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EXPLORATION ARCHÉOLOGIQUE DE DÉLOS
XLIV
Le Sanctuaire d’Apollon à Délos sous la direction de Roland ÉTIENNE Tome I. Architecture, topographie, histoire
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Le Sanctuaire d’Apollon à Délos
Tome I Architecture, topographie, histoire
ÉCOLE FRANÇAISE D’ATHÈNES
Directeur des publications : Alexandre Farnoux Responsable des publications : Géraldine Hue, puis Bertrand Grandsagne
Le Sanctuaire d’Apollon à Délos. Tome I. Architecture, topographie, histoire / sous la direction de Roland Étienne ; Jean Pierre Braun, Thomas Brisart, Laure Chevalier, Laurent Costa, Stéphane Desruelles, Roland Étienne, Claire Hasenohr, Frédéric Herbin, Sandrine Huber, Enora Le Quéré, Francis Prost, Manuela Wurch-Kozelj. Athènes ; École française d'Athènes, 2018 (Exploration archéologique de Délos ; XLIV) ISBN 978-2-86958-304-7 1.
Temples – Grèce – Délos (Grèce ; île)
2.
Architecture antique – Grèce – Délos (Grèce; île)
3.
Fouilles archéologiques – Grèce – Délos (Grèce; île)
4.
Délos (ville ancienne) – Sanctuaire d'Apollon
Cet ouvrage a bénéficié du soutien de l’unité mixte de recherche no 7041 Archéologies et Sciences de l'Antiquité (Université Paris I Panthéon-Sorbonne – Université Paris 10 – CNRS – Ministère de la Culture et de la communication).
Révision et mise au point des textes : Jacky Kozlowski-Fournier Conception graphique et réalisation : EFA, Guillaume Fuchs Impression : n. v. Peeters s. a.
© École française d’Athènes, 2018 – 6, rue Didotou, GR – 10680 Athènes, www.efa.gr
ISBN : 978-2-86958-304-7 Reproduction et traduction, même partielles, interdites sans l’autorisation de l’éditeur pour tous pays, y compris les États-Unis.
EXPLORATION ARCHÉOLOGIQUE DE DÉLOS
Le Sanctuaire d’Apollon à Délos sous la direction de Roland Étienne
Tome I Architecture, topographie, histoire Jean-Pierre Braun, Thomas Brisart, Laure Chevalier, Laurent Costa, Stéphane Desruelles, Roland Étienne, Claire Hasenohr, Frédéric Herbin, Sandrine Huber, Enora Le Quéré, Francis Prost, Manuela Wurch-Kozelj
XLIV
Le Sanctuaire d’Apollon et son environnement
Quartier du stade
N
77 78
Gymnase
Stade
76
74 66 Archégésion Palestres
56 Lac
Lions 55
Agora des Italiens
Létoon 53 51
50
Hippodrome ?
67
Quartiers Nord
52 30
49
23
3 4
84
2 86 In
op
os
Terrasse des
Quartier du théâtre
dieux étrangers
115
Maisons
114
Héraion
Cynthe
entrées du Sanctuaire
2, 3, 4... 0
GD, voir Index I
200 m
0
1 km.
Avant-propos Tout livre a une histoire, plus ou moins longue, plus ou moins riche. Celui-ci fut conçu dans les années quatrevingt-dix quand j’étais directeur de l’École française d’Athènes, mais il est le fruit de mes réflexions déliennes depuis que, jeune membre, me fut confiée, en 1973, l’étude du secteur comprenant le Prytanée et le Bouleutérion. Ce secteur n’avait ni cohérence historique ni cohérence géographique puisque les deux bâtiments qui le composent sont divisés par un péribole, laissant le Prytanée hors du Sanctuaire d’Apollon, et qu’ils ont été construits à un siècle d’intervalle, le premier à la fin du ve s. et le second à la fin du vie s., comme le révéla l’expertise de la céramique trouvée dans les sondages qui y furent menés. Les deux bâtiments principaux relevaient cependant tous deux de l’architecture publique, comme leur nom l’indique, encore que l’identification du Bouleutérion laisse toujours place à une certaine incertitude ; mais, à tout prendre, il aurait fallu y adjoindre l’Ekklésiastérion pour donner une certaine cohérence thématique au dossier. Le caractère disparate de ce secteur m’obligea à réfléchir sur le mode de publication. Les Explorations archéologiques de Délos recevaient des études monographiques de bâtiments ou de matériel. La publication des bâtiments se faisait souvent sans considérer leur environnement. Dans le cas qui m’intéressait, une série d’autels monumentaux était inséparable du Prytanée qu’ils bordaient au Sud et à l’Ouest, ce qui augmentait encore la diversité typologique de la zone qu’il était bien difficile de circonscrire. Après ma sortie de l’École, je revins régulièrement à Délos pour faire des sondages et préparer l’étude des divers monuments, égrenant des publications au gré des circonstances. Mais le projet précis consistant à écrire une synthèse sur le Sanctuaire d’Apollon ne prit corps que lorsque je fus désigné comme directeur de l’EFA, en 1992. J’avais alors la maîtrise des programmes et des moyens pour les mettre en œuvre : cette fois la zone était bien définie et limitée par des périboles. Mes successeurs à la tête de l’École, Dominique Mulliez et Alexandre Farnoux, ont bien voulu confirmer mes choix et me donner les moyens de poursuivre dans cette voie jusqu’à la publication. Je suis redevable aussi à toute l’équipe de jeunes gens qui ont assumé une partie de la tâche sur le terrain, de 2001 à 2009, et qui ont publié ensuite une partie des résultats de leurs travaux. Deux thèses, celle de Frédéric Herbin et celle d’Enora Le Quéré, sont issues de ces recherches. Le résultat global se présente sous la forme de deux volumes : dans le premier tome nous restituons des bâtiments et nous avons écrit une synthèse sur le développement du Sanctuaire d’Apollon, de l’âge du fer au vie s. apr. J.-C., en mettant l’accent sur la topographie, les enjeux politiques des constructions et l’évolution du paysage sacré. Les gains sont, je crois, multiples, et les plans dus à Jean-Pierre Braun, comme les restitutions 3D de Laurent Costa, renouvellent l’image du Hiéron. Le tome II réunit tout ce que l’on sait sur les cent quatre-vingt-dix petits monuments déliens répertoriés dans l’espace sacré et en donne une typologie. Souvent bien datés, ils serviront d’exemples pour d’autres études sur les différents secteurs de Délos ou sur d’autres sites. Je tiens à souligner l’aide qu’a apportée, dans la préparation de cet ouvrage, notre équipe de Paris I-Nanterre, et notamment Edmond Magnifique, qui a composé une pré-maquette des images et je remercie le service des publications de l’EFA, dirigé par Géraldine Hue, d’avoir fait diligence pour amener le manuscrit à maturité. Roland Étienne Paris, novembre 2016
Introduction : des fouilles et des plans
Nous souhaitons dans cette introduction rendre hommage à tous ceux qui ont travaillé à Délos, dont nous sommes tributaires, et situer notre recherche par rapport à celle de nos devanciers. J’étais directeur de l’EFA quand je conçus le projet de faire une synthèse sur le Sanctuaire d’Apollon (pl. 1, 1-2), qui aurait complété le programme de la Grande fouille et qui s’appuierait sur des plans complets, c’est-à-dire portant toutes les structures repérées, ce qui me semble un devoir envers nous-mêmes et envers les autorités grecques qui nous ont confié ce chantier depuis un siècle et demi. 1.
Le Sanctuaire d’Apollon : historique des fouilles et des publications (Roland Étienne)
1. 1.
Le Sanctuaire d’Apollon avant les fouilles françaises : de Cyriaque d’Ancône à l’expédition scientifique de Morée
Tous les voyageurs dans les Cyclades ont évoqué les ruines du Sanctuaire de Délos, se répétant souvent pour avoir vu les mêmes choses et laissant des cartes imparfaites, qui n’ont qu’une valeur d’archive. Comment se présentait le Sanctuaire et que virent-ils du Hiéron ? Les amas de blocs étaient impressionnants1, notamment ceux du Temple d’Apollon et du Portique de Philippe, dont l’inscription visible permit une reconnaissance précoce ; au-delà, tous ont vu, comme Cyriaque d’Ancône qui passa à Délos en 1445, les restes du Colosse des Naxiens2 ; ce dernier en dessine la base avec le pied qui fut volé au xixe s. Quant à la tête, naïvement représentée par l’Anconitain, elle a dû disparaître vers 1670 puisque J. Spon, qui passe dans l’île en 1675, attribue la décapitation à un provéditeur vénitien de Tinos3. Spon publie un plan médiocre et orienté à l’envers (pl. 2, 2 ; le Nord en bas du dessin) : qui plus est, le rapport entre les monuments (temple, lions, portique) ne correspond pas à la réalité ; le passage sur Délos dans le récit de voyage du médecin lyonnais, pourtant l’un des meilleurs érudits de son époque, vaut plus par l’évocation des conditions difficiles de vie sur l’île que par l’intérêt ou la précision des renseignements archéologiques4 : toutefois, le Temple est identifié et servira de référence aux travaux du xixe s. Le plan de Tournefort, vers 1700, n’apporte
« Nous commençâmes de marcher du côté où nous voyions de plus grands monceaux de marbre ; car l’île en est si fort couverte, que si on y voulait présentement bâtir une ville, il ne serait pas besoin d’y employer d’autres pierres », J. Spon, Voyage d’Italie, de Dalmatie, de Grèce et du Levant (1678), textes présentés et édités sous la dir. de R. Étienne (2004), p. 148 ; presqu’un siècle plus tard, L. Terrier donne la même impression : « Aucune ruine imposante ne domine les décombres dont l’île est jonchée ; aucun arbre n’ombrage l’humble végétation qui la couvre », Terrier 1864, p. 10. Cette impression est bien rendue par un dessin d’A. Poirot (pl. 2, 1). 2. Sur Cyriaque d’Ancône, voir J. Colin, Cyriaque d’Ancône, le voyageur, le marchand, l’humaniste (1981) ; R. et Fr. Étienne, La Grèce antique, Archéologie d’une découverte 2 (2010), p. 21-29. 3. Voir ci-dessous n. 11 et t. II, chap. I, M072. 4. Voir J. Spon (n. 1), p. 145-156 ; voir aussi G. Labarre, « Spon à Délos : originalité et limites d’une curiosité », dans R. Étienne, J.-Cl. Mossière (dir.), Jacob Spon. Un humaniste lyonnais du XVII e siècle (1993), p. 219-246. 1.
LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
4
pas de nouvelles indications, mais grâce aux progrès des relevés nautiques de la fin du xviie s. les contours de l’île sont plus justes5 et les rapports entre les bâtiments mieux évalués6 (pl. 2, 3). C’est le travail sur l’île des membres de L’expédition scientifique de Morée (J.-B. Bory de St Vincent et A. Blouet) qui présente un réel progrès7, même si les bâtiments que l’on devine sous les contours hésitants sont mal placés les uns par rapport aux autres8 (pl. 3, 1) ; mais ce sont surtout les relevés de blocs architecturaux qui sont remarquables : élévation du Temple d’Apollon, dessin de la base du Colosse, relevé du Portique de Philippe, dessin des blocs architecturaux avec têtes de taureaux (sur la planche 7 figure une élévation composée de blocs provenant du Portique d’Antigone et du Monument des taureaux ; pl. 4, 1-2) ; ils montèrent aussi sur le Cynthe pour dessiner le théâtre et l’antre d’Héraclès dont A. Lebègue, en 1873, fit le but de ses recherches9. Le bon état des ruines est dû à plusieurs facteurs : il ne faisait pas bon séjourner trop longtemps dans l’île : Spon et son compagnon Wheler faillirent y mourir de soif et de faim10, les corsaires et les pirates rendaient les eaux inhospitalières, la taille des blocs dissuadait d’un transfert sans gros moyens (les bateaux de charge ne pouvaient accoster ; il n’y avait ni quais ni fonds suffisants). Cependant, le chapardage (le pied du Colosse disparaît en 181811, les stèles de Rhénée furent largement diffusées en Europe servant aussi de lest pour les bateaux qui faisaient relâche) et surtout l’exploitation des ruines par les Myconiates comme matériaux de construction ou le passage des marbres au four à chaux font que, au cours des siècles, les ruines déliennes ont subi des déprédations12. 1. 2.
Les Français s’installent à Délos : 1877-191213
La création de l’École française d’Athènes, en 1846, changea les données du problème. Les jeunes pensionnaires parcoururent la Grèce et ramenèrent de leurs voyages des mémoires scientifiques, comme L. Terrier, en 1864, après un séjour à Délos ; pour situer ses remarques, il se servait du plan de l’expédition de Morée, qu’il compléta à la main en fonction de ses besoins et appelait de ses vœux une nouvelle cartographie de l’île14 (pl. 3, 2). En conclusion Voir G. Labarre (n. 4), p. 244-246. J. Pitton de Tournefort, Relation d’un voyage au Levant I (1717), p. 290-319. On trouvera dans Couilloud, EAD 30 (1973), p. 337-352, la liste assez complète des voyageurs passés par Délos-Rhénée. 7. Ces travaux sont publiés dans A. Blouet, Expédition scientifique de Morée, ordonnée par le gouvernement français. Architecture, sculptures, inscriptions et vues du Péloponèse, des Cyclades et de l’Attique 3 (1838) : sur Délos, p. 3-5 et pl. 1-23. Sur l’expédition de Morée, voir Y. Saïtas (éd.), Mani, témoignages sur l’espace et la société, Voyageurs et expéditions scientifiques, XVe-XIXe s., Actes du colloque, Limeni, Aréopolis, 4-7 nov. 1993 (1996) ; plus particulièrement p. 91-108 et p. 503-588 (mais il s’agit surtout du Péloponnèse). Sur le sens de ces expéditions scientifiques : voir M.-N. Bourguet, B. Lepetit, D. Nordman (dir.), L’invention scientifique de la Méditerranée : Égypte, Morée, Algérie (1998). 8. Sur ce plan, voir pl. 3-4. 9. Voir ci-dessous n. 16. 10. A. Reinach, « Cockerell à Délos », RA 1912, p. 260-312, cite ce passage des papiers de Cockerell qui écrit en 1810 : « From Tinos we sailed across to Great Delos (Rhenea), slept in a hut, and next day went on to Little Delos. Here there is nothing to sleep in but the sail of the boat, and nothing to eat at all. » 11. A. Reinach (n. 10), p. 260, n. 3 : « C’est sans doute sur les rapports faits par Cokerell à son retour que Kinnard fut envoyé en 1818 à Délos, pour en rapporter au British Museum diverses pièces, notamment le fameux pied du Colosse des Naxiens. » R. Ch. Cokerell participa à la découverte et à la vente des frontons d’Égine et de la frise de Bassae ; il appartient à la génération, comme Elgin, des « grands prédateurs », voir R. et Fr. Étienne (n. 2), p. 63-84. 12. Informations précises et pittoresques dans les lettres et le rapport de D’Ansse de Villoison qui passe à Délos en 1784 et 1785, voir Couilloud, EAD 30 (1974), p. 343. 13. A. Plassart, « Un siècle de fouilles à Délos », dans Études déliennes, BCH Suppl. 1 (1973), p. 5-16. 14. Terrier 1864, p. 47 : « Spon n’a pas même essayé de débrouiller ce chaos ; Tournefort est loin d’y avoir réussi : il réunit tout un groupe d’édifices pour en faire le temple d’Apollon. L’Expédition de Morée est parvenue à mettre dans son plan quelque clarté ; mais je crois qu’il laisse à désirer pour l’exactitude [...] Cependant, avec du temps et beaucoup de patience, un architecte arriverait, je pense, à s’orienter dans ce désordre. En établissant un plan exact du terrain et des débris qui le couvrent, en examinant attentivement tous les morceaux, en faisant quelques déblais, en suppléant par des hypothèses prudentes aux documents qui ont disparu, il produirait peut-être un des travaux les plus intéressants et les plus originaux que l’Antiquité puisse fournir à l’architecture. Il y avait ici un ensemble de monuments dont il serait bien difficile de retrouver ailleurs l’équivalent… ». 5. 6.
INTRODUCTION : DES FOUILLES ET DES PLANS
5
de son mémoire, il n’est guère optimiste sur l’intérêt que pourraient représenter des fouilles : « Pour obtenir ces résultats des fouilles seraient nécessaires : peut-être feraient-elles réapparaître aussi des restes de sculpture [et] des inscriptions ; mais il ne faut pas espérer une récolte bien riche15 ». Les premières fouilles françaises furent réalisées par A. Lebègue en 1873, dépêché par le directeur, É. Burnouf, pour vérifier si Délos n’était pas un site astronomique – il entendait par là un observatoire astronomique – et si « l’antre » n’était pas le Sanctuaire primitif d’Apollon16. Même si ces deux hypothèses s’avérèrent fausses, il dégagea l’antre et la terrasse qui le supporte ; il se servit du plan de Tournefort en l’améliorant de ses observations. Jusque-là, les entreprises des Français à Délos restaient dans le droit fil de celles des voyageurs, ponctuelles, superficielles et sans véritable plan d’ensemble (en dehors des fouilles de Lebègue ciblées sur un hypothétique ancien temple) ; la situation fut modifiée par la défaite de 1870 face à l’Allemagne. 1. 2. 1.
Les fouilles de Th. Homolle : 1877-1894
La défaite de 1870 fut un choc pour toute l’intelligentsia française et, comme le dit Th. Homolle : « le relèvement des études scientifiques devint une préoccupation nationale17 ». Les Allemands avaient d’ailleurs porté la concurrence sur le sol grec en créant un Institut en 1873, en ouvrant la fouille d’Olympie en 1875 et en inaugurant une revue scientifique en 1876. Les Français pour résister à cette manifestation de puissance germanique réformèrent l’École de 1846 dans son fonctionnement et dans ses buts pour qu’elle devienne un véritable institut de recherche. Le renouveau s’incarne en la personne d’A. Dumont, directeur de l’EFA de 1875 à 1878, qui créa une revue, le Bulletin de Correspondance Hellénique, dont le premier numéro parut en 1877, et qui envoya Th. Homolle, membre de la promotion 1874, fouiller à Délos18. Celui-ci conçut le projet de mettre au jour le Temple d’Apollon. On suit le progrès des travaux grâce aux rapports et aux cartes qui furent publiés dans les BCH et dans les comptes rendus envoyés régulièrement à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Si derrière le premier plan de 1879, publié dans la Revue Archéologique de 1880, on sent encore les levers de l’expédition de Morée19 (pl. 6), le plan de H. P. Nénot, en 1882, est d’une tout autre ampleur et fut établi sur de nouvelles visées. Il montre bien comment il fut procédé dans le dégagement par tranchées et en suivant les murs : il reste une base indispensable car il porte encore des murs qui, jugés « récents » et encombrants, ont été supprimés par le fouilleur (pl. 7). La nomenclature portée sur ce plan mélange le vrai et le faux : sont bien identifiés les trois temples et les Propylées, le téménos d’Artémis (mais « l’Artémision » recouvre en fait le Pythion), le Portique de Philippe ; changeront de nom, le Portique des cornes (Portique d’Antigone), le sanctuaire des taureaux (Néôrion) et l’Autel de Zeus Polieus (ou « Autel des rois ») ; le téménos de Dionysos et les Tombeaux des Vierges Hyperboréennes ne sont que des interprétations hâtives des données (le premier cachait en fait le Prytanée et les seconds, les autels des cultes civiques). Les grandes lignes du Sanctuaire étaient, nonobstant cela, bien en place. En 1894, Th. Homolle invita É. Ardaillon à faire des fouilles dans le port : il fut établi un premier plan des installations portuaires qui posent les problèmes de configuration du rivage et d’accessibilité du Sanctuaire20 (pl. 8). 15. Terrier 1864, p. 70. 16. A. Lebègue, Recherches sur Délos (1876) et p. 49-50 sur les supputations astronomiques d’É. Burnouf en rapport avec un Apollon
solaire. 17. Th. Homolle, BCH 8 (1884), p. X. 18. G. Radet, L’École française d’Athènes (1901), p. 181-202 ; R. Étienne, « L’École française d’Athènes, 1846-1996 », BCH 120 (1996), p. 3-21 ; M. Brunet, J.-Ch. Moretti, Der Neue Pauly 13 (1999), s.v. « Délos », col. 703-715. 19. C’est au plan de l’expédition de Morée que Th. Homolle fait référence dans son premier rapport : voir Th. Homolle, « Fouilles sur l’emplacement du temple d’Apollon à Délos », BCH 2 (1878), p. 1-5. 20. Ardaillon 1896, p. 428-445, pl. II-III. Les relevés bathymétriques qui apparaissent sur le plan d’Ardaillon sont empruntés aux cartes de la marine anglaise qui a couvert la région à la fin du xixe s. É. Ardaillon et H. Convert ont levé, la même année, une carte complète de l’île au 1/2000. Toute l’histoire de la fouille du port et les résultats des recherches anciennes et récentes sont très bien exposés par Duchêne, Fraisse, EAD 39 (2001).
LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
6
Les publications accompagnèrent et suivirent les fouilles, Th. Homolle, savant complet, épigraphiste et archéologue, inaugura la série des synthèses sur le matériel délien21. 1. 2. 2.
La Grande fouille : 1904-1912
Les intérêts de Th. Homolle et ceux de l’EFA se tournèrent, à partir de 1894, vers Delphes et les fouilles de Délos ne reprirent qu’en 1902 (pl. 4, 4). Mais ce sont surtout les années 1903-1904 qui vont marquer un tournant dans l’exploration archéologique de Délos. On transféra dans l’île le matériel technique qui avait servi à Delphes, H. Convert, conducteur de travaux qui avait fait merveille à Delphes, s’installa à Délos et la donation du duc de Loubat fut consacrée au site. Le programme, fixé par le nouveau directeur, M. Holleaux, eut comme objectif premier d’achever le déblaiement du Sanctuaire. Surtout M. Holleaux réunit une équipe pluridisciplinaire qui s’attaqua à tous les problèmes topographiques comme géographiques : dans la collection de l’Exploration archéologique de Délos qui fut alors lancée, sur les quatre premiers fascicules, trois furent écrits par des non-archéologues : un ingénieur militaire, A. Bellot, pour la Carte de l’île de Délos (1909), un géographe, L. Gallois, pour la Cartographie de l’île de Délos (1910), et un géologue, L. Cayeux qui publia Une description physique de l’île de Délos (1911). On mettra au crédit de M. Holleaux la réunion de cette équipe pluridisciplinaire, la première du genre à notre connaissance. L’équipe des archéologues ne fut pas moins diversifiée et talentueuse. Presque tous les membres de l’EFA, recrutés sous la direction de M. Holleaux (1904-1912), travaillèrent à Délos : des spécialistes d’architecture sachant dessiner comme F. Courby et R. Vallois, un épigraphiste comme P. Roussel qui vint compléter le travail de F. Durrbach (promotion 1883), et un spécialiste de céramique comme Ch. Dugas ; d’autres se chargèrent de la publication de monuments comme Ch. Picard, G. Leroux ou A. Plassart. On peut suivre la progression annuelle du chantier sur le plan de synthèse qui est publié dans les CRAI en 1908 (pl. 9) : le Sanctuaire d’Apollon ayant été entièrement dégagé (pl. 4, 3 et 5), il n’y eut plus jusqu’à aujourd’hui que des travaux limités à des sondages en fonction de l’étude des divers bâtiments. Pour couronner cette œuvre, le plan du Sanctuaire et de ses abords, levé de 1904 à 1910 au 1⁄100, fut redessiné par G. Poulsen et A. Maar, architectes danois22, et porte dans les milieux déliens le nom de ce dernier (pl. 13). C’est le relevé pierre-à-pierre qui sert de fond de carte à tous les plans du Sanctuaire, complété à la marge selon les besoins23. Quelles que soient ses qualités, précision du dessin et élégance des rendus, il présente quelques lacunes : certains murs jugés « récents » n’ont pas été dessinés, les fondations de GD 7 ont été oubliées, un puits rectangulaire de 5 m de côté au Sud-Est du Grand Temple, sans doute remblayé, ne figure pas sur le plan24 et la jonction avec la ligne de côte n’est pas très claire. Enfin, il aurait fallu que les traces au sol d’implantation des petits monuments soient interprétées. Rendons grâce, cependant, à ceux qui contribuèrent à ce plan dont on ne trouve guère d’équivalent sur d’autres chantiers à la même époque. Les publications accompagnèrent les travaux de terrain : avant la Grande Guerre, parurent deux fascicules d’inscriptions, deux études dans les EAD, sur la Salle hypostyle et le Portique d’Antigone, et de très nombreux articles. 1. 3.
Travaux ponctuels et grandes synthèses : 1920-1992
La Grande Guerre désorganisa l’équipe délienne qui paya un lourd tribut à la victoire, quatre de ses membres ayant disparu (G. Leroux, J. Pâris, Ch. Avezou et A.-J. Reinach). Malgré cela, les publications déliennes se multiplièrent ; toutefois les monuments du Sanctuaire intéressaient moins et on ne trouve à citer que le volume de F. Courby 21. Th. Homolle, De antiquissimis Dianae simulacris deliacis (1886) ; id., Les archives de l’Intendance sacrée à Délos (1886), qui fixait la
chronologie des comptes et inventaires qui venaient d’être mis au jour. 22. Sur les architectes de l’EFA, voir M.-Chr. Hellmann, « Les architectes de l’École française d’Athènes », BCH 120 (1996), p. 191-
215 et Paris-Rome-Athènes, Le voyage en Grèce des architectes français aux XIX e et XX e siècles, exposition Paris-Athènes-Houston 1982 (1982). Sur l’évolution du plan, voir pl. 6-14. 23. Un plan dressé par J. Replat au 1⁄1000 entre 1914 et 1918 a servi pour les rendus simplifiés à grande échelle, voir n. 29. 24. Sur ces murs et leurs interprétations et sur ce puits, chap. XVI, p. 304, Pts 7.
INTRODUCTION : DES FOUILLES ET DES PLANS
7
en 1931, dans les EAD, qui publia d’un coup les trois temples. Il fallut attendre 1944 pour que le premier tome de la thèse de R. Vallois, une somme sur le Sanctuaire et sur l’ensemble de l’architecture délienne, soit rendu public. En fait, le programme de publication lié à la Grande fouille, qui comportait par exemple un fascicule sur les périboles, ne fut pas tenu et on assista pendant trois quarts de siècle à des sondages ponctuels et à des publications dispersées. Citons pour les sondages quelques travaux de J. Tréheux, en 1946, au Nord-Est du Hiéron25 ; les sondages de Chr. Llinas dans le Monument des taureaux26 (1964-1966), ceux de M.-Chr. Hellmann au Monument aux hexagones en 1977 et ceux de R. Étienne dans le Bouleutérion (1974-1987)27 préparaient des publications ; A. Farnoux a repris des sondages et nettoyages dans le Sanctuaire, en 1990-1991, dans le cadre de ses recherches sur la Délos mycénienne28. Des synthèses ont intéressé directement la topographie du Hiéron : celle de H. Gallet de Santerre en 1958 et bien sûr celle de Ph. Bruneau en 1970. Mais la cartographie resta traditionnelle comme le montre le plan du Sanctuaire du Guide de Délos : quelle que soit l’édition (il y en eut cinq entre 1965 et 2005), il s’agit d’une simplification du plan Maar, agrémenté de numéros pour les monuments retenus dans le commentaire29 ; or, le choix des monuments numérotés fut trop restrictif si bien qu’il fallut ajouter des lettres en fonction des besoins, procédé que nous avons nous-mêmes adopté pour ne pas bouleverser ce qui, depuis presque un demi-siècle, constitue la nomenclatura deliaca. Sur ces plans réduits (1⁄1250) les petits monuments ont tendance à disparaître et je crois que, pour cela aussi, une nouvelle cartographie était justifiée. Parallèlement à ces synthèses, des fascicules des EAD consacrés à des bâtiments ont montré un renouveau d’intérêt pour le Sanctuaire : M.-Chr. Hellmann et Ph. Fraisse publièrent Le Monument aux hexagones et le portique des Naxiens (1979) et P. Courbin L’Oikos des Naxiens (1980) ; de son côté, A. Hermary publiait, en 1979, la sculpture classique, qui fut trouvée essentiellement dans le Hiéron d’Apollon, et ouvrait la voie aux fascicules sur le matériel qui n’avaient que trop attendu. 1. 4.
Un programme pour le Sanctuaire d’Apollon : 1992-2012
L’historique qui précède rend compte de la situation des publications concernant le Sanctuaire dans les années quatre-vingt et montre le travail qui restait à accomplir. La première lacune était celle d’un plan à jour, le plan Maar présentant quelques défauts que j’ai signalés. Audelà il manquait surtout des plans historiques montrant le développement du Sanctuaire des origines à son abandon. Si l’on voulait comprendre cette histoire, il fallait considérer non seulement le Hiéron mais ses accès, notamment du côté de la mer. Il fallait aussi abandonner la conception de publications concernant des bâtiments plutôt que des secteurs, au risque d’oublier ce qui se passait entre les bâtiments. Au tournant de l’ère, les problématiques invitaient à faire évoluer la forme des publications archéologiques, trop dépendante jusque-là d’un découpage selon les Beaux-Arts (architecture, sculpture, peinture), et à ne pas se contenter de corpus d’objets ou de textes ou de monographies de monuments ; il s’agissait de restituer des espaces et des circulations, de mettre le matériel archéologique (sculptures, offrandes diverses, supports d’inscriptions) en situation pour montrer l’évolution des paysages sacrés et de restituer par une réflexion sur les artefacts les évolutions et les tensions d’une société. Pour ce faire, comme directeur de l’EFA (1992-2002), je formais une équipe autour d’un programme quadriennal (comme le Ministère nous y invitait), tout d’abord confié à A. Farnoux, puis que je pris personnellement en main, 25. Voir J. Tréheux, BCH 71-72 (1947-1948), Chronique des fouilles, p. 461-462 ; fig. 39-40, p. 463-464. 26. Voir BCH 88 (1964), Chronique des fouilles, p. 901-905 ; 89 (1965), p. 992-996 ; 90 (1966), p. 998-1005. 27. Hellmann, Fraisse, EAD 32 (1979), p. 77-78 ; Étienne 2007, p. 319-335 ; les sondages datent des années 1974-1987. 28. Farnoux 1990 et Farnoux 1991. 29. Ce n’est pas le plan Maar qui a servi de minute, mais sans doute le plan Replat de 1914, qui est déjà une simplification du plan Maar (pl. 11), comme a bien voulu me l’indiquer par lettre J. Ducat : « c’est Philippe Bruneau qui s’est toujours occupé de tout ce qui concernait l’illustration. Tout ce dont je me souviens c’est ceci : 1. Pour les plans sur dépliants, nous avons utilisé un grand plan qui existait à l’École et que la tradition, je crois, attribuait à Joseph Replat ; 2. Pour la 3e édition est intervenue Irô Athaniassiadi ; pour la 4e, sur le dépliant I, Brigitte Sagnier (p. 338 de la 4e édition) ; 3. Mais il est possible que pour le dépliant I (sanctuaire), dès la première édition, des modifications ont été apportées (pour tenir compte des fouilles survenues dans l’intervalle)… ».
8
LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
après la fin de mon mandat, avec Fr. Prost, devenu un spécialiste de la Délos archaïque, après avoir avancé la publication de l’Archégésion et de la sculpture archaïque, dossier que lui avait remis P. Levêque. Dois-je avouer que la synthèse de G. Gruben sur le Sanctuaire de Délos, en 1997, fut un aiguillon pour atteindre le but que je m’étais fixé ? Il s’agissait moins de raviver une querelle bien dépassée que de discuter, avec des données nouvelles, les thèses du grand savant allemand. Les travaux de terrain ont duré de 2001 (sondage des Propylées) à 200930. Ils ont été financés par l’EFA, par l’UMR 7041 et l’université de Paris I ; ils ont mobilisé toute une équipe d’architectes (M. Wurch-Kozelj pour les Propylées, puis J.-P. Braun), de spécialistes de la géographie et de la géomorphologie grecs et français (St. Desruelles et K. Pavlopoulos), d’archéologues confirmés (Cl. Hasenohr, S. Huber et Th. Brisart, tous les trois anciens membres de l’EFA) et d’étudiants. Deux d’entre eux, Fr. Herbin et E. Le Quéré, ont soutenu des thèses, l’un sur les petits monuments du Sanctuaire, l’autre sur les Cyclades romaines, dont Délos a représenté une part originale31. Fr. Herbin a travaillé quatre ans avec des étudiants pour établir un inventaire avec croquis des blocs se trouvant dans le Sanctuaire, dont le catalogue ne comprend pas moins de 2 000 fiches. Ce travail de fond se retrouve dans le SIG qu’a préparé L. Costa32 ; il permet d’interroger des fichiers variés (architecture, épigraphie, sculpture...) et de situer les objets dans l’espace (les plans ont été vectorisés). Nous avons tenté d’utiliser toutes les techniques à notre disposition pour restituer la ligne de côte et le relief du Sanctuaire qui est toujours représenté comme plat, ce qui n’est pas l’image qu’en avaient les Déliens. Les images en trois dimensions, élaborées par L. Costa sur la base de nos travaux d’équipe, rendent compte de l’aboutissement de nos recherches ; nous avons pris le risque d’y faire côtoyer le sûr et le vraisemblable dans le but de donner une vision globale du Sanctuaire que l’on peut comparer à celle de l’architecte Nénot en 1882 (pl. 22) : on mesure par cette comparaison tout autant les progrès dans les connaissances que les transformations dans les techniques et la différence entre deux époques de l’archéologie délienne, dominées l’une par les Beaux-Arts, l’imagination et la recherche de la qualité picturale, l’autre par le numérique au service d’un réalisme un peu froid. L’économie de l’ouvrage est simple : une introduction où sont retracés l’historique des fouilles et celui des plans du Sanctuaire d’Apollon, huit chapitres d’analyses de monuments (chap. I-VIII ; le chapitre I définissant la notion de Hiéron d’Apollon), six chapitres de synthèse historique montrant l’évolution des espaces et de l’organisation (chap. IX-XIV), trois appendices sur des questions particulières (chap. XV-XVII). La conclusion répond à l’introduction en revenant sur l’illustration et en posant le problème de la légitimité de restitutions en 3D. Le tome II est entièrement consacré à une étude monographique sur les petits monuments sans toits. Sommes-nous totalement satisfaits de notre œuvre ? Il y a encore des monuments à publier dans le Sanctuaire comme le Monument dit des taureaux et la série des Trésors33 (le Pythion, GD 42, en revanche est en cours de publication34). Mais je n’ai pas cru devoir attendre que ces études soient achevées pour faire connaître nos résultats ; je doute que la publication de ces monuments sur lesquels on a déjà beaucoup discuté, au point qu’ils paraissent connus, ne vienne bouleverser les conclusions historiques que nous présentons ; et si elles devaient le faire, il faudrait y voir la preuve que Délos est bien vivante après 150 ans de travaux. 2.
Vers un sanctuaire numérique : de la mise en place d’un SIG sur le Sanctuaire d’Apollon à la restitution en 3D (Laurent Costa)
Depuis la première esquisse d’A. Blouet, en 183835, le site de Délos a donné lieu à la réalisation de représentations cartographiques et planimétriques à différentes échelles. Le dernier exercice de ce type est le nouvel atlas de Délos 30. Parallèlement, M. Brunet réunissait une équipe pour l’étude de l’eau à Délos : voir M. Brunet et al., « Eau à Délos : un milieu naturel et son aménagement durant l’Antiquité », BCH 125 (2001), p. 620-627. La partie de ce programme, jamais publié dans son ensemble, qui intéresse le Sanctuaire, est reprise ci-dessous par St. Desruelles, Cl. Hasenohr (chap. II) et L. Chevalier (chap. XVI). 31. Voir Le Quéré 2015. L’essentiel de la thèse de Fr. Herbin est publié dans ce volume (voir chap. VII) et dans le t. II. 32. Voir chap. II, p. 31-32. 33. Le dossier avait été confié à E. Benchimol, ancienne membre de l’EFA : voir E. Benchimol, B. Sagnier 2008, p. 1-113. 34. Par A. Febvey, ancienne membre de l’EFA et J.-J. Malmary, IRAA, architecte. 35. A. Blouet (n. 7).
INTRODUCTION : DES FOUILLES ET DES PLANS
9
réalisé à l’initiative de l’École française d’Athènes36. L’approche géomatique que nous avons choisi de développer sur le Sanctuaire d’Apollon s’inscrit dans une perspective différente qui ne met plus au centre des enjeux la création d’une carte illustrant un propos spécifique, mais privilégie la mise en place d’un outil documentaire synthétique qui, par sa nature même, prend une dimension diachronique et interdisciplinaire. Pour pouvoir penser globalement le Sanctuaire, il est nécessaire de compiler, de comparer et de confronter l’ensemble des données réunies depuis les premières interventions de Th. Homolle, en 1877, jusqu’aux derniers sondages menés par R. Étienne (1974-1987) ou A. Farnoux (1990-1991). Notre objectif a été de mettre en cohérence ces différentes informations sous la forme d’une base de données géographiques pour disposer d’un outil permettant de projeter dans l’espace les différentes représentations cartographiques et planimétriques du Sanctuaire, mais aussi des séries de matériaux archéologiques (murs, blocs, inscriptions…). Cette démarche permet également de visualiser l’information en 2D sous la forme de planimétrie tout en pouvant aussi la projeter en 3D. Ainsi, au-delà des productions cartographiques nécessaires à l’illustration de chacune des études du présent ouvrage, la livraison de données exploitables pour les générations suivantes de chercheurs a été un objectif en soi. Ce sont les différentes étapes de ce travail qui sont exposées dans ce texte. Il nous est apparu utile de présenter cette étape fondamentale de constitution du système d’information et d’intégration des couches d’information afin de bien mesurer les apports et les limites des données produites, notamment dans la perspective des usages historiques et archéologiques qui sont réalisés dans la suite de ce projet. Nous avons cependant fait le choix de nous placer sur le plan de la méthodologie et de réduire les descriptions techniques au strict nécessaire37. La première étape de ce travail est décrite dans la première partie : il s’agit de l’examen critique puis du géoréférencement de la documentation choisie. Suit la présentation du processus de vectorisation raisonné de certains éléments de cet ensemble documentaire, qui aboutit à la création d’une base de données dynamiques permettant de proposer des éléments de modélisation. En conclusion, nous donnons quelques exemples d’utilisation de ces données numériques en présentant les travaux que nous avons réalisés pour restituer les différents niveaux de sol du Sanctuaire et proposer une hypothèse de restitution sous la forme d’une maquette numérique en 3D. 2. 1.
Géoréférencer et constituer le socle de données géographiques
Le géoréférencement consiste à placer des éléments d’une image raster non localisée, en l’occurrence une carte ou un plan, dans un système spatial de référence ou système de coordonnées de référence (SCR)38. En pratique, il s’agit de déterminer une correspondance entre les coordonnées de points de contrôles particuliers déterminés sur l’image et de les mettre en correspondance avec des coordonnées du même point dans le SCR. La transformation qu’on applique ensuite au document source, permet de le géolocaliser. Cette géolocalisation permet de visualiser le document dans l’espace, au bon endroit et à la bonne échelle, et, par conséquent, autorise une compilation avec différentes autres sources graphiques, sous l’unique réserve que celles-ci soient elles-mêmes géoréférencées. Si le principe de base reste simple, le travail lui-même a été plus délicat. Aucun de nos documents – même parmi les plus récents – ne possède de coordonnées géographiques explicites, chacun utilisant son propre système de référence39. 36. Q. Briquet, « Mise en place d’un WebSIG de l’île de Délos », Géomatique expert 87 (2012), p. 30-43. La publication est l’œuvre de J.-Ch. Moretti (dir.), L. Fadin, M. Fincker, V. Picard, Atlas, EAD 43 (2015). 37. Nous avons fait le choix de ne pas proposer de description détaillée de la gamme d’outils utilisée durant ces travaux. Celle-ci a varié au fur et à mesure des besoins et nous avons privilégié la structuration de la donnée sur le choix de l’outil en travaillant d’abord sur des standards de structuration et de stockage pour assurer un maximum de pérennité dans la conservation de l’information. Cependant, les outils les plus courants du moment ont été utilisés. Parmi les plus importants, on peut citer pour la gestion des données géographiques le SIG Arc-GIS, le SIG Quantum GIS, pour la gestion de la base de données MySQL, pour la gestion des données tridimensionnelles le logiciel Sketch-up, pour les acquisitions photogrammétriques le logiciel Photoscan et la solution Visual SFM, pour la diffusion sur le web des données la solution Dynmap. 38. L. Costa, B. Bove, H. Noizet, Paris, de parcelles en pixels. Analyse géomatique de l’espace parisien médiéval et moderne (2011), p. 45-49. 39. Pour des raisons historiques, les derniers systèmes de coordonnées géographiques et de mesures altimétriques utilisés sur Délos étaient tous deux spécifiques à Délos et aux archéologues. Cette logique « d’autonomie » s’est poursuivie encore de nos jours puisque l’atlas de Délos (voir Q. Briquet [n. 36]) n’est toujours pas géoréférencé par rapport à un système de coordonnées officiel : J.-Ch. Moretti (dir.) (n. 36).
LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
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Au moment de nos travaux, le nouveau référentiel, l’atlas de Délos40, n’étant pas disponible, il nous a donc fallu mettre en place un premier canevas de référence fondé sur une nouvelle levée de terrain réalisée à l’occasion d’une mission en 2009. Cette mission a permis de collecter un ensemble de points correspondant aux stations topographiques existantes ainsi qu’aux angles des principaux bâtiments du Sanctuaire et de les replacer dans un système de coordonnées de référence. Plutôt que de réinventer un troisième système de référence, et en nous aidant des traitements réalisés par le topographe de l’École française (L. Fadin), nous avons fait le choix d’intégrer ces données dans le système de coordonnées géographiques officiel Grec (GGRS87 / Greek Grid-EPSG2100)41. Ce choix nous a semblé le plus pertinent pour des raisons liées à la localisation du lieu, mais aussi par la possibilité qu’il offrirait ensuite à la fois d’intégrer plus facilement de nouvelles données et de transmettre nos propres données à nos partenaires dans des systèmes de localisation reconnus internationalement. Cette première étape franchie, nous disposions d’un outil de calibrage permettant dans un premier temps de géolocaliser l’ensemble des différents documents quelles que soient leurs échelles d’origine mais aussi d’en évaluer individuellement les qualités planimétriques. Tous les documents ne présentent pas le même degré d’exactitude, tant au niveau de la forme que du fond. Nous avons ainsi pu quantifier les erreurs, les déformations et les dérives des différentes sources, mais aussi examiner l’évolution de l’information contenue dans ces différents documents. 2. 1. 1.
Choisir une méthode de calage qui respecte la documentation source
Une fois les points de contrôle mis en place, il existe différentes méthodes pour caler l’image et la transformer en un document géoréférencé42. Parmi toutes les transformations disponibles, la transformation affine ou de niveau 1 présente plusieurs avantages43. Elle n’inclut pas de déformation autre qu’une translation, rotation et mise à l’échelle. Elle exige donc un nombre minimal de points (au moins trois) et conserve les surfaces, les rapports de longueur sur une droite, les alignements et les parallélismes. Cette transformation est donc globale et ne corrige pas les déformations locales. Les déformations appliquées à la source sont donc limitées et peuvent être quantifiées sous la forme d’un indice. Celui-ci correspond à la distance entre le point indiqué sur l’image source et son homologue dans l’espace géoréférencé. Cette distance est mesurable dans l’unité du système de projection choisi (ici en mètres). La moyenne de ces erreurs résiduelles, dites RMS (Root Mean Square)44 renseigne sur la cohérence du choix des couples de points et donne un indice sur la qualité topographique du document géoréférencé. Ainsi, 28 documents ont été géoréférencés. Cette base permet de superposer et de comparer les différents documents du plus ancien au plus récent et constitue un socle de données géographiques numériques de référence susceptibles de devenir un matériau réutilisable par tous en fonction des différentes problématiques développées sur le site (pl. 5, 1-2). 2. 1. 2.
Un ensemble de documents géoréférencés
On trouvera, pl. 6-14, une liste critique qui correspond aux différents documents que nous avons géoréférencés. Cette série de planches est ordonnée de manière chronologique en fonction de la date d’édition de chaque 40. Q. Briquet (n. 36). 41. Code EPSG 2100. Le code EPSG est le code de référence international pour l’ensemble des systèmes de projection géographiques
et cartographiques. EPSG (European Petroleum Survey Group) fut créé, en 1985, par J.-P. Girbig alors avec ELF dans le but de corriger les informations de localisation afin de les rendre plus exactes et de les échanger dans l’intérêt du métier. Cela a abouti à une base de données mondiale ouverte à tous. Cette base permet de disposer de tous les paramètres afin de calculer les changements éventuels pour passer d’un système à l’autre. Pour plus d’information voir, en ligne : http://www.epsg.org/ 42. Sur les méthodes de géoréférencement voir L. Costa, B. Bove, H. Noizet (n. 38). 43. La méthode de transformation de datum la plus simple consiste en une transformation géocentrique ou à trois paramètres. La transformation géocentrique permet de modéliser les différences entre deux datums dans le système de coordonnées cartésien XYZ ou 3D. Un datum est défini avec son centre à 0, 0, 0. Le centre de l’autre datum est défini à une certaine distance (dx, dy, dz) en mètres de l’autre datum. Les trois paramètres sont des translations linéaires et se définissent toujours en mètres. 44. La moyenne quadratique est une moyenne d’une liste de valeurs, définie comme la racine de la moyenne des carrés des valeurs.
INTRODUCTION : DES FOUILLES ET DES PLANS
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document qui est examiné selon une grille descriptive identique. Cette approche permet de suivre durant presque 200 ans à la fois l’évolution des connaissances et les évolutions dans les représentations archéologiques utilisées par les chercheurs. Cette liste qui n’est pas exhaustive et n’épuise pas toute la cartographie et/ou planimétrie produites sur le Sanctuaire, reflète un certain nombre de choix : – nous ne commençons qu’à partir de ce que nous considérons comme la première carte moderne et scientifique des vestiges, à savoir la carte produite par A. Blouet durant l’Expédition de Morée, en 1838. Les documents précédents, outre qu’ils ne présentent pas un intérêt archéologique suffisant, ne possèdent pas les qualités géométriques nécessaires pour être intégrés en tant que tels dans notre système. De plus, une remarquable synthèse sur la cartographie de l’île a déjà été proposée dans l’EAD 345 ; – sont exclus de la base les documents plus spécifiques, liés à une intervention archéologique (plans de fouilles ou de sondages sur un bâtiment), pour ne laisser place qu’aux documents plus généraux faisant office de synthèse. Ces documents particuliers pourront, par la suite, faire l’objet de travaux de réintégration. Les planches ainsi que la liste qui suit sont donc conçues pour servir de guide de lecture au sein de cet ensemble documentaire qui nous semble assez représentatif de l’évolution des pratiques graphiques depuis deux siècles au sein de notre discipline archéologique. Nous avons suivi la grille descriptive suivante : – Titre : il correspond au nom codifié tel qu’il est utilisé dans la base de données géographiques. – Échelle : échelle de publication. – Levers originaux : date du lever. – Dessin : date et auteur du dessin / date et auteur de la publication. – Nombre de points de mesure : nombre de couples de coordonnées utilisées pour le géoréférencement. – Erreur évaluée : erreur résiduelle la plus basse, erreur résiduelle la plus haute et moyenne des erreurs. – Description plus générale portant sur la facture du document qui permet de compléter les éléments descriptifs ci-dessus. 2. 1. 3.
La première époque : la mise en place des bases
À Délos, les premiers dégagements systématiques débutent en 1877. Une série d’architectes et d’ingénieurs mettent en place toutes les bases de la cartographie scientifique du Sanctuaire (B. Loviot en 1877, L. Homolle en 1879, É. Ardaillon et H. Convert en 1893 ; pl. 6-8). L’arrivée d’É. Ardaillon et de H. Convert marque une date importante dans la cartographie délienne puisque, pour la première fois, un relevé de toute l’île est mis en place avec des techniques identiques à celles utilisées en métropole pour lever les cartes d’État-Major. É. Ardaillon et H. Convert vont réaliser la première carte archéologique topographiquement fiable à l’échelle de toute l’île, fondée sur des levers qui serviront à dresser une minute au 1⁄1000, base pour la réalisation de leur carte au 1⁄2000 et du plan particulier dit « relevé des fouilles du port de Délos » (pl. 8). Pour le Sanctuaire, le principal intérêt de ce document ne concerne pas spécifiquement le relevé des vestiges. En effet, une simple comparaison avec les plans antérieurs montre, sans ambiguïté, qu’É. Ardaillon et H. Convert n’ont pas fait un nouveau lever, mais ont vraisemblablement utilisé les levers de B. Loviot et de L. Homolle, l’état des vestiges étant strictement identique à celui existant sur le plan de H. P. Nénot en 1882 (pl. 7). Ce qui reste particulièrement remarquable tient au mode de représentation assez novateur pour l’époque. Pour la première fois, figurent des cotes altimétriques et des courbes isométriques permettant de restituer de façon précise les formes du relief 46 au-delà des limites de la fouille archéologique. On ne prend plus seulement en compte les vestiges 45. Gallois, EAD 3 (1910). 46. Il faut noter que les représentations cartographiques de la même époque en France, c’est-à-dire les cartes d’État-Major dont les minutes
sont levées à partir de 1818-1819 et publiées jusqu’en 1898, utilisent encore les hachures et le monochrome. La carte d’É. Ardaillon préfigure les cartographies appelées « type 1901 » caractérisées par l’utilisation des courbes de niveau et l’utilisation de plusieurs couleurs pour leurs publications (L. Costa, S. Robert, Guide de lecture des cartes anciennes [2009]).
LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
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stricto sensu mais la globalité de l’espace dans lequel les vestiges sont insérés. On va ainsi relever les murs de terrasse, les carrières… On note aussi que figurent des cotes bathymétriques détaillées, réalisées par M. Mercier et É. Ardaillon. Enfin, il faut noter la mention, à l’Ouest de la ligne de côte, d’un bâtiment noté X1 d’une dimension de 9,5 sur 14 m qui disparaîtra des plans après 1904. 2. 1. 4.
Les plans du XX e s. (jusqu’en 1972)
À partir du lancement de la Grande fouille en 1904 et avant les levers puis la confection du plan Maar à partir de 1910, la suite des documents produits est une synthèse entre le document d’É. Ardaillon et le plan de H. P. Nénot avec des informations complémentaires qui se surajoutent au fur et à mesure de l’avancée des travaux (pl. 9-10). Le plan Maar, un ensemble documentaire à part Composé de neuf feuilles éditées au 1⁄100, le plan Maar (pl. 13-14) constitue un remarquable document archéologique et la qualité de son exécution reste à ce jour inégalée. Ce plan extrêmement novateur pour l’époque fut une œuvre collective reposant sur les travaux topographiques de J. Replat et de H. Convert à partir de 1904, puis sur une intense activité de reprise des relevés et de dessin menée entre 1904 et 1911 par des architectes danois dont A. Maar, G. Poulsen et A. Frederiksen. Des relevés complémentaires de la main d’archéologues comme F. Courby appliqués sur des minutes de travail ont permis de donner à cet ensemble de documents une exhaustivité remarquable (pl. 15, 1)47. L’unité de relevé est le bloc. Chaque bloc est soigneusement détaillé allant jusqu’au détail des crampons entre les blocs. Un figuré normalisé permet de distinguer la matière de chacun des blocs, à savoir le marbre, le pôros, le gneiss et le granit. Une ombre portée conventionnelle avec une lumière venant du Nord-Est permet d’évaluer la hauteur conservée des murs et de distinguer les différents niveaux de construction. Cette information est complétée par une donnée de cote altimétrique située sur les angles des bâtiments ou sur les blocs remarquables. Sur certaines planches, on a des cotes précisant la largeur des bâtiments ou des pièces. Les murs protohistoriques ou jugés tels sont figurés en pointillés. Pour les ensembles de blocs ayant une importante élévation, un figuré noir peut être utilisé. On a peu d’informations sur l’altimétrie entre les vestiges qui n’est que rarement évoquée par des hachures. Les bâtiments ou monuments identifiés sont désignés par le nom qui leur a été attribué48. L’ensemble de ces documents a été géoréférencé puis vectorisé dans son intégralité (voir paragraphes suivants). Sur ce point, on ne peut que souligner la remarquable cohérence de cet ensemble tant en ce qui concerne les modes de représentation que les contenus. Les seules incohérences que nous avons pu constater tiennent aux dates de publication légèrement différentes d’une feuille à l’autre, produisant parfois un différentiel dans l’information. Le document est édité en noir et blanc (pl. 15, 3). Les autres levers À partir de 1908, on assiste à un changement manifeste dans le contenu de l’information et dans le mode de représentation qui devient typique des productions de la cartographie topographique du xxe s. C’est le nouveau plan topographique d’A. Bellot qui sert de référence pour les approches à l’échelle de l’île et les levers de J. Replat et de H. Convert qui sont utilisés pour la représentation des vestiges du Sanctuaire (pl. 11). Après cette phase de production intense, on enregistre une phase creuse jusqu’en 1970 avec la production d’un nouveau document, le plan 1972, qui ne fait qu’actualiser (voire appauvrir) le document de J. Replat mais sans évolution majeure. 47. Les archives de l’EFA conservent les planches originales ainsi que des minutes de travail indexées sous les cotes 36-01, 36-02, 36-03, 36-04 et 36-05. Mais sur le plan Maar, il y a néanmoins des lacunes, voir ci-dessus, p. 7. 48. Sur cette nomenclature, voir ci-dessus, p. 5.
INTRODUCTION : DES FOUILLES ET DES PLANS
2. 1. 5.
13
La cartographie de la fin du XX e s. et celle du XXI e s.
Depuis 1972, aucun nouveau plan spécifique ne vient marquer le paysage cartographique et planimétrique de Délos, sinon des documents de synthèse comme celui publié dans le Guide de Délos, en 1990. Le plan A. Carrier de 1984 marque cependant l’entrée des représentations du Sanctuaire dans une nouvelle ère liée aux technologies numériques (pl. 12). En conclusion, quel bilan faire de cet ensemble ? D’abord, une première remarque de forme qui montre la particularité de la production documentaire délienne et l’importance du Sanctuaire dans ces représentations. La plupart des documents présentés ci-dessus sont orientés vers l’Est afin d’avoir l’entrée présumée du Port sacré en bas du document et le Temple d’Apollon au centre du document (pl. 15, 2). Nom
Date
Blouet
1838
Homolle
1880
Nénot
1882
Ardaillon, Délos
1893
1
Ardaillon, Port
1896
1
CRAI 1903
1903
1
CRAI 1904
1904
1
Maar (feuilles éditées et minutes)
Échelle
Nbre de points
RMS (m)
6
5,4
⁄2 000
9
0,6
⁄200
7
0,3
⁄2 000
11
0,9
⁄2 000
11
0,9
⁄2 000
12
1,3
⁄2 000
18
1,5
⁄100
de 6 à 17
0,5
1
1
1904-1911
1
CRAI 1908
1908
1
⁄2 000
10
0,9
CRAI 1909
1909
1
⁄1 000
7
1,05
EAD 1 (1909)
1909
1
⁄1 000
17
0,69
Bellot, 1907
1907
1
⁄10 000
8
2,1
Replat, 1914
1914
1
⁄2 000
13
0,75
Plan 1972
1974
1
⁄2 000
8
0,75
Carrier, 1984
1984
1
⁄2 000
17
1,15
Tabl. 1 — Liste des documents avec leur date d’édition et l’erreur moyenne relevée.
Signalons ensuite la régularité et l’intensité de cette production à partir de 1877 et jusqu’à la Première Guerre mondiale où se succèdent des documents de toute nature et à toutes les échelles. On peut distinguer trois grands types de documents : – Les plans de fouilles du Sanctuaire à des échelles allant du 1⁄100 au 1⁄200 avec deux étapes marquantes, le plan Nénot (1882) et le plan Maar (1904-1911), qui appartiennent à une série de relevés archéologiques avec le minimum d’interprétation. Tous deux possèdent aussi en commun leur qualité de mise en œuvre avec une très faible erreur RMS (RMS : de 0,4 à 0,5 ; tabl. 1). – Les plans du Sanctuaire et de son environnement au 1⁄2 000 avec les documents publiés dans les revues comme les CRAI ou celui de Replat de 1914 qui relèvent de la synthèse. Le plan 1972 appartient aussi de cette catégorie. Ici, les contraintes de publication influencent très largement les types de représentation et le contenu même du document. Le document est donc moins précis et les déformations plus importantes (RMS : 0,6 à 1,15 ; tabl. 1). – Les plans de synthèse de l’île à des échelles allant du 1⁄2000 au 1⁄10 000 sont marqués par trois étapes importantes : Ardaillon (1893), Bellot (1907) et Carrier (1984). L’échelle de publication induit des erreurs plus importantes (RMS : 0,9 à 1,15). Ici, l’objet n’est pas spécifiquement le Sanctuaire mais l’île perçue comme un ensemble. Le
LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
14
nouvel atlas de Délos s’inscrit lui aussi dans cette perspective49. Il est intéressant de noter que ce souci de globalité apparaît très tôt, dès 1893. Sur Délos, se mettent très rapidement en place les bases d’une cartographie scientifique innovante pour l’époque, où les représentations romantiques des vestiges laissent place, dès la fin du xixe s., à des visions plus techniques et factuelles des données. L’association des archéologues, des architectes, puis des ingénieurs géographes et des ingénieurs topographes permet cette dynamique, sensible dès le plan de H. P. Nénot. À Délos, le plan Maar, archétype même du plan archéologique rigoureux et précis, se distingue des productions précédentes et de la plupart des productions de la même époque. Son ampleur et son niveau de détail sont tout à fait comparables à ce que l’on réalise sur les chantiers contemporains. On remarque aussi que la production des données de bases (levers) et des relevés de vestiges, d’abord déléguée à des architectes ou à des ingénieurs topographes civils ou militaires (H. Convert, J. Replat et A. Bellot), commence à être prise en charge très tôt par des archéologues comme F. Courby qui savait fort bien dessiner. C’est aujourd’hui une pratique courante, chaque archéologue produisant lui-même les supports de son étude avec d’autant plus de facilité que les outils numériques donnent à l’utilisateur la possibilité d’intervenir à toutes les étapes de la chaîne de production, de la collecte des données à leur traitement et jusqu’à la restitution. 2. 2.
La vectorisation de la documentation
Les données dans le monde numérique peuvent être au format raster. Elles peuvent aussi être au format vectoriel (images décrites par un ensemble de coordonnées mathématiques en lieu et place d’une grille de pixels). Bien que plus compliqué à mettre en œuvre que le format raster, le format vecteur présente de nombreux avantages (pl. 16, 1-2). Il permet d’individualiser les objets et de réaliser des interrogations ou des modélisations plus complexes. On peut, par exemple, enrichir par des données complémentaires chaque entité qui est modélisée. Ainsi un bloc va pouvoir être caractérisé par sa matière, son bâtiment d’appartenance, sa superficie, etc. (pl. 15, 3). Cependant, la simple vectorisation des données, si elle permet de passer d’une image statique à une image dynamique, ne se révèle pas suffisante pour constituer une véritable base de données géographiques utile à la recherche. Il faut encore déterminer le schéma conceptuel général de la base de données, autrement dit l’organisation et la répartition de l’information qui va être redessinée. Nous exposons ci-dessous les modalités de constitution de cette base de données et les implications méthodologiques qu’elles entraînent. 2. 2. 1.
Les apports d’une base de données vecteurs à l’étude du Sanctuaire de Délos
L’information archéologique possède par nature une caractéristique spatiale qui lui est intrinsèque. Pour construire une base de données géographiques, le schéma classique veut que l’on mette en place une modélisation permettant de hiérarchiser l’ensemble des données selon une structure prédéfinie (autrement appelé en informatique schéma ou modèle conceptuel des données – SCD ou MCD). Ainsi l’utilisation d’un Système d’Information Géographique (SIG), avec ses capacités de base de données géographiques, c’est-à-dire ses facultés à gérer simultanément le spatial et la sémantique et à établir des liens, couplées à des propriétés de tris et de traitements statistiques, permet d’aboutir à des cartes raisonnées. Pour Délos, la configuration des vestiges nous amène à travailler sur un milieu de type urbain. Pour les questions méthodologiques liées à l’organisation de données, on peut se référer à deux modèles : celui développé pour l’application nationale PATRIARCHE (carte archéologique nationale) ou les réflexions menées à l’initiative du Centre national d’archéologie urbaine (CNAU), qui propose un modèle de structuration de l’information archéologique en milieu urbain50.
49. Sur l’atlas de Délos, voir Q. Briquet (n. 36). 50. Ministère de la Culture, Direction du Patrimoine, Sous-Direction de l’Archéologie, Centre National d’archéologie urbaine, Application prototype pour les documents d’évaluation du patrimoine archéologique des villes de France (2003), 7 p. Eid., Informatisation des Documents d’Évaluation du Patrimoine Archéologique des Villes de France, bilan d’étape 2002-2003 (2004).
INTRODUCTION : DES FOUILLES ET DES PLANS
15
Le modèle PATRIARCHE Le modèle PARTIARCHE a été développé pour les besoins du ministère de la Culture française51. Sa visée est donc la gestion scientifique des données des opérations archéologiques, dans une optique administrative. Il s’appuie sur deux notions clefs qui sont la notion d’entité archéologique (EA) et la notion d’opération archéologique (OA). L’ entité archéologique (EA) est l’unité documentaire d’enregistrement. Elle correspond à une occupation associée à un lieu durant une période de temps. Une EA peut être un ensemble de vestiges composés de restes mobiliers ou immobiliers témoignant d’activités passées et présentant une unité chronologique et/ou fonctionnelle sur un espace donné. Ces vestiges peuvent avoir été découverts lors d’une ou de plusieurs opérations archéologiques (OA). Les EA peuvent être simplement un lieu contenant des vestiges indéterminés ; ou encore un lieu dont on sait par des ressources extra-archéologiques qu’il est susceptible de contenir des vestiges archéologiques. Une EA peut prendre la forme d’un point, d’une ligne ou d’un polygone. D’autres notions viennent compléter ce schéma de base : les opérations de terrain, la notion de protection (gestion administrative), la notion de sources (données documentaires), la notion de répertoire (fichier d’adresses pour la gestion administrative), la notion de table de référence régionale (thésaurus de saisie des EA). Un exemple d’utilisation de ce modèle de données a été développé par le Service régional de Bretagne (SIGUR : Système de gestion des données urbaines de Rennes)52. Ce développement prend la forme d’un module complémentaire à l’application PATRIARCHE et permet de gérer de manière souple et interactive des corpus de données souvent complexes et de construire des hiérarchies entre les objets. Le modèle du CNAU Le modèle du CNAU53 est un modèle théorique qui n’a pas véritablement, à ce jour, été développé à grande échelle. Il a été constitué à l’origine pour l’informatisation des documents d’évaluation du patrimoine des villes de France (DEPAVF). Il s’appuie sur la différentiation de deux grands ensembles d’entités : l’entité dite spatiale et l’entité dite fonctionnelle. La première est géographiquement pertinente, la seconde l’est historiquement. Une entité spatiale (ES) correspond à un ou plusieurs vestiges associés à un lieu. Ces ES peuvent prendre la forme d’un point, d’une ligne ou d’un polygone. Une entité fonctionnelle (EF) est un ensemble d’ES cohérentes du point de vue fonctionnel et spatial. Les EF peuvent se décliner et s’emboîter sur plusieurs niveaux. Une ES simple définit une EF simple qui peut ellemême faire partie d’une entité de second ordre : entité fonctionnelle composite (EFC). Par exemple, un tronçon de mur dégagé en fouille peut s’intégrer à un rempart connu par la lecture de cartes anciennes. Le tronçon, tel qu’il a été dégagé durant la fouille (ES), constituera alors une EF, un tronçon de rempart, s’intégrant à une EFC plus large, le rempart dans sa totalité. À un niveau supérieur, le modèle du CNAU propose une notion encadrante d’entité urbaine (EU). De fait, les deux modèles sont assez proches et se fondent tous deux sur les notions d’objets simples et d’objets complexes qui se réfèrent à la modélisation dite « hyper data base structure » (HDBS)54. Ces deux modèles permettent une série d’emboîtements et la constitution d’objets complexes et souples modifiables à mesure de l’évolution de la réflexion historique. Ce type d’approche par hiérarchisation constitue une des bases de l’approche archéologique qui fonctionne par le biais d’associations/dissociations d’objets en groupes cohérents. 2. 2. 2.
Principes d’organisation des données du système d’information géographique
La base de données archéologiques de Délos a été conçue pour intégrer des données socio-spatiales que l’on peut interroger pour produire des restitutions cartographiques établies aux moments t0, t1, t2…, et ce en fonction des 51. A.-M. Cottenceau, Fr. Fromentin, « PATRIARCHE (Patrimoine archéologique)», Culture et recherche 85-86 (2001), p. 16. 52. Th. Lorho, « SIGUR : un SIG pour la pratique de l’archéologie en milieu urbain », dans Acte du colloque international de Paris 3 et 4 juin 2008, Archeologia e calcolatori 19 (2009), p. 61-72. 53. H. Galinié, X. Rodier, L. Saligny, « Entités fonctionnelles, entités spatiales et dynamique urbaine dans la longue durée », Histoire & Mesure 19 (2004), p. 223-242. 54. Fr. Bouillé, Un modèle universel de banques de données simultanément portables, réparties, Thèse d’État, université Pierre-et-MarieCurie, Paris (1977).
LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
16
problématiques potentiellement infinies de chaque utilisateur de l’application. La souplesse de cet outil lui permet aussi d’être enrichi relativement facilement par ses utilisateurs : un étudiant qui travaillerait sur la répartition des inscriptions sur tel ou tel temple pourrait lui-même entrer, à partir des premières couches, une nouvelle couche d’informations et la relier aux différentes données existant déjà. Au-delà de cette utilisation élémentaire du SIG, celui-ci sera plus fondamentalement utile à tous ceux qui veulent travailler sur la dynamique de l’espace délien : en effet, pour rendre compte de l’évolution de cet espace, la seule approche aujourd’hui maîtrisable consiste à produire des états successifs que l’on compare, sous la forme de restitutions généralement cartographiques. Celles-ci sont forcément statiques, mais l’accès à des outils de calcul et de représentation dynamiques est un moyen puissant de remettre en perspective l’évolution d’un espace donné, en attendant que soient développées les possibilités offertes par l’animation ou des modèles de données plus dynamiques. 2. 2. 3.
Mise en œuvre du modèle délien
À Délos, nous avons fait le choix de réaliser nos développements sur la base d’entités élémentaires et topographiques (pour des questions de facilité de mise en œuvre). L’élément constitutif élémentaire se caractérise d’abord par une position spatiale. Pour la base de données Délos, nous nommons cet élément « artefact archéologique ». Il peut prendre la forme d’un point, d’une ligne ou d’un polygone. Il peut s’agir d’un bloc, d’une fosse ou de tout autre vestige archéologique non assimilable à un ensemble fonctionnel. Les autres données, les inscriptions par exemple, sont assimilées à des vestiges. Chacun est caractérisé, géographiquement par sa représentation graphique, et sémantiquement par un ou plusieurs descripteurs : ainsi pour les blocs, par une matière, une source, des éléments chronologiques (si possible) et un identifiant unique. À ce niveau élémentaire, l’information reste uniquement descriptive, ce qui permet de garantir l’intégration de toute la documentation scientifique, y compris celle non interprétée. Nous avons, par exemple, fait le choix de reprendre l’ensemble des éléments figurés dans le plan Maar sous leurs formes graphiques originales, sans aucune interprétation (pl. 16, 1-2). Ce travail aboutit à la constitution de deux couches de données qui constituent le cœur de notre système. Le tabl. 2 en donne un aperçu. Nom
Type d’objet
Nombre
Archeo_artefacts
Unités élémentaires d’enregistrement de l’information (Polygones)
37 124
Archeo_Pts_alti_maar
Éléments d’altimétrie figurés sur le plan Maar
1 523
Tabl. 2 — Les couches centrales, les artefacts et les points altimétriques.
L’interprétation fonctionnelle intervient dans un second temps par la hiérarchisation et les regroupements des différents objets. Ces regroupements s’effectuent par le biais de recrutements55 permettant de composer des unités fonctionnelles qui seront regroupées pour composer des ensembles archéologiques cohérents. Trois niveaux hiérarchiques ont été définis selon un schéma type artefact/mur-bâtiment/entités. Ces différentes associations de structures vont pouvoir être regroupées pour constituer un ensemble archéologique cohérent ou entité qui, pour utiliser une analogie, correspond à l’EA (entité archéologique) dans l’application PATRIARCHE. L’entité archéologique va donc être constituée par le recrutement d’un certain nombre d’objets simples et/ou complexes. Ainsi, une entité, un temple par exemple, peut se composer d’un bâtiment, d’un mur de péribole, d’un segment de mur isolé, etc. Tous les éléments, hiérarchisés ou non, entrant dans la constitution de l’EA sont répertoriés. Cette hiérarchisation et ces regroupements d’éléments hiérarchisés sont réversibles et modifiables instantanément à tous les niveaux, et les modifications sont immédiatement répercutées à l’ensemble de la base. On a ainsi deux couches d’information contenant ces données de regroupement (tabl. 3).
55. Th. Lorho (n. 52), p. 61-72.
INTRODUCTION : DES FOUILLES ET DES PLANS
17
Nom
Type d’objets
Nombre
Archeo_bat
Niveau de synthèse général
113
Archeo_entités
Niveau de synthèse de niveau 2
394
Tabl. 3 — Les bâtiments et les entités.
2. 2. 4.
Bilan des données acquises
De manière complémentaire, d’autres données sont venues compléter cet ensemble central (tabl. 4). Nom
Type d’objet
Nombre
Délos blocs errants
Répertoire des blocs errants réalisé par Fr. Herbin (polygone)
2 927
Délos blocs errants points
Répertoire des blocs errants réalisé par Fr. Herbin (point)
2 927
Délos blocs errants zones
Zones d’inventaire des blocs errants réalisé par Fr. Herbin (polygone)
GEO points Dellingers
Reprise et situation des points topographiques Dellingers (points)
175
GEO Topo Fadin
Points topographiques relevés par le topographe de l’EFA (points)
131
GEO_évolution cote
Étude de l’évolution de la côte réalisée par St. Desruelles
13
GEO_niveaux substrats
Étude de la topographie du substrat rocheux, réalisée par St. Desruelles. Sondages (points)
74
GEO_niveaux substrats
Dessin des isolignes du substrat rocheux, réalisé par St. Desruelles (points)
74
GEO_points altimétrie actuelle
Lever de la topographie actuelle entre les bâtiments archéologiques, réalisé par L. Costa (points)
GEO_alti_Carrier
Vectorisation des courbes isolignes (lignes)
37
718 87
Tabl. 4 — Les données complémentaires.
Un catalogue de données au format ISO 19115 vient compléter ce document. Il permet de disposer d’un descriptif détaillé pour chacune des couches constituées à l’occasion du projet. 2. 2. 5.
Le Sanctuaire en version numérique : de la vue en 2D à la vue en 3D
Le cumul d’une vaste documentation prend d’autant plus de sens lorsqu’elle est remise en perspective ; l’exemple de Délos et de cette série de cartes, aujourd’hui numérisées et vectorisées, illustre une rupture dans la notion même de données et de représentation. En effet, si auparavant les cartes et les représentations étaient ancrées dans un espace temporel et technique donné (avec un auteur, une légende, une technique), la multiplication des possibilités de manipulation de l’information transforme le rapport du chercheur à la cartographie. De l’outil de production graphique (Illustrator) à l’outil de gestion de données (SIG), la donnée prend aujourd’hui le pas sur la représentation. De fait, les systèmes de gestion d’information que nous construisons, s’ils permettent des représentations spécifiques, permettent surtout de produire des briques de données qui sont potentiellement réutilisables à l’infini. Leur structuration en grains élémentaires sous la forme de couches, indépendantes les unes des autres mais liées par leur localisation, permet de rétablir de la continuité dans ce discontinu que sont les représentations cartographiques. Il permet d’intégrer dans un continuum des données et des représentations d’origines et de temps différents pour les compiler et pour les confronter à d’autres sur une même base – l’espace – et ainsi produire de nouvelles représentations. En ce sens, le projet de SIG sur le Sanctuaire de Délos n’est pas une simple représentation finale, une de plus,
18
LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
mais une sorte de méta-représentation dont les utilisations restent encore à venir. Nous illustrons dans la suite de ce texte quelques utilisations possibles de ces données. Un exemple d’utilisation de données numériques : restituer la topographie ancienne du Sanctuaire et du Port sacré Délos ne possède pas une topographie très accidentée et la zone d’implantation du Sanctuaire constitue une cuvette qui, globalement et à l’échelle de l’île, se présente comme une zone plane. Cet état de fait explique sans doute l’absence, sur la plupart des documents en plans, de données sur l’altimétrie environnante. Par ailleurs, sur les maquettes et les restitutions précédentes, le sol du Sanctuaire est globalement perçu comme une surface plane (pl. 16, 3). Le plan Nénot, par exemple, ne laisse entrevoir que quelques mesures, correspondant à des altimétries et limitées dans certaines zones suffisamment dégagées (pl. 7). Leur nombre réduit ainsi que la relative imprécision de leur localisation ne permettent pas vraiment de les utiliser. Le plan Maar, lui, ne propose aucune altimétrie entre les bâtiments, les points indiqués n’étant positionnés que sur les blocs. Les seules représentations proposant une restitution de l’altimétrie sur la zone du Sanctuaire sont difficiles à utiliser étant à des échelles inadaptées (Carrier ou Bellot 1⁄10 000). Dans tous les cas, elles ne permettent pas de travailler à l’échelle du Sanctuaire où l’amplitude altimétrique reste faible (−10 m). Cependant, si à l’échelle de l’île cette zone représente une vaste cuvette, une simple visite sur le terrain et une analyse plus détaillée des altimétries des bâtiments montrent une configuration plus nuancée et une amplitude entre les altitudes basses et les altitudes hautes qui, à l’échelle d’un individu, possède une importance. On peut donc faire l’hypothèse que cette microtopographie a joué un rôle dans l’implantation des bâtiments et que les différents acteurs locaux ont dû en tenir compte dans leurs logiques d’implantations. Cette organisation du modelé et de la topographie ancienne fine du Sanctuaire peut être modélisée grâce au SIG et aux fonctions d’analyse spatiale, et nous montrons dans les lignes qui suivent les différentes étapes à suivre pour proposer une représentation de ces sols et de leur altimétrie dans leur état actuel et leur état ancien. Première approche : le Sanctuaire La première étape de cette modélisation a consisté à créer un référentiel sur l’altimétrie actuelle. Nous avons réuni un échantillonnage de 1 084 points (par relevés au théodolite). Sur cette base, nous avons extrapolé, à l’aide de l’algorithme dit des plus proches voisins56, un modèle continu de l’altimétrie (pl. 17, 1-2). Celui-ci nous a permis de produire des courbes isolignes d’une amplitude altimétrique de 10 cm. Ces courbes ont ensuite été corrigées manuellement afin de faire disparaître les aberrations de calcul. Les 114 courbes obtenues permettent de proposer un rendu du modelé de terrain actuel dont les altimétries varient entre 0,7 m à 4,4 m (altitudes EGSA). Forts de ces premiers résultats, nous nous sommes attachés à réaliser un second échantillonnage destiné cette fois à restituer les niveaux antiques. Nous avons donc relevé des niveaux des restes de sols conservés, des seuils, les dallages, etc.57 pour constituer un corpus de 309 points correspondant à des mesures associées à des éléments ou des lambeaux de niveaux anciens. Ce premier échantillonnage a été complété par 125 points issus des plans Maar, vectorisés, correspondant à des altimétries de sols, de dallages, de seuils… On le voit pl. 18, 1-2, l’ensemble constitue une base représentative permettant d’approcher ce que devait être l’état du modelé aux périodes anciennes. À partir 56. L’interpolation par voisins naturels recherche le sous-ensemble d’échantillons en entrée le plus proche d’un point désigné et leur applique une pondération sur la base de surfaces proportionnelles afin d’interpoler une valeur, voir R. Sibson, « A Brief Description of Natural Neighbor Interpolation », dans V. Barnett (éd.), Interpreting Multivariate Data (1981), p. 21-36. Cette méthode est également connue sous le nom d’interpolation de Sibson. Ses propriétés de base sont son caractère local (utilisation d’un seul sous-ensemble d’échantillons entourant un point désigné) et la garantie que les hauteurs interpolées se situent dans la plage des échantillons utilisés. Elle ne déduit aucune tendance et ne produit pas de sommets, dépressions, crêtes ou vallées autres que ceux déjà représentés par les échantillons en entrée. La surface passe par les échantillons en entrée ; elle est lisse partout, sauf aux emplacements correspondant à ces échantillons. Elle fonctionne aussi bien avec des données réparties de manière régulière qu’irrégulière (D. Watson, Contouring: A Guide to the Analysis and Display of Spatial Data [1992]). 57. Ce travail a été réalisé en collaboration avec Fr. Herbin durant la mission de 2009.
INTRODUCTION : DES FOUILLES ET DES PLANS
19
de là, nous avons extrapolé, sur la base de l’algorithme des plus proches voisins, un modèle continu. Comme pour le modèle actuel, nous avons ensuite produit des courbes isolignes avec une amplitude altimétrique de 10 cm. Ces courbes ont aussi été corrigées manuellement afin de faire disparaître les aberrations de calcul. Les 104 courbes obtenues permettent de proposer un rendu du modelé de terrain actuel dont les altimétries varient de 0,1 m à 6,3 m (alti EGSA). Un premier bilan peut être tiré de cette première modélisation. Au niveau global, le Sanctuaire présente une topographie qui prend la forme d’une série de terrasses délimitant des espaces plans spécifiques dans lesquels viennent s’inscrire des ensembles de bâtiments. En termes d’évolution du modelé, il ne semble pas y avoir de changement majeur entre les deux modèles, du moins au niveau de la structure générale. Le substrat granitique affleurant, l’érosion est d’une faible ampleur (moins de 50 cm en moyenne) montrant des niveaux de sol sensiblement identiques aux périodes anciennes et actuelles. En revanche, on peut faire le constat d’un assouplissement des amplitudes entre les altitudes les plus hautes et les plus basses (de 0,7 m à 4,4 m, soit 3,7 m entre l’altitude la plus haute et la plus basse pour le modèle actuel et de 0,1 m à 6,3 m soit 6,2 m pour le modèle ancien). En tout état de cause, cette modélisation montre un Sanctuaire qui n’est pas un simple plan mais un espace structuré sous la forme de plateaux successifs au sein desquels des ensembles cohérents de bâtiments sont implantés. Ce sont donc les logiques de secteurs qui prédominent sur la cohérence globale du Sanctuaire58. Nous avons dégagé trois grandes zones topographiques dans lesquelles ont été délimités huit secteurs qui possèdent leur cohérence topographique (pentes et pendage). Cette cohérence est à mettre en relation avec l’implantation des bâtiments et plus particulièrement avec les ouvertures de ces bâtiments (pl. 19). Seconde approche : le Port sacré Dans la continuité de ce premier travail, nous avons réalisé sur la zone du port une étude du même type afin de mieux comprendre la topographie du Port sacré. Il s’agissait alors de restituer par une modélisation les niveaux bathymétriques supposés pour les périodes antiques. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur notre première modélisation complétée par l’analyse et le géoréférencement de cinq documents dont nous livrons ci-dessous la liste en précisant le type d’information qui a été retenu (pl. 20) : 1 — Bellot 1907 = Carte de l’île de Délos et de l’extrémité orientale de l’île de Rhénée levée pour l’École française d’Athènes, en 1907-1908, par M. le capitaine d’artillerie A. Bellot, du service géographique de l’Armée, au 1⁄10 000. Sondages de M. l’enseigne de vaisseau A. Bringuier. Description : 94 points de mesure des fonds marins, allant de 0,4 à 55. Altitudes négatives caractérisées par leur types (r = roches, s = sable, h = herbes). Couverture : chenal de la pointe Nord de l’île de Rhénée jusqu’à 400 m vers l’Est et au Sud vers la baie de Fourni. 2 — Ardaillon 1896 = Relevé des fouilles du port de Délos par É. Ardaillon, membre de l’École française d’Athènes, au 1⁄2 000. Description : 203 points cotés de − 15 à 16,9 m. Repère 0 pris sur la côte au Nord-Ouest du Sanctuaire. Couverture : commence au Sud de la baie de Skardhana jusqu’à la limite Sud des magasins sur une bande de 20 à 180 m correspondant globalement à la zone du Port sacré. 3 — Bringuier 1910 = Carte de la côte orientale de l’île de Délos montrant les ruines des constructions maritimes, levée par M. A. Bringuier enseigne de vaisseau (1907-1908) avec additions de M. M. H. Convert et de J. Paris en 1909 au 1⁄2 500. Description : 1 933 points de mesure des fonds marins allant des cotes de 0,1 à 41. Toutes ces altitudes sont négatives et sont caractérisées par leur types (r = roches, s = sable, h = herbes). Ce document est le plus dense en informations de l’ensemble et permet de développer une approche détaillée de la côte Ouest de l’île. Couverture : côtes Ouest de Délos, de la baie de Skardhana à la baie de Fourni.
58. C’est aussi ce que confirme l’analyse historique et archéologique des espaces déliens, voir chap. VII.
LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
20
4 — Paris 1910 = Carte des ports antiques de Délos (côte occidentale) au 1⁄2 500. Description : représentation des ports antiques. Compilation d’informations de seconde main. Nous n’avons pas retenu les courbes hypsométriques proposées, celles-ci étant issues des données des cartes d’A. Bringuier (1910) et de celles d’É. Ardaillon (1896). Couverture : côtes Ouest de Délos, de la baie de Skardhana à la baie de Fourni. 5 — SHOM 1843 = Bathymétrie générale de Mykonos / Délos / Rhénée. Carte au 1⁄1 0 4000 produite par le SHOM et dressée d’après la carte britannique de 1843, puis mise à jour d’après les cartes grecques jusqu’en 1986 (2e édition) et la carte Bathymétrique du détroit de Dili au 1⁄18 500. Description : 199 points de mesure cotés de − 97 à − 1. C’est l’ensemble de points de mesure le plus ancien et traitant de la zone la plus vaste de l’ensemble documentaire. Couverture : carte bathymétrique générale couvrant toute la zone jusqu’à l’île de Mykonos. Un détail au 1⁄18 500 permet de disposer d’un échantillonnage plus précis dans la zone du détroit de Dili.
Ainsi 2 246 points ont été réunis en trois ensembles différents. Bien que le nombre de points de mesure soit assez important pour proposer une modélisation de la topographie sous-marine du détroit, il reste assez disparate en terme de densité et l’absence de points de correspondance fiables entre ces trois levés hypsométriques rend difficile une compilation en un seul ensemble pour une démarche de modélisation unique. Nous avons donc pris le parti de séparer les modélisations de ces trois ensembles de points pour pouvoir ensuite comparer les trois résultats et dégager des cohérences générales permettant d’obtenir une topographie de la bathymétrie générale du détroit. Les études ont été faites dans le système altimétrique EGSA, puis nous avons projeté sur nos résultats les niveaux anciens des eaux59 (pl. 21, 1). Sans entrer dans les détails de l’interprétation de ces résultats, on voit clairement que le Sanctuaire se situe dans une zone de hautes eaux où la circulation des bateaux de fort et de moyen tonnage est difficile, voire impossible. La logique de sédimentation du port reste insuffisante pour expliquer cette tendance générale de la topographie. Cette modélisation nous oblige donc à reposer la question de l’accès maritime du Sanctuaire et de l’utilisation du Port sacré (pl. 21, 2). La modélisation 3D Dans ces deux cas de figure, on voit que le géoréférencement et la modélisation des données n’offrent pas une simple compilation, mais permettent de redistribuer les savoirs et de poser de nouvelles questions. De plus, la dématérialisation de l’information planimétrique permet non seulement une gestion et une série d’analyses en 2D, mais offre aussi la possibilité de s’orienter vers le monde de la 3D qui permet, pour peu qu’on s’entende sur la notion de 3D, de nouvelles perspectives de recherche qui vont au-delà du simple constat et de la simple restitution. On peut, classiquement, attribuer à la 3D deux objectifs principaux60 : la présentation au public d’états disparus et une aide à la compréhension des vestiges pour les chercheurs. Ces deux domaines ne sont pas contradictoires, mais il est nécessaire de bien définir en amont la part relative de chacun lorsque l’on décide de mettre en chantier une restitution 3D, qui peut aller de la simple maquette volumétrique à l’immersion du spectateur dans l’image virtuelle, de la plus petite échelle à l’échelle 1. Pour Délos, nous avons fait le choix de développer une construction hiérarchique destinée à la compréhension globale de la volumétrie et des circulations au sein du Sanctuaire. Ce choix implique de développer une gestion structurée des différents ensembles architecturaux. Par ensembles architecturaux, nous entendons les différents bâtiments ou monuments individualisables (grands ou petits monuments). Ces différents ensembles sont manipulés comme des composants au sein d’une scène générale, puis repris bâtiment par bâtiment en différents niveaux de détail. Nous avons fait de même pour la sta-
59. Voir chap. II, p. 41. 60. B. Dufaÿ, « La modélisation 3D de grands ensembles monumentaux, de la restitution au public à la recherche scientifique », dans
L. Costa, Fr. Djindjian, Fr. Giligny (dir.), Actes des troisièmes Journées d’Archéologie et Informatique de Paris (JIAP 2012), Archeologia e calcolatori Suppl. 5 (2014), p. 149-163.
INTRODUCTION : DES FOUILLES ET DES PLANS
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tuaire où le concept de base est celui de modèle type. Il s’agit de privilégier la vue d’ensemble sur le réalisme du détail 61. Trop souvent encore, les restitutions sont réalisées après l’étude d’un site, et pensées seulement en termes d’illustrations perfectionnées pour une publication ou une muséographie. Or ces traductions volumétriques doivent être pensées autrement, comme parties du processus de recherche offrant différentes analyses potentielles. Par exemple, la 3D oblige à porter attention aux circulations, notamment aux circulations entre les bâtiments, parfois oubliées. Elle oblige aussi à porter attention non seulement aux architectures mais aussi à leurs interrelations avec les autres éléments du Sanctuaire. Les archéologues restituent les vestiges comme autant de structures indépendantes, sans se poser la question de leurs dynamiques, de leurs accès réciproques et des voies de circulation qui peuvent les desservir ou les éviter. La 3D entraîne aussi l’obligation d’homogénéiser le niveau d’information, que ce soit en restituant des parties manquantes ou, au contraire, en simplifiant des éléments encore en élévation. C’est donc une étape supplémentaire dans la modélisation. Dans le cas de Délos, le résultat de ce lissage a été très positif, puisqu’il a permis une « vue d’ensemble », et ce pour chaque époque choisie. Ce concept a été formalisé par P. Bayard62, à propos des lieux qui sont évoqués dans les textes littéraires. La « vue d’ensemble » est la « vision synthétique d’un être ou d’un objet, qui ne s’arrête pas au détail, mais tente d’en saisir, au-delà des apparences, l’essence profonde »63. Elle est le résultat d’une opération de sélection du point de vue, qui permet d’éviter de se perdre dans l’anecdotique, « de privilégier à l’aveuglette tel ou tel point secondaire du lieu traversé, rencontré de manière aléatoire ». La « vue d’ensemble » est un « guide », un « itinéraire », qui protège du « risque de s’égarer dans le foisonnement des possibles, sans se donner les moyens d’une synthèse »64. En effet, dans la majorité des cas, l’archéologue raisonne sur des vestiges qui sont quasiment en deux dimensions, tant leur élévation est faible. C’est particulièrement vrai pour le Sanctuaire où les niveaux anciens sont très lacunaires. Or, pour comprendre réellement les structures auxquelles nous avons affaire, il faut en restituer les élévations. Ce type de travail est fait selon des approches classiques et la restitution de H. P. Nénot constitue sans doute l’une des plus remarquables qui soit sur le Sanctuaire d’un point de vue esthétique, même si elle est entachée de nombreuses erreurs archéologiques (pl. 22). La question de la périodisation, ou comment rendre compréhensible l’évolution du site, doit aussi être posée. Il n’est pas si fréquent de réaliser des projets de restitution 3D qui prennent en compte la dimension temporelle et présentent l’évolution spatiale d’un site. Ici, trois étapes clés ont été choisies. La période hellénistique (150-100 av. J.-C.) correspondant au développement maximal du Sanctuaire a constitué la scène principale. Cette scène centrale est complétée par deux autres restitutions, l’une pour la période archaïque (500 av. J.-C.) et l’autre vers 350 av. J.-C. (pl. 84-85). La pérennisation des données Au-delà de la publication, qui constitue une étape importante dans ce travail, il est une question qui reste rarement posée : celle de la pérennisation de ces données numériques65. On sait aujourd’hui qu’une donnée numérique qui ne 61. Au moins quatre niveaux ont été développés : – niveau a : restitution de la dynamique d’ensemble et de la structure spatiale (long., larg., haut. sous corniche, sous faîtière, z, x, y) ; – niveau b : restitution simple des architectures et des liaisons entre les bâtiments, dynamique spatiale locale (volumes architecturaux simplifiés, corniches, toits, moulures, fenêtres, portes...) ; – niveau c : restitution des détails connus et de l’architecture extérieure et intérieure et des ensembles architecturaux ; – niveau d : restitution détaillée des éléments architecturaux, des décors ou de la statuaire. Ici, la photogrammétrie est utilisée notamment sur les statues. 62. P. Bayard, Comment parler des lieux où l’on n’a pas été ? (2012). 63. P. Bayard (n. 62), p. 158. 64. P. Bayard (n. 62), p. 38 et 40. 65. Cette question est d’autant plus importante qu’elle rentre directement en résonnance avec la directive INSPIRE qui impose aux organismes publics producteurs d’information géographique la mise en place d’une infrastructure de données géographiques prévoyant des dispositifs d’accès et d’échange de l’information. Pour plus d’information, voir en ligne : http://register.consilium.europa.eu/pdf/fr/06/ st03/st03685-re12.fr06.pdf.
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LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
fait l’objet d’aucun suivi est une donnée que l’on peut qualifier de « morte ». Il est clair que les données numériques ne sont pas d’emblée de nature pérenne. En effet, il ne suffit pas de les stocker à un endroit pour se dire qu’elles seront accessibles longtemps après. L’archivage numérique pérenne est une opération spécifique qui nécessite de la gestion, de la surveillance et le renouvellement des supports d’enregistrement mais aussi l’absence de formats propriétaires et un bon codage initial des données. En ce qui concerne la base Délos, nous avons été tout particulièrement attentifs au respect des normes internationales (notamment la norme de l’OGC pour la formalisation de l’information géographique). De plus, la donnée collectée a été mise à disposition des différents partenaires, à la fois sous sa forme graphique initiale66 mais aussi sous une forme plus dynamique par le biais d’un portail de webmapping permettant à la fois de visualiser les différentes données, de les interroger, de produire des cartes ou de les télécharger (http://dmap.tge-adonis.fr/delos_sanctuaire/flash/). Or, l’outil tel qu’il existe actuellement a été développé dans le but de constituer à la fois un support d’échange et de réflexion réservé à l’équipe dans le cadre de cette étude, mais aussi un support d’accompagnement à la lecture de cet ouvrage. Il n’est, en revanche, absolument pas conçu comme un outil permettant d’assurer la pérennité sur le très long terme des données. La question se pose donc du devenir de ces informations, aucune des équipes en présence n’ayant vocation à leur gestion sur la longue durée. La question est aussi posée pour les restitutions en trois dimensions. En la matière, il n’existe a priori pas de solution toute faite ni même de formats qui nous assureraient une conservation de l’information numérique sur le long terme67. Il est, en effet, impossible d’imaginer toutes les évolutions possibles qui se dérouleront dans les années à venir. Dans l’attente de solutions plus satisfaisantes, nous avons donc tenté de mettre en place une base de données géographiques qui, tout en prenant en compte les nécessités du travail des différentes équipes du projet, respecte les normes les plus répandues de stockage et facilite ainsi l’interopérabilité et une éventuelle reprise des informations collectées. Actuellement 18 couches de données vecteur et 34 couches de données raster ont été réunies. Chaque couche de données a fait l’objet d’une fiche de métadonnées68 la décrivant. L’ensemble de ces fiches constitue un catalogue conforme aux normes définies par la directive européenne INSPIRE69 (norme ISO 19115) qui est une grille de description des données à la fois sur leur forme, leur contenu ou les modalités de leurs réutilisations. Dans le même esprit, nous souhaitons associer à cette publication une base de données en ligne dont la conception et les modes de gestion resteraient à préciser. L’outil se présenterait comme une interface SIG classique, sauf qu’ici l’utilisateur n’aurait besoin que d’un navigateur pour accéder à toutes les données liées à son profil, où qu’il soit et avec n’importe quel type de machine connectée à internet. Le lecteur pourrait ensuite bénéficier de la simple visualisation jusqu’à l’édition et l’exportation en ligne de l’intégralité des données en fonction des droits qui lui sont affectés. Cet outil serait de plus fondé sur des outils logiciels et des langages open-source (PHP, MySQL), qui garantissent, autant qu’il est possible, l’ouverture et la pérennité des informations. Il faut maintenant que les archéologues s’approprient cet outil au quotidien, sans tomber dans ses pièges.
66. Format pdf pour toute l’information graphique, Tif et JPEG pour les données graphiques et shape pour les données géographiques.
Certains fichiers sources, notamment ceux liés aux mesures topographiques, sont stockés en txt. 67. Sur cette question voir TGIR Humanum (http://www.huma-num.fr/service/archivage-a-long-terme) qui travaille avec le CINES
à la mise en place d’un standard d’archivage des données. Pour les données 3D, voir la plateforme technologique Archeovision (http:// archeovision.cnrs.fr/) qui travaille sur la mise en place d’un conservatoire des données 3D. 68. Les métadonnées sont généralement définies comme « données sur les données » ou « information sur les données ». Les métadonnées prennent la forme d’une fiche descriptive stockée ou non dans les systèmes d’information et qui contient généralement une brève description sur le contenu, les objectifs, la qualité et la localisation de la donnée ainsi que les informations relatives à sa création. 69. http://inspire.ign.fr/directive/presentation
Première partie
Analyse des espaces et des bâtiments
Chapitre I
Le Sanctuaire d’Apollon : extension et limites Roland Étienne
Le plan de publication de la Grande fouille envisageait un volume des EAD sur les périboles du Sanctuaire d’Apollon, qui ne fut jamais mené à bien1. Le dossier archéologique a été préparé par R. Vallois et plusieurs feuillets manuscrits des archives déposées à l’École française d’Athènes concernent les murs que ce dernier attribuait aux périboles. On trouvera ci-dessous une mise au point sur ce dossier2. Mais le repérage des murs de péribole n’épuise pas les problèmes liés à l’extension du Hiéron, qui est une réalité mouvante et moins circonscrite que l’on ne pourrait croire. C’est ce qu’enseignent la recherche archéologique et le dossier épigraphique qui, tout à la fois, enrichit, éclaire, mais aussi complique l’interprétation des données matérielles. C’est ce dossier que nous allons présenter, car il nous permettra de préciser ce que l’on entend tout au long de son histoire par « Sanctuaire d’Apollon » à Délos. 1.
Le Sanctuaire d’Apollon comme espace religieux
Un sanctuaire est un lieu consacré à une divinité que définit une loi coutumière ou écrite qui en fixe : – l’extension ; – les modalités d’accès : préceptes de pureté, type de vêtements, exclusion de certains objets comme des armes ; – enfin, les rituels de sacrifice propres à chaque divinité. Nous ne disposons pas de la loi sacrée concernant le Sanctuaire d’Apollon, mais nous pouvons en reconstituer certains aspects grâce au règlement publié par Chr. Feyel et Fr. Prost3. Ce règlement, malheureusement mutilé dans sa première partie, concerne trois points : – le comportement de ceux qui fréquentent les hestiatoria, les thalamoi (chapelles intérieures des temples) ou les espaces à l’air libre ; – une clause qui vise ceux qui dorment dans le Hiéron, et leurs serviteurs ; 1. 2. 3.
Courby, EAD 5 (1912), p. 72, n. 1. Voir chap. III. Feyel, Prost 1998, p. 455-468.
LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
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– enfin, dans la partie B, l’exclusion hors du Hiéron des animaux qui ne sont pas destinés au sacrifice et qui n’ont pas à entrer dans le périmètre des périrrhantèria (nous laissons de côté la mesure concernant l’exportation d’esclaves hors de l’île qui ne se rapporte pas spécifiquement au Sanctuaire, mais qui pourrait bien être en relation avec le droit d’asyle, comme nous le suggérons ci-dessous). Pour compléter la « loi sacrée » du Sanctuaire, il faudrait ajouter l’interdit pour les chiens, rapporté par Strabon et Plutarque4, mais qui s’étend à toute l’île et n’est donc pas propre au Sanctuaire5. En matière de rituel, on retiendra, comme une spécificité de l’Apollon Délien, le sacrifice des chèvres dont la corne droite était conservée pour bâtir l’autel6 (la loi fixait aussi certainement la nature des bêtes sacrifiées – tous les mois un petit porc pour purifier les lieux, des bœufs lors des fêtes – et devait nécessairement s’intéresser à la répartition des victimes entre les prêtres et les fidèles). 2.
La notion de Hiéron
Quel espace était concerné par ces prescriptions religieuses ? Le règlement mentionné ci-dessus emploie le terme de ȟƩƴɟư et interdit aux bêtes non destinées au sacrifice d’entrer à l’intérieur du périmètre défini par des périrrhantèria. Comme l’ont bien noté Chr. Feyel et Fr. Prost, il s’agit d’une expression assez courante, que l’on retrouve dans d’autres textes, littéraires ou épigraphiques7. Le périmètre sacré est bien défini, mais, comme on n’a pas retrouvé de périrrhantèrion en place, on ne sait pas exactement à quoi il est fait spécifiquement allusion : est-ce que l’on désigne par là une partie de l’espace appartenant au dieu, un saint des saints où, après avoir pris de l’eau lustrale, l’on entrait purifié, ou l’expression est-elle identique à ce que les textes désignent comme Hiéron, au sens de Sanctuaire d’Apollon ? Et, question annexe : est-ce que le péribole, appelé teichion dans le cas du Sanctuaire d’Apollon, borne l’espace compris entre les périrrhantèria ou clôture ce que l’on appelle le Hiéron ? Répondre à ces questions serait aisé si le terme de Hiéron pouvait être strictement défini ; or, comme l’a montré M.-Chr. Hellmann, en étudiant le vocabulaire délien, il peut désigner plusieurs réalités : il s’agit tantôt du sanctuaire, tantôt du temple et tantôt d’un terrain appartenant à un dieu, et en cela peu différent de téménos8. C’est pourquoi nos collègues latinistes commettent quelques erreurs quand ils doivent traduire des passages de Tite-Live (XLIV 29), démarquant le texte de Polybe ; en 168, les troupes romaines, macédoniennes et attalides se rencontrent à Délos : sanctitas templi insulaeque inviolatos praestabat omnes ; itaque permixti Romani et Macedones et Eumenis navales socii... et in templo, indutias religione loci praebente, versabantur (« La sainteté du temple et de l’île leur garantissait à tous l’immunité et c’est pourquoi les marins romains, macédoniens et ceux des alliés maritimes d’Eumène circulaient mêlés les uns aux autres dans [l’île ?] et dans le temple »). Le traducteur français de la CUF ressent une certaine gêne et commente : « nous considérons comme peu vraisemblable que cette foule d’hommes se soit rencontrée seulement dans le temple et même qu’elle ait pu s’y tenir »9. Il 4. Strabon, X 486 ; Plutarque, Questions romaines 290 a-d ; Bruneau 1970, p. 49 ; R. Parker, Miasma: Pollution and Purification in Early Greek Religion (1983), p. 357. 5. On peut aussi supposer que l’on n’entrait pas en armes dans le Sanctuaire : ce n’est pas dit expressément dans le texte de Tite-Live, XLIV 28, mais il serait étonnant que les troupes se soient croisées en armes (voir chap. XII, p. 234-235). 6. Bruneau, Fraisse 2002 où sont repris les textes et proposées des restitutions ; je maintiens, contre les auteurs, que cet autel était un autel de cendres, comme à Olympie, construit avec les déchets de sacrifice dont les cornes des victimes ou bien auprès duquel des cornes de victimes étaient conservées, comme à Dréros. 7. Feyel, Prost 1998, p. 466 et n. 33. 8. Hellmann 1992, p. 172 : « En conséquence on peut rencontrer un téménos sans hiéron, le mot ayant un sens avant tout spatial ; mais le plus souvent un hiéron, lieu de culte, va se trouver dans un téménos, comme chez Hérodote (II, 169-170)... Il s’en faut pourtant que les deux termes soient toujours aussi nettement différenciés. À partir du moment où un terrain est concédé à un dieu ou un héros, il devient sacré et peut être un véritable sanctuaire ». 9. Tite-Live, XLIV 29 (trad. P. Jal, CUF, 1979). La preuve en est donnée par un passage du même Tite-Live (XLV 5, 7), concernant le sanctuaire de Samothrace où s’était réfugié Persée après Pydna : esse autem judicia apud sese more majorum comparata de iis qui incestas manus intulisse inter terminos sacratos templi dicatur... (« il y avait chez eux un tribunal, établi selon une ancienne coutume, pour juger ceux qui étaient dénoncés pour avoir mis une main sacrilège à l’intérieur des limites sacrées d’un sanctuaire »). Il est bien évident qu’un temple n’a pas de termini, de bornes. C’est bien le terme de sanctuaire qui s’impose ici pour la traduction de templum.
LE SANCTUAIRE D’APOLLON : EXTENSION ET LIMITES
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n’en modifie pas pour autant sa traduction, alors qu’en latin la notion de templum recouvre celle de sanctuaire tandis que le temple est plutôt désigné par aedes ou fanum10. C’est bien sûr dans le Hiéron qu’ils se rencontrèrent, ou plus largement dans l’espace appartenant au dieu. Nous voudrions en effet montrer que la notion de hiéron recouvre, à Délos, deux types de réalités : le Sanctuaire proprement dit, ce que nous appellerions « le saint des saints » et, au-delà, une zone appartenant au dieu, mais sur laquelle ne s’applique pas nécessairement le rituel sacré. C’est ce qui me semble ressortir de l’interprétation de quelques faits. Nous avons parlé des périrrhantèria. En 250, un compte des hiéropes nous apprend qu’un certain Euménès a déplacé un de ces périrrhantèria du côté de la Graphè11. Or, la Graphè ne fut intégrée dans le Hiéron qu’après la construction du Portique d’Antigone et une entrée Nord fut aménagée entre la Graphè et le portique. Formulons une hypothèse : le déplacement du « bénitier » ne serait-il pas en relation avec l’extension des limites sacrées du Hiéron ? Ne s’agissait-il pas d’étendre le « saint des saints » après la construction du Portique d’Antigone ? Si cette hypothèse était juste12, on en tirerait deux conclusions : on tiendrait là le meilleur indice de datation pour le Portique d’Antigone (qui aurait dédié ce monument en même temps qu’il établissait à Délos la fête des Antigoneia et des Stratonikeia13) et on tiendrait là également la preuve qu’il existait au Nord du Sanctuaire (entre les Trésors et la Graphè) une zone non incluse initialement dans les périrrhantèria mais faisant sûrement partie du domaine du dieu, qui fut intégrée au moins partiellement dans le « saint des saints », par extension du périmètre borné par les périrrhantèria. Il semble que deux autres événements pourraient justifier cette distinction des espaces à l’intérieur du Hiéron délien. Par deux fois en effet une flotte est mentionnée dans les eaux déliennes : en 301, Démétrios Poliorcète, battu à Ipsos, s’arrête dans l’île, à la suite de quoi, quand la flotte repart, on ramasse le kopros et on purifie les sanctuaires, celui d’Apollon, celui des Dioscures et celui d’Ortygie ; la deuxième flotte passe, en 250, et doit être celle d’Antigone Gonatas, et il fallut de même enlever les déchets et purifier à nouveau le Sanctuaire d’Apollon14. Où s’étaient installés les marins ? Il me semble que le lien entre le kopros et la purification du Sanctuaire prouve que la soldatesque avait bien bivouaqué dans un terrain « hiéron ». Il paraît difficile qu’ils aient dressé un campement dans la partie étroite et encombrée de consécrations à l’intérieur du péribole ancien ; en revanche, ils ont dû « polluer » les terrains du dieu au-delà de la zone enclose, celle du « saint des saints ». Cette distinction dans les espaces définis sous le même terme de hiéron n’est pas propre à Délos et on peut citer trois exemples qui viennent à l’appui de la thèse et qui n’ont pas été réunis : – le plus clair est un texte de Xénophon décrivant la bataille à Olympie entre Éléens et Arcadiens ; ces derniers occupent la zone des temples et ont transformé le péribole de l’Altis en mur de défense ; les Éléens, quant à eux, arrivent par l’Ouest jusqu’au Cladéos : Xénophon dit, en effet, que Ʋȟ Ƨɖƴ ȖƯƩʶƲƭ ƶɠư ƷƲʶƵ ȳƳƯƲƭƵ Ƴƥƴʨƶƥư Ȓƨƫ ƩȞƵ 10. C’est le terme de fanum qui est utilisé dans la lex Gabinia Calpurnia, qui distingue les fana et les delubra : les derniers éditeurs traduisent fanum par sanctuaire et delubrum par temple : n’est-ce pas l’inverse qui conviendrait ici ? Voir Nicolet 1980, l. 8-15 et commentaire p. 63-76. 11. IG XI 2, 287 A I, l. 52-53 ; voir chap. II, p. 51-52, 82, sur les problèmes posés par cette entrée Nord. 12. On constate un processus identique à Éphèse où la zone d’asylie fut progressivement augmentée mais, chaque fois, dans des limites précises : Fr. Sokolowski, Lois sacrées de l’Asie mineure (1955), p. 189, no 85, et Strabon, XIV 641, pour l’histoire des agrandissements (Alexandre, Mithridate, Antoine). 13. Sur les fêtes de fondation instituées par Antigone, voir Bruneau 1970, p. 558-563, qui montre que les Antigoneia et les Stratonikeia furent fondées en 253 ; sur les difficultés à donner une date précise pour le portique : S. Le Bohec, Antigone Dôson, roi de Macédoine (1997), p. 46-47, mais F. Courby, « Note sur la date du portique d’Antigone, à Délos », BCH 38 (1914), p. 296-299, avait déjà trouvé la solution. La flotte qui passe par Délos en 250 ne peut guère être que celle du roi (IG XI 2, 287 A, l. 83), venu en personne dans l’île pour inaugurer peut-être le portique. 14. Sur le passage de Démétrios, mentionné en IG XI 2, 146 A, l. 76-81, voir J. Tréheux, « Ortygie », BCH 70 (1946), p. 573-574 : ȳƷƩ ȯ ƦƥƶƭƯƩɠƵ ȂƱəƳƯƩƸƶƩư, ƷɞƧ ƮɟƳƴƲư ȂƱƩưəƧƮƥƶƭư ȂƮ ƷƲ˅ ȟƩƴƲ˅ uƭƶƬƼƷƲʶƵ ƉƉߙߙߙž ƺƲʶƴƲƵ Ʒɞ ȟƩƴɞƧ ƮƥƬɛƴƥƶƬƥƭ Ƴƥƴɖ ƍƩƲƴƴɛƷƲƸ (pour le passage d’Antigone, voir ci-dessus) ; je ne partage pas le sentiment de J. Tréheux sur la nature des sacrifices : il ne s’agit pas, à mon avis, d’attirer la protection du dieu sur la flotte, mais de purifier le Sanctuaire après souillure. Fr. W. Walbank, « Könige als Götter. Überlegungen zum Herrscherkult von Alexander bis Augustus », Chiron 17 (1987), p. 365-382, croit à tort que le roi a logé dans le temple, mais le ƮɟƳƴƲƵ n’a pas été retiré du temple mais ȂƮ ƷƲ˅ ȟƩƴƲ˅, c’est-à-dire du Sanctuaire ; si Démétrios avait souillé le Parthénon, il n’avait pas insulté en sa maison l’Apollon de Délos !
LE SANCTUAIRE D’APOLLON À DÉLOS
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Ʒɞ ƷơuƩưƲƵ15 ; les Arcadiens et leurs alliés occupent la rive Est du Cladéos. C’est donc la preuve qu’en arrivant au
Cladéos on atteint le téménos, mais pas l’Altis entouré de son péribole16 ; – le deuxième exemple concerne un texte épigraphique, le bail du sanctuaire de Kodros, Néleus et Basilé à Athènes, datant de 418/7 av. J.-C. ; il est question de louer le téménos, mais d’enclore les hiéra qui en font partie17 ; – enfin, le texte d’Acraiphia concernant le sanctuaire du Ptoion18 montre que l’on différencie la partie asyle et la partie « sacrée » d’un sanctuaire : ƩȤưƥƭ ƨɘ Ʈƥɜ ǶƶƸƯƲư Ʒɞ ȟƩƴɞư ƷƲ˅ ǺƳɟƯƯƼưƲƵ ƷƲ˅ ƕƷƼʵƲƸ Ʒɞ Ȃư ǺƮƴƥƭƹɝƲƭƵ, ɇƵ Ǵư ƥȟ ƶƷʨƯƥƭ ȮƴɝƪƼƶƭ, ƮƥƬɗƳƩƴ Ʒɞ Ȃư ƉƩƯƹƲʶƵž Ʒɚư ƨɘ ƯƲƭƳɚư ƺɣƴƥư Ʒɚư ȟƩƴɖư ƷƲ˅ ǺƳɟƯƯƼưƲƵ ƷƲ˅ ƕƷƼʵƲƸ uɚ DzƨƭƮƩʶư uƫƨəưƥ ; il n’y a aucune raison, à mon sens, de supposer que cette « terre sacrée » ne soit pas un prolongement du Hiéron limité par les bornes (ƶƷʨƯƥƭ) ; quoiqu’il en soit, on remarque que la partie asyle et la partie sacrée sont soigneusement distinguées, ce qui peut fournir pour Délos des indices d’interprétation des realia. 3.
Délos et l’asylie
Il est clair que la partie asyle d’un sanctuaire donne toujours lieu à un bornage précis et, à Acraiphia, on a retrouvé les bornes même d’asylie, ces stèlai dont il vient d’être fait mention. L. Robert a réuni les exemples de ces bornes d’asylie19 et les textes où les limites de l’asylie sont strictement déterminées par des clôtures diverses. Il y avait même des parties réservées aux esclaves fugitifs, comme le montre le règlement des mystères d’Andanie (§ 15-16, l. 80-84 : ƚǀƧƭuƲư ƩȤuƩư ƷƲʶƵ ƨƲǀƯƲƭƵ)20. Les espaces « sacrés » et asyles ne se recouvrent donc pas exactement, et, dans la partie asyle, on définit même, le cas échéant, un lieu de refuge (du moins quand il s’agit d’esclaves). Les espaces d’un sanctuaire sont donc plus diversifiés ou compartimentés que l’on ne le supposerait au premier abord et il ne semble pas en fait y avoir de règles générales : chaque cas particulier doit être examiné individuellement. Qu’en est-il à Délos où le Sanctuaire jouit du droit d’asyle et où l’île d’Apollon, comme celle d’Artémis à Rhénée, est consacrée à la divinité21 ? La partie asyle se confond-elle avec le périmètre des périrrhantèria et celui-ci avec la partie délimitée par le péribole ? Comme l’a bien montré Ph. Gauthier dans son étude de l’asylie22, celle-ci relève de deux types de pratiques : d’un côté, il appartient à la nature d’un sanctuaire de jouir d’une inviolabilité, due au caractère même du lieu (sanctitas templi insulaeque inviolatos praestabat omnes23) ; cette règle religieuse met le territoire comme tous les biens appartenant à la divinité à l’abri de toutes prises, et tout contrevenant sera frappé d’asebeia. D’un autre côté, l’asylie d’un sanctuaire concerne la possibilité pour des pèlerins et des marchands de ne pas être saisis lorsqu’ils viennent 15. Xénophon, Helléniques VII 4, 29. 16. Xénophon, Helléniques VII 4, 29-32 ; dans la traduction des CUF, J. Hatzfeld, p. 206 remarque : « ce passage implique une distinction entre l’Altis proprement dite, dont les limites sont connues et le territoire sacré, qui devait, comme on le voit ici, s’étendre jusque sur la rive droite du Cladéos, où l’on sait par ailleurs que des édifices sacrés se trouvaient (Pausanias, VI 21, 3) » ; je pense que l’on peut préciser la traduction du paragraphe 32 : Ʋȟ ƨʠƥɀ ȖƯƩʶƲƭ ȂƳƩɜ Ʒʩ ȻƶƷƩƴƥƣʗ ƳƴƲƶƭƿưƷƩƵ ƩȤƨƲư ƮƥƴƷƩƴɞư Ʒɞ ƷƩʶƺƲƵ Ʈƥɜ ȂƳɜ Ʒ˒ư ưƥ˒ư ƳƲƯƯƲɠƵ DzưƥƦƩƦƫƮƿƷƥƵ ce qu’Hatzfeld traduit, p. 207 : « Les Éléens de leur côté, lorsqu’en s’avançant, le lendemain, ils virent la force de l’ouvrage et le nombre de ceux qui étaient montés sur les toits des temples... » ; le teichos, ici comme à Délos, désigne le péribole et le texte dit que les Arcadiens l’ont renforcé. 17. Sokolowski 1969, no 14 ; le commentaire de R. E. Wycherley, « Neleion », BSA 55 (1960), p. 60-66 est clair à ce sujet : « the lessee inclosed the shrine [...] hieron being the actual cultspot, the area occupied by the shrine or shrines, the temenos the rest of the ground, who was free of cultivation and helped to support the cult... ». 18. Sokolowski 1969, no 73, l. 5-8. 19. L. Robert, Hellenica VI (1948), p. 33-38 ; pour Acraiphia, M. Holleaux, « Inscriptions du temple d’Apollon Ptoios », BCH 14 (1890), p. 7, n. 7-8. 20. Bon commentaire dans N. Deshours, Les mystères d’Andania (2006), p. 109-111 : « le lieu de refuge n’est pas nécessairement identique au sanctuaire ». 21. Sur la hiera Nésos et la hiera Rhénéia, Bruneau 1970, p. 176-184. 22. Ph. Gauthier, Symbola. Les étrangers et la justice dans les cités grecques (1972), p. 209-284 et particulièrement pour les sanctuaires, p. 226-230, 266-264. 23. Tite-Live, XLIV 29.
LE SANCTUAIRE D’APOLLON : EXTENSION ET LIMITES
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aux fêtes ou lorsqu’ils séjournent à cette occasion sur le territoire : cette protection est plutôt en relation avec le droit international et c’est pourquoi elle doit faire l’objet d’une reconnaissance aussi vaste que possible. On dispose d’un certain nombre de textes concernant cette asylie à l’époque hellénistique, mais il ne semble pas que les grands sanctuaires, comme Delphes ou Délos, n’aient jamais eu besoin de la demander ou de la faire confirmer ; la tradition s’imposait à tous, comme le marquent encore, en 58 av. J.-C., les auteurs de la lex Gabinia Calpurnia qui écrivent : insula post hominum me [moriam semper vacua] [ominum] regum ceivitatum nationumque imperieis sacra leibe[ra immunisque fuerit24. On aimerait en savoir plus sur les modalités de ce droit d’asyle, sur les personnes concernées et sur la façon dont il s’exerçait. Que pouvait signifier concrètement cette asylie ? L’épisode des brutalités exercées contre les amphictyons d’Athènes en 377/6 ou 376/5, quelles qu’en aient été les exactes raisons, montre que l’on n’avait pas le droit de faire sortir de force quelqu’un du Hiéron25; je pense que c’est cette infraction au droit d’asyle plutôt que le fait d’avoir brutalisé des magistrats qui valut aux Déliens une accusation d’asebeia, l’exil et la confiscation de leurs biens. L’inscription parle du Hiéron et il doit s’agir du « saint des saints », les magistrats athéniens ayant notamment en charge la gestion du trésor sacré qui se trouvait dans le temple26; c’est sans doute là plutôt que dans le vague périmètre désigné comme Hiéron que doit se situer le lieu des violences. En revanche, les soldats des flottes de guerre ennemies qui se retrouvent à Délos en 171 se considèrent comme « inviolables » en raison de la sainteté du lieu et se promènent dans l’île (terme restitué) et dans le Sanctuaire, comme s’ils avaient conclu une trêve (indutias religione loci praebente) ; dans ce cas, le terme de hiéron peut être pris dans un sens élargi et recouvrir tout le territoire appartenant au dieu, sans référence explicite au péribole27. Il serait étonnant toutefois que le droit de refuge se soit exercé au profit de tout le monde, esclaves fugitifs ou étrangers divers. Il est vrai que Tibère, se plaignant que ces sanctuaires aient été des repères de brigands, fit procéder à la révision de leurs droits par le Sénat, ce qui nous vaut une page très humoristique de Tacite28. N’était-ce pas surtout parce que les maîtres romains désiraient limiter l’immunité fiscale accordée aux domaines sacrés ou aux cités déclarées « hiérai et asyles » ? Quant au droit de refuge pour esclaves, on voit dans l’inscription des mystères d’Andania qu’il était restreint dans l’espace et dans le temps29. Pour Délos, le texte publié par Chr. Feyel et Fr. Prost et qui comporte dans la deuxième partie une clause garantissant les droits du propriétaire d’esclaves pourrait bien s’entendre dans ce contexte : si l’île était hiéra, cela ne veut pas dire que les esclaves pouvaient y faire ce qu’ils voulaient. Nous tirons de cette étude les conclusions suivantes : – le vocabulaire est assez flou : téménos ou Hiéron sont largement superposables, comme fanum ou templum ; à l’imprécision du vocabulaire correspond la fluidité dans la limitation des espaces ; – le terme de Hiéron dans les inscriptions ou les textes intéressant Délos a plusieurs acceptions selon le contexte : il peut s’agir soit du temple, soit du « saint des saints », soit d’une zone plus vaste de terrains hors péribole appartenant à Apollon où l’on ne pénètre qu’après avoir accompli des rites et sur lequel s’exercent des interdits précis ; – le droit d’asyle du Sanctuaire et de l’île ne confère sûrement pas une licence pour que tout être humain, libre ou esclave, trouve un refuge contre des poursuites ; on se soumet à la justice du prêtre qui est censé maintenir le bon ordre : c’est le sens du règlement publié par Chr. Feyel et Fr. Prost. Le droit de refuge me semble moins important que les garanties contre les saisies, nécessaires pour que les fêtes puissent se dérouler normalement ; – l’espace sacré est circonscrit par les périrrhantèria que l’on déplace en fonction de l’intégration des terres hiérai dans le péribole. Selon toute probabilité, l’espace des périrrhantèria se confondait avec l’espace des périboles. 24. Nicolet et al. 1980, p. 149, l. 12-14. 25. ID 98, l. 24-30 ; commentaire, Chankowski 2008, p. 249-253. 26. Sur l’emplacement et la nature du trésor sacré, voir Roussel 1987, p. 168-173. 3
27. Les termes choisis par Tite-Live sont comme le commentaire de la formule bien connue des décrets : voir Dittenberger, Syll , s.v. 3
« ƩȢƶƳƯƲƸƵ » ; Syll 217 (Bosphore) : ȆƨƲƶƥư ƳƴƲƱƩưɝƥư Ʈƥɜ DzƷəƯƩƭƥư Coupe c 7b : linteau Sud décoré 7c : linteau Nord 8c : bloc monolithe 8d : deux longrines
8b
variante => Coupe b 7a : linteau monolithe de la porte principale 8a : 3 blocs 8b : bloc monolithe
parement intérieur du mur Ouest
8c
7b
A
sondage 3 / 2001.a
sondage 1
Coupe a : porte latérale, battant Ouest
plafond
plafond
8a
7a
6 : assise courante 6a : bloc monolithe 6b : 2 blocs 6a
6b
5 => Coupe a 4 : linteaux des portes latérales 5 : montants verticaux du cadre bois de la porte principale
sondage 1
Coupe b : porte principale, battant Ouest
4 plafond
plafond
3
1 : piliers latéraux 2 : « jambages » décoratifs 3 : piliers centraux
3
1
2
seuil restitué 0 sondage 1
Coupe c: porte principale, battant Ouest
0
0,5
© EFA
1
2
3m M. W-K. 2013
0,5
© EFA
0
0,5
1
© EFA
1. ‒ Les portes : fonctionnement.
2
3m M. W-K. 2013
1
2
3m M. W-K. 2013
PLANCHE 56
PROPYLÉES
1. ‒ Mur Ouest, parement intérieur avec remplois.
2. ‒ Remplois, bloc avec perles et pirouettes, base de colonne. 0,447
profil longitudinal éch. 1/2
0,78 0,098 0,049
0,16
d
0,056
b 0,112
a 0,128
c 0,84
0,368
a = 9 ° 26
0,347
c
d
b a profil sur oves éch. 1/2 0
0,10
© EFA
0,846 0,5
profil sur pirouette éch. 1/2
1m M. W-K. 2000-2006-2013
3. ‒ Bloc c (parement intérieur du mur Ouest).
4. ‒ Bloc dans le remplissage du mur Est.
PROPYLÉES
PLANCHE 57
Oikos des Naxiens
Portique de Philippes
radier de charpente
plafond
caissons
Stoa des Naxiens
dalles
Rue
pile de fondation pour statue
Dromos
sol béton (cf. Poulsen, coupe c-d)
0
1,10
0,5
© EFA
Hermès Propylaios 2 3m
1
Mur de péribole XV
M. W-K. 2002-2005-2013
1. ‒ Élévation, vue du Sud. Oikos des Naxiens
Stoa des Naxiens
0
0,5
© EFA
2. ‒ Élévation, vue du Nord.
1
2
3m M. W-K. 2013
PHASE 1
?
PHASE 2 portes du Sanctuaire
0
?
?
PHASE 3 monumentalisation des entrées de l’Oikos
1. – Évolution historique du secteur des Propylées.
5
GD 36
GD 9
10
évacuation 1
?
canalisation
GD 36
Phase 3 a
Phase 2 a 2
évacuation 1
Phase 2 a 1
20 m
R.E. et M.W-K. 2010
15
les marches viennent s’appuyer contre le mur de la porte
GD 36
GD 9
Stoa construite avant la porte
GD 36
GD 9
GD 9
?
?
Portique de Philippe
évacuation 2
GD 6
GD 5
Hermès Propylaios
péribole en granit
GD 9
GD 6
GD 8
GD 6
le mur de la porte vient s’appuyer contre le pignon de la Stoa
GD 6
GD 6
Phase 1
évacuation
GD 9
?
?
péribole ?
Phase 2 a’
évacuation 1
?
GD 36
GD 9
Phase 3 a’ et a”
porte construite avant la Stoa
GD 6
?
?
évacuation
GD 36
GD 9
GD 6
la Stoa vient s’appuyer contre le mur de la porte
Phase 2 a”
évacuation 1
porte construite avant le portique
GD 6
?
PLANCHE 58 PROPYLÉES
PHASE 4 les Propylées du Sanctuaire
PROPYLÉES
PLANCHE 59
1. ‒ Propylées, état 1 (phase 2-3), essai de restitution, vue du Nord.
2. ‒ Propylées, état 2, seconde moitié du iie s. av. J.-C. (phase 4), essai de restitution, vue du Sud-Ouest.
BOULEUTÉRION
PLANCHE 60
1. ‒ Bouleutérion (GD 21) ; plan et coupe.
2. ‒ GD 21, vue du Sud-Ouest.
4. ‒ GD 21, la colonne d’Athéna Polias ; la fondation est liée au mur de GD 21.
3. ‒ GD 21, vue de l’Est ; au premier plan, latrines tardives.
5. ‒ Mur Sud et Ouest de GD 21 dont l’angle Sud-Ouest est formé par un pilier.
BOULEUTÉRION
PLANCHE 61
1. ‒ GD 21, mur de refend, avec remploi d’un chapiteau en 1908.
3. ‒ GD 21, chapiteau.
2. ‒ GD 21, sondages 3-4, vus de l’Ouest.
4. ‒ GD 21, piliers, supports intérieurs.
5. ‒ GD 21, linteau des portes.
6. ‒ GD 21, contre-seuil.
BOULEUTÉRION
PLANCHE 62
1. ‒ Restitution de la charpente.
2. ‒ Poutre portant les chevrons, T5.
3. ‒ Corniche T2.
BOULEUTÉRION
PLANCHE 63
1. ‒ GD 21, axonométrie.
2. ‒ GD 21, restitution vue de l’Ouest.
PÔRINOS NAOS
PLANCHE 64
600
500
470
425
100
088
086
085
084
082
080
1. ‒ Chronologie des temples.
077 078
076
075
PÔRINOS NAOS
PLANCHE 65
1. ‒ Temple de calcaire, plan au sol.
2. ‒ Temple de calcaire, restitution et vue générale du Nord-Ouest.
PÔRINOS NAOS
PLANCHE 66
1. ‒ Chapiteau d’angle, dessin de G. Gruben.
2. ‒ Base samienne, dessin de Ph. Fraisse.
3. ‒ Corniche.
4. ‒ Sima C, dessin de Ph. Fraisse.
5. ‒ Sima B.
6. ‒ Éléments de plafond, dessin de G. Gruben.
PÔRINOS NAOS
PLANCHE 67
1. ‒ Les trois Temples, vue du Nord.
2. ‒ Orthostates de calcaire, dessin de F. Courby.
3. ‒ Moulure de barrière, dessin de F. Courby.
4. ‒ Orthostates de calcaire, dessin de F. Courby.
PLANCHE 68
DISPOSITION SPATIALE ET CIRCULATIONS
35A
N 35 47
110
109
48 111
108
112
113 114 115
116
117
11
107 105
106
122
1 104
103
46C
102
45A
101 100
099
16
098
46B 46
45
090 097 089
14
096
= 088
44A 087
095
41
086 094
46A
42
44
093
10
092
= 085 091
40 067
084
43
041a
037 038
082
39
039
040b
036
083
066
080
040c
035
081
079
040d
034
033
032
029
060 056
045
076
074
058
026
059
055
027
36
075
061 044
043 028
025 023 022
077
065
042
031
030
062
057
040a
024
078
063 064 041b
071c 073
071b 053 046
021
054
9
020
071a 068
052
018
014
37
013
016 012
012b
048
= 072
6
051 050
047
= 011 003
009 005 007
010
9
049
015
017
070
069
019
004
002
001
006
008
5
8
0
5
10
15
2
DISPOSITION SPATIALE ET CIRCULATIONS
PLANCHE 69
29
121
32A
128
129 8 119
158 131 132
120
133
135 136 137
130
c
b
138
127
28
139 144
e
126
140
134
141
145 146
a
142 143
147
d
125
148
32
171 23
= 159
149
154 150
151
172
155
124
152
156
157 160
170
169
168
167
153
165
27
161 162
164
17
163
27A
18 d
b
175 bis
19 a
173
c
174
175
176
11
177
20 181
180 178
12
26
13
179
21
24 7
23F
22 23A
a 190
23C
b
23B
24B =182 23D 183
24A
0
25 m
185 184
25
23E
187
189
186 188
1. ‒ Plan du site.
PLANCHE 70
DISPOSITION SPATIALE ET CIRCULATIONS
1. ‒ Terrasse du Grand Temple, GD 13, vue du Nord-Ouest.
2. ‒ Stylobate du Portique des Naxiens GD 36, encastrements des stèles, vue de l’Est.
3. ‒ Passage entre le Grand Temple et le Temple des Athéniens, base des stèles portant les comptes et inventaires.
4. ‒ Comptes du Sanctuaire sous l’archontat d’Hypsoclès (279 av. J.-C.) : IG XI 2, 161 (dim. 1,61 × 0,77 × 0,103 m).
5. ‒ Ordonnance lacédémonienne (ca 403 av. J.-C.) : ID 87, formée de deux fragments non jointifs (0,92 × 0,33 × 0,055 à 0,078 m).
PLANCHE 71
1. – Coupes restituées des Temples à la mer.
DISPOSITION SPATIALE ET CIRCULATIONS
PLANCHE 72
LES BÂTIMENTS DU SANCTUAIRE À L’ÉPOQUE ROMAINE
1. ‒ Maisons à l’Ouest du Prytanée, dans le secteur des Autels (GD 23). Plan levé en 1906 par H. Convert.
2. ‒ Murs démolis entre le Bouleutérion et le Grand Temple (1904). Vue du Nord-Ouest.
3. ‒ Murs tardifs à l’Ouest du Prytanée, zone 5, pl. 80.
LES BÂTIMENTS DU SANCTUAIRE À L’ÉPOQUE ROMAINE
PLANCHE 73
1. ‒ Vestiges de l’hypocauste à canaux rayonnants dans la Graphè (1909). Vue du Nord-Ouest.
2. ‒ Murs et mobilier des deux basiliques au-dessus de GD 48, après leur destruction (1907). Vue du Nord.
3. ‒ Vestiges du mur interne 603 près de la Porte NordEst (27A) du téménos, au cours de sa destruction (1904). Vue du Nord-Ouest.
4. ‒ Naïskos quadrangulaire adossé au mur Nord de l’Ekklésiastérion.
5. ‒ Entablement du naïskos de l’Ekklésiastérion.
PLANCHE 74
PLANS HISTORIQUES DU SANCTUAIRE
600 N
32
46
41 40
9 6
0
5
10 15 20 25 m
0
5 10 15 20 25 m
1. ‒ Sanctuaire d’Apollon, vers 600 av. J.-C.
550 N
32 XI
XVIII
46B
46
16 X
44A 41 46A
44
40 39
36
9
6 23A 5
2. ‒ Sanctuaire d’Apollon, vers 550-530 av. J.-C.
PLANS HISTORIQUES DU SANCTUAIRE
PLANCHE 75
500 N 32A 32
XI
46B
46
44A
16 X
41 46A
44
11 40 39 21
36
9 6
7 23A
5 23B
23E
0
5 10 15 20 25 m
0
5 10 15 20 25 m
1. ‒ Sanctuaire d’Apollon, vers 500 av. J.-C.
35A 350
35
47
N 48
32A
XI
32
IX 17 18 VIII
46B
46
XVIII
19
16
XXI
44A 42
44
41 46A
11 20
40 43
12
39 21
13
9
36
6
7
37
XII
XIIIa XIV 5
23F 23C
23A
22
23B 24B
23E
2. ‒ Sanctuaire d’Apollon, vers 500-350 av. J.-C.
PLANCHE 76
PLANS HISTORIQUES DU SANCTUAIRE
35A
300
35
47
N 48
32A
XX (BB)
32 IX
XI
17 VIII
18 46B
46
19
16
III
XVIII
44A
XXI 41 46A
42 44
II
11 20
40 12 43
39 13
21
I
9
36
24
6
7
37
XII
XIIIa XIV 23F 5
XIIIb 23A
22
23C 23B 24B 23D 25 23E
0
5
10
15
20
25 m
1. ‒ Sanctuaire d’Apollon, vers 300 av. J.-C. 35A 35 47
N
29
48
32A
XXII (AA)
32 IX
XI
31 17
46B
46
27A
VIII
18
19
16
III
XVIII
II
44A 42
44
41 46A
11 10
20
40 43
12
26 =XIX
39 13
21
I
9
36
6
24
7
37 XIV 23F 5
23A
22
23C 23B 24B 23D 24A 23E
2. ‒ Sanctuaire d’Apollon, vers 250 av. J.-C.
25 0
5
10
15
20
25 m
PLANS HISTORIQUES DU SANCTUAIRE
PLANCHE 77
N
35A 35 47 29
32A
48 D
32 IX 31 46C
45A
17
46
19
16
45
27A
VIII
18 46B
44A 42
44
41 46A
11 10
20
40 43
12
26 =XIX
39 13
21
9
36
24
6
7
37
XIIIa XIV 23F
5
8
XVI
23A
22
23C
XV
23B XVII
24B 23D 24A
25
23E
0
5
10
15
20
25 m
1. ‒ Sanctuaire d’Apollon, vers 150 av. J.-C. 35A
35
47 N
29
48
32A 28
32
27
IX
46C
45A
17
45
46B
46
27A
VIII
18
19
16 14
44A 42 44
41 46A
11 10
20
40 43
12
26 =XIX
39 13
21
9
36
6
24
7
37
XIIIa XIV 23F 5 XV
8
XVI
23A
22
23C 23B
XVII
24B 23D 24A 23E
2. ‒ Sanctuaire d’Apollon, vers 100 av. J.-C.
25 0
5
10
15
20
25 m
1. ‒ Époques impériale et protobyzantine : définition des zones de construction.
PLANCHE 78 PLANS HISTORIQUES DU SANCTUAIRE
1. ‒ Constructions des époques impériale et protobyzantine.
PLANS HISTORIQUES DU SANCTUAIRE PLANCHE 79
1. ‒ Constructions de l’époque impériale et lieux de trouvaille des bases de statues d’époque impériale.
PLANCHE 80 PLANS HISTORIQUES DU SANCTUAIRE
PUITS, GD 7, TOMBES ET MURS
PLANCHE 81
1. ‒ Puits 1, vu de l’Ouest, avec canalisation vers l’Artémision.
2. ‒ Puits 1, vu de l’Ouest et sondage.
3. ‒ GD 7, vu du Nord-Nord-Est.
4. ‒ GD 7, vu du Nord.
5. ‒ Tombes près de l’Autel des rois (GD 25).
6. ‒ Murs récents et, au centre, structures anciennes dans l’angle Nord-Est du Sanctuaire, à l’Ouest de GD 27.
PLANCHE 82
RETOUR SUR LA CÉRAMIQUE GÉOMÉTRIQUE ET PROTO-ARCHAÏQUE
1. ‒ Skyphos inv. B 8128.
2. ‒ Cratérisque inv. B 7857.
4. ‒ Amphore s. inv.
3. ‒ Œnochoé ou lécythe inv. B 8131.
6. ‒ Plat inv. B 927.
7. ‒ Amphore inv. B 8038.
5. ‒ Pyxide inv. B 8040.
9. ‒ Cratère inv. B 3161.
8. ‒ Amphore inv. B 8039.
10. ‒ Cratère inv. B 3199.
RETOUR SUR LA CÉRAMIQUE GÉOMÉTRIQUE ET PROTO-ARCHAÏQUE
PLANCHE 83
2. ‒ Pyxide inv. B 896.
1. ‒ Pyxide inv. B 7835.
4. ‒ Pyxide inv. B 7856.
3. ‒ Pyxide inv. B 7832.
6. ‒ Cratère inv. B 8042.
8. ‒ Hydrie ou amphore Pr. 86/65, s. inv.
5. ‒ Pyxide inv. B 893.
7. ‒ Skyphos ou canthare inv. B 7852.
9. ‒ Hydrie ou amphore inv. B 3704.
PLANCHE 84
RESTITUTIONS 3D DU SANCTUAIRE
1. – Le Sanctuaire vers 500 av. J.-C. a. Vue du Sud ; b. Vue du Nord.
2. – Le Sanctuaire vers 350 av. J.-C. a. Vue du Sud ; b. Vue du Nord.
1. – Le Sanctuaire vers 100 av. J.-C., vue du Sud-Ouest.
RESTITUTIONS 3D DU SANCTUAIRE PLANCHE 85
PLANCHE 86
RESTITUTIONS 3D DU SANCTUAIRE
1. – La « voie sacrée » jusqu’aux Propylées, vue du Sud, vers 100 av. J.-C.
2. – Le Sanctuaire depuis les Propylées, vers 100 av. J.-C.
3. – Les Propylées, façade Sud.
RESTITUTIONS 3D DU SANCTUAIRE
PLANCHE 87
1. – Le Sanctuaire, vue du Sud-Ouest sur l’esplanade de l’Autel d’Apollon, vers 100 av. J.-C.
2. – Le Sanctuaire, vue du Sud dans l’axe de la voie processionnelle, vers 100 av. J.-C
PLANCHE 88
RESTITUTIONS 3D DU SANCTUAIRE
1. – Vue du Nord sur les Temples et la voie processionnelle, vers 100 av. J.-C.
2. – Vue de l’Ouest sur les Temples et les Trésors de l’Ouest, vers 100 av. J.-C.
2. – Vue panoramique à partir de l’entrée Nord-Est (27A), vers 100 av. J.-C.
1. – Vue de l’Ouest sur le Portique d’Antigone, vers 100 av. J.-C.
RESTITUTIONS 3D DU SANCTUAIRE PLANCHE 89
PLANCHE 90
RESTITUTIONS 3D DU SANCTUAIRE
1. – Porte du débarcadère, vue Nord-Ouest, vers 100 av. J.-C.
2. – Entrée 24A et esplanade devant le Monument des taureaux, vue depuis l’Est, vers 100 av. J.-C.
3. – Entrée Nord 35A vue du Nord, vers 100 av. J.-C.
Cet ouvrage a été imprimé et relié en quatre cents exemplaires par l'imprimerie n.v. peeters s.a. à Herent (Belgique)
ISBN 978-2-86958-304-7 Imprimé en Belgique