Petite histoire de l'érotisme dans la BD : Tome 1
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Henri FILIPPINI

Petite HISTOIRE

■Erotisme

BIDIADULTESI

■»Henri FILIPPINI

Petite

A la liberté d’expression Henri FILIPPINI

MEDIA 1000

© Media 1000,1993

Avertissement

Ce panorama n 'a pas pour but défaire un état des lieux de l’érotisme, aujourd’hui présent dans la plupart des bandes dessinées, qu 'elles soient réservées aux adultes ou à un public plus large. L'auteur se limite à étudier la lente évolution de ce genre dans la BD en privilégiant les auteurs ayant délibérément choisi de travailler sans com­ plexe pour les adultes.

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L'avant-guerre : coquin et discret

Nos grands-parents furent les premiers à découvrir l'érotisme dans leurs revues, même s’il était bien éloigné de celui que l'on peut savourer dans nos journaux modernes. Ce sont les magazines d'humour qui, les premiers, osèrent dévêtir les héroïnes de papier. COQUIN ET POPULAIRE

Dès les années vingt, de nombreux journaux rejoignent la déjà très coquine Vie Parisienne créée en 1863, où d'adorables créatures offrent

\ Le peintre et son modèle : René Giffey.

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«I VACANCES MOUILLÉES!

Entre illustration et BD : le trait raffiné de René Giffey.

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leurs charmes à des lecteurs aisés. HEROUARD, illustrateur au trait raffiné et soigné, est le chef de file d'une équipe de dessinateurs talentueux.

Un Giffey méconnu : illustrations pour l'ouvrage SM Cuir et peau d'Alan Mac Clyde.

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Dtum de Le Rallie

Le petit ramoneur, le chien... et la belle au bain par Le Rallie.

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Exotisme au harem. Une composition bien loin du western, par Le Rallie.

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Le lectorat popu­ laire préfère des magazines au ton volon­ tiers plus grivois comme Fou-Rire, Le Sourire, Le Régiment, Bagatelle, Paris Plaisir, Sans-Gêne, L'Humour, etc. Maurice MELLIERE, JAQUELUX LORENZI, LEONNEC, H.C. DE LUGO, MAODAI et bien d'autres, s'y expriment tout au long de l'entre-deuxguerres, jouant sur des situations inso­ lites et des jeux de mots pas toujours du meilleur goût. Quant à la bande dessinée réservée aux enfants, elle est totalement absente de cette presse adulte. Les dessina­ teurs se contentent de camper des personnages bien sages (Bécassine, Les Pieds Nickelés, YEspiègle Lili, Bibi Fricotin, Zig et Puce...) dans des illustrés à la présentation sou­ vent sévère.

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DEUX MAITRES DE LA BD NAISSANTE

Pourtant, deux auteurs, à la pro­ duction fort impor­ tante dans la presse enfantine, se tournent vers les journaux coquins du début des années vingt. Il s'agit de GIFFEY et LE RALL1C. René GIFFEY, un Breton né en 1884, débute en 1899 comme illustrateur de cahiers et de rt‘u buvards, alors qu'il suit encore les cours des Beaux-Arts. C'est en 1921 qu'il se tourne vers la bande dessinée en reprenant le personnage de YEspiègle Lili, puis en créant Nigaude et Malicette (1928) et la Petite Shirley (1937) dans les pages du journal Fillette. Tout en poursuivant ces oeuvres fort sages, GIFFEY collabore aux grands magazines coquins de l'époque (Parisiana, Fantasio, Le Rire, Sans-Gêne, le Journal Amusant, L'Humour en

Carlo : un graphisme pur et élégant au service d’ouvrages alors vendus sous le manteau.

Vacances) où son trait fin et élégant fait merveille. Il campe des filles aux dessous affriolants à la fois séduisantes et aguichantes. S'il montre rarement l'intimité de ses person­ nages, il sait faire fantasmer le lecteur en dévoilant une paire de jambes parfaitement moulées dans des bas ou un sein coquin. Sans vraiment utiliser les codes de la bande dessinée, René GIFFEY raconte de véritables histoires où filles légères, secrétaires mutines et séductrices coquines, se jouent d’hommes amoureux, souvent niais et cocus. Parallèlement à

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ces collaborations, certes légères mais pas méchantes pour un sou, GIFFEY effectue un passage bref mais remar­ qué dans un domaine très combattu par la morale rigoureuse de l'époque : le sadomasochisme. Il illustre trois romans, vendus la plupart du temps sous le manteau par la Librairie Générale, Cuir et peau et La Cité de l'horreur d'Alan MAC CLYDE, ainsi que L'Educatrice de Joan SPANTING. Avec un trait plus réaliste qu'à son habitude, il campe des scènes audacieuses qui n'ont rien à envier aux autres auteurs de cette prestigieuse collection aujourd'hui fort recherchée par les amateurs. Ces trois ouvrages, publiés en 1934, sont les seuls signés par René GIFFEY qui, aprèsguerre, revient à des oeuvres plus sages, animant Buffalo Bill dans le journal l'intrépide et adaptant des romans célèbres (Les Misérables, Quatre-vingt-treize, Le Capitaine Fracasse, Les compagnons de Jéhu, Colomba). Toutes ces œuvres, destinées à la jeunesse sont peuplées de jolies filles, hélas bien trop habillées à notre goût. Alors qu'il dessinait toujours, René GIFFEY est décédé en 1965.

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Etienne LE RALLIC, né en 1891, se passionne très tôt pour les chevaux dont il deviendra un des meilleurs dessinateurs. Il débute sa carrière de dessinateur coquin en 1910 dans Le Rire, puis la poursuit dans La Baïonnette, Le Sourire, Le Régiment, Bagatelle, ParisPlaisir, Frou-Frou, etc... Comme GIFFEY, il collabore aussi à divers titres de la presse jeunes comme Pierrot, Lisette, Guignol, La Semaine de Suzette, où il signe parfois sous le pseudonyme de Levesque, du nom de sa mère. Ses collaborations à la presse humoristique témoignent d'une audace remarquable tant au niveau du dessin que des scénarios truffés de jeux de mots savoureux. Ses jeunes filles aux corps fragiles mais par­ faits, n'hésitent pas à dévoiler tous leurs charmes dans des scènes qui tiennent à la fois du théâtre de boulevard et du gag. Ces adorables nym­ phettes se jouent de la pas­ sion d'hommes souvent lourdauds. Les textes, écrits à la main, sont généralement consacrés aux confidences de ces créatures de rêves, qui savent admirablement mon­ nayer leurs trésors. LE RALLIC fit fantasmer ses lecteurs pendant de longues années, multipliant les situa­

tions à l'infini. A travers son oeuvre, il met en scène la vie quotidienne de nos grandsparents, à la maison, à la ville, au bureau, en vacances..., per­ mettant ainsi de suivre l'évo­ lution de la mode, des moeurs et des habitudes au long des années vingt et trente. Après-guerre, comme GIFFEY, LE RALL1C se consacre uniquement à la bande dessinée pour enfants, se spécialisant dans le wes­ tern. C'est ainsi qu'il anime Davy Crocket, crée Poncho Libertiis et adapte Fanfan la Tulipe, Cadet Roussette, etc. Presque

aveugle, mais toujours au tra­ vail, il meurt en 1968. LA CONCURRENCE EST RUDE

Ces deux auteurs sont prati­ quement les seuls a avoir tra­ vaillé à la fois pour des maga­ zines classiques et la presse populaire pour adultes. On peut y ajouter René PELLOS, fabuleux dessinateur sportif, animateur des Pieds Nickelés après-guerre, mais aussi père du célèbrissime Futuropolis. C'est dans cette oeuvre, réalisée en 1936 dans les Durga Rani et René Pellos : une bande dessinée à la fois violente et érotique destinée aux petites filles.

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pages de Junior, que PELLOS campe la belle et troublante Ionna. Bien que destinée à de jeunes lecteurs, cette bande dessinée, au ton très différent de celui des autres créations de l'époque, mérite d'être signalée. PELLOS y anime une fille aux formes harmo­ nieuses, héroïne d'une his­ toire d'amour entre deux êtres appartenant à des mondes différents : Rao, l'homme de la cité souterraine et Iotina, la sauvageonne. Dès l'aprèsguerre, PELLOS récidive en campant Durga-Rani, sorte de tarzan femelle fort sexy vêtue d’une peau de bête. Cette bande dessinée, publiée dans Fillette de 1946 à 1950, a fait rêver toute une génération de jeunes lecteurs qui n'hésitaient pas à chiper le magazine favori de leurs jeunes sœurs !

Outre GIFFEY, dont nous avons parlé plus haut, d'autres illustrateurs œuvrè­ rent dans ce genre fort parti­ culier. L'un des plus fameux est le mystérieux CARLO qui, pendant dix ans, mit en images une trentaine d'ouvrages aujourd'hui considérés comme des clas­ siques du genre : L'Inquisition moderne, La Chaise clouée, Caprices sexuels, Le Fouet libertin, Bagne de femmes, etc. Citons également Gaston BARRET (Le Roman de Violette), HERROUARD, Alphonse CHAUVET et Paul Emile BECAT (illustrateurs de Casanova), MONVIT (Contes et Nouvelles de La Fontaine), Berthomme SAINT-ANDRE puis CH1MOT (Trois filles de leur mère, de Pierre Louys), ROJAN (La Grisette et Terminons ce chapitre en l'étudiant). Bien d'autres évoquant les images les plus anonymes ont servi avec sulfureuses de l'avant-guerre. efficacité ces œuvres dont on On ne les trouve pas dans des ne peut que regretter le BD, mais dans des romans où manque de réédition. se mêlent érotisme et sado­ masochisme. La Librairie Après lecture de ce premier Générale est sans nul doute la chapitre, qui affirmera encore maison d'édition la plus que nos grands-parents ne connue dans cette spécialité savaient pas se divertir de alors vendue avec discrétion. coquine façon ?

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L'après-guerre : audace et censure

LA PRESSE MAGAZINE S’ÉCLATE

Dès la Libération, un nombre impressionnant de nouveaux journaux envahit les kiosques. Comme avantguerre, la presse pour jeunes demeure fort sage, d'autant

plus que la loi de 1949 inter­ dit toute audace. Cette loi, qui vise à protéger la jeunesse contre la violence contenue dans certaines bandes dessi­ nées, devient par extension, pernicieuse pour les maga­ zines destinés aux adultes. Le législateur place en effet dans le même panier BD pour

Jean-Claude Forrest dessinateur de strips quotidiens dans France-Soir. Sage mais sensuel.

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jeunes et BD pour adultes, considérant qu'une bande dessinée ne peut être qu'un sous-produit destiné uniquement aux enfants. Aujourd'hui encore, cette loi fait des ravages. Le succès du cinéma donne l'idée aux éditeurs de l'aprèsguerre d'offrir à leurs lec­ teurs des récits en images au Je ne t’abandonnerai réalisme quasi-photogra­ pas. Nous chercherons phique. Et c'est la décou­ à fuir ensemble,ou bien nous mourrons ensemble verte en France du dessin au si tel est notre destin. lavis importé d'Italie où il fait fureur dans la presse sentimentale. Dès le début des années cinquante de nombreux titres apparais­ sent, mêlant sentiment et mystère. Les éditions Mondiales lancent la collec­ tion Grands Romans Dessinés qui plus tard, prend le nom de Grands Romans Noirs. Cette série publie des oeuvres au ton délibérément adulte, peuplées de filles sexy souvent représentées dans des tenues forts légères. Si les scènes intimes y sont rares, les dessinateurs multiplient les images sug­ gestives. Les titres évoquent les romans policiers de l'époque et surtout la Série Noire : Faut pas crier chérie, La voluptueuse espionne, La môme Hopy se fâche. Ce dernier titre est mis en images par un jeune dessi­ nateur qui fera bientôt parL'art du lavis importé en France par les dessinateurs de la presse de charme italienne.

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1er de lui dans le petit monde de la BD adultes : Jean-Claude FOREST. A ses côtés, œuvrent dessinateurs anonymes et auteurs connus, comme GAL (Georges LANGLAIS) et surtout MARCULETTA.

LES ÉDITEURS S'AFFRONTENT

Le concurrent direct de cette collection a pour nom le Fétiche. Amour et violence sont au menu d'histoires aux titres au moins aussi évocateurs que ceux proposés par les

Grands Romans d'Amour en Images : La plaidoirie de l'amour, Pénible aveu, Amour et volupté, Destin vengeur... Des­ sous sexy, filles aux corps de rêve, aventuriers sans scru­ pules, sont au sommaire de récits qui tournent autour de l'amour, la haine, la trahison et la sensualité. Parmi les des­ sinateurs notons les noms de Jean JOLY, DUTEURTRE, et MARCULETTA, tous fort habiles dans l'art du lavis. Les éditeurs lyonnais lancent eux aussi leurs magazines pour adultes alors que la presse en format de poche fait ses débuts auprès du lectorat jeune. Les Editions des 21

Eve : un hebdo aujourd'hui inconnu. C'est dans ses pages que G. Levis publie ses premières bandes dessinées.

même si l'audace n'est pas aussi grande que chez les auteurs parisiens.

Remparts proposent deux magazines aux titres évoca­ teurs : Frissons et Duo. Sus­ pense et amour sont présents dans des récits dont les titres non rien à envier à ceux de leurs concurrents parisiens : Le chalet des extases, La danse du pardon, La barque d’amour, Vertige amoureux... Publiés de 1953 à 1956, ces deux derniers titres offrent des bandes dessinées réalisées par des auteurs ano­ nymes au trait parfois fade et à l'érotisme très discret.

Ces magazines que l'on dévore de la première à la dernière page n'ont qu'une existence fort brève, vaincus par les tracasseries d'une cen­ sure de plus en plus omnipré­ sente. Seule la première partie des années cinquante voit paraître ces récits complets aujourd'hui introuvables.

COQUINE AUSSI, LA PRESSE DU CŒUR

Face à cette presse pour hommes, les lectrices peuvent découvrir des récits sentimen­ taux, exécutés au lavis, dans des hebdomadaires qui leur sont réservés. Dès 1953 la Vie en Fleur présente des BD pour adultes où les jolies filles Les éditions Jacquier présen­ font rêver, même si les tent la collection Chérir dont situations scabreuses sont les récits sont signés par les proscrites. Des dessinateurs Ateliers Martin. Cette série de premier plan collaborent à très agréablement dessinée ne cet hebdomadaire très riche manque pas de charme, en BD et en illustrations ;

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citons Raymond POIVET, DUTEURTRE, Rémy BOURLESS, Lucien NORTIER, NOVI et bien d'autres.

Jacques Granges : illustration typique de la presse populaire des années 50. Un zeste d'érotisme et beaucoup de rêve.

Moins connu, mais fort bien fait, Eve publie des BD dessinées très sen­ suelles dont certains titres comme Ce que femme veut ou Le désir, cette folie, sont signés SYLVIA ou Jean SIDOBRE, deux noms qui dissimulent un de nos grands maîtres de l'érotisme, alors à ses débuts : G. LEVIS.

Q. PICHARD.

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D'autres magazines, comme Lecture pour Tous, proposent eux aussi, des BD hantées par de bien jolies femmes. Nous Deux et Intimité, les deux titres fétiches de l'Italien Cino DEL DUCA, permettent de découvrir les grands maîtres du lavis que sont les Italiens Walter MOLINO, FERRARI et quelques autres, mais aussi des auteurs français comme Raymond POIVET ou Lucien NORTIER. Notons aussi les superbes couvertures de Nous Deux dessinées par FRISANO. Heureuse époque où la photo n'avait pas encore chassé l'image dessinée...

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Jacques GRANGE, Jacques BLONDEAU, Hugues A cette presse qui fait surtout GHIGLIA, Jacques appel aux dessinateurs réa­ PECNARD, etc. listes, s’ajoutent les journaux L'éditeur Ventillard publie coquins et d'humour qui eux Marius, La Presse, Le Hérisson aussi offrent une large part à et surtout Paris-Flirt où de la BD et à l'illustration. De somptueuses créatures dévoi­ grands hebdomadaires, au lent leur anatomie, jusqu'à la format des quotidiens, fin des années soixante. publient des dessins humoris­ Cet hebdomadaire, imprimé tiques mais aussi des BD ; ce sur papier jaune, fourmille sont Ici Paris et France d'images sulfureuses signées Dimanche, où l'on découvre James HODGES, les signatures de Bernard B. DENANT, Madeleine ALDEBERT, HERVE, PREVOT, Bernard LASSALVY, COQ, mais DUCOURANT, DESSIMON, également, dans un style réa­ Claude FRADET. Ces dessi­ liste, de Charles POPINEAU, nateurs offrent chaque L'HUMOUR AUSSI

Jacques Blondeau : illustration au lavis pour Ici Paris. Un style très personnel

Jacques Blondeau : aussi à l'aise comme illustrateur que comme dessinateur de BD.

semaine leur ration de rêves à des lecteurs encore sensibles à la vision d'un sein dénudé, d'une croupe charnue, ou de cuisses rondes. Comme son frère aîné, La Vie Parisienne, Paris-Flirt disparaît au début des années soixante-dix, vaincu par la photo. Plus sages et plus volontiers tournés vers le dessin d'humour, Marius, Le Hérisson et La Presse s'ouvrent également au dessin réaliste et sensuel, avec des auteurs comme CARLOTTI, HOFER, DUCOURANT, BILLON, MARCULETTA, DUPUIS, GRANGE et PREVOT, qui illustrent romans et nouvelles en insistant sur la sensualité des personnages féminins. Restons dans le domaine de l'humour avec les Editions des Jarres d'or qui publient deux mensuels au ton très léger : Le Rire et Fou-Rire. Outre des dessinateurs d’humour réputés (CAILLE, LASSALVY, LAVERGNE, PIEDOUE) ces titres publient un grand nombre de cartoons signés Georges PICHARD. Le futur créateur de Paulette multiplie dessins et couvertures dans un style moins fouillé que celui que nous lui connaissons aujourd'hui, mais ses filles dégagent déjà une sensualité envoûtante.

Terminons avec V, hebdomadaire puis trimestriel, lui aussi voué en grande partie à la femme. PICHARD, FOREST, GIGI, y signent des illustrations très osées, avant d'y lancer les pre­ mières grandes BD érotiques françaises, au cours des années

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José Larraz : la vie sentimentale de Cécile, joli mannequin qui montre volontiers ses formes sympathiques.

soixante-dix, comme nous le verrons dans notre prochain chapitre. Au début des années cin­ quante, le dessinateur Jean DAVID publie dans V de superbes planches coquines truffées de filles à la fois drôles et sensuelles. Cet auteur, créateur de Monsieur le Marquis, pour la presse quotidienne, collabore aussi à Paris Sexy, autre titre de l'époque. Ses planches consa­ crées aux rues chaudes sont de véritables petits bijoux d'érotisme et d'humour.

DES BANDES QUOTIDIENNES QUI OSENT

La presse quotidienne fran­ çaise, sans être aussi auda­ cieuse qu'outre-Manche, n'hé­ site pas à offrir à ses lecteurs des strips réalistes peuplés de femmes à la fois sensuelles et audacieuses. L'agence Opéra Mundi de Paul Winkler inonde le marché de ses pro­ ductions souvent de qualité remarquable. Quelques dessi­ nateurs se spécialisent dans ce travail qui exige talent et rapidité. Parmi les plus repré-

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sentatifs en voici trois qui ne méri­ tent pas l'oubli dans lequel ils sont tombés aujourd'hui.

LE TRIO COQUIN D'OPERA MUNDI

BLONDEAU : avec son dessin aux noirs et blancs contrastés, son encrage aux lignes courbes, et ses filles aux corps lascifs, il est sans nul doute le plus sensuel des dessi­ nateurs de la presse magazine des années cinquante-soixante. Pour Opéra Mundi, il adapte Arsène Lupin et des romans de Simenon (dont les Maigret) qu'il peuple de superbes filles habillées de robes José Larraz : l'une des spécialités de ce dessinateur ; exotisme et jolies filles aux formes pulpeuses.

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moulantes à souhait. On lui doit aussi les enquêtes de la brune Gaby, de Lil, un détec­ tive en jupon et un nombre impressionnant d'adaptation de romans avec textes sous les images. BLONDEAU aime dessiner les brunes aux corps langoureux et à la poi­ trine provocante. Ses illustra­ tions pour les romans publiés par Ici-Paris, dégagent un éro­ tisme qui aujourd'hui encore,

Hommes et bêtes. Au fil des strips, il crée de nombreuses femmes dont les corps par­ faits sentent bon le soleil et la sauvagerie. Il est aussi l'au­ teur des aventures de Cécile, une brune Parisienne dont la profession de mannequin permet de nous faire admirer ses nombreux charmes. Bien que moins sensuel que celui de Jacques BLONDEAU, le dessin de José LARRAZ est

émeut les plus blasés. Jacques BLONDEAU s'est hélas donné la mort en 1968, alors que la BD érotique connaissait enfin ses premiers succès. Il aurait sans nul doute surpris plus d'un amateur du genre.

plein d'une séduction trouble. Aujourd'hui cinéaste, LARRAZ a également beaucoup dessiné pour la presse des jeunes.

José LARRAZ, qui signe éga­ lement GIL ou Dan DAUBENAY, nous entraîne surtout dans les pays exotiques à la suite de héros épris de vastes horizons. Ainsi Jed Foran, Capitaine Baroud et la série

Robert BRESSY, fidèle de l'agence Opéra Mundi pen­ dant plus de trente ans, est avant tout le spécialiste du "soap-opéra" à la française. Ses héroïnes sont des jeunes filles modernes qui vivent des aventures dans le cadre de leur travail ou de leurs loisirs. A l'instar de Mique et de

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Docteur Claudette, deux femmes fort différentes aux aventures sentimentales nom­ breuses et mouvementées. Robert BRESSY est également le dessinateur d'une adapta­ tion de Docteur Fu Manchu

qui compte plus de 3000 strips quotidiens ! Il se consacre aujourd'hui à des albums didactiques où ses filles n'ont plus, hélas, les charmes de celles d'antan.

Julio Ribera : les reines tragiques ; les débuts d'un futur grand de la BD qui sait déjà camper d'adorables créatures.

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ET ENCORE...

D'autres dessinateurs oeu­ vrent dans le registre difficile du soap-opéra, dont Paul GILLON qui, pendant treize ans, anime 13, rue de l'Espoir, dans les pages de France-Soir. Françoise, l'héroïne, est une jeune fille moderne dont le jolie minois ne manque pas de charme. Pour /'Humanité, Raymond POIVET, puis Pierre DUPUIS animent, sur des scénarios de Roger LECUREUX, Mamzelle Minouche, un autre détective séduisant. D'autres auteurs comme CARDUS, GALLAND, FAHRER, DI MARCO (Janique Aimée), ROSEMBERG, GAREL, RIGOT, MARCIREAU etc, signent des strips dans la presse quotidienne des années cinquante-soixante, mais la sensualité y est fort rare. A ces œuvres, comportant des bulles, il faut ajouter les histoires en images avec un texte (souvent copieux) sous les dessins. Horizontales ou verticales, elles sont très nom­ breuses jusqu'au début des années soixante-dix. Adapta­ tions de romans célèbres, ou tirées de textes inédits, ces BD sont produites par des

agences (Opéra Mundi, Mondial Presse) où créées par le journal lui-même. Robert BRESSY, Jacques BLONDEAU, mais aussi Pierre DEGOURNAY, José LAFOND, Carlo MARCELLO, Julio RIBERA, Walter FARHER, NIEZAB, sont les principaux collabora­ teurs de l'agence Opéra Mundi. France-Soir avec ses fameux Crimes ne paie pas et Les Amours célèbres, propose les bandes les plus auda­ cieuses de la presse quoti­ dienne. Avec réalisme, les dessinateurs font revivre pour les lecteurs des affaires criminelles c.élèbres ou les amours de l'Histoire. Jacques GRANGES, Charles POPINEAU, CHANCEL, Jacques PECNARD, Julio RIBERA, FOREST, CARLOTTI, Louis MOLLES, ROSEMBERG, MANT et quelques autres, illustrent les scénarios écrits par Paul GORDEAUX. Les bandes dessinées quoti­ diennes ne sont pas toutes brûlantes, ce n'est d'ailleurs pas leur but, mais le lecteur curieux y trouvera une gale­ rie de créatures dont les charmes n'ont rien à envier à ceux des filles de notre BD moderne.

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Les filles de papier

Malgré les nombreuses héroïnes proposées par la presse quotidienne et hebdo­ madaire, la BD est toujours considérée comme un passetemps douteux destiné aux enfants paresseux. Il faut attendre le début des années soixante pour voir, enfin, naître les premières héroïnes affichant sans complexe leur sexualité. Les débuts sont rendus difficiles par l'image de la BD auprès des lecteurs, mais aussi par la censure gaullienne qui pourchasse tout ce qui heurte la pudi­ bonde tante Yvonne (Madame de GAULLE).

UN GRAND PRÉCURSEUR : V MAGAZINE

C'est dans les pages de V Magazine, trimestriel coquin, ancien hebdomadaire humoristique dans les années cinquante, que se font les pre­ mières tentatives, relayées ensuite en album par l'éditeur Eric Losfeld. Avant même d'accueillir la BD dans son journal V Sélections, qui deviendra ensuite V Magazine, Georges H. Gallet, fait appel à de nom­ breux dessinateurs pour illus­ trer romans et nouvelles. On peut y rencontrer les signa­ tures de Georges PICHARD, N. BARRERA, Pierre LE GOF, Robert GIGI, GUS et

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Georges Pichard : Ulysse ; première grande aventure érotique sur scénario de Jacques Lob.

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Robert Gigi : sur scénario de Molitemi les aventures d'une belle espionne, Scarlett Dream.

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Cuvelier : unique passage de Paul Cuvelier dans l'érotisme avec Epoxy sur un scénario de Van Hamme.

Phoebe Zeit-Geist : sadisme SS en noir et blanc. Un album qui eut son heure de gloire, aujourd'hui bien oublié.

surtout Jean-Claude FOREST. Auteur de romans fantas­ tiques, Gallet ouvre les portes de son journal à FOREST et sa Barbarella, la première véri­ table héroïne adulte de l'his­ toire de la BD de langue fran­ çaise. FOREST, connu pour ses histoires pour enfants (Chariot, Pour la horde,

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Princesse étoile, etc.) œuvre déjà dans la BD pour adultes comme nous l'avons vu dans notre chapitre précédent. Il travaille aussi pour la revue Fiction et participe au CELEG qui cherche à réhabiliter la bande dessinée. En 1964, Barbarella voit ses planches, oh combien sulfu-

reuses pour l'époque, réunies en un luxueux album par Eric LOSFELD qui vient de faire scandale en publiant Emmanuelle. L'album est très vite censuré et interdit à la vente. Cette sanction, pour un ouvrage qui aujourd'hui paraît bien sage, témoigne de l'évolution rapide des mœurs en moins de trois décennies. Gallet, tout comme Losfeld, ne sont pas découragés par la bêtise des censeurs du Général, et multiplient les pieds de nez au cours des années suivantes. V Magazine ouvre ses pages à Scarlett Dream de Claude MOLITERNI et Robert GIGI, puis à Blanche Epiphanie de LOB et I’ICHARD. Ces deux séries, ainsi que Barbarella, se poursuivent dans cette revue jusqu'à sa dis­ parition au début des années soixante-dix. Comme beaucoup de journaux coquins, V Magazine est chassé par l'arrivée en force de la photographie qui gagne rapidement du terrain. La belle espionne de Robert GIGI finira sa carrière aux éditions Dargaud dans une version plus soft. Barbarella, après avoir Martin Veyron : le sexe et l'érotisme entrent dans la bande dessinée classique.

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Gérard I.eclaire : la famille Freudipe ; humour et érotisme.

connue la gloire au cinéma sous les traits (et les formes) de Jane Fonda, vivra quelques aventures dans Y Echo des Savanes, avant de disparaître, remplacée par d'autres héroïnes plus auda­ cieuses. Blanche Epiphanie, après un bref passage dans Métal Hurlant, vit ses derniers déboires dans France-Soir. L'orpheline de LOB et PICHARD ne parviendra jamais à s'imposer sous forme d'album après diverses tenta­ tives aux Editions Serg, Dominique Leroy et Dargaud.

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ERIC LOSFELD, POURFENDEUR DE CENSURE

De son côté, Eric Losfeld pro­ pose, avec ses éditions du Terrain Vague, plusieurs albums considérés comme des classiques mais dont les ventes de l'époque sont confi­ dentielles : Lone Sloane de DRUILLET, Epoxy de CUVELIER et VAN HAMME, Jodelle, (la première BD pop art) de Guy PELLAERT, La saga de Xam de Nicolas DEVI, etc... Il est aussi l'éditeur des premières

Georges Pichará : adaptation magistrale du Kama-Soutrz par un grand maître de l'érotisme en BD.

aventures de la célèbre Valentina de l’Italien Guido CREPAX, et de Phoebe Zeit-Geist des Allemands Mc O'DONOGHUE et Frank SPRINGER. L'aventure BD d'Eric Losfeld se termine avec la publication d'ouvrages de jeunes auteurs comme Phi­ lippe CAZA (Kris Kool) ou Serge SAN JULIAN (Xiris). Plus provocateur qu’amateur de BD Eric Losfeld n'a pas senti l'évo­ lution rapide du lectorat.

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UNE NOUVELLE RACE DE BD

C'est en 1969, avec la paru­ tion du premier numéro de Charlie Mensuel, que la BD adulte fait un nouveau bond en avant. Georges Bemier, alias le professeur CHORON, co-fondateur et éditeur d'Hara-Kiri Mensuel, n'offre pourtant que peu de place à la BD dans ses publications,

FRED Le petit cirque et PELLAERT Pravda la survireuse. Ces histoires s'adressent à un public adulte, tout en restant plutôt sages.

Avec Charlie Mensuel, les lec­ teurs découvrent le premier grand dessinateur érotique populaire français : Georges PICHARD. Déjà connu de quelques initiés grâce à

Lucques : une encyclopédie aphrodisiaque auto-édité qui connaît un grand succès.

lui préférant l'humour, avec de jeunes dessinateurs comme CABU, WOLINSKI, GEBE, REISER et FRED. WOLINSKI propose pourtant une BD proche du Mad Amé­ ricain, GEBE campe Berk,

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V Magazine et au Rire (où il dessine Gorêtne sur scé­ nario de Danie DUBOS), Georges PICHARD devient le défenseur de l’érotisme. Enfin, un lectorat important découvre Ulysse, une version

très coquine de l’œuvre d'Ho­ mère révisée par son com­ plice de toujours Jacques LOB. Professeur de BD aux Arts Appliqués, dessinateur pour la jeunesse (la Semaine de Suzette, Lisette), auteur de strips ( Le Rire, Fou-Rire, V Magazine), PICHARD fait éclater son talent à travers des oeuvres fortes, pour la plupart à classer dans le registre adulte. Après Ulysse,

scénariste, PICHARD règle ses compte avec les mœurs étriqués, la religion et la bour­ geoisie triomphante du siècle dernier. Chef-d'oeuvre du sadomasochisme, Marie-Gabrielle demeure un album courageux et incon­ tournable. On doit également à PICHARD un Carmen somptueux, La Fleur du Lotus, Les Exploits d'un jeune

G. Levis : Dodo, 13 ans.

il anime dans Charlie la pul­ peuse Paulette sur scénario de WOLINSKI, puis Ceux-là et Edouard avec l'écrivain Jean-Pierre ANDREVON, et enfin, Bornéo Jo avec Danie DUBOS. Pour les jeunes Editions Glénat, il écrit et des­ sine en 1977, la plus sulfu­ reuse de ses oeuvres MarieGabrielle de Saint Eutrope. Pour la première fois son propre

Don Juan (d'après Guillaume Apollinaire), Les Sorcières de Thessalie, Marlène et Jupiter, et de nombreux autres albums. Illustrateur, il sublime par ses dessins les Mémoires d'une chanteuse Allemande et Trois filles de leur mère de Pierre LOUYS, ainsi que le Kâma-Sûtra. Aujourd'hui, un peu oublié, Georges PICHARD demeure le grand

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Alex Varenne : un trait original, des récits très chauds, un talent authentique.

maître de la BD érotique en France ; depuis quelques temps, il anime le personnage de Madoline pour les Editions CAP. Au fil des années, Charlie révèle d'autres auteurs français ou étrangers, eux aussi connus pour leurs audaces : l'Italien Guido CREPAX, Alex VARENNE, etc... L'évo­ lution du lectorat est suivie par les auteurs qui souhaitent eux aussi aller plus loin. L'équipe de l'hebdomadaire Pilote, surtout spécialisé dans l'humour, se heurte à son directeur de l'époque René Goscinny qui ne veut pas d'érotisme dans son journal. Certains créateurs osent pourtant dénuder leurs personnages, mais à Pilote, on est encore loin de la liberté offerte par Charlie. En 1972, trois auteurs vedettes de Pilote : GOTLIB, MANDRYKA et BRETECHER, fondent leur propre journal : l'Echo des Savanes. Ce trio propose des récits à la fois drôles et audacieux, inconcevables dans les pages de Pilote. Au fil des années, l'Echo des Savanes évolue, mêlant BD d'auteur et récits coquins. Dans ce dernier domaine, nous retiendrons Caroline Choléra de PICHARD et DUBOS, les nombreuses histoires courtes de LUCQUES, Sally Forth de WOOD et Bernard Lermite de Martin VEYRON.

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Aujourd'hui, l'Echo des Savanes, édité par Albin Michel, propose des oeuvres érotiques haut de gamme, dessinées par des auteurs célèbres : Erma Jaguar, d'Alex VARENNE, Le Déclic de MANARA, Ex Libris Eroticis de ROTUNDO, La Survivante de Paul GILLON, etc. D'autres journaux rejoignent l'Echo des Savanes tout au long des années soixante-dix : Métal Hurlant, Fluide Glacial, Circus, (A Suivre)... Tous s'adressent à un public adulte ; sans faire une spécialité de l'érotisme, ils n'hésitent pas à montrer leurs personnages dans leur vie intime, enlevant à la BD l’étiquette de passe-temps pour gamins boutonneux. A son tour, le prude Pilote, alors que René Goscinny abandonne son enfant à Guy Vidal, ouvre ses pages à des récits plus adultes. C'est d'ailleurs Dargaud, l'éditeur de Pilote, qui reprend Charlie pour

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en faire un journal de BD sensuel au sommaire duquel se retrouvent LUCQUES, RIVERSTONE, LOISEL, G. LEVIS, P1CHARD, D1MITRI, jusqu'à sa fusion avec Pilote en 1986. Mais déjà, l'amateur de BD érotiques se tourne vers des titres franchement adultes, dont Bédé Adult', le magazine créé en 1979, est le chef de file. Une nouvelle page est ainsi tournée...

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Entre érotisme et pornographie

Alors que V Magazine a dis­ paru depuis longtemps, que les pockets érotiques made in Italy, proposés par l'éditeur Elvifrance, régnent sur le marché de la BD pour adultes, la production fran­ çaise dans ce domaine est quasi inexistante. Les maga­ zines de charme, dont Lui est le fleuron, préfèrent les pho­ tos de filles dénudées aux images dessinées. Seul LAUZIER parvient à publier les Sextraordinaires aventures de Zizi et Peter Panpan, mais l'expérience demeure sans suite.

L'EMPIRE CAP

En 1979, Jean Carton, éditeur spécialisé dans les ouvrages érotiques, et amateur de BD, décide de lancer un véritable mensuel érotique distribué en kiosque. C'est ainsi que paraît timidement le premier numéro de Bédé Adult' édité par Sedem qui plus tard pren­ dra le nom de CAP (Côte d'Azur Publication, puis Centre Audiovisuel de Publication). Les premiers numéros de ce titre qui ne propose que des séries érotiques sont, pour l'ama­ teur, un véritable événement. L'éditeur commence par faire appel à des dessinateurs, connus dans la presse pour jeunes, à la recherche d’un second souffle. Sous pseudo­ nymes, ils animent des 45

Alain Fretet : un des jeunes et talentueux auteurs découverts par Cap.

héroïnes qui n'ont plus rien de commun avec celles qu'ils dessinaient dans la presse pour ados. G LEVIS (alias Jean SIDOBRE) crée le duo de charme Liz et Beth, Jo CORDES (Jean PAILLER) invente Iris, Bob LEGUAY dessine le western Duke White, Georges POTTIER signe Mirages Libyens, TREBOR (Robert HUGUES) lance les séries Yolanda, La déesse rouge et Vahila, avant de

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faire carrière sous divers autres pseudonymes (COLBER, MANCINI, etc.), enfin, Yves GROUX livre Les amants de Dieu. Quelques jeunes auteurs, aujourd'hui disparus de la circulation, complètent les sommaires des premiers numéros : KADA avec Gamiani, Paco Robledo BR1TTO avec Aliza, MARCO avec Nympho, reine des Ama­ zones, Vladimir PABLO

avec divers pastiches. Très vite, de nouveaux titres s'ajoutent à Bédé Adult' : Triangle noir en 1980, Sex Bulles en 1981. Aujour­ d'hui, les éditions CAP propo­ sent toujours Bédé Adult ', mais aussi Bédé X, SM Comics, Gay Comix et Manga qui ne propose que des BD érotiques japonaises. Face au succès de la CAP, d'autres éditeurs lancent des

journaux dont l'existence sera de courte durée : Bananas, Banane Mécanique, J'Ose, Hot BD etc. De plus en plus audacieuses, les créations des éditions CAP sortent dès le début des années quatre-vingt en albums. Le catalogue de cet éditeur compte aujourd'hui plus d'une centaine de titres traduits dans un nombre de pays étrangers de plus en

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Mancini : un autre style, un autre pseudonyme, mais toujours l'excellent travail de Colber maître ès-érotisme.

plus grand. Depuis quelques années, les séries les plus connues sont rééditées en format de poche dans la collection Bédé Adultes des éditions Média 1000. Aux auteurs confirmés des premiers numéros, viennent se joindre de jeunes talents dont les signatures deviennent vite aussi connues que celles de leurs aînés ; il s'agit d'HUGDEBERT qui anime la série Voyage, Voyage, de RIVERSTONE (qui signe aussi PETER) dessinateur d'un grand nombre de récits fantastico-mythologiques, de FOXER père de la pulpeuse Stella, de l'Anglaise Paula MEADOWS, de JACOBSEN (alias Jakez BIHAN), d'Alain FRETET, de PIGNOL, deGAST. Cette vague de nouveaux auteurs n'empêche pas l'arrivée

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Mancini : Célia, héroïne de Mancini, découvre le plaisir sous le crayon d'un auteur qui aime camper les filles jeunes et innocentes.

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AUüâÇÉ ue-ps&J CU4\OICAnI &J1RA«- &4 é&JR-oM...

OuilçAiA&Jr...

Chris : Angie infirmière de nuit. Un des nombreux personnages de ce dessinateur au noir et blanc parfait.

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d'auteurs classiques tentés dessinateurs dynamiques qui, par l'érotisme : ARCOR créa­ depuis bientôt quinze ans, teur de Docteur Sexe, l'Anglais règne sur la BD pour adultes Erich Von GOTHA, Jack en France. Henry HOPPER (pseudo­ nyme de Jacques GERON), CHRIS (alias Xavier PORTRAITS MUSQUERA), Michel DE MAITRES ÈS-SEXE DUVEAU, auteur d’un remarquable Caligtila. G. LEVIS : Jean SIDOBRE, Découvrons cette équipe de devenu G. LEVIS pour la plus Chris : Béa, flic de choc ; une femme flic qui n'hésite pas à payer de sa per­ sonne pour réussir ses enquêtes.

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Peter : maître de la couleur Peter (Riverstone) campe des filles somptueuses aux seins monstrueux.

grande gloire de la BD adultes, débute après-guerre dans les magazines de la presse familiale. Déjà, dans la revue Eve, il anime des héroïnes sexy sous le pseudo­ nyme de SYLVIA. Pour les jeunes, il travaille dans

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l’intrépide (Steve Hollygan), Hurrah, Daktari, Lisette, etc. Il illustre les livres de la bibliothèque rose lorsqu'il se tourne vers un lectorat adulte en créant Liz et Beth. Il enchaîne ensuite avec Les perles de l’amour et Dodo, 13

ans dans l'Echodes Savanes, Mémoires d'un entraîneuse dans Charlie, L'Ecole des Biches et Les petites filles modèles chez Dominique LEROY et enfin, Crimes et Délits dans J'Ose. C'est en dessinant cette his­ toire qu'il décède en 1988. Son trait aérien et délicat lui permettait de camper des femmes fragiles et sensuelles. Bien qu'audacieux, LEVIS n'a jamais pratiqué la pornogra­ phie, n'allant pas aussi loin que la plupart de ses confrères de Bédé Adult'. COLBER/TREBOR/ MANCINI : véritable Frégoli du crayon, Robert HUGUES publie ses premières BD dans les magazines niçois de l'après-guerre. Pour Artima, il reprend Tim l'Audace puis crée le sportif Santos Pilar. Il exerce le métier d'architecte puis revient à la BD sous le nom de TREBOR dans les premiers numéros de Bédé Adult' où il dessine Vihila, Yolanda et La déesse rouge. C'est sous le nom de W.C. COLBER qu'il trouve le suc­ cès en créant quelques créa­ tures de rêves : Cléo, Nado, Lydia, Tania et Bertille. Non content de cet impressionnant tableau de chasse, il met en scène de nouvelles héroïnes sous le pseudonyme de MANCINI. L'Institution Marie Madeleine, Célia, Ninon, une

adaptation sexy des Trois Mousquetaires, sont ainsi créés pour les différents journaux édités par CAP. Dessinateur d'une habileté rare, capable d'adopter des styles diffé­ rents, Robert HUGUES est l’un des maîtres es érotisme des éditions CAP.

CHRIS : Xavier MUSQUERA (un Espagnol habitant la Bel­ gique retourné depuis sur ses terres natales) mène avec talent une double carrière de dessinateur pour grand public et pour adultes. Tout en adaptant les aventures du détective Mr Wens pour les éditions Claude Lefrancq, il crée chez CAP : Angie infirmière de nuit, Miss Blondie, Lady Travel, Béa flic de choc et bien d'autres belles héroïnes. Pour la collection du Marquis des éditions Glénat, il dessine Le Tour du monde de Phyllis. Son trait classique aux noirs et blancs soigneusement répartis, est à la fois efficace et sensuel. Blondes ou brunes, ses héroïnes ne lais­ sent pas indifférent surtout quand il travaille dans son domaine de prédilection : le sadomasochisme. DAVIS/ CORDES : Jean ’ PAILLER, dessinateur de héros parodiques dans Pilote (Déconan le Barbaresque), se tourne vers l'érotisme dès

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le début des années quatrevingt. Pour Bédé Adult' et Sexbulle, il crée plusieurs séries appréciées par les amateurs : Iris, Les Fils de la violence, Le Clan, Billie and Betty, ainsi que plusieurs histoires indépen­ dantes. Il publie brièvement son propre journal, travaille pour les Etats-Unis, enfin, il reprend les personnages de Liz et Beth, la fameuse série de G.LEVIS, pour la collection du Marquis chez Glénat. Sous les pseudonymes de DAVIS et CORDES, Jean PAILLER ouvre la voie à la pornogra­ phie dans la BD. Sans hésiter, il montre tout, allant jusqu'à mettre en scène travestis et homosexuels. Son trait, dans un premier temps très soigné, évolue vers un style plus direct lui permettant de mieux faire passer certaines images difficiles.

HOPPER : Jack-Henry HOPPER, arrivé voici seule­ ment quelques années aux éditions CAP, n'est déjà plus un inconnu pour les amateurs de BD érotiques. Il publie ses premiers travaux aux éditions Michel Deligne sous sa véri­ table identité : Jacques GERON. Pour Deligne, il signe son premier album : Le Fantôme de Géronimo, puis les Conquistadors de la liberté et la déjà très sexy Debby. Beau­ coup plus coquine, voici

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Yolande de Crétou, aux édi­ tions Déesse, signée du pseu­ donyme Elvis GRAY. A compte d'auteur, il édite Le Privé, puis Miami Beach, où il utilise pour la première fois le nom de HOPPER. Pour les divers titres des éditions CAP, il propose Hôtel Con-D'or, Section spéciale, la série Madame, ainsi que Frank, série homosexuelle, publiée par Gay-Comix, et même un épi­ sode de la vie sexuelle de Tintin ! Plus sagement, et sous son vrai nom, il reprend Yaà* à DENAYER chez Novédi, puis adapte Arsène Lupin pour les éditions Claude Lefrancq. Pour la collection du Marquis chez Glénat, il des­ sine Les Nuits chaudes de Ran­ goon. Un trait classique, une grande facilité pour dessiner les femmes craquantes, tels sont les secrets de ce bour­ reau de travail qu'est le Belge Jacques GERON. R1VERSTONE : pseudonyme d'un artiste très secret qui signe aussi PETER, RIVERSTONE est, depuis les premiers numéros des maga­ zines proposés par CAP, un cas particulier. Avec des sujets souvent bibliques, un style hyperréaliste, il est en décalage avec les autres créa­ teurs des éditions CAP. Découvert par WOLINSKI

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merpe/la salope, ELLE SAiTS'S» PRENDRE... NOM... LiNO, AipE-MOi /

Jack Henry Hopper : Hôtel "Con-d'Or".

dans Charité, RIVERSTONE, après un bref passage à Pilote, débute une collabora­ tion régulière dans la presse pour adultes. On lui doit Thatnara et Juda, La Fugue infinie, l'Ileaux fantasmes, Gomorrhe, Trop plein d'écume et bien d'autres récits peuplés de filles aux corps sculptu­ raux, évoluant dans des décors exo­ tiques, voire fantastiques. Cette oeuvre originale et forte, mérite­ rait d'être connue audelà du lecto­ ra t spécialisé qui est le sien.

Erich VON GOTHA n'est pas d'origine allemande comme le laisse supposer son pseudonyme. Ce quinquagé­ naire aux allures très britan­ niques est Anglais, et porte

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Erich von Gotha : ce créateur au trait hard et sensuel est comme son nom ne l'indique pas citoyen britannique.

Hugdebert : il aime dessiner les trains, les femmes et l'amour.

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dans le civil le nom de ROBBINS. Peintre, illustrateur, il se tourne vers l'érotisme et la France. Après quelques his­ toires courtes proposées par Bédé X, il aborde la couleur avec les Malheurs de Janice, puis Prison de femmes. Pour le magazine J'Ose, il termine Crimes et Délits après le décès de G.EEVIS. Il signe ensuite Conte à Rebours, puis un wes­ tern, hélas inachevé. Il est également l'auteur de courtes histoires sans paroles publiées dans Bédé Adult'. De son trait léger, soutenu par des couleurs discrètes, il obtient des dessins qui, sans en avoir l'air, sont à classer

parmi les plus impudiques de la production actuelle. En quelques années, VON GOTHA s’est hissé au premier rang des grands de l'érotisme. HUGDEBERT : c'est sous son nom que Guillaume BERTELOT publie ses pre­ mières BD aux éditions Tarmeye. Il prend le pseudo­ nyme d'HUGEDEBERT pour la presse érotique. Avec Voyage-voyage, il peut assou­ vir sa passion pour les trains tout en proposant une série érotique au ton original. Il récidive avec les Voluptés de l'Orient-Express. On lui doit

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aussi Déver­ gondage à /'Esf, une version du Kâma-Sûtra, Les fleurs du mâle, etc. Dans un genre plus classique, il signe l'album Les seigneurs du rail aux éditions Glénat. Grâce à un dessin en perpétuelle évolution et des mises en page originales, HUGDEBERT trouve rapidement sa place parmi les auteurs des publications CAP.

Arcor : un maître du lavis au service de l'érotisme avec les aventures du Docteur Sexe.

FOXER : après avoir travaillé dans les décors pour le cinéma et le théâtre, mais aussi comme architecte, Loïc FOXER aborde la BD érotique avec le personnage de Stella, une jolie brune au corps de rêve qui devient rapidement une des stars de Bédé Adult'. D'autres filles de papier la

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rejoignent rapidement : Fanfrelle, la jolie chan­ teuse de la Belle Epoque ; Fiona, la per­ verse romaine ; l'exotique Loan, l'hé­ roïne de Viol au Vietnam. FOXER emploie avec bonheur la technique très particu­ lière du lavis qui apporte à son dessin un relief du meilleur effet.

ARCOR: bien que nouveau dans le monde de la BD érotique, ce pseudonyme cache un dessinateur très connu, considéré depuis l'après-guerre comme le maître du dessin au lavis en France. Avec La clinique du docteur Sexe, il campe un per­ sonnage original et particuliè­ rement cynique. Il récidive peu après avec Eva, jeune actrice qui hante les studios

où se tournent des films X. Son dessin réaliste, sublimé par l'utilisation du lavis, apporte à son oeuvre érotique un ton à la fois nouveau et audacieux.

JACOBSEN : après des débuts comme dessinateur humoristique, Jakez BIHAN prend le pseudonyme de JACOBSEN pour réaliser La grenouille, son premier récit dans Bédé X. Viennent

Jacobsen : du hard volontairement vulgaire aux images choc.

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.Tan vient

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¡tíur...

Pignard : les pieds Niqueurs, pastiche savoureux des fameux héros créés par Forton.

ensuite : Mathilde et Gilda, Le loup et l'agnelle, Perverse ¡ane, Une partouze pour Céline, etc. JACOBSEN est aussi l'adapta­ teur en BD de courtes histoires de Pierre LOUYS. Malgré un trait parfois caricatural, JACOBSEN parvient à signer des pages à la fois hard et sensuelles. FRETET : dernier arrivé dans l'équipe CAP, l'illustrateur Alain FRETET aborde la BD après avoir travaillé pour divers support de la presse magazine (/ 'Echo des Savanes) et illustré les couvertures des Interdits chez MEDIA 1000. Il fait paraître ses premiers récits dans Gay-Comix, puis il aborde des thèmes moins spécialisés dans les autres titres. Utilisant fort peu de bulles, limitant le nombre de dessins par page, FRETET donne un ton original à ses oeuvres qu'il dessine au lavis. Ce ne sont là que les prémices d'une carrière qui s'annonce fort prometteuse.

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J. Toro : pocket très chaud made in France réalisé par un dessinateur turc fort prolifique.

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PICHARD : consécration, enfin, avec l'arrivée du grand maître français de l'érotisme. Avec Madoline, Georges PICHARD retrouve un per­ sonnage de femme révoltée, proche de Marie-Gabrielle de Saint-Eutrope. Toujours très en forme, il conserve son trait à la fois original et efficace.

L'HUMOUR, PARENT x PAUVRE : point faible des éditions CAP, l'humour est très longtemps le domaine réservé de Vladimir PABLO et de ses parodies. Depuis quelques années, les choses évoluent avec l'arrivée de nou­ veaux auteurs. Sous le pseu­ donyme de Jean PIGNARD le

Pat Magnum, un des nombreux héros créés par G. Toro

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James Hodges : un trait original, un noir et blanc sublime, un dessinateur inclassable et talentueux.

dessinateur Jean PAILLER propose les Pieds Niqueurs, pastiche fort réussi des héros de FORTON. GAST, pseudo­ nyme d'André AMOURICQ, propose une parodie très hard de Bibi Fricotin : Titi Fricoteur. Enfin, PIGNOL, alias Jaap de Boer, campe la jolie Sucette dans des aventures à la fois drôles et osées. Dernière incur­ sion dans l'humour de cet éditeur, mais pas des moindres, Les aventures sexuelles de Tintin. A l'origine conçue par le scé-

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J. Hodges : une œuvre à redécouvrir.

nariste Belge Jan BUCQUOY (Jaunes, Les chemins de la gloire, etc.) pour son éphémère jour­ nal belge, cette parodie hard et impertinente devient régu­ lière dans un des magazines de CAP. Plusieurs dessina­ teurs de l'écurie travaillent sur des textes pas toujours innocents : HOPPER, CHRIS, etc.

édite des albums qui parfois connaissent une publication presse sous couverture souple. Le lecteur ne s'y retrouve pas toujours, mais pardonne volontiers à un édi­ teur qui depuis ses débuts brave toutes les censures et tous les interdits. Si les éditions CAP ouvrent le marché à une BD érotique de création, d'autres éditeurs se contentent de proposer du INTERDIT D'ENFER matériel étranger. Dès la fin des années soixante, les édi­ Bien que ne figurant pas dans tions de poche traduisent les l'Enfer des Bulles, l'ouvrage de grandes séries adultes ita­ liennes : Zakimort, Kriminal, Jacques Sadoul consacré aux héroïnes de BD érotiques, les Diabolik, Belfagor, Vénus, etc. D'autres proposent Jézabel, séries produites par CAP Auranella ou encore Naja. depuis une quinzaine d'an­ C'est en 1970 qu'apparait Elvinées, sont les plus auda­ france (société fondée par cieuses du marché. Georges BIELEC), rejointe MEDIA 1000, dans sa collec­ tion Bédé Adultes, en propose plus tard par sa filiale Novapresse. Elvifrance publie les une sélection en format de grands titres italiens dans une poche. De son côté, CAP

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présentation iden­ tique à celle des "fumeti" : Vénus de Rome, Terror, Lucífera, Jungla, Isabella, Outre­ tombe, Jacula, Goldboy, Maghella, Les bidasses... Régulièrement

frappé par la censure l'éditeur résiste, multi­ pliant les titres au fil des années, et adaptant ses publications en fonction du goût des lecteurs. Avec les années quatrevingt, les séries contem­ poraines remplacent peu à peu les personnages historiques, les vampires et les héros légendaires qui firent la joie des lecteurs des débuts. En 1992, Elvifrance, très lié avec l’éditeur italien Edifumetto, abandonne ses activités après la transformation de son associé en société immobilière. 65

sinateurs comme EMOLATIV Depuis ce jour funeste, les et MOTTICELLA complètent poches érotiques ont totale­ ment disparu du marché de l'apport en inédit des éditions la BD. SPS, Notons aujour­ que d'hui dis­ quelques parues. tentatives A la de créa­ même tions de époque, séries les édi­ françaises tions EDH sont ten­ tentent elles aussi tées au d'imposer cours des des séries années produites 75/85. Gérard en France. Cottreau James HODGES, est l'un dessina­ des plus teur déjà tenaces connu par avec une ses dizaine oeuvres d'années publiées d’activité. dans Il publie Hodges : Jane, la fille aux mille corps ; un travail de commande vite et bien fait. Paris-flirt une et Le dizaine Hérisson, de titres où dominent les séries réali­ anime à lui seul quatre séries proposées par les pockets édi­ sées par le dessinateur d'ori­ gine turque Suât YALAZ qui tés par EDH : Aline, Bob et Maud, Jana la fille aux mille signe du pseudonyme de corps et Diana. Gi TORO. Avec Emma, Pat Magnum, Sartarella et d'autres Malgré le rythme infernal qu'il s'impose, HODGES titres, Gi TORO se révèle un excellent dessinateur pour fourni un travail de qualité ; adultes. Le rythme de travail ses filles sont toujours très belles, son imagination l'oblige à aller à l'essentiel, débordante lui permet de mais le résultat ne manque pas de charme. D'autres des­ varier les scénarios, 66

et sa mise en page dynamique n'a rien à envier aux meilleurs créateurs italiens. Ce dessinateur trop peu connu des amateurs d’érotisme mériterait enfin d'être découvert tant son oeuvre est riche et variée. Son trait original et vivant est fait

pour séduire un large lectorat allant bien au-delà de celui des magazines populaires où il est toujours publié.

Après la mort de tous les édi­ teurs de format de poche, la bande dessinée pour adulte cherche un souffle nouveau.

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Un érotisme de bon ton

Si les éditions CAP proposent un érotisme populaire où tout est montré sans la moindre pudeur, les éditeurs tradition­ nels ont eux aussi leur BD adultes, même si elle est plus soft. Auteurs et éditeurs cher­ chent souvent de bonnes (ou mauvaises) raisons pour justi­ fier la présence de ces titres dans leur catalogue. Après Eric Losfeld qui publiait de la BD érotique avant tout pour faire un pied de nez à la cen­ sure, les Editions Dominique Leroy se consacrent totale­ ment à l'érotisme, proposant romans, ouvrages d'illustra­ tions et études. Avec une pré­ sentation luxueuse, proche de celle des titres publiés par Losfeld, les livres portant la marque de cette éditrice s'adressent à un lectorat aisé.

PROFESSION : ÉDITRICE ÉROTIQUE

C'est chez Dominique Leroy qu'apparait, dès le début des années soixante-dix, la signa­ ture de Philippe CAVELL, pseudonyme de l'architecte Jacques HIROU. Après un premier recueil de courtes histoires, Transes mécaniques, il adapte en de luxueux albums, des œuvres érotiques célèbres : Juliette de Sade, Fanny Hill et Jessica Ligari de Robert Merodack. Son der­ nier volume, au ton plus humoristique, L'Effet Magnousse, parait en 1984. Un autre architecte, Gérard LECLAIRE, fait également son apparition chez Domi­ nique Leroy avec le remar69

G. Levis : version très personnelle de l’École des Biches par le grand Levis, pseudonyme de Jean Sidobre.

quable Rumeur des anges. Il crée ensuite La famille Freudipe, avant de travailler aux éditions Régine Deforges où il réalise deux ouvrages (Contes pervers) avant de quit­ 70

ter à son tour le monde de la bande dessinée. G. LEVIS est le premier grand de l’érotisme à publier chez Dominique Leroy. Outre un

Georges Pichard : avec l'Usine l'auteur défend la femme tout en l'humiliant.

volume consacré aux Nouvelles aventures de Liz et Beth, il signe Les petites filles modèles et L'école des biches.

Les éditions Dominique Leroy ont permis à de jeunes auteurs de publier leurs pre­ mières oeuvres : Mircea ARAPU (Mavina), l'Italien Vincenzo JANNUZZI (.Les

onze mille verges), Serge MOGERE (Les rues, Les boule­ vards, Les avenues), Elie XYR (Néopolis), etc. Outre ces créations, Dominique Leroy réédite de grands classiques américains tel 77k Best of Eric Stanton, et des ouvrages illustrés, dont les fameux livres de la Librairie Artistique Parisienne, dessinés 71

Mathias Schultheiss : incursion dans l'érotisme du grand dessinateur allemand.

par CARLO. Avec un catalogue réduit, mais de qualité, Dominique Leroy s'adresse à des lecteurs érudits, séduits par son système de vente par correspondance.

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TIÉDEUR CHEZ LES ÉDITEURS CLASSIQUES

Curieusement, les éditeurs de BD clas­ siques hésitent à se lancer dans ce sec­ teur pourtant lucra­ tif. Jacques Glénat, le premier, tente l'expé­ rience avec la publi­ cation des deux clas­ siques que sont aujourd'hui MarieGabrielle de SaintEutrope et MarieGabrielle en Orient de Georges PICHARD. Après le succès de ces deux premiers volumes, il propose L'Usine puis Les sorcières de Thessalie toujours de PICHARD, et quelques ouvrages de l'Italien CREPAX. Il arrête là l'expé­ rience, pour la reprendre à la fin des années quatre-vingt, mais très discrète­ ment (le nom de l'éditeur ne figure pas sur la couver­ ture), en publiant la luxueuse collection du Marquis forte aujourd'hui d'une vingtaine de titres.

oh

oui - je veux te. sentir.

EN MOI "TOUT DE SUITB...

Chris : le Tour du monde de Phyllis ou Jules Veme revisité par la bande dessinée érotique.

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Alex Varenne : l'érotisme dénué de toute vulgarité.

Parmi lesquels citons les rééditions de Liz et Beth de G. LEVIS et de L'encyclopédie aphrodisiaque, auto-éditée quelques années plus tôt par le dessinateur LUCQUES. Outre un ouvrage illustré par MANARA (L'art de la fessée), un autre dessiné par DON LAWRENCE (Les malheurs de Sophie), le Marquis propose quelques bonnes histoires de CHRIS (Le tour du monde de Phyllis), HOPPER (Les nuits chaudes de Rangoon), ARDEM (Les folles nuits de Cryptée), de SCHULTHEISS, et bien d'autres. Les derniers titres sont de médiocres séries américaines qui discréditent la collection. Le même éditeur, sous la marque Comics USA, lance en 1992 la collection Frou-frou dont Omaha, la petite chatte coquine de Reed WALLER et Kate WORLEY, est le fleuron.

Les éditions Dargaud, peu avant leur rachat par le pudique groupe Ampère, furent elles aussi tentée par l'érotisme, fai­ sant paraître le second volume de la très célèbre Histoire d'O dessiné par Guido CREPAX et les deux premiers albums de la série Druna de l'Italien SERPIER1.

BD CHIC CHEZ ALBIN MICHEL

Albin Michel demeure l'éditeur le plus ouvert à la BD éro­ tique. Le rachat de l'Echo des Savanes en 1982 permet à cette maison d'édition de se lancer dans la bande dessinée ; très vite, le titre ouvre ses pages à des récits truffés de séquences à ne pas mettre entre toutes les mains. Aux côtés de BD parfois hermétiques certains auteurs se lancent dans des créations 74

très chaudes mais toujours d'une grande qualité gra­ phique. Alex VARENNE après de courtes histoires coquines, crée le personnage ambiguë d'Ertna Jaguar. Son dessin en noir et blanc lui permet de mettre en images des séquences torrides d'une impudeur totale, tout en res­ tant très classe. Si ses scéna­

rios sont parfois difficiles pour le lecteur moyen, ses dessins figurent parmi les plus audacieux du genre. Après Ardeur, la remarquable série post-atomique réalisée sur les scénarios de son frère Daniel, Alex VARENNE est devenu un des grands de l'érotisme en BD. On rencontre son dessin à nul

Serpieri : SF et jolies filles avec Druuna, best-seller d'un érotisme bon chic, bon genre.

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Toujours dans l'Echo des Savanes, oeuvrent deux grands maîtres italiens abso­ lument incontournables : Milo MANARA et Massimo ROTUNDO. Le premier popularise un érotisme BCBG avec le fameux C'est Déclic, encore dont il dans CftjJl OUI VA PRfiNPRfi LA F Echo des propose M'APLÜfi S6MÔ ET Savanes une suite J'Ai wá ca op'k. faut quelques faUft Ldi RAlftB que Paul années GILLON, plus tard. dessina­ teur au On lui doit égale­ passé ment Can­ presti­ dide gieux (Les caméra, le naufragés très du temps, réjouis­ 13, rue de sant Par­ F Espoir, fum de Les Lévia­ l'invisible thans...), et divers aborde Nathalie la petite hôtesse : autres l'érotisme pastiche fort réussi d’une bande dessinée pour la jeunesse. ouvrages avec La peuplées Survivante, de bour­ une his­ geoises impudiques. Après toire post-atomique. Cette avoir débuté dans les formats très belle série, ayant pour de poche italiens, MANARA cadre un monde quasiment travaille pour Larousse vidé d'êtres humains et (Découverte du monde, l’Hisdominé par des robots, toire en bande dessinée) Caster­ a pour héroïne man ( Les aventures de Guiseppe une brune et jolie "survi­ Bergman) et enfin Albin vante" obligée de cohabiter avec des androïdes. De l'éro­ Michel. Son graphisme tisme chic et flamboyant pour propre et efficace lui permet de faire passer des séquences amateurs éclairés. autre comparable aux éditions Casterman, Huma­ noïdes Associés et enfin, La Sirène, pour qui il réalise Fragments érotiques, un très bel ouvrage d'illustrations.

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souvent scabreuses auprès d'un public moins populaire que celui des revues érotiques. Massimo ROTUNDO, est Ita­ lien, comme MAN ARA, son aîné. Il débute dans le fantas­ tique et la SF avec des récits publiés en Italie par Lancio et Orient Express, et en France dans Circus. Il aborde l'éro­ tisme avec sa série d'histoires courtes : Ex Libris Eroticis. Il affectionne les décors du début du siècle et les dessous compliqués qu'il restitue à merveille de son trait minu­ tieux et toujours juste.

barbare), PICHARD (Carmen, La fleur du lotus), etc. Dans un genre plus intellectuel et plus social, Martin VEYRON déshabille lui aussi de bien jolies filles dans les pages de L'amour propre et de L'éternel féminin..

Bien que moins prolifique qu'il y a quelques années (crise oblige) Albin Michel demeure un éditeur avec lequel l'amateur d'images coquines doit compter.

D'aucuns trouveront que la production érotique française est faible. Qu'ils se rassurent : A ces dessinateurs, à la pro­ rares sont les pays qui offrent duction régulière, il faut ajou­ autant de BD pour adultes. ter MAGNUS et son chefEspérons que cela continuera d'œuvre : Les 110 pilules, et que dame Censure pour­ Silvio CADELLO et sa très suivra son sommeil après une poétique Fleur amoureuse, ère socialiste des plus accom­ Carlo MARCELLO (Nwf modante...

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6 L'Italie

Nombre de lec­ teurs français pensent que l'érotisme dans la BD italienne commence avec les pockets pour adultes. Erreur, dès la fin des années trente, les jeunes lecteurs italiens décou­ vrent de bien belles créatures dans leurs jourMagnus : ultime création d'un des pères fondateurs du pocket érotique italien avec Nécron.

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Valentina, l'idéal féminin selon Crépax.

naux. Souvent inspirés par les héroïnes des séries améri­ caines, les auteurs italiens mettent en images des jeunes femmes sensuelles aux corps parfaits, moulées dans des robes qui révèlent leurs formes. Il ne s'agit là que d'un érotisme dis­ cret, mais qui fait déjà fantasmer les lecteurs. Parmi les plus 80

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audacieuses héroïnes notons Sam Milton, l’amazone blanche du Kit Carson de Walter MOLINO, la sauvage Jane dans Jane e Raff de Vittorio Cossio, Vipere Blonde

fameuse demeure la blonde et fragile Pantern Bionda de Enzo MAGNI, une tarzane inspirée par la Sheena améri­ caine.

Angiolini : Figlio del peecato.

dans Gim Toro de Edgardo DELL'ACQUA, la perfide Edmea dans Amok de Antonio CANALE, Anna dans Tom il vindicatore de MOLINO, et Gey Carióla de Paul CAMPAN!. La plus 82

Toutes les BD d'aventure ita­ liennes des années cinquante sont peuplées de bien jolies filles offrant la vision de leurs poitrines généreuses moulées dans des vêtements collants. A l'érotisme, les auteurs ajou-

Attualita nina.

Gz-rc

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28-»o

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31H Fionenzo : la reine du sexe.

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8Z. -lf\ Montanari: Mafia.

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tent souvent une note de sadomasochisme, frappant, brutalisant, fouettant leurs héroïnes par personnages interposés. Outre ces œuvres destinées à un large public,

ACTE 2 : LE POLAR HARD

C'est en 1963 que l'Italie découvre le premier person­ nage de BD créé pour des adultes en la personne de

Im

! /-■ V'

Massimo Mattioli : Squeack the mouse : l'univers du dessin animé parodié avec impertinence.

les dessinateurs italiens sont les spécialistes des récits sen­ timentaux réalisés au lavis dont nous avons parlé dans un chapitre précédent.

Diabolik, un redoutable héros masqué, version moderne de Fantomas, animé par les sœurs Angela et Luciana GUISSANL Gino 87

MARCHESI, puis bien d'autres dessinateurs dont MAGNUS, DELL'ACQUA, ZANIBONI et FACIOLO, réaliseront les centaines de fascicules au format de poche consacrés à ce personnage qui fait régner la terreur en com­ pagnie de la blonde Eva Kant. Au fil des planches, violence et érotisme séduisent un nombre de lecteurs de plus en plus grand. Véritable phé­ nomène de l'édition en Italie, ce pocket édité par Astorina, est l'objet de nombreuses imi­ tations dont certaines ne manquent pas de charme : Satanik de MAGNUS et BUNKER, Vainpir de Gino

COSSIO, Sadik, Goldrake, Jena, Zakimort, la justicière implacable, et Génius, la pre­ mière création de Milo MANARA. Toutes ces séries, apparues en quelques années, se livrent une concurrence féroce. Scénaristes et dessina­ teurs y signent des récits de plus en plus audacieux, où les crimes et les séquences érotiques se multiplient.

Dès le milieu des années soixante, les kiosques italiens sont noyés sous les nouvelles publications d'autant plus que d'autres thèmes s'ajou­ tent à cette folie qui s'empare des lecteurs. La science-fic-

Milo Manara : la réussite d'un artiste venu du pocket, aujourd’hui connu dans le monde entier.

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tion, bien que peu utili­ sée, malgré le succès français de Barbarella, est représentée par Urartella de Floriano BOZZ.1, Alika de SAMMARINI, Gesebel du duo MAGNUS/BUNKER, et Cosmine de P1ZZARDI. DANS LES COULISSES DE L'HISTOIRE

Ce thème disparaît très vite pour céder la place au péplum et à l'Histoire, deux genres qui seront très largement exploités par les édi­ teurs italiens. Isabella, duchesse du diable, créée par Sandro ANGIOLINI en 1966, demeure le personnage le plus connu. La duchesse de Frissac, une blonde au corps de rêve, imaginée par Giorgio CAVEDON, nous entraîne elle, en France à l'époque de Louis XIII. Scènes intimes et sadomaso­ chisme donnent à ce Franco Saudelli : La Blonde, une BD de bondage signée par un auteur de la nouvelle génération italienne

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Serpieri : Druuna ou le triomphe de la femme pulpeuse et sensuelle.

feuilleton un ton nouveau qui révolutionne la BD adulte ita­ lienne. De nombreux titres cherchent à concurrencer la jolie duchesse comme la cruelle Messalina de DELL'ACQUA, qui nous fait découvrir les coulisses du péplum à l'italienne. Les pudiques scènes de bataille que l'on trouvent au cinéma sont remplacées par des séquences très chaudes qui nous dévoi­ lent l'intimité des héroïnes antiques. Parmi les plus célèbres

personnages apparus à cette époque notons Pompéa, Téodora, Lucrezia, la plus belle des Borgia, Iolanka de Francesco GAMBA, et Iolanda dont certains fascicules sont signés par Moli MANARA.

Magnus et Bunker : Diabolik ; polar et érotisme, les premiers ingrédients de la BD pour adultes.

Le western est lui aussi utilisé par les auteurs de pockets érotiques. Vartan, la belle indienne blanche, autre créa­ tion de Sandro ANGIOLINI en 1969, est l'une des plus fameuses filles de l'Ouest de l'époque. Citons aussi Wallala, l'in­ dienne blonde, Calamity Jane de Renzo MAGNI, et la Vergine Nera (la vierge noire) de Edgardo DELL'ACQUA. Toujours dans le domaine des filles sauvages, il ne faut pas oublier l'une des plus sensuelles, Jungla, créée en 1968 par Renzo BARBIERI pour le dessinateur Stelio FENZO. Cette somptueuse brune au corps de rêve 91

Stellio Fenzo : Jungla ; un des premiers succès des pockets pour adultes italiens.

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hante, tel Tarzan, la jungle sauvage, et parvient à rester vierge malgré les nombreux hommes qui cherchent à la vaincre. Elle finira tout de même par succomber au charme d'un beau broussard.

HORREUR

ET ÉROTISME

Avec le début des années soixante-dix, l'horreur fait son appa­ rition au royaume des pockets pour adultes. Une multitude de femmes vampires entre

SS

Uranella de Floriano Bozzi : une petite sœur de Barbarella.

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En haut : Biancaneve de Leono Frollo ; les contes de fée pris en otages par l'érotisme. En bas : Sam Bott ; une création drôle et leste signée D. Buzzelli.

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Venus de Rome chez Elvifrance.

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Montanan : un grand pourvoyeur de chaudes images.

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Grossi : humour et sexe.

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Mafia. Leur contenu devient de plus en plus violent, de plus en plus érotique. Les sexes masculins, pudique­ ment dissimulés au cours des années soixante, sont désor­ mais montrés sans pudeur au long des pages brûlantes de ces nouveaux journaux. Mal­ gré un nombre de plus en plus grand de titres, les lec­ teurs boudent ces magazines dont les thèmes ne se renou­ vellent plus. Téléfilm Proibiti, Telenovela, Casino, Sbarre, Mondo Corrotto, Supernera, Macho, 1 Dallas, Luce Rossa, Ulla, et bien d'autres, ne par­ viennent pas à retenir les lec­ teurs ; la formule est usée. Les éditeurs cherchent à séduire avec des magazines de for­ mat plus grand offrant, en plus des Bd, des photos cou­ leurs de filles dévêtues. Risatissime, Amiche Mie, Flash, Shock et d'autres, remplacent peu à peu les pockets. Mais cette nouvelle formule ne prend pas et disparaît rapide ment. En 1992, Edifumetto, la plus importante société édi­ SEXE AU QUOTIDIEN tant des BD pour adultes abandonne ce secteur pour se A la fin des années soixanteconsacrer à l'immobilier ! Liée dix les fumeti per adulti découvrent un nouveau filon à Elvifrance, la société Edifu­ avec l'actualité. Plus ou moins metto entraîne la chute du poche érotique en France. inspirés par le quotidien, de Aujourd'hui les kiosques ita­ nouveaux titres arrivent : liens ne proposent plus un Attualita Nera (Actualité seul magazine érotique de noire), Morbida, Proibita ou bande dessinée. Le fumeti per encore Realta Misteriosa, et

en scène pour le plus grand plaisir des lecteurs avides de sang et de sexe. Jacula, la reine des vampires, créée en 1969 par Guiseppe PEDERIALI, Lucifera, la maî­ tresse du diable dont les plus beaux épisodes sont dessinés par Leone FROLLO, Zora Pabst, la vampire blonde, Sukia éternellement accompagnée par Gary un jeune homo­ sexuel. A ces séries aux per­ sonnages fixes s’ajoutent des publications spécialisées dans le morbide comme Oltretomba, I Vampiri, Démon, etc. Peu après la vogue de personnages inspirés par le comte Dracula, des séries uti­ lisant des héros de légendes ou de contes font leur appari­ tion : Biancaneve dessiné par l'excellent FROLLO, Cappuccetto Rosso (Le Petit chaperon rouge), Pinocchio, Sexy Favole (Fables sexy).

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G. Giongi : violence et sexe.

adulti aura vécu un quart de siècle. Espérons que les éditeurs italiens trouveront bientôt une nouvelle formule afin de redonner vie à cette BD populaire qui nous manque aujour­ d'hui... 99

Hard au quotidien : Aporici.

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Face à cette production où se côtoient le meilleur et le pire, l'Italie possède une BD éro­ tique plus sophistiquée qui trouve souvent le succès hors de ses frontières. Guido CREPAX œuvre en Italie

pour que vive l’érotisme, au même titre que PICHARD en France. Architecte de forma­ tion, CREPAX publie sa pre­ mière BD dans le tout jeune magazine Linus en 1965. Très vite apparait le personnage de Valentina Rosselli, une pho­ tographe, maîtresse du cri­ tique d'art Philip Rembrandt, qui devient rapidement le modèle de l'idéal féminin pour toute une génération de lecteurs intellectuels. Elle est à la fois la femme libérée et la maîtresse soumise et imagi­ native dont rêvent bien des hommes. Valentina est propo­ sée à plusieurs reprises aux lecteurs français qui n’accep­ tent pas cette héroïne au féminisme peut-être trop pré­ sent. En Italie ses aventures se poursuivent toujours dans les pages du mensuel Corto Maltese. Si Valentina vieillit régulièrement, le dessin de CREPAX évolue également, devenant de plus en plus esthétique, l'auteur jouant avec la mise en page et la mise en couleur. D'autres dessinateurs italiens se spécialisent dans l’érotisme sans tomber dans l'intellec­ tualisme de CREPAX, il s'agit

de Milo MANARA, SERPIERI, Massimo ROTUNDO, Franco SAUDELLI, ainsi que Léone FROLLO et MAGNUS, tous deux venus des pockets éro­ tiques. La plupart de ces artistes sont aujourd'hui plus connus en France que dans leur propre pays, même si MANARA connaît un succès international. Terminons ce chapitre en signalant les magazines de luxe qui depuis quelques années charment les lecteurs aisés amateurs de belles images et de filles dénudées. Glamour, créé par Gianni BRUNORO en 1981 est le plus séduisant avec son grand format et son papier glacé. Les meilleurs dessina­ teurs italiens et étrangers y publient des dessins inédits mêlés à des photos de charme fort bien choisies par les rédacteurs. Paradis de l'érotisme et modèle en ce domaine pen­ dant plus de vingt-cinq ans, l'Italie est aujourd'hui à la recherche d'un second souffle. Attendons et espérons...

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La Grande-Bretagne

Discrets, mais efficaces, les Anglais ne sont pas les der­ niers à peupler leurs journaux de jolies filles en tenues légères. C'est peu avant la seconde guerre mondiale que les British girls font leur appa­ rition dans les journaux quo­ tidiens. La caractéristique principale de ces héroïnes

d'outre-Manche est la sensua­ lité. Pas question de tout montrer ni d'étaler la vie intime des personnages. Les auteurs se spécialisent dans les tenues sexy, les sous-vête­ ments coquins et les situa­ tions cocasses. Cette féerie érotique est le plus souvent proposée en noir et blanc au

A. Ferrier : Film Fannie ; élégance coquine en 1938.

A. Ferrier : ci-dessus, illustration sensuelle par un maître du genre ; ci-dessous, Our Dumb Blonde, des filles pétillantes pour rêver sous les bombardements allemands.

I 104

Norman Pett : Jane ; la plus fameuse des héroïnes anglaises.

Studies from the model : un autre script quotidien de N. Pett.

long de strips quotidiens lus par des millions de lecteurs. La tradition coquine de la presse britannique se poursuit jusqu'à la fin des années quatre-vinct. 105

Kenneth Inns : Carol Day ; un style original pour les aventures sentimentales d'une jolie fille.

Arthur FERRIER, dès 1938, présente ses fameux Film Fan­ nie dans le Sunday Pictorial, une bande mettant en scène de jolies filles à la recherche d'un travail dans le cinéma. Le strip se poursuit l'année suivante dans Everybody's Weekly. En 1940, FERRIER récidive avec Spotlight on Sally qui dure jusqu'en 1950 dans The News of the World. La blonde héroïne et son amie Dizzie multiplient les tenues coquines à la grande joie des lecteurs. FERRIER est aussi le père de Phyllis... our Dumb Blonde, autre strip aux gags savoureux et à l'héroïne fort dévêtue, publiée par le Sun­ day Pictorial. Cette bande est poursuivie par un autre des­ sinateur amoureux des jolies formes : George DAVIES. L'ultime création d’Arthur FERRIER a pour nom Eve, un détective privé très sensuel, publié par le Daily Sketch à

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partir de 1953. FERRIER, né au siècle dernier, mort dans les années cinquante, impose un style simple et efficace poursuivit par plusieurs générations de dessinateurs britanniques.

LES FILLES MODERNES

On retrouve cet érotisme "propre" et sage dans l'oeuvre de Norman PETT créateur en 1932 de Jane, la plus célèbre des héroïnes sexy de la presse anglaise. Cette blonde au corps parfait voit ses aven­ tures débuter dans Jane's Journal publié en 1932 par le Daily Mirror. Accompagnée de son chien Fritz, Jane est d’abord l'héroïne de cartoons avec textes sous les images ; elle devient personnage de BD en 1938, dans une version quotidienne où Norman PETT est secondé par Don

P. Tourret : Tiffany Jones ; un joli mannequin aux aventures sentimentales nombreuses.

Mike Hubbard : Jane version Hubbard ; génial.

FREEMAN pour le scénario. En 1948, c'est Mike HUBBARD, l'assistant de PETT, qui lui succède. C'est

lui qui anime les derniers strips publiés en 1959. Le nom de Jane revient avec Jane daughter of Jane, dessiné par Alfred MAZURE qui signe MAZ. Mais les lecteurs ne reconnaissent pas "leur" Jane et la série prend fin en 1963. Pétillante, libérée et drôle, Jane figure au pre­ mier plan des héroïnes de la BD sexy.

Moins sensuelle, mais d'une beauté à couper le souffle, Carold Day, arrive en 1956. Manne­ quin aux aventures senti­ mentales multiples, Carold sévit dans le Daily Mail sous le crayon de David WRIGHT dont le style original utilisant la carte à gratter donne à cette série un ton à la fois insolite et séduisant. La bande est poursuivie par Kenneth INNS dans un style très proche. WRIGHT est éga­ lement le dessinateur de Heat on Gabriela publié par le 107

Bob Hamilton : Patty, de plus en plus audacieux.

Sunday Express au début des années soixante-dix. Carold Day fut traduit en France dans TAurore puis le Parisien Libéré, Heat on Gabriela dans Radar. En 1964, le Daily Sketch pré­ sente le premier strip de Tiffany Jones signé par deux femmes ; Jenny BUTTERWORTH pour le scé­ 108

nario et Patricia TOURRET pour le dessin, racontent les aventures d'une jeune Anglaise venue à Londres pour tenter de réussir dans le cinéma. Tiffany, à la fois fra­ gile et décidée, possède une plastique qui ne manque pas de charme. La parution de ce strip se poursuit jusqu'en 1977.

Toutes les filles créées par les dessinateurs britanniques n'ont pas le succès de Jane et compagnie. Certaines vivent quelques années, d'autres

the Smart Kid. Le dessinateur prend toujours un malin plai­ sir à dévoiler les trésors de cette petite fille aux formes déjà agréables.

Alfred Mazure : Carmen and Co ; sado-maso et aventures en tous genres au quotidien.

Luis Rocca : Scarth ; polar et érotisme.

beaucoup moins ; toutes sont - Susie, copie conforme de pourtant bien agréables à Jane, est un détective privé regarder. Voici quelques unes qui enquête dans les pages des filles de papier les plus du Sunday Dispatch. Elle est délurées. dessinée par Norman PETT qui vient d'abandonner Jane à - Penny, personnage vedette HUBBARD, mais qui ne de The Chirrups, créée en 1938 connaît pas le même succès par George DA VIE dans le avec cette Susie pourtant bien Sunday Pictorial. Penny jolie. devient d'ailleurs le person­ nage titre en 1949 dans Penny - Paula, de Eric R. PARKER,

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dont les strips sont publiés par le Daily Express, est une petite brunette qui évolue dans le monde du cinéma. Créée en 1948, cette BD écrite par Dennis WHEATLEY est rapidement abandonnée. - Judy, est une jeune femme au corps parfait, qui vit dans un milieu aisé et porte des tenues luxueuses. Julian PHIPPS anime ses aventures dans VEvening News à partir de 1949 ; le style réaliste de ce dessinateur apporte un ton nouveau à ce strip qui ne manque pas d'attrait.

trop brève. MAZ, alias Alfred MAZURE, y met en scène une fille au corps souvent dénudé, aux prises avec d'ignobles individus qui lui font subir bien des outrages.

- Lindy, strip publié dans VEvening News à partir de 1959, est animé par Ernest RATCLIFF qui déploie des trésors d'inventions pour faire admirer les formes par­ faites de son héroïne.

- Scarth : bien que publiée en Angleterre par le Sun, cette histoire écrite par Jo A DDAMS, est dessinée par l'Espagnol Luis ROCA. Dans - Fay, une jolie blonde nous invite à découvrir la vie quo­ un futur lointain, la belle Scarth vit pour l'amour. Cette tidienne des jeunes filles des années cinquante. Tom KERR BD très osée, créée en 1969, change de titre trois ans plus en est le dessinateur pour tard ; mais dans Scarth an Week-end Mail, à partir de 2000, le lecteur ne retrouve 1955, alors que David plus la sensualité de la pre­ ROBERT en écrit les scéna­ rios. L'érotisme reste fort dis­ mière mouture. cret dans ce strip, où les filles - Caroline Baker Barrister-atsont pourtant très jolies. law : belle intelligente, sen­ suelle, Caroline Baker est une - Patty, est une blonde pul­ jeune avocate qui ne manque peuse dessinée par Bob pas d'arguments. Le Sun HAMILTON ; elle est lancée publie ses aventures dès 1970 en 1959 par le Daily Mirror dans l'espoir de renouveler le sans que l'on connaisse le nom de son auteur. succès de Jane. - Carmen and Co, est un strip beaucoup plus audacieux lancé par le Daily Sketch en 1957, mais dont la carrière fut 110

- Bonnie, une adolescente blonde au corps magnifique, nous fait assister à ses nom­ breuses rencontres amou-

E haut : Kim Raymond ; Checkout Girl : les dernières filles de la presse quotidienne. Au centre : Enrique Romero ; Modesty Biaise, une espionne de charme.

En bas : J. Bums ; Danielle, fantastique et érotisme du meilleur cru.

reuses. Ce strip paru en 1971, est scénarisé par Les LILLEY et dessiné par Frank LANGFORD. - Danielle : ÏEvening News propose les aventures de cette héroïne du futur en 1973. On y trouve des séquences très chaudes dessinées par l'excellent John M. BURNS sur scéna­ rios de Dennis HOPPER. 111

- George and Lynne, un couple moderne qui mène des enquêtes toujours très coquines. C'est encore John M. BURNS qui anime ce strip dans le Sun à partir de 1976 sous le pseudonyme de Michael KELLY ; il y campe des femmes pleines de sen­ sualité de son trait alerte. - Solitaire Brent, conte, dans le Sunday Express à partir de 1976, les aventures d'une jeune et jolie étudiante seule dans sa chambre. Les dessins de Neville COLVIN sont plai­ sants et la jolie Brent possède

bien des atouts pour séduire les lecteurs.

- Amanda ; c'est en 1976 que le Sun lance le personnage à'Amanda Muller, héritière d'une fortune au Liechten­ stein. Des dessins très sédui­ sants de John RICHARDSON sur un scénario de Frederick MULLALLY. - Smithie : c'est Brian FREEMANTLE qui écrit ce strip pour l'infatigable John M. BURNS en 1980 dans VEvening News. Des aven­ tures romantiques et sen­

E. Von Gotha : le plus français des créateurs britanniques.

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suelles dans le monde de la mode qui tournent autour de Smithie, une magnifique blonde.

- Zelda ; de nouveau de la science-fiction avec cette héroïne dont le corps dénudé apparait en 1980 dans le Sunday Times. John KENT en assure la réalisation d'un trait peut-être un peu simpliste.

être les trop rares tentatives érotiques en matière de bande dessinée classique. Quelques dessinateurs de renom tentent pourtant l'ex­ périence tel Don LAWRENCE avec Les mal­ heurs de Sophie, une jolie rousse aux formes généreuses qui est l'héroïnes de courtes histoires coquines traitées dans le style hyperréaliste que connaissent bien les ama­ teur du créateur de Storm et de Trigan. Ces récits ont fait l'objet en France d'un volume de la col­ lection du Marquis des édi­ tions Glénat.

- Checkout Girl : dernière en date des filles imaginées par les auteurs anglais pour la presse quotidienne, l'héroïne de Checkout Girl est une belle adolescente qui nous fait par­ tager ses émois amoureux. De bien jolies adolescentes dessi­ Paula MEADOMS, ex-star du nées par Kim RAYMOND film X aux USA, travaille sur scénario de Les LILLEY. pour des revues de charmes britanniques comme Fessée A ces strips imaginés pour où elle propose des illustra­ séduire les lecteurs par leurs tions au lavis et quelques BD héroïnes volontairement sexy, dont The exploits ofMitzi. On il faut ajouter des séries où les retrouve son trait sensuel et seconds rôles féminins sont rond en France dans la revue légions. C'est le cas de Roméo Bédé X où elle anime la série Brown, créé par Alfred Sabina. MAZURE puis repris par Jim HOLDAWAY, de JeffHawke de Sidney JORDAN, et de Erich VON GOTHA est lui Modesty Biaise, créée en 1968 aussi l'hôte des revues par Peter O'DONNELL et Jim coquines d outre-Manche, HOLDAWAY et poursuivie mais c'est en France que son par d'autres dessinateurs tels talent trouve sa consécration. Enrique ROMERO et BURNS. John M. BURNS avec Zétari, la pirate de l'espace, campe Cette richesse de strips quoti­ une superbe créature qui elle diens anglais explique peutaussi fait le tour du monde. 113

Plus qu'ailleurs, l'érotisme est présent dans la BD anglaise à condition qu'il reste propre. Premier pays à légaliser l'éro­ tisme dans sa presse quoti­ dienne, l'Angleterre boude les productions plus hards, voire

pornographiques, qui fleuris­ sent depuis quelques années chez ses voisins. Après tout, suggérer est aussi bien que montrer, surtout lorsque les héroïnes sont belles et dessi­ nées avec talent.

8

Z

Les Etats-Unis

Comme pour l'Angleterre, c'est dans les strips, fort nom­ breux à l'époque dans la presse quotidienne, que les héroïnes de BD commencent à faire fantasmer les lecteurs américains. Après la vogue des séries comiques peu favo­ rables à l'apparition de filles coquines, les personnages réalistes arrivent à la fin des années vingt. Scénaristes et dessinateurs imaginent alors une fantastique galerie de magnifiques créatures. Bien sûr, il ne s'agit pas de tout montrer, mais plutôt de faire travailler l'imagination des

Vampirella : une fille qui aime le sang et le sexe pour notre plus grand plaisir.

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Le charme désuet du Fantôme de Falk et Davis.

Crumb : novateur décapant, maître de l'underground.

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lecteurs grâce à des robes moulantes, à une cuisse légèrement dénudée, à un sein découvert et à bien d'autres artifices. FANTASMES DE L'AGE D'OR

La blonde Connie est sans doute la plus appréciée grâce à son corps souple et attirant, habilement révélé par son créateur Frank GODWIN. La plupart des grands héros ont pour com­ pagne une créature de rêve : la princesse Narda pour le Mandrake de Lee FALK et Phil DAVIS, la blonde Aleta pour le

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Prince Valiant de Hal FOSTER, Daisy Mae pour le Lil’Abner d'AL CAPP, Diana Palmer pour le Fantôme de Ray MOORE, Date Arden pour le Flash Gordon d'Alex RAYMOND, etc.

Après-guerre, les femmes continuent à jouer un grand rôle dans les strips améri­ cains, en parti­ culier les magnifiques créatures des­ sinées par Milton CANIFF pour la série Steve Canyon ; le même CANIFF qui pendant la guerre fit rêver les GI's avec Burma puis Miss Lace dans Male Call. Dès le début des années trente, des dessinateurs anonymes vont beaucoup plus loin avec les Dirthy Comics (histoires 118

Alex Raymond : désuet aujourd'hui ce dessin fit fantasmer plusieurs générations de lecteurs.

cochonnes) appelées aussi Eight Pagers (parce que publiées sur huit pages en noir et blanc) ou encore Tijuana, terme faisant réfé-

L’HOTE D’HONNEUR A UN SOMPTUEUX BANQUET DONNÉ A L’OCCASION DU RETOUR DE FLASH ET DE BARIN.

Alex Raymond : Flash Gordon ; un bal aux filles faites pour rêver.

rence à Tijuana une ville fron­ tière entre Mexique et Califor­ nie où transitent ces produc­ tions vendues sous le manteau dans les grandes villes américaines. Médiocre­ ment dessinées et imprimées, ces courtes histoires franche­ ment pornographiques, met­ tent en scène des héros de la BD et des stars du cinéma ;

Mae West, Clara Brown, Spencer Tracy, Clarke Gable, Joan Crawford, Ginger Rogers y côtoient ainsi Popeye, Blondie, Mickey Mouse, Mandrake, Dick Tracy et Betty Boop. Cette production essentielle­ ment parodique est en concurrence avec le matériel traditionnel jusqu’à la guerre. En France, quatre albums, 119

réunissant une sélection de Eight Pagers ont été publiés par l'éditeur Transit entre 1978 et 1981.

pas mettre entre toutes les mains. Tout au long de ces pages interdites, de pul­ peuses jeunes femmes sont livrées à des hommes ou des femmes qui abusent de leur corps, sans que soit versée la moindre goutte de sang, ni

L'ART DU BONDAGE

que soit montré le moindre poil pubien. L'art du Bondage consiste à entraver, à ficeler, à suspendre avec un raffine­ ment proche du sadisme, de jeunes créatures, qui sont ensuite battues et humiliées par des individus le plus sou­ vent vêtus de cuir. Parmi les maîtres du Bondage, citons

Après guerre, un nouveau style de BD pour adultes envahit le marché américain : le "Bondage". L'éditeur Irving Klaw fonde la Nutrix Corporation, qui propose des magazines comprenant des illustrations et des BD à ne 120

Corben : hyper-réalisme et érotisme sur fond de fantastique.

John Alexander SCOTT dit John WILLIE (1902/1962) créateur de la sen­ suelle et naïve Gwendoline, Eric STANTON (né en 1926, et qui poursuit sa carrière dans le cadre de sa propre maison d'édition), Gene BILBREW et RUIZ. Le trait rapide et satirique des "Eight Pagers" cède le pas à un dessin réaliste et léché ; les décors sont rares, mais les objets de conten­ tion foisonnent ; les femmes sont longi­ lignes, chaussées de talons aiguilles très hauts, et toujours vêtues de façon sophistiquée ; elles possèdent de lourdes poitrines et des visages innocents où se lit un détachement qui sur121

prend en regard des tour­ ments quelles endurent. Le Bondage est toujours présent dans la production améri­ caine, mais son âge d'or demeure l'époque où Irwin Klaw faisait paraître ses petits magazines dans le cadre de Nutrix. La production plus classique ne boude pas les jolies filles, bien au contraire. Tout au long des années cinquante, les E C Comics parodient à

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tour de bras dans des récits où s'illustrent des grands maîtres tels Jack DAVIS, Wal­ lace WOOD, Bill ELDER, Harvey KURTZMAN qui plus tard crée pour Play-boy la fameuse Little Annie Fanny, parodie brillante et longue de plus de cent épisodes, de Little Orphan Annie. Ici comme dans les pages de Mad créé en 1952, l'humour prime sur l'érotisme.

Crumb : de l'audace, toujours de l'audace..

Avec les années soixante, un nouvel éditeur fait son appa­ rition sur le marché américain : James Warren. Avec ses magazines Creepy, Eerie et plus tard Vampirella, il propose aux lecteurs de courtes histoires de vampires, et autres démons qui font fré­ mir. A ces créatures des ténèbres viennent se joindre de jolies femmes souvent habillées de tenues très légères. De nombreux dessi­ nateurs collaborent à ces jour­ naux, dont de nombreux

Espagnols qui peuvent ainsi se jouer de la censure impo­ sée par le franquisme ; citons entre autres : Esteban MAROTO, Vincente ALCAZAR, Martin SALVATOR, Isidoro MONE, Badai ROMERO, Josep BEA, et José GONZALES. A cet équipe à la production importante s'ajoutent quelques américains : Paul NEARY, Bemi WRIGHTSON, Howard CHAYKIN, Carmine INFANTINO, Tom SUTTON, Richard CORBEN, etc. 123

Les super-héros connaissent aussi de bien jolies filles.

Jusqu'à la fin des années soixante-dix, James Warren règne en maître sur l'horreur et le fantastique.

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L'UNDERGROUND

Durant les sixties, l’Amérique découvre une nouvelle école de dessinateurs travaillant dans de petits journaux sou-

Reed Waller : Omaha, une petite chatte belle à croquer.

vent vendus sous le man­ ont pour nom : Zap, Bijou teau : l’Underground. La Funnies, Trina's Girls, Comic drogue, mais aussi le sexe, y Comics, Dope Comics, sont traités avec une liberté publient un nombre impres­ qui choque les uns, amuse les sionnant d'auteurs dont il autres, mais ne laisse pas faut retenir : Clay WILSON, indifférent. Parmi les auteurs Jay LYNCH, Gilbert les plus actifs, Robert SHELTON, Greg IRON, Bill CRUMB impose ses femmes GRIFFITH, Rand HOLMES, plantureuses aux seins et aux et Trina ROBINS. Tout au fesses volumineux ; aujour­ long de leurs BD, aux images d'hui, CRUMB qui a réussi à souvent médiocres, les résister aux modes poursuit couples copulent en gros toujours son oeuvre, et plan, offrant pour la première notamment en France dans fois depuis les Eight Pagers, FEcho des Savanes. Ces petits la vision de leurs sexes en journaux de VUndergroud, qui action. Bien que l'amateur de

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jolies filles ne trouve pas tou­ jours son compte dans ces journaux (ce n'est d'ailleurs pas le but des comics Under­ ground), leur publication per­ met peu à peu aux autres magazines de se libérer du carcan du Comic Code qui règne sur la BD aux USA. Aujourd'hui, même les clas­ siques comics books de la

Marvel ou de DC n'hésitent pas à associer des héroïnes sexy aux super héros. Depuis quelques années, la firme Fantagraphic Books publie un grand nombre de fascicules érotiques sous le label Eros Comix. Si certains dessinateurs sont médiocres, d'autres proposent des œuvres de qualité dont

Bill Willingham : Ironwood.

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quelques unes sont traduites à l'étranger. C'est le cas de Birdland de Gilbert HERNANDEZ, de Ironwood de Bill WILLINGHAM, ou encore de Young Witches de l'Espagnol Solano LOPEZ et du Brésilien Ricardo BARREIRO. D'autres séries ne manquent pas de charmes comme 2 hot girls de Terry HOOPER et Art WETHERELL, Love Letters in the Hand de Jim THOMPSON, Liaisons délicieuses, etc. Le même éditeur propose égale­ ment des revues consacrées à des maîtres de l'érotisme comme Frank THORNE, CRUMB, le Français G. LEVIS, l'Italien SAUDELLI. Enfin, l'Amérique découvre une BD pour adultes sans voile et sans censure, même si elle est encore loin des audaces que l'ont trouve dans les albums érotiques euro­ péens.

Pour clore ce chapitre, don­ nons un coup de chapeau à Omaha, une des séries les plus sympathiques et les plus ori­ ginales de ces dernières années. Les personnages sont des humains à tête d'animaux ; Omaha, l'héroïne, une chatte sexy et libérée, a un petit copain Chuck qui a lui aussi ce qu'il faut où il faut. Reed WALLER et Kate WORLEY, les créateurs de cette bande, utilisent un gra­ phisme simple entre humour et réalisme, et un ton, moderne sans être racoleur, qui leur permettent de traiter de sujets très audacieux. Alors qu'en Europe, scéna­ ristes et dessinateurs, ont du mal à se renouveler et tom­ bent de plus en plus dans la pornographie, aux Etats-Unis, la bande dessinée pour adultes fait preuve d'inven­ tion et d'originalité. Elle a l'avenir devant elle et nous réserve sans doute bien des surprises...

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Ailleurs

L'ESPAGNE, OLÉ...

L'histoire de la bande dessi­ née espagnole se confond avec celle du régime fran­ quiste, durant lequel éditeurs

sont surtout humoristiques. Le principal éditeur, Bruguera, publie des magazines (Pulgarcito, TBO, etc.) qui connaissent un grand succès. La BD d'aven-

Romero : Axa, fille de l'espace au corps fort dénudé.

et auteurs sont muselés et se contentent de travailler pour la jeunesse. Les TBO (nom donné aux BD en Espagne)

ture est publiée en fascicules complets eux aussi très popu­ laires. BD historiques, poli­ cières, de western et fantas129

tiques, popularisent un grand nombre de personnages héroïques. Capitan Trueno, El Coyote, El Jabato, Inspertor Dan, et bien d'autres, vivent leurs aventures en compagnie de jolies filles dont les vêtements et la façon de se tenir restent irrépro­ chables. Au cours des années cinquante, nombre de dessinateurs espagnols immigrent vers l'étranger. France, Angleterre, Alle-

Francisco Solano Lopez :un dessin précis, des filles impudiques et belles.

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José Ortiz : Hombre, un univers inquiétant pas vraiment sympathique pour une belle créature de papier.

magne, mais aussi Etats-Unis, accueillent et font travailler ces artistes talentueux. Cer­ tains comme MARCULETTA, JORDOM Qorge DOMENECH) BERNET, ORTIZ, LARAZ, LAFFOND, travaillent pour la presse magazine où ils ani­ ment de bien jolies filles. Il faut pourtant attendre la fin des années soixante pour découvrir véritablement cette école espagnole. L'éditeur américain James Warren leur ouvre très largement les pages de ses journaux dont

les histoires sont traduites dans le monde entier. Les lec­ teurs se familiarisent avec le style de José ORTIZ, Josep BEA, Esteban MAROTO, Fernando FERNANDEZ, José GONZALEZ (dessinateur de la belle Vampirella), Isidro MONES, AURALEON, Léopold SANCHEZ, Ramon TORRENTS, Joaquim BLASQUEZ, et bien d'autres. A la même époque, en Espagne, parait l'hebdoma­ daire Trinca où apparaissent des dessinateurs qui osent offrir de belles filles à leurs

Edmondo Marculetta : un auteur espagnol adepte du bondage.

Horacio Altuna : un graphisme très soigné, un érotisme au service de l'histoire.

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jeunes lecteurs : Victor de la FUENTE avec Haxtur, BROCAL-REMOHI, Juan ARRANZ, José BIELSA, etc. D'autres revues s'adressant aux lecteurs adultes permettent aux Espagnols de se faire connaître dans leur pays natal. Totem, 1984, Comics

Monica et Beatriz : deux jeunes dessinatrices espagnoles qui n'ont pas froid aux yeux.

Kristo : la basilique des perversions. Du hard espagnol.

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Fonteriz : X Women : des super-héros pas comme les autres.

International, Cimoc, Metropol, ouvrent leurs pages à José ORTIZ, Jordi BERNET, Fernando FERNANDEZ, Carlos JIMENEZ, Alfonso FONT, Josep BEA, bientôt rejoints par une nouvelle génération totalement libéré du franquisme : Daniel TORRES, Miguel PRADO, Ruben PELLEREJO, Pascual FERRY, Fernando Rubio. Ainsi, José ORTIZ, dessinateur à la 136

carrière longue et riche, qui s'impose avec des séries comme Ozono, Burton et Cyb et surtout Hombre dans les pages de la revue Cimoc. Jordi BERNET, après une longue

quantes, à l'instar des autres créations de ce dessinateur talentueux : Kraken, Carnage, Light and Bold. Aujourd'hui, la BD espagnole classique n'a plus d'état

Monica et Beatriz : les petites vicieuses au mieux de leur forme.

carrière en France et en Alle­ magne (Dan Lacombe, Sarvane), crée Torpédo 36 avec le scénariste Sanchez ABULI. Cette BD qui a pour cadre l'Amérique des années trente est truffée de filles cra-

d'âme et peut se vanter d’être au moins aussi libérée que la nôtre. En ce qui concerne la BD pour adultes, celle où les couples se livrent à des jeux que la morale réprouve, elle met plus de temps à trouver

sa place. Pendant de longues années, seules quelques revues humoristiques ou de médiocre qualité, utilisent ce créneau. Le dessinateur Edmundo MARCULETA après avoir longtemps tra­ vaillé en France édite à Madrid le magazine Euro Stantons consacré au grand maître du "bondage" améri­ cain et à sa propre produc­ tion. Hard et sadomaso, ce journal est le premier à aller aussi loin. Un petit format, une présentation artisanale et une diffusion confidentielle limitent l'évolution de ce magazine. Les choses devien­ nent plus sérieuses avec l'évo­ 138

lution du mensuel El Vibora, créé en 1979 par José Mara Berenguer. A ses débuts, ce journal des éditions La Capula se consacre à la drogue, à la jeunesse marginale et aux tabous comme l'homosexua­ lité. Des dessinateurs totale­ ment nouveaux apparais­ sent ; leurs graphismes proches de Y Underground américain, déroutent les lec­ teurs traditionnels, mais un public jeune apprend à aimer El Vibora qui devient en quelques années le plus gros tirage de la presse espagnole. Auprès des grands modèles que sont CRUMB et SHELTON, apparaissent

NAZARIO, BOADA, ONLIYU, PONS, Jaime MARTIN, Marti RIERA, GALLARDO, MEDIAVILLA, GALIANO, SEGUI, etc. Au fils des années, la revue évo­ lue; peu à peu, le sexe prend

le pas sur la drogue et les révoltes. De nouveaux auteurs comme le duo MONICA et BEATRIZ avec leurs Petites vicieuses campent, d’un trait original, des séquences très chaudes. Ces

Ferocius : Sabano paro racordar ; un Chilien qui promet.

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jeunes créateurs qui ne connaissent pas les inhibi­ tions de leurs aînés, écrivent et dessinent l'amour avec beaucoup de liberté et d'im­ pudeur. Cette nouvelle voie est un succès qui conduit l'éditeur à créer une collection d'albums érotiques (Colección 140

X) dont une grande partie des titres vient de France, puis en 1992, Kiss Comix, un nouveau magazine tout entier consacré au BD érotiques. Matériel étranger et séries inédites composent le sommaire de ce mensuel à la présentation luxueuse. Au rayon des créa-

magazine erótico mensual Los sueños de una esposa

Insatisfecha: "EL DIARIO

DE MELANIE" por Helga y Barroso

Nueva sección de curiosidades:

"LA TRASTIENDA" por Jose M’Ponce

CIEN BELLEZAS PARA UN EFIMERO ORGASMO por Magnos

"DEMASIADO LLENO DE ESPUMA..." por Peter

"BIRDLAND" por Reto

PIN-UPS

"¡QUÉ NO

El lápiz mágico

de Max LAS ÚNICAS

SUPER-HEROÍNAS

TE ENTERAS, iíor

porToballna

"GIRL*por Kevin

CLASIFICADAS X

J.Talkx

XWOMEN por Fonteriz

"CÁRCEL

DE MUJERES" por Erich

V. Gotha

Kriss Comix : une du grand mensuel érotique espagnol.

tions, d'excellents dessina­ teurs apparaissent au fil des numéros : KRISTO avec la Basilique des perversions, FON­ TERIZ avec X Women, J.M. PONCE, PAYA, BELORE et

son impudique Lolita, le Chi­ lien FEROCIUS et son éton­ nant Sabanas para recordar. Notons que FEROCIUS collabore égale­ ment à Bédé Adult avec les

aventures de Viviana. Encore un auteur de talent à décou­ vrir sans retard. De leur côté, MONICA et BEATRIZ récidi­ vent dans les pages d'El Vibora avec un récit encore plus hard : Viciousland, à paraître en France aux édi­ tions Glénat. Chaude, très chaude, cette nouvelle bande dessinée espagnole n'a pas

teraient qu'on leur consacre un livre tant ils sont nom­ breux et constituent un véri­ table phénomène de société au Japon. Sadomasos, pornos, violents, ou même fleur bleu, le manga est un produit popu­ laire. A la différence de nos BD, il ne montre ni la pilosité, ni les sexes des personnages. Ces ouvrages sont peu tra-

Circulez... il n’y a rien à voir... La censure du sexe nipon.

fini de nous étonner ! Avant de clore cet ouvrage, il est bon de dire un mot sur les Mangas, ces BD japonaises qui se vendent à des cen­ taines de milliers d'exem­ plaires. A eux seuls, ils méri-

duits en France. Notons pour­ tant la publication d'un men­ suel fort justement appelé Manga, offrant quelques belles pages de cette produc­ tion qui compte plusieurs dizaines de titres par mois. Le

dessin à la fois simple et soi­ gné ne néglige aucun détail à condition de respecter les règles. Nous sommes assez loin de nos séries euro­ péennes et on peu se deman­ der si le lecteur français est prêt à "entrer" dans ces œuvres au ton et au style si particulier. Restons toujours loin de nos frontières avec l'Amérique du Sud, également riche en des­ sinateur. Si nous ne connais­ sons que peu de chose de la production locale, nous ne sommes pas insensibles à quelques dessinateurs sud-américains travaillant pour l'Europe. Le plus éton­ nant demeure FEROCIUS, créateur de Viviana pour Bédé Adult, mais aussi d'wne Collégienne Délurée ou

encore de Tenny Dogson dans Kiss Comix. D'autres noms nous sont également familiers : Samuel GRUNDIG (Viol d'un couple), KUSSOMOTO (les 11001 verges, la Marque du maître), Tadeus LISTZ, Mozart COUTO, ZEFF1RO, Maxime CARVAJAL. Tous campent des filles plantureuses, n'hésitant pas à nous montrer leurs charmes les plus intimes.

Aux quatre coins du globe la bande dessinée érotique gagne du terrain, de quoi réjouir les amateurs du genre. Il leur reste à souhaiter que cette libération des mœurs ne se heurtera pas à de nou­ veaux censeurs aux longs ciseaux trop bien affûtés.

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« TE SOUVIENS-TU DE LA PREMIÈRE FOIS? » Bizutage sexuel imposé par une bande de lou­ bards ou cérémonie anale pour entrer dans la secte d’un grand gourou... Il n’y a pas que des initiations solennelles. Il y a aussi des « premières fois » plus intimes : par exemple, lorsque ta meilleure amie t’a vicieusement « préparée » pour ta première sodomie, ou lorsque tu t’es exhibée sur la scène d'un peep-show pour le plaisir d’hommes invisi­ bles! Et Michelle, une lectrice, nous raconte en détails comment elle est entrée dans un club « d’objets de plaisir ». LAURE L’ENTREMETTEUSE

IMPRIMÉ EN FRANCE PAR BRODARD ET TAUPIN Usine de La Flèche (Sarthe), le 3-09-1993. 3021B-5 - Dépôt édit. 6603 - 09/1993. ISBN : 2 - 86564 - 680 - 7

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