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French Pages 720 [752] Year 1968
FLUX ET REFLUX DE LA TRAITE DES NfiGRES ENTRE
LE GOLFE DE BfiNIN ET BAHIA DE TODOS OS SANTOS
ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES - SORBONNE VI'
SECTION
:
SCIENCES
ÜCONOMIQUES
ET
SOCIALES
LE MONDE D'OUTRE-MER PASSfi ET PRESENT PREMIERE
SIiRIE
fiTUDES XXX
P A R I S
MOUTON & CO Μ CM LX VIII
LA HAYE
PIERRE
VERGER
FLUX ET REFLUX DE LA TRAITE DES NEGRES ENTRE
LE GOLFE DE BENIN ET
BAHIA DE TODOS OS SANTOS du XVir au XIXe siecle
PARIS
MOUTON & CO Μ CM LX VIII
LA HAYE
© if 68 by Mouton & Co and Ecole Pratique des Haufes έ/udes Printed in France
AU PROFESSEUR
FERNAND
BRAUDEL
INTRODUCTION
La traite des esclaves ayant importe dans les differents pays des Ameriques et des Antilles des Noirs provenant des regions les plus diverses de l'Afrique, il aurait pu resulter de leur rapprochement un melange de moeurs et de coutumes completement etrangeres les unes aux autres. Au contraire, le jeu des echanges commerciaux ayant etabli des relations precises entre clients et fournisseurs de part et d'autre de l'Atlantique, des regroupements de negres de certaines « nations » africaines se sont realises insensiblement dans quelques regions du Nouveau Monde. A Bahia au Bresil, certains aspects de la culture des communautes africaines de la region du golfe de Benin sont tres visibles encore aujourd'hui. Iis se manifestent notamment par l'existence des cultes aux anciens vodoun et orisha comme chez les actuels habitants du sud du Dahomey et du sud-ouest de la Nigeria 1 . Dans un domaine plus materiel, les specialites culinaires qui font l'orgueil de la cuisine de Bahia, portent encore des noms empruntes aux vocabulaires yorouba et dahomeen. Cette presence de coutumes des habitants du golfe de Benin, ä Bahia, est d'autant plus remarquable que les influences bantou du Congo et de l'Angola sont plus apparentes dans le reste du Bresil.
L I E U X D ' O R I G I N E DES ESCLAVES Α
BAHIA
La traite des esclaves vers Bahia peut etre divisee en quatre periodes 2 : 1° le cycle de Guinee, pendant la deuxieme moitie du x v i e siecle; 2° le cycle de l'Angola et du Congo au xvm® siecle ; 3° le cycle de la Cöte de Mina, pendant les trois premiers quarts du x v m e siecle; 4° le cycle de la baie de Benin entre 1770 et 1850, la periode de la traite clandestine s'y trouvant incluse. L'arrivee des Dahomeens, dits Gege au Bresil, s'est faite pendant les deux derniferes periodes. Celle des Nago-Yorouba correspond surtout ä la derniere.
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FLUX ET REFLUX DE LA ΤRAI ΤΕ DES N&GRES
La forte predominance des Yorouba et de leurs mceurs et coutumes ä Bahia serait done explicable par leur venue recente et massive, et la resistance aux influences culturelles de leurs maitres viendrait de la presence parmi eux de nombreux prisonniers de guerre de classe sociale elevee et de pretres conscients de la valeur de leurs institutions et fermement attaches aux preeeptes de leur religion. La question n'est pas si simple cependant, car le phenomene ne se produit ni ä Rio de Janeiro, ni dans le reste du Bresil. En fait, alors qu'ä Bahia certains facteurs economiques, dont il va etre question, sont intervenus pour diriger la traite vers d'autres regions, le deuxifeme cycle, celui de 1'Angola et du Congo, s'est prolonge jusqu'ä la fin de la traite dans le reste du pays. Nous parlerons done brievement, dans cette introduction, de ces deux premiers cycles qui n'interessent pas notre sujet, pour nous etendre davantage sur les deux derniers au cours des chapitres qui vont suivre. Le premier cycle, celui de Guinee au x v i e siecle, doit son nom a celui que portait la cöte ouest de l'Afrique au nord de l'equateur. Le nombre des Africains transportes etait peu important. En 1600, on ne comptait guere plus de 7 000 negres ä Bahia, venant des regions les plus diverses. Les Portugals avaient des forteresses et des comptoirs tout au long de la cöte d'Afrique ; ils faisaient tres peu de commerce d'esclaves avec la Cöte de l'Or oü se trouvait pourtant un de leurs plus anciens etablissements, le chäteau Säo Jorge da Mina3. L'objet de la traite en ce lieu etait l'or. Les principes qui presidaient aux echanges avaient amene les navigateurs portugais ä troquer des barres de fer au Congo contre des esclaves, et k echanger ensuite ces esclaves contre de l'or au chateau Säo Jorge da Mina, realisant ainsi une assez brutale transmutation du fer en or. F. Mauro4 parle de l'importance primordiale que conservait l'or au debut du xvii 8 siecle et signale5 que « vers 1610-1620, pour permettre ä Mina le commerce de l'or en particulier, alors en decadence, les Portugais decident qu'aucun Noir ä dix lieues dans l'interieur et le long de la cöte ne sera ni capture ni vendu ». L'Europe avait besoin d'or et d'argent. L'Espagne asseyait sa puissance sur les metaux precieux qu'elle trouvait au Mexique et au Perou. Le Portugal avait l'or qu'il se procurait ä Mina. Le Bresil, ä cette epoque, n'etait qu'une colonie de deuxieme importance dont les principales ressources etaient la canne ä sucre et le bois de teinture appele pau brasil. Au debut du deuxieme cycle, celui de l'Angola et du Congo au x v i e siecle, la situation du Portugal etait desesperee. Le roi D. Sebastiäo etait mort sans heritier en 1580 ; le royaume et ses possessions d'outre-mer etaient passes sous la domination espagnole. Les provinces des Pays-Bas, de leur cöte, s'etaient soulevees contre les Espagnols et, au cours de leur lutte pour l'independance, attaquaient les possessions portugaises, qu'elles tenaient pour espagnoles. Plus tard, lorsqu'en 1641 le due Joäo de Braganga restaura la liberie du Portugal, la situation etait complexe. Son royaume etait tout ä la fois allie et ennemi des Pays-Bas. Allie par une lutte commune contre l'oppresseur espagnol, et en etat de guerre dans les diverses possessions portugaises,
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car les interets des puissantes Compagnies privilegiees hollandaises des Indes orientales et occidentales etaient en conflit avec ceux des Portugals en Afrique, au Bresil et aux Indes orientales. Les Compagnies hollandaises, au cours des premiferes annees de leur fondation, realisörent des benefices considerables, non par l'exercice d'un commerce paisible, mais par une serie d'operations de caractere belliqueux telle la eonquete des territoires d'outre-mer portugais, ou des attaques contre les galions revenant du Nouveau Monde charges d'or, le tout entrepris sous le couvert de leur rebellion contre la couronne de Castille. II sort du cadre de cet expose de donner des details sur cette lutte qui opposait les Hollandais et les Portugais, mais il faut signaler cependant que les premiers s'emparerent de la majeure partie des possessions des seconds aux Indes orientales et ä la C0te de l'Or, et qu'ils s'installerent pendant vingt-quatre ans ä Pernambouc au Bresil, et plusieurs annees en Angola et aux lies de San Thome et du Prince en Afrique. La perte du chäteau de Säo Jorge da Mina, en 1637, contribua k bouleverser l'economie du Portugal et ä provoquer une conversion totale du principe des echanges commerciaux entre ce royaume et toute cette region de la cöte d'Afrique, surtout ä partir du xvn e siecle, lorsque les premi£res mines d'or furent decouvertes. Ryder® fait remarquer : «Alors qu'au xvi e siecle, les Portugais se procuraient de l'or au chäteau Saint-Georges de Mina, contre des esclaves amenes par eux du Congo, au xvin e siecle, c'etaient des esclaves qu'ils allaient chercher contre de l'or amene en fraude du Bresil. » L'expulsion des Portugais, par les Hollandais, de leurs forteresses de la Cöte de l'Or eüt dü logiquement les chasser complement de ces lieux, d'autant plus que la Compagnie hollandaise des Indes occidentales, installee par droit de eonquete dans les anciennes forteresses portugaises, ne tolerait aucun commerce de leur part le long de la Cöte de l'Or (actuel Ghana). La predominance de l'importation d'Africains bantou ä cette epoque est mise en evidence par le fait qu'il y avait, dans le port de Bahia, lors de la prise de cette ville par les Hollandais en 1624, six bateaux venus de 1'Angola avec un total de 1440 esclaves, contre un seul venu de Guinee avec 28 esclaves seulement7. L'Angola resta entre les mains des Hollandais entre 1641 et 1648, coupant le ravitaillement de Bahia en esclaves de ce lieu pour quelques annees, au profit de Pernambouc occupe par les Hollandais. Nous pouvons conclure avec Luiz Vianna Filho, que « les bantou furent les premiers noirs importes ä Bahia sur une grande echelle, et ils laisserent une marque indelebile de leur culture. Iis ont eu une puissante influence sur la langue, la religion, le folklore et les habitudes. Leur temperament leur permit une parfaite integration ». L'auteur fait ressortir8 que « les bantou parlaientmieux le portugais, avec plus de facilite que ceux de la Cöte de Mina9; le trait qui separait les bantou des soudanais etait que ceux-lä etaient plus dociles et capables de s'assimiler, et ceux-ci conservaient une attitude de rebellion et d'isolement».
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FLUX
ET
REFLUX
DE LA
TRAITE
DES
NEGRES
THEMES DEVELOPPES DANS GET OUVRAGE
Nous verrons comment et pourquoi au troisieme cycle commercial, dont il a ete question plus haut, celui de Mina, la traite des esclaves ne se faisait pas ä Bahia suivant le systeme classique des voyages triangulaires, mais sous la forme d'echanges reciproques et complementaires, tabac contre esclaves. Les Portugals avaient ete en effet autorises par les Hollandais ä aller traiter des esclaves, sous certaines conditions, dans quatre ports, Grand Popo, Ouidah, Jaquin et Apa, situes vers l'est, le long de l'actuelle cöte du Dahomey. Cette cöte etait connue sous le nom de « Cöte de Mina » ou « Cöte de l'est de Mina ». C'est ainsi que sur les documents de l'epoque, un vaisseau qui partait pour la « Cöte de l'est en Afrique » partait en realite pour la « Cöte occidentale ä l'est de Mina », car ce nom lui etait donne en raison de sa dependence du chateau Säo Jorge da Mina. On appelait au Bresil, negres Mina, non pas des esclaves venus de la Cöte de l'Or, mais ceux qui avaient ete obtenus dans les quatre ports dejä indiques. C'est le nom des esclaves importes de cette region qui a fait appeler « cycle de Mina »la traite realisee ä partir de cette epoque ä Bahia, et c'est ce moment-lä qui est le point de depart du present travail. Nous verrons comment les obligations imposees aux Portugals, pour faire leur traite en ces quatre ports, de n'apporter aucune marchandise d'Europe, mais exclusivement du tabac dont Bahia etait le principal producteur, creaient des conditions commerciales favorables aux negotiants de l'ancienne capitale du Bresil, et rendaient la traite pratiquement impossible k ceux du Portugal et des autres regions du Bresil depourvues de ce tabac. Nous verrons comment une loi interdisait l'introduction au Portugal du tabac de troisieme qualite, qui etait laisse ä la consommation locale et au troc avec l'Afrique oü il ne trouvait ä s'ecouler que dans les quatre ports de la Cöte de Mina. Nous verrons comment, par un curieux paradoxe, le fait que ce tabac etait de troisieme choix, done de mauvaise qualite, devint un facteur de succes pour ce produit ä la Cöte de Mina ä un point tel qu'il etait devenu un article indispensable ä la traite en ces lieux, et la necessite qu'avaient les Hollandais de pouvoir disposer de cette denree pour faire leur propre traite etait ä la base de la permission octroyee aux navigateurs portugais d'aller faire leur traite ä la Cöte de l'est de Mina, sous condition d'aller au prealable laisser comme taxe au chateau Säo Jorge da Mina, dix pour cent de leur chargement de tabac. En raison de l'interdiction faite par les Hollandais aux Portugais de faire leur traite avec des merchandises d'Europe, Lisbonne restait en dehors du circuit des echanges, tabac contre esclaves, etabli directement entre Bahia et la Cöte de Mina. II en resulta une tres vive opposition d'interets entre les hommes d'affaires du royaume du Portugal et ceux de Bahia. Ce furent les premiers germes de la future independence du Bresil.
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INTRODUCTION
Nous verrons les constants et vains efforts faits par la metropole pour que les negotiants de Bahia envoient leurs navires faire la traite en Guinee, en Angola ou au Congo, regions considerees comme des conquetes de la couronne du Portugal. Mais les hommes d'affaires de Bahia n'y trouvaient pas de debouches pour leur tabac de troisieme choix et preferaient faire leur traite ä la Cöte de Mina. On assiste, ä la fin du x v n e siecle et au debut du suivant, ä une progression tres marquee de la traite vers cette derniere cöte. Le tableau suivant montre ces mouvements et leurs variations entre 1681 et 171010. Les nombres de bateaux charges de tabac, groupes par cinq annees, etaient respectivement, pour la Cöte de Mina et l'Angola, les suivants : 1681-1685 1686-1690 1691-1695 1696-1700 1701-1705 1706-1710
11 32 49 60 102 114
5 3 6 2 1 0
368
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En trente ans, 368 navires charges de tabac etaient alles de Bahia ä la Cöte de Mina contre 17 en Angola. On peut constater que le nombre des navires allant ä la Cöte de Mina progressait et passait de 11 ä 32, 49, 60, 102 et 114, mais que le nombre de ceux allant en Angola regressait et allait de 5 ä 3, 6, 2, 1 et 0. Vers 1687, les navires ne vont presque plus en Angola, en raison d'une epidemie de variole11. Le fait se trouve mentionne sur les patentes delivrees ä Bahia aux capitaines negriers, obtenant ainsi vis-ä-vis de Lisbonne une justification pour le changement de lieu de traite. La brusque augmentation (60 ä 102) ä partir de 1701 vient de la perte de VAssiento de fourniture des esclaves aux Indes espagnoles, qui passait cette annee-lä des Portugals aux Frangais, permettant aux premiers de porter tout l'effort de la traite sur le seul Bresil. La France devait perdre l'Assienio a son tour au profit de l'Angleterre au traite d'Utrecht en 1713. Nous verrons comment, k partir du dernier tiers du x v m e siecle, la traite avait tendance ä se faire ä l'est de Ouidah aux nouveaux ports de Porto Novo, Badagris et Lagos (appele alors Onim), donnant naissance au cycle du golfe de Benin. La traite clandestine des esclaves y continua avec une intensite accrue jusqu'en 1851, malgre les traites signes entre la Grande-Bretagne, le Portugal et le Bresil, abolissant cette traite au nord de l'equateur ä partir de 1815. Pendant toute cette periode la traite se faisait de Rio de Janeiro avec l'Angola et le Congo suivant les habitudes commerciales etablies au moment de la traite legale. Les chiffres oificiels, utilises par Luiz Vianna Filho dans son livre, semblent indiquer, pour la periode de traite clandestine, un retour massif de la traite dans les regions bantou entre 1815 et 1831, epoque oü la traite etait restee encore legale au sud de l'equateur. Mais il faut tenir compte
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FLUX
ET REFLUX
DE LA TRAITE
DES
NBGRES
que ces chiffres etaient para Ingles oer, ä l'usage des Anglais, et qu'il y avait davantage de traite clandestine au golfe de Benin que dans les regions oü eile etait encore autorisee. Nous verrons comment les navires de Bahia continuaient ä aller ä la Cöte de Mina avec des passeports delivres pour Molembo au sud de l'equateur, et qu'il existait meme pour certains capitaines de navires negriers, un certain Molembo imaginaire au nord de l'equateur, qu'ils faisaient figurer sur leurs livres de bord, pouvant par une simple restriction mentale, pretendre, lors des interrogatoires des officiers des croiseurs britanniques, avoir charge leurs esclaves ä Molembo, ainsi que le specifiaient leurs passeports. Entre 1815 et 1831, 300 passeports furent delivres de Bahia ä des navires pour les ports oü la traite etait encore legale au sud de l'equateur (160 pour Molembo et 140 pour Cabinda) ; 65 d'entre eux furent saisis par les Anglais au nord de l'equateur avec de tels passeports. II n'en faudrait pas conclure que les 235 bateaux non saisis aient tous ete charger des Bantou au sud de l'equateur ; le nombre des vaisseaux qui echappaient ä la surveillance des croiseurs britanniques etait considerable. L'exemple de la goelette Andorinha, appartenant ä Joaquim Pereira Marinho, qui, ä l'epoque oü le contröle etait le plus strictement organise (1845-1846), reussit ä faire dix voyages successifs pour n'etre saisie qu'au onzieme, le montre bien. Le contraste entre les origines des Africains amenes dans les divers Etats du Bresil est clairement indique par des documents tels que : le rapport envoye par le gouverneur comte da Ponte ä Lisbonne en 180712 : « Cette colonie (Bahia), par la production du tabac qui lui est propre, a le privilege exclusif du commerce ä la Cöte de Mina, avec pour consequence l'importation l'an passe de 8 037 esclaves Geges, Ussas, Nagos, etc., nations les plus guerrieres de la cöte d'Afrique, et en consequence les risques de soulevement»; la lettre envoyee ä Rio de Janeiro vers 1815 par Luiz Joaquim dos Santos Marrocos13 ä sa famille ä Lisbonne, oü il parle des soulevements d'esclaves qui se produisent ä Bahia et rassure les siens en ajoutant: « Ce danger n'existe pas ä Rio de Janeiro oü il arrive des Noirs de toutes les nations, et pour cela ennemies les unes des autres, alors qu'ä Bahia, il arrive surtout des Noirs de la Cöte de Mina et tres peu d'autres regions ; ils sont tous compagnons et amis et, en cas de revolte, ils forment un bloc unanime et tuent ceux qui ne sont pas de leur pays » ; le rapport envoye en 1826 par le consul britannique Charles Stuart au Foreign Office14 : « les neuf dixiemes de l'importation annuelle de 18 000 esclaves proviennent de la partie nord de l'equateur, malgre les traites existants »; la lettre ecrite en 1835 par le consul John Parkinson15 au due de Wellington, alors ministre des Affaires etrangeres, au sujet de «la revolte des Males, faite par les Nago, qui sont la plus grande partie de la population »; le livre oü George Gardner ecrit, en 183714 : « L'etranger visitant Bahia, meme venant d'autres provinces du Bresil, a l'attention attiree
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par l'aspect des noirs rencontres dans la rue. Ce sont les plus beaux qu'on puisse voir dans le pays, hommes et femmes de haute stature, bien conformes, intelligente en general, certains d'entre eux etant meme passablement instruits en langue arabique. Iis ont presque tous ete importes de la C6te de Mina et, non seulement par leur plus grande robustesse physique et intellectuelle, comme aussi parce qu'ils sont plus unis entre eux, ils se montrent plus enclins aux mouvements revolutionnaires que les races mixtes des autres provinces. » En 1848, Francis de Castelnau17, consul de France ä Bahia, distingue principalement parmi les esclaves qui s'y trouvent: « Les Nago, qui forment probablement les neuf dixiemes des esclaves de Bahia et se reconnaissent ä trois profonds sillons transversaux tatoues sur chaque joue. Iis sont presque tous embarques ä Onim (Lagos) ou Porto Novo. Les Haoussa, la plupart employes ä Bahia comme negres de palanquins ; ils viennent presque tous par la voie d'Onim. Les Gege ou Dahomeens qui forment une nation puissante et ayant d'assez nombreux representants a Bahia; autrefois ils s'embarquaient ä Ouidah, mais aujourd'hui ils viennent, pour la plupart, par Porto Novo. » Francis de Castelnau confirme ensuite que : « les Angola ou Congo sont fort peu nombreux ä Bahia, de meme que les Mo^ambiques, mais ils forment ensemble la plus grande masse des esclaves de Rio de Janeiro. » Cette sensible predominance des negres bantou sur ceux de la C6te de Mina est exprimee ä Rio de Janeiro par des chiffres que nous avons releves ä ce sujet sur des listes de certificats d'emancipation accordes entre le 21 juin et le 26 aoüt 186418. Sur une liste de 504 esclaves liberes, 481 etaient bantou, et 23 seulement, soit cinq pour cent, de la region du golfe de Benin. Cette specialisation des rapports commerciaux de Bahia avec la Cöte de Mina, et celle de Rio de Janeiro avec l'Angola et le Congo est exprimee dans une lettre envoyee par la maison Regis de Marseille ä la maison Louis Decosterd ä Marseille le 26 aoüt 184719 : « Les factoreries (de notre maison) d'Accra Danois et de Whydah, sont plus ä la portee de consommer les produits de Bahia (tafia et tabac en rouleaux), la consommation de ces articles, soit ä Grand Bassam, et Assinie, et au Gabon a trop peu d'importance pour que les agents aient ä en faire arriver des cargaisons. II est done inutile que votre maison de Bahia corresponde avec eux ; nous les prions par contre d'aviser M. Peuchegaric ä Accra Danois et Μ. Blanchelli ä Whydah des cours des tabacs et tafia et des quantites apportees pour l'Afrique. Nos etablissements au sud de la ligne pourraient avoir des relations avec votre maison de Rio de Janeiro. » L'arrivee tardive des Nago-Yorouba au Bresil ressort des chiffres trouves dans un des documents echappes ä I'auto da fe dont il sera question plus loin. Nous avons dresse une statistique20 d'apres les renseignements trouves dans un registre21 de 221 inventaires de tuteile d'heritages de mineurs dresses entre le 15 decembre 1737 et le 4 juin 1841, ä la Vila de San Francisco, aux environs de Bahia. II en ressort l'absence presque complete de Nago-Yorouba jusqu'au debut du xix e siecle et leur presence massive
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FLUX
ET REFLUX
DE LA
TRAITE
DES
N&GRES
aux environs de 1830. Les Haoussa apparaissent vers 1808. Les Dahomeens, par contre, sont presents sous le nom de Gege des le debut du registre. Ces indications sont comparables ä Celles, publiees par Carlos Ott 22 , fondees sur l'origine ethnique des Africains morts ä l'höpital de la Santa Casa da Misericordia de Bahia entre 1741 et 1858. Des textes cites plus haut, il ressort que, en raison de la tres grande concentration d'Africains amenes d'une seule region d'Afrique et du caractere belliqueux de ceux-ci, des soulevements et des revoltes se produisaient ä Bahia parmi les esclaves Importes. Nous verrons le caractere religieux, musulman, de ces insurrections, l'expulsion massive des esclaves emancipes adeptes de cette religion, et le mouvement de retour vers le golfe de Benin qui en resulta, aussi bien parmi les esclaves liberes et leurs enfants convertis au christianisme, que parmi ceux qui suivaient les prescriptions du Coran. Nous verrons comment il s'est cree un quartier « Bresil» ä Ouidah au Dahomey, et un Brazilian quarter ä Lagos en Nigeria, avec des maisons aux facades peintes de couleurs vives, percees de fenetres ä petits carreaux et bordees de moulures blanches, semblables a celles de Bahia et de Pernambouc, et comment les « Brasiliens » qui y habitent ont recree a la cöte d'Afrique un aspect des coutumes et des modes de vie empruntes ä l'Amerique du Sud. Ce mouvement de retour prenait, apres 1835, une telle ampleur, que quarante annees plus tard, filisee Reclus ecrivait 23 : « Le nom de la cite bresilienne de Bahia, la plus importante aux yeux des Minas, leur servait ä designer d'une maniere generale tous les pays situes hors de l'Afrique. » Le present travail se propose de retrouver les raisons economiques et politiques qui ont amene ces influences reciproques entre la region du golfe de Benin et Bahia de todos os Santos.
SOURCES DIFFICULTES
RENCONTREES
Ce travail est surtout fonde sur des documents d'archives. De nombreux renseignements, pour le x v m e siecle, proviennent de l'Arquivo Publico da Bahia et de l'Arquivo Historico Ultramarino ä. Lisbonne. Des documents complementaires, particulierement au sujet de Ouidah, ont ete trouves aux Archives Nationales de Paris, et au Public Record Office de Londres. Hubert Deschamps signale dans un de ses ouvrages24 que les documents ecrits sur l'Afrique sont rares avant le x i x e siecle, et qu'ils sont bornes ä la cöte. Nous avons eu la chance, pour notre etude, de beneficier d'une de ces exceptions. Mais certaines difficultes se presentaient pour le xix e siecle, une grande partie des documents sur la question des esclaves et de la traite ayant ete detruite au Bresil en 1891, apres l'abolition de l'esclavage. Les raisons reelles de cet auto da fe abolitionniste, attribue ä l'initiative de Ruy Barbosa, alors ministre des Finances, sont discutees. Les uns disent que la nouvelle Republique bresilienne voulait effacer ainsi ä tout jamais le souvenir et les traces de l'esclavage dans le pays. D'autres, dont Americo Lacombe25, ont cru y trouver les preoccupations d'un ministre des Finances, place devant la menace imminente d'une petition faite par les anciens proprietaires d'esclaves demandant ä etre indemnises par le gouvernement de la perte de capitaux resultant de 1'abolition, ainsi que l'avaient ete les proprietaires d'esclaves anglais et fran^ais lors de 1'emancipation des esclaves dans les colonies de ces pays. lis demandaient que la communaute bresilienne prenne en charge les frais d'une reforme dont ils seraient les seules victimes. Joaquim Nabuco, dans un discours 4 la Chambre des deputes, avait lu une requete de ses electeurs, pour que « les livres oü les esclaves etaient immatricules fussent detruits de fa?on qu'il ne puisse y avoir de demandes d'indemnisation. Indemnisation monstrueuse, disait-il, car une grande partie des esclaves etaient africains, illegalement reduits en esclavage, ayant ete amenes au Bresil apres la loi du 7 decembre 1731 ». Ruy Barbosa, desireux d'epargner aux coffres publics une telle saignee, aurait fait un despacho le 14 decembre 1890, par lequel il ordonnait la requisition des livres et documents au sujet des esclaves existant au ministere des Finances, lesquels devaient etre detruits dans la salle
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FLUX
ET REFLUX
DE LA
ΤRAI ΤΕ DES
NEGRES
des chaudieres de la douane de Rio de Janeiro. Six jours plus tard, le 20 decembre, cette decision fut approuvee par la motion suivante : « Le Congres National felicite le Gouvernement Provisoire d'avoir ordonne d'eliminer des archives nationales les vestiges de l'esclavage au Bresil. » Ruy Barbosa cessa d'etre ministre des Finances le 20 janvier 1891, mais la destruction des archives concernant l'esclavage n'en continua pas moins. « Une plaque de bronze », ecrit Americo Lacombe, « commemore le fait dans les bureaux du Lloyd Brasileiro, indiquant que le 13 mai 1891, les derniers documents sur l'esclavage ont ete brüles ». Mais il restait les documents des archives provinciales, et une circulaire du ministere des Finances du 29 mai 1891 fut signee par le conseiller Tristäo de Alencar Araripe, ordonnant la destruction des archives sur l'esclavage. Nous avons pu obvier en partie ä ce manque de documents en examinant la correspondance des consuls britanniques ä Bahia pendant la periode de la traite clandestine. La fächeuse disparition de collections de journaux, publies ä Bahia pendant la premiere moitie du xix e siecle, prive egalement le chercheur d'une foule d'elements precieux. Dans les documents publies, nous avons souvent respecte l'orthographe des noms propres et lieux geographiques adoptes par les divers auteurs. Ainsi Ouidah apparaitra quelquefois sous la forme de Ajuda, Juda, Fida, Whydah et meme Glehoue, Gregoy, Igelefe ; Yovogan sera donne sous les noms de Aboga, Avoga, Eubegah, Ee-a-vo-gan, Yervogan; Dahomey sous celui de Dahomet, Daume, Dacome, d'Agome, Dogme, Gome, Beaume, Angome, Adome, Abaime ; Allada sera appele Ardres, Hardre, Ardra, Arda, Arada ; Oyo sera ecrit Ayot, Eyo, Ayaux, Ailleaux, Eyeo, Aillot... Ce travail a ete rendu possible gräce ä des bourses d'etudes accordees par l'Ecole Frangaise d'Afrique de Dakar, l'aide donnee par la VI 6 Section de l'ßcole Pratique des Hautes fitudes de Paris, et celle du Comite National de la Recherche Scientifique. Nous tenons ä remercier les Professeurs Th. Monod et F. Braudel, qui nous ont encourage au depart ä entreprendre ces recherches, les Professeurs Paul Mercier, G. Debien et Roger Bastide qui ont bien voulu diriger et suivre la progression de ce travail, ainsi que Γ Institute of African Studies de l'Universite d'Ibadan qui facilita notre sejour en Nigeria. Nous voulons egalement exprimer notre reconnaissance ä ceux qui nous ont spontanement communique des documents et informations, tels les Professeurs Charles Boxer ä Londres, A. F. C. Ryder et I. A. Akinjogbin ä Ibadan, ä ceux qui nous ont ouvert les portes de leur bibliotheque personnelle, comme le regrette Hermann Neeser et les Professeurs Frederico Edelweiss et Cid Teixeira ä Bahia et Eliazd ä Paris, aux amis Yivaldo Costa Lima, Guilherme et Yeda Souza Castro qui nous ont aide ä traduire certains termes portugais retifs, et enfin Paul Hertmann qui a bien voulu revoir ce texte.
NOTES DE L' IN TROD
VCTION
1. V E R G E R ( I I ) .
2. D'apris Luiz VIANNA FILHO, p. 28. J'ai cependant modi (16, d'apr^s mes propres recherches, son classement ä partir de la fln du x v m e si£cle. 3. BAKHOS : · fitant άοηηέ que ce Royaume de Βέηί voisinait avec le chäteau Säo Jorge da Mina et que les Nfegres qui apportaient de l'or pour l'ichanger aimaient acheter des esclaves pour porter leurs merchandises, le Roi (du Portugal) ordonna de fonder une factorerie dans le Royaume de Βέηί, qui s'appelle Cato, oil l'on faisait la traite d'un grand nombre d'esclaves. > On en tirait grand profit ä Mina parce que les trafiquants d'or les achetaient le double du prix pratiqui dans ce royaume (de Βέηί). Hnsuite pendant longtemps, sous le r^gne de D o m Manuel, le commerce des esclaves de Βέηί se fit avec Mina. » Ici ordinairement les navires qui partaient du Portugal allaient les acheter iä-bas et de Ιό les envoyaient ä Mina, jusqu'ä ce que ce commerce lüt changi ä cause de ses grands inconvinients. Alors on ordonna ä une grande caravelle de partir de San Thome oü on assemblait les esclaves de la cöte de Βέηί, avec ceux du Royaume du Congo, car c'est lä que venaient toutes les expeditions qui se formaient dans ces regions, et de cette ile cette grande caravelle les portait ά Mina. » 4. M A U R O , p . 166.
5. Citant Luciano CORDEIRO, t. I, chap. v i . 6. R Y D E R
(I).
7. Joanes de LAET, Anais da Companhia
des Indios Occidentals, cite par Luiz VIANNA
FILHO. 8. V I A N N A , p . 55. 9. V I L L E N H A , p . 46.
10. 11. 12. 13. 14. 15.
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ACM
Archives Charente-Maritime.
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ADM
Archives D6partementales, Marseille.
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Archives de la France d'Outre-Mer.
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BNR
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CCR
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ED
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NNA
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PRO
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RIGHB
Revista do Institute Geogräfico e Histörico da Bahia.
R1HGB
Reüista do Institute Histdrico e Geogräfico Brasileiro, Rio de Janeiro.
SCST
Select Committee on Slave Trade.
SCWAF
Select Committee on Forts of West Africa
SCWCA
Select Committee on West Coast of Africa.
BIBLIOGRAPHIE
DOCUMENTS
D'ARCHIVES
CONSULTtSS
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FLUX ET REFLUX
DE LA TRAITE
DES
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1600.
CHAPITRE PREMIER
LES TROIS RAISONS DÖTERMINANTES DES RELATIONS DE LA CÖTE SOUS-LE-VENT DE ΜΙΝΑ AVEC BAHIA DE TODOS OS SANTOS
Des relations etroites se sont nouees dans le passe entre la Cöte de Mina en Afrique et Bahia au Bresil, ä l'exclusion des autres regions de ce pays. Nous appelons Cöte de Mina, la partie du golfe ou baie de Benin situee entre la riviere Volta et Cotonou. Nous emploierons le terme golfe de Benin ou baie de Benin lorsque nous nous occuperons de cette meme partie de la cöte, mais en y incluant la region vers l'est jusqu'ä la « riviere Lagos ». Pour les Portugals, premiers navigateurs ä l'avoir frequentee, la Cöte de Mina (dependance du chateau de Säo Jorge da Mina fonde en 1482, mais qu'il ne faut pas confondre avec la Cöte de l'Or) etait depourvue d'interet. On n'y trouvait a negocier ni l'or, ni les epices dont ils etaient avides. L'ivoire lui-meme etait rare et les esclaves une « denree » alors peu demandee. De plus, l'abord en etait difficile. Elle etait protegee, sur toute sa longueur, par une barre que les piroguiers de la region du chateau Säo Jorge da Mina etaient seuls capables de franchir sans trop d'accidents. Les navires etaient done contraints d'y passer pour embaucher une equipe de piroguiers qu'ils gardaient ä bord jusqu'ä la fin de leur traite ä la Cöte de Mina. Ce n'est que vers la fin du xvn e siecle que cette partie de la cöte d'Afrique prit de l'importance pour les Portugals, parce que les navigateurs de Bahia allaient y chercher leur ravitaillement en esclaves. Bien que la traite dans la region du chäteau füt, par la suite, interdite aux Portugals, le nom de Cöte de Mina resta attache, durant les xvn e et x v m e siecles, ä la partie de la cöte situee ä l'est de Säo Jorge da Mina, au delä de la riviere Volta. Le nom de « negre de Mina » ne designait pas, ä Bahia, un Africain de la Cöte de l'Or, mais un Noir venant de la partie appelee la Cöte sous-le-Vent, l'actuelle cöte du Togo et du Dahomey. Des relations se sont etablies entre cette partie de la cöte d'Afrique
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et Bahia, davantage qu'avec les autres regions du Bresil, oü la demande d'esclaves etait la meme, pour trois raisons. En premier lieu, les negociants de Bahia ne trouvaient qu'ä la C6te de Mina des debouches pour leurs tabacs de troisieme qualite, dits de rebut, dont l'entree etait interdite au royaume du Portugal. Bahia etait seule ä en avoir en quantite süffisante. Pernambouc en produisait beaucoup moins. L'ecoulement de cette troisieme qualite etait indispensable ä l'equilibre economique de Bahia. En second lieu, la Compagnie hollandaise des Indes occidentales, fondee en 1621, qui se reservait le monopole du commerce des marchandises d'Europe ä la Cöte de l'Or et ä la Cöte sous-le-Vent de Mina, aprfes la prise du chateau de Säo Jorge da Mina et le traite de 1641, ne laissait libre que le commerce du tabac. Elle eliminait ainsi les negociants du Portugal et ceux des regions du Bresil qui n'en faisaient pas la culture. Enfin, le roi du Portugal avait fait interdire le commerce ä la Cöte de Mina aux negociants de Rio de Janeiro et ä ceux des regions du Bresil qui ne produisaient pas de tabac. Iis y faisaient, en effet, la traite essentiellement avec la Compagnie royale anglaise d'Afrique a qui ils achetaient non seulement des esclaves, mais aussi des marchandises d'Europe, contre de l'or sorti en contrebande du Bresil. Cette interdiction ne put jamais etre etendue avec succes aux negociants de Bahia, ä cause de leur commerce de tabac. IMPORTANCE
DU R 0 L E J O U E
P A R L E TABAC D E T R O I S I E M E
DANS LA T R A I T E Α LA C 0 T E S O U S - L E - V E N T
DE
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Le progres de la culture du tabac ä Bahia au xvn e siecle fut le facteur principal de l'etablissement du cycle de la traite ä la Cöte de Mina. On ne saurait assez insister sur le röle joue par le tabac pour lier commercialement Bahia avec cette partie de la cöte d'Afrique. Cette situation a ete justement signalee par Luiz Vianna Filho1 : « Gräce au tabac, Bahia, et Pernambouc ä un degre moindre, ont eu le quasi-monopole du commerce avec la Cöte de Mina, et ceci parce que de toutes les marchandises amenees pour la traite aucune n'etait aussi estimee que le tabac. » L'auteur poursuit en faisant remarquer : « L'on voit ainsi que d'etroites relations etablies entre Bahia et la Cöte de Mina reposaient sur de solides bases economiques. Bahia avait du tabac et voulait des esclaves ; la Cöte du Mina avait des esclaves et voulait du tabac. » Le meme auteur indique2 : « On peut remarquer que si le tabac jouissait de la preference dans les marches au nord de l'equateur, la meme chose ne se verifiait pas dans les ports de population bantoue de la cöte occidentale qui donnaient davantage de valeur aux etoffes, aguardente et quincailleries. II en resultait des echanges commerciaux de Lisbonne vers l'Angola (ou autres factoreries au sud de l'equateur), puis vers Rio de Janeiro et retour au Portugal. » Les Portugals du royaume faisaient le commerce selon le principe des voyages triangulaires habituels des autres nations europeennes : les bateaux amenaient leur pacotille d'Europe en
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Afrique, les negres d'Afrique aux Ameriques, et le Sucre, -l'indigo, le rhum et d'autres produits des Ameriques vers l'Europe 3 . Un decret royal autorisait, le 12 novembre 1644, les navigateurs portugais charges de tabac, ä aller directement de Bahia ä la Cöte de Mina pour chercher des esclaves et les amener aux ports du Bresil. L'Angola etait alors occupe par les Hollandais et ne devait etre libere qu'en 1648. L e commerce s'etablit ainsi directement entre les deux regions par des bateaux armes ä Bahia qui faisaient des voyages aller et retour, sans passer par l'Europe. Le capitaine Dampier 4 , passant ä Bahia en avril 1699, remarque : « L e tabac est toujours presente en rouleaux et jamais en feuilles», et il souligne l'importance prise par ce commerce. Andre Joäo Antonil, un pere jesuite, contemporain d'Antonio Vieira (1608-1697), donne des details sur la culture du tabac ä Bahia, dans son ouvrage, Culture et opulence du Bresil, publie, avec licence du Saint-Office, le 8 decembre 1706. « II y a un peu plus de cent ans — ecrivait-il ä cette epoque — qu'on a commence ä cultiver cette feuille et ä l'exploiter ä Bahia. L e premier qui la planta, voyant le profit, bien que modere, que lui donnerent quelques arrobes envoyees avec peu d'espoir de retour ä Lisbonne, se sentit encourage ä en planter davantage, non tellement par cupidite de commenjant que pour satisfaire les demandes de ses correspondants et amis qui la livraient ä des prix raisonnables, et peu eleves. Imite plus tard par des voisins qui la planterent par interet et l'envoyerent en plus grande quantite, puis par les habitants de la Campagne appelee Cachoeira et d'autres terrains de l'interieur de Bahia, eile passa peu ä peu pour une des denrees de plus grande valeur qui partent aujourd'hui de cette Amerique meridionale pour le Royaume du Portugal et pour d'autres, royaumes et republiques etrangeres. E t ainsi, une feuille autrefois dedaignee et presque inconnue a donne et donne actuellement de grands capitaux aux habitants du Bresil et d'incroyables benefices aux tresors des princes. »Tout le travail de culture du tabac consiste ä successivement semer, repiquer, nettoyer, emonder, desherber, cueillir, etendre au soleil, tourner, tordre, joindre, enrouler, enrober dans un cuir, presser. » L'auteur estimait qu'il entrait par an ä Lisbonne 25 000 rouleaux de tabac venant de Bahia et 2 500 d'Alagoas et de Pernambouc, et que la valeur de l'ensemble se montait ä 344 650 000 reis ou 861 625 cruzados 5 . Les negotiants de Bahia avaient cree, grace au tabac, un mouvement commercial important qui, des le debut du x v m e siecle, echappait au contröle de Lisbonne. Ce n'etait meme pas le tabac de bonne qualite qui avait rendu cet etat de choses possible, mais un « sous-produit», pourrait-on dire, le tabac de qualite inferieure, celui de troisieme et derniere categorie, vulgairement appele le soca, le rebut dont on refusait l'entree ä la metropole. On le jugeait indigne d'etre consomme au royaume du Portugal. Le plus curieux est que la mediocrite meme de ce tabac se transforma en une qualite, qui devait lui donner une primaute absolue sur toutes les autres denrees de traite presentees sur le marche pour le « rachat » des esclaves ä la Cöte sous-le-Vent de Mina. Ces feuilles de troisieme choix,
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qui manquaient de « substance », qui etaient de petite taille ou brisees, devaient subir un traitement particulier pour eviter le dessechement ou la pourriture. On les enduisait done plus copieusement de melasse que celles des premieres qualites, lorsqu'on les encordait et les mettait en rouleaux. Le plaisant aröme qui s'en degageait etait, nous le verrons plus loin, inimitable et allait devenir le facteur principal du succes des negociants de Bahia dans cette partie de la cöte d'Afrique. Lorsque le marquis de Valenfa alia prendre son poste de gouverneur de Bahia, les instructions qu'il regut le 10 septembre 1779 ne manquferent pas de lui signaler® : « II faut remarquer que le tabac du Bresil est aussi necessaire pour faire la traite des negres que ces memes n£gres le sont pour le maintien de l'Amerique portugaise. » Les autres nations qui ont des colonies sont dans les memes conditions que le Portugal; aucune d'elles ne peut se passer d'esclaves et toutes ont besoin de leur tabac pour la traite des negres. Dans ces conditions, comme les Portugals sont les uniques maitres de ce precieux produit, ils pourraient, en reglementant le commerce, non seulement tirer de cette c6te tous les esclaves qui leur sont necessaires, mais encore negocier ce tabac contre de l'or, de l'ivoire et de la cire qui en sont les principales exportations. La fa?on dont ils se sont comportes dans ce cas est en substance la suivante : sans mesurer les graves inconvenients qui pourraient en resulter pour le Royaume du Portugal, ils ont laisse le commerce de la cöte d'Afrique entre les mains des Americains (Brasiliens). En particulier, les habitants de Bahia et de Pernambouc ont eu toute liberte de faire cette navigation et de negocier dans tous les ports de ce continent (d'Afrique) sans que l'on accorde en compensation aux negociants de ce royaume (du Portugal) quelques privileges, gräces et exemptions, pour que dans le commerce desdits ports d'Afrique, lesdits Portugals aient l'avantages sur lesdits Americains, de meme que la Capitale et ses habitants ont toujours du l'avoir sur les colonies et leurs habitants. » II en est resulte (du fait qu'il y a ä Bahia et ä Pernambouc le tabac, la geritiba ou cachaga (rhum), le sucre et quelques produits de moindre importance pour le commerce avec la cöte d'Afrique, et du fait qu'au Portugal il n'y en a pas) que les Americains ont ete jusqu'ä cette Cöte dans leurs propres embarcations, et il leur a ete tres facile d'y etablir le commerce, excluant totalement les negociants de ce royaume. » L'importance vitale que les negociants de Bahia attribuaient au maintien des relations commerciales directes avec la Cöte de Mina ressortira dans les chapitres qui vont suivre. Cette opinion est tres clairement exprimee, le 3 mars 1731, par le vice-roi de Bahia transmettant au secretaire d'fitat ä Lisbonne7 la reponse des negociants de Bahia ä la suggestion de Lisbonne qui pretendait les obliger ä aller faire leur traite ailleurs qu'ä la Cöte de Mina. II lui fait savoir «la totale repugnance qu'ont ceux-ci pour cette idee ». Puis, ayant demontre que les esclaves de la Cöte de Mina ne pouvaient etre remplaces par d'autres venant d'ailleurs, il ajoute : « Meme si cette difficulte s'evanouissait et qu'on facilite l'entree du meme nombre d'esclaves de divers autres endroits, nous nous trouverions devant une autre difficulte aussi grave, parce que, si dans ces autres regions on trouve des debouches pour
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les articles etrangers, quelle destination va-t-on donner au tabac de troisieme et derniere qualite qui va tous les ans ä la Cöte de Mina ? » Avec la defense d'y aller faire la traite, il sera irremediablement perdu, car on ne peut lui trouver d'autre destination. Ceci provoquerait la ruine totale des planteurs, et la perte de tous les droits que produit cette denree, car aucun planteur ne voudra plus s'occuper de la culture du tabac s'il est reduit a ne tirer parti que de la premiere qualite et d'une fraction de la seconde, celle qui a plus de substance et promet de se conserver longtemps. » C'est du commerce de la Cöte de Mina que vivent tous les habitants de Bahia, parce qu'ils s'occupent d'envoyer quelques cargaisons, ou ont des interets dans la vente qu'ils font aux proprietaires des embarcations et autres personnes qui s'y embarquent, et c'est l'unique ressource qu'ils ont aujourd'hui, specialement les fonctionnaires, ainsi que les pauvres auxquels il manque un emploi dont ils peuvent vivre, ou ceux qui, ne pouvant meme pas se payer un negrillon pour leur service, emploient les vingt-cinq ä trente miÜe reis qu'ils possedent en tabac qu'ils envoient ä ladite Cöte, trouvant ainsi un remede ä leurs necessites. » Au cours des discussions qui eurent lieu au Conseil d'Outre-Mer ä Lisbonne le 23 octobre 17338, il ne manquait pas de conseillers desireux de soutenir les interets de la metropole; tel Gongalo Manoel Galväo de Lacerda, qui developpait des arguments et citait des faits peu conformes ä la realite pour defendre sa these : « Avant la decouverte de Minas Geraes, disait-il, les Hollandais ne genaient pas nos commergants qui allaient faire la traite des esclaves avec des articles d'Europe consommes ä la C6te. Comme il leur etait defendu d'emporter du tabac, ils demanderent de pouvoir transporter ä la Cöte celui de troisieme et quatrieme feuille, vulgairement appele de soca (de rebut), disant que cela ne nuisait pas au contrat du tabac, en s'appuyant sur le fait que le tabac de cette qualite ne pouvait servir ä la Regie et etait perdu. II faut croire que, d'apres les informations prises ä l'epoque, cette demande parut juste, car cette permission leur fut accordee; le tabac de derniere qualite appele de soca devenait ainsi libre d'etre transports du Bresil a la Cöte de Mina en payant aux finances royales quatre-vingts reis par arrobe. » Puis, le conseiller poursuivant son expose et oubliant ce qu'il venait de dire au sujet des marchandises d'Europe apportees, librement pretendait-il, par les Portugals ä la Cöte, declarait : « Les Hollandais, voyant que le nombre d'embarcations qui allaient du Bresil ä la Cöte de Mina augmentait, et que de cette fa^on ils pouvaient recevoir, non seulement du tabac, mais encore de l'or en poudre, envoyerent leurs fregates croiser au long de la Cöte de Mina, armees en guerre pour obliger les Portugals ä faire verifier dans leur cargaison 1'eventuelle contrebande des marchandises venant d'Europe, dont la Compagnie hollandaise se reservait le privilege, et les contraindre ä payer une taxe de dix pour cent du tabac amene du Bresil. Les Hollandais ayant impose leur domination sur notre commerce au long de la Cöte de Mina, les marchands portugais firent leur commerce en ces lieux avec du tabac et de l'or seulement. II en est resulte le grand defaut de consommation du tabac dans les ports de Hollande, et la grande contrebande de l'or qui se fait ä cette Cöte. Ce qui ne peut etre
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empeche qu'en interdisant completement la navigation du Bresil directement ä la C6te de Mina. N'importe quelle autre disposition serait inutile, vu que le Bresil ne peut se passer des esclaves de la Cöte de Mina, et qu'il ne peut se les procurer qu'en echange d'or et de tabac. Quelque loi qu'on etablisse, elle ne serait pas respectee, et ceux qui y contreviendraient ne pourraient etre punis, car tous les habitants de ce pays auraient interet ä l'enfreindre. » Le meme conseiller remarquait encore : « A l'affirmation que le tabac appele de soca ne peut venir ä ce royaume (du Portugal) pour etre envoye de lä & la Cöte de Mina, et que les cultivateurs de tabac de Bahia subiraient une perte en ne pouvant disposer de cette partie de leur recolte, on peut opposer que si cette raison est exacte, il n'est pas necessaire de trouver un expedient pour leur eviter cette perte car, par les informations que j'ai recueillies, j'ai appris qu'il n'y a plus actuellement que deux sortes de tabac, celle de premiere feuille, la plus fine, qui est envoyee ä ce royaume, et qu'on est accoutume d'envoyer depuis de nombreuses annees k la Cöte de Mina, et tout le reste qu'on enroule, et qui vient ä ce royaume, sauf un petit reliquat de quatrieme feuille et meme un peu de troisieme qui trouve son emploi dans la consommation qu'en font, en Amerique meme, les esclaves dans leurs pipes. Ainsi, en enroulant les deux qualites de tabac, elles peuvent venir toutes deux en Europe et le reste peut etre consomme en Amerique, done les raisons exposees ont cesse d'etre valables. On ne peut non plus douter que le tabac, apres etre venu ä cette ville de Lisbonne, ne puisse ensuite aller ä la Cöte de Mina, et puisse etre consomme, parce que le tabac reste d'habitude un an dans les depots ä Lisbonne, et quand il est sec ou qu'il est moisi, au moment d'embarquer, il est badigeonne de melasse et travaille de telle sorte qu'il est transporte ä Hambourg ou en Italie oü il reste une autre annee et plus sans se gäter, et comme le tabac qui doit aller ä la Cöte de Mina est destine a etre fume dans des pipes, il importe peu qu'il soit plus ou moins sec, car de toute fa?on il est possible de l'employer. » En 1743, pour lutter contre le desordre avec lequel se faisait la navigation ä la Cöte de Mina, il fut question d'organiser une Compagnie. Le vice-roi fut invite ä demander l'opinion des gens competents. Dans sa reponse9 Andre Marquez, commergant de Bahia, faisait ressortir que : « Comme la base principale du plan de la Compagnie consiste ä donner de la valeur au tabac qui est l'essentiel et la fondation de tout cet edifice, il est indispensable de prendre les dispositions suivantes : » Que les mouvements de la navigation de la Compagnie doivent etre diriges de la ville de Bahia, en laquelle Capitainie se produisent les tabacs, denrees de base de la cargaison des navires. » Que les tabacs necessaires lui seront donnes avec les formalites et les examens qui se pratiquent : on reservera toujours pour ce royaume celui de Cachoeira et ses champs, qui sont les meilleurs ; on lui concedera ceux de la Capitainie de Sergipe d'El Rey, Monte Corvo, Inhambupe, et Itapecura qui, reconnus comme inferieurs, se donneront toujours librement pour la Cöte de Mina. » Que l'enroulage du tabac sera egalement reparti par les magasins et les ateliers des enrouleurs, pour qu'ils ne subissent aucune perte par
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le fait de ce changement de forme du commerce. II continuera d'etre prepare en rouleaux ne depassant pas trois arrobes, comme il est de style, et paye 160 reis l'arrobe, comme cela se fait en beaucoup d'occasions. Les divers autres droits de la dime et du don se payeront comme aujourd'hui sans le moindre changement. » Que pour eviter aux cultivateurs la crainte que les directeurs de la Compagnie ne sous-estiment leurs produits, on pratiquera pour les prix de meme qu'avec les sucres, pour que soient taxes les tabacs de premiere sorte, et ceux de seconde et de troisieme qualite. » L'importance du röle joue par le tabac dans le commerce a la C6te de Mina est soulignee par le sieur Chenevert et l'abbe Bulet dans un rapport intitule Reflexions sur Juda, envoye en 1776 aux directeurs de la Compagnie des Indes10 : « L e Portugal fait un commerce avantageux avec son seul tabac pour lequel les negres ont une passion decidee. On fait quelquefois valoir ä 100 le rouleau qui n'en coüte que 10. » L'avocat Jose da Silva Lisboa ecrivait de Bahia au directeur du j ardin botanique de Lisbonne le 10 octobre 1781 11 : « Toute cette culture du tabac se monte ä trente mille rouleaux de douze ä quinze arrobes chacun. » II conflrmait : « On distingue trois qualites de tabac, celles de premiere et deuxieme feuille et celle de rebut. La meilleure moitie de cette recolte est envoyee au Portugal. L e reste se divise en rouleaux de trois arrobes qui vont en Afrique. » II a j o u t a i t : « Ce commerce d'Afrique est de grande importance pour cette place (de Bahia), et sa base est le tabac de rebut ou de deuxieme feuille et Yaguardenle du pays. » En 1795, le roi du Dahomey protestait parce que les rouleaux de tabac n'avaient plus la qualite d'antan et qu'ils ne pesaient pas les trois arrobes habituelles. L e vice-roi, dans une reponse faite ä Lisbonne ä ce sujet, declarait12 : « II y a cinquante ans qu'ils pesent deux arrobes et vingtquatre livres, l'un dans l'autre, et qu'ils sont peses par cinquante rouleaux k la fois sur la balance de la douane au moment de les embarquer, et sortent avec ledit poids. II en resulte ainsi une tres petite difference de l'un ä l'autre. » En 1797, par une petition, les negotiants de Bahia protestaient 13 contre les adjudications du tabac, et le negotiant Bento Jose Pacheco, qui avait obtenu 2 000 et 3 000 rouleaux de rebut, pour les envoyer ä Lisbonne, faisait remarquer que « de ces cinq mille grands rouleaux on ferait vingtcinq mille de la grandeur et du poids de ceux qu'on envoie d'habitude ä la Cöte de Mina, dont il resulterait deux mille cinq cents esclaves dont les bras vont etre perdus pour l'agriculture et la Capitainie (de Bahia). L a navigation de cette place y perd beaucoup, parce que six des embarcations qui vont faire la traite ne vont pas pouvoir naviguer, faute de tabac de rebut, unique element de leur cargaison. L e commerce perd le fret de 2 500 petits rouleaux ä raison de 1 200 reis chacun, et les frets des 2 500 captifs ä raison de 10 000 reis par tete. Les rentes royales de Votre Majeste perdent : » 1 ° les droits de 80 reis pour chaque rouleau transporte pour la Cöte de M i n a ; » 2° les droits des 2 500 esclaves qui payent ä la douane 7 500 reis chacun; 3
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» 3° les droits de 9 000 reis par tete des esclaves qui auraient eu ä aller ä Minas Geraes; » 4° s'ils etaient tous employes pour l'agriculture, le travail de chaque esclave, selon les calculs politiques et economiques, rapporterait annuellement 16 000 reis aux finances royales. » Le 16 avril 1807, le comte da Ponte, gouverneur de Bahia, ecrivait au vicomte de Anadia14 : « Cette colonie, par la production du tabac qui lui est propre, a le privilege exclusif du commerce ä la Cöte de Mina, avec pour resultat l'importation, l'annee precedente, de 8 037 esclaves Geges, Usas, Nagos, etc., nations les plus guerrieres de la cöte d'Afrique, et l'inquietante consequence des risques de soulevements. » Entre 1810 et 1812, sur 17 bateaux de la liste (fournie par le consul anglais ä Bahia) des vaisseaux portugais captures par les navires anglais, 13 (dont 12 de Bahia et un de Pernambouc) avaient charge du tabac ä Bahia, avant d'aller faire leur traite ä la Cöte de Mina. Les deux bateaux saisis ä Cabinda, et les deux autres captures respectivement ä Cuba et Porto-Rico n'etaient pas de Bahia et n'y avaient pas charge de tabac, ce qui souligne une fois de plus l'importance du tabac dans le commerce avec la Cöte de Mina seule, et non avec les autres regions d'Afrique.
REGLEMENTATION
D U COMMERCE D U
TABAC
Le contröle du commerce du tabac dependait en principe ä Lisbonne du Tribunal da Junta da Administragäo
do Tabaco — Tribunal de l'admi-
nistration du tabac — dirige par le superintendant du tabac. A Bahia, ce contröle etait reglemente par une serie de lois, ordonnances, resolutions, decrets, avis, patentes et recommandations, dont les Brasiliens tenaient fort peu compte, ä voir la frequence avec laquelle on devait les renouveler. Le decret royal du 12 novembre 1644, dejä cite, autorisait les navigateurs portugais ä voyager directement de Bahia, charges de tabac, chercher des esclaves ä la Cöte de Mina et les ramener aux ports du Bresil. Le vice-roi recevait le 12 mars 1698 une depeche de Lisbonne18 lui enjoignant « de ne pas introduire ä la Cöte de Mina le tabac de Bahia de qualite fine, pour eviter qu'il ne soit enleve par les etrangers. II faut examiner quelles sont les quantites qui y vont d'habitude, afin de determiner le nombre d'embarcations necessaires ä telle fin ». Le 8 janvier 1699, Lisbonne envoyait une nouvelle depeche18 renouvelant les instructions pour que le tabac qui allait ä la Cöte de Mina soit de la mauvaise qualite prescrite. Le 16 juillet 1699, passait une loi17, ratifiant ces dispositions et prevoyant des chätiments pour les contrevenants. Le I e r avril 171218, une patente royale autorisait la libre exportation du tabac de derniere qualite pour la Cöte de Mina. Le 17 aoüt 171719, le roi ordonnait au vice-roi, le marquis de Angeja, de faire observer ses ordonnances royales pour eviter que des dommages ne resultent du commerce ä la Cöte de Mina, que les saumaques et autres
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embarcations qui allaient y faire le commerce n'emportent pas un nombre d'arrobes superieur ä celui pour lequel elles ont ete jaugees, et que ce tabac soit de derniere qualite. II avait appris qu'ils achetaient la meilleure qualite pour la donner aux etrangers afin d'augmenter leurs benefices. Les fonctionnaires charges de l'examen de sa qualite et de son embarquement en faisaient done un commerce au prejudice des finances royales, « car ainsi, les droits qui auraient du etre payes en ce royaume (du Portugal) etaient perdus ». A cela, le vice-roi repondit le 2 avril 17 1 8 20 : « En meme temps qu'arrivait cet ordre de Votre Majeste, il en est arrive d'autres de la Superintendance du Tabac, contraires ä celui-ci; et comme le Comite de l'Administration du Tabac est independent du Conseil d'Outre-Mer, je dois suivre seulement les ordres que Votre Majeste m'envoie par ce service. » Le document envoye par la superintendance du tabac n'a pas ete retrouve aux archives, mais la reponse du vice-roi fait ressortir le manque de coordination et d'unite de vues dans l'administration du royaume. En 172421, une depeche du roi est envoyee au vice-roi : « Les subornations faites aux fonctionnaires du tabac, permettent que celui de premiere qualite aille ä la Cöte de Mina. Comme celui de cette qualite n'est pas utilise par les negres, il est negocie avec les Hollandais, au grand prejudice des finances royales. » Le 9 janvier 172522, le vice-roi signe un arrete « determinant que les rouleaux de tabac n'auront pas un poids excedant deux arrobes et demie». En 1743, comme nous l'avons dit plus haut, Lisbonne projette d'organiser une Compagnie pour reglementer le commerce ä la Cöte de Mina, et eviter l'arrivee trop massive du tabac entrainant sa devaluation. Cette Compagnie ne vit pas le jour, mais le commerce ä la Cöte fut officiellement reserve ä 24 navires qui allaient par escadres de trois, tous les trois mois. Cette meme annee23, une ordonnance royale etait envoyee de Lisbonne le 9 septembre : « Je suis informe que tout le tabac qui vient a ce Royaume est de troisieme et derniere qualite, et qu'on embarque le meilleur pour la Cöte de Mina, sans tenir compte de mes Ordonnances, au grand dommage de mes finances royales, ce qui prouve le peu de soin avec lequel se font les examens : les fonctionnaires n'accomplissant pas leur täche avec le zele, le soin et la vigilance voulus, je vous recommande done d'agir avec efficacite afin qu'aucun tabac ne soit embarque pour ladite Cöte de Mina sans qu'il ait d'abord ete classe par des experts, dans la troisieme et derniere qualite. » Le 8 janvier 175024, le secretaire d'fitat rappelait au vice-roi « qu'il veille ä ce qu'on ne transporte ä la Cöte de Mina que le tabac de troisieme et derniere qualite, le bon etant destine ä ce Royaume ». Le 31 juillet 1750, le roi Joäo V mourait et son fils, Don Jose, lui succedait. II nommait comme premier ministre Sebastiäo Jose de Carvalho e Mello, le futur marquis de Pombal. Parmi les premieres reformes decidees par le ministre figure la suppression des superintendances du tabac dans les ports du Bresil. Leurs attributions allaient etre exercees par la Casa de Inspeccäo do Assucar
sucre et du tabac.
e Tabaco da Bahia ou Comite d'inspection du
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DES
Les lois des 16 et 27 j anvier 1751 reglementaient«la nouvelle forme du commerce et de la navigation des sucres et tabacs de ce continent du Bresil25. » La juridiction des inspecteurs est privative et exclusive de toute autre juridiction ou charge. » Comme ce Comite est responsable de la prosperite de l'Agriculture et du Commerce, il lui est adjoint, par decision du 1 er avril 1751, un proprietaire de moulin ä sucre et un planteur de tabac ». Par cette nouvelle reglementation, le Premier ministre cherchait a centraliser ä Lisbonne le contröle de cette partie des activites des territoires et possessions d'outre-mer. II en resulta une paperasserie insensee qui rendit ce contröle plus theorique que reel. En 18032β, le Comite de l'inspection du tabac ä Bahia ne semblait plus presenter d'interet et de Lisbonne on demandait au gouverneur, le comte da Ponte, de «faire des suggestions ä propos du maintien ou de la suppression de cet organisme ». TABAC PRIVILEGE DE BAHIA
Les negotiants de Bahia s'effor?aient de maintenir leur privilege de la culture et de l'exportation du tabac. Le sieur Froger27 signale, dans sa Relation du voyage de M. de Gennes, que «passant ä Rio de Janeiro en decembre 1695 », il apprit« qu'on y faisait autrefois du tabac en quantite, mais presentement, il est defendu comme un des plus grands obstacles au Commerce de la Baye de tous les Saints ». Le 11 aoüt 17 1 828, le roi du Portugal decidait qu'il ne soit permis d'envoyer de Pernambouc que trois ou quatre embarcations et une de Parahyba, et qu'elles ne devraient pas empörter plus de 5 ä 600 rouleaux de cargaison,«parce que si elles en prennent davantage, ce serait un grand prejudice pour le commerce de Bahia ». Les tabacs de Pernambouc n'etaient pas de bonne qualite et ne se vendaient que pour un prix inferieur ; les marchands allaient done l'acheter ä Bahia, pour avoir un plus grand benefice, et« s'ils etaient autorises a en prendre une plus grande quantite, cela provoquerait un grand dommage au commerce de cette place de Bahia ». Le 15 fevrier 172629, le vice-roi signalait ä Lisbonne que les abus continuaient ä Pernambouc, au prejudice des finances royales, que les negotiants de ce port exportaient le tabac le plus choisi ä la Cöte de Mina, et avec une telle abondance que plus de vingt navires en transportaient tous les ans. Aux Archives de La Haye, d'apres les passeports delivres aux navires portugais au chateau de Säo Jorge da Mina, 129 bateaux de Bahia, et 73 de Pernambouc, 9 de Parahyba, et un de Rio de Janeiro faisaient le commerce ä la Cöte sous-le-Vent entre 1727 et 174030. Le 23 aoüt 173031, le vice-roi renouvelait ses accusations contre les negotiants de Pernambouc, en particulier contre Joseph de Torres. Le Premier ministre, Sebastiäo de Carvalho e Mello, envoyait en 1757 un expert ä Bahia pour y faire cultiver de nouvelles qualites de tabac32.
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Le vice-roi signalait, le 11 mai 1757, que « par le dernier vaisseau de permission du contrat du tabac, Joäo Lopez Roza, frere de l'adjudicataire actuel du tabac Duarte Lopez Roza, est arrive et m'a remis la depeche envoyee par le Premier ministre, oü il me fait savoir que cet homme vient au Bresil pour s'associer avec Joaquim Ignacio da Cruz en une affaire qui peut etre tres utile au Service Royal, et tres avantageuse a cet Etat du Bresil pour l'augmentation de la navigation et du commerce du tabac. » En compagnie de celui-ci est arrive un certain Andre Moreno, charge de faire des essais de plantation et de cueillette de tabac par une nouvelle methode utilisee en Virginie, Maryland et Hollande, culture destinee ä obtenir au Bresil des tabacs avec lesquels il soit possible de preparer du tabac ' räpe ' ä priser, comme le desiraient les Francis, qui l'avaient mis ä la mode jusque dans d'autres nations, d'oü une demande universelle. » Au cours d'une reunion ä laquelle assistaient cet Andre Moreno, Joäo Lopez Roza, le Juge de Cachoeira, Manuel da Silva Pimentel, et Joaquim Ignacio da Cruz, il a ete decide qu'Andre Moreno irait choisir un terrain au bourg de Cachoeira pour planter jusqu'ä trois cents arrobes de tabac comme premiere experience ». TENTATIVES DES NATIONS ETRANGERES POUR IMITER LE TABAC D E BAHIA
Si, ä Bahia, on s'effor^ait d'obtenir un tabac semblable ä celui de Virginie et de Maryland, de leur cöte, les Francis et les Anglais cherchaient ä imiter le tabac envoye par les negotiants de Bahia ä la Cöte de Mina, dans l'espoir d'un commerce profitable. Le 20 octobre 175433, l'archeveque de Bahia, qui assurait le gouvernement par interim, ecrivait au roi du Portugal que « le lieutenant de la Forteresse de Ajuda envoie de fächeuses nouvelles. Les Francis s'efforcent de gächer et de detruire les avantages que les Portugals ont sur la c6te d'Afrique grace au tabac du Bresil qui est la principale monnaie d'echange. Les Francis amenent sur le marche des rouleaux de tabac faits ä limitation de ceux du Bresil. Iis ne les vendent pas, mais ils donnent, comme gratification, ces rouleaux de tabac aux negres qui viennent faire la traite avec eux contre des etoffes de leurs fabriques ». Quelques annees auparavant, les Frangais avaient fait le projet de tirer parti de leur tabac des Antilles. Dans un rapport envoye le 18 mai 1750 du fort Saint-Louis de Gregoy (le fort frangais de Ouidah), MM. Pruneau (de Pommegorge) et Guestard signalaient34 que « les Portugals ne viennent ä Juda qu'avec des cargaisons d'or et de tabac du Bresil, tres rarement avec des marchandises. La colonie du Bresil y envoie chaque annee douze ä quinze bätiments du port de trois ä sept cents negres, et leurs expeditions se trouvent tellement concertees que, tous les trois mois, il en arrive quatre ou cinq, lorsqu'un meme nombre est sur le point de partir. Chacun de ces vaisseaux apporte ordinairement de l'or et de deux ä trois mille rolles de tabac. Ce tabac du Bresil a une preference parmi les negres sur l'or. II vaut ordinairement une once le rolle du poids de 60 (?). Les negres en font une telle consommation, que des que les bätiments du Bresil tardent a arriver, ceux qui restent ont pour six rolles un captif de
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choix, mais ordinairement le captif portugais vaut un marc d'or. Le rolle de tabac peut coüter au Bresil douze francs de notre monnaie ; celuy de la Baie de tous les Saints est tres recherche et a une preference sur celuy de Pernambouc. Les negres trouvent ces derniers trop sirotes, et il l'est en effet ä un point tel que la liqueur sort ä travers le cuir de boeuf dans lequel chaque rolle est emballe. » Les Fran^ais pourraient faire le commerce du tabac de leurs Isles a Juda en le faisant travailler ä luy donner la meme force et la meme odeur qu'on aurait de quelques rolles du Bresil qui serviroient d'echantillons et qu'on enverrait ä Saint-Domingue et ä la Martinique pour en faire fabriquer de semblables. Ce serait une grande valeur pour les habitants des isles fran^aises et plus grande pour les armateurs de France ». Les Anglais, de leur cöte, tentaient d'amener du tabac fait ä l'imitation de celui de Bahia. De Warel ecrivait ä son tour le 15 novembre 1774, du fort fran^ais de Ouidah35: « II y a actuellement en traite deux navires de Liverpool, qui sont munis de tabac fabrique dans leurs colonies. Les negres le trouvent aussi bon que celui des Portugais. Avec ce tabac, ils font egalement beaucoup de tort aux Fran^ais en traite icy. » Le 24 janvier 1789, Gourg faisait part d'un projet qu'il avait forme pour concurrencer le tabac de Bahia et ecrivait36 : « Le tabac du Bresil est mieux corde, c'est-a-dire plus sucre. Les rolles pesent plus que les nötres ; il est apprete avec du sirop plus pur, tandis que celui que nous prenons ä Lisbonne est apprete avec du sirop et de l'eau de mer, qui le desseche trop t0t; ce que les negres savent. D'apres cette connaissance, et m'occupant du moyen de diminuer cette preference, j'ai fait semer dans le jardin du fort du tabac, j'en ai recueilli quelques pieds, et sans l'appreter, j'en ai fait faire des cigares pour fumer. J'en ai donne aux Portugais, qui l'ont trouve excellent, et je ne doute pas, si les negres voulaient en cultiver, qu'ils ne parvinssent a se passer de celui qu'on leur apporte. Je me propose cette annee d'en faire cultiver une plus grande quantite, et d'en porter au Roy et ne negligerai aucun moyen pour detruire l'avantage que les Portugais ont ici. Mais je crains bien de ne pas reussir, les negres sont des gens particuliers, qui tiennent aux anciens usages, et croient que leurs fetiches les tueraient s'ils changeaient quelque chose. » Gourg fut expulse peu apres sans menagements mais ne mourut point des mauvais traitements regus, comme l'affirme Dalzel37, car deux ans plus tard, il redigeait un Memoire
pour servir d'instruction
au
Diredeur
qui me succedera au Comptoir de Juda, dans lequel il expose ä nouveau ses tentatives de plantations de tabac afin de supprimer la concurrence commerciale des Portugais. II expliquait de plus dans cet ouvrage que l'importance prise par le tabac du Bresil dans le commerce en cette partie de la cöte d'Afrique venait de «la facilite qu'ont tous les negres de s'en procurer, c'est-a-dire en echange de captifs, ce qui n'est pas permis contre les marchandises frangaises et anglaises que le roi s'est reserve exclusivement et sur lesquelles il pergoit de tres gros droits des marchands (africains) etrangers qui viennent vendre des captifs », mais que le roi ne percevait aucun droit sur le tabac. Ceci, ecrivait Gourg, contribuait ä donner la preference aux Portugais (Brasiliens).
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DE LA
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INTERDICTION FAITE AUX PORTUGAIS PAR LES HOLLANDAIS D E COMMERCER Α LA C0TE SOUS-LE-VENT D E ΜΙΝΑ AVEC D ' A U T R E S MARCHANDISES QUE LE TABAC
Divers traites ont jete les bases de l'obligation imposee par la Compagnie hollandaise des Indes occidentales aux navires de traite des Portugals, de laisser dix pour cent de leur cargaison de tabac au chateau Säo Jorge da Mina. lis leur interdisaient au surplus la traite ä la Cöte de Mina excepte dans quatre ports de la Cöte sous-le-Vent: Popo, Ajuda, Jaquin et Apa. L E PORTUGAL ALLIE DES PAYS-BAS E T COMBATTU PAR LA COMPAGNIE HOLLANDAISE D E S I N D E S OCCIDENTALES
En 1568, dix-neuf ans seulement apres la fondation de Bahia par Thome de Souza, la guerre d'independance des Provinces-Unies des PaysBas etait ouvertement declaree contre le roi de Castille. Elle ne se terminera qu'en 1648. En 1580, le Portugal et ses possessions passaient sous la domination de la Couronne de Castille. Les Hollandais, au cours de leur lutte contre l'Espagne, s'emparaient de presque toutes les possessions portugaises d'Extreme-Orient. Les Provinces-Unies creaient la Compagnie des Indes orientales pour y faire le commerce et s'assurer l'exploitation de ces territoires. En 1621, elles creaient de meme la Compagnie des Indes occidentales pour les cötes d'Amerique et d'Afrique. L'exclusivite du commerce hollandais lui etait concedee par les fitats Generaux des Provinces-Unies. Cette Compagnie tenta, en premier lieu, de chasser les Portugals, alors sous la domination espagnole, de leurs possessions sur les c6tes d'Afrique et du Bresil : operation qui avait l'avantage de gener au maximum les Espagnols dans leurs relations avec les Indes de Castille. Bahia fut l'objet des premieres tentatives guerrieres des Hollandais. lis s'en emparerent en mai 1624 et en furent chasses en avril 1625. En 1630, la Compagnie des Indes occidentales prenait Pernambouc avec un succes plus durable. Les Hollandais y resteront vingt-quatre ans. En 1637, le chateau Säo Jorge da Mina, la principale place forte portugaise sur cette partie de la cöte d'Afrique, etait pris ä son tour par la Compagnie hollandaise des Indes occidentales qui etablissait ainsi son contröle sur le commerce des Portugals en cette region. En 1640, Jäo, due deBragance, restaurait l'independance du Portugal. Dans sa lutte contre les Espagnols, le nouveau souverain se trouvait ä la fois allie, en Europe, aux Provinces-Unies des Pays-Bas qui menaient une action parallele, et ennemi de la Compagnie hollandaise des Indes occidentales qui le depouillait peu ä peu de ses possessions d'outre-mer. La position du Portugal etait done ambigue vis-ä-vis de son allie et ennemi. Dejä en guerre contre l'Espagne, il ne pouvait aussi lutter ouvertement contre la Hollande. II chercha alors ä gagner du temps et, en 1641,
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LES
TROTS RAI SONS DÜTERMIN
ANTES
DES
il signait un traite de treve de dix ans avec les Provinces-Unies. Cependant, malgre ce traite, la Compagnie hollandaise des Indes occidentales poursuivait la conquete des possessions portugaises, pretextant qu'elles etaient espagnoles, l'Espagne n'ayant pas reconnu l'independance du Portugal. Les Hollandais s'emparerent encore, malgre le traite de treve, des lies de San Thome et du Prince, du Fort d'Axim, de l'Angola sur la cöte d'Afrique et du Maranhäo au Bresil. De leur cöte, les Portugals reprirent Sergipe et le Maranhäo, puis, plus tard, Loanda en 1648 et Pernambouc en 1654. TRAITE D E TREVE D E D I X E N T R E LE PORTUGAL ET LES DES PAYS-BAS,
ANS
PROVINCES-UNIES 1641
Le roi Joäo IV du Portugal, par le traite de treve de dix ans, signe en 1641 avec les Seigneurs fitats-Generaux des Provinces-Unies des PaysBas, reconnaissait38 : « En vertu des articles XII et XIX de ce Traite, l'existence de l'etablissement de la Compagnie des Indes Occidentales en Guinee, dans un district qui va, en de?ä de la ligne de la mer d'fithiopie, ä compter depuis Malleguette jusqu'ä Benin et au dela. » Par l'article XII, il reconnaissait que « le droit de la Compagnie Hollandaise s'etend, non seulement jusqu'ä ses forts, mais aussi dans le plat-pays et jusqu'aux Peuples et Nations qui en dependent ». L'article X X indiquait: « La Republique a specifie, pour la Compagnie des Indes Occidentales, la liberte du commerce dans les possessions des Portugals en Afrique, y compris San Thome et les autres Isles, en payant les memes impöts et droits qui y sont payes par les naturels portugais et autres gens libres », mais la liberte reciproque des Portugais en Guinee hollandaise n'avait point ete specifiee. « L'inegalite de cette stipulation, quoiqu'un peu etrange au premier abord », etait justifiee plus tard par les Hollandais, ä l'aide des arguments suivants39 : « Quand d'un cöte, l'on considere qu'ä l'epoque les Portugais n'avaient aucun etablissement ni fort en Guinee, et de l'autre que les Portugais, n'etant point en etat de soutenir leur navigation contre les Espagnols, ne pouvaient avoir que de la Compagnie des Indes Occidentales les esclaves dont ils avaient besoin dans leurs etablissements au Bresil, par consequent, les Portugais dans ce temps-lä avaient des raisons süffisantes pour favoriser la Compagnie Occidentale. » TRAITES IMPOSANT A U X
PORTUGAIS
D E P A S S E R A U C H A T E A U SAO J O R G E D A ET D E LAISSER
ΜΙΝΑ
D I X P O U R C E N T D E L E U R S CARGAISONS D E
TABAC
« Le 30 janvier 1648, le Traite de Munster (Westphalie) etait signe entre Philippe IV, roi Catholique d'Espagne, et les Seigneurs fitats-Generaux des Provinces-Unies des Pays-Bas, par lequel lesdits fitats sont reconnus libres et souverains... etc.»II marquait la fin des hostilites entre l'Espagne et la Hollande, et reconnaissait l'independance des Pays-Bas.
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Le Portugal, lui, restait toujours en conflit avec l'Espagne ; il etait considere comme rebelle par Philippe IV, aussi le roi disposait-il, dans certains articles du traite, des possessions portugaises, tant ä la cöte d'Afrique qu'au Bresil. Le traite de Munster etablit done les bases des possessions hollandaises ä la Cöte de l'Or. L'article VI speeifiait: « Quant aux Indes Occidentales, les Sujets et Habitants des Royaumes, Provinces et Terres desdits Seigneurs Roy et Estats respectivement s'abstiendront de naviguer et trafiquer, en tous les Havres, Lieux et Places garnis de Forts, Loges, ou Chasteaux, et toute autre possession de l'une ou l'autre Partie; s^avoir, que les Sujets dudit Seigneur Roy et entre les Places tenues par lesdits Seigneurs Estats, seront comprises les Places que les Portugals depuis l'an mil six cent quarante et un ont occupees dans le Bresil sur lesdits Seigneurs Estats. » Les Hollandais allaient tres loin dans leurs pretentions. Iis etaient en paix avec l'Espagne, mais le Portugal, lui, etait toujours en etat de guerre avec l'Espagne. Profitant de la situation40, « la Compagnie des Indes Occidentales, apres la Paix de Munster, pendant que la guerre continuait entre l'Espagne et le Portugal, en vint ä traiter en 1648 avec le Portugal, pour convertir la treve en une paix permanente, et leurs Hautes Puissances soutinrent en faveur de la Compagnie des Indes Occidentales : » 1° Que les Portugals ne pourront avoir ni conserver d'autre navigation en Afrique qu'ä Säo Paulo de Loango, et que toutes les autres navigations vers toute l'Afrique, y compris San Thome et les Isles, seront uniquement reservees ä la Compagnie des Indes Occidentales de ces Pays-Bas. » 2° Que quand les Portugals souhaiteront avoir des esclaves de ces Quartiers-lä, ils seront obliges de les demander ä la Compagnie des Indes Occidentales de ces Pays (Bas) et de les payer sur le meme pied, et au meme prix que la Compagnie des Indes Occidentales les vendront aux autres colonies de l'fitat, ou ä de telles conditions dont on pourra convenir autrement». Ces pourparlers n'eurent pas de suite et il fallut attendre 1661 pour que le Portugal puisse conclure un traite avec les Hollandais, et 1668 pour obtenir de l'Espagne la reconnaissance de son independence. Entre temps, Joäo IV, par decret du 12 novembre 1644, avait autorise ses vassaux ä aller aux cötes de Guinee, afin d'emporter du tabac de troisieme qualite et de ramener des esclaves aux ports du Bresil. Les Portugals etaient done capables d'aller chercher eux-memes dans leurs possessions les esclaves dont ils avaient besoin. Mais pour ceux qu'ils allaient traiter dans la partie de la Guinee hollandaise, appelee Cöte sous-le-Vent de Mina, ils devaient se soumettre aux conditions que leur dictait la Compagnie hollandaise des Indes occidentales qui, solidement retranchee dans le fort Säo Jorge da Mina, dominait la region. En 1652, la guerre entre l'Angleterre et la Hollande vint diminuer le potentiel belliqueux de la Compagnie contre les Portugals. En 1654, les Hollandais furent expulses de Pernambouc, contre la volonte apparente du roi du Portugal qui ne voulait pas leur donner de
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pretexte pour intervenir avec plus d'energie contre les diverses possessions qu'il avait encore en Afrique et au Bresil. En 1661, un traite entre la Hollande et le Portugal fut signe ä La Haye. L'article IV reconduisait les clauses du traite de treve de 1641 : « Libre commerce dans toutes les Places des Portugals en Afrique, y compris San Thome; pareille liberie n'est point accordee aux Portugals dans la Guinee hollandaise ni aux environs »41. Dans la suite, en l'annee 1669, on convint avec le Portugal de l'accomplissement et de l'execution du traite de l'annee 1661, les choses demeurerent dans le meme etat sans aucun changement ni amendement aux conditions pour le Portugal42. Les Portugals ne pouvaient toujours amener aucune marchandise de traite en provenance d'Europe ä la Guinee hollandaise ; comme eile faisait concurrence aux activites de la Compagnie des Indes occidentales, eile etait consideree comme etant de contrebande. II n'est cependant de regle ou de loi qui ne se tourne, si nous en croyons Bosman43 qui, constatant que sur 7 000 marcs d'or obtenus annuellement ä Mina, 800 sont enleves par les Portugals et les Francis, ajoute: « Je dis que ces derniers en emportant pour le moins 800 marcs, et cela est veritable, car les Portugals venant sur cette cöte, sous pretexte de vendre leurs marchandises de l'Amerique, qui consistent en tabac du Bresil et en eau-de-vie faite de sucre, ils ont encore pour le moins autant que les vaisseaux non privilegies des marchandises qui sont ici fort recherchees ; et cela n'est pas surprenant puisqu'ils vont les acheter en Hollande, oü ils prennent le monde dont ils ont besoin, et y equipent leurs vaisseaux, qui meme quelquefois sont equipes par les Marchands Hollandois. Les Juifs de Hollande surtout y ont beaucoup de part; ils obtiennent facilement un passeport du Roi du Portugal, de sorte qu'ils passent ici pour de veritables Portugals. Je vous laisse ä penser quel chagrin cela donne ä un officier qui a les interets de la Compagnie ä cceur, lorsqu'il apprend que quelques marchands negres sont arrives sur la Cöte avec une bonne quantite d'or, dans le dessein de le trafiquer avec nous, et que cependant il arrive un vaisseau portugais, ou un vaisseau non privilegie. qui par le bon marche qu'il fait de ses marchandises empörte tout cet or, ou du moins une grande partie, pendant que nous demeurons charges de nos marchandises, comme si elles etoient pestiferees ; cela m'est arrive plus d'une fois. » Les bateaux venus du Bresil avec un chargement de tabac devaient obligatoirement passer au chateau Säo Jorge da Mina. J. A. Caldas, dans un ouvrage publie en 1759, donne des details ä ce sujet44 : « A ce Chateau les navires portugais sont habitues d'aller se presenter pour payer les dix pour cent de leur cargaison, et en sus, ce que les Hollandais leur imposent par coutume. Des qu'ils ancrent, ils lui envoient un garde, qui generalement est un sergent de leur garnison ou ä defaut un soldat, et ensuite les officiers passant la visite pour examiner toute sa cargaison, et s'il y a ou non de la marchandise non permise, car ils disent que seulement le tabac, le sucre et Yaguardente du Bresil peuvent etre transportes, et le reste est considere comme contrebande, et ils en font bonne prise. » Apres avoir paye les dix pour cent qu'ils pretendent leur appartenir, et les autres cavalas imposes par eux, ils donnent un passeport qui coüte
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LES TROIS RAISONS DETERM IN ANTES DES
un rouleau de tabac (ceci aussi se paye) oü ils donnent leur consentement ä ce que nous fassions le commerce au delä du fleuve Volta, et ainsi ils envoient les navires avec un garde pour empecher les Portugals de faire leur traite en aucun autre port que ceux permis par eux, qui sont Popo, Ajuda et Apa ; en plus de ce garde, ils ont l'habitude de les embarrasser d'une pirogue avec cinq ou six gardes negres, auxquels ils donnent le nom de bombas, pour que ceux-ci empechent que d'autres pirogues ne s'approchent du navire, ou n'importe quelle autre embarcation qui puisse faire quelque sorte de commerce. » L'importance que les Hollandais donnaient ä ce tabac amene de Bahia ä la Cöte de Mina est demontree par cette exception qu'ils faisaient ä l'interdiction du commerce en ces lieux par les Portugals. Chaque navire venu de Bahia avait une charge moyenne de 3 000 rouleaux, dont 300 restaient aux mains des autorites hollandaises du chäteau Säo Jorge da Mina. A ces 300 rouleaux il fallait en aj outer au moins 77 autres destines a toutes categories de gens, allant du gouverneur jusqu'aux piroguiers, en passant par I'officier qui faisait la visite, le contröleur des rouleaux, le capitaine des soldats, le secretaire du passeport et le garde mis a bord. II fallait de plus offrir 13 arrobes de sucre et pas moins de 26 tonnelets de marmelade ; l'ensemble des droits de quarteamento que laissait en moyenne un navire portugais charge de 3 000 rouleaux de tabac se montait ä 3 827 000 reis. Ces details nous sont donnes par J. A. Caldas45. En 1781, les negotiants de Bahia se plaignaient, dans une petition envoyee au gouverneur46, des restrictions imposees par les Hollandais ä leur libre commerce a la Cöte de Mina. Ils signalent qu'ils ne pouvaient aller qu'aux ports de Ajuda, Epe, Porto Novo et Badagre (Badagris), ces deux derniers de creation recente. Iis rappellent tous les frais qu'ils ont ä faire au chateau Säo Jorge da Mina et se desolent, entre autres, d'avoir ä donner seize rouleaux de tabac pour une pirogue qu'ils pourraient avoir pour deux ä terre, d'avoir ä distribuer des rouleaux en echange du droit de fouille qui bouleverse toute leur cargaison, et un autre encore pour obtenir un papier par lequel les Hollandais expriment que par equite et haute clemence, ils les laissent aller faire leur commerce aux susdits ports47. Cette situation irritante est fort bien resumee par D. Luiz da Cunha, envoye en 1730 ä La Haye pour essayer de negocier un accord plus avantageux et plus honorable. II donne des instructions ä son neveu Marco Antonio Azevedo Coutinho48, et faisant allusion«aux droits que Sa Majeste (du Portugal) pretend avoir pour que ses vassaux puissent faire le commerce librement par toute cette Cöte », il declare : « Cette question, mon fils, ne sera jamais tranchee, parce que les fitats-Generaux se servent de trois principes pour nous interdire ledit commerce, tous tres forts et qui semblent etre bien fondes. » Le premier consiste en ce que la Republique dans les Traites de 1661 et 1669 (imprime 1696 par erreur) a stipule la liberie de faire le commerce dans nos colonies, specialement 1' lie de San Thome, et que nous n'avons pas stipule la reciprocite de faire le negoce ä ladite Cöte oü la Compagnie a ses etablissements. » Le second vient de ce que, quand bien meme nous l'aurions stipule, il serait toujours permis a la Compagnie d'empecher que nos navires
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abordent les districts qui appartiennent ä la Compagnie, de la meme fa 76. Messieurs les Americains (Brisiiiens), au lieu de nigocier seulement avec les naturels du pays (de la Cöte d ' A f r i q u e ) pour en obtenir des nfegres, de l'or, de l'ivoire et de la cire, commencfcrcnt egalement ä faire du commerce avec les Anglais, les Fran^ais et les Hollandais qui allaient ä cette Cöte, recevant desdites nations des Stoffes d'Europe, en dchange du tabac du Brasil, et qu'ils transportaient clandestinement aux ports de Bahia et de Pernambouc. > 78. D e cette f a f o n , le commerce ä la Cöte de Mina se fit en deux diff^rentes branches, une licite, ligale et utile, qui est la traite des n£gres, l'autre illegale, pernicieuse et interdite, qui est de toutes les sortes d'etoffes ötrangferes qu'ils amenaient ä Bahia, sous le couvert de la traite des n£gres. » 79 ä 82. ( L e document indique la tentative faite en 1743 de reglementer le nombre de navires autorises ä faire la traite ä la Cöte de Mina). » 83. D e toute cette histoire, le plus digne d'etonnement, est que la contrebande des etoffes etrangires transportees par les Amiricains de la Cöte d'Afrique au port de Bahia 6tait la grande question ä laquelle il fallait appliquer des mesures efflcaces, et qu'on s'occupait exclusivement de la quantity de navires qui allaient faire ce commerce, de teile f a ( o n qu'on ne s'occupait pas d'öviter la contrebande, mais de diminuer le nombre des contrebandiers. » 84. L e Comite de l'Inspection de Bahia fut charge en 1756 du contröle et de la libertß du commerce pour la Cöte d'Afrique (voir p. 103). » 85. A v e c la liberty de la navigation pour la Cöte d'Afrique des deux capitales de Bahia et de Pernambouc, la contrebande se d6veloppa proportionnellement de part et d'autre jusqu'au moment oü les naturels de Pernambouc en furent exclus lorsque le commerce f u t assure par la Compagnie de Pernambouc. • 86. Cependant, comme les nigociants de la place de Bahia trouvaient de l'indulgence auprfes du Comite de 1' Inspection qui, bien qu'il lui f ü t absolument defendu de laisser embarquer pour ladite Cöte le tabac qui ne soit pas de derntere qualite, il etait publiquement reconnu que lä-bas allait celui de meilleure qualite, et que par contre celui de qualite infirieure venait pour ce Royaume (du Portugal). » 87. Ledit Comite ne se prioccupait pas de ce que ses propres fonetionnaires fussent ou non interesses dans le commerce ä la Cöte d'Afrique, comme le fut Jose dos Reis e Souza qui, etant Guarda mor de celle-ci, etait egalement nigociant public ä cette Cöte, et il avait partie Ιίέβ avec les autres individus de cette corporation, se trouvant ainsi juge et partie intiressße dans ledit trafle. » 88. A v e c cette negligence et d'autres encore, la contrebande se d i v e l o p p a ä un tel point ä Bahia, oü les Stoßes defendues et ayant echappö au payement des droits se vendaient au grand jour, que le comte de Azambuja, Gouverneur et Capitaine general de cette Capitainie, voulant s'informer lui-mfime de ces prevarications, ordonna ä cette iin de recueillir ä la douane toutes les etoffes soumises au timbre qui s'en trouveraient depourvues. Dans les boutiques, entre coupons et pifeces qui etaient vendus, et pieces qui allaient l'ätre, il en recueillit 58 211, ce qu'il rendit public par une attestation authentique dont il fit part ä la Cour. » 89. Ce m i m e comte disirait enqufeter pour savoir si les nigociants de la Cöte de Mina etaient les auteurs de ces enormes detournements ainsi que le lui avaient affirme par i c r i t des informateurs au courant de ces questions et e x p e r i m e n t s dans l'art de recueillir les renseignements. Suivant ceux qui lui avaient ete fournis, ces detournements consistaient non seulement ä faire de la contrebande en introduisant des etoffes dans les ports du Bresil par ladite Cöte, mais encore ä se procurer des fonds plus importants en chargeant sur les embarcations au depart de Bahia, 1 500 rouleaux de tabac en plus des 3 000 permis, en y deposant egalement beaueoup
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d'or travailie et de monnaie courante. Les informateurs produisaient des attestations authentiques ä l'appui de leurs alligations. Ledit comte fit armer un canot et ordonna au capitaine de la forteresse de la Barra — au cas oü apparaltrait quelque embarcation venant de la Cöte de Mina — de faire monter ä bord la troupe avec un officier de eon fiance et de ne rien laisser dtbarquer avant l'arrivte des ofliciers de la douane. » 91. Ainsi f u t fait et il n'y eut pas longtemps ä attendre. II suflit que le premier navire arrivät pour qu'on y dtcouvrit des etoffes de contrebande, qui furent tout de suite remises ä la douane de Bahia, le capitaine confessant que toutes ces (Höffes dtfendues, comme d'autres qui, depuis, furent saisies, venaient de la Cöte de Mina et etaient introduites clandestinement dans cette Capitainie. Votre Excellence doit riflichir qu'en plus de cette contrebande, les intiress^s et capitaines desdites embarcations ont l'audace de prttendre que les etofles leur soient restitutes, et que toutes Celles qui viendraient dans des navires portugais soient admises en didouanement, donnant pour raison, ou se servant du pr6texte que les Hollandais obligeaient les Portugais par la force ä les prendre. Mäme si ceci etait exact dans une certaine mesure, il est certain que t o u t ne l'est pas par la violence des Hollandais, mais que l'ambition, la fraude et la prevarication des n6gociants de Bahia sont les causes principales de l'arrivee de ces etoffes au port de Bahia. Les admettre en dtdouanement serait la mßme chose que d'accorder aux Anglais, Fran^ais et Hollandais un commerce franc par les ports de l'Afrique, entre ces nations et les domaines portugais du Brisil, sans intervention aucune du Royaume du Portugal, contre la rigle fondamentale ttablie entre toutes les nations qui ont des colonies. » 75. AHU, doc. da Bahia 7576. 76. Acte de deposition du 30 mars 1767 des capitaines Francisco Antonio d ' E t r e et J o s t Francisco de Azevedo sur les raisons pour lesquelles les navires qui font le commerce ä la Cöte de Mina transportaient frßquemment des etoffes ttrangtres pour les ports du Brasil : « Francisco Antonio d ' E t r e dit que lui, comme tous les autres capitaines qui vont ä la Cöte de Mina, pour pouvoir arriver aux ports de leur traite doivent, ä cause des grands courants maritimes au Sud et ä l'Est, chercher la hauteur du cap Palmas, pour descendre de lä le long de la Cöte. A la hauteur du Chäteau de Mina et en d'autres endroits, ils se rencontrent gentralement avec les navires hollandais et quelques Anglais qui font le commerce, lesquels les abordent, et comme ceux qui sortent de cette Amirique pour cette traite n'ont que trente et quelques personnes d'tquipages et une demi-douzaine de fusils, avec une douzaine de coutelas au plus pour öviter une rövolte de captifs, et sans plus d'artillerie que quelques canons de calibre limits pour les salves, et comme ils n'ont pas de force pour rtsister, ils sont sujets aux violences desdits ttrangers qui leur prennent leur tabac en tchange d'etoffes qu'ils leur donnent pour mieux faire leur commerce dans ces parages. De m i m e les nations franpaises et danoises leur ont impost ces ^changes par la violence, et il arrive que dans leur port de destination ils se rencontrent avec d'autres navires strangers qui ont la m i m e etoffe en abondance, de fafon qu'il est impossible aux Portugais de trouver l'emploi de celle qu'ils ont r e f u e et ils l'apportent aux lies du Prince et de San Thome, ού il leur arrive ordinairement la m6me chose, parce que les strangers y font leur commerce. Pour cela, ils sont obliges de la jeter ä la mer ou de l'apporter aux ports d'Amtrique bien que leur importation soit dtfendue. II arriva au ttmoin, en avril de l'an passt 1766, d'apporter des ttofle en grande quantity dans la corvette Nossa Senhora da Guia, Santa Rita e Säo Joäo Nepomuceno, dont le ttmoin est capitaine, et arrivant ä Rio de Janeiro, peut-ötre en raison des considerations ci-dessus, faisant dtposer les ttoffes ä la douane, par quelque erreur qui s'est faite, le juge lui donna le dtdouanement, le faisant payer douze et demi pour cent, ce qu'il fit. » Dtpfiche du 11 juillet 1770 (AHU, doc. da Bahia 8227) du Prouedor mor, de la douane, Rodrigo da Costa de Almeida, au sujet des violences que les Anglais et les Hollandais font aux capitaines et commissaires portugais ä la Cöte de Mina : « Depuis quelque temps les capitaines et autres commissaires des embarcations portugaises qui vont naviguer ä la Cöte de Mina pour y ntgocier des esclaves et pour cela transportent du tabac en tchange, sont contraints par les Anglais, et principalement par les Hollandais a acheter des ttoffes blanches et autres, et ils sont obligts de les ramener au Brtsil pour ne trouver, en cette Cöte ou aux lies de San Thome et du Prince, personne pour les acheter, en raison de l'abondance avec laquelle les apportent les etrangers. De cette infraction, il rtsulte qu'elles sont saisies par la douane oil de grandes quant i t y de ces etoffes sont d t j ä entreposees. E n raison du dtcret du 8 fevrier 1711, je ne suis pas autorise a les dtdouaner ; ce serait sinon, en fait, ntgocier ces ttoffes dans ce port comme dans ceux de la Cöte de Mina, et faire subir une grande perte au commerce actuel de ces marchandises. » 77. APB, 88, f. 85.
CHAPITRE IV
COTE SOUS-LE-VENT DE ΜΙΝΑ LA TRAITE A AJUDA (OUIDAH)
LA C 0 T E S O U S - L E - V E N T D E ΜΙΝΑ OU C 0 T E D E (( L E S T E »
La region qui nous interesse en Afrique au xvn e siecle se situe, nous l'avons dit, ä l'est de la riviere Volta, et couvre la cöte de l'actuel Togo et du Dahomey. Les informations que nous en avons sont assez tardives1. Nous sommes mieux et plus completement renseignes des le xv e siecle sur les regions qui l'entourent ä l'est et ä l'ouest2. Les premiers navigateurs, les Portugals, fonderent le chateau Säo Jorge da Mina en 1482 ä la Cöte de l'Or. Plus tard le Portugal fut soumis ä la couronne d'Espagne de 1580 ä 1640. Depouilles momentanement par les Hollandais qui s'etaient empares de Pernambouc, des lies San Thome et du Prince, ainsi que de l'Angola et du chateau Säo Jorge da Mina ä la Cöte de l'Or (ce dernier en 1637), les Portugals perdirent le monopole du commerce a la cöte d'Afrique. Comme nous l'avons vu, ce n'est qu'ä la fin du xvn e siecle que le commerce ä la Cöte de Mina se developpa avec Bahia au Bresil. Α cöte du Portugal, trois autres nations allaient egalement jouer un röle important dans la traite ä la Cöte de Mina ; c'etaient, dans l'ordre de leur arrivee, la Hollande, l'Angleterre et la France. Le Statut des nations europeennes etait different ä la Cöte de l'Or et ä celle sous-le-Vent; ä la Cöte de l'Or, elles etaient fortement retranchees dans des forteresses construites au bord de la mer, assez solides pour resister aux assauts des chefs indigenes ou des vaisseaux pirates etrangers ; elles dominaient le marche local, et en interdisaient la frequentation aux navires des nations etrangeres. Au contraire, ä la Cöte sous-le-Vent les forts de Ouidah etaient ä l'interieur des terres, et incapables de resister longtemps aux attaques possibles des autorites indigenes.
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Une habile politique d'equilibre, pratiquee par les souverains locaux, ne permettait ä aucune des nations europeennes de s'imposer et de dominer les gens du pays. Le commerce des esclaves se faisait au xvn e Steele k la Cöte sous-leVent de Mina dans une serie de ports qui ont ete decrits par d'Olfert Dapper et William Bosman : « A quatorze lieues ä l'est de la riviere Volta, il y a le village de Coto3, d'oü le roi fut chasse par les Popo. » Dix lieues plus loin, Petit Popo4, dont les habitants sont un reste du Royaume d'Accra dont ils ont ete chasses anterieurement. Ce pays est tres infertile, il faut que ceux de Fida (Ouidah) nourrissent presque tous les habitants. Iis vivent de la vente des esclaves. » A quatre lieues de lä le Royaume de Grand Popo6 dont le roi a ete precedemment dans l'obeissance de celui de Fida, mais il en a secoue le joug. » Venait ensuite Fida (Ouidah)® « oü ceux qui ont beaucoup de bien trafiquent beaucoup en esclaves. Iis peuvent en fournir mille tous les mois, e'est-a-dire, s'il n'y a pas de vaisseaux ä Jaquin, qui depend du Grand Ardra et qui n'est qu'ä trois lieues de lä. Car alors le negoce n'y va pas si bien, parce que le roi de Grand Ardra, par le pays duquel il faut que la plupart des esclaves passent, fait fermer les avenues de Fida pour favoriser son propre pays, et defend rigoureusement le transport des esclaves ä Fida, dont il est toujours l'ennemi. » Un peu plus bas que Fida et plus avant dans les terres est le pays d'Offra7, que les Europeens appellent Petit Ardra. » A dix-huit lieues de la Cöte vers le nord-est est le Grand Ardra, e'est ä la verite une place toute ouverte et sans murailles8. » C'est une chose fort singuliere que ces negres meprisent leur langue maternelle et ne la parlent presque point, pour en apprendre une autre qu'ils ont toujours ä la bouche nommee Ulcumy. » Ulcumy (Oyo)9 est un pays entre Arder et Benin vers le nord-est, et ainsi ne vient pas jusqu'a la Cöte. On amene de ce royaume au Petit Arder quantite d'esclaves ». II y avait done une serie de petits royaumes le long de la cöte, qui guerroyaient les uns contre les autres. Le royaume d'Ardra (Allada), contrölait de l'interieur les chemins, pouvait les fermer ä son gre et couper le ravitaillement en esclaves au profit de son port, Petit Ardra (Offra). Le royaume d'Ardra etait lui-meme soumis ä son voisin Ulcumy ou Oyo (c'est sous le nom de Lucumy que les Yoruba ou Anago etaient designee ä Cuba). Le seul de ces Etats qui resistait ä l'epoque ä la pression du roi d'Ardra etait celui d'Ajuda (Ouidah). Cette rivalite se traduisait a la cöte par des bouleversements constants10 qui faisaient hesiter les nations europeennes sur le choix du lieu le plus « rentable » oü installer leurs factoreries11. Si nous ajoutons le petit port de Apa, proche de Petit Ardra, nous aurons un apergu des lieux oü les navigateurs pouvaient se ravitailler en esclaves ä la Cöte sous-le-Vent de Mina. Jusque vers la fin du xvn e siecle, les relations semblent avoir eu un
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caractere amical et detendu entre Ardra et Ulcumy ( O y o ) ; la ville de Grand Ardra n'etait meme pas fortifiee 12 . L e roi Toxonu avait envoye en 1658 une ambassade en Espagne 13 pour demander des relations plus etroites avec son pays. Philippe I V d'Espagne (comme le pape n'autorisait pas le commerce de l'Espagne avec l'Afrique car il etait reserve aux Portugals) n'avait envoye en retour que des missionnaires capucins au nombre de onze; mission qui se termina par un echec en 166114. L e roi d'Ardra essaya ensuite du cöte de la France en envoyant Matteo Lopez en ambassade en 166916. L e chevalier d'Elbee et Caroloff vinrent etablir une loge fran^aise a Offra en territoire dependant de Grand Ardra en 16711β, mais devant les difficultes qui s'etaient elevees entre le facteur frangais Mariage et les Hollandais, les Franfais allferent s'installer ä Ajuda (Ouidah). Les gens d'Offra s'etant revoltes contre leur souverain, le roi d'Ardra avait ferme les chemins de ce port et ouvert ceux d'Ajuda 17 . Les Anglais et les Hollandais les y suivirent. L e roi de Savi (capitale du royaume d'Ajuda [Ouidah]), vassal du roi d'Ardra, s'appuyant sur les representants des compagnies hollandaises, anglaises et franchises, ayant reussi ä attirer le commerce en sa capitale, resistait de plus en plus au roi d'Ardra et laissait construire par les Europeens des cases fortifiees ä Ouidah, ce que le roi d'Ardra s'etait toujours refuse ä laisser faire a Offra, si l'on en croit Barbot 18 . « L e roi Tezy etant fort importune par les demandes des facteurs hollandais, residant dans ses terres, tendant ä detenir l'autorisation de construire une maison de pierre, leur repondit ainsi : ' Vous voudrez sans doute construire d'abord une grande et solide maison de pierre, mais apres quelque temps vous aurez le desir de l'entourer d'un solide mur de pierres ; apr£s cela vous la garnirez de quelques grands canons ; et ainsi le temps passant, vous la rendrez si forte qu'avec toute ma puissance je ne serais plus capable de vous faire partir, comme vous avez dejä fait ä Mina et autres endroits de la Cöte de l'Or oil petit ä petit, votre pays a soumis des nations entieres et rendu leurs rois vos tributaires et esclaves. Ainsi, dit-il, restez comme vous etes et soyez satisfaits, vous n'aurez jamais d'autre maison dans mes terres, pour faire votre commerce, qui ne soit construite par mes propres gens de la fa^on dont nous bätissons generalement ä Ardra, c'est-ä-dire de terre battue, et que vous occuperez de la meme fa^on qu'un locataire ordinaire '. » L e R . P . Labat rapporte la meme anecdote19, mais la donne comme etant la reponse du roi Tozifon au chevalier d'Elbee, et le roi termina par des propos moins brutaux : « II (le roi) accompagna ce discours de comparaisons justes et spirituelles, avec un air doux et enjoue qui ne permettait pas d'etre mortifie du refus honnete et politique qu'il faisait. » Les Portugals tenterent, des 1680, de construire un fort ä Ouidah, mais sans succes 20 ; le moment etait en effet mal choisi car le roi de Ouidah etait en guerre avec ses voisins. A cette epoque le royaume d'Ardra avait ete attaque et sa capitale pillee par les guerriers d'Oyo 21 . Bosman rapporte en 169822 : « II y a quelque temps les gens de Petit Popo avaient pour roi un bon guerrier nomme Aforri, qui etait frere du roi qui regne aujourd'hui. Appele par le roi de Grand Ardra, il vint avec ses troupes attaquer le 9
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Fidalgo d'Offra qui s'etait eleve contre lui, le roi de Grand Ardra, son souverain legitime ; il ravagea completement le pays, et toujours sur la sollicitation du roi d'Ardra se mit en Campagne contre ceux de Fida. Mais un convoi du roi d'Ardra lui amenant de la poudre ayant ete intercepte par les Fida, Aforri se retira subitement dans son pays. » Les desordres continuaient ä la cöte; vers 169823 « le roi de Grand Popo ayant ete mis sur le tr6ne de son frere par le roi de Fida, avait secoue le joug en recompense du bienfait qu'il avait reiju. Le roi de Fida, grievement offense, reunit une puissante armee, et les Fran^ais qui etaient alors ä Fida avec quelques vaisseaux l'ayant secouru d'hommes et d'armes, il envoya ses troupes ä Popo pour Γ attaquer pendant que les vaisseaux fran(jais y feraient voile et les attaqueraient par mer ; mais comme Popo est situe au milieu d'une riviere, ceux de Fida et les Fran^ais furent obliges de se servir de radeaux pour y aborder. Ceux de Popo s'etaient si bien mis en etat de defense que non seulement ils repousserent leurs ennemis mais les obligerent ä prendre la fuite, ce qui coüta la vie ä un grand nombre de Francis et d'habitants de Fida et mit le reste dans un tel desordre qu'ils s'enfuirent apres avoir jete leurs armes; et si ceux de Popo avaient voulu poursuivre leur victoire, il ne se serait peut-etre pas echappe un Francis, parce qu'ils ne courent pas si vite que les Negres ». Le roi d'Ardra perdait peu ä peu son contröle sur le roi de Juda et son seul moyen de pression etait de fermer les chemins de l'interieur vers ce petit royaume et d'encourager le mouvement commercial vers Jaquin et Offra; le contröle effectif d'Offra lui echappait partiellement. Lorsqu'en 1687 et 1688, le sieur Ducasse y etait passe, il signalait en effet24 : « Ce lieu dependait autrefois du royaume d'Ardra, mais il est presentement gouverne par deux fidalgues, l'un est etabli par le roi d'Ardra et l'autre par celui de Juda. » II ajoutait que «les Hollandais y chargent annuellement de 4 ä 5 000 esclaves, alors qu'ä Juda les Anglais en emportent 15 000 et les Frangais 6 ä 700. » A la meme epoque ' Popo Grande ' e t ' Popo Piguenine ' qui dependaient autrefois du Roi d'Ardres, n'en donnent guere que 300 par an. » Le roi de Fouin de son cöte (premieres manifestations de la puissance naissante du roi du Dahomey) empeche le passage des captifs sur ses terres ». Le chevalier Damon, arrivant en 1698 ä Juda, est tres impressionne de voir s'y traiter 2 300 captifs pendant les six semaines oü il etait en rade. Cette meme annee 1698, Allada fut envahi par les Oyo et Ulkami25 ä la suite du massacre des messagers du roi d'Oyo envoyes ä Allada. Lors de son deuxieme voyage, en 1701, le chevalier Damon se montrait reserve vis-ä-vis du roi d'Ardra, dont « le pays est fort decrie et en tres mauvaise reputation ». Les desordres et l'insecurite ne venaient pas seulement des negres ä cette cöte, les querelles et les guerres entre les nations en Europe se poursuivaient ä la cöte d'Afrique entre leurs ressortissants, ä tel point qu'en 1704, le roi Amar avait ete amene ä faire signer un « Traite de paix ou de neutralite entre les quatre nations d'Europe qui trafiquent ä Juda, tant ä terre qu'en rade, et meme ä la vue de la rade »2e.
LA
TRAITE
A
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AJUDA
SITUATION
INCONFORTABLE DES
Α LA C 0 T E S O U S - L E - V E N T D E
PORTUGAIS ΜΙΝΑ
A P R E S LA P E R T E D U C H A T E A U D E SÄO
JORGE
La situation des Portugals ä la Cöte sous-le-Vent de Mina etait delicate et inconfortable apres la prise du chateau Säo Jorge da Mina par les Hollandais en 1637. Les anciens maitres des lieux n'etaient plus representee sur cette Cöte que par des descendants des anciens fonctionnaires et des commer^ants portugais, etablis autrefois ä la Cöte de l'Or et ä la Cöte sous-le-Vent. Iis servaient d'intermediaires pour la fourniture des esclaves aux navires de la traite du Bresil et des diverses nations europeennes, mais il arrivait que la situation füt inversee et que les Anglais, Frangais et Hollandais leur fournissent des esclaves contre leur tabac et contre leur or amene clandestinement du Bresil27. Dans un autre chapitre28, des details ont ete donnes au sujet de ces operations. Les Portugais vivant ä la Cöte sous-le-Vent ne pouvaient pas compter — jusqu'en 1721 — sur l'appui du gouvernement de leur pays, dont la politique tendait a l'abandon du commerce ä cette cöte. Au debut du x v m e siecle, il n'y avait aucun reglement pour restreindre et discipliner les mouvements des navires de Bahia, ce qui provoquait un fächeux desordre sur le marche des esclaves. Du Coulombier, directeur du fort frangais Saint-Louis de Gregoy (ä Ouidah), ecrivait le 22 mars 1714 ä ses chefs de la Compagnie des Indes ä Paris29 : « La traite est devenue de plus en plus mauvaise en raison du grand nombre de vaisseaux qui ont aborde... ce qui a ruine le commerce, joint ä la confusion que les Portugais y causent pour le mauvais ordre que l'on a de tous temps observe que cette nation introduit dans leur traite, par les capitaines memes, lorsqu'il y a plus d'un ou deux navires en rade et par le nombre des marchands passagers qui embarquent sur chaque navire pour traiter des Noirs, par la permission qu'ont les capitaines et matelots d'en embarquer pour leur compte et celui de leurs amis autant qu'ils veulent, en payant le fret et les vivres ä l'armateur et enfin par le peu d'autorite des capitaines sur leurs equipages qui ne peuvent les empecher d'avilir la traite, parce que le capitaine ayant fait sa traite, le restant de l'equipage pour s'expedier, donne apres souvent jusqu'ä deux fois plus que l'ordinaire pour avoir de beaux captifs. Ainsi sept ou huit navires (portugais) s'etant trouve quelquefois ensemble, en meme temps, ont tout gate. Voilä le negoce des Portugais I » Le m£me directeur fran Les choses s'etant calmees, le 13 avril 1721 ( P R O Τ 70/53, p. 71), les m£mes ecrivent: « V u que nous vous avons recommande d'encourager de toutes fafons possibles le commerce avec les Portugais, nous approuvons votre mani^re d'agir, en restituant le tabac que vous aviez saisi d'un bateau portugais en represailles de l'enlivement du Chirurgien Labat par Torres. > 11
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Quelques mois aprfes, la paix avait ete faite entre Torres et le gouverneur anglais ( P R O , Τ 70 /53, p. 162) : « Nous approuvons l'aide que vous avez donn^e au commandant du vaisseau Portugals appartenant au Capitalne Joseph de Torres, brüie par les pirates alors qu'il etait ä l'ancre, en deiivrant quelques-uns de ses hommes et en obtenant de diminuer les pretentions des indigenes pour leur sauvetage. Par de tels procedes, nous avons des raisons d'esperer... » 39. Chap. II, p. 72. 40. A P B , 15, doc. 42. 41. Da Fortaleza Cezarea... (voir note 34). 42. Da Fortaleza Cezarea... (voir note 34). Ce m6moire n'est ni date ni sign6 et comporte quelques erreurs dans les dates indiquees et dans certains faits signals. Ainsi y est-il dit que le vice-roi du Brisil, Vasco Fernandez Cesar de Meneses, a donne l'ordre en 1720 de construire la forteresse, ä Jose de Torres, deja bien connu dans ce pays par la grande valeur avec laquelle il avait combattu quelques-uns des nombreux pirates qui inlestalent ces mers ; lequel faisant tout de suite le voyage, arriva au port d'Ajuda ; demandant une audience au roi, il lui parla le 20 novembre de ladite annie. Ce qui est inexact, car la lettre ecrite par le roi d'Ajuda est d a t i e du 26 octobre 1720, prfes d'un mois auparavant; de plus, dans une dipÄche du 27 fevrier (1722) ( A P B , 25, doc. 30 a), le vice-roi diclarait : « Joseph de Torres se trouvait k la Cdte de Mina quand j'ai pris possession de cette vice-royautö (le 23 octobre 1720). De retour, quelques mois aprts, ä son arrivie, il (Joseph de Torres) est venu en ma presence, comme ont l'habitude de le faire tous les capitaines des embarcations qui arrivent, et il m'a remis ses lettres du Roi d'Ajuda, une pour Votre Majeste que J ' a i envoyäe par la flotte pricödente et l'autre pour les trois gouverneurs qui gouvernaient le pays au temps oü Joseph de Torres est parti pour la Cöte de Mina. » (Dans le memoire, la lettre est adressie au vice-roi.) II semble bien que le memoire ait έίέ ecrit par Joseph de Torres lui-mÄme, qui n'en etait pas ä une inexactitude prfes dans ses affirmations. L'episode de la perte des quatre bateaux suppiementaires semble peu vraisemblable et destine ä augmenter le credit que voulait acquirir Joseph de Torres. L e röle glorieux attribui au capitaine de mer et de guerre et la mention de la consignation de dix tostons pour l'entretien du fort institui par lui (dispositions ressortant des attributions et des pouvoirs des conseils d'Outre-Mer et des Finances, et non d'un simple capitaine de vaisseau) semblent montrer que le jugement des negotiants de Bahia porte sur le caractere orgueilleux et l'esprit agite de Joseph de Torres, ne manquait pas de vraisemblance. 43. A H U , cod. 253, f. 285 et A P B , 17, doc. 44. 44. P R O , Τ 70/53. 45. A N , col. C6/25. 46. LABAT, t. I I , p . 40. 47. SNELGRAVE, p . 1 3 , 1 4 , 1 8 e t 19. 48. SMITH, t . I I , p . 77. 49. SMITH, t . I I , p. 82.
50. A P B , 22, doc. 40. 51. A H U , cod. 253, p. 285 v ° . 52. A P B , 17, doc. 44. 53. CALDAS, p . 275.
54. A P B , 17, doc. 44 a. 55. A P B , 18, doc. 13 h. 56. A P B , 18, doc. 13 i. 57. Voir note 38. 58. A P B , 23. D6piche du vice-roi du 20 mars 1728. 59. A P B , 18, doc. 58. 60. SNELGRAVE, op. cit., p. 6, fait allusion Ä cette lutte : < L e Roi d'Ardra, ayant serieusement lese son propre frfere nomme Hussar, celui-ci... > 61. A P B , 19, doc. 24. 62. A H U , cod. 253, f. 291 v°. 63. A u sujet des voyages des capucins au Βέηΐη, voir rarticle de A . F . C. RYDER, « The Benin Mission », JHSN, vol. I I , n° 2. 64. A P B , 20, doc. 61. 65. D'aprts ces indications, il semble bien qu'il s'agisse de la factorerie de Savi et non de celle de Ouldah. Sur le plan de Savi publie par le R . P . Labat, d'aprfes le chevalier Des Marchais, les factoreries des diverses nations sont en eilet voisines les unes des autres et ä cöte du palais du roi qui r£sidait ä Savi et non ή Ouidah. 66. L e Alafin de Oyo. 67. L e roi du Dahomey. 68. A P B , 21, doc. 58. 69. SNELGRAVE, p . 1 0 e t s u i v .
70. 71. 72. 73. 74. 75.
A P B , 23, f. 89. A P B , 23, f. 90. A P B , 23, f. 40. A P B , 23, f. 221. A P B , 402, p. 96. A H U , cod. 254, f. 61 v ° et 62 r°.
LA
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76. APB, 24, f. 158. 77. APB, 27, doc. 74. 78. APB, 26, f. 140. 79. AHU, cod. 254, f. 70 v° et 71 r°. 80. APB, 27, f. 80. 81. APB, 27, i. 81. 82. Voir Charles BOXER (III), p. 144, au sujet de la viritable vendetta qu'il y avalt entre le comte de Sabugoza et Dom Lourenfo de Almeida. 83. APB, 402. 84. APB, 27, f. 129. 85. AHU, San Τοπιέ, caixa 4. 8 6 . SNELGRAVE, p . 4 7 .
87. SNELGRAVE, p. 147 et suiv.
88. APB, 29, f. 74. 89. APB, 27, doc. 79. 90. AHU, 254, f. 100 V° ä 102 V».
CHAPITRE V
CÖTE SOUS-LE-VENT DE ΜΙΝΑ LE ROI DU DAHOMEY DOMINE LA CÖTE
L'insistance du vice-roi du Bresil pour que des marques d'estime soient donnees ä Agaja, roi du Dahomey1, prouve le röle preponderant joue par ce dernier ä la Cöte sous-le-Vent de Mina apres les victoires qu'il avait remportees sur les divers roitelets de la region. Les lettres envoyees par Joäo Basilio font allusion a l'influence grandissante du roi du Dahomey dans les affaires du pays. Les instructions passees le 27 juin 1733 ä Julien Dubellay au moment de son depart de France, lorsqu'il fut nomme « Directeur General des Comptoirs de Juda, d'Ardres et autres dependances de la Coste de Guinee », pour le compte de la Compagnie des Indes2, signalaient : « Des troubles regnent dans le pays parmi les rois negres. Dada8, le plus puissant de tous, s'attache depuis longtemps ä les subjuguer ; il y a reussi en partie, et il y a apparence qu'il les soumettra entierement, ses troupes ont jete une telle terreur dans l'esprit de tous les negres, que le bruit seul de leur approche les fait fuir et tout quitter. » Le bien du commerce aurait demande que les Judaiques n'eussent jamais ete inquietes dans leur canton. La traite s'y faisait paisiblement, comme avec des marchands, et aucune nation n'entendait le commerce si parfaitement qu'elle ; les Dahomets au contraire ne s'adonnent volontiers qu'ä la guerre ; cependant leur roi est un homme de genie, qui comprend les avantages qu'il en peut tirer; il donne meme ä penser qu'il s'y appliquera des qu'il sera le maitre des provinces maritimes. » Le roi de Juda s'est cantonne dans les lies du Popo avec ses gens pour eviter la fureur des Dahomets, qui n'ont pas encore ose l'attaquer dans ce poste avantageux. II a fait proposer plusieurs fois a Dada de lui etre tributaire, sans que celui-ci ait voulu l'accepter; cependant cette troupe de Judaiques fait des courses, et occasionne bien les desordres ; ils demandent souvent des emprunts ou des gratifications au comptoir de la Compagnie, sur lesquels il faut que Μ. Dubellay soit bien reserve. II doit
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craindre surtout de ne pas faire penser ä Dada qu'il favorise ces refugies que ce prince regarde comme ses plus grands ennemis. D'un autre cöte, il est necessaire qu'il n'indispose pas les Judaiques au point qu'ils l'empechent de passer la barre ; ainsi dans les occasions oü il ne le pourra, pour eviter cela, il verra ä leur donner quelque bagatelle, et il prendra les mesures les plus secretes, et les pretextes les plus apparents, pour ne point s'attirer la haine de Dada. » M. Dubellay n'a pas seulement ä se bien conduire avec les negres, mais encore avec les nations europeennes qui commercent ä la Cöte, la jalousie d'un meme commerce cause souvent des altercations, que la prudence doit faire eviter. » Ainsi düment chapitre, Julien Dubellay etait arrive ä Ouidah accompagne des sieurs de l'Isle et Guerin. Peu de temps apres il fut re?u ä Ardra, en grand style, par le roi du Dahomey suivant un protocole serieusement elabore. Le sieur Dubellay en rend compte ä ces Messieurs de la Compagnie dans une lettre du 21 novembre 17334. Peu de temps auparavant, M. Levet qui assurait la direction du fort Saint-Louis de Gregoy, en attendant l'arrivee du nouveau directeur, donnait, le 26 aoüt 1733, des nouvelles des principaux evenements qui se deroulaient aux environs de Ouidah6 : « II y a moins d'apparence de paix entre les Dahomets et les Judaiques que jamais ; ces deux nations sont sans cesse en mouvement pour se faire des prises l'une sur l'autre et le commerce en est toujours la victime. Les Judaiques ne veulent plus laisser les chemins libres pour aller ä leurs lies, ni au Grand, ni au Petit Popo... » Trois mois plus tard, le 29 novembre 1733, le meme directeur ecrivait®: « Les Dahomets qui s'etaient empares de la pree et le camp qu'ils y avaient formes y subsistent toujours. Le bruit incertain de la mort du capitaine Assou qui courait s'est confirme depuis. II mourut sur son ile le 15 juin, qui est le meme jour que les Dahomets s'etablirent ä la pree. II n'est point mort d'un coup de tonnerre comme on l'avait d'abord dit; C'a ete la suite d'une maladie d'une vingtaine de jours. Favozy son ills aine lui a succede en tous ses droits et honneurs. » Le Roi de Juda mourut aussi de maladie sur son ile, six semaines apres le capitaine Assou. Deux de ses fils sont en concurrence pour la succession ä la couronne. Celui qui a d'abord fait le plus de bruit a eu dans son parti le nouveau capitaine Assou sur l'ile duquel il s'etait retire avec ceux de sa faction. II a ensuite bloque son frere sur l'ile du roi, de sorte que ce dernier a souffert toutes les miseres que la guerre peut causer dans un endroit assiege, sans vivres; cette dure extremite l'a determine ä se soumettre avec ceux de son parti au roi des Dahomets. Ce monarque, toujours ambitieux, a saisi l'occasion. II a envoye son armee contre les Judaiques, en a pris une partie et a procure une retraite au nouveau roi de Juda, qui est alle avec tout son peuple droit ä Ardres offrir leurs tetes ä Dada (ce sont les termes du pays). On commence ä debiter pour nouvelle que Dada leur a assigne Xavier pour faire leur habitation. » L'armee des Dahomets, apres avoir delivre le roi de Juda, a ete bloquer l'ile d'Assou oü s'etait refugie le pretendant. Elle s'est emparee de tous les passages par oü les Judaiques pourraient tirer des vivres et se
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sauver. Divers captifs, qui ont ete pris de ce cöte-lä, rapportent que ces miserables meurent de f a i m et sont reduits aux derniers abois. On dit aussi que Assou avait e n v o y e ä Dada pour lui faire des propositions, qui n'ont point ete ecoutees. » Voilä une nation autrefois si florissante ä la veille d'etre entierement eteinte. Ceux qui veulent porter leur conjecture plus a v a n t sont du sentiment que le roi de Juda et son peuple n'en seront pas plus heureux pour avoir ete re?us ä composition et qu'ils auront le meme sort que le reste de leur nation. Enfin, de quelque fatjon qu'arrive l'evenement, il est constant que plus Dada fera de conquetes, et plus le pays deviendra mauvais. Cela est d'autant plus facile k prouver qu'autant de pays il prend, autant il en detruit. E t ainsi, plus nous irons en avant, et plus la rarete des captifs sera grande pour le peu qui restera du pays habite. » Ces divers evenements devaient laisser les directeurs des forts assez perplexes, et il etait dangereux et difficile pour eux de prendre parti en faveur de l'un ou 1'autre de ces roitelets, risquant en cas d'echec de leur allie d'avoir le sort de H o u d o y e r Dupetitval, Testefol ou du magasinier Simäo Cardoso. L e roi du D a h o m e y ayant demande ä Μ . L e v e t d'echanger 7 toute la poudre de guerre stockee au f o r t Saint-Louis de Gregoy, contre des esclaves, le directeur du f o r t frangais a v a i t cru devoir s'en abstenir, mais il allait apprendre ä ses depens qu'il etait imprudent de contrecarrer D a d a dans ses desirs. A g a j a ne devait pas pardonner ä Μ . L e v e t son manque d'empressem e n t ; trois mois plus tard, il le faisait expulser du pays par le nouveau directeur, Julien Dubellay 8 . L e depart force de Μ . L e v e t , le 24 decembre 1733, a bord de la Renommee de Nantes, capitaine Quesnau, f u t communique aux directeurs de la Compagnie par courrier du 17 janvier 1734®.
PREMIER EMPRISONNEMENT DE JOAO BASILIO A U D A H O M E Y , 1739
L e roi du D a h o m e y continuait k faire la guerre aux Mahi, et m e t t a i t notamment le siege devant B o a g r y en 1737. II devait aussi se retirer periodiquement dans la brousse en saison seche, devant les incursions de la cavalerie du roi d ' O y o . En 1739, la situation s'etant amelioree, A g a j a revint vers la c6te affermir son pouvoir. Joäo Basilio devait alors encourir le deplaisir du « D a o m e » et etre accuse par lui d'avoir fourni des armes ä son ennemi le « Chamba ». Mais, disait-on, ceci etait le resultat d'intrigues faites contre le directeur du f o r t d ' A j u d a par deux de ses compatriotes, installes depuis longtemps k la cöte et ligues contre lui. L e vice-roi ecrivait ä Lisbonne le 20 septembre 173910 : « Qu'il soit mis sous les yeux de V o t r e Majeste ce qui se passe ä la Cöte de Mina et ce qui est arrive a notre directeur d ' A j u d a , Joäo Basilio, detenu par le roi Daome, et le peril que court la v i e dudit directeur. L e tout a ete machine par Joseph R o i z da Silva, deuxieme directeur ä Jaquin, et Francisco
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Nunes, tous deux Portugals et associes contre le directeur Joäo Basilio qui reside dans la factorerie-forteresse que Votre Majeste possede au port d'Ajuda. Cette question est de la plus grande importance, par les consequences nuisibles qui pourraient en resulter pour le commerce ä la C6te de Mina, qui maintient les principaux interets de 1'fit at du Bresil, parce que sans negres il ne peut y avoir ni or, ni sucre, ni tabac. II me semble indispensable d'arreter ce dommage de toutes les facons possibles, et pour cela j'ai ordonne au Provedor mor des Finances royales de faire le necessaire. Les temoignages recueillis prouvent que ce sont lesdits Joseph Roiz da Silva et Francisco Nunes, qui ont ete les auteurs de toutes les dissensions qui sont nees entre le roi Chamba et Daome, en suggerant ä celui-ci que le directeur Joäo Basilio avait donne des secours d'armes et de poudre au roi Chamba pour qu'il lui fasse la guerre. C'est ce qui a provoque l'emprisonnement de Joäo Basilio. Tout ceci a ete fait dans l'intention de lui succeder au poste de directeur de la forteresse d'Ajuda, qui deviendrait vacant par sa mort. » J'ai en consequence ordonne aux capitaines des deux navires qui dernierement sont alles ä la Cöte de Mina de faire tout leur possible pour se saisir des deux coupables et les amener avec toute la securite possible a cette ville (de Bahia) pour qu'ils y soient punis comme ils le meritent, et encore que je ne tienne pas pour facile cette execution tant que ledit Joäo Basilio reste detenu par le roi Daome, il faut esperer que retrouvant sa liberte, il pourra l'obtenir. » Cette depeche etait completee par une communication du Provedor mor des Finances royales ä Bahia 11 du 18 septembre 1739, qui ajoutait que Francisco Nunes etait « ce meme obstine qui etant vassal de Votre Majeste, a ete de son propre chef rendre vasselage et offrir sa liberte au roi' de Adome ', qui en a fait son secretaire et son conseiller prive. De plus, le plan de Joseph Roiz pour se faire nommer directeur de la forteresse d'Ajuda aurait reussi si les officiers subalternes de ladite factorerie ne l'avaient fait echouer en faisant dire au roi qu'avec un semblable directeur, ils ne voulaient pas servir, qu'ils abandonneraient la forteresse et viendraient prevenir Votre Majeste pour demander satisfaction de ce cas. Jusqu'au 8 mai, Joäo Basilio se trouvait encore dans la prison oil le roi 1'avait mis, cependant avec l'espoir qu'il serait rendu ä sa factorerie. » La vie dudit directeur est en grand danger, et ce n'est que par les intercessions des directeurs des factoreries etrangeres qu'elle ne s'est pas miserablement terminee parmi ces barbares. » Le meme document indiquait : « Des soldes de quatre vintens seulement sont pergues chaque jour par chacun des negres qui sert de soldat, parce que l'ancien systeme de faire assurer la garde du fort par les traitants portugais se trouvant sur place n'a pas donne de bons resultats. Ceux-ci ne s'occupant que de leur commerce particulier. » Un aumönier, le R.P. Manoel Velho Godoi, est arrive au fort d'Ajuda 12 le 28 decembre 1739. Apres quatre mois de sejour, il a eu la certitude que c'etait le lieutenant du fort, Manoel Gon^alves, qui etait responsable de la mise en prison de Joäo Basilio, et qu'il s'obstinait ä consommer sa perte. En effet, il a essaye de persuader et de suborner Γ Olegan avec des dachas (pourboires), pour que le roi croie le directeur
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coupable, lui coupe la tete et le nomme lui-meme directeur ä son tour. Tous dans la forteresse veulent en etre le directeur. » Pour sauver Joäo Basilio, deux capitaines de Pernambouc et un directeur etranger ont fait de vains efforts. A la fin, apres une longue conference avec 1 'Otegan, le Pere s'en est alle voir le Daome. II est reste trois jours ä sa cour ä Ardra et il a obtenu ä la fin la liberie du prisonnier, en presence des directeurs etrangers et des capitaines de navires portugais que le Daome avait convoques. Le roi a demande alors ä Joäo Basilio s'il avait re$u de lui d'autres offenses que de l'avoir retenu prisonnier. Le Portugais a repondu que non, mais a demande qu'il lui dise pour quelle raison il l'avait arrete. Le Daome lui a retorque qu'il la lui dirait plus tard, mais que maintenant il le liberait, parce que c'etait pour parole de blanc et non de negre qu'il l'avait pris. Quelques-uns ont compris que ceci se rapportait ä Francisco Nunes. lis ont dit que l'occasion etait favorable pour la liberation du prisonnier, parce que Francisco Nun£s etait ä Pernambouc »13. ARRESTATION D E FRANCISCO N U N E S PEREIRA A SA F U I T E ,
SON P R E M I E R
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PROCES
Le vice-roi, mis au courant de ces evenements, ecrivait au gouverneur de Pernambouc, le 1 er octobre 173914 : « Par des nouvelles süres de la C6te de Mina, j'ai appris que Francisco Nunes etait parti pour cette place, et qu'il y est en effet arrive, lui qui, apres avoir fait une infinite d'insolences contre le service de Sa Majeste et le bien public de ses vassaux, s'est retire au Bresil avec ses capitaux. Comme il est tres important que cet homme soit pris, je recommande tres particulierement ä Votre Seigneurie d'accomplir cette täche et, quand ce sera fait, de me l'envoyer avec toutes les precautions possibles ä cette ville (de Bahia), oil il est possible de verifier sa faute, et de le chätier conformement ä son importance. II est certain que cet homme est decide ä passer par la presente flotte au Portugal; il est done indispensable que vous passiez les ordres necessaires pour qu'il soit pris avant son depart. » Francisco Nunes fut düment arrete ä Pernambouc, un mot du viceroi au merae gouverneur nous l'apprend15 : « Francisco Nunes que vous avez fait prendre, n'est pas encore arrive ici. » Des details sur la fuite originale et spectaculaire du prisonnier sont donnes dans une depeche envoyee de Lisbonne au vice-roi le 5 mai 17421®: « Francisco Nunes ayant ete mis en prison a suborne son geölier, et s'en est enfui avec lui et ses gardes et s'est refugie au couvent des Carmes d'Olinda. Le Pere provincial de cet ordre, Frey Mauricio do Sacramento, qui se trouvait en visite au couvent, un des jangadeiro (conducteur de radeau) qui l'a amene, et le prieur de Nazareth, egalement religieux des Carmes, ont confesse, lors de leur temoignage ä l'enquete faite au sujet de la fuite du prisonnier, que le prieur de ce couvent et son secretaire l'ont embarque, vetu de l'habit de leur ordre, apres l'avoir, malgre mes ordres, cache contre la justice, d'un jour au suivant, dans le couvent meme, Ledit secretaire du provincial, Fr. Luis Botelho do Rozario, avait ete avant cela traiter avec Francisco Nunfes. Apres cette fuite, lorsque, par ordre du gouverneur,
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un sergent apprehendait un des rameurs qui avaient conduit ledit Francisco Nunes, tous les negres du couvent sortirent en cohue, accompagnes de presque tous les religieux; ils maltraiterent avec des coups et des paroles outrageantes le sergent et les gardes qui emmenaient le rameur et traiterent de la meme fagon quelques soldats qui venaient ä son secours. Iis arracherent ensuite avec violence le rameur de leurs mains, et le recueillirent dans le couvent oil ils le garderent cache. » Le fugitif avait des amis a Bahia17. Le vice-roi ecrivait au gouverneur de Pernambouc, le 26 janvier 1740 : « Je suis certain que Francisco Nunes se trouve en cette ville (de Bahia), parce qu'une personne respectable, qui m'avait demande avec beaucoup d'insistance de consentir a changer la prison de cellule contre une de forteresse quand il arriverait, vint egalement me dire que ce qui etait arrive dans la prison de Pernambouc, dont s'est enfui le susdit Francisco Nunes, ne venait pas de ce qu'il craignait un quelconque prejudice a cause de la taute qu'on lui imputait, mais de ce qu'il ne voulait pas souffrir l'injure d'etre envoye et emmene charge de fers ä la prison. De plus, je ne devais pas douter qu'il viendrait se soumettre avec obeissance, dans l'espoir qu'on le traiterait avec pitie. Ce ä quoi j'ai repondu que le delit qu'il a recemment commis etait d'une autre nature que celui pour lequel on l'avait fait prendre ; qu'il ne me revenait pas de decider en cette matiere, et que pour le reste je pouvais prendre les mesures necessaires, l'ayant assure que je ferai toujours ce que me dicteront la raison et la justice. » Voilä l'etat dans lequel se trouve cette affaire, et comme on dit que cet homme a ici un gros capital dans les mains de personnes que Votre Seigneurie m'a indiquees, il ne s'eloignera pas de cette ville tant qu'il ne pourra en disposer. La plus grande partie, suivant les informations et nouvelles que j'ai, est aux mains (du juge) des absents et defunts. » Votre Seigneurie ne doit pas se preoccuper au sujet de la fuite de cet homme, parce que des cas semblables ont lieu tous les jours dans les prisons d'Amerique (Bresil). II est certain que, meme si les murs etaient de fer, et les portes de bronze, vu que les geöliers qui en ont les cles les ouvrent, les prisonniers qui ne fuiraient pas estimeraient bien peu leur liberie. » Cependant Francisco Nunes Pereira continuait ä se promener ä Bahia, sans que le vice-roi parvienne ä le faire incarcerer. Le vice-roi ecrivait, le 10 fevrier 174018 : « Francisco Nunes est entre dans cette ville avec l'habit de frere qu'on lui a passe au couvent d'Olinda. II continue ä se cacher et m'a fait remettre la petition ci-jointe »19. Le vice-roi ecrivait, un mois plus tard, au sujet des religieux du Carmel. II ne doutait pas que « vu le grand zele deploye par ces Freres pour l'aider dans sa fuite, il n'y enträt une bouchee d'interet, qui est la cle avec laquelle s'ouvrent les prisons, et aussi le coeur des hommes ». Le 4 octobre 1740, il ecrivait au directeur de la factorerie d'Ajuda20 : « Pour Francisco Nunes j'ai fait faire toutes les recherches possibles mais on n'a pu encore decouvrir oil il est cache. » Joseph Roiz da Silva fut envoye comme prisonnier d'Ajuda ä Bahia sur l'ordre du vice-roi21. « Comme il lui etait survenu dans la prison une dangereuse maladie, il a ete autorise ä en sortir sous caution. »
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Le 28 novembre 1740, le roi repondant au vice-roi22 lui faisait savoir que tout ayant ete vu le 29 octobre en consultation du Conseil d'OutreMer, la fatjon dont il avait agi avec Joseph Roiz da Silva et Francisco Nunes avait ete approuvee. Francisco Nunes se presenta finalement devant la justice et s'en tira ä bon compte ainsi que Joseph Roiz da Silva, car, par patente du tribunal de Bahia du 16 aoüt 1743, ils etaient liberes et quittes23. II leur etait cependant interdit de reparaitre ä la Cöte de Mina... oü Francisco Nunös ne tardera pas ä retourner.
MORT D'AGAJA, ROI D U
D A H O M E Y , 1740
Les delais d'acheminement de la correspondance entre Ouidah, Bahia et Lisbonne, le temps d'examiner les questions soulevees par ces depeches, et d'envoyer en retour les decisions prises par le roi du Portugal, d'apres les avis du Conseil d'Outre-Mer, etaient si longs, que sou vent, lorsque les reponses parvenaient ä destination, les solutions proposees etaient completement perimees et inadequates, la situation ayant totalement evolue entre temps. Ce fut le cas pour la decision prise par Lisbonne, au sujet de la premiere mise en prison au Dahomey de Joäo Basiüo. Le roi du Portugal, sur avis du Conseil d'Outre-Mer, donnait ordre au vice-roi, en ce qui concernait Joäo Basilio, de nommer pour la factorerie d'Ajuda « un nouveau directeur particulierement capable, verse dans le commerce et la traite de la Cöte de Mina, et vous ecrirez au roitelet Daome, lui disant que comme le directeur Joäo Basilio lui etait desagreable et sa personne suspecte, vous l'avez fait rappeler ä Bahia, et que vous envoyez un nouveau directeur pour la meme forteresse, auquel vous avez recommande d'avoir avec lui, Daome, tout le bon soin, la comprehension et l'amitie que les Portugals lui ont toujours manifestes ». Le nouveau directeur etait aussi charge de tenter de faire saisir Francisco Nunfes et Joseph Roiz da Silva car, en raison de la lenteur des communications, les nouvelles de l'incarceration et de la fuite de Francisco Nunes ä Pernambouc n'etaient pas encore parvenues ä Lisbonne. Toutes ces instructions arrivaient trop tard ; un grand evenement s'etait produit ä la Cöte de Mina : la mort du roi Agaja. Le vice-roi en faisait part dans une depeche, le 16 mai 174124 : « Quand la Prooizäo du 28 novembre de l'an passe m'est parvenue, il y avait plusieurs mois que Joäo Basilio etait sorti de prison et retourne ά la forteresse d'Ajuda, avec de grandes demonstrations d'honneur que le roi Daome lui a fait faire et auxquelles assistaient les directeurs des nations etrangeres. » La lettre que j'avais envoyee ä ce roitelet ne l'avait dejä plus trouve vivant, et eile a ete delivree ä son successeur qui l'a re^ue avec des marques d'estime. » Quant au directeur Joäo Basilio, comme les choses se sont mises en un tout autre etat qu'en celui oü il etait jusqu'ici et que cet homme a de bons rapports avec le nouveau roi, et qu'il est habitue au pays, et au fait des interets de la Cöte de Mina, et qu'il a garde l'estime des directeurs des autres nations, je n'ai pas cru souhaitable de le retirer de l'occu-
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pation qu'il exerce, d'autant plus que je ne vois ici aucune personne capable de le remplacer. C'est la raison pour laquelle j'ai differe l'execution des ordres qui m'ont ete donnes de lui envoyer un successeur. » L'annonce donnee par le vice-roi, de la mort d'un roi du Dahomey en 1740 ne peut s'appliquer qu'ä celle d'Agaja, qui avait beneficie d'une vie plus longue que celle que lui avait attribuee Norris, auteur dont se sont inspires dans l'ensemble ceux qui se sont penches sur l'histoire du Dahomey. Les documents contemporains, nous l'avons vu, ne designent le roi que sous le nom de Dada, expression appliquee ä tous les rois du Dahomey. Bien qu'aucun historien, sauf recemment I. A. Akinjogbin25, ne donne cette date comme etant celle de la mort d'Agaja, des indications complementaires viennent la confirmer ; telle la lettre du 18 fevrier 1753 du Conseil de direction du fort fran^ais de Juda ä la Compagnie des Indes26 : « Sur la demande que nous avons fait faire ä Dada, roi des Daomets, de payer ce qu'il parait devoir ä la Compagnie, suivant les livres de ce comptoir, il nous a fait declarer d'une maniere tres authentique qu'il n'avait point connaissance des marchandises vendues par M. Laurent au feu roi son pere les 30 juillet et 8 octobre 1739 ; c'est pourquoi il ne se croyait pas oblige de faire honneur a cette dette... II parait vraisemblable que Dada n'ait point eu connaissance des marchandises que M. Laurent a vendues au feu roi son pere en 1739, parce que n'etant que le second fils, il ne pretendait pas pour lors ä la royaute, et suivant l'usage du pays ne se melait en aucune fa^on des affaires de son pere avec les blancs. On peut cependant croire que le roi ne cherche point de mauvais pretexte pour acquitter ses dettes puisqu'il a paye ä Μ. Pruneau 14 femmes pour solde de marchandises ä lui vendues par le sieur Laurent les 7 juin et 30 juillet 1740, ainsi qu'il est fait mention au Journal Β dans un article du 5 aoüt 1750 oü il est explique que Dada a declare audit sieur Pruneau qu'il avait liquide tout ce qu'il devait ä Μ. Levet provenant du corail que ce directeur lui avait vendu. » Ce document montre bien qu'un roi du Dahomey est mort entre le 8 octobre 1739 et le 7 juin 1740, et que celui qui monte alors sur le tröne, etait un deuxieme fils, ce qui est le cas de Tegbessou. Un autre fait semble aussi montrer que la date de 1728 ou meme 1732, acceptee sur la foi de l'indication de Norris, est douteuse ; c'est la nomination de Μ. Levet comme directeur du fort Saint-Louis de Gregoy en 1743, alors qu'un roi du Dahomey l'avait fait renvoyer par Julien Dubellay en 1733. Si Tegbessou, etant sur le tröne dfes 1733, avait exige le renvoi de Μ. Levet, il eüt ete bien maladroit de nommer en 1743 le meme M. Levet, apres un tel differend avec le roi regnant. Le cas de Levet peut se rapprocher de celui de Joäo Basilio, favorablement accepte par Tegbessou, bien qu'il ait ete en mauvais termes avec Agaja, son predecesseur.
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Les negotiants de Bahia avaient reorganise la traite ä la Cöte de Mina depuis quelques annees, en la reservant ä vingt-quatre navires seulement. II en resultait une amelioration des conditions de la traite pour les negotiants de Bahia, mais en contrepartie un avilissement du marche pour les vendeurs dahomeens, situation qui allait contribuer ä provoquer de nouveaux ennuis au directeur, reinstalle avec honneur et dignite au fort d'Ajuda. Joäo Basilio, apres vingt ans de service au fort d'Ajuda, tenta de faire augmenter sa solde en demandant ä passer premier directeur. Lisbonne resolut le probleme de tout autre fagon et fit savoir au vice-roi, par depeche du 27 mai 1743 27 : « Joäo Basilio demande la confirmation de la patente que vous lui avez passee de premier directeur general des forteresses et factoreries de la Cöte de Mina. J'ai fait passer cette patente de directeur general, sans le titre de premier, avec la solde qu'il touche actuellement et dans cette forme cette patente lui sera confirmee, parce qu'il n'est pas necessaire d'avoir deux directeurs ä la Cöte de Mina. » Ainsi Joäo Basilio avait bien re?u le titre de directeur general, mais sans l'amelioration financiere escomptee. De toute fagon, il n'en aurait pas profite car, avant meme que le vice-roi n'eüt reQu la depeche precedente, il etait incarcere une deuxifeme fois, sur l'ordre de Tegbessou, le nouveau roi du Dahomey. Le compte rendu de l'arrestation de Joäo Basilio et de la destruction du fort Säo Joäo d'Ajuda fut donne en details par Levet dans une lettre de nouvelles envoyee ä la Compagnie des Indes le 20 aoüt 174328. « Le 24 juin, M. Bazile, directeur portugais, etant parti pour se rendre ä Ardres, fut enleve en chemin par des dahomets, qui l'y ont conduit sous une grosse escorte et l'ont mis au secret. Le meme jour, Agaou, generalissime des armees du roi, investit le fort portugais avec ses troupes. » Le 25, j'eus une audience du roi, qui pretend avoir de grands griefs contre Μ. Bazile. Voici le plus grave dont ce prince me fit part : » 1 ° que depuis longtemps, M. Bazile entretenait des liaisons avec les Judaiques de Popo et les nlgres d'Epe et de Patacri, ses plus grands ennemis; » 2° que ces negres venaient clandestinement presque toutes les nuits au fort portugais, oil M. Bazile les recevait et tramait avec eux une conspiration contre l'fitat; » 3° qu'independamment de tous ces pourparlers, M. Bazile leur fournissait des secours en fusils, poudre de guerre et autres marchandises ; » 4° qu'il etait evident que M. Bazile etait son ennemi. Dans des guerres toutes recentes des dahomets avec les judaiques, oü ces derniers avaient perdu leurs principaux generaux, ce directeur avait nomme ceux qui devaient les remplacer, et leur avait fait de nombreux presents ;
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» 5° qu'actuellement, Μ. Bazile avait dans son fort plusieurs emissaires judaiques auxquels il avait donne asile, quoique le roi lui ait fait dire plusieurs fois qu'une pareille conduite ne lui etait pas agreable; » 6° et enfin que M. Bazile, d'une autorite qui ne lui appartenait point, avait defendu aux capitaines portugais qui faisaient ici leur traite de n'en faire aucune en or avec d'autres que lui. Cette defense avait opere un si mauvais effet, que le commerce etait entierement tombe, cause de la rarete de l'or, qui en faisait, la majeure partie du temps, tout le mobile. » Quoique, avant de me rendre ä Ardres, je fusse informe de toutes ces verites, je fis cependant mon possible aupres du roi, qui etait fort en colere, pour rabattre les coups, et j'obtins de ce prince un delai pour approfondir les faits dont il etait question, et que l'on n'attenterait point ä la personne de Μ. Bazile. » ... Je partis le 1 er juillet et j'arrivai ici le 2. » Je trouvai l'armee des dahomets toujours campee autour du fort portugais. Quelques jours apres, j'esperais que les affaires de Μ. Bazile s'accommodaient, parce qu'il avait envoye un ordre ä ceux qui etaient restes dans son fort de livrer aux dahomets 800 cabeches de bouges, 300 ancres d'eau-de-vie, des fusils et de la poudre de guerre, quantites de pieces de soieries, un palanquin süperbe et beaucoup d'autres effets. » Des presents si considerables n'ayant rien opere pour la liberie de ce directeur, il commen^a ä craindre pour sa vie. II ecrivit ä l'aumönier de son fort (homme de bien) qui vint ici me solliciter de sa part de faire le voyage ä Ardres, pour prier le roi de ne point attenter ä sa vie, et demander pour toute grace qu'il eüt la permission de s'embarquer pour passer au Bresil. » La mission me parut delicate et cependant necessaire parce qu'il peut influer de ce que M. Bazile avait ä craindre. Effectivement, si les dahomets (peuples feroces) commen^aient une fois ä mettre le couteau dans la gorge des Blancs, ce pays deviendrait une boucherie pour nous, et au moindre mecontentement que ces gens pretendraient avoir, ils nous egorgeraient comme des moutons. Ces raisons m'ont engage ä faire le voyage d'Ardres. Je partis done le 20 juillet pour m'y rendre et y arrivals le meme jour. » Le 21 au matin, l'armee des dahomets sortit de son camp, et fit plusieurs mouvements jusqu'ä une heure de l'apres-midi, oü eile s'avanga au fort portugais et se mit en devoir de le prendre d'assaut. Les negres de Μ. Bazile, avec un nombre de Judaiques qui s'etaient retires, en defendirent d'abord les approches avec succes et tirferent si ä propos quelques coups de canon charges a mitraille sur les dahomets, qu'ils en tuerent et blesserent un grand nombre, et obligerent le reste ä reculer. » Dans ce moment l'aumönier du fort en sortit et vint se refugier sous notre pavilion ; les autres Blancs voulurent en faire de meme, mais ils furent pris par les dahomets. » Ceux-ci ayant repris courage, revinrent ä la charge avec tant de bravoure, que les negres portugais etant intimides, un d'entre eux qui etait ivre dit qu'il s'etait assez battu, et en meme temps mit le feu aux poudres
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et fit sauter le fort, qui a ete reduit tout en cendres, et generalement tout ce qu'il y avait dedans a ete perdu, de sorte que le fort qui etait existant ä une heure, n'etait plus rien ä deux29. » Le 22, les dahomets envoyerent demander au Sr. Aubernon l'aumönier portugais, qui s'etait retire la veille sous notre pavilion, et ce sous-directeur le rendit, sans faire la resistance qu'il aurait dü. » Pendant ce temps, je sollicitais vivement les gens du pays pour qu'il n'arrivät rien ä M. Bazile ni aux autres Portugais. Je savais que le roi etait furieux du monde qu'il avait perdu ä l'attaque de ce fort. II ne mena^ait pas moins que de leur faire couper la tete ä tous. » Enfin, j'eus une audience secrete, oil par les prieres et les remontrances que je lui fis, je fus assez heureux de le persuader et d'obtenir la grace de tous ces pauvres infortunes. Le roi ne s'y rendit qu'ä condition que M. Bazile, son fils et le sous-directeur, passeraient au Bresil par le premier navire possible et qu'il les retiendrait jusqu'ä ce que ce navire füt pret ä partir; que dans ce temps-lä je les irais prendre, et qu'il me les remettrait, comme ä la personne en qui il avait le plus confiance. » Le roi me rendit les autres Portugais au nombre de cinq, dont l'aumönier, que j'ai fait nommer directeur par interim. » Tous ces faits sont d'autant plus glorieux pour notre nation que le directeur anglais qui etait dans ce meme temps ä Ardres ne put avoir une audience du roi; ce prince voulut que ce füt ä moi seul que les Portugais dussent leur liberte et leur retablissement. » Je repartis d'Ardres le 30 et j'arrival ici le meme jour avec les Portugais que j'ai retires dans le fort; nous avons aussi vu un capitaine de cette nation qui est sur la fin de sa traite, auquel nous avons pareillement donne asile. lis sont tous si transportes des services que je leur ai rendus et des accueils que nous leur faisons, qu'ils epuisent toutes les expressions dans leurs remerciements. » Le lendemain de notre arrivee, je fis mettre le Sr. Aubernon aux arrets, pour avoir rendu aux Dahomets l'aumönier portugais qui s'etait retire sous notre pavilion. » Le meme jour, je fus au fort portugais, que je trouvai tout sens dessus dessous. Comme le roi m'avait promis du monde pour reparer ce fort, autant que se pourrait, j'ordonnai ä Tegan, qui etait venu avec moi, de mettre une partie de ses gens en oeuvre pour debarrasser un tas de cases que l'effet de la poudre avait renversees les unes sur les autres, pendant que le reste battrait la terre pour construire un logement pour le nouveau directeur. » J'ai joint ä cela le maijon du fort, gartjon fort entendu et vigilant, auquel j'ai donne quatre acquerats pour poser la terre, et nos charpentiers pour faire la porte du fort et autres ouvrages. » Le 15 aoüt, le capitaine portugais etait sur la fin de sa traite; je partis pour Ardres afin d'engager le roi ä tenir la promesse qu'il m'avait faite de me rendre M. Bazile, son fils et le sous-directeur. J'eus audience le lendemain de mon arrivee. Je fus bien etonne de trouver le roi dans des dispositions toutes contraires ; quelque ennemi de cet infortune directeur l'avait sans doute de nouveau desservi aupres de ce prince, qui ne voulait absolument plus le relächer. Je ne me deconcertai point des premiers refus.
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Je sollicitai avec toute l'ardeur et la force que le cas l'exigeait. Et enfin, apres avoir mis en usage toutes les expressions capables de toucher, je parvins heureusement ä le flechir. Et dans la crainte de quelques nouveaux incidents, je demandai ä retourner le lendemain avec M. Bazile, ce qui me fut accorde. » Je partis done d'Ardres le 17; ä une demi-lieue de lä, je trouvai M. Bazile, son fils, le sous-directeur et un autre officier du fort portugais ; ce premier sans culotte et les autres presque nus; il y avait 55 jours que M. Bazile etait dans une prison, traite comme le dernier des negres, et dans des transes continuelles ; on n'ouvrait pas une seule fois la porte de sa prison qu'il ne crut que e'etait pour lui couper la tete, et je puis dire avec certitude que cela lui serait arrive, si mon zele ardent ne l'eüt secouru. » Iis etaient ä peine reconnaissables ä force d'avoir souffert. Je fus si touche de les voir dans cet etat que je n'eus pas la force de dire une seule parole ; de leur cöte, ils ne s'exprimerent que par des larmes. Apres nous etre beaucoup embrasses, nous fimes route sous l'escorte de huit capitaines de guerre commandes par un general des armees du roi. » Nous arrivämes ici le merae jour. M. Bazile et ses compagnons furent mis chez Tegan, gouverneur de Gregoy, oü j'ai eu la liberte de les voir avec tous les officiers de ce fort, et de leur faire donner ä manger et leurs autres besoins. » Le 19, Tegan me fit dire qu'on allait faire passer M. Bazile et ceux qui etaient avec lui ä bord. Ce directeur m'envoya en meme temps prier de ne le point abandonner, qu'il craignait toujours que les negres ne lui fissent un mauvais parti. Je me transportai sur-le-champ avec quatre officiers ä la pree oü je trouvai Μ. Bazile plus mort que vivant. II etait au milieu de toutes les troupes qui nous avaient escortes d'Ardres ici, et l'on avait encore ajoute toutes celles du pays. Ma presence le rassura un peu ; joint ä ce que j'exigeai des chefs de ces negres, que ce seraient nos canotiers qui le passeraient. Effectivement, je les fis mettre tous les quatre dans notre pirogue, et nos canotiers les ont fait passer la barre et conduits ä bord du navire portugais le plus heureusement du monde. » J'ai fait rendre ä Μ. Bazile, tant en arrivant qu'ä son depart, tous les honneurs qui lui etaient dus. Le capitaine du navire sur lequel il passe compte aller en rade apres-demain et mettre la voile le jour suivant »30. Dans la lettre de commerce, ecrite le lendemain a la Compagnie, Levet rendait compte que : « II n'y a pas de doute que desormais nous ayons la preference de tout le commerce. Le capitaine portugais qui passe M. Bazile au Bresil ne cesse de dire qu'il n'a d'impatience d'y arriver que pour pröner le service que nous lui avons rendu, et que s'il en est cru, tous les navires qui viendront ici ne traiteront leur or contre des marchandises avec d'autres que nous. » Ce navire portugais qui porte M. Bazile au Bresil a fait toute sa traite en tabac, qui est ici d'une rarete extraordinaire et d'un prix excessif. » Dans une lettre suivante, le 25 fevrier 1744, il faisait savoir : « Le 9 septembre j'installai au fort portugais le nouveau directeur qui j usque-la, etait demeure en celui-ci, avec ceux de sa nation ; les honneurs que je lui fait rendre, et 25 canotiers que je lui ai fait restituer par le roi des Daho-
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mets, l'ont extremement satisfait, ainsi que les autres Portugals. Nous attendons sous peu des nouvelles du Bresil, qui nous apprendront comment Μ. Bazile y a ete re?u, et de quel ceil le vice-roi regardera ce qui s'est passe ici. »
P R O C E S E T MORT D E J O A O B A S I L I O ,
1743-1745
Joäo Basilio et le lieutenant Manuel Gon^alves furent done embarques ä Ouidah ä bord du San Miguel, Miguel ο Anjo, e Almas?1, et salues par le
fort fran^ais d'une salve de neuf coups, qui se renouvela le jour suivant, lorsque le navire quitta le port. De lä, ils suivirent la cöte avec des escales, pour Bahia, oü le 2 decembre, avant de debarquer, ils furent faits prisonniers par les autorites de la ville. Iis etaient inculpes d'avoir abandonne, avec une grande perte pour les finances du roi du Portugal, cette forteresse d'Ajuda, « en un lieu oil il s'etait depense plus de trente mille cruzados ». En outre, ils devaient repondre devant le tribunal militaire du crime de desertion. Le Provedor mor des Finances royales de l'fitat du Bresil32, le juge Manoel Antonio da Cunha Souto Mayor, qui poursuivait judiciairement le capitaine Joäo Basilio et le lieutenant Manoel Gon^alves, n'avait pris son poste que le 24 septembre 1743, la meme annee, soit depuis deux mois seulement. « II avait si peu de connaissance du lieu et des dependances de la Cöte de Mina, qu'il ne pouvait guere informer le roi du Portugal au sujet d'une decision d'une telle importance pour la Couronne et l'fitat, sauf en ce point, que ledit Joäo Basilio s'etait rendu desagreable au roi Daume.» A Lisbonne, le Procureur des Finances et de la Couronne ajoutait : « fitant donne que le directeur a perdu les bonnes gräces du roi Daume, il ne convient pas que ce directeur retourne ä cette forteresse, meme comme particulier, afin que le deplaisir de ce roi ne soit pas reveille. Quant au choix d'un nouveau directeur, il est toujours plus indique de le laisser au gre du vice-roi, car en cette Cour (de Lisbonne), on manque d'informations sur les qualites requises pour la personne ä nommer. » Ces prudents avis monterent ä la signature de Sa Majeste le 27 fevrier 1745. Tous les biens de Joäo Basilio33 et de Manoel Gongalves avaient ete mis sous sequestre sur l'ordre du Provedor mor des Finances; on avait meme saisi ä bord, des leur arrivee, jusqu'aux vetements contenus dans leurs bagages. « Joäo Basilio possedait a Bahia six negresses minas dans la maison de Guiomar Pereira, ä la ' Ladeira da Misericordia ', pour le maintien desquelles il se depensait une mensualite de dix patacas ou quatre mille reis. II avait de plus trois negres (ladinos) adaptes ä la vie de Bahia et deux negres (bocais) recemment importes. Les autres etaient restes ä la C6te de Mina. » Le comte das Galveas, vice-roi, touche par la misere dans laquelle etait plonge, injustement ä son avis, Joäo Basilio, tentait de remedier ä cette sitaution. Mais le Provedor mor ne voulait pas en tenir compte, pretendant que les livres de recettes et de depenses de la forteresse avaient ete detruits par l'incendie. 12
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II y avait en faveur de Joäo Basilio, les comptes envoyes par le R.P. Martinho Barboza : Soldes jusqu'au 24 juin, ipoque oü il 6tait encore ä la forteresse aux soldats R£gl6 aux ouvriers Dachas
1 548 314 reis 2 916 000 — 1 409 400 — 360 400 — 6 234 114 reis
Le vice-roi rendait compte ä Lisbonne34 qu'il avait ordonne au Provedor mor de declarer combien il avait entre ses mains de l'argent de la consignation des dix tostons, « pour qu'on paye ä Joäo Basilio, qui se trouve ici mourant de faim, ce qui lui est dü de sa solde jusqu'au moment oü il a ete oblige de s'embarquer pour cette ville par ordre du Roi Daome, parce qu'il n'y a aucune raison pour ne pas lui rendre cette justice apres qu'il a perdu tous ses biens au service de Sa Majeste ». Une enquete fut demandee par le roi le 26 octobre 1744. Le Conseil d'Outre-Mer, dans sa reunion du 29 octobre 174435, disait: « II nous semble que suivant les depositions des temoins de l'enquete ordonnee par le Provedor mor, il est etabli que les raisons pour lesquelles le roi Daume a expulse Joäo Basilio viennent en grande partie des soupijons qu'il a eus que le directeur se mettait en travers de ses affaires avec les capitaines Portugals et Strangers, en empechant de faire le commerce avec l'or, et que c'est aussi pour les soup^ons qu'il a eus que ledit directeur procurait des armes aux rois Chamba, Da Pe, et Popo ses ennemis, pour lui faire la guerre. » On ne peut imputer aucune faute au directeur Joäo Basilio, mais comme le vice-roi n'a pas rendu compte jusqu'ä present de la perte de ladite forteresse et de la nouvelle infraction du roitelet Daume, et moins encore s'il a accuse le directeur de quelque faute, par devant le Juge general du crime, le Conseil ordonne au vice-roi de l'informer sur l'une et l'autre chose, afin qu'apres avoir entendu son avis et aura ete completement informe, il puisse mettre sous les yeux de Votre Majeste ce qui sera le plus juste. » Le Conseil considerait aussi qu'il etait bon que le proces de Joäo Basilio füt fait ä Bahia, « non seulement parce que l'inculpe aura une defense plus rapide, mais pour que le chätiment, s'il est coupable, serve d'exemple aux directeurs qui lui succederont ». Le vice-roi avait pris sur lui « de faire regier une partie de la solde qui est due ä Joäo Basilio, et a obtenu de le sortir de prison pour le laisser se soigner dans la maison de son fils Antonio Basilio, dans le quartier de Palma39. II a ete sur le point, ses biens etant sous sequestre du Provedor mor, de voir ses deux fils mulätres vendus aux encheres comme esclaves, et ceci apres tant d'annees de bons et loyaux services ä la Cöte de Mina »S7. Le Conseil d'Outre-Mer, dans une consultation du 15 decembre 1744, avisait le roi que,«voyant ce qui est resulte de l'enquete, que le Conseiller Juge General du Crime a menee par ordre du Roi au sujet de la conduite du directeur Joäo Basilio, il a semble au Conseil qu'en ce qui concerne
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le directeur, il a ete justement accuse, parce que d'aprös ce qu'ont jure les temoins de ladite enquete, il est bien prouve que l'amitie et le commerce qu'il y a entre les negres ennemis du Daume et le directeur et les autres officiers de la forteresse ont ete la principale cause de sa ruine, et dans cette certitude pensent qu'il faudra ordonner que ledit Joäo Basilio conserve sa liberie, et que le sequestre qui s'est fait sur ses biens reste en vigueur. Sequestre auquel appartiennent egalement les soldes echues, que le comte vice-roi declare lui avoir fait remettre, mais la grande necessite et la pauvrete de l'inculpe justiüent la pitie du vice-roi, et le font quitte de l'obligation de la restitution qu'il aurait du faire de ces soldes »88. Le 29 mars 1745, le comte das Galveas, excede par toutes ces formalites et ces pertes de temps, ecrivait:« Je dirai seulement ä Votre Majeste qu'entre temps, le directeur Joäo Basilio est mort, le 8 mai dernier39, et comme ses biens avaient ete sequestres, il lui est seulement reste deux fils pour £tre heritiers des disgraces de leur pere, et je remarque que rien n'a ete fait pour regier leurs comptes, l'execution des sequestres s'etant faite si promptement qu'il ne leur reste rien dont ils se puissent soutenir. Cette question comporte en soi des consequences tres graves, non tellement au sujet des biens de ces pauvres enfants, mais beaucoup plus pour le service de Votre Majeste, parce que, ne pas rembourser ce qui a ete depense au benefice de la forteresse, et les frais qui ont ete faits par le directeur Joäo Basilio pour l'entretien des soldats, a pour consequence qu'on ne peut esperer trouver quelqu'un qui veuille servir dans cet emploi. Aussi me semble-t-il utile que Votre Majeste ordonne au Provedor mor qu'il a juste tout de suite ces comptes et qu'il fasse payer avec justice ce qui est du ä chacun.» La lutte entre le vice-roi et le Provedor mor continuait40. Nouvelle depeche du vice-roi le 9 septembre 1746. « Tenant compte de la grande lenteur et de la negligence dans le reglement des comptes, apres la mort de Joäo Basilio, j'ai donne l'ordre au Provedor mor qu'il fasse conclure sans le moindre retard, tant pour l'avantage des finances royales que pour celui des interesses ä l'heritage du meme directeur. Pour les payements relatifs aux depenses faites pour la reedification de la forteresse, le meme Provedor mor a oppose tant de doutes et les a renforces de tant de repliques, toutes tellement inconsistantes, que j'ai ete oblige de lui ordonner positivement d'executer, sans embargo, mon ordre. » En fait, en 1756, cette question n'etait pas encore reglee. Ainsi que le prevoyait le comte das Galveas, la succession au poste de directeur de la forteresse n'allait pas etre facile ä regier et allait rester tres longtemps sans solution. Le vice-roi ecrivait plus tard41 : « II parait necessaire que Votre Majeste nomme un nouveau directeur pour remplacer Joäo Basilio, parce que je ne trouve pour le moment ici aucune personne qui possede les qualites necessaires pour ce poste. »
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LE R E V E R E N D PERE MARTINHO DA C U N H A
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BARBOZA,
DIRECTEUR D U FORT, 1743-1746
Le Conseil d'Outre-Mer ä Lisbonne constatait, le 29 octobre 174442 : « L e roi Daume a fait venir le pretre de la forteresse et lui a ordonne de rester comme directeur jusqu'ä ce qu'un autre soit envoye. On a demande un pavilion portugais au capitaine d'une galere de cette nation pour le hisser sur les ruines de la forteresse. II semble au Conseil que, tant que Votre Majeste n'aura pas pris de resolution, il faudra paraitre ignorer (user de ' dissimulation ') que cette forteresse-factorerie est dirigee par le Pere aumönier, sans approuver ni dedaigner le fait qu'il en avait ete charge par ledit roitelet Daume. » Le vice-roi faisait savoir k Lisbonne43 qu'il avait regu des nouvelles du R.P. Martinho da Cunha Barboza, qui servait non seulement de vicaire, mais aussi de gouverneur de la forteresse d'Ajuda. « Le roi Daume, avec des negres, concourt ä sa reedification. Le directeur fran^ais aide en tout ce qui est necessaire avec des demonstrations dignes de remerciements, recevant avec l'artillerie de sa forteresse les salves de nos embarcations quand elles entrent et sortent de cette rade, et autres amabilites ä la nation portugaise. » Le traitement inhumain inflige ä Joäo Basilio ä son retour au Bresil, son proces fait ä Bahia, suivi d'un injuste chätiment, produisaient les effets prevus et le vice-roi ne trouvait personne ä envoyer ä Ajuda. Seul Joseph Roiz da Silva avait sollicite ce poste44. Dans une supplique envoyee directement ä Lisbonne, en 1745, il rappelait : « Par une patente du vice-roi, le suppliant a ete pourvu du poste de directeur de la forteresse de Jaquin, dont il a pris possession le 20 mars 1735. II a servi sans solde jusqu'ä l'annee 1738, et a passe ensuite deux ans ä la forteresse d'Ajuda en attendant de voir s'ameliorer la situation a Jaquin. » II ne parlait ni de son retour force ä Bahia, ni de son proces, ni du verdict du 16 aoüt 1743 qui, seulement deux ans plus töt, lui interdisait le retour ä la C6te de Mina. II signalait la destruction de la forteresse en 1743 par le roi Daome, et supposait que le meme roi l'avait fait reparer. « II a su que le poste etait libre par la mort de Joäo Basilio, et comme le vice-roi de cet £ tat n'a nomme personne, peut-etre pour n'avoir pas rencontre quelqu'un capable de remplir cet emploi, bien que Votre Majeste lui en ait concede la faculte, et etant certain qu'il est tres utile au service de Votre Majeste, que, rapidement, soit nommee pour ce poste une personne qui ait l'experience, non seulement de ce pays et du caractere desdits rois et autres potentate, pour les garder dans des sentiments amicaux avec nous, mais aussi pour faire avancer l'edification de la forteresse, sans laquelle on ne peut maintenir le respect du ä cette Couronne ä cette Cöte, et comme en la personne du suppliant sont reunies toutes les conditions necessaires pour qu'il soit charge dudit poste, parce qu'il en a exerce un semblable ä la factorerie de Jaquin, et a demontre son grand zele et les bonnes relations qu'il a avec ces barbares, et parce qu'il sait la forme dans laquelle il faut les traiter, ce qui est une des choses essentielles pour qu'ils soient nos amis, et consequemment pour les interets de notre nation et du service royal, et comme le
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suppliant a une connaissance complete de ces pays et est dejä accoutume ä un si mauvais climat, toutes circonstances qu'on aurait grand mal ä rencontrer en quelque autre personne... » Mais on n'avait pas oublie les conspirations contre Joäo Basilio en 1739 et sa recente condamnation, conjointement avec Francisco Nunes, ä rester eloigne de la Cöte de Mina. Sa supplique ne fut pas favorablement accueillie. Le R.P. Martinho da Cunha Barboza resta done ä la tete de la factorerie. La vie au fort se poursuivit sous sa direction dans une tranquillite relative, tout juste emaillee par de petits incidents domestiques. II s'etait un peu dispute avec le capitaine Felix Jose de Gouvea45 au sujet de canots et de canotiers du chateau Säo Jorge da Mina, amenes par le capitaine. Celui-ci n'etait-il pas arrive en rade d'Ajuda le 12 octobre, ä bord du navire Bom Jesus de Vila Nova qu'il commandait, negligeant de saluer la forteresse d'une salve de cinq coups de canon suivant l'usage ? Cette querelle ne les empecha pas d'aller de compagnie le 25 suivant, pour assister ä la celebration des « coutumes » que le roi faisait pour ses ancetres. Le capitaine Francisco Henrique de Moraes, commandant la galere Nossa Senhora da Penha Franga e da Boa Hora, qui etait en traite depuis le 1 e r septembre, remplacjait momentanement le directeur. Le Reverend Pere eut aussi maille ä partir avec le petit personnel de la forteresse. II n'approuvait pas la vie scandaleuse de Joäo Louren^o, tambour canonnier et instrueteur de soldats negres, et il etait decide ä le faire rembarquer pour Bahia : « Qu'il aille done s'y distraire avec sa femme, puisqu'il est marie 1 » Lourencjo preferait celles d'Ajuda et demandait protection aux cabecaires du Daome. Le roi, somme par le Reverend Pere d'ordonner son renvoi, ainsi que celui de quelques autres vauriens dont le fort etait encombre, se recusait, craignant que ce ne füt le signe d'un prochain abandon du fort ordonne par Sa Majeste du Portugal.
FRANCISCO N U N E S PEREIRA s'EMPARE DE LA DIRECTION D U FORT
Le R.P. da Cunha Barboza mourut le 17 mai 1746, et le roi du Dahomey le fit remplacer deux jours apres par Francisco Nun^s Pereira, revenu ä la Cöte de Mina, malgre l'interdiction qui lui en avait ete faite par les tribunaux de Bahia moins de trois ans auparavant. Cette initiative du roi du Dahomey provoqua une vive irritation parmi les Portugals et les ressortissants des autres nations europeennes. L e meme roi avait pourtant nomme k ce poste le R.P. Martinho da Cunha Barboza, etablissant ainsi un precedent, sans provoquer de reaction. La politique de«dissimulation»du Conseil d'Outre-Mer etait done en partie responsable de la situation qui se developpait. Ces gens etaient particulierement irrites parce qu'ils accusaient Francisco Nunes d'avoir fait sa soumission au roi du Dahomey, et le soup^onnaient d'etre son conseiller. II etait considere par les autres Blancs residant a la Cöte de Mina comme un veritable renegat. Le directeur du fort fran^ais, Jacques Levet, exprime clairement ces
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sentiments dans les rapports qu'il envoyait ä sa compagnie 46 du fort Saint-Louis de Gregoy, le 13 octobre 1746 : « Depuis le premier fevrier, oil j'ai eu l'honneur d'ecrire ä la compagnie par voie du Bresil, ce pays, ainsi que le commerce, sont toujours dans la meme situation, c'est-ä-dire si triste pour nous, qu'il ne parait pas possible qu'elle puisse empirer davantage. » Un Portugals nomme Francisco Nunes, scelerat de profession, qui fut chasse de ce pays il y a environ dix ans pour plusieurs crimes, et entre autres pour avoir voulu faire enlever M. Basilio, alors directeur du fort Portugals, et s'emparer de sa place, est revenu furtivement ici au mois de fevrier dernier, oü il a trouve l'occasion d'exercer ses talents. Son debut a ete de proposer au roi des Daomets l'enlevement de Μ. Martinho de Cunha Barboza, et de se faire nommer ä sa place de directeur du fort Portugals. Mais la mort qui enleva ce directeur le 18 mars, lui epargna cette disgrace. Francisco Nunes qui etait pour lors pres du roi, en partit sur-le-champ ä cette nouvelle et vint s'emparer du fort portugais en qualite de directeur, nomme par ce prince, et le meme jour il m'envoya un domestique pour me faire part de son elevation et me demander l'heure de ma commodite pour me faire sa visite. J e repondis que quand le roi du Portugal, ou quelqu'un de cette nation, aurait nomme un directeur, et commandant, pour remplacer celui qui venait de mourir, je me ferais un veritable plaisir de le recevoir et de lui rendre tous les honneurs, mais que je n'en reconnaissais point de la part du roi des Dahomets, qui n'avait aucun droit de nommer ä de semblables places. » Le lendemain, j'expediai un courrier ä ce prince, pour lui representer le tort qu'il faisait a toutes les nations de s'approprier ainsi un droit qui n'appartenait qu'aux Blancs, et que d'en user de la sorte, c'etait le moyen de perdre entierement le commerce de son pays, et en eloigner toutes les nations qui ne voudraient plus y rester, apres l'atteinte qu'il venait de donner ä leurs droits naturels. » L a reponse que je re^us de Dada fut des plus satisfaisantes, me laissant le maitre, conjointement avec les capitaines portugais qui etaient ici, de nommer telle personne que nous jugerions ä propos pour remplir la place vacante de directeur jusqu'ä ce que Sa Majeste portugaise, ou le vice-roi du Bresil, en eussent autrement ordonne. » Au moyen de cette juste liberte, les capitaines portugais s'assemblerent en ce fort pour deliberer sur le choix d'un sujet, et le fixerent dans la personne du R.P. Frey Francisco do Espirito Santo, religieux de Saint-Augustin, qui fut generalement approuve de tout le monde, et afin d'eviter tous ses actes violents, et tumultueux, nous primes le temps que Francisco Nunes etait retourne pres du roi des Dahomets, pour installer et faire reconnaitre le nouveau directeur du fort portugais, ce qui fut execute le 6 avril, avec une allegresse universelle; cette ceremonie se fit en presence de toutes les nations. Et Dada, pour improuver plus hautement le procede de Francisco Nunes qu'il desavouait en tout, envoya ordre ä son gouverneur de Gregoy et ä tous les negres d'y assister. » Jacques Levet ecrivait au vice-roi, le 29 mai 174647, pour le tenir au courant des derniers evenements arrives au fort portugais et de l'heureuse conclusion de toutes ces demarches faites en compagnie des capitaines
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portugais en traite ä Ajuda, Manoel Ferreira de Oliveira, et Manoel Gon^alvez Lima, et terminait tres noblement sa missive en declarant : « Avec l'election du R.P. Francisco do Espirito Santo, religieux de SaintAugustin, dont les bonnes mceurs et la bonne conduite pouvaient servir d'exemple au plus honnete sujet, les coeurs s'etaient autant dilates de joie qu'ils s'etaient contractes de tristesse avec l'injuste pretention de Francisco Nunes. » Le R.P. Francisco do Espirito Santo48 accepta et se transporta au fort le 6 avril, dans l'attente des ordres du vice-roi. II etait venu avec l'intention d'aller ä la Mission de San Thome, oü il etait dejä alle, car il etait venu du royaume en compagnie de l'eveque. Commengant sa täche de directeur de la factorerie, il envoyait des renseignements sur les mouvements des navires negriers. « Ce vaisseau part pour cette ville (de Bahia) Dieu soit loue, ayant fait de bonnes affaires; son proprietaire est Jose Francisco da Cruz; un autre navire dont le proprietaire est Domingo Francisco Pacheco, est sur le point de partir. Au port de Apa se trouve le navire d'Andre Marquez, je n'ai pas de nouvelles de son commerce. » Le Reverend Pere ne resta cependant que vingt-huit jours ä la tete de la forteresse-factorerie. Jacques Levet, continuant sa lettre, disait: « Cette action d'equite de la part du roi nous donna d'autant plus de satisfaction que nous n'y etions point accoutumes, et nous le fit d'abord envisager comme un souverain oü la justice peut trouver acces, et dans ces sentiments nous rappelant les tristes evenements passes, nous en imputions charitablement la faute aux pauvres malheureux qui en avaient ete victimes, nous persuadant veritablement qu'ils etaient dans leur tort, et que la seule fa^on de s'y prendre etait capable de ramener ce prince aux droits de la raison ; il y avait dejä pres d'un mois que nous nous bercions de ces idees lorsque le 4 mai, le R.P. Frey Francisco du Saint-Esprit fut arrete chez le gouverneur de Gregoy, oil il avait ete attire sous pretexte de commerce. » Les Portugais ajoutaient49 : « II y fut garde prisonnier neuf jours, et de lä il fut embarque sur l'ordre du roi Daome, qui envoya de nouveau Francisco Nunes Pereira diriger le meme fort, reconnaissant des nombreuses et grandes dachas qu'il lui avait donnees, ainsi qu'ä ses conseillers. » Considerant ce mauvais exemple et le peu de parole de ce roi, nous avons eu de nouveau recours ä lui par l'intermediaire de Jacques Levet, gouverneur du fort fran^ais, qui fut en personne delegue par toutes les nations, pour parier au roi Daome pour que le R.P. Frey Francisco do Espirito Santo soit maintenu ä son poste. Mais comme le roi etait l'oblige de Francisco Nunes, ä cause de toutes les dachas revues, il ne voulut pas revenir sur sa decision. » Jacques Levet contait ainsi son entrevue : « Je partis le 7 mai pour Tota oü etait actuellement le roi. Dans l'audience que j'en eus le jour apres mon arrivee, je me plaignis beaucoup de ses violences envers toutes les nations et en particulier de celles qui venaient d'etre exercees en la personne du directeur portugais que l'on venait de supplanter par un affront des plus marques, pour mettre ä sa place un homme sans aveu, reconnu pour etre le plus grand scelerat de la terre. Je lui representais le tort qu'une telle conduite pourrait faire ä sa reputation, dans l'esprit des rois de
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France et d'Angleterre, et de Portugal; enfin je lui exposai toutes les raisons qui me parurent les plus propres et les plus fortes ä pouvoir le ramener ä l'equite, sans en pouvoir rien obtenir, et par le peu de soin qu'il prit de colorer son injustice, j'entrevis clairement qu'il m'avait joue, et qu'il ne s'etait servi de mon entremise dans la nomination du directeur portugais que pour vendre plus cherement cette place ä Francisco Nunes. » Le roi, non content de sa perfidie, voulut encore m'y associer, et m'engager de liens d'amitie avec son brigand, qu'il voulut faire appeler expres pour cela. L'indignation que je lui marquai pour une pareille bassesse lui fit connaitre tout le mepris que j'en faisais. Je me contentai de lui repondre que tout ce que je pouvais faire pour l'obliger, etait de ne point l'inquieter dans son usurpation, et de le laisser jouir de ses crimes, puisqu'il lui plaisait de l'y proteger, mais que si jamais il avait la hardiesse de se presenter au fort frangais, je le ferais amarrer sur un canon, et lui ferais donner deux cents coups de fouet. Le roi me regardant fixement, me dit que je lui parlais bien haut; pas encore assez, lui repliquai-je, puisque c'est ta propre cause que je plaide. Ainsi finit l'audience qui me servit de conge. » Dada fit partir Francois Nunes un jour avant moi, et aussitöt son arrivee au fort portugais, le gouverneur de Gregoy fit embarquer le pauvre R.P. Francisco do Espirito Santo. » Expedie de force ä San Thome par ordre du roi du Dahomey, il s'y retrouva en compagnie de l'eveque, au lieu oü il avait ete envoye par les superieurs de son ordre60. II semblait avoir pris goüt ä son ephemere fonction de directeur de forteresse, car de San Thome il ecrivait au vice-roi, le 6 juillet 1746 : « Je me tiens ici ä votre disposition, attendant toujours les ordres de Yotre Excellence, pret ä lui obeir. Francisco Nunes Pereira a donne beaucoup de dachas aux negres du pays pour qu'ils l'installent au fort. II donnerait jusqu'ä la propre chemise qu'il a sur le corps pour que le roi Daome le laisse ä la forteresse, et c'est une chance que le roi n'ait pas ' mange ' les dachas que j'avais l'intention de lui donner et avais deja en mon pouvoir. J'ai rendu le tout au gouverneur francjais, Jacob Olivete. » Ledit gouverneur Jacques Levet ecrivait une deuxieme lettre au viceroi ä Bahia pour lui faire part des evenements desagreables qui avaient eu lieu ä Ajuda et lui signaler : « Le roi des Daomets reconnait que Francisco Nunes est un mauvais homme, tenu et connu pour tel dans ce pays ; il ne le laissera comme commandant de ce fort que j usque quand Sa Majeste du Portugal ou Votre Excellence en enverra un autre. » Enfin, terminant le long rapport dejä cite, Levet ecrivait ä la Compagnie « que le 3 octobre, il vint ici un messager de la part du roi des Daomets, qui me fut presente par le gouverneur de Gregoy. Je ne me serais jamais attendu que le sujet de cette mission eüt eu pour ob jet l'aveu sincere ou dissimule que ce prince m'envoyait faire, du tort qu'il reconnaissait avoir eu envers moi, lorsque contre mon gre, et les sages conseils que je lui avais donnes, il avait fait mettre Francois Nunes dans une place qu'il reconnaissait presentement etre indigne de remplir, et que pour marquer combien il etait content de la verite qu'il avait toujours trouvee dans tout ce que je lui avais dit, qu'il me priait d'accepter une negresse qu'il m'envoyait en present. Pour ne
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pas etre en reste du present que Dada m'avait fait, je lui en envoyai un qui valait beaucoup mieux que le sien ». Mais ce n'avait pas ete de bonne politique que de « parier bien haut» au roi des Dahomets et de le tutoyer comme l'avait fait Levet; et l'interpretation qu'il donnait au cadeau d'une negresse par le meme roi etait trop optimiste car, peu de temps apres, il fut expulse ä son tour. Le vice-roi ecrivait le 8 mars 1748 ä Lisbonne51 : « Le directeur frangais fut saisi sur l'ordre du roitelet Dahome, alors qu'il allait se promenant ä peu de distance de sa forteresse, lui attachant les mains et lui passant une corde au cou, ils le conduisirent ä la place oil se trouvait une de nos embarcations (portugaise), et apres l'avoir laisse ligote toute la nuit, ils l'obligerent ä s'embarquer le lendemain matin ä bord du navire qui l'a conduit ä ce port de Bahia. » Le vice-roi conclut avec philosophie : « De lä on peut voir que ce ne sont pas seulement les Portugals qu'on insulte. Ce directeur est un homme de bon sens et tres capable. II soup?onne que cette violence a ete tramee par un Francis qui se trouvait dans la meme forteresse, par interet et esperance de devenir directeur. De toutes parts il y a des hommes semblables ä Francisco Nunes. On ne peut douter que la violence ä laquelle ont travaille ces negres ne soit en tous points semblable ä Celle qu'ils ont pratiquee envers notre directeur Joäo Basilio. »
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Avant de quitter son poste d'aussi desagreable maniere, M. Levet avait eu encore le temps de rendre un dernier service aux Portugals, en les aidant ä se saisir de Francisco Nunes Pereira. Le vice-roi avait consciencieusement repondu aux deux lettres de Levet52. Dans la premiere, ecrite le 1 er aoüt 1746, apres les remerciements d'usage, il laissait eclater ses sentiments au sujet de Francisco Nunes : « Cet homme indigne, pour avoir conspire contre son Roi et contre sa Patrie et les interets de sa Nation, sera toujours abominable dans la memoire des hommes, ä supposer que pour un etre aussi indigne et vil que lui, le souvenir de la posterite puisse lui faire la moindre impression, quand il n'a pas eu la vergogne de s'abstenir de se precipiter ä faire des choses absurdes et que, d'apres toutes les lois, il s'est rendu coupable et traitre ä son Prince et Seigneur naturel, et il serait indispensable de chercher toutes les fa^ons possibles pour capturer ce monstre d'infidelite et le remettre avec toute la securite possible au Bresil. » Dans la deuxieme, ecrite le 2 septembre 174663 : « Cette affaire a pris de telles proportions qu'il m'a semble indispensable de nommer un nouveau directeur commandant pour gouverner le fort portugais ; quoique le roi des Daomets vous ait promis qu'aussitöt qu'il arriverait, il lui en donnerait la possession, nous ne devons pas avoir confiance dans les paroles d'un homme qui n'a jamais su la garder ; il y a des occasions oil il est necessaire, precis et convenient d'user de dissimulation, pour ne lui donner aucun
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motif qui soit pretexte ä commettre un attentat plus grand que celui dejä experimente. » Vous connaitrez le directeur que j'envoie, quand il vous enverra cette lettre, avec laquelle je remets un message au roi de Daomet. Vous confererez avec le nouveau directeur sur la maniere et le temps de la lui presenter. » Dans les instructions que je lui donne, je lui recommande surtout d'observer inviolablement, quand il arrivera en ce port, le secret avec lequel il part d'ici, de sorte qu'aussitöt qu'il descendra ä terre, sans se faire connaitre d'aucune personne, il aille droit chez vous, et vous communiquant les ordres qu'il a, propose et conclue avec vous les moyens qui se jugeront les plus avantageux et les mieux indiques pour reussir avec succes en une affaire si importante, dans laquelle, non seulement est interessee la nation portugaise, mais toutes les autres qui habitent ce pays-lä, parce que si nous laissons faire ces attentats sans qu'on applique quelque remede, ceci pourrait etre un exemple pernicieux qui donnerait occasion au roi des Dahomets de disposer des forts des autres nations ä son gre, et d'y placer qui il voudrait de son choix pour les commander et gouverner, et ce serait comme s'il en etait le maitre. » Le vice-roi, le 14 septembre 174654, donnait un compte rendu detoute cette affaire ä Lisbonne : « J'ai choisi Felix Jose de Gouvea comme directeur de cette factorerie. II y a plus de dix-huit ans qu'il navigue ä la Cöte de Mina comme capitaine de navires appartenant au commerce de cet fitat, pour l'entiere satisfaction de tous ceux qui lui ont confie leurs capitaux et leurs cargaisons65. II en a recolte du credit et du capital, et en plus de ceci, il a vecu quelques annees ä cette C6te, oü il a acquis une grande pratique et une solide experience de la fagon et des principes suivant lesquels on fait le commerce dans ce pays ; il a traite de nombreuses fois avec les rois Dogmes, et avec les principaux cabecaires, de sorte que rien ne sera nouveau pour lui lorsqu'il commencera ä exercer l'emploi de directeur que je lui ai confie, non sans avoir eu beaucoup de peine pour surmonter la repugnance qu'il montrait ä l'accepter. » Car tous les hommes sur lesquels on pourrait jeter les yeux pour le poste de directeur se souviennent de ce qui est arrive ä Joäo Basilio, qui apres avoir servi Votre Majeste de nombreuses annees, pour le plus grand credit et la splendeur de la Nation, et conquis le respect de tous et 1'autorite parmi les autres, est mort en prison pour un incident totalement fortuit et accidentel; tous ses biens lui avaient ete sequestres, et de plus ses deux fils ont risque quelques heures apres d'etre vendus aux ench£res publiques, et aujourd'hui ils vivent d'aumönes avec lesquelles quelques personnes qui les connaissent leur portent secours, alors que, me dit leur fonde de pouvoir, il leur est du des soldes echues et des biens qui leur ont ete sequestres, plus de 13 000 cruzados. » Tout ceci inspire une telle horreur et fait une telle impression sur l'esprit des gens, qu'ils se refusent tous ä accepter cet emploi, de crainte qu'il ne puisse leur arriver le meme malheur qu'ä Joäo Basilio. » Les instructions donnees ä Felix Jose de Gouvea etaient les memes que celles qui etaient indiquees ä Jacques Levet, et comportaient de plus des recommandations au sujet du roi et des Portugals vivant ä la cöte.
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Pour le premier : « La plus grande prudence lui est recommandee dans la fa?on de traiter avec le roi de Gome et ses principaux generaux et conseillers. Comme ils sont ä la fois barbares et puissants en leur pays, il n'y a aucun moyen de reprimer ou de moderer leur insolence, en raison de leur susceptibilite; l'unique remede est de les prevoir et d'eviter les occasions de conflit en ne se melant pas de leurs interets, de leurs desordres et de leurs guerres. » Pour les seconds : « II ne doit autoriser en aucune fa^on des personnes appartenant ä la nation portugaise ä habiter parmi les negres du pays qui vivent dans la sauvagerie, sinon ils deviendront comme eux. Seuls quelques commergants pourront resider lä, a cause de leur negoce avec eux, mais seulement pour le temps necessaire ä leur commerce. II en est de meme pour ceux que la necessite du service de la forteresse-factorerie appellerait lä. Quant aux vagabonds, criminels et deserteurs des embarcations, il faudra les faire prendre et envoyer au Bresil. » Arrivant ä la cöte56, le capitaine Felix Jose de Gouvea prit toutes les precautions recommandees. De Popo oü il arriva, il envoya un oflicier habile comme emissaire, pour remettre la lettre du vice-roi ä Jacques Levet. Celui-ci fit comprendre au Daome que le gouvernement le considerait comme responsable de la sedition de Francisco Nunes et exigeait satisfaction : tout d'abord, la livraison du seditieux. Dans le cas contraire, Gouvea avait l'ordre de faire lever l'ancre ä tous les navires portugais, de les envoyer au port d'Apa et d'y eriger une nouvelle forteresse, abandonnant pour toujours celle d'Ajuda. Gouvea re$ut la visite de Levet ä bord ; celui-ci lui conseilla de ne pas debarquer avant d'avoir reussi ä se faire remettre Francisco Nunes. Le capitaine portugais negocia ainsi avec les gens du Daome. Ceux-ci insistaient pour qu'il debarque, car ils devaient aller ä Allada consulter le roi; mais avec un peu d'insistance ils consentirent a effectuer la livraison de Francisco Nunes sous la responsabilite de Levet. Felix Jose de Gouvea debarqua et le prisonnier fut envoye ä Bahia.
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Aussitöt arrive57, « Francisco Nunes Pereira fut mis ä la prison de cette ville. Ordre fut donne au Juge General du Crime de faire une enquete, et le resultat envoye ä Lisbonne pour que le roi fasse examiner la faute de l'inculpe. Une decision rapide devait etre prise, car le vice-roi (comte das Galveas) etant sur le point de retourner au royaume, craignait qu'aussitöt parti, Francisco Nunes ne reussisse ä se faire liberer dans les quatre jours comme la chose s'etait passee autrefois ». Le proces trainait cependant en longueur et quand le comte das Galveas transmit son poste ä son successeur le 16 decembre 1749, il confera avec le nouveau vice-roi, Luis Pedro Peregrino de Carvalho de Meneses e Ataide, conde de Atouguia. Des instructions particulieres avaient ete enfin envoyees de Lisbonne le 16 aoüt 1749, ordonnant : « Dans la limite necessaire et indispensable de deux mois, Francisco Nunes Pereira doit etre juge ; il convient de nommer les juges les plus integres qu'il y ait dans
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ce tribunal. S'ils decidaient de lui infliger l'ultime chätiment et le condamnaient, la sentence serait accomplie. II faudrait faire de meme pour une condamnation tres grave, mais si la sentence etait plus douce, eile ne devrait pas etre executee sans qu'on en rendit compte ä Sa Majeste. » Conformement aux instructions regues, le nouveau vice-roi repondait, le 13 mars 1750 : « Pour crime de sedition, l'inculpe a ete condamne ä la deportation ä vie au bagne de Benguela, avec peine de mort s'il en sortait, et tous ses biens confisques au profit des Finances royales, et il devra etre de plus fouette en public, avec hart et ban » (com barago e pregäo).
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FAGILEMENT
Francisco Nunes etait chätie, mais il etait plus difficile de faire payer son offense au roi des « Dahomets ». Un echange de depeches avait lieu entre Lisbonne et Bahia ä ce sujet58 ; le secretaire d'ßtat ecrivait le 25 juillet 1747 : « Quant au roitelet, il serait juste qu'il subisse egalement quelque chätiment, qui l'oblige ä avoir plus d'attention et de respect pour la Nation (portugaise), parce que de semblables gens sont plus sensibles ä la crainte qu'ä la raison, et avec la tolerance et la discretion se font plus insolents. Cependant en cela, seule la prudence de Votre Excellence peut trouver les mesures justes et, dans cette certitude, Sa Majeste laisse ä votre arbitre de faire ce qu'elle jugera le plus indique. » Le vice-roi repondait le 8 octobre de la meme annee59 : « Les negres d'Ajuda sont de jour en jour plus insolents et plus grands voleurs, ne gardent leur foi ni leur parole, et on ne peut douter que leurs vols et leurs insultes accompagneront toujours leur ambition et leur barbarie, et iront toujours en augmentant. » Finalement, ce roitelet, apres s'etre rendu maitre des ports de Jaquin et Ape, se gouverne seulement par ce qui inspire son äme barbare et feroce, de sorte que les forteresses des Fran^ais et des Anglais vivent dans un etat de grande consternation, et se considerent comme exposees ä quelque soudaine insulte qu'elles ne pourront eviter, et la nötre l'est plus encore, comme eile se trouve quasi completement demolie et en ruines. Cependant, comme ce barbare ne laisse d'etre averti en tout ce qui regarde son interet, l'ambition qui l'incite au vol et ä la violence, l'empeche egalement de nous faire trop de mal, parce qu'il craint qu'il lui manque la matiere pour pouvoir continuer ä le faire ; quand de plus, l'experience lui montre que la reserve de commerce que font les Portugals a ses ports, aucune autre nation ne l'a, parce que les Frantjais et les Anglais, depuis que l'Europe est dans cet etat de trouble, n'ont que de rares bateaux qui viennent traiter ä cette cöte, et que meme s'ils le faisaient, ils ne pourraient amener du tabac, qui est la denree la plus estimee de ces negres. Mais la difficulte est dans la fagon et dans le chemin ä suivre pour que, sans porter prejudice ä l'extraction des esclaves, qui nous sont tellement necessaires pour les travaux du Bresil, il soit possible de chätier le barbare Daome, et lui faire connaitre que sans notre commerce il ne peut subsister. » Deux ans plus tard, le 25 octobre 174960, reponse etait envoyee au vice-roi : le roi lui signifiait que, par resolution du 16 aoüt 1749, prise
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en consultation de son Conseil d'Outre-Mer, il devait conferer avec le viceroi son predecesseur, et donner avis sur cette affaire. Ce ä quoi le comte de Atouguia ne pouvait faire que remarquer, dans sa reponse du 13 mars 1750, qu'il n'y avait aucun moyen d'intimider les negres de ce pays. « II ne manque pas d'autres ports ä cette cöte, mais tenter d'y faire le commerce ne servirait qu'ä experimenter les memes inconvenients, insultes et incivilites de roitelets semblables. » Une ambassade de bonne volonte fut envoyee par le roi du Dahomey ä cette epoque pour tenter de renouer des relations commerciales plus etroites entre son royaume et Bahia. Un compte rendu de cette demarche est donne plus loin.
LUIZ GOELHO D E BRITO, D I R E C T E U R
DU
FORT,
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Le vice-roi rendait compte, le 29 juin 1751β1, qu'il avait regu une lettre de Felix Jose de Gouvea, donnant sa demission de directeur de la forteresse d'Ajuda et demandant un successeur. II lui avait done paru qu'il convenait de faire le necessaire, d'apres l'exemple des vice-rois ses predecesseurs, et il avait nomme Luiz Coelho de Brito, qui lui paraissait posseder les qualites requises. Ayant aeeepte, celui-ci s'embarqua sur le navire dans lequel repartaient les ambassadeurs du « Daome »62. Le vice-roi lui avait bien recommande de s'efforcer de decider ce potentat ä executer de fa^on satisfaisante les termes de la reponse qu'il avait donnee aux messagers, « pour que de cette fa^on il n'y eüt pas l'occasion de suspendre le commerce qui etait si necessaire pour cet Etat du Bresil ». Luiz Coelho de Brito et les ambassadeurs du roi du Dahomey partirent pour la Cöte sous-le-Vent de Mina le 12 avril 1751 ä bord du Bom Jesus d'Alem e Nossa Senhora da Esperanga commande par le capitaine Mathias Barboza. La carriere du nouveau directeur du fort de Ouidah fut breve. Une depeche du vice-roi, adressee le 10 juillet 1752 au secretaire d'Etat 63 , lui apprenait la mort du directeur ä Ouidah, « en consequence des fatigues du voyage qu'il a fait ä quarante lieues ä l'interieur du pays pour aller presenter ses compliments au ' Daome ' (roi du Dahomey) ä sa cour. La nouvelle lui a ete communiquee par le lieutenant Theodozio Roiz da Costa. Le directeur a ete si bien re