hierarchic des fonctions. La racine des plantes qu'ARISTOTE comparait a la bouche des animaux puise dans le sol les elements de sa nutrition qui sont portes a la tige laquelle engendre les organes de la fructification. CESALPINO reprend la vieille distinction entre arbres, arbrisseaux et herbes comme principe de classification. En zoologie, le Suisse Conrad GESNER (1516 -1565) s'illustre avec son ouvrage Historia animalium paru entre 1551 et 1558, veritable encyclopedic en 5 tomes, qui etait en fait une compilation; les animaux y etaient classes par ordre alphabetique. Cependant dans deux autres ouvrages, Icones animalium (1553) et Nomenclator acjuatilium animantium (1560), les animaux etaient classes par ordre; les trois premiers ordres correspondaient aux quadrupedes vivipares, le

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quatrieme aux quadrupedes ovipares, les animaux aquatiques etaient repertories dans 17 ordres. A Montpellier, Guillaume RONDELET (1507 -1556) publie en 1555 une monographie sur les poissons. Un autre Frangais, Pierre BELON (1517 -1564) publie deux ouvrages, 1'un en 1553 consacre aux poissons, 1'autre en 1555 sur les oiseaux. C'est dans ce dernier ouvrage qu'en comparant les squelettes de l'homme et d'un poulet BELON fait remarquer un certain nombre d'analogies. C'etait une idee tellement originale pour Fepoque qu'elle fut oubliee pendant trois siecles avant de ressurgir avec Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE. On voit se creer au XVI e siecle des cabinets d'histoire naturelle, embryons des museums modernes. S'y entassent des collections d'objets les plus divers rapportes par des voyageurs et des explorateurs. Une collection celebre au XVI e siecle fut celle de Bernard PALISSY (1510 -1590). Elle comprenait des fossiles, des mineraux, des squelettes d'animaux. Se developpe egalement la pratique des herbiers dans lesquels les plantes sechees sont fixees par de la colle sur du papier. Les jardins botaniques prennent naissance; 1'idee est de cultiver des plantes medicinales a des fins therapeutiques. L'exemple vint d'ltalie avec la creation des premiers jardins botaniques a Padoue en 1545, a Pise en 1547. La tradition se repandit en Europe. Leyde eut son jardin botanique en 1577, puis Heidelberg et Montpellier en 1593. A la creation du jardin botanique de Montpellier fut associee la creation d'une chaire de botanique par Henri IV. En 1616, LOUIS XIII etablit a Paris un jardin botanique qui regut le nom de Jardin royal des plantes medicinales. L'enseignement qui y etait dispense etait destine aux futurs medecins et apothicaires en concurrence avec la faculte de medecine. Initialement dedie a la botanique, 1'enseignement se diversifia au XVII 6 siecle vers 1'anatomie et la chimie. Le Jardin royal etait associe au College royal (futur College de France) qui avait ete cree des 1530 en tant qu'institution d'enseignement des lettres et des sciences, distincte de 1'universite de Paris. Au XVIII6 siecle, 1'appellation initiate de Jardin royal des plantes medicinales fut changee en celle de Jardin royal des plantes, puis en celle de Jardin du roi, ceci jusqu'en juin 1793, date a laquelle la Convention le rebaptisa Museum d'histoire naturelle.

2.1. LES PIONNIERS DE LA SYSTEMATIQUE DU VIVANT : TOURNEFORT, RAY ET LlNNE L'un des grands botanistes issus du Jardin royal de plantes fut Joseph PITTON DE TOURNEFORT (1656 - 1708) qui assuma la charge de "demonstrateur et de professeur de 1'interieur et de 1'exterieur des plantes". Dans son ouvrage Elements de botanique ou Methodes pour reconnaitre les plantes, publie en 1694, TOURNEFORT repartissait 10 146 especes de plantes en 698 genres et 22 classes. II avait etabli des subdivisions d'apres les caracteres de la corolle (simple ou composee, monopetale ou polypetale, reguliere ou irreguliere). Un autre grand botaniste de la meme epoque fut le Britannique John RAY (1627 - 1704). Eduque

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a 1'universite de Cambridge et se destinant a 1'etat ecclesiastique, John RAY fut ordonne pretre en 1660. Nomme enseignant au Trinity College, il demissionna de ses fonctions pour avoir refuse de preter le serment exige par decret de 1'universite et dut gagner sa vie comme precepteur. De ses nombreux voyages a 1'etranger, RAY rapporta nombre d'observations qu'il fit paraitre dans Historia Plantarum (1686). En conservant la division ancienne en arbres, arbrisseaux et herbes heritee de THEOPHRASTE, il introduisit la distinction fondamentale entre monocotyledones et dicotyledones et subdivisa ces dernieres d'apres la disposition des fleurs, le nombre des petales et la forme des fruits. II repertoria 18 655 especes de plantes. RAY fut 1'un des premiers a donner une definition claire de 1'espece : "Sont de la meme especes toutes les plantes issues de la meme semence et pouvant se reproduire par semis". En accord avec les idees de son temps, RAY considerait dans son ouvrage The Wisdom of God as Manisfested in the Works of Creation (1691) que le monde cree par Dieu etait stable et parfait. C'est au Suedois Carl LINNE (1707 -1778) que 1'on doit les veritables fondements d'une science qui identifie les organismes vivants et les arrange en categories que Ton appellera taxons. Le botaniste suisse Augustin DE CANDOLLE (1778 -1841) donna en 1813 a cette science le nom de taxonomie ou encore taxinomie (du grec TC^IC = arrangement, et v6|ioc = loi). Carl LINNE etait le fils d'un pasteur. Des son enfance, il manifesta une passion pour les plantes. Malheureusement ses etudes primaires etaient si peu satisfaisantes que son pere songea a lui faire apprendre le metier de cordonnier. Grace a 1'intervention d'un medecin qui devina chez le jeune LINNE des dons exceptionnels, celui-ci put commencer des etudes de medecine a Lund. II les poursuivit a Uppsala. Choisi par la Societe litteraire et scientifique d'Uppsala, LINNE part explorer la flore de la Laponie pendant 1'ete 1732 et en rapporte des informations qu'il rassemblera dans une publication tres documentee, Flora laponica. On le retrouve en 1735 en Hollande ou il soutient devant la faculte de medecine de Hardewijk une these de medecine sur La cause des fievres intermittentes. C'est la qu'il publiera son premier essai sur la classification des plantes et des animaux sous le titre Systema Naturae. Get ouvrage, d'une dizaine de pages pour la premiere edition, sera reedite de son vivant une douzaine de fois, augmentant de volume au fur et a mesure des parutions. De retour en Suede, LINNE est nomme en 1741 professeur de botanique et de dietetique a 1'ecole de medecine d'Uppsala. Son temps libre, il 1'occupe a completer son ceuvre de classification avec 1'idee que la nature est arrangee selon un ordre dicte par Dieu. Dans le systeme linneen de classification, les plantes etaient reparties en 24 classes et les classes reparties en ordres selon le caractere du pistil et le nombre et la disposition des etamines. Cette classification fondee sur la nature des organes reproducteurs des fleurs dechaina bon nombre de sarcasmes, surtout en France, mais fut malgre tout reconnue en Angleterre, en Hollande et meme dans les Etats pontificaux. En 1753, dans son ouvrage Species Plantarum, LINNE avait classe pres de 7 000 especes vegetales. Quant aux especes du regne animal,

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la ressemblance ou la difference de certains caracteres les firent regrouper en six classes, les quadrupedes, les oiseaux, les amphibiens, les poissons, les insectes et les vers, et trois degres de complexite. Les quadrupedes et les oiseaux correspondant a un fort degre de complexite (premier degre) ont en commun un cceur avec deux ventricules et un sang rouge et chaud. Les amphibiens et les poissons, d'un degre de complexite moindre (deuxieme degre), ont en commun un cceur avec un seul ventricule et un sang rouge et froid. Enfin, chez les insectes et les vers, d'un degre de complexite inferieur (troisieme degre), le sang est remplace par une "sanie froide". L'homme, considere comme une espece de 1'ordre des anthropomorphes, dans les premieres editions de Systema Naturae sera individualise par LINNE au sommet de la creation dans la 10e edition de 1759. On doit a LINNE la classification de type binomial ou binaire. Chaque etre vivant est designe par un nom double : le premier terme correspond au genre et le deuxieme a 1'espece. C'est ainsi que le chat est appele Felix, catus et le lion Felix leo. En somme, le lion et le chat presentent des similitudes suffisantes pour etre classes dans le meme genre, celui des felins, mais avec des differences cependant significatives qui en font deux especes separees. II restait a donner une definition de 1'espece. LINNE definit 1'espece comme resultant de la reunion d'individus qui se ressemblent plus entre eux qu'ils ne ressemblent a aucun autre. Plus tard, le critere d'interfecondite pour definir 1'espece sera retenu comme prioritaire. 2.2. NOTION DE PARENTE ET PRINCIPE DE SUBORDINATION

Le systeme de classification etabli par LINNE, fonde sur le seul examen des organes reproducteurs, ne permettait pas d'etablir de fac.on rigoureuse des liens de parente entre especes vegetales. Un progres fut realise dans les annees 1750 lorsque Michel ADANSON (1727-1806) et Bernard DE JUSSIEU (1699-1777) proposerent un systeme de classification naturelle fonde sur 1'examen du plus grand nombre possible de caracteres. Bernard DE JUSSIEU de meme que son frere Antoine DE JUSSIEU (1686 -1758), tous deux issus de 1'Ecole de medecine de Montpellier et contemporains de LINNE, furent demonstrateurs de botanique au Jardin du roi, ainsi que plus tard leur neveu Antoine-Laurent DE JUSSIEU (1748 -1834), contemporain de LAMARCK. A la difference de la dynastie des DE JUSSIEU aureolee par la celebrite, ADANSON malgre son talent et sa perspicacite resta dans 1'ombre. II avait ete remarque par Rene-Antoine DE REAUMUR (1683 - 1757) et Bernard DE JUSSIEU alors qu'il suivait les enseignements du College royal et du Jardin du roi. Engage comme commis a la Compagnie de 1'Occident et des Indes, ADANSON fut envoye a 1'age de 21 ans au Senegal ou il sejourna pendant quatre ans. II eut 1'occasion d'herboriser et d'adresser au Jardin du roi nombre d'echantillons exotiques. C'est lui qui imagina le fameux systeme de classification naturelle. II le suggera a Bernard DE JUSSIEU, lequel

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le reprit a son propre compte. Ce systeme de classification deboucha sur le principe de subordination. II trouva sa justification avec la theorie de 1'evolution, un siecle plus tard. C'est en comparant differentes especes de plantes que Bernard DE JUSSIEU fut conduit a emettre le principe de subordination qui sera utilise par LAMARCK et CUVIER avec bonheur pour le regne animal. D'apres ce principe, les caracteres qui definissent les especes sont subordonnes aux caracteres qui definissent les genres, lesquels sont subordonnes aux caracteres qui definissent les ordres, puis les classes. A titre d'exemple, le principe de subordination applique au chevreuil montre que le chevreuil est une espece differente des autres cervides par la taille et la robe. II appartient a 1'ordre des artiodactyles, avec un nombre pair de doigts termines par des sabots comme le mouton. II appartient a la classe de mammiferes, car il allaite ses petits. 2.3. LE CLADISME La reflexion apportee a 1'etablissement de systemes de classification eut, au XIXe siecle, une forte influence sur 1'ordonnancement des idees et sur la rigueur de raisonnement dans des sciences comme 1'anatomie, la chimie ou la mineralogie. Curieusement on vit resurgir dans les annees 1950 un renouveau d'interet pour la taxonomie, avec 1'entomologiste allemand Willy HENNIG (1913 -1976). L'analyse proposee par HENNIG, le cladisme (du grec K\a86c = branche), s'appuie essentiellement sur le degre de parente phylogenetique entre plusieurs especes pour rechercher les ascendants et sur la notion de caracteres primitifs et de caracteres evolues. Par exemple, le goujon, le lezard et le bouquetin ont tous trois un ancetre commun car ils possedent tous trois un ensemble de caracteres primitifs : une colonne vertebrale, des paires de membres et des machoires. Cependant, seuls le lezard et le bouquetin (non le goujon) ont un ancetre commun du fait qu'ils possedent (a la difference du goujon) des caracteres evolues tels que des poumons derives des branchies et quatre membres articules. Dans 1'evolution, le lezard et le bouquetin ont done diverge posterieurement au goujon. Ainsi, 1'emergence des animaux ou des vegetaux les uns par rapport aux autres peut etre represented dans des cladigrammes qui correspondent en quelque sorte a des arbres genealogiques.

3. LES PREMISSES DE LA THEORIE DU

TRANSFORMISME

Les theories transformistes qui se sont imposees au XIX e siecle avec LAMARCK et DARWIN ont ete precedees au XVIII6 siecle par des reflexions nombreuses et pertinentes de la part de philosophes et de savants dans differents domaines de la science. Le XVIII 6 siecle est celui de la publication de YEncyclopedie ou Dictionnaire raisonne des Sciences, des Arts et des Metiers sous 1'impulsion de

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Denis DIDEROT (1713 - 1784) et de Jean D'ALEMBERT (1717 - 1783). On assiste a un bouillonnement d'idees issues de decouvertes conduisant a des ruptures de dogmes dans les domaines de la cosmologie avec Isaac NEWTON (1647 -1727) et de la mineralogie avec Rene Just HAUY (1743 -1822), le pere de la cristallographie. HAUY enonce des principes simples qui relient le monde rnicroscopique au monde macroscopique, le monde inanime au monde anime. "II existe, ecrit-il, dans les formes des cristaux, une sorte d'algebre combinatoire susceptible d'expliquer le fonctionnement des etres vivants", et plus loin : "toute forme visible et specifique se laisse resoudre a 1'univers microscopique ou elle correspond a des configurations moleculaires aussi specifiques". L'idee emise par ARISTOTE dans son histoire des animaux que la nature passe graduellement des etres inanimes a des etres vivants sans discontinuite est reprise par Gottfried LEIBNIZ (1646 -1716), mathematicien et inventeur avec NEWTON du calcul infinitesimal, et egalement expert en sciences naturelles. LEIBNIZ pensait que les etres vivants forment une chaine unique de vie. Cette idee fut adoptee par le naturaliste suisse Charles BONNET (1720 -1793). Celui-ci dans son ouvrage Considerations sur les corps organises (1762) postula une echelle des etres vivants ou I'homme occupe la plus haute marche. Si le XVIII6 siecle est le siecle de VOLTAIRE ou les idees liberates affrontent les dogmes religieux, c'est aussi le siecle ou s'installe une certaine fac,on d'expliquer la nature. La "philosophic de la nature" fut initiee en Allemagne avec KANT, SCHELLING, HEGEL, OKEN et GOETHE. Immanuel KANT (1724 - 1804), mathematicien et physicien de formation, versa plus tard dans la philosophie en s'attachant a comprendre le sens des mecanismes de la vie. C'est en 1771 que parait son ouvrage sur la Critique de la raison pure. KANT postulait que les organismes vivants ont ete crees dans un but et qu'il etait vain de vouloir en comprendre 1'essence et le fonctionnement en se refer ant au monde non-vivant, non conscient qui, lui, ne dependait que des lois simples de la physique. Dans le sillage de Kant, deux des plus influents theoriciens de la "Naturphilosophie", Georg Wilhelm Friedrich HEGEL (1770 - 1831) et Friedrich Wilhelm Josep SCHELLING (1775 -1854), pronaient 1'idee d'une continuite de la nature visible et de 1'esprit invisible. Lorenz OKEN (1779 -1851) qui fut Fun des precurseurs de la theorie cellulaire (Chapitre II-4.1) fut aussi 1'un des philosophies de la nature les plus ecoutes. En 1802, il fit paraitre un ouvrage sur les Fondements de la Philosophie de la Nature ou 1'homme etait decrit comme le couronnement de la creation, le monde animal n'etant que la representation ebauchee des structures anatomiques et des formes d'activite de 1'homme. OKEN avait regroupe les representants du monde animal en cinq classes, correspondant a 1'apparition successive des cinq sens, toucher, gout, odorat, ou'ie et vision : d'abord les invertebres (dermatozoa) avec le toucher, puis les poissons (glossozoa) avec le gout, les reptiles (rhinozoa) avec 1'odorat, les oiseaux (otozoa) avec 1'oui'e, et enfin les mammiferes (ophtalmozoa) avec la vue. Mais c'est surtout la "theorie de la colonne vertebrale" ou de "1'archetype segmente" qui illustre 1'esprit de la philosophie d'OKEN. Selon cette theorie qui fut developpee par GOETHE,

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chaque vertebre de la colonne vertebrale etait une unite anatomique qui se repetait jusqu'au niveau du crane, celui-ci n'etant que 1'equivalent d'une de ces unites. Ce plan segmentaire etait considere comme la manifestation d'un plan general predetermine : derriere Finfinie diversite du vivant que pergoit 1'ceil, il existerait une unite de la nature qui transcenderait la vision de 1'oeil et ne serait perceptible que par 1'esprit. Johan Wolfgang GOETHE (1749 -1832), dramaturge, philosophe et aussi naturaliste, reprit les idees d'OKEN en leur donnant une connotation poetico-metaphysique. La philosophic de la nature eut une influence non negligeable sur la pensee biologique au XIX e siecle. En France, elle fut relayee en particulier par Henri-Marie DE BLAINVILLE (1777 -1850) dans son cours de physiologie au Museum d'histoire naturelle.

3.1. MAUPERTUIS, MAILLET ET BUFFON, TROIS NATURALISTES PRESTIGIEUX ET DES QUESTIONS PERTINENTES SUR LES ESPECES VIVANTES Pendant tout le Moyen Age et la Renaissance, le fixisme fut enseigne comme la seule theorie capable d'expliquer 1'apparition des etres vivants sur terre. Sa substance etait tiree de la tradition biblique. C'est vers le milieu du XVIII6 siecle, dans le contexte turbulent de cette epoque, qu'une breche fut ouverte. MAUPERTUIS, MAILLET et BUFFON furent, parmi les naturalistes de ce temps, ceux qui oserent en termes non ambigus s'interroger sur le bien fonde du fixisme. Sous le titre singulier de La Venus physique, Dissertation a I'occasion du Negre blanc, paru en 1744, Pierre Louis MOREAU DE MAUPERTUIS (1648 -1759) expose des vues qui tranchent avec le consensus de son epoque. Se referant au cas d'un enfant de quatre ans d'origine africaine dont la peau etait blanche et les yeux bleu clair a cote de caracteres propres a la race noire tels que cheveux crepus et nez epate, MAUPERTUIS donne des exemples d'apparition dans la descendance animale ou humaine de transformations qui distinguent de fa^on marquante 1'individu de ses parents directs. MAUPERTUIS ecrit pour expliquer ces phenomenes : "la production de varietes accidentelles, la succession de ces varietes d'une generation a 1'autre et enfin 1'etablissement ou la distinction de ces especes, voici ce me semble ce qu'il faudrait supposer. Les parties (germes) analogues a celles du pere et de la mere etant les plus nombreuses, celles qui ont le plus d'affinite seront celles qui s'uniront le plus ordinairement et elles formeront des animaux semblables a ceux dont ils sont sortis. Le hasard ou la disette des traits de famille feront quelquefois d'autres assemblages et Ton verra naitre de parents noirs un enfant blanc"... II conclut: "au reste quoique je suppose ici que le fond de ces varietes se trouve dans les liqueurs seminales memes, je n'exclus pas 1'influence que le climat et les aliments peuvent avoir". Ces idees se retrouvent chez LAMARCK et DARWIN. Benoit DE MAILLET (1656 - 1738) ecrivit un traite qui parut dix ans apres sa mort et ou etaient relatees des idees revolutionnaires pour 1'epoque, selon lesquelles

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la terre aurait ete formee a une date beaucoup plus reculee que celle mentionnee dans la Bible. Le traite ecrit par MAILLET etait intitule Telliamed, une anagramme qui correspondait a 1'orthographe inversee de son nom. Le soustitre Conversation entre un Philosophe Indien et un Missionnaire Frangais sur la Formation de la Terre, I'Origine de I'Homme et des Animaux... autorisait le philosophe indien a s'interroger sur la doctrine fixiste de cette epoque et a soutenir devant le missionnaire franc.ais des idees contraires aux dogmes religieux en vigueur. On pouvait y lire par exemple que les premiers animaux vivaient dans la mer et que, du fait de I'assechement des oceans, nombreux furent les animaux qui a partir d'un habitat aquatique evoluerent au plan anatomique pour s'accommoder d'un habitat terrestre. BUFFON occupe au XVIII6 siecle une place majeure comme naturaliste. Bien que dans certains de ses ecrits transparaisse une philosophic transformiste voisine de celle de MAUPERTUIS, BUFFON resta malgre tout attache a une doctrine fixiste, sans doute sous les contraintes de son temps. Ne en 1707 dans une famille bourgeoise particulierement aisee de Montbard, pres de Dijon, Georges Louis LECLERC qui, anobli par Louis XV deviendra en 1772 comte DE BUFFON, etait physicien de formation. Dans sa jeunesse, il avait traduit les ceuvres de NEWTON et acquis de solides G. DE BUFFON connaissances en mathematiques et en physique. (1707-1787) D'emblee il se signale par plusieurs memoires fort originaux adresses a 1'Academie de sciences sur la geometric, le calcul des probabilites, 1'optique, et meme la sylviculture. A 28 ans, il est nomme adjoint dans la section Mecanique de 1'Academie des sciences, grace a 1'appui de MAUPERTUIS. A 32 ans, il est elu membre de 1'Academie des sciences et nomme intendant du Jardin du roi. Conscient de la responsabilite qui lui incombe, BUFFON travaillera a doter le Jardin du roi de riches collections de mineraux, de vegetaux et d'animaux provenant de differentes regions du monde. II entreprend des 1740 la redaction d'un traite d'Histoire Naturelle. Trente-six volumes paraitront entre 1749 et 1788, date de sa mort. Les quinze premiers volumes traitaient des themes suivants : theorie de la terre, histoire de 1'homme, histoire des quadrupedes vivipares. Suivaient neuf volumes sur les oiseaux, cinq sur les mineraux, puis sept volumes complementaires, le cinquieme portant sur les epoques de la nature. Apres la mort de BUFFON, le Traite d'Histoire Naturelle fut complete par Etienne DE LACEPEDE (1756 -1825) avec YHistoire des Quadrupedes Ovipares, des Serpents et des Poissons. Pour ses etudes d'anatomie comparee, BUFFON fit appel a son compatriote Louis DAUBENTON (1716 -1800), medecin a Montbard. En sa qualite d'intendant, il le fit nommer en 1766 demonstrateur au cabinet d'histoire naturelle du roi. DAUBENTON dissequa pres de 200 especes de mammiferes, fournissant des informations

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precieuses a BUFFON pour la redaction de son Traite d'Histoire Naturelle. Dans la lignee de DAUBENTON, se situe 1'anatomiste francos Felix VICQ D'AZYR (1748 -1794), medecin de Marie-Antoinette. Ses travaux porterent plus particulierement sur le squelette, le coeur et 1'estomac. Par leurs travaux VICQ D'AZYR et DAUBENTON annoncent Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE. Dans le premier volume de I'Histoire Naturelle (1749), BUFFON formulait quelques idees sur le magma incandescent de la terre au moment de sa formation et sur sa tres longue histoire, beaucoup plus longue que ne 1'indiquait la Genese. Cette histoire de la terre fut considered par la faculte de theologie de la Sorbonne comme contraire a 1'orthodoxie religieuse. Conscient des consequences de cette condamnation pour sa carriere, BUFFON ne fit aucune difficulte pour se retracter en declarant qu'il n'avait presente son hypothese sur la formation de la terre et sur la creation que comme une "pure supposition philosophique". Trente ans plus tard, lorsque son ceuvre sera suffisamment avancee, BUFFON reviendra a la charge et expliquera, dans 1'ouvrage intitule Des Epoques de la Nature (1778), pourquoi il a transforme les six jours de la creation en six "espaces de temps". Get ouvrage presentait une peinture complete du cosmos, de la formation de la terre et des caracteres des etres vivants qui 1'habitaient. BUFFON rejetait la notion de Deluge Universel. II ecrivait que la terre s'etait formee dans des temps beaucoup plus recules que ceux que Ton pouvait deduire de la lecture de la Genese. Tout en se referant a la Genese et a ses sept epoques, il leur donnait une interpretation tres particuliere que Ton peut resumer ainsi. Dans une premiere epoque qu'il faisait remonter a 75 000 ans, la terre apparait comme une enorme boule incandescente resultant du choc entre le soleil et une comete. Dans une seconde epoque de plusieurs dizaines de milliers d'annees, cette boule incandescente se refroidit et se boursoufle, donnant naissance a des montagnes. Pour calculer ces durees, BUFFON avait experimente sur des boules de metal portees a incandescence, et avait extrapole ses calculs a la dimension de la terre. La troisieme epoque voit le globe terrestre se recouvrir d'un ocean provenant de la condensation d'enormes quantites de vapeur d'eau dues au refroidissement de 1'atmosphere. L'ocean par le mouvement de ses vagues arrache aux montagnes des materiaux qui se deposent sous forme de sediments. La quatrieme epoque est 1'ere des volcans. La cinquieme epoque voit le peuplement de la terre par les animaux et les vegetaux. La sixieme epoque est celle de modifications geologiques avec fissure d'un continent initial unique et derive de ses fragments. L'homme apparait a la septieme epoque et est considere comme 1'emergence de 1'echelle animale. BUFFON pensait que la variabilite a 1'interieur d'une espece etait le fait d'une degenerescence. "La nature descend par degres d'un animal qui parait le plus parfait a celui qui 1'est moins". Forme a la philosophic newtonienne, BUFFON concevait que tout phenomene naturel depend d'une cause naturelle. Cependant il n'erigea jamais ses idees en une doctrine de 1'evolution. Connu pour 1'elegance et la limpidite de son style, il est 1'auteur du fameux aphorisme "le style est 1'homme meme".

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3.2. L'ORIGINE DES FOSSILES APPREHENDEE GRACE A LA STRATIGRAPHIE

Jusqu'a la fin du XVIII6 siecle, 1'origine des depots de coquillages marins trouves au sommet des montagnes etait restee enigmatique. En 1580, Bernard PALISSY avait public un ouvrage sur Les Eaux et Fontaines de la Terre, dans lequel il suggerait que les "pierres figurees", comme on appelait alors les fossiles, etaient des restes souvent petrifies d'etres organises. "Un potier de terre qui ne savait ni grec ni latin, ecrivait en 1720 Bernard DE FONTENELLE (1657 -1757) parlant de PALISSY, fut le premier a la fin du XVIe siecle qui osa dire dans Paris que les coquilles fossiles etaient de veritables coquilles deposees autrefois par la mer dans les lieux ou elle se trouvait alors, que des animaux et surtout des poissons avaient donne aux pierres figurees leurs differentes figures". Les idees de PALISSY furent reprises par des geologues italiens, puis par BUFFON au XVIII6 siecle. BUFFON, dans les Epoques de la Nature, avait postule que les coquilles que Ton trouve enfouies dans le sol, jusque sur le sommet des montagnes, appartiennent a des especes autres que celles de nos jours. Cette hypothese, qui aujourd'hui nous apparait comme une realite indiscutable, fut en butte aux sarcasmes de VOLTAIRE (1694 -1778) qui pretendait que les coquilles trouvees dans les Alpes avaient ete jetees par des pelerins a leur retour de Rome. Le doute restait dans les esprits. A la fin du XVIII6 siecle, avec le debut de 1'ere industrielle, la demande en fer et en charbon augmente considerablement. On creuse de profondes tranchees pour exploiter les filons de charbon et de fer. On se rend compte que les roches sont formees de couches superposees. Ces couches appelees strates correspondent a des periodes geologiques precises, et Ton decouvre que chaque couche ou strate contient des fossiles d'un type particulier. L'Allemand Abraham WERNER (1750 -1817) et 1'Anglais William SMITH (1769 -1839) furent des pionniers de la stratigraphie. SMITH, ingenieur civil prepose a 1'ouverture de canaux, remarqua que les tranchees creusees a cet effet laissaient paraitre des couches superposees riches en depots de fossiles. Plus profondes etaient les couches, plus grandes etaient les differences avec les especes encore vivantes. Fait egalement interessant, des fossiles presents en abondance dans une certaine couche pouvaient etre reperes dans des couches voisines. II y avait done continuite dans le temps pour quelques especes vivantes. A cette hypothese realiste s'opposera la theorie du catastrophisme de CUVIER, avec ses extinctions massives des especes vivantes a la surface du globe. Au milieu du XIX 6 siecle, il etait definitivement admis que les matieres minerales qui composent le globe terrestre appartenaient a trois groupes de terrains : les "terrains cristallises", les plus primitifs, les "terrains sedimentaires", formes en second lieu par accumulation de debris transported par les eaux, par exemple silice, chaux, magnesie, et les "terrains eruptifs" dependant de 1'activite des volcans a toutes les epoques geologiques. Suivant la nature des strates

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caracteristiques des terrains sedimentaires, on proposa une classification des periodes geologiques qui s'etaient succede dans le temps, et on attribua un age relatif aux fossiles contenus dans les differentes strates (Tableau 1.1). Par exemple, le Carbonifere fut le terme propose pour designer une periode ou la vegetation avait ete particulierement luxuriante, les arbres de cette periode ayant ete par la suite ensevelis dans des marecages, puis decomposes et transformes en charbon. La preuve en etait apportee par la decouverte de troncs ou de branches d'arbres a peine fossilises dans les mines de houille. Le Cretace dut son nom au fait que les terrains deposes par la mer a cette epoque etaient extremement riches en carbonate de calcium, vulgairement appele craie. Cette craie, materiau essentiel d'enormes falaises, resulte d'amas de coquillages appartenant a des animaux microscopiques qui flottaient a la surface des mers. On s'en convainquit par 1'examen microscopique de poudre de craie qui revelait une multitude de tres petits coquillages. Ce n'est que tres recemment, avec les datations radiologiques, que Ton a ete en mesure d'attribuer 1'age reel, en millions d'annees, des differentes eres geologiques.

4. JEAN-BAPTISTE DE LAMARCK, PIONNIER DU TRANSFORMISME Le XVIII 6 siecle avait vu se mettre en place les bases d'une classification des especes vivantes et, par ce fait meme, les esprits s'etaient ouverts a 1'idee d'une filiation entre ces especes. Le XIX e siecle fut celui de la theorie transformiste ou s'illustrerent Jean-Baptiste DE LAMARCK, Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE, Charles DARWIN et Alfred WALLACE.

4.1. LAMARCK ET SON TEMPS Jean-Baptiste Pierre Antoine MONNET, Chevalier DE LAMARCK (1744 -1829) etait le dernier ne d'une famille de onze enfants peu fortunee. Destine dans sa jeunesse a entrer dans les ordres, LAMARCK decide de s'engager a 16 ans dans 1'armee. II guerroie en Hollande, quitte 1'uniforme a 24 ans avec le grade d'officier, etudie la medecine a Paris en assurant sa subsistance par quelques heures de travail chez un banquier. II frequente egalement le Jardin du roi ou il suit les cours de botanique d'Antoine-Laurent D E J U S S I E U . Ce dernier le J.B. DE LAMARCK (1744 -1829)

remarque, 1'encouraee, le conseille dans des traj ,1 i • • T » * , * ^T, j • vaux d herbonsation. LAMARCK apprend vite. T1II

devient rapidement un expert en botanique et

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publie en 1778 une Flore Frangaise. Get ouvrage attire 1'attention de BUFFON qui lui confie 1'education de son fils. En 1779 LAMARCK est regu a 1'Academic des sciences en tant que membre adjoint. Dans les annees 1780, il collabore a 1'Encyclopedie et au dictionnaire de botanique et en 1788 il se voit confier la charge de garde des herbiers du Jardin du roi. Avec la transformation du Jar din du roi en Museum d'histoire naturelle par decret de la Convention en juin 1793, les trois chaires d'enseignement sont subdivisees en douze chaires dont trois de botanique, deux de zoologie, deux de chimie, deux d'anatomie, une de mineralogie, une de geologie et une d'iconographie. La chaire de zoologie des animaux inferieurs (insectes, vers et microorganismes) echoit a LAMARCK qui se convertit a la zoologie et celle de zoologie des animaux superieurs a Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE (1772 - 1844). C'est en 1802 que Georges CUVIER (1769 -1832) deviendra titulaire de la chaire d'anatomie comparee. Avec ces trois zoologistes d'une stature scientifique de geants, le Museum d'histoire naturelle acquiert au debut du XIXe siecle un rayonnement unique en Europe. S'inspirant de la systematique linneene, LAMARCK propose en 1801 dans son ouvrage Systeme des Animaux sans Vertebres une division des invertebres en sept classes qui comprennent, de la plus complexe a la moins complexe, les mollusques, les crustaces, les arachnides, les insectes, les vers, les radiaires et les polypes. Plus tard seront individualises les annelides, les cirripedes et les infusoires. L'ceuvre immense de LAMARCK porte sur plusieurs milliers d'especes d'invertebres dont 1'etude est decrite dans son Histoire Naturelle des Animaux sans Vertebres parue entre 1815 et 1822. Mais sa contribution fondamentale dans 1'histoire de la biologic est 1'elaboration de la premiere theorie transformiste coherente. Cette theorie est developpee avec force d'exemples dans 1'ouvrage qu'il publie en 1809 sous le titre Philosophie Zoologique; elle sera retenue sous le nom de Lamarckisme. C'est dans le Discours d'Ouverture du 21 Floreal de I'An VIII (11 mai 1800) que LAMARCK expose pour la premiere fois les grandes lignes de la conception transformiste. A cette date, il avait 55 ans. LAMARCK est done un savant du XVIII 6 siecle, heritier tout particulierement des idees de BUFFON et de MAUPERTUIS, auxquels il convient de joindre le nom souvent oublie de Pierre CABANIS (1757 - 1808), medecin et naturaliste, qui publia entre 1790 et 1796 les six premiers memoires d'un ensemble de douze qui furent reunis en 1802 dans un ouvrage Rapport du Physique et du Moral. Get ouvrage au titre enigmatique n'en affichait pas moins des idees sur le transformisme. Ainsi, on y lisait: "les animaux peuvent etre modifies dans leurs dispositions intimes, acquerir une aptitude a recevoir certaines impressions et a executer certains mouvements. Travailles par le climat et toutes les autres circonstances physiques, ils regoivent une empreinte particuliere. Ces dispositions se transmettent des peres et meres aux enfants". Ces reflexions interessantes etaient malheureusement disseminees sans ordre et sans methode, et leur impact fut negligeable.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

En contemplant 1'echelle animale, LAMARCK fut amene a se demander si les differentes especes ne derivaient pas les unes des autres, 1'espece etant definie comme "toute collection d'individus semblables qui ont ete produits par des individus semblables a eux". II developpa la these selon laquelle les variations de 1'environnement jouent un role important dans revolution, en amenant certains organes a se developper et d'autres a s'atrophier. Du temps de LAMARCK, la notion de 1'adaptation aux conditions du milieu relevait essentiellement d'observations sans qu'une explication rationnelle fondee sur un support methodologique puisse etre fournie. Les lois de 1'heredite seront formulees par MENDEL vers le milieu du XIX e siecle (Chapitre III). Ce n'est qu'a la fin du XIX e siecle que seront precisees les fonctions respectives des cellules germinales et des cellules somatiques par WEISMANN (Chapitres II et III). Comme toute theorie novatrice, par consequent derangeante, la theorie formulee par LAMARCK fut 1'objet de critiques souvent acerbes. Un demi-siecle plus tard, Charles DARWIN qui s'inspira largement des idees du lamarckisme crut affirmer que LAMARCK avait ecrit que 1'adaptation des animaux aux conditions de 1'environnement provenait d'une volonte des animaux a se transformer, ce qui aurait ete d'une naivete deconcertante ; il s'agissait en fait d'une erreur de traduction du texte de LAMARCK. Alors que la theorie transformiste de LAMARCK etait reconnue et saluee dans les annees 1830 par 1'illustre geologue anglais Charles LYELL (1797 -1875) ainsi qu'en Allemagne, elle fut loin de recevoir en France 1'attention qu'elle aurait meritee. Si elle fut confortee par les travaux d'anatomie comparee d'Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE, elle fut par contre violemment attaquee par Georges CUVIER, un defenseur de 1'orthodoxie fixiste puis, toujours sous 1'influence de CUVIER, maintenue ignoree par une conspiration du silence. LAMARCK meurt en 1829, aveugle et oublie. A la fin du XIXe siecle et au debut du XX e , ses ecrits seront exhumes. Ses idees devenues surannees seront reprises en particulier en France, en s'appuyant sur une base plus doctrinale que scientifique; elles seront alors severement confrontees avec la theorie du neodarwinisme. 4.2. LES GRANDES LIGNES DU LAMARCKISME Les idees de base du lamarckisme peuvent etre resumees ainsi. La nature a dispose d'un temps quasi infini pour mettre en place des transformations durables qui ont finalement abouti a 1'emergence de 1'homme. Ces transformations ont ete conditionnees par des modifications de I'environnement, englobant les remaniements geologiques, le climat et la nourriture. "La nature, ecrit LAMARCK, dans la Philosophic Zoologique, en produisant successivement toutes les especes d'animaux et en commenc.ant par les plus imparfaits ou les plus simples pour terminer son ouvrage par les plus parfaits, a complique graduellement leur organisation. Ces animaux se repandant generalement dans

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toutes les regions habitables du globe, chaque espece a rec.u, de 1'influence des circonstances dans lesquelles elle s'est rencontree, les habitudes que nous lui connaissons et les modifications dans ses parties que 1'observation nous montre en elle". Par exemple, "1'oiseau que le besoin attire sur 1'eau pour y trouver sa proie, ecarte les doigts de ses pieds lorsqu'il veut frapper 1'eau et se mouvoir a sa surface. La peau qui unit ses doigts a leur base contracte par des ecartements sans cesse repetes 1'habitude de s'etendre. Ainsi avec le temps, les larges membranes qui unissent les doigts des canards se sont formees telles que nous les voyons". "Au contraire, poursuit-il, 1'oiseau que sa maniere de vivre habitue a se poser dans les arbres et qui provient d'individus qui avaient tous contracte cette habitude a necessairement les doigts des pieds plus allonges et conformes d'une autre maniere que les animaux aquatiques. Ses ongles avec le temps se sont allonges, aiguises et courbes en crochet pour embrasser les rameaux sur lesquels l'animal se repose si souvent". Autre exemple, "la taupe a perdu 1'usage de la vue car elle vit dans le noir". LAMARCK explique que "la terre aride et sans herbage ou vit la girafe oblige celle-ci a brouter le feuillage des arbres, en s'efforgant continuellement d'y atteindre. II est resulte de cette habitude soutenue depuis longtemps dans tous les individus de sa race que ses jambes de devant sont devenues plus longues que celles de derriere et que son col s'est tellement allonge que la girafe sans se dresser sur ses jambes de derriere eleve sa tete et atteint pres de vingt pieds (six metres) de hauteur". Selon LAMARCK, 1'evolution est unidirectionnelle. En partant de systemes simples, la nature a graduellement elabore des systemes de plus en plus complexes et perfectionnes. La philosophic de LAMARCK est nettement deterministe. Du lamarckisme trois principes essentiels ont ete retenus : 1. L'action directe du milieu, 2. Le role de 1'usage et du non-usage, 3. La transmission a la descendance des transformations acquises au contact avec le milieu, ce que la litterature contemporaine a traduit par heredite des caracteres acquis. Si ces principes resument de fac.on correcte, mais lapidaire, la pensee de LAMARCK, encore convient-il de les nuancer en retournant aux sources. Par exemple, en ce qui concerne la regie de 1'usage et du non-usage, LAMARCK insiste sur la plasticite des organes chez le tres jeune animal. "Dans tout animal qui n'a pas depasse le terme de son developpement, 1'emploi le plus frequent d'un organe fortifie et developpe cet organe". En ce qui concerne 1'heredite des caracteres acquis, LAMARCK ecrit: "tout ce que la nature a fait acquerir ou perdre aux individus par 1'influence des circonstances ou par celle d'un defaut d'usage, elle le conserve par la generation aux nouveaux individus qui en proviennent". Si Ton remplac,ait le fragment de phrase "par 1'influence des circonstances ou par celle d'un defaut d'usage" par tout simplement "grace a des mutations", la proposition de LAMARCK serait d'actualite. En fait, ce n'est qu'au debut du XXe siecle que la notion de mutation sera acquise.

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II est possible que LAMARCK, comme le fut plus tard DARWIN, ait ete influence par les idees de Thomas Robert MALTHUS (1766 -1834), un economiste anglais auteur d'un ouvrage sur Le Principe de Population paru en 1798. L'idee chere a MALTHUS d'une lutte pour 1'existence est retrouvee chez LAMARCK quand il ecrit: "la multiplication des petites especes d'animaux est si considerable et les renouvellements de leurs generations sont si prompts que ces petites especes rendraient le globe inhabitable si la nature n'eut mis un terme a leur prodigieuse multiplication".

5. LA PERIODE

PRE-DARWINIENNE

Bien que de doctrines foncierement opposees, le transformiste Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE et le fixiste Georges CUVIER feront, dans la premiere moitie du XXe siecle, ceuvre de pionniers dans le developpement de 1'anatomie comparee et de la paleontologie. Avec LAMARCK, ils ouvriront la voie a une reflexion nouvelle et approfondie sur le sens du vivant.

5.1. ETIENNE GEOFFROY SAINT-HILAIRE DEUX DESTINS, DEUX CARRIERES

ET GEORGES CUVIER :

Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE est ne a Etampes d'une famille de magistrats. Destine initialement a la pretrise, on le retrouve a Paris etudiant en droit, puis bachelier en droit en 1790. A ses heures libres, il frequente le Jardin du roi et suit 1'enseignement de botanique dispense par Antoine-Laurent DE JUSSIEU, les demonstrations de chimie et les lemons de zoologie, donnees respectivement par Antoine D E FOURCROY (1755 - 1809) et Louis DAUBENTON. II frequente egalement le college du Cardinal LEMOINE ou professent Charles-Frangois L H O M O N D E. GEOFFROY SAINT-HILAIRE (1727 - 1794), grammairien et botaniste, et (1772 -1844) Rene-Just HAUY, latiniste et fondateur de la cristallographie. L'enseignement d'HAUY le passionne, et c'est vers une carriere de mineralogiste qu'il souhaite s'orienter. Cependant un evenement politique decidera autrement de son avenir. En 1792 commence la periode sanglante de la Revolution franchise. En aout de cette annee-la, LHOMOND et HAUY sont incarceres a la prison du Temple. Se deguisant en commissaire de police, GEOFFROY SAINT-HILAIRE persuade le gardien de la prison de lui livrer plusieurs prisonniers dont LHOMOND et HAUY pour, soi-disant, une comparution immediate devant le tribunal revolutionnaire. C'est ainsi que ces prisonniers

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echapperont aux massacres de septembre 1792. HAUY ne sera pas oublieux. Au debut de 1'annee 1793, il persuadera Jacques Henri BERNARDIN DE SAINT-PIERRE (1737 -1814), alors intendant au Jardin du roi, de nommer Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE sous-demonstrateur de zoologie dans cet etablissement. Lorsque peu apres le Jardin du roi est reorganise en Museum d'histoire naturelle et que le nombre des chaires d'enseignement est quadruple, GEOFFROY SAINT-HILAIRE se voit attribuer la chaire des animaux superieurs (mammiferes, oiseaux, reptiles et poissons). II n'a que 21 ans et a tout a apprendre en zoologie. Quand on connait la contribution majeure de GEOFFROY SAINT-HILAIRE a la science de l'anatomie comparee, on ne peut etre qu'impressionne par 1'intuition de ceux qui furent a 1'origine de sa carriere. Le parcours de Georges CUVIER ne fut pas moins tourmente et etonnant que celui d'Etienne

GEOFFROY SAINT-HILAIRE. CUVIER est ne a Montbeliard d'une famille de militaires. Avant la revolution, Montbeliard faisait partie du duche du Wurtemberg. C'est pour cette raison qu'on trouve Georges CUVIER a 15 ans comme etudiant en droit et en economic politique a 1'universite de Stuttgart. Montbeliard fut rattache a la France en 1793. A cote de ses etudes de droit, CUVIER se passionne pour la botanique et la zoologie et suit 1'enseignement de Karl Friedrich KIELMEYER G. CUVIER (1765 -1844), un specialiste de l'anatomie compa(1769 - 1832) ree qui sera son mentor. KIELMEYER considerait le monde vivant comme 1'aboutissement d'un parcours evolutif qui avait debute avec le monde mineral. Quant aux especes eteintes correspondant aux fossiles, il les comparait aux organes transitoires qui apparaissent et disparaissent dans le cours de la vie d'un individu, comme les dents de lait. On retrouve CUVIER age de 21 ans, a sa sortie de 1'universite de Stuttgart, precepteur d'un fils de famille noble, la famille d'HERICI, dans les environs de Fecamp. Son temps libre, il 1'occupe a collectionner, dissequer et dessiner des animaux marins. Une societe d'agriculture et de sciences naturelles avait ete fondee a Fecamp. CUVIER en est le secretaire. C'est la que le hasard 1'amene a rencontrer un naturaliste parisien, membre de 1'Institut, refugie en Normandie, 1'abbe TEISSIER. Ce dernier, frappe par le savoir de CUVIER et la clarte de ses descriptions decide de le recommander a ses collegues parisiens, notamment a Antoine-Laurent DE JUSSIEU et Etienne GEOFFROY SAINT-HILAIRE, titulaires a cette epoque de chaires d'enseignement au Museum d'histoire naturelle. C'est ainsi que CUVIER fut appele a Paris en 1795 par GEOFFROY SAINT-HILAIRE. D'emblee les deux hommes collaborent et publient la meme annee quatre articles sur des sujets de zoologie. Cependant leurs temperaments et leurs types d'ambition sont trop differents ; leur collaboration ne sera qu'ephemere. CUVIER s'appuie sur des faits. GEOFFROY SAINT-HILAIRE est un visionnaire.

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Participant a la reorganisation de 1'Academie des sciences apres la Revolution de 1789, CUVIER en deviendra membre elu des 1796, alors que GEOFFROY SAINT-HILAIRE ne le sera que douze ans plus tard. CUVIER accumulera les charges et les honneurs. II sera conseiller d'Etat, grand maitre de 1'universite, pair de France, des marques de prestige dont GEOFFROY SAINT-HILAIRE semblait detache. Malgre des conceptions divergentes, grace a 1'acuite de leur esprit et a 1'originalite de leur demarche, tous deux contribuerent a donner une impulsion aux sciences naturelles de 1'epoque.

5.2. L'AFFRONTEMENT TRANSFORMISME

GEOFFROY SAINT-HILAIRE CONTRE

- CUVIER :

FIXISME

Quelles etaient les divergences de doctrines chez CUVIER et GEOFFROY SAINT-HILAIRE ? CUVIER est considere comme un ideologue du fixisme. Dans un memoire adresse en 1797 a 1'Academie des sciences, il ecrit que 1'elephant fossilise, dont il vient de decouvrir le squelette, est une espece distincte des especes actuelles, une espece eteinte, definitivement perdue. Pour CUVIER, aucun des animaux dont on trouve les ossements fossilises repandus sur differents points du globe n'existe aujourd'hui. Ces ossements fossilises doivent appartenir a des etres d'un monde anterieur au notre, largement efface, a des etres disparus du fait de bouleversements cataclysmiques de la surface du globe. Leur auraient succede des formes de vie entierement nouvelles impliquant ainsi des discontinuites de la vie entre les differentes eres geologiques. Le deluge universel qu'il fait remonter a 6 000 ans, aurait ete le dernier cataclysme. CUVIER resume sa doctrine dans son Discours sur les Revolutions de la Surface du Globe dont la premiere version date de 1812. C'est la theorie du catastrophisme qui postule que des extinctions d'especes vivantes a des epoques determinees avaient ete massives mais non totales et qu'a ces extinctions avait fait suite la creation d'especes tout a fait nouvelles. Un catastrophisme nettement plus radical que celui avance par CUVIER, avec eradication totale de la vie a de multiples reprises, fut postule a la meme epoque par Alcide D'ORBIGNY (1802 -1857). En realite, 1'evolution s'est faite a partir des especes epargnees a la suite d'extinctions qui ne furent jamais totales. Pour contestable qu'ait ete la doctrine fixiste de CUVIER, il convient de rendre justice a son immense talent de paleontologue et d'anatomiste et d'evaluer sa doctrine dans le contexte politique et religieux de son temps. CUVIER s'ingenia a reconstituer des squelettes d'animaux a partir de fragments d'ossements fossiles. Sa fac.on de proceder s'appuyait sur le principe de correlation des formes, selon lequel "chaque etre forme un ensemble clos dont toutes les parties se correspondent mutuellement pour une meme action". Le principe de correlation stipule que la modification d'une partie du corps entraine celle de diverses autres parties. "Supposons, ecrivait CUVIER, dans le Discours sur les Revolutions du Globe, un animal carnivore. II aura necessairement des organes du mouvement, des doigts, des dents, un estomac, disposes

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pour atteindre, saisir, dechirer, digerer une proie, et toutes ces conditions sont enchainees, car si une seule manquait, toutes les autres seraient sans effet et I'animal ne pourrait subsister". II continuait: "les animaux a sabots doivent etre herbivores, puisqu'ils n'ont aucun moyen de saisir leur proie. N'ayant d'autre usage a faire de leurs pieds de devant que de soutenir leur corps, ils n'ont pas besoin d'une epaule vigoureusement organisee, d'ou 1'absence de clavicule et d'acromion, et 1'etroitesse de 1'omoplate. Leur regime herbivore exigera des dents a couronne plate pour broyer les herbages". En somme, de la forme d'une seule partie de son corps, de la forme des dents par exemple, on devait pouvoir tirer des conclusions sur la forme des pieds ou celle des machoires. Tout en restant un fixiste convaincu, CUVIER postulait qu'il existait un plan de creation avec une hierarchie progressive de complexite portant sur deux types de caracteres : les caracteres dominants, parmi lesquels 1'organisation du systeme nerveux, et des caracteres de moindre importance, dits subordonnes. CUVIER utilisa les caracteres dominants pour la division du regne animal en quatre embranchements : les vertebres, les mollusques, les articules et les radies, correspondant a quatre plans generaux d'organisation. Chacun de ces embranchements etait subdivise sur la base des caracteres subordonnes. La meme fac.on de proceder se retrouva dans 1'ceuvre du naturaliste suisse Louis AGASSIZ (1807 -1873) qui fut 1'un des derniers representants de la doctrine fixiste. Pour AGASSIZ, 1'ensemble des etres vivants etait le resultat d'un plan preconc.u a 1'origine par le Createur, plan realise par une serie de creations dont la paleontologie donne pour chaque espece la date approchee et qui se succedent dans le temps selon un ordre determine. La doctrine transformiste de GEOFFROY SAINT-HILAIRE differe radicalement du fixisme de CUVIER. On la trouve exposee en particulier dans son ouvrage Philosophie Anatomique des Organes Respiratoires sous le Rapport de la Determination et de I'ldentite des Pieces Osseuses, paru en 1818. Y sont commentes des principes d'anatomie comparee qui serviront a etayer la theorie du transformisme. Deux d'entre eux sont fondamentaux : le principe des analogies et le principe des connexions. En decoulent deux autres, le principe des affinites electives d'elements organiques et le principe de 1'equilibre du developpement des organes. En bref, dans des especes animales differentes, il existe des analogies (denommees actuellement homologies) de disposition d'organes qui, dans chaque espece, possedent une fonction specifique. Ainsi, le bras de 1'homme, la patte du cheval, 1'aile de la chauve-souris, la nageoire du marsouin sont soutenus par des squelettes homologues, c'est-a-dire provenant d'un meme squelette ancestral, bien qu'ils n'aient pas la meme fonction. Un exemple d'analogie (d'homologie) explicite dans la Philosophie Anatomique porte sur le squelette sternal chez le lezard, le pic, 1'ornithorynque et le phoque entre autres animaux (Figure 1.4). GEOFFROY SAINT-HILAIRE note aussi que 1'opercule chez le poisson, une piece osseuse qui recouvre les branchies, se retrouve dans un osselet au niveau du tympan ches les mammiferes. II est done clair qu'une analogic de structure ne conditionne pas une analogic de fonction.

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Lezard vert

Pic

Ornithorynque

Phoque

Figure 1.4 - Mise en evidence d'homologies dans le squelette sternal de differentes especes animales (d'apres E. GEOFFROY SAINT-HILAIRE - La Philosophie anatomique, 1818)

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Le principe des connexions stipule que, chez des animaux issus d'un ancetre commun, les organes conservent la meme topographie anatomique, bien que leur forme et leur fonction aient pu diverger. C'est le cas par exemple des nageoires pectorales des poissons osseux et des ailes des oiseaux localisees dans une meme region du corps. En bref, concluait GEOFFROY SAINT-HILAIRE, la nature n'a, pour former les animaux, qu'un nombre limite d'"elements organiques" qu'elle peut modifier, par exemple raccourcir, amoindrir... sans toutefois les deranger de leurs places respectives. On lui fit remarquer que les connexions dorso-ventrales chez les invertebres sont inversees chez les vertebres. Ainsi le systeme nerveux est en position dorsale chez les vertebres alors qu'il est en position ventrale chez les crustaces et les insectes. GEOFFROY SAINT-HILAIRE repliqua a cette critique en decrivant 1'anatomie du homard (1822). II montra qu'en retournant ranimal, le ventre en haut, le dos en bas, les organes, intestin, cceur, aorte, carotides, etaient ordonnes topographiquement comme chez les mammiferes. GEOFFROY SAINT-HILAIRE generalisa et postula que tous les animaux sont batis sur le meme plan. La reside la difference majeure avec la theorie de CUVIER qui erigeait en dogme 1'existence de quatre plans differents d'organisation anatomique correspondant aux quatre embranchements qu'il avait reconnus chez les animaux : "vertebres, mollusques, articules et radies" et qu'il avait considered comme le resultat de creations successives. Les recherches modernes sur le developpement ont permis d'identifier des genes speciaux appeles homeogenes, qui presentent une sequence particuliere, 1'homeoboite retrouvee dans les especes animales jusque chez la drosophile. Les homeogenes supervisent 1'emplacement de la future tete, du futur thorax et d'autres parties du corps suivant 1'axe antero-posterieur de ranimal. Comme 1'a fait remarquer Herve LE GUYADER dans son ouvrage GEOFFROY SAINT-HILAIRE, un naturalists, un visionnaire publie en 1998, la situation ventrale d'organes chez les vertebres et la situation dorsale d'organes homologues chez les invertebres est sous le controle des homeogenes. Le passage des invertebres aux vertebres a ete accompagne d'un changement d'orientation d'organes, la connexion de ces organes restant la meme. L'opposition entre les theses soutenues par CUVIER et GEOFFROY SAINT-HILAIRE devint quasi passionnelle a la fin des annees 1820 et se concretisa au printemps 1830, lors des seances de 1'Academie des sciences, dans un debat reste celebre, dont le bruit depassa largement nos frontieres. En aout 1830, GOETHE conversait avec son secretaire Johann Peter ECKERMANN (1792 - 1854) de la situation explosive qui avait regne a Paris quelque temps auparavant. ECKERMANN pensait que GOETHE faisait allusion a la revolution de juillet 1830. GOETHE 1'interrompit: "Je ne parle pas de ces gens-la. Je parle de la discussion entre

GEOFFROY SAINT-HILAIRE et CUVIER sur 1'evoiution".

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6. CHARLES DARWIN ET ALFRED WALLACE : L'EMERGENCE D'UNE NOUVELLE THEORIE DE DEVOLUTION En novembre 1859, parait le fameux ouvrage On the Origin of Species by means of Natural Selection, or the Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life par Charles DARWIN. Son succes est foudroyant. Le premier tirage a 1250 exemplaires est epuise le jour meme de la publication. La theorie du transformisme presentee par Charles DARWIN sera baptisee darwinisme. Alors que le lamarckisme admettait un certain determinisme, le darwinisme s'accommode de la contingence. La contingence definie comme la possibilite qu'une chose arrive ou n'arrive pas implique une grande flexibilite de decision devant des choix multiples. Dans le lamarckisme, tout etre nouveau representait un progres par rapport aux etres qui avaient existe avant lui. Dans le darwinisme, des modifications fortuites, soit des defauts, soit des ameliorations, peuvent apparaitre, mais la nature ne favorise que les variations compatibles avec 1'environnement, ce qui donne 1'impression qu'elle selectionne les ameliorations. Le principe majeur du darwinisme est la selection naturelle avec ses deux corollaires, la variation continue engendre des variants et c'est le variant le plus apte qui survit.

6.1. SELECTION NATURELLE ET LUTTE POUR I/EXISTENCE Comme pour nombre de savants de cette epoque, le parcours de Charles DARWIN fut insolite. Ne en 1809 dans une famille aristocratique, Charles DARWIN, malgre une intelligence peu commune, ne se fit cependant pas specialement remarquer par son parcours universitaire. En fait, il etait passionne par les choses de la nature. II est vrai que son grand-pere etait zoologiste et avait redige un traite de zoologie intitule Zoonomia. A 1'age de 16 ans, il est envoye a 1'universite d'Edimbourg par son pere, brillant ^ r^.,,,,, medecin, rpour suivre des etudes de medecine. C. DARWIN (1809-1882) C est a cette epoque que Charles D A R W I N entend parler pour la premiere fois de LAMARCK et de son traite de Philosophic Zoologique. Peu enclin a embrasser la carriere medicale, il quitte 1'Ecole de medecine d'Edimbourg au bout de deux ans. On le retrouve a 1'universite de Cambridge ou il poursuit pendant trois ans (1828 - 1831) des etudes de lettres classiques et de theologie. Comme il le mentionne dans son autobiographic, il s'interesse beaucoup plus a collectionner les insectes. A Cambridge il a la chance de frequenter des professeurs au savoir encyclopedique, parmi lesquels le Reverend John HENSLOW (1796 - 1861),

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professeur de botanique, et le Reverend Adam SEDGWICK (1785-1873), eminent geologue. Des lectures d'ouvrages, comme La Narration Personnelle par Wilhelm VON HUMBOLDT (1769 - 1859), naturaliste, geologue, geographic, et 1'Introduction a I'Etude de la Philosophic Naturelle par 1'astronome William HERSCHEL (1738 -1822) auront une profonde influence sur DARWIN. En aout 1831, le jeune capitaine FITZ-ROY (1805 -1865) s'apprete a faire un tour du monde avec son bateau, le Beagle, pour differentes missions et entre autres pour des releves geographiques. Un naturaliste est prevu dans 1'equipage. Sur la recommandation de HENSLOW, Charles DARWIN est recrute. II n'est age que de 22 ans. Le 27 decembre 1831 il embarque pour un voyage autour du monde de pres de cinq ans. La petite histoire raconte que, loge sur le Beagle dans un espace exigu, il eut a s'en accommoder pour ranger les collections de differente nature qui s'accumulaient. DARWIN apprit ainsi a s'organiser avec une methode particulierement efficace qui lui servira plus tard dans la redaction de ses innombrables documents. Robert BROWN, le decouvreur du noyau de la cellule (Chapitre II-4.1), avait conseille a DARWIN, avant qu'il ne s'embarque, de ne pas s'embarrasser d'un microscope compose. C'etait un conseil avise. II valait mieux decouvrir avec ses yeux le panorama grandiose de la nature pour en saisir le sens plutot que d'examiner les details microscopiques qui en auraient alourdi la perception. A son retour en Angleterre, en octobre 1836, DARWIN commence la redaction de ses premieres notes de voyage d'abord a Londres, puis a Down dans le comte de Kent apres son mariage en Janvier 1839. En 1838, il est amene a prendre connaissance de 1'ouvrage de MALTHUS sur la population. MALTHUS considerait que la population humaine s'accroit suivant une progression geometrique alors que les ressources augmentent essentiellement suivant une progression arithmetique. "Comme j'etais bien place, ecrit DARWIN dans son autobiographie, pour apprecier la lutte omnipresente pour 1'existence du fait de mes nombreuses observations sur les habitudes d'animaux et des plantes, 1'idee me vint tout a coup que, dans ces circonstances, les conditions favorables auraient tendance a etre preservees, et les defavorables a etre detruites. II en resulterait la formation de nouvelles especes. J'avais done enfin trouve une theorie sur laquelle travailler; mais j'etais si anxieux d'eviter les critiques que je decidai de n'en pas ecrire la moindre esquisse pour quelque temps. En juin 1842, je m'accordai pour la premiere fois la satisfaction de rediger au crayon un tres bref resume de ma theorie en 35 pages; puis je 1'augmentai pendant 1'ete 1844 jusqu'a 230 pages". Darwin poursuit: "mais a cette epoque, je negligeais un probleme de grande importance. II s'agit de la tendance qu'ont les etres organiques d'une meme origine a diverger dans leur caractere une fois qu'ils se modifient... La solution est la suivante : la descendance modifiee de toutes les formes dominantes et croissantes tend a s'adapter au fur et a mesure a des situations nombreuses et diversifiees toujours possibles dans 1'equilibre de la nature". En 1856, le geologue anglais LYELL qui s'interesse aux travaux de DARWIN lui conseille de developper plus amplement ses vues. C'est au debut

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de 1'ete 1858 que brusquement surgit un competiteur redoutable en la personne de son compatriote naturaliste Alfred Russel WALLACE (1823 -1913). Le debutsdans la vie d'Alfred WALLACE differe singulierement de celui de Charles DARWIN. Issu d'une famille desargentee de la petite bourgeoisie anglaise, WALLACE quitte 1'ecole a 1'age de 13 ans et rejoint son frere comme apprenti arpenteur. A 20 ans, il occupe un poste de surveillant dans un college de Leicester. II frequente la bibliotheque de la ville. Interesse par les sciences naturelles, il se passionne pour des ouvrages qui en traitent avec autorite parmi lesquels Les Principes de Geologie de LYELL (1832), Le Principe de Populations de MALTHUS et des publications d'HUMBOLDT et A.R. WALLACE de DARWIN. Le hasard fait qu'il rencontre un (1823 -1913) jeune entomologiste Henry BATES qui 1'initie a la biologic des insectes. L'influence de BATES sur WALLACE peut etre comparee a celle de HENSLOW sur DARWIN. A partir de cette epoque, le parcours scientifique de WALLACE sera quasiment parallele a celui de DARWIN. En 1848, WALLACE s'embarque avec BATES pour 1'Amazonie. Us explorent la flore et la faune quasi inconnues de cette contree avec 1'idee bien arretee d'en tirer des documents revelateurs sur 1'evolution des especes vivantes. Apres quatre ans, WALLACE retourne en Angleterre. En 1854, il repart a destination de 1'archipel Malais. En 1855, il ecrit un article qui paraitra dans Annals and Magazine of National History sur "la loi qui preside a 1'introduction de nouvelles especes". II note en particulier que des especes etroitement apparentees, mais differant par un ou plusieurs caracteres, se rencontrent dans une meme region, mais dans des sites differents, ce qui laisse entrevoir la notion de speciation geographique qui sera elaboree par DARWIN. L'article de WALLACE attire 1'attention de LYELL et de DARWIN. En Janvier 1858, dans 1'archipel des Moluques, WALLACE entrevoit brutalement le role que pourrait avoir la selection naturelle dans revolution. II jette ses idees dans un article qu'il ecrit en 1'espace de quelques jours et qu'il adresse pour avis a DARWIN. L'article etait intitule On the Tendency of Varieties to Depart Indefinitely from the Original Type. Les memes idees que celles soutenues par DARWIN y etaient developpees. L'enjeu de la competition entre DARWIN et WALLACE pour une nouvelle theorie de 1'evolution apparut tellement clair qu'a la requete du geologue Charles LYELL et du botaniste Joseph HOOKER (1785 -1865) le memoire de WALLACE et une esquisse du futur ouvrage de DARWIN The Origin of Species by Means of Natural Selection or the Preservation of Favored Races in the Struggle for Life furent presentes de concert devant la Societe Linneenne de Londres le ler juillet 1858. Lorsque L'Origine des Especes parut en novembre 1859, WALLACE admit, en parfait gentleman, que "jamais on n'eut reuni d'aussi importantes masses de faits jusque-la disperses et de maniere a

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etablir une si grande philosophic, et si simple et si neuve". L'Origine des Especes, ouvrage majeur dans 1'histoire de la biologic, ne fut pas le seul livre a etre ecrit par DARWIN. II y en cut une dizaine d'autres, dont deux sont directement lies a la theorie de 1'evolution, The Descent of Man and Selection in Relation to Sex et The Expression of the Emotions in Man and Animals. Quand 1'epouse de 1'archeveque de Worcester entendit parler de L'Origine des Especes, elle s'ecria : "Que nous descendions du singe, esperons que ce ne soit pas vrai. Mais si ca Test, prions pour qu'on ne le sache pas". 6.2. UNE ILLUSTRATION DU PRINCIPE DE SELECTION : LE EEC DES PINSONS DES ILES GALAPAGOS ET LE COU DE LA GIRAFE Un des points forts du voyage de DARWIN autour du monde avait ete 1'escale prolongee, du 15 septembre au 20 octobre 1835, qu'il fit dans les Galapagos, un archipel d'une douzaine d'iles distantes les unes des autres de quelques dizaines de kilometres, situees dans 1'Ocean Pacifique, a un millier de kilometres des cotes de 1'Amerique du Sud a la hauteur de la Republique de 1'Equateur. DARWIN fut frappe par des differences phenotypiques mineures, mais significatives chez des animaux ou des vegetaux qu'il appela variants. Ces variants provenaient d'une meme espece et etaient localises dans des iles differentes. Le cas des pinsons est souvent cite dans la litterature. DARWIN remarqua que les pinsons des iles Galapagos ont des phenotypes, bee, plumage, griffes de pattes, qui different d'une ile a 1'autre et qui dependent apparemment de 1'environnement. Un exemple typique est celui du pinson a gros bee, Geospiza magnirostris. Ce pinson se nourrit de gros fruits contenant des graines relativement dures; il met quelques secondes seulement pour extraire les graines du fruit et les broyer. Une autre espece de pinson, Castospiza pallida, qui lui est un pinson a bee fin, se nourrit d'insectes lesquels se logent dans 1'ecorce du bois. II ne pourra pas entrer en competition avec Geospisza magnirostris pour une nourriture a base de grosses graines; il devra se con tenter d'insectes xylophages. En bref, les pinsons qui ont peuple les differentes iles Galapagos peuvent etre regroupes en plusieurs categories suivant leur type d'alimentation : granivores, herbivores, insectivores, mangeurs de cactus (Figure 1.5). Dans L'Origine des Especes, DARWIN expliqua qu'a partir d'une population homogene initiale correspondant a une espece definie, venant du continent americain et se retrouvant par chance sur 1'une des iles Galapagos, serait apparu d'abord un variant qui se serait adapte a cette ile en fonction des conditions du milieu et 1'aurait peuplee. De ce premier variant serait issu un autre variant qui se serait mieux adapte a une autre ile et y aurait prolifere. Chacun aurait ainsi trouve la niche ecologique la mieux adaptee a sa survie et a sa proliferation. Par une pression de selection due a une preference d'accouplement entre individus les plus semblables se serait produite une segregation d'habitat geographique entre des variants d'une meme espece, a la rigueur entre ceux d'especes tres voisines. C'est le phenomene de speciation, valable pour toutes les especes animales et vegetales.

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Diversification des pinsons apres colonisation des lies Galapagos a partir du continent americain, il y a environ 600 000 ans, et adaptation a des niches ecologiques en fonction de conditions alimentaires. Cactospiza pallida se nourrit d'insectes extraits avec son bee de 1'ecorce des arbres. Geospiza magnirostris se nourrit de graines dures.Geospiza scandens se nourrit de graines de cactus et Certhidea olivacea, insectivore, se comporte comme une fauvette. Figure 1.5 - Les pinsons des iles Galapagos (d'apres M. RIDLEY - L'Evolution biologique, 1997)

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Reprenant 1'exemple de la girafe et de son long cou, discute par LAMARCK en termes d'adaptation, DARWIN ecrit que "pendant une periode de disette une variete a long cou a eu 1'avantage sous ce rapport sur le reste de 1'espece, et lui a survecu parce qu'elle a pu brouter le feuillage hors de la portee des autres, et qu'elle a transmis a sa descendance cette particularite de conformation". Pour LAMARCK, le caractere "long cou" correspondait a une amelioration lente de 1'espece girafe dans un but clairement utilitaire. Pour DARWIN, le caractere "long cou" est apparu spontanement, par variations au sein de 1'espece girafe. Ce genre de variation a ete selectionne comme un avantage, et le variant "long cou" a supplante le reste de 1'espece. L'exemple de la girafe qui oppose selection et adaptation illustre la difference majeure qui existe entre le darwinisme et le lamarckisme. II est essentiel de noter qu'a 1'epoque de DARWIN, les notions de genes et de chromosomes etaient inconnues. La nature des processus cellulaires qui pouvaient expliquer les variations spontanees postulees par DARWIN restait ignoree et ne pouvait faire 1'objet que d'hypotheses, fruits de la pure imagination. 6.3. LE PARALLELE ENTRE SELECTION NATURELLE ET SELECTION

ARTIFICIELLE

Pour etayer sa theorie, DARWIN proceda en raisonnant par analogie avec la variabilite chez les animaux domestiques et la selection artificielle pratiquee par les eleveurs. "Considerons, ecrivait-il dans L'Origine des Especes, la formation graduelle de nos races domestiques... nous ne pouvons supposer que toutes ces races ont ete soudainement produites avec toute la perfection et toute 1'utilite qu'elles ont aujourd'hui. Le pouvoir de selection, d'accumulation, que possede l'homme est la clef du probleme ; la nature fournit des variations successives, I'homme les accumule dans certaines directions qui lui sont utiles. Dans ce sens, on peut dire que l'homme cree a son profit des races utiles". DARWIN poursuivait: "comme des variations manifestement utiles ou agreables a l'homme ne se produisent qu'accidentellement, on a d'autant plus de chances qu'elles se produisent qu'on eleve un plus grand nombre d'individus... Pour qu'un grand nombre d'individus d'une espece quelconque existe dans un meme pays, il faut que 1'espece y trouve les conditions d'existence favorables a sa reproduction". Encore convenait-il d'extrapoler a la nature sauvage ce que l'homme a impose et maitrise de fa^on artificielle. DARWIN repondit positivement a cette question, en soulignant les divergences nombreuses et legeres qui se produisent chez les descendants d'un meme parent, et le fait que les especes les plus repandues sont celles qui varient le plus. "Comment se fait-il, ecrit DARWIN, que des varietes, appelees especes naissantes, aient fini par se convertir en especes vraies et distinctes". "Comment se forment ces groupes d'especes qui constituent ce qu'on appelle des genres distincts; tous ces effets decoulent d'une meme cause, la lutte pour 1'existence. Grace a cette lutte, les

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variations quelque faibles qu'elles soient et de quelque cause qu'elles proviennent, tendent a preserver les individus d'une espece et se transmettent a leur descendance, pourvu qu'elles soient utiles a ces individus dans leurs rapports infiniment complexes avec les autres etres organises et avec les conditions physiques de la vie". "J'ai donne, dit-il, a ce principe en vertu duquel une variation si insignifiante qu'elle soit se conserve et se perpetue si elle est utile, le nom de selection naturelle pour indiquer les rapports de cette selection avec celle que rhomme peut accomplir" et ailleurs : "la selection naturelle n'agit que par la conservation et 1'accumulation de petites modifications hereditaires dont chacune est profitable". Un parametre important qui se degage de ces considerations et qui n'avait pas echappe a LAMARCK est la tendance de chaque etre a se multiplier. DARWIN refere a la doctrine de MALTHUS. "Comme il nait plus d'individus qu'il n'en peut vivre, il doit y avoir lutte pour 1'existence, soit avec un autre individu de la meme espece, soit avec des individus d'especes differentes". En bref, le darwinisme postule que la selection est un mecanisme regulateur qui, en eliminant les moins aptes, limite le surpeuplement. Le darwinisme s'appuie done sur deux observations indeniables : 1. L'existence de variations dans les especes vivantes, 2. L'existence d'une selection d'individus qui survivent a d'autres au sein d'une meme espece parce que plus aptes dans une lutte pour 1'existence en face d'obstacles qui viennent de 1'environnement.

6.4. LA SELECTION SEXUELLE DANS DEVOLUTION En 1871, Charles DARWIN publia un ouvrage qui etendait a 1'homme sa theorie de la selection, The Descent of Man and Selection in Relation to Sex, ou le terme "descent" doit etre traduit par "filiation" ou "origine". Le probleme de 1'origine de 1'homme etait pose d'emblee en les termes suivants : "1'homme est-il le descendant modifie de quelque forme preexistante ? Pour resoudre cette question, il convient d'abord de rechercher si la conformation corporelle et les facultes mentales de 1'homme sont sujettes a des variations, si legeres qu'elles soient, et, dans ce cas, si ces variations se transmettent a sa progeniture conformement aux lois qui prevalent chez les animaux inferieurs". La reponse fournie par DARWIN etait non-ambigue : "1'homme descend d'une forme moins parfaitement organisee que lui". Se fondant sur differents criteres empruntes a 1'anatomie comparee (similitude du squelette et des visceres), a 1'embryologie (meme morphologie dans les premiers stades du developpement embryonnaire) et a 1'infectiologie (similitude des maladies apportees par certaines bacteries), DARWIN concluait: "nous apprenons ainsi que 1'homme descend d'un mammifere velu, pourvu d'une queue et d'oreilles pointues qui probablement vivait sur les arbres..., un quadrumane. Les quadrumanes et tous les mammiferes superieurs descendent probablement d'un marsupial ancien, descendant lui-

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meme de quelque etre pareil a un reptile ou a un amphibie qui descendait a son tour d'un animal semblable a un poisson". Le postulat aussi clairement exprime de 1'origine de rhomme et des animaux a partir d'un ancetre commun fut immediatement frappe d'anatheme par 1'Eglise. Quant a la selection sexuelle commentee par DARWIN dans le meme ouvrage, elle n'etait pas considered comme une lutte pour 1'existence, mais comme une lutte pour s'assurer une descendance. De meme que chaque individu recherche la nourriture qui lui est indispensable, de meme il cherche a se reproduire. Les males luttent les uns centre les autres pour la possession des femelles. Sans etre mortelle, la selection sexuelle est aussi rigoureuse que la selection naturelle, en ce sens que c'est elle qui controle la proliferation de 1'espece. 6.5. L'ACCUEIL DU DARWINISME DANS LA COMMUNAUTE

SCIENTIFIQUE

Des sa parution, L'Origine des Especes fut en butte a de violentes critiques. Dans son propre pays, DARWIN connut un adversaire de taille en la personne de Richard OWEN (1804 -1892), excellent zoologiste et paleontologue qui avait cree le terme de dinosaure en 1841 et fait la premiere description de I'Archeopterix. L'attitude antidarwinienne d'OWEN refletait celle du milieu politique et religieux qui affichait une volonte determinee de maintenir une place a part pour rhomme dans la hierarchic de la nature. Le paleontologue suisse Louis AGASSIZ restait un fixiste convaincu. Darwin eut cependant d'ardents defenseurs, en particulier en Angleterre le philosophe Herbert SPENCER (1820 - 1903) et le naturaliste Thomas HUXLEY (1825 -1895), et en Allemagne 1'embryologiste et zoologiste Ernst HAECKEL (1834 -1919). Thomas HUXLEY publia entre 1860 et 1887 sept essais qui furent rassembles dans un volume reedite en 1891 et traduit en frangais en 1892 sous le titre L'Evolution et I'Origine des Especes. Un exemple type fourni par HUXLEY a 1'appui de la these de DARWIN est celui du cheval et de ses predecesseurs eteints dont on retrouve des traces dans les sediments geologiques du Tertiaire, en particulier dans 1'Ouest des Etats-Unis. Au cours d'une visite qu'HUXLEY fit aux Etats-Unis en 1876, son collegue americain Othniel MARSH (1831 -1899), celebre paleontologue, lui fournit les superbes documents qu'il possedait sur les chevaux fossiles de 1'Ouest americain. Ces documents rassembles dans une planche furent reproduits par HUXLEY dans son livre (Figure 1.6). On peut voir qu'au debut de 1'ere Tertiaire, a la periode Eocene, il y a 65 a 45 millions d'annees, le cheval (Orohippus) qui avait la taille d'un gros chien possedait quatre doigts a la patte anterieure et trois doigts a la patte posterieure. On constate qu'a la periode Miocene un doigt a disparu a la patte anterieure (Mesohippus), puis au fur et a mesure des millions d'annees, certains des doigts restants continuent de s'atrophier pour ne laisser aux deux pattes qu'un seul doigt flanque de deux appendices rudimentaires, vestiges des doigts anciens (Equus).

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Cette figure est la reproduction par Thomas HUXLEY d'un diagramme realise a 1'Universite de Yale (USA) par le professeur Othniel MARSH. On remarquera la modification des doigts des pieds du cheval depuis 1'ere tertiaire jusqu'a nos jours, ainsi que les modifications de la dentition portant sur les molaires. Figure 1.6 - Evolution du cheval depuis 1'ere tertiaire (d'apres Th. HUXLEY - Devolution et I'origine des especes, 1892)

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A 1'instar des pattes, les molaires ont change de morphologic avec le temps, devenant plus hautes avec un dessin plus complique du relief de la couronne. Aux stades Orohippus et Mesohippus, les dents servaient a broyer les feuilles tendres de petits arbustes. Plus tard, avec des dents plus hautes avec un reseau de cretes bien developpe, par consequent plus resistantes a 1'usure et plus efficaces pour le broyage, le cheval put se nourrir d'herbes plus corrosives que les feuilles a cause d'une plus forte teneur en silice. En meme temps que ces transformations, la taille de 1'animal s'accrut de plusieurs fois pour atteindre celle du cheval actuel. Une autre justification de la these de DARWIN, tombant juste a point pour HUXLEY fut la decouverte en 1862 dans les schistes de Solnhofen en Baviere de YArchseopteryx, un animal mi-reptile mi-oiseau, que Ton pouvait considerer comme une transition entre les deux classes animales. HAECKEL, professeur de zoologie a 1'universite d'lena, fut un proselyte passionne du darwinisme. En 1866, il formula la fameuse loi de la recapitulation : 1'ontogenie (c'est-a-dire le developpement d'une espece depuis 1'ceuf jusqu'au stade adulte) est un resume de la phylogenie (c'est-a-dire 1'histoire evolutive de cette espece depuis ses ancetres les plus anciens). La loi de recapitulation etait un argument indirect, mais fort, en faveur du darwinisme. Elle s'appuyait sur 1'observation que les embryons de differentes especes animales au stade le plus precoce de leur developpement se ressemblent etrangement (Figure 1.7). En fait, le developpement du phenotype est un phenomene complexe ou interviennent a la fois un controle genique et 1'interaction des cellules en voie de differenciation avec 1'environnement cellulaire. La loi de recapitulation fut severement critiquee par Wilhelm HIS (1831 -1904), un anatomiste de Leipzig auquel on doit la fabrication des microtomes, rasoirs automatiques destines a realiser des coupes ultrafines de tissus animaux ou vegetaux. La loi de recapitulation exigeait une similitude relativement persistante chez des embryons de toutes especes. Or les embryons ne se ressemblent qu'au stade le plus precoce de leur developpement, apres quoi la diversification ne fait que s'amplifier (Chapitre II-6.2). L'exemple precis du developpement du crapaud est tout a fait illustratif avec les etapes suivantes : 1. Le retard qui sort de 1'ceuf a 1'apparence d'un poisson avec une queue, un cceur a deux cavites et des fentes branchiales qui font communiquer la bouche avec 1'exterieur. Dans la partie externe des fentes branchiales se trouvent des branchies qui servent a la respiration. 2. Commence alors une differentiation specifique du crapaud. Les branchies externes se recouvrent d'un opercule, puis elles disparaissent pour etre remplacees par des branchies internes qui se developpent sur les parois des fentes branchiales. 3. Les branchies disparaissent, et les poumons qui avaient deja fait leur apparition deviennent fonctionnels. De plus, les quatre membres se developpent. 4. La queue se resorbe et le crapaud est definitivement constitue.

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L'evolution comparee de 1'embryon dans differentes especes animales avait conduit Ernst HAECKEL a formuler sa these de la recapitulation selon laquelle tous les vertebres au cours de leur developpement suivraient un meme schema d'evolution, conservant la memoire des formes adultes successives prises par ses predecesseurs. Figure 1.7 - Evolution de 1'embryon dans differentes especes animales (d'apres E. HAECKEL - Anthropogenic ou histoire de revolution humaine, traduit de 1'Allemand sur la 2e edition, 1877)

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Les connaissances modernes en biologie moleculaire permettent de dire que le programme genetique present dans 1'oeuf feconde dicte d'une fac,on stricte 1'evolution de 1'organisation anatomique jusqu'au stade adulte.

6.6. LE DILEMME DES VARIATIONS

CONTINUES

DANS LA THEORIE DE DARWIN Une question interessante soulevee par DARWIN fut de savoir si les petites variations phenotypiques favorisees par le milieu etaient continues ou discontinues. A cette epoque, le cousin de Charles DARWIN, Francis GALTON (1822 -1911), mathematicien, appliquait les principes d'une nouvelle discipline, la biometrie, a 1'etude des variations phenotypiques dans differentes especes de plantes et d'animaux.L'analyse statistique des donnees collectees conduisit a conclure que les variations etaient continues. Cette conclusion qui debouchait sur une interpretation erronee du mecanisme de 1'heredite sera rapidement sujette a discussion, puis a revision. DARWIN avait vu juste lorsqu'il avait postule que 1'evolution avait procede par le processus de la selection naturelle. II lui restait a donner une explication satisfaisante de 1'heredite, c'est-a-dire de la transmission des caracteres "variants". Pour ce faire, il faudra attendre Gregor MENDEL et la publication de ses lois de 1'heredite en 1866. Ces lois resteront ignorees pendant plus de 30 ans avant d'etre redecouvertes en 1900 (Chapitre III-l.l). Cependant, non decourage, et faisant preuve d'imagination DARWIN specula dans une theorie appelee Pangenese que toutes les cellules du corps possedaient des facteurs d'heredite contenus dans des petits grains, les gemmules, qui etaient capables de traverser les membranes et de circuler dans tout 1'organisme. En penetrant dans une cellule "inerte", les gemmules conferaient a celle-ci le pouvoir d'evoluer en une cellule identique a celle d'ou ils etaient venus. Au niveau des organes sexuels, les gemmules s'agregeaient en elements sexuels. En se melangeant, les gemmules d'origine male et d'origine femelle etaient a 1'origine de 1'embryon. L'idee que les gemmules etaient dispersees dans tout 1'organisme etait fondee sur 1'observation qu'un petit fragment de begonia suffit pour reproduire la plante tout entiere, ou bien que si 1'on coupe un ver de terre en morceaux chacun de ces morceaux repousse et reproduit I'animal tout entier. La theorie des gemmules fut exposee en 1868 par DARWIN dans son ouvrage The Variation of Animals and Plants under Domestication. "Je suppose, ecrivait-il, que les cellules ou unites qui composent le corps engendrent de petits granules qui se dispersent dans le systeme tout entier ; que ces granules, quand ils rec,oivent une nutrition suffisante se multiplient par division spontanee... Nous pourrions donner a ces granules le nom de gemmules. Emises par toutes les parties du systeme, les gemmules se reunissent pour former les elements sexuels, et leur developpement dans la generation suivante constitue un etre nouveau". Dans cet ouvrage, DARWIN formulait des idees proches du lamarckisme.

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"Admettant qu'il est difficile de comprendre que les effets longtemps continues de 1'usage ou du non-usage d'une partie du corps ou que des modifications dans les habitudes du corps et de 1'esprit puissent devenir hereditaires, si Ton adopte notre hypothese (celle des gemmules), il suffit de supposer que la structure des cellules se modifie et que ces cellules emettent des gemmules modifiees de fagon analogue. Ce fait peut se produire a une periode quelconque du developpement et la modification devient hereditaire a la periode correspondante". Cette argumentation qui rappelle estrangement le postulat de 1'heredite des caracteres acquis formule par Lamarck, est pratiquement passee sous silence par les darwiniens. DARWIN n'ignorait pas qu'a cote des petites variations donnant Timpression d'une continuite il existait des variations a caractere de discontinuity tres fort, par exemple 1'apparition de bceufs sans cornes au Paraguay en 1770, une race qui se perpetua. II est curieux de constater que DARWIN n'en tint pas compte, mettant a part ces variations discontinues et les considerant comme des jeux de la nature, des "sports". Entre 1886 et 1890, Hugo DE VRIES (1848 -1935) fit une observation cruciale sur une variete d'cenotheres Oenothem lamarckiana (dediee a LAMARCK), une plante a grandes fleurs jaunes cultivee dans un champ pres d'Amsterdam. II observa 1'apparition de variants dont les graines donnaient naissance aux memes variants. II donna a ce phenomene le nom de mutations, et il postula que c'est par de telles mutations que prennent naissance des especes nouvelles. Ainsi, il devenait evident qu'au lieu de se faire de maniere continue, certaines variations se faisaient par degres, en marches d'escalier. Ces variations discontinues etaient hereditaires et facilement differenciees de simples fluctuations non hereditaires. A la fin du XIX e siecle sont decouverts les processus de la mitose et de la meiose. Cette decouverte donne un eclairage nouveau aux lois de MENDEL. Elle fait la distinction entre cellules somatiques (diploi'des) et cellules germinales (haploides) et elle explique le mecanisme de la fecondation en termes de conjugaison de deux cellules germinales haploides, Tune male 1'autre femelle, fournissant chacune leur propre equipement chromosomique (Chapitres II-5.2 et III-1.1.4). Le geneticien et naturaliste britannique William BATESON (1861 -1926) realise que dans les experiences de MENDEL la transmission hereditaire a la descendance de facteurs isoles et distincts est compatible avec 1'existence de variations discontinues et hereditaires. Cet ensemble de donnees contribua au delaissement progressif de la theorie des gemmules, car, a bien reflechir, dans cette theorie, la combinaison de deux variants aurait du aboutir a un individu de type moyen, ce qu'on appelait une heredite intermediaire, de la meme fac.on qu'en melangeant un liquide rouge et un liquide blanc on obtient un liquide rose. L'observation montrait que ce n'etait pas le cas.

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6.7. LE NEO-DARWINISME La nouvelle donne qui resultait des avancees de la genetique et de la biologie cellulaire a la fin du XIX e siecle introduisit dans le darwinisme une explication rationnelle et univoque de 1'apparition des mutants. La theorie darwinienne revisee sous 1'influence en particulier du biologiste allemand August WEISMANN (1834 -1914) (Chapitres II et III) prit le nom de neo-darwinisme. Cette version radicalisee du darwinisme expliquait que les variants phenotypiques etaient le resultat de mutations geniques transmissibles hereditairement par les cellules germinales suivant les lois de MENDEL. Le neodarwinisme signait la rupture definitive avec 1'idee d'une transmission hereditaire des caracteres acquis par 1'usage ou le non-usage d'organes en accordant une influence sans partage aux mutations. II est piquant de constater que WEISMANN avait ete, dans sa jeunesse, totalement convaincu de la validite de la theorie lamarckienne de 1'heredite des caracteres acquis. Ce n'est qu'a partir de 1883 qu'il prit ses distances avec le lamarckisme, en s'appuyant sur le concept qu'il developpera de la difference entre cellules somatiques et cellules germinales (ou plasma germinatif). Dans son memoire sur L'Heredite (1883), WEISMANN ecrit: "II faut bien se persuader que la comprehension des phenomenes de 1'heredite n'est possible qu'en admettant la notion fondamentale de la continuite du plasma germinatif". La theorie du plasma germinatif prendra corps dans un memoire public en 1885 sur La continuite du plasma germinatif comme base d'une theorie de 1'heredite, ou WEISMANN analyse le processus de la fecondation, resultat de la fusion du noyau du gamete male et de celui du gamete femelle. "Les cellules germinales d'un individu ne contiennent pas les memes tendances hereditaires. C'est la cause des differences bien connues existant entre les enfants des memes parents". Dans un autre memoire, date egalement de 1885, sur La signification de la Reproduction Sexuelle pour la theorie de la Selection Naturelle, on peut lire : "tout organisme jouit de la faculte de fournir des germes qui peuvent donner naissance en theorie au moins a des copies exactes de lui-meme". WEISMANN prophetise : "le plasma germinatif est sans doute une substance extraordinairement complexe dans sa structure intime. Cette substance s'accroit dans des proportions etonnantes sans changer le moins du monde de complexite de structure moleculaire". Un demi-siecle plus tard, cette substance complexe sera identifiee a 1'acide desoxyribonucleique (ADN).

6.8. RETOMBEES SOCIO-ECONOMIQUES DU DARWINISME L'impact du darwinisme en tant que theorie de 1'evolution sur les reflexions d'intellectuels a propos du devenir de la societe humaine fut considerable. II s'agissait la de Tutilisation par des marginaux de la biologie de donnees scientifiques interpretees de fac.on fallacieuse pour des buts economicopolitiques. Herbert SPENCER sera 1'apotre du darwinisme social ultra-liberal

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fonde sur le principe de la competition - elimination. Francis GALTON, longtemps apres son travail sur le traitement statistique des variants phenotypiques, pronera la pratique systematique de 1'eugenisme pour ameliorer 1'espece humaine et "faire intentionnellement et rigoureusement ce que la nature fait etourdiment sur les animaux". La liaison dangereuse entre science et ideologic conduisit a des applications eugeniques reprehensibles, tolerees dans des contrees comme les Etats-Unis et les pays scandinaves dans les annees 1920 -1930, poursuivies et amplifiees en Allemagne durant le dernier conflit mondial. Au plan politique, le marxisme a la fin du XIXe siecle s'inspira du lamarckisme. Au plan economique, un exemple malheureux de confusion entre science et ideologic fut le lyssenkisme, qui avait ete introduit par 1'agronome russe Trofim LYSSENKO (1898 -1976) comme mode de reflexion pour I'amerioration des especes vegetales et qui prenait le relais de conclusions formulees par un autre agronome russe Ivan MITCHOURINE (1855 -1935). Apres la derniere guerre, soutenu par les autorites de son pays, LYSSENKO fut le chantre du darwinisme dans sa version premiere, c'est-a-dire depouillee de toute consideration genetique. Puis sa doctrine se radicalisa et il decida d'eradiquer les modifications apportees au darwinisme par les avancees genetiques, condamnant en bloc MENDEL, WEISMANN et MORGAN comme des "degradeurs" du darwinisme, rejetant sans preuves les lois de probabilites de MENDEL et la theorie chromosomique de I'heredite amorcee par WEISMANN et definitivement etablie par MORGAN. II se rapprocha alors de la philosophic de LAMARCK, en soutenant le role du milieu dans 1'acquisition de nouveaux caracteres transmissibles hereditairement. LYSSENKO pretendait "eduquer" les especes vegetales en modifiant leur environnement, par exemple transformer le ble d'automne ou ble tendre Triticum vulgare en ble de printemps ou ble dur Triticum durum. Cette modification du vegetal en quelques semaines en fonction des conditions de 1'environnement est incompatible avec la connaissance de 1'equipement chromosomique du ble, le ble dur de printemps etant une espece tetraploi'de a 28 chromosomes et le ble tendre d'automne etant une forme hexaploi'de a 42 chromosomes. On sait que 1'hybridation entre especes voisines permet d'obtenir des especes nouvelles, mais cette hybridation interspecifique releve de la genetique classique fondee sur la theorie chromosomique de 1'heredite. Pour s'accorder avec le marxisme - leninisme, systeme politique de 1'epoque en URSS, le lyssenkisme fut erige en doctrine d'Etat. La regie d'obeissance a cette doctrine conduisit au limogeage systematique des geneticiens russes. Tout aussi regrettable que la deviation neo-lamarckiste, subsiste chez certains fondamentalistes religieux une opposition ideologique au transformisme, et ceci de fac.on inattendue dans des pays a la pointe du progres scientifique comme les Etats-Unis.

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7. L'APRES

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DARWINISME

Dans le cours du XXe siecle, differentes retouches a la theorie du darwinisme ou plus exactement du neo-darwinisme ont ete proposees et publiees. Elles n'en alterent en rien le principe fondamental, c'est-a-dire la selection naturelle. 7.1. LA THEORIE

SYNTHETIQUE

Dans les annees 1930 - 1950 se developpa progressivement une conception modernised du darwinisme qui fut baptisee theorie synthetique de 1'evolution en 1942 par le naturaliste Julian HUXLEY (1887 - 1975) petit-fils de Thomas HUXLEY qui avait ete le chantre du darwinisme du temps de DARWIN. La theorie synthetique represente une synthese des idees regues par des geneticiens, Theodosius DOBZHANSKI (1900 -1975) et Sewal WRIGHT (1889 -1988), par le paleontologiste et biogeographe Georges SIMPSON (1902 -1984), le naturaliste Julian HUXLEY, le biometricien Ronald FISHER (1890 - 1962), le mathematicien et geneticien John B.S. HALDANE (1892 - 1964) et le systematicien Ernst MAYR (n. 1904). Tout en confirmant les principes du darwinisme, elle privilegie, comme 1'a montre DOBZHANSKI dans Genetics and the origin of species (1937), le role des micromutations dans la selection naturelle a 1'interieur de macrosystemes biologiques et la tres grande variabilite aleatoire. La theorie synthetique fait appel a 1'isolement geographique de mutants favorises par un habitat approprie. Elle explique ainsi le phenomene de speciation, c'est-a-dire 1'apparition de nouvelles especes. La speciation est generalement allopatrique comme 1'a montre Ernst MAYR dans Systematics and Origin of Species (1942), c'est-a-dire qu'elle comporte des aires de repartition bien individualisees pour deux populations issues d'une espece ancestrale. Dans la speciation allopatrique, la population qui donne naissance a une nouvelle espece a ete separee de la population souche generalement par un accident geologique, par exemple la derive des continents. L'isolement geographique conditionne 1'isolement "reproducteur", generateur de la nouvelle espece. La speciation est quelquefois sympatrique, c'est-a-dire que les aires de repartition se chevauchent. La theorie synthetique insiste sur 1'influence du milieu. Un exemple typique est celui du melanisme des phalenes en Angleterre, apparu au XIX e siecle avec la revolution industrielle. Avant 1'ere industrielle, ces papillons de nuit etaient d'une couleur creme clair. Les premiers papillons de couleur noire furent signales en 1848 dans la region de Manchester. Leur frequence augmenta jusqu'a plus de 90% au XX e siecle dans les zones polluees. Le milieu avait joue son role en ce sens que les papillons noirs pouvaient se dissimuler plus facilement dans des anfractuosites recouvertes de suie et echapper ainsi aux oiseaux predateurs. L'influence du milieu fut verifiee a la fin des annees trente par les experimentateurs Philippe L'HERITIER (1906 - 1997) et Georges TEISSIER (1900 - 1972) en utilisant la technique des "cages a populations". Ces cages permettaient d'elever dans un espace reduit des drosophiles selectionnees au

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plan genetique, de tester 1'influence directe de I'environnement (temperature, ventilation, alimentation) et d'en tirer des conclusions sur la pression de selection en fonction de conditions precises du milieu. Ainsi, 1'influence du vent fut testee sur une population de drosophiles comportant des individus normaux et des individus porteurs d'ailes vestigiales. En quelques semaines d'une ventilation forcee, la proportion de drosophiles a ailes vestigiales, qui etait initialement de 12%, passa a 65%, prenant nettement le pas sur celle des drosophiles normales. Apres retour a 1'abri du vent, les proportions s'inverserent. La theorie synthetique prend en compte les catastrophes naturelles. Ainsi, la disparition des dinosaures il y a 60 millions d'annees fut suivie d'une impressionnante diversification d'especes de mammiferes. Ceux-ci occuperent les niches ecologiques desertees par les dinosaures. Une telle diversification accompagnee d'une proliferation rapide est typique d'une radiation evolutive. L'ensemble de ces considerations ressort de la genetique des populations. Celle-ci fait appel, bien sur, a la selection naturelle, aux mutations et a la speciation geographique, mais elle tient compte aussi du hasard, de la selection sexuelle, c'est-a-dire du choix du conjoint, des migrations geographiques, des effets du climat et d'autres parametres en partie aleatoires. Alors que la selection naturelle tend vers une optimisation et une homogeneisation phenotypiques de la population, les parametres additionnels exercent des influences qui souvent s'opposent et concourent a 1'heterogeneite. La genetique des populations, en faisant appel a 1'outil mathematique pour traiter les problemes de frequence, introduisit dans la discussion du mecanisme de 1'evolution une approche quantitative permettant de pronostiquer plusieurs possibilites affectees, chacune, d'une certaine probabilite.

7.2. LA THEORIE

NEUTRALISTE

Impressionne par la tres grande variabilite des sequences d'acides amines dans les proteines, le biologiste japonais Motoo KIMURA (1924 -1994) expliqua en 1969 dans son ouvrage The Neutral Theory of Molecular Evolution que le facteur majeur de 1'evolution consiste en une derive genique laissee au hasard, done aleatoire. Selon KIMURA, la majorite des mutations est neutre, ce qui explique le polymorphisme de 1'ADN sans repercussion sur le phenotype. Seuls quelques genes, au cours du passage d'une espece a une autre, seraient mutes avec un impact sur le phenotype, ces mutations restant maintenues par selection naturelle. En fait la theorie neutraliste s'adresse plutot a 1'evolution moleculaire. On peut concevoir qu'une mutation sans avantage selectif apparent puisse se fixer dans une proteine et en modifier de fac.on mineure les caracteres fonctionnels. Les changements de capacite catalytique et d'affinite dans le cas d'enzymes, tout en laissant intacte la specificite enzymatique, moduleraient 1'efficacite de la catalyse en fonction des conditions du milieu. Ceci expliquerait que les differentes

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isoformes d'un enzyme soient reparties dans differents organes, selon 1'avantage selectif qu'elles procurent au fonctionnement metabolique propre a ces organes. La theorie neutraliste ne contredit pas la theorie darwinienne. Cependant, il est raisonnable de penser que si les mutations neutres ne changent pas le phenotype de 1'individu et son metabolisme global, ce qui est la base de leur definition, aucun processus evolutif ne peut prendre place. 7.3. LA

MACROEVOLUTION

S'il est possible, grace a des restes fossilises de suivre 1'evolution par petites variations a 1'interieur d'une espece - c'est le cas du cheval Equus qui a evolue lentement a partir du Tertiaire -, il est par centre difficile de retrouver des fossiles qui temoigneraient d'une micrDevolution darwwinienne entre differentes especes. En 1940, le geneticien allemand Richard GOLDSCHMIDT (1878 -1958) suggera que des macromutations pouvaient apparaitre brutalement et produire des phenotypes bien differents de 1'espece initiale, en attente de conditions appropriees pour proliferer, en d'autres termes engendrer des "monstres prometteurs". II y avait la une idee de macroevolution qui contrastait avec la microevolution darwinienne. La mutation homeotique, qui, chez la drosophile, transpose les pattes sur la tete a la place des antennes, est un exemple de macromutation. Comme le fit remarquer FISHER, de telles macromutations n'ont aucun avantage evolutif. Elles introduisent dans 1'organisme des perturbations trop importantes qui desorganisent de fagon irreversible des equilibres vitaux. Avec une vue plus classiquement darwinienne, Ernst MAYR proposa en 1942 que la macroevolution pouvait simplement deriver de la microevolution, dans la mesure ou etaient considerees conjointement les notions de population et de speciation. II suggera que des reorganisations genetiques pouvaient conduire a des changements evolutifs rapides lorsque les individus affectes par ces reorganisations se retrouvaient en petit nombre sous forme isolee par le fait, par exemple, d'accidents geologiques. En effet, un gene qui dans une population de grande taille est a 1'etat heterozygote peut passer facilement a un etat homozygote dans une population de petite taille, marginalisee, ou la consanguinite est forte. Ceci conduit a 1'installation d'un nouveau caractere phenotypique qui, s'il est avantageux, favorise les individus qui en sont porteurs par rapport aux autres grace a la pression de selection. Cette idee d'evolution par speciation fut reprise au debut des annees 1970 par Stephen GOULD (n. 1942) et developpee avec Niles ELDREDGE dans la theorie des "equilibres ponctues". Le modele des "equilibres ponctues" implique des alternances entre des periodes longues ou la vitesse d'evolution est tres faible et qui durent des millions ou des dizaines de millions d'annees et des periodes courtes ou 1'evolution precede a grande vitesse pendant seulement quelques dizaines de milliers d'annees sur des populations a faible effectif, marginalisees. Le temps relativement court de 1'evolution rapide expliquerait que les fossiles correspondants sont introuvables, d'ou 1'impression de "sauts" dans revolution.

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8. LES ESSAIS DE RECONSTITUTION DE LA "SOUPE" MOLECULAIRE

PREBIOTIQUE

"If it is true that, generally speaking, science is the science of an object which is not history, yet, in the particular case we are now dealing with, the object is history, i.e. the historitical steps which preceded the appearance of the first living cells. We are writting a history within history, that is, the history in human thought of the history of living systems." M. Florkin - Comprehensive Biochemistry -1975

Jusqu'au debut du XX e siecle, les reflexions sur 1'evolution etaient fondees essentiellement sur 1'observation des etres vivants et des fossiles, c'est-a-dire sur des principes de 1'anatomie comparee et de la paleontologie. Elles avaient perrnis de demontrer de fagon irrefutable la realite de la theorie du transformisme. Restait un probleme majeur, celui de 1'origine de la vie. Au debut des annees I860, Louis PASTEUR (1822 -1895) publia une serie d'experiences qui scellerent 1'acte de deces de la generation spontanee. Un nouveau dogme prit corps : "la vie a partir de la vie". Les arguments avances par PASTEUR centre la theorie de la generation spontanee etaient tellement percutants qu'ils figerent pendant quelque temps toute tentative serieuse pour concevoir une theorie de 1'origine de la vie sur la terre. C'est en 1922 que le biologiste russe Aleksander OPARIN (1894 -1980) expliqua devant la Societe de Botanique de Moscou que des biomolecules complexes auraient pu se former a partir de molecules simples comme 1'hydrogene sulfure, 1'ammoniaque, le gaz carbonique et le methane presents en grandes quantites dans 1'atmosphere primitive, sous 1'influence de fortes radiations ultraviolettes provenant de la lumiere solaire. En 1929, John B.S. HALDANE reformula ces idees dans la revue Rationalist Annual pour aboutir au concept de "soupe prebiotique". Dans les annees 1930, OPARIN prepara des agglomerats microscopiques ou coacervats constitues de proteines basiques de type histone et de gomme arabique, une substance de nature polysaccharidique. Ces coacervats se presentaient sous forme de microspheres de quelques dizaines de micrometres de diametre. En ajoutant du glucose 1-phosphate et de la phosphorylase a de tels coacervats, OPARIN constata que du phosphate organique etait relache et que du maltose etait produit par condensation de molecules de glucose. En attirant 1'attention des chimistes et des biologistes, ces experiences donnerent le signal qui allait ouvrir un nouveau chapitre de la science de revolution axe sur des syntheses chimiques realisees dans le but de reproduire les conditions de 1'ere prebiotique.

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8.1. PREUVE GEOLOGIQUE DES PROPRIETES REDUCTRICES DE LA SOUPE PREBIOTIQUE Les premieres molecules organiques sont apparues il y a environ quatre milliards d'annees, c'est-a-dire 500 millions d'annees apres que la temperature de la surface du globe terrestre soit passee au-dessous de 100°C. A cette epoque, Fatmosphere issue du degazage de Finterieur de la terre etait probablement riche en gaz carbonique (CC^), en azote (N2), en hydrogene sulfure (SH2) et en vapeur d'eau (Ir^O). II y avait un peu d'ammoniac (NHs) et de methane (CFLi). L'hydrogene sulfure provenait d'une activite volcanique intense. Par contre, 1'oxygene etait absent, ou present a 1'etat de traces dans des niches tres dispersees, et par consequent il n'y avait pas d'ozone. Plus tard, 1'oxygene forme par photosynthese fit son apparition et sa concentration s'accrut pour atteindre une valeur de 1% il y a un milliard d'annees. L'ozone forme a partir de 1'oxygene servit a arreter les rayons ultraviolets. Au debut, du fait du manque d'un manteau protecteur d'ozone, les radiations solaires arrivaient non filtrees sur la terre et etaient susceptibles d'initier nombre de reactions chimiques aboutissant a la synthese de nouvelles molecules carbonees de plus en plus complexes. A cause de sa legerete, Fhydrogene echappait en grande partie a la gravitation terrestre. D'autre part, une large surface du globe terrestre devait etre recouverte d'eau dans laquelle se dissolvaient les molecules organiques nouvellement synthetisees constituant ainsi la soupe prebiotique. Le passage du monde anaerobic au monde aerobie s'appuie sur des preuves geologiques, en particulier sur 1'etat d'oxydo-reduction du fer dans des filons metalliques de la croute terrestre. On trouve le fer a 1'etat ferrique, de couleur rouge, dans des couches superficielles relativement recentes. Dans des couches plus profondes, appartenant a des terrains du Precambrien et remontant a plus de 2 milliards d'annees, le fer est essentiellement a 1'etat ferreux, de couleur verte, sous forme de pyrite (sulfure de fer) ou de siderite (carbonate de fer). I/atmosphere de la terre au Precambrien lointain etait done reductrice. Plus pres de notre temps present, 1'oxygene s'est accumule et le fer s'est oxyde. 8.2. LES PREMIERES TENTATIVES DE REPRODUCTION DE LA CHIMIE

PREBIOTIQUE

En 1953, un jeune etudiant americain, Stanley MILLER (n. 1930), qui travaillait a Chicago dans le laboratoire d'Harold UREY (1893 - 1981), le decouvreur du deuterium, proceda a une experience peu banale. II soumit un melange de methane, d'ammoniac, d'hydrogene et de vapeur d'eau a Faction repetee de decharges electriques sous un voltage de 60 kilovolts pendant plusieurs jours (Figure 1.8). II obtint un residu goudronneux. Quelle ne fut sa surprise lorsque, analysant le contenu de ce residu, il decouvrit la presence d'acides amines comme la glycine, Falanine, Facide aspartique, Facide glutamique, en somme

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

des molecules que Ton trouve dans des proteines, et aussi la presence d'acides organiques frequemment rencontres chez les etres vivants, tels que les acides formique, acetique, propionique, lactique et succinique, ainsi que de 1'uree et du propiononitrile. Ces resultats publics en 1953 dans la revue Science firent beaucoup de bruit dans le monde scientifique. Cependant, un examen critique des conditions experimentales choisies par MILLER revela que les gaz utilises differaient notablement de ceux de 1'atmosphere terrestre de 1'epoque prebiotique qui contenait essentiellement CO2, N2 et SH2 et etait moins riche en H2, NHs et CH4. L'experience de MILLER refaite dans des conditions plus proches de la realite prebiotique aboutit a la formation des memes molecules, mais avec des rendements beaucoup plus faibles. En 1958, Sidney FOX (n. 1912) obtint des polymeres appeles proteinoides a partir d'un melange d'acides amines chauffes a sec a 170°C pendant trois heures. Le produit gommeux, fait de particules de 2 a 7 micrometres, mis en suspension dans 1'eau, liberait une substance soluble constitute de chaines peptidiques formees par 1'association d'acides amines. Que des molecules simples puissent, dans des conditions aussi drastiques que celles utilisees par MILLER et FOX, se condenser et se transformer pour aboutir finalement a des molecules complexes que Ton retrouve dans les etres vivants, une telle hypothese devint plausible apres la decouverte de traces d'acides amines dans des meteorites tels que celui qui tomba en Australie pres du village de Murchinson. La radioastronomie moderne a confirme que des molecules complexes pouvaient se former dans les espaces interstellaires et se retrouver dans des meteorites, ce qui a conduit certains evolutionnistes a postuler que les premieres molecules organiques auraient ete apportees sur terre par les meteorites. Suite a ces experiences se posa rapidement le probleme de la chiralite des molecules organiques possedant un ou plusieurs carbone(s) asymetrique(s). En effet, 1'un des caracteres distinctifs des etres vivants est que tous leurs composes organiques porteurs d'un carbone asymetrique sont presents dans une seule configuration alors qu'en theorie plusieurs possibilites leur sont offertes. Cette reflexion prend tout son sens en ce qui concerne les acides amines qui composent les proteines et qui sont dans le monde vivant en immense majorite de la forme L (Chapitre IV-6.3). La synthese organique d'acides amines conduit a un melange D et L, c'est-a-dire a un racemique. Dans les conditions du monde prebiotique, il en fut sans doute de meme. Le meteorite de Murchinson (Chapitre 1-8.2) contenait effectivement des acides amines D et L synthetises dans 1'espace interstellaire dans des conditions abiotiques. Une hypothese plausible expliquant la selection d'acides amines d'un seul type, en 1'occurence L, dans la synthese proteique par des etres vivants fait appel a la stereochimie. En effet, 1'arrangement theorique des chaines polypeptidiques des proteines en helice oc (Chapitre III-2.2.1) se fait a partir d'acides amines qui sont soit tous de la forme L, soit tous de la forme D. C'est le hasard, la chance pure, qui a preside a la selection des acides amines L dans le monde vivant et non pas un avantage selectif des acides amines L sur les acides amines D.

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Des decharges electriques sous tres haut voltage dans une enceinte contenant de la vapeur d'eau, de 1'ammoniac, de 1'hydrogene et du methane initient les reactions suivantes :

acide propionique Dans les produits de condensation, on retrouve une douzaine d'acides amines, des bases puriques, du ribose... Ces molecules se trouvent dans tous les types de cellules vivant actuellement.

Figure 1.8 - Appareil de S. MILLER ayant servi a la demonstration de la synthese de molecules organiques dans des conditions prebiotiques

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

8.3. L'HYPOTHESE DU MONDE DU SOUFRE ET DU PER. L'IMPORTANCE D'UNE CHIMIE DES SURFACES

II est possible que 1'association du fer et du soufre ait joue un role essentiel dans les mecanismes de 1'evolution puisque ces deux elements se retrouvent dans les cellules vivantes sous forme d'agregats cristallins inclus dans des proteines et fonctionnant comme des transporteurs d'electrons dans des reactions d'oxydoreduction. Dans le monde prebiotique, la surface de la terre devait etre saturee en hydrogene sulfure. Le role qu'aurait pu jouer le soufre dans la formation de biomolecules a ete considere a maintes reprises. En 1951, le biochimiste allemand Feodor LYNEN (1911 -1979), prix Nobel de physiologic et de medecine en 1964, decouvrait le mecanisme de 1'activation des acides gras sous la forme de thioesters tels que 1'acetyl-S-coenzyme A, ou le groupe carboxylique (-COOH) de 1'acide gras est thioesterifie par le groupe thiol (-SH) du coenzyme A (Chapitre IV-7.1.1). Son eleve Theodor WIELAND (1913 -1995) entreprit des experiences qui le conduisirent a conclure que les derives thioesters d'acides amines pouvaient former des produits de condensation caracterises par des liaisons peptidiques apres elimination du groupe thiol. Des experiences recentes montrent qu'effectivement des liaisons peptidiques peuvent etre formees par reaction d'un thioacide (-R-COSH) avec un acide amine tel que la phenylalanine ou la leucine en presence d'un oxydant, le ferricyanure (Figure I.9a), et que par simple chauffage d'acide pantoi'que, de la (3-alanine et de cysteamine s'accumule un produit de condensation, la pantethei'ne (Figure I.9b). Or, la pantetheine est le precurseur du coenzyme A qui, en se fixant sur le groupe carboxylique des acides gras, active ceux-ci et permet leur degradation enzymatique. On a beaucoup specule sur le role de la pyrite issue de la condensation de 1'hydrogene sulfure et du fer ferreux comme agent de surface capable de fixer des molecules carbonees a des fins de synthese. Des couches de pyrite grace a la presence des cations fer auraient servi de support a des molecules chargees negativement pour promouvoir des reactions de condensation (Figure 1.10). D'une fac.on generale, 1'avantage d'un support solide avec un minimum d'hydratation aurait ete d'empecher la predominance de reactions d'hydrolyse sur celles de synthese. Une telle chimie des surfaces dans 1'apparition de biomolecules apparait actuellement comme une hypothese plausible. Dans le monde prebiotique, il y eut necessairement une demande d'hydrogene comme source d'electrons pour des reactions de synthese. On pense que, en reagissant avec le fer a 1'etat ferreux, Thydrogene sulfure aurait pu etre un donneur efficace d'electrons pour les syntheses reductrices. La pyrite, produit de la reaction, aurait favorise, du fait de sa precipitation, la reaction dans le sens de la decomposition de 1'hydrogene sulfure (Figure I.lOb).

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La formation d'une liaison peptidique entre un acide amine et un thioester est realisee en presence d'un oxydant, le ferricyanure. a - Experience de R. LIU et L.E. ORGEL (d'apres Nature 389 (1997) 52)

La pantetheine, molecule complexe, precurseur du coenzyme A, a pu etre obtenue par chauffage de ses composants, 1'acide pantoi'que, la (3-alanine et la cysteamine. L'importance de cette reaction provient du fait que le coenzyme A est implique dans 1'activation des acides gras : la condensation du coenzyme A par son groupe -SH au groupe -COOH d'un acide gras aboutit a une liaison thioester -CO-S-.

b - Experience de A.D. KEEFE, G.L. NEWTON et S. MILLER (d'apres Nature 373 (1995) 683) Figure 1.9 - Le soufre et le role des thioesters dans le monde prebiotique

8.4. L'HYPOTHESE DU MONDE DE L'ACIDE RIBONUCLEIQUE

(ARN)

Apres la decouverte de 1'arrangement de 1'acide desoxyribonucleique (ADN) en double helice en 1953, il fut etabli que 1'ADN, du fait de la complementarite des bases adenine - thymine et cytosine - guanine, etait capable de se repliquer identique a lui-meme et que, de plus, sa sequence contenait une information d'abord transcrite en ARN, puis traduite en sequence d'acides amines dans des proteines (Chapitre III-6). De nombreuses proteines sont des enzymes catalysant nombre de reactions avec une remarquable efficacite. Certains de ces enzymes controlent non seulement la replication de 1'ADN, mais egalement les operations de transcription et de traduction qui aboutissent a la synthese proteique. La question se pose done : qui a precede quoi ? 1'ADN ou les proteines ? Dans son article de Nature paru en fevrier 1986, Walter GILBERT (n. 1932) postula que le monde prebiotique etait un monde de 1'ARN et que TADN ainsi que les proteines seraient apparus ulterieurement. L'idee fit son chemin.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

La vie aurait commence sur un sulfure de fer, la pyrite (FeS2), un mineral qui precipite dans 1'ocean a la sortie des " fumeurs" hydrothermiques, au niveau de failles sousmarines tres profondes. Les charges positives de la pyrite auraient permis a des molecules organiques chargees negativement de se fixer et de se condenser. a - Role de la pyrite dans des syntheses organiques (d'apres G. WACHTERHAUSER - Microbiol Rev. 52 (1988) 452)

L'hydrogene sulfure, en tant que donneur d'electrons, aurait pu participer d'une fagon thermodynamiquement compatible a la synthese de molecules organiques. b - Hydrogene sulfure comme donneur d'electrons (d'apres G. WACHTERHAUSER - Syst. Appl. Microbiol 10 (1988) 207)

Figure 1.10 - Le fer et le soufre dans le monde prebiotique

I - LES ARTISANS DES THEORIES DE L 'EVOLUTION

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L'un des arguments avarices etait que de nombreux coenzymes tels que NAD, NADP, FAD, FMN, coenzyme A contiennent la meme unite nucleotidique adenine-ribose-phosphate. Ces coenzymes pourraient etre les temoins vestigiaux d'un monde moleculaire enrichi en ribonucleotides et en ARN. D'autre part, la decouverte dans les annees 1980 des ribozymes, c'esta-dire d'ARNs capables de catalyser des reactions chimiques (Chapitre III-8.1) a revolutionne les modes de raisonnement a propos de 1'origine du monde vivant. A 1'instar de certains coenzymes nucleotidiques, les ribozymes pourraient etre les temoins vestigiaux du monde de TARN. I/experimentation en laboratoire est venue conforter 1'hypothese de 1'ARN comme molecule prebiotique. II est en effet possible d'obtenir facilement les bases puriques et pyrimidiques de 1'ARN a partir de molecules tres simples qui ont eu toute chance d'exister a 1'ere prebiotique, comme le cyanure d'ammonium ou 1'anhydride cyanhydrique (Figure I.lla et b). D'autre part, a pH alcalin 1'aldehyde formique forme des produits de condensation parmi lesquels le ribose. Enfin, des polyribonucleotides avec des liaisons phosphodiesters 3'-5' entre des riboses de nucleotides adjacents comme dans 1'ARN ont ete obtenus a partir d'un derive nucleotidique, 1'adenosine phosphoimidazolide, et de diadenosine 5,5'-pyrophosphate en presence de particules d'une argile, la montmorillonite, laquelle doit son nom au fait qu'elle est extraite de carrieres proches de Montmorillon dans la Creuse. La reaction conduite pendant seulement trois jours a temperature ordinaire fournissait jusqu'a 61% de polynucleotides (Figure I.lie). Des ribozymes, c'est-a-dire des ARNs caracterises par des activites enzymatiques variees, ont ete isoles dans les dernieres decennies du XX e siecle. Les reactions qu'ils catalysent illustrent le role qu'ils auraient pu jouer dans 1'edification de biomolecules. Un exemple typique est celui de la reaction de DIELS-ALDER qui consiste a condenser par une liaison carbone - carbone un diene conjugue acyclique a un residu dienophile porteur d'un groupe carbonyle adjacent a une double liaison (Figure I.12a). Cette reaction est acceleree 800 fois par conjugaison du diene acyclique a un polyribonucleotide. Un deuxieme exemple porte sur 1'activite acyl-transferase d'un ribozyme (Figure I.12b). Mis en presence d'un complexe constitue par de la methionine unie a un fragment oligonucleotidique, le ribozyme se substitue au fragment nucleotidique pour se fixer sur la methionine. Dans cette reaction, la liaison formee est du type ester, revelant 1'activite acyl-transferase du ribozyme. L'idee que les ribozymes aient pu etre les premiers biocatalyseurs dans 1'histoire de la vie a fait son chemin. Les ribozymes auraient pu synthetiser des molecules d'ARN de fac,on autoreplicative et promouvoir en outre la formation de liaisons peptidiques, esters et glycosidiques que Ton retrouve dans des biomolecules (proteines enzymatiques, lipides membranaires, polysaccharides de parois cellulaires, proteines du cytosquelette).

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

a - Synthese d'adenine (d'apres R.A. SANCHEZ, J.P. FERRIS et L.E. ORGEL - /. Mol Biol. 38 (1968) 121)

b - Synthese de cytosine et d'uracile (d'apres M. ROBERTSON et S. MILLER - Nature 375 (1995) 772)

c - Synthese d'ARN (d'apres J. FERRIS et G. ERTEM - Nature 257 (1992) 1387)

La synthese d'adenine (a), de cytosine et d'uracile (b), composants d'acides ribonucleiques, de meme que la formation de polyribonucleotides par condensation d'adenosine phosphoimidalozide et de diadenosine 5',5'diphosphate (c) montrent la plausibilite de telles reactions dans le monde prebiotique. Figure 1.11 - Synthese de bases puriques et pyrimidiques dans le monde prebiotique

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Reaction de DIELS-ALDER : Des composes carbonyles a-p non-satures dienophiles reagissent avec des dienes conjugues.

La fixation d'un polyribonucleotide sur un diene accelere 800 fois la reaction de condensation de ce diene avec un dienophile pyridinique (reaction de DIELS-ALDER).

a - Acceleration de la formation cTime liaison C-C (DIELS-ALDER) en presence d'ARN (d'apres T.M. TARASOV, S.L. TARASOV et B.E. EATON - Nature 389 (1997) 54)

b - Activite acyltransferase d'un ribozyme (d'apres P.A. LOHSE et J.W. SZOSTAK - Nature 381 (1996) 442)

Figure 1.12

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

Si des nucleotides et des polynucleotides sont apparus tot a la surface de la terre, il est encore plus probable que des polymeres de phosphate les ont precedes. On salt que des polyphosphates s'accumulent a partir de phosphate mineral par deshydratation a temperature elevee. On trouve des polyphosphates dans toutes les cellules du monde vivant a des concentrations micromolaires chez les eucaryotes et millimolaires chez les procaryotes. Par clivage hydrolytique, des polyphosphates ont pu apporter 1'energie necessaire a des reactions de synthese. D'autre part, des polyphosphates ont pu phosphoryler des nucleosides (base - ribose) en nucleotides (base - ribose - phosphate(s)). L'ARN est une molecule fragile. La fonction alcool libre en position 2' du ribose est son talon d'Achille qui la rend susceptible a 1'hydrolyse a pH alcalin, a temperature elevee et en presence de cations divalents. II est done possible que le monde de 1'ARN ait ete precede par un monde plus coriace face a 1'adversite de 1'environnement, un monde ou des bases cycliques puriques et pyrimidiques etaient associees a des polypeptides pour former des polymeres, sans faire intervenir la trop fragile molecule de ribose. Une telle structure est appelee acide peptidonucleique ou PNA (peptidonucleic acid). A supposer que 1'ARN ait emerge a un certain moment comme la molecule dominante du monde prebiotique, on est conduit a admettre qu'il etait dote d'une double fonction, une fonction genomique avec conservation d'identite par autoreplication et une fonction catalytique. Restent a determiner les conditions dans lesquelles TARN abandonna sa double fonction au profit de deux autres partenaires, 1'ADN et les proteines. Malgre 1'apparente simplicite de 1'abstraction d'un atome d'oxygene dans le ribose d'un ribonucleotide pour aboutir a un desoxyribonucleotide, la connaissance que nous avons de 1'enzyme qui effectue cette reaction, la ribonucleotide reductase, montre son indeniable complexite. Quoi qu'il en soit, 1'ADN etant plus stable que 1'ARN, son emergence procura un serieux avantage a la marche de 1'evolution. Selon 1'hypothese du polynucleotide replicateur avancee par Richard DAWKINS (n. 1942), parmi les molecules d'ARN ou d'ADN de la soupe prebiotique, il y en eut une qui acquit la capacite de s'autorepliquer tres rapidement. Ce replicateur se serait multiplie a 1'infini, mais avec des erreurs de temps en temps dans les copies. La "soupe prebiotique" se serait ainsi trouve envahie par une foule de replicateurs differents les uns des autres, mais tous descendant d'un meme ancetre. Ces replicateurs sont devenus les genes dont la structure de base est 1'ADN. Lorsqu'apparurent les premieres structures cellulaires, les genes continuerent leur fonction d'autoreplication, aides en cela par des proteines enzymatiques dont 1'expression dependait de leur propre fonctionnement. Toute cellule vivante a une duree de vie limitee, mais le gene est en principe immortel. Selon DAWKINS, les cellules seraient des machines a survie de 1'ADN. Comment 1'ADN s'imposa-t-il comme chef d'orchestre de la machinerie moleculaire dans la cellule vivante ? On peut imaginer le scenario suivant. Les messages inscrits dans les sequences nucleotidiques de 1'ADN furent d'abord

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transferees a TARN. C'est ce qui est appele aujourd'hui transcription, 1'ARN transcrit etant TARN messager. Grace a une demarche qui passa sans doute par de multiples essais sur des millions d'annees, la sequence des nucleotides unis par des liaisons esters dans TARN messager fut finalement traduite en sequences d'acides amines unis par des liaisons amides (liaisons peptidiques) dans des proteines. Pourquoi finalement les proteines ont-elles ete choisies plutot que 1'ARN comme catalyseurs enzymatiques ? Tres vraisemblablement parce que leurs unites de base, les acides amines, au nombre d'une vingtaine, leur procurent infiniment plus de possibilites d'arrangement structural que les quatre bases de TARN. Les proteines possedent en effet des modes multiples de repliement de leur chaine peptidique, ce qui leur confere une flexibilite confortable, tout en leur laissant un certain degre de stabilite transitoire necessaire a I'etablissement d'interactions avec d'autres molecules. Les proteines enzymatiques utilisent cet avantage dans le processus d'ajustement de la geometric de leur site catalytique a la geometric du substrat. Des arrangements structuraux specifiques peuvent former des regions interactives dans des especes proteiques differentes et permettre 1'association transitoire de ces especes. Ce mecanisme a ete developpe dans des reseaux de signalisation impliques dans des activites relatives a la division, a la differenciation, au metabolisme et a la motilite des cellules (Chapitres II-10.2 et III-2.2.1). En resume, 1'evolution trouva avec la selection de macromolecules de nature proteique une solution elegante pour concilier 1'efficacite et la specificite necessaires a 1'edification de la machinerie metabolique des cellules vivantes. II n'en reste pas moins que des ribozymes particulierement efficaces aient pu acquerir a un certain moment des caracteristiques structurales compatibles avec la formation de sites capables de fixer de fac.cn affine et specifique des substrats pour les transformer en produits. La "solution proteique" finit cependant par s'imposer pour des raisons d'efficacite catalytique.

9. HYPOTHESES SUR L'APPARITION DU MONDE CELLULAIRE ET SON EVOLUTION Comment des cellules capables d'effectuer des reactions chimiques et de se reproduire sont-elles apparues et comment ont-elles progresse d'une forme sans noyau (procaryote) vers une forme dotee d'un noyau (eucaryote) ? Comment des cellules eucaryotes se sont-elles assemblies pour former des tissus et des organes ? Telles sont les questions fondamentales auxquelles les progres de la biologic moleculaire, de la genetique classique et de la genetique moleculaire apportent aujourd'hui quelques elements de reponse.

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9.1. L'EMERGENCE DBS PROCARYOTES Le passage du monde prebiotique au monde cellulaire s'est fait grace a un processus de compartimentation impliquant la mise en ceuvre d'une membrane enserrant un gel aqueux dans un espace limite d'un diametre de quelques micrometres. Dans ce gel, les biomolecules synthetisees, telles que proteines, glucides, lipides et acides nucleiques, pouvaient atteindre des concentrations elevees qui rendaient plus efficaces la catalyse de reactions chimiques. Les organismes vivant actuellement sur la terre derivent d'une cellule primitive nee il y a plus de trois milliards d'annees, sans noyau organise mais possedant malgre tout un ADN capable de replication et une machinerie de synthese proteique. Recemment, des fossiles microscopiques, qui ressemblent aux procaryotes actuels, ont ete decouverts en Australie et en Afrique du Sud sous forme de tapis presents dans des affleurements rocheux appeles stromatolites. Ces tapis bacteriens fossilises correspondent a des colonies bacteriennes enrobees de mineraux. L'une des plus anciennes bacteries trouvees dans des sediments du Transvaal date de 3,1 milliards d'annees. Sa taille est de 1 micrometre. Elle a ete baptisee Eobacterium isolatum ("bacterie de 1'aube des temps"). Des colonies fossilisees d'une autre bacterie capable d'oxyder le fer en presence de traces d'oxygene, Metallogenium personatum, datant de 2,8 milliards d'annees, ont ete mises en evidence en Rhodesie dans des sediments contenant de 1'hydroxyde de fer, ce qui suggere qu'il existait deja a cette epoque des traces d'oxygene. A 1'ouest du Sahara, on a trouve dans des stromatolites datant de 1,6 milliards d'annees des couches alternees de carbonate de calcium et d'hydroxyde de fer, comme s'il y avait eu, presentes a la meme epoque, des bacteries photosynthetiques (cyanobacteries) et des bacteries aerobics. Les cyanobacteries auraient fourni de 1'oxygene directement aux bacteries aerobies vivant en symbiose avec elles. Ces dernieres auraient developpe un metabolisme aerobie utilisant des pigments respiratoires presents dans leurs cellules et contenant du fer capable de fixer 1'oxygene. Une fois apparus, les procaryotes ont rapidement evolue. Bien que de morphologic relativement simple, ils se sont dotes sans doute en relativement peu de temps de systemes enzymatiques complexes et performants, indispensables pour des mecanismes moleculaires inherents a leur division et a leur metabolisme. Ils se sont repandus et ont occupe de nombreuses niches ecologiques. On connait la rapidite de division des procaryotes actuels. Par exemple, a 37°C la bacterie Escherichia coli se divise toutes les 20 minutes, donnant naissance a des milliards d'individus en 24 heures. On presume que la faculte de se diviser rapidement etait egalement un attribut des procaryotes primitifs, a en juger par la densite des tapis de bacteries fossilisees. Un evenement qui a marque de fac.on decisive le debut de 1'evolution et en a facilite la poursuite fut la selection par certaines cellules d'un systeme moleculaire capable de capter 1'energie de la lumiere solaire et de 1'utiliser pour

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fabriquer de la matiere organique a partir du CO2, ce qui correspond a 1'assimilation carbonee par photosynthese. Les premiers procaryotes photosynthetiques utiliserent probablement le pouvoir reducteur de 1'hydrogene sulfure, SH2, pour reduire CO2- Un peu plus tard, les cyanobacteries ou algues bleues vertes reussirent le tour de force de cliver 1'eau et d'en tirer un pouvoir reducteur utilisable pour 1'assim.ilation carbonee. Etant donne que la photolyse de 1'eau s'accompagne de liberation d'oxygene, la teneur en oxygene de 1'atmosphere terrestre, qui etait inferieure a 0,1% il y a 3,5 milliards d'annees, s'enrichit progressivement pour passer a 1% il y a 1 milliard d'annees, a 10% il y a 500 millions d'annees, pour doubler une centaine de millions d'annees plus tard avec le concours de la photosynthese des plantes vertes, et finalement atteindre 21% a notre epoque. L'apparition de 1'oxygene dans 1'atmosphere terrestre fut a la fois un avantage et un inconvenient. L'utilisation de 1'oxygene par les organismes aerobies pour degrader des molecules organiques en CC>2 et IH^O permit une recuperation importante d'energie, utilisee pour la synthese d'ATP a partir d'ADP et de phosphate mineral grace au mecanisme de 1'oxydation phosphorylante. L'inconvenient fut la toxicite des metabolites derives de 1'oxygene, a savoir 1'ion superoxyde f 1 ! 02", 1'eau oxygenee H2O2, le radical hydroxyle OH' et 1'oxygene singulet 1O2- Des bacteries comme 1'enterobacterie Escherichia coli contiennent le superoxyde C>2~ a la concentration de 10~10 M et H2O2 a la concentration de 10~ 7 M. Certains de ces derives comme H2O2, OH' et 1O2 contribuent a 1'oxydation des bases de 1'ADN, en particulier la guanine, et a celle de residus d'acides amines (cysteine, histidine, methionine, arginine) dans des proteines. L'evolution mit en place tres tot, au niveau des procaryotes, des systemes enzymatiques capables d'eliminer les derives toxiques de 1'oxygene ou en tout cas de maintenir leur concentration a un faible niveau. Seuls ont survecu en presence d'air les organismes qui ont ete capables de developper des systemes enzymatiques du type superoxyde dismutase qui transforme le superoxyde O2~ en H2O2, et du type catalase et peroxydase qui transforment H2O2 en H2O. La mise en place de ces systemes detoxifiants est complexe. Le traitement de la bacterie Escherichia coli par de faibles doses d'H2O2 induit la formation d'au moins 30 especes de proteines. La synthese de ces proteines est controlee au niveau de 1'ADN par une proteine regulatrice OxyR qui fonctionne comme une sonde a ^02- La proteine OxyR est une proteine porteuse de groupes thiols (-SH) oxydo-reductibles (proteine redox). Deux groupes thiols (-SH) peuvent s'oxyder et former un pont disulfure (-S-S-). C'est uniquement sous sa forme oxydee que la proteine OxyR active la transcription d'enzymes comme la catalase, en se fixant sur les regions promotrices des genes qui codent ces enzymes. En ce qui concerne 1'ion superoxyde O2~, la regulation de la superoxyde dismutase qui le transforme en H2O2 est le fait d'une proteine specifique,

[1]

L'ion superoxyde est designe dans la litterature par C>2 ' ou par 02"

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SoxR, qui passe d'un etat inactif a un etat actif apres oxydation d'un centre fer/soufre (Fe/S). La forme active de SoxR regule positivement 1'expression d'une autre proteine SoxS, laquelle regule a son tour positivement 1'expression de la superoxyde dismutase. Dans les annees soixante-dix, le microbiologiste americain Carl WOESE (n. 1928) proposa une classification des procaryotes en fonction des caracteristiques de leurs ARNS ribosomaux. II distingua deux phylums de procaryotes, comportant Tun des bacteries vivant dans des conditions extremes, qu'il appela archebacteries ou Archaea, et 1'autre les bacteries vraies ou eubacteries ou Bacteria (Figure 1.13). Les archebacteries avaient ainsi ete denommees car leur proliferation dans des conditions extremes laissait supposer qu'elles avaient pu etre les premieres formes de vie a la surface du globe terrestre. On pense qu'a partir d'un procaryote ancestral une divergence aurait donne naissance a ces deux phylums. Les archebacteries comprennent entre autres des halophiles, des methanogenes et des thermophiles. Les halophiles ont besoin de concentrations elevees en sel pour survivre. Certains possedent un systeme photosynthetique qui utilise un pigment lie a la membrane, la bacteriorhodopsine. Les methanogenes vivent dans des milieux sans oxygene et produisent du methane par reduction du gaz carbonique. Quant aux thermophiles, ils vivent dans des sources chaudes ou dans des fonds marins a des temperatures de 80 a 90°C. Les archebacteries different des eubacteries par la nature de leurs lipides membranaires, notamment les glycerophospholipides. Alors que le glycerol est lie par des liaisons esters aux acides gras dans les glycerophospholipides des eubacteries, la liaison est de type ether chez les archebacteries. II est probable que certaines archebacteries contiennent des proteines particulieres dont la connaissance devrait permettre de progresser dans 1'elucidation des stades precoces de 1'evolution. Les eubacteries comprennent des organismes photosynthetiques, comme les cyanobacteries, mais surtout des organismes non photosynthetiques (Figure 1.13) . Grace au sequen^age automatise de 1'ADN, les sequences d'une trentaine de genomes de procaryotes, y compris d'archebacteries, avaient ete decrites et repertoriees au debut de 1'annee 2001. II est apparu qu'une nouvelle division s'imposait chez les archebacteries, a savoir les euryarchaeotes et les crenarchaeotes. Dans le groupe des euryarchaeotes se trouvent les methanogenes et dans celui des crenarchaeotes les hyperthermophiles. Les crenarchaeotes ne possedent pas de genes codant les homologues d'histones qui sont retrouvees chez les eucaryotes et les euryarchaeotes; elles possedent, par contre, des genes codant de petites proteines basiques, capables de se fixer sur 1'ADN comme c'est le cas chez les eubacteries. Cette observation et d'autres etayent la theorie d'un transfert horizontal de genes qui a eu lieu dans le cours de revolution sans aucune specificite entre differentes especes de procaryotes vivant a la meme epoque dans les memes niches ecologiques.

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a - La premiere divergence de 1'evolution archebacteries et eubacteries

b - La deuxieme divergence de revolution Apparition des eucaryotes

Figure 1.13 - Les divergences de 1'evolution

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9.2. I/EMERGENCE DES EUCARYOTES Un evenement crucial de 1'evolution fut 1'apparition de cellules eucaryotes, c'est-a-dire de cellules contenant un noyau enserrant 1'ADN. Le cytoplasme des cellules eucaryotes du regne animal et du regne vegetal contient des mitochondries ainsi que d'autres organites. Les cellules vegetales contiennent en plus des chloroplastes. On fait remonter a 1,5 milliard, peut-etre 2 milliards d'annees, 1'apparition de la premiere cellule eucaryote. Les avis restent partages sur la nature des evenements qui aboutirent a la cellule eucaryote. Toutefois deux scenarios retiennent 1'attention. On y refere sous les noms d'hypothese de 1'oxygene et d'hypothese de 1'hydrogene (Figure 1.14). L'hypothese de 1'oxygene admet qu'un protoeucaryote, c'est-a-dire une cellule nucleee depourvue de mitochondries, est entre en symbiose avec une bacterie aerobic, dotee d'une chaine respiratoire transferant les electrons a partir de substrats reduits vers 1'oxygene et d'une machinerie moleculaire capable de coupler la respiration a la synthese d'ATP. Cette bacterie, une fois endocytee par le protoeucaryote se serait divisee, donnant naissance aux organites endocellulaires connus sous le nom de mitochondries (Figure I.14a). Cette hypothese est plausible dans la mesure ou on replace les evenements qu'elle decrit dans une periode geologique ou 1'atmosphere terrestre etait deja enrichie en oxygene. Ce n'etait pas le cas lorsque les eucaryotes ont fait leur apparition, il y a 2 milliards d'annees a moins de supposer 1'existence de microniches a oxygene. Selon une theorie originale, appelee "ox-tox", la fonction premiere de la bacterie aerobic aurait ete de consommer 1'oxygene et de 1'eliminer en tant qu'element toxique de la cellule anaerobic. L'hypothese de 1'hydrogene postule une symbiose entre une archebacterie et une proteobacterie (apparue dans le phylum des eubacteries au cours de 1'evolution) (Figure I.14b). Elle s'appuie sur la tres forte probabilite que 1'atmosphere prebiotique contenait tres peu ou pas d'oxygene. Elle comporte un certain nombre de propositions qui apparaissent raisonnables dans le contexte de la vie prebiotique, et qui s'enchainent de la fac.on suivante. L'archebacterie est autotrophe et utilise, avant la symbiose, 1'hydrogene du milieu exterieur comme source d'energie et le gaz carbonique comme source de carbone. Dans le processus de symbiose, 1'archebacterie internalise la proteobacterie qui devient le symbionte. Deux des produits du catabolisme chez la proteobacterie sont 1'hydrogene et le gaz carbonique. Au lieu de prelever 1'hydrogene et le gaz carbonique de 1'atmosphere, 1'archebacterie, grace a sa symbiose avec la proteobacterie, est approvisonnee a demeure en ces deux molecules avec une meilleure efficacite. En outre, la proteobacterie dispose d'un arsenal enzymatique lui permettant d'utiliser le glucose par la voie de la glycolyse. Elle possede aussi des transporteurs membranaires de metabolites, en particulier le transporteur de glucose. Par transfert des genes qui codent ces especes moleculaires chez la proteobacterie, 1'archebacterie s'est trouvee dotee de potentialites energetiques nettement ameliorees par rapport a celles qu'elle possedait avant symbiose.

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L'hypothese de 1'oxygene (ou de 1'endosymbiose d'une proteobacterie par un protoeucaryote) fut proposee pour expliquer 1'origine des mitochondries dans des cellules eucaryotes dans un milieu aerobic. (De meme 1'endosymbiose de cyanobacteries serait a 1'origine des chloroplastes dans les eucaryotes photosynthetiques). a - Hypothese de 1'oxygene (d'apres L. MARGULIS - Origin of eucaryotic cells, 1970)

(glycolyse, transporteurs de nutriments) a 1'archebacterie (hote) qui devient heterotrophe

L'hypothese de 1'hydrogene refere a une symbiose dans un milieu anaerobic entre une proteobacterie fermentative productrice d'hydrogene et de CO2 et une archebacterie autotrophe dependant de la presence d'hydrogene et de CO2/ qui aurait pu etre un methanogene. b - Hypothese de 1'hydrogene (d'apres W. MARTIN et M. MULLER - Nature 392 (1998) 37) Figure 1.14 - Deux hypotheses pour le premier eucaryote

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En contrepartie, elle a perdu son autotrophie du fait de sa conversion en heterotrophe dependant des metabolites du milieu (ici le glucose) pour sa survie. Que devient le symbionte, c'est-a-dire la proteobacterie endocytee ? II peut disparaitre. S'il continue a relacher de 1'hydrogene, ce sera alors un hydrogenosome. II peut aussi evoluer et acquerir une chaine respiratoire couplee a une ATP synthase; ce sera alors une mitochondrie. Un schema de symbiose analogue a celui qui a abouti a la mise en place de mitochondries dans les cellules animales et vegetales a sans doute ete utilise pour la mise en place de chloroplastes dans les cellules vegetales. Dans un tel processus, les chloroplastes auraient eu un ancetre de type cyanobacterie. Les hypotheses de 1'oxygene et de 1'hydrogene sont speculatives. De plus, elles ne sont pas les seules a tenter d'expliquer 1'apparition des eucaryotes ; le debat est loin d'etre clos. Les eucaryotes unicellulaires evoluerent dans deux directions, soit qu'en restant unicellulaires ils se doterent d'une anatomic complexe, tube digestif, organes sensoriels, systeme motile, comme c'est le cas pour les protozoaires, soit qu'ils acquirent la capacite de s'agreger en colonies cellulaires, point de depart des metazoaires et des plantes. On retrouve aujourd'hui des formes vestigiales de vie qui sont, semble-t-il, des transitions entre unicellulaires et metazoaires; c'est le cas de 1'algue verte flagellee, Volvox, qui a la particularity de s'associer en colonies de milliers de cellules dont les cils battent de fagon synchrone; lors de la division cellulaire, les cellules restent unies par des ponts cytoplasmiques. L'apparition des premieres cellules eucaryotes fut confrontee avec la necessite d'inventer des mecanismes appropries pour resoudre le tres complexe probleme de la division cellulaire. Chez les procaryotes, lorsque 1'ADN se replique, les deux copies qui en resultent sont attachees a la membrane plasmique de la cellule en des regions qui se separent au moment de la division. Chaque cellule fille herite d'une copie de 1'ADN parental. Lors du passage aux cellules eucaryotes, le nombre et la taille des chromosomes ont augmente. Des mecanismes ont du etre inventes pour que la division cellulaire puisse s'accommoder de cette complexite emergente. A travers de nombreuses etudes realisees chez des protistes et des metazoaires, il apparait clairement qu'au cours de 1'evolution differentes solutions furent elaborees apres de multiples essais dont on retrouve les vestiges dans les especes vivantes actuelles (Chapitre II-5.2).

9.3. MUTATIONS ET HORLOGES D'ADN A partir des annees 1960, 1'analyse de la sequence de proteines simples comme le cytochrome c dans differentes especes animales ou vegetales avait attire I'attention sur 1'existence d'une derive moleculaire caracterisee par la substitution d'un acide amine par un autre, sans que cette modification n'entraine de prejudice pour le fonctionnement de la proteine. On voyait en particulier le nombre de substitutions augmenter au fur et a mesure qu'on remontait 1'echelle animale. Les techniques modernes de sequenc.age d'ADN par leur rapidite et

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leur fiabilite ont supplante celles de sequengage des proteines. Elles ont ainsi permis d'accumuler un nombre considerable de donnees. De leur analyse s'est degage le concept d'horloges biologiques ou d'horloges a ADN. Au cours de revolution, chaque espece de proteine dans un organisme vivant a vu sa sequence en acides amines "deriver". La vitesse de cette derive varie suivant 1'espece de proteine. Une fac,on de la calculer consiste a denombrer les mutations detectees, rapportees a 100 residus d'acides amines dans des proteines isolees a partir de differentes especes vivantes dont on connait la date d'emergence dans 1'evolution. On porte sur un graphe le nombre de ces mutations en fonction de leur date d'apparition. La droite obtenue permet de calculer 1'unite de temps evolutif, c'est-a-dire le temps moyen pour que se produise un changement, non letal et non handicapant, d'un residu d'acide amine tous les cent residus que la proteine contient. A titre d'exemple, 1'unite de temps evolutif est de 5,8 millions d'annees pour 1'hemoglobine, de 20 millions d'annees pour le cytochrome c et de 600 millions d'annees pour 1'histone H4, un certain type d'histone associee a 1'ADN dans la chromatine. La sequence primaire de 1'histone H4 a done ete fortement conservee au cours de 1'evolution, ce qui suggere qu'une mutation aleatoire dans 1'histone H4 est plus handicapante pour sa fonction que ne 1'est une mutation aleatoire dans le cytochrome c. La technique de 1'horloge biologique, c'est-a-dire 1'etude comparee des mutations, a ete appliquee a 1'ARN ribosomal 16S que 1'on trouve dans toutes les especes et dont la taille est suffisamment importante pour detecter des modifications significatives d'espece a espece. Parce que 1'ARN 16S mute lentement, son analyse a ete utilisee pour la datation d'evenements anciens. Elle a permis, par exemple, de s'assurer que les archebacteries appartenaient a un phylum different de celui des eubacteries. Tout en gardant leur valeur indicatrice, les horloges biologiques n'ont pas une fiabilite absolue en raison du transfert de genes entre organismes, en particulier entre eubacteries et archebacteries, transfert qui aurait pu atteindre un degre tres significatif lors de leur pullulation, il y a 2 a 3 milliards d'annees. L'ADN mitochondrial comme horloge biologique presente des particularites typiques par rapport a 1'ADN nucleaire. C'est un ADN de petite taille (dans 1'espece humaine, 16 500 paires de bases). II n'est pas sujet a recombinaison. II est transmis a la descendance essentiellement par 1'ovule, ce qui rend son analyse plus simple. Du fait de sa transmission maternelle, la sequence de 1'ADN mitochondrial s'est modifiee au cours du temps par accumulation de substitutions de bases puriques ou pyrimidiques, essentiellement dans le lignage maternel. En 1987, une etude sur 1'espece humaine fut publiee, qui portait sur le polymorphisme de 1'ADN mitochondrial chez 147 sujets originaires de differents continents : Afrique, Asie, Europe, Australie, Nouvelle Guinee. Le polymorphisme de 1'ADN avait ete analyse a 1'aide d'enzymes de restriction (Chapitre III-8.2), une technique qui venait d'etre mise au point en Grande-Bretagne. Les resultats montrerent une convergence vers une origine commune d'origine africaine remontant a 200 000 ans, ce qui conduisit a postuler 1'existence d'une

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Eve africaine mere de 1'humanite actuelle. A partir de la population africaine originelle, il y aurait eu un flux migratoire vers les autres continents. La divergence du phylum neanderthalien a egalement ete datee a partir d'ADN mitochondrial recupere a partir d'un extrait d'humerus d'un homme du Neanderthal fossilise. Cette divergence remonterait a 600 000 ou 700 000 ans. Grace a des analyses recentes d'ADN mitochondrial pratiquees chez 1'homme, le gorille et 1'orang-outang, il apparait que la divergence entre homme et gorille est moins ancienne que la divergence entre homme et orang-outang. La divergence entre homme et chimpanze est la plus recente. Un curieux phenomene ou les mutations ont joue un role indeniable est celui de la convergence fonctionnelle. II y a convergence quand un meme fonctionnement apparait en plus d'une occasion dans le cours de 1'evolution. C'est le cas des enzymes proteolytiques du type metalloproteases, cysteine - proteases, aspartyl - proteases, serine - proteases. Un cas egalement typique est celui de deux proteases, la subtilisine bacterienne et la chymotrypsine, dont la structure tridimensionnelle presente une architecture tres voisine, avec trois residus d'acides amines fonctionnant en relais et formant une triade catalytique : histidine 57, aspartate 102 et serine 195 pour la chymotrypsine et aspartate 32, histidine 64 et serine 271 pour la subtilisine. A un niveau d'integration plus eleve, 1'oeil est apparu a plusieurs reprises comme organe de la vision, sous forme d'ceil compose a multilentilles, par exemple chez les insectes, et d'ceil a lentille unique dans d'autres especes animales, par exemple les mammiferes.

9.4. EVOLUTION ET MALLEABILITE DU GENOME Une caracteristique etonnante des genes eucaryotiques consiste en leur morcelement. En effet, ils comportent des sequences codantes, les exons ("expressed sequences"), separes par des sequences non codantes, les introns ("intervening sequences"). Au cours de 1'etape de transcription, se produit un epissage entre les exons aboutissant a une sequence unique de pre-ARN messager codant une proteine specifique. On pensait jusqu'a une periode recente que 1'existence d'introns etait une caracteristique des eucaryotes. Cependant on a trouve des introns dans des archebacteries et aussi dans des cyanobacteries. Certains auteurs pensent que les bacteries avaient initialement possede dans leurs genes des introns qu'elles auraient ensuite perdus. Ainsi, leur genome se serait simplifie pour ne laisser subsister que les exons, ce qui aurait augmente leur efficacite de replication. La duplication des genes et 1'epissage alternatif ont ete utilises extensivement au cours de 1'evolution et sont, pour une grande part, responsables de la complexite genetique que nous connaissons. De petites unites geniques mobiles, appelees transposons, ont pu egalement influencer 1'expression des genes du fait de leur facilite a se deplacer dans le genome et a s'y inserer au hasard. C'est en s'interrogeant sur la raison des differentes pigmentations (jaune, brune...) des

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grains d'un meme epi de mai's que Barbara MC CLINTOCK (1902 -1992) entreprit de determiner, au debut des annees 1940, quelle pouvait etre la relation entre la synthese de ces pigments et les genes dont ils dependent. Ceci 1'amena a postuler 1'existence de genes mobiles dits sauteurs. Les transposons, delimites par des unites d'insertion (IS), se retrouvent aussi chez les bacteries. Leur taille varie entre 750 et 2 000 paires de bases (Chapitre III-4.2.5). Une particularite des transposons est de passer a une activite de migration intense apres une longue periode de repos, ce qui se traduit par des changements majeurs dans le genome auxquels on a donne le nom de "salves de transposition". II existe des transpositions simultanees de plusieurs elements transposables ; de tels processus auraient abouti a 1'emergence de nouvelles varietes d'organismes dont certaines auraient ete avantagees par rapport aux parents en fonction des conditions du milieu. Une categoric speciale de genes, les homeogenes, presents chez tous les metazoaires, ont tres probablement joue un role dans certains remaniements morphologiques apparus dans 1'evolution, par exemple 1'inversion bouche - anus et dos - ventre. Les homeogenes ont ete particulierement bien etudies chez la drosophile et plus recemment chez la souris. Chez la drosophile, avant meme la formation des segments de 1'embryon, une premiere classe de genes assure le controle de la formation de 1'axe antero-posterieur et de 1'axe dorso-ventral. Une deuxieme classe de genes, les genes de segmentation, controle la segmentation de 1'embryon en 15 segments repartis dans la tete, le thorax, et 1'abdomen. Les homeogenes correspondent a la troisieme classe. II s'agit de genes regulateurs maitres retrouves chez les vers, les insectes, les mammiferes et l'homme. Le terme "maitres" signifie que ces genes controlent la transcription d'autres genes dits secondaires. Les homeogenes ou genes hox possedent une region de tres forte similitude de 180 paires de bases appelee boite homeotique. Cette boite code un domaine peptidique tres conserve d'une soixantaine d'acides amines, 1'homeodomaine, apparente au domaine helice - coude - helice des regulateurs proteiques bacteriens qui se fixent sur des regions specifiques de 1'ADN (Chapitre III). Les homeoproteines, grace a leur homeodomaine, fonctionnent en fait comme des facteurs de transcription. La machinerie homeotique est apparue il y a 600 millions d'annees, et a ete conservee tout au long de revolution depuis les annelides jusqu'a l'homme. Chez la drosophile qui possede seulement quatre paires de chromosomes, les genes hox sont repartis en deux complexes, Antennapedia et Bithorax, qui sont localises sur le chromosome 3. La combinaison du produit d'un gene homeotique avec le produit d'un gene de segmentation definit une adresse unique visa-vis d'un segment determine de I'embryon. Des mutations bien identifiees chez la drosophile affectent le positionnement d'organes et d'appendices. Ce sont des mutations homeotiques. La mutation Antennapedia conduit a 1'implantation de pattes a la place d'antennes sur la tete de la drosophile; la mutation Bithorax conduit a 1'implantation de deux paires d'ailes sur le thorax a la place d'une seule (Figure 1.15).

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Le corps de la drosophile comporte line tete, trois segments thoraciques (Tl a T3) et neuf segments abdominaux (Al a A9).

Sur chaque segment sont fixes des appendices bien determines : sur Tl une paire de pattes, sur T2 une paire de pattes et une paire d'ailes, sur T3 une paire de pattes et une paire d'halteres.

La mutation bithorax induit I'implantation d'une paire d'ailes a la place des halteres au niveau de T3. Figure 1.15 - Controle de la morphogenese par les homeogenes chez la drosophile

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10. CONCLUSION. DE LA DEMONSTRATION DE DEVOLUTION AU DECHIFFRAGE DE SON MECANISME Depuis 1'Antiquite, philosophes et naturalistes ont essaye de comprendre comment la vie etait apparue sur terre et comment s'etait installee une si grande diversite de formes et de fonctionnements des organismes vivants. Les theories de revolution, c'est-a-dire de transformation de structures vivantes relativement simples en structures organisees complexes, ont pris corps et se sont developpees en meme temps que se mettaient en place les fondements de la biologic cellulaire au XIX e siecle, puis ceux de la biologic moleculaire au XX e siecle. Les systemes de classification qui se sont succedes dans les deux derniers siecles (Tableau 1.2) illustrent les fagons differentes d'apprehender la diversite du monde vivant, d'abord fondees au XIXe siecle sur des criteres morphologiques et globaux, puis au XX e siecle sur des criteres plus precis allant jusqu'a la comparaison des genomes. Tableau 1.2 - Les systemes de classification des organismes vivants en fonction des theories de revolution • Regne animal Ernst HAECKEL (1866)

' R6§ne V^tal • Regne des protistes (algues, champignons, protozoaires, bacteries) • Regne animal

Robert WHITTAKER (1969) * R^e vegetal • Regne des eumycetes pluricellulaires (champignons, moisissures) Roger STANIER & • Regne des eucaryotes Cornelis VAN NIEL (1962) (animaux, plantes, protistes) Ernst. MAYR (1998) • Regne des procaryotes

Carl WOESE (1978)

• Regne des eucaryotes (animaux, plantes, eumycetes) . R£gne des eubacteries • Regne des archebacteries (thermophiles, halophiles, methanogenes)

Une des dernieres classifications, celle formulee par Carl WOESE en 1978, fondee sur les caracteres structuraux des ARNs ribosomaux aboutit a repartir en trois regnes, eucaryotes (Eucarya), eubacteries (Bacteria) et archebacteries (Archaea) tous les representants du monde vivant. Cette repartition n'est cependant pas

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universellement acceptee. En 1998, Ernst MAYR publia dans les Proceedings of National Academy of sciences USA (vol. 95, pp. 9720-9723) des arguments pour conserver eubacteries et archebacteries dans un seul regne, celui des procaryotes, a cote de celui des eucaryotes, comme ceci avait etc propose quelques dizaines d'annees plus tot par Cornelis VAN NIEL (1897 -1985) et Roger STANIER (1916 -1982) (Tableau 1.2). La notion d'une cellule-ancetre commune aux differents regnes du vivant, un progenote, paraissait logique. Toutefois, il semble a present qu'au tout debut de revolution il y eut de nombreux transferts de genes entre cellules avant que les differentes especes cellulaires a 1'origine des grands phylums, ne se stabilisent (Figure 1.16). Espece, selection, gene sont des notions qui ont ete proposees, reconnues, puis definitivement acceptees en 1'espace de deux a trois siecles. La gradation de complexite dans le mecanisme de 1'evolution a ete cernee de fac,on sobre et lucide par Jacques MONOD dans la preface qu'il ecrivit dans 1'ouvrage d'Ernst MAYR Population, Espace et Evolution (1974). "L'unite de transmission hereditaire, rappelle MONOD, est le gene. L'unite de selection est 1'individu qui exprime dans son phenotype les interactions complexes du genome dont il a herite. L'unite devolution n'est ni le gene, ni 1'individu, mais 1'espece ou la population mendelienne qui se partage, echange et recombine la reserve genetique constitute par 1'ensemble des genomes individuels". De nos connaissances encore fragmentaires sur 1'evolution resultent des prises de position souvent dogmatiques qui portent sur des problemes de determinisme et de contingence. Dans Poussiere de Vie (1994), le biochimiste Christian DE DUVE s'est fait le juge entre deux positions extremes adoptees par Pierre TEILHARD DE CHARDIN (1881 - 1955) et Jacques MONOD (1910 -1976). Dans le Phenomene Humain (1955), TEILHARD DE CHARDIN developpa la notion d'un univers vivant predetermine avec 1'apparition d'organismes de plus en plus perfectionnes et 1'emergence finale de 1'homme en tant qu'etre pensant. A 1'inverse, MONOD dans Le Hasard et la Necessite (1970) soutint que 1'evolution ne depend d'aucun elan vital, mais de mutations dues au hasard, necessairement filtrees par la selection naturelle. De son cote, DE DUVE declare que le developpement de la vie sur terre a laisse moins de latitude a 1'imprevisible que ne le pensait MONOD. Des contraintes internes ou externes auraient canalise le hasard, "forgant 1'evolution a s'immobiliser jusqu'a ce que se produise le type de mutation qu'il fallait". Un exemple donne par DE DUVE est celui de deux proteines du cytosquelette, 1'actine et la tubuline. Ces deux proteines apparues au hasard des mutations ont ete selectionnees par des cellules qui les utiliserent a leur profit au moment approprie pour en faire leur cytosquelette (ChapitreII-1.2). Une question majeure, d'apres DE DUVE, est de savoir si le hasard a travaille dans le vide, ou bien s'il a ete contraint dans un univers sous le controle de lois imposees par le monde subatomique du big-bang. En d'autres termes, 1'univers est-il denue de sens et le fruit du hasard ou a-t-il un sens ?

I - LES ARTISANS DBS THEORIES DE L'EVOLUTION

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L'arbre phylogenetique represente en haut est le modele standard, construit en partie a partir des donnees de sequences d'ARN de la petite sous-unite ribosomale (C.R. WOESE et al. - Proc. Nat. Acad. Sci. USA 87 (1990) 4576). Get arbre montre la divergence a partir d'un ancetre commun hypothetique vers les trois domaines du vivant: Bacteria, Eucarya eiArchaea. Les fleches interieures indiquent les endosymbioses d'ou sont issus les chloroplastes et les mitochondries. Malgre sa vertu pedagogique qui resulte de sa simplicite, ce modele est remis en question. II est en effet admis qu'il y a eu de nombreux transferts de genes entre cellules avant que les especes ne se stabilisent (C.R. WOESE Proc. Nat. Acad. Sci. USA 95, 1998) 6854). Ces echanges genetiques sont illustres dans le modele reticule represente en bas. Figure 1.16 - Les trois regnes du monde vivant (d'apres W.F. DOOLITTLE - Science 284 (1999) 2125, avec 1'autorisation de 1'American Association for the Advancement of Science)

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DE DUVE incline pour la seconde possibilite, en prenant comme exemple la hierarchic des genes. II existe des genes tres signifiants. Ce sont les genes homeotiques, de veritables maitres-genes. D'autres genes sont m o i n s signifiants ; ce sont ceux impliques dans 1'expression d'enzymes du metabolisme. Ainsi au cours de revolution, la perte d'un gene codant un enzyme responsable de la synthese d'une vitamine sera compensee par 1'apport de cette vitamine dans 1'alimentation. Une mutation qui pourrait etre letale dans un contexte de carence n'a aucune incidence dans la mesure ou le facteur, produit du gene mute, est apporte par 1'alimentation. Deux images quelque peu caricaturales de 1'idee qu'on peut se faire de 1'evolution ont ete donnees par Stephen GOULD et Christian DE DUVE. Pour GOULD, contrairement a 1'illusion qu'elle nous procure, revolution ne fonctionne pas suivant une direction lineaire predeterminee. Elle ressemble a un buisson d'ou peu a peu, mais au hasard, emergent des formes superieures de vie. Pour DE DUVE, 1'evolution peut etre comparee a un arbre. A partir du tronc de cet arbre de vie ont pousse des branches et a partir des branches, des rameaux. Ces rameaux correspondent aux especes emergentes de revolution avec au sommet une brindille qui correspond a l'homme. Contrairement au buisson, 1'arbre de vie laisse beaucoup moins de place au contingent et a 1'imprevisible. Dans 1'etat actuel de nos connaissances, le choix entre ces deux points de vue ne peut etre que subjectif.

CHAPITRE II LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE CELLULAIRE "Qu'est-ce au fait que la cellule, cet element dont sont fails tons les etres vivants, que nous avions cru si simple et que les etudes recentes nous montrent si compliquee, jusqu'a ce que d'autres etudes a venir la ramenent a une simplicite plus grande encore en trouvant la formule des actions mecaniques auxquelles se reduisent les forces qui agissent en elle 1 Comment vit-elle ? Comment assimile-t-elle et accroit-elle sa substance avec des substances de nature differente 1 Pourquoi au lieu de grandir indefiniment se divise-t-elle a un instant donne et quelle est la raison des phenomenes extraordinaires qui se passent en elle a ce moment ?" Yves DELAGE - L'heredite et les grands problemes de la Biologic Generale - 1903

Lorsque de nos jours, on ouvre un livre elementaire de biologic, on y apprend d'emblee que la cellule est 1'unite structurale et fonctionnelle des organismes vivants animaux ou vegetaux. Chez les animaux, des milliards de cellules s'associent pour former des macrostructures qui correspondent a des organes adaptes a des fonctions precises : cceur, cerveau, foie, poumons, rein... Chez les plantes, des structures specialisees comme les feuilles, les racines, mettent egalement en ceuvre des associations cellulaires tres precises. Le monde des micro-organismes est, lui, constitue de cellules isolees, bacteries, amibes, levures, dont les potentialites fonctionnelles n'en sont pas moins remarquables. Si par ailleurs on s'interesse a 1'apparition de la vie sur la terre et a 1'evolution des structures vivantes, on decouvre que 1'ancetre commun de tous les etres vivants etait un organisme unicellulaire apparu il y a 3,5 milliards d'annees (Chapitre I). Cette cellule de quelques micrometres de diametre possedait deja un materiel nucleique du type acide desoxyribonucleique (ADN) ou acide ribonucleique (ARN) capable de se repliquer. C'etait un procaryote, c'est-a-dire que son materiel nucleique etait reparti de fagon diffuse, non enserre dans une membrane. Un milliard d'annees plus tard, les cellules eucaryotes firent leur apparition. Elles differaient des cellules procaryotes par le fait que leur materiel nucleique etait contenu dans un compartiment limite par une enveloppe, le noyau. Leur volume etait plusieurs centaines de fois superieur a celui des cellules procaryotes. A partir de cellules eucaryotes isolees emergerent des organismes multicellulaires, les metazoaires, il y a 600 a 800 millions d'annees. Ce furent d'abord des invertebres, c'est-a-dire des organismes sans tissu osseux, puis des vertebres, c'est-a-dire des organismes pourvus d'un squelette. L'association de cellules chez les metazoaires entraina la necessite pour ces cellules de

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

dialoguer par des messagers moleculaires. Elle s'accompagna d'un processus d'une fantastique complexite, la differenciation cellulaire : en se regroupant, les cellules s'organiserent en tissus et organes caracterises par des structures et des fonctions specifiques. Ainsi, les epitheliums au niveau de la peau et des muqueuses du tractus digestif eurent une fonction de recouvrement et de protection, le tissu musculaire, qui etait capable de se contracter sous le controle de cellules nerveuses, assura la locomotion, la fonction de reproduction mit en ceuvre les cellules germinales.

1. LES OBJETS DE LA BIOLOGIE

CELLULAIRE

"Le premier obstacle qui se presente dans I'etude des sciences naturelles vient de la grande multitude d'objets" Georges Louis LECLERC, Comte DE BUFFON Histoire Naturelle, Generale et Particuliere, Premier Discours - 1749

Les milliers de types de cellules que Ton observe chez les animaux et les vegetaux, aussi bien chez les organismes unicellulaires que chez les pluricellulaires, ont, jusqu'a une epoque recente, defie la logique explicative des naturalistes. Au fur et a mesure des progres dans 1'analyse anatomique puis moleculaire des especes vivantes, il s'est avere necessaire de reviser, a intervalles, les systemes de classification en cours. Dans le meme temps, on s'est rendu compte que 1'apparente diversite morphologique des etres vivants recouvrait une reelle unite au niveau de 1'organisation ultrastructurale et fonctionnelle des cellules.

l.l. SYSTEMES DE CLASSIFICATION DES CELLULES VIVANTES Lorsque la notion de cellule comme unite de vie fut admise dans le milieu du XIXe siecle, on en resta pour classer les differents types de cellules du monde vivant a la bipartition en regne vegetal et en regne animal qui etait en vigueur depuis 1'antiquite. Les criteres physiologiques du regne vegetal etaient 1'immobilite et la photosynthese, c'est-a-dire la capacite a assimiler le gaz carbonique et a utiliser 1'energie solaire pour des syntheses. Ceux du regne animal etaient la mobilite et la necessite de tirer 1'energie necessaire a la vie a partir de 1'oxydation de nutriments carbones. A cote de ces criteres physiologiques existait un critere morphologique apporte par 1'examen microscopique. Les cellules vegetales etaient entourees d'une paroi cellulosique, veritable cuirasse qui protegeait la membrane plasmique, alors que les cellules animales en etaient depourvues, se trouvant en contact avec le milieu environnant directement par leur membrane plasmique. Tant que les naturalistes s'interesserent aux plus differencies des organismes pluricellulaires, et les classifierent en rattachant certains organismes au regne vegetal et les autres au regne animal, il ne se posa pas de probleme majeur.

II - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE CELLULAIRE

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Avec les progres de la microscopic optique au XIX e siecle et 1'interet porte a la microbiologie, le monde des micro-organismes apparut avec sa deroutante diversite accompagnee de bizarreries morphologiques insoup^onnees comme le montrent des figures de protozoaires marins tels que les radiolaires illustres dans la figure II. 1. Par esprit rationnel, on chercha a rattacher, au fur et a mesure de leur caracterisation, les differentes especes de micro-organismes soit au regne vegetal, soit au regne animal. C'est alors que surgirent des difficultes. Convenait-il, par exemple, de classer des micro-organismes unicellulaires flagelles, photosynthetiques et mobiles comme des vegetaux en raison de leur capacite de photosynthese ou comme des animaux en raison de leur capacite a se mouvoir. Le naturaliste allemand, Ernst HAECKEL specialiste de revolution, proposa en 1866 un systeme de classification tripartite, ajoutant aux deux regnes, animal et vegetal, un troisieme, le regne des protistes, qui regroupait les protozoaires, les bacteries, les champignons et les algues microscopiques. La science des protistes devint la microbiologie. A I'interieur de la microbiologie, deux disciplines, la bacteriologie et la protozoologie, prirent un essor fulgurant a la fin du XIX e siecle en raison de leurs applications en medecine humaine et veterinaire. Au plan morphologique, les protozoaires, du fait de leur grosse taille, etaient considered comme des unicellulaires du regne animal, precurseurs des organismes metazoaires. L'etude structurale des tissus des metazoaires devint une specialite de la zoologie. Elle prit le nom d'histologie (du grec icrroe = tissu). En medecine humaine, elle annexa 1'analyse des tissus pathologiques sous le vocable d'anatomie pathologique. Dans le milieu du XX e siecle, avec une perception beaucoup plus fine de 1'ultrastructure cellulaire grace a la microscopie electronique, une nouvelle classification du monde vivant s'imposa, fondee sur la presence ou 1'absence d'un noyau organise enserrant le materiel genetique de la cellule, c'est-a-dire 1'ADN. Le terme eucaryote servit a designer des cellules porteuses d'un noyau bien visible que la microscopie optique avait deja mis en evidence, mais avec une faible resolution. Par centre, dans les bacteries, la microscopie electronique ne revela pas de membrane nucleaire, mais seulement un materiel nucleique diffus, quelquefois ramasse en un amas appele nucleoi'de. Pour cette raison, le terme de procaryotes fut attribue aux bacteries. 1.2. L'ETAT DES CONNAISSANCES E

VERS LA MOITIE DU XX

EN BIOLOGIE CELLULAIRE

SIECLE AVANT LA PERCEE

DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

Dans les annees 1950 -1960, la microscopie electronique permit de resoudre dans les cellules eucaryotes des details structuraux d'organites intracellulaires que la microscopie optique avait grossierement visualises Les electromicrographies presentees dans les figures II.2 a II.5 montrent les details de differents organites de la cellule eucaryote, noyau, mitochondries, reticulum, appareil de GOLGI.

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A- Solenosphaera pandora x 250 (H^CKEL) B - Thalassicola pelagica x 15 (HERTWIG) C - Actinomma asteracanthion x 250 (HERTWIG) D - Heliodiscus cingillum x 250 (H/ECKEL) E - Amphicraspedon macleggianum x 250 (H^CKEL) F - Periparnatus amphiconus x 250 (H^CKEL) G - Zonidium octothalium x 250 (H^CKEL) Figure II.l - Morphologic des radiolaires (d'apres R. PERRIER - Cours elementaire de Zoologie, Masson, 1936)

II - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE CELLULAIRE

Figure II.2 - Plasmocyte montrant un gros noyau avec son nucleole, un abondant reticulum endoplasmique rugueux et quelques mitochondries (d'apres D.W. FAWCETT - An Atlas of fine Structure. The Cell, W.B. Saunders Company, 1966)

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Figure II.3 - Mitochondries dans une coupe de tissu adipeux (d'apres D.W. FAWCETT - An Atlas of fine Structure. The Cell, W.B. Saunders Company, 1966)

II - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE CELLULAIRE

Figure II.4 - Reticulum endoplasmique rugueux borde par de nombreux grains opaques aux electrons (grains de Palade ou ribosomes) avec la presence de quelques mitochondries dans une cellule de foie (d'apres D.W. FAWCETT - An Atlas of fine Structure. The Cell, W.B. Saunders Company, 1966)

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Figure II.5 - Empilements de membranes de 1'appareil de Golgi dans une cellule de duodenum (d'apres D.W. FAWCETT - An Atlas of fine Structure. The Cell, W.B. Saunders Company, 1966)

II - L ES ORIGINES DE LA BIOLOGIE CELLULAIRE

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La microscopie electronique revela aussi la morphologie fine des procaryotes et des virus (Figure II.6). Dans les annees qui suivirent furent publics des traites de biologie cellulaire qui fournirent sur ces sujets une documentation et une illustration abondantes. Le resume qui suit est un survol schematique des connaissances de cette epoque, qui par la suite s'enrichirent des apports de la biologie moleculaire. Ce survol permet de mesurer dans toute son ampleur le chemin parcouru depuis les premieres descriptions de micro-organismes, il y a un peu plus de trois siecles, a 1'aide de microscopes rudimentaires, jusqu'a notre vision presente du monde vivant dans sa fantastique complexite. Les cellules eucaryotes dont une representation schematique est donnee dans la figure II.7 sont caracterisees non seulement par un noyau bien delimite, mais egalement par une multicompartimentation du cytoplasme en organites specialises dans des fonctions precises.

Le noyau II occupe 10 a 15% du volume cellulaire quelquefois beaucoup plus, jusqu'a 50% dans certaines cellules comme les lymphocytes. C'est le principal site de localisation du materiel informatif de la cellule eucaryote, c'est-a-dire 1'ADN, un autre site, minoritaire, etant constitue par les mitochondries (et les chloroplastes dans la cellule vegetale). L'ADN du noyau des cellules eucaryotes est present dans des chromosomes lineaires, sous une forme associee a des proteines basiques appelees histories. La taille et le nombre des chromosomes varient suivant les especes animales et vegetales. A titre d'exemple, les cellules humaines contiennent 23 paires de chromosomes, celles de levure 17 paires, et celles de lys 12 paires. L'ADN de 1'ensemble des 23 chromosomes dans le noyau d'une cellule humaine atteint, une fois deroule, une longueur de 1 metre. En general la longueur des molecules d'ADN des cellules eucaryotes est superieure de plusieurs milliers, voire centaines de milliers de fois au diametre des noyaux qui les contiennent. La raison en est que 1'ADN est superenroule dans des particules de chromatine appelees nucleosomes dont la composante proteique est represented par des histones. Le noyau n'est pas seulement un site de replication et de transcription des genes. II contient aussi une structure specialised, le nucleole. C'est dans le nucleole qu'ont lieu la maturation des ARNs ribosomaux ainsi que leur assemblage avec des proteines pour former les deux sous-unites des ribosomes. L'enveloppe nucleaire est formee de deux membranes, la membrane externe se continuant avec celle du reticulum endoplasmique. Cette enveloppe est percee de pores de nature proteique, d'un diametre de 9 a 10 nm, 4 000 a 5 000 par noyau. C'est au niveau des pores que sont importees plusieurs especes de proteines, en particulier celles qui sont destinees a former les sous-unites des ribosomes et que sont exportees vers le cytosol des molecules comme les ARNs messagers et les sousunites des ribosomes. Le trafic par 1'intermediaire des pores nucleaires est intense.

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Salmonella typhi avec ses flagelles et ses pili

Aquaspirillum magnetotactum avec ses particules de magnetite

Escherichia coli avec son nucleoi'de (amas d'ADN)

Bacteriophage T4 avec sa tete (contenant 1'ADN), sa tige et ses fibres d'adhesion

Figure II.6 - Electromicrographies de bacteries et d'un bacteriophage (d'apres T.D. BROCK, M.T. MADIGAN, J.M. MARTINKO et J. PARKER Biology of Microorganisms, 1994, droits reserves)

II - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE CELLULAIRE

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Une cellule cancereuse (cellule Hela) qui se divise toutes les 24 heures et qui contient environ dix millions de ribosomes exporte a partir de son noyau des sous-unites de ribosomes qui permettent de reconstituer dans le cytoplasme de 1000 a 1500 ribosomes par minute.

Mitochondries et chloroplastes Les cellules eucaryotes, animales et vegetales, possedent des organites specialises dans la production d'ATP. II s'agit des mitochondries pour les cellules animates, des mitochondries et des chloroplastes pour les cellules vegetales. Une difference fondamentale entre mitochondries et chloroplastes tient a leur comportement vis-a-vis de 1'oxygene. Les mitochondries sont des consommatrices d'oxygene. En oxydant des nutriments derives de glucides, lipides et acides amines, elles utilisent 1'energie chimique ainsi produite pour la synthese d'ATP (oxydation phosphorylante). Les chloroplastes sont des producteurs d'oxygene par clivage de 1'eau, et la synthese d'ATP qui leur est specifique depend de 1'energie lumineuse (photophosphorylation). Les mitochondries, au nombre de quelques centaines ou milliers par cellule, possedent deux membranes, une membrane externe poreuse vis-a-vis de molecules de masse inferieure a 5 -10 kilodaltons (kDa) et une membrane interne qui se replie sur elle-meme dans 1'interieur de la matrice mitochondriale. Le nombre des replis varie selon le type de mitochondries. Tres grand dans les mitochondries de cceur, avec une membrane interne repliee en accordeon, il Test beaucoup moins dans les mitochondries de foie. Pour 1 g de mitochondries de cceur, la surface deployee des replis de la membrane interne correspondrait a 400 m2 et pour 1 g de mitochondries de foie a 40 m2 avec 50% de proteines et 50% de lipides. Ceci donne une idee du degre de compactage des proteines intrinseques de la membrane mitochondriale interne. Ces proteines sont des transporteurs d'ions mineraux et de metabolites, ainsi que les composants du systeme de 1'oxydation phosphorylante, c'est-a-dire les transporteurs d'electrons de la chaine respiratoire et 1'ATP synthetase. L'ATP synthetise par les mitochondries est, pour la majeure partie, exporte vers le reste de la cellule ou il est utilise pour differents types de travaux qui consomment de 1'energie. En ce sens, 1'appareil mitochondrial est la centrale energetique de la cellule. La notion classique d'apres laquelle les mitochondries existent dans la cellule sous forme de particules isolees d'une faille de 1 a 2 |im est actuellement revisee pour laisser place a la notion d'un reticulum mitochondrial. Les chloroplastes sont limites par une membrane externe et une membrane interne comme les mitochondries; ils possedent en plus un systeme membranaire detache de la membrane interne et organise en disques, les thylakoi'des. Ceux-ci sont empiles en cylindres appeles grana. Les thylakoi'des contiennent une ATP synthetase semblable a celle des mitochondries ainsi qu'une chaine de transfer! d'electrons, alimente par un photosysteme capable de capter 1'energie lumineuse.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Comme le montrent les electromicrographies des figures II.2 a II.5, le cytoplasme des cellules eucaryotes est multicompartimente avec un reseau membranaire constitue par le reticulum endoplasrnique rugueux et lisse et 1'appareil de Golgi. II renferme differentes especes d'organites (mitochondries, lysosomes, peroxysomes, chloroplastes chez les plantes vertes) et un cytosquelette (microfilaments d'actine, microtubules, filaments intermediaries). Le gel dans lequel baignent les organites et le reseau membranaire est appele conventionnellement cytosol. En fait, le cytosol est un terme operationnel qui designe le surnageant obtenu par ultracentrifugation (100 000 g x 1 heure) d'un homogenat cellulaire. La figure montre le rapport approximatif entre la taille d'une bacterie et celle d'une cellule eucaryote. Figure II.7 - Representation schematique des compartiments d'une cellule eucaryote

II - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE CELLULAIRE

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La partie extramembranaire du chloroplaste appelee stroma contient un enzyme d'une importance capitale, la ribulose 1,5-bisphosphate carboxylase (RuBisCO), qui catalyse 1'incorporation du gaz carbonique (CC>2) dans le ribulose 5-phosphate. Le CO2 apres un parcours dans plusieurs metabolites qui se succedent dans une serie de reactions se retrouve dans des glucides tels que le saccharose. Ce processus qui fait passer le CO2 dans les molecules organiques est appele assimilation carbonee. La RuBisCO represente 50% des proteines du stroma des chloroplastes. C'est 1'enzyme le plus abondant de la nature. Le processus cle de la vie, la photosynthese, detenu par les chloroplastes des plantes est represente sous forme de la reaction globale : Chaque annee, les plantes fixent 2 x 1011 tonnes de carbone par photosynthese. Outre le carbone elles fixent du soufre et de 1'azote grace a 1'energie solaire. Mitochondries et chloroplastes contiennent un ADN circulaire, 5 a 10 anneaux d'ADN circulaire par mitochondrie contre plusieurs dizaines par chloroplaste. Les ARN messagers transcrits a partir de 1'ADN des mitochondries et des chloroplastes sont traduits en proteines sur des ribosomes localises dans les deux types d'organites. Mitochondries et chloroplastes ont done la capacite d'assurer la synthese d'une partie de leur materiel proteique. Mais pour leur bon fonctionnement, les deux types d'organites doivent necessairement importer des proteines synthetisees dans le cytosol et codees par les genes du noyau. A partir des annees soixante dix, une nouvelle pathologic humaine a ete individualisee, celle des maladies mitochondriales, avec une forte predominance de myopathies.

Lysosomes et peroxysomes Les lysosomes, particules de taille heterogene (0,2 a 0,5 Jim), constituent le systeme digestif de la cellule et servent d'eboueurs de materiaux indesirables. Us possedent non seulement une fonction autophagique qui porte sur des constituants endocellulaires, mais aussi une fonction heterophagique qui interesse des materiaux extracellulaires. De nombreux enzymes hydrolytiques sont presents dans ces lysosomes, a savoir des proteases (elastase, collagenase, cathepsine), des glycosidases (lysozyme), des nucleases degradant 1'ARN et 1'ADN, ainsi que des phospholipases. Tous ces enzymes ont un pH optimum proche de 5 ; le pH des lysosomes est egalement proche de 5 et done ajuste a 1'optimum d'activite des hydrolases. Les vacuoles des cellules vegetales et fongiques sont des organites particuliers dont certains sont assimiles a des lysosomes du fait de leur contenu en enzymes hydrolytiques. Les vacuoles des cellules de plantes servent au stockage de metabolites, de pigments ou encore de dechets. A 1'instar des lysosomes, un complexe proteique cellulaire depourvu de membrane, le proteasome, fonctionne pour degrader des biomolecules indesirables. Le proteasome comporte un canal delimite par plusieurs sous-unites dans lequel

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s'engouffrent les proteines qui sont destinees a etre degradees apres avoir ete reconnues grace a un etiquetage par une proteine de petite taille, 1'ubiquitine. Les peroxysomes se distinguent des autres organites par leur richesse en oxydases. L'eau oxygenee (H2O2) produite dans les reactions d'oxydation catalysees par les peroxysomes est detruite par une catalase et des peroxydases egalement localisees dans les peroxysomes. Comme les lysosomes et a la difference des mitochondries, les peroxysomes ne sont limites que par une simple membrane. Etant depourvus d'ADN, les lysosomes et les peroxysomes importent la totalite de leurs proteines. Bien que la quantite de lysosomes et de peroxysomes dans une cellule (quelques centaines) ne represente qu'un tres petit pourcentage de la quantite totale de proteines cellulaires (1 a 2%), leur role n'en est pas moins essentiel, un deficit dans leur fonctionnement conduisant a la mort cellulaire.

Reticulum endoplasmique, ribosomes et appareil de GOLGI Le reticulum endoplasmique est un systeme membranaire organise en canalicules qui communique avec un appareil de secretion de proteines, 1'appareil de GOLGI, par 1'intermediaire de vesicules qui bourgeonnent et se detachent. L'ensemble de ce reseau membranaire represente plus de 10 m2 pour 1 gramme de foie. Sur une region dont la longueur depend du type de tissu, le reticulum endoplasmique est borde de ribosomes. A cause de son aspect granuleux au microscope electronique, on 1'appelle reticulum rugueux. La region du reticulum depourvue de ribosomes est appelee reticulum lisse. Les proteines traduites au niveau d'ARNs messagers plaques sur les ribosomes de reticulum rugueux sont destinees en grande partie a 1'exportation. Une fois transferees dans la lumiere des canalicules du reticulum, elles subissent une premiere maturation qui consiste en la fixation de residus osidiques, glucose, mannose et acetylglucosamine. Le reticulum rugueux est particulierement abondant dans des cellules secretrices de type exocrine comme celles du pancreas et des glandes salivaires. Outre les ribosomes plaques contre le reticulum endoplasmique, existent des ribosomes libres, generalement en amas. Ceux-ci sont impliques dans la synthese de proteines endogenes. L'appareil de GOLGI, qui prend le relais du reticulum endoplasmique dans la maturation puis la secretion des proteines, est forme par I'empilement de saccules aplatis ou s'acheve la maturation des proteines commencee dans le reticulum. L'appareil de GOLGI est tres developpe dans les cellules secretrices. Des specificites enzymatiques relatives a la maturation proteique permettent de determiner trois zones dans Tappareil de GOLGI, une zone cis en interaction avec le reticulum, une zone mediane et une zone trans proche de la membrane plasmique. Chaque zone communique avec la zone suivante par l'intermediaire de vesicules de bourgeonnement. Les vesicules de la region trans se dirigent en majorite vers la membrane plasmique avec laquelle elles fusionnent pour liberer

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leur contenu dans 1'espace extracellulaire, et en minorite vers les lysosomes ou elles deversent des enzymes hydrolytiques. En somme, 1'appareil de GOLGI fonctionne comme un bureau de tri postal.

Cytosol et cytosquelette Le terme cytosol avait ete propose en 1965 pour designer le surnageant provenant de la centrifugation d'un homogenat cellulaire a 100 000 x g pendant 1 heure. Le meme terme fut par la suite utilise pour designer dans une cellule intacte le gel hydrophile en contact avec les organites endocellulaires et avec un reseau de filaments de differentes tallies et d'une grande complexite appele squelette de la cellule ou cytosquelette. II devint d'usage courant pour les biologistes de considerer comme equivalents les termes cytosol in vitro et cytosol in vivo. Cette malheureuse confusion, qui continue de persister, trouve son origine dans les travaux des annees 1940 -1950 sur le fractionnement des organites endocellulaires apres rupture de la membrane plasmique. Le cytosol provenant de la centrifugation differentielle d'homogenats cellulaires contient non seulement le cytoplasme soluble, mais aussi des proteines attachees de fagon lache aux structures membranaires et qui arrivent a se detacher au cours de la preparation de I'homogenat cellulaire et du fractionnement des organites par centrifugation a grande vitesse. Le cytosquelette comporte trois composants, les microfilaments d'actine, les microtubules et les filaments intermediaires. Ces entites peuvent etre visualisees avec un microscope a fluorescence en utilisant des anticorps fluorescents diriges centre 1'actine pour le reseau d'actine, centre la tubuline pour les microtubules, et contre la keratine ou la vimentine pour les filaments intermediaires. Les filaments intermediaires sont de veritable cordages de 8 a 10 nm de diametre tres resistants aux contraintes mecaniques, entourant le noyau et se prolongeant sur les bords de la cellule. Ce sont les seuls composants du cytosquelette a persister apres un traitement hypotonique ou hypertonique des cellules ou une extraction avec des detergents non ioniques. (Le terme cytosquelette a 1'origine fut utilise pour designer ces filaments intermediaires). Les filaments d'actine de 8 a 9 nm de diametre forment pour une large part une cuirasse plaquee contre la membrane plasmique, empechant cette membrane de s'aplatir. A cote de ce reseau cortical d'actine, existe un autre arrangement d'actine connu sous le nom de fibres de stress. Ces fibres sont amarrees sur une region de la membrane plasmique et traversent la cellule en profondeur. Associes a la myosine, les filaments d'actine permettent a des cellules isolees de se deplacer; c'est le cas des cellules phagocytaires. Quant aux microtubules, ce sont des batonnets creux de 25 nm de diametre resultant d'un assemblage de tubuline en longs filaments qui en majorite ont leur origine au niveau d'un organite fondamental dans la division cellulaire, le centrosome. Lorsque la cellule entre en mitose, les microtubules s'organisent pour former un fuseau appele fuseau mitotique, car c'est au niveau de ce

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fuseau que se disposent les chromosomes au moment de la mitose. Les microtubules servent egalement de rails sur lesquels se deplacent des organites tels que les mitochondries. Chez les metazoaires, des cellules d'un meme type peuvent s'associer pour former un tissu. Des tissus de differents types s'associent a leur tour pour former un organe. L'association entre cellules peut etre directe, mettant en ceuvre la membrane plasmique de cellules juxtaposees ; c'est le cas du tissu epithelial. Dans le tissu conjonctif, au contraire, les cellules sont separees les unes des autres et dispersees dans un gel appele matrice extracellulaire. Dans les annees 1960 -1970, grace aux techniques de la biochimie et a la microscopie electronique, il a ete possible d'identifier et de caracteriser differents modes d'associations entre cellules. Ainsi, les jonctions entre cellules epitheliales comprennent des structures tres cohesives ou jonctions impermeables ainsi que des jonctions "gap" ou jonctions communicantes qui correspondent a des canaux reliant des cellules. La communication entre les cellules permet une synchronie de fonctionnement. Enfin, des jonctions d'ancrage assurent par leur agrippement a des constituants du cytosquelette (actine et microtubules) une armature capable de resister a de fortes tensions mecaniques. Un caractere particulier des cellules des vegetaux superieurs est la presence d'une paroi rigide formee de fibres de cellulose enveloppant la membrane plasmique et protegeant de ce fait la cellule. Percee de pores, cette paroi laisse passer 1'eau et les molecules de petite taille. Les cellules procaryotes sont nettement plus petites que les cellules eucaryotes (1 a 3 jim centre 10 a 30 |0,m et plus). A la difference des cellules eucaryotes, les cellules procaryotes possedent un ADN circulaire et elles se divisent par simple fission. Ce sont des cellules haploi'des alors que les cellules eucaryotes sont diploides. Dans le cas d'une sexualite, une bacterie donatrice transfere de fac,on unidirectionnelle son chromosome a une bacterie acceptrice ; apparait alors un etat diploi'de transitoire. Les bacteries contiennent quelques milliers de ribosomes et des enzymes qui catalysent les reactions necessaires a la synthese de leurs differents composants : proteines, lipides, glucides et acides nucleiques. Ces syntheses sont realisees a partir de materiaux moleculaires tres simples : glucose comme source de carbone, sulfate d'ammonium comme source de soufre et d'azote, phosphate comme source de phosphore ainsi que des oligoelements, fer, calcium, magnesium etc. Le passage des cellules procaryotes aux cellules eucaryotes au cours de 1'evolution s'est accompagne d'une perte partielle des potentialites de synthese de biomolecules qui s'est accentuee avec 1'apparition d'organismes de plus en plus complexes. Ainsi les animaux dependent de leur environnement pour leur survie ; ils prelevent sur cet environnement les materiaux moleculaires qu'ils ne peuvent plus fabriquer, par exemple les vitamines ainsi que certains acides amines et acides gras dits essentiels (Chapitre IV-7.2).

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A 1'exception des bacteries photosynthetiques, il n'existe pas chez les procaryotes de systeme de compartimentation membranaire. Leur seule membrane est la membrane plasmique. Les bacteries photosynthetiques contiennent un systeme membranaire intracellulaire pourvu d'un appareil photosynthetique. La membrane plasmique des cellules procaryotes est equipee de systemes de transport d'ions mineraux et de nutriments ainsi que de recepteurs servant de detecteurs de signaux moleculaires de 1'environnement. Elle contient aussi une machinerie moleculaire qui permet le couplage de la synthese d'ATP a la respiration (oxydation phosphorylante). De nombreuses especes de bacteries possedent des structures chevelues appelees pili. Certaines possedent en plus des flagelles (Figure II.6). Le rapport de la surface de la membrane plasmique au volume de la cellule est singulierement plus eleve dans les cellules procaryotes que dans les cellules eucaryotes. Chez ces dernieres, un reajustement du rapport membrane a volume cellulaire s'est opere avec la mise en place de systemes membranaires endocellulaires correspondant aux organites evoques plus haut, mitochondries, lysosomes, peroxysomes, reticulum... Quant aux virus, ils sont a la limite du monde vivant. En effet, ils n'ont pas la capacite de se reproduire par eux-memes et d'effectuer des reactions du metabolisme. Ce sont des parasites de cellules aussi bien procaryotes (bacteriophages) qu'eucaryotes animales et vegetales. Le materiel genetique des virus est soit de 1'ADN, soit de 1'ARN. A la fin des annees 1930, il fut possible de separer les virus d'autres constituants dans des homogenats de cellules infectees, et a partir de la fin des annees 1940 de les observer par microscopic electronique. La forme extracellulaire d'un virus est appelee virion : son acide nucleique est maintenu a 1'interieur d'une enveloppe proteique, la capside. Cette capside peut contenir plusieurs especes differentes de chaines proteiques. Chez certains virus, la capside est entouree d'une membrane lipo-proteique comportant une bicouche lipidique (Chapitre II-9.1). Cette bicouche provient de la membrane plasmique de la cellule infectee. L'ADN du virus peut s'integrer dans 1'ADN du noyau d'une cellule note et se repliquer avec lui. Un exemple typique est celui du bacteriophage, bien etudie dans les annees quarante (Chapitre III-7.1). Le bacteriophage (Figure II.6), une fois integre dans 1'ADN bacterien, reste inactif sous une forme dormante. Dans certaines conditions, le virus redevient actif, se multiplie et tue la bacterie hote. 1.3. DlVERSITE ET UNITE DU MONDE VIVANT

Avec les progres explosifs de la biochimie et de la biologic moleculaire depuis 1950, il apparut que des analogies entre des especes vivantes fort distantes etaient plus profondes que les differences. Ces analogies peuvent etre resumees ainsi: 1. Le code genetique de toutes les cellules, a de rares exceptions pres, est le meme.

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2. Le decodage des genes portes par 1'ADN se fait, dans toutes les cellules, par un systeme passant par 1'ARN messager qui traduit 1'information genetique en proteines au niveau des ribosomes. 3. Les reactions chimiques a 1'interieur de toutes les cellules sont catalysees par des enzymes de nature proteique, avec 1'exception que certains ARNs, les ribozymes, se comportent egalement comme des catalyseurs. Ces reactions chimiques conduisent a la synthese ou a la degradation de proteines, lipides, glucides et acides nucleiques, ce qui constitue le cceur du metabolisme intermediaire. 4. L'ATP est la petite monnaie energetique de toutes les cellules. Sa degradation en ADP et phosphate mineral est couplee aux processus endergoniques inherents a la vie cellulaire : syntheses, transports de metabolites et d'ions mineraux centre des gradients de concentration, motilite... La resynthese d'ATP a partir d'ADP et de phosphate mineral necessite un apport d'energie qui dans une majorite de cas provient de reactions d'oxydation (oxydation phosphorylante) et dans le cas d'organismes photosynthetiques de la lumiere solaire (photophosphorylation). 5. Les membranes de toutes les cellules sont formees d'une double couche de lipides dans laquelle sont inserees des proteines qui peuvent etre soit des transporteurs de metabolites, soit des recepteurs de signaux moleculaires. 6. Quel que soit le tissu ou elles resident, la plupart des cellules eucaryotes possedent la meme panoplie d'organites caracterises par des structures et des fonctions specifiques, a savoir le noyau, les mitochondries, le reticulum endoplasmique, les ribosomes, 1'appareil de GOLGI, les lysosomes, les peroxysomes et le cytosquelette auxquels s'ajoutent les chloroplastes dans les cellules vegetales.

2. LES PREMIERES OBSERVATIONS

DE CELLULES

VIVANTES

"Lorsque les historiens de la science moderne essaient de definir son essence et sa structure, Us insistent le plus souvent sur son caractere empirique et concret par opposition au caractere abstrait et livresque de la science classique et medievale. L'observation de I'experience menant une offensive victorieuse contre la tradition et I'autorite : telle est I'image qui nous est donnee de la revolution intellectuelle au XVIIs siecle dont la science moderne est a la fois la racine et le fruit" Alexandre KOYRE - Etudes d'histoire de la pensee scientifique - 1966 Plus de trois siecles nous separent de 1'epoque a laquelle furent faites les premieres observations sur des etres "infiniment" petits a 1'aide de simples loupes. Un siecle et demi nous separe de 1'epoque a laquelle la theorie cellulaire fut formulee. L'acceptation de la theorie cellulaire et la notion de cellule comme unite de vie se sont imposees a la suite d'une longue demarche qui se concretisa a la fin du XIX e siecle et prit son essor avec les apports de la

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biochimie, de la biologie moleculaire et de la genetique dans la deuxieme moitie de XXe siecle. Ce qui suit est un aperc.u de cette histoire. 2.1. L'AVENEMENT DU MICROSCOPE

OPTIQUE

Un instrument banal de nos jours, une loupe, c'est-a-dire une lentille de verre polie biconvexe, est a 1'origine de la cytologie au XVII6 siecle. A cette epoque 1'optique se developpe avec le physicien et philosophe franc,ais Rene DESCARTES , celebre par son Traite de la Dioptrique, le physicien et astronome italien Galileo GALILEI, qui fabrique les premieres lentilles pour les lunettes astronomiques, et 1'astronome hollandais Christian HUYGENS (1629 - 1695) qui formule une theorie des ondes sinusoidales de la lumiere. Le terme cellule apparait pour la premiere fois en 1665 dans un ouvrage public par 1'astronome et physicien anglais Robert HOOKE (1635 -1703) et intitule Micrographia of Some Physiological Description of Minute Bodies Made by Magnifying Glasses. On pouvait y admirer des dessins de structures micro-anatomiques observees avec une loupe dans des coupes fines de tiges ou de racines de vegetaux executees avec un rasoir. HOOKE donna le nom de cellules, du latin cella - petite chambre, a des compartiments ou pores presents dans des coupes de liege, un peu semblables aux "alveoles des rayons de cire d'abeille". II estima qu'il y avait plus d'un million de ces pores par pouce carre (6,5 cm2). En fait le liege est un tissu mort, et ce qu'observait HOOKE, c'etait une armature cellulaire faite de cellulose propre au tissu vegetal. Cette structure poreuse, il la retrouva dans des coupes de moelle de sureau, de tiges de fenouil et de carottes entre autres vegetaux. Ce premier succes dans 1'approche de la micro-anatomie du vivant beneficia sans doute de la nature cellulosique de la paroi des cellules vegetales, particulierement resistante et capable de proteger la cellule lors de la coupe par un rasoir. A la micrographie naissante sont attaches le nom de HOOKE et egalement ceux de son compatriote Nehemia GREW (1641 -1712), de 1'Italien Marcello MALPIGHI (1628-1694) et des Hollandais Antoni VAN L E E U W E N H O E K (1632 -1723) et Jan SWAMMERDAM (1637 - 1680). GREW avait appris la medecine a Leyde et s'etait etabli comme praticien a Londres. Apres avoir occupe ses instants de loisir a 1'anatomie comparee d'organes chez differents animaux, il s'interessa a la micro-anatomie des plantes et decrivit, a partir de coupes de tiges, des structures en dentelle, correspondant a des membranes percees de pores. MALPIGHI fut un brillant histologiste. II occupa les chaires d'anatomie des facultes de medecine de Bologne et de Pise. II mit en evidence dans des coupes de rein des corpuscules en pelote qui seront baptises de son nom. II observa dans des capillaires le flux de globules lie a la circulation du sang qui avait ete decouverte en 1628 par William HARVEY (1578 -1657). Contemporain de GREW, MALPIGHI s'interessa comme ce dernier a la microstructure des plantes, comparant leurs vaisseaux ou circule la seve aux trachees des insectes. On ne doit pas s'etonner de la predilection des medecins de cette epoque pour

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la botanique. A ceci, deux raisons : tout d'abord, la botanique est partie integrante du cursus medical; ensuite les coupes de tissus vegetaux sont plus faciles a realiser que celles de tissus animaux.

2.2. VAN LEEUWENHOEK ET SON TEMPS VAN LEEUWENHOEK (Figure II.8) etait un autodidacte doue d'une ingeniosite peu commune. II fut un remarquable pionnier de la cytologie naissante. Son histoire est assez typique des savants de cette epoque pour que Ton s'y attarde. VAN LEEUWENHOEK est ne a Delft en 1632. Orphelin a 1'age de 6 ans d'un pere qui exer^ait la metier de vannier, il quitte a 9 ans le domicile paternel pour aller vivre chez son oncle. On le retrouve a 1'age de 16 ans comme commis chez un drapier d'Amsterdam. C'est la sans doute qu'il apprit a se servir du compte-fils, sorte de loupe rudimentaire utilisee pour analyser la texture des etoffes. II se marie en 1654 et le couple ouvre un commerce de draps a Delft. Apres le deces de sa femme en 1668, VAN LEEUWENHOEK s'expatrie pour quelque temps en Angleterre. A Londres il decouvre la celebre micrographie de HOOKE, ou est decrit le precede de fabrication de lentilles biconvexes pour microscope. II s'en inspirera. De retour a Delft en 1669, VAN LEEUWENHOEK se remarie, reprend son commerce de textile. II assure en plus diverses charges au service de la ville comme huissier a la chambre de echevins, comme geometre arpenteur et finalement comme controleur des vins. En depit de ses occupations multiples, il trouvera le temps de construire plus de cinq cents microscopes simples consistant en lentilles biconvexes a fort pouvoir grossissant (pouvant aller jusqu'a 200), inserees entre deux plaques metalliques, le plus souvent en cuivre, quelquefois en argent ou meme en or, de quelques cm2 de surface. Pour obtenir ces lentilles, 1'extremite de fines baguettes de verre etait portee a la flamme d'une bougie. La fusion du verre fournissait une gouttelette qui, une fois refroidie, etait fixee avec un peu de cire sur un support de bois, pour etre polie avec du sable tres fin. La lentille montee entre les deux plaques metalliques se comportait comme une loupe a courte distance focale. L'ceil devait etre plaque contre la lentille et de 1'autre cote, a faible distance, se trouvait 1'objet fixe sur la pointe d'un stylet (Figure II.8). II est interessant de noter qu'a 1'epoque de VAN LEEUWENHOEK, on etait capable de construire des microscopes composes, c'est-a-dire munis d'une lentille oculaire et d'une lentille objectif. Cependant 1'aberration chromatique etait telle que les images fournies etaient difficilement interpretables et que la description des objets examines etait erronee. L'aberration chromatique est due au fait que les lentilles (comme les prismes) ne refractent pas uniformement les composants de differentes longueurs d'onde de la lumiere blanche, la lumiere bleue de courte longue d'onde etant plus device que la lumiere rouge de longueur d'onde superieure, comme le montra pour la premiere fois Isaac NEWTON (1642-1727). Le microscope simple evitait ce defaut, tout en permettant des grossissements d'une centaine de fois et meme plus.

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Le microscope de VAN LEEUWENHOEK etait un microscope simple, une loupe. La lentille etait inseree dans un trou perce dans une plaque metallique de quelques cm2. L'objet etait place sur 1'extremite d'une tige que Ton pouvait deplacer vers le haut ou le has a 1'aide d'une vis a cremaillere. Figure II.8 - A. VAN LEEUWENHOEK et son microscope (d'apres L.N. MAGNER - A History of the Life Sciences, Marcel Dekker Inc., 1994)

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Travailleur infatigable, VAN LEEUWENHOEK accumula jusqu'a sa mort, a 90 ans, un nombre impressionnant d'observations sur les micro-organismes. N'ayant par frequente 1'universite, il fut de ce fait a 1'ecart de la litterature scientifique publiee en latin qui, a cette epoque, s'appuyait plus sur des dogmes que sur des faits. Avec la curiosite du neophyte, il decrivit et interpreta, sans idees precongues, 1'ultrastructure d'une multitude d'objets vivants. Grace a un de ses amis hollandais, medecin et naturaliste de renom, Reinier DE GRAAF (1641 - 1673) (qui donnera son nom au follicule ovarien), VAN LEEUWENHOEK fut introduit aupres de la Royal Society de Londres. II y adressa plus de six cents notes sur des observations de toute nature touchant au regne animal aussi bien qu'au regne vegetal. II fut le premier en 1676 a reconnaitre dans des decoctions ou infusions de foin des etres microscopiques mobiles qu'il appela infusoires. II observa des bacteries mobiles dans le tartre dentaire. Le compte-rendu de cette observation a la Royal Society peut etre consideree comme 1'acte de naissance de la bacteriologie. II nota la presence de globules rouges dans le sang circulant dans les capillaires qui irriguent les branchies de tetards. II decrivit sous le nom d'animalcules spermatiques les spermatozoi'des dans le sperme de belier, de chien et de lapin et il mit en evidence 1'existence de canaux seminiferes dans les testicules de coq. Encore plus surprenant, il semble avoir ete le premier a decouvrir la parthenogenese chez le puceron, un phenomene qui sera etudie en detail, un siecle plus tard par le naturaliste suisse Charles BONNET. En 1680 c'est la description de globules dans la biere en fermentation. II s'agissait de cellules de levure. L'heure n'etait pas encore venue de faire le rapprochement entre levure et fermentation. Pour ce rapprochement, il faudra attendre deux siecles. N'ayant pas d'etalon standard pour comparer les tallies de micro-organismes, VAN LEEUWENHOEK utilisa comme references des objets communs, par exemple le cheveu ou encore des grains de sable etalonnes de telle fagon que cent grains alignes cote a cote representent la taille d'un pouce, c'est-a-dire 2,6 cm. Compatriote et contemporain de VAN LEEUWENHOEK, Jan SWAMMERDAM, medecin et zoologiste, s'illustra par de superbes travaux sur 1'anatomie des insectes et les modifications morphologiques liees a leur metamorphose. La qualite de ses dissections etait exceptionnelle. SWAMMMERDAM aurait disseque plus de 3000 especes d'insectes a differents stades de developpement. Plus de cinquante ans apres sa mort en 1680, ses manuscrits furent rassembles et publics par Herman BOEHRAAVE (1668 -1738), autre medecin et naturaliste hollandais sous le titre de Bible de la Nature, un authentique document de base de 1'entomologie moderne.

3. LE XVIIIE SIECLE, PERIODE DE TRANSITION Alors qu'au XVH e siecle, la technique du microscope avait revele 1'existence de formes innombrables d'etres vivants tres petits, invisibles a 1'ceil nu, le

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XVIII6 siecle n'est le temoin d'aucune avancee significative aussi bien dans les techniques de la microscopie que dans les concepts de 1'organisation ultrastructurale du vivant. A ce pietinement, on a donne plusieurs explications. Tout d'abord, les preparations de tissus animaux s'alteraient rapidement, ce qui aboutissait a une absence de reproductibilite. D'autre part, les microscopes composes avec objectif et oculaire en vogue a cette epoque (Figure II.9) introduisaient des artefacts optiques, du type franges et halos dus en grande partie a 1'aberration chromatique (Chapitre II-2.2). A ces difficultes techniques s'ajoutait celle d'etablir des propositions generates a partir d'observations eparpillees et de choisir des systemes modeles simplificateurs. A titre d'exemple, on s'interrogeait sur la presence d'un noyau dans les globules rouges d'oiseau et son absence dans ceux de mammiferes; on sait actuellement qu'a la difference des oiseaux , les globules rouges de mammiferes perdent au cours de leur maturation le noyau qu'ils possedent dans un stade immature. Le XVIII6 siecle est une periode de fort developpement de la physique marque par les recherches fondamentales de Benjamin FRANKLIN (1706 -1790) et Henry CAVENDISH (1731 -1810) sur 1'electricite, de Jean-Antoine NOLLE! (1700 -1770) sur 1'electrostatique, de Charles-Auguste COULOMB (1736 - 1806) qui etablit les premieres lois du magnetisme et de 1'electrostatique, et d'Alessandro VOLTA (1745 -1820) le decouvreur de la pile electrochimique. L'optique progresse grace a des physiciens, comme William HERSCHEL, qui s'interessent a 1'astronomie et perfectionnent les telescopes. Au XVIII6 siecle, on assiste aussi a 1'eclosion de la chimie moderne avec entre autres Guillaume ROUELLE (1703 - 1770), Pierre-Joseph MACQUER (1716 -1784), Antoine BAUME (1728 -1804), Joseph PRIESTLEY (1733 - 1804), Joseph BLACK (1728 - 1799), Antoine-Laurent LAVOISIER (1734 -1794), Carl Wilhelm SCHEELE (1742 - 1786), Claude BERTHOLLET (1748 1822), Joseph Louis PROUST (1754 -1826), Antoine-Franc.ois DE FOURCROY (1755 -1809) et Louis Nicolas VAUQUELIN (1763 -1829). Leurs travaux ouvriront la voie a la biochimie structurale et fonctionnelle (Chapitre V). En ce qui concerne la biologie, avec le XVIII 6 siecle debute 1'experimentation animale en physiologic avec TREMBLEY et SPALLANZANI et en biologie du developpement avec WOLF. On voit aussi s'organiser de fac.on rationnelle des classifications d'especes animales. Dans les annees 1740, Abraham TREMBLEY (1710 - 1784) met en evidence la regeneration des tissus de 1'hydre apres amputation. Cette decouverte peu banale etait en fait partie d'une erreur de jugement. Ayant abandonne pendant quelques semaines un bocal rempli d'eau et de plantes aquatiques, TREMBLEY aperc,ut fixees sur les tiges des hydres vertes qu'il prit d'abord pour des parasites. Ayant observe que ces hydres n'etaient pas toutes semblables, qu'elles differaient par le nombre de leurs bras, il fit 1'analogie avec des arbres qui different par le nombre de leurs branches. II en conclut que les hydres vertes etaient des plantes qu'il pouvait bouturer. En novembre 1740, TREMBLEY sectionna une hydre en deux moities qu'il remit dans le bocal d'eau. En Janvier 1741, les deux moities d'hydre avaient reconstitue des hydres adultes. Lorsqu'il fut reconnu

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Le microscope compose est une invention hollandaise. On attribue cette invention a deux lunetiers de Middelburg, Hans Jansen et son fils Zacharias, aux environs de 1590. I/utilisation du microscope compose se repandit rapidement. Cependant les images obtenues avec les premiers microscopes composes etaient entachees d'artefacts causes, en particulier, par 1'aberration chromatique. Figure II.9 - Microscope compose (objectif + oculaire) utilise au XVIII e siecle (d'apres L.N. MAGNER - A History of the Life Sciences, Marcel Dekker Inc., 1994)

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que 1'hydre appartenait au regne animal, la decouverte de TREMBLEY prit une tout autre dimension. REAUMUR, d'abord incredule, confirma les resultats de TREMBLEY. Ainsi les tissus animaux etaient capables de regeneration, une idee revolutionnaire en ce temps-la. Ordonne pretre a 1'age de 33 ans, Lazarro SPALLANZANI (1729 -1799) commence une carriere de professeur de physique a Modene, puis il enseigne les sciences naturelles a Pavie. Son activite scientifique est prodigieuse. SPALLANZANI refute la generation spontanee postulee par John NEEDHAM (1713 -1781). II reprend les etudes de VAN LEEUWENHOEK sur les spermatozoides et realise les premieres experiences de fecondation artificielle en mettant en contact du sperme de grenouilles males avec des ceufs pondus par des grenouilles femelles. II a laisse des travaux de tout premier ordre sur la circulation sanguine dans 1'embryon de poulet. II decouvre le role du sue gastrique d'oiseau dans la digestion. Ayant recueilli ce sue gastrique, il le mit dans un flacon au contact d'un morceau de chair fraiche. En peu de temps le morceau de chair etait dissous. L'existence d'un ferment degradant les proteines et secrete par 1'estomac etait ainsi demontree. Plus tard, ce ferment sera caracterise et appele pepsine. Travaillant dans les annees 1760 sur 1'embryon de poulet, Kaspar Frederic WOLF (1733-1794) met en evidence, dans les tout premiers stades de 1'embryogenese, des changements de morphologie accompagnes d'une complication croissante d'ebauches : 1'intestin, d'abord simple ruban prend bientot la forme d'un tube. De meme les vaisseaux, le cceur et d'autres organes se construisent grace a des remaniements de structures initialement tres simples. Le poulet n'existait done pas preforme dans 1'ceuf, c'est-a-dire sous la forme d'un poulet miniature. WOLF conclut que les organes se forment par epigenese a partir de structures de nature inconnue presentes dans 1'ceuf feconde. Ces remarquables observations qui jetaient le doute sur la theorie de la preformation ne recurent pas de leur temps le credit qu'elles meritaient. II faudra attendre plus de quarante ans pour les voir confirmer et rationaliser avec la theorie des feuillets embryonnaires (Chapitre II-6.1). Le XVIII 6 siecle voit progresser la systematique avec le naturaliste Carl VON LINNE. Georges Louis LECLERC DE BUFFON (Chapitre 1-3.1) ecrit I'Histoire Naturelle, une ceuvre monumentale. Des anatomistes et pathologistes comme Giovanni MORGAGNI (1682 -1771), Antonio SCARPA (1752 - 1832), William HUNTER (1718 - 1783), John HUNTER (1728 - 1793), Albrecht VON HALLER (1708 -1777) et Xavier BICHAT (1771 -1802) attirent 1'attention sur les relations qui existent entre maladies et lesions des organes detectees apres autopsie. Us sont les fondateurs de 1'anatomie pathologique, qui represente 1'etape prealable a la pathologic cellulaire, une discipline innovee par 1'ecole allemande de biologie cellulaire dans le milieu du XIX e siecle. BICHAT fut reconnu a 1'etranger, en particulier par 1'ecole allemande du XIXe siecle comme 1'un des pionniers les plus brillants de 1'histologie, la science qui etudie les tissus vivants. et son influence fut considerable.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Originaire du Jura, BICHAT commence ses etudes de medecine a Lyon. En 1793, il est requisitionne comme medecin militaire dans 1'armee des Alpes. A Paris en 1794, il est nomme assistant de 1'eminent anatomiste et chirurgien, Pierre Joseph DESSAULT, qui exer^ait ses fonctions a 1'ancien Hotel Dieu de Paris, rebaptise pendant la Revolution franchise Grand Hospice de I'Humanite. A la mort de DESSAULT en 1795, BICHAT organise un cours d'anatomie qui aura un franc succes. Ses lemons sont toujours accompagnees de demonstrations sur le cadavre, ce qui a 1'epoque n'etait X. BICHAT pas courant. Durant sa courte vie, BICHAT aura le (1771 -1802) temps de dissequer plus de six cents cadavres. En 1798, il supervise la publication des ceuvres de DESSAULT, apres les avoir completees. On connait de BICHAT trois traites majeurs : le Traite des Membranes (1799), les Recherches Physiologiques sur la Vie et la Mort (1800) et \'Anatomic Generale Appliquee a la Physiologic et a la Medecine (1801). En 1802, sa mort prematuree met fin a une carriere qui s'annongait particulierement feconde. Se mefiant des analyses microscopiques, sans doute a cause des artefacts du microscope compose non maitrises a cette epoque, BICHAT postula en tant qu'anatomiste que les tissus, non les organes, sont les briques elementaires des organismes vivants. "La plupart des organes etant composes de tissus simples tres differents" ecrivait-il dans son traite d''Anatomic Generale, 'Tidee de la vie ne peut s'appliquer qu'a ces tissus simples et non aux organes eux-memes. Par exemple, 1'estomac est compose de tissus sereux, muqueux, musculaire, tous differents". II poursuivait: "de meme que la chimie a ses corps simples qui forment par des combinaisons diverses des corps composes, de meme 1'anatomie a ses tissus simples qui par leur combinaison quatre a quatre, huit a huit forment les organes". II distingua 21 tissus simples, parmi lesquels les tissus cartilagineux, fibreux, musculaires, muqueux, etc., sur la base de leur apparence, de leur fonction et de leur comportement a la dessiccation, a la maceration, a 1'irritabilite. Cette classification des tissus donnait une coherence a un domaine de 1'anatomie jusque-la particulierement nebuleux. Claude BERNARD (1813 - 1878), dans ses Leqons sur les phenomenes de la vie communs aux animaux et aux vegetaux (1870), rendit hommage a BICHAT en ces termes : "BICHAT, en fondant 1'anatomie generale et en rapportant les phenomenes des corps vivants aux proprietes elementaires des tissus, comme les effets a leurs causes, vint etablir la vraie base solide sur laquelle est assise la physiologie cellulaire". BLAINVILLE reprendra les principes de BICHAT, avec la meme prevention pour le microscope. "Le microscope, ecrivait BLAINVILLE, n'apprend rien de nouveau sur la composition anatomique des tissus". A la fin du XVIII 6 siecle prevaut la theorie de la fibre qui avait ete formulee par le medecin d'origine

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suisse Albrecht VON HALLER, tous les tissus etant considered comme un ensemble de fibres avec cet axiome : "la fibre est pour le physiologiste ce que la ligne est pour le geometre". La theorie de la fibre postulait que les fibres des os se prolongeaient dans celles des tendons, ces dernieres dans celles des muscles, continues elles-memes avec les fibres des vaisseaux et des nerfs. HALLER, medecin mais aussi physiologiste, botaniste et philosophe avait developpe une theorie de 1'irritabilite des muscles aboutissant a leur contraction sous 1'influence d'une "energie" apportee par les nerfs. II enseigna dans plusieurs universites allemandes avant de s'etablir definitivement a Berne. Son traite de physiologic, edite dans les annees 1760, ou etaient developpees des notions relativement modernes sur la respiration, la circulation et le systeme nerveux eut une forte influence sur plusieurs generations de naturalistes.

4. I/EMERGENCE DE LA THEORIE CELLULAIRE AU XIXE SIECLE "Le drame des grandes decouvertes, c'est que nous en suivons le deroulement dans I'histoire d'autant plus facilement que nous avons assiste au cinquieme acte." Gaston BACHELARD - La formation de Vesprit scientifique - 1938

Les premieres decennies du XIX e siecle sont le temoin d'un tournant decisif dans la connaissance de 1'ultrastructure du vivant qui aboutira a la formulation de la theorie cellulaire. Cet essor de la biologic est du en partie aux progres de la microscopic. L'aberration chromatique des microscopes composes (oculaire plus objectif) est systematiquement corrigee grace a 1'utilisation de lentilles d'indices de diffraction differents. Curieusement la solution au probleme de 1'aberration chromatique avait ete ebauchee des le XVIII6 siecle par 1'anglais John DOLLOND (1706 -1761), mais etait restee sans suite. Parmi d'autres perfectionnements apportes au microscope, citons ramelioration de la qualite des verres, la decouverte de la technique de 1'objectif a immersion appelee encore technique du bain d'huile, qui permit d'atteindre des grossissements de cinq cents a six cents fois avec une excellente resolution et ou s'illustrerent David BREWSTER (1781 - 1868) en Grande-Bretagne et Giovanni Battista AMICI (1786 - 1863) en Italic. 4.1. LES PRECURSEURS DE LA THEORIE CELLULAIRE

D'apres les traites modernes de biologic, la theorie cellulaire aurait ete formulee sous une forme preliminaire entre 1838 -1840 par deux naturalistes allemands, Matthias Jacob SCHLEIDEN (1804 - 1881) et Theodor SCHWANN (1810 - 1882), et sous une forme definitive dans les annees 1850 par Robert REMAK (1815 -1855) et Rudolf VIRCHOW (1821 - 1902). Pour didactique que soit cette presentation,

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elle n'en est pas moins restrictive, sinon incorrecte en passant sous silence les travaux de precurseurs auxquels SCHLEIDEN et SCHWANN emprunterent beaucoup sans le reconnaitre explicitement. L'entomologiste allemand Lorenz OKEN, un des apotres de la philosophic de la nature (Chapitre 1-3) a sans doute ete le premier a proposer, il est vrai sur des bases speculatives, 1'idee que le corps animal est un agglomerat d'unites microscopiques independantes. OKEN ecrivait en 1805, dans un ouvrage sur la Generation, que tous les organismes naissent de cellules et sont formes de cellules, que ces cellules, si on les suppose separees, sont la masse "infusoriale", le "mucus primitif" d'ou des organismes de plus grande taille ont ete formes. II avait illustre ses observations par 1'aphorisme "Omne vivum e vivo". OKEN concluait que les grands organismes ne sont autre chose qu'une agglomeration d'"infusoires", le terme "infusoire" designant simplement des structures unicellulaires et le terme "mucus" pouvant etre traduit par celui plus moderne de protoplasme. C'est en 1841 que DUJARDIN donnera le nom d'infusoire a une espece particuliere de protozoaire, designation qui sera definitivement adoptee par les naturalistes. Le noyau cellulaire fut decrit en 1831 comme un gros corpuscule spherique et sombre dans des coupes de feuilles d'orchidees par Robert B R O W N (1773 -1858), un physicien anglais connu pour ses etudes sur 1'agitation thermique de petites particules, laquelle fut baptisee plus tard mouvement brownien. II est possible que ce soit la meme structure qui ait ete decrite sous le terme de masse sombre dans des cellules epitheliales par 1'abbe italien, Felice FONTANA (1730 -1805). Le biologiste franc.ais Felix DUJARDIN (1801 -1860) donnera a la substance extranucleaire de la cellule ayant la consistence d'une gelee le nom de sarcode, qui sera en 1846 remplace par celui de protoplasme sur la suggestion du botaniste allemand Hugo VON MOHL (1805 -1872). Vers 1860, le terme cytoplasme fait son apparition avec le cytologiste allemand Albert KOLLIKER (1817 -1905) de 1'universite de Wurzburg pour designer la region extranucleaire de la cellule, le noyau etant appele nucleoplasme. Ce sont surtout des botanistes Henri DUTROCHET (1776 - 1847), Francois-Vincent RASPAIL (1794 - 1878), Charles Frangois BRISSEAU-MIRBEL (1776 -1854) et Pierre TURPIN (1775 - 1840) en France, Asnund RUDOLPHI (1771 -1832) et Heinrich LINK (1767 -1851) en Allemagne qui s'illustrerent par des micrographies detaillees de structures tissulaires et cellulaires de plantes. Un sujet d'achoppement et de contradiction semble avoir ete le statut des membranes. Pour BRISSEAU-MIRBEL, une seule membrane separe deux cellules, le terme "cellule" designant dans 1'esprit de 1'auteur un espace tubulaire ou fibrillaire. DUTROCHET, le decouvreur de 1'osmose, mentionne 1'existence dans les coupes de tiges de plantes de petites cellules globuleuses et note : "la ou les cellules se touchent, la paroi qui les separe est formee d'une double membrane". La difference d'interpretation des deux auteurs pourrait sembler subtile. Elle est d'autant plus fondamentale que la structure membranaire propre a la cellule vegetale est etendue par DUTROCHET au regne animal. Dans son ouvrage Recherches anatomiques et physiologiques sur la structure intime des

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animaux et des vegetaux, et sur leur mobilite paru en 1824, DUTROCHET ecrit: "les animaux et les vegetaux possedent la meme structure cellulaire. Les cellules qui composent leurs tissus ont des parois distinctes qui peuvent s'accoler, mais qui retrouvent leur autonomie lorsque les cellules sont dissociees". II prophetise : "la cellule est 1'organe secreteur par excellence. Elle secrete dans son interieur une substance qui tantot est destinee a etre portee au dehors par le moyen de canaux secreteurs et qui tantot est destinee a rester dans 1'interieur de la cellule qui 1'a secretee et a faire partie de 1'economie vivante ou elle joue un role qui lui est propre". De son cote, RASPAIL dans son Nouveau systeme de chimie organique public en 1833 ecrit des lignes premonitoires : "la cellule vegetale ainsi que la cellule animale est une espece de laboratoire des tissus. Ses parois imperforees ont la propriete de puiser par aspiration dans le liquide ambiant les elements necessaires a leur elaboration. Elles ont done la possibilite de faire comme un triage, c'est-a-dire d'admettre certains materiaux et d'arreter au passage certains autres". C'est done dans ce contexte historique qu'il convient de replacer les travaux de SCHLEIDEN et de SCHWANN.

4.2. UNE PREMIERE FORMULATION DE LA THEORIE

CELLULAIRE

Apres avoir etudie le droit a Heidelberg, Matthias SCHLEIDEN entreprend des etudes medicales a Berlin. Le cursus medical comportait de la botanique. II s'y passionne. En 1838 il public un article sur la phytogenese ou les plantes sont definies comme "des agregats d'etres individualises et independants qui sont des cellules". "Toute cellule, ecrivait-il, mene une double vie, une vie tout a fait autonome relative a son seul developpement et une autre, mediate, pour autant que la cellule est devenue partie integrante de la plante". SCHLEIDEN considerait M.J. SCHLEIDEN que le noyau baptise cytoblaste jouait un role (1804 -1881) primordial dans la formation de la cellule. II avait imagine un processus de cristallisation dans un fluide non structure, forme de sucre et de mucus, le cytoblasteme (du grec KUTOC = vesicule et (3XX174, avec ses 5375 bases. La possibilite de sequencer rapidement les bases contenues dans un ADN fournissait la cle indispensable a 1'essor d'une nouvelle methodologie relevant des manipulations de 1'ADN, mutations, deletions, coupures, recombinaisons, transfections, auxquelles on donnera le nom de genie genetique (Chapitre III-8).

[22]

Walter GILBERT, Frederick SANGER (second Prix Nobel) et Paul BERG, Prix Nobel de chimie (1980).

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

3. LES ENZYMES COMME SYSTEMES MODELES POUR L'ETUDE DE LA RELATION ENTRE STRUCTURE ET FONCTION DANS LES PROTEINES Rattacher une structure a une fonction est aise pour un enzyme t23!. C'est effectivernent pour la premiere fois en s'adressant a un enzyme que Ton comprit que le fonctionnement d'une proteine et 1'organisation spatiale de sa chaine polypeptidique etait etroitement correles.

3.1. LA CATALYSE ENZYMATIQUE. NOTION DE SPECIFICITY ET DE COMPLEMENTARITE

A. PAYEN (1795 -1871)

J.F. PERSOZ (1805 -1868)

[23]

Des experiences sur la digestion conduites en 1752 par R E A U M U R avaient revele que les aliments solides etaient convertis en une matiere fluide non par une trituration mecanique, mais plutot par 1'effet d'un "ferment" secrete par 1'estomac. Cette observation fut confirmee par SPALLANZANI. Elle resta cependant sans lendemain faute d'un support chimique. En 1836, pres d'un siecle apres la decouverte de REAUMUR, Theodor SCHWANN, qui devait s'illustrer avec la theorie cellulaire, demontrait la presence dans un extrait d'estomac d'un ferment proteolytique qui fut appele pepsine parce qu'il transformait des proteines de grosse taille en molecules plus petites auxquelles on donnait le nom de peptones. Entre temps, en 1833, paraissait dans les Annales de Chimie et de Physique (vol. 53, pp. 73-92) un article sur un ferment qui hydrolysait 1'amidon. Les auteurs en etaient Anselme PAYEN (1795 -1871) et Jean-Frangois PERSOZ (1805 -1868). Anselme PAYEN etait professeur de chimie industrielle de 1'Ecole centrale des arts et manufactures de Paris. Jean-Frangois PERSOZ venait d'etre nomme professeur a 1'universite de Strasbourg apres avoir ete preparateur pendant six ans au College de France. Le ferment qui hydrolysait 1'amidon fut

Enzyme fut utilise au genre masculin jusqu'a la fin des annees 1960. En Janvier 1970, 1'Academie des sciences proposa de substituer au genre masculin le genre feminin. Actuellement les deux genres sont admis.

Ill - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

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precipite apres addition d'ethanol a un extrait d'orge germe ou malt. Redissous dans de 1'eau et mis au contact d'une suspension de grains d'amidon, il avait la propriete de dissoudre 1'amidon insoluble. II en resultait une solution d'un sucre ou ose qui fut appele maltose, car issu du malt. Puisque le ferment catalysait le passage d'un etat insoluble a un etat soluble, on le baptisa diastase (du grec 8id P + E. La notion d'une stricte complementarite entre substrat et enzyme prevalut pendant la premiere moitie du XX e siecle. Cepehdant, plusieurs observations dans les annees 1950 -1960 incline-rent a penser que les enzymes beneficient d'une certaine flexibilite dans leur structure, en particulier au cours de la catalyse. C'est sur ces bases que Daniel KOSHLAND (n. 1920) en 1958 proposa la theorie de 1'adaptation induite ("induced fit") selon laquelle le site catalytique devient complementaire du substrat seulement apres que celui-ci se soit fixe sur 1'enzyme. Ainsi apparut la notion d'une dynamique moleculaire au niveau des proteines enzymatiques. 3.2.

VERS LA DEMONSTRATION DE LA NATURE PROTEIQUE DES ENZYMES

Bien qu'il existat dans les annees 1920 des arguments en faveur de la nature proteique des enzymes, par exemple leur poids moleculaire eleve et leur thermolabilite, ainsi que des avocats prestigieux dont Emil FISCHER pour soutenir cette opinion, le consensus etait loin d'etre partage par la communaute scientifique. II manquait une preuve indiscutable. Celle-ci fut apportee par la cristallisation d'enzymes ou James SUMNER t24! (1887 -1955), John NORTHROP t24] (1891 -1987) et Moses KUNITZ (1887 -1978) jouerent un role de pionniers. Le biochimiste James SUMNER de 1'universite Cornell eut le merite et egalement la bonne fortune de cristalliser en 1926 pour la premiere fois un enzyme, 1'urease, a partir d'un extrait acetonique de feves. Son travail sur 1'urease etait la continuation d'une etude qu'il avait commencee dans le laboratoire d'Otto FOLIN (1867 -1934) a 1'universite de Harvard. L'urease decompose 1'uree en gaz carbonique et ammoniac, des produits relativement commodes a analyser. Des solutions brutes d'urease etaient obtenues de facon routiniere par extraction d'un broyat de J.SUMMER ,, j i / i ' i j - i ' -n -i -,no^ (1887-1955) feves avec de 1 alcool dime. En avnl 1926 SUMMER, volontairement ou involontairement, fit une entorse au protocole classique en remplac.ant 1'alcool par une solution aqueuse d'acetone a 30%. Apres quelques heures de repos de 1'extrait [24]

James SUMMER, John NORTHROP et Wendell STANLEY, Prix Nobel de chimie (1946).

Ill - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

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acetonique, un precipite apparut. Examine sous le microscope, ce precipite contenait des cristaux octaedriques. Par recristallisation et dissolution des cristaux dans de 1'eau distillee, SUMNER obtint une solution d'urease dont 1'activite specifique etait nettement plus elevee que celle de la solution mere. De fac.on evidente, cristallisation et purification allaient de pair. En butte aux critiques, SUMNER decida de s'adresser a un critere immunologique. II obtint un antiserum antiurease par injection d'une solution d'urease purifiee a un lapin. Get antiserum etait de type precipitant et le precipite entrainait avec lui 1'activite urease. La demonstration etait convaincante. Encore fallait-il la generaliser. Entre 1930 et 1933, John NORTHROP a 1'universite de Princeton cristallisa la pepsine et la chymotrypsine a partir de pancreas. Dans la meme universite, Moses KUNITZ parvenait a purifier egalement a partir de pancreas la ribonuclease A en 1940 et la desoxyribonuclease A en 1947. La premiere synthese chimique d'un enzyme, la ribonuclease, fut realisee en 1969, par Robert Bruce MERRIFIELD t25! (n. 1921). Bien que 1'activite catalytique de 1'enzyme ainsi synthetise fut relativement faible, sa synthese a partir exclusivement d'acides amines apportait la preuve eclaT NORTHROP tante qu'il s'agissait d'une proteine et qu'aucune (1891 -1987) autre espece moleculaire n'expliquait son activite catalytique. Avec la demonstration que les enzymes etaient des proteines, il devenait alors possible d'attaquer le probleme de la relation entre la structure d'une proteine enzymatique et sa fonction. Toutefois, comme c'est souvent la regie en biologic, le dogme de la nature proteique des enzymes enseigne comme verite absolue pendant plusieurs decennies fut egratigne dans les annees 1980 avec la decouverte des ribozymes, c'est-a-dire d'acides ribonucleiques porteurs d'activites enzymatiques (Chapitres 1-8.4 et III-8.1). En 1965 fut public par David PHILLIPS (1924 - 1999) et son equipe a 1'universite d'Oxford la premiere structure tridimensionnnelle d'un enzyme, le lysozyme cristallise a partir du blanc d'oeuf. Le lysozyme clive des liaisons osidiques entre la N-acetylglycosamine et 1'acide N-acetylmuramique dans des polysaccharides de 1'enveloppe de bacteries. II est abondant dans les larmes et la salive ou il joue le role d'un antibiotique naturel. L'analyse du site catalytique du lysozyme fut realisee grace au remplacement du polysaccharide naturel comme substrat par un trimere de N-acetylglycosamine, un pseudo substrat tres lentement hydrolysable jouant le role d'un leurre vis-a-vis de 1'enzyme. Les spectres de diffraction de rayons X sur des cristaux du complexe lysozyme - pseudosubstrat mirent en evidence la presence dans 1'enzyme d'une crevasse qui constituait le

[25]

Robert Bruce MERRIFIELD, Prix Nobel de chimie (1984).

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

site catalytique ou se logeait le substrat, ainsi que la prise en tenaille d'une liaison osidique du substrat entre deux replis de la crevasse de 1'enzyme, entrainant une tension de cette liaison suivie de rupture. L'analyse cristallographique pratiquee sur les premiers enzymes revela une communaute de caracteres structuraux pour des enzymes a fonction similaire. Ainsi, des NAD-deshydrogenases, comme 1'alcool deshydrogenase et la lactate deshydrogenase, qui ont en commun la propriete de transferer des atomes d'hydrogene de 1'alcool ou du lactate vers leur coenzyme, le NAD, sont toutes deux porteuses d'une crevasse dont la geometrie s'adapte parfaitement a celle de la molecule de NAD.

3.3. DEMONSTRATION DU CONTR6LE DE LA STRUCTURE TRIDIMENSIONNELLE

D'UNE PROTEINE

PAR SA SEQUENCE EN ACIDES AMINES

Lorsque dans le milieu des annees 1950 Christian ANFINSEN W (1915 -1995), en choisissant la ribonuclease comme proteine modele, entreprit de rechercher si la structure primaire d'une proteine monomerique conditionnait le repliement de sa chaine polypeptidique, et de ce fait son fonctionnement, les connaissances sur les proteines avaient notablement progresse. La nature proteique des enzymes ne faisait plus aucun doute. Leur denaturation par 1'uree avec perte de fonction etait bien connue. La ribonuclease qui avait ete cristallisee par Moses KUNITZ venait d'etre sequencee par Stanford MOORE W et William STEIN PI a 1'Institut Rockefeller. La ribonuclease comporte quatre ponts disulfures qui maintiennent sa structure tertiaire relativement rigide. Sa denaturation par 1'uree necessite par consequent un clivage prealable des ponts disulfures qui peut etre obtenu par reduction avec le dithiothreitol. Une fois les ponts disulfures rompus, la molecule de ribonuclease en presence d'uree se deroule et perd son activite hydrolytique vis-avis des liaisons phosphodiesters internucleotidiques de 1'ARN car elle est denaturee. ANFINSEN dialysa la solution de ribonuclease denaturee pour eliminer 1'uree et le dithiothreitol. La ribonuclease recouvrit alors son activite esterase. Ce qui s'etait produit, c'etait une oxydation des groupes thiols avec regeneration des ponts disulfures caracteristiques de la structure native de la ribonuclease associee a une reorganisation tridimensionnelle de la chaine peptidique. La demonstration etait faite qu'une proteine detient, grace a l'information moleculaire contenue dans sa sequence en acides amines, la capacite de passer d'un etat spatialement desordonne et inactif a un etat structurellement organise, ce qui est la condition necessaire a son fonctionnement (Figure III.16). La ribonuclease etait un enzyme exceptionnellement favorable et la chance avait servi 1'experimentateur.

Ill - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

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Dans cette representation schematique, 1'etape 1 correspond a la rupture des quatre ponts disulfures dans la ribonuclease native par chauffage et addition d'un agent reducteur. II en resulte un depliement de la molecule et une perte d'activite enzymatique. Par reoxydation (etape 2), les ponts disulfures sont a nouveau formes. La ribonuclease reprend sa conformation native et son activite enzymatique. Figure 111.16 - Relation entre la structure tridimensionnelle d'une proteine et son activite. Demonstration par denaturation-renaturation de la ribonuclease (d'apres G.M. COOPER - The Cell : A Molecular Approach, 1997 - interpretation de 1'experience de SELA, WHITE et ANFINSEN - Sciences 125 (1957) 691)

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Comment 1'ordre d'enchainement des acides amines dans une proteine peut-il intervenir comme un determinant majeur pour 1'acquisition de sa structure secondaire (helices a et feuillets (3) et partant de sa structure tertiaire ? Ceci tient a la nature physico-chimique des acides amines (hydrophobes, ou hydrophiles porteurs de charges positives ou negatives) a telle enseigne qu'il est possible de predire que tel acide amine aura plus de chances de se localiser dans une helice a et tel autre dans un feuillet plisse ou encore dans des boucles qui relient ces structures. II existe actuellement un renouveau d'interet pour comprendre la nature des etapes primaires du repliement d'une chaine peptidique. II s'avere en effet que ces etapes primaires conduisent a 1'emergence de substructures qui sont de courtes sequences d'acides amines douees d'autoorganisation. On les appelle "AFUs" ("autonomous folding units"). L'interaction entre les AFUs oriente 1'organisation spatiale de la proteine vers sa forme definitive. On sait aujourd'hui que le repliement des proteines bien que directement dependant de leur structure primaire est facilite par des chaperones, proteines qui jouent le role "d'anges gardiens" en surveillant et en assistant le repliement des proteines en cours de synthese. Depuis leur decouverte en 1978, les chaperones n'ont cesse d'exciter la curiosite des chercheurs qui essaient de comprendre pourquoi leur presence est indispensable et comment elles procedent pour assister les proteines dans leur repliement. La difficulte d'une proteine a se replier n'est pas liee uniquement au processus de sa synthese. II existe une autre difficulte qui tient a 1'environnement moleculaire dans toute cellule vivante. En effet, au meme instant, dans une cellule des milliers de proteines d'especes differentes sont synthetisees, ce qui pourrait etre la cause d'interactions interespeces avec des effets d'agregation intempestive si des chaperones appropriees n'etaient pas presentes pour veiller a la bonne finition de la structure 3D de chaque espece proteique. 3.4. L'OLIGOMERISATION

DES PROTEINES : UN NIVEAU

SUPERIEUR

DE COMPLEXITE STRUCTURALE ET FONCTIONNELLE

On ne connait que de rares exemples de proteines de grande taille (au dela de 100 kDa), qui existent a 1'etat de chaines polypeptidiques uniques. Au dessus des structures primaire, secondaire et tertiaire qui conferent a une proteine monomerique 1'arrangement tridimensionnel de sa chaine peptidique, existe un niveau superieur d'organisation, la structure quaternaire, qui correspond a 1'association non covalente ou oligomerisation de sous-unites proteiques appelees monomeres ou protomeres. Au plan fonctionnel, roligomerisation est frequemment associee a une catalyse cooperative. Une des premieres proteines oligomeriques a avoir ete etudiee en detail au plan fonctionnel et structural a ete rhemoglobine, la proteine majeure des globules rouges qui fixe 1'oxygene de Fair. L'hemoglobine est formee de deux paires de chaines peptidiques differentes, les chaines a et p. Elle repond a la formule 0.2 $2- Chaque chaine porte une

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molecule d'heme dont le fer a 1'etat divalent fixe 1'oxygene. La saturation de 1'hemoglobine par 1'oxygene repond a une courbe sigmo'ide, ce qui signifie que 1'oxygenation d'une des quatre sous-unites de 1'hemoglobine favorise celle des trois autres. II s'agit d'un effet cooperatif. Des 1921, le biochimiste anglais Joseph BARCROFT (1872 -1947) avait note des differences significatives entre les courbes de saturation de 1'hemoglobine par 1'oxygene obtenues soit avec une solution d'hemoglobine purifiee, soit avec des globules rouges. L'affinite de 1'oxygene pour 1'hemoglobine dans les globules rouges etait plus basse que pour 1'hemoglobine purifiee. Le responsable de cette difference fut identifie 40 ans plus tard a un metabolite derive de la glycolyse, le 2,3-bisphosphoglycerate (BPG) present dans les globules rouges, mais absent dans 1'hemoglobine purifiee. Le BPG se fixe sur 1'hemoglobine a un autre endroit que 1'oxygene (le substrat) et se comporte ainsi comme un ligand allosterique. L'analyse par diffraction des rayons X a montre que le BPG induit une modification conformationnelle de 1'hemoglobine qui est associe a la diminution de 1'affinite pour 1'oxygene. En 1965, Jacques MONOD, Jeffrey WYMAN (1901 - 1995) et Jean-Pierre CHANGEUX (n. 1936) formulerent une theorie de la cooperativite des proteines multimeriques allosteriques dite de la "transition concertee". L'originalite de cette theorie reposait sur le postulat que les proteines allosteriques existent sous deux etats conformationnels, 1'un inactif ou "contraint", 1'autre actif ou "relaxe". Ces deux etats sont en equilibre. En presence du substrat, la proteine allosterique bascule de 1'etat contraint inactif a 1'etat relaxe actif. Ce processus est favorise par la fixation d'un ligand allosterique a effet "positif" ou au contraire empeche par la fixation d'un ligand allosterique "negatif". La base conceptuelle du modele concerte est d'essence essentiellement darwinienne, basee sur le principe de selection. En effet, le modele concerte postule que la proteine allosterique est bien presente dans sa conformation active, mais minoritaire, a 1'instar des variants minoritaires de la theorie darwinienne. Le substrat, en se fixant sur la proteine, entraine par un effet de masse le deplacement de 1'equilibre de la forme inactive de la proteine vers sa forme active. Face au modele concerte, le modele sequentiel imagine par le biochimiste americain Daniel KOSHLAND repondait a une conception lamarckienne d'adaptation de la proteine a son substrat, la conformation de la proteine etant modulee et ajustee a celle du substrat. Les enzymes allosteriques jouent un role fondamental dans la regulation du metabolisme cellulaire (Chapitre IV-9.2). Au plan de 1'evolution, 1'oligomerisation proteique a procure a la cellule plusieurs avantages. Elle a permis de reduire la taille du gene codant une proteine determinee et par consequent de realiser une economie d'energie substantielle. Par exemple, la biosynthese de 1'hemoglobine constitute de deux chaines a et de deux chaines J3 ne necessite que la mise en ceuvre de deux genes codant 1'un la chaine a et 1'autre la chaine p. Si une defaillance se produit dans la transcription ou la traduction de 1'un de ces deux genes, la perte qui en resulte n'est qu'une fraction de ce qu'elle serait si un seul gene etait implique

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dans 1'expression de la totalite de cette proteine tetramerique. Un autre avantage reside dans la flexibilite du fonctionnement de 1'oligomere. Un exemple typique est celui de la lactate deshydrogenase, une proteine tetramerique de 134 000 Da formee par association de deux types de sous-unites de 35 000 Da appelees M et H (M pour "skeletal Muscle" et H pour "Heart"). On connait cinq formes tetrameriques de la lactate deshydrogenase qui resultent des combinaisons des deux sous-unites M et H, a savoir M4 predominant dans le tissu musculaire et le foie, M3H, M2H2, MH3 et H4, ces deux dernieres formes predominant dans le cceur et le rein. Toutes ces formes catalysent la meme reaction de reduction reversible de pyruvate en lactate avec, cependant, des parametres cinetiques differents.

4. LES PREUVES DU ROLE INFORMATIF DE L'ADN DANS LA SYNTHESE PROTEIQUE : EMERGENCE DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE "La biologic moleculaire vise a expliquer les stupefiantes proprietes des etres vivants - celles-la memes qui naguere encore semblaient exiger le recours a la force vitale par la structure et les interactions des molecules qui composent les organismes. Cette biologic est nee de decisions individuelles prises par un petit nombre de scientifiques entre la fin des annees trente et le debut des annees cinquante. Ces chercheurs venaient d'horizons tres varies, biologie, physique, medecine, microbiologie, chimie, cristallographie etc. En realisant qu'au cceur du monde vivant se trouvaient les questions soulevees par la genetique, Us inventerent une biologie nouvelle. Personne ne les poussa dans cette direction. Aucune administration, aucune fondation, aucun ministre de la Recherche ne les poussa dans cette voie... L'histoire de la biologie moleculaire peut servir de modele pour comprendre comment se noue une recherche originale, independamment des applications eventuelles. Celles-ci ne sont venues que secondairement, avec la possibilite d'intervenir sur les genes avec ce que Yon appelle le genie genetique." Francois JACOB - La Souris, la Mouche et I'Homme - 1997

En 1902, Archibald GARROD medecin a 1'hopital St Bartholomew de Londres apporta la premiere preuve d'une maladie hereditaire liee a un defaut metabolique 1'alcaptonurie. Cette anomalie, sans incidence vitale, est caracterisee essentiellement par le noircissement des urines a 1'air du fait de 1'accumulation d'acide homogentisique, un produit du catabolisme de la tyrosine qui s'oxyde et se polymerise. La premiere observation de GARROD avait ete faite chez un jeune gargon. En reperant la meme anomalie dans differentes families, GARROD nota que 1'alcaptonurie se retrouvait essentiellement chez des enfants nes de mariages entre cousins germains. Un examen approfondi suggera que la transmission hereditaire de 1'anomalie pouvait etre expliquee par les lois de

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MENDEL, en admettant que le trait de 1'alcaptonurie etait de type recessif. Dans les annees suivantes GARROD decrivit d'autres anomalies metaboliques transmises egalement de fagon hereditaire chez 1'homme, telles que la cystinurie, la porphyrie et la pentosurie. II appelait ces anomalies des "metabolic sports" c'est-a-dire des bizarreries metaboliques. En 1909, paraissaient deux ouvrages qui deviendront des classiques, Inborn Errors of Metabolism par GARROD et MENDEL'S Principles of Heredity par BATESON qui trouvait dans les conclusions de GARROD une illustration typique de 1'application a 1'homme des lois de MENDEL. En 1910, BATESON fut nomme directeur de 1'institut d'horticulture de Merton dans le sud de 1'Angleterre. En 1927, il y fut rejoint par 1'evolutionniste J.B.S. HALDANE. Tous deux s'interesserent a la transmission hereditaire des pigments chez les plantes, initiant ainsi une nouvelle discipline, la genetique chimique. Plusieurs centaines d'anomalies classees comme des erreurs innees du metabolisme sont actuellement repertoriees, dont certaines sont bien connues du grand public, par exemple la galactosurie ou la phenylcetonurie. Pour les expliquer il fallait admettre que des facteurs genetiques de nature inconnue controlent la synthese de proteines enzymatiques et que des mutations dans ces facteurs se repercutent par un defaut de fonctionnement des enzymes places sous leur controle. C'est cette idee qui fut reprise par George BEADLE I261 (1903 - 1989) et Edward TATUM t26! (1909 - 1975) dans leurs travaux sur la moisissure Neurospom crassa.

4.1. NAISSANCE DU CONCEPT : UN GENE - UN ENZYME Apres de brillantes etudes au College d'Agriculture de I'universite du Nebraska et un sejour a 1'universite Cornell ou il s'etait initie a la genetique du ma'is, George BEADLE vint travailler en 1931 dans le laboratoire de Thomas MORGAN au Caltech. Dans le milieu des annees trente, il passa une annee dans le laboratoire de Boris EPHRUSSI a Paris. EPHRUSSI s'interessait aux mutations qui changent la couleur de 1'ceil chez la drosophile. Son idee etait de comprendre 1'impact de ces mutations sur des reactions chimiques impliquees dans la synthese de ces pigments. De retour aux Etats-Unis, en 1937, BEADLE fut nomme professeur de biologic a 1'universite de Stanford. Le travail sur les mutations des pigments de 1'ceil de la drosophile lui avait revele la complexite biochimique de cette approche. C'est pourquoi il se mit a la recherche d'un modele experimental plus simple. Son choix se porta sur le champignon ascomycete Neurospora crassa qui dans le groupe de MORGAN avait deja fait 1'objet de quelques etudes genetiques. A cette epoque on connaissait bien le cycle de reproduction de ce micro-organisme. Les premiers travaux sur le developpement des champignons

[26]

George BEADLE, Edward TATUM et Joshua LEDERBERG, Prix Nobel de physiologic et de medecine (1958).

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microscopiques depuis le stade de spores jusqu'a la fructification en passant par des unites sexuees remontent a la fin du XIXe siecle. Un des pionniers dans ce domaine fut le mycologue allemand Anton DE BARY (1831 -1888). Au plan genetique, Neurospora crassa est interessant car il s'agit d'une espece heterothallique avec des types sexuels se comportant comme male et femelle capables de se conjuguer. Neurospora crassa se developpe a partir de spores haploi'des qui se divisent pour former un tapis feutre constitue par de longues fibres appelees hyphes. Lors du processus sexuel, des noyaux haploi'des de nature male et femelle, provenant d'hyphes differents s'unissent pour produire un zygote diploide qui immediatement subit une meiose. Les noyaux haploides ainsi produits se divisent. Huit noyaux haploides incorpores dans des spores s'alignent a 1'interieur d'un long sac etroit appele asque. Les spores sont visibles au microscope optique et certains de leurs caracteres peuvent etre etudies commodement. En cultivant des souches de Neurospora crassa obtenues a partir de deux formes sexuees differentes, on peut controler a volonte des souches porteuses d'une mutation bien determinee et etudier differents processus genetiques. Pour mener a bien son travail, BEADLE prit comme collaborateur un microbiologiste, Edward TATUM. On savait depuis les experiences d'Hermann MULLER sur la drosophile que 1'exposition aux rayons X augmentait de fac.on remarquable le taux de mutations. BEADLE et TATUM induisirent des mutations chez Neurospora crassa en irradiant des cellules par des rayons X. Les cellules de Neurospora crassa de type sauvage sont capables de croitre sur un milieu minimal contenant du glucose comme source de carbone, du chlorure d'ammonium comme source d'azote, du phosphate et des oligoelements. Les mutants obtenus par irradiation X furent selectionnes sur la base de leur incapacite a assurer la production d'un metabolite particulier, par exemple un acide amine dans une chaine de reactions enzymatiques. Si Ton considere une chaine de trois reactions avec trois enzymes a, b et c, qui transforment un substrat initial A en produit final D, chaque reaction etant catalysee par un enzyme sous le controle d'un gene specifique selon le schema :

il est clair que si le gene 3 est altere, la reaction qui convertit le metabolite C en metabolite D sera bloquee. Pour croitre et se developper, le mutant necessitera done 1'apport du metabolite D. Si la mutation porte sur le gene 1 c'est la reaction A —> B qui sera bloquee, et dans ce cas 1'addition d'un des metabolites B ou C ou D permettra la croissance du mutant. Le cas de mutants de Neurospora crassa ayant perdu la capacite de synthetiser le tryptophane est particulierement illustratif. Au debut des annees 1940, Paul FILDES (1882 -1971) et Esmond SNELL (n. 1914) avaient decouvert que 1'indole et 1'acide anthranilique etaient des

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intermediaries dans la synthese du tryptophane chez des procaryotes. En 1944, BEADLE, TATUM et leur collaborates David BONNER (1916 - 1957) experimenterent sur des mutants de Neurospora crassa qui avaient perdu la capacite de proliferer sur un milieu minimal. Or, Tun des mutants pouvait croitre dans un milieu complemente avec de 1'indole ou de 1'acide anthranilique, un autre mutant pouvait croitre en presence d'indole, mais non en presence d'acide anthranilique. En ecrivant la sequence des reactions : il devenait evident que 1'anomalie du premier mutant residait dans le gene implique dans la transformation de 1'indole en tryptophane tandis que 1'anomalie du second mutant etait localisee dans le gene qui controlait la conversion de 1'acide anthranilique en indole. La meme annee Adrian SRB (n. 1917) et Norman HOROWITZ (n. 1915) isolerent des mutants de N. crassa incapables de faire la synthese d'arginine. On connaissait a cette epoque le cycle de 1'uree decouvert en 1932 par Hans KREBS (1900 -1981) avec la sequence : SRB et HOROWITZ noterent que, parmi les mutants incapables de synthetiser 1'arginine, certains pouvaient survivre a condition d'ajouter de 1'arginine au milieu de culture. Pour d'autres, la survie etait assuree par 1'addition de citrulline ou bien d'ornithine. Les resultats demontraient que la synthese de 1'arginine chez Neurospora crassa se deroulait comme dans le cycle de 1'uree avec la sequence reactionnelle :

et que les enzymes a, b et c impliques dans ces reactions pouvaient etre rendus inoperants par mutation. Ces premieres observations furent suivies de nombreuses autres portant sur la biosynthese d'acides amines comme la valine, 1'isoleucine et le tryptophane, et de diverses vitamines du groupe B. En 1945, 60 000 cultures de Neurospora crassa avaient ete realisees, qui avaient revele une centaine de mutations d'enzymes impliques dans des chaines metaboliques. L'idee qui emergeait de ces experiences etait qu'il existait une relation entre la presence d'un gene et la synthese d'un enzyme, ce que Norman HOROWITZ traduisit en 1948 par la formule lapidaire : un gene - un enzyme. L'impact de la demarche methodologique de BEADLE et TATUM fut considerable. En quelques annees, en combinant des mutations bloquant des reactions du metabolisme avec 1'utilisation de molecules radiomarquees, biochimistes et microbiologistes accomplirent un remarquable travail de decryptage qui conduisit a 1'etablissement de cartes metaboliques. Par le jeu d'un raisonnement analogique, les resultats acquis en biochimie microbienne servirent a explorer les chaines metaboliques chez les eucaryotes superieurs.

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4.2. L'ADN SUPPORT CHIMIQUE DE L'HEREDITE En 1928, le bacteriologiste britannique Fred GRIFFITH (1877 -1941) qui etudiait la virulence du pneumocoque chez la souris publia des resultats bizarres, mais totalement reproductibles. GRIFFITH utilisait deux types de pneumocoque, les types II et III. Pour le type II, un variant avait ete isole et appele R ("rough") car, ensemence sur de la gelose nutritive, il proliferait pour former des colonies a surface rugueuse. Cette souche RII n'etait pas virulente. Le type III correspondait a une forme sauvage virulente qui sur la gelose nutritive donnait des colonies a surface lisse (S ou "smooth"). Les caracteres des colonies S et R provenaient d'une difference dans la composition en polysaccharides de la capsule entourant les cellules du pneumocoque. Un essai preliminaire avait montre a GRIFFITH que les souris ay ant rec.u une injection de pneumocoque R restaient indemnes alors que celles qui avaient ete inoculees avec le pneumocoque S mouraient de pneumonie et de septicemie. Des pneumocoques S tues prealablement par la chaleur, puis inocules a la souris, n'avaient aucun effet pathogene. Par centre, 1'injection simultanee de pneumocoques R non virulents et vivants et de pneumocoques S virulents mais tues par la chaleur declenchait une septicemie mortelle. L'hemoculture mettait en evidence un pullulement de pneumocoques S (Figure III. 17). En d'autres termes, les pneumocoques R avaient ete transformed en pneumocoques S. Ce phenomene intrigant de transformation d'une souche non virulente en souche virulente par une entite thermostable issue de la souche virulente inactivee par chauffage resta inexplique jusqu'au debut des annees quarante. GRIFFITH fut tue dans son laboratoire a Londres au cours d'un bombardement en 1941 pendant la derniere guerre mondiale sans avoir resolu 1'enigme de la transformation bacterienne.

4.2.1. L'identification du principe transformant du pneumocoque a I'ADN La cle du probleme de la nature chimique du principe responsable de la transformation des cellules de pneumocoque R en cellules S fut trouvee en 1944 a 1'Institut Rockefeller par Oswald AVERY (1877 -1955) et ses deux assistants Colin MC LEOD (1909 -1972) et MacLyn MC CARTY (n. 1911) avec la demonstration que le principe transformant etait I'ADN. Le groupe avait en effet purifie a partir de pneumocoques S une substance visqueuse dont la composition chimique repondait a celle de I'ADN et ou on ne detectait pas de traces de proteines. Cette substance ajoutee a une suspension de bacteries R induisait la transformation des bacteries R en bacteries S. De plus, la substance traitee par la desoxyribonuclease perdait son activite, alors que la ribonuclease etait sans effet. Diverses proteases etaient egalement sans effet. L'article d'AVERY et de ses collaborateurs relatant ces resultats fut public en 1944 sous le titre "Studies on the nature of the substance inducing transformation of pneumococcal types. Induction of transformation by a deoxyribonucleic acid fraction isolated from Pneumococcus Type III" dans le Journal of Experimental Medicine (vol. 79, pp. 137-158).

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Le premier indice d'une transformation bacterienne fut obtenu en 1928 par le bacteriologiste F. GRIFFITH . I/injection de pneumocoques S virulents (encapsules) a une souris conduit a une septicemie mortelle. Les pneumocoques S tues par chauffage sont inoffensifs. Les pneumocoques R non virulents (non encapsules) injectes a la souris sont egalement inoffensifs. Par contre, 1'injection a une souris d'un melange de pneumocoques S tues par chauffage et de pneumocoques R vivants determine une septicemie mortelle. Par hemoculture, on retrouve dans le sang de la souris des pneumocoques S.

Figure 111.17 - La transformation bacterienne

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L'accueil fut reserve, I'opinion resta sceptique. Bien que le titre de 1'article fut explicite, les auteurs avaient ete prudents dans leurs conclusions, s'entourant de precautions de style du type : "It is of course possible that the biological activity of the substance described is not an intrinsic property of the nucleic acid, but is due to minute amounts of some other substance adsorbed to it or so intimately associated with it as to escape detection". En effet, a cette epoque persistait le consensus, a la suite des travaux du chimiste LEVENE, que 1'ADN etait constitue par la repetition de motifs tetranucleotidiques, ce qui lui conferait une structure monotone sans specificite qui contrastait avec la specificite de reconnaissance des proteines enzymatiques pour leur substrat. En 1944, bien qu'on n'eut pas encore d'idees sur la sequence des acides amines dans les proteines, on inferait logiquement que la specificite fonctionnelle des enzymes relevait d'une specificite dans la structure de leurs chaines polypeptidiques. Ces considerations inclinaient a rechercher dans les proteines plutot que dans 1'ADN un support chimique de I'heredite. A la fin des annees quarante, la cause des acides nucleiques commenc,a a avoir des avocats serieux, en particulier le Suedois Torbjorn CASPERSSON, le Beige Jean BRACKET et le Francais Andre BOIVIN (1895 -1949) et ses collaborateurs, les VENDRELY. En utilisant un microscope muni d'un dispositif d'illumination en lumiere ultraviolette et d'un analyseur spectrophotometrique, CASPERSSON avait observe que les bandes des chromosomes geants des glandes salivaires des drosophiles colorables par le reactif de FEULGEN etaient les memes que celles qui absorbent la lumiere a 260 nm, une longueur d'onde qui correspond au pic d'absorption des acides nucleiques. BRACKET qui etudiait le developpement d'ceufs d'oursins apres fecondation avait note une augmentation tres nette de la concentration en acide ribonucleique qui coi'ncidait avec une augmentation de la synthese proteique. Quant a BOIVIN, il avait montre qu'une cellule diploide contenait deux fois plus d'ADN qu'une cellule haploi'de. II s'agissait, la, de faits mais pas encore de preuves.

4.2.2. L 'incursion d'un physicien theoricien, Erwin SCHRODINGER, dans le domaine de la biologie En 1944, parut un petit livre qui eut un immense impact. Le titre en etait: What is life. L'auteur, le physicien autrichien Erwin SCHRODINGER (1887 -1961), etait bien connu pour sa contribution a la physique quantique et en particulier a la mecanique ondulatoire. Issu de 1'universite de Vienne, SCHRODINGER avait occupe d'abord la chaire de physique a 1'universite de Zurich, dont les precedents titulaires avaient ete Albert EINSTEIN (1879 - 1955) et Max VON LAUE, puis en 1927 la chaire de physique de 1'universite de Berlin ou il succeda a Max PLANCK (1858 - 1947). Dans les annees trente, SCHRODINGER, apres un bref passage a Oxford, retourna en Autriche et enseigna la physique a 1'universite de Graz. Congedie de ses fonctions en 1938 suite a la politique allemande, il s'exila en Irlande a Dublin ou le President Eamon DE VALERA (1882 -1975) lui donna

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la direction d'un Institut de Recherches ("Institute for Advanced Studies"). Dans son exil a Dublin, SCHRODINGER eut 1'occasion de reflechir sur les discussions qu'il avait cues a Berlin avec Max DELBRUCK, un jeune physicien interesse lui-meme par 1'effet mutagene des rayons X mis en evidence par Hermann MULLER chez la drosophile (Chapitre III-1.1.5). De ces reflexions, il ressortait la conclusion qu'une mutation provoquee par une irradiation X est causee par un evenement ponctuel au niveau d'une cible d'une dizaine ou de quelques dizaines d'atomes. SCHRODINGER predisait que la cible etait localisee dans la chromatine des chromosomes, organisee comme un cristal "aperiodique", c'esta-dire une structure non monotone. I/information genetique etait stockee dans ce cristal aperiodique. II y avait deux candidats possibles comme cibles pour les rayons X, soit des proteines, soit 1'ADN. Or, a cette epoque prevalait 1'idee d'une structure periodique, c'est-a-dire monotone aussi bien pour les proteines que pour 1'ADN. II etait done clair que des maillons manquaient dans la connaissance globale de la structure des proteines et des acides nucleiques et qu'une serieuse revision de la chimie structurale de ces macromolecules etait necessaire. Le paradoxe souleve par SCHRODINGER suscita, en raison de son prestige, un fort interet chez de jeunes physiciens pour les choses de la biologic. Ce fut un tournant historique dans les sciences du vivant.

4.2.3. L'identification du principe infectieux du bacteriophage a 1'ADN Le role informatif de 1'ADN dans la cellule ne fut definitivement admis qu'en 1952 avec les experiences d'Alfred HERSHEY I 27 ] (1908 -1997) et de son eleve Martha CHASE (n. 1927) sur le bacteriophage T2 realisees dans le groupe de Cold Spring Harbor anime par Max DELBRUCK I27]. L'histoire de cette decouverte merite un detour. Alors qu'au moment de la publication d'AVERY, MC LEOD et MC CARTHY en 1944 des dogmes errones comme celui de la structure tetranucleotidique de 1'ADN ou bien 1'explication de la synthese des proteines par la reversibilite de leur hydrolyse ou par autocatalyse etaient encore vivaces, au tournant des annees cinquante s'amorga une revision radicale des connaissances sur la chimie des macromolecules nucleiques et proteiques. En 1951 1'hypothese du tetranucleotide fut definitivement contredite par les travaux de CHARGAFF sur la composition en bases puriques et pyrimidiques de 1'ADN. A la meme epoque, la reversibilite de 1'hydrolyse proteique comme base explicative de la synthese proteique commenc.a a etre fortement contestee. Avant de travailler sur le bacteriophage, DELBRUCK avait serieusement explore les possibilites d'autres systemes. En 1937, il avait collabore avec MORGAN au Caltech. Tres vite la drosophile et meme le champignon Neurospora crassa, le [27]

Max DELBRUCK, Alfred HERSHEY et Salvador LURIA, Prix Nobel de physiologic et de medecine (1969).

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modele cellulaire de BEADLE et TATUM, parurent a DELBRUCK d'une trop grande complexite pour des etudes genetiques. C'est pour cette raison qu'il se tourna vers un systeme encore plus simple, le bacteriophage T2, un virus qui attaque et tue les bacteries (Escherichia coli K12) en meme temps qu'il prolifere. Des bacteriophages presents sur un tapis bacterien dans une boite de PETRI creent des plages de lyse faciles a reperer. L'attaque d'une bacterie par un bacteriophage commence par 1'accrochage du phage a la paroi bacterienne suivi de 1'injection d'une partie de son materiel dans le corps de la bacterie. Suite a 1'injection de ce materiel, de nombreux bacteriophages se developpent dans la bacterie et la font eclater. Relaches dans le milieu, ces bacteriophages sont a leur tour infectieux. Avec la fraicheur de raisonnement d'un neophyte, DELBRUCK s'attarda sur un phenomene qui etait banal et routinier pour un virologiste, mais qui pour un physicien reclamait une explication. La courbe de proliferation du bacteriophage a 37°C etait discontinue, avec des phases explosives suivies de phases de repos, d'une trentaine de minutes chacune. DELBRUCK commenta ce resultat dans un article public en 1939 dans le Journal of General Physiology. II argua que la discontinuite de croissance etait contraire a la theorie de la reproduction autocatalytique du phage avancee par le biochimiste NORTHROP, laquelle aurait exige une croissance continue. D'apres DELBRUCK, la proliferation discontinue du bacteriophage devait necessiter un mecanisme multiphasique, nettement plus complique qu'un processus monotone de reproduction autocatalytique. A la declaration de la derniere guerre mondiale en 1939, DELBRUCK etait aux Etats-Unis. II y resta, ce qui lui permit de travailler avec Salvador LURIA t27! et Alfred HERSHEY f27! sur la genetique du bacteriophage a Cold Spring Harbor. L'experience de HERSHEY et CHASE, qui allait confirmer le role informatif de 1'ADN, fut realisee avec des bacteriophages T2 radiomarques par le phosphore 32 P dans leur ADN et par le soufre 35S dans leurs proteines au niveau des residus de methionine et de cysteine. Les bacteriophages etaient ajoutes a une suspension de bacteries E. coli et, a des temps variables, le melange etait violemment agite de fagon a detacher les bacteriophages de la paroi bacterienne. HERSHEY et CHASE observerent que la majeure partie du materiel marque par 32 P etait incorporee dans les corps bacteriens ; par contre 1'incorporation de materiel marque par 32S etait relativement faible. Us en conclurent qu'au moment ou le phage s'accrochait a la bacterie 1'ADN marque par 32P se dissociait des proteines marquees par 35S, et que seul 1'ADN du phage (non ses proteines) assurait un role strategique dans sa proliferation. On pouvait inferer par extrapolation que les proteines du phage en cours de proliferation etaient synthetisees a partir des acides amines propres aux bacteries contaminees. Les resultats d'AVERY et de ses collaborateurs sur le pneumocoque, obtenus dix ans plus tot que ceux de HERSHEY et de CHASE, etaient au moins aussi convaincantes. Mais le concept de 1'ADN comme porteur de 1'information genetique etait a cette epoque trop revolutionnaire pour etre accepte sans reticence.

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4.2.4. La conjugaison sexuelle des bacteries et la transduction, deux autres faqons de transmettre ^information genetique de cellule a cellule Dans le milieu des annees 1940, on se rendit compte qu'a cote de la transformation bacterienne demontree par les experiences d'AVERY, MC LEOD et MC CARTHY sur le pneumocoque, il existait chez les bacteries un phenomene de conjugaison sexuelle. Les premieres experiences realisees a 1'universite de Yale par Joshua LEDERBERG t 26 ^ (n. 1925) et Edward TATUM consisterent a melanger des cellules d'Escherichia coli de deux types bien determines, chaque type etant caracterise par une triple mutation. Un des types necessitait 1'apport de threonine, leucine et thiamine, et 1'autre 1'apport de biotine, phenylalanine et cysteine. Apres proliferation, les clones bacteriens etaient isoles et analyses. On constatait que certaines bacteries etaient retournees au type sauvage ne necessitant pas 1'apport d'acides amines, tandis que d'autres etaient devenues porteuses de mutations propres a chacun des deux types bacteriens par recombinaison genetique. LEDEBERG et TATUM decouvrirent que la recombinaison observee etait liee a un facteur sexuel qu'ils denommerent F. Les bacteries porteuses de ce facteur (F+) furent considerees comme males et les bacteries qui en etaient depourvues (F-) furent considerees comme femelles. Le facteur F peut etre integre dans le chromosome bacterien : les bacteries F+ sont dites alors a "haute frequence de recombinaison" (bacteries Hfr). Le facteur F peut aussi avoir une vie autonome sous forme d'une particule separee du chromosome bacterien. De leur cote, a 1'Institut Pasteur de Paris, William HAYES (1912 -1994), Elie WOLLMAN (n. 1917) et Francois JACOB (n. 1920) demontrerent que les bacteries Hfr (F+) injectaient leur ADN dans le corps de bacteries F- selon un processus relativement lent. Dans le cas d'Escherichia. coli K12, la totalite du chromosome d'une bacterie male est transfere a une bacterie femelle en 90 minutes. Ce processus de conjugaison pouvait etre interrompu par une agitation violente en utilisant un instrument banal, un mixeur de cuisine. Ce protocole tres simple fut utilise pour etablir la carte genetique du chromosome d'Escherichia coli (Figure III.18). A cote de la transformation et de la conjugaison existe un troisieme mecanisme de transfert d'ADN, la transduction qui met en ceuvre le bacteriophage. On sait actuellement que 1'ADN du phage s'incorpore, pendant une phase transitoire, dans le chromosome de la bacterie. Au moment de la phase lytique, pendant laquelle le phage prolifere, son ADN se detache du chromosome bacterien. C'est alors qu'il peut emporter avec lui un fragment de 1'ADN du chromosome de la bacterie qui 1'a heberge. En reinfectant de nouvelles bacteries, le phage leur apportera le fragment d'ADN bacterien dont il est porteur. Ce phenomene est appele transduction.

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Ce chromosome bacterien correspond a une molecule circulaire d'ADN. Les numerotations de 1 a 100 representent des minutes et referent au phenomene de la conjugaison sexuelle (voir texte). Les abreviations pour les genes denotent les proprietes metaboliques des produits de ces genes. Ainsi, argR et argG sont des genes impliques dans la synthese de 1'arginine. Figure 111.18 - Carte chromosomique de la bacterie Escherichia coli (d'apres B.J. BACHMAN, K.B. LOW et A.L. TAYLOR - Bateriol. Rev. 40 (1976) 116)

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4.2.5. La transposition, un nouveau concept pen orthodoxe Dans le milieu des annees quarante fut decouvert un phenomene genetique, a premiere vue tres curieux, la transposition. Ce phenomene fut mis en evidence par la geneticienne americaine Barbara MC CLINTOCKI28! chez une plante angiosperme, le mai's. Aux Etats-Unis le mai's etait un systeme vegetal tres etudie en laboratoire pour deux raisons : * une raison genetique, le mai's s'autofeconde sans perdre de vigueur et donne des homozygotes pour tous les genes, * une raison economique, le mai's est une plante de grande culture a fort rendement. Barbara MC CLINTOCK etait intriguee par 1'existence de modifications phenotypiques chez le ma'is, par exemple des variations dans la couleur des graines d'origine inexpliquee. Ces modifications n'etaient pas de veritables mutations car elles etaient reversibles dans la descendance. On avait 1'impression que les genes qui gouvernaient la couleur des graines apres avoir ete apparemment inactives pouvaient etre reactives. Ce phenomene etait du a des elements genetiques mobiles, en quelque sorte des genes sauteurs, que Ton appela par la suite transposons. En s'inserant transitoirement dans un gene de structure, un transposon peut 1'inactiver. Les transposons ont sans doute joue un role determinant dans 1'evolution (Chapitre 1-9.4).

4.2.6. Decouverte de I'enzyme de replication de I'ADN L'enzyme responsable de la replication de I'ADN fut purifiee en 1955 a partir d'extraits de la bacterie Escherichia coli par Arthur KORNBERG E291 (n. 1918). Cet enzyme etait capable de synthetiser un ADN complementaire d'un fragment d'ADN introduit a 1'etat de traces dans un milieu d'incubation pourvu en les differents desoxyribonucleoside triphosphates : dATP, dGTP, dCTP et dTTP. II catalysait la condensation de monodesoxyribonucleotides (dNTP) par des liaisons esters avec relachement de pyrophosphate (PPi) en utilisant comme matrice I'ADN introduit dans le milieu selon la reaction n dNTP (dNTP)n + PPi. En partant de 100 kg de cellules bacteriennes, KORNBERG obtint un demigramme d'enzyme purifie. II 1'appela ADN polymerase. Quinze ans plus tard, deux autres ADN polymerases furent mises en evidence dans le groupe de John CAIRNS. La polymerase de KORNBERG fut denommee polymerase I et les deux autres polymerases, II et III. Ces deux dernieres sont beaucoup moins abondantes que la polymerase I, ce qui explique le delai de leur decouverte. Bien que peu abondante, la polymerase III est douee d'une efficacite et d'une fidelite catalytiques remarquables dans la synthese de I'ADN. Par centre, la polymerase I possede une activite synthetase mediocre en [28] [29]

Barbara McCiiNTOCK, Prix Nobel de physiologic et de medecine (1983). Arthur KORNBERG et Severo OCHOA, Prix Nobel de physiologic et de medecine (1959).

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comparaison de son activite nucleotidase beaucoup plus developpee. On salt aujourd'hui que la synthese d'ADN necessite une amorce qui est une courte chaine d'ARN soudee a 1'ADN grace a un enzyme de ligation (ligase). In vivo, la polymerase III accomplit essentiellement une fonction de replication de 1'ADN preexistant. En fin de synthese, la polymerase I detache 1'amorce ARN de venue inutile. Un aspect particulier de la synthese d'ADN ressort de sa structure en double helice avec ses deux brins anti-paralleles. Alors qu'un des deux brins est replique dans son entier en continu, 1'autre brin, pour des raisons steriques, est decoupe en fragments et chacun des fragments est alors replique. Cette particularity fut mise en evidence par le Japonais Reiji OKASAKI (1930 -1975) (Figure 111.19). Au plan historique, une premiere synthese de polyribonucleotide fut decrite par Severe OCHOA I291 (1905 -1993) et Marianne GRUNBERG-MANAGO (n. 1921) au debut des annees cinquante, a partir d'ADP en presence d'un extrait de la bacterie Azotobacter vinelandii. Cette decouverte avait ete faite au cours d'un travail sans rapport avec les mecanismes de synthese des acides nucleiques. En effet, a cette epoque, le groupe d'OCHOA etudiait le processus de 1'oxydation phosphorylante dans des extraits bacteriens a partir d'ADP et de phosphate. Or, il se trouve que les bacteries contiennent un enzyme, la polynucleotide phosphorylase, qui catalyse efficacement la condensation reversible de ribonucleoside diphosphates (NDP) en polyribonucleotides (NMP)n, avec relachement de phosphate mineral (inorganique) (Pi) selon la reaction : On crut un moment que la polyribonucleotide phosphorylase faisait partie de la machinerie de synthese proteique. II fallut se resoudre a admettre qu'elle appartenait a une autre categoric d'enzymes. Cependant, bien que n'intervenant pas dans la machinerie proteique, la polyribonucleotide phosphorylase se revela d'une grande utilite pour la synthese d'oligoribonucleotides utilises pour decrypter le code genetique (Chapitre III-6.3).

5. LA RUPTURE DU DOGME DE LA REVERSIBILITE DE LA PROTEOLYSE Jusqu'en 1950 on ignorait tout de la fac.on dont les proteines etaient synthetisees. Une hypothese en vogue etait celle de la reversibilite de la proteolyse enzymatique connue sous le nom de zymohydrolyse reversible. En moins d'une dizaine d'annees une vision nouvelle, revolutionnaire, du mecanisme de la synthese proteique s'imposa. II apparut alors clairement que synthese et hydrolyse des proteines etaient deux processus totalement distincts, repondant a des enzymes et a des sytemes de regulation profondement differents.

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a - Autoradiographie montrant une replication d'ADN bacterien marque par la thymidine tritiee (1) et son interpretation (2) (d'apres J. CAIRNS Cold Spring Harbour Symp. Quant. Biology 28 (1963) 43, droits reserves)

Le schema montre le sens de la replication pour le brin "leader" et le brin "retard". Ces sens sont opposes. Pour des raisons steriques, le brin "retard" est synthetise par fragments (fragments d'OKASAKi) qui se soudent les uns aux autres au fur et a mesure de la replication. b - Deroulement des brins d'ADN au cours de la replication (d'apres G.M. COOPER - The Cell : A Molecular Approach, 1997) Figure 111.19 - Replication d'un chromosome bacterien

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5.1. NAISSANCE ET CHUTE DE LA THEORIE DE LA ZYMOHYDROLYSE REVERSIBLE Arthur Croft HILL (1863 -1947) avait introduit en 1898 1'idee que 1'hydrolyse enzymatique des biomolecules etait reversible, ce qu'il avait appele zymohydrolyse reversible. Un bon exemple etait la synthese du maltose a partir de glucose en presence de maltase, 1'enzyme qui normalement hydrolyse le maltose, un disaccharide forme de deux molecules de glucose. Bien que 1'equilibre de la reaction fut largement en faveur de 1'hydrolyse du maltose, la realite d'une synthese de maltose etait tenue comme un argument en faveur du concept de la zymohydrolyse reversible. C'est dans cet etat d'esprit que des biochimistes proposerent que la synthese de proteines pouvait etre realisee a partir d'hydrolysats enzymatiques partiels de proteines contenant des peptides de taille moyenne appeles plasteines. La theorie des plasteines eut de brillants avocats avant 1940, en particulier le chimiste allemand Emil ABDERHALDEN. En 1939, Rudolf SCHOENHEIMER et David RITTENBERG en collaboration avec Sarah RATNER (n. 1903) decouvrent que, si Ton injecte a des rats de la leucine doublement marquee par du deuterium 2H et de 1'azote 15N, on retrouve dans des proteines cette leucine marquee engagee dans des chaines peptidiques par des liaisons covalentes. Les auteurs postulerent 1'existence d'un echange entre la leucine marquee isotopiquement et injectee aux rats et la leucine non marquee presente dans les proteines tissulaires grace a une reaction de transpeptidation. Une autre possibilite, celle d'une synthese totale de proteines a partir d'acides amines libres dont la leucine, avait ete envisagee comme une hypothese peu probable. C'etait pourtant la bonne alternative. En 1940, Henry BORSOOK (1897-1984) et Jacob DUBNOFF (1909-1972) explorent le mecanisme de la biosynthese de 1'acide hippurique, un produit naturel qui resulte de la condensation d'acide benzoi'que et de glycine par une liaison amide -CO-NH- suivant la reaction : COOH-CH2-NH2 + C6H5-COOH -> COOH-CH2-NH-CO-C6H5. II s'agit d'un systeme modele ou la liaison amide mime la liaison peptidique des proteines. BORSOOK et DUBNOFF mettent en incubation des tranches fines de foie de cobaye avec de 1'acide benzoi'que et de la glycine. Us remarquent qu'effectivement de 1'acide hippurique s'accumule au cours de 1'incubation. Leur attention est attiree par le fait que le cyanure de potassium, un poison de la respiration cellulaire, bloque la synthese de 1'acide hippurique. La conclusion qui s'impose par extrapolation aux proteines est que la synthese d'une liaison peptidique reclame de 1'energie et que cette energie est fournie par la respiration cellulaire. En 1947, ils refont une experience similaire en supplemental le milieu d'incubation avec de 1'acide adenylique (AMP) et de 1'a-cetoglutarate, un substrat oxydable. La synthese d'acide hippurique est alors notablement augmentee. On saura a la fin des annees quarante que 1'ATP est forme au cours de la respiration cellulaire par oxydation phosphorylante a partir d'ADP (lequel

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dans les experiences de BORSOOK et DUBNOFF provenait d'une reaction de transphosphorylation enzymatique de 1'AMP du milieu avec de 1'ATP endogene). La synthese d'acide hippurique necessitait done une source d'energie, 1'ATP. Le dogme de 1'hydrolyse zymoreversible des proteines n'etait plus credible. Des lors, s'imposait 1'idee que, si les proteines etaient degradees par hydrolyse enzymatique, elles etaient synthetisees par un mecanisme different, consommant de 1'energie. 5.2. MlSE EN EVIDENCE DE L1'ACTIVATION DES ACIDES AMINES, UNE REACTION PREALABLE A LA SYNTHESE DE LA LIAISON PEPTIDIQUE

Au debut des annees cinquante, Paul ZAMECNIK (n. 1912) au Massachussets Institute of Technology (M.I.T.) analyse les modalites de la synthese proteique dans des homogenats de foie de rat mis en incubation avec des acides amines radiomarques par 14C. II montre que dans un milieu bien acre, en presence de substrat oxydable, la radioactivite est incorporee dans des proteines precipitees par 1'acide trichloracetique. Dans une seconde etape ZAMECNICK recherche dans quelle fraction endocellulaire se trouvent les proteines neosynthetisees. Pour cela, des acides amines radiomarques sont injectes a des rats. On sacrifie les animaux a differents temps apres 1'injection. Le foie est preleve et homogeneise. A partir de 1'homogenat, differentes fractions subcellulaires sont separees (noyaux, mitochondries, microsomes) par centrifugation differentielle selon la methode qui venait d'etre mise au point a 1'Institut Rockefeller (Chapitre II-8.2.1). ZAMECNIK observe que, lorsque les rats sont sacrifies plusieurs jours apres 1'injection, les proteines radiomarquees sont presentes dans toutes les fractions subcellulaires de 1'homogenat de foie. Quelques heures seulement apres 1'injection, la radioactivite est concentree uniquement dans la fraction microsomale sedimentee a haute vitesse et particulierement riche en ribosomes. Avec Mahlon HOAGLAND (n. 1921), Paul ZAMECNIK decouvre en 1957 que 1'incorporation d'acides amines dans les proteines de la fraction microsomale est stimulee par 1'addition d'ATP et que 1'ATP intervient dans la formation de derives actives d'acides amines appeles aminoacyl adenylates. Dans ces derives, 1'acide adenylique (AMP) est lie par son groupe phosphorique au groupe carboxylique en position a de 1'acide amine dans une liaison carboxyl - phosphate. La reaction : est entrainee de fac.on irreversible vers 1'accumulation d'aminoacyl adenylate par clivage du pyrophosphate en deux molecules de phosphate inorganique grace a une pyrophosphatase endocellulaire.

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6. LE CHEMIN VERS LA DECOUVERTE DU MECANISME DE LA SYNTHESE

PROTEIQUE

Les decouvertes des annees cinquante ne laissaient plus aucun doute quant au concept de la detention du code genetique par 1'ADN. Du cote proteique, on avait remarquablement progresse avec la decouverte de I'activation des acides amines et celle de la combinaison des acides amines actives avec les ARNs de transfert (ARNt). II restait a faire le lien entre 1'ADN et les complexes aminoacyl - ARNt.

6.1. LA DECOUVERTE DES ARNS SOLUBLES OU ARNS DE TRANSFERT Poursuivant leur investigation, HOAGLAND et ZAMENICK decouvraient une autre combinaison des acides amines, cette fois avec des ARNs de petit poids moleculaire, comportant moins d'une centaine de nucleotides. Ces ARNs etaient presents dans un surnageant d'homogenat cellulaire obtenu apres centrifugation a 100 000 g. Us furent denommes d'abord ARNs solubles et par la suite ARNs de transfert car ils transferent 1'information detenue dans les ARNs messagers vers les acides amines. La formation du complexe amino acide - ARNt repond a la reaction : aminoacyl adenylate + ARNt ARN MESSAGER -> PROTEINE, DOGME CENTRAL DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE Seulement dix ans apres la decouverte de la structure en double helice de 1'ADN, les rouages de la machinerie moleculaire responsable de la "saisie des donnees" contenues dans 1'ADN et de leur traduction en proteines commenc.aient a etre compris et a etre ordonnes en un ensemble coherent et harmonieux qui pouvait etre resume de fac,on schematique. Dans une premiere etape appelee la transcription, des ARN messagers sont formes a partir de sequences d'ADN. Ces ARN messagers contiennent un enchainement de triplets nucleotidiques, les codons, qui sont reconnus par complementarite par d'autres triplets nucleotidiques, les anticodons, portes par les ARNs de transfert. Chaque acide amine est associe a un ARN de transfert. Les complexes correspondant a 1'association ARN de transfert - acide amine interviennent comme des intermediaires dans la traduction de la chaine des codons nucleotidiques d'un ARN messager en chaine d'acides amines dans une proteine. Cette operation dite de traduction est conduite au niveau de ribosomes sur lesquels s'appliquent et sont dechiffres les ARNs messagers. Les acides amines portes par les ARNs de transfert sont finalement detaches pour s'assembler en polypeptides par des liaisons covalentes. Tres tot dans la decennie cinquante, grace a des etudes cartographiques basees sur la localisation fine de mutations dans un gene bacterien codant une proteine determinee et sur la repercussion de ces mutations au niveau d'acides amines, Seymour BENZER (n. 1941) demontra qu'il existait une colinearite entre les codons d'un gene et les acides amines de la proteine codee par ce gene. Ceci excluait que les genes soient des structures branchees. L'enchainement ADN —> ARN messager -> proteine fut erige en dogme central de la biologic moleculaire. Ceux qui furent les temoins de cet age d'or de la biologie moleculaire, ou s'enchainaient des decouvertes tout aussi brillantes les unes que les autres, eurent 1'impression qu'avec la revelation du secret du code genetique le rideau venait de tomber sur le premier acte d'une nouvelle epopee scientifique marquee par le decloisonnement de la biologie et son ouverture a la physique et a la chimie. La plupart des experiences qui avaient permis de comprendre comment les proteines etaient codees par 1'ADN des genes avaient ete realisees avec des bacteries qui permettaient 1'utilisation de mutants. Dans 1'euphorie du succes, on crut que le modele bacterien etait transposable a 1'ensemble du monde vivant. On connait a ce sujet le fameux aphorisme de Jacques MONOD "ce qui est vrai pour Escherichia coli est vrai pour 1'elephant". Lorsque dans les annees soixante dix, on commenc.a a decouvrir les premiers secrets de la machinerie de synthese proteique des eucaryotes, il fallut dechanter. Tout en gardant les principes de base propres aux procaryotes, les eucaryotes s'en differencient par plusieurs caracteres.

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1. Chez les procaryotes, les differentes categories d'ARN (messagers, ribosomal, de transfert) sont transcrits a partir de 1'ADN par la meme ARN polymerase, alors que chez les eucaryotes, chaque type d'ARN est synthetise grace a une ARN polymerase specifique. 2. Chez les procaryotes, 1'ARN messager est directement traduit en proteines alors que chez les eucaryotes 1'ARN messager subit une maturation dans le noyau avant d'etre expedie vers le cytoplasme. 3. Les ARN messagers chez les procaryotes qui portent des sequences polycistroniques codent des ensembles de proteines alors que chez les eucaryotes ils sont le plus souvent monocistroniques, un cistron correspondant a un gene codant une proteine. 4. A la difference des procaryotes, les genes des eucaryotes sont frequemment morceles : les sequences codantes (exons) sont separees par des sequences non codantes (introns). Le brassage d'exons a pu presider a la formation de nouveaux genes au cours de 1'evolution. Les introns, tres rares chez les procaryotes du type eubacterie (cependant trouves chez des cyanobacteries vieilles de plus de 2 milliards d'annees), sont presents malgre tout dans les ARNs de transfert et les ARN ribosomaux des archebacteries. Chez les eucaryotes, de nombreux exons codent des unites structurales et fonctionnelles correspondant a des domaines dans des proteines. Par exemple, 1'exon localise dans la region centrale du gene responsable de la synthese de la chaine (3 de 1'hemoglobine code une region bien precise de cette chaine qui se lie a un heme. 5. II existe deux autres particularites qui sont propres aux metazoaires. La premiere est la differenciation cellulaire. Alors que toutes les cellules d'un organisme animal possedent le meme equipement genique, seuls certains genes sont actives dans un tissu donne (par exemple le foie) et d'autres genes le sont dans un autre tissu (par exemple le cceur). Cette modulation de la transcription est sous le controle de proteines specifiques pour chaque tissu, des facteurs de transcription. La deuxieme particularite des metazoaires est 1'existence d'une categoric de genes speciaux, les genes homeotiques qui jouent un role essentiel dans le positionnement des differents territoires anatomiques chez 1'embryon. Ils furent decouverts chez la drosophile et se retrouvent tres conserves chez tous les metazoaires, sauf les coraux, les meduses et les eponges (Chapitre 1-9.4).

7. LES PREUVES D'UNE REGULATION DE LA SYNTHESE

GENETIQUE

PROTEIQUE

On connait bien actuellement la complexite des mecanismes de regulation de 1'expression des genes chez les procaryotes et chez les eucaryotes. Au debut des annees soixante, la notion meme de regulation de 1'expression genique etait loin

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d'etre acquise. La decouverte du premier systeme d'activation d'expression genique se fit par le biais d'un "raisonnement a 1'envers", la conception d'une activation par "inhibition d'inhibition". 7.1. LE PROPHAGE, UN EXEMPLE DE REGULATION D'EXPRESSION

NEGATIVE

GENIQUE

Le premier exemple de la nature genetique du controle de la transcription fut apporte avec le phenomene de la lysogenie. Des bacteriophages qui ont infecte des cellules bacteriennes peuvent rester a 1'etat latent a 1'interieur des corps bacteriens. Brutalement, sous 1'effet d'evenements exterieurs, peut se produire une lyse bacterienne avec proliferation de nouveaux phages. Les virologistes pensaient que la production explosive de phages accompagnant la lyse bacterienne etait le resultat d'une deregulation passagere, un phenomene de hasard, se conformant aux lois de la probabilite. Raisonnant en cytologiste, Andre LWOFF t31] (1902 - 1994) a 1'Institut Pasteur de Paris resolut d'elucider le phenomene de la lyse bacterienne en partant de clones provenant de bacteries isolees infectees par un bacteriophage. La souche bacterienne etait Escherichia coli K12 et le bacteriophage le phage X . Par chance, le phage A, se pretait particulierement bien au passage d'un cycle lysogenique a un cycle lytique (Figure III.21). LWOFF observa que des bacteries lysogeniques, c'est-a-dire porteuses d'un bacteriophage, mais apparemment normales, pouvaient de temps en temps se lyser en liberant dans le milieu une multitude de phages. En dehors de ces periodes, le virus restait cache. A ce virus latent, LWOFF donna le nom de prophage. En 1949, LWOFF realisa avec des bacteries lysogeniques une experience "pour voir", une de ces experiences gratuites, sans idee preconc.ue, mais qui peuvent se reveler gratifiantes dans la mesure ou le chercheur est attentif et interprete objectivement ce qu'il observe. Que ferait une irradiation ultraviolette sur des bacteries lysogeniques ? A tout bien considerer, 1'idee n'etait pas raisonnable car le rayonnement UV pouvait tuer a la fois bacteries et bacteriophages. Pourtant 1'experience fut decisive. Les rayons UV induisaient la lyse bacterienne. Tout se passait comme si le phage qui etait a 1'etat latent dans les bacteries lysogeniques se reveillait sous 1'influence des rayons UV, se multipliait et lysait les bacteries. Si une seule bacterie pouvait transmettre 1'infection virale latente a des centaines de generations, c'est que le genome viral devait etre integre dans la bacterie et se diviser chaque fois que la bacterie se divisait. L'induction lytique par irradiation ultraviolette suggerait qu'en absence d'irradiation, 1'expression virale etait reprimee et que 1'irradiation abolissait la repression.

[31]

Andre LWOFF, Jacques MONOD et Francois JACOB, Prix Nobel de physiologie et de medecine (1965).

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

La notion de prophage et de lysogenie induite fut proposee en 1949 par A. LWOFF. Le schema montre les differentes etapes du cycle lytique : 1 - Entree du chromosome du phage dans la bacterie. 2 - Integration du chromosome du phage dans le chromosome bacterien. A ce stade, le phage integre dans le chromosome bacterien est sous forme latente (prophage). Les bacteries infectees proliferent comme des bacteries saines (cycle lysogenique, a et b). 3- Dissociation du chromosome du phage par irradiation UV et engagement du cycle lytique. 4- Neoformation de bacteriophages. 5- Eclatement de la bacterie. 6 - Fixation des bacteriophages libres sur d'autres bacteries. Figure 111.21 - Cycle lysogenique et cycle lytique du bacteriophage tempere A.

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On salt actuellement que le genome du phage a 1'etat prophage est insere dans le chromosome bacterien et que, dans cette situation, il est effectivement sous une forme reprimee. Apres derepression, 1'ADN du phage devient libre a I'interieur du corps bacterien. Devenu actif, il utilise la machinerie de la bacterie pour se repliquer de fac.on autonome et induire a partir de la bacterie la formation de bacteriophages infectieux. C'est sur ce modele de la lysogenie que Francois JACOB commenga a travailler lors de son entree dans le laboratoire d'Andre LWOFF a 1'automne 1950, rejoint par Elie WOLLMAN de retour d'un stage aux Etats-Unis dans le groupe de Max DELBRUCK. I/inhibition d'un etat reprime, c'est-a-dire la combinaison de deux effets negatifs se traduisant par un effet positif, s'averera par la suite etre un mecanisme assez courant de regulation chez les procaryotes, en particulier pour la biosynthese d'enzymes, comme le reveleront les experiences classiques de Jacques MONOD I311 et Francois JACOB t31! (n. 1920) sur la synthese de la (3-galactosidase. 7.2.

LA SYNTHESE INDUCTIBLE DES PROTEINES ET LE CONCEPT DE REPRESSEUR

A la fin des annees cinquante, MONOD et JACOB postulerent 1'existence d'un double determinisme genetique pour la synthese de toute proteine. Us expliquaient que si une proteine etait codee par un gene, comme ceci etait desormais admis, il devait exister un autre gene capable de controler 1'expression du premier, soit en 1'activant, soit en le reprimant. Cette idee conduisit au concept de 1'operon ; elle s'appuyait sur un ensemble d'experiences portant sur la croissance bacterienne qu'avait realisees MONOD pour sa these de sciences soutenue en 1941. En cultivant la bacterie Escherichia coli sur un milieu contenant du glucose et du lactose comme sources de carbone, MONOD avait note que la croissance bacterienne en fonction du temps presentait une allure biphasique. Dans une premiere periode, les bacteries se divisaient en utilisant essentiellement le glucose. Une fois le glucose epuise, s'ecoulait une latence de plusieurs minutes avant le redemarrage de la proliferation bacterienne avec cette fois 1'utilisation du lactose. MONOD avait donne a cette croissance biphasique le nom de diauxie. Le declenchement de la croissance sur lactose etait associe a 1'apparition d'une activite p-galactosidase capable de cliver le lactose en glucose et galactose, deux sucres metabolisables. Deux explications tout aussi plausibles se detachaient, parmi d'autres, pour rendre compte de 1'apparition de 1'activite (3-galactosidase : 1. le lactose rompait un equilibre entre un systeme enzymatique inactif, eventuellement un precurseur, et un systeme enzymatique actif, au profit du systeme actif; 2. le lactose etait directement implique, sans doute d'une maniere complexe, dans le controle de la synthese de la p-galactosidase.

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C'est cette derniere hypothese qui s'imposa, apres une demarche experimentale d'une quinzaine d'annees ou 1'association de la genetique a 1'enzymologie se revela d'une remarquable efficacite. En 1945, Jacques MONOD entre a 1'Institut Pasteur en qualite de chef de laboratoire dans le service d'Andre LWOFF. Tente pendant quelque temps de travailler sur le sujet du patron, le bacteriophage, il prend finalement la decision de revenir sur le mecanisme de la diauxie et de 1'explorer a fond. La possibilite que la p-galactosidase (Gz) provienne d'un precurseur proteique (Pz) par un changement conformationnel induit par le lactose est alors envisagee comme une hypothese de travail prioritaire pour etre finalement rejetee. En 1949, 1'Americain Melvin CORN (n. 1922) rejoint le groupe de Jacques MONOD. C'est le debut d'une serie d'experiences "eclairantes" sur la capacite de differents derives synthetiques du galactose, parmi lesquels les thio-p-galactosides, a modifier 1'activite de la P-galactosidase d'Escherichia. coli. Les resultats montrent que les thio-p-galactosides induisent la synthese de la P-galactosidase, mais que le pouvoir inducteur est sans rapport avec 1'activite de la P-galactosidase sur les thio-p-galactosides inducteurs et qu'il n'y a pas non plus de rapport avec 1'affinite de la P-galactosidase pour les thio-p-galactosides. Par exemple, 1'isopropyl-thiogalactoside (IPTG) qui n'est pas metabolisable est un excellent inducteur de la P-galactosidase, aussi efficace que le lactose. C'est un inducteur gratuit. La biosynthese de la p-galactosidase induite par le lactose ou un p-galactoside mettait done en ceuvre un mecanisme d'activation tres probablement en amont de la production elle-meme de la proteine. De plus, il s'agissait de la synthese totalement de novo d'une proteine et non de la transformation d'un precurseur latent, par modification conformationnelle. Ceci remit en question la theorie de 1'etat dynamique des proteines qu'avait formulee initialement SCHOENHEIMER en 1941 sur la base d'experiences isotopiques et selon laquelle les proteines echangent des fragments peptidiques avec d'autres proteines au cours de la vie de la cellule. Dans la terminologie utilisee par MONOD, les mots inducteurs et induction n'etaient pas innocents. Us s'opposaient au terme adaptation qui avait un relent lamarckien et mettaient en exergue la notion darwinienne d'une selection de mutants spontanes dans une population bacterienne proliferante. En 1957, Arthur PARDEE (n. 1921) arrive des Etats-Unis pour passer une annee sabbatique a 1'Institut Pasteur. C'est en 1957 -1958 qu'est realisee la fameuse experience PAJAMO appelee ainsi a partir des premieres lettres des auteurs PARDEE, JACOB, MONOD. Cette experience allait apporter 1'elegante demonstration que, dans un systeme inductible, la synthese de la P-galactosidase est normalement reprimee du fait de la synthese d'un represseur et que 1'inducteur, un P-galactoside, leve cette inhibition en bloquant le represseur. L'experience PAJAMO arrivait a un moment ou la logique explicative de la biosynthese de la P-galactosidase avait evolue dans le groupe de MONOD. On avait mis en evidence en 1953 1'effet represseur du tryptophane sur la synthese de la tryptophane synthetase, et des preuves concernant une regulation d'activite

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enzymatique par repression s'etaient accumulees dans la litterature. Apres tout, la repression pouvait etre considered comme le symetrique negatif de 1'induction. Cette fagon de raisonner sera capitale dans 1'interpretation des resultats de 1'experience PAjAMO. L'experience PAJAMO comportait un certain nombre de mutants d'Escherichia coli souche K12, en particulier : * des bacteries porteuses de la mutation i+ —> i-, les mutants i- etant capables de synthetiser de grandes quantites de (3-galactosidase en absence d'inducteur (mutation dite constitutive) alors que la souche sauvage, porteuse du gene i+, ne synthetisait la |3-galactosidase qu'en presence d'inducteur (souche inductible); 4 des bacteries porteuses de la mutation z+ —> z- avec pour consequence la perte de synthese de la p-galactosidase, que 1'inducteur fut present ou absent. Dans 1'experience PAJAMO, differentes combinaisons genetiques furent utilisees. L'essai qui fut revelateur utilisa des bacteries males a haute frequence de recombinaison Hfr, porteuses des genes z+ et i+, c'est-a-dire capables de synthetiser la P-galactosidase en presence d'un inducteur tel que 1'IPTG et des bacteries femelles porteuses des alleles z- et i-. (Figure 111.22). Par conjugaison bacterienne, des zygotes furent obtenus qui produisaient, en absence d'inducteur, de la P-galactosidase pendant un court laps de temps (moins d'une heure). Ceci signifiait que le gene z + present dans le zygote resultant de la conjugaison bacterienne s'exprimait de fac,on transitoire, mais qu'il etait par la suite bloque, d'ou Tidee d'un represseur qui, a un moment donne, s'opposait a 1'expression de la [5-galactosidase. L'addition de (5-galactoside (IPTG) faisait redemarrer la synthese de la P-galactosidase. Le p-galactoside avait done antagonise la repression de 1'expression de la (3-galactosidase. Une interpretation plausible, qui par la suite fut confirmee, etait que le gene i+ porte par le chromosome de la bacterie male exprimait dans le zygote apres un certain temps de latence un represseur, et que ce represseur etait bloque par fixation du P-galactoside. En bref, 1'experience PAJAMO demontrait que des genes regulaient 1'expression d'autres genes. 7.3. LE MODELE DE L'OPERON

En utilisant des bacteries porteuses de mutations dans les genes codant la P-galactosidase (gene z), la permease du lactose (gene y] et une transacetylase (gene a), trois activites enzymatiques exprimees quasi-simultanement dans le cadre du catabolisme du lactose, et en mettant en ceuvre la technique de conjugaison bacterienne interrompue elaboree quelque temps auparavant par Francois JACOB et Elie WOLLMAN, il fut possible de localiser les trois genes sur le chromosome d'Escherichia coli et de montrer que ces trois genes se succedaient dans 1'ordre a, y, z. A partir de ces experiences, Francois JACOB et Jacques MONOD proposerent le modele de 1'operon lactose pour expliquer 1'induction

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Encart Le chromosome de la bacterie male Cf possede le gene z+ qui code la P-galactosidase (•), ainsi que le gene i+ qui code un represseur (x) de la synthese de la P-galactosidase. La bacterie femelle 9 est constitutive (i-) et elle ne possede pas de gene codant la P-galactosidase (z-) . Le zygote qui resulte de la combinaison male/femelle possede 1'ensemble des genes i+, z+, i-et z-. Graphique Courbe d'expression de 1'activite p-galactosidase apres interruption, a des temps determines, de la conjugaison bacterienne par agitation brutale. lre phase Suite a 1'entree de la region z+ i+ du chromosome male dans la bacterie femelle (apres environ vingt minutes), la P-galactosidase est exprimee (sans inducteur), grace a la combinaison z+ (d1) et i- (9)2e phase

Le represseur (x) code par le gene i+ du chromosome male s'accumule dans le zygote et bloque la synthese de la P-galactosidase. L'addition d'inducteur, un p-galactoside (fleche), leve le blocage. La synthese de la P-galactosidase repart. L'experience PAfAMo fut realisee en 1957 -1958 par A. PARDEE, F. JACOB et J. MONOD et publiee dans /. Mo/. Biol. I (1959) 165. Figure 111.22 - Principe de 1'experience PAJAMO (d'apres A. LWOFF - Biological order, 1965)

Ill - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

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et 1'expression coordonnees de la (3-galactosidase, de la lactose permease et de la transacetylase. Le modele de 1'operon fut decrit sous une forme preliminaire dans les Comptes-rendus de I'Academie de sciences, en 1959, sous le titre "Genes de structure et genes de regulation dans la biosynthese des proteines" (vol. 249, pp. 1282-1284), et sous une forme elaboree dans le Journal of Molecular Biology en 1961. L'operon lactose etait suppose comporter un gene operateur (o) et un ensemble de genes de structure (a, y, z) dont 1'expression etait coordonnee par le gene operateur. A ceux-ci s'ajoutait un gene regulateur negatif, i, codant une proteine inhibitrice, le represseur. Le modele postulait qu'en absence d'inducteur, comme le lactose (ou 1'IPTG), le represseur se liait a 1'operateur et empechait indirectement 1'expression des genes de structure a, y, et z (Figure III.23). L'existence du represseur fut demontree en 1967 par Walter GILBERT t22! grace a 1'utilisation d'un mutant d'Escherichia coli qui surexprimait cette proteine plus de 2 000 fois. II s'agissait d'un oligomere de quatre sous-unites, chacune d'elles ayant une masse de 37 kDa. L'attachement du represseur a 1'operateur empeche 1'ARN polymerase de progresser le long du chromosome et d'entrer en contact avec les genes de structure pour les transcrire en ARNs messagers.

7.4. DlFFERENCIATION TRANSCRIPTION

CELLULAIRE ET FACTEURS DE CHEZ LES ORGANISMES

EUCARYOTES

Au tout debut de 1'ere de la biologic moleculaire, on pensait que la differenciation des cellules de 1'embryon en des formes specialisees telles que le tissu nerveux ou les cellules musculaires etait le resultat d'une perte de genes. Cette hypothese n'a plus cours. On sait aujourd'hui que toutes les cellules d'un metazoaire sont genetiquement identiques car elles sont issues d'une meme zygote totipotent. Le mecanisme qui controle 1'evolution des cellules vers des types particuliers consiste en une modulation de la totipotence cellulaire par modification de 1'information genetique soit au niveau de la transcription des genes en ARNs messagers, soit au niveau de la traduction des ARNs messagers en proteines. Depuis plus d'une dizaine d'annees, la regulation genique est couverte par une abondante litterature dans des traites de biologic et dans des revues. II suffit ici de mentionner que le mecanisme le plus general de controle transcriptionnel chez les eucaryotes consiste en 1'acceleration, plus rarement en retardement, de la transcription d'un gene ou d'un groupe de genes dans un chromosome, grace a la mise en ceuvre de proteines capables de se Her a 1'ADN dans une region specifique appelee region promotrice, localisee immediatement en amont du site d'initiation de la transcription. Ces proteines qui controlent la transcription d'ADN en ARN sont appeles facteurs de transcription. A titre d'exemple, des hormones steroides associees a leurs recepteurs proteiques endocellulaires activent par 1'intermediaire de ces recepteurs proteiques la transcription de genes bien determines. Ainsi 1'cestradiol stimule la synthese de 1'ovalbumine dans 1'oviducte de la poule, le cortisol stimule la synthese de la

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

A cote des genes de structure (z), (y) et (a), qui codent respectivement la galactosidase, une permease et une transacetylase, existent un operateur (O) qui coordonne 1'expression des genes de structure, un promoteur (P) et un gene de repression (I) qui code un represseur. Ce represseur est une proteine qui, en se fixant sur 1'operateur (O), bloque sa fonction et, par consequent, 1'expression des trois genes de structure.

La presence de lactose ou d'un (3-galactoside conduit a 1'expression des trois genes de structure. Ceci est du au fait que le lactose (ou un p-galactoside) se fixe sur le represseur et empeche celui-ci de se Her a 1'operateur (O). Le schema, tout en restant valable dans son essence, s'est complique avec la notion que sur la region promotrice se fixe 1'ARN polymerase avec d'autres proteines formant un complexe au site d'initiation de la transcription de genes de structure.

Figure 111.23 - Modele de la regulation negative de 1'operon lactose chez la bacterie Escherichia coli (d'apres F. JACOB et J. MONOD - /. Mol. Biol 3 (1961) 318)

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tryptophane oxygenase dans le foie; dans le cas du ver a sole, la production de la fibroine et de la sericine dans la glande sericigene est sous le controle de 1'ecdysone. Les facteurs de transcription se lient a 1'ADN par plusieurs types de motifs dont les plus typiques sont les motifs helice - tour - helice,, les doigts de zinc, dans lesquels un atome de zinc est lie par coordination a deux residus d'histidine et a deux residus de cysteine, et les agrafes a leucine qui sont des structures dimeriques stabilisees par la presence de leucine tous les sept residus. Les proteines homeotiques possedent un motif de liaison a 1'ADN du type helice - tour - helice qui rappelle celui des regulateurs des genes des procaryotes, tel que par exemple le represseur de 1'operon lactose lac (qui code la (3-galactosidase). A 1'instar de la transcription de 1'ADN en ARN messager, la traduction de 1'ARN messager en proteine peut etre controlee de fac.on differente selon le tissu. Ainsi 1'hormone prolactine stimule specifiquement la traduction de TARN messager specifique de la caseine, une des principales proteines du lait secretee par la glande mammaire.

8. DE L'ENZYMOLOGIE DE Z/ADN A L'INGENIERIE GENETIQUE AU TOURNANT DU XXIE SIECLE Le developpement biotechnologique qui caracterise 1'evolution des sciences du vivant a la fin du XXe siecle, avec la robotisation du sequenc,age des genomes et la montee en puissance du genie genetique, doivent beaucoup a 1'introduction dans les annees 1970 d'une enzymologie tout a fait particuliere des acides nucleiques. II s'agit de la decouverte des transcriptases inverses qui permettent le passage de TARN vers 1'ADN et des enzymes de restriction, c'est-adire d'endonucleases qui coupent de fac,on specifique des liaisons intranucleotidiques dans 1'ADN. 8.1.

LES TRANSCRIPTASES

INVERSES

En 1964, Howard TEMIN (1934 -1994) constata que 1'infection de la poule par le virus du sarcome de Rous, un virus a ARN, etait bloquee par des inhibiteurs de la synthese de 1'ADN, ce qui suggerait que la synthese de 1'ADN etait necessaire a la croissance de virus a ARN. Le dogme fondamental de la biologie moleculaire avec la transcription ADN —> ARN que Ton pensait etre a sens unique fut remis en question en 1970 a la suite de la decouverte des transcriptases inverses par David BALTIMORE I321 (n. 1938) et Howard TEMIN P2L Ces

[32]

David BALTIMORE, Howard TEMIN et Renato DULBECCO, Prix Nobel de physiologic et de medecine (1975).

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

transcriptases inverses presentes dans des virus appeles retrovirus permettent de remonter de 1'ARN a 1'ADN. Get ADN s'integre dans le genome de la cellule note. II est ensuite retranscrit en ARN qui entre dans la composition de nouvelles particules virales. Les transcriptases inverses ont sans doute joue un role dans 1'evolution quand le monde de 1'ARN se transforma en monde de 1'ADN (Chapitre 1-8.4). En accord avec cette idee, une decouverte troublante fut celle des ribozymes en 1980 par Sidney ALTMAN I33^ (n. 1939) et Thomas CECH t33! (n. 1947). Travaillant sur le mecanisme d'epissage dans un ARN ribosomal immature du protozoaire Tetrahymena thermophila, CECH decouvrit que 1'excision d'introns se faisait sans le secours d'enzymes d'epissage. L'ARN assurait lui-meme sa propre excision enzymatique. En d'autres termes, 1'ARN jouait le role d'un enzyme. ALTMAN decouvrit un phenomene analogue avec le clivage du precurseur de 1'ARN de transfert specifique de la tyrosine par une ribonuclease (P) formee de deux composants, Tun proteique, 1'autre ribonucleique. Fait etonnant, le clivage etait catalyse par le composant ribonucleique. La decouverte des ribozymes apportait un argument de poids a la theorie du monde de TARN dans la phase prebiotique de 1'evolution. 8.2. LES ENZYMES DE RESTRICTION La decouverte des enzymes de restriction decoule essentiellement d'observations faites sur le developpement de bacteriophages dans les annees cinquante : des bacteriophages qui s'etaient bien developpes dans une certaine souche bacterienne se developpaient mal lorsqu'ils etaient transferes dans une autre souche de la meme espece. On parla alors de restriction du developpement du bacteriophage impose par 1'hote. Le bacteriologiste suisse Werner ARBER I341 (n.1929) s'attacha a comprendre cette bizarrerie experimentale. Le phenomene n'etait pas banal. En fait, la restriction du developpement du bacteriophage resultait de la degradation de 1'ADN phagique infectant les bacteries par des enzymes bacteriens que 1'on baptisa du nom d'enzymes de restriction. Ces enzymes de restriction sont des endonucleases bacteriennes qui clivent 1'ADN bicatenaire au niveau de sequences palindromiques specifiques que Ton appelle sites de restriction. II existe des centaines d'enzymes de restriction de 1'ADN. Grace a un choix approprie de ces enzymes, il est possible d'obtenir un decoupage precis de 1'ADN en des oligonucleotides que 1'on appelle fragments de restriction. L'electrophorese en gel permet de resoudre ces fragments selon leur taille. On obtient ainsi une carte de restriction. La carte de restriction d'un chromosome [33] [34]

Sidney ALTMAN et Thomas C ECH, Prix Nobel de chimie (1989). Werner ARBER, Daniel NATHANS et Hamilton SMITH, Prix Nobel de physiologie et de medecine (1978).

Ill - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

297

humain obtenue avec une batterie d'enzymes de restriction varie d'un individu a un autre. La difference qui signe la specificite des sites de restriction dans 1'ADN de chaque individu est appelee polymorphisme de longueur de fragments (RFLP ou "restriction fragment length polymorphism"). L'analyse RFLP des cellules d'un individu procure une carte d'identite genetique d'une tres grande specificite et fiabilite.

9. CONCLUSION : AUJOURD'HUI ET DEMAIN Pres d'un siecle et demi nous separe de la theorie de la selection naturelle de Charles DARWIN et de la formulation des lois de la transmission des caracteres hereditaires par Gregor MENDEL. Le message de DARWIN etait que les etres vivants sont issus d'un ancetre commun. I/idee qui emanait des lois de MENDEL etait que 1'heredite est vehiculee par des facteurs particulaires. Un siecle s'est ecoule depuis les premieres incursions dans le domaine de la chimie des proteines et des acides nucleiques, qui laissaient entrevoir pour ces molecules un role de premier plan dans le monde vivant. Les concepts ainsi degages resterent en attente d'une base moleculaire pour etre exploites et etendus. II manquait un support technique. Dans les annees 1920 -1940, des techniques d'analyse apportees par la physique et la chimie : electrophorese, chromatographie, ultracentrifugation, utilisation d'isotopes stables et radioactifs, radiocristallographie, contribuerent a revolutionner la demarche experimentale en biologic. Associees a 1'approche genetique, elles furent a 1'origine de la biologic moleculaire, une nouvelle discipline qui donnait une explication moleculaire aux observations faites sur des cellules vivantes. En montrant qu'il existait des similarites dans les genomes de 1'homme, de la souris, de la drosophile et de la levure, la biologic moleculaire apportait un eclairage nouveau, objectivement indiscutable, a la theorie de 1'evolution. Une etape cle dans le developpement de la biologic moleculaire fut la revelation de la structure de 1'ADN en double helice mettant en ceuvre la complementarite des bases cycliques, adenine et thymine, cytosine et guanine. Cette complementarite expliquait d'une fagon simple le mecanisme reste mysterieux de la replication de 1'ADN au cours de la division cellulaire et de la transmission des caracteres hereditaires a la descendance. Au tournant des annees 1960, la description des premieres structures proteiques tridimensionnelles, celles de 1'hemoglobine et de la myoglobine, apporterent la preuve que le vieux reve d'acceder a la connaissance de la micro-anatomie d'une proteine etait realisable. Au debut du XXI e siecle, c'est par centaines que se comptent les structures connues de proteines cristallisees. Nombre de structures de proteines dont la taille gigantesque etait, il y a encore peu de temps, un defi a 1'approche radiocristallographique ont ete resolues a 1'echelle atomique. C'est le cas de la structure des secteurs catalytiques (masse de plus de 300 kDa) de 1'ATP synthase

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

(masse d'environ 500 kDa) determinee dans le groupe de John WALKER t35! (n. 1941) a Cambridge (U.K.). La connaissance de cette structure illumina le mecanisme de la catalyse qui avait ete propose quelques annees plus tot par 1'enzymologiste americain Paul BOYER f35! (n. 1918). L'histoire de la biologic moleculaire nous enseigne que les dogmes errones souvent fondes sur des conclusions hatives ont la vie dure; ce fut le cas du dogme de la structure periodique des proteines et des acides nucleiques ou encore celui de la zymohydrolyse reversible. Dans cette histoire, on apprend que de nouveaux concepts, bien que valides, derangent souvent par leur originalite et se frayent, de ce fait, un chemin timide dans la litterature scientifique. Ce fut le cas des lois de MENDEL, de la decouverte de la nucleine par MIESCHER ou encore de la mise en evidence du role de 1'ADN comme support chimique de 1'heredite dans les experiences de AVERY, MAC LEOD et MAC CARTY sur le pneumocoque. On se rend compte aussi que, si la nature a sa logique, cette logique peut s'abandonner a une certaine fantaisie, en tout cas d'apres le jugement humain. L'histoire des genes fragmentes avec des regions codantes (exons) et des regions non codantes (introns) en est un exemple. Un autre exemple est 1'aventure recente du prion, une proteine dont la nature apparemment infectieuse est un defi en face des concepts orthodoxes de la biologic moleculaire. La periode actuelle est marquee par un developpement impressionnant des techniques de manipulation de 1'ADN, insoupgonnees il y a une trentaine d'annees. Au debut des annees 1970 aux USA, Stanley Norman COHEN (n. 1937), Paul BERG f 22 ^ (n. 1936) et Herbert BOYER (n. 1936) en furent les pionniers avec 1'ADN recombinant. Leurs experiences montraient qu'il etait possible d'inserer un fragment d'ADN dans un plasmide, c'est-a-dire un ADN circulaire, et d'introduire ce plasmide ainsi modifie dans des bacteries qui, en proliferant, le reproduisent. Les bacteries ainsi transformers operent, grace a leur propre machinerie, la traduction du fragment d'ADN insere dans le plasmide (ADN recombinant) en proteine dite recombinante. Une ingenieuse technique, la PCR (reaction de polymerisation en chaine) inventee en 1984 par Kary MULLIS t36! (n. 1944) permet d'amplifier plusieurs millions de fois un fragment d'ADN de quelques centaines de milliers de paires de bases. Associee a la transcription inverse qui fait remonter de 1'ARN vers 1'ADN, la PCR est designee sous le terme de RT-PCR. Le sequen^age des genomes de differentes especes vivantes a connu une progression foudroyante dans la derniere decennie du XXe siecle grace a la mise en ceuvre d'une automatisation et d'une informatique de plus en plus performantes. La premiere sequence genomique, celle du procaryote Hemophilus influenzae (1,83 millions de paires de bases) avait ete publiee en 1995. Elle fut [35] [36]

John WALKER, Paul D. BOYER et Jens SKOU, Prix Nobel de chimie (1998). Kary MULLIS, Prix Nobel de chimie (1993).

Ill - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE

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suivie en moins de cinq ans par 1'analyse complete des genomes d'une vingtaine de procaryotes. En 1996, etait decrite la premiere sequence d'une cellule eucaryote, celle de la levure Saccharomyces cerevisiae avec 13 millions de paires de bases et, en 1998, celle d'un metazoaire, le nematode Caenorhabditis elegans. La sequence du chromosome 22 du genome humain fut publiee en 1999, suivie par celle du chromosome 21 en mai 2000. Une ebauche detaillee de la sequence de la totalite du genome d'un etre humain avec ses trois milliards de paires de bases enchainees le long de ses 23 chromosomes paraissait dans la revue Nature le 26 juin 2000. En attendant une sequence complete du genome humain pour 2002 - 2003, une version "amelioree" de ce genome a paru dans les revues Nature et Science en fevrier 2001, permettant d'evaluer a environ une trentaine de mille le nombre de genes de 1'espece humaine, soit grossierement deux fois plus seulement que les 13 400 genes de la drosophile et trois fois plus que les 6100 genes de la levure. La liste des sequences d'ADN publiees en 1'an 2000 fait prendre conscience de 1'engouement actuel pour la genomique et de 1'efficacite des methodes de sequenc,age qui ne font d'ailleurs que s'accroitre : en mars 2000 ce fut la publication du genome de Neisseria meningitis et celui de Drosophila melanogaster, en avril ceux de Listeria monocytogenes et de Mycobacterium leprae, en juin celui de 1'homme, en aout ceux de Vibrio cholerae et de Pseudomonas aeruginosa, en decembre celui d'Arabidopsis thaliana. S'ajoutant a la trentaine de genomes de procaryotes deja sequences, plus de 130 autres etaient en cours de sequengage au debut de 1'annee 2001. De nouveaux enjeux sont a 1'horizon immediat avec la transcriptomique et la proteomique. La transcriptomique s'attache a 1'etude du transcriptome, c'est-adire a 1'ensemble des ARN messagers transcrits a partir des genes. Elle met en oeuvre les puces a ADN, microgrilles en verre ou en plastique sur lesquelles ont etc greffees des milliers ou dizaines de milliers de fragments d'ADN correspondant a des genes de sequence connue. Par addition de preparations d'ARNs messagers de nature inconnue provenant de cellules saines ou pathologiques ou d'ADNs recombinants synthetises a partir d'ARNs messagers, il se produit, dans la mesure d'une reconnaissance par complementarite de bases, une hybridation avec les ADNs fixes sur la microgrille. L'hybridation est detectee grace a 1'utilisation de marqueurs fluorescents. Ainsi peuvent etre evaluees les transcriptions simultanees de plusieurs milliers de genes. Les puces a ADN sont actuellement developpees industriellement pour le pronostic d'anomalies pathologiques, par exemple 1'evaluation du devenir de tumeurs cancereuses. II n'existe pas toujours une proportionalite entre la quantite d'ARNs messagers et la quantite de proteines synthetisees. Cette difficulte est palliee par la proteomique qui s'attaque a 1'identification et a la caracterisation de 1'ensemble des proteines synthetisees, c'est-a-dire du proteome. On utilise ici une methodologie biochimique avec separation des proteines par electrophorese bidimensionnelle et identification des proteines extraites du gel par microsequengage. La proteomique est actuellement appliquee a 1'identification des proteines des differents organites endocellulaires isoles a partir d'homogenats cellulaires (Chapitre II-8.2), ouvrant

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

ainsi la biologie des compartiments cellulaires a une exploration moleculaire extremement detaillee, revelant en particulier des proteines minoritaires dont la fonction est encore inconnue. Un nouveau defi vient d'etre lance avec la confection de puces a proteines. Ces puces permettent de tester directement sur une microgrille 1'interaction de proteines connues d'especes differentes ancrees en reseau sur la grille avec des proteines de nature inconnue presentes dans un extrait cellulaire. La progression recente et foudroyante des decouvertes sur la structure et le fonctionnement du genome ouvre un vaste champ d'application dans differents domaines de 1'economie humaine, aussi bien en medecine et en pharmocologie qu'en agronomie et dans certains secteurs industriels. Des domaines de la pathologic restes obscurs ont soudain rec.u une explication. Un cas exemplaire est celui de la genese du cancer. On sait aujourd'hui que tout ce qui altere le materiel genetique d'une cellule normale a le potentiel pour la rendre cancereuse. En 1976, Michael BISHOP t37! (n. 1936) et Harold VARMUS I371 (n. 1939) demontrerent que des oncogenes (genes cancerogenes) resident dans les cellules animales sous une forme latente, les protooncogenes, qu'une mutation ponctuelle peut transformer en oncogenes, facteurs de tumorisation. Les connaissances issues de la biologie moleculaire ont trouve deux nouveaux domaines d'application en medecine, a savoir la medecine predictive et la therapie genique. Grace a la localisation de genes pathologiques sur des cartes genetiques, il devient possible de predire des la naissance la predisposition d'individus a telle ou telle maladie. D'un autre cote, la therapie genique qui consiste a remplacer un gene deficient par un gene sain est a 1'ordre du jour. II devient ainsi possible d'esperer des traitements correctifs d'anomalies hereditaires, soit dans des cellules somatiques, soit dans des cellules germinales. Dans ce but, des animaux transgeniques servent actuellement de modeles experimentaux. Ces animaux sont porteurs de genes etrangers, c'est-a-dire differents de leurs propres genes. Par ailleurs, certains aspects de la pathologic humaine beneficient deja de 1'ADN recombinant. En integrant cette technologic, 1'industrie pharmaceutique est actuellement capable de produire a grande echelle 1'insuline, 1'hormone de croissance, 1'erythropoietine, des interleukines et d'autres proteines a visee therapeutique. Comme ce fut le cas au XIX e siecle pour la theorie de la selection naturelle de DARWIN, objet de debats passionnes qui furent exploites a des fins politiques incontrolees, le genie genetique issu de considerations fondamentales de la biologie moleculaire commence a soulever, par certains de ses aspects, en particulier son application a rhomme, des problemes d'ethique et de societe qui necessairement s'accentueront avec le temps.

[37]

Michael BISHOP et Harold VARMUS, Prix Nobel de physiologie et de medecine (1989).

CHAPITRE IV LES RACINES DU METABOLISME

CELLULAIRE

"It is clear that a special feature of the living cells is the organization of chemical events within it." F.G. HOPKINS - The dynamic side of Biochemistry -1913

Le metabolisme cellulaire definit 1'ensemble des reactions enzymatiques qui transforment des molecules organiques a 1'interieur des cellules procaryotes et eucaryotes. II s'agit de reactions de degradation (ou catabolisme) et de synthese (ou anabolisme) qui concourrent au cycle continu des echanges entre les tissus d'un organisme vivant et qui dependent de 1'apport alimentaire que cet organisme rec.oit de son environnement. En 1827, le medecin et chimiste britannique William PROUT (1785 -1850) proposa une classification des aliments en trois groupes, les hydrates de carbone ou sucres (polysaccharides), les graisses (lipides) et les substances albuminoi'des (proteines). Cette classification s'est perennisee, et c'est a partir de ces trois classes d'aliments que Ton discute encore actuellement les etapes du catabolisme. De fagon schematique, le catabolisme se deroule en trois etapes (Figure IV. 1). La premiere etape correspond a la liberation des unites de base a partir des macromolecules, essentiellement des oses a partir de polysaccharides, des acides gras a longue chaine et du glycerol a partir de lipides et des acides amines a partir de proteines. Les acides nucleiques non considered dans la classification de PROUT interviennent de fac,on mineure dans le catabolisme par la degradation de leurs bases azotees cycliques. Dans 1'etape 2, les oses, glycerol, acides gras a longue chaine, et acides amines provenant de 1'etape 1 subissent des reactions de deshydrogenation, decarboxylation et desamination qui aboutissent a des especes moleculaires simples comme le pyruvate CHs-CO-COO" et 1'acetate CHs-COO", ce dernier metabolite etant active par combinaison avec le coenzyme A (coenzyme d'acetylation). L'etape 3 correspond a la combustion oxydative du pyruvate et de 1'acetate en CO2 et H^O. Dans cette derniere etape, le pyruvate et 1'acetate sont totalement degrades par deshydrogenation et decarboxylation. Les deshydrogenations sont associees a une activite respiratoire qui met en ceuvre 1'oxygene moleculaire. Dans ces reactions, de 1'eau est formee et une importante quantite d'energie est liberee, qui sert a synthetiser 1'ATP a partir d'ADP et de phosphate mineral.

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

Dans 1'ancienne nomenclature de W. PROUT (1827), les polysaccharides, lipides et proteines etaient considered comme les composants majeurs des aliments. Le schema cidessus regroupe en trois etapes les reactions du catabolisme de ces trois especes moleculaires. La premiere etape consiste en une dissociation de molecules elementaires qui entrent dans la structure des polysaccharides (oses), des lipides (acides gras et glycerol) et des proteines (acides amines). La deuxieme etape montre la convergence des produits de degradation des oses, des acides gras et des acides amines vers les molecules simples, pyruvate et groupe acetyl de 1'acetyl-coenzyme A. La troisieme etape consiste en la decomposition du groupe acetyl de 1'acetyl-CoA (par decarboxylation et deshydrogenation) suivie par une oxydation par 1'oxygene moleculaire, avec formation d'eau.

Figure IV.l - Les trois etapes du catabolisme

IV - LES RACINES DU METABOLISMS CELLULAIRE

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Les organismes photosynthetiques sont capables de synthetiser les composants carbones de leur patrimoine moleculaire a partir de CO2 par le processus de 1'assimilation carbonee. D'autres organismes peuvent synthetiser 1'ammoniac ou le nitrate a partir de 1'azote atmospherique par le processus de 1'assimilation azotee. Certains organismes ont une double capacite d'assimilation carbonee et azotee. Ainsi, les cyanobacteries (ou algues bleues vertes) sont dotees de systemes enzymatiques qui leur permettent de se developper en utilisant le gaz carbonique comme source de carbone et 1'azote de 1'atmosphere comme source d'azote. Ces cyanobacteries sont les temoins des epoques les plus anciennes de la vie sur Terre (Chapitre 1-9.1). Lorsqu'on s'eleve dans 1'echelle de revolution, on assiste a une dependance nutritionnelle de plus en plus marquee vis-a-vis de 1'environnement. A titre d'exemple, 1'enterobacterie Escherichia coli prolifere sans restriction dans un milieu aqueux dont la composition moleculaire peut etre limitee a la presence de glucose comme source de carbone, de sulfate d'ammonium comme source de soufre et d'azote, de sels mineraux (chlorures ou phosphates de sodium ou de potassium) indispensables a 1'equilibre ionique et d'oligo-elements magnesium, fer calcium, zinc... Escherichia coli possede done une machinerie metabolique qui lui permet de construire toutes les molecules de sa propre cellule, meme les plus complexes, ainsi que des edifices macromoleculaires imposants comme les ribosomes, a partir de molecules tres simples fournies par le milieu environnant. Avec le developpement d'organismes plus complexes faisant partie du monde des eucaryotes multicellulaires est apparue au cours de 1'evolution la necessite d'apports nutritionnels supplementaires. Ceci signifie que ces organismes ont perdu une partie des capacites de synthese qui procuraient aux procaryotes une large autonomie vis-a-vis de leur environnement. Un exemple patent est celui de rhomme et des mammiferes dont 1'equilibre nutritionnel necessite 1'apport journalier d'une dizaine d'acides amines dits indispensables sur la vingtaine qui entrent dans la structure des proteines, de plusieurs acides gras a longue chaine non satures dits essentiels et de nombreuses vitamines. Ces dernieres entrent dans la composition des coenzymes, molecules organiques de petite taille impliquees dans des reactions enzymatiques. C'est souvent par 1'addition de quelques residus moleculaires que s'opere la transformation d'une vitamine en coenzyme specifique d'une reaction enzymatique dans les cellules de mammiferes (Tableau IV.1). Ainsi la vitamine BI est convertie en coenzyme de decarboxylation par addition d'un groupe pyrophosphate ; la vitamine 62 ou riboflavine et la vitamine 65 ou pyridoxal sont convertis en coenzymes, respectivement riboflavine phosphate ou FMN et pyridoxal phosphate par simple addition d'un residu phosphate. Dans le cas du NAD, du FAD ou du coenzyme A, la molecule de vitamine est presente de fac.on relativement discrete dans la molecule de coenzyme (Figure IV.2). Elle y assure neanmoins une fonction predominante dans la reaction enzymatique.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Tableau IV.l - Relation entre vitamines et coenzymes Vitamines

Coenzymes

Reactions enzymatiques

Thiamine (Bj) Riboflavine (62) Nicotinamide (PP) Pyridoxal (B6) Pantothenate Biotine Folate Cobalamine

Thiamine pyrophosphate FMN et FAD NAD et NADP Pyridoxal phosphate Coenzyme A Biotine Tetrahydrofolate Cobamide

Decarboxylation Deshydrogenation Deshydrogenation Transamination Acylation Carboxylation Transfert d'unites a 1C Rearrangements intramoleculaires

Les genes de synthese des vitamines, des acides amines indispensables et des acides gras essentiels qui ont ete perdus au cours de 1'evolution ont ete appeles genes non signifiants par Christian DE DUVE (Chapitre 1-10), car les organismes qui s'en sont trouves depourvus ont pu survivre grace aux apports de leur environnement. Par quels stratagemes la nature procede-t-elle pour maintenir un etat dynamique chez les etres vivants en fonction des conditions de 1'environnement ? Ce genre de question fut posee des 1'Antiquite grecque. La reponse vint par etapes successives avec les apports de la chimie organique a la fin du XVIII6 siecle et dans le courant du XIX 6 , puis avec ceux de la chimie physiologique qui se definissait comme la science d'etude du metabolisme, c'est-a-dire des reactions chimiques impliquees dans la transformation des nutriments par des enzymes intracellulaires. Au milieu du XX e siecle, la plupart des grandes voies du metabolisme etaient connues et explorees en detail. Les recherches dans la deuxieme moitie du XXe siecle s'orienterent alors vers des aspects de regulation enzymatique, par exemple 1'activation de reactions metaboliques par des hormones, ou vers des aspects topographiques lies aux fonctions specifiques des differents organites endocellulaires.

1. DES PHILOSOPHES AUX ALCHIMISTES

GRECS DU MOYEN AGE

On peut considerer, de fac.on arbitraire, trois periodes dans 1'evolution des modes de raisonnement sur le fonctionnement des organismes vivants, depuis 1'Antiquite grecque jusqu'a la Renaissance : la periode des philosophes grecs riche d'idees audacieuses, souvent speculatives, le Moyen Age domine par le pouvoir ecclesiastique qui prend de 1'heritage grec ce qui est en accord avec le finalisme de la tradition biblique, enfin la periode ou fleurit 1'alchimie qui marque un renouveau dans la pratique experimentale et annonce le nouvel esprit de la Renaissance.

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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Figure IV.2 - Coenzymes utilises dans la degradation oxydative du glucose (voie de la glycolyse EMBDEN-MEYERHOF + cycle de KREBS)

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1.1.

LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

LA TRADITION GRECQUE

Certains des philosophes grecs des VIe et V e siecles avant J.C. qui s'etaient interesses a la signification de 1'evolution (Chapitre 1-1.1) mediterent sur la structure et la dynamique du vivant. Us poserent des questions pertinentes qui, de leur temps, resterent sans reponse, faute de moyens techniques appropries. Pourquoi la nourriture dont s'alimente un individu est-elle indispensable au maintien de 1'etat vivant ? Comment les aliments sont-ils assimiles ? Pourquoi le regne animal depend-il du regne vegetal pour sa survie ? Pourquoi la respiration est-elle associee a la vie et pourquoi cesse-t-elle apres la mort ? PYTHAGORE (VIe siecle avant J.C.), celebre mathematicien, considerait que le monde resultait de 1'association de quatre elements, la terre, le feu, 1'air et 1'eau auxquels etait ajoute un element hors du commun, Tether. La terre correspondait a 1'etat solide, 1'eau a 1'etat liquide, 1'air a 1'etat gazeux, le feu a une substance imponderable. Ce systeme sera repris par EMPEDOCLE (490 - 438 avant J.C.) pour qui le corps des animaux resulte d'un melange et d'une combinaison de quatre elements, puis par PLATON (428 - 348 avant J.C.). PLATON affecta des symboles aux quatre elements : la terre etait represented par un cube, le feu par un tetraedre, 1'air par un octaedre, 1'eau par un icosaedre et Tether par un dodecaedre. PLATON dans son poeme le Timee decrivit quatre ordres d'importance decroissante dans la nature : Tordre celeste des dieux avec la maitrise du feu, Tordre des animaux ailes qui s'approprient Tair, Tordre des animaux terrestres qui se deplacent sur terre. Quant a Tether, il etait considere comme une partie tres pure de Tair. Aux quatre elements fondamentaux, PLATON ajouta un parametre d'interchangeabilite. Par exemple quand Teau bout, la vapeur disparait dans Tair, ce qui etait assimile a la dissociation d'un icosaedre comportant vingt triangles equilateraux en deux octaedres representant Tair et un tetraedre representant le feu. En 1'absence de toute notion relative a la chimie, la symbolique grecque qui tentait d'expliquer le fonctionnement du monde vivant sur des bases qui peuvent paraitre bizarres a 1'homme moderne se justifiait par la logique des nombres et des formes geometriques que maitrisaient les Grecs. II est etonnant de retrouver dans la premiere moitie du XX e siecle, alors que les notions de base de la biochimie etaient bien etablies, 1'emprise de la numerologie dans 1'interpretation de donnees physico-chimiques sur la sequence des acides amines des proteines (Chapitre III-1.2.8). La theorie des quatre elements resta longtemps vivace. Elle fut enseignee jusqu'au XVIIIe siecle. Dans le Timee, PLATON avait egalement developpe la theorie des "pneuma" ou esprits qui, plus tard, fut reprise par GALIEN. II existait pour PLATON un principe immortel loge dans le thorax, partage en deux entites par la presence du diaphragme : au dessus du diaphragme, proche de la tete, 1'esprit qui anime les passions, au dessous celui qui controle les necessites alimentaires.

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DEMOCRITE, eleve de LEUCIPPE et avocat de la theorie de I'atomisme, postula que les atomes etaient ammes de mouvements, qu'ils etaient capables de s'associer et de se dissocier et que les sensations ressenties par les individus (odeur, bruit) etaient le resultat de courants d'atomes arrivant des objets vers le nez ou les oreilles. Pour ANAXAGORE (500 - 428 avant J.C.), rien ne nait, rien ne meurt, mais des choses deja existantes se combinent, puis se separent, une premonition de ce qui sera demontre bien plus tard par LAVOISIER. ANAXAGORE considerait que les particules dont sont formes les aliments se retrouvent dans les muscles, le sang et les os des individus qui s'en nourrissent. L'application de ces notions fondamentales a la medecine transparait a travers les ecrits d'HlPPOCRATE (460 - 377 avant J.C.), illustre medecin de 1'Antiquite grecque, sur 1'alimentation, les regimes et la pratique du diagnostic. La medecine hippocratique postulait que la bonne sante de l'homme dependait de 1'equilibre harmonieux entre quatre liquides appeles humeurs qui parcouraient son organisme : le sang, le phlegme, la bile jaune et la bile noire. Si 1'une ou 1'autre de ces humeurs etait en exces, il en resultait une maladie. On classait, de ce fait, les maladies en sanguine, phlegmatique, cholerique et melancolique. On avait meme associe chaque humeur a un organe : le sang au foie, le phlegme aux poumons, la bile jaune a la vesicule biliaire et la bile noire a la rate. La doctrine hippocratique impregna la medecine jusqu'au XIXe siecle. Au quatrieme siecle avant J.C. domine la figure d'ARISTOTE, eleve de PLATON. ARISTOTE donne des qualificatifs aux quatre elements air, terre, feu et eau. Le feu est chaud et sec, 1'air est chaud et humide, la terre est froide et seche, 1'eau est froide et humide. Reprenant la philosophic d'ANAXAGORE et d'EMPEDOCLE, ARISTOTE admet que ces elements s'organisent pour former les tissus, lesquels s'organisent a leur tour pour former les organes. II etablit une distinction entre les creatures vivantes et les objets inanimes en se basant sur des fonctions fondamentales comme la croissance, la reproduction ou la nutrition. ARISTOTE ne renonce pas a une etude de la nature dans son ensemble, il entend fonder cette etude sur une analyse detaillee des parties dont la somme constitue 1'organisme vivant. Pour ARISTOTE, le cceur est 1'organe central de 1'animal. Le sang arrive au cceur; du sang provient le "pneuma" qui est defini comme une substance mouvante, source de mouvement et de chaleur. Le "pneuma" repartit dans le corps la chaleur qui donne la vie; il permet la digestion et 1'assimilation des aliments. Les aliments broyes par les dents sont desintegres dans 1'estomac, puis dans 1'intestin pour etre portes au cceur et transforme en sang. A cote de la question importante de la nature du vivant, le probleme majeur pour les philosophes grecs restait celui de 1'evolution et du sens qui convenait de lui donner (Chapitre 1-1.1). Un eleve d'ARISTOTE, THEOPHRASTE est connu comme botaniste. II classa plusieurs centaines de plantes d'apres leurs tallies en arbres, arbrisseaux et herbes, classement qui persista jusqu'a la Renaissance et meme au-dela.

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

Dans 1'Antiquite, une autre grande figure s'impose, celle de PLINE L'ANCIEN (23-73). D'abord militaire, puis juriste et naturaliste, PLINE L ' A N C I E N ecrivit un traite d'histoire naturelle en 37 volumes, vaste compilation d'observations sur les animaux et les vegetaux, parsemee d'erreurs notoires propagees par les legendes et la credulite de 1'epoque. Une figure marquante et originale du debut de 1'ere chretienne est le medecin grec Claude GALIEN (130 - 200), connu comme anatomiste et physiologiste. GALIEN dissequa de nombreuses PLINE L'ANCIEN especes animales : mouton, chien, bceuf, singe, (23 - 79) etudiant en detail et comparant les differents organes, extrapolant a 1'homme les observations qu'il faisait sur les animaux. En tant que physiologiste, GALIEN formula quelques idees interessantes, par exemple sur le controle nerveux de la respiration, qui malheureusement voisinaient avec des erreurs flagrantes, par exemple 1'idee que 1'air penetrait directement dans le coeur par les voies aeriennes, que les ventricules du cceur communiquaient directement entre eux... Apres GALIEN et pendant plusieurs siecles il y eut un declin d'interet pour 1'experimentation en biologie. En medecine, on s'appuiera essentiellement sur ce qu'avait ecrit GALIEN. Ses idees, y compris ses erreurs, seront perpetuees pendant le Moyen Age jusqu'a la Renaissance dans un enseignement quasi dogmatique. Dans 1'Antiquite, les grandes fonctions de la physiologic humaine etaient evaluees indirectement par extrapolation a partir des connaissances acquises grace a la dissection de mammiferes. En effet, le corps humain etait considere comme sacre et les autopsies etaient interdites. En France, elles furent autorisees par LOUIS D'ANJOU en 1376 a 1'ecole de medecine de Montpellier a raison d'une par an et generalisees a d'autres ecoles de medecine dans le cours de la Renaissance. 1.2. LA NAISSANCE DE ^EXPERIMENTATION

AVEC LES ALCHIMISTES

A la difference des philosophes grecs qui tiraient leur reflexion de 1'observation, les alchimistes furent des experimentateurs. D'apres le chimiste et pharmacien Nicolas LEMERY (1645 - 1715) le terme alchimie vient du grec x u M^ = suc I/article arabe "al" fut rajoute, ce qui donna alchimie, puis il fut retire au XVIe siecle. Apres la conquete de 1'Egypte par les Arabes en 647,1'alchimie se developpa en milieu islamique du VIIe au XIIe siecle. En accord avec les idees mystiques du Moyen Age, le reve des alchimistes etait de transmuter des metaux vils en or et en argent grace aux vertus d'une preparation magique, la pierre philosophale.

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GEBER (n. vers 800) flit le premier des alchimistes arabes. II pensait que 1'or etait compose de mercure et de soufre. Les celebres medecins, AVICENNE (980 - 1037) et AVERRHOES (1120 -1198) sont les plus cites parmi les alchimistes arabes. A 1'alchimie arabe succeda 1'alchimie occidentale du XIIe au XV e siecle, toujours en prise avec les principes d'ARISTOTE. Parmi les alchimistes occidentaux les plus celebres, on compte Albert LE GRAND (1193-1280), Arnaud DE VILLENEUVE (1235 -1311), le philosophe anglais Roger BACON (1214 -1294) et surtout Basile VALENTIN, un personnage mythique du XV e siecle auquel on attribue nombre de preparations a base d'antimoine utilisees a des fins therapeutiques. Si 1'alchimie, melange d'experimentation et d'esoterisme, donne a sourire, il n'en reste pas moins qu'elle a eu le merite de promouvoir le souci de 1'experimentation en chimie. On attribue a 1'alchimie la preparation du soufre, de 1'ammoniac, du mercure, de la potasse, de la soude, de 1'acide sulfurique et de 1'acide nitrique, ainsi qu'une bonne maitrise dans la purification de nombre de metaux. L'alchimie permit d'acquerir des tours de main dans la fabrication empirique de plusieurs produits de synthese. On doit aux alchimistes la maitrise de techniques, telles que la distillation, la cristallisation, la decantation, la dissolution, qui seront utilisees dans la chimie moderne. La technique du bainmarie qui consiste a maintenir une solution a temperature constante pendant une periode de temps determinee date de la periode alchimique. L'alchimie presentait deux branches d'interet different: la chrysopee dont le but ultime etait la transformation de metaux en or et la panacee, remede contre toutes les maladies et le vieillissement. De cette deuxieme branche est issue la iatrochimie (du grec larpoc = medecine). La iatrochimie ou chimie appliquee a la medecine eut un representant celebre, PARACELSE (1493 -1541), de son vrai nom Philippus Aureolus Theophrastus Bombastus VON HOHENHEIM. PARACELSE enseigna la chimie a Bale. II introduisit 1'utilisation de differents derives metalliques en therapeutique; 1'exemple le plus fameux est celui des sels de mercure dont 1'application au traitement de la syphilis persistera jusqu'au XXe siecle. L'alchimie resta pendant longtemps une doctrine repandue dans les spheres intellectuelles les plus eclairees. Isaac NEWTON et Robert BOYLE y etaient sensibles.

2. LA PERIODE

POST-ALCHIMIQUE

AGRICOLA et Bernard PALISSY furent deux des grands pionniers de 1'ere postalchimique. AGRICOLA, de son vrai nom Georg BAUER (1494 - 1555) se consacra a la mineralogie et a la metallurgie. II ouvrit la voie a 1'analyse chimique. Son ouvrage De re metallica decrit des methodes d'extraction de metaux ainsi que les instruments, fours, creusets, coupelles, fabriques a cet effet. Cette instrumentation restera en usage jusqu'a la fin du XVIII6 siecle. Bernard PALISSY (1499 -1589), dans son traite sur les emaux, donne un apergu de sa conception de la methode scientifique faite d'essais souvent infructueux qui, interpretes sans

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esprit de systeme, permettent la mise au point de nouvelles experiences d'ou peut jaillir la decouverte. Au XV e et au XVIe siecle, on est au cceur de la Renaissance. C'est la decouverte de rimprimerie vers 1440 avec Johannes GUTENBERG (1394 -1465) et la diffusion de la pensee litteraire et scientifique. C'est la decouverte de 1'Amerique en 1492 avec Christophe COLOMB (1451 -1506), le choc des civilisations europeenne de 1'ancien continent et precolombienne du continent americain. La medecine et la chirurgie s'erigent en sciences authentiques. Ambroise PARE (1517 -1590), qui ne parlait pas le latin et qui de ce fait etait conteste par les autorites medicales de 1'epoque, revolutionna 1'art de la chirurgie. En preconisant 1'usage de pansements propres, il pressentait la necessite de 1'asepsie dans la pratique chirurgicale, necessite qui ne sera reconnue qu'a la fin du XIX e siecle. Francois RABELAIS (1494 -1553) plus ecrivain que medecin est malgre tout le pere de 1'ethique medicale : "science sans conscience n'est que ruine de 1'ame". L'ecole de medecine de Padoue s'illustre dans le domaine de 1'anatomie avec Andre VESALE (1514 -1564), d'origine beige, et son disciple Gabriel FALLOPE (1523 -1562). Grace aux dissections pratiquees sur les cadavres humains, VESALE reconnait et corrige certaines erreurs de GALIEN qui avait extrapole a 1'homme les observations faites sur les cadavres d'animaux. Accuse de pratiquer la vivisection sur rhomme, en butte a un dechainement de calomnies, VESALE doit se demettre de ses fonctions et s'expatrier. La periode post-alchimique voit la naissance de la physiologic experimentale. En 1551, Michel SERVET (1509 -1553) decouvre la petite circulation grace a laquelle le sang traverse les poumons, se "revivifie" et revient au cceur. Ayant mis en doute certains dogmes de la religion, il fut declare heretique par Jean CALVIN (1509 -1564) et brule vif avec tous ses ecrits a Geneve le 27 octobre 1553. Un des eleves de VESALE, Fabrice D'AQUAPENDENTE de son vrai nom Jacques FABRIZZI (1537 -1619) s'illustra par ses travaux sur les valvules cardiaques et le developpement de 1'embryon de poulet. II eut comme eleve William HARVEY (1578 - 1657) auquel on doit en 1628 la premiere description de la grande circulation. HARVEY enseigna I'anatomie au College royal des medecins de Londres. II fut medecin successivement de Jacques ler et Charles ler a la cour d'Angleterre. La theorie de la grande circulation fut violemment attaquee et plaisantee par des personnalites reconnues par le pouvoir politique dont Guy PATIN (1602 -1672), professeur de chirurgie a la faculte de medecine de Paris. Cet element fondamental de la physiologic animale attendra malheureusement une centaine d'annees pour s'imposer en France.

2.1. PREMIERES EXPERIENCES SUR LES GAZ II semble que le terme gaz ait etc utilise pour la premiere fois par le medecin et chimiste flamand Jean-Baptist VAN HELMONT (1579 - 1644) pour designer "un fluide elastique aeriforme". VAN HELMONT apprit a distinguer dans 1'air

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atmospherique differents gaz dont il indiqua le mode de formation. II observa le degagement naturel de gaz carbonique CC>2, denomme a cette epoque "esprit sylvestre", dans certaines grottes (celle de Capri etant la plus connue). II montra que le gaz carbonique se forme par combustion du bois, et qu'on peut egalement 1'obtenir par action du vinaigre sur de la pierre calcaire. VAN HELMONT mit en evidence un autre gaz, le "gaz de sel", correspondant a des vapeurs d'acide chlorhydrique libere par action d'eau forte (acide nitrique) sur du sel marin. I/interpretation qu'il donna de ces experiences est que certains corps renferment des gaz sous une forme fixee et que ces gaz peuvent etre liberes dans certaines conditions. Son experience sur la croissance des vegetaux est restee celebre bien que son interpretation fut erronee. II planta un saule pesant 5 livres dans un recipient rempli de 200 litres de terre dessechee. II laissa croitre le saule pendant 5 ans, 1'arrosant regulierement avec de 1'eau de pluie. Apres 5 ans 1'arbuste fut deterre. II pesait 169 livres et 3 onces. La terre n'avait perdu que 3 onces. VAN HELMONT en conclut que 1'eau d'arrosage s'etait transformee en bois de saule. A cette epoque, on ignorait tout de 1'assimilation carbonee par photosynthese a partir du gaz carbonique de 1'air. Le raisonnement au premier degre de VAN HELMONT ne faisait que reprendre 1'adage de THALES de Milet (640 - 546 avant J.C.): "toutes les choses sont de 1'eau". En 1630, un medecin du Perigord, chimiste amateur, Jean KEY (1583 - 1645) publia le resultat d'experiences qui montraient que 1'etain et le plomb augmentent de poids lorsqu'ils sont chauffes (calcines, selon le langage de 1'epoque). REY attribua cette augmentation de poids a Faction de 1'air. Ignorant la composition de 1'air, il postula qu'une "partie epaissie" de Fair s'etait fixee sur le metal. Cent cinquante ans plus tard, ce phenomene sera correctement interprete par LAVOISIER comme la fixation de 1'oxygene sur les metaux, c'est-adire la formation d'oxydes metalliques. Le chimiste anglais Robert BOYLE (1626 - 1691), oppose aux doctrines des alchimistes et aux speculations des iatrochimistes, inaugure 1'ere de la chimie moderne. II est 1'un des premiers opposants a la theorie des quatre elements qui etait vehiculee dans les milieux savants depuis PLATON. BOYLE s'appuie essentiellement sur 1'experience. II est le createur de 1'analyse chimique. II confirme que les metaux augmentent de poids par "calcination". II montre que si la "calcination" est realisee dans un espace limite, 1'augmentation de poids du metal est accompagnee par une diminution du volume d'air dans cet espace. II pressent 1'existence dans 1'air d'une "substance vitale" responsable de la combustion. Independamment de Edme MARIOTTE (1620 -1684), il decouvre la relation qui existe entre le volume d'un gaz et sa pression. On doit a BOYLE la decouverte de 1'acide phosphorique et du chlorure de cuivre. BOYLE fit avancer les concepts de base de la chimie en distinguant melanges et combinaisons. Par exemple, le savon forme a partir de graisse et de soude est une substance differente de la graisse et de la soude, ce qui conduit a postuler que le savon n'est pas un simple melange, mais qu'il resulte de la combinaison de la graisse et de la soude. Cette notion sera reprise par Eugene CHEVREUL au debut du XIX e siecle.

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

A la fin du XVII 6 siecle, la culture chimique etait largement diffusee tandis que I'alchimie etait sur son declin. En 1675, etait publie le premier traite complet de chirnie sous le titre Cours de Chymie par Nicolas LEMERY. Cet ouvrage traduit en plusieurs langues eut treize editions du temps de 1'auteur.

2.2. STAHL. THEORIE DU PHLOGISTIQUE ET THEORIE DES AFFINITES

f~* P ^TAT-fT

(1660

1714}

Le champion de la theorie du phlogistique (du grec (pXoyiaToc - qui subit 1'effet de la flamme) fut Georges Ernst STAHL (1660 -1734), professeur de chimie a la faculte de medecine de Halle et medecin du grand-due de Saxe-Weimar. Les premiers travaux de STAHL s'appuyerent sur ceux du chimiste et mineralogiste allemand Jean-Joachim BECKER (1635 - 1682) qui postulait que les "corps souterrains" c'est-a-dire les mineraux, renferment trois types de terres qualifiees de "vitrifiables", "inflammables" et "mercurielles" qui se distinguaient par la friabilite, rinflammabilite et la volatilite. Lorsque les metaux brulent, la "terre inflammable" se degage. La terre inflammable de BECKER fut baptisee phlogistique par STAHL.

L'hypothese du phlogistique se developpa rapidement en doctrine avec une certaine apparence de logique et, pour cette raison, elle fut adoptee par les plus grands esprits de cette epoque. Elle pouvait se resumer ainsi. Un metal chauffe en presence d'air se "calcine" ; il se convertit en une substance dite "terreuse", ou selon le langage en cours en "une chaux metallique", et il se degage, sous forme d'une flamme, un principe appele "phlogistique", suppose enferme dans la structure du materiau combustible. La reaction generale s'ecrit:

Ainsi, on considerait que le soutre etait compose d"'huile de vitriol" (acide sulfurique) et de phlogistique, et que le plomb etait compose de massicot (oxyde de plomb) et de phlogistique. On restituait du plomb a partir de massicot par chauffage en presence de charbon, substance supposee riche en phlogistique. STAHL etait tout a fait conscient que le metal augmentait de poids par "calcination" a 1'air, en meme temps qu'il s'en liberait du phlogistique et inversement qu'il perdait du poids lorsqu'il acquerait du phlogistique. Cette contradiction ne semble pas avoir suscite d'objections. La theorie du phlogistique perdurera jusqu'a ce qu'elle soit refutee par LAVOISIER a la fin du XVIII6 siecle. Justice doit etre rendue a STAHL pour avoir ete 1'un des promoteurs de la theorie des affinites. Cette theorie tentait d'expliquer la formation de produits a partir d'un melange de substances. Pour traduire le phenomene qui engageait la

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reaction, c'est-a-dire 1'interaction entre deux ou plusieurs substances, le langage de 1'epoque etait image. On parlait de "sympathie", d'"appetit", d'"attirance", d'"attraction", ce qui faisait allusion implicitement a une selectivite de 1'affinite. La theorie de 1'affinite fut developpee par le chimiste franc.ais Etienne-Franc.ois GEOFFROY (1672 -1731) dans un memoire presente devant 1'Academie royale des sciences. Ce memoire contenait une "table des rapports (c'est-a-dire des affinites) observes entre differentes substances" (Figure IV.3). GEOFFROY ecrivait: "on observe en "chymie" certains rapports entre differents corps qui font qu'ils s'unissent les uns aux autres. Ces rapports ont leurs degres et leurs lois" et il ajoutait: "toutes les fois que deux substances, qui ont quelque disposition a se joindre 1'une a 1'autre, se trouvent unies ensemble, s'il en survient une troisieme qui ait plus de rapport avec 1'une des deux, elle s'y unit en faisant lacher prise a 1'autre". La table des rapports classait les substances par ordre d'affinite dans le sens vertical. Par exemple, dans la premiere colonne (Figure IV.4) 1'alcali volatil (ammoniaque) a moins d'affinite pour les acides que 1'alcali fixe (potasse). Malgre la symbolique de la table des rapports qui rappelait 1'esoterisme de 1'alchimie, la theorie des affinites fut un objet de reflexion, puis une base de developpement de la chimie moderne. Avec BERTHOLLET, au tournant du XIXe siecle, seront determines un ensemble de parametres qui controlent le sens d'une reaction : la concentration des substrats, la pression et la temperature. 2.3. L'ESSOR DE LA CHIMIE DES GAZ

La chimie des gaz, appelee chimie pneumatique, se developpa rapidement dans la deuxieme moitie du XVIII6 siecle avec les Britanniques Joseph BLACK, Joseph PRIESTLEY et Henry CAVENDISH, le Hollandais Jan INGEN-HOUSZ (1730 - 1799), le Suisse Jean SENEBIER (1742 - 1809), le Suedois d'origine allemande Carl Wilhelm SCHEELE (1742 - 1786) et surtout le Francois Antoine-Laurent LAVOISIER. Bien que ne a Bordeaux, BLACK passa la majeure partie de sa vie en Ecosse. II y fut eduque. II enseigna la chimie a 1'universite de Glasgow entre 1755 et 1766, puis a 1'universite d'Edimbourg entre 1766 et 1779. Avant BLACK, on connaissait 1'existence d'un gaz communement appele "air fixe" ou "air fixe" (gaz carbonique ou CO2), appellation qui s'etait substitute a celle de "gaz sylvestre" donne par VAN HELMONT. C'est dans le courant des annees 1750 que BLACK demontra que 1'air fixe etait libere par 1'action d'acides sur des carbonates. Le barbotage de 1'air fixe dans 1'eau de chaux rendait celle-ci turbide de meme que le gaz degage au cours de la fermentation alcoolique. Les travaux de BLACK sur le carbonate de magnesium sont classiques. Par calcination, le carbonate de magnesium degage de 1'air fixe (CC>2) et engendre un derive de magnesium qui traite par de 1'acide sulfurique, puis par du carbonate de potassium, redonne du carbonate de magnesium avec le meme poids que celui de depart.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

a - Description d'un laboratoire au XVIII 6 siecle (chapitre "Chymie" de VEncyclopedic de DIDEROT et D'ALEMBERT)

b - Table des "rapports observes entre differentes substances" (d'apres GEOFFROY L'AINE - Memories de I'Academic Royale des Sciences, 1718) Figure IV.3

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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Les reactions mises en ceuvre, actuellement bien identifiees, correspondaient a la sequence suivante :

Ainsi, il apparaissait que 1'air fixe pouvait etre non seulement relache a partir de composes dans lesquels il etait emprisonne, mais qu' il pouvait aussi etre repris dans une reaction pour donner un carbonate metallique. BLACK decouvrit que 1'air fixe ne peut pas entretenir la vie : un oiseau enferme dans une cage hermetique ou 1'air atmospherique a ete remplace par de 1'air fixe mourrait en quelques minutes. En 1756, il mit en evidence un fait fondamental, le rejet d'air fixe au cours de la respiration. Expert en chimie, il exerga aussi ses talents en physique experimentale. Inventeur du calorimetre qui sera perfectionne par LAVOISIER, il est a 1'origine de la notion de chaleur specifique en montrant que la quantite de chaleur necessaire pour elever de fac.on identique la temperature dans deux corps differents est differente, c'est-a-dire specifique de chaque corps. Henry CAVENDISH cultiva avec un egal succes la physique et la chimie. En 1766, il decouvrit le gaz hydrogene, un gaz plus leger que 1'air, impropre a la respiration, degage par action d'acide sulfurique dilue sur des metaux. II realisa la synthese de 1'eau par action de 1'hydrogene (connu alors sous le nom de "gaz inflammable") sur de 1'oxygene (denomme "gaz dephlogistique"). En faisant passer de 1'air atmospherique sur du charbon incandescent, CAVENDISH obtint une nouvelle forme d'air qu'il appela "air mephitique" ou "air vicie" et qui plus tard sera appele azote (du grec CCOT| = vie avec "a" privatif signifiant que ce gaz est incapable d'entretenir la vie d'organismes aerobics). Au debut des annees 1770, trois formes d'air avaient ete repertoriees : 1'air respirable (02), 1'air fixe (CC>2) et 1'air mephitique, synonyme d'air vicie (N2). En s'appuyant sur le fait que 1'air atmospherique perd son air respirable par oxydation de metaux, Carl SCHEELE determina les valeurs des pourcentages d'air respirable (02) et d'air vicie (N2) presents dans 1'air atmospherique. Les valeurs trou vees 25% et 75% etaient proches des valeurs reelles 21% et 79% qui furent determinees bien apres avec des moyens plus precis. SCHEELE decouvrit un nouveau gaz, le chlore (du grec x^wpo^ = vert) obtenu par reaction d'acide chlorhydrique sur de 1'oxyde de manganese :

cw

SCHEELE

SCHEELE etait tout particulierement interesse par la composition chimique des tissus animaux et vegetaux et on lui doit 1'isolement sous forme cristalline d'un grand nombre de composes organiques (Chapitre IV-3.2).

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

2.4. PREMIERES EXPLORATIONS DES GAZ EN PHYSIOLOGIE VEGETALE Un pasteur anglais, Joseph PRIESTLEY, professeur de langues, chimiste et botaniste, apparait comme 1'une des figures marquantes et originales du XVIII6 siecle, et 1'un des pionniers geniaux qui etablirent les bases chimiques de la physiologic des etres vivants. Mele a la politique sociale, affichant des idees avancees pour son siecle, PRIESTLEY se trouva confronte avec le pouvoir etabli. En butte a une agitation sociale irreductible dans sa propre paroisse a Birmingham, PRIESTLEY se vit contraint d'emigrer en 1794 en Amerique. II y resta jusqu'a sa mort, dix ans plus tard. C'est pendant 1'ete 1771 que PRIESTLEY fit une decouverte interessante et inattendue dans le domaine de la physiologic vegetale. Son experience portait sur les modifications de 1'air dans une enceinte close, une jarre de verre, ou etait cultivee une touffe de menthe. L'air de la jarre etait recueilli dans un second recipient raccorde au premier a des fins d'analyse. Apres quelques semaines, 1'air de la jarre restait compatible avec la vie d'une souris, et une bougie allumee y brulait avec un tres vif eclat. Ce resultat etait surprenant car, en ce temps-la, on pensait a tort que les plantes, par leur respiration, a 1'instar des animaux, modifiaient 1'etat de 1'air et le rendaient j. PRIESTLEY (1733 -1804) vicie. PRIESTLEY eut une autre surprise dans le courant de ce meme ete lorsqu'il s'imagina de cultiver la touffe de menthe sous la meme jarre de verre que precedemment, mais cette fois en ayant eu soin d'epuiser prealablement Fair respirable de la jarre par la combustion d'une bougie allumee suffisamment longtemps pour arriver a 1'extinction de la flamme. Apres une dizaine de jours, une bougie allumee mise au contact de 1'air de la jarre brulait avec une flamme eclatante. En d'autres termes, 1'air vicie avail ete transforme en air respirable par la plante verte. Cette etonnante observation attira 1'attention des plus grands savants de cette epoque, en particulier de Benjamin FRANKLIN. L'interpretation que donna PRIESTLEY de son observation etait malheureusement erronee car elle s'appuyait sur la doctrine du phlogistique. Pour PRIESTLEY, 1'air vicie avait ete rendu respirable car la plante avait ete capable d'en retirer le phlogistique. En 1774, PRIESTLEY obtient pour la premiere fois le gaz respirable (qui en fait etait 1'oxygene) par chauffage d'oxyde de mercure. Cette decouverte fut suivie de celle de 1'oxyde carbone (CO), et du protoxyde d'azote ou oxyde nitreux (N2O), deux gaz qui differaient par leurs caracteres physico-chimiques du gaz respirable et des deux autres gaz connus a cette epoque, 1'air fixe et 1'air mephitique. Les proprietes de ces gaz etaient toujours interpretees en fonction de la theorie du phlogistique avec cette regie de base : un gaz entretient la

IV - LES RACINES DU METABOLISMS CELLULAIRE

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combustion d'autant mieux qu'il est pauvre en phlogistique. En d'autres termes, 1'air dephlogistique (air respirable) pouvait entretenir une combustion, mais non 1'air phlogistique. Quelques annees plus tard, LAVOISIER identifia 1'air dephlogistique a 1'oxygene et fournit une explication rationnelle des reactions de combustion en montrant que la combustion mettait en ceuvre une oxydation en presence d'oxygene. C'est a la fin des annees 1770 que parvient a PRIESTLEY 1'information que des chercheurs etrangers, dont le chimiste et pharmacien suedois bien connu Carl SCHEELE, n'arrivaient pas a reproduire ses experiences sur la production d'air dephlogistique par les plantes vertes. L'effet de la lumiere qui avait echappe aux experimentateurs fut reconnu et analyse de fagon magistrale par le Hollandais Jan INGEN-HOUSZ. Medecin diplome de 1'universite de Louvain, INGEN-HOUSZ s'etait initialement specialise dans la pratique de la vaccination centre la variole. Dans les annees 1770, INGEN-HOUSZ travaille dans le service des vaccinations de 1'un des hopitaux de Londres. C'est a Londres qu'il fait la connaissance de Joseph PRIESTLEY et qu'il decide de percer le mystere de 1'air respirable produit par les plantes vertes. En 1780 dans un ouvrage au titre on ne peut plus explicite Experiences sur les vegetaux, specialement sur les proprietes qu'ils possedent a un haul degre, soil d'ameliorer 1'air lorsqu'ils sont au soleil, soit de le corrompre la nuit ou lorsqu'ils sont a Vombre, INGEN-HOUSZ relate de fagon detaillee ses observations relatives a 1'effet de la lumiere sur la liberation d'air dephlogistique par des plantes vertes. En voici un extrait interessant par son astuce experimentale : "on plonge, ecrit INGEN-HOUSZ, un bocal de verre blanc et transparent dans une cuve pleine d'eau de source fraichement tiree, de telle sorte que 1'orifice du bocal soit en haut, au dessous du niveau de 1'eau. On met dans ce bocal une branche de vigne, une plante quelconque ou des feuilles vertes, fraichement cueillies... On tourne le bocal sous 1'eau et Ton fait reposer son orifice sur une assiette. On place le bocal dans un endroit ou il est bien eclaire par le soleil... Les feuilles se couvrent bientot de bulles d'air dont le volume croit continuellement. L'air obtenu est reellement dephlogistique". Plus loin, INGEN-HOUSZ prouve que c'est essentiellement la lumiere du soleil, non sa chaleur, qui est responsable de la production par les plantes vertes d'air dephlogistique c'est-a-dire d'air respirable - en d'autres termes d'oxygene -. La centre epreuve est probante : a 1'ombre, sans lumiere, il n'existe aucune production d'air dephlogistique. Non seulement les plantes vertes ne degagent pas d'oxygene a 1'obscurite, elles en consomment comme le demontre en 1804 Theodore de SAUSSURE (1767 -1845). Une etape supplementaire fut franchie en 1782 par le Suisse Jean SENEBIER avec 1'observation que 1'air fixe (c'est-a-dire CO2) accelere la production d'air respirable (c'est-a-dire 02) par les plantes. En fait, les deux processus ne sont pas directement correles comme ceci sera reconnu plus de cent cinquante ans plus tard. C'est en effet en 1940 que Robert HILL (1899 - 1981) demontre que 1'oxygene est libere par les chloroplastes des plantes vertes, organites specifiques de la photosynthese, sous 1'effet d'une exposition a la lumiere en presence

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

d'un accepteur d'electrons, par example le ferricyanure ou 1'oxalate ferrique, sans qu'il y ait reduction de CC>2. L'oxygene ne provient done pas du CC>2, mais de 1'eau. La demonstration que 1'eau est effectivement la source de 1'oxygene libere au cours de 1'illumination de plantes vertes fut apportee en 1941 par Samuel RUBEN et Martin KAMEN grace a des experiences mettant en ceuvre de 1'eau marquee par 18O, 1'isotope lourd de 1'oxygene.

2.5. LAVOISIER ET LA REFUTATION DE LA THEORIE DU

PHLOGISTIQUE

"It is quite a tenable point of view to hold that it is not possible to speak of biochemistry until modern chemistry had been born, and that did not happen until the growth of the chemistry of gases in the later half of the eighteenth century, the revolution of chemistry of LAVOISIER, and the founding of modern atomic chemistry by D ALTON." Joseph NEEDHAM - The Chemistry of Life - 1971 Antoine-Laurent LAVOISIER fut a la fois un chercheur et un administrateur. Destine par sa famille a une carriere juridique, LAVOISIER suit parallelement a ses etudes de droit des enseignements de chimie, de physique et de mathematiques. II se passionne pour la chimie, une science en plein essor. II y deploiera des qualites d'experimentateur hors pair. A 1'age de 21 ans il remporte un prix que 1'Academie avait mis au concours sur le theme : eclairage d'une grande ville. A 28 ans, il obtient une charge de fermier general, equivalente dans 1'Ancien Regime a celle actuelle de A.L. LAVOISIER . . . & . (1743 -1794) tresoner general, puis la direction de la regie des poudres et salpetres. Cette situation, financierement confortable, lui permet de mettre en place un laboratoire bien equipe (Figure IV.4). On considere LAVOISIER comme le fondateur de la chimie moderne et le precurseur de la biochimie metabolique. Effectivement, il jeta les bases d'un systeme de raisonnement qui permettait de formuler en termes de stcechiometrie des reactions chimiques concernant les gaz dont il montra 1'incidence dans le metabolisme respiratoire. A bien reflechir, beaucoup de notions de base etaient deja acquises du temps de LAVOISIER. La balance etait couramment utilisee depuis le XVII6 siecle. Jean REY avait observe que des metaux au contact de 1'air augmentent de poids par capture d'une substance "aeriforme". L'air respirable ou air vital avait ete decouvert par PRIESTLEY. La synthese de 1'eau a partir de 1'air respirable (02) et du gaz inflammable (H2) avait ete realise par CAVENDISH. Cependant, les explications fournies n'etaient qu'approximatives et sans portee heuristique, entachees qu'elles etaient par le role qu'on faisait jouer au phlogistique.

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IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

Ce calorimetre servait a mesurer la quantite de chaleur degagee par un animal, un cobaye. II comportait une cavite centrale dans laquelle le cobaye etait place. Une enceinte autour de la cavite centrale contenait de la glace pilee. La quantite d'eau formee, recueillie en dessous du calorimetre dans un recipient, servait a evaluer la chaleur degagee. a - Calorimetre a glace

Get appareil comporte une cornue dont la tubulure recourbee debouche dans une cloche retournee sur une cuve remplie de mercure. Du soufre present dans la cornue est chauffe. II s'oxyde, ce qui consomme de 1'oxygene et provoque une ascension du mercure dans la cloche. De la hauteur de 1'ascension, on calcule la quantite d'oxygene consomme. b - Appareil de mesure des gaz

Musee nat. des techniques - CNAM, Paris

c - Balance fabriquee specialement a 1'usage de LAVOISIER

Figure IV.4 - Appareils utilises dans le laboratoire de LAVOISIER (decrits dans le Traite elementaire de chimie de LAVOISIER, 1793)

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

Le merite de LAVOISIER fut de rassembler de fac.on lucide et rationnelle un certain nombre d'observations tirees d'experiences personnelles ou rapportees par d'autres chercheurs pour en tirer des conclusions objectives et batir une theorie nouvelle de la combustion. Pour LAVOISIER, les corps simples avaient la possibilite de s'unir entre eux de fac.on a former des corps composes, de telle sorte que Ton retrouve dans leur combinaison toute la matiere ponderale des corps constituants. A titre d'exemple, la combustion en presence d'air etait consideree comme un processus qui entrainait une combinaison, c'est-a-dire la fixation d'un composant de 1'air sur le corps combustible. En 1772, LAVOISIER entame ses premieres experiences sur la nature de 1'augmentation de poids du soufre et du phosphore lors de leur combustion dans 1'air. II montre que lorsque du phosphore brule a 1'air libre il se combine avec un element de 1'air pour former un corps acide (acide phosphorique). Avec le soufre, on obtient 1'acide vitriolique (acide sulfurique). Ces experiences, il les repete sur des metaux comme 1'etain et le mercure avec les memes resultats. Peu apres la decouverte de 1'air respirable par PRIESTLEY en 1794, LAVOISIER montre que, dans la calcination des metaux, ce n'est pas 1'air atmospherique tout entier mais un de ses elements qui est absorbe. Get element, que PRIESTLEY et INGEN-HOUSZ avaient appele air dephlogistique, LAVOISIER 1'appelle air vital. Ayant prepare 1'oxyde de mercure, comme 1'avait fait PRIESTLEY en chauffant moderement du mercure metallique en presence d'air atmospherique, LAVOISIER demontre que cet oxyde est une combinaison de mercure et d'air vital provenant de 1'air atmospherique. Le gaz qui reste dans 1'air atmospherique n'est pas respirable ; il n'entretient pas la vie et pour cette raison LAVOISIER 1'appellera azote. Partant de 1'oxyde de mercure et le chauffant cette fois a feu tres vif dans une cornue en porcelaine avec un dispositif approprie pour recueillir le produit gazeux, LAVOISIER montre que, dans ces conditions, le mercure metallique est regenere et que se trouve degage de 1'air vital, caracterise par sa capacite a entretenir la combustion d'une bougie allumee dans un espace clos. En 1777, LAVOISIER reprend ses experiences de combustion du phosphore en acide phosphorique et determine que 1'air vital implique dans cette transformation represente 20% de 1'air atmospherique. D'autres experiences conduites la meme annee le conforte dans 1'opinion que 1'air atmospherique est compose d'un element propre a entretenir la combustion et la respiration; cet air vital, LAVOISIER propose en 1778 de 1'appeler oxygene dans un memoire intitule Sur la nature des acides et les principes dont Us sont composes. Le terme oxygene (du grec 6£uc = acide et yevoc = naissance) fut choisi car les premieres experiences sur 1'action de Foxygene indiquaient que celui-ci se fixait sur le soufre ou le phosphore pour donner 1'acide sulfurique ou 1'acide phosphorique, des molecules dans la composition desquelles entrait 1'oxygene. Plus tard on s'apercevra que 1'acide chlorhydrique ne contient pas d'oxygene, mais le terme oxygene persistera.

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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Claude BERTHOLLET, bien connu pour ses travaux sur les derives du chlore et aussi sur la quantification des affinites chimiques, avait ete initialement un defenseur de la theorie du phlogistique. II rompit avec cette theorie dans un article celebre en 1780 pour adherer aux idees de LAVOISIER. Cette adhesion entraina celle d'Antoine DE FOURCROY et de Louis Bernard GUYTON DE MORVEAU (1737 -1816). Celui-ci apres avoir ete avocat general au Parlement de Dijon s'etait converti a la chimie. Esprit lucide et methodique, il fut pour beaucoup dans la reforme de la nomenclature chimique en usage a cette epoque. Un chimiste anglais renomme, Richard KIRWAN (1733 -1813), phlogisticien convaincu, fut finalement amene a resipiscence. II refuta en 1791 les conclusions de son Essai sur la phlogistique. Des irreductibles demeurerent, MACQUER en France, SCHEELE et PRIESTLEY a 1'etranger. En 1787, paraissait sous les signatures de LAVOISIER et de ses collaborateurs, Louis Bernard GUYTON DE MORVEAU (1737 - 1816), Claude BERTHOLLET et Antoine DE FOURCROY, la Methode de Nomenclature Chimique. La particularity des nouveaux systemes etait son caractere binaire, chaque compose chimique etant designe par deux mots. La classe des composes oxygenes servait de modele, le premier nom etant un acide ou un oxyde, le second se referant au corps simple qui se combinait a 1'oxygene. On avait ainsi 1'acide sulfurique et 1'oxyde de plomb. Pour designer le degre d'oxydation on utilisait des prefixes et des suffixes. Ainsi les termes acide hyposulfureux, sulfureux, sulfurique designaient la richesse croissante des differentes combinaisons du soufre avec 1'oxygene. En 1789 LAVOISIER public son Traite Elementaire de Chimie qui contenait les bases de la nouvelle chimie. Ce traite sera reedite en 1793 (Figure IV.5). Desormais les reactions chimiques pouvaient s'expliquer sans le secours du phlogistique. La refutation de la theorie du phlogistique inaugurait la naissance de la chimie moderne. Aux designations esoteriques de substances chimiques diverses qui comportaient des relents de magie succedent des termes entierement nouveaux en accord avec la realite experimental. L'huile de vitriol, 1'esprit de Venus et la laine philosophique deviennent 1'acide sulfurique, 1'acide acetique et 1'oxyde de zinc. L'air dephlogistique devient 1'oxygene, le gaz phlogistique 1'azote, les chaux des oxydes metalliques. Ainsi la revolution chimique initiee par LAVOISIER debouchait sur de nouveaux concepts et un nouveau vocabulaire. En particulier, le concept d'oxydation fournissait une explication rationnelle au processus de la respiration chez les organismes aerobies animaux et vegetaux. De plus, les lois fondees sur la theorie atomique avec AVOGADRO, GAY-LUSSAC ET DALTON allaient permettre de comprendre les transformations moleculaires qui s'accomplissent dans les cellules vivantes.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Figure IV.5 - Fac-simile de la page de titre du Traite elementaire de chimie de LAVOISIER (2e edition, 1793)

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

3. I/EMERGENCE DE LA CHIMIE AU XIXE

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PHYSIOLOGIQUE

SIECLE

"La decouverte de la combustion respiratoire par LAVOISIER a ete plus feconde pour la physiologic que la plupart des decouvertes anatomiques." Claude BERNARD

Lemons sur les phenomenes de la vie communs aux animaux et aux vegetaux - 1878

La chimie physiologique prend ses racines dans les recherches de LAVOISIER sur les echanges gazeux dans la respiration animale. Elle se developpe dans le courant du XIX e siecle avec les progres de la chimie organique. D'un aspect initial phenomenologique, la chimie physiologique se tourne, a la fin du XIXe siecle, vers un inventaire detaille des mecanismes moleculaires qui president a la vie de la cellule.

3.1. LES GERMES DE LA CHIMIE

PHYSIOLOGIQUE

A LA FIN DU XVIIIE SIECLE On savait depuis longtemps que les animaux ont besoin d'air pour vivre. Mais ce n'est qu'au XVII6 siecle, avec la machine pneumatique utilisee pour faire le vide, que BOYLE apporte la preuve de la necessite de 1'air pour la vie animale. BOYLE observe egalement que si un animal est abandonne dans une atmosphere confinee, il ne peut survivre que si 1'air est constamment renouvele. Pourquoi 1'air est-il necessaire a la vie animale ? Differentes theories s'affronterent au XVII6 siecle, qui finiront par s'effriter. L'une d'elles pretendait que 1'air inspire depliait les alveoles pulmonaires, ce qui facilitait le transport du sang dans les capillaires qui irriguaient ces alveoles. Une autre theorie postulait que Fair agissait par un effet de refroidissement, neutralisant ainsi la chaleur degagee par 1'activite mecanique du cceur. En 1777, LAVOISIER experimente sur des cobayes et des oiseaux. II analyse le devenir de I'air atmospherique au cours de la respiration. II constate que la partie respirable de 1'air atmospherique (air vital ou oxygene) est la meme que celle qui entretient et active la combustion d'une bougie allumee. De plus, il observe que cet air respirable est transforme au cours de la respiration en air fixe (CO2) denomme "acide crayeux aeriforme". L'air fixe (CO2) est inapte a la respiration. LAVOISIER le distingue d'une autre forme d'air non respirable deja connu a cette epoque, 1'air mephitique encore appele azote. En 1783 LAVOISIER realise, en collaboration avec le physicien Pierre Simon DE LAPLACE (1749 -1827), une experience d'echanges gazeux sur un cobaye place dans un calorimetre a glace, experience dans laquelle etaient mesurees les quantites d'oxygene consomme et de gaz carbonique produit ainsi que la quantite de chaleur degagee, calculee a partir du poids de glace fondue et transformee en

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

eau. Tout se passait comme si des composes carbones endogenes du cobaye etaient brules avec degagement de CC>2 et de chaleur. LAVOISIER et LAPLACE en conclurent que la respiration est un processus analogue a la combustion du charbon et que dans la respiration comme dans la combustion c'est Fair de 1'atmosphere qui fournit 1'oxygene. Cette combustion, ils la localisent au niveau des poumons. En 1789, avec Armand SEGUIN (1767 - 1835), LAVOISIER suggere que la production de CC>2 au niveau des poumons est alimentee par la combustion de substances provenant de la digestion des aliments. Cette idee subira une premiere revision en 1817 avec Heinrich MAGNUS (1802 -1870) qui demontre que 1'oxygene charrie par le sang arteriel disparait en partie au niveau des capillaires. Est-il utilise par les cellules de 1'endothelium des capillaires ou diffuse-t-il au-dela des capillaires, c'est-a-dire au niveau des tissus ? Ce probleme sera resolu par deux autres physiologistes allemands, Max SCHULTZE et Eduard PFLUGER. En 1865, Max SCHULTZE (1825 -1874) fit d'interessantes observations sur un insecte luminescent Lampyres splendidula. Par une curiosite anatomique, les trachees respiratoires de cet insecte debouchent sur des cellules en grappe porteuses du pouvoir luminescent. On pouvait observer a travers le microscope des alternances de luminescence en phase avec des alternances de respiration, ce qui inclinait a penser que 1'oxygene de 1'air penetrait dans ces cellules dont il stimulait la luminescence. Entre 1872 et 1876 le concept de respiration cellulaire fut etendu aux tissus et organes de mammiferes par Eduard PFLUGER (1829 -1910) de 1'universite de Bonn. On pouvait des lors concevoir que le role du sang etait d'apporter 1'oxygene aux tissus. Ce role est accompli grace a 1'hemoglobine des globules rouges qui se charge en oxygene au niveau des poumons et relache cet oxygene dans les capillaires au niveau des tissus. Apres avoir relie la respiration a la nutrition, SEGUIN et LAPLACE postulerent en 1790 que la transpiration "facilitait le degagement d'une certaine quantite de calorique". Ainsi grace a LAVOISIER et a ses collaborateurs etaient etablies les bases de 1'energetique animale, avec la respiration qui fournit le calorique, la transpiration qui regule le calorique et la digestion qui apporte a 1'organisme ce qu'il perd par la respiration et la transpiration. 3.2. LA CHIMIE ORGANIQUE, BASE DE LA CHIMIE

PHYSIOLOGIQUE

La nouvelle chimie qui allait permettre d'apprehender 1'exploration du fonctionnement de la cellule en termes moleculaires s'enrichit, au tournant du XIXe siecle, de 1'isolement et de la purification de nombreuses substances organiques du monde animal et du monde vegetal. Son terrain avait ete largement ensemence quelques decennies plus tot par les travaux d'eminents chercheurs. Carl SCHEELE avait purifie un nombre impressionnant d'acides organiques par cristallisation fractionnee de leurs sels de calcium et de plomb : 1'acide tartrique a partir de mouts de raisin en 1770, 1'acide lactique a partir de lait fermente en 1780,1'acide citrique a partir du citron en 1784,1'acide malique a

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partir de jus de pommes en 1785. II avait prepare 1'acide oxalique par oxydation du sucre de canne (saccharose) avec de 1'acide nitrique. II avait isole le glycerol par action de la soude sur des graisses animales et vegetales. En 1779, FOURCROY et son eleve VAUQUELIN avaient obtenu 1'uree a 1'etat pur a partir d'urine. Us avaient demontre que 1'acide benzoi'que est un produit de clivage d'un acide organique, 1'acide hippurique, lequel fut purifie par LIEBIG, cinquante ans plus tard. Le nom d'acide hippurique venait de la presence de cet acide en grandes quantites dans 1'urine de cheval. BERTHOLLET avait mis au point une methode de determination d'azote par dosage d'ammoniac libere par distillation d'hydrolysats de substances azotees. A partir de chlore, il avait prepare 1'hypochlorite et le chlorate de potassium. Dans les annees 1810, GAY-LUSSAC et son collaborateur Louis Jacques THENARD (1777 - 1857) avaient determine la composition elementaire du sucre de canne. Aux substances naturelles qui venaient d'etre isolees et analysees s'ajouterent le cholesterol cristallise en 1876 par Michel Eugene CHEVREUL (1786 - 1889), eleve de VAUQUELIN. Des alcaloi'des : la strychnine, la brucine et la quinine furent isoles et cristallises par deux chercheurs de 1'ecole de pharmacie de Paris, Joseph PELLETIER et Joseph CAVENTOU (egalement formes a 1'ecole de VAUQUELIN). Avec le mode d'action de ces alcaloi'des, prenait naissance la M.E. CHEVREUL pharmacologie moleculaire, une discipline qui (1786 -1889) e vivra son plein developpement au XX siecle. Dans la premiere decennie du XIX e siecle emerge avec DALTON la theorie atomique. En 1801, DALTON s'occupait a Manchester de recherches concernant Faction de Fair sur le dioxyde d'azote. II remarqua que 1'oxygene contenu dans 100 volumes d'air s'unissait soit a 36 volumes, soit a 72 volumes d'azote selon les conditions experimentales pour donner les produits respectifs NO et NO2- Cette observation et d'autres donnerent naissance a la loi des proportions multiples d'ou fut tire en 1808 le concept d'atomes : lorsque deux corps se combinent en plusieurs proportions, cette combinaison ne peut s'effectuer que par 1'addition d'atomes entiers. Les poids atomiques assignes par DALTON aux differents elements, en se basant sur un poids atomique de 1 pour 1'hydrogene, representaient les proportions fixes selon lesquelles les corps se combinent. Humphrey DAVY (1778 -1819) les denommera nombres proportionnels. DAVY allait par la suite s'illustrer par ses travaux sur 1'electrolyse. II demontra que 1'eau etait decomposable par le courant electrique fourni par une pile et qu'en se decomposant elle fournissait uniquement de 1'hydrogene et de 1'oxygene. En 1808, GAY-LUSSAC constate que les volumes de deux gaz qui se combinent pour former un produit sont dans un rapport simple ; cette observation sera

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suivie, en 1811, par la loi d'AVOGADRO selon laquelle des volumes egaux de gaz contiennent le meme nombre de molecules (Chapitre III-1.2). Dans les annees 1810 -1820, fut developpee par Eugene CHEVREUL une notion qui avait ete esquissee par Robert BOYLE au XVII 6 siecle, celle de principe immediat. Un principe immediat definit une substance dont les elements atomiques sont presents dans des proportions parfaitement definies. Ainsi une proteine comme 1'albumine ou le gluten, ou bien un acide gras comme 1'acide palmitique ou 1'acide stearique, ou encore un alcool comme le glycerol sont des principes immediats. Ce n'est pas le cas des graisses, comme les triglycerides qui liberent par hydrolyse du glycerol et differents types d'acides gras de longueur de chaine variable. Un triglyceride n'est pas un principe immediat; c'est une combinaison d'acide gras et de glycerol. II y eut en 1828 un evenement marquant dans le domaine de la chimie ; ce fut la synthese de 1'uree a partir de cyanate d'ammonium par Friedrich WOHLER (1800 -1882), un eleve de BERZELIUS. Jusqu'a la date de sa synthese, 1'uree etait considered comme faisant partie de la chimie mysterieuse des etres vivants a laquelle on referait par le terme de vitalisme. La notion de vitalisme fut ebranlee par le fait qu'il s'averait possible de fabriquer de fac,on artificielle par synthese chimique un compose qui, comme 1'uree, etait repute etre le temoin du fonctionnement du vivant. Apres un temps d'etonnement, le monde savant se ravisa. BERZELIUS ramena la decouverte de WOHLER au niveau d'une belle performance de la chimie. Le grand physiologiste Johannes MULLER minimisa aussi la portee de cet exploit en ecrivant qu'apres tout 1'uree etait une espece moleculaire a la frontiere du monde mineral. Le coup fatal pour le vitalisme fut porte par la synthese de 1'acide acetique realisee en 1845 par I'Allemand Hermann KOLBE (1818 -1884). Jusqu'a cette epoque, la chimie etait regardee comme une science a part entiere, totalement unifiee. Sous 1'effet des nouvelles decouvertes elle subit un clivage en chimie minerale et chimie organique, la chimie organique etant consacree a 1'etude des molecules d'origine animale et vegetale. BERZELIUS considerait les molecules de la chimie minerale comme des "radicaux simples" et celles de la chimie organique comme des oxydes de "radicaux complexes". Plus tard, la chimie organique sera redefinie comme la chimie des molecules "carbonees". BERZELIUS s'etait interesse tres tot aux phenomenes electriques. Sa these de medecine avait porte sur les proprietes therapeutiques de 1'electricite. Aussi n'est-il pas etonnant de constater sa propension a classer les substances d'apres leur "disposition electrique". C'est ainsi qu'il fonde une theorie dualiste selon laquelle les atomes dont sont formees les molecules possedent des polarites electriques qui tendent a reunir ces atomes. Toute reaction chimique ressort done d'un phenomene electrique. BERZELIUS avait classe comme electropositifs les metaux, 1'hydrogene et les radicaux alcoyles et comme electronegatifs le chlore et les radicaux acides.

IV - LES RACINES DU METABOLISMS CELLULAIRE

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Les premieres difficultes apparurent lorsque Ton montra que le chlore pouvait etre remplace par 1'hydrogene dans differentes molecules organiques. Cette difficulte fut levee avec la theorie de la substitution proposee par Jean-Baptiste DUMAS en 1834. Dans le sillage de DUMAS, Auguste LAURENT postula en 1836 que les molecules organiques sont soit des noyaux simples, soit des combinaisons de noyaux. Dans les deux cas, les molecules sont organisees d'une fa^on compacte, assimilable a un systeme planetaire, les atonies etant maintenus entre eux par affmite. De la theorie de LAURENT sortira la notion de fonction chimique. Au nom de LAURENT est J.B. DUMAS associe celui de Charles Frederick GERHARDT, (1800 -1884) un eleve de LIEBIG. GERHARDT generalisa la theorie de la substitution. II developpa le concept de composes organiques homologues, consideres comme des corps de proprietes voisines (point d'ebullition, point de fusion) et qui different dans leur composition par une progression reguliere du nombre d'atomes de carbone et d'hydrogene. C'est a un autre eleve de LIEBIG, August KEKULE (1829 -1896) que Ton doit la formulation de la tetravalence du carbone et celle de la nature cyclique de la molecule de benzene. Dans le milieu du XIX e siecle, malgre les progres de la chimie organique concretises par la synthese et 1'identification d'un grand nombre de molecules, une formulation atomique univoque des molecules deja connues etait loin d'etre acquise. On trouvait la formule de 1'eau ecrite H^O ou H^C^, celle du gaz carbonique CC>2 ou €204. L'acide acetique etait represente par plus de dix formules. Une rationalisation de I'ecriture chimique s'imposait. Amorcee par GERHARDT, elle se realisa sous 1'impulsion de KEKULE, de WURTZ, du Russe Dmitri MENDELEIEV (1834 - 1907) auteur de la classification periodique des elements et de 1'Italien Stanislao CANNIZZARO (1826 - 1910) qui reintroduisit la loi d'AVOGADRO (Chapitre III-1.2) tombee dans 1'oubli. La chimie organique dotee d'un langage precis allait alors servir de tremplin a la chimie physiologique. La chimie physiologique fut d'abord une science de la nutrition. L'un des grands physiologistes de la premiere moitie du XIX e siecle fut Francois MAGENDIE (1783 - 1855). Dans des experiences de nutrition comparee, il demontre la necessite d'un apport azote chez les animaux : des chiens nourris exclusivement avec du sucre et des graisses deperissent en quelques semaines. Le medecin et chimiste anglais PROUT confirme ces conclusions. C'est a PROUT que Ton doit la classification des aliments en trois categories : proteines, graisses et sucres. En 1836, SCHWANN qui devait s'illustrer quelques annees plus tard avec la theorie cellulaire (Chapitre II-4.2) demontre que 1'estomac secrete un ferment qui

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

dissout la viande et auquel sera donne le nom de pepsine (Chapitre III-3.1). Pour caracteriser ce processus, SCHWANN parla de force metabolique. Comprendre le metabolisme reviendra a comprendre 1'organisation de ce qui apparaitra plus tard comme 1'ensemble des cycles fondamentaux de la nature, en particulier le cycle du carbone et celui de 1'azote.

3.3. LE PROBLEME DE L'ASSIMILATION

AZOTEE

En 1785, BERTHOLLET avait constate que 1'azote, connu a cette epoque sous le nom d'air mephitique ou air vicie, etait present dans une substance organique du monde vegetal, le gluten. En 1789, FOURCROY avait montre que des substances azotees etaient egalement presentes dans le tissu musculaire d'animaux herbivores et carnivores. L'idee qui commenga a poindre etait que les animaux herbivores tiraient leurs composes azotes d'aliments vegetaux et que les carnivores predateurs d'herbivores maintenaient ainsi leur equilibre azote. Frappes par la faible teneur en azote de 1'herbe dont se nourrissent les ruminants, Jean-Noel HALLE (1755 -1822) ainsi que FOURCROY formulent en 1791 1'hypothese de 1'animalisation. Selon cette hypothese, les substances vegetales qui entrent dans 1'alimentation du betail subissent chez 1'animal une transformation qui consiste en 1'addition d'azote et en une perte de carbone par decarboxylation sous forme de CO2- La theorie de 1'animalisation sera admise jusqu'a ce que Jean-Baptiste BOUSSINGAULT demontre que, malgre sa pauvrete en materiel azote, le fourrage, du fait de 1'enorme quantite absorbee par les bovides, fournit a ceux-ci suffisamment d'azote pour rendre compte des quantites de "matieres albuminoi'des" trouvees dans leurs tissus et dans des produits de secretion comme la caseine du lait. Ingenieur de 1'ecole des mines de Saint-Etienne, BOUSSINGAULT avait passe plusieurs annees a Bogota en Colombie, ou il avait accepte une fonction d'instructeur dans une ecole d'ingenieurs. Interesse par la botanique et la chimie, il avait ete frappe par la capacite fertilisante du guano, un produit riche en sels ammoniacaux forme a partir d'excrements d'oiseaux. II en avait conclu que les plantes prelevent de 1'ammoniac soit a partir des sels ammoniacaux presents dans le sol, soit sous forme de gaz a 1'etat de traces J.B. BOUSSINGAULT

(1802 -1887)

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dans 1'air atmospherique. Ainsi voyait-on s'ela..

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borer une ebauche du cycle de 1 azote dans la nature ou l'ammoniac rejete par les animaux etait repris par les plantes et incorpore dans des molecules organiques. A son retour en France, BOUSSINGAULT fut nomme professeur de chimie a 1'universite de Lyon, puis au Conservatoire des arts et metiers de Paris ou il devint titulaire de

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la chaire d'economie rurale. A Paris, sa collaboration avec Jean-Baptiste DUMAS qui enseignait la chaire de chimie a la Sorbonne fut particulierement efficace. Reprenant ses travaux sur le metabolisme azote, BOUSSINGAULT observa que des plantes cornme le trefle rendaient le sol plus fertile. II correla cette fertilisation a une augmentation de la teneur du sol en azote, persistant toutefois a penser que la source d'azote etait rammoniac de 1'air. C'est a 1'un des anciens eleves de BOUSSINGAULT, Georges VILLE (1824 -1897), que revient le merite d'avoir montre que 1'azote de 1'air est directement assimile par les plantes. Sa demonstration s'appuyait sur 1'observation que des plantes comme le pois et le lupin croissaient sans difficulte dans une atmosphere chargee en gaz carbonique et debarrasse de traces d'ammoniac par barbotage dans 1'acide sulfurique. BOUSSINGAULT reprit en 1854 le protocole de VILLE en utilisant cette fois un milieu artificiel constitue de poudre de pierre ponce et de cendres de lupin ou de pois. Le resultat fut negatif. La cause de cet echec fut comprise plusieurs dizaines d'annees plus tard et attribute a la destruction par le chauffage des bacteries du sol assimilatrices d'azote (Chapitre II-7.3.5). Ainsi le cycle de 1'azote implique-t-il obligatoirement la fixation de cet azote par des bacteries du sol qui possedent un systeme enzymatique capable de le reduire en ammoniac.

3.4. L'ANALYSE CHIMIQUE ET L'EXPERIMENTATION DANS L'ETUDE DU METABOLISME

PHYSIOLOGIQUE

ANIMAL

L'analyse chimique du temps de LAVOISIER consistait a decomposer des substances organiques dans une chambre de combustion et a analyser les gaz qui en resultaient C>2, H2, N2 et CC>2. Dans les annees 1810, cette analyse fut amelioree avec 1'utilisation de catalyseurs d'oxydation, le chlorate de potassium par GAY-LUSSAC, puis 1'oxyde de cuivre par LIEBIG. L'appareillage d'analyse fut perfectionne dans les annees 1830 par LIEBIG avec 1'introduction de pieges a potasse pour le CC>2 et a chlorure de calcium pour 1'eau. Apres combustion, les pieges etaient peses et Ton deduisait, a partir de 1'acquisition de poids, les quantites de CC>2 et d'eau formees. Grace a ces ameliorations, il fut possible d'obtenir des compositions exactes en C, H, N, et O de differents composes organiques. L'analyse chimique elementaire est dominee dans le milieu du XIX e siecle par LIEBIG en Allemagne, DUMAS et BOUSSINGAULT en France. LIEBIG , VONLIEBIG avait rec.u sa formation de chimiste a Paris sous la (1800 -1884) direction de GAY-LUSSAC. A 21 ans il est nomme professeur de chimie a 1'universite de Giessen. Apres des debuts difficiles ou il devait payer 1'equipement de son laboratoire sur son propre salaire, il finit par

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

constituer un groupe de chercheurs particulierement efficace. C'est a son ecole que furent formes les chimistes allemands August KEKULE et Adolf STRECKER ainsi que les chimistes frangais Charles GERHARD! et Charles WURTZ (1817 -1884). Ce dernier devint professeur de chimie a la faculte de medecine de Paris. La ferule de LIEBIG etait notoire. Son pouvoir de decision etait tel que nul candidat a un poste officiel ne pouvait etre nomme sans son aval. En 1883, le Danois Johan KJELDAHL (1849 -1900) mit au point une methode de dosage relativement commode de 1'azote dans des tissus ou des molecules organiques. L'echantillon etait digere par 1'acide sulfurique en presence de traces d'oxydants comme le permanganate de potassium ou 1'acide perchlorique, de fac.on a convertir 1'azote en sulfate d'ammonium. La solution etait alors diluee et un exces de soude etait ajoute de fac.on a liberer rammoniac. Celui-ci etait recueilli grace a un appareil de distillation dans un becher rempli d'eau et titre immediatement avec un acide de molarite connue. Au milieu du XIX e siecle, des materiels scientifiques furent perfectionnes et d'autres furent inventes. A Heidelberg, le bee Bunsen de chauffage au gaz fut invente en 1855 par Robert BUNSEN (1811 -1899), ainsi que la fiole d'Erlenmeyer en 1859 par Emil ERLENMEYER (1825 -1909). Au tout debut des annees 1910, un appareil de dosage du CC>2 etait mis au point par 1'Americain Donald VAN SLYKE (1883 -1971). Cet appareil permettait le dosage du bicarbonate du plasma sanguin qui est un reflet de 1'equilibre acido-basique de 1'organisme. A regarder les resultats des analyses pratiquees a partir du milieu du XIX e siecle, on est frappe par leur remarquable precision qui contraste avec la modicite des precedes analytiques disponibles. L'explication en est donnee par 1'utilisation de quantites assez considerables du materiel soumis a 1'analyse, allant du gramme a la dizaine de grammes. Au tournant du XXe siecle, avec le perfectionnement des techniques et 1'introduction de la microanalyse par le chimiste autrichien Fritz PREGL I1! (1869 -1930), il fut possible de descendre a des valeurs d'une dizaine de milligrammes. Dans les premieres annees du XIX e siecle, la nutrition et la digestion etaient des sujets d'etude fayoris ou s'illustrerent en Allemagne le physiologiste Friedrich TIEDEMANN (1781 - 1861) et le chimiste Leopold GMELIN (1788 - 1853) avec 1'analyse des produits obtenus a partir de differents types d'aliments par action de sues digestifs, par exemple le sue gastrique. Dans son traite Lehrbuch der physiologischen und pathologischen Chemie (2d Ed. 1889), le physiologiste suisse Gustav BUNGE (1844 -1920) fit le point sur les avancees du metabolisme animal au milieu du XIX e siecle. On pouvait y noter la pratique de plus en plus courante de la chirurgie experimentale suivant des techniques bien codifiees. A titre d'exemple, pour analyser le role du pancreas dans la digestion des proteines, KUHNE a Heidelberg operait sur le chien de la fac.on suivante. II pratiquait une premiere ligature au-dessus de 1'orifice du canal pancreatique et une seconde

[11

Fritz PREGL, Prix Nobel de chimie (1923).

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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quelques centimetres plus bas. II introduisait deux canules dans 1'anse intestinale ligaturee. Apres lavage de 1'anse intestinale pour eliminer toute trace de residu, il y injectait une suspension de fibrine. Au bout de quatre heures, l'animal etait sacrifie et 1'anse intestinale extirpee. Les analyses effectuees sur le contenu intestinal revelaient la presence de peptones, produits de digestion partielle de la fibrine, et celle d'acides amines comme la tyrosine et la leucine temoins de la digestion totale de la proteine. Grace a 1'experimentation animale, la connaissance de la physiologic des grands systemes (respiratoire, nerveux, digestif, circulatoire) va notablement progresser et les retombees se feront rapidement sentir en medecine et en chirurgie humaines. 3.5.

LE DOGME DE LA SEPARATION ET METABOLISME

ENTRE METABOLISME

ANIMAL

VEGETAL

Dans les annees 1830 - 1840, LIEBIG, DUMAS et BOUSSINGAULT conduisent des analyses chimiques en parallele sur des tissus animaux et vegetaux, convaincus que ces recherches pourraient ouvrir la voie a un concept unifie en physiologic generale. Pour ces auteurs, il devait exister un vaste cycle metabolique du vivant incluant animaux et vegetaux, tel que le regne animal devait dependre du regne vegetal. Dans un cours donne a la faculte de medecine de Paris en 1844, DUMAS et BOUSSINGAULT decrivirent un certain nombre de differences entre les metabolismes des deux regnes qui pouvaient se resumer ainsi. Les organismes animaux brulent en presence d'oxygene des materiaux azotes, des graisses et des sucres tandis que les plantes synthetisent ces memes substances grace a des reactions de reduction. En brulant leurs nutriments, les animaux rejettent de 1'eau, du gaz carbonique et des materiaux azotes simples comme 1'ammoniac et 1'uree, alors que les vegetaux fixent le gaz carbonique et rammoniac (en fait, 1'azote) ainsi que 1'eau. Enfin, les vegetaux produisent de 1'oxygene qui est utilise par les animaux aerobics. Ainsi, emergeait le concept que les animaux sont adaptes pour effectuer des reactions de degradation alors que les vegetaux realisent des reactions de synthese. Pour attractif qu'etait ce concept dans sa simplicite, il ne survivra pas aux experiences de Claude BERNARD sur la glycogenese animale. Une premiere faille etait d'ailleurs apparue des 1824 lorsque WOHLER avait observe que 1'acide benzoi'que, un des composants de 1'acide hippurique, introduit par une sonde dans 1'estomac d'un chien etait transforme en acide hippurique par condensation avec du glycocolle. Cette experience fit grand bruit a 1'epoque car elle suggerait la possibilite de synthese dans le regne animal. Elle fut cependant classee comme un evenement anecdotique. II faudra attendre la fin du XIX e siecle pour que 1'on se rende compte que, malgre certaines differences, le regne animal et le regne vegetal presentent des analogies frappantes au plan de leur metabolisme, et qu'ils sont tous les deux aptes a realiser des syntheses.

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

3.6. CLAUDE BERNARD ET LA DECOUVERTE DE LA GLYCOGENESE ANIMALE

C. BERNARD (1813 -1878)

A cote de Johannes MULLER a Berlin et de ses eleves Hermann HELMHOLTZ (1821 -1894) et Emil DU BOIS-REYMOND (1818 -1896), et a cote de Carl LUDWIG (1816 -1895) a Leipzig, Claude BERNARD en France peut etre considere comme 1'un des plus grands physiologistes de la seconde moitie du XIX e siecle. Claude BERNARD avait ete 1'eleve d'un autre physiologiste de renom, Francois MAGENDIE, promoteur de 1'etude du fonctionnement des organismes vivants par la vivisection associee a des analyses chimiques rigoureuses. C'est dans la meme veine methodologique que Claude BERNARD, assiste du chirniste Theophile PELOUZE (1807 - 1867) entreprend 1'exploration de la physiologic animale.

Les travaux de Claude BERNARD au College de France sur la fonction glycogenique du foie s'echelonnent depuis 1848 sur une dizaine d'annees dans des notes publiees dans les Archives de la Societe de Biologic, dans les Comptes rendus de VAcademic des sciences et dans sa these de science soutenue en 1853. Les resultats de ces experiences s'opposaient aux idees de 1'epoque selon lesquelles le sucre (glucose) n'existe dans le sang des animaux qu'a la condition que ceuxci aient prealablement ingere des substances qui en contiennent. La premiere experience de Claude BERNARD portait sur trois chiens, 1'un nourri avec de 1'amidon, 1'autre avec de la viande, le troisieme etant maintenu a jeun. Le sucre etait dose par reduction du tartrate double de potassium et de cuivre. On retrouvait du sucre dans le sang des trois animaux. La presence de sucre dans le sang du chien sournis au jeune etait en disaccord avec les idees en cours a cette epoque. Dans une autre experience, un chien etait soumis au jeune pendant huit jours, puis il etait nourri pendant onze jours avec de la viande bouillie. L'animal etait alors sacrifie. Le dosage de sucre revelait sa presence en quantites quasi normales dans le foie et le sang de la veine sus-hepatique. Par contre, le sang de la veine porte etait pratiquement depourvu de sucre, en accord avec 1'absence de sucre dans la viande bouillie. La preuve etait ainsi apportee que le foie fabriquait et "secretait" du sucre, c'est-a-dire du glucose, a partir de molecules de nature differente. Arrive la fameuse experience du foie lave. Le foie preleve a partir d'un chien sacrifie est perfuse par un abondant courant d'eau de fac,on a le debarrasser du sucre qu'il contient. Le foie ainsi lave est alors place dans une atmosphere humide a temperature ambiante. Vingt-quatre heures apres, Claude BERNARD constate qu'"on voit renaitre la matiere sucree en abondance dans le foie qui en avait ete completement debarrasse par lavage". Claude BERNARD postule que la

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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"matiere sucree" (glucose) s'est formee a partir d'une substance de stockage. II extrait cette substance par de 1'eau chaude a partir d'un broyat de foie et il la precipite par addition d'ethanol a froid. Apres sechage, il obtient une poudre blanche auquel il donne le nom de glycogene. La quantite de glycogene present dans un foie de mammifere represente approximativement le dixieme du poids de 1'organe. Un foie humain de 1500 g en contient de 1'ordre de 150 grammes. Claude BERNARD pressent que le glycogene est degrade en glucose dans le foie sous 1'effet "d'un ferment diastasique". Ce ferment, il en demontre 1'existence en 1'extrayant d'un broyat de foie a 1'aide d'une solution glycerinee. II compare 1'effet sur le glycogene du ferment hepatique avec celui de la "diastase" isolee de 1'orge germe par PAYEN et PERSOZ (Chapitre III-3.1). Les effets sont identiques : "on voit, ecrit-il, la transformation sucree s'operer en quelques instants et le liquide acquerir la propriete de reduire les sels de cuivre en solution alcaline", la reduction du cuivre etant le critere d'apparition du glucose a partir du glycogene. Avec une vision panoramique de la physiologic, Claude BERNARD relatant ses experiences sur la glycogenese concluait en 1878 dans ses Lemons sur les phenomenes de la vie communs aux animaux et aux vegetaux : "nous trouvons done dans la glycogenese animale (glycogene) comme dans la glycogenese vegetale (amidon) les deux phases caracteristiques des phenomenes de la vie : la creation organique (glycogene et amidon) et la destruction organique, transformation du glycogene et de 1'amidon en sucre, puis la destruction du sucre par un precede analogue a la combustion". "Malheureusement, ajoutait-il, on ne connait bien actuellement que le phenomene de destruction des principes amylaces. Quant a la synthese du glycogene et de 1'amidon, elle est entouree pour nous de graves difficultes". Effectivement, le secret de la glycogenese ne sera perce que dans la deuxieme moitie du XXe siecle. La decouverte de la fonction glycogenique du foie par Claude BERNARD representait une avancee significative en chimie physiologique. Pour en mesurer 1'importance, il convient de rappeler que des chimistes celebres comme LIEBIG, DUMAS et BOUSSINGAULT continuaient de soutenir 1'hypothese dualiste suivant laquelle les plantes etaient le siege de biosyntheses par des reactions de reduction et que les animaux etaient essentiellement des consommateurs de produits synthetises par les plantes. La decouverte de la synthese de glucose et de glycogene au niveau du foie a partir de nutriments de nature proteique contredisait 1'hypothese dualiste. Une autre contribution fondamentale de Claude BERNARD concerne la notion de Constance des conditions de vie dans le milieu interieur des organismes vivants qui sera baptise plus tard par Walter CANNON du nom d'homeostasie cellulaire (Chapitre 11-10.3). En d'autres termes, les fluctuations des concentrations moleculaires dans les tissus ou les organes se font dans d'etroites limites. Cette notion ressurgira un siecle plus tard lorsqu'il s'agira d'interpreter les equilibres reactionnels au niveau des chaines et cycles metaboliques.

334

LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

3.7. LE CONCEPT DE BIOENERGETIQUE ET SA

QUANTIFICATION

A la fin du XVIII6 siecle LAVOISIER et LAPLACE avaient conclu de leurs experiences sur la respiration animale que 1'oxygene de 1'air servait a bruler des molecules organiques de la meme fagon qu'il assurait la combustion du charbon. En 1848, le physicien et medecin allemand Robert VON MAYER (1814 - 1878) formule le concept de la transformation de 1'energie chimique provenant de la respiration en force mecanique au cours de la contraction musculaire. La meme annee, le physicien britannique James Prescott JOULE (1818 - 1889) calcule 1'equivalent mecanique de la calorie et le physiologiste allemand Hermann VON HELMOLTZ montre que la contraction musculaire est une source de chaleur. Au tournant du XXe siecle, les physiologistes Max RUBNER (1854 -1932) en Allemagne ainsi que Wilbur ATWATER (1844 -1907) et Stanley BENEDICT (1884 -1936) aux Etats-Unis perfectionnent les techniques calorimetriques et appliquent a l'homme la notion de metabolisme basal defini comme la depense energetique minimum d'un organisme au repos. L'energie liberee par la combustion des aliments en presence d'oxygene etait mesuree dans un recipient metallique, une bombe calorimetrique, entouree d'eau dans une enceinte isolee. L'aliment etait enflamme par une etincelle electrique et la production de chaleur engendree par la combustion etait deduite des variations de temperature. Elle etait de 4,1 kcal/g de glucide, 9,3 kcal/g de lipide et 5,3 kcal/g de proteine. Un important developpement dans les concepts d'energetique prend corps en 1878 avec le physicien americain Willard GIBBS (1839 -1903) et en 1882 avec le physiologiste et physicien allemand Hermann VON HELMOLTZ qui font la distinction entre 1'energie totale (AH) liberee sous forme de chaleur dans une reaction chimique et 1'energie libre ou energie utilisable pour un travail ("free energy") (AF appele plus tard AG en 1'honneur de Gibbs). La difference entre les deux termes correspond a une perte d'energie sous forme d'un accroissement d'entropie, c'est-a-dire de desordre moleculaire au cours de la reaction. En s'appuyant sur la loi d'action de masse formulee dans les annees 1860 par les Norvegiens Cato GULDBERG (1836 -1902) et Peter WAAGE (1833 -1900), le Neerlandais Jacobus VAN'T HOFF (1852 -1911) etablit vingt ans plus tard la relation entre 1'energie utilisable, AG dans une reaction chimique et la constante d'equilibre K de cette reaction : AG = - R T In K, le signe moins indiquant une liberation d'energie, R etant la constante des gaz parfaits et T la temperature absolue. Ces notions seront appliquees au XXe siecle, d'abord aux reactions de la glycolyse, puis a 1'ensemble des reactions du metabolisme intermediaire. Elles constitueront le fondement de la bioenergetique cellulaire. Avec la bioenergetique, la physiologie etait de venue une science quantitative. Devant elle s'ouvrait le vaste panorama du metabolisme cellulaire que les outils analytiques deja forges allaient permettre d'explorer. II manquait cependant des etres de raison pour rendre compte de certains phenomenes mysterieux de la physiopathologie, decrits comme des troubles metaboliques, auxquels on donnera plus tard les noms de deficits hormonaux et d'avitaminoses.

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4. LES NOUVEAUX CHAMPS CONCEPTUELS DE LA PHYSIOLOGIE ANIMALE AU TOURNANT DU XXE SIECLE : HORMONOLOGIE ET VITAMINOLOGIE Pendant la majeure partie du XIX e siecle, les etudes sur le metabolisme des mammiferes et de 1'homme furent dominees au plan methodologique par la necessite d'une quantification des modifications chimiques propres a la digestion et a 1'assimilation des aliments ingeres : proteines, lipides et glucides. Les methodes d'analyse relativement rudimentaires de 1'epoque permettaient, malgre tout, une estimation correcte des flux metaboliques, par exemple en termes de rapport d'azote alimentaire a 1'azote excrete. Un changement conceptuel categorique se mit en place au tournant du XX e siecle avec 1'apport repete de preuves que le bon fonctionnement du metabolisme dependait d'une part de la secretion a doses infinitesimales de molecules de nature organique (hormones) a partir de glandes dites a secretion interne (pancreas, surrenales, hypophyse, thyroide, parathyroides) et d'autre part de 1'apport en tres petites quantites dans 1'alimentation de molecules (vitamines) que 1'organisme ne sait pas fabriquer et qui sont integrees dans des cofacteurs enzymatiques (coenzymes). 4.1. LA NAISSANCE DU CONCEPT D'HORMONES En 1902, deux physiologistes britanniques Ernest STARLING (1866 - 1927) et William BAYLISS (1860 - 1924) demontrent que la stimulation du duodenum retentit sur la secretion pancreatique par 1'intermediaire d'un facteur transporte par le sang, facteur qu'ils appelerent secretine. Us suggerent que la secretine n'est qu'un exemple, parmi d'autres, d'agents chimiques, lesquels emis a partir d'un organe modifient le fonctionnement d'autres organes situes a distance. Ces agents agissent done comme des messagers chimiques. Pour les designer en insistant sur leur action stimulante, STARLING et BAYLISS creent le terme d'hormone (du grec opfidco = je stimule). Cette decouverte marque un changement crucial en physiologic. A la theorie des humeurs, heritee de la tradition hippocratique, succede la theorie des hormones. La secretine fut decouverte a la suite d'explorations qui visaient a comprendre 1'effet de 1'acide chlorhydrique produit par 1'estomac sur la secretion du sue pancreatique. En 1900, on inclinait fortement pour une explication fondee sur un reflexe nerveux induit par 1'acide chlorhydrique. Une telle explication se justifiait par 1'importance qui avait ete accordee au systeme nerveux dans les regulations physiologiques au debut du XIX e siecle par des physiologistes reconnus comme Francois MAGENDIE et Pierre FLOURENS (1794 - 1867) en France et Charles BELL (1774 -1842) en Angleterre. Par tradition, le role primordial du systeme nerveux dans la coordination des mecaniques physiologiques

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

chez les mammiferes et 1'homme continua d'etre admis et enseigne dans le milieu du XIXe siecle en France par Claude BERNARD et en Allemagne par Carl LUDWIG et Max PFLUGER. Cependant on commenga a douter de la "theorie du reflexe nerveux" lorsque Ton put reproduire le meme effet apres avoir elimine toute connexion nerveuse entre le duodenum et le pancreas. L'experience decisive realisee par BAYLISS et STARLING, decrite dans leur publication de 1902 dans le Journal of Physiology (vol. 28, pp. 325-353), consistait a racier la muqueuse d'un duodenum preleve chez un chien et a broyer le magma cellulaire ainsi obtenu dans un mortier avec du sable fin en presence d'acide chlorhydrique dilue (0,4%). L/extrait obtenu apres filtration du broyat sur laine de verre, injecte a un chien, declenchait une secretion quasi immediate de sue pancreatique. La substance contenue dans la muqueuse duodenale responsable de la secretion pancreatique fut appelee secretine par BAYLISS et STARLING. A 1'epoque de cette decouverte, la notion de secretion interne issue des travaux de Claude BERNARD sur la secretion du glucose par le foie dans le sang etait un concept largement admis. Malgre tout, le glucose etait essentiellement un metabolite produit en grande quantite, capable par sa degradation de liberer de 1'energie. Les choses en allaient differemment avec la secretine, une molecule peu abondante, declenchant un effet stimulant a distance sur un organe cible, le pancreas. C'est pour bien marquer cette particularite que BAYLISS et STARLING proposerent le terme d'hormone. Dans le courant du XIX e siecle, le regroupement de symptomes propres a une maladie avait fait faire au diagnostic medical de notables progres. Dans le cadre nosologique des maladies non infectieuses, on avait individualise le diabete et quelques autres pathologies dont la cause restait totalement mysterieuse. D'un autre cote, des experimentations sur l'animal demontraient 1'existence de mecanismes de nature inconnue qui, quelques annees plus tard, seront rattaches a une secretion hormonale. Ainsi en 1849, a Gottingen, Arnold BERTHOLD (1803 - 1861) avait observe que la castration d'un coq suivie de 1'implantation des testicules dans une autre region de l'animal aboutissait a la sterilite mais ne modifiait pas les caracteres sexuels secondaires, par exemple la taille de la crete, alors que la castration sans reimplantation des testicules aboutissait a une regression de la crete. Thomas ADDISON (1793 -1860), medecin au Guy's Hospital de Londres, est credite du titre de fondateur de 1'endocrinologie moderne. C'est en effet dans sa monographic de 1855 intitulee On the constitutional and local effects of disease of the supra-renal capsules que 1'on voit mentionnee pour la premiere fois 1'existence d'une relation entre d'une part la maladie qui porte actuellement le nom d'ADDISON avec ses symptomes typiques (melanodermie, hypertension, astenie) et son issue fatale et d'autre part la mise en evidence, a 1'autopsie du patient, d'une degenerescence des capsules surrenales. II restait a etablir la nature du ou des facteur(s) specifique(s) des capsules surrenales et indispensable(s) a la vie. C'est d'une fagon insolite que demarra

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1'experimentation qui allait permettre de repondre a cette question. Au tout debut de 1890, un medecin britannique George OLIVER (1841 -1915), physiologiste autodidacte qui s'interessait a la circulation sanguine, etait parvenu a mesurer le diametre des arteres peripheriques a 1'aide d'un appareil de calibrage de sa propre invention. Interesse par les experiences d'ADDISON, OLIVER decida de mesurer sur son propre fils 1'effet d'une injection d'extrait de glandes surrenales de bceuf obtenu d'une boucherie du voisinage sur le diametre de 1'artere radiale. Impressionne par une diminution significative du diametre de 1'artere suite a 1'injection de 1'extrait, OLIVER en refera a Edward SCHAFER (1881 -1960), professeur de physiologic a I'University College de Londres, qui lui-meme etudiait la pression sanguine chez le chien. D'abord sceptique, SCHAFER consentit a mesurer 1'effet d'une injection d'extrait de surrenales sur la pression sanguine du chien. La montee hypertensive etait eclatante. Le resultat fut rapporte en 1894 sous le titre "On the physiological action of extract of the suprarenal capsules" dans les Proceedings of Journal of Physiology (tome 16, I-IV). OLIVER et SCHAFER continuerent de collaborer et etudierent 1'effet d'extraits de differentes autres glandes sur la pression sanguine. C'est ainsi qu'ils decouvrirent 1'action hypertensive d'un facteur hypophysaire qui sera denomme plus tard vasopressine. En 1901, le facteur hypertensif localise dans la medullosurrenale et denomme adrenaline fut purifie par le Japonais Jokichi TAKAMINE (1854 - 1922) et les Americains John ABEL (1857 -1938) et Thomas ALDRICH (1861 - 1938). L'etape finale du processus de purification comportait 1'addition d'ammoniaque, ce qui entrainait la formation de cristaux d'adrenaline, mais empechait celle de noradrenaline, le produit demethyle de 1'adrenaline, lui-meme dote d'activite hormonale, similaire mais non identique a celle de 1'adrenaline. Plus tard, des recepteurs denommes a et (3 pour 1'adrenaline et la noradrenaline furent identifies. C'est le recepteur (3 active qui declenche 1'activation de 1'adenylate cyclase et une cascade de reactions qui aboutit a 1'activation de la glycogene phosphorylase, 1'enzyme responsable de la degradation du glycogene (Chapitre IV-9.2). A cote des recherches sur les hormones de la medullosurrenale se developpaient des etudes qui allaient demontrer le role d'un dysfonctionnement de la glande thyroi'de dans 1'apparition du goitre ainsi que la relation entre le defaut de secretion d'insuline par le pancreas et le diabete sucre. La maladie goitreuse souvent rencontree dans les populations montagnardes fut soignee a la fin du XIXe siecle de fac.on empirique par 1'addition d'iode a la boisson. En 1895, Eugene BAUMANN (1846 -1896), un eleve de DU BOIS-REYMOND a Berlin, parvenait a obtenir par hydrolyse acide d'un broyat de thyroi'de une substance de nature organique riche en iode tres efficace dans le traitement du goitre. En 1914, le facteur actif, la thyroxine, etait cristallise par Edward KENDALL (1880 -1972) et sa structure etait identifiee a la tetraiodothyronine en 1926 par Charles HARINGTON (1897 -1972). Un des modes d'action de la thyroxine tient au fait que son recepteur charge en hormone se fixe sur une region specifique de 1'ADN

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

genomique et se comporte ainsi comme un facteur de transcription. Un autre mode d'action de la thyroxine concerne la regulation du metabolisme oxydatif. Jusqu'en 1889, la cause du diabete resta une enigme. C'est a la suite d'une discussion portant sur le role du sue pancreatique dans la digestion des graisses qu'Oscar MINKOWSKI (1858 -1895), un jeune assistant de la Clinique Medicale de 1'universite de Strasbourg, et Joseph VON MERING (1849 -1908), qui travaillait dans 1'Institut de HOPPE-SEYLER egalement a Strasbourg, deciderent, pour trancher un point litigieux, de realiser une pancreatectomie chez le chien. MERING ayant du s'absenter precipitamment pour quelques jours apres 1'operation, 1'analyse portant sur la digestion des graisses alimentaires fut differee. Le chien opere fut laisse en semi-liberte dans le laboratoire. Ce qui frappa MINKOWSKI, ce fut la quantite importante d'urine emise par le chien, ceci accompagne d'une soif intense, en somme des symptomes typiques du diabete humain. Un dosage de glucose dans 1'urine revela une concentration anormalement forte de 1'ordre de 10%, confirmant que la pancreatectomie avait cree un etat diabetique. En 1901, Eugene OPIE (1873 -1971) a 1'universite Johns Hopkins de Baltimore constate au cours d'autopsies que certaines cellules du pancreas associees en ilots, qui avaient ete decouvertes en 1868 par 1'histologiste allemand Paul LANGERHANS (1847 -1888), etaient fortement endommagees chez le malade diabetique, ce qui a la fois confirmait et localisait la lesion cellulaire du pancreas diabetique. On pouvait done supposer que le facteur pancreatique de regulation de la glycemie etait secrete par les cellules des ilots de LANGERHANS. Avant meme que 1'on n'en eut la confirmation definitive, le pas fut franchi par Jean de MEYER (1878 -1934) qui proposa d'appeler insuline le facteur antidiabetique pour bien marquer sa provenance de ces ilots cellulaires. Toutes les tentatives pour extraire et purifier 1'insuline a partir du pancreas echouerent jusqu'en 1921. Un jeune chirurgien de 1'hopital de la ville de London dans 1'Ontario canadien, Frederick BANTING ^ (1891 - 1941), eut 1'idee que ces echecs pouvaient etre dus a la degradation proteolytique de 1'insuline par des proteases activees lors du broyage et de 1'extraction du tissu pancreatique. Au printemps 1921, BANTING se rendit a 1'universite de Toronto pour y rencontrer John MAC LEOD ^ (1876 -1935), professeur de physiologic qui etait un specialiste du diabete. II reussit a convaincre MC LEOD de lui procurer un stage pour tenter ce que personne n'avait encore reussi, 1'extraction et la purification de 1'insuline. Les experiences de BANTING a Toronto se deroulerent pendant 1'ete 1921. MC LEOD lui avait adjoint un brillant etudiant en medecine, Charles BEST (1899 -1978). BANTING et BEST reussirent la performance d'extraire un facteur qui, injecte au chien, diminuait tres sensiblement sa glycemie. Ce facteur, c'etait 1'insuline dont la purification avait jusque la defie 1'obstination de bien des biochimistes. [2]

Frederick BANTING et John MAC LEOD, Prix Nobel de physiologic et de medecine (1923).

IV - LES RACINES DU METABOLISMS CELLULAIRE

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La technique utilisee par BANTING et BEST explique leur reussite. BANTING avait lu dans une publication medicale que 1'obstruction du canal pancreatique conduisait a la degenerescence des cellules acineuses productrices d'enzymes hydrolytiques, mais epargnait les cellules des ilots de LANGERHANS. BANTING eut 1'idee de ligaturer le canal pancreatique des chiens sur lesquels il experimentait de fac.on a faire degenerer les acini en epargnant les cellules de LANGERHANS. Le pancreas etait alors preleve et traite par une solution physiologique pour en extraire 1'insuline. Les preparations d'insuline furent ulterieurement ameliorees par precipitation de 1'hormone par de 1'alcool a 95%. Le succes de BANTING et BEST devait beaucoup a leur expertise experimentale, mais aussi a 1'amelioration des techniques de dosage du glucose. Alors que du temps de Claude BERNARD un dosage de glucose necessitait 25 ml de sang, en 1921 un volume de 1 a 2 ml etait largement suffisant. La decouverte de 1'insuline fut publiee en 1922 sous le titre "The internal secretion of pancreas" dans la revue Journal of Laboratory and Clinical Medicine (vol. 7, pp. 251-266). L'insuline fut cristallisee par John ABEL en 1926 et sa structure determinee en 1953 par Frederick SANGER (Chapitre 111-2.1.1). L'interaction entre medecine et chirurgie experimentale continua a porter ses fruits dans les premieres decennies du XXe siecle. Ainsi des troubles caracterises de la croissance comme le gigantisme ou le nanisme purent etre expliques par un defaut de fonctionnement de 1'hypophyse lorsqu'en 1912 le physiologiste et neurochirurgien americain Harvey GUSHING (1869 -1939) demontra que la croissance du jeune rat etait arretee apres hypophysectomie. Les annees qui suivirent la premiere guerre mondiale furent le temoin de la purification, puis de la synthese de nombreuses autres hormones. Une liste classique, mais loin d'etre exhaustive, comprend les hormones du cortex surrenal classees en mineralocorticoi'des et glycocorticoi'des selon leur impact metabolique, les hormones ovariennes et testiculaires, celles du lobe posterieur de 1'hypophyse, vasopressine et ocytocine, deux polypeptides de petite taille dont la synthese fut realisee par 1'Americain Vincent DU VIGNAUDt 3 ] (1901-1978), le facteur de croissance nerveux (NGF), premier facteur de croissance a avoir ete mis en evidence, isole par Rita LEVI-MONTALCINI ^ (n. 1909) et purifie par Stanley COHEN ^ (n. 1922), le facteur de croissance epidermique (EGF) purifie egalement par Stanley COHEN, les hormones du lobe anterieur de 1'hypophyse (prolactine, hormone de croissance, hormone adrenocorticotrope (ACTH), hormone de stimulation de la thyro'ide (TSH)), 1'angiotensine secretee par le rein, le facteur natriuretique secrete par le cceur. A la meme epoque Roger GUILLEMINt 5 ! (n. 1924) et Andrew S C H A L L Y I51 (n. 1926) decouvraient

[3]

Vincent DU VIGNAUD, Prix Nobel de chimie (1955).

[4]

Rita LEVI-MONTALCINI et Stanley COHEN, Prix Nobel de physiologie et de medecine (1986). Roger GUILLEMIN, Andrew SCHALLY et Rosalind YALOW, Prix Nobel de physiologie et de medecine (1977).

[5]

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

1'existence de peptides specifiques secretes par 1'hypothalamus et impliques dans la regulation de la secretion d'hormones hypophysaires. GUILLEMIN est egalement connu pour ses recherches sur les endorphines, des analogues de la morphine secretes par le cerveau. 4.2.

LA DECOUVERTE DES

VITAMINES

Le nom de vitamine fut donne en 1912 par Casimir FUNCK (1884 -1967) a une substance qu'il venait d'isoler de 1'enveloppe de grains de riz et qui avait la propriete de guerir une maladie de carence appelee beriberi, caracterisee au depart par une polynevrite, et dans sa forme avancee par des lesions cardiaques. La substance purifiee a partir de 1'ecorce de riz possedait une fonction aminee. FUNCK 1'appela amine vitale, puis vitamine. De longue date, des maladies nutritionnelles liees a une carence alimentaire avaient etc identifiers sur la base de symptomes typiques : ulceration des gencives et hemorragies digestives dans le scorbut, troubles nerveux dans le beriberi, defaut de croissance et deformation du squelette dans le rachitisme. On ignorait la cause de ces maladies, mais on savait les pallier de fac.cn empirique par un complement nutritionnel. Le scorbut etait connu depuis la plus haute antiquite, signale dans les armees en campagne et surtout chez les marins dans la navigation au long cours. Au XVI e siecle, Jacques CARTIER (1491 - 1557) raconte que le scorbut pouvait etre gueri par l'administration d'une decoction d'aiguilles de pin, une recette tiree de la pharmacopee indienne. En 1804 un decret de la marine britannique rendit obligatoire 1'ingestion quotidienne d'orange ou de citron comme medication antiscorbutique. Dans les dernieres decennies du XIX e siecle, 1'experimentation animale apporta des eclaircissements substantiels sur ces facteurs inconnus apportes par 1'alimentation, necessaires a tres faibles doses a la vie des mammiferes et de rhomme. En 1881, Nikolai LUNIN (1853 -1937), un eleve du biochimiste suisse BUNGE, fut le premier a montrer que des animaux de laboratoire, rats blancs, cobayes, poulets, ne pouvaient croitre ou meme survivre si on les nourrissait avec un regime compose essentiellement de proteines, de lipides et de glucides prealablement purifies, complementes par des sels mineraux et de 1'eau. LUNIN en avait deduit qu'a cote de constituants quantitativement majeurs, c'est-a-dire proteines, lipides, glucides et sels mineraux, 1'alimentation devait apporter d'autres substances quantitativement mineures, mais qualitativement importantes parce qu'indispensables au bon fonctionnement de Torganisme. L'annee 1890 fut memorable dans 1'histoire de la vitaminologie avec la realisation du beriberi experimental en Indonesie chez le poulet par le Hollandais Christian EIJKMAN ^ (1858 -1930) et son collaborates GRIJNS. Des [6]

Christian EIJKMAN et Frederick HOPKINS, Prix Nobel de physiologic et de medecine (1929).

IV - L ES RACINES DU METABOLISMS CELLULAIRE

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poulets nourris avec du riz decortique presentaient des troubles nerveux avec paralysie qui simulaient ceux du beriberi humain. Nourris avec du riz non decortique, les poulets vivaient de fac.on normale. II en etait de meme si Ton ajoutait 1'ecorce de riz au riz decortique. En 1907, a Oslo, Axel HOLST (1861 -1931) et Alfred FROLICH (1871 -1953) reproduisent chez le cobaye grace a une alimentation specifiquement carencee une pathologie (lesions des muqueuses, hemorragies) qui rappelle les symptomes du scorbut chez 1'homme. C'est a cette epoque que le physiologiste hollandais Cornelis PEKELHARING (1848 - 1967) postule que des especes moleculaires de nature inconnue presentes en petites quantites dans les produits alimentaires courants, legumes, fruits, lait, viande sont essentiels pour le bon deroulement du metabolisme, et que leur absence du fait d'une alimentation desequilibree aboutit a des troubles graves. En 1912, cette explication sera reprise par Frederick HOPKINS ^, et sa validite sera demontree par des experiences de carence realisees chez de jeunes rats blancs. Soumis a un regime constitue essentiellement de proteines, lipides et glucides prealablement purifies, de sels mineraux et d'eau, les animaux deperissaient en une a deux semaines. L'addition de petites quantites de lait au regime faisait redemarrer la croissance. La suppression de 1'apport de lait entrainait a nouveau un arret du developpement. Jusqu'en 1912, on parlait sous 1'autorite de HOPKINS de "facteurs nutritionnels minimaux" indispensables a la vie. Cette annee-la, FUNCK proposa de generaliser 1'appelation de vitamines a ces facteurs dits minimaux. Dans les annees 1920 le terme vitamine finit par s'imposer. En 1915, le nutritionniste americain Elmer MCCOLLUM (1879-1967) professeur au College d'Agriculture de 1'universite de Madison publie un premier essai de classification qui distingue deux types de facteurs nutritionnels indispensables a la vie chez les aimaux superieurs, le f acteur A soluble dans les graisses, abondant dans la creme du lait et le facteur B hydrosoluble dont une source abondante est la levure de biere. En 1920, le Britannique Jack DRUMMOND (1891 -1952), professeur de physiologie a 1'University College de Londres rebaptise vitamines A et B les facteurs de MCCOLLUM. Quelques annees plus tard, le facteur antiscorbutique apparait different par ses proprietes physico-chimiques des vitamines A et B. II sera appele vitamine C. Au debut des annees 1920, le facteur A de MCCOLLUM qui avait ete rebaptise vitamine A s'avere etre un melange de deux especes moleculaires dont la carence aboutit chez le rat blanc pour Tune a des lesions de la cornee suivies d'ulceration et pour 1'autre a des deformations du squelette. Pour 1'espece moleculaire dont la carence retentit sur la vision, on conservera la denomination vitamine A ou vitamine antixerophtalmique. On donnera le nom de vitamine D a la vitamine antirachitique. L'Americain Herbert EVANS (1882 - 1971) ajoutera en 1922 a la panoplie des vitamines liposolubles la vitamine E dont la carence chez le rat entraine la sterilite.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

A partir de 1926, ce fut au tour de la nomenclature des vitamines hydrosolubles de se compliquer singulierement. L'Americain Joseph GOLDBERGER (1874 - 1929) distingue la vitamine qui previent de la pellagre ("Pellagra preventing") ou vitamine PP de celle qui previent du beriberi, cette derniere etant moins resistante a la chaleur que la vitamine PP. En 1927, en GrandeBretagne, une commission "des facteurs nutritionnels accessoires" proposa d'appeler vitamine BI le facteur antiberiberique et vitamine 62 le facteur antipellagreux, dont la caracteristique etait de guerir chez le rat une dermatite ressemblant a la pellagre humaine. Des purifications poussees accompagnees d'analyses rigoureuses aboutirent a la conclusion que le facteur antipellagreux appele vitamine 62 regroupait lui-meme plusieurs especes moleculaires, toutes dotees d'activites vitaminiques. L'une d'elle, a activite specifiquement antipellagreuse, fut identifiee a la nicotinamide en 1937 par Conrad ELVEHJEM (1901 -1962). On 1'appela vitamine PP, et Ton reserva le nom de vitamine B2 pour une autre espece moleculaire identifiee a la riboflavine par le chimiste autrichien Richard KUHN W (1900 -1967). Une troisieme espece moleculaire initialement appelee adermine identifiee a la pyridoxine par Paul GYORGI (1896 -1976) est actuellement designee sous le terme de vitamine B6. Le hiatus entre vitamine 62 et vitamine 65 s'explique parce que des substances trop hativement appelees vitamines 63, 64 et 65 se sont revelees etre des artefacts. Dans les annees 1930 - 1940, le catalogue des vitamines s'enrichit avec de nouvelles especes : vitamine K antihemorragique, vitamine Bi2 ou cobalamine, acide folique, biotine, acide pantothenique. Une premiere indication sur la raison d'etre de 1'apport d'une vitamine dans 1'economie metabolique des mammiferes fut apportee en 1937 par les biochimistes allemands Karl LOHMANN (1898 - 1978) et Philipp SCHUSTER (n. 1904). avec la demonstration que le derive ester pyrophosphate de la vitamine BI ou thiamine, la thiamine pyrophosphate, etait le coenzyme de decarboxylation de 1'acide pyruvique, un metabolite cle dans la chaine de la glycolyse. Par la suite, on reconnut qu'assez couramment un residu vitaminique se retrouve dans un coenzyme (Tableau IV.l). Le complement proteique du coenzyme est appele apoenzyme. Malgre la presence du site catalytique dans 1'apoenzyme, celui-ci ne peut exprimer son activite que si son coenzyme specifique lui est associe. On comprend des lors que la carence en une vitamine se solde par un deficit en une activite enzymatique et un dysfonctionnement du metabolisme. Fait interessant, c'est le residu vitaminique du coenzyme qui participe a la reaction chimique catalysee par 1'enzyme. Ainsi, le residu thiamine de la thiamine pyrophosphate est-il directement implique dans la decarboxylation des acides oc-cetoniques. De meme, le noyau nicotinamide du NAD et celui du NADP, ainsi que le cycle flavinique du FMN et du FAD prennent en charge les atomes d'hydrogene arraches a des substrats oxydables dans des reactions de deshydrogenation.

[7]

Richard KUHN, Prix Nobel de chimie (1938).

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

5. LES NOUVELLES TECHNIQUES

343

D'EXPLORATION

DE LA CHIMIE CELLULAIRE DANS LA PREMIERE MOITIE DU XXE SIECLE Conscients que 1'experimentation sur 1'animal risquait d'alterer le fonctionnement normal de la machinerie cellulaire, les physiologistes du XIX e siecle se contentaient d'utiliser des precedes d'exploration aussi peu agressifs que possible. Ainsi, en donnant a des chiens un regime bien caracterise par sa richesse en sucre ou en proteine, Claude BERNARD avait tire des enseignements interessants sur la biosynthese du glycogene hepatique. Malgre tout, cette methodologie avait ses limites. Dans les annees I860, Carl LUDWIG a 1'universite de Leipzig mit au point la perfusion d'organes isoles avec des milieux pourvus de substances dont on souhaitait connaitre le destin. A cote de la perfusion d'organes, la methode des tranches tres minces de tissus (0,2 a 0,5 mm d'epaisseur) se developpa et connut un grand succes dans les annees 1920 -1930. Les tranches fines permettaient aux cellules contenues dans leur epaisseur d'echanger des gaz, C>2, CC>2, NHs avec le milieu dans lequel elles baignaient. Pour mesurer ces echanges gazeux, la technique manometrique perfectionnee par Otto WARBURG s'imposa dans les annees 1920. Dans cette technique, la variation du volume gazeux est ramenee a une variation de pression a volume constant et, en se fondant sur la loi de BOYLE-MARIOTTE, on deduit la quantite de gaz formee ou disparue. L'appareil de WARBURG, toujours utilise, comporte une fiole conique rattachee a un manometre constitue d'un tube en U rempli de liquide (Figure IV.6). La fiole elle-meme possede un compartiment principal occupe par le milieu reactionnel et la preparation biologique (tranches fines de tissu, foie ou muscle), une cupule cylindrique centrale remplie de potasse qui impregne une bandelette de papier filtre ainsi qu'un diverticule lateral qui contient une substance en solution, un substrat metabolique par exemple. Par renversement de la fiole, la substance du diverticule lateral est amenee, au cours de 1'experience, dans le compartiment central pour tester son effet sur la respiration du tissu. La potasse absorbe le CC>2 degage. Dans ces conditions, la consommation d'oxygene se traduit par une diminution de pression evaluee par le mouvement du liquide dans le manometre. A partir des annees 1930, des biomolecules marquees par des isotopes stables (2H, 13C, 15N, 18O) furent synthetisees et devinrent disponibles pour des etudes metaboliques. Dans les annees 1940, ce fut le tour des molecules marquees par des isotopes radioactifs, 14C, 32P et 3H. Dans les annees 1950, on assista a une retentissante percee methodologique en biologic cellulaire avec la separation des differentes especes d'organites endocellulaires dans un etat fonctionnel satisfaisant (Chapitre II). Partant d'un aspect global d'exploration de la cellule qui avait jusqu'alors prevalu, 1'etude du metabolisme intermediaire s'orienta alors vers une analyse detaillee des echanges de metabolites entre les differents compartiments endocellulaires.

344

LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

Figure IV.6 - Appareils servant a 1'analyse du metabolisme cellulaire

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

6. L'EMERGENCE DE L'ENZYMOLOGIE AVEC L'EXPLORATION

345

CELLULAIRE

DE LA GLYCOLYSE

En 1810, Joseph GAY-LUSSAC avait montre que la fermentation du sucre de raisin par la levure aboutissait a la formation d'ethanol et de gaz carbonique CO2- Un siecle et demi plus tard sera decrit 1'ensemble des reactions de la glycolyse anaerobie par la levure, c'est-a-dire de la transformation du glucose en ethanol et CO2- A la fin des annees 1920, des etudes comparatives revelerent que le glucose etait degrade dans le tissu musculaire par les memes reactions que celles utilisees par la levure. Ainsi, la glycolyse apparaissait comme un exemple typique de conservation des fonctions metaboliques au cours de 1'evolution. 6.1.

LA QUERELLE DE LA LEVURE

Le role de la levure dans la fermentation du glucose fut demontre en 1835 par le cytologiste frangais CAGNIARD-LATOUR et confirme par ses collegues allemands SCHWANN et KUTZING en 1837 (Chapitre 11-7.2). Tous trois postulaient que la levure contenait des catalyseurs ou ferments qui assuraient la degradation du glucose en ethanol. LIEBIG, un des chimistes allemands les plus en vue a 1'epoque, s'opposa de fac.on vehemente a la theorie cellulaire de la fermentation. Dans un article public en 1839, il expliquait que la fermentation alcoolique s'effectuait sans catalyse enzymatique grace a des modifications chimiques spontanees liees a une putrefaction resultant d'une destruction cellulaire. D'apres LIEBIG, la fermentation etait causee par des cellules de levure en decomposition dont "les molecules animees d'un mouvement particulier induisaient 1'ebranlement de substances fermentescibles instables". Le role des cellules vivantes de levure, dans la fermentation alcoolique fut mis en doute non seulement par LIEBIG, mais egalement par BERZELIUS, une autre sommite du monde scientifique. A la fin des annees 1850, PASTEUR prit part a la querelle et intervint en faveur de CAGNIARD-LATOUR et de SCHWANN. "La fermentation alcoolique, ecrivait-il, est un phenomene correlatif d'un acte vital; la fermentation ne se produit jamais sans une organisation des cellules". En butte a la vindicte de LIEBIG, SCHWANN dut s'effacer dans son propre pays. II se vit refuser la chaire de biologie qu'il avait postulee a 1'universite de Bonn et finalement s'exila en 1839 en Belgique ou on lui offrit un poste de professeur d'anatomie a 1'universite de Louvain. Neuf ans plus tard, il quitta Louvain pour s'installer a 1'universite de Liege. A la fin du XIX e siecle, Louvain allait devenir un des foyers de la biologie cellulaire. C'est la que se developpa apres la deuxieme guerre mondiale le groupe de Christian DE DUVE, futur prix Nobel (Chapitre II-8.2.2).

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Dans les annees 1880, apres que la levure eut ete reconnue comme un organisme responsable de la fermentation alcoolique, on fut conduit a etablir une distinction entre deux types de ferments, d'une part les ferments non organises ou solubles, tels que ceux secretes par le pancreas et impliques dans la digestion des aliments et d'autre part les ferments organises contenus dans les cellules vivantes. Pour rendre plus coherente la litterature, KUHNE proposa de denommer enzymes les ferments aussi bien non organises qu'organises en se referant aux ferments de la levure (Chaptire III-3.1).

6.2. LA DECOUVERTE DE LA FERMENTATION

ACELLULAIRE

DU GLUCOSE Alors que Ton etait convaincu que la fermentation alcoolique etait conditionnee par 1'etat vivant de la levure, un probleme qui semblait avoir ete definitivement tranche par PASTEUR, un coup de theatre, veritable rupture epistemologique, se produisit en 1897 avec la decouverte par Eduard BUCHNER [ g ] (1860 - 1917) que 1'ethanol pouvait etre obtenu par fermentation du glucose a partir d'un extrait limpide de levure, libre de cellules vivantes et de debris membranaires. Cette decouverte ouvrait 1'ere de 1'enzymologie cellulaire. Elle revelait la valeur d'une nouvelle methodoh. bUCHNER (1860 -1917) logie qui consistait a isoler a partir d extraits cellulaires les facteurs enzymatiques impliques dans la vie d'une cellule et a expliquer le fonctionnement de ces facteurs a partir de principes physico-chimiques accessibles a 1'experimentation. Eduard BUCHNER diplome de 1'universite de Munich avait ete 1'eleve du chimiste organicien Adolf VON BAEYER, Prix Nobel de chimie, et du botaniste Carl VON NAGELI. L'ecole de BAEYER, etait un foyer intellectuel de renommee mondiale d'ou sortirent Emil FISCHER, Richard WILLSTATER, Heinrich WIELAND, tous nobelises. Comme nombre de decouvertes marquantes, celle de la fermentation acellulaire du glucose par Eduard BUCHNER fut le resultat d'un concours de circonstances pour le moins disparates : 1'interet de son mentor NAGELI pour la physiologic de la levure, celui de son frere Hans BUCHNER (1850 - 1902) pour 1'immunologie, une solide formation personnelle de chimiste organicien sous la houlette de Theodor CURTIUS (1857 - 1928) dans 1'Institut de chimie de 1'universite de Munich dont BAEYER, le directeur, etait non seulement un chimiste reconnu, mais aussi un biochimiste, et 1'interet soutenu de BAEYER pour le phenomene de la conversion du glucose en ethanol. En 1885, sous la [8]

Eduard BUCHNER, Prix Nobel de chimie (1907).

IV - L ES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

347

conduite de NAGELI, Eduard BUCHNER avait conduit une breve etude sur la croissance et 1'activite fermentative de bacteries en presence et en absence d'oxygene, a 1'instar des recherches menees par PASTEUR sur la levure vingt ans plus tot. Apres sa these de chimie organique, soutenue en 1888 sur des derives azotes, Eduard BUCHNER poursuivit son sejour dans le groupe de BAEYER. II se vit confier un enseignement sur un sujet de son choix. II decida de le faire sur les phenomenes de la fermentation qu'il avait survoles quelque temps plus tot. En 1893, Eduard BUCHNER est nomme professeur de chimie analytique a 1'universite de Kiel. II effectue neanmoins de nombreux sejours dans 1'Institut d'Hygiene de 1'universite de Munich dont son frere Hans avait, entre temps, ete nomme directeur. Au debut des annees 1880, Hans BUCHNER recherchait une fac,on efficace d'extraire des toxines a partir de bacteries a des fins d'experimentation en immunologie. Eduard BUCHNER avait eu a resoudre le meme probleme technique pour des cellules de levure. Le broyage dans un mortier a 1'aide d'un pilon et de sable donnait des rendements mediocres. C'est sur la suggestion de Martin HAHN (1865-1934), un assistant de 1'Institut d'Hygiene, qu'Eduard BUCHNER eut recours a une presse hydraulique. Les cellules de levure etaient ecrasees sous 500 atmospheres en presence de sable fin et de terre d'infusoire. Le jus exprime a partir des cellules etait recolte, retraite par de la terre d'infusoire pour absorber des debris cellulaires, puis filtre a plusieurs reprises de fac,on a obtenir un extrait acellulaire tout a fait limpide. Afin d'empecher toute proliferation bacterienne, du sucre de cuisine (saccharose) etait ajoute pour atteindre une concentration de 1'ordre de 40 pour cent, un procede empirique efficace deja utilise dans 1'industrie de conservation dont on saura bien plus tard, a la fin du XXe siecle, que son mecanisme est la repression catabolique de la synthese proteique chez les bacteries. BUCHNER constata un phenomene curieux dans 1'extrait de levure : en moins d'une heure, des bulles de gaz carbonique eclataient a la surface du liquide; ce degagement gazeux pouvait durer plusieurs jours. Le meme phenomene etait observe si le sucre de cuisine etait remplace par du glucose, du fructose ou du maltose. Le traitement par la chaleur de 1'extrait de levure annulait la production de gaz carbonique. Le degagement gazeux etait accompagne par la production d'ethanol que 1'on pouvait mettre en evidence par distillation d'echantillons du milieu fermente. Controle capital, 1'examen microscopique demontrait 1'absence de cellules ou de fragments membranaires dans les extraits de levure utilises. Dans le compte rendu de cette observation, public en 1897 sur "la fermentation alcoolique sans cellules organisees" dans le journal allemand de chimie Berichte Deutsche Chemische Gesellschaft, vol. 30, pp. 117-124, Eduard BUCHNER concluait que le principe du pouvoir fermentatif de la levure n'est pas 1'appareil cellulaire luimeme, mais une substance soluble qui peut etre extraite des cellules sous forme stable et qui est sans doute de nature proteique. A ce principe proteique il donna le nom de zymase. L'experience decrite etait d'une grande simplicite. Le concept qui en emergeait etait revolutionnaire. Ainsi, un ferment soluble contenu dans les cellules de levure avait la meme capacite a fermenter divers

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

sucres avec degagement de CC>2 que les cellules vivantes elles-memes. Tout appel a un phenomene vital, c'est-a-dire relevant de principes mysterieux inherents a la vie cellulaire, etait ecarte. En d'autres termes, la fermentation alcoolique relevait essentiellement de reactions chimiques sous le controle de la zymase. La force vitale que Ton supposait jusqu'alors etre le moteur de la fermentation etait en fait represented par le pouvoir catalytique de la zymase. Eduard BUCHNER fut nomine, en 1909 apres son prix Nobel, professeur de chimie physiologique a 1'universite de Breslau, puis en 1911 a 1'universite de Wiirzburg. II deceda en 1917 des suites de blessures revues sur le front de Roumanie lors de la premiere guerre mondiale. 6.3. LA CHIMIE DES SUCRES A LA FIN DU XIXE

SIECLE

Lorsque commencerent les recherches sur la glycolyse dans des extraits de levure, 1'etude de la structure du glucose et de celle d'autres oses etait deja bien avancee. Un des pionniers en la matiere avait ete le chimiste allemand Emil FISCHER. Le glucose (du grec yXuioje = doux) souvent designe a 1'epoque par le terme "sucre de raisin" repondait a la formule brute CgH^Og. C'etait un hexose qui possedait un pouvoir reducteur vis-a-vis de la liqueur de FEHLING, une solution alcaline de sulfate de cuivre et de tartrate de sodium et de potassium. Ce pouvoir reducteur pouvait etre explique par la presence d'un groupe aldehyde en bout de chaine. La presence d'un groupe aldehyde dans le glucose fut demontre par Heinrich KILIANI (1855 -1945) sur la base d'une reaction avec 1'acide cyanhydrique, ce qui conduisait a allonger a sept carbones la chaine a six carbones du glucose. En 1884, Emil FISCHER decouvrit que la phenylhydrazine qui avait fait 1'objet de sa these de sciences dix ans plus tot etait capable de reagir au bain-marie avec le glucose pour donner un produit jaune facilement cristallisable. Suivant les quantites utilisees de phenylhydrazine, deux molecules de phenylhydrazine ou une seule etaient fixees sur une molecule de glucose, les produits etant respectivement appeles osazone et phenylhydrazone. Ces produits facilement purifiables par cristallisation servirent a identifier differentes especes d'oses. Le glucose etait encore appele dextrose car il deviait a droite la lumiere polarisee. La deviation de la lumiere polarisee par des molecules organiques comme 1'essence de terebenthine et le camphre en solution alcoolique avait ete mise en evidence des 1815 par le physicien franc.ais Jean-Baptiste BIOT (1774 -1862). En 1832, BIOT etendit cette observation au saccharose (sucrose), au glucose et a 1'acide tartrique qui, de ce fait, furent appeles substances optiquement actives. En 1848 se situe la decouverte cruciale par Louis PASTEUR d'une relation entre 1'activite optique d'une espece moleculaire et sa structure. Fascine par le dimorphisme cristallin du tartrate de sodium et d'ammonium, PASTEUR entreprit de separer avec une pince sous microscope les cristaux selon leur forme. II demontra que chacune des deux especes cristallines deviait la lumiere

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polarisee dans un sens oppose. II infera que la difference des deux formes cristallines du sel de 1'acide tartrique refletait 1'existence de deux configurations differentes en terme d'asymetrie moleculaire. La chance avait incidemment servi PASTEUR. En effet, la separation des formes levogyre et dextrogyre du tartrate de sodium et d'ammonium n'est possible qu'au dessous de 28°C ; au dessus de 28°C les deux formes cristallines s'associent en un conglomerat (macle) inextricable. En 1874, Jacobus VANT'HOFF et Joseph LE BEL (1847-1930) qui tous deux avaient ete les eleves de WURTZ a Paris publierent independamment leur theorie du carbone tetravalent comme base explicative de I'asymetrie moleculaire dans les molecules organiques. Ainsi, a partir de la formule lineaire du glucose, les carbones 2, 3, 4 et 5 porteurs d'une fonction alcool secondaire (H-C-OH) sont par definition asymetriques. On peut en deduire qu'il existe 42, c'est-a-dire 16 isomeres potentiels du glucose, chaque isomere differant des autres par 1'orientation des atomes d'hydrogene et des groupes hydroxyles au niveau des carbones asymetriques. De ces 16 isomeres, Emil FISCHER fut capable d'en isoler 12. Parmi eux, en plus du glucose il y avait deux aldohexoses naturels importants dans le metabolisme cellulaire, le galactose et le mannose. Pour des raisons arbitraires de convention de nomenclature, on affecta le signe (+) aux oses qui deviaient a droite la lumiere polarisee comme le glucose naturel et le signe (-) a ceux qui la deviaient a gauche. Comme le montra VAN'T HOFF, la deviation de la lumiere polarisee par une molecule portant plusieurs carbones asymetriques est la somme des pouvoirs rotatoires propres a chaque carbone asymetrique. C'est le cas du glucose, un hexose. Une deuxieme nomenclature s'imposa alors. Elle se fondait sur la deviation de la lumiere polarisee par le glyceraldehyde, CHO-CHOH-CH^OH, un triose dont un seul carbone est asymetrique. A partir du glyceraldehyde, soit dextrogyre (D), soit levogyre (L), il est possible, grace au precede de KILIANI d'allonger la chaine carbonee pour realiser un tetrose, un pentose, puis un hexose. Ainsi, a partir du (D) glyceraldehyde, on peut synthetiser du glucose identique au glucose naturel. Du fait de cette filiation, et pour tenir compte du pouvoir dextrogyre (+) propre a la molecule entiere de glucose, on lui affecta les deux signes (D)(+). Le meme precede de nomenclature fut adopte pour les acides amines en se basant sur la stereochimie du groupe carboxyl amine terminal en a (Chapitre III-1.2.2) et sur sa relation avec celle du glyceraldehyde, 1'orientation du groupe amine de 1'acide amine correspondant a celle du groupe hydroxyle du glyceraldehyde et celle du groupe carboxyle a celle du groupe aldehyde du glyceraldehyde. Ainsi, tous les acides amines naturels sont du type (L). La nomenclature relative au (D)(+) glucose se compliqua avec la decouverte en 1887 par le pharmacien frangais Charles TANRET (1847 -1917) de deux isomeres a et (3 du (D)(+) glucose dont 1'un devie a droite la lumiere polarisee beaucoup plus que 1'autre. Ceci impliquait 1'existence d'un cinquieme carbone asymetrique et de deux formes cycliques oc et (3 du glucose en equilibre avec la forme lineaire.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

6.4. PREMIERES INVESTIGATIONS SUR LES PROPRIETES DE LA ZYMASE. DECOUVERTE D'INTERMEDIAIRES PHOSPHORYLES DANS LA GLYCOLYSE Au plan historique, une des avancees les plus fructueuses dans la comprehension du mecanisme de la glycolyse fut 1'observation en 1906 par Arthur HARDEN [9] (1865 -1940) et son associe William YOUNG (1878 -1942) que du phosphate mineral doit etre present dans le milieu pour que la fermentation se poursuive de fagon optimale. Arthur HARDEN avait rec.u une formation de chimiste a 1'universite de Manchester. II avait prepare sa these de science en Allemagne a Erlingen, sous la direction d'Otto FISCHER, luimeme eleve de BAEYER. Apres sa soutenance de these en 1888, HARDEN retourne a 1'universite de Manchester comme enseignant. En 1897, il est recrute au Lister Institute de Londres. Son travail consiste a realiser des analyses de routine sur 1'eau et les aliments, et a identifier des contaminations bacteriennes. Le bacteriologiste Allan A HARDEN MCFADYEN (1860 -1907), qui supervise ce travail, (1865 -1940) encourage HARDEN a explorer la fermentation des sucres par des bacteries dans un but de diagnostic. C'est, semble-t-il, ce fil conducteur qui conduisit en 1902 Arthur HARDEN a explorer le mecanisme de la fermentation du glucose par des extraits acellulaires de levure avec William YOUNG qui venait d'etre recrute. Lorsque HARDEN et YOUNG commencerent leurs travaux sur la fermentation alcoolique, on savait que le serum sanguin maintenait 1'activite fermentative de la levure qui avait tendance a se ralentir apres quelques heures. Leur premiere demarche fut d'explorer le mecanisme de 1'effet protecteur du serum sanguin. On pensait que le serum empechait la degradation des proteines de la levure en stoppant Faction de proteases. Pour tester cette possibilite, HARDEN et YOUNG utiliserent non plus du serum, mais un jus de levure autolyse. Us raisonnaient sur le fait que les produits de 1'autolyse de la levure en agissant par effet de masse sur 1'equilibre de la reaction de proteolyse devaient freiner cette reaction. L'effet stimulant du jus de levure autolyse sur la reprise de la fermentation etait remarquable, mais 1'interpretation qui en etait donnee etait erronee. Apres de multiples essais pour identifier le principe actif de cet extrait, HARDEN et YOUNG finirent par decouvrir en 1906 que le principe actif apporte par le jus de levure etait tout simplement du phosphate mineral.

[9]

Arthur HARDEN et Hans VON EULER, Prix Nobel de chimie (1929).

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Si 1'effet du phosphate sur la fermentation du glucose etait indeniable, il n'expliquait pas a lui seul 1'efficacite de 1'extrait de levure. HARDEN et YOUNG explorerent alors 1'effet de la dialyse de 1'extrait de levure a travers un filtre de CHAMBERLAND prealablement impregne d'une solution de gelatine a 10%. Us recueillirent le filtrat ainsi qu'un residu visqueux qui avait adhere a la gelatine sur la paroi du filtre. Us testerent 1'effet du filtrat, du residu visqueux et du melange des deux sur la fermentation du glucose. Ni le filtrat, ni le residu n'etaient actifs, mais leur melange 1'etait. Le phosphate substitue au filtrat n'avait qu'un effet partiel. II s'averait done que le phosphate et un second facteur de nature inconnue, tous deux presents dans la zymase etaient necessaires a la fermentation. Ce facteur inconnu d'abord appele cozymase livra le secret de sa structure dans le courant des annees 1930 apres une serie d'explorations laborieuses. II s'agissait d'une molecule organique connue actuellement sous le nom de nicotinamide adenine dinucleotide (NAD) (Figure IV,2). Ayant demontre que le phosphate etait necessaire a la fermentation du glucose par un extrait acellulaire de levure, HARDEN et YOUNG decouvrirent, grace a un test d'analyse du phosphate mineral par precipitation en presence de citrate d'ammonium, que le phosphate mineral disparaissait du milieu au fur et a mesure de la fermentation. La demonstration que correlativement a la disparition du phosphate mineral s'accumulait un compose phosphoryle de nature organique fut apportee des 1906 par le biochimiste russe Leonid IVANOV (1871 -1962) qui isola ce compose sous forme de derive cuivrique. Ce derive fut identifie par YOUNG en 1907 a un hexose diphosphate auquel la litterature donna le nom d'ester de HARDEN et YOUNG (Figure IV.7). Ce n'est que vingt ans plus tard, en 1928, que la structure de cette molecule fut determinee par LEVENE a 1'Institut Rockefeller de New York. II s'agissait du fructose 1,6-bisphosphate. En 1918, par hydrolyse partielle de Tester de HARDEN et YOUNG, le chimiste allemand Carl NEUBERG (1877 -1956) obtint un hexose monophosphate qu'il identifia au fructose 6-phosphate, lequel fut appele ester de NEUBERG. En 1914, Arthur HARDEN et Robert ROBISON (1883 -1941) decrivirent 1'apparition au cours de la fermentation du glucose d'un autre hexose monophosphate qui fut identifie par ROBISON en 1931 au glucose 6-phosphate et denomme ester de ROBISON. Un dernier derive phosphoryle du glucose, le glucose 1-phosphate, fut decouvert en 1934 par Carl et Gerty CORI a 1'universite Saint Louis aux Etats-Unis et identifie au produit de phosphorolyse du glycogene. On decouvrira plus tard que 1'isomerisation enzymatique du glucose 1-phosphate en glucose 6-phosphate relie le catabolisme du glycogene a la chaine de la glycolyse. Fait etonnant, HARDEN et YOUNG, les principaux decouvreurs des formes phosphorylees du glucose, se refuserent pendant longtemps a admettre, peutetre a cause de leur logique de chimistes organiciens, que les esters phosphates du glucose etaient des intermediaires de la glycolyse. Us pensaient que ces derives phosphoryles etaient branches en cul de sac sur la chaine de la glycolyse.

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

En anaerobiose, le NAD reduit au cours de la reaction glyceraldehyde 3-phosphate —» 1,3-bisphosphoglycerate est reoxyde au cours de la conversion du pyruvate soit en ethanol (levure), soit en lactate (muscle). Le schema montre les sites d'inhibition de 1'iodoacetate, du fluorure et du bisulfite. Figure IV.7 - La chaine de la glycolyse (EMBDEN-MEYERHOF)

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Us avaient sans doute ete influences par les travaux des chimistes allemands, en particulier ceux d'Emil FISCHER, sur la synthese et la degradation du glucose et d'autres oses qui ne faisaient pas appel aux formes phosphorylees de ces molecules. Pour anecdotique que puisse paraitre cette remarque, elle n'en revet pas moins une valeur symbolique au plan de certaines differences fondamentales entre la chimie du vivant et la chimie organique de "paillasse". C'est effectivement une regie assez courante qu'avant d'etre engagees dans des transformations controlees par des enzymes, les molecules organiques impliquees dans le metabolisme intermediaire sont modifiees par association avec d'autres molecules. En langage biochimique, on dit que les molecules sont activees. C'est ainsi que le glucose entre dans la chaine de la glycolyse sous une forme phosphorylee, le glucose 6-phosphate, et que tous les intermediaires de la glycolyse sont phosphoryles a 1'exception des produits finaux, pyruvate, lactate et ethanol. La specificite de la modification subie par une molecule depend de son destin metabolique. Ainsi, la synthese de glycogene a partir de glucose implique la formation prealable d'un derive nucleotidique, 1'uridine diphosphoglucose (UDPG) alors que la degradation du glucose met en ceuvre des intermediaires simplement phosphoryles. 6.5. DE LA LEVURE AU TISSU MUSCULAIRE De tous les tissus d'un organisme, le tissu musculaire est particulierement favorable pour etablir des relations entre des changements metaboliques, un travail de contraction et une production de chaleur. On savait depuis un siecle que de 1'acide lactique s'accumulait dans le muscle en activite. En 1907, 1'eminent biochimiste britannique Frederick HOPKINS et son associe Walter FLETCHER (1873 -1933) decrivirent 1'accumulation d'acide lactique dans le muscle de grenouille soumis a une serie de contractions en anaerobiose et la disparition de 1'acide lactique dans le muscle en repos et en atmosphere oxygenee. En 1921, le biochimiste allemand Gustav EMBDEN (1874 -1933) demontra, qu'a 1'instar d'un extrait de levure, un extrait de tissu musculaire preleve a partir d'un chien etait capable de transformer le glucose en acide lactique dans un milieu salin complement^ en phosphate mineral. A la meme epoque, des experiences sur des extraits de muscle de grenouille etaient realisees par un autre biochimiste allemand de grand talent, Otto MEYERHOF (1884 - 1951). Celui-ci parvint a extraire les enzymes de la chaine de la glycolyse par traitement d'un broyat de muscle avec une solution isotonique de chlorure de potassium, performance qui rappelait celle d'Eduard BUCHNER avec 1'extracaST^^sS tion de la zymase a partir de cellules de levure.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Apres sa these de medecine, soutenue sur un sujet de psychiatric a Heidelberg en 1909, MEYERHOF fit des etudes de physique et de chimie tout en s'interessant a la philosophic. Apres avoir travaille dans un laboratoire de biochimie clinique a Heidelberg sur le metabolisme basal, il fut nomrne assistant, puis professeur de physiologic a Kiel en 1918. En 1924, il rejoignit le Kaiser Wilhelm Institut fur Biologie a Berlin-Dahlem ou travaillaient deja NEUBAUER et WARBURG. II y resta jusqu'en 1929, date a laquelle il devint directeur du departement de physiologic du Kaiser Wilhelm Institut d'Heidelberg. Parmi les membres de son equipe, il y eut Karl LOHMANN qui lui apporta sa competence chimique, David NACHMANSOHN et Fritz LIPMANN qui furent plus tard a 1'origine de la decouverte du coenzyme A, ainsi que Severo OCHOA qui, apres s'etre interesse au fonctionnement de la respiration cellulaire, fit de remarquables decouvertes dans le domaine des acides nucleiques dans les annees 1950 -1960. Dans ses travaux sur la glycolyse musculaire, MEYERHOF confirma que 1'acide lactique accumule au cours de contractions disparaissait en presence d'oxygene, et il calcula que la quantite d'oxygene consomme etait globalement equimolaire par rapport a la quantite d'acide lactique disparu. Des analyses minutieuses des produits de la glycolyse dans la levure et le tissu musculaire, realisees en grande partie dans les laboratoires d'EMBEN et de MEYERHOF, aboutirent a la conclusion que des reactions identiques catalysees par des enzymes similaires rendaient O. MEYERHOF compte de la glycolyse dans les deux systemes (1884 -1951) vivants jusqu'au stade de 1'acide pyruvique. Cette observation fut etendue a d'autres systemes vivants. Ainsi, il apparaissait que dans 1'evolution, lors du passage des unicellulaires eucaryotes aux organismes eucaryotes multicellulaires, les mecanismes chimiques et enzymatiques des reactions du metabolisme n'avaient pas subi de modifications majeures. A partir de 1'acide pyruvique il existe toutefois des destins metaboliques specifiques en anaerobiose pour la levure et les tissus animaux. Dans la levure 1'ethanol s'accumule alors que dans les tissus animaux, par exemple le tissu musculaire, c'est 1'acide lactique (Figure IV.7). Dans 1'aventure de la glycolyse, premiere chaine metabolique a etre dechiffree, le role de 1'ecole allemande de biochimie fut primordial. A la fin des annees 1920, deux decouvertes contribuent a eclaircir 1'affaire apparemment complexe de la base chimique de 1'energetique musculaire. C'est d'abord la decouverte en 1927 par deux biochimistes britanniques Philip EGGLETON (1903 -1954) et Grace EGGLETON (1901 - 1970) d'une molecule organique phosphoree dont le phosphate pouvait etre facilement libere et a laquelle ils donnent le nom de phosphagene. La meme annee, les Americains Cyrus FISKE (1890 -1978) et Yellapregada SUBBAROW (1896 -1948) identifient le

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phosphagene a la creatine phosphate. L'autre decouverte majeure, celle de 1'ATP, est due a Karl L O H M A N N qui travaillait dans le laboratoire de MEYERHOF et qui participa avec ce dernier a la caracterisation de plusieurs reactions de la glycolyse. A cette epoque, on fractionnait les derives osidiques phosphoryles formes au cours de la glycolyse a partir d'extraits de muscle, sous forme de leurs sels de baryum solubles ou insolubles. En procedant a une hydrolyse par 1'acide chlorhydrique 1 N a 100°C pendant differentes periodes de temps, on differencial ces derives phosphoryles par reference a des standards. En 1928, LOHMANN decouvrit dans la fraction precipitee par 1'acetate de baryum la presence d'un compose phosphoryle qui se distinguait des oses phosphoryles de la glycolyse par sa grande labilite en milieu acide. Le compose purifie etait porteur d'adenine, de ribose et de trois groupes phosphate. II s'agissait de 1'ATP (Figure IV.8). Cette trouvaille fut publiee en 1929 dans la revue allemande Naturwissenschaften (vol. 17, p. 624). Quelques mois plus tard, aux Etats-Unis, FISKE et SUBBAROW isolaient un compose voisin qui, par hydrolyse, liberait de 1'adenine, du ribose et du pyrophosphate. II s'agissait de 1'adenosine diphosphate (ADP) (Figure IV.8). Les deux equipes mirent en evidence une transphosphorylation enzymatique reversible entre 1'ATP et la creatine qui aboutissait a la formation d'ADP et de creatine phosphate. A LOHMAN revient le merite d'avoir decouvert en 1931 le role des ions magnesium dans les reactions enzymatiques de transfert de phosphate a partir d'ATP sur des molecules organiques, par exemple la glucose pour donner la glucose 6-phosphate. En 1930, le biochimiste danois Einar LUNDSGAARD (1899 -1968) recherchait les effets de 1'iodoacetate, un inhibiteur de la glycolyse, sur la contraction musculaire. II observa que le muscle empoisonne par 1'iodoacetate, incapable de produire de 1'acide lactique et denue d'activite glycolytique, etait malgre tout capable d'assurer pendant un temps limite des contractions. Au cours de ces quelques contractions, la reserve musculaire de creatine phosphate disparaissait et du phosphate mineral etait libere. La logique de la participation de la creatine phosphate a la contraction musculaire apparaissait des lors clairement. L'ATP etant la source directe d'energie pour le tissu musculaire, 1'ADP qui en provenait par dephosphorylation etait rephosphoryle en ATP grace a la creatine phosphate; celle-ci etait done un reservoir energetique capable de regenerer en situation d'urgence 1'ATP dans le tissu musculaire. Au tournant des annees 1940, on apprendra que 1'ATP est forme majoritairement par phosphorylation d'ADP couplee a des reactions d'oxydation (oxydation phosphorylante ou phosphorylation oxydative) et qu'il existe dans les organismes vivants un renouvellement continu d'ATP utilise pour differents travaux (syntheses, conduction nerveuse, effort musculaire) (Figure IV.8). En meme temps que se pousuivait 1'analyse chimique des metabolites de la glycolyse, des physiologistes s'interessaient a la thermodynamique de la contraction musculaire.

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

Dans les cellules eucaryotes a metabolisme aerobie, 90% de 1'ATP est synthetise par oxydation phosphorylante dans les mitochondries, et 10% par phosphorylation glycolytique dans le cytosol. Le cycle de 1'ATP chez un homme adulte correspond au renouvellement de 60 kg d'ATP par jour, alors que 1'ensemble de ses tissus contient moins de 100 g d'ATP et d'ADP. Figure IV.8 - L'ATP et son cycle

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Au debut des annees 1910, le Britannique Archibald HILL I10! (1886-1977) se distingua par ses experiences en microcalorimetrie sur la production de chaleur liee a la contraction musculaire qui revelaient que le muscle etait une machine chimique travaillant a temperature constante. MEYERHOF I10J qui lui fut associe dans la distinction Nobel avait ete 1'un des premiers a explorer en termes quantitatifs la thermodynamique musculaire. Grace a sa formation de chimiste et de physicien, MEYERHOF s'etait tres tot attaque aux relations qui semblaient exister entre la contraction musculaire et 1'energie liberable par hydrolyse de molecules organiques phosphorylees. II avait calcule la quantite de chaleur AH degagee par hydrolyse de la creatine phosphate. Les valeurs determinees, de 1'ordre de 10 000 a 12 000 calories/mole, etaient nettement superieures a celles qui etaient obtenues par hydrolyse d'esters phosphates, comme le glucose 6-phosphate (2 000 a 3 000 calories/mole). Une nouvelle notion fondamentale emergeait, celle d'une difference dans la reserve energetique presente dans differents derives organiques phosphoryles. Cette notion sera reprise plus tard par LIPMANN sous le vocable "liaisons riches et pauvres en energie" (Chapitre IV-8.6). En 1934, MEYERHOF et LOHMANN prouvaient, a partir d'experiences realisees sur du tissu musculaire, que le fructose 1,6-bisphosphate etait clive en deux trioses phosphates : le glyceraldehyde 3-phosphate et la dihydroxyacetone phosphate. Ajoutant a un homogenat de muscle du 3-phosphoglycerate, produit d'oxydation du glyceraldehyde 3-phosphate, EMBDEN obtenait du pyruvate et du phosphate. Des jalons etaient ainsi poses qui permettaient de comprendre comment le fructose 1,6-bisphosphate pouvait etre converti en pyruvate (Figure IV. 7). Au debut des annees trente, a I'universite de Lvov, Jacob PARNAS, (1884 - 1949), un ancien eleve d'HOFMEISTER, mit 1'accent sur 1'importance que pouvait avoir dans la glycolyse le transfert de phosphate de molecule a molecule, plus precisement celui de derives phosphoryles a 1'ADP. II exemplifia ce concept avec la reaction de transfert de phosphate du phospho-enolpyruvate (PEP) a 1'ADP : Un autre exemple de transphosphorylation dans la chaine de la glycolyse au niveau des trioses est le transfert du phosphate du 1,3-bisphosphoglycerate sur 1'ADP. A 1'inverse, au niveau des hexoses le phosphate est transfere a partir de 1'ATP sur le glucose et sur le fructose 6-phosphate. A la fin des annees trente et dans le courant des annees quarante, le groupe de WARBURG avec Erwin NEGELEIN (1897 - 1979) et Heinz BROMEL (1914 - 1942) apporta une contribution fondamentale a la connaissance de 1'energetique de la glycolyse en identifiant 1'enzyme qui couplait la deshydrogenation du glyceraldehyde 3-phosphate en 1,3-bisphosphoglycerate en presence de NAD oxyde

[10]

Archibald HILL et Otto MEYERHOF, Prix Nobel de physiologic et de medecine (1922).

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

(NAD ox )[ n ] et de phosphate mineral. Pour la premiere fois, on decouvrait 1'existence d'une incorporation de phosphate mineral dans une molecule organique, le 1,3-bisphosphoglycerate. A la fin des annees quarante, Theodor BUCHER (n. 1914) a Munich demontrait le couplage entre la dephosphorylation du 1,3-bisphosphoglycerate et la synthese d'ATP. Le phosphate mineral qui avait ete incorpore dans le 1,3-bisphosphoglycerate etait finalement retrouve dans 1'ATP, ceci grace a 1'association des deux reactions :

dont la somme est: Ainsi, il s'averait qu'un couplage etait possible entre une reaction d'oxydoreduction et une synthese d'ATP a partir d'ADP et de phosphate mineral. II convient d'insister sur le role que joua 1'utilisation d'inhibiteurs enzymatiques dans le decryptage de la glycolyse. (Figure IV.7). Des 1918, NEUBERG avait decouvert que si Ton ajoutait du bisulfite de sodium a un extrait de levure qui fermentait du glucose, un intermediaire bisulfite de 1'acetaldehyde s'accumulait ainsi que du glycerol. Du fait de ce blocage en aval dans la chaine de la glycolyse, le dihydroxyacetone phosphate, 1'un des deux trioses phosphates resultant du clivage du fructose 1,6-bisphosphate, etait reduit en glycerolphosphate, lequel etait par la suite dephosphoryle en glycerol. Cette observation fut a 1'origine d'un precede industriel de fabrication du glycerol. Vers 1930, on decouvrit que le fluorure de sodium, un autre inhibiteur de la glycolyse, favorisait 1'accumulation du 3-phosphoglycerate. Dans les annees 1934 - 1936, Otto MEYERHOF, Karl LOHMANN et Wilhelm KIESSLING (1901 -1958) montrerent que si Ton ajoutait du 3-phosphoglycerate a un extrait de levure ou de muscle d'ou le NAD avait ete elimine par dialyse, il s'accumulait du phosphoenolpyruvate. Pour interpreter cette accumulation il etait necessaire de supposer la formation d'un intermediaire, le 2-phosphoglycerate. Get intermediaire fut effectivement isole et caracterise, et 1'enzyme qui realisait la transformation du 3-phosphoglycerate en 2-phosphoglycerate, une mutase, fut purifie. L'enzyme qui transforme le 2-phosphoglycerate en phosphoenolpyruvate, sensible au fluorure de sodium, fut egalement isole et appele enolase. Quant a 1'iodoacetate, un inhibiteur d'enzymes possedant un ou

[11]

Dans cet ouvrage, le NAD oxyde et le NAD reduit sont denommes NADOX et NADreci. L'ensemble des deux formes est denomme NAD. Dans la nomenclature des ouvrages de biochimie, pour tenir compte du mecanisme moleculaire de la reduction du NAD OX et de la presence d'une charge positive sur 1'azote du cycle pyridinique, on designe NADOX par NAD + et le NAD reduit par NADH. En effet, au cours du transport de deux equivalents de reduction d'un substrat sur le NAD + , 1'un des hydrogenes est transfere sous forme d'hydrure sur le cycle pyridinique du NAD + et 1'autre est relache sous forme de proton (H + ).

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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plusieurs groupes thiol strategiques, sa cible privilegiee fut identifiee a la glyceraldehyde-3-phosphate deshydrogenase. Le NAD reduit au cours de la deshydrogenation enzymatique du glyceraldehyde 3-phosphate doit etre imperativement reoxyde. En effet, les cellules ne disposent que d'un stock extremement limite en NAD. En anaerobiose, il existe deux possibilites pour regenerer la forme oxydee du NAD. Chez les organismes superieurs, le pyruvate, CH^-CO-COO~ est reduit en lactate, CH3-CHOHCOO~, comme le montra EMBDEN en 1912 dans des experiences de perfusion de foie avec du pyruvate. On decouvrira plus tard que cette reduction met en ceuvre un enzyme specifique, la lactate deshydrogenase. Dans la levure, le NAD reduit est reoxyde grace a un couple de reactions qui combinent la decarboxylation du pyruvate en acetaldehyde, CHs-CHO, et la reduction de 1'acetaldehyde en ethanol, CHs-Cf^OH. Les deux etapes impliquees dans la conversion du pyruvate en ethanol furent decrites entre 1911 et 1914 par NEUBERG a Berlin et les biochimistes russes, Sergei KOSTYCHEV (1877 - 1931) et Aleksander LEBEDEV (1881 -1938). Le mecanisme de la reoxydation en anaerobiose du NAD reduit avait ete decouvert relativement tot dans 1'etude de la glycolyse. II n'en fut pas de meme pour la reoxydation en aerobiose du NAD reduit. Alors que la glycolyse anaerobic implique essentiellement le cytosol, la glycolyse aerobic met en ceuvre le compartiment mitochondrial de la cellule. Cependant, les mitochondries sont impermeables au NAD. Le mecanisme de 1'oxydation mitochondriale du NAD reduit provenant du cytosol ne sera compris que dans les annees 1960 (Chapitre IV-9.1). Au milieu du XX e siecle, les reactions de la glycolyse, aussi bien dans la levure que dans le muscle, avaient ete identifiees et certaines avaient meme ete caracterisees en termes de mecanisme enzymatique. La zymase d'Eduard BUCHNER avait ete resolue en une dizaine d'enzymes. Comme le montre la figure IV.7 la chaine de la glycolyse comporte deux series de reactions. La premiere serie concerne des remaniements structuraux associes a des phosphorylations permettant de passer du glucose au glucose 6-phosphate, puis au fructose 6-phosphate et enfin au fructose 1,6-bisphosphate. L'autre serie demarre avec le clivage du fructose 1,6-bisphosphate en deux trioses phosphates dont 1'un, le glyceraldehyde 3-phosphate, subit des transformations qui conduisent a 1'acide pyruvique et a 1'acide lactique en anaerobiose. La chaine de la glycolyse fut appelee voie d'EMBDEN-MEYERHOF en 1'honneur des pionniers qui avaient contribue de fac.on majeure a son etude. Un regard sur 1'ensemble des reactions de la glycolyse revelait des proprietes qui allaient s'imposer comme des principes fondamentaux dans d'autres voies du metabolisme intermediaire chez tous les etres vivants : * Les molecules organiques dans les microorganismes, plantes et mammiferes doivent etre prealablement modifiees, "activees", pour entrer dans un circuit metabolique. Cette particularite represente une difference remarquable avec les reactions de la chimie organique de paillasse qui ne pouvait pas, a 1'evidence, etre appreciee dans les premiers temps de la chimie metabolique.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

* La glycolyse, comme la plupart des chaines cataboliques, est generatrice d'energie. Cette energie est recuperee sous forme d'ATP. La conversion d'une molecule de glucose en deux molecules d'acide pyruvique est couplee a la synthese de deux molecules d'ATP. Le glucose est stocke dans le foie et le muscle sous forme de glycogene. En 1935, Carl et Gerty CORI, a 1'universite de Saint Louis, montrerent que le phosphate mineral etait indispensable a la degradation du glycogene en glucose 1-phosphate. L'enzyme implique fut appele glycogene phosphorylase. Le foie et le muscle possedent les machineries enzymatiques necessaires a la fois a la synthese et a la degradation du glycogene. Cependant, seul le foie est capable de transformer des molecules de petite taille (pyruvate, lactate) en glucose (Chapitre IV-6.7). Cette particularite conduit chez les organismes superieurs a un cycle metabolique "interorganes" qui implique le tissu musculaire et le tissu hepatique. Au cours d'un travail musculaire, le glucose du muscle est degrade en pyruvate et lactate qui sont repris par le courant sanguin pour etre portes au foie ou ils sont reconvertis en glucose. Celui-ci est reexpedie au tissu musculaire. Ce circuit metabolique est connu sous le nom de cycle des CORI. 6.6. LA DECOUVERTE D'UNE DEUXIEME VOIE DE DEGRADATION DU GLUCOSE PASSANT PAR LES PENTOSES. SON IMPLICATION DANS LA PHOTOSYNTHESE

Dans le courant des annees trente, Otto WARBURG avait constate que le glucose 6-phosphate, le premier intermediate phosphoryle du glucose dans la chaine de la glycolyse, etait deshydrogene en 6-phosphogluconate par une deshydrogenase dont le coenzyme, le NADP t12], differait du NAD par la presence d'un residu phosphate sur le ribose jouxtant 1'adenine. Au debut des annees cinquante, plusieurs groupes animes par Frank DICKENS (1899 -1986), Seymour COHEN (n. 1917), Bernard HORECKER (n. 1914) et Ephraim RACKER (1913 - 1991) demontrerent que le 6-phosphogluconate etait le point de depart d'un echeveau complexe de reactions mettant en ceuvre des intermediaires phosphoryles d'oses a 5 C (ribose, ribulose et xylulose), a 4 C (erythrose), a 3 C (glyceraldehyde) et aussi a 7 C (sedoheptulose). Pour distinguer cette nouvelle voie de catabolisme du glucose de la voie classique d'EMBEN-MEYERHOF impliquant le clivage direct du fructose 1,6-bisphosphate en deux trioses phosphates, on decida de 1'appeler cycle des pentoses ou encore "shunt des pentoses" (ou pentosesphosphates) car elle etait branchee sur la chaine de la glycolyse au niveau du glucose 6-phosphate et du glyceraldehyde phosphate. Pour la personnaliser, on la baptisa voie de DICKENS-HORECKER.

[12]

Dans les ouvrages de biochimie la meme nomenclature que pour les formes oxydee et reduite du NAD est adoptee pour le NADP.

IV - L ES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

361

Dans la voie des pentoses de DICKENS-HORECKER, le 6-phosphogluconate est decarboxyle et oxyde en ribulose 5-phosphate, un sucre a 5 atonies de carbone, CH2OH-CO-(CHOH)2-CH2OPO32"/ veritable carrefour metabolique au centre de reactions abondamment detaillees dans la litterature biochimique moderne. En utilisant du glucose marque par du 14C dans le carbone-1 et dans le carbone-6 et en suivant la liberation de 14CC>2, il est possible d'evaluer la participation de la voie d'EMBDEN-MEYERHOF et celle de DICKENS-HORECKER au catabolisme du glucose dans differents types cellulaires. Ainsi la voie d'EMBDEN-MEYERHOF est predominante dans le tissu musculaire, celle de DICKENS-HORECKER Test dans le tissu adipeux. Dans les organismes photosynthetiques, le ribulose 5-phosphate est phosphoryle par 1'ATP en ribulose 1,5-bisphosphate, une molecule cle dans la fixation de CC>2 au cours de la photosynthese. A 1'epoque meme ou le cycle des pentoses etait explore, dans les annees 1953 -1956, Melvin CALVIN t13! et ses collaborateurs a Berkeley realiserent des experiences de marquage metabolique de chlorelles par le 14CC>2 en presence de lumiere. Les chlorelles retirees du milieu quelques secondes ou dizaines de secondes apres photoirradiation etaient broyees. Les composes organiques radiomarques presents dans 1'extrait etaient separes par chromatographie sur papier et detectes par autoradiographie. En quelques secondes s'accumulait de fagon massive et exclusive le 3-phosphoglycerate marque par 14C dans son groupe carboxylique. Apres une exposition plus longue a la lumiere, des hexoses phosphates etaient reveles et caracterises par un radiomarquage sur les carbones 3 et 4, ce qui laissait penser que leur synthese resultait d'une condensation de trioses phosphates radiomarques sur le carbone en bout de chaine. Des arguments furent presentes qui prouvaient que le 14CO2 etait incorpore dans un derive diphosphoryle provenant de ribulose 5-phosphate. C'etait le ribulose 1,5-bisphosphate, qui etait rapidement clive en deux molecules de 3-phosphoglycerate. Une etude laborieuse de la cinetique d'apparition des produits radiomarques permit de conclure que le ribulose 1,5-bisphosphate etait au cceur d'un cycle de reactions, appele cycle de CALVIN, grace auquel le CC>2 atmospherique se retrouvait dans des molecules carbonees de nature osidique. L'enzyme qui catalyse la fixation du CO2 dans le ribulose 1,5-bisphosphate est la ribulose 1,5-bisphosphate carboxylase ou RUBISCO (Figure IV.9). II est specifique des organismes photosynthetiques, en particulier les plantes. C'est 1'enzyme le plus abondant de la biosphere. II est responsable de la fixation de milliards de tonnes de CO2 chaque annee par les organismes photosynthetiques. Chez les plantes vertes, les chloroplastes sont les sites de 1'assimilation carbonee. L'ATP qui alimente en energie le cycle de CALVIN provient essentiellement de la photophosphorylation, un processus catalyse par un systeme enzymatique egalement localise dans les chloroplastes.

[13]

Melvin CALVIN, Prix Nobel de chimie (1961).

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Le point de depart du cycle de CALVIN est le ribulose 1,5-bisphosphate. Sa carboxylation est suivie d'un clivage qui aboutit a deux molecules de 3-phosphoglycerate. Le 3phosphoglycerate est reduit en glyceraldehyde 3-phosphate. La regeneration du ribulose 5-phosphate a partir du glyceraldehyde 3-phosphate irnplique une serie de reactions qui font partie du cycle des pentoses et qui aboutissent a la formation de ribose 5-phosphate, de xylulose 5-phosphate, d'erythrose 4-phosphate et de sedoheptulose 7-phosphate. Le ribulose 5-phosphate est forme par isomerisation du ribose 5-phosphate et par epimerisation du xylulose 5-phosphate.

Figure IV.9 - Le cycle de CALVIN et 1'assimilation carbonee dans la photosynthese

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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Deux siecles plus tot, PRIESTLEY et INGEN-HOUSZ avaient montre que des plantes vertes exposees a la lumiere faisaient disparaitre le CC>2 de 1'air environnant. Le cycle de CALVIN expliquait en termes chimiques 1'assimilation carbonee dans la photosynthese.

6.7. DEMONSTRATION QUE LA SYNTHESE DE GLUCOSE A PARTIR DE PYRUVATE N'EST PAS L'lNVERSE DE LA GLYCOLYSE ET QUE LA SYNTHESE DU GLYCOGENE A PARTIR DU GLUCOSE N'EST PAS L'lNVERSE DE LA GLYCOGENOLYSE

Jusque dans les annees 1950, on etait persuade que toutes les reactions de la gluconeogenese etaient identiques a celles de la glycolyse (voie d'EMBDENMEYERHOF). On sait actuellement que trois des reactions de la glycolyse ne sont pas utilisees pour la gluconeogenese car peu reversibles du fait de la forte quantite d'energie qu'elles degagent. Ce sont la phosphorylation du glucose en glucose 6-phosphate catalysee par une hexokinase, la phosphorylation du fructose 6-phosphate en fructose 1,6-bisphosphate catalysee par une phosphofructokinase et la transformation du phosphoenolpyruvate en pyruvate catalysee par la pyruvate kinase (Figure IV.10). La conversion du pyruvate en phosphoenol pyruvate dans la gluconeogenese est accomplie par un ensemble de deux reactions dont la premiere est la carboxylation du pyruvate en oxaloacetate et la seconde est la production de phosphoenolpyruvate par decarboxylation de 1'oxaloacetate en presence de GTP. La carboxylation enzymatique du pyruvate fut decrite en 1945 par Harland WOOD (1907 - 1991) et Merton UTTER (1917 - 1980). Ces biochimistes avaient observe qu'en presence d'un extrait de foie de pigeon et d'ATP le 14CC>2 en provenance du [14C]bicarbonate etait incorpore dans le pyruvate lequel etait convert! en [14C]oxaloacetate. En I960, le role de la biotine en tant que coenzyme de carboxylation fut decouvert par UTTER. Quant au fructose 1,6-bisphosphate et au glucose 6-phosphate, leur hydrolyse par des phosphatases specifiques en fructose 6-phosphate et en glucose permet de remonter jusqu'au glucose. Le meme scenario que pour la decouverte de reactions specifiques a la glycolyse et a la gluconeogenese se retrouve pour le couple synthese et degradation du glycogene. A partir du moment ou le groupe des CORI eut demontre que la glycogene phosphorylase etait 1'enzyme de conversion du glycogene en glucose 1-phosphate, il fut implicitement admis que la synthese de glycogene a partir du glucose 1-phosphate etait assure par le meme enzyme. Cette idee erronee fut revisee lorsqu'en 1957 le biochimiste argentin Luis LELOIR^ 14 ]

[14]

Luis LELOIR, Prix Nobel de chimie (1970).

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

Dans la gluconeogenese, trois des reactions de la glycolyse sont court-circuitees : dephosphorylation du glucose 6-phosphate en glucose, dephosphorylation du fructose 1,6-bisphosphate en fructose 6-phosphate et conversion du pyruvate en phosphoenolpyruvate. Noter que cette derniere reaction necessite une premiere etape de carboxylation du pyruvate en oxaloacetate qui se deroule dans le compartiment mitochondrial. Pour raison de simplicite, on a omis de mentionner la necessaire transamination mitochondriale de 1'oxaloacetate en aspartate. En effet, 1'oxaloacetate n'a pas de transporteur mitochondrial a la difference de 1'aspartate. Dans le cytosol 1'aspartate est reconverti en oxaloacetate (voir figure IV.20). Figure IV.10 - Gluconeogenese vs glycolyse

IV - L ES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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(1906 -1987) isola une forme activee du glucose, 1'uridine diphosphoglucose (UDP-glucose), qui s'avera etre impliquee dans la synthese du glycogene. L'UDP-glucose etait le produit de la reaction du nucleotide UTP avec le glucose 1-phosphate : Ainsi, pour le glycogene, la preuve etait egalement apportee que synthese et degradation procedaient par des mecanismes enzymatiques differents. Au tournant des annees 1960, se generalisa la notion d'activation des metabolites par des nucleotides specifiques. A cote de 1'activation du glucose et d'autres oses par 1'UTP, 1'activation par le CTP d'intermediaires lipidiques (diacylglycerol, choline, ethanolamine) fut decrite par Eugene KENNEDY (n. 1919), tandis que Paul ZAMECNIK demontrait que les acides amines etaient actives par 1'ATP sous forme d'aminoacyl adenylates, prealablement a leur combinaison avec les ARNs de transfert (Chapitre III).

7. COUP D'CEIL SUR L'EXPLORATION DU CATABOLISME DES LIPIDES ET PROTEINES AU DEBUT DU XXE SIECLE S'il est exact que les recherches sur la glycolyse dans la levure et le tissu muscuaire tinrent le haut du pave dans les premieres decennies du XX e siecle, il n'en est pas moins vrai que des recherches paralleles sur le catabolisme des lipides et des acides amines apporterent une riche moisson d'informations, qui se concretiserent par la decouverte de la p-oxydation des acides gras et par celle de 1'elimination de 1'ammoniac sous forme d'uree chez les mammiferes. 7.1. ACIDES GRAS, CORPS CETONIQUES ET STEROLS Les travaux des chimistes dans le milieu du XIX e siecle avaient permis de classer les graisses (lipides) en deux categories selon leur reactivite vis-a-vis d'alcalis comme la soude. Certaines graisses donnaient naissance a des savons par reaction des acides gras qu'elles contiennent avec la soude. On les appela graisses saponifiables. D'autres graisses n'etaient pas attaquees par la soude; on les appela graisses insaponifiables ; les sterols en font partie.

7.1.1. La decouverte de la ft-oxydation des acides gras Lorsque Ton ouvre un ouvrage de biochimie classique, on apprend d'emblee que le catabolisme enzymatique des acides gras precede par amputation recurrence de chaines dicarbonees; ce mecanisme est denomme p-oxydation rappelant ainsi que, dans 1'ancienne nomenclature des carbones des acides gras, le carbone adjacent au groupement carboxylique etait appele Cot et, en

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

remontant la chaine, le carbone voisin etait denomme Cp. La (3-oxydation represente done une fixation d'oxygene sur le carbone Cp suivie d'un clivage de la liaison C a - C p . En fait, la p-oxydation des acides gras fut decouverte incidemment au cours de recherches sur le diabete. On avait observe depuis longtemps que 1'urine de malades diabetiques etait sucree et que 1'haleine de malades precomateux degageait une forte odeur de pomme de reinette evoquant la presence d'acetone. En 1865, le chimiste frangais Charles GERHARD! identifia le sel d'un acide p-cetonique CH3-CO-CH2-COOH, 1'acetoacetate, dans 1'urine de diabetiques. L'acetoacetate etait le precurseur de 1'acetone. Associe a 1'acetoacetate se trouvait son derive reduit, le (3-hydroxybutyrate. Acetone, acetoacetate et p-hydroxybutyrate furent regroupes sous la denomination de triade des corps cetoniques. Au debut du siecle, toute recherche sur le catabolisme des acides gras etait conduite dans le but de pouvoir expliquer la production des corps cetoniques. C'est dans ce contexte que dans les annees 1900, le jeune biochimiste allemand Franz KNOOP (1875 -1946) entreprend des experiences de marquage d'acides gras qui le conduiront a decouvrir la p-oxydation de ces molecules. KNOOP commenc.a ses premieres recherches a 1'universite de Strasbourg; il les continua en 1903 a 1'Institut de chimie de Fribourg-en-Brisgau, puis a 1'universite de Tubingen. Son memoire d'habilitation sur 1'utilisation de derives benzoyles d'acides gras qui demontrait 1'existence de la P-oxydation avec une elegante ingeniosite fut accueilli fraichement par un jury traditionaliste. Les chimistes ne le trouvaient pas assez chimique et les physiologistes pas assez physiologique, specialises qu'ils etaient, les uns dans 1'analyse elementaire des metabolites, les autres dans la determination routiniere des bilans metaboliques. La methode utilisee par KNOOP, publiee en 1905, s'echappait en effet des sentiers battus de la routine analytique de 1'epoque. Elle consistait a fixer par synthese une molecule d'acide benzo'ique sur le groupe methyl terminal des acides gras. Dans le jargon moleculaire actuel, on parlerait d'une etiquette de marquage. On savait que 1'acide benzo'ique n'etait pas toxique par lui-meme. Ingere en petite quantite par 1'animal, il etait elimine sous une forme combinee avec la glycine, 1'acide hippurique. L'experience consistait a donner a des chiens, soit dans leur alimentation, soit par injection, des derives benzoyles d'acides gras a trois carbones (acide phenylpropionique) ou a 4 carbones (acide phenylbutyrique). KNOOP constatait que 1'acide phenylbutyrique etait excrete sous forme d'acide phenylacetique et que 1'acide phenylpropionique etait excrete sous forme d'acide hippurique et d'acide benzo'ique. On pouvait d'ores et deja faire des hypotheses sur des schemas reactionnels. En admettant que le produit final resultait d'un clivage entre les carbones a et (3 d'un acide gras succedant a une oxydation au niveau du Cp, on pouvait ecrire pour la degradation de 1'acide phenylbutyrique : et celle de 1'acide phenylpropionique :

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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Dans les deux cas, un chainon dicarbone, 1'acide acetique, etait libere. La technique du marquage metabolique par 1'acide benzoi'que fut reprise en 1909 par 1'Americain Henry DAKIN (1880 -1952). Ses experiences montrerent que des chaines grasses contenant plus de quatre atomes de carbone etaient egalement degradees par (3-oxydation confirmant et generalisant le principe de la (3-oxydation a 1'ensemble des acides gras (Figure IV.ll). A cette premiere periode d'exploration du catabolisme des acides gras fit suite une demarche de physiologic cellulaire pour localiser le site cellulaire de la P-oxydation. Utilisant la technique du fractionnement des organites endocellulaires par centrifugation differentielle qui venait d'etre mise au point (Chapitre II-8.2.1), Albert LEHNINGER (1917 - 1986) et Eugene KENNEDY identifierent des 1949 les mitochondries comme siege du catabolisme des acides gras. La troisieme periode s'ouvre immediatement apres, avec la demonstration en 1951 par le biochimiste allemand Feodor LYNEN f 15 ! que 1'acetyl-coenzyme A est une forme activee de 1'acetate lie par son groupe carboxylique au groupe thiol du coenzyme A, et finalement avec la reconnaissance que 1'acetyl-CoA est le prototype de la forme active des acides gras a longue chaine. Le coenzyme A ( CoA) fut decouvert par Fritz LIPMANN t16] (1899 -1986) a 1'Institut Rockefeller au terme d'une longue quete entreprise dans le but de comprendre comment 1'acetate etait active prealablement a sa participation dans des reactions metaboliques d'acetylation. Les travaux debuterent dans la premiere moitie des annees 1940. Des experiences furent d'abord realisees sur des extraits de Lactobacillus delbruckii. Les resultats montrerent que la decarboxylation oxydative du pyruvate necessitait la presence de phosphate, ce qui conduisit LIPMANN a susF LIPMANN pecter la formation d'un derive phosphoryle, le (1899 -1986) candidat le plus plausible etant 1'acetyl-phosphate. L'acetyl-phosphate fut effectivement isole, puis caracterise sous forme de son sel d'argent. Dans les memes annees, les recherches sur 1'acetate actif etaient poursuivies sur des preparations biologiques d'origine animale. Travaillant sur des extraits de cerveau de rat, David NACHMANSON (1899 -1983) decouvrit en 1943 que la choline etait acetylee par 1'acetate en presence d'ATP. C'etait la premiere fois que 1'on mettait en evidence une reaction d'acetylation dans un systeme animal. L'article de NACHMANSON, trop novateur, fut refuse par trois revues scientifiques avant d'etre finalement accepte dans un journal americain de neurophysiologie.

[15] [16]

Feodor LYNEN et Konrad BLOCH, Prix Nobel de chimie (1964). Fritz LIPMANN et Hans A. KREBS, Prix Nobel de physiologic et de medecine (1953).

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Premiere formulation

Formulation moderne

La p-oxydation des acides gras a longue chaine implique une serie de trois reactions (deshydrogenation, hydratation, deshydrogenation), suivie d'un clivage qui ampute la chaine d'acide gras d'un fragment dicarbone. Cette serie de reactions se repete, eliminant a la fin de chaque serie un acetyl-CoA. Figure IV.ll - 3-oxydation des acides gras

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Avec 1'utilisation des sulfamides comme medicament antimicrobien chez 1'homme, on decouvrit que la sulfanilamide etait excretee dans 1'urine sous une forme acetylee, ce qui suggerait 1'implication la encore d'un "acetate active". En 1945, la forme acetylee de la sulfanilamide fut retrouvee par LIPMANN apres incubation de tranches fines de foie de rat avec de 1'acetate, en presence de substrats oxydables dans un milieu bien acre. La reaction d'acetylation reclamait done un apport d'energie. On decouvrira plus tard que cette energie est dispensee par 1'ATP. A la difference de 1'activation de 1'acetate par le phosphate chez les bacteries, la molecule responsable de 1'activation de 1'acetate dans les tissus animaux se revelait complexe. Elle fut purifiee et 1'etude de sa structure fut entreprise. Hydrolysee par une phosphatase bacterienne, elle liberait une vitamine, 1'acide pantothenique. Cette vitamine avait ete isolee en 1933 par le nutritionniste americain Roger WILLIAMS (1893 -1988) a partir d'extraits concentres de foie. D'autres essais montrerent que la molecule contenait de 1'AMP, trois groupes phosphate et un residu terminal amine avec un groupe thiol libre, la mercaptoethylamine. La structure complete du coenzyrne A fut publiee en 1952 par BADDILEY, TAIN, NOVELLI et LIPMANN dans la revue Nature (vol. 171, p. 76). Paul BERG etendit en 1956 aux acides gras a longue chaine le principe d'activation par le coenzyme A suivant la reaction generate : Tres rapidement differents groupes dont ceux de Feodor LYNEN en Allemagne et de David GREEN (1910-1983) aux Etats-Unis decrypterent la serie des reactions qui, par p-oxydation, aboutit a 1'amputation iterative de chainons dicarbones (Figure IV. 14). Au plan des reactions chimiques, on retrouvait les memes reactions que celles qui avaient ete decrites par KNOOP, puis par DAKIN quarante ans plus tot. L'apport nouveau concernait la mise en evidence de derives actives par le coenzyme A, 1'identification des enzymes et des coenzymes responsables, ainsi que la localisation des reactions dans le compartiment mitochondrial des cellules eucaryotes.

7.1.2. L'enigme des corps cetoniques Dans le milieu des annees 1940, le principe de la degradation des acides gras a longue chaine etait solidement etabli. Theoriquement un acide gras a nombre pair d'atomes de carbone devait subir une degradation totale en groupes acetate. Or, Henry DAKIN avait decouvert qu'il n'en etait pas ainsi dans le foie et que dans cet organe s'accumulaient de 1'acetoacetate et du (3-hydroxybutyrate. En utilisant des preparations de mitochondries de foie de rat, LEHNINGER avait egalement observe une accumulation d'acetoacetate et de (3-hydroxybutyrate a partir de palmitate. L'idee qui prevalait a cette epoque etait que 1'acetoacetate et le p-hydroxybutyrate, produits a partir d'acides gras a longue chaine dans le foie etaient vehicules a partir du foie par le courant sanguin. Us etaient pris en charge par les muscles et les reins qui les degradaient en acetate. La

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

premiere entorse a cette idee vint d'une experience isotopique realisee en 1944 par Sidney WEINHOUSE (n. 1909). Cette experience consistait a analyser le destin du groupement carboxylique marque par 13C dans 1'acide octanoi'que mis en incubation avec des tranches fines de foie de rat. Le carbone 13C etait retrouve a la fois dans le groupe carboxylique terminal de 1'acetoacetate et dans son groupe carbonyle en p. En supposant que 1'acetoacetate soit forme essentiellement par degradation de 1'octanoate, on aurait du retrouver le carbone 13C uniquement dans le groupe carboxylique. La presence de 13C dans le groupe carbonyle en position (3 suggerait que 1'acetoacetate etait forme par condensation de deux molecules d'acetate. En 1953, David GREEN et ses collaborateurs, a Madison, demontrerent que 1'acetyl-CoA etait le substrat implique dans la reaction de condensation :

7.1.3. Le role de la carnitine dans I'oxydation des acides gras En 1950, Einar LUNDSGAARD a Copenhague observa qu'un facteur de petit poids moleculaire present dans un perfusat de muscle augmentait notablement la consommation d'oxygene du foie perfuse. Son collaborateur, Irving FRITZ, testa 1'effet de differents composes provenant d'un extrait de muscle sur la respiration d'un extrait de foie en presence d'acides gras. II en arriva a la conclusion que la carnitine etait la seule molecule capable d'un effet stimulant specifique. La carnitine venait d'etre identified comme facteur de croissance necessaire a la metamorphose du ver de farine, Tenebrio molitor, et, de plus, on savait qu'elle etait un composant quantitativement important dans le tissu musculaire. L'effet stimulant de la carnitine sur I'oxydation des acides gras, evident sur des mitochondries intactes, disparaissait avec des mitochondries traitees de fac.on a les permeabiliser. La carnitine etait done impliquee dans un mecanisme de transport des acides gras. Par la suite, on decouvrit qu'il existait au niveau de la membrane mitochondriale interne un transporteur proteique specifique pour 1'acylcarnitine ainsi que deux transferases capables de catalyser deux reactions successives d'echange de groupe acyl entre CoA et carnitine. Sur la face externe de la membrane interne, une premiere transferase convertissait 1'acyl-CoA en acyl-carnitine. L'acyl-carnitine etait transporte par son transporteur specifique a travers la membrane mitochondriale interne et reconvertie a sa sortie en acyl-CoA par une deuxieme transferase. A 1'interieur de la mitochondrie, 1'acyl-CoA etait alors degrade par (3-oxydation.

7.1.4. Ressemblances chimiques et dissemblances enzymatiques entre synthese et degradation des acides gras On a longtemps pense que la p-oxydation des acides gras a longue chaine et leur synthese utilisaient les memes reactions et les memes enzymes. Au plan des transformations strictement chimiques, les reactions qui allongent la chaine des acides gras precedent effectivement a 1'inverse de celles qui amputent cette

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chaine par p-oxydation. La synthese met en ceuvre d'abord la fixation d'un chainon dicarbone a 1'extremite carboxyl terminal d'un chaine grasse, la reduction du groupe -CfiO-CaH2- faisant apparaitre une fonction alcool secondaire CHOH-CH2-, puis une deshydratation amenant la formation d'une double liaison -CH=CH- suivie d'une reduction en -CH2-CH2-. Si le canevas des reactions de la synthese des acides gras est identique a celui de leurs reactions de degradation, les enzymes mis en ceuvre sont par contre differents, ainsi qu'est differente leur localisation intracellulaire. A la fin des annees 1950, Salih WAKIL (n. 1927), qui travaillait a cette epoque dans le laboratoire de David GREEN a Madison, montra que la synthese des acides gras demarrait avec une reaction de carboxylation de 1'acetyl-CoA en malonyl-CoA : COOH-CH2-CO-S-CoA. Cette reaction necessitait une vitamine, la biotine, qui prenait en charge le CC>2 et le transportait sur 1'acetyl-CoA. Un autre biochimiste americain, Roy VAGELOS (n. 1929) decouvrait qu'un peptide appele Acyl-Carrier-Protein ou ACP possedait une extremite thiol libre comme le coenzyme A et se substituait au coenzyme A lors de 1'allongement de la chaine carbonee. C'etait done sous des formes activees differentes que procedaient les reactions de synthese et de degradation des acides gras, acyl-ACP dans la synthese et acyl-CoA dans la degradation. Une autre difference tenait au fait que les enzymes de la degradation etaient dissocies les uns des autres alors que les enzymes impliques dans la synthese etaient associes sous forme d'un complexe dont la composition et la structure sont abondamment commentees dans la litterature moderne. Enfin, au plan de la compartimentation intracellulaire, les reactions de degradation etaient localisees dans les mitochondries alors que celles de synthese 1'etaient dans le cytosol. Dans un autre ordre d'idee, des experiences portant sur la nutrition, menees chez des rats au debut des annees 1930, conduisirent a la conclusion que certains acides gras non satures, comme 1'acide linoleique et 1'acide linolenique, devaient etre incorpores au regime sous peine de graves lesions cutanees et d'arret de la croissance. Ces acides gras furent baptises acides gras essentiels. Leur defaut de synthese a partir d'acides gras satures chez les mammiferes est du au fait que ceux-ci ne possedent pas les desaturases necessaires a cette transformation.

7.1.5. Les premieres incursions dans le domaine des sterols Quand on traite des tissus animaux ou vegetaux par une solution de soude, la plupart des especes lipidiques sont converties en "savons hydrosolubles". Une partie, toutefois, resiste a la saponification. Ce materiel insaponifiable est extractible par des solvants organiques. Cette procedure experimentale connue au XIX e siecle avait permis au chimiste frangais Eugene CHEVREUL d'isoler en 1815 a partir de calculs biliaires un lipide insaponifiable auquel il avait donne le nom de cholesterine (du grec \o\r\ = bile et arepeoc = solide). Au debut du XXe siecle, le terme cholesterol fut adopte par la litterature anglo-saxone, puis

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generalise. La formule brute du cholesterol, €27^50 etait connue en 1890. II faudra cependant attendre quarante ans pour en avoir la formule developpee. La difficulte tenait a plusieurs raisons : le grand nombre d'atomes de carbone, 1'existence de plusieurs cycles juxtaposes et la difficulte de purification des produits de clivage a des fins d'analyse. Adolf WINDAUS E171 (1876 - 1959) a Fribourg, Otto DIELS t18! (1876 - 1954) a Kiel, tous deux anciens eleves d'Emil FISCHER, ainsi qu'Heinrich WIELAND a Munich, lui-meme eleve d'Adolf VON BAEYER, furent des pionniers dans 1'elucidation de la structure du cholesterol. Leurs travaux qui s'echelonnent entre la fin de la premiere guerre mondiale et 1930 permirent d'ebaucher une structure polycyclique avec une courte chaine laterale branchee. Cette structure fut contestee par le cristallographe britannique John BERNAL en 1932 sur la base de diagrammes de diffraction de rayons X obtenus avec des cristaux de cholesterol. En 1933, deux chimistes de Londres, Otto ROSENHEIM (1871 -1955) et Harold KING (1887 -1956) apporterent la derniere pierre qui permit en accord avec les donnees de la cristallographie de batir la formule detaillee du cholesterol. En 1951, Robert ROBINSON t19! (1886 -1975) a Oxford et Robert WOODWARD I20! (1917 - 1981) a Harvard decrivent la synthese du cholesterol par voie chimique. Chez un homme adulte de 70 kg, la quantite de cholesterol presente est de 250 g. Par comparaison, les hormones steroides sont presentes a Fetat de traces. La premiere hormone stero'ide male cristallisee, 1'androsterone, le fut en 1931 par Adolf BUTENANDT t21! (n. 1903) qui en recolta 15 mg a partir de 15 000 litres d'urine. En 1934, BUTENANDT isolait la progesterone. La encore des quantites considerables de materiel avaient ete necessaires; 625 kg de tissu ovarien preleve a partir de 50 000 truies avaient permis d'obtenir 20 mg de 1'hormone pure. 7.2. LES PREMIERS PAS DANS L 'EXPLORATION DES ACIDES

DU

CATABOLISME

AMINES

Au debut du XX e siecle subsistait toujours le doute de savoir si les animaux etaient capables de fabriquer leurs propres proteines a partir d'acides amines endogenes ou d'importer leurs proteines obligatoirement a partir des plantes. C'est autour de cette question que furent decouvertes deux categories d'acides amines, ceux denommes non indispensables c'est-a-dire fabriques par 1'animal, les autres denommes indispensables c'est-a-dire devant etre necessairement fournis par 1'alimentation, ceci du fait d'une disparition des genes responsables

[17] [18] [19] [20] [21]

Adolf WINDAUS, Prix Nobel de chimie (1928). Otto DIELS et Kurt ALDER, Prix Nobel de chimie (1950). Robert ROBINSON, Prix Nobel de chimie (1947). Robert WOODWARD, Prix Nobel de chimie (1965). Adolf BUTENANDT et Leopold RUZICKA, Prix Nobel de chimie (1939).

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de leur synthese au cours de revolution. Une autre ligne importante de recherche concerna le destin du groupe amine des acides amines, c'est-a-dire son excretion sous forme d'uree ou son apparition transitoire sous forme d'ammoniac ou bien encore son echange avec la fonction cetonique de diacides carboxyliques comme 1'acide glutamique ou 1'acide aspartique par transamination.

7.2.1. Acides amines indispensables et acides amines glycogeniques et cetogeniques En 1815, une grave penurie de viande sevissait a Paris. L'Academie des sciences chargea MAGENDIE et VAUQUELIN de rechercher des produits de substitution, capables d'apporter un complement adequat en materiaux azotes dans la ration alimentaire. C'est ainsi que la gelatine, une proteine extraite d'os bouillis, fut testee. Son pouvoir nutritif compare a celui de la viande se revela mediocre. II s'averait done que les proteines de la viande contenaient des especes chimiques de haute valeur nutritionnelle, absentes dans la gelatine. La solution a cette enigme viendra un siecle plus tard avec la notion d'acides amines indispensables. En 1908, Frederick HOPKINS realisa une experience simple qui consistait a nourrir des souris avec un regime dont la partie proteique etait constitute essentiellement de zeine, une proteine extraite du mai's, ne contenant ni tyrosine, ni tryptophane. Les souris nourries avec ce regime ne survivaient que quelques jours. L'addition de tryptophane leur assurait une survie dix fois plus longue. Par centre, la tyrosine etait sans effet. Ce sont les experiences systematiques de 1'Americain William ROSE (1887 -1985) a 1'universite de 1'Illinois a Urbana qui mirent le point final en 1938 a la notion d'acides amines indispensables chez les mammiferes, grace a 1'identification d'une dizaine au total de ces molecules (lysine, tryptophane, histidine, phenylalanine, leucine, isoleucine, threonine, methionine, valine, et arginine) sur la vingtaine qui entrent dans la composition des proteines. Les dix autres acides amines peuvent etre synthetises par les mammiferes a partir de leurs propres reserves azotees et carbonees.La notion d'acides amines glycoformateurs date des experiences de Claude BERNARD sur des chiens nourris exclusivement avec un regime a base de proteines animales. Ces experiences montraient que le niveau de glucose dans le sang etait maintenu a une valeur constante malgre 1'absence de sucre dans un tel regime. Dans les annees qui suivirent, MERING obtint un pseudo diabete induit chez le chien par injection d'un poison vegetal, la phlorizine. Le glucose etait elimine en abondance dans 1'urine, par perte de sa reabsorption au niveau des tubules renaux. Ce defaut physiologique, induit experimentalement par empoisonnement avec la phlorizine, devint au debut du XXe siecle une technique astucieuse pour tester 1'incidence de certains regimes sur le metabolisme glucidique. Ainsi en 1910, Graham LUSK (1866 -1932) en utilisant la phlorizine put montrer que la glycine, 1'alanine, les acides glutamique et aspartique etaient convertis, apres

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

desamination, en glucose excrete dans 1'urine. Par la suite, cette liste fut completee et portee a une quinzaine d'acides amines glycoformateurs (alanine, glycine, arginine, aspartate, asparagine, cysteine, glutamate, glutamine, histidine, methionine, proline, serine, threonine, tryptophane et valine). D'une fac.on generale, les acides amines glycoformateurs apres desamination sont convertis directement ou indirectement en oxaloacetate, le metabolite cle a partir duquel est initiee la gluconeogenese (Figure IV.10). Certains acides amines glycoformateurs sont egalement cetogeniques, c'est-adire que leur catabolisme debouche a la fois sur le glucose et 1'acetoacetate. Ces acides amines glycoformateurs et cetogenes sont 1'isoleucine, la phenylalanine et la tyrosine. Un seul, la leucine, apparait strictement cetogenique. Ainsi, le squelette carbone de la plupart des acides amines participe au metabolisme des glucides ou a celui des acides gras.

7.2.2. La controverse du destin metabolique des proteines alimentaires (exogenes) et des proteines tissulaires (endogenes) Le developpement de la medecine sociale dans certains pays d'Europe a la fin du XIXe siecle, conjugue a des progres constants en chimie physiologique, est a 1'origine d'etudes sur la valeur nutritionnelle d'aliments riches en proteines et de la notion d'equilibre azote. Ces etudes furent initiees en Allemagne et rapidement relayees aux Etats-Unis. A Munich, le physiologiste Carl VOIT (1831 -1908) avait bati une theorie selon laquelle les proteines obeissaient a deux types de metabolisme selon leur origine alimentaire ou tissulaire. Cette theorie fut exposee en 1881 dans un ouvrage qui traitait de la physiologie du metabolisme et de la nutrition. Elle fut reprise et erigee en dogme par le physiologiste americain d'origine suedoise Otto FOLIN. FOLIN, en charge d'un service de psychiatrie dans un hopital du Massachusetts, avait decide de rechercher si des desordres mentaux etaient refletes par 1'excretion dans 1'urine de metabolites particuliers. Dans les annees 1920, il occupa la chaire de chimie physiologique de 1'universite Harvard. Effectuant des controles chez des sujets sains, il fut conduit a observer qu'il existait des variations considerables dans la teneur en uree et quelques autres especes moleculaires, selon le regime alimentaire des sujets, mais que la concentration de creatine ne variait pratiquement pas. A 1'instar de VOIT, FOLIN postula qu'il existait deux types de catabolisme azote. L'un etait caracterise par 1'elimination d'uree que 1'on supposait provenir essentiellement des proteines alimentaires et qui, par consequent, variait en quantite selon 1'abondance des proteines ingerees. L'autre type de catabolisme azote, reperable par 1'elimination de creatine, etait relativement stable; on supposait qu'il dependait d'une degradation lente, mais permanente des proteines tissulaires. Des nutritionnistes de renom comme Thomas OSBORNE (1859 -1929) et Benedict MENDEL (1872 - 1931) qui s'occupaient de bilans azotes n'opposerent pas d'objections a la theorie dualiste des proteines endogenes et exogenes de FOLIN.

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A la fin des annees 1930, grace a 1'incorporation dans 1'alimentation animale d'acides amines marques par 1'azote 15N et le deuterium, il devint possible de distinguer de fac,on non ambigue proteines endogenes et proteines exogenes. Le principal artisan de cette avancee technique fut Rudolph SCHOENHEIMER. Apres sa these de medecine soutenue a Berlin en 1922, SCHOENHEIMER se specialise en chimie organique. En 1926, il occupe un poste d'assistant dans le laboratoire de Ludwig ASCHOFF (1866 -1942) a 1'Institut d'anatomie pathologique de Fribourg ou il travaille sur le metabolisme des sterols. En 1933, la montee de la dictature en Allemagne 1'oblige a emigrer aux Etats-Unis. II est accueilli par Harold UREY, le decouvreur du deuterium, a 1'universite Columbia. C'est dans le Departement dirige par UREY que SCHOENHEIMER avec son collegue David RITTENBERG developpe un groupe de recherche dont le but est d'elucider les voies du metabolisme intermediaire grace a 1'utilisation de molecules marquees. En 1939, parait dans la revue americaine Journal of Biological Chemistry (vol. 130, pp. 703-732), un article fondamental signe par

SCHOENHEIMER, RATNER et RITTENBERG et intitule: "Studies in protein metabolism X. The metabolic activity of body proteins investigated with L(-)leucine containing two isotopes". Les auteurs avaient prepare de la leucine doublement marquee par le deuterium dans sa chaine carbonee et par 1'azote 15 N dans son groupe amine. L'experience portait sur quatre rats nourris avec de la caseine a laquelle avait ete ajoutee la leucine doublement marquee. Au bout de trois jours, les rats etaient sacrifies. Les proteines etaient extraites de differents organes et leur contenu en isotopes etait determine. Les auteurs retrouvaient une forte proportion de proteines doublement marquees dans tous les tissus analyses. L'azote 15N et le deuterium etaient presents dans la leucine et egalement dans certains acides amines comme 1'aspartate ou le glutamate ou encore 1'arginine. En somme, 1'azote alimentaire apporte par la leucine entrait dans les proteines tissulaires. De plus, 1'azote urinaire representait un melange resultant de 1'interaction de 1'azote alimentaire avec 1'azote tissulaire. Ces resultats invalidaient 1'hypothese dualiste de FOLIN. La vitesse de renouvellement des proteines depend des tissus ou elles sejournent. Chez le rat, le temps requis pour le renouvellement de la moitie des proteines du foie, c'est-a-dire la demi-vie, est de 5 jours, tandis que pour les proteines musculaires, la demi-vie est de 21 jours. Chez I'homme, on considere que dans le foie la demi-vie des proteines est de 10 jours dans le foie et de 180 jours dans le tissu musculaire.

7.2.3. A la recherche du destin du groupe amine des acides amines : desamination oxydative et transamination C'est d'une fac.on indirecte, a partir d'experiences visant a comprendre la base moleculaire de 1'alcaptonurie, une maladie dont la transmission hereditaire etait deja connue (Chapitre III) que fut decouvert le mecanisme de la desamination des acides amines.

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Au tournant du XXe siecle, differents groupes de biochimistes allemands avaient identifie 1'acide homogentisique comme 1'espece moleculaire responsable de la coloration noire de 1'urine de sujets alcaptonuriques. Us avaient suggere que la phenylalanine et la tyrosine devaient etre des precurseurs de 1'acide homogentisique car 1'addition de ces deux acides amines au regime alimentaire de patients alcaptonuriques augmentait tres nettement la quantite d'acide homogentisique excretee. Sur cette base, en perfusant le foie de chien avec des solutions de phenylalanine (C 6 H 5 -CH 2 -CH(NH 2 )COOH) et de tyrosine (C6H5(OH)-CH2-CH(NH2)COOH)/ 1'Allemand Otto NEUBAUER (1874 - 1957) fit en 1909 la surprenante observation que le liquide issu de la perfusion contenait de 1'acide phenylpyruvique, CftHs-Cf^-CO-COOH, et de 1'acide hydroxyphenylpyruvique, C6H4(OH)-CH2-CO-COOH. Ces deux acides a-cetoniques provenaient tres probablement de la desamination oxydative de la phenylalanine et de la tyrosine. En 1935, Hans KREBS apporta une premiere contribution au mecanisme de la formation d'acides a-cetoniques a partir d'acides amines. Dans des experiences ou des tranches fines de foie et de rein de rats etaient mises en incubation dans un milieu physiologique en presence de diverses especes d'acides amines, KREBS determina qu'une molecule d'oxygene etait consommee et deux molecules d'ammoniac etaient formees en meme temps que 1'acide amine etait converti en acide a-cetonique selon la reaction : Curieusement, cette desamination oxydative etait beaucoup plus rapide pour les acides amines de la serie D (non naturels) que pour les acides amines de la serie L (naturels). On demontra par la suite que la specificite d'attaque des acides amines L et D etait liee a deux categories differentes d'oxydases. La faible activite des oxydases des acides amines naturels laissait supposer qu'il devait exister une autre voie de desamination des acides amines naturels. Au biochimiste russe Aleksander BRAUNSTEIN (1902 -1986) et a sa collegue Maria KRITZMANN (1904 -1971) revient le merite d'avoir montre, en 1937, qu'il existait dans des homogenats de muscle de pigeon et de lapin un echange reversible du groupe amine des acides amines (a 1'exception de la glycine) avec le groupe cetonique de 1'a-cetoglutarate ou de 1'oxaloacetate selon la reaction :

L'enzyme responsable de cette reaction fut appele transaminase, puis amino transferase. En 1945, Fritz SCHLENK et Esmond SNELL identifierent le coenzyme de la transaminase au pyridoxal phosphate, une molecule cyclique porteuse d'un groupe aldehydique. Au cours de la reaction de transamination, le groupe aldehydique est echange avec le groupe amine de 1'acide amine, et le pyridoxal phosphate est converti en pyridoxamine phosphate.

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En 1952, une NAD deshydrogenase specifique du glutamate, la glutamate deshydrogenase, fut isolee par Christian ANFINSEN. Cette glutamate deshydrogenase catalysait non seulement la deshydrogenation, mais aussi la desamination du glutamate : La reaction catalysee par la glutamate deshydrogenase (a), couplee a celle catalysee par la transaminase specifique de I'oc-cetoglutarate (b), se revela etre le pivot de la desamination oxydative des acides amines. La somme (c) des deux reactions partielles (a) et (b) correspondait a une desamination oxydative de 1'acide amine en acide oc-cetonique et a la reduction du NADOX :

7.2.4. La decouverte du cycle de I'uree Lorsque Hans KREBS t16! entreprit 1'etude de la synthese de I'uree CO(NH2)2 en 1931, les hypotheses les plus hasardeuses avaient cours, par exemple, la formation d'uree par deshydratation de carbonate d'ammonium CC^NH^ ou de carbamate d'ammonium (NH^-COCT, NH4+). Le merite de KREBS est d'avoir montre que I'uree est synthetisee dans un cycle de reactions, une forme de metabolisme qui etait inconnue a cette epoque. C'est ainsi que la decouverte du cycle de 1'uree s'inscrivit comme une etape fondamentale dans la logique du metabolisme. KREBS la considera comme sa contribution scientifique majeure. C'etait une decouverte d'autant plus remarquable qu'elle emanait d'un jeune medecin a peine emoulu de ses etudes universitaires. Apres avoir termine ses etudes medicales et suivi un enseignement de chimie, KREBS entre en 1926 dans le laboratoire d'Otto WARBURG a Berlin. C'est dans ce centre prestigieux qu'il apprend la fameuse technique des tranches fines de tissus et leur utilisation pour la mesure de la respiration cellulaire par la methode manometrique mise au point par WARBURG (Chapitre IV-5). En 1930, KREBS travaille dans un laboratoire de chimie clinique a Hambourg, et en 1931, il est recrute comme assistant par Siegfried TANNHAUSER (1885 -1982) a 1'universite de Fribourg-en-Brisgau pour developper des analyses biochimiques en rapport avec des investigations cliniques. C'est la ^' WARBURG que debutent ses recherches sur la biosynthese de I'uree. En dehors de 1'aspect conceptuel interessant de ce probleme, 1'aspect methodologique joua un role non negligeable dans le choix du sujet. La

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molecule d'uree etait de structure relativement simple et sa synthese dans le foie etait rapide par rapport a celle d'autres metabolites. D'autre part, le dosage de 1'uree etait de pratique facile : une solution d'urease a pH 5 permettait de decomposer 1'uree, et le volume de CO2 degage etait mesure a 1'aide de 1'appareil manometrique de WARBURG (Figure IV.6). En fonction des connaissances limitees a cette epoque, des questions simples et precises pouvaient etre posees. Est-ce que rammoniac est un intermediaire obligatoire dans la conversion des acides amines en uree ? Est-ce que les bases pyrimidiques, qui font partie des acides nucleiques, sont convertibles en uree, les bases puriques etant de leur cote degradees en acide urique ? Avec 1'aide d'un etudiant en medecine, Kurt HENSELEIT (1907 -1973), qui preparait sa these, KREBS commenc,a a experimenter sur des tranches fines de foie de rat dans un milieu salin qu'il avait mis au point et dont la composition ionique etait proche de celle du serum sanguin. Par rapport au milieu classique de TYRODE ou de RINGER, le milieu de KREBS etait enrichi en bicarbonate de sodium. A ce milieu etait ajoute une selection d'acides amines et du chlorure d'ammonium comme donneur d'ammoniac. C'est au cours de ces experiences que KREBS observa une rapide formation d'uree quand 1'ornithine etait ajoutee dans le milieu. Get effet de 1'ornithine lui fit H. KREBS penser a une publication de KOSSEL et DA KIN (1900 -1981) datant de 1904 dans laquelle les auteurs avaient decrit le clivage de 1'arginine en ornithine et uree, en presence d'arginase extraite de foie. Dans les premieres experiences de KREBS, la concentration d'ornithine utilisee etait relativement elevee. L'effet de la concentration en ornithine sur la synthese d'uree fut exploree en detail. Fait etonnant, a tres faible concentration, 1'ornithine etait toujours capable de stimuler la synthese d'uree : en presence d'une seule molecule d'ornithine, une vingtaine de molecules d'uree pouvaient s'accumuler. II etait evident qu'il n'existait pas une simple relation stoechiometrique entre la disparition d'ornithine et la formation d'uree et que 1'ornithine se comportait comme un catalyseur. Raisonnant sur le mode d'action d'un catalyseur, KREBS fut guide par 1'idee que 1'ornithine devait faciliter la formation d'intermediaries dans la synthese de 1'uree, et reapparaitre comme produit au terme d'un cycle ou 1'arginine jouait le role d'intermediaire. Dans un tel cycle, une molecule de CC>2 et deux molecules de Nti^ se retrouvaient dans 1'uree CO(NH2)2- La reaction pouvait s'ecrire : La synthese de 1'ornithine pouvait etre decomposee en reactions partielles dont 1'une etait la formation d'un produit de condensation d'ornithine, de CC>2 et de NH3 : COOH-CH(NH2)-(CH2)3-NH-CO-NH2 (Figure IV.12).

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Ce schema correspond au premier cycle de 1'uree, formule en 1932 par H.A. KREBS suite a la decouverte que 1'ornithine et la citrulline se comportaient comme des catalyseurs regeneres a chaque tour de cycle. Dans un tour de cycle, une molecule d'uree CO(NH2 )2 est synthetisee a partir d'une molecule de CO2 et deux molecules de NH3.

Figure IV.12 - La decouverte du premier cycle metabolique : le cycle de 1'uree (d'apres H.A. KREBS et K. HENSELEIT, 1932)

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Le produit de condensation suspecte par KREBS avait une realite. C'etait la citrulline, une substance dont la purification a partir de pasteques avait ete decrite en 1930 par le biochimiste japonais Mitsunori WADA (1896 - 1987). KREBS obtint de WADA quelques milligrammes de citrulline afin de tester si cette substance accelerait la synthese de 1'uree a 1'instar de l'ornithine. C'etait effectivement le cas. Le cycle de 1'ureogenese ou 1'uree etait formee a partir d'une molecule de CO2 et de deux molecules de NHs, avec les intermediaires ornithine, citrulline et arginine fut public en 1932 dans la revue allemande Zeitschrift fur physiologische Chemie (vol. 210, pp. 33-66) (Figure IV.12). Apprenant la decouverte de KREBS, KNOOP, le decouvreur de la (3-oxydation des acides gras, declara qu'il se sentait stupide de ne pas avoir pense a une solution aussi simple et aussi elegante pour la synthese de 1'uree. Dans les annees 1950, aux Etats-Unis, une exploration poussee de differentes etapes de 1'ureogenese revela une complexite reactionnelle insoupc,onnee, mais la structure meme du cycle resta inchangee. En 1954, Sarah RATNER montra que, dans la conversion de la citrulline en arginine, ce n'etait pas 1'ammoniac libre qui etait utilise, mais le groupement amine de 1'acide aspartique. En 1955, Mary Ellen JONES (1922 -1996) et Leonard SPECTOR (n. 1918), dans le groupe de Fritz LIPMANN, decouvrirent que, dans la premiere etape du cycle de 1'uree, les molecules de NHs et de CC>2 reagissaient en presence d'ATP pour former un produit de condensation, le carbamyl phosphate suivant la reaction : Par condensation du groupe carbamyl du carbamylphosphate avec I'ornithine, la citrulline etait formee. L'enzyme catalysant la reaction de synthese du carbamylphosphate, une carbamylphosphate synthetase, fut localise dans le compartiment mitochondrial alors que 1'arginase qui clivait Targinine en ornithine et uree etait trouvee uniquement dans le compartiment cytosolique. L'analyse du va-et-vient des metabolites impliques dans le cycle de Turee entre les mitochondries et le cytosol fit 1'objet d'etudes intensives dans les annees 1960 -1970. Le cycle de 1'uree etait le premier cycle metabolique a etre mis en evidence. Depuis des dizaines d'autres ont ete decouverts dont le plus fameux est le cycle des acides tricarboxylique egalement decouvert par KREBS. 7.3.

UNE PERCEE TECHNIQUE DES ANNEES 1950 DANS L'ANALYSE DU METABOLISME : LE RADIOMARQUAGE

ISOTOPIQUE

Jusqu'en 1940, 1'etude des reseaux metaboliques portait essentiellement sur 1'inventaire des intermediaires et de leur emplacement dans des chaines ou dans des cycles. Dans ce but, on utilisait des inhibiteurs d'enzymes capables de bloquer de fac.on selective des reactions a des endroits determines, ce qui aboutissait a 1'accumulation des metabolites en amont du site d'inhibition.

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

381

Comme on Ta vu dans le cas des acides gras, grace a 1'utilisation d'une "etiquette moleculaire de marquage" fixee sur la chaine carbonee, d'interessants renseignements sur le mode de degradation de la chaine grasse avaient ete obtenus, qui avaient abouti au concept de la p-oxydation. II s'agissait la d'un cas exceptionnellement favorable, car une etiquette moleculaire fixee sur un metabolite n'est pas obligatoirement innocente. L'utilisation systematique des isotopes radioactifs a partir des annees 1950 fut une avancee technique majeure qui permit de suivre le destin d'une grande variete de molecules dans les circuits metaboliques. La figure IV.13 illustre a titre d'exemples le destin des atomes de carbone de Tacetate dans la synthese du cholesterol et dans celle de Theme des hemoproteines comme Themoglobine, ainsi que le destin des carbones du groupe methylene de la glycine et de 1'azote de son groupe amine dans la synthese de Theme. C'est dans les annees 1940 que debutent les recherches sur la biosynthese du cholesterol. Les artisans en furent aux Etats-Unis Konrad BLOCH t15! (1912 - 2000), un eleve de SCHOENHEIMER, et en Grande-Bretagne John CORNFORTH (n. 1917) et Georges POPJAK (n. 1914). Avec RITTENBERG, BLOCH montre en 1942 que Tacetate deutere injecte a des rats se retrouve incorpore dans le cholesterol. A cette epoque, on disposait deja de quelques pistes. Le nutritionniste Harold CHANNON (1897 -1979) avait constate que la concentration des tissus en cholesterol augmentait tres sensiblement chez des rats nourris avec du squalene, une graisse insaponifiable extraite du requin. La molecule de squalene consiste en une longue chaine, C^H^Q, partiellement insaturee, ou Ton peut reconnaitre une suite de groupes isoprene, [CH2=C(CH3)-CH=CH2]. Ce motif pentacarbone avait ete trouve par le chimiste suisse Leopold RUZICKA t21! (1887 -1976) dans des diterpenes et triterpenes naturels. Des lors, 1'hypothese de 1'isoprene comme motif repetitif dans le cholesterol prenait corps. Au debut des annees 1950, Konrad BLOCH et ses collaborateurs realiserent des experiences d'incubation de 1'acetate marque par du 14C avec des tranches fines de foie de rat. Les carbones de Tacetate se retrouvaient dans la totalite du squelette carbone du cholesterol. Sur les 27 atomes de carbone du cholesterol, 15 provenaient du groupe methyl de Tacetate et 12 du groupe carboxyle. Avec BLOCH, CORNFORTH et POPJAK, les travaux se poursuivirent par la dissection complete de la molecule de cholesterol radiomarquee metaboliquement avec de 1'acetate contenant le carbone 14C soit dans le groupe methyle, soit dans le groupe carboxylique. Un evenement inattendu vint faciliter la besogne. En 1956, Karl FOLKENS (1906 - 1997), qui etudiait la fermentation bacterienne identifia par chance un compose a 6 atomes de carbone, 1'acide mevalonique, COOH-CH2-C(CH3)(OH)-CH2-CH2OH, en tant que facteur de croissance pour le lactobacille. Or, 1'acide mevalonique se revela etre aussi un intermediaire cle dans la synthese du cholesterol. L'echeveau des reactions commenga alors a se denouer. Un premier schema pouvait etre construit dans lequel trois molecules d'acetate (2C) sous forme activee par le coenzyme A (acetyl-CoA) se condensaient pour former le mevalonate (6C). Celui-ci, apres phosphorylation, etait

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

La localisation des atomes de carbone de 1'acetate dans la molecule de cholesterol fut deduite d'experiences isotopiques utilisant de 1'acetate marque par 14C soit dans le groupe methyl ( •), soit dans le groupe carboxylique (o).

La localisation des atomes de carbone de 1'acetate et de la glycine dans 14 la molecule d'heme fut deduite d'experiences isotopiques utilisant 1'acetate marque par C dans le groupe methyl (•) ou dans le groupe carboxylique (o), ainsi que la glycine marquee par *4C dans le groupe methylene (+). Les atomes d'azote de 1'heme proviennent du groupe amine de la glycine. Figure IV.13 - Marquage isotopique de biomolecules

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

383

decarboxyle en un compose a 5C, 1'isopentenylpyrophosphate. Des reactions de condensation iteratives fournissaient un compose a IOC, le geranyl pyrophosphate, puis un compose a 15C, le farnesylpyrophosphate. La condensation de deux molecules de farnesylpyrophosphate apres dephosphorylation aboutissait au squalene (30C) deja soupc.onne d'etre un intermediate de la synthese du cholesterol. L'attaque du squalene par de 1'oxygene entrainait sa cyclisation et, apres quelques autres modifications, le cholesterol apparaissait sous sa forme definitive. Pratiquement a la meme epoque ou se deroulaient les travaux sur la biosynthese du cholesterol, David SHEMIN (1911 - 1991) avec David RITTENBERG explorerent la provenance des differents atomes qui constituent la molecule d'heme. Comme dans le cas du cholesterol, 1'acetate intervenait comme donneur d'atomes de carbone. A cote de 1'acetate, la glycine fournissait egalement des atomes de carbone ainsi que 1'azote. Formes a partir de 1'acetate et de la glycine, le succinyl-coenzyme A (COOH-CH2-CH2-CO-CoA) et 1'aminolevulinate (NH2-CH2-CO-(CH2)2-COCT) furent identifies par SHEMIN comme des precurseurs immediats de 1'heme. Le marquage metabolique mettait en evidence le fait que des molecules organiques particulierement complexes comme le cholesterol et 1'heme tiraient leur origine de materiaux moleculaires aussi simples que 1'acetate et la glycine.

8. LES RECHERCHES SUR LA RESPIRATION

CELLULAIRE

DANS LES ANNEES 1910 - 1940 Les premieres etudes sur le catabolisme cellulaire du glucose avaient revele 1'accumulation, en anaerobiose, d'ethanol dans le cas de la levure et d'acide lactique dans le cas du muscle. En passant a des conditions d'aerobiose, les quantites accumulees d'ethanol ou bien d'acide lactique diminuaient considerablement. Dans le cas de la levure, le rendement de croissance etait nettement augmente. Ce phenomene auquel fut donne le nom d'effet PASTEUR pouvait etre explique si 1'on admettait qu'il existait en aerobiose une meilleure recuperation d'energie utilisable du fait de 1'oxydation de metabolites issus de la degradation du glucose. Cette oxydation correspondait a la respiration cellulaire. Deux decouvertes majeures dans les annees 1910 -1940 contribuerent a eclairer le mecanisme moleculaire de la respiration cellulaire. La premiere decouverte fut que 1'oxygene moleculaire ne se combine pas directement avec les atomes de carbone des metabolites pour donner le gaz carbonique CO2 comme ceci se produit pour la combustion du charbon, mais qu'il est reduit en eau par des electrons provenant d'atomes d'hydrogene libere par des deshydrogenases a partir de metabolites selon la reaction globale :

384

LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

La deuxieme decouverte concernait 1'identification d'une source majeure d'electrons alimentant la respiration cellulaire. II s'agissait de metabolites issus de la degradation du pyruvate dans un cycle de reactions appele par KREBS cycle de Facide citrique et plus tard cycle des acides tricarboxyliques ou cycle de KREBS. 8.1. LES PREMIERES THEORIES SUR LA RESPIRATION

CELLULAIRE

Comment des molecules de sucre, de graisse, de proteine qui sont parfaitement stables a Fair sont-elles rapidement degradees par oxydation dans des cellules vivantes ? A la fin du XIX e siecle, differentes theories furent proposees pour expliquer ce paradoxe. Le chimiste allemand Felix HOPPE-SEYLER avait imagine qu'il se formait dans les tissus de 1'hydrogene naissant capable de cliver 1'oxygene en deux atomes dont 1'un participait a la formation de 1'eau et 1'autre agissait comme un oxydant. Le biologiste Aleksei BACH (1857 -1943) avait postule que 1'eau oxygenee devait intervenir comme un materiel oxydant. Le medecin et chimiste allemand Paul EHRLICH, reconnu comme 1'un des pionniers de l'immunologie humorale, avait decrit la capacite des cellules vivantes a modifier la coloration de colorants vitaux comme le bleu d'alizarine ou 1'indophenol. Cependant 1'interpretation qui etait donnee pour le changement de couleur, faisant allusion essentiellement a un changement d'acidite, etait etrangere a la notion d'oxydo-reduction. 8.2. LE DILEMME DE LA RESPIRATION CELLULAIRE : DESHYDROGENATION

H.O. WIELAND

(1877 -1957)

[22] [23]

OU OXYDATION Plus de 30 ans furent necessaires pour decrypter le mecanisme par lequel les electrons sont vehicules dans les cellules a partir de nutriments vers 1'oxygene, et de ce fait mettre fin a des controverses acerbes entre deux groupes de chercheurs, 1'un dirige par Heinrich WIELAND [221 a Munich, 1'autre par Otto WARBURG 1231 a Berlin, chacun des deux groupes possedant une partie de la verite et croyant 1'avoir tout entiere. Heinrich WIELAND avait ete 1'eleve d'Adolf VON BAEYER, et Otto WARBURG celui d'Emil FISCHER. Leur formation de chimiste se refletait dans leur fac.on d'apprehender le mecanisme de la respiration cellulaire. WIELAND fut 1'avocat ardent du role fondamental des deshydrogenases. Ayant eu

Heinrich WIELAND, Prix Nobel de chimie (1927). Otto WARBURG, Prix Nobel de physiologic et de medecine (1931).

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

385

connaissance d'experiences d'hydrogenation catalytique realisees par le chimiste russe Aleksander IPATIEV (1857 -1952) et le chimiste franc.ais Paul SABATIER (1857 -1952), WIELAND en confirma les resultats avec la reduction de quinone en hydroquinone en presence de noir de palladium. En 1913, il observa que le glucose en presence de noir de palladium et de quinone etait oxyde alors que la quinone etait reduite en hydroquinone. Des experiences realisees sur du materiel cellulaire conduisirent WIELAND a postuler qu'a 1'instar des transferts d'electrons mis en evidence dans des systemes artificiels, il devait exister dans les cellules vivantes des reactions de deshydrogenation et de reduction qui pouvaient rendre compte de la respiration cellulaire. L'une de ces experiences, effectuee sur la bacterie du vinaigre Acetobacter, montrait que cette bacterie etait capable de deshydrogener en anaerobiose 1'ethanol et 1'acetaldehyde en acide acetique en presence d'un accepteur d'electrons, par exemple la quinone ou le bleu de methylene. Dans la meme veine, quelque temps auparavant en 1909 Franz SCHARDINGER (1853 -1920) avait decouvert que le lait contenait un principe thermolabile, un enzyme, capable de reduire le bleu de methylene en un derive incolore en presence d'acetaldehyde. Get enzyme sera identifie plus tard a la xanthine oxydase. En 1913, WIELAND rationalisa 1'ensemble de ces observations en postulant que dans les cellules vivantes 1'oxygene etait reduit par 1'hydrogene arrache a partir de substrats dits oxydables grace a Faction de ferments, de la meme fac.on que le bleu de methylene etait reduit en son leucoderive ou que la quinone etait reduite en hydroquinone. Les travaux du biochimiste suedois Tornsten THUNBERG (1873 -1953) apporterent un appui substantiel a la theorie de WIELAND. Des le debut des annees 1910, THUNBERG s'etait interesse a la respiration cellulaire en determinant a 1'aide d'un microrespirometre la vitesse de consommation d'oxygene par des broyats tissulaires mis en incubation avec des sels d'acides organiques que Ton savait a cette epoque isoler sous une forme purifiee, lactate, succinate, malate, citrate...Dans le courant des annees 1910, THUNBERG mit au point un appareil de verre tres simple, dans lequel on pouvait faire le vide et etudier en anaerobiose la deshydrogenation enzymatique de substrats en presence de colorants sensibles a 1'oxydoreduction. Le tube de THUNBERG (Figure IV.6), avait une capacite d'une dizaine de millilitres. II etait pourvu d'une tubulure par laquelle le vide pouvait etre effectue et etait ferme par un bouchon de verre creux recourbe en forme de diverticule. Dans le tube etait introduite la preparation tissulaire, generalement un broyat de muscle, ainsi que du bleu de methylene, et dans le diverticule lateral une solution du substrat oxydable. Apres etablissement du vide, la solution de substrat etait deversee au contact de la preparation tissulaire, et le temps mis par le bleu de methylene pour se decolorer etait mesure. THUNBERG avait note que le temps de decoloration variait avec la nature du substrat oxydable. Par exemple, le succinate reduisait plus rapidement le bleu de methylene que d'autres substrats, ce qui laissait supposer qu'il existait pour chaque substrat une deshydrogenase specifique.

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

La theorie de WIELAND, fondee sur 1'activation de 1'hydrogene libere a partir de metabolites grace a des deshydrogenases, et confortee par les resultats de THUNBERG, connut une large vogue dans les annees 1920. Elle beneficia de la decouverte de deux molecules abondantes dans le monde vivant et caracterisees par des proprietes typiques d'oxydoreduction, le glutathion et 1'acide ascorbique. Le glutathion fut isole par HOPKINS en 1921 et baptise ainsi car on crut au prime abord qu'il etait compose de glutamate et de cysteine porteuse du groupe thiol. Le troisieme acide amine du glutathion, la glycine, fut mis en evidence un peu plus tard. Ajoute a un broyat tissulaire en presence de bleu de methylene, le glutathion (GSH) accelerait la decoloration du bleu de methylene en s'oxydant lui-meme (GS-SG). On pensa pendant plusieurs annees que le glutathion, du fait de ses proprietes d'oxydoreduction, etait 1'un des facteurs de la respiration cellulaire. Le meme raisonnement fut adopte pour 1'acide ascorbique ou vitamine C qui avait ete isole par le biochimiste hongrois Albert SZENT-GYORGI t24! (1893 - 1986) a partir de paprika. En fait, 1'acide ascorbique est essentiellement implique dans 1'hydroxylation de la proline en hydroxyproline, un composant du collagene, et le glutathion sert de tampon d'oxydoreduction dans les cellules ; ni 1'une ni 1'autre de ces molecules n'est directement impliquee dans la respiration cellulaire. En meme temps que WIELAND developpait sa theorie de la deshydrogenation dans les annees 1910, WARBURG batissait une theorie concurrente dans laquelle le facteur principal de la respiration cellulaire etait 1'activation de 1'oxygene moleculaire. Reprenant les experiences d'Eduard BUCHNER sur la fermentation alcoolique, WARBURG avait ete frappe par le fait que des extraits acellulaires de levure etaient incapables de consommer de 1'oxygene. Experimental sur des preparations biologiques de differentes origines, ceufs d'oursins, globules rouges nuclees d'oiseau, foie de rat, WARBURG avait note une bonne correlation entre la vitesse de consommation d'oxygene et la teneur des tissus en fer. II avait observe que 1'addition de traces de sels de fer a un broyat d'ceufs d'oursin accelerait la consommation d'oxygene ; il avait attribue 1'inhibition de la respiration cellulaire par le cyanure a la disparition du fer libre converti en ferricyanure. WARBURG avait aussi constate que la respiration cellulaire dependait d'un materiel membranaire comportant des granules de la meme taille que ceux visibles au microscope dans des cellules de foie de mammiferes. Ce materiel particulaire que 1'on pouvait recuperer a partir d'un broyat par centrifugation a faible vitesse etait particulierement riche en fer et devait contenir le ferment responsable de la respiration cellulaire. Ce materiel etait sans doute en grande partie constitue de mitochondries. Apres la premiere guerre mondiale, WARBURG reprit ses experiences a Berlin. Entre les deux guerres, Berlin fut le centre mondial de la biochimie avec les figures marquantes de WARBURG, de MEYERHOF et de NEUBAUER et une pepiniere de jeunes chercheurs parmi lesquels KREBS, LIPMANN, LOHMANN et [24]

Albert SzENT-GYORGi, Prix Nobel de Physiologic et de Medecine (1937).

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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THEORELL allaient apporter de remarquables contributions a 1'elucidation du mecanisme de la respiration cellulaire. En 1924, WARBURG completa sa theorie de 1'activation de 1'oxygene en etablissant une analogic entre d'une part des systemes artificiels d'oxydation contenant du fer et d'autre part un catalyseur enzymatique riche en fer present dans les cellules vivantes et responsable de 1'activation de 1'oxygene, r"atmungsferment" (ferment respiratoire). Un des systemes artificiels d'activation de 1'oxygene utilise par WARBURG, publie en 1924 dans la revue Biochemische Zeitschrift (vol. 152, pp. 479-494), consistait en de 1'hemine, un pigment ferriporphyrinique derive de Theme de I'hemoglobme, adsorbee sur de la poudre de charbon. L'hemine sur son support etait capable en presence d'oxygene d'oxyder des acides amines, du fructose et des acides gras non satures. L'oxydation etait sensible au cyanure. A 1'instar de ces systemes artificiels, l'atmungsferment etait considere par WARBURG comme une ferroproteine sensible a Faction du cyanure et capable d'activer 1'oxygene. L'oxygene ainsi "active" etait suppose reagir directement avec des substrats oxydables, comme le succinate, pour capturer les atomes d'hydrogene dont ils etaient porteurs. La meme annee que paraissait 1'article de WARBURG, SZENT-GYORGI publia dans le meme journal les resultats d'une experience tres simple qui eclairaient ceux qui avaient ete obtenus par WARBURG et par WIELAND. Cette experience consistait a noter les variations de consommation d'oxygene par un broyat de muscle mis en incubation avec du succinate en fonction de 1'addition de cyanure de potassium et de bleu de methylene. En accord avec WARBURG, SZENT-GYORGI notait que la consommation d'oxygene etait bloquee par 1'addition de cyanure. La respiration reprenait apres addition de bleu de methylene. Le fait que le bleu de methylene court-circuitait 1'action du cyanure suggerait 1'existence au minimum de deux intermediaries, X et Y, transporteurs d'electrons entre le succinate et 1'oxygene : succinate —» X —> Y —» C>2. Le cyanure bloquait 1'interaction de Y ("atmungsferment") avec O2, tandis que le bleu de methylene en captant les electrons a partir de X permettait 1'oxydation du succinate. Bien que demonstratifs, ces resultats ne furent pas serieusement pris en compte. 8.3. LA REDECOUVERTE DES CYTOCHROMES, UN MAILLON MANQUANT DE LA CHAINE

RESPIRATOIRE

"When the world of science is under pressure to organize for the pursuit of practical ends, when the scale of scientific endeavour is making the lone furrow an anachronism, it is salutary to recall the single-handed achievements of men of science stimulated solely by an urge to understand the living world." Edward HARTREE - Of oxygen, Fuels and Living Matters - 1981

Ce preambule d'Edward HARTREE (1910 -1993), le collaborates de KEILIN, redecouvreur des cytochromes, fait allusion a la fagon dont furent identifies les

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

cytochromes, a 1'aide d'un simple spectroscope optique. La solution de I'enigme du fonctionnement de la respiration cellulaire grace a la demonstration de transporteurs d'electrons, les cytochromes, entre une deshydrogenase et une oxydase, parut apres coup d'une etrange simplicite et d'une implacable logique. Dans le milieu des annees vingt, la discussion entre WIELAND et WARBURG avait pris un tel ton polemique qu'aucun compromis n'etait envisageable de la part des protagonistes. Cette situation conflictuelle fut denouee de fa^on inattendue en 1925 par le parasitologue d'origine polonaise, David KEILIN, etabli depuis une dizaine d'annees en Angleterre. KEILIN travaillait dans 1'Institut MOLTENO de parasitologie de 1'universite de Cambridge sur les phenomenes respiratoires propres aux insectes et aux vers. II s'interessait en particulier a la mouche Gasterophilus intestinalis dont la larve parasite 1'estomac et 1'intestin du D. KEILIN cheval. Avec un microspectroscope a travers (1887-1963) . . ., .. .^ • i * j , lequel 1 ceil pouvait percevoir le spectre de la lumiere, KEILIN observa qu'un broyat de muscle thoracique de cette mouche absorbait la lumiere dans plusieurs regions du spectre visible, ce qui lui rappela des observations similaires faites cinquante ans plus tot sur des extraits musculaires par le medecin et chimiste britannique Charles Alexander MCMUNN (1852-1911). Les recherches de MCMUNN sur les pigments qui donnent la coloration rouge au cceur et a certains muscles se situaient a epoque ou le spectroscope optique venait d'etre mis au point en Allemagne par Robert BUNSEN et Gustav KIRCHOFF (1824 -1887). Avec cet appareil, le celebre chimiste allemand Felix HOPPE-SEYLER etudiait les modifications spectrales de rhemoglobine lors d'intoxications par le monoxyde de carbone. Dans une note preliminaire parue dans le Journal of Physiology (n°5, 1884), MCMUNN decrivit ses premieres observations realisees avec un microspectroscope sur 1'absorption de la lumiere par des pigments contenus dans des muscles et d'autres tissus. Pour 1'analyse optique, les tissus etaient ecrases en une fine couche transparente sur une lame de verre. Des bandes d'absorption dans les trois regions suivantes du spectre visible etaient systematiquement reperees, 613 - 595 nm, 569 - 563 nm et 556 - 549 nm. Ces bandes d'absorption etaient differentes de celles de rhemoglobine ou meme de celle des produits de decomposition de rhemoglobine. MCMUNN les mit en evidence dans du tissu cardiaque de mammiferes, d'oiseaux, de reptiles, de batraciens, de poissons, de crustaces, et dans des muscles de thorax d'insectes. L'absorption lumineuse etait d'autant plus intense que les tissus avaient ete prealablement soumis a 1'anaerobiose. Pour cette raison, MCMUNN postula que le pigment responsable devait etre implique dans la respiration cellulaire ; il 1'appela myohematine. II retrouva ce meme pigment

IV - L ES RACINES DU METABOLISMS CELLULAIRE

389

dans des tissus autres que le tissu musculaire, et il decida alors de rassembler sous le vocable d'histohematine le pigment respiratoire des muscles (myohematine) et des autres tissus. Un article de fond fut public par MCMUNN en 1886 dans les Philosophical Transactions of the Royal Society of London (vol. 177, pp 267-298), sous le titre "Researches on myohaematin and the histohaematins". Get article, trop en avance sur le plan des idees et par 1'audace de ses conclusions, se heurta de front a la critique sans appel de HOPPE-SEYLER arguant avec mauvaise foi que le pigment de MCMUNN n'etait que de la banale hemoglobine. C'est ainsi que les noms de myohematine et d'histohematine furent eradiques de la litterature et que celui de MCMUNN tomba dans 1'oubli jusqu'en 1925, date a laquelle il fut rappele a la memoire des biologistes par KEILIN. La technique d'analyse de KEILIN differait peu de celle de MCMUNN. Le microspectroscope (Figure IV. 14) etait plus elabore mais le principe restait le meme. Les meilleurs resultats, precisait KEILIN, etaient obtenus avec des muscles de thorax d'abeilles. Un broyat de muscles thoraciques preleves a partir de trois abeilles etait comprime avec une epaisseur d'un demi millimetre entre une lame de verre et une lamelle. Le spectre d'absorption presentait quatre bandes d'absorption correspondant aux longueurs d'onde suivantes : 614 - 593 nm, 567 - 561 nm, 554 - 546 nm et 531 - 513 nm dont trois etaient tres proches de celles publiees par MCMUNN. C'est fortuitement, par un hasard heureux, en experimentant sur des cellules de levure, que KEILIN fut conduit a decouvrir la propriete oxydo-reductrice des cytochromes. II raconte qu'il examinait, par curiosite, avec son microspectroscope une suspension de levure dans un tube qu'il venait d'agiter violemment pour realiser une bonne dispersion des cellules. Aucune bande d'absorption n'etait visible. Apres tout, pensa-t-il, la levure, organisme unicellulaire, se comporte differemment du tissu musculaire au plan de la respiration. Alors qu'il allait retirer sa preparation du champ de vision de 1'appareil, il eut le reflexe de jeter un dernier coup d'ceil. Quatre bandes d'absorption lumineuse venaient d'apparaitre, situees aux memes longueurs d'onde que celles observees avec le tissu musculaire. Intrigue par ce phenomene apparemment paradoxal, KEILIN reprit la suspension et 1'agita a nouveau violemment, ce qui eut pour effet de faire disparaitre les bandes d'absortion lumineuse, qui reapparurent apres quelques minutes de repos. Tout simplement, 1'agitation avait fait rentrer de 1'air, done de 1'oxygene. Au repos, 1'oxygene avait ete consomme, le milieu etait devenu anaerobic, done reduit. Les pigments, ces fameux cytochromes deja observes dans le muscle, etaient bien presents dans la levure. C'est sous leur etat reduit qu'ils absorbaient la lumiere et non sous leur etat oxyde. Cette particularite etait clairement reliee a la respiration cellulaire comme 1'avait postule MCMUNN. Lorsque du cyanure etait ajoute a la suspension de levure, les quatre bandes d'absorption continuaient d'etre detectees meme apres aeration. KEILIN en deduisit que le cyanure bloquait 1'oxydation des pigments en maintenant ceux-ci sous un etat reduit, et que cet etat reduit etait la condition necessaire a 1'absorption de la lumiere par les pigments. Une relation evidente avec la

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

plateforme accessoire et amovible, utilisee pour des calibrations

Le microspectroscope (sans sa plateforme) comprend le spectroscope oculaire a et un dispositif optique i incorpore dans le tube du microscope. La lumiere blanche reflechie par le miroir m est concentree grace a un condenseur sur le materiel s en solution dans la cuve au-dessus du condenseur.

a - Schema du microspectroscope

b - Spectre des cytochromes a, 33, b et c, sous forme reduite, avec leurs differentes bandes d'absorption a, fl et y dans une preparation de muscle cardiaque

c - Interpretation du positionnement des bandes d'absorption Figure IV.14 - Microspectroscope utilise pour reperer les bandes d'absorption des cytochromes d'une preparation cellulaire (d'apres D. KEILIN - The History of Cell Respiration and Cytochrome, Cambridge University Press, 1966)

IV - LES RACINES DU METABOLISMS CELLULAIRE

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respiration cellulaire s'imposait, puisque Ton savait a cette epoque que le cyanure bloquait la consommation d'oxygene par les cellules vivantes. De plus, des narcotiques comme 1'urethane empechaient la reduction des pigments. Ces observations conduisirent KEILIN a proposer le terme de cytochromes pour les pigments colores de la cellule susceptibles aux conditions d'oxydoreduction. II formula un schema ou les cytochromes s'inseraient entre des substrats reduits (Sred) et 1'oxygene O2, Sred —> cytochromes —> O2, les narcotiques empechant la reduction des cytochromes et le cyanure bloquant leur oxydation. KEILIN poursuivit son exploration des cytochromes en procedant a des extractions de broyats de tissus animaux ou de cellules de levure par de 1'eau ou bien de fac,on plus drastique par une solution diluee de potasse. Son idee etait que les cytochromes etaient des proteines associees a un pigment colore qu'il appela hemochromogene. Un extrait aqueux de cellules de levure prealablement desseche absorbait la lumiere a 548 nm et 521 nm, ce qui etait interprete par KEILIN comme la presence d'un seul hemochromogene. Lorsque 1'extraction par 1'eau etait effectuee sur des cellules de levure qui avaient etc prealablement traitees par 1'acetone, puis dessechees, une bande supplementaire a 530 nm apparaissait temoignant de la presence d'un deuxieme hemochromogene. Enfin, un extrait potassique revelait la presence d'une autre bande, centree a 576 nm, reflet d'un troisieme hemochromogene. De ces differentes experiences, conduites sur des cellules de levure et aussi des extraits de tissus animaux, KEILIN tira la conclusion qu'il existait dans les cellules vivantes trois types de cytochromes, a, b, c, caracterises par des hemochromogenes specifiques. Les resultats apparurent sous une forme preliminaire en 1925 dans les Proceedings of the Royal Society (B, vol. 98, pp. 312-339) avec le titre "On cytochromes, a respiratory pigment common to animals, yeast and higher plants". Dans le preambule de cet article, KEILIN reconnaissait a MCMUNN la paternite de la decouverte des cytochromes. Plusieurs autres articles complementaires sur les cytochromes furent publies par KEILIN dans la meme revue en 1929 (B, vol. 104, pp. 206-252) et en 1930 (B, vol. 106, pp. 408-444). Avec son collegue Edward HARTREE, KEILIN decouvrit en 1939 un quatrieme cytochrome dont la caracteristique etait d'etre autooxydable et de se combiner avec le monoxyde de carbone, CO, aussi bien qu'avec 1'oxygene (Figure IV. 14). A ce cytochrome, qui n'etait autre que l'atmungsferment de WARBURG, fut donne le nom de cytochrome a$ ou cytochrome oxydase. On decouvrit plus tard que les deux cytochromes a et a$ faisaient partie d'un meme complexe. Dans le milieu des annees 1920, WARBURG et son assistant Erwin NEGELEIN realiserent une serie d'experiences memorables sur 1'effet restaurateur de la lumiere vis-a-vis de la respiration de preparations tissulaires inhibees par CO. La photorestauration de la respiration cellulaire fut interpretee comme le resultat de la photodissociation d'une combinaison entre CO et le fer de 1'atmungsferment. Avec de la lumiere monochromatique, la photorestauration etait particulierement nette pour des longueurs d'onde correspondant aux bandes d'absorption de l'atmungsferment combine au CO. II est interessant de noter

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

que dans un tout autre registre, WARBURG et NEGELEIN avaient public des 1923 un article sur 1'effet de la lumiere a differentes longueurs d'onde sur le rendement de 1'assimilation carbonee, c'est-a-dire de la photosynthese, dans des chlorelles. Avec la mise en evidence par KEILIN de plusieurs especes de cytochromes, designes par les lettres a, #3, b et c et avec la connaissance de leurs potentiels d'oxydoreduction, il fut possible de concevoir, d'une fac.on assez detaillee, une chaine de transfert d'electrons entre des substrats reduits (Sred) et 1'oxygene sous la forme suivante : Sred —> cyt. b —» cyt. c —> cyt. a,a^ —» C>2. 8.4. A LA RECHERCHE DES AUTRES DE LA CHAINE

COMPOSANTS

RESPIRATOIRE

Apres la decouverte des cytochromes, il manquait encore des pieces au puzzle de la chaine respiratoire. L'un des composants manquants de cette chaine fut identifie au debut des annees 1930 au diphosphopyridine nucleotide (DPN), appele a partir de 1961 nicotinamide adenine dinucleotide (NAD), qui n'etait autre que le coenzyme des deshydrogenases de WIELAND et THUNBERG ou que la cozymase d'HARDEN et YOUNG. La structure du DPN fut publiee en 1936 par Fritz SCHLENK (n. 1903) et Hans VON EULER W (1873 -1964). Deux groupes de chercheurs avaient contribue a son elucidation, celui d'Otto WARBURG avec son associe Walter CHRISTIAN (1907 -1955) a Berlin et celui de EULER a Stockholm. EULER montra qu'un des constituants du DPN etait 1'acide adenylique tandis que WARBURG et CHRISTIAN decouvraient qu'un autre constituant etait la nicotinamide qu'ils avaient reussi a isoler et a cristalliser sous forme d'un sel de picolinate. Egalement dans les annees 1930, WARBURG et CHRISTIAN isolerent un coenzyme tres similaire au NAD, different de ce dernier par la presence supplementaire d'un residu phosphate. Cette molecule fut appelee nicotinamide adenine dinucleotide phosphate (NADP). Seul le NAD est associe a la chaine respiratoire; le NADP, lui, fonctionne dans d'autres systemes d'oxydoreduction ; en particulier sous sa forme reduite il sert de donneur d'electrons a des metabolites impliques dans des syntheses, par exemple la synthese des acides gras a longue chaine et la synthese du cholesterol. Une autre piece manquante de la chaine respiratoire etait la riboflavine mononucleotide (FMN) constitue par un noyau isoalloxazine tricyclique rattache a un ribitol phosphate. Le FMN fut isole au debut des annees 1930 et reconnu comme un coenzyme necessaire a 1'oxydation du glucose 6-phosphate. Ce n'est que plus tard, dans les annees 1950, que sa presence dans la chaine respiratoire mitochondriale fut mise en evidence. Le point de depart des etudes structurales sur le FMN se trouve dans un article public en 1932 par W A R B U R G et CHRISTIAN sur 1'oxydation du glucose 6-phosphate par des globules rouges de mammiferes en presence d'oxygene ou en anaerobiose en presence de bleu de methylene. WARBURG et CHRISTIAN isolerent a partir des globules rouges une

IV - LES RACINES DU METABOLISMS CELLULAIRE

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substance de nature proteique de couleur jaune, le ferment jaune, qu'ils retrouverent d'ailleurs dans la levure, et qui apparut comme le catalyseur essentiel a 1'oxydation du glucose 6-phosphate. Le pigment jaune associe a la proteine fut separe de celle-ci par un traitement avec du methanol a 38°C. Ce pigment irradie en lumiere ultraviolette etait caracterise par une fluorescence verte. Ces caracteres spectraux rappelaient ceux de la vitamine 62- La nature flavinique de la vitamine 62 fut demontree en 1933 par le chimiste autrichien Richard KUHN. WARBURG et CHRISTIAN avaient note qu'en milieu alcalin une irradiation ultraviolette decomposait le pigment jaune en une substance appelee lumiflavine, qui par chauffage dans ce meme milieu liberait de 1'uree. Paul KARRER I25! (1889 -1971) identifia en 1935 la lumiflavine a la 6,7-dimethylisoalloxazine (Figure IV.2), une molecule polycyclique porteuse de doubles liaisons appartenant a la famille des alloxazines connues depuis le debut du siecle grace au chimiste allemand Otto KUHLING (1862 -1933). Des experiences de reconstitution mettant en ceuvre le ferment jaune depouille de son coenzyme et la riboflavine obtenue par synthese conduisirent a postuler que la riboflavine devait etre le coenzyme du ferment jaune. En fait, le veritable coenzyme etait la riboflavine 5'-phosphate ou FMN, nettement plus active que la riboflavine dans des experiences de reconstitution, comme le montra en 1935 Hugo THEORELL I261 (1903 -1982). En 1936, Richard KUHN realisa la synthese de la riboflavine 5'-phosphate dont les proprietes fonctionnelles se revelerent identiques au pigment purifie par THEORELL. Le FMN se trouve etre le coenzyme d'un grand nombre de flavoproteines ; c'est egalement 1'un des composants de la chaine respiratoire mitochondriale ou il intervient comme intermediaire entre le NAD reduit et 1'ubiquinone. Quant au succinate, il debite ses electrons au niveau de 1'ubiquinone dans la chaine respiratoire par une deshydrogenase dont le coenzyme est la flavine adenine dinucleotide, FAD, une molecule dont une moitie correspond au FMN et 1'autre a 1'acide adenylique (Figure IV.2). La place assignee aux transporteurs d'electrons dans la chaine respiratoire, d'apres leurs potentiels d'oxydoreduction, fut definitivement etablie dans les annees 1950 par Britton CHANCE (n. 1913) a la Johnson Research Foundation de 1'universite de Philadelphie. Ceci fut possible grace a 1'utilisation d'inhibiteurs specifiques de transporteurs d'electrons et a 1'observation par spectrophotometrie optique des modifications de 1'etat d'oxydoreduction de ces transporteurs (reduction en amont et oxydation en aval du site d'inhibition). A la meme epoque, la localisation mitochondriale de la chaine respiratoire fut reconnue par Albert LEHNINGER et Eugene KENNEDY, a 1'universite de Chicago ainsi que par David GREEN a 1'Institut d'Enzymologie de Madison.

[25] [26]

Paul KARRER et William HAWORTH, Prix Nobel de chimie (1937). Hugo THEORELL, Prix Nobel de physiologic et de medecine (1955).

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A la fin des annees 1950 fut isolee, en Angleterre a 1'universite de Liverpool et aux Etats-Unis a 1'Institut d'Enzymologie de Madison, une quinone oxydoreductible, le coenzyme Q (CoQ) appele encore ubiquinone (UQ) dont les proprietes (localisation mitochondriale, presence ubiquitaire, potentiel d'oxydoreduction) etaient compatibles avec un role de transporteur d'electrons dans la chaine respiratoire entre le FMN et les cytochromes. Avec le NAD, le FMN et le coenzyme Q (ou ubiquinone, UQ) la chaine respiratoire avec sa sequence de transporteurs d'electrons : revelait deja une certaine complexite. D'autres transporteurs d'electrons, comme les proteines a centre Fe/S dites encore proteines a fer non heminique, furent identifies dans les annees soixante. II existe plus de 70 proteines dans la chaine respiratoire mitochondriale de cellules eucaryotes dont une vingtaine sont porteuses de groupes d'oxydoreduction. La chaine respiratoire des procaryotes revele egalement une grande complexite et de fortes analogies avec celle des eucaryotes au plan structural et fonctionnel. 8.5. LA DECOUVERTE DU CYCLE DES ACIDES

TRICARBOXYLIQUES

OU CYCLE DE KREBS. SON ROLE COMME SOURCE D'ELECTRONS DANS LA RESPIRATION

CELLULAIRE

Au milieu des annees 1930, Albert SZENT-GYORGI fit une interessante observation sur le role des dicarboxylates en C4 dans la respiration cellulaire. II avait mis au point une preparation tissulaire consistant en un homogenat de muscle pectoral de pigeon douee d'une excellente activite respiratoire endogene sans production de lactate. Cependant, apres quelques dizaines de minutes d'incubation, la vitesse de consommation d'oxygene diminuait. L'existence de deshydrogenases specifiques convertissant le succinate en fumarate et le malate en oxaloacetate avait ete postulee plusieurs annees auparavant par THUNBERG. SZENT-GYORGI rechercha si 1'addition de 1'un des quatre dicarboxylates en C4, succinate, fumarate, malate ou oxaloacetate, restaurait la respiration cellulaire. C'etait effectivement le cas. L'observation aurait pu etre banale, si ce n'est que les dicarboxylates etaient actifs a de tres faibles concentrations, nettement inferieures a celles qui auraient ete necessaires pour expliquer leur role en tant que substrats. En d'autres termes, les dicarboxylates en C4 se comportaient comme des catalyseurs qui ne disparaissaient pas dans le cours de la reaction. En 1925, le biochimiste canadien Juda QUASTEL (1899 - 1987) avait decouvert que le malonate, un dicarboxylate en C3, etait un puissant inhibiteur competitif de la succinate deshydrogenase (Figure IV.15). SZENT-GYORGI testa 1'effet du malonate et observa qu'il bloquait totalement la restauration de la respiration cellulaire induite par addition de succinate. L'inhibition etait aussi efficace

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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La chaine des dicarboxylates a quatre atomes de carbone a ete mise en evidence par T. THUNBERG, puis par A. SZENT-GYORGI. La decouverte de 1'inhibition de la succinate deshydrogenase par le malonate (J. QUASTEL) contribua a la formulation par H.A. KREBS du cycle des acides tricarboxyliques (figure IV.18) (voir texte).

Figure IV.15

396

LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

que celle du cyanure de potassium qui bloquait 1'oxydase terminale de la chaine respiratoire (atmungsferment de WARBURG). La conclusion tiree par SZENT-GYORGI etait que la chaine des dicarboxylates en C4 etait un lien entre les nutriments, source d'atomes d'hydrogene, et la chaine respiratoire des cytochromes, d'apres la formulation suivante : Cette interpretation ne representait qu'un fragment de la realite. Elle eut cependant un role determinant dans la decouverte en 1937 du cycle des acides tricarboxyliques par Hans KREBS. Apres son arrivee en Grande-Bretagne en 1933, KREBS s'etait interesse au phenomene de la respiration cellulaire. C'est a 1'universite de Sheffield que KREBS avec son collaborateur Arthur JOHNSON (1913 - 1993) realisa un ensemble d'experiences dont les resultats devaient 1'amener a la conception du cycle des acides tricarboxyliques. Au tout debut de 1'annee 1937, Carl MARTIUS (1906 -1993) et Hans KNOOP avaient public dans le Zeitschrift fur physiologische Chemie le resultat d'experiences montrant que le foie contenait une citricodeshydrogenase qui, en presence de bleu de methylene, convertissait le citrate, un tricarboxylate en C6, en oc-cetoglutarate, un dicarboxylate en C5 tandis que le bleu de methylene etait reduit en son leucoderive. KREBS et JOHNSON rechercherent si le citrate a concentration catalytique ne stimulait pas la respiration d'un homogenat de muscle pectoral de pigeon de la meme fagon que les dicarboxylates en C4 comme 1'avait montre SZENT-GYORGI. Effectivement, alors que la consommation d'oxygene due a 1'oxydation des substrats endogenes commenc.ait a s'epuiser en 20 a 40 minutes, 1'addition de tres petites quantites de citrate restaurait la respiration. Le citrate, a 1'instar du succinate, du fumarate, du malate ou de 1'oxaloacetate jouait done le role de catalyseur dans la respiration cellulaire. Quelle pouvait en etre la signification ? Tout d'abord quel etait le destin du citrate ? En aerobiose, en presence de malonate, inhibiteur de la succinate deshydrogenase, il s'accumulait de 1'cx-cetoglutarate et du succinate en quantites molaires quasi stcechiometriques par rapport au citrate disparu, ce qui suggerait la sequence suivante : KREBS tint le raisonnement suivant: si le citrate agit de facon catalytique sur la respiration cellulaire, il doit etre regenere. C'etait le meme raisonnement qu'il avait tenu quelques annees auparavant lorsqu'il avait formule le cycle de 1'uree en reconnaissant le role de catalyseur joue par I'ornimine et la citrulline dans 1'ureogenese. Procedant en anaerobiose, de fagon a eviter 1'oxydation du citrate, KREBS montra que du citrate s'accumulait lorsque de 1'oxaloacetate etait ajoute a 1'homogenat de muscle. II avait aussi note que la production de citrate etait plus forte si le milieu etait pourvu en glucose et il en avait deduit qu'un produit de la glycolyse, un "triose", devait fournir le chainon dicarbone qui, en se condensant a 1'oxaloacetate, fournissait le citrate.

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Une derniere observation en depit de son aspect anodin apporta une preuve a conviction tres forte pour 1'existence d'un cycle. II s'agissait de 1'action comparee du malonate sur 1'accumulation du succinate en aerobiose et en anaerobiose, lorsque le substrat fourni au broyat de muscle etait 1'oxaloacetate. En anaerobiose, la concentration de succinate etait nettement abaissee apres incubation en presence de malonate. Ceci etait logique si Ton considerait le fonctionnement des reactions de la chaine des dicarboxylates en C4 dans le sens : Le malonate bloquant la conversion du fumarate en succinate, il en resultait une diminution de la concentration en succinate. Lorsque 1'experience etait conduite en aerobiose, le malonate favorisait au contraire l'accumulation du succinate. Cette difference de comportement n'etait pas banale. Elle ne pouvait s'expliquer que si Ton admettait qu'en aerobiose 1'oxoloacetate en se condensant avec un chainon dicarbone fournissait le citrate, lequel entrait dans une chaine de reactions : Dans ce cas, 1'addition de malonate en bloquant la conversion du succinate en fumarate favorisait l'accumulation du succinate (Figure IV.16). En 1940, avec Leonard EGGLESTON (1920 -1974), KREBS reprit 1'experience du malonate en utilisant cette fois du fumarate comme substrat. Les resultats confirmerent entierement ceux ou 1'oxaloacetate avait ete utilise comme substrat. KREBS et JOHNSON avaient interprete les resultats de leurs experiences sur la base d'un cycle metabolique, au cours duquel un triose, provenant de la glycolyse (identifie quelque temps apres au pyruvate), etait entierement deshydrogene et decarboxyle. Un chainon dicarbone (acetate) issu du triose (pyruvate) se condensait a 1'oxaloacetate pour former le citrate, lequel entrait dans un cycle de reactions mettant en ceuvre son isomere 1'isocitrate, puis 1'a-cetoglutarate ainsi que la chaine des dicarboxylates en C4, ce qui permettait de revenir a 1'oxaloacetate. L'oxaloacetate regenere a chaque tour de cycle jouait done le role de catalyseur (Figure IV.16). L'article relatant ces resultats, signe par Hans KREBS et Arthur JOHNSON, sous le titre "The role of citric acid in the intermediate metabolism in animal tissues" fut refuse par la revue Nature (Figure IV.17). II fut public en 1937, dans le n° 4 du periodique Enzymologia, (pp. 148-156), une revue qui venait d'etre recemment creee. C'est ainsi que naquit 1'un des concepts majeurs de la biochimie cellulaire. En 1941, a une epoque ou les physiologistes cellulaires se passionnaient pour 1'utilisation de molecules marquees par des isotopes, WOOD et WERKMAN (1893 -1962) aux Etats-Unis etudierent le destin des atomes de carbone de 1'oxaloacetate dans le cycle de 1'acide citrique. Apres incubation de tranches fines de foie de pigeon avec du pyruvate et du bicarbonate marque par le carbone 13C , 1'oxaloacetate resultant de la carboxylation etait retrouve avec un marquage du carboxylate adjacent au groupe CH2 (~OO13C-CH2-CO-COO~). La position du 13 C dans les autres intermediaries du cycle fut egalement exploree (Figure IV.16).

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

]

La fac,on dont le citrate, molecule symetrique, est convert! dans le complexe citrateaconitase en une molecule asymetrique conduisit a revalider la premiere formulation du cycle des acides tricarboxyliques. Figure IV.16 - Le cycle des acides tricarboxyliques

IV - LES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

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WOOD et WERKMAN trouverent que I'a-cetoglutarate (~OOC-CO-CH2-CH2COO~) etait marque exclusivement dans le carboxyle du groupe CH2~13COO~. Puisque le citrate est une molecule symetrique, on aurait du s'attendre a un marquage de I'a-cetoglutarate dans ses deux groupes carboxyles terminaux. Ceci n'etait pas le cas. Get apparent paradoxe posa un probleme serieux a KREBS qui revisa la formulation de son cycle et postula que le produit resultant de la condensation de 1'oxaloacetate avec le chainon dicarbone issu du triose etait une molecule asymetrique, le cis-aconitate, et que le citrate etait issu du cis-aconitate par addition d'une molecule d'eau (Figure IV.16). Pour cette raison, KREBS decida d'appeler le cycle, non plus cycle de 1'acide citrique, mais cycle des acides tricarboxyliques. En 1948, le biochimiste britannique Alexander OGSTON (1911 -1996) proposa une explication originale du marquage asymetrique de 1'a-cetoglutarate, qui amena a reinclure le citrate comme intermediaire du cycle, comme 1'avait postule KREBS dans son premier article. OGSTON montra que ce n'etait pas la molecule de substrat qu'il fallait considerer pour interpreter le marquage des metabolites du cycle par le carbone 13C, mais un complexe substrat - enzyme. Son raisonnement etait le suivant. Lorsqu'un substrat de structure symetrique se fixe sur un enzyme, il se forme un complexe enzyme - substrat, dans lequel le substrat peut perdre sa symetrie, simplement par le fait d'interactions de certaines parties de sa molecule avec le site actif de 1'enzyme. Supposons, disait-il, que dans le complexe citrate-aconitase, le citrate se fixe par trois de ses quatre groupes rattaches au carbone central, a savoir 1'hydroxyle OH~, le carboxylate COO" et 1'un des deux chainons CH2-COO~, sur trois regions affines du centre actif de 1'aconitase (Figure IV.16); il en resulte un complexe dans lequel le citrate, molecule qui etait symetrique a 1'etat libre, se comporte comme une molecule asymetrique. Seul, le chainon CH2-COO- interreagissant avec 1'aconitase subira au contact de 1'enzyme la double reaction de deshydratation et d'hydratation qui le convertira en un acide alcool (CHOH-COO~), lequel se retrouve dans 1'isocitrate. II s'agit la d'une stereospecificite induite, un bel exemple de prochiralite. La chiralite est la propriete de deux molecules qui, images 1'une de 1'autre dans un miroir, ne sont pas superposables. La prochiralite refere a des substances non chirales par elles-memes, mais qui peuvent acquerir la chiralite dans certaines conditions, dans le cas du citrate, molecule symetrique, par attachement a 1'aconitase. La formulation moderne du cycle des acides tricarboxyliques (Figure IV.18) contient 1'essentiel du schema formule en 1937 par KREBS et JOHNSON. S'y trouvent ajoutees la reaction de condensation du chainon acetyl de 1'acetyl-CoA avec 1'oxaloacetate pour former le citrate, reaction demontree en 1952 par Severo OCHOA ainsi que la formation du succinyl-CoA, intermediaire entre I'a-cetoglutarate et le succinate. La conversion du pyruvate en acetyl-CoA qui correspond a la reaction globale :

LA BIOLOGIC, DES ORGINES A NOS JOURS

TThhTTh

RAG. All/N

Hth June 1937.

The Editor of NATURE presents his compliments to Mr. H. A. Krebs

and regrets that as he has

already sufficient letters to fill the correspondence columns of NATURE for seven or eight weeks, it is undesirable to accept further letters at the present time on account of the delay which must occur in their publication. If

Mr. Krebs

does not mind such delay,

fche Editor is prepared to keep the letter until the congestion is relieved in the hope of making use of it, He returns it no*, however, in case Mr. Krebs prefers to submit it for early publication to another periodical.

Figure IV.17 - Lettre de refus de 1'article de H.A. KREBS et A. JOHNSON sur le cycle de 1'acide citrique (d'apres M. STUBBS et G. GIBBONS - IUBMB Life 50, n° 3 (2000) 165)

IV - LES RACINES DU METABOLISMS CELLULAIRE

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Le cycle des acides tricarboxyliques aboutit a la totale degradation du groupe acetyl de 1'acetyl-CoA par des reactions de deshydrogenation et de decarboxylation. Les reactions de deshydrogenation mettent en reuvre du NAD (deshydrogenases du pyruvate, de 1'isocitrate, de 1'a-cetoglutarate et du malate) et du FAD (succinate deshydrogenase). Le NAD reduit et le FAD reduit sont oxydes en presence d'oxygene par la chaine respiratoire mitochondriale. Figure IV.18 - Le cycle des acides tricarboxyliques

(formulation moderne)

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

est catalysee par un systeme multienzyme dont la resolution se heurta pendant longtemps a une redoutable complexite. Cette reaction globale fait intervenir des reactions partielles a 1'interieur d'un complexe enzymatique, ou la thiamine pyrophosphate, 1'acide lipoique et le FAD interviennent comme des facteurs catalytiques. Ces reactions sont abondamment detaillees dans la litterature moderne. II suffit ici de mentionner que la thiamine et 1'acide lipoique etaient de vieilles connaissances dans le domaine des vitamines et facteurs de croissance. On savait depuis le travail de NEUBERG en 1911 - 1912, que la decarboxylation du pyruvate en acetaldehyde et CC>2 par un extrait de levure impliquait un facteur thermostable et diffusible a travers une membrane de dialyse. C'etait un coenzyme de decarboxylation qui avait etc appele cocarboxylase. Au debut des annees 1930, des experiences de nutrition portant sur des pigeons carences en vitamine B! ou thiamine amenerent Rudolph PETERS (1889 -1982) a 1'Universite d'Oxford a postuler que la vitamine Bj jouait un role dans 1'oxydation du pyruvate, car en son absence le lactate, produit de reduction du pyruvate, s'accumulait. La cocarboxylase fut identifiee a la thiamine pyrophosphate en 1937 par Karl LOHMANN et Philip SCHUSTER (Chapitre IV-4.2). Quant a 1'acide lipoique, il avait ete reconnu dans les annees 1940 comme un facteur de croissance pour le protozoaire Tetrahymena gelii. Son isolement fut le fruit d'une collaboration entre la firme industrielle Eli Lilly et deux centres universitaires, I'universite du Texas avec le chimiste Lester REED (n. 1925) et I'universite d'lllinois avec le bacteriologiste Irwin GUNSALUS (n. 1912). Quelques grammes d'acide lipoique furent obtenus en 1951, a partir de dix tonnes de foies de bceuf. L'etude de sa structure montra qu'il s'agissait d'un acide gras en C8, 1'acide octano'ique porteur de deux groupes thiols : HS-CH2CH(SH)-(CH2)4-COOH. L'oxydation reversible des deux groupes thiols conduit a la formation d'un pont disulfure, ce qui confere a 1'acide lipoique un statut de coenzyme d'oxydo-reduction. Dans les cellules aerobies, le cycle des acides tricarboxyliques fonctionne comme une machinerie enzymatique de deshydrogenation et de decarboxylation, les atomes d'hydrogene provenant des deshydrogenations etant captes par la chaine respiratoire mitochondriale (Chapitre IV-8.4) pour reagir avec 1'oxygene et etre transformed en eau. Chez certaines archebacteries (Chapitre 1-9.1) comme Sulfolobus et Thermoproteus, le cycle des acides tricarboxyliques fonctionne a 1'envers, en mode de reduction et de fixation de gaz carbonique. Dans ces conditions, le citrate au lieu d'etre forme par condensation du radical acetyl de 1'acetyl-CoA et d'oxaloacetate est au contraire clive en acetyl-CoA et oxaloacetate. L'acetyl-CoA est carboxyle en pyruvate qui est la source d'une voie de synthese du glucose.

IV - L ES RACINES DU METABOLISME CELLULAIRE

403

8.6. LE CCEUR DE L'ENERGETIQUE CELLULAIRE : LE COUPLAGE ENTRE RESPIRATION CELLULAIRE ET SYNTHESE D'ATP En 1930, Vladimir ENGELHARD! (1894 -1971), a 1'universite de Kazan en URSS, decouvrit 1'existence d'une relation entre la respiration cellulaire et le metabolisme du phosphate. II utilisait des globules rouges nuclees d'oiseau qui, a la difference des globules rouges de mammiferes, consomment de 1'oxygene. ENGELHARD! remarqua que Faddition de cyanure, un inhibiteur connu de la respiration cellulaire, conduisait a une accumulation de phosphate mineral. En procedant a des cycles d'aerobiose et d'anaerobiose, il observa qu'en anaerobiose le phosphate mineral s'accumulait dans les globules rouges et qu'en aerobiose, le contraire se produisait, sans doute par incorporation de phosphate mineral dans des composes phosphoryles. II semblait done exister une relation entre respiration et synthese de composes phosphoryles. II est interessant de noter qu'un an avant la publication d'ENGELHARD!, LOHMANN avait decrit 1'isolement de 1'ATP a partir d'extraits cellulaires ainsi que sa composition atomique. Quelques annees plus tard, Hermann KALCKAR (1908 -1991) a 1'universite de Copenhague, ainsi que Vladimir BELI!ZER (1906 -1988) et son eleve Elena TSIBAKOVA a 1'universite de Moscou mirent en evidence dans differents types de tissus des phenomenes de phosphorylation inexplicables par le mecanisme de la glycolyse. KALCKAR etudiait le transport cellulaire de glucose avec des preparations de tissu renal. C'est fortuitement qu'il decouvrit qu'en aerobiose et en presence de fluorure de sodium, un poison de la glycolyse, du phosphate disparaissait du milieu pour participer a la synthese d'ATP et que cette synthese etait correlee a la consommation d'oxygene. II s'agissait done d'un phenomene different de la phosphorylation glycolytique. Ces resultats furent publics dans la revue Enzymologia en 1937 et 1938. En 1939, BELI!ZER et TSIBAKOVA experimenterent sur des homogenats de muscles pectoraux de pigeon mis en incubation en aerobiose en presence de creatine. Us constaterent que la respiration etait couplee a la synthese de creatine phosphate et que ce processus n'etait inhibe ni par le fluorure, ni par 1'iodoacetate, deux inhibiteurs de la glycolyse. La quantite de creatine phosphate forme par rapport a la quantite d'oxygene consomme depassait largement ce qui etait connu dans le cas de la phosphorylation glycolytique ou 1'oxydation d'une molecule de phosphoglyceraldehyde etait associee a la synthese d'une seule molecule d'ATP. En 1942 - 1943, Severo OCHOA, qui a cette epoque travaillait a 1'ecole de medecine de 1'universite de New York, determina la capacite phosphorylante d'homogenats de cerveau et de cceur de rat mis en incubation avec differents substrats du cycle des acides tricarboxyliques. En exprimant en micromoles la quantite de phosphate mineral (P) incorpore dans 1'ATP et en microatomegrammes la quantite d'O2 consomme (O), OCHOA observa que le rapport P/O appele quotient de phosphorylation atteignait des valeurs egales a 3 pour

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1'oxydation du pyruvate en CC>2 et H2O. Le concept d'oxydation phosphorylante etait ne. II s'ecoulera une trentaine d'annees avant que son mecanisme ne soit compris. Neanmoins, une conclusion importante ressortait d'ores et deja. L'oxydation du pyruvate mettant en jeu une deshydrogenase dependante du NAD, le quotient de phosphorylation de 3 trouve pour 1'oxydation du pyruvate signifiait que 1'energie liberee par transfert d'electrons du NAD reduit vers 1'oxygene servait a la synthese de 3 ATP. Probablement trois composants de la chaine respiratoire mitochondriale etaient impliques dans cette synthese. Entre temps, dans un article classique, paru en 1941 dans Advances in Enzymology (vol. 1, pp. 99-162), sous le titre "Metabolic generation and utilization of phosphate bond energy", Fritz LIPMANN developpa le concept de "liaisons riches en energie". Le terme de "molecules phosphorylees riches en energie" aurait ete plus orthodoxe. Mais la magie de la formule opera. Dans cet article, LIPMANN suggerait que les composes organiques phosphoryles pouvaient etre classes en deux categories : la categoric des derives pauvres en energie comrne les esters phosphates qui, par clivage, liberent une quantite modeste d'energie, < 3 kcal/mole, et la categoric des derives riches en energie, du type pyrophosphate comme 1'ATP, du type carboxylphosphate comme le 1,3-phosphoglycerate, du type enolphosphate comme le phosphoenolpyruvate et du type aminephosphate comme la creatine phosphate qui liberent par hydrolyse une quantite d'energie > 7 kcal/mole. LIPMANN prophetisa que 1'ATP etait au cceur du fonctionnement de la machinerie cellulaire.

9. UN REGARD NOUVEAU SUR LE METABOLISME CELLULAIRE AU TOURNANT DU XXIE SIECLE En portant son regard sur les debuts balbutiants des recherches sur le metabolisme au debut du XIXe siecle, on mesure 1'influence qu'eurent sur 1'evolution de cette discipline les percees techniques et envolees conceptuelles au tournant du XX e siecle. En effet, la fin du XIX e siecle et le debut du XX e siecle furent les temoins de progres decisifs en chimie organique (synthese organique, isolement et analyse de substances naturelles, application des principes de la thermodynamique aux systemes vivants), en physiologic (perfusion d'organes, techniques d'obtention de tranches fines de tissus, quantification des produits solubles et gazeux du metabolisme, mise au point de systemes acellulaires) et en enzymologie (purification d'enzymes, principes de cinetique enzymatique). C'est dans ces annees que prit racine le concept de metabolisme cellulaire. Avec une riche moisson de resultats, on pouvait dresser vers 1950, sous une forme deja elaboree, un schema des grandes voies metaboliques. Cependant, a cette epoque les biochimistes n'etaient pas particulierement preoccupes par la complexite de 1'organisation structurale du cytoplasme cellulaire que revelaient les images obtenues par microscopic electronique. Fascines qu'ils etaient par la

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rigueur de 1'enchainement de reactions apres tout assez simples (deshydrogenation, hydratation, clivage, condensation...), ils consideraient le metabolisme essentiellement sous Tangle d'un chimisme a 1'aspect reductionniste, ayant pour cadre un milieu homogene non structure. Quelques voix pourtant s'eleverent pour souligner qu'il devait exister plusieurs niveaux de complexite dans le metabolisme cellulaire, le premier niveau correspondant essentiellement aux modifications chimiques subies par les substrats des enzymes du metabolisme. Des 1930, Rudolph PETERS dans une communication a la Faraday Society avait fait part de ses vues sur la microheterogeneite de la structure cellulaire et de son retentissement sur le cours du metabolisme. II faisait allusion a une "architecture chimique" de la cellule. Cette conception trop vague ne fut pas retenue. Un declic salutaire se produisit dans le courant des annees 1950 -1960, avec 1'isolement d'organites endocellulaires dans un degre de purete suffisamment acceptable pour en explorer les potentialites enzymatiques et, d'autre part, avec la naissance du concept de signalisation, englobant des mecanismes de controle d'activites enzymatiques positifs ou negatifs, endogenes ou exogenes (Chapitre 11-10.2). Dans ces memes annees, se developperent des techniques comme la spectroscopie par resonance magnetique nucleaire et 1'autoradiographie qui permettaient d'avoir acces au comportement in vivo des metabolites et a leurs localisations intracellulaires en fonction des conditions experimentales. La technique de RMN (Chapitre III-2) avait ete exploitee en chimie organique et en biochimie structurale des 1960. Ce n'est que dans le milieu des annees 1970 que la RMN commenga a etre appliquee a 1'etude du metabolisme cellulaire in vivo, d'abord a 1'etude de la glycolyse. Des resultats encourageants apparaissent dans la litterature au debut des annees 1980 (Figure IV.19). Auparavant, de fagon conventionnelle, 1'analyse du metabolisme dans des tissus, des cellules, ou des organites endocellulaires etait effectuee par echantillonnage. Par exemple, dans le cas d'une suspension de cellules, on prelevait une fraction aliquote a laquelle on ajoutait une solution acide pour precipiter les proteines et bloquer le cours des reactions enzymatiques. Le surnageant obtenu apres centrifugation, une fois neutralise, servait aux dosages de metabolites d'interet. En dehors de 1'avantage que confere la technique de RMN de suivre en continu revolution dans le temps et in vivo des reactions d'une voie metabolique, il existe d'autres avantages non negligeables. En ce qui concerne 1'ATP et 1'ADP, la RMN donne acces aux formes libres de ces nucleotides, c'est-a-dire aux formes thermodynamiquement actives. De plus, d'apres la position du pic du 31P du phosphate mineral dans les spectres de resonance on peut determiner la modification du pH au cours du metabolisme. II existe en effet un deplacement chimique du 31P qui resulte de 1'etat d'ionisation du phosphate mineral en fonction du pH. La RMN du 31P fut rapidement exploitee en pathologic humaine, en particulier dans les myopathies ou le metabolisme phosphore est altere. Un autre noyau atomique interessant en RMN est celui du carbone 13C. Son abondance naturelle n'est que de 1%. Malgre cela des spectres de differents metabolites, sucres,

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Les pics correspondent aux composes suivants A et B : sucres phosphoryles, C : phosphate mineral, D et E : phosphodiesters, C F : phosphate y de 1'ATP, G : phosphate p de 1'ADP, H : phosphate a de 1'ADP et de 1'ATP, I: NAD, J : phosphate b de 1'ATP. En 1'absence de glucose

En presence de glucose On note une accumulation de sucres phosphoryles et une diminution du phosphate mineral.

a - Spectres RMN du phosphore 31P realises sur des douves du foie dans un milieu KREBS-RINGER depourvu de phosphate (d'apres I.E. MANSOUR, P.G. MORRIS, J. FEENEY et G.C.K. ROBERTS Biochem. Biophys. Ada 721 (1982) 336)

20 min plus tard Les spectres sont enregistres au fur et a mesure d'un exerc ce 3 - 4 min i de contraction musculaire pendant 5 minutes. Les pics 1, 2 et 3 referent aux lV2-2V2min phosphates (3, a et y de 1'ATP, le pic 4 a la phosphocreatine et le pic 5 au phosphate mineral. On note un 0 - 1 min leger deplacement du pic du phosphate au cours de 1'exercice, du a une acidification et une nette diminution de la phosphocreatine alors que la concentration en ATP n'est que peu modifiee. 5 - 6 min

repos

b - Spectres RMN du phosphore 31P obtenus sur I'avant-bras d'un homme (d'apres B.D. ROSS, G.K. RADDA, D.G. GADIAN, G. ROCKER, M. ESIRI et J. FALCONER-SMITH - New Engl. J. Med. 304 (1981) 1338) Figure IV.19 - La resonance magnetique nucleaire comme outil d'analyse du metabolisme cellulaire

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lipides, acides amines, purent etre exploites des 1980. Par la suite on s'adressa a des molecules organiques enrichies en 13C par synthese chimique pour en etudier le metabolisme. L'imagerie medicale est actuellement une application de la RMN (RMN du proton 1H) intensement developpee pour localiser des lesions au niveau d'organes dans le corps humain. Les developpements contemporains de la biochimie metabolique sont decrits en detail dans des ouvrages classiques. On se limitera ici a de brefs commentaires sur la notion de compartimentation metabolique et de metabolisme vectoriel et celle de regulation enzymatique associee a la signalisation.

9.1. COMPARTIMENTATION METABOLIQUE ET METABOLISME VECTORIEL En 1961, le biochimiste britannique Peter MITCHELL I27! (1920 -1992) proposa une theorie originale a laquelle il donna le nom de theorie chimiosmotique, pour expliquer le mecanisme de 1'oxydation phosphorylante par les mitochondries. Cette theorie se demarquait nettement de la theorie chimique qui avait ete acceptee comme un dogme, mais n'avait jamais ete demontree. A 1'instar de ce qui avait ete decouvert dans la phosphorylation glycolytique, a savoir la prise en charge de phosphate inorganique (Pi) au cours de 1'oxydation du glycer aldehyde 3-phosphate en 1,3-bisphosphogly cerate, la theorie chimique du mecanisme de 1'oxydation phosphorylante postulait qu'il se formait des derives phosphoryles au niveau de transporteurs d'electrons dans la chaine respiratoire mitochondriale au cours de reactions d'oxydo-reduction. Apres vingt ans d'une quete sans succes de ces intermediaries phosphoryles, la theorie chimiosmotique apportait une explication elegante qui ne necessitait pas 1'intervention de derives phosphoryles prealablement a la reaction finale de synthese d'ATP. Elle pouvait se resumer ainsi: le transfert scalaire d'electrons a travers les composants membranaires porteurs de centres d'oxydo-reduction dans la chaine respiratoire mitochondriale est couple a un transport vectoriel de protons a travers la membrane mitochondriale interne, de 1'interieur vers 1'exterieur de la mitochondrie (Figure IV.20). Ce transport transmembranaire de protons aboutit a 1'etablissement d'une difference de pH entre 1'interieur et 1'exterieur des mitochondries et d'une difference de potentiel entre les deux faces de la membrane mitochondriale interne, avec accumulation de charges positives sur la face externe de cette membrane. La somme des energies representees par la difference de pH et la difference de potentiel electrique generees par le fonctionnement de la chaine respiratoire fut appelee par MITCHELL force proton motrice. Une large fraction de cette force proton motrice etait supposee jouer un role moteur dans la catalyse de la synthese d'ATP a partir d'ADP et de [27]

Peter MITCHELL, Prix Nobel de chimie (1978).

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La theorie chimiosmotique postule qu'une force proton motrice est produite par couplage entre un transport scalaire d'electrons a travers les composants de la chaine respiratoire mitochondriale et un transport transmembranaire de protons de I'interieur vers 1'exterieur de la mitochondrie. Cette force proton motrice est utilisee par I'enzyme membranaire ATP synthase pour la synthese d'ATP par condensation d'ADP et de phosphate mineral Pj. a - Circuit protonique responsable de la synthese d'ATP dans 1'oxydation phosphorylante

pile

Le circuit electrique alimentant une lampe a partir d'une pile a ete compare au circuit protonique alimentant 1'ATP synthase a partir de la chaine respiratoire par D.G. NICHOLLS et S.J. FERGUSON (Bioenergetics, Academic Press, 1992) b - Circuit electrique alimentant une lampe

Figure IV.20 - Theorie chimiosmotique de 1'oxydation phosphorylante (d'apres P. MITCHELL - Nature 191 (1961) 144)

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phosphate par un complexe enzymatique 1'ATP synthase, egalement localise dans la membrane mitochondriale interne. Ce raisonnement constituait la base de la theorie chimio-osmotique de Toxydation phosphorylante. Cette theorie fut demontree et admise, apres bien des controverses, dans le courant des annees soixante dix. La theorie chimiosmotique expliquait de fac.on rationnelle non seulement le mecanisme de 1'oxydation phosphorylante, mais aussi celui de la photophosphorylation. Elle contribua a initier une serie de recherches qui aboutirent a la decouverte des transporteurs de metabolites a travers les membranes de mitochondries. De meme que la chaine respiratoire mitochondriale et 1'ATP synthase, des transporteurs mitochondriaux de metabolites sont localises dans la membrane mitochondriale interne. Us catalysent des echanges d'anions organiques (malate, succinate, citrate, a-cetoglutarate, pyruvate...) entre le compartiment mitochondrial et le compartiment cytosolique des cellules. La plupart de ces echanges sont electroneutres; deux d'entre eux seulement sont electrogeniques. Ce sont les transporteurs ADP3~/ATP4~ et glutamateO(H+)/aspartate(~). Dans le dernier cas, la charge negative du glutamate est neutralisee au niveau du transporteur a la difference de celle de 1'aspartate. Le schema de la figure IV.21 illustre la fac.on dont deux des transporteurs mitochondriaux d'anions, le transporteur electroneutre malate(2~)/a-cetoglutarate(2~) et le transporteur electrogenique glutamate(°)/aspartate(~) interviennent dans 1'oxydation du NAD reduit present dans le cytosol. II convient de rappeler que du NAD reduit ajoute a une suspension de mitochondries de foie isolees n'est pas oxyde. Cette absence d'oxydation, a la difference de ce qui se passe pour le pyruvate, le malate, le succinate et d'autres metabolites du cycle des acides tricarboxyliques, est due au fait qu'il n'existe pas de transporteur mitochondrial pour le NAD et que le site de fixation du NAD reduit sur la chaine respiratoire est expose du cote de la matrice mitochondriale. Le NAD reduit du cytosol ne pouvant pas traverser la barriere membranaire ne peut done pas etre oxyde directement par les mitochondries, au contraire du NAD reduit present dans la matrice mitochondriale. La cellule obvie a cette difficulte par la mise en place d'un jeu de navettes ou interviennent les deux transporteurs precites, malate(2~ )/a-cetoglutarate( 2 ~) et glutamate(°)/aspartateO, ainsi que deux couples d'isozymes localises dans les mitochondries et le cytosol avec des activites malate deshydrogenase et transaminase entre oxaloacetate et glutamate. La generation d'un potentiel de membrane, positif a 1'exterieur, compense le desequilibre de charges du transporteur electrogenique glutamate(°)/aspartate("). Dans ce processus, des equivalents de reduction provenant du NAD reduit sont transferes, via le malate, dans la matrice mitochondriale ou finalement ils sont oxydes par la chaine respiratoire apres avoir ete repris par la NAD mitochondrial. A un tel ensemble de reactions utilisant des transports transmembranaires de metabolites a ete donne le nom de metabolisme vectoriel. II en existe, dans la cellule, de nombreux autres exemples

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Le NAD reduit present dans le cytosol est oxyde par la malate-deshydrogenase cytosolique en presence d'oxaloacetate, lequel est reduit en malate. Le malate entre dans la matrice mitochondriale en echange d'a-cetoglutarate. Dans la mitochondrie, le malate est reoxyde en oxaloacetate par une malate deshydrogenase mitochondriale et le NAD OX est reduit au cours de cette reaction. Le NAD reduit dans la matrice mitochondriale a acces a son site dans la chaine respiratoire et, de ce fait, il est oxyde rapidement. L'oxaloacetate n'a pas de transporteur. II est transamine en aspartate qui, lui, est echange centre du glutamate. Dans le transport par echange de glutamate centre de 1'aspartate, la charge negative du glutamate est neutralisee au niveau du transporteur. Par consequent, ce transport par echange de glutamate (0) centre de 1'aspartate (-) est electrogenique et doit etre couple a un potentiel de membrane genere par la respiration mitochondriale. Dans le cytosol, 1'aspartate est reconverti en oxaloacetate par transamination et un nouveau cycle d'oxydation du NAD reduit peut redemarrer.

Figure IV.21 - Oxydation indirecte du NAD reduit du cytosol par les mitochondries

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Au debut des annees 1980, le biochimiste americain Paul SRERE (1925 -1999) decouvrit qu'une compartimentation metabolique pouvait fonctionner en dehors du contexte membranaire. Des enzymes qui catalysent une suite de reactions dans une chaine metabolique peuvent effectivement s'associer par le jeu d'interactions proteine - proteine. II en resulte que le produit de la premiere reaction catalysee par le premier enzyme est le substrat du deuxieme enzyme et ainsi de suite. Une telle association fonctionnelle d'enzymes a ete denommee metabolon par SRERE. Sa realite a ete demontree par exemple dans le cas du cycle des acides tricarboxyliques ou trois enzymes, malate deshydrogenase, citrate synthase et aconitase sont associes. Le metabolon ainsi forme catalyse 1'ensemble des reactions qui vont du malate a 1'isocitrate en passant par 1'oxaloacetate, le citrate et le cis-aconitate Par compactage d'enzymes, le metabolon augmente d'une fagon considerable 1'efficacite reactionnelle d'une chaine metabolique.

9.2. REGULATION ENZYMATIQUE ET SIGNALISATION AMPLIFICATRICE Les vitesses auxquelles se deroulent les reactions dans une chaine metabolique sont fonction des quantites d'enzymes impliques dans cette chaine et de leurs activites specifiques. Les quantites d'enzymes dependent du niveau d'expression des genes qui les codent. Outre la regulation genique, il existe une regulation directe de I'activite enzymatique, plus rapide que la regulation genique. On distingue deux classes de reactions enzymatiques au plan de la regulation directe, des reactions du proche equilibre catalysees par des enzymes michaeliens dont la vitesse est liee a la concentration en substrat suivant la relation de MICHAELIS-MENTEN, et des reactions hors equilibre catalysees par des enzymes dont I'activite est modifiee positivement ou negativement par des molecules autres que le substrat. A cette deuxieme categorie appartiennent les reactions allosteriques (Chapitre III-3.4). L'enzyme allosterique est defini comme un enzyme possedant un site reactif visa-vis d'un ligand regulateur autre que le substrat. Ce ligand est denomme ligand allosterique. La regulation allosterique est assez souvent la caracteristique d'un enzyme localise en amont d'une chaine metabolique, le ligand allosterique regulateur etant le produit final de cette chaine de reactions. Si le produit s'accumule trop rapidement, il intervient comme un signal negatif pour freiner I'activite de 1'enzyme allosterique en tete de la chaine metabolique. II s'agit done d'un retrocontrole qui entraine une reduction du flux metabolique. Lorsque la concentration du ligand allosterique descend au dessous d'une certaine valeur, son effet inhibiteur devient negligeable. A cote des modifications allosteriques non covalentes existent des modifications covalentes transitoires. C'est le cas chez les eucaryotes des phosphorylations de residus de serine, threonine ou tyrosine, catalysees par des proteine-kinases utilisant, en regie generate, I'ATP comme substrat. (Chez les procaryotes, ce

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sont des residus histidine et aspartique qui sont transitoirement phosphoryles). La phosphorylation de 1'enzyme aboutit soit a son activation, soit a sa mise en repos. De toute fac.on, la phosphorylation n'est que transitoire. En effet, des phosphatases liberent le(s) residu(s) de phosphate fixe(s). De 1'equilibre entre les activites des kinases et des phosphatases depend le niveau de phosphorylation des proteines enzymatiques. L'etat de phosphorylation de ces proteines conditionne leur etat d'activation ou leur etat de repos. Ce mode de regulation par phosphorylation fut decouvert par Edmund FISCHER et Edwin KREBS dans les annees 1950 (Chapitre II-10.2). II arrive que des reactions de phosphorylation soient organisees en cascade et qu'un signal moleculaire relativement discret au debut de cette cascade engendre une reponse tres forte en aval par un mecanisme d'amplification en chaine. Un exemple typique est celui de la production de glucose 1-phosphate par phosphorolyse du glycogene initiee a la suite de la fixation d'adrenaline sur la membrane plasmique de cellules hepatiques ou musculaires. La figure IV.22 decrit la cascade de reactions partant d'une proteine-kinase dependante d'AMP cyclique et aboutissant a la formation de glucose 1-phosphate via une phosphorylase kinase et une glycogene phosphorylase. En quelques millisecondes, une molecule de proteine kinase dependante d'AMP cyclique catalyse la phosphorylation de milliers de molecules de phosphorylase kinase, declenchant brutalement le passage de cette kinase d'un etat de repos a un etat actif. Chaque molecule de phosphorylase kinase ainsi activee catalyse dans 1'instant suivant la phosphorylation de milliers de molecules de glycogene phosphorylase qui, de ce fait, se trouvent activees et attaquent le glycogene par les differentes extremites de ses chaines de glucose. II en resulte une degradation foudroyante du glycogene en glucose 1-phosphate, lequel est converti grace a une mutase en glucose 6-phosphate, le premier metabolite de la chaine de la glycolyse. L'adrenaline illustre 1'effet d'un facteur exterieur a la cellule reconnu de fac.cn specifique par un recepteur de surface. Des facteurs d'origine endogene peuvent egalement modifier des activites enzymatiques et perturber des flux metaboliques. Ainsi, des produits endogenes derives de 1'oxygene, comme 1'ion superoxyde ou 1'eau oxygenee, dans des conditions particulieres referees sous le terme general de stress oxydant modifient le niveau de phosphorylation de residus de tyrosine dans bon nombre de proteines, en perturbant 1'equilibre des activites des tyrosine-kinases et des tyrosine-phosphate phosphatases. Le radical nitroxyde NO', produit du catabolisme de Targinine, est egalement un important element de controle du metabolisme dans le cadre du stress oxydant. A cause de ses effets potentiellement deleteres sur des structures moleculaires fragiles, comme la guanine dans 1'ADN et certains residus d'acides amines dans des proteines, le stress oxydant est devenu un theme de recherche en vogue.

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L'adrenaline, en se fixant sur son recepteur dans la membrane plasmique de la cellule, induit 1'activation d'une chaine de reactions enzymatiques, avec amplification (denotee par la grosseur des fleches) a chaque etape enzymatique de la chaine. Figure IV.22 - Amplification d'un signal hormonal extracellulaire par une cascade de reactions intracellulaires

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10. CONCLUSION. APPORT DE LA PHYSIQUE, DE LA GENETIQUE ET DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE POUR UNE VISION RENOUVELEE DU METABOLISME CELLULAIRE L'histoire du metabolisme cellulaire est jalonnee de reperes qui correspondent a 1'emergence de nouvelles techniques et a la mise en place de nouveaux concepts. Ainsi a la fin du XVIII siecle, la demystification du mythe du phlogistique grace a des analyses chimiques rigoureuses fut a l'origine de 1'essor de la chimie organique analytique appliquee aux biomolecules. A la fin du XIX e siecle, la demonstration de la fermentation du glucose en ethanol par des extraits acellulaires de levure ouvrit la voie a 1'exploration du metabolisme intermediaire. Dans le milieu du XXe siecle, la possibilite d'isoler par centrifugation fractionnee des organites endocellulaires a partir d'homogenats tissulaires permit d'acceder a 1'enzymologie endocellulaire. A la classique methode d'echantillonage qui procedait par extraction de tissus et analyse chimique des extraits s'est substitue, dans les dernieres decennies du XX e siecle, le suivi en continu de reactions metaboliques a 1'interieur de cellules grace a la technique de RMN. La panoplie des outils "non traumatisants" d'exploration du fonctionnement cellulaire s'est egalement enrichie avec des sondes fluorescentes utilisees aussi bien dans le tri des cellules que dans 1'analyse du potentiel de membrane et du pH intracellulaire. Dans un autre registre, les techniques d'invalidation d'expression genique permettent d'explorer le role d'enzymes bien determines dans une chaine metabolique. Au tournant du XXe siecle, la decouverte de 1'alcaptonurie chez plusieurs sujets d'une meme famille par le medecin britannique Archibald GARROD (Chapitre III-4) introduisit en pathologic la notion de maladie metabolique hereditaire. A la fin des annees 1950, le dechiffrage des chaines metaboliques avait suffisamment progresse pour en esperer de possibles applications en therapeutique. Un exemple typique est celui de la phenylcetonurie, maladie autosomale recessive qui est due a une deficience dans le catabolisme de la phenylalanine et qui touche un sujet sur dix mille en Europe. En absence d'intervention, apparaissent des troubles neurologiques extremement graves et irreversibles. Facilement diagnostique des la naissance par un test biochimique tres simple, le defaut metabolique de la phenylcetonurie est actuellement pallie par un regime alimentaire pauvre en phenylalanine. C'est egalement a la fin du XIX e siecle que des pathologies bien individualisees (maladie d'Addison, diabete, myxcedeme) furent rattachees a des dysfonctionnements d'organes qui, par la suite, furent reconnues comme des glandes secretrices d'hormones (surrenales pour 1'adrenaline, pancreas pour 1'insuline, thyroi'de pour la thyroxine). Au debut du XXe siecle, la pathologie endocrinienne fit une remarquable percee qui fut rapidement associee a 1'isolement d'hormones et a la determination de leur structure. Dans la foulee, ces hormones

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furent preparees dans un etat de grande purete a partir de tissus animaux et pour quelques unes synthetisees par voie chimique pour etre utilisees en therapeutique humaine. Avec les progres du genie genetique, des peptides hormonaux comrne l'insuline peuvent etre desormais obtenus a 1'identique des hormones humaines. A partir des annees soixante, 1'irruption de la genetique et de la biologic rnoleculaire dans les sciences medicales permit de rattacher une symptomatologie clinique et biochimique classique a des mutations de genes. Grace aux techniques de la genetique moleculaire naquit 1'espoir qu'il serait possible de corriger, voire de guerir, des maladies metaboliques a pronostic reserve par therapie genique, c'est-a-dire par greffe dans le genome des cellules du patient de la version normale du gene mute. I/experimentation chez 1'animal a montre que les therapies geniques germinale et somatique etaient desormais des techniques accessibles a la medecine. Pour des raisons ethiques, seule la therapie genique somatique est envisageable dans 1'etat actuel de la pratique medicale. Le metabolisme cellulaire etait regarde jusque dans le milieu du XX e siecle comme une extension au vivant de la chimie organique. De fait, les reactions du metabolisme, considerees en termes de mouvements d'atomes, sont des reactions simples, familieres aux chimistes organiciens : deshydrogenation, reduction, clivage, condensation... L'originalite de la chimie "enzymatique" par rapport a la chimie organique de paillasse reside dans "1'activation" des metabolites par addition de residus moleculaires qui aident a la reconnaissance de ces metabolites par les enzymes. C'est ainsi que 1'attaque du glucose en presence d'ATP par 1'hexokinase au depart de la chaine de la glycolyse aboutit a la formation de glucose 6-phosphate et que la quasi-totalite des reactions de la glycolyse se fait sur des derives phosphoryles. En tant que chimiste organicien, HARDEN eut toujours de la reticence a reconnaitre les oses phosphoryles de la chaine de la glycolyse comme de reels intermediaires. II les considerait comme des produits derives, branches en cul-de-sac sur des intermediaires non phosphoryles. Lorsque le glucose est engage dans la synthese du glycogene, il est active sous forme d'UDP glucose. Dans le cas typique de 1'activation des acides gras, le catabolisme opere sur des derives de type acyl-coenzyme A, et 1'anabolisme met en ceuvre des chaines grasses combinees au peptide "Acyl Carrier Protein" (ACP). Ces quelques exemples soulignent le role de 1'etiquetage moleculaire d'un metabolite, base de son activation, pour son engagement dans une voie de degradation ou de synthese bien determinee. Dans bon nombre de reactions du metabolisme (deshydrogenation, reduction, transamination, carboxylation, decarboxylation...), les coenzymes jouent un role preeminent en intervenant directement comme des acteurs de ces reactions; par exemple le NAD et le NADP ou encore le FMN et le FAD sont des vecteurs d'hydrogene, le pyridoxal phosphate est un vecteur de groupe amine. Une etape capitale fut franchie lorsque Ton comprit la relation qui existait au plan structural entre vitamines et coenzymes. La presence de residus vitaminiques dans les coenzymes expliquait les troubles metaboliques lies aux avitaminoses.

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A la notion sous-jacente des annees 1940 que la cellule etait un "sac a enzymes" a fait place la notion que le metabolisme cellulaire est tributaire d'une complexite structurale inherente a la compartimentation membranaire. Ainsi est nee la notion de metabolisme vectoriel, c'est-a-dire d'echange de metabolites entre des compartiments endocellulaires sous le controle de transporteurs membranaires de nature proteique. A cette complexite compartimentionnelle s'ajoute la modulation des activites enzymatiques sous la dependance de facteurs propres a la cellule ou presents dans son environnement. C'est dans ce contexte que se situe la notion classique de profil metabolique. Ainsi chez un mammifere, des organes comme le foie, le cerveau, le tissu musculaire et le tissu adipeux different par certains aspects de leur metabolisme. Parmi les facteurs responsables de ces specificites metaboliques, il y a 1'equipement enzymatique et aussi la reponse aux hormones. Pendant longtemps, on a vecu sur 1'idee que, dans une chaine de reactions enzymatiques, la reaction catalysee avec la plus faible vitesse limitait le flux des metabolites dans cette chaine et par consequent 1'accumulation du produit final. En fait, il s'avere que, dans une chaine metabolique multienzymatique, chaque enzyme exerce un controle sur le flux global avec une force qui lui est propre. Dans I'ancien langage, on parlait d'une reaction limitante, dans le nouveau, on parle des forces de controle exercees par les differents enzymes de la chaine de reactions. Ces forces de contole dependent en priorite de la capacite catalytique des enzymes et de leur concentration, mais aussi de leur environnement, par exemple, dans le cas des organismes metazoaires, du tissu ou se deroulent les reactions. La quantification experimental des forces de controle permet de realiser des modelisations. La biotechnologie utilise de telles modelisations. Ainsi, chez un micro-organisme qui synthetise et secrete un antibiotique, 1'amplification du (ou des quelques) gene(s) codant 1'enzyme (ou les enzymes) a fort coefficient de controle aboutira a une production accrue de cet antibiotique. L'histoire du metabolisme cellulaire eclaire certains aspects de 1'evolution. Ainsi, au fur et a mesure de leur apparition, des organismes de plus en plus complexes sont devenus de plus en plus dependants de leur milieu pour leur nutrition. La notion de vitamines, d'acides amines indispensables et d'acides gras essentiels nous est familiere. Chez les animaux superieurs, ces molecules ne sont plus synthetisees car les enzymes impliques dans leur synthese sont absents du fait de la defection des genes qui les codent. Cet etat de choses n'a cependant pas interrompu le cours de 1'evolution, car les organismes atteints par ces deficiences les ont palliees par des recours nutritionnels appropries.

CHAPITRE V EPILOGUE "Comme tons les etres, les sciences ont leur evolution naturelle. D'abord reunies et indistinctes dans un meme faisceau, elles s'eloignent pen a pen et leurs problemes se distinguent a mesure que nos connaissances s'accroissent et se differencient." Claude BERNARD - De la Physiologie Generale - 1892

"La vie est 1'ensemble des fonctions qui resistent a la mort" cette formule de BICHAT temoigne, par sa connotation a la fois juste et vague, de la difficulte qu'il y a a apprehender 1'essence de la vie. Plus aise, semble-t-il, est d'en repertorier des aspects qui la distinguent de la matiere inanimee. Dans son ouvrage testamentaire Leqons sur les phenomenes communs aux animaux et aux vegetaux (1878 -1879), Claude BERNARD identifie cinq attributs caracteristiques des etres vivants : 1'organisation des materiaux chimiques dont 1'arrangement donne naissance a la matiere vivante, la generation, c'est-a-dire la reproduction, la nutrition, 1'evolution de 1'individu avec la naissance, 1'age adulte et le declin, et finalement la mort. D'une fagon plus globale, une cellule vivante est un ensemble integre de structures dotees de fonctions precises. Un des traits les plus frappants du monde vivant est son apparente diversite accompagnee de possibilites de vie dans des conditions extremes avec les bacteries thermophiles des geysers ou les bacteries barophiles des grands fonds marins. En fait, cette apparente diversite cache une large communaute de mecanismes fondamentaux allant du code genetique a 1'energetique cellulaire (Chapitre II-1.3). En creant en 1802 le terme de biologie pour designer une science dont la finalite etait de dechiffrer les mecanismes qui regissent le fonctionnement des etres vivants, LAMARCK et TREVIRANUS ne faisaient qu'exprimer une tendance de plus en plus insistante chez les naturalistes de passer du stade de 1'observation au stade de I'experimentation. Cette transition fut facilitee a la fin du XVIII6 siecle par 1'essor de la chimie qui se debarrassa de son symbolisme esoterique pour adopter une nomenclature lisible et devint ainsi une discipline d'analyse des structures et de la dynamique des biomolecules. Associee a 1'analyse chimique, la chirurgie experimentale fut alors en mesure d'entreprendre chez 1'animal 1'etude des grandes fonctions physiologiques par le biais d'interventions operatoires dont les parametres etaient maitrises et reproductibles. Ainsi naquit la physiologie d'ou emergea a la fin du XIX e siecle sa composante moleculaire, la chimie physiologique avec ses deux volets, la biochimie structurale et la biochimie dynamique ou metabolique. L'espoir en 1800 de voir la

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biologie devenir une science de 1'etude des fonctions du Vivant etait devenu, un siecle plus tard, une realite. Jusque dans le milieu du XIX e siecle, les "hybrideurs" raisonnaient de fagon empirique pour ameliorer, par le biais de croisements, des races anirnales ou des especes vegetales. La pratique de 1'hybridation fut codifiee par les lois quantitatives de la transmission des caracteres hereditaires decouvertes par Gregor MENDEL. Dans la deuxieme moitie du XIX e siecle, le transformisme fut reconnu et largement accepte en tant que theorie de 1'evolution. A part quelques reticences ponctuelles, la cellule fut consideree comme 1'unite integree des tissus et des organes des especes vivantes animales et vegetales. C'est done sur un socle solide, dote d'une triple armature, la theorie cellulaire, la theorie de revolution et la theorie de 1'heredite, que vont s'epanouir, puis, au tournant du XX e siecle, s'autonomiser des disciplines encore a 1'etat de germes, comme la microbiologie et 1'embryologie. Beaucoup plus tard, dans les annees 1950, la biologie moleculaire fut le resultat d'une fusion entre la genetique et la biochimie. Par sa puissance d'exploration, la biologie moleculaire a permis de repousser bien en avant les frontieres de 1'inconnu sur le fonctionnement du vivant. Comment s'est done bati cet imposant edifice de connaissances qui englobe aussi bien les structures a I'echelle atomique de macromolecules proteiques que 1'ordonnancement de celles-ci dans des reseaux de signalisation essentiels aux fonctions cellulaires les plus elaborees ou que la delicate regulation de 1'expression genique ou encore que 1'harmonieux fonctionnement des chaines metaboliques ? A 1'instar de la physique et de la chimie, la biologie s'est-elle construite par des ruptures epistemologiques ou bien par des increments reguliers de resultats experimentaux ? A travers 1'apparente complexite des structures et des fonctions, est-il possible de discerner des principes fondamentaux iteratifs, en somme des leitmotivs qui apparaissent a plusieurs reprises dans la symphonic du vivant en raison de leur forte valeur signifiante ? Dans un autre registre, quels furent les reactions des decideurs politiques a la fin du XIX e siecle lorsqu'ils prirent conscience, avec la theorie cellulaire et les lois de 1'heredite, des prometteuses perspectives de la biologie ? Comment les gestionnaires de la science contemporaine reagissent-ils eux-memes en face d'avancees foudroyantes comme celle du decryptage du genome humain dont les consequences a long terme sont imprevisibles ? Comment la societe vit-elle les mediatiques retombees des decouvertes de la biologie, en particulier dans le domaine medical ? Cet epilogue est une maniere de repondre a ces questions, ou en tout cas de formuler quelques reflexions s'appuyant sur un contexte historique.

V - EPILOGUE

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1. LES DECOUVERTES EN BIOLOGIE : ACCUMULATION DE CONNAISSANCES

ET RUPTURE DE DOGMES

"Les mathematiques etant immuables et absolues, la science s'accroit par juxtaposition simple et successive de verites acquises. Dans les sciences experimentales, au contraire, les verites n'etant que relatives, la science ne pent avancer que par revolution et par absorption de verites anciennes dans une forme scientifique nouvelle." Claude BERNARD - Introduction a I'etude de la Medecine Experimental -1865

A la fagon de concevoir 1'avancee de la biologie par des sauts et des paliers iteratifs qui conduisent a reviser brutalement des dogrnes anciens s'oppose le mecanisme cumulatif d'apres lequel des connaissances s'amoncelent de fagon ininterrompue par un effet de gradualisme darwinien. Reviser brutalement un dogme admis et enseigne comme verite, c'est dechirer la page sur laquelle etait ecrite une explication orthodoxe d'un certain phenomene. C'est accepter de rompre avec le passe, aussi prestigieux qu'ait pu etre le promoteur du dogme que Ton detruit. Une telle rupture de dogme a ete appelee, a juste titre, rupture epistemologique par Gaston BACHELARD et changement de paradigme par Thomas KUHN. Effectivement, avec la rupture de dogme s'instaure et prend forme un nouveau modele theorique a partir duquel naitront de nouveaux modes de pensee et seront elaborees de nouvelles hypotheses de travail. Ce qui caracterise les ruptures de dogme, ce n'est pas tant la decouverte, meme si elle se demarque des sentiers battus; c'est plutot sa consequence en termes d'elaboration de concept, c'est-a-dire de generalisation d'une nouvelle explication phenomenologique. La veritable rupture de dogme s'accompagne d'une revolution conceptuelle. Par la meme, la rupture de dogme laisse des traces qui se mesurent par des changements decisifs et irreversibles d'orientation thematique. La refutation de la theorie du phlogistique par LAVOISIER (Chapitre IV-2) en est un bon exemple. La theorie du phlogistique a laquelle souscrivaient les naturalistes et les chimistes les plus renommes du XVIII 6 siecle souffrait d'un grave defaut: une incoherence dans 1'estimation ponderale. Pour expliquer qu'un metal comme le mercure chauffe en presence d'air augmentait de poids, on admettait qu'il perdait du phlogistique, un principe non defini contenu dans sa structure. L'explication rationnelle fut fournie par LAVOISIER qui demontra qu'en s'oxydant a 1'air le mercure fixe de 1'oxygene ; de la 1'augmentation ponderale. La refutation du dogme du phlogistique est un exemple typique de rupture epistemologique, c'est-a-dire de changement radical de concept, qui depasse de loin la teneur de la decouverte. L'augmentation de poids des metaux par calcination etait connue du temps de LAVOISIER, de meme que 1'utilisation de la balance. C'est par sa signification conceptuelle que la refutation de la theorie du phlogistique eut un retentissement considerable. Ce fut 1'acte liberateur qui signa la naissance de la chimie moderne, en stipulant les regies stcechiometriques des reactions chimiques.

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Plus proches de notre epoque, mais tout aussi importantes dans leurs consequences furent la decouverte de la fermentation acellulaire du glucose (Chapitre IV-6.4), et la refutation du dogme de la periodicite dans les structures primaires des proteines et des acides nucleiques (Chapitre III-1.3.2). La mise en evidence de la transformation du glucose en ethanol par un extrait de levure sonna le glas du vitalisme. La refutation de la theorie de la periodicite des proteines et des acides nucleiques changea radicalement la fac,on de concevoir la dynamique de ces molecules. Au debut des annees cinquante 1'abandon de la theorie de la zymohydrolyse reversible (Chapitre III-5.1) contribua a creer un nouvel etat d'esprit qui annonga 1'eclosion de la biologie moleculaire, d'autant plus qu'a la meme epoque, WATSON et CRICK revelaient a la communaute scientifique la structure en double helice de 1'ADN porteuse de rinformation genetique chez tous les etres vivants (Chapitre III-2.2.2). La replication des brins de 1'ADN engendrant des brins identiques aux brins parentaux expliquait de fac,on rationnelle la transmission des caracteres hereditaires. En biochimie cellulaire, la theorie chimiosmotique du mecanisme de la synthese d'ATP associee a la respiration cellulaire fut une revolution(Chapitre IV-9.1). Elle donna un souffle de fraicheur a une bioenergetique qui se complaisait dans une orthodoxie conventionnelle. En erigeant la notion de metabolisme vectoriel, elle initia 1'ouverture d'un nouveau chapitre de la dynamique des compartiments endocellulaires dependant de systemes d'echanges transmembranaires de metabolites. II arrive souvent qu'un dogme rejete au cours d'une rupture epistemologique ait pendant longtemps servi de modele, c'est-a-dire de systeme de reference, et qu'il ait ete accepte pendant longtemps sans discussion du fait de 1'autorite que lui conferait le consensus des hommes de science qui 1'enseignaient et 1'utilisaient pour interpreter leurs propres experiences. II est curieux de voir a quel point la defense d'un dogme errone peut conduire a en masquer les failles evidentes par des stratagemes souvent futiles. Ainsi le dogme du phlogistique fut admis sans reserve durant tout le XVIIIe siecle en s'appuyant sur le postulat incroyable que le phlogistique avait un poids negatif. La theorie chimique de Toxydation phosphorylante fut enseignee pendant trente ans jusque dans les annees 1970 en alleguant 1'existence de derives phosphoryles qui ne furent jamais isoles et resterent a 1'etat de fantomes. La rupture de dogme passe souvent par une confrontation psychologiquement penible entre un consensus scientifique largement partage par des autorites reconnues et les resultats d'un chercheur isole ou d'un petit groupe de chercheurs. Le rapport des forces en presence ne facilite pas 1'eclatement de la verite. La decouverte de la phagocytose par Elie METCHNIKOFF a la fin du XIXe siecle en est un exemple typique. A 1'opinion erronee de 1'elite des bacteriologistes de cette epoque selon laquelle les neutrophiles, cellules blanches du courant sanguin, etaient des vecteurs de bacteries, METCHNIKOFF opposa des resultats qui montraient que les neutrophiles etaient des cellules phagocytaires dont la fonction etait d'eliminer les bacteries (Chapitre II-7.3.3). La theorie de la

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phagocytose se heurta a de vives reticences, voire de violentes attaques, pour finalement etre reconnue comme le fondement explicatif de rimmunite innee dite cellulaire. De meme en ce qui concerne la theorie chimiosmotique, il y eut une confrontation ponctuee de debats epiques entre Peter MITCHELL, 1'auteur de cette theorie, et la masse des bioenergeticiens qui vivaient sur le dogme d'une theorie chimique sans support experimental. Ceux-ci raisonnaient par analogie a des mecanismes connus ou la synthese d'ATP etait precedee par la formation de molecules organiques phosphorylees, un cas typique etant celui de la phosphorylation glycolytique. Le couplage entre respiration mitochondriale et synthese d'ATP sans intervention de derives organiques phosphoryles etait en opposition avec 1'orthodoxie de la bioenergetique de cette epoque. II existe des ruptures de dogmes qui, au lieu de proceder de fagon brutale, se construisent par degres pour finalement eclater grace a une derniere demonstration decisive. II s'agit en somme de revolutions annoncees. Ce fut le cas de la theorie cellulaire pour laquelle le monde savant a retenu les noms de SCHLEIDEN, SCHWANN, REMAK et VIRCHOW (Chapitre II-4). On oublie DUTROCHET, RASPAIL, BRISSEAU-MIRBEL, TURPIN, RUDOLPHI et LINK. Us furent des precurseurs, et leur contribution non reconnue fut pourtant decisive. Ajoutons qu'a 1'interieur de ce que Ton appelle la theorie cellulaire, on peut considerer comme une rupture "secondaire" de dogme la demonstration par REMAK et VIRCHOW que les cellules ne naissent pas par cristallisation au sein d'un materiel inerte, le cytoblasteme, mais resultent de la division de cellules preexistantes. Autre exemple de construction par degres : la refutation de la theorie de la generation spontanee par PASTEUR. A ce sujet les livres nous parlent de la fameuse experience du ballon a col de cygne (Chapitre II-7.1). Cette experience mit effectivement un terme definitif a une controverse alimentee depuis le XVII 6 siecle. Si la theorie de la generation spontanee avait eu de nombreux adeptes, elle avait eu aussi ses opposants dont REDI et SPALLANZANI qui, au vu d'experiences bien codifiees et bien executees, avaient contribue a 1'invalider. L'experience du flacon a col de cygne ne fit que lui dormer le coup de grace. II y eut egalement plusieurs etapes dans 1'elaboration de la theorie de revolution. L'idee du transformisme, qui allait recevoir une explication rationnelle avec la theorie de la selection naturelle de DARWIN (Chapitre 1-6.1) avait ete avancee par LAMARCK au debut du XIXe siecle (Chapitre 1-4.1). Elle avait meme ete fortement suggeree au XVIII6 siecle par MAUPERTUIS (Chapitre 1-3). De meme la theorie chromosomique de 1'heredite mise en place par BOVERI et SUTTON (Chapitres II-5.4 et IV-1.1.4), puis developpee de fac.on brillante par MORGAN (Chapitre III-1.1.5), s'est batie sur la connaissance des lois de transmission des caracteres hereditaires formulees cinquante ans auparavant par MENDEL et sur le postulat de WEISMANN que les chromosomes sont porteurs d'un materiel contenant les facteurs de 1'heredite. Ces changements majeurs de concepts que sont la theorie du transformisme, la theorie chromosomique de 1'heredite, la theorie cellulaire, 1'invalidation de la theorie de la generation

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spontanee, appartiennent done a la classe particuliere des ruptures de dogmes qui precedent par bonds successifs pour aboutir a une doctrine finalisee. A certaines epoques, le rythme s'accelere. Des decouvertes majeures s'accumulent, qui modifient d'une fa^on drastique la fac.on de "penser" la science. Ce fut le cas dans la deuxieme moitie du XIXe siecle. C'est en 1'espace d'une vingtaine d'annees qu'emergerent la theorie darwinienne de la selection naturelle, la theorie cellulaire sous sa forme finalisee, les lois de 1'heredite de MENDEL et que se mirent en place les bases de la microbiologie, de 1'embryologie experimental et de 1'immunologie. Au XXe siecle, entre 1950 et 1970, d'une fagon parallele a ce qui s'etait produit au XIX e siecle, une serie de decouvertes eclatantes sonna 1'avenement de la biologic moleculaire, avec la mise en evidence de la structure en double helice de 1'ADN, le decryptage du mecanisme de la synthese proteique et de sa regulation et le dechiffrage du code genetique. Par opposition aux ruptures epistemologiques, necessairement episodiques, la science courante que Thomas KUHN baptise de normale s'edifie par accumulation de resultats experimentaux qui ne bouleversent pas son cours et par un gradualisme dans 1'acquisition des connaissances, ce qui a ete qualifie par Ernst MAYR d'epistemologie evolutive darwinienne. Apres tout, meme si la science normale se limite a confirmer des theories ou a etendre a d'autres especes vivantes des conclusions formulees en premier lieu sur une espece donnee, cette science-la peut fort bien inventer une methodologie specifique et offrir a des problemes pendants des solutions insoupgonnees. Ainsi, la cytologie qui avait remarquablement progresse au XIX e siecle marqua le pas pendant les premieres decennies du vingtieme, tout simplement parce que la limite de resolution du microscope optique avait ete atteinte. On vit alors fleurir une multitude de monographies de cytologie comparee qui permettaient de se conforter dans 1'etablissement du concept cellule - unite de vie, sans declencher pour autant une percee constructive dans la connaissance structurale et fonctionnelle de la cellule. On peut done dans ce cas parler de science normale. Le redemarrage se fit avec 1'arrivee de la microscopie electronique. Entre temps la biochimie structurale et dynamique avait apporte une riche moisson d'informations sur la structure des biomolecules et les chaines metaboliques. La cytologie ultrastructurale put alors fournir, en particulier grace a 1'autoradiographie, un support d'imagerie a 1'etude de la dynamique moleculaire intracellulaire. Get exemple parmi d'autres souligne la complexite de la progression de la connaissance en biologic. Des facteurs imponderables en modifient le cours. L'invention d'un appareil, la mise au point d'une nouvelle methode ou d'une nouvelle technique sont souvent les facteurs qui conditionnent la decouverte, en permettant de verifier une hypothese de travail et par consequent de formuler un nouveau concept. L'avancee scientifique par paliers avec alternance de progres techniques et de "germinations" conceptuelles etait clairement identifiable au siecle dernier et meme dans les premieres decennies du XXe siecle. La rapidite avec laquelle evolue la science biologique de nos jours rend ces paliers pratiquement indistinguables.

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2. A LA RECHERCHE DE PRINCIPES

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UNIFICATEURS

Une theorie porte en elle une puissance evocatrice qui souvent est a la source d'un concept generalisateur, c'est-a-dire applicable a differents cas d'especes. Les concepts generalisateurs ne font, en fait, que reconnaitre des principes unificateurs que la nature a choisis parmi les multiples possibilites qui lui etaient offertes et qu'elle utilise a maintes reprises a des fins precises dans des buts divers. La selection et la compartimentation avec leurs modeles fondamentaux respectifs, la theorie de 1'evolution et la theorie cellulaire, sont des concepts qui, typiquement, sont sources de generalisation a travers le monde vivant. Le principe unificateur fondamental de la selection fut utilise pour expliquer des mecanismes apparemment aussi eloignes que celui de 1'evolution ou celui de la synthese des anticorps. Le principe de la selection naturelle comme base explicative du mecanisme de revolution est ne avec le transformisme darwinien. II s'opposait au principe d'adaptation formule par LAMARCK (Chapitre 1-6). Le principe de selection s'est impose apres que Ton eut admis et compris le role des mutations spontanees dans 1'apparition de "variants", certaines de ces mutations etaient favorisees dans leur developpement par les conditions environnementales. Dans le milieu du XXe siecle, les immunologistes furent confrontes au meme dilemme qu'avaient vecu les evolutionnistes du XIX e siecle : la synthese des anticorps procedait - elle d'un mecanisme de type adaptatif ou de type selectif ? En 1940, Linus PAULING expliqua la synthese des anticorps par un modele selon lequel les chaines naissantes de 1'anticorps adoptent, en presence de 1'antigene, la conformation complementaire de celui-ci. On y refere sous le nom de modele de 1'instruction. En bref, 1'antigene etait suppose agir comme un moule qui dictait a 1'anticorps le mode de repliement de ses chaines peptidiques. La theorie de 1'instruction avait 1'avantage d'etre simple dans son concept. Elle relevait d'une logique lamarckienne dans laquelle le phenotype d'un etre vivant est modele par le milieu dans lequel il vit. Apres avoir ere enseignee comme un credo pendant une quinzaine d'annees, la theorie de 1'instruction s'effondra au milieu des annees cinquante pour faire place a la theorie selective (Chapitre II-7.3.3). En 1955, Niels JERNE proposa que, dans la multitude des molecules d'anticorps en puissance de formation dans les lymphocytes B, il en existait une ou quelques-unes qui etaient capables de se fixer sur un antigene donne, et qu'il en existait d'autres capables de se fixer sur un autre antigene, bref qu'il existait autant d'especes d'anticorps que d'especes d'antigenes imaginables dans la Nature. Cette hypothese audacieuse, a peine croyable, typiquement darwinienne, fut confirmee et completee en 1957 par Frank BURNET sous le nom de selection clonale. BURNET postula que, dans une multitude de cellules lymphocytaires de type B, chaque cellule synthetisait une espece particuliere d'anticorps, et une seule ; en bref, la multitude de lymphocytes B chez un animal ou un etre humain etait supposee capable de synthetiser d'innombrables anticorps, tous differents les uns des autres. On sait

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aujourd'hui que cette difference entre les anticorps depend d'une region tres speciale dans la sequence peptidique, appelee region variable. Si un antigene de structure bien definie se presente en face de la multitude heterogene des cellules B, seule la cellule B qui possede a sa surface 1'anticorps capable de reconnaitre cet antigene sera en mesure de le fixer; ce faisant, cette cellule sera activee de telle fac.on qu'elle se divisera et se differenciera en plasmocytes, cellules productrices d'anticorps tous identiques et capables de neutraliser 1'antigene inducteur. Un autre principe unificateur de la biologie est celui de la cornpartimentation. Les cellules eucaryotes sont caracterisees par une forte cornpartimentation membranaire en organites (Chapitre II-8.2). Le noyau centralise la majeure partie de Tinformation genique qui dicte les ordres d'assemblage aux acides amines dans le cytoplasme en vue de fabriquer les multiples especes de proteines porteuses de fonctions specifiques necessaires a la vie de la cellule. Les mitochondries assument le role de centrales energetiques (il en est de meme pour les chloroplastes des plantes vertes), les lysosomes servent d'eboueurs de molecules indesirables, 1'appareil de GOLGI veille a la secretion de proteines... Parallelement a la cornpartimentation membranaire en organites, il existe une cornpartimentation strictement proteique sans membrane simplement par le jeu d'interactions specifiques. C'est le cas d'enzymes impliques dans des chaines de signalisation, ou dans des reseaux metaboliques ou encore de proteines associees a des recepteurs membranaires. Ainsi, des enzymes catalyseurs de reactions qui se suivent dans une certaine voie du metabolisme peuvent s'associer pour constituer des metabolons dont 1'efficacite catalytique est nettement superieure a celle que pourraient avoir des enzymes disperses dans le gel cytoplasmique (Chapitre IV-9.1). Ces differentes formes de cornpartimentation se retrouvent sous la forme integree d'une unite fonctionnelle fondamentale, la cellule. Chez les metazoaires, les plantes et les animaux superieurs, la cornpartimentation se poursuit grace au processus de differenciation cellulaire avec la formation de tissus et d'organes dotes de fonctions selectives (feuilles, tiges et racines chez les plantes, cceur, cerveau, foie... chez les animaux superieurs). Le principe de cornpartimentation a done ete perennise a travers 1'evolution. La cornpartimentation, principe de base du metabolisme et de bien d'autres fonctions chez les etres vivants, n'est pas etanche. A tous les niveaux et a toutes les etapes de la vie, elle implique des echanges dont le controle est particulierement strict. Des les premiers stades de 1'embryogenese, la cornpartimentation est presente. L'ADN porte les instructions utilisees pour 1'elaboration d'une multitude d'especes proteiques parmi lesquelles certaines, en tant que facteurs de transcription, iront controler 1'expression de 1'ADN. D'autres iront former des complexes par le jeu d'interactions specifiques entre des motifs affines. Ainsi se batiront des structures qui finiront par former des organes dotes de reseaux de regulation dont la complexite est actuellement a peine entrevue.

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3. LA POLITIQUE SCIENTIFIQUE

DES UNIVERSITES ET DES

ETATS FACE A I/EMERGENCE DE LA BIOLOGIE ET A LA FORMATION DES CHERCHEURS AUX XIXE ET XXE SIECLES "It is surprising that people do not believe that there is imagination in Science. It is a very interesting kind of imagination, unlike that of the artist. The great difficulty is in trying to imagine something that you have never seen, that is consistent in every detail with what has already been seen, and that is different from what has been thought of, furthermore, it must be definite and not a vague proposition. That is indeed difficult." Richard FEYNMAN - The meaning of it all a partir d'une conference faite en 1963 et publiee en 1998 L'edification de la biologic, a travers les decouvertes et les concepts qui se sont succede, tout particulierement dans les deux derniers siecles, montre a 1'evidence 1'importance de 1'environnement, du "moule" dans lequel est eduque et s'epanouit le jeune chercheur. Plus que d'un probleme d'enseignement il s'agit d'un probleme d'education a la recherche. Dans son ouvrage Reminiscences et reflexions (1981), le Prix Nobel de physiologic et de medecine, Hans KREBS attirait 1'attention sur la "genealogie scientifique", et les conclusions que Ton est en droit d'en tirer pour ce qui concerne la relation maitre - eleve. Ainsi, Joseph GAY-LUSSAC (1778 -1850), produit de la celebre ecole de chimie franchise de la fin du XVIII6 siecle a laquelle sont attaches les noms de Claude BERTHOLLET (1748 -1822) et d'Antoine-Laurent LAVOISIER (1743 -1794) fut le patron de Justus VON LIEBIG (1803 -1873), le fondateur de la chimie organique allemande. LIEBIG eut comme eleve August KEKULE (1829 -1896) qui lui-meme forma Adolf VON BAEYER (1835 -1917) a la chimie et a la biologie. La filiation scientifique a partir de BAEYER se poursuivit avec Emil FISCHER (1852-1919), Otto WARBURG (1883-1970) et enfin Hans KREBS (1900 -1981). Ces chercheurs fonderent des ecoles dont les decouvertes representent de vastes pans de la biochimie moderne. Existe-t-il des recettes qui expliquent la realisation de si brillantes reussites ? La qualite de la formation scientifique y est pour beaucoup, qui conduit le jeune chercheur suffisamment apte a s'ecarter des sentiers battus a reperer des problemes qui en valent la peine, en dehors de la pression mediatique, et a inventer les outils necessaires a la solution de ces problemes. Dans le contexte de cette reflexion, la lecture de 1'histoire de la biologie nous apprend qu'a la fin du XVIII6 siecle et au tournant du XIX e , la France et 1'Angleterre etaient, par leurs chimistes et leurs naturalistes, des puissances scientifiques de premier ordre. C'est pendant cette epoque que Ton assiste au developpement de la chimie et de la cytologie en Allemagne. Grace a un systeme d'universites decentralisees, autonomes, dotees de larges moyens, jouissant d'une grande liberte d'action et d'initiative, souvent associees a des entreprises industrielles, grace aussi a une

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selection professorate elitiste et a une education d'etudiants fondee sur un enseignement pratique largement developpe, la recherche biologique en Allemagne atteignit en 1'espace de quelques dizaines d'annees un tres haut niveau. Le contraste est saisissant avec la recherche biologique en France ou Paris affirmait et confortait, apres la reforme napoleonienne de 1808, sa fonction de pole scientifique centralisateur du pays avec son universite et ses grandes ecoles. L'anemie des universites de province devint preoccupante et des voix s'eleverent pour alarmer les pouvoirs publics. Dans sa Philosophic Medicale, Charles SCHUTZENBERGER, professeur a la faculte de medecine de Strasbourg, etablissait la comparaison entre 1'universite de Strasbourg et 1'universite allemande de Marburg d'une taille similaire dans les annees 1860. La chimie etait enseignee par un seul professeur a Strasbourg et par cinq en Allemagne. Ce rapport de 1 a 5 se retrouvait pour 1'enseignement de la zoologie et de la physiologic animale. Le role joue en France par 1'administration centrale dans le controle de la science fut sans doute pour quelque chose dans le differentiel de la production des biologistes franc.ais et allemands qui s'amorga au debut du XIX e siecle et qui ne fit que s'amplifier jusqu'au milieu du XXe siecle. A 1'exception de personnalites marquantes comme Charles WURTZ (1817-1884), Charles FRIEDEL (1832 - 1899), Henri SAINTE-CLAIRE DEVILLE (1818 - 1881), Francois RAOULT (1830 -1901), Henri LE CHATELIER (1850 -1936), et de quelques phares eblouissants comme Claude BERNARD (1813 - 1878) et Louis PASTEUR (1822 - 1895), le differentiel scientifique en chimie et en biologic entre la France et 1'Allemagne est objectivement patent au XIX e siecle ; il augmentera pendant le debut du XXe siecle jusqu'a la deuxieme guerre mondiale. Si Ton juge la valeur des decouvertes a leur reconnaissance par le comite Nobel, a partir de 1901 jusqu'en 1940, 1'Allemagne recolte la majorite des Prix Nobel de chimie et une large fraction des Prix Nobel de physiologic et de medecine. Dans cette derniere section, seuls trois Prix Nobel echoient a la France : Alphonse LAVERAN (1908), Alexis CARREL (1912), Charles RICHET (1913). En chimie, les six recipiendaires sont Henri MOISSAN (1906), Marie CURIE (1911), Victor GRIGNARD et Paul SABATIER (1912), Frederic JOLIOT et Irene JOLIOTCURIE (1935). Apres la deuxieme guerre mondiale et pendant la derniere moitie du XXe siecle, rhegemonie americaine devient incontestable en biologic. Les Prix Nobel de physiologic et de medecine sont pour la plupart attribues a des chercheurs americains (plus de 70). Dans cette meme periode, la France se voit distinguer par les Prix Nobel recompensant Francois JACOB, Andre LWOFF et Jacques MONOD en 1965, ainsi que Jean DAUSSET en 1980, nettement distancee par la Grande-Bretagne (15 Prix Nobel). En ce qui concerne la chimie, et la biochimie qui desormais lui est associee, les Prix Nobel se partagent entre les Etats-Unis (une quarantaine) et la Grande-Bretagne (une vingtaine). Jean-Marie LEHN, de TUniversite de Strasbourg, rec.ut le Prix Nobel de Chimie en 1987. Dans son Traite de Biologic Generale qui parut en 1897 et qui relatait 1'evolution des connaissances en biologic au XIX e siecle, le biologiste frangais Yves DELAGE ecrivait: "en ce qui concerne la cytologie, je n'ai point un nom franc,ais a mettre

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en relief. La technique cytologique est chez nous d'importation etrangere, surtout allemande". II poursuivait: "en parcourant la bibliographic, pour un travail ecrit en franc.ais, il y en a trois en langue anglaise et dix en langue allemande" et il ajoutait: "mais ce n'est pas la qu'est 1'ecueil. Le vrai danger est dans la fausse direction des recherches biologiques, et ceci personne ne le voit, personne ne le croit. II suffit de parcourir la table des recueils periodiques de sciences naturelles et la liste des theses inaugurales pour se faire une idee de la tendance actuelle des recherches... L'auteur a perfectionne, etudie, corrige des choses connues, et il se trouve que ces perfectionnements, extensions, corrections, ne modifient pas d'une maniere sensible les idees que Ton avait auparavant sur les questions generates auxquelles touche le sujet etudie ". Comme on le voit, 1'ecueil perc.u par DELAGE a la fin du XIX e siecle ressortait d'un choix delibere de problematiques faciles a apprehender et a resoudre, c'est-a-dire denue de risque. II existe dans la recherche scientifique, et peut-etre plus particulierement en biologic, un autre ecueil non moins redoutable, c'est le pilotage par 1'aval. Or la pratique de la recherche fondamentale revele que les resultats obtenus ne sont pas automatiquement ceux qui sont attendus. Ce qui caracterise la decouverte originale, celle qui revolutionne la pensee scientifique et laisse entrevoir des horizons insoupc,onnes, c'est que Ton ne sait pas en quoi elle consiste avant de 1'avoir faite. Le chercheur qui entreprend un projet, apres s'etre fixe un axe de recherche, se trouve quelquefois confronte a des resultats "bizarres" qui 1'invitent a explorer la raison de ces resultats, s'il en a la curiosite. Ce peut etre 1'occasion d'un changement d'orientation, souvent benefique. Christian DE DUVE, Prix Nobel de physiologie et de medecine, raconte qu'au retour de son sejour a Saint Louis aux USA dans le laboratoire des CORI, ou il avait travaille sur le metabolisme du glycogene, il avait entrepris a 1'universite de Louvain un projet sur le diabete en relation avec le deficit d'enzymes du metabolisme glucidique. Au cours d'experiences de fractionnement d'organites endocellulaires qu'il avait ete amene a realiser, il eut la surprise d'observer que 1'activite phosphatase dans une certaine fraction particulaire augmentait tres nettement au bout de quelques jours, alors que d'autres activites enzymatiques avaient notablement chute. La curiosite de savoir pourquoi 1'activite phosphatase augmentait 1'amena a faire un detour qui en fait se prolongea sur des mois et des annees et le conduisit a la decouverte des lysosomes, puis des peroxysomes (Chapitre II-8.2.2). "Sans cette curiosite "bien placee", dit DE DUVE, je ne me serais jamais retrouve sur le podium de Stockholm". Sans entrer dans une polemique qui sort du cadre de cet ouvrage, car elle concerne essentiellement la science d'aujourd'hui, la tendance est tres forte pour les organismes publics de financer les travaux de recherche en fonction des resultats que Ton doit obtenir. Dans le malstrom mediatique ou se trouve entrainee la recherche fondamentale en biologie du fait meme des prouesses accomplies en medecine, pharmacologie et agronomie, les gestionnaires de la science ne semblent avoir d'autre issue que d'appliquer une politique de contrats d'objectifs soigneusement programmes, pares d'un

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clinquant a courte vue, en prise directe avec des applications immediatement rentables. Cette politique ne peut etre que sterilisante car la recherche fondamentale n'est pas programmable. L'astrophysicien Evry SCHATZMAN dans son ouvrage L'outil Theorie (1992) insistait sur la responsabilite des hommes politiques, sur leur absence d'education scientifique, leur totale meconnaissance de 1'histoire des sciences et la confusion qui en resulte entre recherche fondamentale et applications de cette recherche. L'histoire de la biologic montre a 1'evidence que les decouvertes et les concepts fondamentaux ont toujours precede les applications. Alors que la recherche appliquee est definie par des objectifs utilitaires necessairement programmables, la recherche fondamentale porte sur des problematiques dont la solution a echeance non previsible accroitra le niveau de la connaissance pure. Les applications suivront dans un contexte economique, et par la meme un etat d'esprit different. II n'est pas question, bien sur, de minimiser ici le role que jouent les applications de la biologie dans la vie de la societe. L'apport inappreciable des nouvelles technologies dans les domaines de la sante, de 1'agro-alimentaire ou de la bioindustrie est indiscutable. C'est le resultat d'une interaction intelligente entre recherche fondamentale et application de cette recherche. Alors que des le XIX e siecle, cette interaction etait encouragee en Allemagne, et qu'elle le fut ensuite dans d'autres pays d'Europe et aux Etats-Unis, elle resta relativement timide en France jusqu'a ces dernieres decennies. L/osmose harmonieuse entre universites et entreprises doit son succes a la fac.on dont elle est conduite, c'est-a-dire a 1'esprit de hardiesse et a la culture des hommes qui 1'initient ainsi qu'a la solidite des connaissances, et a 1'esprit d'ouverture des partenaires qui en assurent la bonne marche. Pascal NOUVEL, dans L'art d'aimer la science (2000), essaie de comprendre ce qui, au plan psychologique, distingue le chercheur qui s'occupe de recherche fondamentale de celui qui applique les resultats de cette recherche a des fins utilitaires. En qualifiant le premier d'homme intuitif et le second d'homme rationnel, il montre ainsi deux tendances differentes de la pensee humaine qui toutes deux sont necessaires au progres et meritent d'etre encouragees sans favoritisme unilateral. Un autre phenomene de la recherche biologique contemporaine merite reflexion, c'est la specialisation des savoirs. Au XVIII 6 siecle, il n'etait pas rare que 1'experimentateur possedat un vaste bagage de connaissances en dehors de son propre domaine. GOETHE etait poete, philosophe et naturaliste. VOLTAIRE de meme que BUFFON etait familier des travaux de NEWTON. MAUPERTUIS, passionne par les sciences naturelles, etait un excellent geometre et un remarquable mathematicien. Ceci pour ne citer que quelques exemples typiques de 1'eclectisme culturel de cette epoque ou les grands noms de la science avaient une vision panoramique de 1'Univers. Les sciences se sont complexifiees - et cela est particulierement vrai pour la biologie de la fin du XXe siecle -. La quantite de connaissances acquises et enseignees en biologie a ete decuplee depuis la seconde guerre mondiale. II en est resulte une specialisation quelquefois outranciere et une compartimentation des savoirs, a telle enseigne que meme si

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les laboratoires ouvrent largement leurs portes, la science qui s'y pratique est difficilement accessible a des chercheurs d'autres disciplines. L'absence de dialogue interdisciplinaire aboutit a un confinement dans des domaines etroits de la connaissance, certes avec une maitrise technique tres professionnelle, mais malheureusement sans vision conceptuelle elargie et sans echappee liberatrice. l/enseignement compartimentalise a 1'extreme que regoivent les etudiants a des fins censees etre utilitaires explique en partie cet etat de choses et contribue a 1'amplifier.

4. LA BIOLOGIE FACE A LA SOCIETE. L'IMPACT DES NOUVELLES CONNAISSANCES DANS LES DOMAINES MEDICAL, SOCIO-ECONOMIQUE ET POLITIQUE Lorsque PANDORE ouvrit par curiosite la jarre dans laquelle ZEUS avait enferme les maux de I'humanite, ceux-ci se repandirent sur la Terre, semant 1'effroi. Dans le fond de la jarre restait 1'esperance. Le mythe de PANDORE est plus que jamais d'actualite. Dans les dernieres decennies du XX e siecle, la biologie s'est hissee au rang de science experimentale majeure au meme titre que la physique et la chimie. Par son impact sur 1'homme au plan de la sante aussi bien que de son mode de vie, la recherche biologique par certaines de ses thematiques detient une redoutable responsabilite. Les retombees dans le domaine du diagnostic medical, de la prophylaxie et de la therapeutique sont celles qui s'attirent sans contexte les suffrages du public. Jusqu'aux annees 1870 -1880, 1'origine des epidemies etait rapportee a des causes imprecises. On parlait de "spontaneite morbide". On admettait que les maladies les plus contagieuses naissaient sous 1'influence de foyers de putrefaction, d'une fatigue excessive, d'une alimentation insuffisante. On connaissait bien les foyers d'origine de la peste, du cholera, de la fievre jaune, mais la contagiosite etait niee. La mise en evidence d'une relation entre microbes et infection (Chapitre II-7.3.1) changea du tout au tout cet etat d'esprit. L'application immediate alia a la prophylaxie antimicrobienne. Avant 1'arrivee de 1'asepsie et de 1'antisepsie, les operations chirurgicales et les accouchements comportaient un risque serieux, parfois mortel. Les mesures de disinfection systematique a la fin du siecle dernier reduisirent ce risque de fa^on spectaculaire. Les sulfamides, puis la penicilline et les autres antibiotiques introduits vers le milieu du XX e siecle epargnerent des millions de vies humaines. De nos jours, la vaccination permet de se premunir centre des maladies preoccupantes par leur dangerosite comme la poliomyelite, la diphterie, le tetanos et bien d'autres. La vaccination antivariolique a eradique la variole de la surface de la Terre. Dans un autre contexte, des substances anesthesiques, d'abord le protoxyde d'azote au tout debut du XIXe siecle, puis une quarantaine d'annees plus tard Tether, et le chloroforme furent d'un appoint inestimable pour la pratique chirurgicale. Les etonnantes

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performances de 1'art chirurgical, en matiere de greffes d'organes par exemple, sont largement redevables aux progres de rimmunologie. De vastes domaines de la faune et de la flore du globe terrestre recelent des especes vivantes encore inconnues dont certaines (insectes, animaux marins, plantes exotiques) contiennent des composes chimiques riches de promesses pour la therapeutique aussi bien que pour 1'industrie chimique. Les biotechnologies ont de beaux jours devant elles. Deja au tournant du XXI e siecle, les techniques d'ingenierie genetique, heritieres de la biologic moleculaire, permettent la production de medicaments a partir de bacteries, de levures et meme de plantes. Par ses applications effectives ou potentielles, tout progres scientifique est confronte a plus ou moins longue echeance aux imperatifs de 1'ethique. C'est le cas de la maitrise de la fecondation et du clonage. Une prouesse technique aux redoutables consequences ethiques fut en 1997 la naissance du premier mammifere obtenu par clonage, une brebis nommee Dolly. L'reuf dont provenait Dolly resultait du transfert d'un noyau diplo'ide d'une cellule somatique dans un ovule enuclee. D'autres clonages animaux et vegetaux ne se firent pas attendre. II n'est pas etonnant que le clonage humain ait pu etre envisage. II le fut des 1998 aux Etats-Unis, puis reporte en raison d'une opposition politique tres ferme. Associe a la transgenese, le clonage peut permettre a travers une ingenierie appropriee du genome de refaconner une espece animale. Ici la science fiction devient realite. L'application de la transgenese au domaine agricole avec la possibilite de cultures en masse d'organismes genetiquement modifies (OGM) presente des aspects interessants, en particulier du cote de la prevention d'attaque par les insectes nuisibles. Elle souleve malgre tout des questions sur 1'avenir evolutif de ces organismes modifies; ces questions apparaissent d'une telle importance et d'une telle gravite qu'un moratoire, sans effet de diabolisation, serait necessaire avant que la culture des OGM n'envahisse la totalite de la planete. Dans un autre registre, 1'experimentation animale a recemment souleve de serieux problemes d'ethique. Pratiquee sur des mammiferes, elle permit au XIXe siecle de dechiffrer les mecanismes de base des grandes fonctions physiologiques et de les extrapoler a 1'homme. Elle fut pratiquee des le IIe siecle par le medecin grec GALIEN qui etudia les effets paralysants de la section de la moelle epiniere a differents niveaux. Apres une longue interruption, elle recommenga a etre pratiquee au XVII6 siecle par des medecins celebres dont Reinier DE GRAAF et William HARVEY. Mais c'est vraiment au XIX e siecle qu'elle devint avec Francois MAGENDIE et Claude BERNARD en France une pratique routiniere de la physiologic experimentale. Claude BERNARD donna une justification de cette pratique en les termes suivants tires de 1''Introduction a I'Etude de la Medecine Experimentale : "on ne pourra arriver a connaitre les lois et les proprietes de la nature vivante qu'en disloquant les organismes vivants pour s'introduire dans leur milieu interieur. II faut done dissequer sur le vif pour mettre a decouvert et voir fonctionner les parties cachees de 1'organisme. C'est a ce mode d'operation qu'on donne le nom de vivisection. Sans ce mode d'investigation, il n'y a pas de

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physiologie, ni de medecine scientifique possibles". Ce jugement d'une haute autorite scientifique, dont 1'apport a la connaissance de la physiologic humaine est inestimable, fait prendre la mesure de la responsabilite morale du biologiste face a 1'experimentation animale et a la quete d'informations necessaires au progres de la medecine. II est des cas ou particulierement pervers dans ses effets est 1'impact de decouvertes biologiques sur le comportement sociologique et politique de 1'individu humain (Chapitre 1-6.8). Ainsi, Francis GALTON, cousin de Charles DARWIN et avocat farouche de la theorie de la selection naturelle, fonda en 1883 la doctrine de 1'eugenisme sous le vocable euphemique de darwinisme social. II proclamait que ce que la Nature fait etourdiment en selectionnant les especes animales les plus aptes, 1'eugenisme doit permettre de le realiser de fagon intelligente chez 1'homme. La doctrine fit son chemin et recruta des adeptes. Aux Etats-Unis, entre 1907 et 1935, plus de 20 000 sterilisations furent pratiquees sur des individus declares faibles d'esprit. La Suede suivit 1'exemple et ne fut pas en reste. A partir de 1934, 1'Allemagne prit le relais, avec la realisation de 300 000 sterilisations jusqu'en 1939; pendant la seconde guerre mondiale plusieurs millions d'individus furent elimines dans des camps d'extermination au nom de 1'eugenisme. Non moins desastreuses dans ses consequences socio-economiques et humaines furent 1'utilisation du darwinisme et la refutation de la theorie chromosomique de 1'heredite dans le domaine de 1'agriculture en URSS jusque dans les annees soixante. L'agronome russe LYSSENKO fut le chantre de cette nouvelle doctrine impregnee de marxisme, qu'il appliqua a la culture de cereales. Les modifications de rendement, de morphologie et meme d'espece ne dependaient pas, d'apres lui, de la selection des graines apres mutation, mais de 1'exposition des plantes a des environnements definis. En 1950, il en etait arrive a pretendre transformer le ble en seigle. LYSSENKO, soutenu par le pouvoir politique, proclamait en 1938 : "les morganistes (partisans de MORGAN) se figurent 1'heredite des organismes comme une substance a part. Us divisent cette substance en particules, en corpuscules. Or, la substance de 1'heredite a ete imaginee par eux. Elle n'existe pas... Us ont attribue aux corpuscules imaginaires de 1'heredite la propriete miraculeuse de s'accroitre, de se multiplier des millions de fois sans se modifier... Notre fac.on de voir, celle des darwiniens est tout autre. Nous partons du fait que les conditions d'existence, les conditions d'education de 1'organisme vegetal retentissent plus ou moins sur le comportement des descendants des plantes". Dans un discours prononce en 1953 a Moscou, parlant des lois de M E N D E L , LYSSENKO declarait: "la disjonction mendelienne s'operant selon le rapport de 3/1 est une chimere. Si j'attaque aussi violemment la loi de MENDEL, ajoutait-il, c'est avant tout que cette loi me gene beaucoup dans mon travail qui, en 1'occurrence est d'ameliorer les semences des cereales". Les allocutions de LYSSENKO dont sont tirees ces lignes furent publiees dans un ouvrage traduit en frangais sous le titre Agrobiologie. Elles montrent le degre d'errement que peut atteindre 1'ajustement d'une theorie scientifique a une

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doctrine sociologique ou economique, en 1'occurrence, ici, le marxisme, pour cornplaire aux autorites politiques du pays. L'agrement reconnaissant de ces autorites valut a LYSSENKO les plus grands honneurs et a ses opposants la deportation. Les idees de LYSSENKO furent mises en pratique jusque dans les annees 1970 malgre des rendements agricoles desastreux qui auraient du attirer 1'attention des autorites politiques s'ils n'avaient fait 1'objet de comptes rendus truques. Autre aspect de 1'opposition de LYSSENKO a la genetique de 1'ecole americaine de MORGAN : 1'adhesion sans appel au principe d'utilitarisme selon lequel le travail des chercheurs scientifiques doit viser a accroitre le bien-etre de la societe. Face a une recherche orientee vers une amelioration des rendements cerealiers, a quoi pouvaient bien servir les analyses statistiques de MORGAN sur la couleur des yeux et la longueur des ailes de milliers de mouches ? L'eclosion de la biologie moleculaire, fondee sur une alliance de la genetique et de la biochimie, avec ses multiples et spectaculaires retombees, se chargea d'apporter un dementi cinglant au lyssenkisme. La deviation des principes intangibles de la connaissance scientifique est . devenue preoccupante du fait meme de I'accroissement prodigieux des moyens de communication qui livrent en vrac une multitude d'informations sans le necessaire tri pedagogique. Mis en face des aspects fondamentaux et appliques de la recherche biologique, le public donne sa faveur a 1'application en meconnaissant, souvent de fagon deliberee, la fac,on dont 1'application a resulte d'experiences de nature fondamentale. L'opinion publique, prise a temoin par le pouvoir politique, relayee par les moyens de plus en plus developpes de la mediatisation, devient inconsciemment un arbitre dans les enjeux scientifiques des nations. L'aspect utilitaire a rendement rapide est privilegie sur 1'aspect fondamental dont les resultats sont souvent aleatoires, jamais immediats. L'histoire de la biologie est riche d'enseignements qui valent pour le futur. De 1'etat embryonnaire ou elle stagnait, il y a trois ou quatre siecles, la recherche en biologie a allegrement franchi le cap de 1'adolescence, portant en elle une puissance d'exploration qui se mesure a la somme impressionnante des connaissances acquises dans les dernieres decennies. Mais elle porte aussi en elle des responsabilites du fait de ses retombees souvent benefiques, parfois contestables dans le domaine des applications qu'utilise la societe humaine avec des consequences a longue echeance sur revolution du vivant. Andre LWOFF rappelait dans Jeux et Combats (1981) ce que pensait le philosophe Julien BENDA de la science, et qui peut constituer une maniere de credo pour la biologie : "la science a une valeur educative par sa methodologie qui oblige a un constant examen, a une constante remise en question, a un constant renoncement aux erreurs, a un continuel combat contre des entramements passionnels".

BlBLIOGRAPHIE Le present ouvrage a ete redige a partir de documents provenant de sources primaires ainsi que de livres recents qui relatent 1'histoire de figures marquantes de la biologie. Une liste de references est donnee pour chacun des chapitres. En annexe a ete ajoutee une liste de livres moins specialises sur 1'histoire de la biologie ainsi qu'une selection restreinte de traites a partir desquels le lecteur pourra faire le point sur les acquis actuels en biologie cellulaire, biologie moleculaire et metabolisme cellulaire.

CHAPITRE I - LES ARTISANS DES THEORIES DE DEVOLUTION Sources primaires BUFFON G. DE Des epoques de la Nature. 1778. Rendition 1998, Diderot Multimedia, Paris. CUVIER G. Discours sur les revolutions de la surface du globe et sur les changements cju'elles ont produits dans le regne animal. 3e edition 1825, Dufour et d'Ocagne, Paris. DARWIN C. Ebauche de la theorie des especes. 1844. Traduction franchise 1998, Diderot Multimedia, Paris. DARWIN C. The origin of species by means of natural selection or the preservation of favoured races in the struggle for life. 1859. Reimpression 1976, Avenel Books, New-York. DARWIN C. De la variation des animaux et des plantes. 1868. Traduction franchise 1879, Reinwald, Paris. DARWIN C. La descendance de I'homme. 2e edition 1874. Traduction franchise 1881, Reinwald, Paris. DE VRIES H. Especes et varietes. 1904. Traduction franchise 1909, Albin Michel, Paris. HAECKEL E. Anthropogenic ou Evolution humaine. Traduction franchise de la 2e edition 1877, Reinwald, Paris. HUXLEY T. L'evolution et I'origine des especes. 1891. Traduction franchise 1892, Bailliere, Paris. LAMARCK J.B. DE Philosophic zoologique. 1809. Rendition 1994, Flammarion, Paris. QUATREFAGES A. DE Darwin et ses precurseurs franqais. 1892, Felix Alcan, Paris.

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BIBLIOGRAPHIE

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CHAPITRE II - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE CELLULAIRE Sources primaires BICHAT X. Recherches physiologiques sur la vie et la mort (1800) et Anatomic generate appliquee a la physiologic et a la medecine (1801). Rendition 1994, Flammarion, Paris. BONNET C. Considerations sur les etres organises. 1762, Marc Michel Amsterdam. DELAGE Y. L'heredite et les grands problemes de la biologie generale. 2e edition 1903, Schleicher et Cie, Paris. HENLE J. Traite d'anatomie generale ou I'histoire des tissus et de la composition chimique du corps humain. Traduction franchise 1843, Baillere, Paris. KOLLIKER A. Elements d'histologie humaine 1858. Traduction franchise 1868, Masson, Paris. METCHNIKOFF E. L'immunite dans les maladies infectieuses. 1901, Masson, Paris. PRENANT A., BOUIN P. & MAILLARD L. Traite d'histologie. 1904, Schleicher et Cie, Paris. TYNDALL J. Les microbes. 1877. Traduction franchise 1882, Savy, Paris.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

CHAPITRE III - LES ORIGINES DE LA BIOLOGIE MOLECULAIRE Sources primaires BERZELIUS J. Theorie des proportions chimiques. 2e edition 1885, Reinwald, Paris. BUNGE G. Cours de chimie biologique et pathologique. Traduction franchise 1891, Georges Carre, Paris. CHEVREUL E. Resume d'une histoire de la matiere depuis les philosophes grecs jusqu'a Lavoisier. 1875. Memoires de VAcademic des Sciences de 1'Institut de France, Tome 39, Gauthier-Villars, Paris. DUMAS J.-B. Lemons sur la philosophie chimique. 1836. Impression 1878, Gauthier-Villars, Paris. DUMAS J.-B. Memoires de chimie. 1843, Bechet, Paris. LEMERY N. Cours de chymie. 1757. Rendition 1981, Collection Les Introuvables, Edition d'Aujourd'hui, Paris. MORGAN T.H., STURTEVANT A.H., MULLER H.J. & BRIDGES C.B. Le mecanisme de I'heredite. Traduction franchise 1923, Maurice Lamertin, Bruxelles. LIEBIG J. VON Nouvelles lettres sur la chimie. Traduction franchise 1852, Charpentier, Paris. WEISMANN A. Essai sur I'heredite et la selection naturelle. 1883. Traduction franchise 1892, Reinwald, Paris. WURTZ A.D. Histoire des doctrines chimiques. 1869, Hachette, Paris. WURTZ A.D. Introduction a I 'etude de la chimie. 1885, Masson, Paris.

Autres sources BOYDE T.R.C. Foundation stones of biochemistry. 1980, Voile et Aviron Ed., Hong Kong. DEBRU C. L'esprit des proteines. 1983, Hermann, Paris. FRUTON J.S. A skeptical biochemist. 1992, Harvard University Press, Cambridge. FRUTON J.S. Proteins, Enzymes, Genes. The interplay of chemistry and biology. 1999, Yale University Press,Yale. GROS F. Les secrets du gene. 1986, Odile Jacob, Paris. KOURILSKY P. Les artisans de I'heredite 1987, Odile Jacob, Paris. MORANGE M. Histoire de la Biologic Moleculaire. 1994, La Decouverte, Paris. MORANGE M. La part des genes. 1998, Odile Jacob, Paris. PROCHIANTZ A. Les anatomies de la pensee 1997, Odile Jacob, Paris. TEICH M. (with NEEDHAM D.) A documentary history of biochemistry 1770 -1940. 1992, Leicester University Press, Leicester. WOJTKOWIAK B. Histoire de la chimie. 1998, Techniques et Documentation Lavoisier, Paris.

BIBLIOGRAPHIE

CHAPITRE IV - LES RACINES DU METABOLISME

437

CELLULAIRE

Sources primaires BERNARD C. Introduction a I'etude de la medecine experimental. 1865, Delagrave, Paris. BERNARD C. Lec.ons sur les phenomenes de la vie communs aux animaux et aux vegetaux. 1878, Baillere, Paris. BERNARD C. Recherches sur une nouvelle fonction du foie considere comme organe producteur de matiere sucree chez I'homme et les animaux. These 1853, Paris. INGEN-HOUSZ J. Experiences sur les vegetaux. 1780, Didot, Paris. KREBS H.A. Reminiscences and reflections. 1981, Clarendon Press, Oxford. LAVOISIER A.-L. Traite elementaire de chimie. 1789, Paris. MAGENDIE F. Precis elementaire de physiologic. 1825, Mequignon-Marvis, Paris. PRIESTLEY J. Experiences et observations sur les differentes branches de la physique avec une continuation des observations sur I'air. Traduction franchise 1782, Paris.

Autres sources BENSAUDE-VINCENT B. & STENGERS I. Histoire de la chimie. 1993, La Decouverte, Paris. FLORKIN M. A history of biochemistry. 1972 -1977, Elsevier, Amsterdam. GRIMAUX E. Lavoisier. 1896, Felix Alcan, Paris. HAZARD J. & PERLEMUTER L. L'homme hormonal. 1995, Kazan, Paris. HOLMES F.L Claude Bernard and animal chemistry. 1974, Harvard University Press, Cambridge. HOLMES F.L. Lavoisier and the chemistry of life. 1985, Wisconsin Press, Madison. HOLMES F.L. Hans Krebs. 1991, Oxford University Press, Oxford. LASZLO P. Qu'est-ce que I'alchimie. 1996, Hachette, Paris. STEPHENSON M. Bacterial metabolism. 3e edition 1949, Longmans, Green and Co, London. UMBREIT W.W., BURRIS R.A. & STAUFFER J.F. Manometric techniques and tissue metabolism. 4eme edition 1964, Burgess Publishers, Minneapolis.

CHAPITRE V - EPILOGUE BACHELARD G. La formation de I'esprit scientifique. 1938, Vrin, Paris. BACHELARD G. Le nouvel esprit scientifique. 1938, Presses Universitaires de France, Paris.

438

LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

BUICAN D. Evolution de la pensee biologique. 1995, Hachette, Paris. CANGUILHEM G. Etudes d'histoire et de philosophie des sciences concernant les vivants et la vie. 1968. Rendition 1994, Vrin, Paris. KOYRE A. Etude de la pensee scientifique. 1973, Gallimard, Paris. KUHN T. La structure des revolutions scientifiques. 1962. Traduction franchise 1983, Flammarion, Paris. MAYR E. Histoire de la biologie. 1982. Traduction franchise 1989, Fayard, Paris. MAYR E. Qu'est-ce que la biologie ? 1997. Traduction franchise 1998, Fayard, Paris. MONOD J. Le hasard et la necessite. 1970, Le Seuil, Paris. NOUVEL P. L'art d'aimer la science. Psychologic de Vesprit scientifique. 2000, Presses Universitaires de France, Paris. ROGER J. Pour une histoire des sciences a part entiere. 1995, Albin Michel, Paris. SCHATZMAN E. L'outil Theorie. 1992, Eschel, Paris. SCHUTZENBERGER C. Fragments de philosophie medicale. 1879, Masson, Paris.

ANNEXES Sciences et Biologie CAVALLI-SFORZA F. Qui sommes-nous 1 1993. Traduction francaise 1994, Albin Michel, Paris. CHASTEL C. & CENAC A. Histoire de la medecine. 1998, Ellipses, Paris. COLEMAN W. Biology in the nineteenth century. 1977, Cambridge University Press, Cambridge. DE WITT H. Histoire du developpement de la biologie. 1982. Edition francaise 1992, Presses poly techniques et universitaires romandes, Lausanne. DELAYAULT R. Les precurseurs de la biologie. 1998, Corsaire, Orleans. DURIS P. & GOHAU G. Histoire des sciences de la vie. 1997, Nathan, Paris. GIORDAN A. et al. Histoire de la Biologie. 1987, Techniques et Documentation Lavoisier, Paris. GOHAU G. Biologie et Biologistes. 1978, Magnard, Paris. GUYENOT E. Les sciences de la vie aux XVIIe et XVIIIe siecles. 1941, Albin Michel, Paris. JACOB F. Le jeu des possibles. 1980, Fayard, Paris. JACOB F. La souris, la mouche et I'homme. 1997, Odile Jacob, Paris. LAFFONT O. D'Aristote a Lavoisier. Les etapes de la naissance d'une science. 1994, Ellipses, Paris.

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Documentation (restreinte) sur les acquis recents en biochimie, biologie cellulaire et biologie moleculaire ALBERTS B., BRAY D., LEWIS J., RAFF M., ROBERTS K. & WATSON J. Molecular Biology of the Cell. 3e edition 1994, Garland Publ. Inc. BOREL J.P. & STERNBERG M. Biochimie et Biologie Moleculaire illustrees. 2000, Frison-Roche, Paris. BRANDEN C. & TOOZE J. Introduction to protein structure. 1991, Garland, New York & London. COSSART P., BOQUET P., NORMAK S. & RAPPUOLI R. Cellular Microbiology 2000, American Society Microbiology Press, Washington. DELAUNAY J. Biochimie. 1988, Hermann, Paris. KAPLAN J.-C & DELPECH, M. Biologie Moleculaire et Medecine. 1989, MedecineSciences Flammarion, Paris. LEHNINGER A.L., NELSON D.L. & COX MM. Principles of biochemistry. 1993, Worth Publishers, New York. LEWIN B. Genes V. 1994, Oxford University Press, Oxford. MADIGAN M.T., MARTINKO J.M. & PARKER, J. Brock Biology of microorganisms. 9e edition 2000, Prentice Hall, New Jersey. PELMONT J. Enzymes, catalyseurs du monde vivant. 1997, Collection Grenoble Sciences EDP Sciences, Paris. PERUTZ M. Structure des proteines. Traduction franchise 1996, John Libbey, Paris. PURVES W., ORIANS G. & HELLER C. Le monde du vivant. Traite de Biologie. Traduction francaise 1994, Sciences Flammarion, Paris. SINGER M. & BERG P. Genes and Genomes. 1991. Traduction francaise 1992, Vigot, Paris. STRYER L. Biochemistry. 4e edition 1995, Freeman and Cie, New York.

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INDEX DES AUTEURS ABBE Ernst (1840 -1905) II-5.1 ABDERHALDEN Emil (1877 -1950)

m-2.1.1, m-5.1 ABEL John (1857 -1938) IV-4.1 ADAMKIEWICZ Albert (1891 -1973) ffl-1.2.2 ADANSON Michel (1727 -1806) 1-2.2 ADDISON Thomas (1793 -1860) 1-2.2, IV-4.1 AGASSIZ Louis (1807 -1873) 1-5.2,1-6.5 AGRICOLA (de son vrai nom Georg BAUER) (1494 -1555) IV-2 ALDER Kurt (1902 -1958) 1-8.4 ALDRICH Thomas (1861 -1938) IV-4.1 ALEMBERT Jean d' (1717 -1783) 1-3 ALTMAN Sidney (n. 1939) III-8.1 ALTMANN Richard (1852 -1900) II-5.5, II-8.2.1, III-1.3.1 AMICI Giovanni Battista (1786 -1863) II-4 ANAXAGORE (500 - 428 av. J.C.) IV-1.1 ANAXIMANDRE (611 - 517 av. J.C.) 1-1.1 ANFINSEN Christian (1916 -1995) III-3.3, IV-7.2.3 APPERT Francois (1749 -1841) II-7.1 AQUAPENDENTE Fabrice (de son vrai nom FABRIZZI Jacques) (1537 -1619) IV-2 AQUIN Thomas d1 (1225 -1274) 1-1.1 ARBER Werner (n.1929) III-8.2 ARISTOTE (384 - 322 av. J.C.) 1-1.1,1-2, IV-1.1,1 V-1.2 ASCHOFF Ludwig (1866 -1942) IV-7.2.2 ASCOLI Albert (1877 -1957) III-1.3.1 ASTBURY William (1898 -1961) III-1.2.6, III-2, III-2.2, III-2.2.2 ASTRACHANLazarus (n. 1925) III-6.2 ATWATER Wilbur (1844 -1907) IV-3.7 AVERRHOES (1120 -1198) IV-1.2

AVERY Oswald (1877 -1955) III-4.2.1, III-4..2.3, III-4.2.4, III-9 AVICENNE (980 -1037) IV-1.2 AVOGADRO Amadeo (1776-1856) III-1.2, IV-2.5, IV-3.2

6 B ACH Aleksei (1857 -1943) IV-8.1 B ACHELARD Gaston (1884 -1962) V-l BACON Roger (1214 -1294) IV-1.2 B AER Karl Ernst von (1792 -1876) II-5.7, II-6.1 B AEYER Adolf von (1835 - 1917) III-1.2.2, IV-6.2, IV-7.1.5, IV-8.2, V-3 B ALBIANI Edouard (1825 -1899) II-5.2, III-1.1.5 BALTIMORE David (n. 1938) III-8.1 BANTING Frederick (1891 -1941) IV-4.1 B ARCROFT Joseph (1872 -1947) III-3.4 B ARSKI Georges (1909 -1985) II-8.4 B ARTHEZ Paul-Joseph (1734 -1806) 1-1.1 B ARY Anton de (1831 -1888) III-4.1 BATES Henry 1-6.1 B ATESON William (1861 - 1926)

1-6.6, m-i.i.2, m-i.1.3, m-i.i.5, m-4 BAUER Georg (dit AGRICOLA) (1494 -1555) IV-2 B AUMANN Eugene (1846 -1896) IV-4.1 BAUME Antoine (1728 -1804) II-3 B AYLISS William (1860 -1924) IV-4.1 B EADLE George (1903 - 1989) III-4, III-4.1, III-4.2.3 BECKER Jean-Joachim (1635 -1682) IV-2.2 BEHRING Emil von (1854 -1917) II-7.3.2, III-3.1 B EIJERINCK Martinus (1851 -1931) II-7.3.5, II-7.5 BELITZER Vladimir (1906 -1988) IV-8.6

442

BELL Charles (1774 -1842) IV-4.1 B ELL Paul (n. 1914)111-2.1.1 B ELON Pierre (1517 -1564) 1-2 BENDACarl (1857 -1933) II-5.5 B ENDA Julien (1857 -1956) V-4 BENEDICT Stanley (1884 -1936) IV-3.7 BENSLEY Robert (1867-1956) II-8.2.1 BENZER Seymour (n. 1941) III-6.5 BERG Paul (n. 1936) III-9, IV-7.1.1 BERGMANN Max (1886 -1944) III-1.2.8 BERNAL John (1901 -1971) III-1.2.6, III-2, III-2.2, III-2.2.1,111-2.2.2, IV-7.1.5 BERNARD Claude (1813 -1878) II-3, II-5.7, II-10-3, IV-3, IV-3.5, IV-3.6, IV-4.1, IV-5, V, V-l, V-3, V-4 B ERNARDIN DE SAINT-PlERRE Jacques

Henri (1737 -1814) 1-5.1 B ERTHOLD Arnold (1803 -1861) IV-4.1 BERTHOLLET Claude (1748 -1822) II-3, III-1.2, IV-2.2., IV-2.5, IV-3.2, IV-3.3, V-3 BERTRAND Gabriel (1867 -1962) III-1.2.7 BERZELIUS Jons (1779 -1848) III-1.2, III-1.2.1, III-3.1, IV-3.2, IV-6.1 BEST Charles (1899 -1978) IV-4.1 BICHAT Xavier (1771 - 1802) 1-1.1, II-3, II-4.4, II-8.2.3, V BIOT Jean Baptiste (1774 -1862) IV-6.3 BISHOP Michael (n. 1936) III-9 BJERRUM Niels (1879 -1958) III-1.2.7 BLACK Joseph (1728 -1799) II-3, IV-2.3 BLAINVILLE Henri-Marie de (1777 -1850) 1-3, II-3 B LOBEL Giinther (n. 1936) II-10.1 BLOCH Felix (1905 -1983) III-2 BLOCH Konrad (1912 - 2000) IV-7.3 BOEHRAAVE Herman (1668 -1738) II-2.2 BOHR Niels (1885 -1962) III-1.1.5 BOIVIN Andre (1895 -1949) LII-4.2.1 BONNER David (1916 -1957) III-4.1 BONNET Charles (1720 -1793) 1-3, II-2.2, II-6.1 BONNIER Gaston (1853 -1922) II-4.4 BORSOOK Henry (1897 -1984) III-5.1

LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

BOUSSINGAULT Jean-Baptiste (1802 -1887) III-1.2, IV-3.3, IV-3.4, IV-3.5, IV-3.6 BOVERI Theodor (1862 -1915) II-5.2, II-5.3, II-5.4, II-6.3, II-8.2.3, III-1.1.4, V-l BOYER Herbert (n. 1936) III-9 B OYER Paul (n. 1918)111-9 BOYLE Robert (1626 -1691) IV-1.2, IV-2.1, IV-3.1, IV-3.2 BRACKET Jean (1909 -1988) II-5.5, III-4.2.1 BRACONNOT Henri (1780 -1855) III-1.2.2 BRAGG William Henry (1862 -1942) III-2, III-2.2 BRAGG William Lawrence (1890-1971) 111-2, III-2.2, III-2.2.1, III-2.2.2 BRAUNSTEIN Aleksander (1902-1986) IV-7.2.3 B RENNER Sidney (n. 1927) III-6.2 BREWSTER David (1781 -1868) II-4 BRIDGES Calvin (1889 -1938) III-1.1.4, III-1.1.5 B RiSSEAU-MiRBEL Charles Francois (1776 - 1854) II-4.1, V-l BROMEL Heinz (1914 -1942) IV-6.5 BROWN Robert (1773 -1858) 1-6.1, II-4.1 BUCHER Theodor (n. 1914) IV-6.5 BUCHNER Eduard (1860-1917) IV-6.2, IV-6.5, IV-8.2 BUCHNER Hans (1850 -1902) IV-6.2 BUFFON Georges Louis LECLERC de (1707-1788)1-1.3,1-3.1, 1-3.2,1-4.1, II-3, V-3 BUNGE Gustav (1844 -1920) IV-3.4, IV-4.2 BUNSEN Robert (1811 -1899) IV-3.4, IV-8.3 BURNET Frank (1899 -1985) II-7.3.3, V-2 BUTENANDT Adolf (n. 1903) IV-7.1.5

C C ABANIS Pierre (1757 - 1808) 1-4.1 CAGNIARD-LATOUR Charles (1777 -1859) II-7.2, IV-6.1 CAIRNS Johns (n. 1924) III-2.2.2, III-4.2.6 CALVIN Jean (1509 -1564) IV-2 CALVIN Melvin (1911 -1997) IV-6.6 CANDOLLE Augustin de (1778 -1841) 1-2.1

INDEX DES AUTEURS CANNIZZARO Stanislao (1826 -1910) IV-3.2 CANNON Walter (1871 -1945) II-10.3, IV-3.6 CARREL Alexis (1873 -1944) II-8.3, V-3 CARTIER Jacques (1491 -1557) IV-4.2 CASPERSSON Torbjon (n. 1910) II-5.5, III-4.2.1 CAULLERY Maurice (1868 -1958) II-4.4 CAVENDISH Henry (1731 -1810) II-3, IV-2.3, IV-2.5 CAVENTOU Joseph (1795 -1877) II-5.1, IV-3.2 CECH Thomas (n. 1947) III-8.1 CESALPINO Andrea (1519 -1608) 1-2 CHABRY Laurent (1855 -1894) II-6.3 CHAIN Ernst (1906 -1979) II-7.3.4 CHAMBERLAND Charles (1851 -1908) II-7.5 CHANCE Britton (n. 1913) IV-8.4 CHANGEUX Jean-Pierre (n. 1936) III-3.4 CHANNON Harold (1897 -1979) IV-7.3 CHARGAFF Edwin (n. 1905) 111-2.2.2, III-4.2.3 CHASE Martha (n. 1927) III-4.2.3 CHEVREUL Eugene (1786 -1889) m-1.2, IV-2.1, IV-3.2, IV-4.2, IV-7.1.5 CHIBNALL Charles (1894-1988) III-2.1.1 CHRISTIAN Walter (1907 -1955) IV-8.4 CLAUDE Albert (1889 -1983) II-8.1, II-8.2, II-8.2.1, II-8.2.2 COHEN Seymour (n. 1917) IV-6.6 COHEN Stanley (n. 1922) IV-4.1 COHEN Stanley Norman (n. 1933) III-9 COHN Edwin (1892 -1953) III-2 COHN Ferdinand (1828-1898) II-5.7, II-7.1, II-7.3, II-7.3.1, III-1.2.3 COHN Melvin (n. 1922) III-7.2 COLOMB Christophe (1451 -1506) IV-2 COMTE Auguste (1798 -1857) II-4.4 CONSDEN Raphael (n. 1911) III-2 COPERNIC Nicolas (1473 -1543) 1-1.1 COREY Robert (1897 -1971) III-2, III-2.2, III-2.2.1, III-2.2.2 CORI Carl (1896 -1984) II-10.2, IV-6.4, IV-6.5, IV-6.7, V-3

443

CORI Gerty (1896 - 1957) II-10.2, IV-6.4, IV-6.5, IV-6.7, V-3 CORNFORTH John (n. 1917) IV-7.3 CORRENS Carl (1864 - 1933) III-1.1.2 COULOMB Charles-Auguste (1736 - 1806) II-3 CRICK Francis (n. 1916) III-2, III-2.2.2, III-6.2, III-6.4, V-l CUENOT Lucien (1866 - 1951) II-4.4, III-1.1.2 CURIE Marie (1867 - 1934) V-3 CURTIUS Theodor (1857 - 1928) IV- 6.2 GUSHING Harvey (1869 - 1939) IV-4.1 CUVIER Georges (1769 - 1832) 1-2.2, 1-3.2, 1-4.1, 1-5.1, 1-5.2

D DAKIN Henry (1880 - 1952) DALE Henry (1875 - 1968) II-5.6 DALTON John (1766 - 1844) III-1.2, IV-2.5, IV-3.2 DANIELLI James (1911 - 1984) II-9.2 DARWIN Charles (1809 - 1882) 1-1.1, 1-3, 1-3.1, 1-4.1, 1-6, 1-6.1, 1-6.2, 1-6.3, 1-6.4, 1-6.5, 1-6.6, 1-6.8, 1-7.1, II-5.7,

11-6.2, m-i.i.2, m-i.i.3, m-9, v-i, v-4 DAUBENTON Louis (1716 - 1800) 1-3.1, 1-5.1 DAUSSET Jean (n. 1916) II-7.3.3, V-3 DAVAINE Casimir (1812 - 1882) II-7.3.1 DAVY Humphrey (1778 - 1829) IV-3.2 DAWKINS Richard ( n. 1941) 1-8.4 DE DUVE Christian (n. 1917) 1-1.1, MO, II-8.2.2, IV, IV-6.1, V-3 DEGRAAF Reinier (1641 - 1673) II-2.2, V-4 DE VRIES Hugo (1848 - 1935) 1-6.6, II-5.5, III-1.1.2, III-1.1.3, III-1.1.5 DELAGE Yves (1854 - 1920) II-4.4, II-5.4, II-5.5, V-3 DELBRUCK Max (1906 - 1981) III-1.1.5, III-4.2.2, III-4.2.3, III-7.1 DEMOCRITE (460 ~ 370 av. J.C.) 1-1.1, IV-1.1 DENIS Prosper Sylvain (1789 - 1863) III-1.2.4

444

DESCARTES Rene (1596 -1650) 1-1.1, II-2.1 DESSAULT Pierre Joseph II-3 DEVAUX Henri (1862 -1956) II-4.4 DIASCORIDES (40 - 80) 1-2

DICKENS Frank (1899 -1986) IV-6.6 DIDEROT Denis (1713 -1784) 1-3 DIELS Otto (1876 -1954) 1-8.4, IV-7.1.5 DOBZHANSKI Theodosius (1900 -1975) 1-7.1, III-1.1.5 DOLLOND John (1706-1761) II-4 DOMAGK Gerhard (1895 -1964) II-7.3.4 DONNAN Frederick (1870 -1956) III-1.2.7 DOPPLER Christian (1801 -1853) III-l.l.l DRIESCH Hans (1867 -1941) II-6.3 DRUMMOND Jack (1891 -1952) IV-4.2 Du BOIS-REYMOND Emil (1818 -1896) 1-1.1, IV-3.6, IV-4.1 DUBNOFF Jacob (1909 -1972) III-5.1 DUJARDIN Felix (1801 -1860) II-4.1 DULBECCO Renato (n. 1914) III-8.1 DUMASjean-Baptiste (1800 - 1884) III-1.2, IV-3.2, IV-3.3, IV-3.4, IV-3.5, IV-3.6 DUTROCHET Henri (1776 -1847) II-4.1, II-4.3, II-9, V-l

E EARLE Wilton (1902 -1964) II-8.3 ECKERMANN Johann Peter (1792 -1854) 1-5.2 EDELMAN Gerald (n. 1929) II-7.3.3 EGGLESTON Leonard (1920 -1974) IV-8.5 EGGLETON Grace (1901 -1970) IV-6.5 EGGLETON Philip (1903 -1954) IV-6.5 EHRLICH Paul (1854 -1915) II-7.3.2, II-7.3.4, III-1.2.3, III-3.1, IV-8.1 EIJKMAN Christian (1858 - 1930) IV-4.2 EINSTEIN Albert (1879 -1955) III-4.2.2 ELDREDGE Niles 1-7.3 ELVEHJEM Conrad (1901 -1962) IV-4.2 EMBDEN Gustav (1874 -1933) III-1.2.4, IV-6.5, IV-6.6 EMPEDOCLE (490 - 438 av. J.C.) IV-1.1 ENGELHARDT Vladimir (1894 -1971) IV- 8.6

LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

EPHRUSSI Boris (1901 -1979) III-1.1.5, III-4.1 EPICURE (341 - 270 av. J.C.) 1-1.1 ERLENMEYER Emil (1825 -1909) IV-3.4 ERNST Robert (n. 1933) III-2 ESCHERICH Theodor (1857-1911) II-7.4 EULER Hans von (1873 -1964) IV-8.4 EVANS Herbert (1882 -1971) IV-4.2

F FABRIZZI Jacques (dit AQUAPENDENTE Fabrice) (1537 - 16519) IV-2 F ALLOPE Gabriel (1523 - 1562) IV-2 FEULGEN Robert Joachim (1884-1955) II-.8, III-1.1.5, III-1.3.1, III-4.2.1 FiLDES Paul (1882 -1971) III-4.1 FISCHER Edmund (n. 1920) II-10.2, IV-9.2, FISCHER Emil (1852-1919) III-1.2.2, III-1.2.5, III-1.3.1,

m-i.3.2, m-2.1.1, m-3.1, m-3.2, IV-6.2, IV-6.3, IV-7.1.5, IV-8.2, V-3 FISHER Ronald (1890 -1962) 1-7.1 FiSKE Cyrus (1890-1978) IV-6.5 Frrz-RoY Robert (1805 -1865) 1-6.1 FLEMING Alexander (1881 -1955) II-7.3.4 F LEMMING Walther (1843 - 1905) II-5.2, m-1.1.4, III-1.3.1 FLETCHER Walter (1873 -1933) IV-6.5 FLOREY Howard (1898 -1969) II-7.3.4 FLOURENS Pierre (1794 -1867) IV-4.1 FOLIN Otto (1867 -1934) III-3.2, IV-7.2.2 FOLKENS Karl (1906 -1997) IV-7.3 FONTANA Felice (1730 -1805) II-4.1 FONTENELLE Bernard de (1657 -1757) 1-3.2 FOURCROY Antoine de (1755 -1809) 1-5.1, II-3, III-1.2, III-1.2.2, IV-2.5, IV-3.2, IV-3.3 FOURNEAU Ernest (1872 - 1949) III-1.2.5 Fox Sidney (n. 1912) 1-8.2 FRANKLIN Benjamin (1706 -1790) II-3, IV-2.4 FRANKLIN Rosalind (1920 -1958) III-2, III-2.2.2 FRIEDEL Charles (1832 -1899) V-3

INDEX DBS AUTEURS FRIEDRICH Walther (1883-1968) III-2, III-2.2 FROLICH Alfred (1871 -1953) IV-4.2 FUNCK Casimir (1884 - 1967) IV-4.2 FURBERG Sven (1920 -1983) III-2.2.2

G GALIEN Claude (130-200) IV-1.1, V-4 GALILEI Galileo (GALILEE) (1564 -1642) 1-1.1, II-2.1 GALTON Francis (1822 -1911) 1-6.6,1-6.8, V-4 GAMOW Georges (1904-1968) III-6.2, III-6.4 GARNIER Charles (1875 -1958) II-5.5 GARROD Archibald (1857 -1936) III-1.1.2, III-4, IV-10 GAY-LUSSAC Joseph (1778 -1850) III-1.2, IV-2.5, IV-3.2, IV-3.4, IV-6, V-3 GAZA Theodore (1398 -1478) 1-2 GEBER (n. vers 800) IV-1.2 GEOFFROY Etienne-Francois (1672 -1731) IV-2.2 GEOFFROY SAINT-HILAIRE Etienne (1772 -1844) 1-2,1-3.1,1-4.1,1-5.1,1-5.2 GERHARDT Charles-Frederic (1816 -1856) III-1.2, III-1.2.1, IV-3.2, IV-3.4, IV-7.1.1 GERLACH Joseph (1820 -1896) II-4.4, II-5.1, II-5.6 GESNER Conrad (1516 -1565) 1-2 GIBBS Willard (1839 -1903) IV-3.7 GILBERT Walter (n. 1932) 1-8.4, III-2.2.3, III-7.3 GiLMAN Alfred (n. 1941) II-10.2 GMELIN Leopold (1788 -1853) IV-3.4 GOETHE Wolfgang (1749 -1832) 1-3,1-5.2, V-3 GOLDBERGER Joseph (1874 - 1929) IV-4.2 GOLDSCHMIDT Richard (1878 -1958) 1-7.3 GOLGI Camillo (1844 - 1925) II-5.5, II-5.6, II-8.1, II-8.2.1, II-10.1 GORDON Arthur (n. 1916) III-2 GORTER Evert (1881 - 1954) II-9.1 GOSLING Raymond (n. 1926) III-2.2.2 GOULD Stephen (n. 1941) 1-7.3,1-10

445

GRAHAM Thomas (1805 -1869) III-1.2.7 GRAM Christian (1853 - 1935) II-7.4 GREEN David (1910 -1983) IV-7.1.1, IV-7.1.2, IV-7.1.4, IV-8.4 GREW Nehemia (1641 -1712) II-2.1 GRIFFITH Fred (1877-1941) III-4.2 GRIGNARD Victor (1871 -1935) V-3 GROS Francois (n. 1925) III-6.2 GRUNBERG-MANAGO Marianne (n. 1921) III-4.2.6, III-6.3 GUILLEMIN Roger (n. 1924) IV-4.1 GUILLERMOND Alexandre (1876 -1945) II-4.4 GOLDBERG Cato (1836 -1902) IV-3.7 GUNSALUS Irwin (n. 1912) IV-8.5 GUTENBERG Johannes (1394 -1465) IV-2 GUYENOT Emile (1885 -1963) II-4.4 GUYTON DE MORVEAU Bernard (1737 -1816) IV-2.5 GYORGI Paul (1896 -1976) IV-4.2

H HAECKEL Ernst (1834 -1919) 1-6.5, II-l.l, II-5.5, II-6.2, II-6.3, III-1.2.3 FlAHN Martin (1865 -1934) IV-6.2 HALDANE John B.S. (1892 -1964) 1-7.1,1-8, III-4 HALLE Jean-Noel (1755 -1822) IV-3.3 HALLER Albert von (1708 -1777) II-3, II-4.2, II-6.1 HAMMARSTEN Olof (1841 -1932) III-1.3.1 HARDEN Arthur (1865 -1940) IV-6.4, IV-8.4, IV-10 HARDY William (1864 -1934) III-1.2.7 HARINGTON Charles (1897 -1972) IV-4.1 HARRISSON Ross (1870 -1959) II-6.3, II-8.3 HARTREE Edward (1910 -1993) IV-8.3 HARTSOEKER Nicolas (1656 -1725) II-6.1 HARVEY William (1578 -1657) II-2.1, IV-2, V-4 HAUY Rene Just (1743 -1822) 1-3,1-5.1 HAYES William (1912-1994) III-4.2.4 HEGEL Georg, Wilhelm, Friedrich (1770 -1831) 1-3

446

HELMHOLTZ Hermann (1821 -1894) 1-1.1, IV-3.6, IV-3.7 HENLE Jacob (1809 -1885) II-4.3 HENNIG Willy (1913 -1976) 1-2.3 HENRI Victor (1872 -1940) III-3.1 HENSELEIT Kurt (1907 -1973) IV-7.2.4 HENSLOW John (1796 -1861) 1-6.1 HERELLE Felix d' (1873 -1949) II-7.5 HERSCHEL William (1738 -1822) 1-6.1, II-3 HERSHEY Alfred (1908 -1997) III-4.2.3 HERTWIG Oscar (1849 -1922) II-4.4, II-5.2, II-5.3, III-1.1.4 HEWSON William (1739 -1774) II-9 HILL Archibald (1886 -1977) IV-6.5 HILL Arthur Croft (1863 -1947) III-5.1 HILL Robert (1899 -1981) IV-2.4 HiPPOCRATE (460 - 377 av. J.C.) IV-1.1 His Wilhelm (1831 -1904) 1-6.5, II-5.6 HOAGLAND Mahlon (n. 1921) III-5.2, III-6.1 HOBBES Robert (1588 -1679) 1-1.1 HODGKIN Dorothy (1910 -1994) III-2 HOFMANN August (1818 -1892) II-5.1 HOFMEISTER Franz (1850 -1922) III-1.2.4, III-1.2.5, IV-6.5 HOFMEISTER Wilhem (1824 -1877) II-5.2 HOGEBOOM Georges (1913 -1956) II-8.2.1 HOLLEY Robert (1922 -1993) III-6.1 HOLST Axel (1861 -1931) IV-4.2 HOOKE Robert (1635 -1703) II-2.1, II-2.2 HOOKER Joseph (1785 -1865) 1-6.1 HOPKINS Frederick (1861 -1947) III-1.2.2, IV-4.2, IV-6.5, IV-7.2.1, IV-8.2, HOPPE-SEYLER Felix (1825-1895) III-1.2.4, III-1.3.1, IV-8.1, IV-8.3 HORECKER Bernard (n. 1914) IV-6.6 HOROWITZ Norman (n. 1915) III-4.1 HUMBOLDT Wilhelm von (1769 - 1859) 1-6.1 HUNTER John (1728 -1793) II-3 HUNTER William (1718 -1783) II-3 HURTWITZ Jerard (n. 1928) III-6.2 HUXLEY Julian (1887-1975) 1-7.1

LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

HUXLEY Thomas (1825 -1895) 1-6.5, II-5.5, III-1.2.3 HUYGENS Christian (1629 -1695) II-2.1

I

iNGEN-Housz Jan (1730 -1799) IV-2.3, IV-2.4, IV-2.5, IV-6.6 INGRAM Vernon (n. 1924) III-2.1.2 IPATIEV Aleksander (1857 -1952) IV-8.2 IVANOSKI Dimitri (1864 -1920) II-7.5 IVANOV Leonid (1871 -1962) IV- 6.4

JJACOB Frangois (n. 1920) III-4, III-4.2.4, III-6.2, III-7.1, III-7.2, III-7.3, V-3 JACOBS Walter (1883 -1967) III-1.3.1, III-1.3.2 JANSSENS Frans (1863 -1924) III-1.1.5 JENNER Edward (1749 - 1823) II-7.3.2 JERNE Niels (n. 1911) II-7.3.3, V-2 JOHANNSEN Wilhelm (1857-1927) III-1.1.5 JOLIOT Frederic (1900 -1958) III-2, V-3 JOLIOT-CURIE Irene (1897 -1956) III-2, V-3 JONES Mary Ellen (1922 -1996) IV-7.2.4 JOHNSON Arthur (1913 -1993) IV-8.5 JOULE James Prescott (1818 -1889) IV-3.7 JUSSIEU Antoine de (1686 -1758) 1-2.2, JUSSIEU Antoine-Laurent de (1748 - 1834) 1-2.2,1-4.1,1-5.1 JUSSIEU Bernard de (1699 -1777) 1-2.2, IV-8.4

K KABAT Elvin (1914 - 2000) III-2 KALCKAR Hermann (1908 -1991) IV-8.6 KAMEN Martin (n. 1913) III-2, IV-2.4 KANT Immanuel (1724 -1804) 1-3 KARRER Paul (1889 -1971) IV-8.4 KEILIN David (1887 -1963) II-8.2.1, IV-8.3 KEKULE August (1829 -1896) IV-3.2, IV-3.4, V-3 KENDALL Edward (1880 -1972) IV-4.1 KENDREWjohn (1917-1997) III, III-2, III-2.2.1, III-2.2.2

447

INDEX DBS AUTEURS

KENNEDY Eugene (n. 1919) IV-6.7, IV-7.1.1, IV-8.4 KEPLER Jean (1571 -1630) 1-1.1 KHORANA Gobind (n. 1922) III-6.4 KIELMEYER Karl Friedrich (1765 -1844) 1-5.1 KIESSLING Wilhelm (1901 -1958) IV-6.5 KILIANI Heinrich (1855 -1945) IV-6.3 KiMURA Motoo (1924-1994) 1-7.2 KING Harold (1887 -1956) IV-7.1.5 KIRCHOFF Gustav (1824 -1887) IV-8.3 KiRWAN Richard (1733 -1813) IV-2.5 KiTASATO Shibasaburo (1852 -1931) II-7.3.2, III-3.1 KjELDAHL Johan (1849 - 1900) IV-3.4 KNIGHT Andrew (1759 -1838) III-l.l KNIPPING Paul (1883-1935) III-2, III-2.2 KNOOP Franz (1875 -1946) IV-7.1.1, IV-7.2.4, IV-8.5 KOCH Robert (1843 -1910) II-5.7, II-7.3, II-7.3.1, II-7.3.3 KOELREUTER Josef (1733 -1806) II-6.1, III-l.l KOHLER Georges (1946 -1995) II-8.4 KOLBE Hermann (1818 -1884) IV-3.2 KOLLIKER Albert Rudolf (1817 - 1905) II-4.1, II-4.3, II-4.4, II-9 KORNBERG Arthur (n. 1918) III-4.2.6 KOSHLAND Daniel (n. 1920) III-3.1, III-3.4 KOSSEL Albrecht (1853-1927) m-1.2.8, III-1.3.1, III-1.3.2, IV-7.2.4 KOSTYCHEV Sergei (1877 -1931) IV-6.5 KOWALESKY Vladimir (1842 -1883) II-7.3.3 KREBS Edwin (n. 1918) II-10.2, IV-9.2 KREBS Hans (1900 -1980) II-8.2.1, II-8.3, III-4.1, IV-7.2.4, IV-8, IV-8.2, IV-8.5, V-3 KRITZMANN Maria (1904 -1971) IV-7.2.2 KUHLING Otto (1862 -1933) IV-8.4 KUHN Richard (1900 -1967) IV-4.2, IV-8.4 KUHNE Wilhelm (1837 -1900) III-3.1, IV-3.4, IV-6.1 KUNITZ Moses (1887 -1978) III-3.2, III-3.3 KUTZING Friedrich (1807 -1897) II-7.2, IV-6.1

L LACEPEDE Etienne de (1756 -1825) 1-3.1 LAMARCK Jean-Baptiste de (1744 -1829) 1-1.1,1-2.2,1-3,1-3.1,1-4.1,1-4.2, 1-6.1,1-6.3,1-6.8, V, V-l, V-2 LANGERHANS Paul (1847 -1888) IV-4.1 LAPLACE Pierre Simon de (1749 -1827) IV-3.1, IV-3.7 LAUE Max von (1879-1960) III-2, III-2.2, III-4.2.2 LAURENT Auguste (1807 -1853) III-1.2, IV-3.2 LAVERAN Alphonse (1845 -1922) V-3 LAVOISIER Antoine-Laurent (1734 -1794) II-3, II-7.1, III-1.2, IV-1.1, IV-2.1, IV-2.3, IV-2.4, IV-2.5, IV-3.1, IV-3.7, V-l, V-3 LE BEL Joseph (1847 -1930) IV-6.3 LECHATELIER (1850 -1936) V-3 LE GRAND Albert (de BOLLSTADT) (1193-1280)IV-1.2 L'HERITIER Philippe (1906 -1997) 1-7.1 LEBEDEV Aleksander (1881 -1938) IV-6.5 LEDERBERG Joshua (n. 1925) III-4.2.4 LEDERER Edgar (1908-1988) III-2 LEHN Jean-Marie (n. 1939) V-3 LEHNINGER Albert (1917 -1986) IV-7.1.1, IV-7.1.2, IV-8.4 LEIBNIZ Gottfried (1646 -1716) 1-3 LEJEUNE Jerome (1926 -1994) II-8.2.3 LELOlRLuis (1906 -1987) IV-6.7 LEMERY Nicolas (1645 -1715) IV-1.2, IV-2.1 LEREBOULLET Dominique Auguste (1804 -1865) II-4.4 LEUCIPPE (460 - 370 av. J.C.) 1-1.1.1, IV-1.1 LEVAN Albert (n. 1905) II-5.2 LEVENE Phoebus (1869 -1940) III-1.3.1, III-1.3.2 III-2.2.2, IV-6.4 LEVI-MONTALCINI Rita (n.1909) IV-4.1 LHOMOND Charles-Francois (1727 -1794) 1-5.1 LIEBIG Justus von (1803 - 1873) II-7.2, III-1.2, III-1.2.1, III-1.3.2, IV-3.2, IV-3.4, IV-3.5, IV-3.6, IV-6.1, V-3

448

LINDERSTR0M-LANG Kai (1896 - 1959)

m-2.2.1 LINK Heinrich (1767 -1851) II-4.1, V-l LiNNE Carl (1707 - 1778) 1-2.1,1-2.2, II-3 LIPMANN Fritz (1899 -1986) IV-6.5, IV-7.1.1, IV-8.2, IV-8.6 LISTER Joseph (1857-1912) II-7.3 LOEB Jacques (1825 -1924) III-1.2.7 LoEWiOtto (1873 -1961) II-5.6 LOFFLER Friedrich (1852 -1915) II-7.3.2, II-7.5 LOHMANN Karl (1898 -1978) IV-6.5, IV-8.2, IV-8.5, IV-8.6 LUCRECE (98 - 55 av. J.C.) 1-1.1, LUDWIG Carl (1816 - 1895) 1-1.1, III-1.3.1, IV-3.6, IV-4.1, IV-5 LUNDSGAARD Einar (1899 -1968) IV-6.5, IV-7.1.3 LUMN Nikolai (1853 - 1937) IV-4.2 LURIA Salvador (1912 -1991) III-2.2.2, III-4.2.3 LUSK Graham (1866 - 1932) IV-7.2.1 LWOFF Andre (1902-1994) III-7.1, III-7.2, V-3, V-4 LYELL Charles (1797 -1875) 1-4.1,1-6.1 LYNEN Feodor (1911 -1979) 1-8.3, IV-7.1.1 LYSSENKO Trofim (1898 -1976) 1-6.8, III-1.1.5, V-4

M MACHEBOEUF Michel (1900-1953) III-2 MACLEOD Colin (1909 -1972) III-4.2.1, III-4.2.3, III-4.2.4, III-9 MACLEOD John (1876 -1935) IV-4..1 MACQUER Pierre-Joseph (1716 -1784) II-3, IV-2.5 MAGENDIE Frangois (1783 -1855) IV-3.2, IV-3.6, IV-4.1, IV-7.2.1, V-4 MAGNUS Heinrich (1802 -1870) IV-3.1 M AILLET Benoit de (1656 -1738) 1-3.1 M ALEBRANCHE Francois Nicolas (1638 -1715) II-6.1 MALPIGHI Marcello (1628 -1694) II-2.1, II-5.5

LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

MALTHUS Thomas Robert (1766-1834) 1-4.2,1-6.1,1-6.3 MANGOLD Hilde (1898 -1924) II-6.3 MAQUENNE Leon (1853 -1925) II-4.4 M ARIOTTE Edme (1620 -1684) IV-2.1 MARSHOthniel (1831 -1899) 1-6.5 MARTIN Archer (n. 1910) III-2 M ARTIUS Carl (1906 -1993) IV-8.5 MATTHAEI Johann Heinrich (n. 1929) III-6.3 M AUPERTUIS Pierre Louis MOREAU de (1648 -1759) 1-3.1,1-4.1, V-l, V-2, V-3 M AYER Robert von (1814 - 1878) IV-3.7 M AYR Ernst (n. 1904) 1-7.1,1-7.3,1-10, V-l MCCARTY MacLyn (n. 1911) III-4.2.1, III-4.2.3, III-4.2.4, III-9 McCLlNTOCK Barbara (1902 -1992) 1-9.4, III-4.2.5 McCOLLUM Elmer (1879 - 1967) IV-4.2 McFADYEN Allan (1860 -1907) IV-6.4 McMuNN Charles Alexander (1852 - 1911) IV-8.3 M ECKEL Johann (1785 -1833) II-6.2 MEDAWAR Peter (1915 -1987) II-7.3.3 MEDICUS Casimir (1736 -1808) 1-1.1 MENDEL Benedict (1872 -1931) IV-7.2.2 MENDEL Gregor (1822 -1884) 1-1.1,1-4.1,1-6.6,1-6.8, II-5.7, III-l.l.l,

m-i.i.2, m-i.i.3, ni-i.i.4, m-i.i.5, III-4, III-9, V, V-l, V-4 MENDELEIEV Dmitri (1834 -1907) IV-3.2 MENTEN Maud (1879 -1960) III-3.1 M BRING Joseph von (1849 -1908) IV-4.1, IV-7.2.1 MERRIFIELD Robert Bruce (n. 1921) III-3.2 MESELSON Matthew (n. 1930) III-2.2.2, III-6.2 METCHNIKOFF Elie (1845 -1916) II-7.3.2, II-7.3.3, V-l MEYER Jean de (1878 -1934) IV-4.1 MEYERHOF Otto (1884 -1951) IV-6.5, IV-6.6, IV-8.2 MICHAELIS Leonor (1875 -1949) II-5.5, II-8.2.1, III-3.1

INDEX DBS AUTEURS MIESCHER Johann Friedrich (1844-1895) III-1.3.1, III-9 MILLER Stanley (n. 1930) 1-8.2 MILLON Auguste (1812-1867) III-1.2.2, M ILSTEIN Cesar (n. 1927) II-8.4 MiNKOWSKi Oscar (1858 - 1895) IV-4.1 MIRSKY Alfred (1900 -1974) III-1.3.1 MITCHELL Peter (1920 -1992) IV-9.1, V-l MiTCHOURiNE Ivan (1855 - 1935) 1-6.8 MOHL Hugo von (1805 -1872) II-4.1 MoiSSAN Henri (1852 -1907) V-3 MONOD Jacques (1910-1976) 1-2,1-10, III-3.4, III-6.2, III-6.5, III-7.1, III-7.2, III-7.3, V-3 MOORE Stanford (1913 -1982) III-2, ffl-2.1.1, III-3.3 MORGAGM Giovanni (1682 -1771) II-3 MORGAN Thomas Hunt (1866 -1945) 1-6.8,111-1.1.4,111-1.1.5, III-4.1, III-4.2.3, V-l, V-4 MULDER Gerrit (1802 -1880) III-1.2.1 MULLER Hermann (1890 -1967) III-1.1.4, III-1.1.5, III-4.1, III-4.2.2 M ULLER Johannes (1801 -1858) 1-6.5, II-4.2, II-4.3, IV-3.2, IV-3.6 MULLIS Kary (n. 1944) III-9 MURPHY James (1884 -1950) II-7.3.3

N NACHMANSON David (1899 -1983) IV- 6.5, IV-7.1.1 NAGELI Wilhelm (1817 -1891) III-l.l.l, IV-6.2 NATHANS Daniel (n. 1928) III-8.2 NAUDIN Charles (1815 -1899) III-l.l NEEDHAM John (1713 -1781) II-3, II-7.1 NEGELEIN Erwin (1897 -1979) IV-6.5, IV-8.3 NEUBAUER Otto (1874 -1957) IV-6.5, IV-7.2.3, IV-8.2 NEUBERG Carl (1877 -1956) III-1.2.4, IV-6.4, IV-6.5, IV-8.5 NEWTON Isaac (1642 -1727) 1-3,1-3.1, II-2.2, IV-1.2, V-3,V-4

449

NlCOLSON Garth II-9.2 NIEMANN Carl (1908 -1964) III-1.2.8, III-2.1.1 NiRENBERG Marshall (n. 1927) III-6.3, III-6.4 NOLLET Jean-Antoine (1700 -1770) II-3 NORTHROP John (1891 -1987) III-3.2, III-4.2.3 NOVIKOFF Alexander (1907 -1987) II-8.2.2

O OCHOA Severe (1905 -1993) III-4.2.6, III-6.3, IV-6.5, IV-8.6 OGSTON Alexander (1911 -1996) IV-8.5 OKASAKiReiji (1930 - 1975) III-4.2.6 OKEN Lorenz (1779 -1851) 1-3, II-4.1 OLIVER George (1841 -1915) IV-4.1 OPARIN Aleksander (1894 -1980) 1-8 OPIE Eugene (1873 -1971) IV-4.1 ORBIGNY Alcide d' (1802 -1857) 1-5.2 OSBORNE Thomas (1859 -1929) IV-7.2.2 OUDIN Jacques (1908 - 1985) II-7.3.3 OVERTON Ernst (1865 -1933) II-9 OWEN Richard (1804 -1892) 1-6.5

P PAINTER Theophilus (1889 -1969) III-l.l.5 PALADEGeorges (n. 1912) II-5.5, II-8.1, II-8.2.1, II-8.2.2, II-10.1 PALISSY Bernard (1510 -1590) 1-2,1-3.2, IV-2 PANDER Heinrich Christian (1794 -1865) II-3, II-6, II-6.1 PARACELSE (Philippus Aureolus Theophrastus Bombastus von HOHENHEIM (1493 - 1541) IV-1.2

PARDEE Arthur (n. 1921) II-10.3, III-7.2 PARE Ambroise (1517 -1590) IV-2 PARNAS Jacob (1884 -1949) III-1.2.4, IV-6.5 PASTEUR Louis (1822 -1895) 1-8, II-5.7, II-7.1, II-7.2, II-7.3, II-7.3.1, II-7.3.2, III-3.1, IV-6.1, IV-6.2, IV-6.3, IV-8, V-l, V-3, V-4 PATIN Guy (1602 -1672) IV-2

450

PAULING Linus (1901 -1994) III-2, m-2.1.2, III-2.2, m-2.2.1, III-2.2.2, V-2 PAYEN Anselme (1795-1871) III-3.1, IV-3.6 PEKELHARING Cornells (1848 -1967) IV-4.2 PELLETIER Pierre (1788 -1842) II-5.1, IV-3.2 PELOUZE Theophile (1807 -1867) IV-3.6 PERKIN William (1838 -1907) II-5.1 PERSOZ Jean-Franc.ois (1805 -1868) m-3.1, IV-3.6 PERUTZ Max (n. 1914) III-2, m-2.2.1, III-2.2.2 PETERS Rudolph (1889 -1982) IV-8.5, IV-8.6, IV-9 PETRI Richard (1852 -1921) II-7.3.1 PFLUGER Eduard (1829 -1910) IV-3.1, IV-4.1 PHILLIPS David (1924 -1999) III-3.2 PLANCK Max (1858 -1947) III-4.2.2 PLATON(428-348av.J.C.) 1-1.1, IV-1.1, IV-2.1 PLINE L'ANCIEN (23 - 73) IV-1.1 POPJAK Georges (n. 1914). IV-7.3 PORTER Keith (1912 -1997) II-8.1 PORTER Rodney (1917 -1985) II-7.3.3 PORTIER Paul (1866 -1962) II-7.3.3 POUCHET Casimir (1800-1872) II-7.1 PREGL Fritz (1869 -1930) IV-3.4 PRIESTLEY Joseph (1733 -1804) II-3, IV-2.3, IV-2.4, IV-2.5, IV-6.6 PROUST Joseph Louis (1754 -1826) II-3 PROUT William (1785 -1850) IV, IV-3.2 PRUSINER Stanley (n. 1942) III-2.2.1 PTOLEMEE (90 -168), 1-1.1 PURCELL Edward (1912 -1997) III-2 PYTHAGORE (6e siecle av. J.C.) IV-1.1

Q

QUASTEL Juda (1899 -1987) IV-8.5

R RABELAIS Francois (1517 -1590) IV-2 RACKEREphrai'm (1913 -1991) IV-6.6 RAMON Gaston (1886 -1963) II-7.3.2

LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

RAMON YCAJAL Santiago (1852 -1934) II-5.5, II-5.6 RAOULT Frangois (1830 -1901) V-3 RASPAIL Francois-Vincent (1794 -1878) II-4.1, II-4.3, V-l RATNER Sarah IV-7.2.2, IV-7.2.4 RAY John (1627 -1705) 1-2.1 REAUMUR Rene-Antoine (1683 -1757) 1-2.2, III-3.1 REDI Franscisco (1626 -1697) II-7.1, V-l REED Lester (n. 1925) IV-8.5 REED Walter (1851 -1902) II-7.5 REICHERT Karl (1811 -1883) II-4.3 REMAK Robert (1815 -1865) II-4.1, II-4.3, II-4.4, II-5.2, II-6.1, V-l REY Jean (1583 -1645) IV- 2.1 RiCHET Charles (1850 -1935) II-7.3.3, V-3 RITTENBERG David (1906-1970) III-2, III-5.1, IV-7.2.2, IV-7.3 RITTHAUSEN Heinrich (1826 -1912) in-1.2.4 ROBIN Charles (1821 -1885) II-4.4, II-5.3 ROBINSON Robert (1886 -1975) IV-7.1.5 ROBISON Robert ,(1883 - 1941) IV-6.4 RODBELL Martin (n. 1925) II-10.2 RONDELET Guillaume (1507 -1556) 1-2 ROSE William (1887 -1985) IV-7.2.1 ROSENHEIM Otto (1871 -1955) IV-7.1.5 ROUELLE Guillaume-Frangois (1703 - 1770) II-3, HI-1.2 ROUELLE Hilaire Martin (1718 -1779) III-1.2, ROUS Peyton (1879 -1970) II-7.5 Roux Wilhelm (1850 -1924) II-5.2, II-5.7, II-6.3, II-8.3 RUBEN Samuel (1913 -1943) III-2, IV-2.4 RUBNER Max (1854 - 1932) IV-3.7 RUDOLPHI Asnund (1771 -1832) II-4.1, V-l RUZICKA Leopold (1887 -1976) IV-7.3

SABATIER Paul (1857 -1952) IV-8.2, V-3 SAGERET Augustin (1763 -1851) III-l.l

INDEX DBS AUTEURS

SAINT-CLAIRE DEVILLE Henri (1818 -1881) V-3 SANGER Frederick (n. 1918) HI-2.1.1, III-2.2.3, IV-4.1 SAUNDER Bernard (1903 -1983) III-2.1.1 SAUSSURE Theodore de (1767 -1845) IV-2.4 SCARPA Antonio (1752 -1832) II-3 SCHAFER Edward (1881 -1960) IV-4.1 SCHALLY Andrew (n.1926) IV-4.1 SCHARDINGER Franz (1853 -1920) IV-8.2 SCHEELE Carl Wilhelm (1742 -1786) II-3, IV-2.3, IV-2.4, IV-2.5, IV-3.2 SCHELLING Friedrich, Wilhelm, Joseph (1775 - 1854) 1-3 SCHLEIDEN Matthias Jacob (1804 - 1881) II-4.1, II-4.2, II-5.2, V-l SCHLENK Fritz (n. 1903) IV-7.2.3 , IV-8.4 SCHNEIDER Walter (n. 1919) II-8.2.1 SCHOENHEIMER Rudolf (1898-1941) III-2, III-5.1, IV-7.2.2, IV-7.3 SCHOTT Otto (1851 -1935) II-5.1 SCHRODINGER Erwin (1887-1961) III-4.2.2 SCHULTZE Max (1825 -1874) II-9, IV-3.1 SCHUSTER Philipp (n. 1904) IV-4.2, IV-8.5 SCHWANN Theodor (1810 -1882) II-4.1, II-4.2, II-4.3, II-5.2, II-7.2, III-3.1, IV-3.2, IV-6.1, V-l SEDGWICK Adam (1785 -1873) 1-6.1 SEDILLOT Charles Emmanuel (1804 - 1883) II-7.3 SEGUIN Armand (1767 -1835) IV-3.1 SEMMELWEIS Ignaz (1818 -1865) II-7.3 SENEBIER Jean (1742 -1809) IV-2.3, IV-2.4 SERRES Etienne (1787 -1868) II-6.2 SERVET Michel (1509 -15553) IV-2 SHEMIN David (1911 -1991) IV-7.3 SHERRINGTON Charles-Scott (1857 -1952) II-5.6 SIGNER Rudolf (n. 1903) III-2.2.2 SIMPSON Georges (1902 -1984) 1-7.1 SINGER Jonathan II-9.2

451

SJOSTRAND Fritiof (n. 1912) II-8.2.1 SKOU Jens (n. 1918) II-10.3 SMITH Hamilton (n. 1931) III-8.2 SMITH William (1769 -1839) 1-3.2 SNELL Esmond (n. 1914) III-4.1, IV-7.2.3 S0RENSEN S0ren Peter Lauris (1868-1939) III-2 SPALLANZANI Lazarro (1729 -1799) II-3, II-5.5, II-7.1, III-3.1, V-l SPECTOR Leonard (n. 1918) IV-7.2.4 SPEEMANN Hans (1869 -1941) II-6.3 SPENCER Herbert (1820 -1903) 1-6.5,1-6.8 SRB Adrian (n. 1917) III-4.1 SRERE Paul (1925 -1999) IV-9.1 STAHL Franklin (n. 1929) III-2.2.2 STAHL Georges Ernst (1660 -1734) IV-2.2 STANIER Roger (1916 -1982) 1-10 STANLEY Wendell (1904 -1971) II-7.5 STARLING Ernest (1866 -1927) IV-4.1 STEIN William (1911 -1980) III-2, III-2.1.1, III-3.3 STEUDEL Hermann (1871 -1967) HI-1.3.1 STEVENS Nettie (1861 -1912) III-1.1.4 STOKES Alexander (n. 1919) III-2.2.2 STRASBURGER Eduard (1844 -1912) II-5.2, III-1.1.4, III-1.3.1 STRECKER Adolf (1822 -1871) III-1.2.2, IV-3.4 STURTEVANT Alfred (1891 -1970) III-1.1.4, III-1.1.5 SUBBAROW Yellapregada (1896-1948) IV-6.5 SUMNER James (1887-1955) III-3.2 SUTHERLAND Earl (1915 -1974) II-10.2 SUTTON Walter (1877 -1916) II-5.4, III-1.1.4, V-l SVEDBERG Theodor (1884-1971) III-2 SWAMMERDAM Jan (1637 -1680) II-2.1, II-2.2 SYNGE Richard (1914-1994) III-2 SZENT-GYORGYI Albert (1893 -1986) II-8.2.1, IV-8.2, IV-8.5

452

LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

T

U

TAKAMINE Jokichi (1854 -1922) IV-4.1 TANNHAUSER Siegfried (1885 -1982) IV-7.2.4 TANRET Charles (1847 -1917) IV-6.3 TATUM Edward (1909 -1975) III-4, III-4.1, III-4.2.3, III-4.2.4 TEILHARD DE CHARDIN Pierre (1881-1955) 1-10 TEISSIER Georges (1900 -1972) 1-7.1 TEMIN Howard (1934 -1994) III-8.1 THALES (650 - 540 av. J.C.) IV-2.1 THENARD Louis Jacques (1777 -1857) IV-3.2 THEOPHRASTE (372 - 287 av. J.C.) 1-2,1-2.1, IV-1.1 THEORELL Hugo (1903 -1982) IV-8.2, IV-8.4 THOMPSON Edward (n. 1925) III-2.1.1 THUNBERG Tornsten (1873 -1953) IV-8.2, IV-8.4, IV-8.5 TIEDEMANN Friedrich (1781 -1861) IV-3.4 TIJO Joe-Hin (n. 1919) II-5.2 TIMOFEEF-RESSOVSKY Nicolai (1900 -1981) III-1.1.5 TISELIUS Arne (1902-1971) III-2 TODD Alexander (1907-1997) III-1.3.2

UREY Harold (1893 -1981) 1-8.2, III-2, IV-7.2.2 URLSON Herbert (n. 1929) III-2.2.2 UTTER Merton (1917 -1980) IV-6.7

TOURNEFORT Joseph PlTTON de

(1656 -1708) 1-2.1 TREMBLEY Abraham (1710 -1784) II-3 TREVIRANUS Gottfried (1776 -1837) V TSCHERMAK Erich (1871 -1962) III-1.1.2 TSIBAKOVA Elena IV-8.6 TSVET Mikhail Semenovich (1872-1919) III-2 TUPPY Hans (n. 1925) III-2.1.1 TURPIN Pierre (1775 -1840) II-4.1, II-4.3, V-l TWORT Frederick (1877 -1950) II-7.5 TYNDALL John (1820-1893) II-7.1

V VAGELOS Roy (n. 1929) IV-7.1.4 VALENTIN Basile (15eme siecle) IV-1.2 VALERA Eamon de (1882-1975) III-4.2.2 VAN BAER Karl Ernst (1792 -1876) II-5.7 VAN BENEDEN Edouard (1846 -1910) II-5.2, II-5.3 VAN DE GRAAF (1901 -1967) V-4 VAN HELMONT Jan Baptist (1577 -1644) II-7.1, IV-2.1, IV-2.3 VAN LEEUWENHOEK Antoni (1632 -1723) II-2.1, II-2.2, II-3, II-6.1, II-7, II-7.1 VAN NIEL Cornelis (1897 -1985) 1-10, II-7.3.5 VAN SLYKE Donald (1883 -1971) IV-3.4 VAN'THOFF Jacobus (1852 -1911) IV-3.7, IV-6.3 VARMUS Harold (n. 1939) III-9 VAUQUELIN Louis Nicolas (1763 -1829) II-3, III-1.2.2, IV-3.2, IV-7.2.1 VAVILOV Nicolai (1887 -1943) III-1.1.5 VESALE Andre (1514 -1564) IV-2 VICQD'AZYR Felix (1748 -1794) 1-3.1 VIGNAUD Vincent du (1901 -1978) IV-4.1 VILLE Georges (1824 -1894) IV-3.3 VlLLENEUVE Arnaud de (1235 -1311) IV-1.2 VIRCHOW Rudolf (1821 -1902) II-4.1, II-4.2, II-4.3, II-4.4, II-5.2, II-7.3.1, II-8.2.3, V-l VoiTCarl (1831 - 1908) IV-7.2.2 VOLKIN Eliot (n. 1919) III-6.2 VOLTA Alessandro (1745 -1820) II-3 VOLTAIRE Francois-Marie ARROUET dit (1694 -1778) 1-3,1-3.2, V-3

453

INDEX DBS AUTEURS

W WAAGE Peter (1833 -1900) IV-3.7 WADA Mitsunori (1896 -1987) IV-7.2.4 WAGNER Rudolph (1805 -1864) II-4.2 WAKIL Salih (n. 1927) IV-7.1.4 WALCOTT (Charles 1850 -1927) 1-1.2 WALDEYER (1836 -1921) II-5.2, II-5.6 WALKER John (n. 1941) III-9 WALLACE Alfred (1823 -1913) 1-6.1 WARBURG Otto (1883 -1970) II-8.2.1, IV-5, IV-6.5, IV-6.6, IV-7.2.4, IV-8.2, IV-8.3, IV-8.4, V-3 WATSON James (n. 1928) III-2, III-2.2.2, III-6.2, V-l WEAVER Warren (1894-1978) III WEGENER Alfred (1880 -1930) 1-1.3 WEINHOUSE Sidney (n. 1909) IV-7.1.2 WEISMANN August (1834 -1914) 1-4.1, 1-6.7,1-6.8, II-5.4, III-1.1.2, III-1.1.4, V-l WEISS Samuel (n. 1926) III-6.2 WERKMAN Chester (1893 -1962) IV-8.5 WERNER Abraham (1750 -1817) 1-3.2 WlELAND Heinrich (1877 -1957) II-8.2.1, IV-6.2, IV-8.2, IV-8.3, IV-8.4 WIELAND Theodor (1913 - 1995) 1-8.3 WILKINS Maurice (n. 1916) III-2, III-2.2.2 WILLIAMS Roger (1893 -1988) IV-7.1.1 WILLSTATER Richard (1872 -1942) III-1.2.7, IV-6.2 WILSON Edmund (1856 -1939) II-6.3, III-1.1.4, III-1.3.1 WINDAUS Adolf (1876 -1959) IV- 7.1.5

WINOGRADSKY Sergei (1856 -1953) II-7.3.5 WOESE Carl (n. 1928) 1-9.1 WOHLER Friedrich (1800 -1882) IV-3.2, IV-3.5 WOLF Kaspar Frederic (1733-1794) II-3, II-6.1 WOLLMAN Elie (n. 1917) III-4.2.4, III-7.1, III-7.3 WOOD Harland (1907 -1991) IV-6.7, IV-8.5 WOODS Donald (1912 -1964) II-7.3.4 WOODWARD Robert (1917 -1981) IV-7.1.5 WRIGHT Almroth (1861-1947) II-7.3.3 WRIGHT Sewal (1889 -1988) 1-7.1 WRINCH Dorothy (1896 -1976) III-1.2.6 WURTZ Charles (1817 - 1884) IV-3.2, IV-3.4, IV-6.3, V-3 WYMAN Jeffrey (1901 -1995) III-3.4

Y

YATES Richard (n. 1930) II-10.3 YOUNG William (1878 -1942) IV-6.4, IV-8.4

Z ZAMECNIK Paul (n. 1912) III-5.2, III-6.1, IV-6.7 ZEISS Carl (1816 -1888) II-5.1 ZERNICKE Fritz (1888 -1966) II-5.1 ZERVAS Leonidas (1902 -1980) 111-1.2.8 ZlMMER Karl (n. 1911) III-1.1.5

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GLOSSAIRE

A Acetyl-coenzyme A : molecule hydrosoluble qui transporte le groupe acetyle dans les cellules. Acide amine (amino acide) : molecule organique represented par la formule R-C a H(NH2)COOH et portant sur un meme carbone terminal Ca une fonction aminee -NH2 et une fonction carboxyle -COOH. Les acides amines sont les unites structurales elementaires des proteines. Acide desoxyribonucleique (ADN) : acide nucleique dans lequel le pentose est le desoxyribose et les quatre bases cycliques sont 1'adenine, la guanine, la cytosine et la thymine. Acide nucleique : macromolecule lineaire non ramifiee formee par association de mononucleotides, lesquels sont constitues par 1'association d'une base cyclique (heterocycle), d'un pentose et d'un phosphate. Acide ribonucleique (ARN) : acide nucleique dans lequel le pentose est le ribose et les quatre bases cycliques sont 1'adenine, la guanine, la cytosine et 1'uracile. Acide ribonucleique de transfert (ARNt) : ARN de petite taille jouant le role d'adaptateur dans la traduction d'un ARN messager en sequence d'acides amines dans une proteine. Une partie de 1'ARNt fixe un acide amine particulier et une autre partie de 1'ARNt reconnait dans 1'ARN messager une sequence trinucleotidique (codon) qui code cet acide amine. Acide ribonucleique messager (ARNm) : acide ribonucleique transcrit par complementarite des bases a partir d'une sequence d'acide desoxyribonucleique correspondant a un gene. (L'adenine, la guanine, la cytosine et 1'uracile de 1'ARN sont respectivement complementaires de la thymine, de la cytosine, de la guanine et de 1'adenine dans 1'ADN). Acide ribonucleique ribosomal: ARN constituant d'un ribosome. Acides amines cetogeniques : acides amines qui, apres desamination, peuvent etre transformes en acetoacetate et en (3-hydroxybutyrate. Acides amines glycogeniques : acides amines qui, apres desamination, peuvent etre transformes en glucose. Acides amines indispensables : acides amines que 1'organisme des mammiferes ne peut pas synthetiser et qui doivent etre apportes par 1'alimentation.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Actine : proteine predominante dans les microfilaments des cellules eucaryotes. Adaptation : modification par laquelle une cellule ou un organisme s'ajuste a des contraintes exterieures. Adenosine monophosphate (AMP) : nucleotide forme par 1'association d'adenine, de ribose et de phosphate. Adenosine monophosphate cyclique (AMP cyclique) : AMP dans lequel le phosphate est relie a la fois aux atomes de carbone 3' et 5' du ribose. Adenosine triphosphate (ATP) : molecule formee par 1'association d'adenine, de ribose et de trois residus de phosphate, impliquee dans le stockage et le transfert d'energie dans le metabolisme cellulaire. Adenylate cyclase : enzyme qui catalyse la formation d'AMP cyclique. ADN polymerase : enzyme qui catalyse la synthese d'ADN sur une matrice d'ADN a partir de precurseurs desoxyribonucleosides 5'triphosphates. Adrenaline : hormone secretee par la glande medullo surrenale. Air dephlogistique : oxygene. Air fixe : gaz carbonique. Air mephitique (air vicie) : azote. Air respirable (air vital) : oxygene. Alcaptonurie : maladie genetique humaine recessive de type autosomique, causee par un blocage du catabolisme de la phenylalanine et caracterisee par la coloration noire que prend 1'urine apres sejour a 1'air. Allele : une des formes d'un gene occupant un locus sur un chromosome. Allopatrique : terme designant des especes occupant des aires geographiques differentes, mais souvent adjacentes. Une speciation allopatrique est une speciation geographique. Allosterique (proteine allosterique) : proteine dont la conformation et 1'activite sont modifiees par fixation non covalente d'une molecule regulatrice. Le site fixant le ligand regulateur est different du site de fixation du substrat, il peut etre localise sur une sous-unite distincte de la sous-unite catalytique dans les proteines oligomeriques. Anabolisme : synthese de metabolites a 1'interieur d'une cellule a partir de molecules de petite taille. Anaerobiose : processus de vie dans lequel 1'accepteur d'electrons est une molecule autre que 1'oxygene. Anaphase : phase de la mitose au cours de laquelle les chromosomes se separent en deux groupes qui migrent aux extremites opposees de la cellule. Angstrom (A) : unite de longueur egale a 10~10 metre ou 0,1 nanometre.

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Antibiotiques : composes organiques produits par des micro-organismes et capables d'inhiber la croissance d'autres micro-organismes. Anticodon : sequence de trois nucleotides presente dans un ARN de transfer! (ARNt) specifique d'un acide amine et complementaire du codon qui, dans TARN messager, code cet acide amine. Anticorps monoclonal: anticorps d'une seule espece secrete par un clone d'hybridome, permettant la reconnaissance specifique d'un motif antigenique. Anticorps : proteine de defense synthetisee dans un organisme en reponse a 1'injection d'une substance etrangere appelee antigene. Les anticorps sont synthetises dans des lymphocytes B differencies en plasmocytes. Antigene : substance etrangere capable de provoquer chez les vertebres la synthese d'un anticorps specifique. Appareil de GOLGI : ensemble des vesicules intracytoplasmiques impliquees dans la secretion de proteines modifiees, en particulier par glycosylation. Archebacterie (Archaea) : procaryote appartenant au groupe phylogenetique des Archaea distinct de celui des eubacteries (Bacteria) et comprenant en particulier des halophiles, des thermophiles et des methanogenes. ARN polymerase : enzyme qui catalyse 1'association de ribonucleotides en une molecule d'ARN par transcription a partir d'une matrice d'ADN. Chez les eucaryotes, il existe trois ARN polymerases affectees respectivement a la synthese des ARN ribosomaux, des ARN messagers et des ARN de transfert. Arthropodes : animaux invertebres presentant un tegument rigide a base de chitine et des appendices articules. Assimilation azotee : incorporation d'atomes d'azote dans des proteines synthetisees par des micro-organismes capables de reduire 1'azote atmospherique en ammoniac. Assimilation carbonee : incorporation de gaz carbonique CC>2 dans des molecules organiques par les organismes photosynthetiques exposes a la lumiere. ATPase Na + -K+ ou pompe a sodium - potassium : proteine intrinseque de la membrane plasmique qui, grace a 1'energie fournie par 1'hydrolyse d'ATP en ADP et phosphate, assure 1'extrusion des ions sodium (Na + ) et 1'entree des ions potassium (K + ) dans la cellule. Autoradiographie : technique de detection de radioactivite par exposition du materiel radioactif a un film photographique. Autosomes : chromosomes autres que les chromosomes sexuels.

B Bacille : bacterie en forme de batonnets. Bacterie : micro-organisme procaryote unicellulaire.

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Bacteriophage : virus qui infecte les bacteries. Beriberi: avitaminose causee par carence en vitamine Bl (thiamine). Binomiale (classification) : systeme de nomenclature qui consiste a classer les organismes vivants en leur attribuant deux noms, 1'un est le genre, 1'autre refere a 1'espece. Biometrie : application des mathematiques a 1'etude statistique des ressemblances et differences d'etres vivants a 1'interieur d'une espece. Blastomeres : cellules qui apparaissent au cours des premieres divisions d'un ceuf feconde. Blastopore : ouverture transitoire a la surface d'un embryon au stade gastrula par laquelle la cavite interne (archanteron) communique avec 1'exterieur. Blastula : sphere creuse formee de cellules au debut de la division de 1'ceuf feconde.

C Capside : revetement proteique d'une particule virale. Carte genetique : diagramme montrant la position des genes sur un chromosome. Carte peptidique : positionnement sur papier des peptides provenant d'une hydrolyse partielle d'une proteine (en general par la trypsine), apres separation bidimensionnelle des peptides. Caryokinese : mitose. Caryotype : ensemble des chromosomes d'une cellule ranges en fonction de leur taille, de leur forme et de leur nombre. Catastrophisme (ou theorie des catastrophes dans 1'evolution) : theorie selon laquelle les especes existantes a un certain moment ont totalement disparu et ont ete remplacees par des especes totalement nouvelles. Cellules germinales (sexuelles) : cellules qui donnent naissance aux gametes. Cellules HeLa : cellules epitheliales provenant d'un carcinome du col de 1'uterus utilisees en biologic, en raison de leur division rapide en culture. Cellules somatiques : cellules eucaryotes de metazoaires (animaux) autres que les cellules germinales ou sexuelles. Centimorgan : unite genetique de mesure de distance entre des regions con tenant des genes. Centriole : structure cylindrique intracellulaire formee de microtubules. On trouve generalement une paire de centrioles dans un centrosome. Centromere : region d'un chromosome eucaryote au niveau de laquelle les chromatides restent associes pendant la metaphase.

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Centrosome : structure jouant le role de centre organisateur dans la formation des microtubules. Chiasma : region ou des chromosomes apparies restent en contact alors que les autres regions se separent au stade prophase de la meiose. Chimiotactisme : mouvement d'une cellule en reponse a un stimulus exterieur. Chirale (molecule) : molecule qui contient un centre asymetrique et qui peut former deux images en miroir, non superposables. Chloroplaste : organite d'eucaryote photosynthetique qui contient de la chlorophylle et ou sont catalysees les reactions de la photosynthese. Cholesterol : lipide de la famine des sterols, present dans les membranes des cellules eucaryotes. Chromatide : 1'une des deux copies d'un chromosome duplique. Chromatine : complexe nucleoproteique filamenteux forme majoritairement d'ADN et d'histone present dans les cellules eucaryotes. Chromatographie : technique de separation de differentes especes moleculaires fondee sur leur adsorption differentielle par un support solide ou leur partage entre des phases liquides ou gazeuses. Dans la chromatographie verticale sur papier, le papier sur lequel a ete depose en un point le melange de molecules trempe par son extremite inferieure dans une phase solvante. Par capillarite le solvant s'eleve le long du papier. Les molecules du melange sont entrainees avec le solvant et migrent plus ou moins vite suivant leur affinite pour le solvant ou 1'eau qui impregne le papier. Chromosome polytene : chromosome qui s'est replique plusieurs fois sans qu'il y ait eu de separation des repliques. Chromosome : structure composee d'une molecule d'ADN et de proteines associees. Clone : population de cellules issues par division asexuee d'une seule cellule. Code genetique : ensemble des triplets de nucleotides (codons) dans un ADN qui detient l'information genetique traduite en acides amines dans les proteines. Codon : sequence de trois nucleotides dans une molecule d'ADN ou d'ARN messager qui correspond a un acide amine specifique. Coenzyme A : petite molecule organique contenant une vitamine, 1'acide panthotenique, et qui sert au transport de groupes acyles dans des reactions enzymatiques. Coenzyme : petite molecule organique associee a une proteine enzymatique et intervenant dans la reaction enzymatique. Un coenzyme contient souvent une vitamine comme constituant essentiel. Creatine phosphate : type de phosphagene

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Crossing-over : echange de segments correspondants de chromosomes homologues durant la meiose. Cryofracture : technique qui consiste a congeler et a fracturer des membranes de cellules pour reveler leurs constituants, en particulier des proteines intrinseques, en microscopie electronique. La fracture separe les deux feuillets de la bicouche lipidique. Cyanobacterie : procaryote photosynthetique autrefois denomme algue bleue verte. Cycle cellulaire : cycle de reproduction de la cellule. Cycle de CALVIN : Voie metabolique par laquelle le CC>2 est integre dans des molecules organiques au cours de la photosynthese. Cycle des acides tricarboxyliques (cycle de KREBS) : ensemble de reactions qui, dans les organismes aerobies, degrade des groupes acetyles par decarboxylation et deshydrogenation. Cytochromes : proteines contenant du fer insere dans un groupe tetrapyrrolique (heme) et faisant partie de chaines de transfert d'electrons. Le fer des cytochromes passe alternativement de 1'etat ferreux a 1'etat ferrique au cours d'un transfert d'electrons. Cytosol : contenu du compartiment cytoplasmique a 1'exclusion des organites endocellulaires. Cytosol est egalement utilise comme terme operationnel pour designer la partie d'un homogenat cellulaire non sedimentable par une centrifugation a 100 000 x g pendant une heure. Cytosquelette : charpente intracellulaire qui donne sa forme a la cellule. Le cytoquelette est forme de filaments proteiques constitues en grande partie d'actine et de tubuline.

D Dalton : unite de masse moleculaire egale a la masse d'un atome-gramme d'hydrogene. Darwinisme : theorie de 1'evolution par selection naturelle. Demi-vie : temps necessaire a la disparition de la moitie d'un compose donne. Denaturation : depliement d'une chaine polypeptidique d'une proteine associee a la perte d'activite de cette proteine. La denaturation est le resultat de la perte des structures secondaire et tertiaire. Detergent : molecule amphipathique utilisee pour solubiliser les proteines membranaires. Diastase : enzyme. Diauxie : croissance en deux phases successives.

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Diffusion laterale (dans les membranes): mobilite des lipides dans chacun des feuillets de la bicouche lipidique. Ce terme s'applique aussi a la mobilite laterale des proteines inserees dans les membranes (proteines intrinseques). Diffusion transversale (dans les membranes) : mobilite des lipides par reorientation, c'est-a-dire passage par renversement d'un feuillet a 1'autre de la bicouche lipidique. Dinosaure : reptile terrestre disparu qui a constitue une espece animale dominante pendant les periodes du jurassique et du cretace (- 280 a - 60 millions d'annees). Diploblastique : caracterise un animal construit a partir de deux feuillets embryonnaires, 1'ectoderme et 1'endoderme. Dipneustes : sous classe de poissons pouvant respirer par des branchies ou par des poumons. Domaine (dans une proteine) : portion d'une proteine caracterisee par une structure tertiaire specifique qui lui confere une propriete fonctionnelle. Dominant: contraire de recessif. Definit dans une paire d'alleles dont 1'un correspond a un gene dominant et 1'autre a un gene recessif celui qui est exprime au niveau du phenotype d'un organisme, 1'allele recessif n'etant pas exprime. Drosophile : mouche du vinaigre.

E Ectoderme : couche superficielle de cellules de 1'embryon animal qui se developpent en epiderme et tissu nerveux chez 1'adulte. Electrophorese : technique de separation d'especes moleculaires chargees positivement ou negativement par application d'un champ electrique. Endoderme : couche de cellules internalisees au moment de la gastrulation chez 1'embryon animal et qui se developpent en cellules du tractus digestif et des organes associes. Endosome : organite forme a partir de la membrane plasmique par endocytose et qui transfere aux lysosomes des materiaux nouvellement ingeres. Enveloppe nucleaire : double membrane entourant le noyau dans une cellule eucaryote. Enzyme : proteine qui catalyse une reaction chimique definie. Epigenese : formation de structures nouvelles au cours de 1'embryogenese. Ergastoplasme : reticulum endoplasmique. Eucaryote : cellule pourvue d'un noyau delimite par une enveloppe.

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Euchromatine : chromatine peu condensee dont 1'ADN est capable d'etre transcrit en ARN. Eugenisme : theorie qui preconise 1'application de methodes qui visent a ameliorer le patrimoine genetique. Exon : segment d'un gene codant une chaine peptidique. Extremite C terminale : Extremite d'une chaine polypeptidique qui porte le dernier acide amine avec son groupe carboxyle en a libre (carboxyle fixe sur le C0). Extremite N terminale: Extremite d'une chaine polypeptidique qui porte le premier acide amine avec son groupe amine en a libre (amine fixee sur le Co).

F FI : premiere generation de descendants d'un ovule feconde. Facteur de transcription : proteine de regulation qui se fixe au niveau de sequences d'ADN, generalement en amont de la region transcrite et qui regule la transcription de genes. Fermentation : degradation en absence d'oxygene (en anaerobiose) de molecules organiques. Par exemple, la fermentation alcoolique correspond a la transformation du glucose en ethanol dans un milieu prive d'oxygene. Feuillet P ou feuillet plisse : structure secondaire etiree d'une chaine peptidique, stabilisee par des liaisons hydrogene. Finalisme : doctrine selon laquelle 1'evolution tend vers un certain but. Fixisme : theorie suivant laquelle les especes vivantes sont restees les memes depuis leur creation. Flavine adenine dinucleotide (FAD) : coenzyme compose de FMN lie covalemment a 1'AMP, implique dans des transferts d'electrons. Flavine mononucleotide (FMN) ou riboflavine-phosphate : coenzyme implique dans des transferts d'electrons. Fourche de replication : point de separation des deux brins d'une double helice d'ADN au cours de la replication. Fractionnement subcellulaire : procede de separation d'organites endocellulaires d'un homogenat de tissu par centrifugations successives a des vitesses de plus en plus grandes. Fragment precoce d'OKASAKI : brin d'ADN synthetise de fagon continue au cours de la replication de 1'ADN. Fragment tardif d'OKASAKI : brin d'ADN synthetise de fac,on discontinue au cours de la replication de 1'ADN.

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Fuseau mitotique : structure formee de microtubules et de proteines associees et qui dirige la migration des chromosomes dans les cellules filles au cours de la mitose.

G Galactose : ose (sucre) a six atomes de carbone. Associe au glucose il forme le lactose. (i-Galactosidase : enzyme qui catalyse le clivage du lactose en galactose et glucose et en general le clivage de disaccharides ou le (3-galactose est combine a un autre ose par une liaison osidique. Gametes : cellules sexuelles males (spermatozoi'des) ou femelles (ovules). L'union d'un gamete male et d'un gamete femelle donne naissance a 1'oeuf. Gastrula : embryon animal au stade de developpement ou se produit une invagination de la couche superficielle de cellules pour former une cavite interne. Gene : unite d'heredite portee sur 1'ADN chromosomique et transmise de generation en generation par les gametes. Genie genetique : methodes d'experimentation sur des genes. Genome : ensemble des genes d'une cellule. Genotype : constitution genetique d'un organisme. Glycogene :polysaccharide forme d'association de molecules de glucose. Glycolyse : voie metabolique de degradation du glucose en pyruvate et lactate.

H Haploi'die : Etat d'une cellule caracterise par un seul jeu de chromosomes, par exemple dans un spermatozoide ou un ovule. Heme : groupe prosthetique compose de quatre noyaux pyrroles et d'un atome

de fer. Hemoglobine : proteine heminique des globules rouges qui assure le transport de 1'oxygene. Hepatocytes : cellules majoritaires du foie qui rendent compte des proprietes metaboliques de cet organe. Heredite mendelienne : heredite dependante des genes portes par 1'ADN nucleaire. Heredite mitochondriale : heredite dependante des genes portes par 1'ADN mitochondrial. Heterochromatine : chromatine tres condensee dans laquelle 1'ADN ne peut pas etre traduit en ARN messager.

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

Heterozygote : terme qui designe une cellule diploi'de possedant deux alleles differents pour un gene donne. Histone : proteine basique qui s'associe a 1'ADN dans les chromosomes de cellules eucaryotes. Homeoboite : courte sequence d'ADN qui code un motif de liaison a 1'ADN dans des proteines jouant le role de facteurs de transcription. Homeodomaine : motif de liaison de 1'ADN constitue par une sequence d'une soixantaine d'acides amines. Homeostasie : capacite des etres vivants a maintenir certaines constantes biologiques (par exemple la concentration en glucose du sang). Homologie : similitude dans la structure de deux ou plusieurs proteines ayant une origine commune dans 1'evolution. Homonculus : etre microscopique que la croyance ancienne localisait soit dans le spermatozoi'de, soit dans 1'ovule. Homozygote : cellule diploi'de ayant deux alleles identiques pour un gene donne. Hormones : messager chimique produit par un type cellulaire, affectant 1'activite d'un autre type cellulaire. Hybridation : croisement d'individus appartenant a deux populations naturelles. Designe egalement le processus par lequel deux brins complementaires d'un acide nucleique forment une double helice lors de leur appariement. Hybridome : lignee cellulaire utilisee pour la production d'anticorps monoclonaux, obtenue par la fusion de lymphocytes B avec des cellules de myelome.

I Immunite cellulaire : immunite relative au pouvoir de phagocytose de bacteries par des cellules specialisees : neutrophiles sanguins, macrophages tissulaires. Immunite humorale : immunite relative a des facteurs seriques secretes par des cellules specialisees chez les vertebres, par exemple des anticorps synthetises par des lymphocytes B differencies en plasmocytes. Immunoglobuline : anticorps. Infusoires : protozoaires cilies. Leur nom provient du fait qu'ils furent trouves pour la premiere fois dans des infusions de foin. Insuline : hormone polypeptidique qui est secrete par des cellules specialisees du pancreas et qui participe au controle du metabolisme du glucose. Intron : sequence d'ADN intercalaire qui interrompt la sequence codante d'un gene.

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J

Jonction cellulaire : structure de connexion entre deux cellules.

K Kinase : enzyme qui transfere le groupe phosphate terminal de 1'ATP sur d'autres molecules. Exemple : la creatine kinase catalyse la synthese de creatine phosphate a partir d'ATP et de creatine en transferant le phosphate terminal de 1'ATP sur la creatine. Kinetochore : structure complexe localisee au niveau du centromere d'un chromosome, a partir de laquelle prennent naissance les microtubules du fuseau mitotique.

L Liaison peptidique : liaison covalente entre le groupe carboxyle d'un acide amine et le groupe amine d'un deuxieme acide amine. Lignee cellulaire : population de cellules d'origine animale ou vegetale capables de se diviser indefiniment en culture. Lipide : biomolecule insoluble dans 1'eau, possedant un caractere graisseux. Lipoi'que (acide) : vitamine qui sert de transporteur d'atomes d'hydrogene et de groupes acyles. Locus : emplacement sur un chromosome ou reside un gene qui determine un trait particulier dans un phenotype. Lymphocyte : globule blanc faisant partie du systemes immunitaire. Lysogenie : etat qui caracterise une bacterie porteuse de 1'ADN d'un virus (bacteriophage) integre dans son genome, mais inactif du fait qu'il est reprime. Lysosome secondaire : organite qui resulte de la fusion d'une vesicule endosomale et d'un lysosome. Lysosome : organite des cellules eucaryotes entoure d'une seule membrane, contenant des hydrolases actives a pH acide (environ pH 5).

M Macrophage : cellule phagocytaire localisee dans les tissus. Meiose : type de division cellulaire impliquee dans la formation d'ovules et de spermatozoides et qui conduit a produire quatre cellules filles haplo'ides a partir d'une cellule diploi'de initiale. Mesoderme : couche de cellules qui dans la gastrula est comprise entre 1'ectoderme et 1'endoderme.

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

Mesoglee : substance gelatineuse localisee entre 1'ectoderme et 1'endoderme chez les ccelenteres (hydre, meduse). Messager secondaire : petite molecule formee dans le cytoplasme d'une cellule en reponse a un signal extracellulaire. Metabolisme : ensemble des reactions de synthese et de degradation de molecules organiques dans une cellule. Metabolite : dans le metabolisme, une molecule organique apparaissant comme intermediate dans des reactions catalysees par des enzymes. Metabolon : groupe d'enzymes structurellement associes et qui participent a une sequence de reactions dans une chaine metabolique. Metaphase : deuxieme phase de la mitose ou les chromosomes sont attaches au centre du fuseau mitotique. Metazoaire : organisme animal pluricellulaire (par opposition a protozoaire). Microsomes : particules heterogenes recueillies par centrifugation differentielle d'un homogenat cellulaire, constitutes par des fragments de reticulum endoplasmique, d'appareil de GOLGI et de membrane plasmique. Microtubule : structure longue et cylindrique composee de tubuline. Mitochondrie : organite cytoplasmique des cellules eucaryotes qui possede un systeme enzymatique capable de coupler des reactions d'oxydation a une synthese d'ATP. Mitose : division d'une cellule eucaryote aboutissant a partir d'une cellule mere a la formation de deux cellules filles avec le meme nombre de chromosomes que la cellule mere. Mutation : changement dans le materiel genetique resultant d'un remplacement, d'une deletion ou d'une duplication d'une ou plusieurs bases de 1'ADN, se transmettant par heredite.

N Neo-darwinisme : theorie de 1'evolution formulee par WEISMANN qui associe 1'heredite mendelienne et les modifications des cellules germinales par mutation. Neo-glycogenese ou glyconeogenese : biosynthese de glucides a partir de precurseurs non glucidiques. Neutrophiles : cellules blanches du sang impliquees dans la phagocytose de bacteries apres migration dans un foyer infectieux. Nicotinamide adenine dinucleotide (NAD) : coenzyme contenant la nicotinamide (vitamine PP) et intervenant comme transporteur d'atomes d'hydrogene et d'electrons.

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Nicotinamide adenine dinucleotide phosphate (NADP) : coenzyme contenant la nicotinamide (vitamine PP) et intervenant comme transporteur d'atomes d'hydrogene et d'electrons Noyau : chez les eucaryotes, organite entoure d'une enveloppe et qui contient les chromosomes. Nucleole : structure globulaire presente a 1'interieur du noyau des cellules eucaryotes, dans laquelle sont maturees les sous-unites des ribosomes. Nucleoside : compose forme d'une base purique ou pyrimidique lie par covalence a un pentose (ribose ou desoxyribose). Nucleosome : unite structurale de la chromatine constitute par de 1'ADN enroule autour de molecules d'histone. Nucleotide : nucleoside phosphate.

o Oncogene : gene present dans un virus tumorigene (oncogene v) ou bien provenant par mutation d'un protooncogene dans une cellule eucaryote (oncogene c). Ontogenese : developpement d'un individu a partir de 1'ceuf feconde. Operateur : region de 1'ADN qui reagit avec un represseur proteique pour empecher la transcription d'un gene ou d'un groupe de genes a partir d'un promoteur adjacent. Operon : unite genetique comprenant des sequences d'ADN codantes et des sequences d'ADN de regulation (operateur et promoteur ). Origine de replication : sequence d'ADN des procaryotes au niveau de laquelle est initiee la replication d'un chromosome. Osmose : passage d'un solvant a travers une membrane semi-permeable separant deux solutions de concentrations differentes. Oxydation phosphorylante : processus par lequel 1'energie provenant de 1'oxydation de metabolites est utilisee pour la synthese d'ATP a partir d'ADP et de phosphate mineral. Oxydo-reduction (reaction) : reaction dans laquelle des electrons sont transferes d'un donneur a un accepteur.

P Paleontologie : science qui etudie les restes fossilises des etres vivants ayant peuple la Terre a differentes epoques geologiques. Parapatrique : se dit d'especes geographiquement en contact sans qu'il y ait melange.

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Parthenogenese : reproduction a partir d'un ovule non feconde. Pathogene : qui provoque une maladie. PCR (reaction de polymerisation en chaine) : technique qui permet d'amplifier des regions specifiques d'ADN. Pellagre : maladie par avitaminose due a 1'absence de vitamine PP (nicotinamide). Peroxysome : organite cytoplasmique des cellules eucaryotes porteur d'enzymes qui catalysent des reactions d'oxydation produisant de 1'eau oxygenee et d'autres reactions detruisant cette eau oxygenee. Phagocytose : processus par lequel certaines cellules internalisent et digerent des particules etrangeres. Phenotype : ensemble des caracteres apparents d'un organisme qui dependent de sa constitution genetique (genotype). Phlogistique : theorie perimee selon laquelle tout corps inflammable etait suppose contenir une substance, le phlogistique, qui etait relachee lorsque le corps brulait. Phosphagene : substance phosphoree de reserve energetique dont le transfert de phosphate a 1'ADP fournit 1'ATP. Le phosphagene majeur des mammiferes est la creatine phosphate. Chez les invertebres c'est 1'arginine phosphate. Photophosphorylation : processus de phosphorylation d'ADP en ATP dans les plantes vertes et les micro-organismes phototrophes qui utilisent la lumiere comme source d'energie. Photosynthese : processus par lequel les plantes vertes et les procaryotes phototrophes utilisent 1'energie de la lumiere pour synthetiser des molecules organiques apres incorporation du CC>2 de 1'air. Phylogenese : etude de la formation et de revolution des especes vivantes (terme cree par HAECKEL en 1868). Plaque equatoriale : plan virtuel a 1'interieur d'une cellule eucaryote ou se localisent les chromosomes au cours du stade de la mitose appele metaphase. Plasmique (membrane) : membrane qui contient le cytoplasme cellulaire. Polarimetre : instrument servant a determiner le degre de rotation de la lumiere polarisee provoquee par une substance organique porteuse de carbone(s) asymetrique(s) en solution. Polyploi'die : etat d'une cellule qui contient plus de deux jeux de chromosomes homologues. Position (effet de) : difference dans 1'expression phenotypique d'un gene causee par sa proximite ou son eloignement par rapport a d'autres genes. Prebiotique : caracterise ce qui a precede 1'emergence de la vie. Prion : agent infectieux de nature proteique, apparemment depourvu d'acide nucleique.

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Procaryote : micro-organisme dont 1'ADN n'est pas incorpore dans un noyau bien defini. Prophase : phase preliminaire de la mitose pendant laquelle les chromosomes prennent une forme condensee. Prophylaxie : ensemble des mesures destinees a empecher 1'apparition ou la propagation de maladies infectieuses. Proteasome : complexe proteique responsable de la degradation des proteines reconnues par un residu d'ubiquitine qui leur sert d'etiquetage. Proteine : macromolecule formee d'une ou de plusieurs chaines polypeptidiques possedant une sequence en acides amines et un poids moleculaire caracteristiques. Protiste : eucaryote unicellulaire. Protooncogene : gene cellulaire qui peut etre converti en oncogene par mutation.

R Recessif (caractere) : se dit d'un caractere hereditaire qui ne se manifeste que lorsque 1'allele dominant est absent. Recombinant (ADN) : ADN forme par 1'association de genes dans de nouvelles combinaisons creees par les techniques d'ingenierie genetique. Replication : operation par laquelle une sequence d'ADN est repliquee par complementarite a partir d'une matrice d'ADN. Represseur : proteine qui se lie a 1'operateur d'un operon pour empecher la transcription de ce dernier. Restriction (enzyme de) : enzyme produit en particulier par des bacteries et qui est capable de cliver des ADN etrangers a ces bacteries. (Les enzymes de restriction protegent les bacteries centre des attaques virales). Reticulum endoplasmique : reseau membranaire intracytoplasmique des cellules eucaryotes possedant de nombreuses fonctions metaboliques. On distingue le reticulum lisse et le reticulum rugueux, ce dernier etant borde par des ribosomes. Retrovirus : virus a ARN dont 1'ARN est transcrit reversiblement en ADN par un enzyme specifique, la transcriptase inverse. RFLP (polymorphisme de longueur de fragments de restriction) : se dit d'une technique qui permet de differencier des ADN par la taille des fragments obtenus apres coupure avec des enzymes de restriction. Ribonuclease : enzyme capable d'hydrolyser les liaisons internucleotidiques dans 1'ARN. Ribose : pentose repondant a la formule CsHioOs present dans 1'ARN.

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

Ribosomes : particules intracellulaires constitutes d'ARN et de proteines sur lesquelles se place 1'ARN messager au cours de sa traduction en proteine. Ribozyme : ARN doue d'activite catalytique, a 1'instar d'un enzyme, sur sa propre structure. Ribulose 1,5-bisphosphate : cetopentose diphosphoryle qui se combine au CO2 en presence de 1'enzyme RUBISCO, au cours du cycle de CALVIN dans la photosynthese. RUBISCO : designe la ribulose bisphosphate carboxylase, un enzyme abondant dans les chloroplastes et implique dans la fixation du CC>2 de 1'air au cours de la photosynthese.

S Scorbut: avitaminose provoquee par 1'absence de vitamine C (acide ascorbique). Secretine : hormone produite par le duodenum en reponse a la secretion d'acide chlorhydrique par 1'estomac et qui a pour effet de stimuler la secretion pancreatique. Selection naturelle : base de la theorie de revolution formulee par DARWIN. Speciation : developpement d'une espece emergente a partir d'une espece existante. La speciation se produit quand les especes divergent a un tel point que la fecondation entre elles n'est plus possible. La speciation peut etre allopatrique, c'est-a-dire associee a une separation geographique, ou bien sympatrique sans separation geographique. Stratigraphie : science qui etudie les strates constitutives de terrains en geologic. Stromatolite : masse fossilisee de bacteries. Les stromatolites remontent a plus de deux milliards d'annees. Structure primaire : sequence des acides amines dans une proteine. Structure secondaire : premier degre d'organisation d'une chaine polypeptidique par enroulement en helice (helice a) ou repliement en feuillets plisses (feuillets (3). Structure tertiaire : organisation tridimensionnelle d'une chaine peptidique comportant des helices a et des feuillets P et impliquant des liaisons de differente nature, en particulier des ponts disulfures. Structure quaternaire : structure proteique resultant de 1'association de plusieurs chaines polypeptidiques que Ton designe par protomeres ou monomeres ou sous-unites. Superoxyde dismutase : enzyme qui catalyse la formation de H2O2 a partir de 1'ion superoxyde C>2~ et de protons.

GLOSSAIRE

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Surrenales : glandes endocrines situees au dessus des reins, composees de deux parties, la corticosurrenale qui secrete des hormones steroi'des et la medullosurrenale qui secrete 1'adrenaline. Synapse : region localisee entre deux neurones ou entre un neurone et une cellule musculaire, dans laquelle sont deversees des molecules de neurotransmetteur. Systematique : science des classifications des etres vivants.

T Taxon : groupe d'organismes qui occupe un rang bien determine dans une classification hierarchique. Canis lupus (loup) est un taxon specifique, les Canidae (loup, chien, chacal) forment un taxon familial. Taxonomie ou taxinomie : (terme cree par CANDOLLE en 1813). Science de la classification des etres vivants et des organismes disparus. Teleologie : doctrine qui postule que revolution s'est faite dans un sens oriente vers un but. Telophase : phase terminale de la mitose avec la reconstitution de deux noyaux cellulaires et la formation de deux cellules filles. Tetrapodes : vertebres possedant quatre membres (ils incluent les amphibiens, certains reptiles, les oiseaux et les mammiferes). Thyroi'de : glande endocrine situee devant la trachee, qui secrete plusieurs hormones dont la thyroxine. Traduction : processus par lequel 1'information contenue dans un ARN messager est traduit en termes de sequence d'acides amines dans une proteine. Transcription inverse : processus par lequel reformation contenue dans TARN est transferee a 1'ADN. Transcription : processus par lequel 1'information genetique est transferee de 1'ADN a 1'ARN. Transformation bacterienne : modification du genome d'une bacterie ayant integre un ADN etranger. Transformisme : theorie selon laquelle les especes vivantes derivent les unes des autres par des transformations successives. Au transformisme s'oppose le fixisme. Transgenese : operation qui consiste a creer un organisme transgenique. Transgenique : se dit d'un organisme dont le genome a incorpore et exprime des genes d'une autre espece. Les organismes transgeniques sont crees par les techniques de 1'ingenierie genetique, en utilisant des ADN vecteurs appropries pour inserer le gene etranger dans 1'ceuf fertilise.

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LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

Transposon : element genetique mobile qui peut s'inserer dans des regions differentes d'un chromosome. Triploblastique : se dit d'un animal construit a partir de trois feuillets embryonnaires, 1'ectoderme, 1'endoderme et le mesoderme. Tyndallisation : precede de sterilisation par des etapes successives de chauffage et de refroidissement.

u Ureogenese : synthese de 1'uree.

V Vasopressine : hormone du lobe posterieur de 1'hypophyse qui augmente la tonicite des vaisseaux et diminue la secretion d'urine. Vernalisation : traitement de plantes par le froid pour accelerer la floraison. Virus : complexe nucleoproteique infectieux forme d'un seul type d'acide nucleique, ADN ou ARN et qui parasite obligatoirement des cellules soit procaryotes soit eucaryote pour sa reproduction. Vitalisme : doctrine qui attribue aux processus vitaux des lois particulieres independantes des principes fondamentaux de la physique et de la chimie. Vitamine : substance organique dont 1'apport en petite quantite est indispensable a la croissance et a la survie des animaux superieurs. La plupart des vitamines sont des constituants de coenzymes. Vitriol (huile de): acide sulfurique.

Z Zymase : terme ancien utilise pour decrire le principe actif de la levure responsable de la fermentation alcoolique. Zygote : cellule diploi'de produite par la fusion d'un gamete male et d'un gamete femelle.

TABLE DES MATIERES Avant-propos 5 Chapitre I - Les artisans des theories de 1'evolution 9 1. Survol du phenomena de 1'evolution 9 1.1. Les idees sur 1'evolution depuis 1'antiquite 9 1.2. Les ages de la terre et 1'emergence des especes vivantes. Un bref apercu 13 1.3. Les etres vivants et leur environnement 21 2. La systematique dans les sciences de la nature 24 2.1. Les pionniers de la systematique du vivant: Tournefort, Ray et Linne 25 2.2. Notion de parente et principe de subordination 27 2.3. Lecladisme 28 3. Les premisses de la theorie du transformisme 28 3.1. Maupertuis, Maillet et Buffon, trois naturalistes prestigieux et des questions pertinentes sur les especes vivantes 30 3.2. L'origine des fossiles apprehendee par la stratigraphie 33 4 Jean-Baptiste de Lamarck, pionnier du transformisme 34 4.1. Lamarck et son temps 34 4.2. Les grandes lignes du lamarckisme 36 5. La periode pre-darwinienne 38 5.1. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire et Georges Cuvier : deux destins, deux carrieres....38 5.2. L'affrontement Geoffroy Saint-Hilaire - Cuvier : transformisme centre fixisme 40 6. Charles Darwin et Alfred Wallace : 1'emergence d'une nouvelle theorie de 1'evolution 44 6.1. Selection naturelle et lutte pour 1'existence 44 6.2. Une illustration du principe de selection : lebec des pinsons des lies Galapagos et le cou de la girafe 47 6.3. Le parallele entre selection naturelle et selection artificielle 49 6.4. La selection sexuelle dans 1'evolution 50 6.5. L'accueil du darwinisme dans la communaute scientifique 51 6.6. Le dilemme des variations continues dans la theorie de Darwin 55 6.7. Le neo-darwinisme 57 6.8. Retombees socio-economiques du darwinisme 57 7. L'apres darwinisme 59 7.1. La theorie synthetique 59 7.2. La theorie neutraliste .60 7.3. La macroevolution .61 8. Les essais de reconstitution de la "soupe" moleculaire prebiotique .62 8.1. Preuve geologique des proprietes reductrices de la soupe prebiotique 63 8.2. Les premieres tentatives de reproduction de la chimie prebiotique .63 8.3. L'hypothese du monde du soufre et du fer. L'importance d'une chimie des surfaces 66 8.4. L'hypothese du monde de 1'acide ribonucleique (ARN) 67 9. Hypotheses sur 1'apparition du monde cellulaire et son evolution .73 9.1. L'emergence des procaryotes 74

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

9.2. L'emergence des eucaryotes 9.3. Mutations et horloges d'ADN 9.4. Evolution et malleabilite du genome 10. Conclusion. De la demonstration de 1'evolution au dechiffrage de son mecanisme

78 80 82 85

Chapitre II - Les origines de la biologic cellulaire

89

1.

2.

3. 4

5.

6.

7.

Les objets de la biologic cellulaire 90 1.1. Systemes de classification des cellules vivantes 90 1.2. L'etat des connaissances en biologic cellulaire vers la moitie du xxe siecle avant la percee de la biologie moleculaire .91 Le noyau 97 Mitochondries et chloroplastes 99 Lysosomes et peroxysomes 101 Reticulum endoplasmique, ribosomes et appareil de Golgi 102 Cytosol et cytosquelette 103 1.3. Diversite et unite du monde vivant 105 Les premieres observations de cellules vivantes 106 2.1. L'avenement du microscope optique .107 2.2. Van Leeuwenhoek et son temps 108 Le xvme siecle, periode de transition 110 L'emergence de la theorie cellulaire au Xixe siecle 115 4.1. Les precurseurs de la theorie cellulaire 115 4.2. Une premiere formulation de la theorie cellulaire 117 4.3. La refutation de la theorie du cytoblasteme et 1'enonce final de la theorie cellulaire 119 4.4. L'accueil fait a la theorie cellulaire 121 Les progres dans 1'analyse structurale de la cellule a la fin du xixe siecle 124 5.1. Des ameliorations techniques decisives 124 5.2. La caracterisation du noyau et de son comportement au cours de la division cellulaire 126 5.3. Le phenomene de la meiose ou division reductionnelle des cellules germinales .133 5.4. Les premieres preuves a 1'appui de la theorie chromosomique de 1'heredite 135 5.5. A la recherche de 1'ultrastructure du cytoplasme 136 5.6. Une retombee d'envergure de la theorie cellulaire : la theorie neuronale 140 5.7. La situation de la cytologie dans les dernieres decennies du xix e siecle et 1'arrivee de nouvelles disciplines biologiques 140 De la theorie cellulaire a 1'embryologie experimentale 142 6.1. Epigenese centre preformationnisme 142 6.2. Les deviations doctrinales de 1'embryologie comparee 144 6.3. La naissance de 1'embryologie experimentale ou embryologie causale 145 L'essor de la microbiologie bacterienne au tournant du XXe siecle 147 7.1. Micro-organismes et generation spontanee 147 7.2. Micro-organismes et chimie des fermentations 151 7.3. Micro-organismes et pathologies infectieuses 151 7.3.1. La specificite bacterienne des maladies infectieuses 152 7.3.2. La defense de 1'hote centre 1'invasion bacterienne 155 7.3.3. Metchnikoff et la decouverte des cellules phagocytaires 157 7.3.4. Les premiers pas dans la therapeutique antimicrobienne 159 7.3.5. Les micro-organismes en tant qu'usines metaboliques responsables des equilibres naturels 161 7.4. La necessaire classification des bacteries 162

TABLE DBS MATIERES

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7.5. La decouverte du monde des virus 163 Les percees techniques contemporaines 164 8.1. L'acces a 1'ultrastructure cellulaire par la microscopie electronique 166 8.2. L'ouverture de la boite noire de la cellule : acces aux organites endocellulaires ...170 8.2.1. A la recherche d'organites porteurs d'activite respiratoire : les mitochondries 170 8.2.2. La revelation par fractionnement subcellulaire d'organites insoupconnes : les lysosomes et les peroxysomes 174 8.2.3. Les retombees de 1'exploration endocellulaire en pathologie 176 8.3. L'utilisation de cellules eucaryotes cultivees, ou isolees a partir de tisssus animaux, pour des etudes metaboliques 178 8.4. Le ciblage de proteines specifiques par des anticorps monoclonaux 179 9. Emergence d'un nouveau secteur de la biologic cellulaire : la membranologie 180 9.1. Les membranes cellulaires en tant que bicouches lipidiques 181 9.2. L'architecture membranaire : un historique des theories 182 9.3. La repartition asymetrique des phospholipides dans les deux feuillets de la bicouche lipidique des membranes 187 10. Le nouveau statut de la biologic cellulaire. Vers une rationalisation moleculaire de la dynamique cellulaire .188 10.1. Le code de routage de proteines neosynthetisees vers des organites endocellulaires 188 10.2. Les chaines de signalisation 191 10.3. L'homeostasie cellulaire, une idee ancienne remise a la mode moleculaire 193 11. Conclusion. De la cellule, unite structurale des organismes vivants, au fonctionnement de la machinerie cellulaire 195 8.

Chapitre HI - Les origines de la biologie moleculaire 1.

2.

e

197 e

Les germes de la biologie moleculaire au xix siecle et au debut du xx siecle 1.1. Les etapes vers le concept du gene support de 1'heredite 1.1.1. Gregor Mendel, le decouvreur des lois de la transmission des caracteres hereditaires 1.1.2. La redecouverte des lois de Mendel 1.1.3. Variations continues ou discontinues dans 1'heredite 1.1.4. Vers la preuve d'un support materiel de 1'heredite 1.1.5. Thomas Morgan et la theorie chromosomique de 1'heredite 1.2. Les premiers jalons de la proteinologie 1.2.1. Apparition du terme proteine au xixe siecle 1.2.2. Les acides amines reconnus comme constituants des proteines 1.2.3. La theorie de la macromolecule proteique protoplasmique 1.2.4. Premieres preuves de la diversite des proteines 1.2.5. Emil Fischer et Franz Hofmeister, les promoteurs de la theorie de la liaison peptidique 1.2.6. Naissance et mort de la theorie des cyclols 1.2.7. La theorie des colloides, un concept a la vie dure 1.2.8. Le dogme de la periodicite et 1'illusion de la numerologie 1.3. De la nucleine aux acides nucleiques 1.3.1. Miescher, le decouvreur oublie de la nucleine. Kossel, un chimiste pionnier des acides nucleiques 1.3.2. Levene et 1'hypothese du tetranucleotide Des avancees techniques determinantes dans la periode 1920 -1960 2.1. Les retombees de la technique chromatographique en proteinologie

199 199 199 205 206 206 209 216 216 217 220 221 222 224 224 226 227 227 231 234 239

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LA BIOLOGIE, DES ORIGINES A NOS JOURS

2.1.1. Frederick Sanger et la sequence de 1'insuline 2.1.2. Vernon Ingram et le reperage d'acides amines strategiques 2.2. Les retombees de la technique de diffraction des rayons X 2.2.1. Vers la resolution des structures secondaire et tertiaire des proteines 2.2.2. L'ADN : revelation de sa structure en double helice et demonstration de sa replication semi-conservatrice 2.2.3. Retour a la structure primaire de 1'ADN 3. Les enzymes comme systemes modeles pour 1'etude de la relation entre structure et fonction dans les proteines 3.1. La catalyse enzymatique. Notion de specificite et de complementarite 3.2. Vers la demonstration de la nature proteique des enzymes 3.3. Demonstration du controle de la structure tridimensionnelle d'une proteine par sa sequence en acides amines 3.4. L'oligomerisation des proteines : un niveau superieur de complexite structurale et fonctionnelle 4. Les preuves du role informatif de 1'ADN dans la synthese proteique : emergence de la biologie moleculaire 4.1. Naissance du concept : un gene - un enzyme 4.2. L'ADN support chimique de 1'heredite 4.2.1. L'identification du principe transformant du pneumocoque a 1'ADN 4.2.2. L'incursion d'un physicien theoricien, Erwin Schrodinger, dans le domaine de la biologie 4.2.3. L'identification du principe infectieux du bacteriophage a 1'ADN 4.2.4. La conjugaison sexuelle des bacteries et la transduction, deux autres fagons de transmettre 1'information genetique de cellule a cellule 4.2.5. La transposition, un nouveau concept peu orthodoxe 4.2.6. Decouverte de 1'enzyme de replication de 1'ADN 5. La rupture du dogme de la reversibilite de la proteolyse 5.1. Naissance et chute de la theorie de la zymohydrolyse reversible 5.2. Mise en evidence de 1'activation des acides amines, une reaction prealable a la synthese de la liaison peptidique 6. Le chemin vers la decouverte du mecanisme de la synthese proteique 6.1. La decouverte des ARNs solubles ou ARNs de transfert 6.2. L'hypothese du triplet nucleotidique et de 1'ARN messager 6.3. La traduction de 1'acide polyuridylique en polyphenylalanine, un premier jalon dans le decryptage du code genetique 6.4. Le decryptage total du code de 1'ADN 6.5. Le flux de 1'information genetique : ADN —> ARN messager —» proteine, dogme central de la biologie moleculaire 7. Les preuves d'une regulation genetique de la synthese proteique 7.1. Le prophage, un exemple de regulation negative d'expression genique 7.2. La synthese inductible des proteines et le concept de represseur 7.3. Le modele de 1'operon 7.4. Differenciation cellulaire et facteurs de transcription chez les organismes eucaryotes 8. De 1'enzymologie de 1'ADN a 1'ingenierie genetique au tournant du xxie siecle 8.1. Les transcriptases inverses 8.2. Les enzymes de restriction 9. Conclusion : aujourd'hui et demain

239 242 243 243 249 253 254 254 258 260 262 264 265 268 268 270 271 273 275 275 276 278 279 280 280 280 282 283 285 28 287 289 291 293 295 295 296 297

TABLE DBS MATIERES

477

Chapitre IV - Les racines du metabolisme cellulaire 301 1. Des philosophes grecs aux alchimistes duMoyen Age 304 1.1. La tradition grecque 306 1.2. La naissance de 1'experimentation avec les alchimistes 308 2. La periode post-alchimique 309 2.1. Premieres experiences sur les gaz 310 2.2. Stahl. La theorie du phlogistique et la theorie des affinites 312 2.3. L'essor de la chimie des gaz 313 2.4. Premieres explorations des gaz en physiologic vegetale 316 2.5. Lavoisier et la refutation de la theorie du phlogistique 318 e 3. L'emergence de la chimie physiologique au xix siecle 323 3.1. Les germes de la chimie physiologique a la fin du xvme siecle 323 3.2. La chimie organique, base de la chimie physiologique 324 3.3. Le probleme de 1'assimilation azotee 328 3.4. L'analyse chimique et 1'experimentation physiologique dans 1'etude du metabolisme animal 329 3.5. Le dogme de la separation entre metabolisme animal et metabolisme vegetal ...331 3.6. Claude Bernard et la decouverte de la glycogenese animale 332 3.7. Le concept de bioenergetique et sa quantification 334 4 Les nouveaux champs conceptuels de la physiologic animale au tournant du xxe siecle : hormonologie et vitaminologie 335 4.1. La naissance du concept d'hormones 335 4.2. La decouverte des vitamines 340 5. Les nouvelles techniques d'exploration de la chimie cellulaire dans la premiere moitie du xxe siecle 343 6. L'emergence de 1'enzymologie cellulaire avec 1'exploration de la glycolyse 345 6.1. La querelle de la levure 345 6.2. La decouverte de la fermentation acellulaire du glucose 346 6.3. La chimie des sucres a la fin du xixe siecle 348 6.4. Premieres investigations sur les proprietes de la zymase. Decouverte d'intermediaires phosphoryles dans la glycolyse 350 6.5. De la levure au tissu musculaire 353 6.6. La decouverte d'une deuxieme voie de degradation du glucose passant par les pentoses. Son implication dans la photosynthese 360 6.7. Demonstration que la synthese de glucose a partir de pyruvate n'est pas 1'inverse de la glycolyse et que la synthese du glycogene a partir du glucose n'est pas 1'inverse de la glycogenolyse 363 7. Coup d'ceil sur 1'exploration du catabolisme des lipides et proteines au debut du xxe siecle 365 7.1. Acides gras, corps cetoniques et sterols 366 7.1.1. La decouverte de la f3-oxydation des acides gras 366 7.1.2. L'enigme des corps cetoniques 370 7.1.3. Le role de la carnitine dans 1'oxydation des acides gras 370 7.1.4. Ressemblances chimiques et dissemblances enzymatiques entre synthese et degradation des acides gras 370 7.1.5. Les premieres incursions dans le domaine des sterols 371 7.2. Les premiers pas dans 1'exploration du catabolisme des acides amines 372 7.2.1. Acides amines indispensables et acides amines glycogeniques et cetogeniques 373

478

LA BIOLOGIE, DBS ORIGINES A NOS JOURS

7.2.2. La controverse du destin metabolique des proteines alimentaires (exogenes) et des proteines tissulaires (endogenes) 7.2.3. A la recherche du destin du groupe amine des acides amines : desamination oxydative et transamination 7.2.4. La decouverte du cycle de 1'uree 7.3. Une percee technique des annees 1950 dans 1'analyse du metabolisme : le radiomarquage isotopique 8. Les recherches sur la respiration cellulaire dans les annees 1910 -1940 8.1. Les premieres theories sur la respiration cellulaire 8.2. Le dilemme de la respiration cellulaire : deshydrogenation ou oxydation 8.3. La redecouverte des cytochromes, un maillon manquant de la chaine respiratoire 8.4. A la recherche des autres composants de la chaine respiratoire 8.5. La decouverte du cycle des acides tricarboxyliques ou cycle de Krebs. Son role comme source d'electrons dans la respiration cellulaire 8.6. Le cceur de 1'energetique cellulaire : le couplage entre respiration cellulaire et synthese d'ATP 9. Un regard nouveau sur le metabolisme cellulaire au tournant du XXI6 siecle 9.1. Compartimentation metabolique et metabolisme vectoriel 9.2. Regulation enzymatique et signalisation amplificatrice 10. Conclusion. Apport de la physique, de la genetique et de la biologic moleculaire pour une vision renouvelee du metabolisme cellulaire Chapitre V - Epilogue 1. Les decouvertes en biologic : accumulation de connaissances et rupture de dogmes 2. A la recherche de principes unificateurs 3. La politique scientifique des universites et des etats face a 1'emergence de la biologie et a la formation des chercheurs aux xixe et xxe siecles 4. La biologie face a la societe. L'impact des nouvelles connaissances dans les domaines medical, socio-economique et politique

374 376 377 379 384 384 384 387 392 394 .403 .404 407 .411 414 417 .419 .423 .425 429

Bibliographic

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Index auteurs

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Glossaire

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Table des matieres

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Imprime par JOUVE, 18, me Saint-Denis, 75001 PARIS N° 294746G. Depot legal :Mai 2001

Cette page est laissée intentionnellement en blanc.

La biologic des origines a nos jours. Pierre Vignais ERRATA

P. 12, ligne 7, lire: Galileo GALILEI (1564-1642) P. 24, ligne 23, lire: les ecrits sont traduits P. 26, ligne 11 lire: sont de la meme espece P. 30, ligne 22, lire: DEMAUPERTUIS (1698-1759) P. 46, ligne 3, lire: le debut P. 64, ligne 38, lire: en 1'occurrence P. 99, ligne 1, lire: cellules HeLa P. 104, ligne 26, lire: alors que les cellules eucaryotes sont diploi'des (avec quelques exceptions dont 1'amibe Dictyostelium discoideum) P. 110, ligne 3, lire: n'ayantpas frequente P. 119, ligne 37, lire: Wirbeltiere P. 120, ligne 10, lire: derMenschen P. 121, ligne 15, lire: zellular Pathologie P. 127, ligne 22, lire: Edouard BALBIANI P. 177,

lire: Tune des premieres maladies

P. 236 ligne 1, lire: appartenaient P. 247, ligne 29, lire: Le domaine SH3 constitue de deux feuillets plisses en position orthogonale interagit avec des motifs riches en residus de proline. P. 283, Chapitre 6.4, ligne 8, lire: Ainsi la sequence des codons UAU-CUA-UCU-AUC etait traduite en 1'oligopeptide Tyr-Leu-Ser-Ile. P. 304, ligne 8, lire: pose P. 355, ligne 22, lire: le glucose