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French Pages 606 Year 2022
Remerciements À Rose, Héloïse, Iris et Raphaël Directrice des éditions : Claire de Gramont Directeur éditorial : Thierry Kremer Éditeur : Mahfoud Daoua Édition et coordination des illustrations : Alain Bouteveille Conception de la maquette : Image In Air Conception de la couverture : Catherine Lattuca Réalisation de la couverture : STDI (Tania Foucher) Mise en pages : STDI Fabrication : Christine Verger © Groupe Moniteur (Éditions du Moniteur), Antony, 2022 ISSN : 2267-0149 ISBN papier : 978-2-281-13538-1 ISBN numérique : 978-2-281-13539-8
Introduction La quatrième édition de cet ouvrage est justifiée par la publication, en 2021, d’une nouvelle version des CCAG qui marque une rupture notable avec la version de 2009. Rupture par le simple fait que les évolutions très nombreuses du droit de la commande publique ont été prises en compte, qu’elles résultent de la réforme de la règlementation entre 2015 et 2019 ou de l’évolution de la jurisprudence. Rupture il y a aussi, et surtout, par une volonté manifeste de faire en sorte que ces clauses générales soient mieux acceptées par les opérateurs économiques en équilibrant davantage la relation contractuelle, notamment en améliorant les échanges entre les parties en cours d’exécution. Rupture il y a, enfin, par le contexte dans lequel ces nouveaux contrats types sont intervenus, c’est-à-dire à la suite d’une crise sanitaire sans précédent, aux conséquences multiples et inédites dans la gestion des marchés publics. Au travers de ces nouveaux CCAG, le droit de l’exécution des marchés publics propose donc des ajustements et des solutions pour répondre aux enjeux de cette nouvelle décennie. Ils s’inscrivent résolument dans le processus de modernisation des contrats publics qui se dessine depuis plusieurs années et dont le Code de la commande publique peut apparaître comme le point de départ. Mais sur le plan de la modernisation, l’ouvrage doit sans cesse être remis sur le métier pour faire vivre les marchés publics dans un environnement technique et financier toujours plus contraint, permettre aux acheteurs publics de poursuivre leur professionnalisation et donner aux opérateurs économiques une véritable place de partenaire dans la relation contractuelle. Le caractère stratégique de l’achat public mérite de poursuivre les efforts dans ces différentes directions(1). Dans l’attente de nouvelles évolutions, gageons que cette quatrième édition apporte un soutien pratique aux acteurs de la commande publique. Fabien Serr Benjamin Martinez
(1) P. Terneyre et T. Laloum, « Droit des contrats administratifs : renversons quelques tables pour la reprise économique ! », Contrats et marchés publics n° 7, juillet 2021.
Chapitre 1 Suivre le contrat pour réussir son exécution Une fois la procédure de passation achevée, le marché public est signé par l’acheteur puis notifié à l’opérateur économique sélectionné qui devient alors le titulaire. À ce stade, l’offre économiquement la plus avantageuse est réputée avoir été retenue, car tous les moyens fournis par le droit des marchés publics ont été mis en œuvre pour conclure le meilleur contrat et réaliser un achat performant. Pour autant, l’acte d’achat n’est pas terminé, loin s’en faut. Il ne le sera, en réalité, qu’au terme de l’exécution qui, pour être réussie, nécessite de bien connaître et de bien suivre les termes du contrat.
1.1Assurer l’efficacité de l’achat en veillant à la qualité de l’exécution du marché Le meilleur des contrats sur le papier peut se révéler être un enfer administratif et financier si les cocontractants ne l’exécutent pas avec diligence. Les économies réalisées lors de sa passation peuvent rapidement disparaître et laissées place à des surcoûts générés par des difficultés d’exécution. C’est l’exemple de cet acheteur dont la décision de résiliation aux torts du titulaire, pourtant justifiée sur le fond, a été privée d’effet par le juge en raison de l’incompétence de la personne signataire. Il a donc supporté un coût supplémentaire de plus de 3 millions d’euros dans le cadre de la construction d’un collège(2). Mais l’enjeu est également important pour le titulaire du marché. S’il contrôle mal certaines étapes de l’exécution, comme celles qui conduisent à l’établissement du décompte général et définitif, il peut se retrouver dans l’impossibilité de faire respecter ses droits et notamment celui d’obtenir le paiement des travaux supplémentaires qui résultent des retards du maître de l’ouvrage(3).
Chacune des parties a donc un intérêt à honorer les termes du marché et à veiller à ce que son cocontractant fasse de même. Ce n’est que lorsque son exécution sera terminée que la performance réelle de l’achat pourra être évaluée.
1.2Connaître et respecter les stipulations de son marché Un marché est un contrat formé de stipulations qui définissent les droits et les obligations respectifs des parties signataires. Il est donc la loi des parties. Ce principe juridique signifie que les rapports entre les cocontractants sont exclusivement régis par les règles auxquelles ils ont librement consenties. Chaque étape de la vie d’un marché comprend des obligations, des délais à tenir, des décisions ou des observations à notifier, en bref des formalités à mettre en œuvre. Il est donc important de connaître son contenu, afin de ne pas commettre de faute qui pourrait avoir des conséquences juridiques et financières néfastes. Or, trop souvent, une fois conclu, le contrat est laissé dans un tiroir duquel il ne sort que rarement ou alors de manière tardive lorsque des problèmes d’exécution sont déjà apparus. En effet, la tentation est forte pour les parties de l’oublier et de s’en écarter, en s’en remettant aux bonnes relations construites au quotidien sur un chantier ou lors d’une prestation de service. Il est parfois plus facile ou plus rapide d’éviter le formalisme prévu dans le contrat. Mais si bâtir un rapport de confiance au cours de l’exécution du contrat est une bonne chose, voire une des conditions pour atteindre les objectifs fixés, l’importance des enjeux doit faire prendre conscience aux acheteurs, comme aux titulaires de marchés, que le contrat est la seule garantie juridique permettant de préserver leurs intérêts respectifs. Aussi, le premier réflexe pour toutes les personnes responsables de l’exécution d’un marché est de se référer, à tout moment, aux clauses qui le
composent. Pour cela, il faut l’éprouver, c’est-à-dire le lire et le comprendre. Il est utile, à ce titre, de former à ces problématiques le personnel chargé de la phase d’exécution. Cet effort sera, sur le plan économique, un véritable investissement puisqu’il permettra d’éviter les pertes de temps et d’argent qui pourraient survenir (fig. 1.1 et 1.2).
Fig. 1.1. Efficience de l’achat en application des clauses contractuelles
Fig. 1.2. Efficience de l’achat avec défaut d’application des clauses contractuelles (2) CE 15 novembre 2012, Société Travaux Guil-Durance, req. n° 349840. (3) CE 1er août 2012, Société Barbot, req. n° 352525.
Chapitre 2
Régime particulier des marchés publics
Les marchés publics contribuent au fonctionnement du service public. Pour cette raison, ils sont soumis à un régime juridique spécifique marqué par un déséquilibre contractuel fort en faveur de l’acheteur.
2.1
Contrats relevant du droit public
Les marchés publics sont le plus souvent des contrats administratifs. C’est ce qu’il ressort de l’article L. 6 du Code de la commande publique (CCP) qui dispose : « S’ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du présent code sont des contrats administratifs, sous réserve de ceux mentionnés au livre V de la deuxième partie et au livre II de la troisième partie. Les contrats mentionnés dans ces livres, conclus par des
personnes morales de droit public, peuvent être des contrats administratifs en raison de leur objet ou de leurs clauses ». Les personnes morales de droit public qui concluent des marchés publics sont : l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs, mais aussi, par exemple, les groupements d’intérêt public, les établissements publics hospitaliers, les universités, les chambres de commerce et d’industrie, les associations syndicales de propriétaires, les grands ports maritimes, les autorités administratives indépendantes… Il s’agit d’une catégorie d’acheteurs très vaste. Les marchés publics conclus aujourd’hui en France, dans leur grande majorité, le sont par des personnes morales de droit public, c’est-à-dire des acheteurs publics, et sont donc des contrats administratifs soumis aux règles générales du droit public. Le présent ouvrage concerne précisément cette catégorie de marchés. Important Les marchés publics peuvent aussi être des contrats de droit privé Les acheteurs sont divisés en deux catégories, à savoir les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices. Les articles L. 1211-1 et L. 1212-1 du Code de la commande publique définissent ces catégories et l’on peut s’apercevoir à leur lecture que les pouvoirs adjudicateurs peuvent aussi être des personnes privées. Il peut s’agir par exemple d’associations créées par des personnes publiques pour satisfaire des besoins d’intérêt général, ou de sociétés publiques locales, créées par des collectivités territoriales pour l’exercice en commun de différentes activités. En application de l’article L. 6 précité, les marchés publics conclus par ces personnes privées sont donc des contrats de droit privé, soumis aux règles du droit privé, notamment du droit civil et du droit commercial, et relevant de la compétence du juge judiciaire. Malgré leur dénomination de « publics », ils sont bien des marchés de nature privée, sauf comme l’indique l’article L. 6 du Code de la commande publique, à ce qu’ils répondent aux critères traditionnels du contrat administratif, c’est-à-dire qu’ils comportent une clause exorbitante du droit commun ou que leur objet présente un lien suffisant avec l’exécution du service public(4).
Fig. 2.1. Les deux qualifications possibles pour un marché public
La qualification de contrats administratifs entraîne pour les marchés publics plusieurs conséquences qu’il faut bien identifier : - leur exécution est régie par le droit administratif en général et par le Code de la commande publique en particulier ; - le contentieux relatif à leur exécution ou leur interprétation relève des tribunaux administratifs et non pas des tribunaux judiciaires ; - les règles régissant les contrats d’affaires ou d’entreprise entre sociétés et personnes privées ne leur sont pas applicables. Ainsi, les marchés publics se distinguent par un régime juridique qui leur est propre et dont le trait le plus saillant est de donner à l’acheteur une position plus favorable que celle de son cocontractant. On parle d’un véritable déséquilibre contractuel dont les pouvoirs exorbitants du droit commun, au bénéfice du seul acheteur public, sont l’expression la plus topique.
2.2 Pouvoirs exorbitants de l’acheteur public Le juge administratif a construit au bénéfice de l’acheteur public un régime d’exécution du contrat administratif que l’on qualifie d’exorbitant du droit
commun dans la mesure où il se distingue fortement des règles habituelles applicables aux contrats privés. L’idée qui sous-tend ce régime particulier est que l’action publique nécessite, pour satisfaire l’intérêt général, des marges d’action et de réaction extraordinaires que l’on ne trouve pas dans les relations contractuelles de droit commun. Très longtemps d’essence jurisprudentielle, ces pouvoirs d’actions ont reçu avec le Code de la commande publique une consécration textuelle puisqu’ils sont désormais codifiés à l’article L. 6. Ces pouvoirs sont les suivants : pouvoir de contrôle, pouvoir de modification unilatérale du contrat, pouvoir de résiliation et de sanction. Doit être ajouté à cette liste le pouvoir de faire exécuter le marché aux frais et risques du titulaire, pouvoir non codifié à ce jour. Les pouvoirs en question, s’ils permettent à l’acheteur public d’imposer sa volonté, n’en sont pas moins encadrés et les intérêts du titulaire du marché sont nécessairement sauvegardés sous la forme, le plus souvent, d’une indemnisation. En principe, ces pouvoirs existent même en l’absence de clause spécifique dans le marché et il est impossible d’envisager que l’acheteur public décide d’y renoncer de manière contractuelle.
2.2.1 Pouvoir de contrôle sur l’exécution du marché La doctrine ne s’est jamais montrée unanime quant à l’existence d’un pouvoir général de contrôle sur l’exécution du marché(5). Il est vrai qu’il n’a été consacré comme tel par aucune décision explicite et que les exemples d’application de ce pouvoir sont rares(6). Toutefois, compte tenu du rôle des contrats administratifs dans le fonctionnement du service public, on concevrait difficilement que l’acheteur ne dispose pas d’un certain pouvoir de contrôle de la bonne réalisation du contrat malgré l’absence de clause en ce sens. En réalité, ce pouvoir se confond souvent avec celui de modification/direction.
Exemple Le pouvoir de contrôle motivé par des nécessités d’intérêt général : CAA Paris, 9 juillet 1991, Société Kleber, req. n° 89PA00700 Il a été reconnu pour un acheteur la possibilité d’imposer, selon les circonstances et les considérations liées à l’intérêt général, des essais sur la qualité des fournitures livrées, notamment lorsque de premières livraisons ont montré des problèmes graves de conception.
Pour les marchés publics de travaux, ce pouvoir est attaché au statut juridique spécifique de maître d’ouvrage prévu par la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée et aujourd’hui codifiée dans le Code de la commande publique(7). Le maître d’ouvrage est en effet le responsable principal de l’ouvrage(8) et le Conseil d’État considère qu’il est fautif s’il est défaillant dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché(9). Le pouvoir de contrôle portant sur l’exécution du contrat se trouve désormais à l’article L. 6 du Code de la commande publique. Cette disposition précise cependant qu’il s’exerce selon les modalités prévues par un texte ou par le contrat. En d’autres termes, ce pouvoir ne semble pas inhérent au contrat administratif, ce qui le différencie notablement des autres pouvoirs de l’acheteur. Tous les CCAG prévoient des stipulations générales relatives au contrôle de l’exécution des prestations. Le plus souvent, elles sont précisées et étendues dans les documents particuliers des marchés rédigés par les acheteurs. Il peut s’agir d’un contrôle en cours d’exécution, en usine ou en atelier, ou d’un contrôle avant la réception ou l’admission des prestations.
2.2.2 Pouvoir de modification unilatérale du contrat Ce pouvoir est désormais codifié au 4° de l’article L. 6 du Code de la commande publique : « L’autorité contractante peut modifier unilatéralement le contrat dans les conditions prévues par le présent code, sans en bouleverser l’équilibre. Le
cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat ». En pratique, il est aussi qualifié de pouvoir de direction, car il exprime l’idée que l’acheteur public peut, à tout moment, ordonner au titulaire du marché de faire ou de ne pas faire et même de faire différemment de ce qui était prévu initialement au contrat. Les ordres de service, auxquels le titulaire doit toujours se conformer, en sont l’expression la plus significative(10). Autrement dit, l’acheteur peut s’écarter de la lettre du contrat et le titulaire doit toujours obtempérer. S’il semble impossible d’exclure contractuellement l’exercice de ce pouvoir, puisqu’il appartient aux règles générales applicables aux contrats administratifs(11), il apparaît tout de même envisageable d’en aménager les conditions de mise en œuvre. Par exemple, en matière de travaux, le CCAG envisage différentes hypothèses de modifications du marché à l’initiative de l’acheteur(12) avec, dans certaines conditions, la possibilité pour le titulaire de refuser les modifications(13). Par ailleurs, ce pouvoir connaît quelques limites(14). Il ne saurait modifier l’objet du contrat ni en bouleverser l’économie(15) et son utilisation doit s’inscrire dans le régime des modifications contractuelles prévu par le Code de la commande publique (voir chapitre 10). En application de ces dispositions, il trouvera donc une limite dans l’interdiction d’apporter au marché des modifications substantielles. Un doute subsiste sur la question de savoir si le pouvoir de modification peut porter sur les conditions financières du contrat. Cela ne semble pas totalement exclu dans la mesure où une modification unilatérale des conditions d’exécution a le plus souvent un impact sur les clauses financières(16). Il reste que le caractère définitif du prix fait obstacle à ce qu’il puisse être modifié unilatéralement par l’acheteur. Les dispositions du Code de la commande publique relatives aux modifications substantielles du marché limitent, de fait, toute intervention unilatérale sur les conditions financières. Un arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux admet toutefois que la modification unilatérale des conditions financières est envisageable, notamment des conditions de variation des prix, dans la mesure où elles sont
affectées d’une erreur matérielle dont il est impossible de se prévaloir de bonne foi(17). En revanche, n’est pas admise la modification unilatérale du régime contractuel des pénalités de retard. Eu égard à ses conséquences financières graves et inéluctables, une telle modification touche aux éléments substantiels de l’offre du titulaire et affecte son consentement au marché(18). Exemple La modification des clauses financières en cas d’erreur matérielle : CAA Bordeaux, 12 décembre 2006, req. n° 03BX01349 « Considérant toutefois que si le caractère définitif des prix stipulés aux marchés s’oppose en principe à toute modification unilatérale ultérieure, ce principe ne saurait recevoir application dans le cas exceptionnel où, comme en l’espèce, il s’agit d’une erreur purement matérielle et d’une nature telle qu’il est impossible à la partie de s’en prévaloir de bonne foi ».
Il ne faut pas croire que l’acheteur bénéficie, avec ce pouvoir de modification, d’un blanc-seing pour satisfaire son seul intérêt au détriment de celui du titulaire. Mettre en œuvre ce pouvoir implique de justifier une situation contractuelle délicate pour la bonne exécution du marché. En matière de concession de service public, le juge considère que le pouvoir général de modification des contrats administratifs trouve son origine dans la nécessaire adaptation des conditions d’exécution ou d’exploitation du service public, notamment la continuité du service public et l’égalité des usagers(19). Ce n’est donc que sur un fondement lié à l’intérêt général que le contrat pourra être modifié unilatéralement. Exemple Le pouvoir de modification unilatérale limité aux nécessités de l’intérêt général : CE 27 octobre 2010, Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes, Le Cannet, Mandelieu-La-Napoule, req. n° 318617 « Considérant d’autre part et toutefois, qu’en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique peut apporter unilatéralement dans l’intérêt général des modifications à ses contrats ; que l’autorité organisatrice des transports peut ainsi, en cours de contrat, apporter unilatéralement des modifications à la consistance des services et à leurs modalités d’exploitation, le cocontractant, tenu de respecter ses obligations contractuelles ainsi modifiées, ayant droit au maintien de l’équilibre financier de son contrat ».
Le titulaire du contrat doit toujours obtempérer à la demande de modification, au risque sinon de commettre une faute contractuelle pouvant conduire à la résiliation du contrat à ses torts exclusifs. L’acheteur peut, en outre, obtenir du juge du contrat ou du juge des référés une injonction à l’encontre du titulaire, le cas échéant sous astreinte, pour l’obliger à respecter les modifications décidées unilatéralement(20). En contrepartie de ce pouvoir, l’acheteur doit s’assurer que l’équilibre financier du contrat est maintenu, le titulaire ayant un droit à son maintien(21). L’article L. 2194-2 du Code de la commande publique le rappelle expressément(22). L’indemnisation qui peut en résulter doit couvrir l’intégralité du préjudice causé, c’est-à-dire les pertes subies et le manque à gagner(23). Comme le précise le 4° de l’article L. 6 du Code de la commande publique, il n’est pas interdit de prévoir dans le marché un encadrement du droit à indemnisation(24). En revanche, il semble impossible d’envisager sa suppression pure et simple. L’article L. 2194-3 du Code de la commande publique, créé par la loi sur le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, dite « loi Pacte »(25), impose pour les modifications décidées par l’acheteur « une contrepartie permettant une juste rémunération du titulaire du contrat ».
2.2.3 Pouvoir de résiliation L’acheteur peut toujours décider de mettre un terme au marché, que cela soit prévu ou non par le contrat. Deux types de résiliations sont envisageables. 2.2.3.1 Résiliation pour un motif d’intérêt général Le contrat administratif est un moyen de faire fonctionner le service public. Il est donc normal que les évolutions de l’intérêt général puissent entraîner sa fin prématurée. Depuis longtemps reconnu(26), ce pouvoir de résiliation trouve toujours des applications de nos jours, qu’il soit ou non prévu dans le contrat(27).
Il est codifié au 5° de l’article L. 6 du Code de la commande publique : « L’autorité contractante peut résilier unilatéralement le contrat dans les conditions prévues par le présent code. Lorsque la résiliation intervient pour un motif d’intérêt général, le cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat ». L’article L. 2195-3 du Code de la commande publique dispose, quant à lui, que lorsque le marché est un contrat administratif l’acheteur peut le résilier pour un motif d’intérêt général conformément aux dispositions du 5° de l’article L. 6 précité. La résiliation n’est pas dans ce cas prononcée aux torts du titulaire. Il est en effet étranger aux circonstances qui conduisent l’acheteur à décider de mettre un terme au contrat en vigueur. C’est pourquoi le titulaire a droit, en principe, à l’indemnisation complète de son préjudice, car il serait injuste qu’il supporte, seul, les aléas de l’intérêt général. Aucune clause ne peut conduire l’acheteur public à renoncer à ce pouvoir, sous peine d’être déclarée nulle et d’entraîner, selon les cas, la nullité de l’ensemble du contrat(28). De même, une clause qui aménage les conditions d’indemnisation pour une résiliation pour motif d’intérêt général ne doit pas conduire à dissuader l’acheteur d’user de son pouvoir en raison du montant excessif de l’indemnité à verser(29). Les conditions de mise en œuvre de la résiliation pour motif d’intérêt général sont détaillées au chapitre 24. 2.2.3.2 Résiliation, sanction pour faute d’une gravité suffisante Le 1° de l’article L. 2195-3 du Code de la commande publique prévoit ce pouvoir de résiliation pour les marchés qui sont des contrats administratifs. L’acheteur dispose toujours du pouvoir de sanctionner le titulaire du marché qui ne remplit pas ses obligations, que cela soit prévu au marché ou non(30). En cas de faute d’une gravité suffisante, cette sanction prend la forme d’une résiliation aux torts exclusifs du titulaire(31). Le chapitre 24 détaille les conditions de mise en œuvre de la résiliation pour faute.
2.2.4 Pouvoir d’exécution aux frais et risques du titulaire Ce pouvoir a fait l’objet d’une consécration toute récente par une décision d’assemblée du Conseil d’État en date du 9 novembre 2016(32). Parmi les pouvoirs exorbitants à la disposition de l’acheteur, celui-ci est le plus coercitif, car il fait peser sur le titulaire défaillant l’obligation de supporter les conséquences, essentiellement financières, de sa défaillance partielle ou totale. Le risque pour le titulaire va ainsi au-delà de la rupture du contrat sans indemnité. L’acheteur peut soit décider la résiliation du contrat pour faute avec une exécution aux frais et risques, soit décider, sans rupture du lien contractuel, d’en poursuivre l’exécution en confiant tout ou partie des obligations restantes à un autre opérateur. L’alternative est ainsi très intéressante pour lui. Ce pouvoir peut donc se mettre en œuvre sans conduire à la rupture du contrat. Il s’agit dans ce cas d’une mise en régie qui peut être totale ou partielle. Le pouvoir d’exécution aux frais et risques se distingue donc de la résiliation aux frais et risques prévue dans les différents CCAG de marchés publics et bien connue des acheteurs (chapitre 24). Exemple Le pouvoir d’exécution aux frais et risques du titulaire : CE 9 novembre 2016, Société Fosmax LNG, req. n° 388806 « 12. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte des règles générales applicables aux contrats administratifs que le maître d’ouvrage de travaux publics qui a vainement mis en demeure son cocontractant d’exécuter les prestations qu’il s’est engagé à réaliser conformément aux stipulations du contrat, dispose de la faculté de faire exécuter celles-ci, aux frais et risques de son cocontractant, par une entreprise tierce ou par lui-même ; que la mise en régie, destinée à surmonter l’inertie, les manquements ou la mauvaise foi du cocontractant lorsqu’ils entravent l’exécution d’un marché de travaux publics, peut être prononcée même en l’absence de toute stipulation du contrat le prévoyant expressément, en raison de l’intérêt général qui s’attache à l’achèvement d’un ouvrage public […] ; que la règle selon laquelle, même dans le silence du contrat, le maître d’ouvrage peut toujours faire procéder aux travaux publics objet du contrat aux frais et risques de son cocontractant revêt le caractère d’une règle d’ordre public ; que, par suite, les personnes publiques ne peuvent légalement y renoncer ».
L’exécution aux frais et risques peut ainsi ne concerner qu’une partie des prestations restant à réaliser ou leur totalité selon la situation. La jurisprudence impose par ailleurs d’avoir au préalable mis en demeure le titulaire défaillant de respecter ses obligations. Ce pouvoir a d’abord été consacré par le juge à l’égard de l’acheteur maître d’ouvrage d’un marché public de travaux. Le Conseil d’État a par la suite confirmé dans une décision portant sur l’exécution d’une concession de service qu’il s’agit d’un pouvoir applicable à l’ensemble des contrats administratifs(33). Il existe donc dans tous les types de marchés publics. Ce pouvoir n’a pas été codifié en 2019 dans le Code de la commande publique, mais il est prévu dans tous les CCAG, dans leur version 2021(34). Cependant, cette absence de codification à l’article L. 6 du code ne le prive pas d’une valeur juridique importante. Au contraire, le Conseil d’État considère la possibilité de mettre en régie aux frais et risques du titulaire défaillant comme une règle d’ordre public, c’est-à-dire qu’elle s’applique même dans le silence du contrat et qu’aucune clause ne peut en interdire l’application. Important Le pouvoir de sanction de l’acheteur est limité à la résiliation pour faute et à l’exécution aux frais et risques La possibilité de sanctionner le titulaire dont l’acheteur dispose toujours au travers des pouvoirs de résiliation pour faute et de mise en régie aux frais et risques ne semble pas pouvoir se décliner sous une autre forme, comme par exemple l’application d’une pénalité financière non prévue au contrat. Ce cas de figure n’est illustré à ce jour par aucune jurisprudence.
2.3 Déséquilibre contractuel au détriment du titulaire du marché Le déséquilibre contractuel qui caractérise le contrat administratif réside dans le fait que le titulaire ne dispose d’aucun pouvoir équivalent à ceux de l’acheteur dans l’exécution du contrat, tout du moins aucun qu’il puisse mettre en œuvre de manière autonome. Il est contraint, en toutes
circonstances, d’obéir et d’exécuter ses obligations(35). Pour agir contre l’acheteur public, le titulaire n’a d’autre choix que de recourir au juge dont la jurisprudence de ses dix dernières années montre, nettement, une tendance au rééquilibrage de la relation contractuelle.
2.3.1 Exception d’inexécution n’existe pas dans les contrats administratifs Le titulaire a le devoir impérieux de s’acquitter de ses obligations, même si l’acheteur n’a pas respecté les siennes et a commis des fautes contractuelles(36). À la différence de ce qui existe dans les contrats privés(37), l’exception d’inexécution à l’encontre de l’acheteur ne trouve pas à s’appliquer dans les contrats administratifs. Le titulaire ne peut, par exemple, décider de suspendre l’exécution des travaux en raison des retards de paiement des acomptes de la part du maître d’ouvrage public(38). Si c’était le cas, la continuité du service public se trouverait gravement compromise. Ce principe connaît cependant quelques limites. Ainsi, l’inexécution ne sera pas reprochée au titulaire lorsque les fautes de l’acheteur le placent dans l’impossibilité de poursuivre l’exécution des prestations(39). De même, les excès de l’acheteur dans la modification des travaux objet du contrat peuvent permettre au titulaire de suspendre, de son propre chef, l’exécution des prestations. Le Conseil d’État l’a admis dans une décision du 29 septembre 2000(40). En l’espèce, il s’agissait de modifications décidées par l’acheteur entraînant une augmentation de plus de 100 % de certains postes de travaux, qu’il demandait au titulaire de prendre à sa charge. Il ne pouvait dès lors être reproché à ce dernier de n’avoir pas exécuté ces travaux modificatifs. Naturellement, dans l’hypothèse d’un cas de force majeure, il ne sera pas non plus reproché au titulaire de n’avoir pas réussi à exécuter ses obligations contractuelles. Les cas de force majeure sont appréciés strictement par le juge. À titre d’exemple, la défection d’un sous-traitant n’en est pas un(41). En outre, la position du juge administratif a évolué sur les aménagements contractuels de l’exception d’inexécution. Il admet, en effet, dans un cadre
très restreint, que le contrat puisse permettre au titulaire de résilier le contrat au motif que la personne publique ne respecte pas ses obligations(42). Il faut, pour qu’une telle clause soit valide, que le contrat ne concerne pas l’exécution même du service public et que la personne publique visée par la mesure de résiliation ne s’y oppose pas pour un motif d’intérêt général. Autant dire qu’une telle clause a peu de chance en pratique de pouvoir s’appliquer. Exemple L’exception d’inexécution admise par le juge, sous conditions, pour des mesures de résiliation : CE 8 octobre 2014, Société Grenke Location, req. n° 370644 « Considérant que le cocontractant lié à une personne publique par un contrat administratif est tenu d’en assurer l’exécution, sauf en cas de force majeure, et ne peut notamment pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l’administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat ; qu’il est toutefois loisible aux parties de prévoir dans un contrat qui n’a pas pour objet l’exécution même du service public les conditions auxquelles le cocontractant de la personne publique peut résilier le contrat en cas de méconnaissance par cette dernière de ses obligations contractuelles ; que, cependant, le cocontractant ne peut procéder à la résiliation sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s’opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d’intérêt général, tiré notamment des exigences du service public ; que lorsqu’un motif d’intérêt général lui est opposé, le cocontractant doit poursuivre l’exécution du contrat ; qu’un manquement de sa part à cette obligation est de nature à entraîner la résiliation du contrat à ses torts exclusifs ; qu’il est toutefois loisible au cocontractant de contester devant le juge le motif d’intérêt général qui lui est opposé afin d’obtenir la résiliation du contrat ; ».
En dehors du cas extrême de la résiliation, il n’est pas interdit de prévoir des aménagements contractuels permettant au titulaire de suspendre l’exécution, le temps que l’acheteur respecte ses obligations(43). Les CCAG dans leur version 2021 prévoient différents aménagements (chapitre 24, point 24.5 ; chapitre 9, point 9.2.3). Enfin, des textes spéciaux peuvent prévoir l’exception d’inexécution. C’est le cas en matière de marchés d’assurances puisque le Code des assurances permet à l’assureur de suspendre ses obligations en cas de non-paiement des primes par l’assuré(44).
2.3.2 Tendance à un rééquilibrage de la relation contractuelle
Le déséquilibre qui affecte par nature un marché public ne signifie pas pour autant que l’arbitraire règne dans la relation contractuelle. Le contrat demeure la loi des parties et l’acheteur, malgré ses prérogatives, doit le respecter avec la plus grande rigueur. S’il vient à s’en écarter par l’usage de ses pouvoirs, il devra toujours compenser cet écart par une indemnisation, prévue ou non dans le contrat, dès lors que le titulaire a subi un préjudice(45). Cette affirmation doit aujourd’hui être nuancée dans la mesure où l’article L. 6 du Code de la commande publique permet au contrat de limiter le principe de l’indemnisation. Cela reflète la jurisprudence qui admet que le titulaire renonce, contractuellement, à percevoir une indemnisation dans le cadre d’une clause de résiliation prononcée pour un motif d’intérêt général(46). Cependant, il est vrai que les décisions prises en application des pouvoirs exorbitants doivent toujours être fondées juridiquement sur l’intérêt général ou la continuité du service public et s’appuyer sur des éléments de fait et de droit acceptables. Un usage déraisonnable de ces pouvoirs conduit avec certitude à une condamnation par le juge du contrat. Il faut bien constater une évolution de la jurisprudence en faveur d’un rééquilibrage de la relation contractuelle qui tend à renforcer les marges de manœuvre du cocontractant de l’acheteur. Cette évolution s’exprime par la volonté de replacer le contrat au centre du débat contentieux(47). On peut citer, à titre d’exemple, cette affaire dans laquelle une collectivité a été condamnée à payer à son cocontractant le prix forfaitaire prévu au marché correspondant à plusieurs mois de prestations qu’elle lui avait pourtant demandé de ne pas exécuter. Le juge, à la lecture du contrat, a considéré que l’ordre donné par l’administration de suspendre les prestations était sans incidence sur le droit du titulaire à percevoir le prix forfaitaire mensuel prévu au contrat. La collectivité a donc finalement payé des prestations qui n’ont pas été réalisées(48). Un autre exemple de cette évolution est le renouveau du principe de loyauté contractuelle qui s’impose tant au titulaire qu’à l’acheteur. Il témoigne de l’intérêt que porte le juge à une exécution de bonne foi et équilibrée du contrat(49). La possibilité reconnue au titulaire de contester une décision de résiliation et d’obtenir le maintien de la relation contractuelle en est également un signe(50) (voir chapitre 24).
En conclusion, si le titulaire ne dispose pas de pouvoirs exorbitants identiques à ceux de l’acheteur, le contrat est pour lui une assurance efficace qui vient réduire les conséquences de l’usage de ces pouvoirs. Le contrat le protège en ce qu’il oblige l’acheteur à se comporter de manière raisonnable et à l’indemniser. C’est un fait, le juge y veille de plus en plus. (4) Sur l’application des critères traditionnels du contrat administratif, voir Richer L. et Lichère F., Droit des contrats administratifs, 10e éd., LGDJ, 2016, coll. « Manuels », p. 87. (5) Voir Bouhier V. et Riccardi D., dir., « L’exécution des contrats administratifs », Éditions du Moniteur 2018 ; voir également RoblotTroizier A., « Retour sur le pouvoir de contrôle de l’administration à l’égard de son cocontractant », RFDA 2007, p. 990. (6) CAA Paris, 9 juillet 1991, Société Kleber, req. n° 89PA00700 ; voir aussi pour le contrôle sur les biens d’une concession : CE 21 décembre 2012, Commune de Douai, req. n° 342788. (7) Deuxième partie, livre IV du Code de la commande publique. (8) CCP, art. L. 2411-1. (9) CE 12 novembre 2015, Société Tonin, req. n° 384716. (10) CE 22 février 2008, Société NTA, req. n° 274669. (11) CE 2 février 1983, Union des Transporteurs publics urbains et régionaux, req. n° 34027. (12) Articles 14, 15 et 16 du CCAG-Travaux. (13) Article 14.2.2 du CCAG-Travaux. (14) Boullault A., « La modification unilatérale des contrats publics », Contrats publics – Le Moniteur, n° 157, septembre 2015. (15) CE 25 juin 1971, Société d’Établissements Marius, req. n° 70874.
(16) CE 2 février 1983, Union des Transporteurs publics urbains et régionaux, req. n° 34027. (17) CAA Bordeaux, 12 décembre 2006, req. n° 03BX01349 ; pour une délégation de service public voir aussi CAA Nancy, 20 décembre 2007, Société Vivendi, req. n° 05NC00897. (18) CE 1er juillet 2015, OPH Loire Atlantique, req. n° 384209. (19) CE 27 octobre 2010, Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes, Le Cannet, Mandelieu-La-Napoule, req. n° 318617 ; O. Guillaumont, « Le pouvoir de modification unilatérale du contrat par l’administration », RLCT, n° 66, mars 2010 ; CE 3 mars 2017, Commune de Clichy-sous-Bois, req. n° 398901. (20) CE 5 juillet 2013, Société Véolia Transports Valenciennes Transvilles, req. n° 367760 ; CE 25 juin 2018, ADEME, req. n° 418493. (21) CE 27 octobre 2010, Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes – Le Cannet, Mandelieu-La-Napoule, req. n° 318617. (22) L’article L. 2194-2 du CCP dispose : « Lorsque l’acheteur apporte unilatéralement une modification à un contrat administratif soumis au présent livre, le cocontractant a droit au maintien de l’équilibre financier du contrat, conformément aux dispositions du 4° de l’article L. 6 ». (23) CE 31 juillet 1996, Société des Téléphériques du Mont-Blanc, req. n° 126594. (24) L’alinéa 4 de l’article L. 6 du CCP : « L’autorité contractante peut modifier unilatéralement le contrat dans les conditions prévues par le présent code, sans en bouleverser l’équilibre. Le cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat ; ». (25) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises. (26) CE 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, req. n° 32401 ; CE 2 février 1987, Société TV6, req. n° 81131.
(27) CE 19 décembre 2012, Société AB Trans, req. n° 350341. (28) CE 6 mai 1985, Association Eurolat crédit foncier de France, req. n° 41589 ; CE 1er octobre 2013, Société Espace Habitat, req. n° 349099. (29) CAA Versailles, 7 mars 2006, Commune de Draveil, req. n° 04VE01381. (30) CE 30 septembre 1983, SARL Comexp, req. n° 26510. (31) CE 26 février 2014, Société Environnement services, req. n° 365546 ; CE 23 novembre 2016, Hospices civils de Beaune, req. n° 392227. (32) CE 9 novembre 2016, Société Fosmax LNG, req. n° 388806. (33) CE 14 février 2017, Société de manutention portuaire d’Aquitaine, req. n° 405157. (34) Article 45 du CCAG-FCS ; article 27 du CCAG-PI ; article 48 du CCAG-MI ; article 54 du CCAG-TIC ; article 52.2 du CCAG-Travaux ; article 34 du CCAG-MOE. (35) Les CCAG dans leur version 2021 ont apporté des nuances à cette règle en autorisant dans une certaine circonstance le titulaire à ne pas exécuter les ordres de service, voir chapitre 5. (36) CE 7 janvier 1976, Ville d’Amiens, req. n° 92888 ; CAA Bordeaux, 29 juillet 2010, Société Logistique Grand Sud-Ouest, req. n° 10BX00071. (37) Dans les contrats de droit privé, cette exception est reconnue pour chaque partie, articles 1219 et 1220 du Code civil. (38) Voir les aménagements contractuels apportés à ce principe par les CCAG dans leur version 2021, chapitre 24, point 24.5 ; pour le cas particulier des marchés de maîtrise d’œuvre, chapitre 9 point 9.2.3. (39) CE 15 avril 1988, Société Hypotra, req. n° 52618 ; CAA Bordeaux, 7 mars 2006, SARL Régie 5, req. n° 02BX01110.
(40) CE 29 septembre 2000, Société Dezellus métal industrie, req. n° 186916. (41) CE 19 juillet 2016, Société Schaerer Mayfield France, req. n° 399178. (42) CE 8 octobre 2014, Société Grenke Location, req. n° 370644. (43) CAA Nancy, 14 octobre 2010, Société European Institute of Management, req. n° 09NC01074. (44) Code des assurances, art. L. 113-3. (45) CE 22 février 2008, Société NTA, req. n° 274669 ; CE 27 octobre 2010, Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes, Le Cannet, Mandelieu-La-Napoule, req. n° 318617. (46) CE 19 décembre 2012, Société AB Trans, req. n° 350341. (47) G. Eckert, « Les pouvoirs de l’Administration dans l’exécution du contrat et la théorie générale des contrats administratifs », Contrats et marchés publics n° 10, octobre 2010, étude n° 9 ; F. Lorrens et P. SolersCouteaux, « De l’exception d’inexécution et de quelques tendances du droit des contrats administratifs », Contrats et marchés publics n° 12, décembre 2014, repère 11. (48) CE 7 juin 2010, Ville de Marseille, req. n° 316528. (49) E. Chevalier, « La loyauté contractuelle : portée d’une notion novatrice en droit des contrats administratifs, JCP n° 50, 17 décembre 2012 p. 2392 ; L. Marguery, « La “loyauté des relations contractuelles” en droit administratif : d’un principe procédural à un principe substantiel », RFDA 2012, p. 663. (50) CE 21 mars 2011, Commune de Béziers, req. n° 304806.
Chapitre 3
Préparation du marché
Une exécution réussie dépend directement de la qualité de la préparation du marché. Le marché doit être en effet adapté aux besoins à satisfaire et au secteur économique auquel il s’adresse. La préparation du marché implique également une rédaction minutieuse des pièces qui le constituent et une bonne articulation de ces pièces entre elles. Enfin, la préparation du marché en vue d’une bonne exécution se prolonge jusqu’à la veille de son exécution.
3.1
Définition du besoin
Une maîtrise fine du besoin est primordiale, car elle va garantir la satisfaction de l’acheteur et donc la bonne utilisation des deniers publics. Pour y arriver, il est nécessaire d’appréhender aussi bien la demande de l’acheteur que l’offre des opérateurs économiques, dans le but de les faire coïncider. Cela évitera les surcoûts, la multiplication des avenants et les réclamations du titulaire du marché.
3.1.1 Connaître le besoin de l’acheteur Qu’il s’agisse des besoins liés à son fonctionnement ou de ceux liés à ses activités de service public, l’acheteur doit se livrer à une analyse fonctionnelle poussée afin de pouvoir par la suite exprimer le plus précisément possible, dans les documents contractuels, ce qu’il attend du titulaire du marché. Cette analyse doit passer par la vérification auprès des usagers/utilisateurs/prescripteurs que le besoin exprimé est stable, entendons par là que ce qui va être fixé dans le marché ne doit pas être modifié ou abandonné par la suite. La connaissance des zones de stabilité du besoin et des zones plus incertaines permet de choisir le montage contractuel adapté pour une exécution sans heurt. Important Se faire assister dans la préparation des marchés complexes Comme pour l’exécution du marché, lorsque la complexité du marché le requiert, l’acheteur peut s’appuyer sur des compétences externes pour en assurer la préparation. Ainsi, un prestataire, généralement qualifié d’assistant au maître d’ouvrage, va remplir certaines des missions vues précédemment : collecte et synthèse de l’expression des besoins, reformulation du besoin, analyse des offres…
3.1.2 Connaître l’offre des opérateurs Pour rencontrer la bonne offre, l’acheteur doit à la fois confronter son besoin à l’existant et s’adapter au fonctionnement des opérateurs du segment économique concerné (conditions particulières d’exécution liées à la profession, modalité de chiffrage des prestations…). Pour y arriver, il peut recourir à des études et des échanges préalables avec les opérateurs économiques. L’article R. 2111-1 du Code de la commande publique prévoit cette possibilité pour l’acheteur de rapprochement avec les opérateurs économiques(51). Ce travail de sourcing est important notamment pour les achats récurrents ou d’importance qui nécessitent une veille technique permanente. À titre d’exemple, l’acquisition de matériel audiovisuel, comme tout matériel de
haute technologie, est soumise aux très fréquentes hausses de performance des produits ainsi qu’à l’apparition de nouvelles technologies pouvant influer sur le besoin des utilisateurs. Afin de fiabiliser son marché, l’acheteur peut également procéder par la méthode du benchmarking qui consiste, en s’appuyant sur un réseau d’acheteurs, à comparer sa pratique ou son cahier des charges à ce qui est pratiqué avec succès ailleurs. Important Sécuriser son sourcing Si le sourcing est une pratique bénéfique à l’acheteur, il doit néanmoins être réalisé avec rigueur afin de se préserver de tout risque contentieux lié à un soupçon de violation des principes fondamentaux de la commande publique (notamment la rupture d’égalité de traitement des candidats). À cet effet, l’acheteur, qui souhaite aller à la rencontre des acteurs du secteur économique étudié, devra veiller à consulter un panel de fournisseurs suffisamment large ainsi qu’à procéder à cette démarche en toute transparence (traçabilité des échanges, conservation des informations reçues). Bien entendu, le cahier des charges qui sera établi au final devra être techniquement ouvert et permettre à l’ensemble des candidats potentiels de disposer des mêmes informations que celles dont ont disposé les opérateurs consultés. La temporalité de la mise en œuvre du sourcing est également importante. L’acheteur veillera à terminer cette phase suffisamment en amont du lancement de la procédure de passation de son marché.
3.2
Expression du besoin
À ce stade intervient la traduction du besoin dans les documents contractuels. Il devient alors nécessaire d’exprimer la spécificité et la quantité du besoin. Une rédaction précise et soignée des documents contractuels permet d’éviter les divergences d’interprétation des clauses contractuelles et réduit considérablement les problèmes d’exécution.
3.2.1 Pièces contractuelles
À partir d’un montant de 25 000 € HT, un marché doit être conclu sous une forme écrite(52) et comporter un certain nombre de clauses obligatoires relatives à la durée(53), au prix et à ses modalités de fixation et de variation(54) et à la référence au comptable assignataire(55). Habituellement, un marché se compose de plusieurs pièces contractuelles dont la plus importante est l’acte d’engagement. C’est en effet la pièce sur laquelle la signature des parties est apposée pour marquer leur consentement à l’ensemble des documents contractuels. Schématiquement, la composition habituelle d’un marché public est la suivante (fig. 3.1).
Fig. 3.1. La composition habituelle d’un marché public
Quel que soit le marché en cause, l’objectif des pièces contractuelles est de poser l’ensemble des termes du contrat entre l’acheteur et l’opérateur afin que chacune des parties se trouve dans une situation d’exécution claire et sécurisée. Il est possible d’adapter la forme du marché selon son importance financière et ses enjeux. Il peut revêtir une forme plus simple et se rendre ainsi plus accessible aux opérateurs économiques. Un seul document peut par exemple contenir plusieurs pièces contractuelles (fig. 3.2).
Fig. 3.2. L’ensemble des documents contractuels particuliers contenu dans un seul document
3.2.2 Articulation entre les documents particuliers et les documents généraux L’un des enjeux de la rédaction du marché est de réussir à bien articuler les documents particuliers rédigés par l’acheteur avec les documents généraux auxquels il souhaite se référer. Les CCAG comportent les clauses administratives applicables par défaut à une catégorie donnée de marchés. Les CCTG comprennent les clauses techniques, applicables à toutes les prestations d’une même nature. Ces documents, qui font office de contrats types, s’appliquent si l’acheteur l’a expressément indiqué dans les documents particuliers de son marché. En outre, il peut décider de s’y référer pour une partie seulement de leurs clauses, et décider d’en écarter certaines. Pour cela, il devra se référer au CCAG de son choix tout en précisant les clauses qu’il ne souhaite pas appliquer et auxquelles il veut déroger par ses propres clauses. Par exemple, s’il souhaite mettre en œuvre une clause portant sur des pénalités de retard différentes de celles prévues au CCAG, il doit indiquer dans le CCAP, l’article du CCAG auquel il déroge(56). À défaut de
dérogation mentionnée explicitement dans les documents particuliers, les clauses générales s’appliquent. Les dérogations aux CCAG doivent être reprises sous forme de liste récapitulative, au dernier article du CCAP(57). Toutefois, l’absence de liste récapitulative ne prive pas automatiquement d’effet les dérogations prévues dans les documents particuliers(58). Mais la jurisprudence est fluctuante sur ce point(59), ce qui doit inciter les acheteurs à ne pas oublier de lister précisément les dérogations dans les documents particuliers. Important La forme des marchés inférieurs à 25 000 € HT Aucune obligation de forme n’est imposée pour ces marchés, pas même celle de l’écrit. Néanmoins, le contrat verbal n’apportant jamais suffisamment de garanties sur la réalité des droits et obligations des parties, il est nécessaire de disposer de documents écrits, aussi simples soient-ils (devis, courriers…). De plus, on voit difficilement comment le comptable public pourrait procéder au paiement d’une prestation sans pièces justificatives. Même pour les plus petits marchés, celles-ci doivent lui être transmises pour qu’il procède au paiement de la prestation réalisée (voir chapitre 21).
3.3 Derniers ajustements du marché avant exécution La préparation du marché ne se limite pas seulement à la définition du besoin et à la rédaction des pièces du marché. En pratique, les conditions d’une bonne exécution se travaillent aussi pendant la procédure de passation et après le choix du titulaire.
3.3.1 Négociation La négociation, dans les procédures de passation où elle est prévue, offre à l’acheteur la possibilité, en lien avec les soumissionnaires répondant à la consultation, d’optimiser son achat. Celle-ci peut en effet porter sur les délais d’exécution de la prestation, les moyens affectés, la qualité des
fournitures, etc. Elle permet donc de rapprocher les attentes de l’acheteur des propositions des soumissionnaires. Lorsqu’elle est bien mise en œuvre, elle est souvent le gage d’une exécution facilitée.
3.3.2 Mise au point du marché Il est possible, au terme de la procédure de passation et avant la signature du marché, de procéder avec le soumissionnaire dont l’offre est retenue à une mise au point du marché(60). La mise au point permet d’ajuster les composantes du contrat sans toutefois modifier les caractéristiques substantielles de l’offre ou du marché, ce qui pourrait avoir un effet sur la mise en concurrence. Elle représente donc une opportunité pour clarifier l’ensemble des termes du contrat avant sa conclusion définitive. Il ne s’agit en principe que d’une possibilité d’aménager l’offre retenue ou les clauses du marché, ce qui peut conduire à des modifications mineures des documents initiaux. À titre d’exemple, peuvent faire l’objet d’une mise au point les marques et les références des matériels et matériaux que l’entreprise se propose d’utiliser, ou encore la décomposition des délais d’exécution ou l’identité du sous-traitant initialement proposé si ces différents aspects n’ont pas été déterminants dans le jugement des offres. À l’inverse, la mise au point ne peut pas transformer l’offre en modifiant, par exemple, le montant de la proposition financière(61) ou encore en modifiant un aspect technique important du dossier de consultation(62). En pratique, la mise au point prend la forme de précisions écrites, qui sont annexées à l’offre du titulaire et qui lui sont notifiées en même temps que le marché.
3.3.3 Rencontre du titulaire après la notification du marché
À ce stade, les jeux sont faits. Cependant, les pièces du marché peuvent receler quelques ambiguïtés tant du point de vue technique qu’administratif. Il est par conséquent judicieux pour les parties de procéder à une entrevue avant le début de l’exécution du marché afin de passer en revue les clauses essentielles, présenter les interlocuteurs principaux affectés au marché, répondre aux questions que se pose l’autre partie, spécifier le fonctionnement administratif et notamment les modalités de traitement des demandes de paiement. L’exécution débutera ainsi dans de bonnes conditions. Suivant les enjeux liés au marché, cette étape peut s’avérer très profitable. (51) Disposition applicable également aux marchés publics de défense ou de sécurité, voir CCP, art. R. 2311-1. (52) CCP, art. L. 2112-1, L. 2312-1, R. 2112-1 et R. 2312-1. (53) CCP, art. L. 2112-5 et L. 2312-1. (54) CCP, art. L. 2112-6 et L. 2312-1. (55) CCP, art. R. 2191-55 et R. 2391-28. (56) CCP, art. R. 2112-3 et R. 2312-3 ; voir également article 1er des différents CCAG. (57) Article 1er des différents CCAG. (58) CE 31 juillet 1996, req. n° 124065 ; CAA Nancy, 9 juin 2016, Société Marwo, req. n° 15NC01477. (59) CAA Douai, 22 février 2018, SDIS de Seine-Maritime, req. n° 15DA00464. (60) CCP, art. R. 2152-13 et R. 2352-9. (61) CAA Douai, 17 janvier 2013, Préfet de la région Nord-Pas-de-Calais, req. n° 12DA00594. (62) CE 12 mars 1999, Entreprise Porte, req. n° 171293.
Chapitre 4 Point de départ et durée du marché L’exécution des prestations implique l’existence d’un lien contractuel entre l’acheteur et le titulaire, c’est-à-dire que le marché public existe juridiquement entre les deux parties. La signature ne suffit pas à établir ce lien, il est obligatoire que le marché, comme tout acte administratif devant produire des effets, fasse l’objet d’une notification. Un marché prend donc effet à la date de réception de sa notification au titulaire(63). Le lien contractuel entre l’acheteur et le titulaire du marché est scellé par la notification du marché. C’est à partir de ce moment, jusqu’à la fin de la durée de validité du contrat que les parties sont liées pour son exécution.
4.1Notification du marché comme point de départ La relation contractuelle est nouée à compter de la date de notification du marché. Notification = Courrier de notification + l’ensemble des pièces constitutives du marché Concrètement, la notification est réalisée par la remise d’une copie du marché au titulaire comportant sa signature et celle du représentant de l’acheteur. L’original du marché est conservé par l’acheteur. Cette remise peut se faire en mains propres, contre récépissé, ou faire l’objet d’un envoi recommandé avec accusé de réception. La date de notification est celle de la réception du marché par le titulaire, quel que soit le mode de transmission. Important
L’accusé de réception papier En pratique, l’accusé de réception peut être illisible et sans date de réception mentionnée. Il est retourné parfois tardivement, voire pas du tout. Cela pose alors des difficultés pour prouver la date de la notification. Pour éviter cet inconvénient, certains acheteurs accompagnent le courrier de notification d’une attestation de réception que le titulaire doit remplir et renvoyer rapidement. Il est en général diligent pour attester de la réception de son marché. Ce procédé peut aussi être utilisé pour les actes importants au cours de l’exécution tels que les ordres de service ou les avenants. Il est primordial pour l’acheteur, comme pour le titulaire, d’établir avec certitude la date de la notification. La notification est en effet le point de départ de la durée du marché, c’est-àdire de sa période de validité. Un marché public est toujours conclu pour une durée limitée(64) qui s’exprime par référence à un nombre d’années ou de mois, ou par référence à une date de fin ou à un événement qui marquera le terme des obligations contractuelles. Dans un marché de travaux, par exemple, c’est la fin de la garantie de parfait achèvement, d’une durée d’un an à compter de la date retenue pour la réception de l’ouvrage, qui marque la fin du contrat (voir chapitre 20)(65). En général, la notification est aussi le point départ de certains délais d’exécution. C’est dans la durée du marché que ces différents délais d’exécution vont s’inscrire (voir chapitre 9). Par exemple, dans le cas d’un marché de location de copieurs, d’une durée de 6 ans, les délais suivants peuvent être relevés : délai de livraison des machines, délai de mise en fonctionnement, délai d’intervention en cas de pannes, délai de remplacement des machines, délai de récupération des copieurs en fin de marché. C’est aussi à cette date que le délai de paiement de l’avance peut commencer à courir (voir chapitre 11)(66).
La maîtrise de la durée du marché est un élément important de son exécution. Toute prestation réalisée alors que la durée a expiré est réalisée hors marché et ne sera pas payée par le comptable public, sauf à avoir préalablement prolongé la durée par avenant (voir chapitre 20) ou dans l’hypothèse d’un bon de commande ou d’un marché subséquent émis avant la fin de l’accord-cadre, mais exécuté après (voir chapitre 5). Important La reconduction du marché Le Code de la commande publique permet de prévoir une ou plusieurs reconductions du marché à condition que ses caractéristiques restent inchangées et que la durée totale ait été prise en compte lors de la mise en concurrence(67). La reconduction est en principe tacite et le titulaire ne peut pas s’y opposer. C’est donc le silence de l’acheteur qui valide le renouvellement du marché pour une nouvelle période. Il peut s’opposer à la reconduction et doit dans ce cas faire connaître sa décision au titulaire. Ce dernier ne peut pas contester la décision de non-reconduction. En outre, le marché peut prévoir d’autres modalités de reconduction. Par exemple, il peut soumettre la reconduction à une décision expresse de l’acheteur, notifiée au titulaire. Dans ce cas, le silence de l’acheteur signifie qu’il refuse la reconduction. Le marché peut aussi prévoir que le titulaire dispose de la faculté de refuser une reconduction. Hormis les rares marchés pour lesquels une durée maximum est imposée par les textes(68), l’acheteur dispose d’une grande liberté pour fixer la durée de son marché. Elle doit simplement être adaptée à la nature de l’achat et être raisonnable, c’est-à-dire qu’elle doit prendre en compte la nécessité d’une remise en concurrence périodique.
4.2Commencement d’exécution des prestations
En principe, la notification entraîne le commencement d’exécution des prestations. Lorsque le titulaire a entre les mains la copie de son marché, il peut commencer à réaliser les prestations et le délai d’exécution commence à courir (voir chapitre 9). Une clause du marché qui prévoirait un commencement d’exécution avant sa conclusion et sa notification serait illicite et serait susceptible d’être écartée par le juge(69). La date de notification est donc le point de départ de l’exécution administrative et financière du marché. Le comptable la prendra comme référence pour déterminer s’il peut payer les prestations réalisées. Il pourra suspendre le paiement, par exemple, pour une prestation réalisée avant la date de notification. Il peut arriver dans la pratique que l’acheteur soit confronté à la nécessité de commencer les prestations avant que la procédure administrative menant à la notification soit terminée. Dans cette hypothèse, le paiement des prestations se règle par la voie de la transaction (voir chapitre 24). Il convient dans tous les cas de ne pas tricher sur les dates d’exécution dans les demandes de paiement ou les documents d’exécution. Ce type d’arrangement avec la réalité est pénalement répréhensible(70). En revanche, le marché peut prévoir que le commencement d’exécution interviendra à une date ultérieure à celle de la notification. C’est typiquement le cas des accords-cadres à bons de commande dans lesquels le titulaire doit attendre de recevoir un bon de commande pour réaliser les prestations(71) (fig. 4.1). Les marchés à tranches en sont également un exemple puisque les tranches optionnelles ne seront exécutées qu’à la suite d’une décision de l’acheteur notifiée au titulaire(72) (fig. 4.2).
Fig. 4.1. Commencement d’exécution différé dans un accord-cadre à bons de commande
Fig. 4.2. Commencement d’exécution différé dans un marché à tranches
Autre exemple, dans les marchés de travaux, le CCAG prévoit que la date de démarrage de la période de préparation est précisée par un ordre de service, différant ainsi de la date de commencement d’exécution(73). (63) CCP, art. R. 2182-4, R. 2182-5 et R. 2382-4. (64) CCP, art. L. 5. (65) Attention toutefois à l’expression de la durée du marché en mois afin de permettre le calcul de l’avance (voir chapitre 11). (66) CCP, art. R. 2191-24 et R. 2391-2. (67) CCP, art. R. 2112-4 et R. 2312-5. (68) La durée des accords-cadres ne peut dépasser 4 ans pour les pouvoirs adjudicateurs et 8 ans pour les entités adjudicatrices, CCP, art. L. 2125-1 (69) CE 12 janvier 2011, Société Léon Grosse, req. n° 334320. (70) Code pénal, art. 441-2 : relatif à l’usage de faux documents. (71) CCP, art. R. 2162-2 et R. 2362-2. (72) CCP, art. R. 2113-6 : disposition applicable également aux marchés publics de défense ou de sécurité. (73) Article 18.1.1 du CCAG-Travaux.
Chapitre 5
Ordre de service et bon de commande
Actes d’exécution par excellence, l’ordre de service et le bon de commande sont des documents indispensables pour assurer la mise en œuvre du marché. Leur rythme va marquer les différentes étapes de l’exécution et leur contenu va traduire les différentes obligations qui découlent du contrat. En cela, il est nécessaire pour l’acheteur de penser à émettre des ordres de service ou des bons de commande lorsque le marché le prévoit. Pour le titulaire également, ces actes sont importants, car ils sont des éléments de preuve des prestations demandées ou des contraintes qui lui ont été imposées. Par exemple, une livraison de fournitures ne peut être payée par le comptable que sur la base d’un bon de commande. Autre exemple, seule une prolongation des délais d’exécution autorisée par un ordre de service permettra au titulaire de contester le calcul des pénalités de retard. Ces actes d’exécution doivent donc être maîtrisés sur le fond comme sur la forme.
5.1
Ordre de service
5.1.1 Définition Il est plus communément utilisé dans les marchés de travaux, mais tous les CCAG prévoient la possibilité pour l’acheteur de s’en servir dans l’exécution du contrat. Les CCAG-FCS, PI, TIC et MI en donnent la définition suivante : « l’ordre de service est la décision de l’acheteur qui précise les modalités d’exécution des prestations prévues par le marché (74) ». Les CCAG-Travaux et maîtrise d’œuvre en donne une définition sensiblement identique(75). C’est par ordre de service que l’acheteur dirige l’exécution du marché. Comme son nom l’indique, cet acte a un caractère à la fois impératif et directif : il s’agit d’une véritable décision dont le but est de produire des effets sur l’exécution du marché. Le juge administratif considère que les décisions de l’acheteur, prises en vue de l’exécution du marché, doivent respecter les formes prescrites par le contrat s’agissant des ordres de service. Un simple courrier ne pourra pas faire office de décision du maître d’ouvrage et il ne pourra pas être reproché au titulaire de ne pas avoir agi en présence d’un document qui ne peut pas être considéré comme un ordre de service(76). Exemple Les décisions concernant l’exécution du marché doivent prendre la forme d’un ordre de service : CE 3 décembre 2012, Société Baudin Châteauneuf, req. n° 347940 « Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’article 2.5 du cahier des clauses administratives générales applicables que les décisions quant à l’exécution du marché doivent prendre la forme d’un ordre de service, signé, daté et numéroté, communiqué à l’entrepreneur ; que, par suite, en rejetant la demande des sociétés tendant à l’indemnisation des conséquences financières du retard dans la notification d’un ordre de service relatif à la modification technique du projet initial, au motif que le groupement avait préalablement reçu, sous la forme d’un simple courrier, un accord général de principe du maître d’œuvre sur cette modification et aurait pu la mettre en œuvre sans attendre de recevoir un ordre de service, la cour a commis une autre erreur de droit ».
5.1.2 Effets de l’ordre de service 5.1.2.1 Obligation d’exécution Quel que soit son contenu, si un document est identifié comme un ordre de service par l’acheteur, il ne doit pas être négligé par le titulaire. Il est impossible pour le titulaire de refuser l’exécution d’un ordre de service qui a été régulièrement émis même si celui-ci tend à s’écarter des stipulations contractuelles ou conduit à compromettre la bonne réalisation des prestations. Le titulaire ne peut qu’émettre des réserves sur le contenu de l’ordre de service, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de cet ordre. Au-delà de ce délai, les réserves ne produisent plus d’effet dans la relation contractuelle(77), elles ne pourront pas être reprises dans le mémoire en réclamation et ne pourront donc pas être évoquées devant le juge administratif dans le cadre d’un contentieux (voir chapitre 27). Elles doivent être précises, écrites et en lien avec le contenu de l’ordre de service. Les réserves sont notifiées à l’auteur de l’ordre de service. Dans les marchés de travaux en revanche, quel que soit l’auteur, les réserves doivent être notifiées au maître d’œuvre et au maître d’ouvrage. Si le maître d’œuvre est l’auteur de l’ordre de service, une copie est transmise au maître d’ouvrage et inversement. En dépit des réserves émises, le titulaire doit se conformer à l’ordre de service qui lui a été notifié(78). Un refus d’exécuter un ordre de service est une faute pouvant entraîner l’exécution du marché aux frais et risques du titulaire(79) et conduire à la résiliation du contrat(80).
Important Le titulaire doit émettre des réserves et les notifier en leur donnant une date certaine En pratique, le titulaire a tout intérêt à émettre des réserves dès lors qu’il lui apparaît que l’ordre de service s’écarte des obligations contractuelles ou qu’il présente des risques pour la bonne exécution des prestations. Ces réserves émises dans le délai contractuel de 15 jours lui permettront, en cas de litige, de préserver ou d’atténuer sa responsabilité. Les réserves émises en dehors du délai ne produiront à cet égard aucun effet. En l’absence de réserves valides, le titulaire est présumé accepter l’ordre de service et cette acceptation pourra par la suite lui être opposée. Par exemple, le titulaire qui a émis des réserves dans le délai de 15 jours, sur un ordre de service lui prescrivant la suspension des prestations d’entretien des espaces verts pendant un délai de deux mois est légitime à demander par ailleurs une indemnisation pour ces deux mois non réalisés(81). En revanche, le titulaire qui ne conteste pas les modifications du calendrier d’exécution qui lui sont notifiées par ordre de services ne peut pas demander une réparation pour la prolongation des délais d’exécution(82). Il sera également forclos à demander l’indemnisation de travaux supplémentaires s’il n’a pas dans les 15 jours émis des réserves sur l’ordre de service les prescrivant(83). La notification des réserves doit se faire par courrier recommandé avec accusé de réception ou par remise directe avec récépissé. Le titulaire doit prouver la réception des réserves par l’acheteur dans le délai fixé par les CCAG.
5.1.2.2 Exceptions à l’obligation d’exécution Un cas de force majeure exonère toujours le titulaire de son obligation d’exécution (voir chapitre 24). En outre, le marché peut prévoir des situations qui sont des exceptions à l’obligation d’exécution. Les CCAG dans leur version 2021 ont ajouté plusieurs cas de figure dérogatoires à l’obligation d’exécution qui n’existaient pas jusqu’alors. Ainsi, le CCAG-Travaux prévoit les situations suivantes : - le titulaire, s’il a formulé des réserves portant sur un risque en termes de sécurité ou de santé ou en relation avec le respect des normes qui lui sont applicables, n’est pas tenu d’exécuter un ordre de service en l’absence de réponse du maître d’ouvrage dans les 15 jours(84). Cette situation permet la suspension du délai d’exécution le temps d’obtenir la réponse ; - le titulaire n’est pas tenu d’exécuter l’ordre de service qui prescrit des travaux supplémentaires sans les valoriser financièrement(85). Il est tenu néanmoins d’exposer son refus par écrit dans un délai de 15 jours ;
- le titulaire peut refuser l’exécution d’un ordre de service prescrivant des travaux modificatifs des ouvrages qui font l’objet du marché si ceux-ci conduisent à un montant de modification qui excède le dixième du montant contractuel des travaux(86). Cependant, il doit notifier son refus motivé dans le délai de 15 jours ; - le titulaire n’est pas tenu d’exécuter l’ordre de service qui prescrit le démarrage des prestations si celui-ci lui est notifié plus de six mois après la date de notification du marché(87), cette situation pouvant conduire à la résiliation du marché à la demande du titulaire (voir chapitre 24) ; Dans le CCAG-MOE, sont prévus les cas de refus suivants : - le titulaire n’est pas tenu d’exécuter l’ordre de service qui prescrit des prestations supplémentaires sans les valoriser financièrement(88). Il est tenu néanmoins d’exposer son refus par écrit dans un délai de 15 jours ; - le titulaire, s’il a formulé des réserves portant sur un risque en termes de sécurité ou de santé ou en relation avec le respect des normes qui lui sont applicables, n’est pas tenu d’exécuter un ordre de service en l’absence de réponse du maître d’ouvrage dans les 15 jours(89). Cette situation permet la suspension du délai d’exécution le temps d’obtenir la réponse ; - le titulaire n’est pas tenu d’exécuter l’ordre de service qui prescrit le démarrage des prestations si celui-ci lui est notifié plus de six mois après la date de notification du marché(90), cette situation pouvant conduire à la résiliation du marché à la demande du titulaire (voir chapitre 24) ; Dans les autres CCAG, on a les cas de refus suivant : - le titulaire n’est pas tenu d’exécuter l’ordre de service qui prescrit des prestations supplémentaires sans les valoriser financièrement(91). Il est tenu néanmoins d’exposer son refus par écrit dans un délai de 15 jours. - le titulaire n’est pas tenu d’exécuter l’ordre de service qui prescrit le démarrage des prestations si celui-ci lui est notifié plus de six mois après la date de notification du marché(92), cette situation pouvant conduire à la résiliation du marché à la demande du titulaire (voir chapitre 24) ; Bien sûr, un courrier ou un courriel qui n’a pas l’apparence d’un ordre de service, tant dans sa forme que dans son contenu, ne fait reposer sur le titulaire aucune obligation d’exécution(93).
5.1.3 Contenu de l’ordre de service Outre un moyen de direction de l’exécution, l’ordre de service peut être aussi un moyen de communication avec le titulaire du marché. En effet, son contenu ne révèle pas obligatoirement un ordre impératif d’agir. Il peut s’agir pour l’acheteur de transmettre, de manière très formalisée, certaines informations importantes au titulaire, comme une prolongation du délai d’exécution ou une modification du calendrier détaillé d’exécution des travaux(94). Le contenu de l’ordre de service doit être précis et ne pas simplement se limiter à des généralités difficilement utilisables par le titulaire(95). Un ordre de service doit avoir un caractère opérationnel du point de vue de l’exécution du marché (directive claire, information importante).
5.1.4 Forme de l’ordre de service 5.1.4.1 Document écrit, daté et numéroté La forme à donner à l’ordre de service est traitée différemment selon les CCAG. Ce choix des rédacteurs des CCAG est étonnant si l’on considère que l’ordre de service est un document d’exécution aux effets importants. Le CCAG-Travaux stipule : « Les ordres de service sont écrits. Ils sont datés, numérotés et notifiés par le maître d’œuvre ou le maître d’ouvrage »(96). Le CCAG-Maîtrise d’œuvre reprend les mêmes termes : « Les ordres de service sont écrits. Ils sont datés, numérotés et notifiés par le maître d’ouvrage »(97). En revanche, pour les autres types de marchés, les CCAG-FCS, PI, MI et TIC ne donnent aucune précision sur la forme que doit revêtir un ordre de service. Cependant, il convient, si l’on veut donner à l’ordre de service la force d’un document qui atteste des différentes étapes de l’exécution, de respecter des
règles de forme identiques à celles prévues pour les marchés de travaux, notamment en ce qui concerne le caractère écrit et la date de l’ordre de service. La numérotation, obligatoire pour les marchés de travaux et de maîtrise d’œuvre uniquement, présente l’avantage de permettre le suivi des ordres de service qui sont nombreux dans ces marchés. Bien qu’imposée par les CCAG-Travaux et maîtrise d’œuvre, l’absence de numérotation ne sera pas un motif permettant d’invalider un ordre de service(98). 5.1.4.2 Signature de l’ordre de service Avec les CCAG dans leur version 2021, la question de la signature de l’ordre de service a été discutée. En effet, le CCAG-Travaux qui prévoyait expressément cette signature a été modifié et cette formalité a disparu. Aucun CCAG ne prévoit donc la signature de l’ordre de service. Il est néanmoins recommandé de bien conserver dans la pratique l’exigence d’une signature de l’ordre de service. Ce document dont les effets sur le marché et la situation du titulaire peuvent être importants mérite pour lui donner toute la force nécessaire à son objet d’être signé par une personne disposant des pouvoirs d’engager l’acheteur. Quoiqu’il en soit, l’ordre de service est notifié par l’acheteur. À défaut d’une signature de l’acte, le titulaire pourra donc s’assurer de sa validité si les modalités de transmission respectent celles qui sont prévues au marché, soit par transmission par le profil d’acheteur, soit de manière dématérialisée (voir 5.1.5). Le titulaire doit être particulièrement vigilant sur l’identité et la qualité de l’auteur de l’ordre de service. Par exemple, il ne peut pas prétendre avoir reçu un ordre de service si la personne qui lui a donné cet ordre n’a pas manifestement la qualité de représentant de l’acheteur sur le chantier et s’avère être un simple contrôleur technique(99). De même, les travaux supplémentaires réalisés sur la base d’un ordre émis par une personne qui ne représente pas l’acheteur ne pourront pas être indemnisés, sauf s’ils s’avèrent être des travaux indispensables(100) (voir chapitre 25).
En pratique, il est courant que les documents particuliers du marché viennent préciser les conditions d’émission des ordres de service. En matière de travaux, notamment, la répartition entre maître d’ouvrage et maître d’œuvre est souvent organisée dans les documents particuliers. Il peut être prévu par exemple que les ordres de service sont exclusivement signés et notifiés par le maître d’ouvrage. Il peut aussi être prévu que les ordres de service préparés par le maître d’œuvre soient visés par l’acheteur préalablement à leur notification au titulaire, le non-respect de cette obligation par le maître d’œuvre pouvant alors engager sa responsabilité(101). Important Les représentants désignés de l’acheteur et du titulaire Il est rappelé à ce stade que tous les CCAG prévoient dans leur article 3.3 que l’acheteur doit, dès la notification du marché, désigner les personnes habilitées à le représenter et ayant la capacité juridique de procéder aux différents actes nécessaires à l’exécution du marché. L’article 3.4 prévoit la même obligation pour le titulaire.
5.1.4.3 Ordre de service verbal Le juge administratif, dans certaines circonstances, reconnaît des effets juridiques à l’ordre de service donné verbalement(102). Encore faut-il que le titulaire arrive à apporter la preuve de l’ordre verbal donné par le représentant de l’acheteur ou par le maître d’œuvre. Cette preuve peut résulter de différents documents, comme des comptes rendus de réunions de chantier(103), dans lesquels on trouve la mention d’une instruction bien précise donnée par le maître d’œuvre. Elle peut être apportée aussi par les correspondances entre le titulaire et l’acheteur qui font référence à des ordres verbaux donnés précédemment au titulaire(104). Un tel ordre de service pose indéniablement un problème de preuve en plus du fait qu’il est contraire aux stipulations des CCAG. Par exemple, si le point de départ des délais d’exécution ne peut être prouvé par un ordre de service écrit, l’acheteur aura des difficultés à prétendre qu’il y a des retards d’exécution justifiant l’application des pénalités contractuelles(105).
L’ordre de service verbal, lorsqu’il est prouvé, peut permettre au titulaire d’obtenir l’indemnisation des dépenses utiles pour les travaux réalisés sur cette base (théorie de l’enrichissement sans cause). La réparation du préjudice éventuel sera quant à elle admise par le juge en fonction de l’imprudence commise par le titulaire qui a accepté un ordre de service dans des formes qu’il savait manifestement irrégulières. Ainsi, l’indemnisation du préjudice causé par un ordre de service verbal ne pourra parfois être que partielle(106). Recommandation Il faut éviter les ordres de service verbaux et privilégier les documents écrits En pratique, l’acheteur comme le titulaire ont intérêt à éviter les ordres et instructions verbaux. L’obtention d’un document écrit sur lequel des réserves peuvent être émises est la garantie pour chaque partie de préserver ses droits en cas de problèmes ultérieurs. Par précaution, le titulaire devra toujours transmettre une confirmation écrite d’un ordre verbal. Pour cela, il peut adresser à l’acheteur un courrier de confirmation reprenant les éléments précis de l’ordre verbal et, le cas échéant, les réserves qu’il émet sur le contenu de cet ordre. Ce courrier, envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception, permettra de conserver une trace écrite de l’ordre verbal, ce qui s’avérera très utile lors des réclamations éventuelles en fin de marché.
5.1.5 La notification de l’ordre de service L’ordre de service fait l’objet d’une notification au titulaire afin de lui donner une date certaine de réception. Cette notification peut se faire par un envoi en recommandé avec accusé de réception ou par une remise en mains propres contre récépissé, par exemple, à l’occasion d’une réunion de chantier. Les CCAG dans leur version 2021 innovent en ce qui concerne « la notification des décisions, observations ou informations qui font courir un délai », ce qu’est précisément l’ordre de service puisqu’il fait courir un délai d’observation de 15 jours. Il est désormais possible de réaliser cette notification par voie dématérialisée, par tout moyen permettant de donner une date et une heure certaine de réception(107).
Parmi ces moyens dématérialisés, le profil d’acheteur est logiquement mis en avant puisqu’il apporte, par la réglementation qui l’encadre, un niveau de garantie technique sérieux. La mise à disposition de l’ordre de service sur ce profil d’acheteur emporte donc notification lorsque le titulaire le consulte, mais aussi en l’absence de consultation à l’expiration d’un délai de huit jours. En principe, l’exécution de l’ordre de service est postérieure à sa notification. La notification se fait en un seul exemplaire. L’accusé de réception ou le récépissé suffit à prouver la date de transmission.
5.2
Bon de commande
5.2.1 Définition En principe, on ne parle de bons de commande que pour l’exécution d’un accord-cadre ou d’un marché subséquent à bons de commande(108). Les bons de commande sont « des documents écrits adressés aux titulaires de l’accord-cadre qui précisent celles des prestations, décrites dans l’accord-cadre, dont l’exécution est demandée et en déterminent la quantité. L’émission des bons de commande s’effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités prévues par l’accord-cadre. » L’accord-cadre à bons de commande est une forme de contrat envisageable pour tous les types d’achats, ce qui explique que l’on trouve des références aux bons de commande dans tous les CCAG(109). À la différence de l’ordre de service qui peut être utilisé à tout moment, pour exprimer le pouvoir de direction et de modification dont dispose l’acheteur (voir chapitre 10), le bon de commande, quant à lui, ne sert qu’à passer commande. Outre l’accord-cadre ou son marché subséquent, le bon de commande peut aussi se retrouver dans un marché qui prévoit que ses prestations
s’exécutent pour une partie seulement à bons de commande. Cette forme de marché qui associe exécution classique, sur la base d’un forfait, et exécution à bons de commande sur la base de prix unitaires, est admise par le juge dès lors que chaque catégorie de prestations est bien identifiée(110). Elle permet de faire face aux petits aléas de l’exécution ou encore à une incertitude sur l’étendue précise du besoin.
5.2.2 Effets du bon de commande 5.2.2.1 Obligation d’exécution du bon de commande Les CCAG stipulent : « Le titulaire se conforme aux bons de commande qui lui sont notifiés, que ceux-ci aient ou non fait l’objet d’observations de sa part »(111). Il est donc impossible pour le titulaire de refuser d’exécuter un bon de commande. La sanction qu’il encourt est le plus souvent l’application d’une pénalité de retard, car l’exécution d’un bon de commande est en principe encadrée par un délai d’exécution (voir chapitre 15). Il risque également l’exécution à ses frais et risques par un autre prestataire et, le cas échéant, la résiliation du marché (voir chapitre 24). Aucune exception à cette obligation d’exécution n’est prévue dans les CCAG. On peut toutefois penser que le titulaire peut légitimement s’opposer à un bon de commande qui lui demanderait la livraison de fournitures ou la réalisation de prestations non prévues dans le contrat. En effet, le contenu d’un bon de commande doit correspondre aux prestations décrites dans les documents contractuels.
Important La décision de l’acheteur d’interrompre le bon de commande en cours d’exécution Il est loisible à l’acheteur, à tout moment, de décider l’interruption ou la suspension de l’exécution du bon de commande qu’il a notifié. Cette décision qui est pour le juge une simple mesure d’exécution du contrat n’est pas de celles dont le titulaire peut obtenir l’annulation ou la suspension en s’adressant au juge administratif. Le titulaire peut formuler des réclamations sur cette décision. Elles sont nécessaires pour une demande ultérieure d’indemnisation du manque à gagner que l’interruption du bon de commande lui a causé(112).
5.2.2.2 Exécution en dehors de la période de validité du marché Le droit de la commande publique impose que le bon de commande soit émis dans la période de validité de l’accord-cadre(113) : « Ils ne peuvent être conclus ou émis que durant la période de validité de l’accord-cadre. Leur durée d’exécution est fixée conformément aux conditions habituelles d’exécution des prestations faisant l’objet de l’accord-cadre. L’acheteur ne peut fixer une durée telle que l’exécution des marchés subséquents ou des bons de commande se prolonge au-delà de la date limite de validité de l’accord-cadre dans des conditions qui méconnaissent l’obligation d’une remise en concurrence périodique. ». La signature du bon de commande doit donc intervenir avant la date d’expiration de l’accord-cadre ou du marché. Le bon de commande émis après la fin du contrat, même un jour après, ne fait naître aucune obligation contractuelle et les prestations ne pourront être réglées que sur une base extracontractuelle (enrichissement sans cause)(114). Il est ainsi possible d’émettre un bon de commande le dernier jour de validité du contrat qui donnera lieu à une exécution après la date d’expiration de la durée du marché (fig. 5.1). Il s’agit d’une pratique valide, car le bon est émis à une date ou la relation contractuelle est encore en cours (voir chapitre 9). Les CCAG-FCS, PI, MI et TIC(115) prévoient une stipulation qui traduit cette possibilité : « En cas d’inachèvement des prestations à la date limite de validité du marché, le délai d’exécution des prestations expire à la date
limite de validité du marché, à l’exception des bons de commande émis pendant la validité du marché. » Deux conséquences importantes s’attachent à cette modalité particulière d’exécution. D’une part, le titulaire ne peut pas refuser d’exécuter les prestations demandées par un bon de commande valide et d’autre part, le comptable public ne peut pas refuser de les payer au motif qu’elles ont été exécutées après la fin du marché. Le comptable sera en revanche attentif à la date d’émission du bon de commande. L’émission d’un bon de commande le dernier jour de l’accord-cadre peut être le moyen d’en prolonger artificiellement la durée. Pour cette raison, il est interdit d’en user dans des conditions qui méconnaîtraient les obligations de remise en concurrence périodique. La durée d’exécution du bon de commande doit être fixée de manière raisonnable. Les documents particuliers prévoient souvent un délai maximal d’exécution des bons de commande afin de rendre impossible une prolongation artificielle du marché. Fig. 5.1. Exécution d’un bon de commande après la fin du marché
5.2.3 Contenu du bon de commande Pour être conforme au Code de la commande publique, le bon de commande doit indiquer, a minima, la nature des prestations décrites dans le contrat, ainsi que la quantité demandée. Il doit aussi indiquer la durée d’exécution des prestations. En pratique, le bon de commande peut préciser d’autres informations et contraintes nécessaires à l’exécution des prestations, par exemple le lieu de livraison ou les horaires d’ouverture des locaux à prendre en compte pour le jour de la livraison. Souvent, les documents particuliers de l’accord-cadre détaillent le contenu du bon de commande. Il convient dans ce cas de respecter ces indications. La précision et la clarté du document sont essentielles, car il sert de base aux opérations de vérification de la bonne exécution des prestations. Si
l’acheteur n’est pas en mesure de prouver ce qu’il a commandé au titulaire, il ne pourra pas lui reprocher une mauvaise exécution. De plus, le comptable va porter un regard attentif sur le bon de commande qui est une pièce justificative nécessaire au paiement. Le comptable vérifie la cohérence entre l’accord-cadre, le bon de commande et la facture du titulaire. Un bon de commande imprécis peut conduire au blocage du paiement (voir chapitre 21).
5.2.4 Forme du bon de commande Le bon de commande est un document obligatoirement écrit(116). En pratique, la forme verbale pourra être admise, dès lors qu’elle est prouvée par différents éléments, à l’instar de ce que reconnaît le juge pour l’ordre de service. Mais en l’absence de commande avérée et de bon de commande sur lequel appuyer sa demande de paiement, le titulaire ne pourra pas réclamer le paiement sur la base du contrat(117). Il est vivement déconseillé pour le titulaire d’exécuter un bon de commande verbal. Il s’engagerait dans des difficultés d’exécution qui peuvent aller du refus par l’acheteur d’admettre les fournitures livrées, au refus de paiement opposé par le comptable public. Important L’impossibilité pour le titulaire de se faire payer en l’absence de bon de commande : CAA Versailles, 8 juin 2010, Société Horus Micro System, req. n° 08VE00216 « que, s’agissant de ces trois mois, le département des Hauts-de-Seine n’a émis aucun bon de commande pour l’exécution du marché dont il s’agit ; que, dès lors, les prestations dont elle demande le paiement ne peuvent être regardées comme ayant été réalisées pour l’exécution dudit marché ; que, par suite, la société Horus Micro System n’est pas fondée à en demander le règlement sur le fondement dudit marché ; qu’ainsi, le département des Hauts-de-Seine n’a pas manqué à ses obligations contractuelles en refusant d’honorer les factures litigieuses ; qu’il suit de là que les conclusions susvisées doivent être rejetées ».
Concernant la signature du bon de commande, ni les textes ni les CCAG ne l’imposent. Pour autant, cela ne signifie pas qu’elle ne doit pas être
privilégiée pour donner une validité certaine à l’acte (voir les observations en ce sens concernant l’ordre de service au point 5.1.4.2).
5.2.5 Transmission du bon de commande Comme tous les documents d’exécution qui doivent produire un effet, le bon de commande doit être notifié au titulaire. Il lui est notifié en un seul exemplaire. La notification du bon de commande fait courir les délais d’exécution prévus dans le marché. Il convient donc d’en donner une date certaine, soit par courrier recommandé avec accusé de réception, soit par remise directe contre récépissé. Comme pour l’ordre de service, les CCAG autorisent de nouvelles modalités de transmission du bon de commande (voir 5.1.5). (74) Article 2 des CCAG-FCS, PI, TIC, MI dans leur version de 2021. (75) Article 2 des CCAG-Travaux et MOE. (76) CE 3 décembre 2012, Société Baudin Châteauneuf, req. n° 347940. (77) Article 3.8.2 des CCAG-Travaux, PI, MI, TIC, FCS et MOE. (78) Article 3.8.3 des CCAG-Travaux, PI, MI, TIC, FCS et MOE ; CAA Lyon, 18 octobre 2018, Société Eiffage TP, req. n° 13LY01546. (79) CAA Bordeaux, 8 janvier 2013, Société GE d’Aquitaine, req. n° 11BX01796. (80) CE 17 février 1978, Compagnie Française d’entreprise, req. n° 99193. (81) CE 7 juin 2010, Ville de Marseille, req. n° 316528. (82) CAA Versailles, 19 février 2015, Société IDS, req. n° 12VE02270.
(83) CAA Douai, 10 janvier 2014, Communauté d’agglomération RouenElbeuf-Austreberthe, req. n° 12DA00861. (84) Article 3.8.2 du CCAG-Travaux. (85) Article 13.6 du CCAG-Travaux. (86) Article 14.2.2 du CCAG-Travaux. (87) Article 50.2.1 du CCAG-Travaux ; article 3.8.3 du CCAG-PI, MI, TIC, FCS. (88) Article 14.3 du CCAG-MOE. (89) Article 3.8.2 du CCAG-MOE. (90) Article 3.8.3 du CCAG-MOE. (91) Article 23.4 des CCAG-PI, FCS, MI ; article 25.4 du CCAG-TIC. (92) Article 3.8.3 des CCAG-PI, MI, TIC, FCS. (93) CE 3 décembre 2012, Société Baudin Châteauneuf, req. n° 347940. (94) Article 28.2.3 du CCAG-Travaux. (95) CE 3 décembre 2012, Société Baudin Châteauneuf, req. n° 347940. (96) Article 3.8.1 du CCAG-Travaux. (97) Article 3.8.1 du CCAG-MOE. (98) CAA Douai, 16 juin 2009, Société Aubrun, req. n° 06DA01536. (99) CE 27 mars 1985, OPHLM de la Haute-Savoie, req. n° 31238. (100) CE 3 octobre 1979, Société Entrasudo, req. n° 08585.
(101) CE 3 novembre 2006, Commune de Puy-Saint-Vincent, req. n° 270248. (102) CE 19 mars 1982, Cojonde, req. n° 18632 ; CE 27 septembre 2006, Société GTM, req. n° 269925. (103) CAA Douai, 16 novembre 2012, Société ETDE, req. n° 09DA00029. (104) CAA Versailles, 16 février 2010, OPHLM Arc de Seine Habitat, req. n° 09VE00557. (105) CAA Paris, 2 juillet 2010, Université Paris I Panthéon Sorbonne, req. n° 08PA03007. (106) CAA Versailles, 16 février 2010, OPHLM Arc de Seine Habitat, req. n° 09VE00557 ; CE 16 janvier 1987, Commune de Montbron, req. n° 69729. (107) Article 3.1 du CCAG-Travaux ; article 3.1 du CCAG-MOE ; article 3.1 du CCAG-PI ; article 3.1 du CCAG-FCS ; article 3.1 du CCAGTIC ; article 3.1 du CCAG-MI. (108) Anciennement dénommés marchés à bons de commande par le code des marchés publics de 2006 ; désormais réglementé par le CCP, art. L. 2125-1, L. 2325-1, R. 2162-1 à R. 2162-6, R. 2162-8, R. 2162-13 à R. 2162-14, R. 2362-1 à R. 2362-6 et R. 2362-8. (109) Article 3.7 des CCAG-Travaux, PI, MI, FCS, TIC et MOE. (110) CE 29 octobre 2010, Syndicat mixte d’assainissement de la région ouest de Versailles, req. n° 340212. (111) Article 3.7.3 des CCAG-Travaux, PI, MI, FCS, TIC et MOE. (112) CE 25 octobre 2013, Région Languedoc-Roussillon, req. n° 369806. (113) CCP, art. R. 2162-5 et R. 2362-5. (114) CAA Bordeaux, 8 septembre 2009, Société Bull, req. n° 08BX00203.
(115) Art. 13.2.4 du CCAG-FCS, art. 14.2.4 du CCAG-MI, art. 13.2.3 du CCAG-PI, art. 13.2.4 du CCAG-TIC, art. 15.2.3 du CCAG-MOE. (116) CCP, art. R. 2162-13 et R. 2362-8. (117) CAA Versailles, 8 juin 2010, Société Horus Micro System, req. n° 08VE00216.
Chapitre 6
Sous-traitance
Le recours à la sous-traitance est une pratique courante en cours d’exécution du marché. Elle est encadrée par des textes dont le but est de protéger le sous-traitant et l’acheteur. Le titulaire, quant à lui, est désigné comme l’acteur principal de cette relation triangulaire et c’est sur lui que reposent les obligations et les responsabilités les plus grandes(118). Historiquement, la sous-traitance dans les contrats de droit privé, comme dans les contrats de droit public, est encadrée par la loi du 31 décembre 1975(119). Ses dispositions ont été ensuite reprises et complétées par les différents textes régissant les marchés publics. Avec la codification des règles de la commande publique, la majeure partie des dispositions de cette loi ont été intégrées dans le Code de la commande publique. Les marchés conclus par des acheteurs publics au sens de l’article L. 1210-1 du Code de la commande publique, hormis quelques rares exceptions, sont soumis aux règles de sous-traitance prévues par les articles L. 2193-1 à L. 2193-14 et R. 2193-1 à R. 2193-22 du même code. Pour les marchés publics de défense ou de sécurité, la sous-traitance est encadrée par les articles R. 2393-24 à R. 2393-40.
Plusieurs dispositions de la loi de 1975 demeurent néanmoins applicables à tous les marchés publics, notamment son titre I intitulé « Dispositions générales » et son titre III relatif à l’action directe. Important Il ne faut pas confondre sous-traitance du marché public et sous-traitance du traitement de données ! Il ne faut pas confondre la notion de sous-traitance au sens de la loi du 31 décembre 1975 et du Code de la commande publique et la sous-traitance au sens du règlement général sur la protection des données (RGPD)(120) et de la loi informatique et liberté(121). Le titulaire d’un marché public va souvent entrer dans la définition du sous-traitant en matière de traitement de données. Dans ce domaine, il est en effet sous-traitant de l’acheteur qui est le responsable principal du traitement des données pour qui ces données sont justement collectées et traitées par le titulaire dans le cadre de l’exécution des prestations prévues au marché. Ces deux notions répondent à des régimes juridiques différents même si on peut les trouver en fait dans le cadre d’un même marché public.
6.1
Définition de la sous-traitance
6.1.1 Acteurs de la relation de soustraitance La définition de la sous-traitance est la suivante(122) : « La sous-traitance est l’opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée soustraitant l’exécution de tout ou partie du contrat d’entreprise ou d’une partie du marché public conclu avec le maître de l’ouvrage. » Dans cette relation triangulaire, l’entreprise titulaire du marché est qualifiée d’entreprise principale. Le contrat liant l’entreprise principale et le sous-traitant est appelé « le soustraité ». Il s’agit d’un contrat de droit privé dans lequel l’acheteur n’intervient pas. Pour les marchés publics de défense ou de sécurité, ce contrat est dénommé « le sous-contrat »(123), mais il présente les mêmes
caractéristiques que le sous-traité(124). Pour ces marchés, le sous-traitant est aussi appelé le sous-contractant. L’organisation des rapports contractuels en cas de sous-traitance dans un marché public peut être schématisée ainsi :
Fig. 6.1. L’organisation des rapports contractuels en cas de sous-traitance Important La sous-traitance est un droit pour le titulaire du marché, mais qui peut être limité par l’acheteur En cours d’exécution, le titulaire du marché peut toujours déclarer un ou plusieurs sous-traitants. La sous-traitance du marché est un droit pour le titulaire. Ni le Code de la commande publique ni la loi de 1975 n’ont envisagé la possibilité d’interdire le recours à un sous-traitant. Il est toutefois possible d’en limiter les effets, en imposant au titulaire d’exécuter lui-même des prestations qui sont pour l’acheteur des tâches essentielles du marché(125).
6.1.2 Absence de lien contractuel entre le sous-traitant et l’acheteur Il n’existe aucun lien contractuel entre le sous-traitant et l’acheteur. À l’égard de l’acheteur, le titulaire demeure le seul responsable de la bonne exécution de toutes les prestations du marché, y compris de celles qu’il a confiées à un sous-traitant(126). Il découle de cette règle que les obligations du marché ne sont pas opposables au sous-traitant, sa responsabilité ne peut être recherchée sur ce terrain. Dans la même logique, les clauses du contrat de sous-traitance ne sont pas opposables à l’acheteur(127) ; le sous-traitant ne pouvant réclamer leur respect qu’à l’entreprise principale. L’acheteur ne peut pas, non plus, réclamer au sous-traitant l’application du contrat de sous-traitance.
Il n’y a donc pas de responsabilité contractuelle envisageable entre l’acheteur et le sous-traitant. Seules les fautes de ce dernier, commises en violation des règles de l’art ou de la réglementation, pourront le cas échéant permettre d’engager sa responsabilité délictuelle(128). Cette situation particulière a pour conséquence également d’exclure toute responsabilité décennale du sous-traitant(129), celui-ci n’ayant pas la qualité de constructeur à l’égard de l’acheteur (voir chapitre 20). Le titulaire, quant à lui, ne peut s’exonérer de sa responsabilité contractuelle en se défaussant sur les fautes de son sous-traitant, même lorsque ces fautes sont de nature frauduleuse ou dolosive(130). Important L’acheteur ne doit pas donner de directives au sous-traitant L’acheteur ou son représentant dans l’exécution du marché, le maître d’œuvre par exemple, ne doit pas adresser un ordre de service ou un bon de commande au sous-traitant. Le titulaire demeure le seul interlocuteur de l’acheteur. C’est au titulaire que toutes les mesures d’exécution et toutes les directives doivent être adressées. L’exécution d’une partie du marché en direct avec un sous-traitant constituera sans nul doute une faute contractuelle de l’acheteur, susceptible d’exonérer le titulaire d’une part de sa responsabilité si les prestations réalisées par le soustraitant sont de mauvaise qualité. Néanmoins, il n’est pas interdit de communiquer avec le sous-traitant, car il est un des participants à l’exécution du marché. Les CCAG prévoient d’ailleurs que la personne physique habilitée à le représenter soit présentée à l’acheteur(131).
6.1.3 Objectif de protection des soustraitants et des acheteurs L’encadrement de la relation de sous-traitance par la loi a pour double objectif de protéger les entreprises sous-traitantes et les acheteurs publics. En ce qui concerne les opérateurs économiques sous-traitants, il s’agit de les prémunir des risques liés à ce statut, notamment la situation de dépendance vis-à-vis de l’entrepreneur principal. Ce dernier pourrait absorber de manière excessive les marges bénéficiaires, ne pas payer les sous-traitants ou les payer très tardivement. Les défaillances de l’entreprise principale sont, en effet, susceptibles d’avoir de lourdes conséquences pour les sous-traitants,
qui, pour la grande majorité, sont des petites et moyennes entreprises. La protection des sous-traitants se traduit donc par le droit au paiement direct et par l’obligation de déclaration qui pèse sur l’entreprise principale, titulaire du marché. Du côté des acheteurs, l’enjeu est de contrôler le nombre d’intervenants dans l’exécution du marché et ainsi d’en conserver la maîtrise. La protection prend alors la forme de l’obligation de contrôle des conditions de soustraitance du marché, que ce soit sur le nombre de sous-traitants, leurs capacités ou leurs conditions de paiement (voir § 6.3). Cette capacité de contrôle est renforcée, depuis 2015, par la possibilité de limiter les prestations pouvant être sous-traitées(132) et par l’obligation de refuser la sous-traitance dont le montant est anormalement bas(133).
6.2 Interdictions et les limitations de la sous-traitance 6.2.1 Interdiction de sous-traiter intégralement un marché public Les dispositions du Code de la commande publique n’envisagent la soustraitance que pour « l’exécution d’une partie des prestations du marché conclu avec l’acheteur »(134). Il est donc interdit de sous-traiter l’intégralité d’un marché public. C’est logique, dans la mesure où le marché a été attribué au titulaire en raison de ses qualités. Il doit donc assurer lui-même, un minimum, l’exécution des prestations. En pratique, la question se pose de savoir jusqu’à quel niveau le titulaire du marché peut en sous-traiter l’exécution. Aucune indication n’est donnée par les textes et la jurisprudence ne semble pas avoir statué sur cette question. Peut-on envisager une sous-traitance qui atteint 90 % des prestations du marché ? Des niveaux aussi importants seraient difficiles à justifier. En outre, l’obligation d’allotissement des prestations lors de la passation des marchés réduit le risque d’un excès de sous-traitance.
Recommandation Contrôler le niveau de sous-traitance Il appartient à l’acheteur d’être vigilant en cours d’exécution. Il peut refuser des déclarations de sous-traitance si le niveau de réalisation des prestations sous-traitées lui semble mettre en danger la bonne exécution du marché et remettre en cause l’exécution personnelle du marché par le titulaire. Le niveau de sous-traitance peut parfois révéler que le titulaire n’assure plus une exécution effective du marché, mais se contente d’en assurer un suivi administratif et technique. L’acheteur devra veiller à bien motiver son refus et il s’en remettra, en cas de contentieux, à l’appréciation du juge administratif.
6.2.2 Interdiction de sous-traiter les parties essentielles du marché Sous l’empire de la réglementation antérieure aux directives européennes de 2014 relatives aux marchés publics, l’idée d’une limitation de la soustraitance était admise par le juge européen, mais dans des conditions d’utilisation exceptionnelles(135). À l’occasion de la transposition des directives, la possibilité d’interdire la sous-traitance pour la réalisation de certaines prestations du marché a été inscrite dans les textes. Les dispositions du Code de la commande publique prévoient désormais que : « Le titulaire d’un marché peut, sous sa responsabilité, sous-traiter l’exécution d’une partie des prestations de son marché, dans les conditions fixées par le présent chapitre. Toutefois, l’acheteur peut exiger que certaines tâches essentielles du marché soient effectuées directement par le titulaire »(136). La sous-traitance peut être limitée à des prestations accessoires si l’acheteur identifie des tâches dont le caractère essentiel pour la bonne exécution du marché implique une exécution personnelle du titulaire du marché. La notion de « tâches essentielles » est sans nul doute sujette à discussions, car ni les textes ni la jurisprudence ne donnent d’indication sur ce qu’elle recouvre exactement(137). On imagine qu’elle correspond aux tâches qui sont une garantie de réussite de la prestation, celles que l’on pourrait qualifier de « cœur » du marché. L’acheteur doit être prudent et veiller à n’envisager que
des limitations parfaitement justifiées par l’objet du marché ou ses conditions d’exécution. Naturellement, la limitation de la sous-traitance ne se décide pas au cours de l’exécution du marché, au moment où le titulaire demande d’en sous-traiter une partie. L’acheteur l’a préalablement exprimé dans les documents mis à disposition des opérateurs économiques lors de la procédure de passation du marché. Après la conclusion du marché, il devient donc impossible d’étendre ou de restreindre cette limitation. Une telle modification du marché pourrait être qualifiée de substantielle et être jugée illégale (voir chapitre 10). Recommandation Identifier dans le contrat les prestations ou tâches essentielles Les différentes réglementations n’indiquent pas comment identifier les « tâches essentielles ». La Direction des affaires juridiques de Bercy recommande de le faire dans l’avis d’appel public à la concurrence ou le règlement de la consultation(138). Il nous semble indispensable de faire ce travail également dans le cahier des charges des prestations. Les documents de la consultation n’ont en effet plus aucune utilité lorsque le marché est conclu. Si l’on veut qu’en cours d’exécution cette limitation produise ses effets, c’est donc dans le contrat qu’il faut l’inscrire. Par ailleurs, l’identification de ces tâches ne sera suffisamment précise que si elle est faite dans les documents contractuels. Cela semble évident pour des marchés de travaux d’ampleur ou pour des marchés de services complexes. Cette précaution évitera toute discussion entre l’acheteur et le titulaire en cours d’exécution.
6.2.3 Interdiction de la sous-traitance pour les contrats de fournitures 6.2.3.1 Marchés de fournitures comportant des prestations de services ou de travaux Pendant longtemps la sous-traitance n’était pas autorisée pour les marchés de fournitures. L’explication tenait dans le fait que les marchés de fournitures présentent toutes les caractéristiques d’un contrat de vente, c’est-à-dire un contrat dans lequel il n’y a aucune tâche à faire réaliser(139). En revanche, les marchés publics de travaux ou de services sont des contrats d’entreprise, ou de louage d’ouvrage(140), nécessitant de concevoir ou de réaliser des
prestations. Ils comportent donc des tâches pouvant être confiées à un opérateur sous-traitant. Cette logique demeure d’actualité, mais se trouve atténuée par les dispositions du Code de la commande publique qui prévoient désormais l’application des règles de sous-traitance « aux marchés de travaux, aux marchés de services et aux marchés de fournitures comportant des services ou des travaux de pose ou d’installation »(141). Est ainsi prise en compte la nature parfois duale du marché de fournitures, à la fois un contrat de vente et, à titre accessoire, un contrat d’entreprise(142). Par exemple, dans le cas d’un marché de fournitures de photocopieurs incluant la maintenance des machines ou du logiciel de gestion du parc, un sous-traitant peut intervenir pour une réparation du matériel dans les locaux de l’acheteur ou pour effectuer les paramétrages qui permettront d’ajuster au mieux la solution de gestion. Cela peut être le cas également dans un marché d’achat de stores de bureau qui inclut la prestation de pose selon les prescriptions de l’acheteur. Tous les marchés de fournitures ne sont donc pas concernés par la soustraitance. Il doit s’agir d’abord d’un contrat de fournitures prévoyant des prestations de services ou de travaux. Il faut ensuite que ces prestations de services ou de travaux puissent être confiées par un contrat présentant les caractéristiques d’un contrat d’entreprise. Cette notion de contrat d’entreprise reste la justification de toute sous-traitance. La difficulté va ainsi résider dans la détermination de ce qui peut être soustraité dans un marché de fournitures. En principe, un contrat d’entreprise se caractérise par la fourniture de produits ou la réalisation de prestations de services spéciales pour répondre aux besoins de l’acheteur. C’est typiquement le cas d’un marché industriel, dont l’objet est l’achat de fournitures non courantes, spécialement conçues et fabriquées pour l’acheteur. La sous-traitance y a toute sa place et le CCAG-MI l’a d’ailleurs toujours envisagée. En revanche, c’est moins le cas de la prestation de livraison inhérente à tous les achats de fournitures. Les fournisseurs ont très souvent recours à des transporteurs indépendants dont la prestation ne présente aucune caractéristique du contrat d’entreprise(143).
Important L’action directe du voiturier Les livreurs et transporteurs, que l’on appelle aussi voituriers, bénéficient sur le fondement de l’article L. 132-8 du Code de commerce, d’une action directe en paiement de ses prestations à l’encontre de l’expéditeur et du destinataire. L’acheteur destinataire de la livraison d’une fourniture peut ainsi se retrouver face à une demande de paiement de la part d’un transporteur qui n’aurait pas réussi à se faire payer par l’expéditeur.
6.2.3.2 Cas du fournisseur qui intervient dans l’exécution du marché Le régime de la sous-traitance ne concernant que les contrats d’entreprise, il est logique qu’un fournisseur de matériel ne soit pas considéré comme un sous-traitant, même lorsqu’il intervient dans le cadre de l’exécution d’un marché de travaux ou de services. S’il fournit des biens indispensables à la réalisation du chantier, il ne participe pas pour autant directement à sa réalisation. Il en est de même pour le fournisseur d’un entrepreneur principal titulaire d’un marché de fournitures. L’obligation de faire quelque chose spécialement pour l’acheteur reste la seule obligation pouvant être en partie sous-traitée (voir ci-dessus). Sont donc exclus du régime de la sous-traitance, dans les marchés de services ou de travaux, les opérateurs économiques liés à l’entreprise principale au titre uniquement d’un contrat de vente. C’est le cas, par exemple, du fournisseur de papier d’un imprimeur ou du fournisseur de matériaux pour un entrepreneur de travaux.
Important Le cas particulier du sous-contractant dans les marchés publics de défense ou de sécurité L’article L. 2393-1 du Code de la commande publique précise dans quelles conditions un souscontractant est assimilable à un sous-traitant au sens de l’article L. 2193-2 du Code de la commande publique pour les marchés classiques (reprenant l’article 1er de la loi du 31 décembre 1975). Il faut pour cela que le sous-contractant se voie confier par le titulaire la réalisation du marché dans le cadre d’un contrat présentant les caractéristiques du contrat d’entreprise. L’article indique sur ce point : « Un contrat est dépourvu des caractéristiques du contrat d’entreprise, au sens de l’alinéa précédent, lorsqu’il a pour objet la fourniture de produits ou la prestation de services qui ne sont pas réalisés spécialement pour répondre aux besoins de l’acheteur ». Il s’ensuit que le sous-contractant dans les marchés publics de défense et de sécurité peut aussi être un fournisseur de biens et de services courants dans le cadre d’un pur contrat de vente. Cette relation sera alors régie par quelques règles particulières propres aux sous-contrats qui ne sont pas des sous-traités(144).
De manière exceptionnelle, le fournisseur peut être qualifié de sous-traitant. C’est le cas lorsque la fourniture porte sur des produits qui doivent être adaptés spécifiquement pour l’exécution du marché public. Le fournisseur participe alors de manière effective à l’exécution du marché. Il peut être accepté comme sous-traitant et bénéficier du paiement direct. La jurisprudence livre plusieurs exemples de décisions mettant en œuvre ce raisonnement (tab. 6.1) qui peut tout à fait trouver des applications dans des marchés de services ou de fournitures dès lors qu’ils ne sont pas courants. Tab. 6.1. La distinction entre sous-traitance et fournitures
Cas
Soustraitance
Fourniture de béton prêt à l’emploi
Fourniture de gaines rectangulaires de ventilation, fabriquées sur mesure
X
Fourniture d’armatures métalliques aux dimensions spécifiquement adaptées au marché telles que le fournisseur ne pouvait avoir eu recours à son stock pour répondre à la commande
X
Fournitures assimilées à Références jurisprudentielles un contrat de vente X CE 26 septembre 2007, Département du Gard, req. n° 255993 CAA Nantes, 7 octobre 2011, Sté ATLAN VDI, req. n° 10NT02052 Cass. 3e civ., 5 février 1985, n° 83-16.675
Fourniture de pavés ordinaires
X
CAA Lyon, 3 juillet 2003, Société d’exploitation des grès de Molières, req. n° 97LY02986
Fourniture de matériaux standardisés ou d’une simple charpente, sans pose
X
CAA Nantes, 30 décembre 1999, Sté Biwater, req. n° 96NT02356
Fourniture, pose et déplacement d’échafaudage sur façade dans le cadre d’un marché d’isolation thermique de façades Fourniture d’un stabilisant de sol
Fourniture de dalles et murs préfabriqués sans participation aux réunions de chantier ou aux opérations d’installation des éléments Fourniture de châssis de fenêtres correspondant aux produits présents sur le catalogue, sans mise en œuvre de technique propre au chantier.
CAA Lyon, 11 mai 2006, Sté Qualia, req. n° 01LY00279
X
X
X
X
CE 21 octobre 2015, Commune de Tracy-sur-Loire, req. n° 385779 CAA Nancy, 12 juin 2014, Société Spurgin-Léonhart, req. n° 13NC01087 CAA Douai, 11 octobre 2018, Société K.Line, req. n° 16DA02320
Important Le privilège de « Pluviôse » pour les fournisseurs dans les marchés de travaux L’article L. 3253-22 du Code du travail, dont l’origine remonte au décret du 26 pluviôse an II (14 février 1794), confère aux fournisseurs d’une entreprise titulaire d’un marché de travaux publics un droit de paiement préférentiel opposable au maître d’ouvrage public. L’article R. 2191-63 du Code de la commande publique dispose : « Les seuls fournisseurs susceptibles de bénéficier du privilège résultant de l’article L. 3253-22 du code du travail sont ceux qui ont été agréés par l’acheteur. Ce privilège ne porte que sur les fournitures livrées postérieurement à la date à laquelle la demande d’agrément est parvenue à l’autorité compétente ». Ce privilège peut conduire le fournisseur à obtenir le paiement en lieu et place du titulaire, par prélèvement sur les sommes qui lui sont dues en application du marché, des montants qui correspondent aux matériaux et fournitures livrés pour les travaux(145). Ce dispositif particulier, qui relève du juge judiciaire(146), est différent de la procédure de paiement direct applicable au sous-traitant accepté et agréé. Étrangement, la forme que doit prendre la demande d’agrément pour mettre en œuvre ce privilège n’est précisée par aucun texte. Il ressort d’un avis du Conseil d’État de 1996 que cette formalité peut être effectuée par la notification au comptable public d’un accord conclu entre le titulaire du marché de travaux et le fournisseur et ayant pour objet ou pour effet de faire succéder le fournisseur au titulaire en qualité de créancier du maître d’ouvrage à concurrence du montant de la créance du fournisseur(147). Il faut savoir que ce privilège n’est pas réservé qu’aux fournisseurs, la Cour de cassation l’a en effet étendu aux sous-traitants de premier rang, qu’ils aient fait l’objet d’une acceptation ou non(148).
6.2.5 Limitation de la sous-traitance en vertu des règles applicables à certaines professions Les règles applicables à certaines professions interdisent toute relation de sous-traitance. Ces règles souvent d’inspiration déontologique visent à garantir l’indépendance qui caractérise ces professions. On citera, à titre d’exemple, l’interdiction posée par l’article 37 du Code de déontologie des architectes de donner en sous-traitance des missions de définition, par des plans et documents écrits, de l’implantation des
bâtiments, de leur composition, de leur organisation et de l’expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs. De même, la profession d’avocat ne peut s’exercer dans le cadre d’une relation de sous-traitance dès lors que la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 impose que les prestations juridiques soient délivrées directement par des professionnels ayant les qualifications requises(149). Un avocat ne peut donc être que titulaire du marché ou co-titulaire dans le cadre d’un groupement.
Fig. 6.2. Les situations exclues du champ de la sous-traitance
6.3 Procédure d’acceptation du sous-traitant
Tous les sous-traitants doivent être déclarés par le titulaire du marché. Cette obligation permet à l’acheteur de s’assurer que la relation de sous-traitance se déroule dans de bonnes conditions pour l’exécution du marché. Elle permet en outre de faire bénéficier le sous-traitant de la procédure de paiement direct.
6.3.1 Déclaration de sous-traitance 6.3.1.1 Obligation de déclarer la sous-traitance Si la sous-traitance est un droit pour le titulaire d’un marché, celui-ci a en contrepartie une obligation de déclarer tous les sous-traitants qui interviennent dans l’exécution des prestations. Il s’agit d’une obligation légale impérative(150). Cette obligation est également de nature contractuelle puisque tous les CCAG prévoient des stipulations pour régir sur les plans administratif et financier les rapports entre les trois acteurs(151). Ils prévoient, par ailleurs, que le non-respect de cette obligation de déclaration peut conduire à la résiliation du marché pour faute du titulaire(152). Sans déclaration par le titulaire, il est impossible pour l’acheteur, de son propre chef, d’accepter le sous-traitant et d’agréer les conditions de paiement(153). Une décision isolée, qui mériterait d’être confirmée, a toutefois suggéré que le sous-traitant puisse lui-même solliciter l’acheteur pour obtenir son agrément(154). Exemple En l’absence de demande du titulaire, l’acheteur n’a pas le pouvoir de prononcer l’acceptation du sous-traitant : CAA Paris, 1er décembre 2005, Société des services pétroliers Schlumberger, req. n° 01PA01691 « Qu’aucune disposition tant de la loi susvisée du 31 décembre 1975 que du code des marchés publics ne confère au maître de l’ouvrage, pour pallier les carences de son co-contractant, le pouvoir de prononcer l’acceptation du sous-traitant en l’absence d’une demande émanant de l’entrepreneur principal ».
L’acheteur l’exécution déclaration travaux, il 1975(155).
qui a connaissance de l’intervention d’un sous-traitant dans du marché doit mettre en demeure le titulaire de procéder à la imposée par la loi. Pour l’exécution des marchés publics de s’agit d’une obligation prévue par la loi du 31 décembre
Il est jugé de manière constante que l’acheteur qui ne sollicite pas la régularisation du sous-traitant intervenant sur un chantier, et dont il a manifestement connaissance, commet une faute pouvant conduire à l’indemnisation du sous-traitant(156). Dans ce cas, la preuve de la faute de l’acheteur doit être apportée par le sous-traitant. 6.3.1.2 Contenu de la déclaration Le titulaire remet à l’acheteur un acte spécial qui est constitué de plusieurs documents et renseignements listés dans la partie réglementaire du Code de la commande publique(157). Recommandation Utiliser le formulaire DC4 pour déclarer les sous-traitants Le formulaire DC4 intègre un modèle de déclaration rédigé par la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des Finances et intitulé « Déclaration du sous-traitant ». Il peut servir utilement d’acte spécial pour déclarer le sous-traitant. L’avantage de ce formulaire est qu’il est tenu régulièrement à jour par les services du ministère. Il comporte en outre toutes les mentions et tous les renseignements nécessaires à la déclaration.
L’acte spécial de déclaration est remis contre récépissé ou envoyé par courrier recommandé avec accusé de réception. Le titulaire doit donner une date certaine à la déclaration pour que le délai d’acceptation tacite puisse courir. En effet, l’acceptation du sous-traitant et l’agrément des conditions de paiement sont acquis tacitement si l’acheteur est resté silencieux pendant un délai de 21 jours à compter de la réception de la déclaration(158). Cette acceptation tacite suppose néanmoins que la déclaration de sous-traitance soit complète. Les renseignements et documents qui doivent constituer la déclaration sont les suivants :
- la nature des prestations sous-traitées ; - le lieu d’exécution des prestations (pour les marchés publics de défense ou de sécurité uniquement) ; - le nom, la raison ou la dénomination sociale et l’adresse du sous-traitant proposé ; - le montant maximum des sommes à verser par paiement direct au soustraitant ; - les conditions de paiement prévues par le projet de contrat de soustraitance et, le cas échéant, les modalités de variation des prix ; - les capacités techniques, professionnelles et financières du sous-traitant ; - une déclaration du sous-traitant indiquant qu’il n’est pas placé dans un cas d’exclusion prévu par le Code de la commande publique(159) ; - l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité ou une attestation ou une main levée du bénéficiaire de la cession ou du nantissement de créance (voir chapitre 12). Il n’est pas exigé que le sous-traitant fournisse les pièces fiscales et sociales qui sont demandées au titulaire en application du Code du travail (voir chapitre 8). En effet, le sous-traitant n’est pas lié par contrat à l’acheteur, ce n’est pas ce dernier qui le fait travailler. En principe, l’obligation de contrôle incombe au titulaire du marché qui a conclu le contrat de sous-traitance.
6.3.2 Acceptation ou le rejet du soustraitant 6.3.2.1 Contrôle de l’exemplaire unique ou du certificat de cessibilité Lorsque la sous-traitance est déclarée en cours d’exécution du marché, l’acceptation du sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement ne peuvent avoir lieu si le titulaire n’a pas préalablement restitué l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité que lui a remis l’acheteur(160) (voir chapitre 12). Si l’un de ces documents a été délivré au titulaire du marché avant la déclaration de sous-traitance, pour une cession ou un nantissement de la créance contractuelle, il est important pour l’acheteur de pouvoir le modifier
afin d’y mentionner l’existence d’une sous-traitance bénéficiant du paiement direct. Cette modification devra aussi avoir lieu en cas de modification en cours d’exécution de la répartition des prestations entre le titulaire et le soustraitant(161). En effet, l’acheteur peut se trouver dans l’obligation de payer deux fois la même somme, si le sous-traitant a déjà été payé et qu’un établissement bancaire vient, dans un second temps, faire valoir sa créance sur la totalité du marché(162). Le paiement direct du sous-traitant n’est donc pas opposable au bénéficiaire de l’exemplaire unique. À l’inverse, le Code de la commande publique prévoit dans plusieurs de ses dispositions que la cession ou le nantissement de la créance du marché fait obstacle au paiement direct. Il s’en infère donc que la créance du bénéficiaire de l’exemplaire unique peut être opposable au sous-traitant pour lui refuser le paiement des prestations réalisées, même si l’acheteur a décidé expressément de l’accepter et que le sous-traitant a réalisé des prestations en pensant sincèrement bénéficier du paiement direct(163). Important L’acheteur doit être particulièrement vigilant au moment de la déclaration de soustraitance La modification de l’exemplaire unique ou du certificat de cessibilité consiste à prendre en compte les sommes auxquelles le sous-traitant pourra prétendre au titre de son droit au paiement direct. Il s’agit donc de retrancher à la créance totale du marché les sommes correspondantes aux prestations sous-traitées et inscrites dans l’acte spécial. Le titulaire du marché peut, au moment de la remise de la déclaration de sous-traitance, remettre une attestation ou une main levée du bénéficiaire de la cession ou du nantissement de créance attestant que cette cession ou ce nantissement ne fait pas obstacle à l’acceptation du sous-traitant. Ce document doit faire référence au montant des sommes inscrites dans l’acte spécial. Le comptable public doit alerter l’ordonnateur de l’incohérence qu’il pourrait constater dans les différentes pièces justificatives qui lui seront transmises (voir chapitre 21). En présence d’une incohérence, il ne doit pas procéder au paiement.
6.3.2.2 Acceptation et l’agrément des conditions de paiement En principe, il s’agit de deux formalités bien distinctes qui sont néanmoins réalisées de manière simultanée. Il existe des situations dans lesquelles le
sous-traitant est accepté, mais les conditions de paiement ne sont pas agréées, ce qui ne permet pas de valider la sous-traitance(164). Les informations fournies dans la déclaration doivent permettre à l’acheteur d’apprécier l’importance de la sous-traitance, mais aussi la capacité du soustraitant à réaliser les prestations qui lui seront confiées. Si le sous-traitant présente toutes les garanties pour réaliser ces prestations, il sera accepté par l’acheteur. Le contrôle doit concerner également les conditions de paiement et les modalités de variation des prix prévues au contrat de sous-traitance. L’acheteur a en effet la responsabilité de vérifier que le sous-traitant n’est pas victime d’une relation financière déséquilibrée à l’avantage du titulaire. Une relation déséquilibrée pourrait s’avérer néfaste à la bonne exécution du marché. Le plus souvent, la déclaration de sous-traitance indique que les conditions de paiement et les modalités de variation des prix sont identiques à celles stipulées au marché du titulaire. Si l’acheteur est d’accord avec les conditions de paiement, il les agréera. L’agrément des conditions de paiement porte également sur la vérification qu’il n’existe pas d’obstacle au paiement direct du sous-traitant. Pour cela, l’acheteur doit vérifier qu’il n’existe pas de cession ou de nantissement du marché en cours. De même, le contrôle de l’offre anormalement basse du sous-traitant fait aujourd’hui partie des vérifications réalisées au titre de l’agrément des conditions financières de la sous-traitance(165). Recommandation Demander et contrôler le sous-traité Pour bien contrôler les conditions de paiement de la sous-traitance, il est conseillé de vérifier le bon équilibre des relations titulaire/sous-traitant en demandant le contrat de sous-traitance. Les CCAG prévoient que le titulaire doit transmettre ce document dans un délai de 15 jours sous peine de se voir appliquer une pénalité de retard(166). La responsabilité de l’acheteur peut se trouver engagée s’il n’a pas fait les vérifications suffisantes pour s’assurer des conditions de paiement prévues dans le contrat de sous-traitance(167).
6.3.2.3 Signature de l’acte spécial de sous-traitance
Si le sous-traitant est accepté et ses conditions de paiement agréées, l’acheteur et le titulaire signent un document appelé acte spécial de soustraitance. Il récapitule tous les renseignements relatifs au sous-traitant qui figurent dans la déclaration. Si le formulaire DC4 a été utilisé pour la déclaration, il servira aussi d’acte spécial une fois signé. L’acte spécial n’a pas à être signé par le sous-traitant. Aucune disposition du Code de la commande publique ne l’impose et cela est logique puisqu’il n’est pas censé avoir de lien contractuel avec l’acheteur. Si certains formulaires types, comme le DC4 par exemple, font apparaître la signature du sous-traitant, c’est simplement parce qu’ils servent également de déclaration sur l’honneur du sous-traitant indiquant qu’il ne tombe pas sous le coup d’un cas d’exclusion des marchés publics. Un acte spécial signé par le titulaire, l’acheteur et le sous-traitant ne crée pas plus d’obligations que celles prévues par les textes régissant la sous-traitance. Une fois signé, l’acte spécial est notifié au titulaire par l’acheteur. De plus, les CCAG imposent qu’une copie soit transmise au sous-traitant luimême(168). Aucune prestation réalisée avant la notification de l’acte spécial au titulaire ne pourra, en principe, être payée par le comptable. Dans le cas d’une acceptation tacite, obtenue au terme du délai de 21 jours à compter de la date du dépôt de la déclaration, aucun acte spécial ne sera signé. Le titulaire devra pouvoir prouver que cette acceptation est intervenue et à quelle date elle est intervenue. En l’absence d’acte spécial, le paiement direct du sous-traitant pourra être réalisé après la production par l’acheteur au comptable public d’un certificat administratif (voir chapitre 21) indiquant la date d’acceptation tacite du sous-traitant et accompagné des documents de la déclaration(169). 6.3.2.4 Rejet du sous-traitant Le recours à la sous-traitance en cours d’exécution du marché étant soumis à une procédure obligatoire de déclaration, d’acceptation et d’agrément, il est possible qu’elle aboutisse à un rejet de la part de l’acheteur. La sous-traitance est naturellement refusée si la déclaration n’est pas complète, si le sous-traitant entre dans un cas d’exclusion des marchés publics, si l’exemplaire unique n’est pas restitué ou encore si l’interdiction
de sous-traiter des tâches essentielles du marché n’est pas respectée. En effet, dans ces différents cas, la sous-traitance ne respecte pas les prescriptions du Code de la commande publique et elle ne peut donc être valablement acceptée. Mais l’acheteur peut aussi rejeter le sous-traitant si celui-ci ne présente pas les garanties suffisantes pour assurer une bonne exécution des prestations. Pour les marchés publics de défense ou de sécurité, le Code de la commande publique prévoit expressément ce motif de rejet(170). Celui-ci doit avoir été précisé lors de la procédure de passation du marché(171). Pour tous les autres marchés, bien que le Code de la commande publique ne le prévoie pas aussi explicitement, rien n’empêche de motiver un rejet sur l’insuffisance des garanties, sans que cela ait été précisé au cours de la procédure de passation. Pour les marchés publics autres que ceux de défense ou de sécurité, il existe en outre un cas de rejet supplémentaire tenant au caractère anormalement bas du montant des prestations sous-traitées(172). Si l’acheteur identifie un écart anormal entre la valeur des prestations prévues au marché et le montant figurant dans l’acte spécial, il doit alors interroger le titulaire pour obtenir des explications(173). Si elles ne sont pas convaincantes, le sous-traitant sera rejeté. Le rejet doit être formalisé par écrit par l’acheteur(174) dans un délai de 21 jours ; passé ce délai, la déclaration de sous-traitance est réputée avoir été acceptée(175). Il est conseillé également à l’acheteur de motiver la décision de rejet. Pour les marchés de défense ou de sécurité, cette motivation est une obligation formellement prévue au Code de la commande publique(176). En l’absence de motivations sérieuses, la responsabilité de l’acheteur est susceptible d’être recherchée. L’impossibilité de recourir à un sous-traitant peut en effet causer un préjudice au titulaire ou générer des retards qui peuvent donner lieu à des pénalités qu’il cherchera à faire supporter à l’acheteur. À noter que le refus d’agrément du sous-traitant est une simple mesure d’exécution du marché qui n’a ni pour objet ni pour effet de mettre fin aux relations contractuelles. Le titulaire ne peut par conséquent en demander au juge la suspension ou l’annulation(177).
Fig. 6.3. Le processus de traitement de la déclaration de sous-traitance.
6.3.2.5 Modification de la sous-traitance en cours d’exécution Une sous-traitance régulièrement déclarée et acceptée peut tout à fait être modifiée en cours d’exécution, soit que le montant des prestations confiées au sous-traitant augmente, soit qu’il baisse. Les conditions de cette modification ont été récemment encadrées par le juge administratif(178). Pour cela, il est nécessaire que le contrat de sous-traitance entre l’entrepreneur principal et le sous-traitant soit modifié puis que l’acte spécial conclu entre l’acheteur et l’entreprise principale fasse l’objet d’un ajustement. Une modification des volumes de prestations sous-traitées dans le seul acte spécial ne sera pas suffisante. En d’autres termes, la modification de la sous-traitance en cours d’exécution n’est envisageable qu’à condition que le sous-traitant l’ait accepté préalablement. Exemple Pour modifier l’acte spécial de sous-traitance, le contrat de sous-traitance doit avoir été préalablement modifié : CE 27 janvier 2017, Société Baudin Châteauneuf Dervaux, req. n° 397311 « 3. Considérant qu’il résulte des dispositions combinées de l’article 6 de la loi du 31 décembre 1975 et de l’article 114 du code des marchés publics qu’en l’absence de modification des stipulations du contrat de sous-traitance relatives au volume des prestations du marché dont le sous-traitant assure l’exécution ou à leur montant, le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur principal ne peuvent, par un acte spécial modificatif, réduire le droit au paiement direct du soustraitant dans le but de tenir compte des conditions dans lesquelles les prestations sous-traitées ont été exécutées ; ». Si la modification de la sous-traitance est acceptée par tout le monde, il sera ensuite indispensable de vérifier, à nouveau, si une cession ou un nantissement de créance n’y fait pas obstacle(179). Un nouvel acte spécial sera conclu et, le cas échéant, l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité sera modifié. En cas d’augmentation ou de diminution des montants de prestations sous-traitées, l’acheteur doit présenter au comptable public tout document écrit permettant de justifier la nouvelle répartition des prestations entre le titulaire et son sous-traitant et, le cas échéant, entre les différents soustraitants(180). La signature d’un acte spécial modificatif est vivement conseillée pour éviter toute difficulté avec le comptable.
Recommandation Que faire en cas de non-recours à un sous-traitant déclaré ? Il peut arriver dans la vie d’un marché que le titulaire soit finalement amené à ne pas recourir à un sous-traitant dont il aura préalablement obtenu l’agrément (partie relevant du sous-traitant non commandée par l’acheteur, désaccord avec le titulaire, prestations pouvant finalement être réalisées par le titulaire…). Dans un tel cas, il est fortement recommandé de traiter la « sortie » du sous-traitant dès que possible. Cela permettra à tous les acteurs de l’exécution de prendre acte de cette décision et d’agir en conséquence. Cette sortie impliquera la récupération de l’exemplaire unique, le cas échéant, ainsi que la transmission au payeur de la décision de ne plus recourir au sous-traitant au moyen d’un DC4 modificatif réduit à 0 € éventuellement. Attention cependant à bien s’assurer en amont que le sous-traitant accepte la non-exécution de son contrat de sous-traitance !
6.3.2.6 Sous-traitance dans les marchés reconductibles En principe, la sous-traitance ne peut être déclarée et acceptée que pour la période initiale du marché, hors période de reconduction. À chaque reconduction du marché, de nouvelles déclarations seront nécessaires et de nouveaux actes de sous-traitance seront signés. Important L’acte spécial dans les marchés reconductibles Il arrive que le titulaire du marché et l’acheteur signent un acte spécial pour la durée totale du marché, périodes de reconductions comprises. En pratique, cela ne semble pas poser de difficultés, notamment en matière d’exécution financière. Si le marché n’est pas reconduit, l’acte spécial prendra fin automatiquement. Cette pratique n’est toutefois pas d’une grande rigueur.
6.4
Paiement direct du sous-traitant
Malgré l’absence de contrat l’unissant à l’acheteur, le sous-traitant, qui a été régulièrement accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées, bénéficie d’un droit au paiement direct pour les prestations décrites au marché qu’il exécute lui-même(181).
Ce droit lui est ouvert dès lors que le montant des prestations sous-traitées est égal ou supérieur au seuil de 600 € TTC(182). Pour la sous-traitance des marchés conclus par les services de la Défense, c’est-à-dire par le ministère des Armées, le seuil peut être différent(183) (voir ci-dessous). Le sous-traitant ne peut pas renoncer dans le contrat de sous-traitance à ce droit, une telle clause étant réputée sans effet(184). En dessous de ce seuil, le sous-traitant bénéficie de l’action directe à l’encontre de l’acheteur(185).
Fig. 6.4. L’exécution financière du marché en présence d’un sous-traitant Important La spécificité des marchés publics conclus par les services de la défense Pour les marchés conclus par les services de la Défense, le seuil de prestations sous-traitées ouvrant droit au paiement direct est différent selon la nature du marché. Le ministère des Armées peut conclure des marchés ayant un objet classique et des marchés de défense ou de sécurité. Dans les deux cas, les marchés du ministère connaissent des règles particulières pour la soustraitance. Pour les marchés classiques du ministère des Armées, le paiement direct est ouvert si le montant du contrat de sous-traitance est égal ou supérieur à 10 % du montant total du marché. Pour les marchés de défense ou de sécurité de ce ministère(186), le paiement direct est ouvert lorsque le montant du contrat de sous-traitance est égal ou supérieur : - à 10 % du montant total du marché public lorsque le sous-traitant est une petite ou une moyenne entreprise ou un artisan au sens de l’article R. 2351-12 du Code de la commande publique ; - à 50 % du montant total du marché public lorsque le sous-traitant est une entreprise liée au titulaire ; - à 20 % du montant total du marché public dans les autres cas.
6.4.1 Droit au versement d’une avance Le sous-traitant peut bénéficier du versement d’une avance à la double condition qu’il bénéficie du paiement direct et que le marché permette le versement d’une avance au titulaire (voir chapitre 11).
6.4.2 Procédure de paiement direct Le titulaire du marché joue naturellement un rôle central dans la procédure de paiement direct. Le sous-traitant doit notifier sa demande de paiement au titulaire du marché contre récépissé ou par courrier recommandé avec accusé de réception(187). Cette notification est une formalité obligatoire dont le non-respect prive le sous-traitant d’exercer son droit au paiement direct envers l’acheteur(188). Aucun délai n’est fixé par les textes pour la transmission de la demande de paiement. Il est logique qu’une fois les prestations réalisées, cette demande de paiement soit transmise sans tarder par le sous-traitant. Cependant, pour les marchés de travaux, le Conseil d’État considère que la demande doit être adressée au titulaire et au maître d’ouvrage en temps utile(189). Selon la Haute juridiction : « une demande adressée avant l’établissement du décompte général et définitif du marché doit être regardée comme effectuée en temps utile ». Recommandation Transmettre la demande de paiement sans tarder après la réalisation des prestations Après réalisation de ses prestations, le sous-traitant a tout intérêt à transmettre au plus vite ses demandes de paiement. Dans les marchés de travaux, cela permet au maître d’ouvrage de les prendre en compte au fur et à mesure de l’exécution financière du marché en évitant l’accumulation des demandes au moment de l’établissement du décompte général et définitif. Pour les marchés de services ou de fournitures, cela permet au sous-traitant de ne pas se trouver pris au piège par une situation de paiement partiel définitif (voir chapitre 14) ou d’un paiement par bons de commande qui produit les mêmes effets.
À partir de la réception de la demande de paiement, le titulaire dispose d’un délai de 15 jours pour l’accepter ou la refuser. Dans ce délai, il doit informer le sous-traitant et l’acheteur de sa décision(190). Un refus doit toujours être motivé. Par ailleurs, il semble possible pour le titulaire d’accepter une partie seulement de la demande de paiement. Il est toujours loisible à l’acheteur de contrôler le contenu de la demande de paiement qui lui est transmise. Ce contrôle a pour objet de vérifier si les prestations réalisées sont bien parmi celles prévues au marché et si elles respectent les prix stipulés(191). L’acheteur peut également vérifier l’exécution effective des prestations sous-traitées afin de s’assurer que la créance du sous-traitant est certaine, c’est-à-dire qu’elle correspond à des prestations effectivement réalisées(192). Ce contrôle peut également porter sur la conformité des prestations réalisées par le sous-traitant. Le non-respect du cahier des charges peut ainsi justifier le refus de paiement direct pour des travaux pourtant réalisés dans les règles de l’art(193). Exemple Le contrôle de l’acheteur sur la conformité des travaux réalisés par le sous-traitant : CE 9 juin 2017, Société Keller Fondations spéciales, req. n° 396358. « 3. Considérant que, dans l’hypothèse d’une rémunération directe du sous-traitant par le maître d’ouvrage, ce dernier peut contrôler l’exécution effective des travaux sous-traités et le montant de la créance du sous-traitant ; qu’en jugeant que le maître d’ouvrage pouvait, au titre de ce contrôle, s’assurer que la consistance des travaux réalisés par le sous-traitant correspondait à ce qui était prévu par le marché, la cour administrative d’appel de Paris n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’elle n’a pas davantage commis d’erreur de droit en jugeant qu’alors même que les travaux réalisés par la société KFS auraient été conformes aux règles de l’art, la commune était fondée à refuser de procéder au paiement direct de la somme sollicitée par cette société, dès lors qu’il ressortait des éléments qu’elle avait souverainement relevés, sans dénaturation, que la consistance des travaux de fondation réalisés par la société KFS ne correspondait pas à ce que prévoyait le marché ; »
En revanche, ce contrôle ne saurait le conduire à appliquer une réfaction pour malfaçons sur la demande de paiement du sous-traitant(194) ou à lui infliger les pénalités contractuelles de retard(195). L’acheteur n’est lié par contrat qu’avec l’entreprise principale, c’est exclusivement à celle-ci de supporter les conséquences financières d’une mauvaise exécution de son sous-traitant(196).
Après la transmission au titulaire, le sous-traitant remet sa demande de paiement à l’acheteur accompagnée de la preuve de la date de réception par le titulaire ou de la preuve que l’envoi postal n’a pas été réceptionné ou a été refusé. Cette formalité ne doit pas être négligée par le sous-traitant, car c’est la seule qui lui permet d’empêcher l’acheteur de payer la totalité de la créance au titulaire du marché(197). En effet, si l’acheteur est dans l’ignorance des demandes de paiement du sous-traitant, il peut se trouver dans la position de payer l’intégralité de la créance au titulaire. L’acheteur adresse alors une copie des factures du sous-traitant au titulaire. Ce dernier est donc informé que l’acheteur connaît le point de départ du délai de 15 jours et qu’il attend sa proposition sur la demande du soustraitant. Recommandation L’acheteur doit être vigilant sur le décompte du délai de 15 jours Il est recommandé à l’acheteur d’être vigilant sur le décompte du délai de 15 jours, car lorsque ce délai expire c’est le délai de paiement du sous-traitant qui commence à courir (voir chapitre 22).
Passé le délai de 15 jours, l’entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu’il n’a pas expressément refusées(198). L’acheteur procède alors au paiement du sous-traitant et en informe le titulaire du marché. Le refus du titulaire qui intervient après l’expiration de ce délai n’est pas considéré comme étant régulier ; l’acheteur ne peut pas se fonder sur lui pour refuser de procéder au paiement direct du sous-traitant(199).
Fig. 6.5. La procédure de paiement direct
6.4.3 Paiement des prestations supplémentaires Le sous-traitant admis au paiement direct a le droit d’obtenir le paiement des travaux supplémentaires réalisés en raison des sujétions techniques imprévues ainsi que des travaux indispensables à la bonne exécution du marché dans les règles de l’art (voir chapitre 19)(200). Les sujétions techniques imprévues sont indemnisables si elles ont conduit à bouleverser l’économie générale du marché. Pour le sous-traitant, comme pour l’entreprise principale, ce bouleversement est apprécié par rapport au montant global du marché et non pas par rapport aux seules prestations soustraitées(201).
Exemple Le droit au paiement des prestations supplémentaires : CE 3 mars 2010, Société Presspali, req. n° 304604 « Considérant, en premier lieu, que le sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit à ce paiement direct pour les travaux supplémentaires qu’il a exécutés et qui ont été indispensables à la réalisation de l’ouvrage, ainsi que pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l’économie générale du marché, dans les mêmes conditions que pour les travaux dont la sous-traitance a été expressément mentionnée dans le marché ou dans l’acte spécial signé par l’entrepreneur principal et par le maître de l’ouvrage ».
6.4.4 Paiement des travaux éligibles à l’auto-liquidation de la TVA 6.4.4.1 Champ d’application de l’auto-liquidation La loi de finances du 29 décembre 2013(202) a instauré un dispositif imposant, pour certains travaux réalisés par les sous-traitants, un mécanisme d’auto-liquidation de la TVA. Il est prévu au 2 nonies de l’article 283 du Code général des impôts. Ce dispositif qui complexifie sensiblement les opérations de paiement des marchés de travaux vise à renforcer la lutte contre la fraude fiscale et les pratiques anticoncurrentielles dans le secteur du bâtiment. Sont éligibles, les contrats de sous-traitance signés après le 1er janvier 2014 qui portent sur les domaines suivants : - travaux de bâtiment exécutés des divers corps de métiers participant à la construction ou la rénovation des immeubles ; - travaux publics et ouvrages de génie civil ; - travaux d’équipement des immeubles ; - travaux de réparation ou de réfection ; - les travaux de nettoyage accessoires des travaux mentionnés ci-dessus s’ils sont intégrés dans le même contrat de sous-traitance. Sont exclues de ce dispositif les prestations intellectuelles en lien avec les travaux ainsi que les locations de matériels ou d’engins.
6.4.4.2 Mécanisme de l’auto-liquidation La demande de paiement par le sous-traitant est réalisée hors taxes en indiquant que la TVA est due par le donneur d’ordre assujetti (le titulaire du marché) et porte la mention « auto-liquidation ». Si, par exemple, un sous-traitant facture 20 000 € HT, le montant de TVA correspondant sera versé à l’entrepreneur principal qui fera apparaître cette somme dans son décompte général. L’acheteur procède donc au paiement HT de la prestation au sous-traitant. De son côté, le titulaire du marché auto-liquide l’opération et la déclaration de son chiffre d’affaires intégrera les montants hors taxes de prestations auto liquidées(203).
6.5 Action directe du sous-traitant ne bénéficiant pas du paiement direct L’action directe est réservée aux sous-traitants dont les prestations ne dépassent pas le seuil de 600 € TTC ou les seuils spécifiques pour les marchés passés par les services de la défense. Il doit être rappelé que même en dessous de ces seuils, les sous-traitants intervenant pour l’exécution d’un marché doivent être déclarés à l’acheteur en vue de leur acceptation et de l’agrément de leurs conditions de paiement. L’action directe et le paiement direct sont deux mécanismes de paiement exclusifs l’un de l’autre(204). Autrement dit, le sous-traitant n’a pas le choix, il est dans l’une ou l’autre des situations. L’action directe n’est pas codifiée dans le Code de la commande publique, il faut se rapporter au Titre III de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance pour en connaître le procédé. Elle consiste pour le sous-traitant à se tourner vers le maître de l’ouvrage pour obtenir le paiement que le titulaire du marché ne lui accorde pas. Un mois après avoir mis en demeure le titulaire du marché, le silence de celui-ci
autorise le sous-traitant à transmettre sa demande au maître de l’ouvrage qui devra alors régler le montant des prestations effectivement sous-traitées. Le règlement intervient alors dans la limite de ce que le maître de l’ouvrage doit encore au titulaire du marché à la date à laquelle lui est notifiée la copie de la mise en demeure. L’action directe bénéficie en outre d’une garantie puisque le titulaire du marché doit produire au sous-traitant une caution personnelle et solidaire ou une délégation de paiement de l’acheteur si ce dernier y consent. Cette garantie est obligatoire, sous peine de nullité du contrat de soustraitance(205). L’acheteur a par ailleurs l’obligation, s’il ne souhaite pas donner de délégation de paiement, de se faire produire la caution personnelle et solidaire du titulaire du marché(206).
6.6 Sous-traitant indirect ou de second rang Le sous-traitant a le droit de sous-traiter lui-même une partie des prestations qui lui ont été confiées. Dans ce cas, le sous-traitant direct de premier rang a, à l’égard de son sous-traitant, la qualité d’entrepreneur principal(207). Le CCAG-Travaux prévoit différentes stipulations pour régir la situation du sous-traitant indirect(208). Il doit le déclarer à l’acheteur afin d’obtenir son acceptation et l’agrément des conditions de paiement. Cette déclaration contient les mêmes informations que celle qui est réalisée par le titulaire du marché pour son sous-traitant direct(209). Les autres CCAG ne prévoient pas de stipulations identiques, mais cela n’empêche pas le sous-traitant de premier rang d’y recourir. L’acceptation et l’agrément du sous-traitant de second rang ne se traduisent pas par la conclusion d’un acte spécial entre l’acheteur et le sous-traitant de premier rang. Aucun texte ne précise la forme de cette acceptation, ni même le délai dans lequel elle doit intervenir. Il y a donc lieu d’envisager qu’un courrier du pouvoir adjudicateur peut suffire. Le sous-traitant de second rang n’a pas droit au paiement direct, mais il bénéficie, par deux procédés différents, de la garantie d’obtenir le paiement
des prestations qu’il réalise(210). En effet, le sous-traitant de premier rang doit lui donner une caution personnelle et solidaire, obtenue auprès d’un établissement financier agréé, pour lui garantir le paiement des prestations. Le sous-traitant de premier rang peut aussi solliciter l’acheteur pour mettre en œuvre le mécanisme de la délégation de paiement(211). Ce mécanisme permet de déléguer l’acheteur, c’est-à-dire que ce dernier s’engage à payer directement le sous-traitant de second rang pour les prestations qu’il réalise dans le cadre du marché. Une convention de délégation de paiement doit être signée entre le sous-traitant de premier rang, le sous-traitant de second rang et l’acheteur. Le sous-traitant de second rang ne peut en principe commencer à exécuter ses prestations qu’à la condition que l’information sur la constitution de la caution solidaire ait été transmise à l’acheteur ou que la délégation de paiement ait été constituée(212). Pour les marchés de travaux, repose sur l’acheteur maître d’ouvrage l’obligation de vérifier que le sous-traitant de second rang dispose bien de l’un des deux moyens de paiement prévus par les textes(213). L’acheteur engage sa responsabilité extracontractuelle s’il ne procède pas à cette vérification et s’il ne met pas en demeure le sous-traitant de premier rang de lui produire les documents attestant d’une délégation de paiement ou d’une caution. Il peut être condamné à réparer lui-même le préjudice subi par le sous-traitant de second rang qui n’a pas obtenu le paiement de ses travaux par le sous-traitant de premier rang(214). (118) L’instruction de la Direction générale des finances publiques n° 12012-M0 du 30 mai 2012 (NOR : BUDZ1200030J) propose une analyse complète de la sous-traitance. (119) L. n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance. (120) Voir Règlement n° 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016. (121) L. n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (mod. par L. n° 2018-493, 20 juin 2018, relative à la protection des données personnelles).
(122) CCP, art. L. 2193-2, reprenant la définition de l’article 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, relative à la sous-traitance. (123) CCP, art. L. 2393-1. (124) CCP, art. L. 2393-10. (125) CCP, art. L. 2193-3 et L. 2393-7. (126) CCP, art. L. 2193-3 et L. 2393-5 ; CE 6 mars 1987, OPHLM Châtillon-sous-Bagneux, req. n° 37731 ; CAA Paris, 4 mai 2015, Commune d’Ivry-sur-Seine, req. n° 14PA00404. (127) CE 17 décembre 1999, Société d’Aménagement de Lot-et-Garonne, req. n° 177806. (128) CE 7 décembre 2015, Commune de Bihorel, req. n° 380419. (129) CAA Douai, 10 juillet 2012, Agglomération de la Région de Compiègne, req. n° 10DA01134. (130) CE 26 novembre 2007, Société Les Travaux du midi, req. n° 266423. (131) Article 3.6.1.2 du CCAG-Travaux ; article 3.6.2 des CCAG-FCS, MI, PI, TIC, MOE. (132) CCP, art. L. 2193-3 et L. 2393-7. (133) CCP, art. L. 2193-8 et L. 2193-9. (134) CCP, art. L. 2193-2 et L. 2393-7. (135) CJCE, 18 mars 2004, Siemens AG Ostereich, aff. C-314/01 ; CJUE, 14 juillet 2016, Wroclaw-Miasto Na Prawach Powiatu, aff. C-406/14 ; CJUE, 5 avril 2017, Borta UAB, aff. C-298/15 ; pour une limitation contractuelle de la sous-traitance voir aussi CAA Marseille, 25 juin 2007, Société de transport Galliero, req. n° 03MA00359. (136) CCP, art. L. 2193-3 et L. 2393-7.
(137) P. Devillers, « L’exécution des marchés publics dans la nouvelle ordonnance : la sous-traitance mieux encadrée », Contrats et Marchés publics, 2015, étude 1. (138) DAJ, fiche technique « La sous-traitance », 1er avril 2019. (139) L’article 1582 du Code civil définit la vente de la manière suivante : « La vente est une convention par laquelle l’un s’oblige à livrer une chose, et l’autre à la payer ». (140) L’article 1710 du Code civil définit le louage d’ouvrage de la manière suivante : « Le louage d’ouvrage est un contrat par lequel l’une des parties s’engage à faire quelque chose pour l’autre, moyennant un prix convenu entre elles ». (141) CCP, art. L. 2193-1 et L. 2393-1. (142) CCP, art. L. 1111-3 : « Un marché de fournitures a pour objet l’achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de produits. Il peut comprendre, à titre accessoire, des travaux de pose et d’installation ». (143) CAA Douai, 29 octobre 2009, Société Altead Abram, req. n° 08DA02024. (144) CCP, art R. 2393-41 à R. 2393-44. (145) CE 3 juin 2005, Société Jacqmin, req. n° 275061. (146) TC 15 novembre 1999, Préfet de la Côte-d’Or, n° 03171. (147) CE avis, 9 juillet 1996, n° 359055. (148) Cass. com., 11 juillet 1983, Société Jardin, n° 81-16.900. (149) CAA Lyon, 18 juin 2015, Communauté de communes Val Vanoise Tarentaise, req. n° 14LY02786. (150) CCP, art. L. 2193-4 et L. 2393-13.
(151) Article 3.6 des CCAG-FCS, PI, MI, TIC, Travaux, MOE. (152) Article 41.1 du CCAG-FCS ; article 39.1 du CCAG-PI ; article 50.3.1 du CCAG-Travaux ; article 50.1 du CCAG-TIC ; article 44.1 du CCAG-MI ; article 30.1 du CCAG-MOE. (153) CE 3 avril 1991, Syndicat intercommunal d’assainissement du plateau d’Autrans Meaudre, req. n° 90552 ; CAA Paris, 1er décembre 2005, Société des services pétroliers Schlumberger, req. n° 01PA01691. (154) CE 1er octobre 1990, SARL Multipose, req. n° 81287. (155) L’article 14-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 s’applique à tous les cas de sous-traitance, et non pas seulement à celles relevant du titre III concernant l’action directe ; voir sur ce point CE 15 novembre 2012, req. n° 354255. (156) CE 23 avril 1986, Société Hélios Paysages, req. n° 61755 ; CE 15 novembre 2012, req. n° 354255. (157) CCP, art. R. 2193-3 et s. ; R. 2393-27 et s. (158) CCP, art. R. 2193-4 et R. 2393-28. (159) CCP, art. L. 2141-1 à L. 2141-14 ; L. 2341-1 à L. 2341-7. (160) CCP, art. R. 2193-7 et R. 2393-31. (161) CCP, art. R. 2193-8 et R. 2393-32. (162) CE 6 décembre 1999, Ville de Marseille, req. n° 189407 ; CAA Marseille, 4 février 2003, Syndicat intercommunal de distribution d’eau de la Corniche des Maures, req. n° 98MA01050. (163) CE 2 juin 1989, Société PHINELEC, req. n° 67152. (164) CE 13 juin 1986, OPHLM Pas-de-Calais, req. n° 56350. (165) CCP, art. L. 2193-8 et L. 2193-9.
(166) Article 3.6.3 des CCAG-FCS, MI, PI, MOE, TIC ; article 3.6.1.5 du CCAG-Travaux. (167) CE 13 juin 1986, OPHLM Pas-de-Calais, req. n° 56350. (168) Article 3.6.1.2 du CCAG-Travaux ; article 3.6.2 des CCAG-FCS, MI, PI, TIC, MOE. (169) Point 415 de l’annexe I du Code général des collectivités territoriales relative aux pièces justificatives à fournir au comptable public ; point 4.1.6 de l’arrêté du 5 mai 2021 portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’État (NOR : CCPE2114262A). (170) CCP, art. L. 2393-8. (171) CCP, art. R. 2393-21 et R. 2393-24. (172) CCP, art. L. 2193-8, L. 2193-9 et R. 2193-9. (173) CCP, art. R. 2152-3 à R. 2152-5. (174) Pour les marchés de défense ou de sécurité, voir CCP, art. R. 2393-22. (175) CCP, art. R. 2193-4 et R. 2393-28. (176) CCP, art. R. 2393-22. (177) CE 4 décembre 2002, Société Eurovia, req. n° 244134 ; CE 25 octobre 2013, Région Languedoc-Roussillon, req. n° 369806. (178) CE 27 janvier 2017, Société Baudin Châteauneuf Dervaux, req. n° 397311 ; CE 27 mars 2017, Société Daufin Construction métallique, req. n° 394664. (179) CCP, art. R. 2193-8 et R. 2393-32. (180) Point 415 de l’annexe I du Code général des collectivités territoriales relative aux pièces justificatives à fournir au comptable public ; point 4.1.6
de l’arrêté du 5 mai 2021 portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’État (NOR : CCPE2114262A). (181) CCP, art. L. 2193-11, L. 2193-12 et L. 2393-14. (182) CCP, art. R. 2193-10 et R. 2393-33. (183) CCP, art. L. 2193-10. (184) CCP, art. L. 2193-11 et L. 2393-11. (185) L. n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, art. 11. (186) Les marchés de défense ou de sécurité sont ceux conclus par l’État ou l’un de ses établissements publics et dont l’objet est défini à l’article L. 1113-1 du CCP. (187) CCP, art. R. 2193-11. (188) CE 19 avril 2017, Département de l’Hérault, req. n° 396174. (189) CE 23 octobre 2017, Société Colas IDFN, req. n° 410235. (190) CCP, art. R. 2193-12. (191) CAA Bordeaux, 9 décembre 2010, Société Dirickx espace protect, req. n° 10BX00725 ; CE 29 juin 2005, Société des Établissements Cabrol Frères, req. n° 265952. (192) CE 27 janvier 2017, Société Baudin Châteauneuf Dervaux, req. n° 397311. (193) CE 9 juin 2017, Société Keller Fondations spéciales, req. n° 396358. (194) CAA Versailles, 28 novembre 2013, Société Elendil, req. n° 11VE00814. (195) CAA Lyon, 2 juin 2001, Société Ascenseurs Sangalli, req. n° 97LY01262.
(196) CE 25 juillet 1975, Lantheaume, req. n° 93342. (197) CAA Versailles, 1er juin 2011, Société JCI, req. n° 09VE01379 ; CAA Lyon, 22 septembre 2011, Hospices civils de Lyon, req. n° 10LY00844. (198) CCP, art. R. 2193-13. (199) CE 21 février 2011, Communauté urbaine de Cherbourg, req. n° 318364 ; CE 3 juin 2005, Société Jacqmin, req. n° 275061. (200) CE 3 mars 2010, Société Presspali, req. n° 304604 ; CE 24 juin 2002, Département de la Seine-Maritime, req. n° 240271. (201) CE 1er juillet 2017, Régie des eaux du canal de Belletrud, req. n° 383613. (202) L. n° 2013-1278 du 29 décembre 2013, art. 25-II. (203) Voir pour le détail de ce mécanisme l’extrait du Bulletin officiel des Finances Publiques-Impôts du 15 mai 2019 (BOI-TVA-DECLA-10-10-2020190515). (204) CE 15 novembre 2012, req. n° 354255 ; CE 17 mars 1982, Société périgourdine d’étanchéité, req. n° 23440. (205) L. n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, art. 14. (206) L. n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, art. 14-1. (207) CCP, art. L. 2193-8. (208) Article 3.6.2 du CCAG-Travaux. (209) Article 3.6.2.3 du CCAG-Travaux. (210) CCP, art. L. 2193-14 et L. 2393-14 ; articles 3.6.2.5 et 3.6.2.6 du CCAG-Travaux.
(211) C. civ., art. 1338. (212) Article 3.6.2.4 du CCAG-Travaux. (213) L. n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, art. 14-1. (214) CAA Paris, 29 décembre 2017, Société OTND, req. n° 16PA02350 ; CAA Bordeaux, 30 octobre 2017, SMEA, req. n° 15BX02695.
Chapitre 7
Cotraitance
Le titulaire du marché peut être un opérateur unique, qui assure seul l’exécution du marché, le cas échéant assisté d’un ou plusieurs sous-traitants, mais il peut aussi être un groupement d’opérateurs économiques qui se sont associés dans le but de mettre en commun leurs capacités pour la réalisation des prestations. La relation contractuelle avec un groupement d’opérateurs, appelée cotraitance, répond à des règles particulières(215).
7.1
Particularités de la cotraitance
7.1.1 Principe La cotraitance est la situation dans laquelle plusieurs opérateurs, qui ont décidé de s’associer, sont en charge de l’exécution d’un même marché. Ils en
sont tous les titulaires et sont donc tous les cocontractants à part entière de l’acheteur (fig. 7.1).
Fig. 7.1. L’articulation de la cotraitance
En principe, les cotraitants sont unis entre eux par une convention constitutive de groupement, qui relève du droit privé et qui est inopposable à l’acheteur. La cotraitance se retrouve souvent dans les marchés de maîtrise d’œuvre, lorsque l’expertise de différentes professions s’avère nécessaire (architecte DPLG, architecte d’intérieur, scénographe, expert audiovisuel, bureau d’études techniques, cuisiniste…). Il n’est pas rare également de la rencontrer dans les marchés de travaux.
7.1.2 Différentes formes de cotraitance L’acheteur ne peut pas interdire la cotraitance, mais il peut en imposer la forme au moment de l’attribution du marché(216). Il peut également imposer que certaines prestations du marché, qualifiées de tâches essentielles, soient exécutées par un membre du groupement en particulier(217). Deux types de groupements sont prévus par le Code de la commande publique. 7.1.2.1 Groupement solidaire Le Code de la commande publique dispose que « Le groupement est solidaire lorsque chacun des opérateurs économiques membre du groupement est engagé financièrement pour la totalité du marché »(218).
Dans ce cas, en principe, le montant du marché n’a pas à être détaillé pour chaque membre du groupement ; chacun est engagé pour la réalisation de toutes les prestations. En fonction des caractéristiques du marché, il peut néanmoins être envisagé de faire apparaître la répartition des sommes dues à chaque membre du groupement au sein de l’acte d’engagement. Cela peut faciliter la répartition des paiements, mais ne doit pas remettre en cause le principe de solidarité entre les cotraitants. Pour éviter cet écueil, la clause doit être bien rédigée pour ne concerner que la répartition des paiements sans faire apparaître une répartition des prestations(219).
Fig. 7.2. Le groupement solidaire
7.1.2.2 Groupement conjoint Le Code de la commande publique prévoit que : « Le groupement est conjoint lorsque chacun des opérateurs économiques membres du groupement s’engage à exécuter la ou les prestations qui sont susceptibles de lui être attribuées dans le marché »(220). L’acte d’engagement, qui est un document unique, indique le montant et les prestations qui sont dévolues à chacun des membres.
Le groupement conjoint peut prendre lui-même deux formes différentes, selon que le mandataire du groupement est solidaire (fig. 7.3) ou non (fig. 7.4) des autres membres. Lorsque le mandataire est solidaire, sa responsabilité à l’égard de l’acheteur est naturellement très importante puisqu’il doit remédier aux défaillances des autres membres.
Fig. 7.3. Le groupement conjoint avec mandataire solidaire
Fig. 7.4. Le groupement conjoint avec mandataire non solidaire
7.1.3 Rôle du mandataire Dans chaque groupement, un des membres est désigné par les autres pour assumer le rôle de mandataire. Il est chargé de représenter tous les cotraitants devant l’acheteur et a pour mission de coordonner leurs actions(221).
Le mandataire du groupement est le seul et unique interlocuteur de l’acheteur. Les autres membres du groupement, bien que titulaires du marché, ne peuvent pas s’adresser directement à l’acheteur. De même, l’acheteur ne peut en aucun cas s’adresser à l’un des cotraitants s’il ne s’agit pas du mandataire. Tous les ordres de service et tous les bons de commande doivent lui être adressés(222). Il sera donc le seul qui pourra émettre des réserves en cours d’exécution sur ces documents d’exécution (voir chapitre 5). Il sera aussi le seul habilité à adresser un mémoire en réclamation à l’acheteur (voir chapitre 27). Dans un groupement avec paiements séparés, c’est le mandataire qui donne les indications à l’acheteur pour la répartition des pénalités de retard entre les différents membres, répartition que l’acheteur ne peut lui-même modifier et que chaque membre est en droit de contester devant le juge(223). À défaut d’indication sur cette répartition, c’est sur les sommes qui lui sont dues que les pénalités seront appliquées(224). Dans un groupement solidaire, les pénalités de retard pèsent sur l’ensemble des membres, sauf clause contraire(225). Un autre exemple du rôle particulier qui incombe au mandataire est celui de la préparation des demandes de paiement et de la signature du décompte général qui engage le groupement dans les marchés de travaux(226). Il est d’ailleurs le seul recevable à formuler les réclamations sur le décompte général en application de l’article 55.4 du CCAG-Travaux. Le rôle du mandataire se termine en principe à la fin du marché, c’est-à-dire à la fin de la durée de la garantie contractuelle s’il y en a une. Dans les marchés de travaux, c’est donc la fin de la garantie de parfait achèvement(227) (voir chapitre 10). Mais il peut encore, après cette date, signer le décompte au nom du groupement et émettre un mémoire en réclamation en son nom(228). S’agissant des modifications du marché et la conclusion des avenants, le rôle du mandataire et l’étendue de ses attributions dépendent de l’habilitation que lui ont donné les membres du groupement. En effet, dans toutes les formes de groupement, les membres peuvent avoir décidé de conserver le pouvoir de signer les documents contractuels. Il est donc important de bien déterminer si le mandataire peut valablement signer au nom du groupement le marché, ses avenants et tout autre document contractuel pouvant engager
le groupement dans son ensemble, comme par exemple, un protocole transactionnel ayant pour objet de mettre un terme à un litige d’exécution du marché. Le document d’habilitation ou le formulaire DC1(229) qui a été remis à l’acheteur par chaque membre du groupement candidat lors de la procédure de passation du marché permet de le vérifier. Cette information revêt en principe lors de la procédure de passation un caractère substantiel(230). Exemple Pouvoir du mandataire de régler par la signature d’un protocole d’accord la répartition des pénalités contractuelles de retard entre les différents membres du groupement : CE 21 janvier 1994, Société Stefal, req. n° 64167 Le Conseil d’État a jugé que la lettre d’habilitation donnée au mandataire l’autorise à signer un protocole d’accord pour résoudre des litiges relatifs à l’exécution du marché et notamment concernant la répartition des pénalités de retard, prévues dans le marché, entre les différents membres du groupement conjoint. Le membre mécontent de cette répartition ne peut dès lors pas contester la validité de ce protocole.
7.2 Évolutions de la cotraitance en cours d’exécution La forme du groupement ne peut pas être modifiée après l’attribution du marché, que ce soit à l’initiative de l’acheteur ou à l’initiative du groupement titulaire. Le groupement conjoint ne peut pas devenir solidaire et inversement. La forme du groupement est donc immuable pour toute l’exécution du marché. Les rôles au sein du groupement peuvent néanmoins être amenés à évoluer, notamment dans le cas d’une défaillance du mandataire dans son rôle de coordonnateur ou dans l’exécution des prestations qui lui reviennent. Dans ce cas, les autres membres sont tenus de lui désigner un remplaçant parmi eux. Tous les CCAG prévoient une stipulation en ce sens(231). Il a été jugé, dans un groupement solidaire composé de deux membres, que la disparition du mandataire en cours d’exécution a pour effet de transférer toutes ses attributions au seul cotraitant restant qui est donc habilité dans le
cadre du marché à établir le projet de décompte final et à signer le décompte général au nom du groupement(232). Le Code de la commande publique et les CCAG n’envisagent pas la modification de la composition du groupement en cours d’exécution du marché. Il n’est donc pas certain aujourd’hui qu’en cas de disparition pure et simple d’un membre ou bien dans l’hypothèse de sa défaillance dans l’exécution des prestations, il soit possible de faire entrer un nouvel opérateur dans le groupement pour se substituer au membre défaillant. La solution la plus évidente pour pallier les conséquences de cette disparition reste l’application de la solidarité entre les membres lorsqu’elle est prévue. Sinon, les membres du groupement peuvent aussi faire appel à la soustraitance (chapitre 6)(233). Important La résiliation partielle du marché à l’encontre d’un membre du groupement Il est à noter que le CCAG-Travaux prévoit dans son article 52.7.1 un dispositif de mise en demeure d’un cotraitant défaillant dans l’exécution de ses obligations contractuelles pouvant conduire à la résiliation du marché à son encontre. Ce dispositif est limité au groupement conjoint avec mandataire solidaire. Dans ce cas, il est prévu que le mandataire solidaire assume l’exécution des prestations du cotraitant qui a été évincé.
7.3 Responsabilité des cotraitants à l’égard de l’acheteur La responsabilité des membres du groupement envers l’acheteur n’est pas la même selon la forme que prend le groupement, le niveau de solidarité entre les membres étant différent selon que le groupement est conjoint ou solidaire, ce qui a des incidences en pratique sur l’étendue de leur responsabilité respective.
7.3.1 Groupement solidaire
Il s’agit de la forme de groupement la plus contraignante pour ses membres puisqu’ils sont tous solidaires les uns des autres. Cela signifie que le cotraitant B peut voir sa responsabilité engagée par l’acheteur pour les fautes commises par le cotraitant A. Cette solidarité joue pour la réalisation des prestations. Chaque membre doit réaliser les prestations non effectuées par son cotraitant pour permettre de terminer le marché. Elle joue aussi pour la réparation des préjudices supportés par l’acheteur du fait de la mauvaise réalisation des prestations par l’un des cotraitants(234). Les cotraitants solidaires ne peuvent pas s’exonérer de leur responsabilité en démontrant qu’ils n’ont pas pris part aux travaux à l’origine du préjudice de l’acheteur. Ils ne peuvent pas se prévaloir d’une répartition des tâches convenue entre eux dans la convention constitutive du groupement, cette répartition n’étant pas opposable à l’acheteur(235). En revanche, si l’acheteur a consenti à une répartition des prestations de manière explicite par un document signé et annexé au marché, cette répartition lui devient opposable et permet de limiter les effets de la solidarité(236). Une simple répartition des honoraires n’est pas une répartition des prestations(237). Exemple L’étendue de la solidarité entre les différents membres d’un groupement solidaire : CE 29 septembre 2010, Région Aquitaine, req. n° 332068 « Considérant, d’une part, qu’en l’absence de stipulations contraires, les entreprises qui s’engagent conjointement et solidairement envers le maître de l’ouvrage à réaliser une opération de construction, s’engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l’ouvrage du fait de manquements dans l’exécution de leurs obligations contractuelles ; qu’un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises co-contractantes, au motif qu’il n’a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l’ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l’exécution des travaux ; ».
Cette solidarité produit également des effets sur le terrain de la garantie décennale(238). La solidarité globale implique par ailleurs que l’acheteur peut rechercher la responsabilité d’un seul membre du groupement, mandataire ou non, pour
obtenir la réparation de la totalité de son préjudice. Le membre mis en cause devra se retourner par la suite contre ses cotraitants. Autre effet de la solidarité, le juge considère que les membres d’un groupement solidaire sont réputés se représenter mutuellement dans toutes les instances relatives aux obligations attachées à l’exécution de ce marché. En d’autres termes, le membre de groupement qui agit devant le tribunal agit pour l’ensemble des membres, cette représentation mutuelle ne cessant que si les membres présentent des conclusions divergentes(239).
7.3.2 Groupement conjoint La responsabilité de chacun des membres est limitée aux seules prestations dont il a la charge et qui sont identifiées dans le marché. Cependant, la mise en œuvre de cette responsabilité est différente selon que le mandataire est solidaire ou non. 7.3.2.1 Groupement conjoint sans solidarité du mandataire La responsabilité de chaque membre s’arrête aux prestations du marché pour lesquelles il s’est engagé. Aucune solidarité n’existe entre les différents cotraitants que ce soit sur le plan de la responsabilité contractuelle ou de la responsabilité décennale. L’acheteur devra donc déterminer avec précision lequel des membres du groupement est directement responsable du préjudice dont il entend obtenir réparation(240). Cette forme de groupement est ainsi moins protectrice de ses intérêts. 7.3.2.2 Groupement conjoint avec solidarité du mandataire La solidarité ne repose que sur le mandataire dont la responsabilité peut être recherchée pour une faute qu’il n’a pas commise, mais qui est attribuée à l’un des membres du groupement(241). Le mandataire recherchera la responsabilité du membre fautif ultérieurement.
7.4
Paiement de la cotraitance
Le régime des paiements est différent selon la forme du groupement. Il est prévu par les différents CCAG(242) et peut, si nécessaire, être adapté dans les documents particuliers du marché. Chaque membre du groupement, qu’il soit solidaire ou conjoint, est payé pour la partie de prestations qui lui revient. Les demandes de paiement doivent donc être présentées pour chaque membre. Elles sont adressées au mandataire qui les transmet ensuite à l’acheteur. Dans le cas d’un groupement solidaire, les documents particuliers peuvent prévoir le paiement sur un compte unique, c’est-à-dire sans distinction des sommes revenant aux membres selon les prestations effectivement réalisées. Le compte unique présente pour l’acheteur l’avantage de la simplicité, mais il est en revanche plus compliqué pour les opérateurs économiques et donc peu apprécié par eux. En matière de travaux, lorsque les membres du groupement sont payés de manière individualisée, les décomptes sont décomposés en autant de parties qu’il y a de membres à payer séparément, à concurrence du montant dû à chacun(243). (215) CCP, art. R. 2142-19 et s., art. R. 2342-12 et s. (216) CCP, art. R. 2142-22. (217) CCP, art. R. 2142-27. (218) CCP, art. R. 2142-20. (219) CAA Nantes, 30 novembre 2012, SARL Iosis Centre-Ouest, req. n° 11NT01227. (220) CCP, art. R. 2142-20. (221) CCP, art. R. 2142-24.
(222) Articles 3.7.4 et 3.8.5 du CCAG-Travaux ; articles 3.7.4 et 3.8.4 des CCAG-FCS, PI, TIC, MI ; article 3.7.4 du CCAG-MOE. (223) CE 2 décembre 2019, Société Giraud Serin, req. n° 422615. (224) Article 19.1.2 du CCAG-Travaux ; CE 17 mars 1999, Syndicat intercommunal de l’eau et l’assainissement de Point-à-Pitre, req. n° 165595 ; CAA Lyon, 21 juin 2012, Société Algeco, req. n° 11LY02043. (225) CE 4 juin 1976, Société toulousaine Immobilière, req. n° 85342. (226) Article 12.5.2 du CCAG-Travaux. (227) Article 3.5.2 du CCAG-Travaux. (228) CE 6 juillet 2005, Société bourbonnaise de travaux publics et de construction, req. n° 259801. (229) Voir sur site de la DAJ : http://www.economie.gouv.fr/daj/formulaires-declaration-du-candidat, en date du 4 avril 2019. (230) CE 28 avril 2006, Syndicat mixte de gestion et de travaux pour l’élimination des déchets ménagers et assimilés de la zone ouest du département de l’Hérault, req. n° 283942. (231) Article 52.7.2 du CCAG-Travaux ; article 3.5.4 des CCAG-FCS, PI, MI, TIC, MOE. (232) CE 19 mars 2012, Communauté urbaine de Lyon, req. n° 346263. (233) Mouriesse X., « La défaillance du membre d’un groupement d’entreprises titulaire d’un marché public », Contrat et marchés publics n° 4, avril 2011. (234) CE 29 septembre 2010, Région Aquitaine, req. n° 332068. (235) CE 28 janvier 2011, Société Cabinet d’études Marc Merlin, req. n° 330693.
(236) CAA Marseille, 17 juin 2019, Centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles, req. n° 17MA03837 ; CE 29 septembre 2010, Région Aquitaine, req. n° 332068 ; CE 11 juillet 2008, Société Norpac, req. n° 275289 ; CE 24 février 1993, Société SMAC Acieroid, req. n° 116352. (237) CAA Nantes, 30 novembre 2012, SARL Iosis Centre-Ouest, req. n° 11NT01227. (238) CE 24 février 1993, Société SMAC Acieroid, req. n° 116352. (239) CE 31 mai 2010, Société Bureau de conception et de coordination du bâtiment, req. n° 323948 ; CE 22 juin 2012, Centre hospitalier Manchester de Charleville-Mézières, req. n° 350757. (240) CAA Douai, 31 mai 2012, Hôpital Local de Saint-Valéry-sur-Somme, req. n° 11DA00304. (241) CAA Bordeaux, 11 septembre 2008, Société Spie Batignolle Ouest, req. n° 06BX01728 ; CAA Versailles, 28 décembre 2007, Société Sicra, req. n° 07VE01189. (242) Article 10.7 du CCAG-Travaux ; article 13.1 du CCAG-MI ; article 12.1 des CCAG-PI, FCS, TIC, MOE. (243) Article 12.5.1 du CCAG-Travaux.
Chapitre 8
Contrôle des obligations sociales du titulaire
Au terme de la procédure de passation du marché, le titulaire doit avoir apporté la preuve de la régularité de sa situation au regard des obligations posées par le droit fiscal et le droit social. Cela passe par la production d’attestations émanant des administrations compétentes, indispensables pour que la décision d’attribution soit régulière(244). Ces vérifications doivent s’opérer également en cours d’exécution du marché, dans le but de s’assurer de la régularité de la situation du titulaire dans le temps. Ce dispositif de contrôle, qualifié de « dispositif de vigilance », car il s’exerce périodiquement, a été renforcé par un arsenal particulier de sanctions en cas d’irrégularité en matière de travail dissimulé. Les carences dans l’exercice de ces différents contrôles font peser sur l’acheteur une solidarité financière en cas de condamnation du titulaire.
8.1 Obligation de contrôle de la situation du titulaire Ce contrôle de vigilance est récurrent pendant toute la durée du marché dont le montant est égal ou supérieur à 5 000 euros HT(245). Il est d’une nature différente de celui, plus ponctuel, prévu en matière de travail dissimulé.
8.1.1 Nature du contrôle En application de l’article L. 8222-1 du Code du travail, l’acheteur doit se faire communiquer périodiquement jusqu’à la fin de l’exécution du marché, s’il est d’un montant égal ou supérieur à 5 000 euros HT(246), les pièces et documents qui sont énumérés aux articles D. 8222-5 et D. 8222-7 du même code (tab. 8.1). Il est réputé avoir respecté son obligation de contrôle s’il se fait produire ces documents tous les six mois. Tab. 8.1. Documents à produire tous les six mois par le titulaire qui est établi en France (art. D. 8222-5 du Code du travail) Documents à se faire remettre pour tout Nombre de contrat égal ou supérieur à 5 000 € HT, selon Observations documents les modalités détaillées ci-dessous Dans tous les cas : → de moins de 6 mois 1 document Le contenu de cette attestation attestation de fourniture de déclarations est précisé à l’article D. 243-15 sociales émanant de l’organisme de recouvrement des cotisations sociales, prévu à du Code de la Sécurité sociale l’article L. 243-15 du Code de la Sécurité sociale Si le titulaire a l’obligation d’immatriculation → en cours de validité au RCS ou au RM ou si la profession est → document portant des réglementée : mentions obligatoires : dénomination sociale, adresse extrait d’inscription RCS (K ou K bis) complète, numéro carte d’identification justifiant une inscription l’immatriculation au RCS, RM au répertoire des métiers (RM) ou devis, ou tableau d’un ordre document publicitaire ou professionnel professionnel
L’un de ces documents
récépissé de dépôt de déclaration auprès d’un → si activité en cours d’inscription centre de formalités des entreprises
Tab. 8.2. Documents à produire tous les six mois par le titulaire établi à l’étranger, traduits en français ou accompagnés d’une traduction en français (art. D. 8222-7 du Code du travail) Documents à se faire remettre pour tout contrat égal ou supérieur à 5 000 € HT, selon les modalités détaillées ci-dessous Dans tous les cas : document mentionnant le numéro individuel d’identification ou document mentionnant l’identité et l’adresse ou, le cas échéant, les coordonnées du représentant fiscal ponctuel
Observations
→ numéro attribué par les services fiscaux
Nombre de documents
Ces 2 documents
document attestant la régularité de la situation → de moins de 6 mois sociale au règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 ou d’une convention internationale de Sécurité sociale et, lorsque la législation du pays de domiciliation le prévoit, un document émanant de l’organisme gérant le régime social obligatoire et mentionnant que le cocontractant est à jour de ses déclarations sociales et du paiement des cotisations afférentes, ou un document équivalent ou, à défaut, une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de Sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 du Code de la Sécurité sociale. Si obligation d’immatriculation à un registre professionnel dans le pays d’origine : → en cours de validité document émanant des autorités tenant le registre professionnel ou document équivalent certifiant l’inscription. devis, document publicitaire ou professionnel → document portant des mentions relatives à la dénomination sociale, l’adresse complète et l’immatriculation au registre professionnel → de moins de 6 mois document émanant de l’autorité habilitée à
L’un de ces documents
recevoir l’inscription au registre professionnel et attestant de la demande d’immatriculation
Lorsque ces documents ont déjà été communiqués au moment de l’attribution du marché, de nouveaux documents mis à jour tous les six mois doivent être produits par le titulaire. Par ailleurs, l’acheteur n’est responsable que du contrôle envers son cocontractant direct, c’est-à-dire le titulaire ou les différents titulaires membres d’un groupement. Il n’a pas en effet la qualité de donneur d’ordre envers le sous-traitant pour lequel le contrôle des obligations fiscales et sociales doit être réalisé par le seul titulaire du marché.
8.1.2 Sanction contractuelle du titulaire Tous les CCAG prévoient que le non-respect de la réglementation du travail est un cas qui justifie la résiliation du marché aux torts du titulaire(247). Par ailleurs, l’absence de production des pièces prévues aux articles D. 8222-5 et D. 8222-7 du Code du travail peut conduire aux mêmes conséquences, au titre de la faculté de résiliation donnée à l’acheteur par les articles L. 2195-4 et L. 2395-2 du Code de la commande publique. Recommandation Vérifier l’authenticité des attestations délivrées par les organismes chargés du recouvrement des cotisations sociales Le Code du travail impose au donneur d’ordre de vérifier l’authenticité des documents émanant des organismes en charge des cotisations sociales (URSSAF, CGSS, RSI). Concernant les attestations URSSAF qui sont délivrées à la demande du titulaire (fig. 8.1), un numéro d’authentification peut faire l’objet d’une vérification sur le site internet de cet organisme(248). Cette vérification est rapide et simple à réaliser.
Fig. 8.1. Attestation de versement de cotisation
8.1.3 Solidarité financière de l’acheteur en cas de manquement du titulaire Cette solidarité, qui concerne tous les donneurs d’ordres, privés ou publics, professionnels ou particuliers est détaillée par l’article L. 8222-2 du Code du travail : « Toute personne qui méconnaît les dispositions de l’article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l’objet d’un procès-verbal pour délit de travail dissimulé : 1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dues par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ; 2° Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ; 3° Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l’emploi de salariés n’ayant pas fait l’objet de l’une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie. » L’objectif poursuivi est de responsabiliser les donneurs d’ordre considérés, le plus souvent, comme les principaux bénéficiaires des pratiques frauduleuses. Ce mécanisme apparaît, par conséquent, comme un moyen de lutte contre les infractions dans ce domaine, mais aussi comme une garantie pour recouvrer les sommes dues en cas de disparition ou d’insolvabilité de l’employeur. Pour qu’elle soit mise en jeu, il est nécessaire de démontrer qu’une infraction a bien eu lieu lors de l’exécution du marché et à cet égard le simple procès-verbal de l’agent de contrôle constatant l’infraction suffit. Par ailleurs, il faut surtout que l’acheteur ait omis d’opérer les différents contrôles qui lui sont imposés. Le constat d’une absence de vérification tous
les six mois peut ainsi conduire à la mise en œuvre de la solidarité financière.
8.2 Sanctions en cas de manquement à la réglementation relative au travail dissimulé À côté du contrôle de vigilance, l’article L. 8222-6 du Code du travail impose à « toute personne morale de droit public ayant contracté avec une entreprise », un contrôle ponctuel en matière de travail dissimulé(249). L’objectif poursuivi par ce dispositif est de contraindre le titulaire à régulariser sa situation lorsqu’il se rend coupable de travail dissimulé dans le cadre de l’exécution du marché. Il s’agit également pour les acheteurs de prendre conscience de leurs responsabilités puisque ce sont eux qui profitent des prestations réalisées dans des conditions irrégulières au regard de la législation du travail. Important Le dispositif de la carte d’identité professionnelle pour les marchés publics de travaux L’article 31.5 du CCAG-Travaux impose au titulaire de s’assurer du port de la carte d’identité professionnelle par toutes personnes intervenant sur le chantier dans le cadre de l’exécution des travaux(250). Il est tenu de tenir à jour une liste exhaustive des personnes intervenant sur le chantier. Ce dispositif vise à permettre de lutter contre le travail dissimulé en facilitant les contrôles du maître d’ouvrage et de l’inspection du travail. La carte d’identité professionnelle est régie par le Code du travail aux articles L. 8291-1 à L. 8291-3 et R. 8291-1 à R. 8291-6.
8.2.1 Nature du contrôle L’examen du respect des obligations en matière de déclaration des travailleurs n’est pas réalisé par l’acheteur. C’est effectivement un agent de
contrôle, en général de l’Inspection du travail, qui l’informe de la situation irrégulière du titulaire. L’acheteur a alors l’obligation d’agir à son encontre. Les irrégularités en question sont les suivantes(251) : - ne pas avoir demandé son immatriculation au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou avoir poursuivi son activité après refus d’immatriculation, ou postérieurement à une radiation ; - ne pas avoir procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur ; - s’être soustrait intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale ; - s’être soustrait intentionnellement à l’accomplissement de la formalité relative à la déclaration préalable à l’embauche ; - s’être soustrait intentionnellement à l’accomplissement de la formalité relative à la délivrance d’un bulletin de paie dans les conditions prévues par les textes. Lorsqu’il est informé par écrit, l’acheteur doit mettre en demeure le titulaire de corriger sans délai la situation irrégulière. Ce dernier devra apporter la preuve de la régularisation dans les deux mois suivant la mise en demeure. Enfin, l’acheteur communique tous ces éléments à l’agent de contrôle.
8.2.2 Sanction du titulaire Si le titulaire ne met pas un terme aux irrégularités soulevées après mise en demeure, dans le délai imparti, le marché peut être résilié sans indemnité, à ses frais et risques. Cette sanction est une simple faculté pour l’acheteur, l’article L. 8222-6 indiquant en effet simplement que « le contrat peut être rompu ». Si cette résiliation n’est pas une obligation, c’est que le Code du travail laisse à l’acheteur le soin de mesurer les conséquences négatives que pourrait entraîner une résiliation du marché. On imagine, par exemple, que
la résiliation d’un marché de travaux en cours de chantier peut avoir pour l’acheteur des conséquences financières désastreuses. Ainsi, malgré les signalements donnés par l’agent de contrôle et malgré les irrégularités manifestes du titulaire en matière de travail dissimulé, l’acheteur peut décider de poursuivre l’exécution du marché. Ce choix ne sera pas cependant sans conséquence puisqu’il sera tenu solidairement des condamnations du titulaire au titre de ces irrégularités.
8.2.3 Solidarité de l’acheteur L’article L. 8222-6 du Code du travail prévoit, en cas de manquement de l’acheteur dans la mise en œuvre de son obligation de mise en demeure, une solidarité financière envers le titulaire condamné à des amendes au titre des infractions liées à la dissimulation de travailleurs. Cette solidarité financière s’applique également dans l’hypothèse où l’acheteur a décidé la poursuite du marché et n’a pas obtenu la preuve de la fin des irrégularités dans les six mois suivants la mise en demeure. Recommandation Prévoir une clause pénalisant fortement le titulaire Afin d’éviter de se trouver dans la situation d’avoir à choisir entre la résiliation du marché, et ses conséquences toujours négatives, et son maintien malgré les irrégularités commises par le titulaire, l’acheteur peut prévoir une clause pour inciter le titulaire à agir. Il s’agit de le sanctionner financièrement dès lors qu’il ne met pas fin à la situation irrégulière après le délai de deux mois suivant la mise en demeure. Cette pénalité peut être assortie d’intérêts de retard pour être plus incitative. La finalité pour l’acheteur, qui ne peut se permettre de rompre le marché, est d’éviter, tant que faire se peut, d’être solidairement condamné en raison du comportement du titulaire.
(244) CCP, art. L. 2141-2, L. 2341-2 et R. 2143-7 ; arrêté du 22 mars 2019 fixant la liste des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales donnant lieu à la délivrance de certificats pour l’attribution des contrats de la commande publique, annexe n° 4 du CCP, JO 31 mars 2019.
(245) Circulaire interministérielle du 16 novembre 2012 relative à l’attestation de vigilance (NOR : AFSS1225441C). (246) Code du travail, art. R. 8222-1. (247) Article 41.1 du CCAG-FCS ; article 50.3.1 du CCAG-Travaux ; article 39.1 du CCAG-PI ; article 44.1 du CCAG-MI ; article 50.1 du CCAG-TIC ; article 30.1 du CCAG-MOE. (248) http://www.urssaf.fr/. (249) Code du travail, art. L. 8222-6. (250) Pour les métiers non concernés, voir Code du travail, art. R. 8291-1. (251) Code du travail, art. L. 8221-3 et L. 8221-5.
Chapitre 9
Délais d’exécution
Tout marché public comporte normalement des délais d’exécution, que ceuxci portent sur la réalisation de travaux, la livraison de fournitures ou encore la remise des résultats d’une étude. Les délais représentent pour le titulaire du marché une contrainte d’exécution au même titre que les clauses définissant les caractéristiques techniques de la prestation. Le non-respect des délais est en principe sanctionné par l’application de pénalités de retard. Ils sont ainsi fréquemment au centre des litiges entre les parties. Il convient d’en cerner parfaitement les contours pour assurer leur suivi et leur adaptation en cours d’exécution.
9.1 Règles relatives aux délais d’exécution 9.1.1 Calcul des délais d’exécution
Tous les CCAG prévoient les modalités de computation des délais d’exécution(252). En l’absence de stipulations dérogatoires dans les documents particuliers, ce sont ces règles qui s’appliquent. Elles prévoient que le délai d’exécution commence à courir à minuit, le lendemain du jour où s’est produit le fait qui sert de point de départ à ce délai. Lorsque le délai est exprimé en heures, le délai commencera à courir à compter de l’heure suivant celle où s’est produit le fait qui sert de point de départ à ce délai. Par exemple, si un bon de commande est notifié le 7 janvier au titulaire, le délai de livraison de 10 jours commence à courir le 8 janvier à minuit. Ensuite, les CCAG précisent les modalités de décompte selon la forme des délais exprimée dans le marché : - si le délai est exprimé en jours, il s’agit par principe de jours calendaires. Dans ce cas lorsque le dernier jour tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié, le délai est prolongé jusqu’à la fin du premier jour ouvrable qui suit ; - si le délai est exprimé en mois, il est compté de quantième en quantième, s’il n’existe pas de quantième correspondant dans le mois où se termine le délai, celui-ci expire le dernier jour de ce mois, à minuit ; - si le marché indique que le délai est en jours ouvrés, les samedis, dimanches et jours fériés sont exclus du calcul. Fort logiquement, le temps dévolu à la procédure d’admission (jusqu’à 15 jours, voir le chapitre 19) ne fait pas partie du délai d’exécution. Les CCAG précisent que « Le délai s’appliquant au titulaire n’inclut pas le délai nécessaire à l’acheteur pour effectuer ses opérations de vérification et prendre sa décision » (fig. 9.1, 9.2, 9.3).
Fig. 9.1. Exemple de délai de livraison de 20 jours calculé en jours calendaires à compter de la notification du marché
Fig. 9.2. Exemple de délai de livraison de 20 jours calculé en jours calendaires à compter de la notification du marché – Cas où le dernier jour se situe un samedi, un dimanche ou un jour férié
Fig. 9.3. Exemple de délai de livraison de 12 jours calculé en jours ouvrés à compter de la notification du marché Important Le cas particulier des marchés sans délai d’exécution Parfois, selon le type d’achat concerné, l’exécution est programmée à une date calendaire et un horaire précis, sans que l’on puisse véritablement envisager un délai de réalisation. C’est le cas par exemple des prestations de traiteur ou des prestations liées à une manifestation qui se déroule sur une journée. Il n’y a pas de problématique de respect du délai dans ces situations, mais il convient de vérifier que les prestations sont correctement mises en œuvre au moment où le marché ou le bon de commande a indiqué qu’elles devaient l’être. Par conséquent, aucune sanction ne pourra avoir comme fondement un retard d’exécution. En revanche, des pénalités pour mauvaise exécution pourront être appliquées si elles sont prévues dans le marché. Une réfaction sur le prix sera aussi toujours possible (voir chapitre 18). Important Quel fuseau horaire ? Il peut sembler saugrenu de se poser cette question pour l’exécution d’un marché. Pourtant un commentaire précise dans chaque CCAG que le fuseau horaire de référence est celui du lieu de livraison ou d’exécution de la prestation. Pour certains marchés, qui s’adressent à des prestataires étrangers, ou qui s’exécutent en dehors de la métropole, cette indication n’est pas inutile. Pour donner une valeur contractuelle à ce commentaire, il est préférable que cette indication figure dans les documents particuliers.
Quelle que soit la modalité retenue pour faire courir le délai d’exécution (voir 9.1.2), il est indispensable de prouver qu’il a commencé à courir, au risque sinon de ne pouvoir l’opposer au titulaire. Exemple CAA Lyon, 18 juillet 2007, Communes de Tignes, req. n° 05LY00461 L’absence de notification de l’ordre de service, pourtant prévu au marché, ne permet pas de faire courir le délai et le prive d’effet sur le cours de l’exécution du marché. Le non-respect du délai de 7 mois pour la réalisation d’une tranche de travaux n’est donc pas opposable au titulaire pour justifier une procédure de résiliation.
9.1.2 Point de départ des délais d’exécution 9.1.2.1 Point de départ des délais d’exécution dans les CCAG-FCS, PI, MI et TIC Le délai commence à courir à la date de notification du marché qui, classiquement, est la date de commencement d’exécution des prestations. Mais rien n’interdit de différer le commencement d’exécution à partir d’un acte postérieur à la notification du marché ou à une date ultérieure (voir chapitre 4)(253). Dans un accord-cadre à bons de commande, la notification de chaque bon de commande fait courir le délai d’exécution. Là encore, reporter la date de démarrage du délai d’exécution est possible en le stipulant au bon de commande. Pour un marché à tranches, le principe reste le même : le délai d’exécution d’une tranche optionnelle court à compter de la date de notification de la décision d’affermissement sauf si cette décision prévoit une date différente. Pour certains marchés qui sont conclus avec des phases de réalisation distinctes, comme des marchés de prestations intellectuelles(254), le début du délai de chacune des phases peut être conditionné à un acte de l’acheteur ou à la réalisation d’un événement. Par exemple, la phase 2 d’un marché d’étude commence à être exécutée lorsque l’acheteur informe le titulaire de la validation des résultats de la phase 1. Dans le cas des marchés de location de longue durée dans lesquels le délai de livraison peut être assez long (véhicules ou photocopieurs, par exemple), il est utile de prévoir un délai d’exécution effectif du marché calé sur la durée d’amortissement des fournitures louées. À cet effet, la période avant livraison est neutralisée en indiquant dans le marché que le délai d’exécution se calcule à compter de la date des premières livraisons. Le calcul sera identique pour fixer la fin de la durée contractuelle (par exemple, 48 mois à compter de la première livraison). 9.1.2.2 Point de départ des délais d’exécution dans le CCAG-MOE
Le point de départ du délai d’exécution est donné par l’ordre de service de démarrage des prestations(255). Il reste cependant possible de prévoir un démarrage des délais d’exécution à la notification du marché, mais également de distinguer des délais d’exécution propre à chaque élément de mission. En effet, afin de délimiter précisément chaque élément de mission et de traiter de potentiels chevauchements de missions, le CCAG prévoit un démarrage de chacun d’entre eux à une date spécifiée par ordre de service. 9.1.2.3 Point de départ des délais d’exécution dans le CCAG-Travaux Le point de départ des délais d’exécution est donné par l’ordre de service de démarrage des travaux(256). Sauf stipulation contraire dans les documents particuliers, le délai d’exécution comprend la période de préparation, le délai de réalisation des travaux et les délais nécessaires au repliement des installations de chantier et la remise en état des lieux. Si une période de préparation est prévue dans le marché, un ordre de service doit préciser la date à partir de laquelle elle démarre. Le marché prévoit parfois, par dérogation au CCAG, que la période de préparation débute à compter de la notification du marché, sans qu’un ordre de service soit nécessaire. Cette période s’achève dès lors que le niveau de préparation des travaux atteint est conforme aux exigences fixées au marché. À ce moment, un nouvel ordre de service lancera l’exécution des travaux en fixant la date de démarrage.
Important La période de préparation En application du CCAG-Travaux, la période de préparation doit être prévue dans le CCAP. Si c’est le cas, elle est comprise dans le délai d’exécution et sa durée est en principe de 2 mois. Elle peut cependant être réduite par mention expresse dans le CCAP. En pratique, elle pourra être réduite lorsque l’ensemble des dispositions préparatoires attendues sont réunies avant le délai contractuel fixé. Le gain de temps réalisé sera alors reporté sur le délai de réalisation des travaux, les deux délais faisant partie du délai d’exécution (fig. 9.4). La période de préparation n’est pas une obligation, tous les travaux ne la justifient pas. Mais pour certains chantiers, elle est indispensable. Le CCAG indique qu’elle est utile lorsque certaines dispositions préparatoires (commande de matériaux) doivent être prises et certains documents établis, comme par exemple, le plan particulier de sécurité et de protection de la santé (article L. 4532-9 du Code du travail).
Dans la logique du CCAG-Travaux, le délai d’exécution du marché est décomposé de la manière suivante (fig. 9.4) :
Fig. 9.4. Délai d’exécution du marché dans le CCAG-Travaux
9.1.3 Date d’achèvement des prestations Tous les CCAG prévoient que le délai d’exécution expire à la date limite de validité du marché, c’est-à-dire au terme de sa durée (voir chapitre 4). Hormis dans le cas des accords-cadres à bons de commande, un décalage dans l’exécution des prestations qui viendrait à faire déborder le délai d’exécution au-delà de la durée du marché n’est donc pas juridiquement acceptable. Aucune prestation ne peut être exécutée en dehors de la période de validité du contrat, sauf stipulation précise sur ce point.
En pratique, la conclusion d’un avenant est nécessaire pour augmenter la durée du marché afin de permettre une exécution complète dans des délais contractuels (voir chapitre 10). Important L’articulation entre le délai d’exécution et la durée dans un accord-cadre à bons de commande L’accord-cadre à bons de commande bénéficie d’une particularité puisqu’il est possible que le délai d’exécution continue à courir après expiration de la durée de validité de l’accord-cadre. Le Code de la commande publique l’autorise(257) (voir chapitre 5). Deux conditions doivent être respectées : - le bon de commande doit être émis et notifié pendant la période de validité du marché ; - le délai d’exécution du bon de commande doit être conforme aux délais pratiqués habituellement dans l’accord-cadre. Sont donc interdits les bons de commande d’une durée excessive qui prolongent artificiellement l’exécution des prestations prévues à l’accord-cadre. Cela reviendrait à contourner l’obligation de remise en concurrence périodique des opérateurs économiques (fig. 9.5).
Fig. 9.5. Délai d’exécution et durée dans un accord-cadre à bons de commande
9.1.3.1 Date d’achèvement des prestations dans les différents CCAG Dans les CCAG-FCS et TIC L’achèvement des prestations est constaté selon trois modalités différentes. Lorsque l’exécution doit avoir lieu dans les locaux de l’acheteur, la date de livraison ou la date d’achèvement de la prestation doit être prise en compte pour vérifier le respect du délai d’exécution. Lorsque l’exécution doit avoir lieu dans les locaux du prestataire, la date d’expiration du délai d’exécution est la date prévue pour l’admission. La formulation de cette stipulation n’est pas d’une grande clarté. Pour la
préciser, le marché devrait prévoir un dispositif proche de celui qui s’applique aux marchés industriels, c’est-à-dire que le titulaire prévient l’acheteur de la date à laquelle les prestations seront prêtes à être vérifiées. En cas de prestations d’études, la fin du délai est actée à la date de présentation des études à l’acheteur. De manière générale, compléter les CCAG n’est pas inutile pour déterminer avec certitude la date d’achèvement du délai d’exécution. Les CCAG n’envisagent pas par exemple une exécution des prestations dans un lieu qui ne correspond ni aux locaux de l’acheteur ni aux locaux du titulaire (cas, par exemple, de la livraison de plateaux-repas ou de prestations de traiteurs). Dans les CCAG-PI et MOE Ils prévoient les mêmes stipulations que les CCAG-FCS et TIC, sauf l’hypothèse de l’exécution de prestations dans les locaux du titulaire. Dans le CCAG-MI Il prévoit les mêmes stipulations que les CCAG-FCS et TIC à la différence qu’il précise pour l’exécution dans les locaux du titulaire que ce dernier doit adresser un avis à l’acheteur pour l’informer que les prestations sont prêtes à être vérifiées. La date d’achèvement du délai est alors la date de réception de cet avis ou la date qui y est mentionnée, si elle est postérieure à la date de réception de l’avis. Dans le CCAG-Travaux Pour les marchés de travaux, le titulaire doit aviser l’acheteur et le maître d’œuvre de la date à laquelle les travaux ont été achevés ou de la date à laquelle ils le seront. Mais ce n’est que la date qui est retenue a posteriori par l’acheteur pour l’achèvement des travaux qui permettra de déterminer si le délai d’exécution a été respecté (voir chapitre 17). 9.1.3.2 Fixation d’une date limite d’exécution
Tous les marchés peuvent prévoir, non pas un délai d’exécution, mais une date limite à laquelle les prestations devront être achevées et prêtes à être vérifiées par l’acheteur. Cette modalité d’exécution n’a d’intérêt que si le délai effectif qui est laissé au titulaire est un délai raisonnable permettant la réalisation de la prestation dans des conditions acceptables. Par exemple, il ne faut pas qu’un bon de commande soit notifié le 8 janvier pour demander une livraison le 12 janvier pour une commande de véhicules. Pour les marchés de travaux, le CCAG-Travaux prévoit à l’article 18.1.3 la possibilité de fixer une date limite à laquelle les travaux doivent être achevés. Il impose dans ce cas de fixer une date limite de commencement des travaux. En tout état de cause, l’ordre de service de commencement des travaux doit fixer une date de démarrage antérieure à cette date limite. Important La fixation d’une date d’achèvement des travaux L’utilisation d’une date d’achèvement des travaux peut être intéressante pour l’acheteur lorsque celui-ci est soumis à des échéances contraignantes comme un déménagement ou la mise en service annoncée d’un site. Cependant, il convient d’avoir conscience des aléas auxquels une opération de travaux peut être soumise, et ce dès la procédure de passation des marchés avec les entrepreneurs. La date effective de démarrage des travaux est fréquemment différente de celle escomptée initialement.
9.1.3.3 Cas spécifique des travaux allotis Les articles 18.1.4 et 28.2.3 du CCAG-Travaux encadrent les hypothèses, fréquentes en pratique, d’opérations de travaux comportant différents lots qu’il convient d’articuler afin d’assurer la fluidité de la réalisation des travaux. Dans le cas de travaux allotis, l’intervention de chaque corps d’état se fait dans le délai global d’exécution dévolu à l’opération. Initialement, le marché comporte (en annexe de l’acte d’engagement) le calendrier prévisionnel d’exécution relatif à chaque lot. Lors de la période de préparation, ce calendrier peut être modifié. Cette modification, après attribution des lots à différents titulaires, permet d’affiner l’articulation des différents corps d’état entre eux. Cela permet aussi de prendre en compte les engagements de délais du titulaire dans son marché. La période de
préparation est donc mise à profit pour redéfinir totalement l’intervention de chaque titulaire en fonction de ses engagements de délais. Le responsable de la mission d’Ordonnancement, Pilotage, Coordination (OPC) fixe alors un nouveau calendrier d’intervention détaillé en concertation avec les différents titulaires des lots. Ce calendrier est ensuite présenté par l’OPC au maître d’ouvrage pour approbation, au plus tard 15 jours avant la fin de la période de préparation. Important Quelle force pour le planning ? Le respect du calendrier ou planning est souvent source de contentieux entre les parties d’un marché de travaux notamment pour déterminer sur laquelle d’entre elles repose la responsabilité des retards ou encore pour discuter de l’importance des retards à prendre en compte. Souvent le calendrier est dans un premier temps prévisionnel et n’est précisé qu’après engagement des préparatifs des travaux. Il doit être confirmé ou détaillé avant le démarrage des travaux. L’article 28.2.3 du CCAG-Travaux stipule que le calendrier détaillé est notifié à chaque entrepreneur par un ordre de service. À défaut de calendrier, il est précisé que le calendrier prévisionnel demeure en vigueur. La rédaction des documents particuliers est à cet égard un élément important pour déterminer la valeur d’un planning dans l’exécution du marché. Il est possible qu’aucune valeur contractuelle ne lui soit reconnue, ne permettant pas à l’une des parties de s’en prévaloir(258). À l’inverse, le caractère contractuel du planning va permettre au titulaire de rechercher la responsabilité de l’acheteur pour non-respect des dates de démarrage prévues initialement. En l’absence de faute de sa part, le titulaire pourra obtenir une indemnisation pour les frais résultant de la mobilisation inutile de sa main-d’œuvre(259). Parfois, la valeur d’un planning peut résulter de l’intention commune des parties, lorsqu’un calendrier notifié par ordre de service au titulaire ne fait de sa part l’objet d’aucune réserve(260), un planning d’intention mis au point lors d’une réunion de chantier pouvant même servir de base à l’exécution des prestations(261). Il est par conséquent conseillé aux titulaires de faire preuve de la plus grande vigilance quant au contenu des ordres de service fixant les délais d’exécution et de réagir promptement en cas de désaccord.
9.2 Modification des délais d’exécution
9.2.1 Prolongation des délais d’exécution dans les CCAG-FCS, PI, MI, MOE et TIC La prolongation du délai d’exécution est autorisée dans les CCAG, mais les conditions de sa mise en œuvre sont assez restrictives, tant sur les motifs autorisant cette prolongation que sur les délais à respecter par le titulaire. Rien n’interdit cependant aux parties de s’entendre en cours d’exécution sur ce point. 9.2.1.1 Cas de prolongation admis par les CCAG-FCS, PI, MI, MOE et TIC Les CCAG prévoient deux situations dans lesquelles le titulaire peut, le cas échéant, obtenir une prolongation du délai d’exécution : - lorsque le comportement de l’acheteur l’empêche de respecter le délai, par exemple en cas de fermeture des locaux prévus pour la livraison ou le retard dans la communication d’éléments d’informations nécessaires à la réalisation des prestations ; - lorsqu’il est confronté à une situation assimilable à un cas de force majeur (voir chapitre 24). Les possibilités pour le titulaire d’obtenir la prolongation du délai d’exécution sont donc assez restreintes. C’est logique puisqu’il s’est engagé librement à respecter le délai contractuel. Néanmoins, les documents particuliers peuvent toujours avoir prévu des modalités particulières et plus souples de prolongation. Le CCAG-Maîtrise d’œuvre prévoit en outre un cas de prolongation supplémentaire lorsqu’une cause ne relevant pas de la responsabilité du maître d’œuvre fait obstacle à l’exécution du marché dans les délais contractuels(262). Il n’est pas rare en effet que dans une opération de travaux l’exécution des prestations de maîtrise d’œuvre soit soumise à différents aléas qui s’imposent au maître d’œuvre, comme au maître d’ouvrage, et imposent de prolonger sa mission. Ce cas de figure ouvre donc assez largement les voies de recours à la demande de prolongation des délais pour ce type de marchés.
Attention Ne pas confondre la prolongation du délai d’exécution et la suspension de ce délai Il existe dans les différents CCAG plusieurs mécanismes de sursis à exécution ou à livraison. Cette suspension peut être demandée par le titulaire lorsque la livraison des fournitures commandées ne peut être réalisée dans les délais contractuels pour une raison qui ne lui est pas imputable(263), ce qui est plus souple que les motifs de prolongation. Ce sursis peut aussi être demandé lorsque le titulaire justifie avoir pris des mesures et des précautions particulières pour réduire les impacts environnementaux liés aux transports et aux modalités de livraison(264). La demande de sursis est réalisée dans les mêmes conditions que la demande de prolongation. Le CCAG-MOE prévoit quant à lui un mécanisme plus spécifique conduisant à suspendre le délai d’exécution d’un ordre de service lorsque le maître d’œuvre formule des observations montrant qu’un ordre de service présente des risques en termes de sécurité, de santé ou qu’il contrevient à une disposition législative ou réglementaire à laquelle le maître d’œuvre est soumis dans l’exécution des prestations objet du marché. Le délai d’exécution de l’ordre de service est alors suspendu jusqu’à la notification de la réponse du maître d’ouvrage et l’absence de réponse autorise le maître d’œuvre à ne pas exécuter l’ordre de service(265). Important La prolongation pour un motif non prévu dans le marché En pratique, il sera toujours possible pour le titulaire de solliciter une prolongation du délai, même pour des motifs qui lui sont propres, liés à son organisation, à des difficultés passagères… Une réponse ministérielle de 2006 laisse penser que la prolongation du délai d’exécution doit se faire nécessairement par la conclusion d’un avenant(266). À la différence du CCAG-Travaux qui indique la forme que doit prendre une prolongation du délai d’exécution, les autres CCAG ne prévoient rien. Dans la réalité, la conclusion d’un avenant semble bien trop longue à obtenir. Une réponse positive de l’acheteur à une demande du titulaire, formalisée par écrit, permet de valider la prolongation. La commune intention des parties est dans ce cas déterminante. Un débat existe néanmoins sur la régularité d’une telle prolongation. Certains praticiens évoquent la remise en cause d’un élément déterminant de la procédure d’attribution du marché et donc une remise en cause de la mise en concurrence. Il faut répondre sur ce point que tout est une question de mesure. Une prolongation qui intervient sans être excessive et de manière exceptionnelle, présente peu de risque juridique. A contrario, une prolongation qui intervient dès les premiers moments de l’exécution est fortement suspecte. Il en est de même pour la prolongation systématique des délais de livraison.
9.2.1.2 Délai pour demander la prolongation Dans le cadre des CCAG-PI, MI, FCS et TIC, le titulaire doit signaler à l’acheteur la cause du retard envisagé et lui indiquer la durée de la
prolongation du délai initialement fixé. Il doit le faire dans les 15 jours suivant la date du fait susceptible, selon lui, de causer le retard ou le plus rapidement possible si la fin du marché intervient dans un délai inférieur à 15 jours. Dans le cadre du CCAG-Maîtrise d’œuvre, le titulaire doit signaler à l’acheteur la cause du retard envisagé dans les 30 jours suivant la date du fait susceptible, selon lui, de causer le retard ou le plus rapidement possible si la fin du marché intervient dans un délai inférieur à 30 jours. Il doit formuler, en même temps, une demande de prolongation « dès que le retard peut être déterminé avec précision ». Compte tenu des délais parfois contraints dans lesquels la demande de prolongation doit être réalisée, il est fortement conseillé au maître d’œuvre de transmettre la demande de prolongation dans les plus brefs délais quitte à parfaire cette demande dans un second temps en précisant la durée souhaitée. Dans ce cas, la réponse du maître d’ouvrage se fera en deux temps : un premier pour notifier la décision de prolongation, un deuxième pour préciser le délai supplémentaire donné. La demande de prolongation est faite par tout moyen permettant d’en attester la réception(267) et doit nécessairement intervenir avant l’échéance du délai d’exécution de la prestation en cause. 9.2.1.3 Réponse de l’acheteur L’acheteur dispose d’un délai de 15 jours pour notifier sa décision, ou de la période qui reste à courir si le terme du marché doit intervenir avant la fin des 15 jours. La réponse à la demande de prolongation peut être négative si l’acheteur juge que les motifs invoqués par le titulaire ne sont pas sérieux. L’absence de réponse de l’acheteur vaut en principe refus de la prolongation. Toutefois, le CCAG-Maîtrise d’œuvre est le seul à prévoir un mécanisme d’acceptation tacite de la demande si l’acheteur ne se prononce pas expressément dans le délai prévu(268). L’acheteur ne pourra pas refuser de prolonger les délais d’exécution dans le cas où le retard est dû à l’intervention du titulaire dans le cadre, soit d’un ordre de réquisition, soit d’un marché passé en urgence impérieuse résultant
de circonstances imprévisibles (sauf si le marché lui-même répond à une urgence impérieuse résultant de circonstances imprévisibles). 9.2.1.4 Effets de la prolongation Le délai prolongé par l’acheteur a les mêmes effets que le délai initialement fixé. En conséquence, les éventuelles pénalités de retard ne commenceront à courir qu’à compter de cette nouvelle échéance. Important En marché de maîtrise d’œuvre, l’obligation de discuter d’une rémunération supplémentaire Lorsque les délais d’exécution du marché de maîtrise d’œuvre viennent à être prolongés, c’est bien souvent en raison des retards sur le chantier. L’article 15.3.5 du CCAG-MOE traite spécifiquement cette situation en stipulant qu’une prolongation de la durée du chantier supérieure de 10 % aux prévisions contractuelles doit conduire les parties à rechercher les causes de ce retard, mais surtout à déterminer s’il ouvre droit à une rémunération supplémentaire du maître d’œuvre. Cette stipulation n’impose pas une rémunération supplémentaire du maître d’œuvre pour une prolongation de la mission résultant d’un allongement du chantier, mais elle tend à atténuer la rigueur de la jurisprudence sur ce sujet selon laquelle la prolongation du chantier ne saurait ouvrir de droit à rémunération du maître d’œuvre en raison du caractère global et forfaitaire de sa rémunération(269).
9.2.1.5 Difficulté de mise en œuvre Il est à noter que les CCAG ne prévoient pas que la réponse de l’acheteur soit donnée avant la fin du délai d’exécution contractuel. Elle peut donc intervenir après son expiration, avec tous les effets négatifs pour le titulaire en cas de refus de prolongation. La procédure de prolongation peut s’inscrire dans un délai global de 45 jours pour le CCAG-MOE ou de 30 jours pour les CCAG-PI, MI, FCS et TIC. De tels délais peuvent s’avérer difficilement applicables lorsque les délais contractuels sont d’une durée courte. Par exemple, si le délai de livraison est de 15 jours, respecter les clauses des CCAG demandera beaucoup de réactivité tant du côté du titulaire que de l’acheteur.
Autre exemple, celui d’une livraison qui n’a pas pu avoir lieu faute d’une ouverture des locaux de l’acheteur ou de la disponibilité de la personne responsable des livraisons. Le délai était initialement fixé à 10 jours à compter du bon de commande, le titulaire se présente à J+8 et se trouve éconduit. Si celui-ci ne peut réintégrer cette livraison dans son planning dans les 2 jours suivants, il ne dispose que de ces 2 jours pour transmettre à l’acheteur une demande de prolongation de délais. Le titulaire ne peut ici bénéficier du délai de 15 jours maximum pour faire sa demande, cette possibilité étant barrée par l’échéance à 2 jours du délai de livraison contractuel (fig. 9.6).
Fig. 9.6. Les différents cas de computation des délais de demande de prolongation pour les CCAGTIC, FCS, MI et PI
En toute hypothèse, le titulaire qui ne parviendra pas à obtenir une réponse de l’acheteur dans les délais exposés ci-dessus s’expose à l’application de pénalités de retard.
Fig.9.7. Les différents cas de computation des délais de demande de prolongation pour le CCAGMOE
9.2.2 La suspension des prestations en cas de circonstances imprévisibles Tirant les leçons de la récente crise sanitaire, les CCAG dans leur version 2021 intègrent un nouveau type de situation pouvant conduire à une suspension partielle ou totale des prestations qui donc a des effets sur les délais d’exécution. Lorsque l’exécution est devenue impossible temporairement du fait de circonstances imprévisibles ou du fait de l’édiction par une autorité publique de mesures venant restreindre, interdire, ou modifier de manière importante l’exercice de certaines activités (couvrefeu, confinement, fermeture administrative…), alors les prestations peuvent être suspendues.
Les suites données à la suspension sont définies entre l’acheteur et le titulaire et peuvent être diverses, chaque cas de figure étant différent. Cela peut aboutir à une simple reprise de la totalité de l’exécution du marché comme à la suppression partielle ou totale des prestations. Les CCAG fixent néanmoins un délai de 15 jours pour constater l’état des réalisations et définir les prestations pouvant être poursuivies. Les modalités de reprises, les modifications nécessaires au marché et les éventuelles indemnisations à prévoir devront être convenues dans un délai qualifié de raisonnable. La date de reprise semble-t-elle à l’initiative de l’acheteur, le titulaire y étant tenu avec ou sans accord trouvé avec l’acheteur. Le cas échéant, le désaccord sera réglé selon les modalités de règlement des litiges fixé dans les CCAG MI, FCS, PI, MOE et TIC(270). Cette notion est plus large que les circonstances exceptionnelles du Code de la commande publique.
Fig. 9.8 La suspension des prestations en cas de circonstances imprévisibles
9.2.3 Interruption des prestations faisant suite au non-paiement d’un acompte dans le CCAG-MOE Dans le cas où un acompte accuse un retard de paiement de 3 mois à compter de la date de la demande de paiement, le maître d’œuvre est en droit d’interrompre les prestations(271). Cette interruption peut intervenir trente jours après que le maître d’œuvre a prévenu le maître d’ouvrage de son intention. Sans que le CCAG-Maîtrise d’œuvre le précise, l’interruption sera levée dès lors que le paiement de l’acompte sera réalisé.
Les délais d’exécution sont automatiquement prolongés du nombre de jours compris entre la date d’interruption des travaux et la date de paiement des acomptes en retard. Il s’agit d’un cas exceptionnel qui déroge à l’interdiction de l’exception d’inexécution (voir chapitre 2). Le titulaire peut même obtenir la résiliation du marché (voir chapitre 24).
9.3 Modification des délais d’exécution dans le CCAG-Travaux 9.3.1 Prolongation des délais Le CCAG-Travaux pose le principe que toute prolongation du délai d’exécution doit passer par la conclusion d’un avenant. Il prévoit dans le même temps, aux articles 19.2.2 et 19.2.3, une série d’exceptions qui couvrent la plupart des cas d’augmentation des délais. Il en ressort qu’en pratique l’acheteur peut le plus souvent prolonger le délai par un ordre de service. 9.3.1.2 Motifs classiques de prolongation La prolongation du délai peut être décidée par ordre de service pour les motifs suivants(272) : - le changement du montant des travaux ; - la modification de l’importance de certaines natures d’ouvrages ; - la substitution d’ouvrages différents aux ouvrages initialement prévus ; - la survenance de difficultés ou de circonstances imprévues au cours du chantier ; - le retard dans l’exécution d’opérations préliminaires à la charge du maître de l’ouvrage ; - le retard dans l’exécution de travaux préalables faisant l’objet d’un autre marché.
La durée de la prolongation est estimée par le maître d’œuvre en concertation avec le titulaire du marché, puis proposée à l’acheteur. Après accord, l’acheteur notifie au titulaire par ordre de service la nouvelle date limite d’achèvement des travaux. 9.3.1.3 Prolongation suite aux intempéries La prolongation des délais d’exécution est possible lorsque les chantiers subissent une interruption en raison des intempéries « au sens des dispositions législatives ou réglementaires »(273). Le CCAG-Travaux fait ici référence au Code du travail qui donne la définition suivante : « Sont considérées comme intempéries, les conditions atmosphériques et les inondations lorsqu’elles rendent dangereux ou impossible l’accomplissement du travail eu égard soit à la santé ou à la sécurité des salariés, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir »(274). Le Code du travail permet au maître d’œuvre, qui représente l’acheteur, de s’opposer sur le chantier à l’arrêt des travaux : « L’arrêt du travail en cas d’intempéries est décidé par l’entrepreneur ou par son représentant sur le chantier après consultation des délégués du personnel. Lorsque les travaux sont exécutés pour le compte d’une administration, d’une collectivité publique, d’un service concédé ou subventionné, le représentant du maître d’ouvrage sur le chantier peut s’opposer à l’arrêt du travail. »(275) Si elle est acceptée, la prolongation du délai est notifiée par ordre de service au titulaire du marché. Son calcul prend en compte le nombre de jours d’interruptions dû aux intempéries moins les éventuels jours d’intempéries prévisibles prévus au marché. Sont ensuite ajoutés les jours non ouvrés compris dans la période d’intempérie (fig. 9.9). Jours d’interruption des travaux : 3 Jours d’intempéries prévus au marché : 2 Jours non ouvrés compris dans la période d’intempérie : 2 Durée de prolongation : 3 jours
Fig. 9.9. Exemple de prise en compte des intempéries
Le CCAG-Travaux mentionne également la possibilité de prévoir dans le marché des modalités de prolongation des délais en cas d’intempéries ne répondant pas à la définition législative ou réglementaire ou d’autres phénomènes naturels entravant l’exécution des travaux. Le cas échéant, les phénomènes naturels éligibles à une prolongation des délais d’exécution ainsi que leurs modalités de mesure devront être précisées dans les pièces particulières du marché. Exemple Exemple de prolongation des délais pour des intempéries autres que celles prévues par les dispositions légales ou réglementaires « En vue de l’application éventuelle de l’article 18.2.3 alinéa 3 du CCAG-Travaux, les délais d’exécution des travaux seront prolongés d’un nombre de jours égal à celui pendant lequel un au moins des phénomènes naturels ci-après dépassera son intensité limite plus longtemps que la durée indiquée : - vent : Vent d’une vitesse égale ou supérieure à 20 m/sec et d’une durée minimale de 2 heures entre 7 h et 18 h ; - pluie : Pluie drue et continue d’une durée supérieure à 4 heures et correspondant à une hauteur d’eau totale de 20 mm entre 7 h et 18 h ; - neige : Chute d’une durée supérieure à 4 heures ou tapis de neige dont l’épaisseur moyenne est supérieure à 4 cm ; - température : +35 °C ou -2 °C relevés sur le chantier à 10 h ; - dans le cas de travaux intérieurs : si les ouvrages ne sont pas clos, quand la température à l’intérieur est inférieure à 2 °C. Le lieu de constatation des intensités des phénomènes naturels est la station météorologique de : “station météo la plus proche du lieu d’exécution”. L’entrepreneur fournira un relevé correspondant de la station météorologique indiquée ci-devant et l’entrave à l’exécution des travaux devra être dûment constatée par le maître d’œuvre. »
9.3.1.4 Prolongation spécifique à la période de préparation
Le CCAG prévoit la possibilité de prolonger la période de préparation lorsqu’un retard non imputable au titulaire a été pris(276). La prolongation de la période de préparation a pour effet de prolonger le délai d’exécution des travaux de la même durée. La prolongation se fait par ordre de service. Cela renvoie notamment au cas dans lequel le calendrier détaillé d’exécution n’a pas été établi et/ou transmis dans les délais contractuels à l’acheteur (10 jours selon le CCAG). On peut également citer comme exemple celui dans lequel les études du maître d’œuvre ne sont pas suffisamment abouties pour poursuivre l’opération. Dans un tel cas, le juge a considéré qu’un conducteur d’opération est responsable de ne pas avoir prolongé les délais d’exécution afin de permettre aux entreprises de prendre les mesures nécessaires pour pallier l’insuffisance des études du maître d’œuvre(277). 9.3.1.5 Modalités de prolongation des tranches optionnelles Lorsque le délai d’affermissement d’une tranche optionnelle est défini en fonction du délai d’exécution d’une autre tranche, tout retard constaté, qu’il soit le fait du titulaire ou non, entraîne une prolongation d’une durée identique du délai d’affermissement de la tranche optionnelle. Voici un exemple schématisé (fig. 9.10) d’un délai d’affermissement de 4 mois de la tranche optionnelle 1 (TO1) à compter de la fin du délai d’exécution de la tranche de référence (TR) : - délai d’exécution de la tranche de référence prévu au marché : 8 mois ; - prolongation de la tranche de référence : 2 mois.
Fig. 9.10. Délai d’affermissement de 4 mois de la tranche optionnelle 1 (TO1) à compter de la fin du délai d’exécution de la tranche de référence (TR)
9.3.1.6 Prolongation faisant suite à une interruption des travaux pour non-paiement de deux acomptes successifs Dans le cas où deux acomptes successifs ne sont pas payés, le titulaire est en droit d’interrompre l’exécution des travaux(278). Il doit pour cela avoir prévenu le maître d’ouvrage dans les trente jours qui suivent la deuxième demande d’acompte. L’absence de réaction du maître d’ouvrage dans le délai d’un mois permet au titulaire d’interrompre les travaux. Le CCAG-Travaux prévoit que les délais d’exécution sont automatiquement prolongés du nombre de jours compris entre la date d’interruption des travaux et la date de paiement des acomptes en retard. Il s’agit d’un cas exceptionnel qui déroge à l’interdiction de l’exception d’inexécution (voir chapitre 2). Le titulaire peut même obtenir la résiliation du marché (voir chapitre 24). 9.3.1.7 Prolongation en raison de la présence d’engins explosifs ou de matériaux dangereux Il n’est pas rare que des chantiers publics soient contraints de faire face à la découverte d’engins explosifs enfouis durant l’une des guerres mondiales. Le titulaire doit dans ce cas interrompre les travaux et les délais d’exécution sont prolongés de la durée nécessaire à la levée de l’obstacle. Cette prolongation qui s’impose à l’acheteur est réalisée par ordre de service et à la demande du titulaire(279). Cette stipulation du CCAG concerne aussi les matériaux dangereux dont on peut imaginer qu’il puisse s’agir de matériaux polluant, dangereux soit pour l’environnement soit pour la santé des travailleurs sur le chantier. Dans cette situation c’est au maître d’ouvrage d’ordonner par ordre de service la reprise des travaux.
9.3.2 Suspension des délais d’exécution dans les marchés de travaux
Plusieurs situations particulières, prévues au CCAG-Travaux, ont pour conséquences de suspendre l’exécution des prestations et donc le délai d’exécution. 9.3.2.1 Ajournement des travaux L’ajournement des travaux est une décision unilatérale de l’acheteur qui décide de différer leur commencement ou d’en suspendre l’exécution. Elle fait l’objet d’un ordre de service notifié au titulaire. Il n’est pas obligatoire de motiver cette décision. L’ordre de service pourra indiquer la durée d’ajournement si elle est connue. L’ajournement des travaux décidé par l’acheteur ne conduit pas à une prolongation des délais, mais à leur suspension. L’exécution des travaux est suspendue pendant un temps déterminé par l’acheteur. La décision d’ajournement doit être suivie d’une constatation contradictoire des ouvrages et parties d’ouvrage exécutés et des matériaux approvisionnés selon les modalités prévues au CCAG-Travaux(280). L’obligation de procéder à ce constat implique que l’ordre de service d’ajournement doit intervenir avant la suspension effective des travaux. L’ordre de service intervenu après la période de suspension n’est pas une décision d’ajournement valable(281). L’ajournement est possible lorsque des objets ou vestiges sont mis au jour sur le chantier. Cela est également possible lorsque le titulaire fait l’objet d’un ordre de réquisition de la part d’une autorité administrative. Mais plus largement, l’acheteur peut décider d’ajourner les travaux pour tout motif qu’il juge bon, le CCAG ne prévoyant aucune restriction. Le titulaire ne peut donc pas contester les fondements de la décision d’ajournement et il doit assurer, sous sa seule responsabilité, la garde du chantier. Selon le juge administratif, les stipulations du CCAG instituent un régime de responsabilité contractuelle de plein droit auquel l’acheteur ne peut échapper que dans l’hypothèse où l’ajournement du chantier est directement imputable à une faute de l’entrepreneur de nature à le priver de toute indemnisation(282). Le titulaire a donc droit à une indemnisation pour les frais supplémentaires qui résultent de cette garde ainsi qu’à une indemnisation du préjudice que lui
cause un décalage trop important de la réalisation des travaux. Ce préjudice doit être prouvé par le titulaire et lié directement à la décision d’ajournement. Sont par exemple indemnisables les frais généraux supportés par le titulaire, les frais supplémentaires de caution, les frais de nettoyage et les salaires du personnel(283). Il peut, si les travaux ont été interrompus par ajournement pendant plus d’une année, obtenir la résiliation du marché à condition d’en avoir fait la demande par écrit dans les 15 jours suivant la mise en œuvre du dernier ajournement qui a conduit à dépasser la durée d’un an (voir chapitre 24). 9.3.2.2 Suspension des travaux en cas de circonstances imprévisibles Le CCAG-Travaux prévoit une clause identique à celles des autres CCAG pour réagir face à des circonstances imprévisibles telle qu’une crise sanitaire (voir 9.2.2). Le cas échéant, le désaccord dans le traitement contractuel de la situation sera réglé selon les modalités de règlement des litiges fixées au CCAG(284).
Fig. 9.11. La suspension des travaux en cas de circonstances imprévisibles
9.4 Prolongation des délais d’exécution en raison de circonstances exceptionnelles À la suite de la crise sanitaire, débutée en mars 2020, le législateur a voulu tirer les conséquences de cette situation exceptionnelle sur la pratique des contrats de la commande publique. La loi dite « ASAP » a ainsi inséré dans le Code de la commande publique tout un chapitre dédié aux effets des circonstances exceptionnelles sur ces contrats(285).
En particulier, l’article L. 2711-7 impose, pour tous types de marchés, la prolongation des délais d’exécution lorsque le titulaire ne peut pas respecter le délai d’exécution d’une ou de plusieurs obligations de son marché ou que cette exécution en temps et en heure nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur le titulaire une charge manifestement excessive. L’acheteur n’a donc pas le choix que de prolonger le délai contractuel d’une durée équivalente à la période de circonstances exceptionnelles. Cependant, le titulaire doit formaliser sa demande avant l’expiration du délai initial et apporter les justifications nécessaires pour démontrer sa situation. L’acheteur reste libre d’apprécier ces justifications. En effet, ce n’est pas parce que des circonstances exceptionnelles sont avérées qu’elles induisent automatiquement des difficultés sur tous les marchés publics. L’appréciation doit se faire au cas par cas. (252) Article 3.2 du CCAG-FCS ; article 3.2 du CCAG-PI ; article 3.2 du CCAG-TIC ; article 3.2 du CCAG-MI ; article 3.2 du CCAG-Travaux, article 3.2 du CCAG-MOE. (253) Article 13 du CCAG-FCS ; article 13 du CCAG-PI ; article 13 du CCAG-TIC ; article 14 du CCAG-MI. (254) Article 22 du CCAG-PI. (255) Article 15.1.1 du CCAG-MOE. (256) Article 18 du CCAG-Travaux. (257) CCP, art. R. 2162-5 et R. 2362-5 pour les marchés publics de défense ou de sécurité. (258) CAA Lyon, 18 juillet 2007, Commune de Tignes, req. n° 05LY00461. (259) CAA Lyon, 3 mai 2012, Société Gracio, req. n° 10LY02847. (260) CAA Nancy, 26 janvier 2006, Société Ronzat, req. n° 01NC00555. (261) CE 17 juin 1998, Montredon, req. n° 151848.
(262) Article 15.3.1 du CCAG-MOE Article 21.5 du CCAG-FCS ; article 21.5 du CCAG-TIC ; article 21.5 du CCAG-PI ; article 30.5 du CCAG-MI. (263) Article 21.5 du CCAG-FCS ; article 30.5 du CCAG-MI. (264) Article 21.5 du CCAG-PI ; article 21.5 du CCAG-TIC ; article 21.5 du CCAG-FCS ; article 30.5 du CCAG-MI. (265) Article 3.8 du CCAG-MOE. (266) Rép. min. à QE n° 20975 de Jean Louis Masson, JO Sénat, 1er juin 2006. (267) Article 3.1.1 des différents CCAG. (268) Article 15.3.3 du CCAG-MOE. (269) CE 29 septembre 2010, Société Babel, req. n° 319481 (270) Article 46 du CCAG-FCS, article 55 du CCAG-TIC, article 43 du CCAG-PI, article 35 du CCAG-MOE, article 49 du CCAG-MI. (271) Article 25.1 du CCAG-MOE. (272) Article 18.2.2 du CCAG-Travaux. (273) Article 18.2.3 du CCAG-Travaux. (274) Article 18.2.3 du CCAG-Travaux. (275) Code du travail, art. L. 5424-9. (276) Article 28 du CCAG-Travaux. (277) CAA Versailles, 8 juillet 2010, Société Tales engineering and consulting, req. n° 07VE01902. (278) Article 53.2 du CCAG-Travaux.
(279) Article 32.1 du CCAG-Travaux. (280) Article 11 du CCAG-Travaux. (281) CE 12 juin 2019, Grand port maritime de Marseille, req. n° 421545. (282) CAA Lyon, 20 septembre 2018, Ville de Saint-Étienne, req. n° 17LY00483. (283) CAA Bordeaux, 8 février 2011, Société C.B.E, req. n° 10BX00730. (284) Article 55 du CCAG-Travaux. (285) Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.
Chapitre 10
Modifications du marché en cours d’exécution
Bien que le droit des marchés publics impose à l’acheteur de définir avec précision son besoin avant la conclusion du contrat(286), il est parfois nécessaire d’ajuster ce besoin en cours d’exécution. En particulier, les évolutions du service public impliquent de permettre aux parties d’agir sur leurs obligations respectives en cours d’exécution. Le marché public est donc un contrat vivant qui doit s’adapter aux changements de son environnement. Mais les possibilités d’ajustements doivent être conciliées avec les principes de transparence et d’égalité qui s’appliquent lors de la passation du marché initial. En effet, modifier un marché en cours d’exécution peut remettre en cause la sincérité de la mise en concurrence ou se présenter comme un moyen d’en contourner les règles. Le régime applicable aux modifications en cours d’exécution est donc un mélange subtil entre la nécessité d’adaptation, le respect de la sincérité des procédures de passation et des obligations de mise en concurrence.
Ainsi, la modification du marché est toujours possible si elle respecte un cadre juridique et procédural défini précisément par le Code de la commande publique. En pratique, les parties doivent éviter des modifications trop importantes du contrat, sauf dans des situations exceptionnelles. La modification du marché prend classiquement la forme d’un avenant au marché initial. Mais un ordre de service peut aussi modifier le contrat lorsqu’il est l’expression du pouvoir général de modification dont dispose l’acheteur. Important L’encadrement de la modification du marché par les textes est récent À l’occasion de la réforme du droit des marchés publics, intervenue le 1er avril 2016, la modification du marché en cours d’exécution a fait l’objet d’un encadrement par les textes beaucoup plus précis qu’auparavant. Pendant longtemps, le code des marchés publics de 2006 a réservé à ce sujet un court article 20 formulé ainsi : « En cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision de poursuivre peut intervenir quel que soit le montant de la modification en résultant. Dans tous les autres cas, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut bouleverser l’économie du marché, ni en changer l’objet ». Sur la base de cette disposition, la jurisprudence a fait son œuvre et a précisé les contours de ce que l’on appelait « le régime des avenants ». Les interventions de la Cour de justice de l’Union européenne ces dernières années dans ce domaine ont révélé au niveau européen une interprétation restrictive de la modification du marché, parfois en décalage sensible avec la jurisprudence française, notamment en ce qui concerne la cession du marché entre opérateurs économiques(287). Compte tenu de l’importance du sujet sur le plan de l’harmonisation des pratiques en matière de marchés publics, mais aussi pour le développement de la concurrence dans le marché unique, les directives européennes de 2014 relatives aux marchés publics ont décidé de mieux encadrer la modification du marché. C’est cet encadrement que l’on retrouve transposé, aujourd’hui, dans le Code de la commande publique.
10.1
Modifications autorisées
L’article L. 2194-1 du Code de la commande publique autorise la modification du marché sans procéder à une nouvelle mise en concurrence dans six situations différentes(288). Par ailleurs, aucune modification ne doit conduire à changer la nature globale du marché.
10.1.1 Modifications prévues dans une clause de réexamen ou d’option Sont admises les modifications intervenant en cours d’exécution, à condition qu’elles soient prévues dans le marché initial(289). Dans ce cas, les modifications du marché sont connues lors de la procédure de passation, aucun candidat ou concurrent évincé ne peut remettre en cause la sincérité de la mise en concurrence. L’article R. 2194-1 du Code de la commande publique indique que ces modifications sont prévues dans des clauses de réexamen ou d’options « claires, précises et sans équivoque ». À titre d’exemple, une clause de réexamen est celle qui prévoit la variation des prix par référence à l’évolution d’indicateurs économiques (chapitre 16). Cette clause, qui est par ailleurs imposée par le Code de la commande publique(290), doit être précise quant aux modalités de sa mise en œuvre, notamment : - sur la date de fixation des prix initiaux ; - la périodicité de la variation ; - le mécanisme de variation. C’est donc une clause qui s’applique de manière quasi automatique dès lors que les conditions prévues au marché sont réunies. Il n’y a aucune surprise lors de l’exécution du marché. La clause qui prévoit le passage, en cours d’exécution, d’un prix provisoire à un prix définitif, clause commune dans les marchés de maîtrise d’œuvre(291), est également une clause de réexamen(292). Il en est de même de la clause de reconduction du marché à condition que « la mise en concurrence ait été réalisée en prenant en compte sa durée totale »(293). La clause qui prévoit de manière suffisamment précise la cession du marché en cours d’exécution est également une clause de réexamen autorisée(294). Peut être rangée dans cette catégorie, dans une certaine mesure, la clause qui prévoit la conclusion d’un marché de prestations similaires de service ou de travaux dans le cadre des quelques exceptions à la mise en concurrence prévues par le Code de la commande publique(295).
Ceci étant dit, une clause de réexamen n’est pas nécessairement une clause dont l’usage est prévu par les textes relatifs aux marchés publics. Elle peut porter sur tout type de modification à condition qu’elle ne soit pas interdite par un texte ou par un principe d’ordre public, comme par exemple l’interdiction pour les personnes publiques de consentir des libéralités(296). Il est donc possible d’envisager cette clause pour garantir que des équipements devant être livrés sur une période de temps donnée restent appropriés en cas de modifications technologiques. Elle peut aussi prévoir les adaptations du marché rendues nécessaires par des difficultés techniques apparues pendant l’utilisation ou l’entretien des matériels(297). Il semble que la clause de réexamen puisse prendre une forme plus souple que les clauses qui viennent d’être évoquées et qui s’avèrent relativement précises sur la future modification. En effet, la clause de réexamen pourrait être une clause dite de « rendez-vous » ou de « revoyure », destinée à envisager une période de discussion entre les parties devant aboutir à une modification du marché(298). Toutefois, l’usage de cette forme de clause pour modifier un marché public n’est pas vraiment sécurisé à ce stade(299). Une clause de rendez-vous, comme on en rencontre souvent dans les contrats de droit privé, est-elle suffisamment précise et sans équivoque au sens du Code de la commande publique pour pouvoir modifier le marché public ? Au premier abord, la réponse est négative. Il paraît insuffisant, pour respecter l’article R. 2194-1 du Code de la commande publique, de simplement prévoir que lors de la survenance d’un événement, ou à une date déterminée, les parties se réunissent pour renégocier les termes du marché.
Important Qu’est-ce qu’une clause à la fois claire, précise et sans équivoque ? L’article R. 2194-1 du Code de la commande publique impose que la clause indique le champ d’application, la nature des modifications ou options envisagées et les conditions d’utilisation. En d’autres termes, il est exigé que cette clause définisse l’objectif à atteindre par la modification, ses modalités d’enclenchement, son contrôle et ses limites éventuelles. En effet, les conséquences de la clause de réexamen ou d’option doivent être mesurables au moment de la mise en concurrence, au risque sinon de remettre en question la sincérité et la transparence de la procédure de passation. Lorsque la clause de réexamen respecte ces exigences, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé que les modifications peuvent porter sur des conditions importantes du marché initial(300). Les CCAG dans leur version 2021 proposent tous une clause dite de réexamen(301). Cette clause type a été insérée en réaction aux effets de la crise sanitaire en 2020 sur les marchés publics. Elle vise précisément des événements de cette importance, dont l’ampleur et la nature déstabilisent de manière significative la relation contractuelle. Elle impose aux parties d’examiner de bonne foi les conséquences, financières notamment, sur l’exécution du marché. Cet examen est une obligation, l’acheteur ne pouvant pas faire l’impasse sur la réponse aux demandes du titulaire concernant les surcoûts engendrés par un événement de cette nature. Cependant, examiner les conséquences ne signifie pas qu’elles doivent obligatoirement se traduire dans un avenant modifiant le marché. L’acheteur dispose du choix d’accepter ou non la modification. En cas de refus, le débat se traitera devant le juge.
Cette clause de réexamen prévue aux CCAG doit être envisagée avec prudence par les parties. Elle vise des événements importants et imprévisibles que l’on peine à distinguer de la notion de circonstances imprévues dont le Code de la commande publique encadre les effets sur le marché (voir 10.1.3). Il ne faut donc pas s’en servir à la survenance du moindre événement inattendu et il convient d’en limiter les effets sur les conditions d’exécution, notamment en ce qui concerne l’augmentation du montant du marché.
10.1.2 Prestations supplémentaires devenues nécessaires en cours d’exécution Est autorisée la modification du marché dans le but d’acheter des prestations supplémentaires qui deviennent nécessaires en cours d’exécution, alors même qu’elles ne sont pas prévues par le marché initial(302).
La modification peut représenter jusqu’à 50 % du montant initial, ce qui est une modification importante du montant(303). De plus, cette limite s’apprécie pour chaque modification qui s’avère nécessaire et non en cumulant toutes les modifications effectuées sur ce fondement. Il en résulte qu’il est possible, en théorie, qu’une succession de modifications entrant dans ce cadre précis conduise au total à dépasser les 50 %, voire même à doubler le montant initial. Le calcul du montant de la modification doit tenir compte de la mise en œuvre de la clause de variation des prix(304). Cependant, le recours à ce régime de modification est fortement conditionné puisqu’il est nécessaire de démontrer que seul le titulaire du marché est en mesure de réaliser les prestations supplémentaires. Or, seules deux conditions cumulatives expliquent qu’il est impossible pour l’acheteur de changer de prestataire, à savoir : - qu’il est impossible d’envisager l’intervention d’un prestataire différent pour des raisons économiques ou techniques telles que l’obligation d’interchangeabilité ou d’interopérabilité avec les équipements, logiciels, services ou installations existants achetés dans le cadre du marché public initial ; - et que l’intervention d’un autre prestataire présenterait un inconvénient majeur ou entraînerait une augmentation substantielle des coûts pour l’acheteur. Le caractère cumulatif de ces conditions limite de manière importante les hypothèses d’utilisation de ce type de modification. De plus, il ne fait guère de doute que ces conditions seront interprétées par le juge d’une manière restrictive compte tenu du risque d’atteinte à la mise en concurrence inhérent à cette modification. Enfin, l’achat de prestations supplémentaires ne doit pas conduire à modifier considérablement l’objet du marché initial, quel que soit leur montant, au risque sinon d’être qualifié de modification substantielle qui est interdite.
Important Le marché de fournitures complémentaires au-delà d’un montant de 50 % du montant initial Il ne faut pas confondre la modification du marché pour des prestations supplémentaires et le recours au marché de fournitures complémentaires prévu par le Code de la commande publique(305). Le marché complémentaire n’est pas une modification du marché initial, mais un nouveau contrat conclu sans mise en concurrence avec le titulaire d’un précédent marché. Les conditions pour recourir à ce marché de fournitures complémentaires sont très proches de celles qui permettent de modifier un marché pour des prestations supplémentaires. Elles sont tout autant restrictives. La différence entre les deux régimes réside essentiellement dans l’absence de seuil de montant pour conclure le marché complémentaire.
10.1.3 Circonstances imprévues Il est possible de modifier le marché dans le cas où cela est rendu nécessaire par « des circonstances qu’un acheteur diligent ne pouvait pas prévoir »(306). Cette hypothèse se rapproche de la notion de sujétions techniques imprévues consacrée d’abord par la jurisprudence puis par l’ancien Code des marchés publics. Celui-ci prévoyait qu’en présence de sujétions techniques imprévues les modifications apportées au marché initial pouvaient être très importantes, quel que soit leur montant, au point d’en changer l’objet et d’en bouleverser l’économie(307). Le régime prévu par le Code de la commande publique pour les circonstances imprévues est différent. D’abord, elles ne doivent pas entraîner une augmentation supérieure à 50 % du montant initial du marché. Ensuite, elles ne doivent pas entraîner une modification considérable de l’objet du marché qui pourrait être qualifiée de modification substantielle et donc être interdite. Les circonstances imprévues sont des difficultés matérielles en lien avec l’exécution du marché. Elles présentent un caractère exceptionnel, elles sont imprévisibles pour un acheteur raisonnablement diligent et elles sont nécessairement extérieures à son action(308). En effet, il ne serait pas acceptable que l’acheteur soit à l’origine des circonstances justifiant de modifier le marché d’une manière aussi importante.
Cette définition est très proche de celle qui est proposée dans les préambules des textes européens relatifs aux marchés publics, mais qui n’a pas été reprise dans le Code de la commande publique(309). Important Il est possible d’opérer un rapprochement entre la notion de circonstances imprévues et la notion de sujétions techniques imprévues Les circonstances imprévues ne sont à ce stade pas définies par la jurisprudence. Il est sans doute possible de s’appuyer sur la définition donnée par le juge aux sujétions techniques imprévues, en ayant conscience que les deux notions ne sont pas nécessairement équivalentes. En effet, les sujétions techniques imprévues, même si les textes n’y font plus expressément référence pour justifier les modifications du marché, restent un fondement juridique utilisé par le juge pour l’indemnisation du titulaire (chapitre 25). Il est donc logique d’opérer un rapprochement entre les deux notions.
10.1.4 Remplacement du titulaire initial par un nouveau titulaire 10.1.4.1 Champ d’application de la modification Le remplacement du titulaire par un autre opérateur est une substitution de cocontractant. Il s’agit d’une cession du marché public entre opérateurs économiques. Le Code de la commande publique autorise cette substitution, mais il en limite les possibilités(310). Seules deux situations permettent de substituer un nouvel opérateur au titulaire initial en cours d’exécution du marché. En dehors de ces cas, le remplacement du titulaire par un autre opérateur économique est considéré, en principe, comme étant une modification substantielle du marché(311). Le remplacement est d’abord admis dans le cadre d’une clause de réexamen ou d’une option prévue lors de la passation du marché. Une telle clause peut donc prévoir la cession patrimoniale du marché, c’est-à-dire que le titulaire peut le céder à un autre opérateur, dans une logique purement économique(312). Le titulaire peut donc céder le marché, à condition que les
mécanismes de cette cession soient prévus de manière précise et univoque dans le contrat, notamment les conditions dans lesquelles le titulaire va présenter un autre opérateur à l’acheteur et les conditions dans lesquelles ce dernier va accepter ou non ce remplacement. Recommandation Prévoir une clause qui encadre la possibilité de céder le marché La clause de réexamen qu’il est possible d’insérer dans le marché afin d’en autoriser la cession doit être précise et univoque. Elle est librement rédigée par l’acheteur. Dans cet esprit, rien ne lui interdit de se laisser la possibilité de refuser la cession en cours d’exécution, sans aucune motivation. A minima, une clause de réexamen pour le remplacement du titulaire devrait fixer les exigences suivantes : - l’opérateur cessionnaire doit présenter des capacités financières, techniques et professionnelles au moins identiques à celles du titulaire cédant ; - la cession du marché est interdite dans la première année d’exécution ; - la cession est subordonnée à une autorisation expresse de l’acheteur ; - l’acheteur peut, quel qu’en soit le motif, opposer un refus à la cession du marché ; - l’opérateur cessionnaire reprend purement et simplement l’ensemble des obligations du marché ; - l’opérateur cessionnaire est responsable envers l’acheteur du passif imputable au titulaire cédant et trouvant son origine avant la prise d’effet de la cession.
La substitution du titulaire par un autre opérateur économique est ensuite admise dans le cadre d’une opération de restructuration, c’est-à-dire dans le cadre d’opérations de fusion, d’acquisition ou de transformation du titulaire qui conduisent à l’apparition d’un nouvel opérateur économique. La cession du marché qui résulte de ces opérations ne doit pas entraîner d’autres modifications que celle provoquée par le remplacement du titulaire. Elle ne doit pas, par exemple, en changer l’objet ou l’équilibre économique. Elle ne doit pas non plus être le moyen de contourner les règles de mise en concurrence. Dans les deux cas de remplacement prévus par le Code de la commande publique, le nouveau titulaire doit présenter des capacités identiques à celles qui avaient été exigées de l’ancien titulaire. Il va sans dire que la reprise du marché se fait à l’identique, à l’exception d’ajustements mineurs et non substantiels, et qu’elle comprend l’ensemble des droits et obligations
attachés au contrat, notamment les dettes éventuelles de l’ancien titulaire envers l’acheteur. Le remplacement du titulaire initial se fait pour la totalité du marché, il n’y a pas de cession partielle du marché. Un remplacement partiel remet sans aucun doute en cause les objectifs poursuivis par le marché et les conditions de la mise en concurrence à l’origine de sa conclusion.
Important
La clarification du régime de la cession du marché par le titulaire Le régime de la cession des marchés publics a connu ces dernières années quelques incertitudes liées à des jurisprudences en apparence divergentes. Dans un avis en date du 8 juin 2000(313), le Conseil d’État a largement admis le principe d’une cession du marché en en précisant les contours et notamment les cas dans lesquels une autorisation préalable de l’acheteur est indispensable. Cependant, le juge européen a adopté dans la décision « Pressetext » de 2008(314) une position beaucoup plus restrictive puisqu’il a considéré que le changement de titulaire en cours d’exécution est une modification substantielle du marché, nécessitant par conséquent une nouvelle mise en concurrence. Cette décision, à la rédaction ambiguë, a été peu suivie dans les faits, notamment par les juridictions françaises. En outre, le Conseil d’État a considéré dans un avis du 1er décembre 2009 qu’il y avait en réalité une convergence entre les deux jurisprudences(315). Autant dire que la situation était pour le moins confuse. Le régime de la cession a finalement été clarifié dans la nouvelle réglementation européenne des marchés publics dont le Code de la commande publique est la transposition. La cession du marché est possible lorsque le marché l’envisage dans le cadre d’une clause de réexamen ou lorsqu’elle résulte d’une réorganisation du titulaire, notamment suite aux aléas de la vie économique. Elle est en revanche interdite dans les autres cas. Ce régime est une forme de synthèse des deux positions jurisprudentielles qui viennent d’être rappelées, mais il est plus proche de la position adoptée par le Conseil d’État que de celle, restrictive au premier abord, du juge européen. En effet, dans la vie économique, les opérateurs se transforment, disparaissent, opèrent des transferts de patrimoine. Les marchés publics, malgré l’objectif de mise en concurrence qui les caractérise, ne peuvent pas se tenir à l’écart de cette réalité. Pour rappel, le Conseil d’État a dressé dans son avis du 8 juin 2000 une typologie, non exhaustive, des situations dans lesquelles il y a une cession du contrat. Ces situations sont les suivantes : - le titulaire fusionne avec un autre opérateur économique ce qui donne lieu à la naissance d’une nouvelle société ; - le titulaire est absorbé par un autre opérateur économique (fusion-absorption), ce qui conduit à la disparition du titulaire et à la reprise du marché par une nouvelle personne morale ; - le titulaire est dans une situation de scission, c’est-à-dire que son activité est scindée entre plusieurs opérateurs économiques, ce qui a pour conséquence, le plus souvent, la disparition du titulaire. En revanche, les situations suivantes ne sont donc pas considérées comme une cession du marché, car il n’y a en réalité pas d’intervention d’une nouvelle personne morale : - la transformation du titulaire par voie de statut, par exemple lors d’une transformation de SARL en société anonyme ; - la filialisation du titulaire lorsqu’il devient la filiale d’un groupe ou d’un opérateur plus important ; - le changement dans le capital du titulaire, même en cas de changement important et de prise de contrôle totale par un autre opérateur. Pour le Conseil d’État, la cession du contrat ne remet pas en cause les conditions de mise en concurrence, sauf s’il est manifeste que la cession organisée juste après l’attribution du marché
est constitutive d’une manœuvre pour fausser la procédure de passation. L’avis du 8 juin 2000 demeure une grille de lecture utile pour appréhender la substitution de titulaire en cours d’exécution du marché.
10.1.4.2 Autorisation préalable de l’acheteur En principe, le remplacement du titulaire exige une autorisation préalable de l’acheteur. Le titulaire doit ainsi présenter à l’acheteur le nouveau titulaire et les capacités de ce dernier. Bien que le Code de la commande publique ne fasse pas référence à cette autorisation préalable, il s’agit d’une exigence ancienne de la jurisprudence qui doit être respectée en l’absence de disposition contraire(316). Cette autorisation préalable est indispensable pour que la cession du marché puisse être opposée à l’acheteur. À défaut, la cession est jugée illégale(317) et elle est constitutive d’une faute pouvant conduire à la résiliation du marché aux torts du titulaire initial(318). Lorsque la substitution de titulaire s’opère dans le cadre d’une opération de restructuration du titulaire initiale, le Code de la commande publique prévoit une obligation pour le nouveau titulaire de présenter les mêmes capacités que celles du titulaire initial. Le respect de cette obligation implique un contrôle de la part de l’acheteur et le pouvoir d’admettre le nouveau titulaire ou de le refuser. Un refus doit être motivé par l’insuffisance des capacités du nouveau titulaire. En revanche, lorsque la substitution résulte d’une clause de réexamen, il est envisageable pour l’acheteur de refuser le nouveau titulaire en prenant en compte des considérations extérieures à cet opérateur économique, comme par exemple l’intérêt du service public. La clause de réexamen doit prévoir précisément les différents cas de refus. En pratique, l’autorisation doit être donnée par la personne qui a le pouvoir de décider l’attribution du marché. Pour une collectivité territoriale, ce sera donc l’assemblée délibérante ou l’exécutif local si l’assemblée lui a donné une délégation pour toutes les mesures relatives à l’exécution du marché. Cette autorisation doit en principe être expresse et formalisée par un document écrit, mais il est admis, selon les circonstances, qu’une
autorisation tacite puisse résulter du comportement de l’acheteur. Elle est admise, par exemple, lorsque l’acheteur exécute le marché avec le titulaire repreneur en lui adressant directement des ordres de service(319) ou en ne contestant pas sa présence lors des réunions relatives à l’établissement du décompte général(320). En tout état de cause, l’autorisation tacite de céder le marché ne saurait résulter du seul silence de l’acheteur informé du projet de cession. Des actes prouvant l’absence d’opposition à la cession et manifestant clairement son consentement sont nécessaires(321). La cession qui intervient après l’exécution complète des prestations prévues au marché n’a pas, semble-t-il, à être obligatoirement autorisée, de sorte que le repreneur du marché, suite à une fusion-absorption, peut légalement faire valoir ses droits sur les créances qui résultent de cette exécution(322). Exemple L’autorisation de l’acheteur est obligatoire avant l’entrée en vigueur de la cession du marché : CAA Lyon, 30 juin 2009, GFI Informatique, req. n° 04LY01409 « Considérant que la cession d’un marché public par son titulaire à un tiers, qui peut résulter notamment d’une transmission à ce dernier de patrimoine ou d’actifs, est subordonnée, même en l’absence de toute clause du marché en ce sens, à l’autorisation préalable de la collectivité publique cocontractante ; que cette autorisation doit être antérieure à l’entrée en vigueur de la cession du marché ; Considérant que l’exigence d’une autorisation de la collectivité publique préalablement à la cession d’un marché, qui ne vaut pas pour le transfert de l’activité elle-même à laquelle ce marché est attaché, ne porte pas atteinte aux principes de liberté contractuelle et de liberté d’entreprendre ; qu’une telle exigence, qui a pour objet de permettre à la collectivité publique de s’assurer en particulier des capacités techniques ou financières du cessionnaire, ne méconnaît pas plus le principe de transmission universelle du patrimoine ; ».
10.1.5 Modifications non substantielles Les modifications non substantielles sont admises, quel que soit leur montant. Le Code de la commande publique ne donne pas la définition de ce type de modifications, mais, en revanche, il indique ce que recouvrent les modifications qui sont substantielles(323). Ce qui n’est pas substantiel est donc non-substantiel.
Les modifications non substantielles sont celles dont l’impact sur le marché est marginal. En effet, soit les modifications sont substantielles et dans ce cas, elles sont interdites, soit les modifications entrent dans l’un des cas de modifications autorisées par l’article L. 2194-1 du Code de la commande publique et sont dès lors permises dans le respect des conditions fixées par le code. Comme le champ des modifications autorisées est large et couvre de nombreux cas de figure rencontrés dans l’exécution des marchés publics, les modifications non substantielles sont toutes les autres modifications du marché qui sont de l’ordre du détail ou de l’ajustement contractuel. La Direction des affaires juridiques de Bercy illustre cette hypothèse de modification par une décision du Conseil d’État, en date du 20 décembre 2017(324). Dans cette affaire, le juge considère qu’un avenant transformant un prix révisable en un prix ferme et définitif est régulier dans la mesure où il intervient à la fin de l’exécution du marché, une fois que l’essentiel des travaux a été payé par voie d’acomptes. Le moment auquel est intervenu cet avenant a joué dans l’appréciation de ses effets sur le marché. Le Conseil d’État n’aurait sans nul doute pas apprécié de la même manière sa légalité si l’avenant avait été conclu au début de l’exécution du marché.
10.1.6 Modifications dont les montants sont faibles Un marché peut faire l’objet d’une modification si elle est de faible montant(325). Pour qu’une modification soit considérée de faible montant, un double seuil est à respecter : - le montant de la modification doit être inférieur aux seuils européens de procédure pour les marchés de fournitures et de services et pour les marchés de travaux ; - le montant de la modification doit être inférieur à 10 % du montant du marché initial pour les marchés de fournitures et de services et à 15 % pour les marchés de travaux.
Les modalités de calcul des montants de modifications sont encadrées. D’une part, le calcul doit se faire en cumulant l’ensemble des modifications relatives au même marché, ce qui est une condition plutôt restrictive. D’autre part, les modalités de variation des prix prévues au marché sont appliquées pour calculer les montants des modifications, c’est-à-dire que le montant initial du marché est d’abord révisé avant de calculer le taux d’augmentation que représente la modification(326). D’après une réponse ministérielle en date du 16 juin 2016, « cette logique de calcul se justifie par la nécessité de prendre en compte la réalité financière d’un marché public à l’instant où la modification est envisagée »(327). Important Les modalités de calcul des montants sont très différentes selon la nature de la modification Concernant les modifications du montant du marché initial, le Code de la commande publique prévoit des modalités de calcul très différentes selon qu’il s’agit de modifier le marché en raison de circonstances imprévues, en raison de prestations supplémentaires ou pour une modification de faible montant. Les montants des modifications pour prestations supplémentaires ou de celles liées à des circonstances imprévues ne sont pas cumulés. Le taux de 50 % s’apprécie pour chaque modification. En outre, les seuils européens de procédures ne sont pas une limite aux modifications. Enfin, la clause de variation des prix ne semble pas devoir être prise en compte. Au contraire, les modifications de faible montant soumises aux seuils respectifs de 10 % pour les fournitures et services et 15 % pour les marchés de travaux sont soumises à des modalités de calcul beaucoup plus strictes puisqu’elles doivent être cumulées, comme le montre l’exemple cidessous (tab. 10.1). Tab. 10.1. Calcul du montant des avenants cumulés Montant en € HT Montant initial du marché en € HT
350 000
Montant du marché après variation des prix n° 1 Avenant n° 1 avec prise en compte des variations de prix Montant du marché après variation des prix n° 2 Avenant n° 2
353 010
Taux de variation des prix du marché
0,86 %
3 000 358 750 5 000
Taux cumulés d’augmentation du marché
0,85 % 2,5 % 2,23 %
Montant du marché après variation des prix n° 3 Avenant n° 3
10.2
358 050 10 000
2,33 % 5,22 %
Modifications non autorisées
Le Code de la commande publique propose également une typologie des modifications du marché public qui ne sont pas autorisées. Cette typologie n’est pas exhaustive et les interdictions présentées dans le code sont très générales, ce qui laisse place à l’interprétation. Ces interdictions, issues de la transposition des directives européennes de 2014(328), peuvent être interprétées à la lumière des jurisprudences du Conseil d’État et de la Cour de justice de l’Union européenne, qu’elles soient antérieures ou postérieures aux dernières directives européennes.
10.2.1 Interdiction de changer la nature globale du marché L’article L. 2194-1 du Code de la commande publique interdit la modification du marché au point d’en changer la nature globale. Il ne précise pas pour autant ce que recouvre la notion de nature globale. Cette notion est issue des directives européennes de 2014. On peut rapprocher cette interdiction de celle en vigueur sous l’empire du code des marchés publics de 2006 selon laquelle il était interdit de bouleverser l’économie du marché ou d’en changer l’objet(329). Désormais, l’économie et l’objet du marché sont concernés par des interdictions spécifiques, prévues au titre des modifications substantielles. Il semble donc que la notion de nature globale du marché soit encore plus large. Un arrêt du Conseil d’État du 15 novembre 2017, relative à un contrat de concession, donne un aperçu de ce que peut recouvrir cette notion. La réduction importante du périmètre de la concession, consistant à en retirer la gestion de tous les parkings publics initialement concernés, est jugée « eu
égard à son ampleur, comme changeant la nature globale du contrat initial »(330). Toujours concernant une concession, dans un avis du 26 avril 2018, le Conseil d’État a considéré que retirer les missions relatives à la réalisation d’un aéroport du périmètre du contrat portant initialement sur la construction et l’exploitation de cet aéroport est une modification ne pouvant qu’être regardée « eu égard à son ampleur, comme changeant la nature globale du contrat initial »(331). Il s’infère de ces premières jurisprudences que changer la nature globale du contrat consiste à le modifier trop en profondeur, au point de ne pas reconnaître le contrat initial et aboutir à un contrat qui lui est radicalement étranger. Tous les cas de modifications prévus par le Code de la commande publique doivent respecter l’interdiction de changer la nature globale du marché. Cela est évident pour les modifications substantielles qui sont interdites. Mais cela est également avéré pour les modifications autorisées par l’article L. 2194-1. Dans l’avis précité du 26 avril 2018, le Conseil d’État a précisé qu’il procède d’une lecture erronée des textes de la commande publique le fait de considérer que les modifications autorisées ne sont pas concernées par l’interdiction de changer la nature globale du contrat. Comme le rappelle l’article L. 2194-1 du Code de la commande publique, la nature globale du marché ne doit pas être affectée que la modification intervienne par avenant ou par décision unilatérale de l’acheteur.
10.2.2 Interdiction des modifications substantielles Les modifications substantielles ont toujours été interdites par la jurisprudence, car elles remettent en cause les conditions initiales de formation du marché public, c’est-à-dire les conditions de la mise en concurrence. L’article R. 2194-7 du Code de la commande publique dresse une liste de modifications qui sont substantielles. Il s’agit plus de caractéristiques générales que de cas de figure précis. Néanmoins, cette
liste, qui n’est pas exhaustive, permet à la lumière de la jurisprudence de mieux cerner ce que sont les modifications substantielles du marché public. 10.2.2.1 Modification qui aurait impacté la procédure de passation du marché Sont interdites les modifications qui, si elles avaient été connues lors de la procédure de mise en concurrence, auraient pu influer sur le nombre de soumissionnaires ou sur le choix du titulaire. Cette interdiction est logique dans la mesure où les principes régissant la commande publique, à savoir la transparence des procédures, l’égalité de traitement des soumissionnaires et la liberté d’accès aux marchés publics s’imposent à l’acheteur même lorsque la procédure de passation est achevée(332). Par exemple, la réduction importante de l’objet du marché en cours d’exécution est une modification substantielle si elle a pour conséquence de le mettre, finalement, à la portée d’un plus grand nombre d’opérateurs économiques. L’impact de cette modification se vérifie si, à l’origine, l’importance du périmètre du marché avait conduit à limiter les opérateurs capables de l’exécuter(333). En pratique, la modification qui pourrait impacter la procédure de passation du marché est souvent une modification substantielle à différents titres. C’est en effet, lorsque l’on touche à l’objet du marché(334), à son équilibre financier ou à l’identité de son titulaire que l’on peut considérer que les conditions initiales de la mise en concurrence ne sont plus les mêmes. Les modifications marginales ou entrant dans le champ des modifications autorisées par l’article L. 2194-1 du même code ne sont évidemment pas susceptibles de remettre en cause la procédure de passation du marché. 10.2.2.2 Modification de l’équilibre économique du marché en faveur du titulaire, au-delà des prévisions du contrat L’article R. 1294-7, alinéa 2 du Code de la commande publique interdit toute modification du marché lorsque celle-ci « modifie l’équilibre économique du marché en faveur du titulaire d’une manière qui n’était pas
prévue dans le marché initial ». Cette disposition rappelle l’interdiction de bouleverser l’économie du marché, en vigueur sous l’empire de l’ancien code des marchés publics(335). Il est donc possible d’établir un rapprochement entre les deux interdictions pour mieux en comprendre le champ d’application, la jurisprudence antérieure pouvant apporter des éclairages utiles. L’impact économique de la modification doit s’apprécier exclusivement du point de vue de l’avantage procuré au titulaire du marché, et non pas de l’avantage que pourrait en tirer l’acheteur. Il n’est pas interdit qu’une modification du marché conduise à changer son équilibre économique à l’avantage de l’acheteur et donc au détriment du titulaire, sans être qualifiée pour autant de substantielle. L’objectif de l’interdiction étant de préserver les conditions de mise en concurrence initiale, les déséquilibres intervenant en faveur de l’acheteur ne remettent pas en cause ces conditions. Par exemple, sous l’empire du code des marchés publics de 2001, la suppression de la clause de révision des prix par un avenant n’a pas été jugée comme un bouleversement de l’économie du marché dès lors qu’elle est intervenue au détriment du titulaire(336). Exemple La suppression, au détriment du titulaire, de la clause de révision du prix ne bouleverse pas l’économie du marché : CE 20 décembre 2017, Société Aera Impianti, req. n° 408562 « 4. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 19 du même code dans sa version alors applicable : “Sauf sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ne peut bouleverser l’économie du marché, ni en changer l’objet” ; que ces dispositions ont pour effet de faire obstacle à ce que les parties puissent apporter aux stipulations d’un marché public pendant la durée de sa validité des modifications d’une ampleur telle qu’il devrait être regardé comme un nouveau marché ; que la cour a pu, sans erreur de droit, considérer que la modification des règles de détermination du prix initial ne constituait pas, par elle-même, un bouleversement de l’économie du marché ; qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué, non contestées sur ce point, que le troisième avenant a modifié le mécanisme de fixation des prix du marché, en fin d’exécution de celui-ci, dans un sens désavantageux à son titulaire ; que la cour, qui s’est livrée à une appréciation souveraine des clauses du contrat, exempte de dénaturation, n’a pas inexactement qualifié les faits en jugeant que la suppression de la clause relative à la révision des prix ne pouvait, eu égard à sa nature et à ses effets, être regardée comme ayant bouleversé l’économie générale du marché ; ».
En pratique, c’est l’équilibre financier qui en premier lieu est concerné par les modifications du marché, de sorte que c’est surtout eu égard au montant
du marché que les effets de ces modifications doivent être appréciés. La question se pose de savoir à partir de quel niveau d’augmentation on peut considérer que l’équilibre financier est modifié en faveur du titulaire. Comme nous l’avons vu précédemment, le Code de la commande publique autorise les modifications cumulées de faible montant, jusqu’à 10 % pour des fournitures et services et jusqu’à 15 % pour des travaux. Cela ne signifie pas qu’une augmentation qui irait au-delà de ces taux serait qualifiée automatiquement de substantielle. Tout dépend de chaque cas et du contexte qui l’entoure. Une ancienne circulaire d’application du code des marchés publics, aujourd’hui abrogée, considérait qu’un taux de 15 à 20 %, ou plus, d’augmentation du montant du marché initial était susceptible d’être regardée par le juge administratif comme bouleversant l’économie du marché(337). Ces taux n’ont pourtant jamais été validés par la jurisprudence comme des taux de référence. Au contraire, l’examen de la jurisprudence montre que le juge, pour apprécier l’existence d’un bouleversement de l’économie du marché, sous l’empire de l’ancienne réglementation, prend en compte les éléments de contexte et pas uniquement le niveau d’augmentation du montant. Évidemment, il sanctionne les hausses très importantes, de l’ordre de 40 % à 50 %, du montant initial(338). Mais une augmentation de moindre importance peut toute aussi bouleverser l’économie du marché. C’est le cas d’un avenant augmentant de 12 % le montant initial d’un marché, à hauteur de 7 115 € HT, que le juge invalide au motif que les travaux concernés par la modification correspondent à un nouveau besoin susceptible de faire l’objet d’une nouvelle mise en concurrence(339). Dans une autre affaire, un avenant en plus-value de 12 % a été jugé comme bouleversant l’économie du marché, car l’augmentation n’est pas justifiée au regard de la parfaite connaissance par le titulaire des contraintes d’exécution et du caractère forfaitaire du prix du marché(340). En revanche, une augmentation de 38 % du montant initial ne bouleverse pas l’économie du marché dans la mesure où les avenants concernés ne prévoient pas des prestations différentes de celles prévues au marché initial(341). La cour administrative d’appel de Paris a également validé un
avenant augmentant le montant d’un marché de maîtrise d’œuvre d’environ 29 %, dans la mesure où cette augmentation a pour but de prendre en compte les évolutions du programme du maître d’ouvrage se rapportant à des missions indissociables des prestations initiales du marché(342). Important Le dépassement des seuils de procédures Il n’est pas impossible que des modifications successives entraînent une augmentation du montant du marché conduisant au dépassement d’un seuil de procédure formalisée. C’est le cas, par exemple, si un marché de travaux a été passé selon une procédure adaptée et que les différents avenants conduisent à l’augmentation de son montant au point de franchir le seuil de la procédure formalisée. Il est en principe considéré qu’un avenant ne peut pas conduire à un tel dépassement(343). Les acheteurs doivent être prudents et éviter de se trouver dans cette situation, notamment en recourant à la procédure formalisée lorsque l’estimation du marché est proche d’un seuil de procédure. Néanmoins, dans un cas d’espèce, le juge n’a pas sanctionné le dépassement du seuil dans la mesure où les avenants ont été conclus de manière régulière et qu’ils ont permis la poursuite des travaux(344).
10.2.2.3 Modification considérable de l’objet du marché Est substantielle, et par conséquent interdite, la modification considérable de l’objet du marché. Cette interdiction est logique dans la mesure où réviser l’objet du marché conduit le plus souvent à remettre en cause les conditions initiales de la mise en concurrence. Toutefois, cette interdiction n’est pas absolue. En effet, la modification de l’objet du marché n’est prohibée qu’à partir du moment où elle est « considérable », ce qui donnera lieu en pratique à de nombreuses hésitations. Concrètement, l’acheteur doit apprécier l’importance de la modification sur l’objectif à atteindre avec son marché initial. Il doit aussi se demander si la modification ne revient pas à confier la réalisation de prestations qui pourraient être qualifiées de distinctes ou dissociables des prestations prévues initialement et qui devraient donc donner lieu à la passation d’un
nouveau marché(345). Des prestations nouvelles, étrangères aux prestations initiales, affecteront l’objet du marché. À l’inverse, l’objet n’est pas modifié si les prestations prévues dans le cadre de la modification présentent la même nature que celles prévues au marché initial(346). Cela a été admis pour l’extension du périmètre du service de Vélib’ par la Ville de Paris. Les prestations étant strictement identiques et l’augmentation du montant du marché limitée, l’avenant a été jugé légal(347). Il peut en être de même si les prestations supplémentaires, bien que sensiblement différentes des prestations initiales, sont nécessaires à la poursuite de l’exécution des prestations prévues au marché(348) ou ne sont pas, par nature, étrangères à l’objet du marché(349). Si un avenant a pour effet de modifier le contenu du marché, les prestations modifiées doivent nécessairement présenter un lien avec l’objet initial du marché. Un avenant ne pourrait, par exemple, modifier la nature et la destination d’un bâtiment à usage de bureau en le transformant en bâtiment à usage de logement. De même, serait sans nul doute illégal l’avenant qui prévoirait de confier la réalisation de quelques prestations de sécurité au titulaire du marché de prestations de nettoyage des locaux. 10.2.2.4 Changement de titulaire du marché en dehors du cas de cession autorisée Est formellement interdite, la cession du marché par le titulaire, sauf si cette cession a eu lieu dans le cadre autorisé par le Code de la commande publique, examiné précédemment. Le recours à la sous-traitance en cours d’exécution du marché n’est évidemment pas une cession du marché, le titulaire du marché demeure le seul responsable vis-à-vis de l’acheteur, le sous-traitant n’est qu’un participant à l’exécution. Par ailleurs, la sous-traitance en cours d’exécution est expressément envisagée par le Code de la commande publique (voir chapitre 6). Tab. 10.2. Les exemples de modifications autorisées et de modifications non autorisées Type de modifications
autorisées
Commentaire
Augmentation du montant du marché.
Oui
Augmentation du nombre de prix dans un marché à prix unitaire (exemple : marchés de fournitures à forte obsolescence). La modification des conditions de calcul et de versement de l’avance.
Oui
Non
L’adaptation d’une clause ambiguë.
Oui
L’augmentation de la durée du marché.
Oui
La modification des délais d’exécution.
Oui/Non
Les changements dans la réglementation.
Oui
Les modifications dans la législation fiscale.
Oui
L’ajout d’une libéralité en
Non
Dans la limite de 10 % du montant du marché initial pour les fournitures et services et de 15 % pour les travaux. Ou dans la limite de 50 % en cas de justification de circonstances imprévues. Ou dans la limite de 50 % pour des prestations supplémentaires. Ou justification du caractère non substantiel de l’augmentation. À condition que l’augmentation reste raisonnable et ne remette pas en cause les conditions initiales de la mise en concurrence.
Cette modification est interdite par les textes d’application, le taux et les conditions de versement de l’avance ne peuvent être modifiés en cours d’exécution (1). Lorsqu’il est nécessaire de préciser ou de compléter une clause du marché dont la compréhension en cours d’exécution a pu poser des difficultés aux parties. Attention à ce que cette modification ne soit pas qualifiée de substantielle. Peut être justifié par la nécessité de terminer les prestations en cours d’exécution. D’autant moins problématique si cette modification ne s’accompagne d’aucune modification dans la nature des prestations ou dans le montant du marché. La prolongation est une mesure prévue dans chaque CCAG, elle est donc possible, car elle est envisagée au contrat. Cependant, elle doit être justifiée et ne pas aboutir à modifier l’équilibre économique en faveur du titulaire ou en remettant en cause les conditions de la mise en concurrence initiale. Nécessaire si l’importance des changements affecte directement le contenu même des clauses techniques écrites par l’acheteur (par exemple, durcissement des normes de sécurité qui impacte le contenu des prestations et leur prix initial). Les CCAG prévoient ce cas de figure. Dans le cas de l’introduction d’une nouvelle taxe ou de la modification d’un taux en cours d’exécution, la modification du marché par voie d’avenant s’impose aux parties. Les CCAG prévoient ce cas de figure. L’acheteur ne peut consentir un avantage injustifié ou
faveur du titulaire.
Modification des clauses de variation des prix.
Oui/Non
payer des sommes qu’il ne doit pas au titulaire, notamment dans le cadre d’une indemnisation (voir chapitre 25). En principe, les modalités de variation des prix sont considérées comme un élément substantiel du marché. Leur modification est donc déconseillée, notamment s’il s’agit d’ajouter ou de supprimer une clause de révision des prix (2). Cependant, le Conseil d’État juge que la modification des règles de détermination du prix initial ne constitue pas, par elle-même, un bouleversement de l’économie du marché (3). Tout dépend du moment auquel intervient cette modification et de l’avantage qu’il procure au titulaire du marché. Lorsqu’une clause a bien été prévue au marché initial et que celle-ci comporte une erreur matérielle, par exemple, un inversement dans la formule de révision, la modification est admise (4). De même, si une référence prévue pour la variation des prix vient à disparaître en cours d’exécution du marché, son remplacement s’impose aux parties (disparition d’un indice INSEE par exemple).
(1) CCP, art. L. 2191-3. (2) Rép. min à QE n° 31973, JO Sénat 3 novembre 2009, p. 10428. (3) CE 20 décembre 2017, Société Aera Impianti, req. n° 408562. (4) CAA Bordeaux, 12 décembre 2006, req. n° 03BX01349 ; Rép. min à QE n° 49419, 1er avril 2014, JO AN, p. 3034.
10.3 Modalités de mise en œuvre des modifications Deux moyens différents peuvent être utilisés pour modifier le marché(350). Soit un moyen conventionnel, qui consiste à conclure un avenant, soit un moyen unilatéral qui consiste pour l’acheteur à notifier au titulaire du marché un ordre de service(351). Ils n’ont pas le même champ d’application et présentent chacun leurs propres avantages et inconvénients.
10.3.1 Avenant
10.3.1.1 Définition Le Code de la commande publique n’utilise jamais le terme « avenant », préférant se référer à la notion de modification du marché. Néanmoins, en droit, l’avenant reste la forme la plus appropriée pour opérer la modification des clauses contractuelles d’un marché. L’avenant se définit comme l’acte par lequel les parties à un contrat modifient ou complètent une ou plusieurs de ses clauses. Un avenant est donc un acte contractuel à part entière qui traduit une volonté commune des parties pour la modification du marché initial. La signature d’un avenant est donc une action importante dont les conséquences s’imposent aux parties. Ainsi, le titulaire du marché ne peut pas demander un supplément de rémunération pour des travaux dont le montant a été établi dans l’avenant qu’il a signé librement(352). L’effet est le même pour l’acheteur qui ne peut refuser le paiement du prix global et forfaitaire des travaux supplémentaires sur lequel il s’est engagé par voie d’avenant(353). L’avenant est toujours rattaché à un marché. L’illégalité de ce dernier rejaillit d’ailleurs sur l’avenant puisque son annulation par le juge administratif prive l’avenant de base légale(354). Il est impossible et illégal de conclure un avenant si le marché est terminé, notamment si sa durée a expiré. Le marché initial doit être en cours de validité. Le but de l’avenant étant d’apporter des modifications ou des précisions, ses effets vont prévaloir sur le marché et son contenu va se substituer au contenu du marché ou le compléter. Sa signature intervenant après celle du marché, c’est l’accord de volonté le plus récent qui est pris en compte. Avenant de régularisation Il est communément admis qu’un marché ne peut pas produire d’effet rétroactif, car c’est la notification au titulaire qui lui fait confère des effets juridiques qui ne sont donc pris en compte que pour la période qui court après cette date(355). Il devrait en être de même pour un avenant. Pourtant,
l’examen de la jurisprudence montre qu’il n’est pas interdit de prendre en compte par voie d’avenant des situations d’exécution antérieures à la conclusion de l’avenant, permettant ainsi la régularisation de ces situations(356). Important Un avenant de régularisation n’est pas un marché de régularisation Un avenant dit de régularisation ne doit pas être en réalité un marché de régularisation, c’est-àdire un contrat conclu pour des prestations manifestement distinctes des prestations du marché initial. Dans ce cas l’appellation « avenant » n’a pour seul objet que de contourner les obligations de mise en concurrence. Un tel dévoiement de l’avenant peut conduire, sans nul doute, à de graves conséquences pénales au titre du délit de favoritisme. Un avenant qui a pour objet de régulariser des modifications qui entrent dans le cadre des modifications autorisées par le Code de la commande publique ne pose en revanche aucun problème de légalité.
L’avenant peut, semble-t-il, fixer une date de référence pour l’exécution des prestations antérieures à sa signature et à sa transmission au contrôle de légalité, alors même que cette date est susceptible de produire des effets dans l’établissement des droits et obligations des parties. C’est le cas, par exemple, de la date d’achèvement des travaux qui conduit à l’application de pénalités de retard(357). Dans cette situation, le juge semble considérer que l’avenant ne produit pas d’effet rétroactif, mais prend simplement en compte des événements antérieurs pour en tirer les conséquences sur la situation des parties. Exemple Fixation d’une date d’achèvement des travaux antérieure à la date de prise d’effet de l’avenant : CE 2 octobre 2002, Gross, req. n° 219659 « Considérant qu’aucun principe d’ordre public ne s’oppose à ce qu’un avenant à un marché fixe une date de fin des travaux antérieure à sa signature ; que la circonstance que cette date soit antérieure à la date à la laquelle cet avenant a été transmis au préfet en vertu des dispositions des articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales est sans incidence sur la validité de cet avenant, dès lors qu’aucune stipulation de cet avenant ne prévoyait une entrée en vigueur antérieure à cette transmission ».
D’autres décisions sont encore plus explicites lorsqu’elles admettent qu’un avenant règle la question des travaux supplémentaires après leur réalisation. Le juge ne voit dans cette forme de rétroactivité aucune entorse au principe
selon lequel un avenant doit être notifié avant tout commencement d’exécution(358). Un avenant peut donc avoir pour objet de régulariser sur le plan financier des opérations antérieures à la réception des travaux, à condition qu’il soit notifié avant l’établissement du décompte(359). Une cour administrative d’appel a admis, très clairement, la conclusion d’un avenant après l’achèvement des travaux, dans la mesure où son seul objet était de régler les prix des travaux supplémentaires ordonnés en cours d’exécution par l’acheteur(360). Exemple Validité d’un avenant conclu pour régler les prix des travaux déjà achevés : CAA Marseille, 19 décembre 2011, Communauté urbaine de Nice, req. n° 09MA01523 « que les dispositions de l’article 118 dudit code ne faisaient pas obstacle à la signature de cet avenant, laquelle n’est par ailleurs pas contraire au principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; qu’il en résulte que, quelle que soit la durée initiale d’exécution du marché, la circonstance que les travaux de déplacement et de restauration de la statue de Garibaldi aient été achevés à la date de la conclusion de l’avenant en cause ne justifiait pas l’annulation du marché pour le motif qu’il aurait dû être notifié préalablement à l’exécution des travaux ».
Autre exemple prenant en compte des situations antérieures à la conclusion de l’avenant, la cour administrative d’appel de Marseille a jugé légale une délibération en date du mois de décembre 1990 ayant pour effet d’autoriser un maire à signer un avenant à un marché de prestations intellectuelles pour augmenter les montants des prestations pour l’année 1989(361). Certains auteurs font valoir qu’en matière de travaux, l’application du CCAG, qui autorise la réalisation de travaux supplémentaires par ordre de service(362), ne conduit pas à donner un effet rétroactif à l’avenant. Son seul objet est en effet d’établir, par consentement mutuel, le prix qui devra rétribuer les travaux ordonnés dans le cadre du pouvoir de modification dont dispose l’acheteur. Il ne crée donc que des effets pour l’avenir, c’est-àdire pour le paiement des travaux. D’autres font valoir que les nécessités du chantier ne permettent pas de le suspendre dans l’attente de la signature de l’avenant, de sa transmission au contrôle de légalité et de sa notification. La conclusion d’un avenant après la réalisation des travaux serait donc inévitable pour la bonne exécution des marchés(363). Toutefois, certains commentaires se montrent encore excessivement prudents sur ce point(364).
Recommandation Il convient d’éviter, tant que possible, de conclure l’avenant après réalisation des prestations En pratique, les parties devront veiller à éviter, dans la mesure du possible, le recours tardif à un avenant. Souvent, ce sont leurs propres retards qui contribuent à conclure tardivement ce contrat. Pour des marchés de fournitures ou de services, la réalisation des prestations peut la plupart du temps patienter, le temps de formaliser un avenant en bonne et due forme. Si les nécessités d’exécution, notamment en matière de travaux, ne le permettent pas, il conviendra d’émettre les ordres de service indispensables avant de modifier les travaux, et ensuite régler les modalités de ces modifications par la voie de l’avenant.
Avenant de transfert et la cession du marché Dans le cadre d’une cession du marché autorisée par une clause de réexamen ou une opération de restructuration propre au titulaire, il apparaît nécessaire de conclure un avenant dans le but de concrétiser le transfert du marché du titulaire initial au nouveau titulaire. Il s’agit également et surtout de formaliser le lien juridique entre ce dernier et l’acheteur. La nécessité de conclure un tel avenant n’est pas évidente, car le Code de la commande publique n’impose pas de forme pour un avenant. De plus, la cession du marché entre l’ancien et le nouveau titulaire fait l’objet d’un acte de cession entre eux ainsi que d’une autorisation préalable de l’acheteur, ce qui pourrait suffire à faire produire à cette cession du marché tous ses effets. Cependant, un avenant de transfert ne semble pas inutile. L’ancien « Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics », en 2012, recommandait la conclusion d’un tel avenant(365). Il permet de lever les obstacles au paiement du nouveau titulaire, le comptable étant rassuré par ce document contractuel signé. Il permet surtout d’établir clairement les conditions de la reprise du marché par le nouveau titulaire, notamment le fait que la reprise concerne l’ensemble des droits et obligations qui résultent du marché initial, mais aussi de l’exécution des prestations par l’ancien titulaire. En effet, le nouveau titulaire sera responsable devant l’acheteur de toutes les malfaçons et autres vices qui affecteraient les prestations réalisées avant la cession. L’avenant de transfert présente l’intérêt de clarifier cet aspect de la cession du marché.
Cet avenant est conclu entre l’acheteur et le cessionnaire, repreneur du marché. L’avenant tripartite, un temps recommandé(366), ne présente aucun fondement juridique. L’ancien titulaire, une fois la cession autorisée et entérinée, n’a plus aucun lien avec le marché ; il n’a donc aucune raison d’être signataire de cet avenant (voir le modèle d’avenant de transfert). 10.3.1.2 Procédure de conclusion de l’avenant Le contenu de l’avenant est librement négocié par les deux parties. Aucun formalisme n’est imposé pour ces discussions dans lesquelles elles ont, compte tenu des effets de ce document contractuel, tout intérêt à s’impliquer. Hormis les collectivités territoriales, les acheteurs n’ont pas de procédures particulières à suivre, si ce n’est celles qui relèveraient de leur organisation interne. Règles propres aux collectivités territoriales L’article L. 1414-4 du Code général des collectivités territoriales dispose : « Tout projet d’avenant à un marché public entraînant une augmentation du montant global supérieure à 5 % est soumis pour avis à la commission d’appel d’offres. Lorsque l’assemblée délibérante est appelée à statuer sur un projet d’avenant, l’avis de la commission d’appel d’offres lui est préalablement transmis. Toutefois, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque ces avenants concernent des marchés publics qui ne sont pas soumis à la commission d’appel d’offres. ». Il en résulte que la consultation de la commission d’appel d’offres est obligatoire avant la conclusion d’un avenant lorsque celui-ci entraîne une augmentation de plus de 5 % du montant global et que le marché a été conclu selon une procédure qui a fait intervenir cette commission (tab. 10.3). Pour rappel, la commission d’appel d’offres des collectivités territoriales intervient obligatoirement pour l’attribution des marchés
conclus selon une procédure formalisée dont la valeur estimée hors taxes est supérieure aux seuils européens(367). Les avenants qui n’ont pas d’incidence financière (modification de la durée, ajustement technique…) ne sont pas soumis à l’avis de la commission d’appel d’offres, même si le marché initial a été conclu selon une procédure la faisant intervenir. Les avenants en moins-value ne le sont pas non plus, même lorsqu’il s’agit d’une moins-value d’un montant supérieure à 5 %. Tab. 10.3. Consultation de la commission d’appel d’offres en cas d’avenant modifiant le montant global du marché Procédure
Avenant
Procédure adaptée < aux seuils européens
+ de 5 % < ou = à 5 % + de 5 % < ou = à 5 % + de 5 % < ou = à 5 %
Procédure adaptée pour marchés = ou > aux seuils européens Procédure formalisée pour marchés = ou > aux seuils européens
Avis de la commission d’appel d’offres Non Non Non Non Oui Non
Important Comment procéder pour les avenants aux marchés de maîtrise d’œuvre ? Les marchés de maîtrise d’œuvre sont attribués par l’acheteur au terme d’une sélection qui fait intervenir un jury dont le rôle est de donner des avis sur les candidats et sur leurs projets(368). La commission d’appel d’offres n’intervient donc pas dans l’attribution de ces marchés. Doit-on solliciter son avis pour les avenants qui augmentent de plus de 5 % le montant initial du marché de maîtrise d’œuvre, conformément à l’article L. 1414-4 du CGCT ? Il faut d’abord souligner que les membres élus de la commission d’appel d’offres sont obligatoirement membres du jury de concours ; ce qui la fait participer sans aucun doute au processus de sélection(369). Par ailleurs, dans une réponse ministérielle en date de 2008, le ministère de l’Économie et des Finances a précisé que la formulation de l’article L. 1414-4 concernant l’avis de la commission d’appel d’offres sur les avenants n’a pas pour objet de faire échapper à cet avis tous les avenants aux marchés de maîtrise d’œuvre : l’objectif de la loi serait donc de soumettre aussi ces avenants à cet avis(370). Par prudence, il y a donc lieu de solliciter cet avis pour les avenants supérieurs à 5 % et relatifs aux marchés de maîtrise d’œuvre d’un montant supérieur au seuil européen pour les services conclus à la suite d’un concours.
Le taux de 5 % constitue en fait un seuil dont le dépassement à l’occasion d’un avenant conduit à faire intervenir la commission d’appel d’offres. Une réponse ministérielle a précisé les modalités d’application de ce seuil(371). Il s’applique au montant initial du marché. Par ailleurs, on détermine si le seuil est dépassé par l’addition de toutes les augmentations engendrées par les différents avenants successifs conclus pour un même marché. Exemple Prise en compte du seuil de 5 % pour l’intervention de la commission d’appel d’offres Montant initial du marché de fournitures = 350 000 € HT Avenant n° 1 = 3 000 € HT = augmentation du montant initial de 3 000 € soit 0,8 % = pas de commission d’appel d’offres Avenant n° 2 = 5 000 € HT = augmentation totale du montant initial de 8 000 € soit 2,28 % = pas de commission d’appel d’offres Avenant n° 3 = 8 000 € HT = augmentation totale du montant initial de 16 000 € soit 4,57 % = pas de commission d’appel d’offres Avenant n° 4 = 2 000 € HT = augmentation totale du montant initial de 18 000 € soit 5,14 % = avis de la commission d’appel d’offres obligatoire pour l’avenant n° 4
Pour les accords-cadres à bons de commande, la question du calcul du seuil de 5 % ne se pose que lorsqu’il est question d’augmenter le montant minimum ou le montant maximum. S’il s’agit seulement d’ajouter des prix unitaires sans toucher à la fourchette initialement prévue, le calcul du seuil n’a pas de sens puisqu’il n’y a pas d’impact sur le montant initial du marché. Pour les marchés à tranches optionnelles, l’application du seuil est beaucoup moins évidente. A priori, il serait logique de l’appliquer pour le montant des tranches affermies. Mais cela peut conduire, au fur et à mesure de l’affermissement des tranches et donc de l’augmentation du montant de référence, à ne plus soumettre les avenants à l’avis de la commission d’appel d’offres, ce qui peut paraître étonnant. À l’inverse, prendre comme montant de référence le montant de toutes les tranches du marché, sans certitude que les tranches optionnelles soient affermies, conduirait à augmenter le montant que peut représenter le seuil de 5 % et ainsi à limiter l’intervention de la commission d’appel d’offres dans le contrôle des avenants.
Exemple Seuil de 5 % apprécié pour les tranches affermies Tranche ferme = 150 000 € HT Avenant n° 1 = 15 000 € HT = augmentation de 10 % du montant de la tranche ferme = avis obligatoire de la commission d’appel d’offres Affermissement de la tranche optionnelle n° 1 = 200 000 € HT Montant total des tranches affermies = 150 000 € HT + 200 000 € HT = 350 000 € HT Avenant n° 2 = 2 000 € HT = augmentation totale 15 000 + 2 000 soit de 4,86 % du montant des tranches affermies = pas d’avis de la commission d’appel d’offres Seuil de 5 % apprécié pour toutes les tranches Tranche ferme = 150 000 € HT Tranche optionnelle n° 1 = 200 000 € HT Tranche optionnelle n° 2 = 100 000 € HT Avenant n° 1 = 15 000 € HT = augmentation de 3,3 % du montant initial de 450 000 € HT = pas d’avis de la commission d’appel d’offres
Transmission au contrôle de légalité Pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les avenants doivent obligatoirement être transmis aux services en charge du contrôle de la légalité des actes administratifs, dès lors que le marché initial a fait l’objet de cette transmission. Ne sont donc pas soumis à cette obligation les avenants relatifs aux marchés d’un montant initial inférieur au seuil fixé par l’article D. 2131-5-1 du CGCT(372). La rédaction d’un rapport de présentation, obligatoire pour le marché initial, n’est pas un impératif pour l’avenant. En revanche, l’avenant doit être transmis accompagné de la délibération qui l’autorise, si une telle délibération est requise(373). L’avis de la commission d’appel d’offres, si celui-ci était requis, pourra être transmis également, même si aucun texte ne prévoit cette transmission. La transmission au contrôle de la légalité ne dépend donc pas du seuil de 5 %, applicable uniquement pour l’avis de la commission d’appel d’offres. Tous les avenants, quel que soit leur montant, doivent être transmis si le marché initial l’a été.
10.3.1.3 Contenu de l’avenant La rédaction d’un avenant est simple à entreprendre, car aucun formalisme particulier n’est imposé. Pour être effectif et recevoir une exécution sans difficulté, il doit être suffisamment précis. Il est notamment important de bien identifier les clauses du marché qui sont modifiées ou supprimées ainsi que les documents annexes qui font l’objet d’une éventuelle substitution. L’application de l’avenant ne doit pas conduire à une incertitude sur l’articulation entre deux stipulations contractuelles, l’une dans le marché et l’autre dans l’avenant. Même si l’avenant prévaut sur le marché, cela peut conduire à de fâcheuses difficultés d’interprétation. En pratique, c’est l’acheteur qui rédige l’avenant et le soumet au titulaire. Cela paraît logique puisque c’est lui qui a rédigé le marché et que c’est lui qui finalise la procédure de conclusion de l’avenant. Cependant, aucune règle n’interdit que cette rédaction soit assurée par le titulaire. Dans tous les cas, chacune des parties doit se montrer vigilante sur le contenu de l’avenant et ne pas hésiter à en négocier tous les aspects. La signature d’un avenant est un engagement sur lequel il est quasiment impossible de revenir sauf à prouver, chose rare, un vice du consentement(374). Les mentions suivantes sont suffisantes pour rédiger un avenant : - identification des deux parties, noms, adresses, représentants ; - références et objet du marché ; - préambule (résumé du contexte justifiant l’avenant, pas obligatoire, mais qui peut s’avérer utile) ; - description précise des modifications aux clauses du marché, renvoi à des documents annexes à l’avenant qui sont ajoutés au marché : nouveaux listing de prix unitaires, DPGF modifiée… ; - signature et date. Voir § 10.3.4 pour un modèle d’avenant.
Important La clause de renonciation à des recours ultérieurs et les effets transactionnels de l’avenant L’avenant a en principe pour objet de modifier le contrat. Rien n’interdit cependant aux parties de l’utiliser dans le but de régler un différend qui est né à l’occasion de l’exécution du marché. Dans le cadre de la procédure de réclamation prévue à l’article 50 du CCAG-Travaux, le juge a admis qu’un avenant puisse servir à concrétiser l’accord trouvé par les parties pour régler leur différend(375). Cette fonction de règlement des litiges tend à rapprocher l’avenant du contrat de transaction dont la vocation est justement de purger définitivement les litiges nés ou à naître (voir chapitre 27). On parle alors d’avenant transactionnel, un procédé qui n’apparaît pas illégal, mais qui interroge encore sur les contours de son utilisation(376). Aussi n’est-il pas rare de trouver dans les avenants la clause suivante : « le titulaire renonce à tout recours ultérieur pour tout différend relatif à des faits antérieurs au présent avenant ». Elle marque en principe l’aboutissement d’un accord entre les parties sur lequel le titulaire s’interdit de revenir ultérieurement. Ce type de clause est classique dans les transactions, les deux parties s’y soumettent alors. Dans le cadre d’un avenant, cette clause de non-recours est illégale à l’égard de la collectivité territoriale, partie au contrat, en vertu de l’article L. 2131-10 du CGCT. Une telle clause ne devra donc s’appliquer qu’à l’égard du titulaire. De manière plus générale, il est déconseillé aux acheteurs, quels qu’ils soient, de se soumettre à ce type de clause en dehors d’un processus transactionnel. En application du principe selon lequel le contrat est la loi des parties, le juge semble donner un effet important à ce type de clause dans les avenants, le plus souvent au détriment du titulaire. Dès lors qu’elle est consentie librement lors de la signature de l’avenant, cette clause rend impossible l’émission de réclamations ultérieures(377). Il faut tout de même remarquer qu’en l’absence d’une telle clause, la seule signature de l’avenant est parfois interprétée par le juge comme la volonté des parties de s’interdire toutes réclamations ultérieures qui porteraient sur le contenu de l’avenant(378).
10.3.1.4 Signature et notification de l’avenant La signature d’un avenant doit respecter les règles de compétence propres à chaque acheteur public. Pour les collectivités territoriales, la compétence est répartie entre l’exécutif et l’assemblée délibérante. Cette dernière peut en effet donner une délégation générale ou partielle à l’exécutif pour signer tous les marchés et leurs avenants et pour prendre toutes les mesures d’exécution administrative et financière nécessaires à la vie des marchés(379). Pour le titulaire, il faut qu’une personne habilitée à le représenter signe l’avenant. Il devra prouver cette habilitation s’il ne s’agit pas d’une
personne qui dispose naturellement de ce pouvoir, comme c’est le cas par exemple pour le gérant ou le PDG d’une société. Dans tous les cas, il n’est pas nécessaire que la personne signataire de l’avenant soit celle qui a signé le marché initial. L’avenant doit être notifié avant de recevoir un début d’exécution. Cette notification s’effectue dans les mêmes conditions que celles du marché (voir chapitre 4), après la transmission au contrôle de légalité, lorsque celle-ci est requise.
10.3.3 Ordre de service La modification du marché par ordre de service est toujours possible. Il s’agit là de l’expression du pouvoir exorbitant de direction ou de modification unilatérale dont dispose l’acheteur public, même en l’absence de clause en ce sens (voir chapitre 2). Plus rapide à mettre en œuvre que l’avenant, qui implique la conclusion d’un acte conventionnel, la modification par ordre de service présente bien des avantages. Or, c’est un moyen d’action qui est peu envisagé sous l’angle de la modification du marché, l’acheteur étant trop souvent focalisé sur le seul avenant(380). Le CCAG-Travaux prévoit, à son article 13, la possibilité d’agir par voie d’ordre de service pour des prestations supplémentaires ou modificatives qui sont nécessaires au bon achèvement de l’ouvrage. Mais il est nécessaire de conclure, aux termes des modifications, un avenant afin d’établir les prix définitifs qui rémunéreront ces travaux. Ce dispositif permet d’allier la rapidité de l’ordre de service, acte unilatéral, et la contractualisation grâce à l’avenant. Ce dernier permet, en outre, de n’avoir aucune difficulté pour payer les travaux supplémentaires. Les autres CCAG ne prévoient pas de mécanisme équivalent, mais rien n’interdit de s’en inspirer. Il reste que l’exigence de modifier rapidement les prestations est moins forte pour des fournitures ou des prestations de services que dans le cadre d’un chantier de travaux.
En tout état de cause, une modification par ordre de service est soumise à l’interdiction d’apporter des modifications substantielles au marché(381). Le chapitre 5 précise le contenu et la forme de l’ordre de service. Important L’utilisation des marchés complémentaires et des marchés pour prestations similaires Ces formes de marchés négociés, conclus sans publicité ni mise en concurrence, ne sont pas à proprement parler des modifications du marché initial, ils présentent néanmoins un lien étroit avec celui-ci. Ces marchés offrent, avec l’avenant, une alternative à l’acheteur pour lui permettre d’atteindre l’objectif que le marché initial ne permet plus de réaliser. En effet, l’avenant permet, dans les limites fixées par les textes, de modifier un marché en cours d’exécution alors que les marchés complémentaires ou pour prestations similaires interviennent à la suite d’un premier marché. Ils sont des outils assez peu connus en raison, sans doute, de leur champ d’application restreint. En effet, les conditions pour recourir à ces marchés sont précises et il convient d’en avoir une interprétation restrictive. Tout ce qui conduit à conclure un marché sans mise en concurrence est suspect aux yeux des autorités de contrôle et le juge est peu enclin à la souplesse dans l’appréciation des conditions de recours. C’est là leur principal inconvénient. Les marchés complémentaires sont conclus avec le titulaire du marché initial pour des fournitures ou des installations à renouveler ou à étendre lorsque le changement de fournisseur conduirait l’acheteur à des difficultés techniques ou d’entretien disproportionnées(382). Le nouveau marché ne peut pas dépasser 3 ans pour les marchés classiques ou 5 ans en ce qui concerne les marchés publics de défense et de sécurité. Pour les marchés publics de défense ou de sécurité, les marchés complémentaires peuvent aussi être conclus pour des services et des travaux(383). Les marchés pour prestations similaires concernent uniquement les marchés de travaux ou de services. Ils sont conclus avec le titulaire du marché initial lorsque la conclusion du nouveau marché a été prévue dans la procédure de passation initiale et que cette conclusion intervient dans un délai de 3 ans à compter de la notification du marché principal. Le marché initial doit en avoir fait mention et la mise en concurrence initiale doit avoir pris en compte le montant total envisagé, y compris celui de prestations similaires à commander ultérieurement(384).
10.3.4 Modèles d’avenant 10.3.4.1 Exemple de rédaction d’un avenant Avenant n° …… au marché n° ……… Le présent avenant est conclu
Entre l’acheteur Identification précise Et le titulaire du marché Identification précise du titulaire ou du mandataire représentant un groupement Il est exposé ce qui suit : Le cas échéant faire un rappel du contexte Article 1 L’article 3 de l’acte d’engagement est supprimé et remplacé par la rédaction suivante : « ………………………… » Article 2 Il est ajouté à l’article 10 du cahier des clauses techniques particulières la stipulation suivante : « ………………………… » Article 3 Le planning détaillé d’exécution est remplacé par le planning annexé au présent avenant. Article 4 Le titulaire renonce à émettre des réclamations et à contester devant le tribunal administratif les éléments contenus dans le présent avenant. Article 5 Le présent avenant prend effet à compter de sa notification. Signatures Fait à ……, le ……… Pour le titulaire du marché Pour l’acheteur Le Président/Maire Monsieur ……………
10.3.4.2 Exemple de rédaction d’un avenant de transfert dans le cadre d’une cession de marché intervenue entre deux opérateurs économiques Avenant n° …. au marché n° ……. Avenant de transfert dans le cadre de la cession du marché Le présent avenant est conclu, Entre le cédé : Acheteur Et le cessionnaire : Nouveau titulaire du marché qui reprend le marché Il est précisé ce qui suit : Préciser les éléments de contexte La société Titulaire initial est titulaire du marché n° ………. notifié le ……….. ayant pour objet des prestations faisant l’objet du marché. Dans le cadre d’une opération d’absorption, la société Titulaire initial disparaît au profit de la société Nouveau titulaire. La cession du marché n° ……. n’est pas de nature à remettre en cause les éléments essentiels relatifs au choix du titulaire initial du marché ni à en modifier l’économie générale. Article 1 La cession du marché n° ……… de la société Titulaire initial à la société Nouveau titulaire est acceptée par l’acheteur. Ou La cession du marché n° ……… de la société Titulaire initial à la société Nouveau titulaire a été acceptée par décision du Représentant de l’acheteur en date du ……… . Article 2
La société Nouveau titulaire reprend l’ensemble du marché tel qu’il résulte de tous les documents contractuels qui y sont mentionnés et modifiés le cas échéant par avenant ou par décision de l’acheteur. La société Nouveau titulaire reprend à son compte l’ensemble des droits et obligations qui découlent de l’exécution du marché depuis sa notification à la société Titulaire initial le …… . La société Nouveau titulaire est, à l’égard de l’acheteur, l’unique responsable de toutes les prestations exécutées avant la date du présent avenant par la société Titulaire initial. Article 3 Le cas échéant, régler la question des prestations exécutées qui demeurent en cours de paiement. Article 4 L’exemplaire unique n’a pas été restitué. Les autres dispositions relatives à ce marché demeurent inchangées. Signatures Fait à ……, le ……… . Pour le nouveau titulaire Pour l’acheteur Le Président Monsieur …………… (286) CCP, art. L. 2111-1 et L. 2311-1. (287) CJCE, 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur, aff. C-454/06 ; CJUE, 13 avril 2010, Wall AG, aff. C-91/08 ; CJUE, 29 avril 2010, Commission/RFA, aff. C-160/08 ; H. Hoepffner, « La modification des contrats de la commande publique à l’épreuve du droit communautaire », RFDA, 2011, p. 98. (288) Pour les marchés publics de défense ou de sécurité, l’article L. 2394-1 renvoie à l’article L. 2194-1.
(289) CCP, art. R. 2194-1 et R. 2394-1. (290) CCP, art. R. 2112-13, R. 2112-14 et R. 2312-12. (291) Décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d’œuvre confiées par des maîtres d’ouvrage publics à des prestataires de droit privé. (292) CCP, art. R. 2112-18 et R. 2312-14. (293) CCP, art. R. 2112-4 et R. 2312-5. (294) CCP, art. R. 2194-6 et R. 2394-1. (295) CCP, art. R. 2122-7 et R. 2322-12. (296) CE 19 mars 1971, Mergui, req. n° 79962. (297) Considérant 111 de la directive n° 2014-24 du 26 février 2014 du Parlement européen et du Conseil, relative aux marchés publics ; considérant 117 de la directive n° 2014-25 du 26 février 2014 du Parlement et du Conseil relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. (298) DAJ, fiche technique « Les modalités de modification des contrats en cours d’exécution », 1er avril 2019. (299) J. M. Peyrical, « Les clauses de rendez-vous », in L’exécution des contrats administratifs, sous la direction de V. Bouhier et D. Riccardi, Éditions Le Moniteur, 2018 ; N. Symchowicz et R. Lauret, « La question de la modification des marchés publics dans les nouvelles directives », BJCP, n° 95. (300) CJUE, 7 septembre 2016, Finn Frogne, aff. C-549/14. (301) Article 54 du CCAG-Travaux ; article 26 du CCAG-MOE ; article 25 du CCAG-FCS ; article 25 du CCAG-PI ; article 25 du CCAG-MI ; article 27 du CCAG-TIC.
(302) CCP, art. R. 2194-2 et R. 2394-1. (303) CCP, art. R. 2194-3. (304) CCP, art. R. 2194-4. (305) CCP, art. R. 2122-4 et R. 2322-8. (306) CCP, art. R. 2194-5 et R. 2394-1. (307) CMP, art. 20. (308) CE 30 juillet 2003, Commune de Lens, req. n° 223445 ; CAA Marseille, 21 décembre 2012, Région PACA, req. n° 10MA00764. (309) Considérant 109 de la directive n° 2014-24 du 26 février 2014 du Parlement européen et du Conseil, relative aux marchés publics ; considérant 115 de la directive n° 2014-25 du 26 février 2014 du Parlement et du Conseil relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. (310) CCP, art. R. 2194-6 et R. 2394-1. (311) CJCE, 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur GmbH, aff. C454/06. (312) Symchowicz N. et Lauret R., « La question de la modification des marchés publics dans les nouvelles directives », BJCP n° 95. (313) CE avis, 8 juin 2000, n° 141654. (314) CJUE, 19 juin 2008, Pressetext Nachrichtenagentur, aff. C-454/06. (315) CE avis, 1er décembre 2009, n° 383264. (316) Hoepffner H., « La modification du contrat », RFDA 2016 p. 280. (317) CE 4 juin 1999, SARL Maison Dulac, req. n° 155825.
(318) CAA Lyon, 30 juin 2009, Société GFI Informatique, req. n° 04LY01409. (319) CE 28 mai 2001, Territoires des îles Wallis et Futuna, req. n° 203674. (320) CAA Paris, 9 juillet 2009, Société ETDE, req. n° 06PA03765. (321) CAA Bordeaux, 13 juillet 2010, Société Financière Sport et Loisir, req. n° 09BX02630. (322) CAA Versailles, 30 décembre 2010, Société Forclim Île-de-France, req. n° 09VE00400. (323) CCP, art. R. 2194-7 et R. 2394-1. (324) CE 20 décembre 2017, Société Aera Impianti, req. n° 408562. (325) CCP, art. R. 2194-8, R. 2194-9 et R. 2394-1. (326) CCP, art. R. 2194-4. (327) Rep. min. à QE n° 21408, 16 juin 2016, JO Sénat, p. 2692. (328) Directive n° 2014-24 du 26 février 2014 du Parlement européen et du Conseil, relative aux marchés publics ; directive n° 2014-25 du 26 février 2014 du Parlement et du Conseil relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux. (329) CMP 2006, art. 20. (330) CE 15 novembre 2017, Commune d’Aix-en-Provence, req. n° 409728. (331) CE avis, 26 avril 2018, Aéroport de Notre-Dame-des-Landes, n° 394398. (332) Concernant une délégation de service public : CE 9 mars 2018, Compagnie des parcs et passeurs du Mont-Saint-Michel, req. n° 409972.
(333) CJUE, 7 septembre 2016, Finn Frogne A/S, aff. C-549/14. (334) Pour une modification du périmètre d’une concession, voir CE 15 novembre 2017, Commune d’Aix-en-Provence, req. n° 409728. (335) CMP 2006, art. 20. (336) CE 20 décembre 2017, Société Aera Impianti, req. n° 408562. (337) Circulaire du 7 janvier 2004 (NOR : ECO Z0300024C) portant manuel d’application du code des marchés publics. (338) Pour une augmentation de plus de 40 % : CE 8 mars 1996, Commune de petit Bourg, req. n° 165075 ; pour une augmentation de plus de 50 % : CE 30 juillet 2003, Commune de Lens, req. n° 223445. (339) CAA Douai, 19 juin 2012, Préfet du nord, req. n° 11DA01071. (340) CAA Nantes, 30 décembre 2009, req. n° 09NT00763. (341) CE 13 juin 1997, Commune d’Aulnay-Sous-Bois, req. n° 150681. (342) CAA Paris, 25 février 2013, Ville de Paris, req. n° 12PA00638. (343) CE 23 mai 1979, Commune de Fontenay-Le-Fleury, req. n° 00063. (344) CE 1er avril 1998, req. n° 150702. (345) CE 30 janvier 1995, Société Viafrance, req. n° 151099 ; CAA Marseille, 19 décembre 2011, Communauté urbaine Nice-Côte d’Azur, req. n° 09MA01523. (346) CE 22 juin 1998, Préfet du Puy-de-Dôme, req. n° 173025 ; CE 1er avril 1998, req. n° 150702 ; CAA Paris, 11 mars 2022, req. n° 20PA00881. (347) CE 11 juillet 2008, Ville de Paris, req. n° 312354. (348) CE 13 juin 1997, Commune d’Aulnay-Sous-Bois, req. n° 150681.
(349) CE 9 février 1994, Société biterroise de plâtres et constructions, req. n° 39689. (350) CCP, art. L. 2194-1. (351) CCP, art. L. 6. (352) CAA Bordeaux, 29 novembre 2012, Société Hervé Thermique, req. n° 11BX00940. (353) CE 5 avril 2006, Société SOCAE, req. n° 275445. (354) CE 28 juillet 1995, Région Île-de-France, req. n° 143438. (355) CE 12 janvier 2011, Société Léon Grosse, req. n° 334320 ; CE 22 mai 2015, Société AXA Corporat Solution Assurances, req. n° 383596. (356) P. Peyret et J. Pentecoste « Les avenants de régularisation », Rubrique pratique sous la direction de S. Braconnier, Contrats et marchés publics n° 4, avril 2016. (357) CE 2 octobre 2002, Gross, req. n° 219659. (358) CAA Versailles, 29 mai 2007, Société Labati, req. n° 05VE00099. (359) CAA Paris, 18 mai 2006, Société AXIMA, req. n° 03PA00115. (360) CAA Marseille, 19 décembre 2011, Communauté urbaine de Nice, req. n° 09MA01523. (361) CE 13 juin 1997, Commune d’Aulnay-sous-Bois, req. n° 150681. (362) Article 13 du CCAG-Travaux. (363) « Avenants aux marchés publics : Pour en finir avec la langue de bois », Jean-Marc Peyrical, Le Moniteur des Travaux publics, 25 juillet 2008.
(364) Commentaire sous CAA Marseille, 19 décembre 2011, Communauté urbaine Nice-Côte d’Azur, req. n° 09MA01523, Jean-Paul Pietri, Contrat et marchés publics, n° 3 mars 2012, comm.81 ; JCP, Contrats et marchés publics, fascicule n° 56 « Avenants et prestations complémentaires », Brigitte Roman-Sequense. (365) Circulaire du 14 février 2012 relative au Guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics, point 17.8.1. (366) Lettre collective n° 144 M du 31 octobre 1972 sur les avenants aux marchés publics diffusée par instructions n° 72-144-B1 du 6 décembre 1972 et 99-064-B1-M0-M9 du 8 juin 1999. (367) CGCT, art. L. 1414-2. (368) CCP, art. R. 2162-17 à R. 2162-26. (369) CCP, art. R. 2162-24. (370) Rép. min à QE n° 20441, 8 juillet 2008, JO AN, p. 5963. (371) Rép. min. à QE n° 25104, 31 août 2000, JO Sénat, p. 3007. (372) 209 000 € HT au 1er septembre 2016. (373) CGCT, art. R. 2131-6. (374) CE 20 décembre 2017, Société Aera Impianti, req. n° 408562. (375) CE 25 mars 2002, Société GTM International, req. n° 187885. (376) Jean-David Dreyfus, « L’avenant transactionnel : un compromis délicat », CP-ACCP n° 105, décembre 2010. (377) CAA Nancy, 19 juin 2006, Centre Hospitalier Général de Pontarlier, req. n° 03NC00568 ; CAA Lyon, 23 octobre 2008, Société AMEC SPIE Sud-Est, req. n° 05LY01577 ; CAA Paris, 18 mai 2006, Société AXIMA, req. n° 03PA00115.
(378) CAA Lyon, 7 janvier 2010, req. n° 08LY00390 ; CAA Bordeaux, 5 mai 2009, Société Cabrol Construction métallique, req. n° 07BX02491. (379) CGCT, art. L. 2122-22, L. 3221-11 et L. 4231-8. (380) Claude Farnoux et Pierre Boudrand, « Le mythe de l’avenant obligatoire dans les marchés publics de travaux », Le Moniteur, 26 décembre 2008. (381) CCP, art. L. 6 et L. 2194-1. (382) CCP, art. R. 2122-4 et R. 2322-8. (383) CCP, art. R. 2322-11. (384) CCP, art. R. 2122-7.
Chapitre 11
Avance
L’avance est le versement anticipé d’une partie du montant du marché qui a lieu avant que le titulaire ne commence à exécuter ses prestations. L’objectif est de soulager la trésorerie du titulaire afin de lui permettre de préparer le démarrage du marché (approvisionnement, recrutement) sans affecter, du moins de manière trop importante, ses fonds propres. L’avance contribue donc à la bonne exécution du marché en la préfinançant. Elle peut apparaître comme une dérogation aux règles de la comptabilité publique dans la mesure où son paiement n’est pas subordonné à la vérification du service fait (voir chapitre 21). Toutefois, les conditions de son versement et de son remboursement sont très encadrées par le Code de la commande publique et précisées dans les CCAG.
11.1
Avance obligatoire
Le bénéfice de l’avance est un droit pour le titulaire, dès lors que les conditions prévues par le Code de la commande publique sont réunies(385).
Lorsqu’elles le sont, aucune clause ne peut s’opposer à son versement au titulaire. Seul le titulaire peut décider de ne pas profiter de l’avance(386).
11.1.1 Marchés à prix global et forfaitaire Lorsque le montant du marché est supérieur à 50 000 € HT et que son délai d’exécution s’étend au-delà de 2 mois, le titulaire du marché a droit à une avance représentant au minimum 5 % du montant initial, toutes taxes comprises(387). Ce pourcentage minimum de versement d’avance est rehaussé au bénéfice des PME dans les conditions suivantes : - taux minimum de 20 % du montant pour les marchés passés par l’État ; - taux minimum de 10 % du montant pour les marchés passés par les établissements publics administratifs de l’État, autres que les établissements publics de santé(388) ; - taux minimum de 10 % du montant pour ceux passés par les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements. Pour les marchés publics de défense ou de sécurité, il faut que le montant du marché atteigne 250 000 euros HT et que le délai d’exécution dépasse 3 mois pour que le titulaire puisse bénéficier d’une avance au moins égale à 5 % du montant toutes taxes comprises du marché(389). Pour ce type de marché, le Code de la commande publique prévoit un régime différent lorsque le titulaire est une PME ou un artisan. Il bénéficie dans ce cas, si le montant du marché dépasse 50 000 euros HT et que le délai d’exécution excède les 2 mois, d’une avance représentant 20 % du montant, toutes taxes comprises, du marché.
Important Il faut bien identifier les micro-entreprises, les petites et moyennes entreprises (PME) et les artisans Les articles R. 2151-13 et R. 2351-12 du Code de la commande publique renvoient pour la définition des micro-entreprises et PME à la recommandation n° 2003/361/CE de la Commission européenne du 6 mai 2003. La Commission préconise en effet de définir cette catégorie comme étant constituée par des entreprises dont l’effectif est de moins de 250 personnes et le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros. Dans la catégorie des PME, une petite entreprise est définie comme une entreprise qui occupe moins de 50 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excède pas 10 millions d’euros. Dans la catégorie des PME, une micro-entreprise est définie comme étant celle qui occupe moins de 10 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel ou le total du bilan annuel n’excède pas 2 millions d’euros. Pour la définition des artisans, ces mêmes articles renvoient à l’article 19 de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat. Conformément à cette loi, sont des artisans les personnes physiques et les personnes morales qui n’emploient pas plus de dix salariés et qui exercent à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services figurant sur une liste établie par le décret n° 2008-565 du 17 juin 2008 portant modification du décret n° 98-247 du 2 avril 1998 relatif à la qualification artisanale et au répertoire des métiers.
11.1.2 Accords-cadres à bons de commande Pour les accords-cadres à bons de commande comportant un montant minimum supérieur à 50 000 € HT, une avance de 5 % du montant minimum du marché toutes taxes comprises est obligatoirement accordée en une seule fois, sur la base de ce montant minimum(390). Pour les accordscadres de l’État, le taux de l’avance est de 20 %, lorsque le titulaire est une PME. Lorsque l’accord-cadre ne comporte aucun montant minimum, les règles de versement de l’avance s’appliquent pour tout bon de commande émis pendant l’exécution du contrat. Ainsi, chaque bon de commande dont le montant est supérieur à 50 000 € HT et dont la durée d’exécution dépasse 2 mois donne lieu au versement d’une avance au taux de 5 % ou au taux de
20 %, appliqué sur le montant toutes taxes comprises, lorsque le contrat est conclu par l’État avec une PME(391). Pour les accords-cadres de défense ou de sécurité, la même logique s’applique(392).
11.1.3 Marchés à tranches optionnelles Lorsque le marché comporte des tranches optionnelles, les règles de calcul de l’avance s’appliquent pour chacune des tranches affermies dont le délai d’exécution dépasse deux mois(393). C’est également le cas pour les marchés publics de défense ou de sécurité(394). Un exemple de calcul de l’avance pour un marché comportant quatre tranches est présenté dans le tableau ci-dessous (tab. 11.1). Tab. 11.1. Un exemple de calcul de l’avance dans un marché à tranches optionnelles Tranches
Tranche ferme Tranche optionnelle 1 Tranche optionnelle 2 Tranche optionnelle 3
Affermissement Montant HT
Montant TTC
Délais Montants de d’exécution l’avance (taux de 5 %) 3 mois Pas d’avance 3 mois 3 300 euros
Oui Oui
35 000 euros 42 000 euros 55 000 euros 66 000 euros
Oui
60 000 euros 72 000 euros
5 mois
3 600 euros
Non
70 000 euros 84 000 euros
6 mois
Pas d’avance
11.1.4 Marchés reconductibles Chaque reconduction du marché donne lieu à un nouveau versement de l’avance, selon les mêmes conditions que celles appliquées pour la période initiale(395). Le montant et le délai d’exécution pris en compte pour le calcul du montant de l’avance sont donc ceux de chaque reconduction.
Important Il ne faut pas oublier de verser l’avance lors de chaque reconduction Le droit à l’avance pour un marché reconduit est une règle peu respectée par les acheteurs. Il est pourtant obligatoire, à chaque reconduction, de procéder à la liquidation et au mandatement de l’avance pour le nouveau marché. En l’absence de versement de cette avance, le titulaire peut la réclamer ainsi que les intérêts moratoires dus en raison du retard de versement (chapitre 23).
11.2
Avance facultative
L’acheteur peut adapter les règles de l’avance obligatoire afin de permettre au titulaire du marché de percevoir une avance d’un montant plus avantageux que le minimum imposé par le Code de la commande publique. Il peut également prévoir dans le marché un versement d’une avance alors que toutes les conditions de l’avance obligatoire ne sont pas réunies.
11.2.1 Augmentation du taux de l’avance Depuis les apports du décret n° 2020-1261 du 15 octobre 2020, le Code de la commande publique permet à l’acheteur de fixer librement le montant de l’avance. Il peut donc dépasser le seuil de 30 % et aucun plafond n’est indiqué par les textes. Ces nouvelles dispositions constituent un changement important dans les relations financières entre les acheteurs et les titulaires. Consécutives à la période de crise sanitaire, leur objectif est d’améliorer la situation financière des opérateurs économiques. Lorsque l’avance accordée est supérieure à 30 % du montant du marché, l’acheteur peut en conditionner tout ou partie du montant à la production d’une garantie à première demande ou d’une caution personnelle et solidaire. Les conditions d’augmentation du taux de l’avance et les garanties demandées au titulaire sont récapitulées ci-dessous (tab. 11.2). Tab. 11.2. Les conditions pour augmenter le taux de l’avance
Type de Type marchés d’opérateur publics économique Marchés PME publics de travaux, fournitures et services
Acheteur État
Garantie
entre 20 et 30 %
Aucune garantie ne peut être exigée Possibilité de conditionner le versement de tout ou partie de l’avance à la constitution par le titulaire d’une garantie à première demande ou, après accord des parties, d’une caution personnelle et solidaire. Aucune garantie ne peut être exigée Possibilité de conditionner le versement de tout ou partie de l’avance à la constitution par le titulaire d’une garantie à première demande ou, après accord des parties, d’une caution personnelle et solidaire. Possibilité de conditionner le versement de tout ou partie de l’avance à la constitution par le titulaire d’une garantie à première demande ou,
>
Établissements publics administratifs de l’État, autres que les établissements publics de santé*
Marchés publics de travaux, fournitures et services
Taux
Collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements*
30 %
entre 10 et 30 % >
30 %
≥
10 %
Exception Les personnes publiques titulaires de marchés sont dispensées de constituer une garantie.
Autre
Établissements publics administratifs de l’État, autres que les établissements publics de santé
Collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements État
Marchés PME publics de défense ou de sécurité
>
30 %
≥
>
après accord des parties, d’une caution personnelle et solidaire. Possibilité de conditionner le versement de tout ou partie de l’avance à la constitution par le titulaire d’une garantie à première demande ou, après accord des parties, d’une caution personnelle et solidaire.
5%
30 %
Établissements publics administratifs de l’État, autres que les établissements publics de santé État
entre 5 % et 30 %
Aucune garantie ne peut être exigée
État
entre 20 % et Aucune 30 % garantie ne peut être exigée > 30 % Possibilité de conditionner le versement de tout ou partie de l’avance à la constitution par le titulaire d’une garantie à première demande ou,
après accord des parties, d’une caution personnelle et solidaire. Autre État entre 5 % et Aucune 30 % garantie ne peut être exigée > 30 % Possibilité de conditionner le versement de tout ou partie de l’avance à la constitution par le titulaire d’une garantie à première demande ou, après accord des parties, d’une caution personnelle et solidaire. * Selon conditions fixées à l’article R. 2191-7 en matière de dépense de fonctionnement. Important Le titulaire du marché peut être amené à produire plusieurs garanties lors de l’exécution de son marché Il convient de ne pas confondre les garanties demandées pour le versement d’une avance et celles qui peuvent être acceptées en substitution de la retenue de garantie (voir chapitre 20). Dans le premier cas, il s’agit de garantir le montant de l’avance et dans le second de garantir le montant de la retenue de garantie. Dans un même marché, le titulaire peut ainsi être amené, dans les jours suivants la notification, à produire plusieurs garanties à première demande ou cautions personnelle et solidaire.
11.2.2 Versement de l’avance dans les marchés de faible montant Lorsque le marché ou le bon de commande est d’un montant hors taxes inférieur aux seuils prévus par le Code de la commande publique pour le versement obligatoire de l’avance, c’est-à-dire 50 000 ou 250 000 euros HT,
l’acheteur peut néanmoins prévoir un mécanisme d’avance au bénéfice du titulaire(396). Dans cette hypothèse, les documents particuliers du marché prévoient précisément les conditions de versement de celle-ci ainsi que son taux(397). L’acheteur n’est contraint par aucune des règles applicables pour le versement de l’avance obligatoire.
11.2.3 Options de calcul des avances dans les CCAG L’ensemble des CCAG prévoient deux options alternatives de calcul d’avance. Les règles d’éligibilité à l’avance et de définition de l’assiette étant fixées par ces options. 11.2.3.1 Option A Cette option s’applique par défaut et prévoit un versement de l’avance au titulaire ou à son sous-traitant qui est déterminé « en application du Code de la commande publique ». On remarque que cela constitue une avancée significative en direction des sous-traitants qui sont cités par les CCAG comme bénéficiaires de l’avance par défaut, alors que le Code de la commande publique ne prévoit cela qu’en cas de demande expresse de leur part. Le taux de l’avance prévu par cette option est fixé par défaut : - à 20 % lorsque le titulaire est une PME ; - au taux minimal fixé par le Code de la commande publique pour les autres types d’opérateurs économiques. L’acheteur a la possibilité, s’il le souhaite, de rehausser ces taux en le mentionnant dans le CCAP. En revanche, s’il décide de diminuer le taux de l’avance fixé pour les PME, il doit se rabattre sur l’option B. 11.2.3.2 Option B
L’option B supprime en effet, toute particularité propre aux PME en prévoyant par défaut un versement d’avance selon les taux minimaux prévus au Code de la commande publique, tout en laissant la possibilité à l’acheteur de fixer des taux supérieurs dans les pièces du marché.
11.3 Modalités de calcul du montant de l’avance 11.3.1 Régime général L’assiette de calcul de l’avance correspond au montant total du marché toutes taxes comprises. Toutefois, ce dernier peut être réduit par la prise en compte d’éventuelles prestations confiées à un sous-traitant bénéficiant du paiement direct (voir chapitre 6). Deux modalités de calcul sont imposées par le Code de la commande publique, selon la durée du marché : - si la durée d’exécution est inférieure ou égale à douze mois, le montant de l’avance est de 5 % du montant TTC du marché ; - si cette durée est supérieure à douze mois, l’avance est égale à 5 % d’une somme qui équivaut à douze fois le montant du marché divisé par cette durée exprimée en mois. Recommandation Ne pas confondre le seuil de 50 000 € HT et l’assiette de calcul du montant de l’avance En pratique, il faut bien distinguer le montant pris en compte pour déterminer si l’avance est obligatoire de celui utilisé pour calculer l’avance, c’est-à-dire l’assiette. Ainsi, dans l’hypothèse où un marché d’un montant de 60 000 euros HT ouvre droit au bénéfice d’une avance pour son titulaire, même si en réalité il envisage de confier 30 000 euros HT de prestations à un sous-traitant. En revanche, l’avance du titulaire sera calculée sur les 30 000 euros HT pris en compte TTC. Il en sera de même pour le sous-traitant.
11.3.2 Cas des marchés composites Un marché public peut à la fois comporter une partie de prestation à prix forfaitaire et une autre partie traitée à bons de commande(398). Le calcul du montant de l’avance n’est, dans ce cas, pas évident. La Direction des affaires juridiques de Bercy indique que le calcul doit se faire sur chaque partie du marché(399). Cette indication ne répond pas pourtant à toutes les interrogations concernant les modalités de calcul de l’avance pour ce type de marché. Doit-on cumuler les montants des deux parties pour se situer par rapport au seuil de 50 000 € HT ? Le remboursement se déroule-t-il de manière cloisonnée pour chacune des parties ? L’acheteur a intérêt de se positionner clairement sur ces différentes questions, dans les documents particuliers du marché, avant de commencer l’exécution de ce type de marché. Exemple Pour un marché d’un an comportant une partie forfaitaire à 40 000 € TTC et une partie à bons de commande avec un minimum à 20 000 € TTC, passé avec un opérateur économique n’entrant pas dans la catégorie des PME. Si le calcul du montant se fait de manière indépendante pour chaque partie du marché, comme le suggère la DAJ, alors le titulaire du marché n’a droit à aucune avance. En revanche, si les montants sont cumulés, alors le seuil de 50 000 € HT est atteint et peut donner lieu au calcul suivant : (40 000 + 20 000) × 5 % = 3 000 € Pour un marché d’un an comportant une partie forfaitaire de 40 000 € TTC et une partie à bons de commande sans aucun minimum Dans ce cas aucune avance ne peut être calculée sur la partie forfaitaire, celle-ci étant à elle seule inférieure à 50 000 € HT. Seuls les bons de commande supérieurs à 50 000 € HT donnent lieu à un versement d’avance. Tab. 11.3. Tableau synthétique des modalités de calcul de l’avance Montants de référence en TTC (assiette)
Seuil
Avance selon pourcentage minimum fixé par le Code de la commande publique (tab. 11.2) Durée Durée Durée d’exécution
Par défaut : montant du marché.
≤ à 50 000 € HT
Marché à bons de commande avec minimum : montant du minimum. Marché à bons de commande sans minimum : montant de chaque bon de commande. Marché avec une ou plusieurs tranches optionnelles : montant de chaque tranche affermie.
> à 50 000 € HT
d’exécution inférieure à 2 mois Pourcentage appliqué sur l’assiette Avance facultative
d’exécution de 2 mois à 12 mois Pourcentage appliqué sur l’assiette Avance facultative
Pourcentage appliqué sur l’assiette Avance facultative
Pourcentage appliqué sur l’assiette Avance obligatoire
supérieure à 12 mois Pourcentage × (assiette × 12)/durée d’exécution Avance facultative
Pourcentage × (assiette × 12)/durée d’exécution Avance obligatoire
Marché reconduit : montant de la période initiale ou de la période de reconduction.
11.4
Versement de l’avance
Le titulaire peut toujours déclarer, au moment de la notification du marché, qu’il ne souhaite pas bénéficier du versement de l’avance. Ce refus doit être volontaire. Une rubrique est souvent prévue dans les actes d’engagement permettant au titulaire d’indiquer son refus. Parfois, c’est lors de la notification du marché que la question lui est posée. En tout état de cause, il n’est pas possible de considérer que l’absence d’acceptation de l’avance équivaut à un refus. Si les conditions d’octroi de l’avance sont réunies, le titulaire n’a pas besoin de l’accepter. D’ailleurs, il n’a aucune formalité à accomplir pour en obtenir le versement. C’est à l’acheteur, à compter de la notification du marché ou de l’ordre de service portant commencement d’exécution des prestations, et si le marché le prévoit, de prendre les mesures nécessaires permettant le paiement de l’avance dans le délai de 30 jours (voir chapitre 22). L’avance est soumise
au délai global de paiement ainsi qu’au calcul des intérêts moratoires en cas de retard. Important Il faut payer rapidement l’avance En pratique, l’acheteur doit veiller à engager la procédure de paiement de l’avance promptement sous peine d’avoir à s’acquitter des intérêts moratoires au-delà des 30 jours réglementaires. Surtout, le paiement tardif de l’avance vide de son sens ce dispositif prévu pour préfinancer le titulaire en lui permettant de commencer sereinement l’exécution du marché. Lorsque le paiement tardif de l’avance intervient au même moment que le paiement du premier acompte, il arrive que le comptable public refuse de payer celle-ci au prétexte que l’exécution des prestations a débuté.
11.5 Versement de l’avance à un groupement d’opérateurs économiques En cas de groupement conjoint, chaque membre a le droit de percevoir une avance si le montant total du marché est supérieur à 50 000 € HT. Le montant de l’avance octroyé à chacun est alors calculé, selon le montant de prestations exécutées par chaque membre précisé dans le marché. En cas de groupement solidaire, l’avance sera versée sur le compte unique du groupement. S’il s’agit d’un groupement solidaire avec paiement pour chaque membre, chacun percevra le montant d’avance sur la base du montant de prestation qu’il s’est engagé à exécuter. S’agissant de la garantie, chaque membre du groupement conjoint doit en constituer une à hauteur de la part de l’avance qu’il a obtenue. En cas de groupement solidaire, il revient au mandataire de constituer cette garantie.
11.6 Versement de l’avance au sous-traitant
Pour bénéficier de l’avance, le sous-traitant devra évidemment avoir été régulièrement déclaré par le titulaire du marché et avoir été accepté par l’acheteur (voir chapitre 6). Le seuil de 50 000 € HT ne lui est pas applicable. Dès lors que le marché dans son ensemble est éligible au versement de l’avance, le sous-traitant bénéficie du même droit que le titulaire, quel que soit le montant des prestations sous-traitées. Ainsi, ce dernier bénéficie de l’avance dans les mêmes conditions que le titulaire. Il doit par exemple présenter les garanties éventuellement requises pour bénéficier du versement de celle-ci. Il sera également concerné par les clauses du marché relatives au rythme de remboursement de l’avance. Ce droit lui est ouvert dès la notification du marché s’il a été déclaré et accepté dans le cadre du marché ou à la notification de l’acte spécial, s’il l’a été en cours d’exécution des prestations. À la différence du titulaire, le sous-traitant doit solliciter l’acheteur pour obtenir le paiement de l’avance. Ce n’est qu’à compter de la notification de cette demande expresse que le délai de paiement courra à l’encontre de ce dernier. Un sous-traitant pourra donc ne jamais percevoir l’avance s’il omet d’en faire la demande, et ce même si toutes les conditions de son versement sont réunies. Lorsqu’il a droit au paiement direct, le montant des prestations sous-traitées est défalqué de celui pris en compte pour le calcul de l’avance du titulaire. S’il est déclaré dans l’offre initiale du titulaire, la prise en compte des prestations qui lui sont confiées ne posera guère de difficultés lors de la liquidation du montant de l’avance. En revanche, lorsque la déclaration a lieu en cours d’exécution, c’est-à-dire après que le titulaire ait perçu son avance, il convient de se faire rembourser le montant correspondant par ce dernier. Le Code de la commande publique indique que ce remboursement est effectué par l’acheteur sur les sommes qui sont dues au titulaire, c’est-à-dire sur la demande d’acompte la plus proche. Rien n’interdit à l’acheteur de se rembourser de la totalité de la somme correspondante sur une seule et même demande d’acompte.
Exemple Calcul de l’avance en présence d’un sous-traitant(400) Marché ordinaire d’une durée inférieure à 12 mois dont une partie est sous-traitée avant la notification du marché avec une avance à 5 % Montant du marché = 60 000 € TTC Durée du marché : 10 mois Part sous-traitée = 15 000 € TTC Montant de l’avance du titulaire = (60 000 – 15 000) × 5 % = 2 250 € Montant de l’avance du sous-traitant = 15 000 × (5/100) = 750 € Marché ordinaire d’une durée supérieure à 12 mois dont une partie est sous-traitée avant la notification du marché avec une avance à 5 % Montant du marché = 60 000 € TTC Durée du marché : 24 mois Part sous-traitée = 15 000 € TTC Montant de l’avance du titulaire = [12 × (60 000−15 000) 24] × 5 % =1 125 € Montant de l’avance du sous-traitant = [12 ×15 00024]× 5 % = 375 € Marché ordinaire d’une durée inférieure à 12 mois dont une partie est sous-traitée postérieurement à la notification du marché avec une avance à 5 % Montant du marché = 60 000 € TTC Durée du marché : 10 mois Part sous-traitée postérieurement à la notification du marché = 15 000 € TTC Montant de l’avance initiale versée au titulaire = 60 000×5 % = 3 000 € Régularisation de l’avance suite à la sous-traitance d’une partie du marché : Nouveau montant de l’avance du titulaire = (60 000−15 000)×5 % = 2 250 € Montant de l’avance remboursé par le titulaire = 3 000−2 250 = 750 € Montant de l’avance à verser au sous-traitant = 750 €
11.7
Récupération de l’avance
Le remboursement de l’avance s’impute sur les sommes dues au titulaire, selon un rythme et des modalités qui doivent être fixés par le marché. Cela se traduit par des précomptes sur les sommes dues au titre des demandes d’acomptes, de règlements partiels définitifs ou de solde.
Lorsque le montant de l’avance est inférieur à 80 % du prix du marché, il doit être intégralement récupéré lorsque le montant des prestations exécutées atteint 80 % du montant TTC du marché, du bon de commande ou de la tranche affermie. Ce taux plafond ne peut pas être augmenté par le marché(401). Concernant les avances correspondant au moins à 80 % du montant, le marché peut prévoir une règle spécifique pour assurer la totalité du remboursement. À défaut, le Code de la commande publique prévoit que « l’avance est intégralement remboursée lorsque le montant toutes taxes comprises des prestations exécutées atteint le montant de l’avance accordée »(402). Autrement dit, la totalité des sommes dues au titre des prestations du marché est récupérée par l’acheteur jusqu’à un remboursement total de l’avance. Le marché peut librement préciser le rythme du remboursement de l’avance. Il peut avoir lieu dès la première demande d’acompte. Si rien n’est précisé dans le marché, le Code de la commande publique vient préciser à quel moment le remboursement démarre : - pour les avances inférieures ou égales à 30 % du montant du marché, le remboursement de l’avance débute lorsque l’exécution des prestations atteint 65 % du montant de l’assiette(403) ; - pour les avances supérieures à 30 % du montant du marché, le remboursement de l’avance débute dès la première demande de paiement. Sauf cas spécifique, la règle consistant à récupérer l’avance entre 65 et 80 % du taux d’exécution des prestations s’avère être la plus simple. Il peut alors être décidé, librement, d’opérer de deux façons différentes : - soit récupérer l’intégralité de l’avance sur les sommes dues, dès le seuil des 65 % atteint. Cette récupération pourra être réalisée sur un seul paiement si son montant le permet, ou par défaut sur le nombre de paiements nécessaires au remboursement total de l’avance. Cette solution est la plus simple à gérer, mais présente l’inconvénient d’être brutale pour le titulaire du marché qui peut voir un acompte mensuel fortement diminué ou bien même être totalement retenu, le privant ainsi de rentrée financière alors que les prestations progressent. - soit procéder à une récupération étalée sur les paiements intervenant entre 65 et 80 %. Dans un tel cas, l’acheteur procède à la récupération de l’avance en fonction de la progression du taux d’exécution.
Au final, le choix de l’une des deux modalités de remboursement se fera en tenant compte des caractéristiques du marché et notamment du choix du taux d’avance donné au titulaire. En effet, plus ce taux sera haut, plus une récupération non progressive sera brutale pour le titulaire comme cela est exposé dans le tableau suivant (tab. 11.4). Dans le premier cas, la récupération va être réalisée en une seule fois, réduisant la demande de paiement n° 7 de 66 %. Dans le cas de la récupération progressive, celle-ci va être réalisée sur les trois acomptes situés dans la plage des 65/80 % d’exécution. Le remboursement s’étalant alors sur trois acomptes, cela permet d’amoindrir la baisse des revenus mensuels du titulaire. Tab. 11.4. Comparatif entre récupération unique et récupération progressive de l’avance Demande de paiement en € TTC
Taux d’exécution
d1 – 20 000 €
10 %
Méthode de récupération progressive –
d2 – 25 000 €
22 %
–
d3 – 18 000 €
31,5 %
–
d4 – 20 000 €
41,5 %
–
d5 – 20 000 €
51,50 %
–
d6 – 18 000 €
60,50 %
–
d7 – 15 000 € 8 – 20 000 €
68,00 % 78,00 %
d9 – 20 000 €
88,00 %
1 333,33
d10 – 22 000 €
99 %
–
d11 – 2 000 €
100 %
–
200 000 € Montant du marché : 200 000 € TTC Durée : 10 mois Taux de l’avance : 5 % Montant de l’avance : 10 000 € TTC Périodicité des acomptes : mensuelle
Méthode de récupération unique
10 000,00
10 000,00
2 000,00 6 666,67
10 000,00
(385) CCP, art. R. 2191-3 et R. 2391-1. (386) CCP, art. R. 2191-5 et R. 2391-2. (387) CCP, art. R. 2191-3 et R. 2191-7. (388) Selon les conditions fixées à l’article R. 2191-7 en matière de dépense de fonctionnement. (389) CCP, art. R. 2391-1. (390) CCP, art. R. 2191-17. (391) CCP, art. R. 2191-16. (392) CCP, art. R. 2391-12 et R. 2391-13. (393) CCP, art. R. 2191-13. (394) CCP, art. R. 2391-8. (395) CCP, art. R. 2191-15 et R. 2391-11. (396) CCP, art. R. 2191-4 et R. 2391-2. (397) CCP, art. R. 2191-10. (398) CE 29 octobre 2010, Syndicat mixte d’assainissement de la région ouest de Versailles, req. n° 340212. (399) DAJ, fiche technique « Les avances », 1er janvier 2020. (400) Voir DAJ, fiche technique « Les avances », 1er janvier 2020. (401) CCP, art. R. 2191-12 et R. 2391-7. (402) CCP, art. R. 2191-12. (403) CCP, art. R. 2191-11 et R. 2391-7.
Chapitre 12
Financement du titulaire du marché public
La cession et le nantissement de créance sont des instruments de financement efficaces pour le titulaire d’un marché public. Ces dispositifs, qui trouvent leur origine dans le droit privé, facilitent en effet l’octroi par les banques des crédits nécessaires au financement de l’activité des entreprises. Ils favorisent ainsi la participation des PME à la commande publique. Ces dispositifs sont bien encadrés par le Code de la commande publique. Ils ont été complétés par l’affacturage inversé qui permet une accélération des paiements au titulaire.
12.1 Mise en œuvre des régimes de cession et de nantissement de créance
La cession est un acte par lequel le titulaire ou le sous-traitant (le cédant) cède à un établissement de crédit (le cessionnaire) la créance qu’il détient à l’encontre d’un débiteur (l’acheteur, le cédé). L’établissement de crédit cessionnaire, qui apporte en échange de cette créance un soutien financier au titulaire, se remboursera ensuite sur les sommes payées par l’acheteur public. Celles-ci lui seront versées directement, sans passer par le titulaire. Le nantissement, quant à lui, consiste, pour le titulaire ou le sous-traitant, à donner en gage la créance qui résulte de l’exécution du marché pour faciliter le financement de son activité par un établissement bancaire. Le Code de la commande publique (404) prévoit la possibilité pour le titulaire du marché de céder ou nantir la créance qu’il détient sur l’acheteur sur présentation : - soit de l’exemplaire unique du marché, qui est une copie de l’original du marché portant la mention signée par l’acheteur indiquant que le document est délivré en unique exemplaire ; - soit d’un certificat de cessibilité, qui un document dont le modèle type est annexé à l’arrêté du 22 mars 2019 relatif au certificat de cessibilité des créances dans le cadre des marchés publics(405). L’acheteur a l’obligation de délivrer l’une de ces deux pièces, à la demande du titulaire, quel que soit le montant du marché. Le titulaire a le droit de céder ou nantir sa créance, seulement à hauteur de celle qui lui appartient en propre. Dans les cas particuliers des groupements de commandes et de la sous-traitance, sa créance est donc réduite aux prestations qu’il exécute lui-même et dont il peut prétendre au paiement. Deux régimes pour la mise en œuvre de la cession ou du nantissement coexistent. Le premier, de droit commun, est régi par le Code civil. Le second, centré sur les créances nées d’une activité professionnelle, est organisé par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981, dite « loi Dailly », aujourd’hui codifiée aux articles L. 313-23 et suivants du Code monétaire et financier. Ces deux régimes sont très proches depuis la réforme du droit des obligations opérée en 2016.
12.1.1 Régime de droit commun
Le Code civil prévoit une procédure de cession ou de nantissement de créances(406) sans formalisme particulier si ce n’est que l’acte de cession doit être écrit, sous peine de nullité(407). Les étapes de la procédure de droit commun sont les suivantes : 1. L’acheteur délivre au titulaire, à sa demande(408), l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité concernant les créances, toutes taxes comprises, issues du marché ; 2. Le titulaire remet à l’établissement bancaire cessionnaire l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité ; 3. La cession ou le nantissement est notifiée ou signifié au comptable assignataire par le cédant ou le cessionnaire ; 4. Le comptable public procède au paiement du cessionnaire dès lors qu’il dispose des pièces suivantes : - la notification de la cession, - l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité (fig. 12.1).
Fig. 12.1. Le mécanisme de cession ou de nantissement de créance de droit commun (d’après schéma DAJ, « La cession de créances », 1er avril 2019)
12.1.2 Régime de la « loi Dailly » La cession et le nantissement de créances professionnelles sont régis par les dispositions des articles L. 313-23 à L. 313-29-1 du Code monétaire et financier, issues des dispositions de la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises, dite « loi Dailly ». Combiné aux textes en vigueur relatifs aux marchés publics(409), ce dispositif souple d’utilisation peut être déroulé ainsi : 1. À la demande du titulaire, l’acheteur lui délivre l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité concernant les créances, toutes taxes comprises, issue du marché ; 2. Le titulaire du marché remet l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité ainsi qu’un bordereau de cession à l’établissement de crédit cessionnaire. Le bordereau de cession est un document obligatoirement signé par le cédant(410) qui doit comporter les éléments suivants : - la dénomination, selon le cas, « acte de cession de créances professionnelles » ou « acte de nantissement de créances professionnelles », - la mention que l’acte est soumis aux dispositions des articles L. 313-23 à L. 313-34 du Code monétaire et financier, - le nom ou la dénomination sociale de l’établissement de crédit bénéficiaire, - la désignation des créances cédées ou données en nantissement. 3. Le cessionnaire notifie la cession ou le nantissement au comptable assignataire désigné dans le marché(411), par lettre ou par tout moyen donnant une date certaine. La notification est une formalité importante puisque c’est elle qui permet au cessionnaire d’interdire à l’acheteur de payer le titulaire du marché. À compter de cette notification, le comptable se libère de la créance issue du marché directement auprès de l’établissement de crédit(412). La notification prend une forme précise imposée par le Code monétaire et financier(413).
Une notification qui est faite à l’acheteur, mais pas au comptable assignataire (voir chapitre 21) ne permet pas à l’établissement de crédit de se prévaloir de la créance, l’acheteur n’ayant aucune obligation de communiquer le bordereau de cession au comptable(414). Dans ce cas, le comptable continue de payer le titulaire du marché puisqu’il n’a pas connaissance de la cession ou du nantissement. 4. Le comptable assignataire procède au paiement du cessionnaire dès lors qu’il dispose des deux pièces suivantes : - la notification de la cession ou du nantissement de créance en bonne et due forme ; - l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité voir point 12.4.3 (fig. 12.2).
Fig. 12.2. Schéma de traitement de la cession ou du nantissement de créance « loi Dailly » (d’après schéma DAJ – « La cession de créances », 1er avril 2019)
12.1.3 Cas particuliers 12.1.3.1 Groupements d’opérateurs économiques Dans le cas d’un groupement conjoint, chaque membre se voit délivrer un exemplaire unique ou un certificat de cessibilité limité au montant des
prestations qui lui sont confiées par le marché(415) (chapitre 7). Dans le cas d’un groupement solidaire, il est délivré un exemplaire unique ou un certificat de cessibilité au nom du groupement, dès lors que les prestations réalisées par les membres ne sont pas individualisées. Lorsque les prestations sont individualisées, un exemplaire unique ou un certificat de cessibilité correspondant à la prestation qu’il exécute est délivré à chaque membre(416). 12.1.3.2 Sous-traitance Le sous-traitant bénéficiant du paiement direct peut, au même titre que le titulaire du marché, et selon la même procédure, nantir ou céder tout ou partie de la créance qu’il détient sur le marché à hauteur de la part des prestations qu’il exécute(417). Il est important dans ce cas que l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité du titulaire ait bien fait l’objet d’une mention relative à la soustraitance. Ceci explique l’obligation pour l’acheteur de contrôler l’exemplaire unique au moment de la déclaration de sous-traitance (chapitre 6). À la demande du sous-traitant, l’acheteur lui délivre un exemplaire unique du marché ou un certificat de cessibilité. Accompagnés de l’acte spécial de sous-traitance, ces documents permettent de justifier l’existence de la créance du sous-traitant. 12.1.3.3 Accords-cadres à bons de commande et les marchés à tranches Dans ces contrats dont l’exécution est fractionnée, la créance définitive du titulaire du marché n’est pas, de prime abord, identifiable. En effet, l’accordcadre prévoit une fourchette de montants, ou pas du tout de montant, et le marché à tranches comporte, par définition, une ou plusieurs tranches dont l’exécution est incertaine. Ce n’est donc que lorsqu’un bon de commande est réalisé ou qu’une tranche est affermie qu’un montant de créance peut être déterminé. Le titulaire peut
alors demander un exemplaire unique ou un certificat de cessibilité pour chaque bon de commande ou pour chaque tranche affermie(418).
12.2 Effets de la cession et du nantissement de créance 12.2.1 Prise d’effet de la cession et du nantissement La cession et le nantissement de créance de droit commun produisent des effets entre le cédant et le cessionnaire à compter de la date de l’acte valant cession ou nantissement. À cette date, l’acte devient également opposable aux tiers. En revanche, en ce qui concerne le débiteur cédé, c’est-à-dire l’acheteur, il lui est opposable qu’à la condition de lui avoir été notifié(419). La cession ou le nantissement de créance « loi Dailly » prend effet entre les parties et devient opposable aux tiers et à l’acheteur à la date apposée sur le bordereau lors de sa remise au comptable assignataire, quelle que soit la date de naissance, d’échéance ou d’exigibilité des créances et sans qu’il soit besoin d’autre formalité(420). Le comptable public ne tient compte de la créance que lorsqu’elle lui est notifiée.
12.2.2 Transmission de la propriété de la créance Seule la cession a pour conséquence un transfert de la propriété de la créance vers l’établissement bancaire. La créance sort du patrimoine du titulaire du marché. Le nantissement, au contraire, n’est qu’un gage donné à l’établissement bancaire.
12.2.3 Périmètre de la cession de créances
Sous réserve d’aménagement de la cession par les parties, la créance est cédée avec ses accessoires : intérêts moratoires, révisions de prix, retenues de garantie… Sauf cas spécifique des accords-cadres et des marchés à tranches optionnelles, la cession de créances porte en principe sur l’ensemble du marché, c’est-à-dire avec toutes les reconductions qu’il prévoit. Cependant, le titulaire peut demander un exemplaire unique ou un certificat de cessibilité pour une partie seulement du marché ou une période déterminée. Le cessionnaire ne détient pas plus de droit que son cédant. Par conséquent, le paiement du cessionnaire se déroule de la même façon que pour le titulaire. Toutes les stipulations relatives à l’exécution du marché et ses modalités de paiement sont opposables au cessionnaire. Ainsi, le paiement se fait après contrôle du service fait, après application des pénalités de retard, remboursement de l’avance et application de la retenue de garantie(421). En revanche, la cession étant un transfert de propriété de la créance, l’acheteur ne peut pas compenser la créance issue d’un marché avec une autre issue d’un autre marché conclu avec le même titulaire cédant.
12.2.4 Acte d’acceptation de la cession et du nantissement de créance L’établissement de crédit cessionnaire peut solliciter l’acheteur pour qu’il s’engage à honorer la créance, quelles que soient les circonstances qui seront rencontrées lors de l’exécution du marché. Cet engagement du débiteur cédé doit être constaté, à peine de nullité, par un écrit intitulé « Acte d’acceptation de la cession ou du nantissement d’une créance professionnelle »(422). Il doit être pris par une personne habilitée à représenter l’acheteur. Les effets de cette acceptation sont importants pour l’acheteur puisqu’elle lui impose une obligation de paiement détachée de la créance initiale du titulaire du marché. Par ailleurs, l’acheteur ne peut plus opposer à l’établissement de crédit les exceptions fondées sur ses rapports personnels avec le titulaire du marché. En d’autres termes, la mauvaise exécution des prestations du marché est sans
conséquence sur le montant de la créance, dès lors que l’acheteur a donné son acceptation. À titre d’exemple, il ne peut pas se prévaloir de l’exception d’inexécution, de la réfaction ou encore des pénalités de retard qu’il souhaite infliger au titulaire du marché. Par ailleurs, l’acceptation produit ses pleins effets même si la cession ou le nantissement de la créance n’ont pas été notifiés au comptable assignataire(423). La signature d’un document d’acceptation est donc une faculté qu’il est déconseillé à l’acheteur de mettre en œuvre compte tenu des effets importants qu’elle produit(424).
12.3 Suivi de la cession et du nantissement de créance Pendant l’exécution du marché, le cessionnaire peut demander soit un état sommaire des prestations effectuées, dont l’évaluation n’engage pas l’acheteur, soit le décompte des droits constatés au profit du titulaire du marché(425). Il peut également solliciter un état des avances et des acomptes mis en paiement. Une erreur dans cet état est susceptible d’engager la responsabilité pécuniaire de l’acheteur(426). Le cessionnaire peut aussi réclamer au comptable public un état détaillé des oppositions au paiement de la créance qui lui a été cédée(427). L’acheteur est tenu d’informer le cessionnaire, en même temps que le titulaire ou le sous-traitant cédant, de toutes les modifications apportées au contrat qui ont un effet sur la cession, sous réserve que le cessionnaire en fasse la demande par lettre recommandée(428).
12.4 Modifications de la cession et du nantissement de créance
12.4.1 Déclaration de sous-traitance après délivrance de l’exemplaire unique Lorsque le titulaire demande l’agrément d’un sous-traitant en cours d’exécution et plus précisément après cession ou nantissement de créance, l’établissement cessionnaire doit transmettre à l’acheteur l’exemplaire unique ou le certificat de cessibilité. Une main levée ou une attestation pourront aussi justifier de ce que la cession de créances par le titulaire ne fait pas obstacle au paiement direct de la partie sous-traitée ou que son montant a été réduit afin que ce paiement soit possible. Sans la production de telles pièces permettant à l’acheteur de vérifier qu’aucune cession de créances ne fait obstacle au paiement direct, l’acceptation du sous-traitant et l’agrément de ses conditions de paiement ne sont pas possibles. Le paiement du sous-traitant qui serait effectué par l’acheteur ne serait alors pas opposable à l’établissement de crédit propriétaire de la créance pour l’intégralité du marché (voir chapitre 6).
12.4.2 Avenant modifiant le volume des prestations Dans le cadre d’une cession Dailly, le Code monétaire et financier indique que, lorsque la cession ou le nantissement ont pris effet entre l’établissement de crédit et le titulaire du marché, ce dernier ne peut, sans l’accord de cet établissement, modifier l’étendue des droits attachés aux créances régulièrement cédées ou nanties(429). Cette règle limite la possibilité de conclure un avenant qui aurait pour effet de diminuer le volume des prestations et donc le montant de la créance. En revanche, rien n’interdit d’augmenter le volume des prestations. Les nouvelles créances qui en résultent peuvent alors être cédées par le titulaire. En ce qui concerne l’exécution du marché et la conclusion d’avenants, le Code de la commande publique précise que l’établissement de crédit ne peut intervenir d’aucune manière dans l’exécution du marché(430).
12.4.3 Transmission de créance La créance cédée est transmissible. La cession de créances Dailly ne peut cependant l’être qu’à un autre établissement de crédit(431). Dans ce cas, le nouveau détenteur de la créance suivra la procédure prévue pour obtenir du comptable assignataire le paiement de la créance. Annexe à l’arrêté du 22 mars 2019, relatif au certificat de cessibilité des créances dans le cadre des marchés publics (annexe 14 du Code de la commande publique) CERTIFICAT DE CESSIBILITÉ DE CRÉANCE(S) SUR MARCHÉ PUBLIC, DÉLIVRÉ PAR L’ACHETEUR EN UNIQUE EXEMPLAIRE AU TITULAIRE DU MARCHÉ PUBLIC OU À SON SOUS-TRAITANT PAYÉ DIRECTEMENT POUR ÊTRE REMIS AU CESSIONNAIRE OU AU TITULAIRE D’UN NANTISSEMENT DE CRÉANCES Toutes les mentions énumérées dans la présente annexe sont obligatoires : 1. Identification de l’acheteur Désignation de l’acheteur : nom et adresse de la collectivité ou de l’établissement public. Désignation de la personne habilitée à donner les renseignements prévus aux articles R. 2191-60 et R. 2391-28 du Code de la commande publique. Désignation du comptable public assignataire(432) : 2. Identification du créancier au titre du marché public Désignation du créancier : nom, raison sociale, adresse, numéro SIRET. Renseignements complémentaires sur le créancier(433) : ❏ Titulaire du marché public ❏ Sous-traitant de premier rang ❏ Membre d’un groupement solidaire ❏ Membre d’un groupement conjoint ❏ Mandataire solidaire
❏ Mandataire conjoint ❏ agissant pour son propre compte ❏ habilité à céder ou nantir la créance du groupement (dans ce dernier cas, indiquer la référence de l’habilitation) 3. Identification de la créance cessible(434) : Désignation du marché public et de son montant : références, date, montant. Le cas échéant, désignation de la tranche et mention de son montant. Le cas échéant, désignation du lot et de son montant. Le cas échéant, désignation du bon de commande et de son montant. Le cas échéant, éléments relatifs aux clauses de variation de prix applicables à la créance. Le cas échéant, éléments relatifs aux clauses de pénalités susceptibles d’être appliquées à la créance. Le cas échéant, autres renseignements. 4. Renseignements complémentaires affectant le marché public et/ou la créance(435) : ❏ le marché public prévoit le versement d’une avance au créancier au titre du marché public : En cas d’avance, son pourcentage : ………… % ❏ le marché public prévoit une retenue de garantie : En cas de retenue de garantie, son pourcentage : ………… % ❏ le marché public prévoit un délai d’exécution des prestations : Dans ce cas, la durée mentionnée est de : ❏ le cas échéant, les dates prévisionnelles de début d’exécution et d’achèvement sont : ❏ le marché public prévoit un délai maximum de paiement : Dans ce cas, le délai maximum de paiement est de :
Le cas échéant, référence du taux des intérêts moratoires mentionné : ❏ le marché public ne prévoit pas un délai maximum de paiement : Dans ce cas, le délai maximum de paiement est de : Dans ce cas, référence du taux des intérêts moratoires applicable(436) : ❏ le marché public prévoit un montant(437) : Montant prévu pour l’ensemble du marché public : ………… EUR (TTC). Montant prévu pour la tranche concernée : ………… EUR (TTC). Montant prévu pour le lot concerné : ………… EUR (TTC). ❏ Le titulaire souhaite ne pas confier l’exécution d’une partie des prestations à des sous-traitants ayant droit au paiement direct : Cette partie non sous-traitée est au maximum de : EUR (TTC). 5. Modification(s) ultérieure(s) de la créance (à renseigner autant de fois que nécessaire) 1re
Date/Signature PA
4e modification
La créance cessible est ramenée/portée à : ………… €. La créance cessible est ramenée/portée à : ………… €. La créance cessible est ramenée/portée à : ………… €. La créance cessible est ramenée/portée à : €.
Ne modification
La créance cessible est ramenée/portée à : €.
Date/Signature PA
2e modification 3e modification
Date/Signature PA Date/Signature PA Date/Signature PA
En cas de cession ou de nantissement, le cessionnaire ou le titulaire du nantissement transmet l’original du présent certificat au comptable public assignataire, conformément aux articles R. 2191-54, R. 2191-55 et R. 239128 du Code de la commande publique(438). À …, le … Signature de l’acheteur
12.5 Affacturage, solution tout-enun de financement
En complément de la cession et du nantissement de créance, l’affacturage est apparu récemment dans l’exécution financière des marchés publics. Cette technique de financement, provenant du secteur privé, fait intervenir un organisme spécialisé qui gère les comptes clients d’un opérateur économique en acquérant ses créances, en assurant leur recouvrement pour son propre compte et en supportant les pertes éventuelles. L’affacturage est donc un dispositif très favorable pour la trésorerie des opérateurs économiques. Sa variante, l’affacturage inversé, est désormais à la portée des acheteurs publics qui peuvent s’en servir pour réduire et maîtriser leur délai de paiement.
12.5.1 Caractéristiques de l’affacturage L’affacturage est une opération par laquelle l’opérateur économique titulaire d’un marché, le créancier, va remettre ses créances à l’affactureur (ou « factor »), c’est-à-dire un établissement financier. Suivant la convention signée entre le créancier et le factor, ce dernier peut recevoir tout ou partie des factures qui lui seront adressées. Les factures acceptées sont payées par le factor qui devient propriétaire de la créance. L’acheteur débiteur lui versera les sommes dues qui correspondent à ces factures. Au-delà de ce service, l’intérêt de l’affacturage réside dans les prestations complémentaires que le factor peut assurer pour l’opérateur économique. 1. Les prestations liées à la facturation et au poste client : - un service crédit, par l’exercice d’une surveillance permanente de la solvabilité de la clientèle de l’opérateur économique, - un service commercial, par la gestion du fichier d’acheteurs et les conseils de prospection, - un service comptable en assurant la comptabilisation des factures, voire la facturation elle-même, et des encaissements ainsi que la remise en banque des règlements reçus des débiteurs, - un service de recouvrement, en effectuant la relance des débiteurs, - un service contentieux, le cas échéant, 2. La prestation d’assurance-crédit
En acquérant les créances sans recours contre le créancier, le factor prend à sa charge le risque d’insolvabilité et garantit au créancier le paiement de l’ensemble des sommes dues par le débiteur. Cette prestation est évidemment payante par l’application d’une commission de garantie généralement entre 2,5 et 5 % du montant des créances.
12.5.2 Mise en œuvre de l’affacturage sous forme de subrogation L’affacturage peut être réalisé dans le cadre d’une cession de créances prévue par le Code de la commande publique et le Code monétaire et financier. Elle peut aussi se présenter sous la forme d’une subrogation conventionnelle régie par le Code civil(439). La subrogation, telle que prévue par ce code, est un mécanisme par lequel un tiers paie le créancier à la place du débiteur pour se substituer ensuite au créancier à hauteur du paiement qu’il a effectué. Ce mécanisme de substitution est basé sur un rapport d’obligation, d’une personne (le tiers/subrogé) à une autre (le créancier/subrogeant). Appliquée dans le cadre de l’affacturage, l’opérateur économique titulaire d’un marché, le subrogeant, va remettre ses créances à un factor, le subrogé. En fonction de la convention signée entre le créancier et le factor, ce dernier peut recevoir tout ou partie des factures qui lui sont adressées. Le paiement des factures intervient généralement dans les 48 heures à compter de leur réception par le subrogé. Ce paiement est réalisé net des commissions et éventuelles retenues de garanties prévues par la convention d’affacturage. Revêtues de la mention « factor », les factures sont ensuite notifiées au comptable public et lui imposent un changement de créancier, le débiteur ne se libérant valablement qu’auprès de l’établissement de crédit subrogé(440). L’acheteur débiteur lui versera les sommes dues qui correspondent à ces factures.
Fig. 12.3 Schéma de traitement de l’affacturage avec subrogation
12.5.2.1 Effets de la subrogation Comme la cession de créances, la subrogation a pour conséquence d’opérer un transfert de créance auquel le débiteur est tenu, le rapport d’obligation étant transféré du subrogeant (le titulaire du marché détenteur de la créance) au subrogé (le factor). En revanche, là où la cession de créances donne la possibilité au cessionnaire d’exiger la totalité du montant de la créance figurant dans l’acte de cession, le subrogé lui, ne peut recouvrer sa créance que dans la limite de ce qu’il a payé, c’est-à-dire le montant de la facture payée au titulaire du marché. Seuls les accessoires de la créance pourront donc bénéficier au subrogé (sûretés et privilèges attachés à la créance, garanties de vices cachés, éviction, actions en responsabilité). 12.5.2.2 Conditions de mise en œuvre de la subrogation En application de l’article 1346-1 du Code civil, trois conditions doivent être remplies pour assurer la légalité de la subrogation :
- elle doit faire l’objet d’un accord express(441). En pratique, cela se traduit par la signature d’une convention d’affacturage qui détaillera les conditions spécifiques de la prestation (types de prestations prévues, taux applicables, factures concernées, durée…) ; - elle doit être concomitante au paiement(442) : étant défini comme un mode de paiement, cet acte ne peut nécessairement être déconnecté de ce dernier. Dans son article 1346-1, le Code civil admet, néanmoins, la possibilité de conclure, en amont du paiement, une convention prévoyant celle-ci. Cette disposition a été confirmée par la jurisprudence(443) ; - elle doit être directement effectuée par le subrogé. Il n’y a pas subrogation lorsque, par exemple, le débiteur effectue le paiement sur ses propres fonds ou même par l’intermédiaire d’un prêt.
Fig. 12.4. Le circuit de paiement de l’affacturage avec subrogation
12.5.3 Articulation avec le Code de la commande publique L’affacturage n’est pas explicitement prévu par le Code de la commande publique.
Lorsqu’il prend la forme d’une cession de créances, régie par le Code monétaire et financier, il implique le respect des règles propres à la cession, notamment la notification de l’exemplaire unique au comptable assignataire, ainsi qu’une mention spécifique sur la demande de paiements. Lorsqu’il prend la forme d’une subrogation, il nécessite simplement une mention subrogative apposée sur la demande de paiements. Les décrets relatifs aux pièces justificatives fixent les conditions dans lesquelles les comptables publics sont autorisés à payer entre les mains d’un factor les mandats émis par l’acheteur au nom du titulaire. Important Lorsque l’affacturage est réalisé par subrogation, la production de l’exemplaire unique n’est pas requise pour payer les factures entre les mains du factor. Peut alors se produire une difficulté lorsque le payeur détient déjà un acte de cession ou nantissement de créance sur le même marché. Bien que ce type de situation soit rare, il demeure qu’en principe, le comptable privilégie un versement sur les bases de l’acte signé le premier.
12.5.4 Affacturage inversé Dans le rapport Stoléru de 2007, ce mécanisme avait été présenté comme un outil potentiellement efficace pour soutenir l’activité des PME(444). En 2019, pour la première fois, le législateur prévoit l’application de l’affacturage inversé pour l’exécution des marchés publics. La loi du 22 mai 2019, dite « Loi Pacte », autorise en effet les acheteurs à demander à un établissement bancaire de procéder au paiement de leurs factures(445). L’affacturage inversé se distingue de l’affacturage classique en ce qu’il est à l’initiative de l’acheteur. Ce dernier va en effet prendre en charge la recherche d’un établissement qui assurera le paiement anticipé des sommes dues au titulaire du marché (Schéma 12.5). Ce mécanisme permet de réduire considérablement le délai de paiement puisque le titulaire du marché peut espérer voir sa facture réglée en quelques jours, voire dans les 24 heures suivant sa transmission. Il présente ensuite l’avantage d’être favorable pour la trésorerie des entreprises ce qui permet d’envisager, mais cela reste à démontrer, des conditions financières plus avantageuses dans les marchés à conclure par les acheteurs.
L’affacturage inversé se met en œuvre à l’initiative de l’acheteur, mais uniquement avec l’accord du titulaire du marché. Si celui-ci bénéficie principalement au titulaire, son coût reste néanmoins à la charge de l’acheteur. La bonne articulation de ce dispositif de paiement avec les règles de la comptabilité publique, notamment la règle de certification du service fait, n’est pas à ce stade, évidente.
Fig. 12.5. Le circuit de traitement de l’affacturage inversé
(404) CCP, art. R. 2191-46 et R. 2391-28. (405) Arrêté du 22 mars 2019 relatif au certificat de cessibilité des créances dans le cadre des marchés publics, NOR : ECOM1830226A, annexe n° 14 du CCP, JO 31 mars 2019 ; instruction n° 07-019-B1-M0-M9 du 27 février 2007 de la Direction générale de la comptabilité publique. (406) C. civ., art. 1321 et s. ; et art. 1689 et s. (407) C. civ., art. 1322.
(408) CCP, art. R. 2191-46. (409) CCP, art. R. 2191-45 à R. 2191-62 et R. 2391-28. (410) Code monétaire et financier, art. L. 313-15. (411) CCP, art. R. 2191-55 et R. 2391-28. (412) Code monétaire et financier, art. L. 313-28. (413) Code monétaire et financier, art. R. 313-17. (414) CE 9 mars 2018, Banque Delubac et Cie, req. n° 407842. (415) CCP, art. R. 2191-52. (416) CCP, art. R. 2191-53. (417) CCP, art. R. 2193-22 et R. 2393-40. (418) CCP, art. R. 2191-51 et R. 2391-28. (419) C. civ., art. 1324. (420) Code monétaire et financier, art. L. 313-27. (421) CE 21 juin 1999, Banque populaire Bretagne Atlantique, req. n° 151917. (422) Code monétaire et financier, art. L. 313-29. (423) CE 25 mars 2003, Caisse centrale de Crédit Mutuel du nord de la France, req. n° 240679. (424) Pour les marchés de partenariat, dont le financement engage le titulaire et ses partenaires financiers, l’acceptation de la cession de créance par l’acheteur est souvent indispensable au montage contractuel. (425) CCP, art. R. 2191-60.
(426) CAA Bordeaux, 27 décembre 1995, Banque Dupuy de Parseval, req. n° 94BX01134. (427) CCP, art. R. 2191-62. (428) CCP, art. R. 2191-61. (429) Code monétaire et financier, art. L. 313-27. (430) CCP, art. R. 2191-59. (431) Code monétaire et financier, art. L. 313-26. (432) Conformément aux articles R. 2191-47 et R. 2391-28 du Code de la commande, il doit être établi un certificat de cessibilité distinct pour chaque comptable public concerné par un même marché public, en y retraçant la part de la créance totale que le comptable auquel il est transmis est appelé à mettre en paiement. (433) Cocher la ou les cases correspondantes. (434) Lorsque le montant est demandé, faire apparaître le montant TTC, le montant HT et celui de la TVA. (435) Cocher la ou les cases correspondantes. (436) En l’absence de clause contractuelle, il convient d’indiquer le délai maximum de paiement et la référence au taux des intérêts moratoires prévus par la réglementation en vigueur. (437) Pour les accords-cadres à bons de commande comportant un minimum et un maximum, ceux-ci doivent être indiqués. Pour les marchés publics comportant un prix estimatif, celui-ci doit être indiqué. (438) Il est rappelé que les cessions ou nantissements réalisés en application du code monétaire et financier ne peuvent être honorés par le comptable public assignataire que s’ils lui sont notifiés. (439) C. civ., art. 1346-1 à 1346-5.
(440) Code monétaire et financier, art. L. 313-28. (441) C. civ., art. 1346-1 (442) C. civ., art. 1346-1, alinéa 3. (443) Cass. com., 29 janvier 1991, n° 89-10.085. (444) Stoléru L., Rapport au président de la république, « l’accès des PME aux marchés publics », 5 décembre 2007. (445) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, art. 106.
Chapitre 13
Acomptes
L’acompte est le paiement d’une partie des prestations exécutées dans le cadre d’un marché public. Il s’agit d’un paiement intermédiaire avant l’exécution complète du marché et la clôture des comptes.
13.1
Régime des acomptes
13.1.1 Droit du titulaire à percevoir des acomptes Le Code de la commande publique prévoit que le titulaire a le droit d’être payé par acomptes(446). L’acheteur, qui ne règle pas un acompte ou tarde à le faire, peut être contraint de réparer le préjudice qui en résulte pour le titulaire. Pour faire respecter ce droit, le titulaire peut saisir le juge du référé d’une demande de provision, sans attendre l’établissement du décompte général et définitif(447).
L’existence d’un droit à percevoir des acomptes n’autorise pas le titulaire à interrompre l’exécution des prestations lorsque l’acheteur ne s’acquitte pas de son obligation. En effet, l’interdiction de l’exception d’inexécution est plutôt le principe dans le droit de l’exécution des marchés publics (voir chapitre 2). Le contrat peut cependant aménager cette interdiction, comme c’est le cas par exemple aux CCAG-Travaux et maîtrise d’œuvre qui autorisent le titulaire à interrompre les prestations et à demander la résiliation lorsque plusieurs acomptes ne lui sont pas versés(448).
13.1.2 Versement de l’acompte est lié à la réalisation effective des prestations À la différence de l’avance qui est versée avant tout commencement d’exécution des prestations, l’acompte n’est versé qu’à la condition que des prestations aient été réalisées. De plus, sa valeur ne peut excéder celle des prestations auxquelles il se rapporte(449). C’est l’application de la règle du paiement après service fait (voir chapitre 21).
13.1.3 Périodicité des acomptes La périodicité de versement des acomptes est fixée au maximum à trois mois(450). Pour les marchés publics de défense ou de sécurité, celle-ci est de 6 mois, mais elle passe à trois mois si le titulaire est une petite ou moyenne entreprise ou un artisan(451). Cependant, dans plusieurs situations précisées par le Code de la commande publique, ce seuil est réduit à un mois (voir 13.1.3.1 et 13.1.3.2). Les documents particuliers du marché ne peuvent pas prévoir une périodicité plus grande, car cela revient à déroger aux dispositions du Code de la commande publique. En revanche, rien n’interdit à l’acheteur de faire bénéficier le titulaire d’une périodicité plus courte. 13.1.3.1 Mensualisation des acomptes dans les opérations de travaux
Le Code de la commande publique impose la mensualisation des acomptes dans les marchés de travaux en fonction de la qualité du titulaire. Ainsi, lorsque celui-ci est une petite ou moyenne entreprise ou un artisan(452) ou une société coopérative de production, un groupement de producteurs agricoles, une société coopérative d’artisans, une société coopérative d’artistes ou une entreprise adaptée, la périodicité des versements est ramenée à un mois(453). La même règle s’applique pour les marchés publics de défense ou de sécurité portant sur des travaux lorsque le titulaire est une petite ou moyenne entreprise ou un artisan(454). Nonobstant ces dispositions réglementaires, les CCAG-Travaux et maîtrise d’œuvre prévoient spécifiquement que les acomptes sont versés mensuellement, quelle que soit la qualité du titulaire(455). Ces stipulations, plus favorables que celles du Code de la commande publique, peuvent faire l’objet d’une dérogation dans les documents particuliers. Pour les marchés de maîtrise d’œuvre, par exemple, il est souvent prévu dans les CCAP un paiement des éléments de missions, non pas selon une périodicité, mais en fonction du niveau d’avancement. Pour les marchés de travaux, l’usage est en revanche le paiement mensuel. 13.1.3.2 Mensualisation des acomptes à la demande du titulaire pour les autres types de marchés Pour tous les marchés de fournitures ou de services, la périodicité des acomptes est ramenée à un mois, à condition que le titulaire en fasse la demande. Toutefois, il faut que ce dernier soit : - pour un marché classique, une PME ou un artisan ou une société coopérative de production, un groupement de producteurs agricoles, une société coopérative d’artisans, une société coopérative d’artistes ou une entreprise adaptée ; - pour un marché de défense ou de sécurité, une PME ou un artisan. Tab. 13.1. Tableau synthétique des différentes périodicités maximums pour le paiement d’acompte Type de marché Marché public autre que de
Objet du marché Travaux
Qualité du titulaire Autre que PME, artisan, société coopérative de production, groupement de producteurs agricoles,
Périodicité maximum 3 mois
défense ou de sécurité
Marché public autre que de défense ou de sécurité
Marché public de défense ou de sécurité Marché public de défense ou de sécurité Marché public de défense ou de sécurité
société coopérative d’artisans, société coopérative d’artistes, entreprise adaptée Fournitures et Autre que PME, artisan, société coopérative de 3 mois services production, groupement de producteurs agricoles, société coopérative d’artisans, société coopérative d’artistes, entreprise adaptée Travaux PME, artisan, société coopérative de production, 1 mois groupement de producteurs agricoles, société coopérative d’artisans, société coopérative d’artistes, entreprise adaptée Fournitures et PME, artisan, société coopérative de production, 1 mois à la services groupement de producteurs agricoles, société demande du coopérative d’artisans, société coopérative d’artistes, titulaire entreprise adaptée Travaux Autre que PME ou artisans 6 mois Fournitures et Autre que PME ou artisans 6 mois services Travaux PME ou artisans 3 mois Fournitures et PME ou artisans 3 mois services Travaux PME ou artisans 1 mois à la demande du titulaire Fournitures et PME ou artisans 1 mois à la services demande du titulaire
13.1.4 Droit du sous-traitant à percevoir des acomptes Le sous-traitant admis au paiement direct bénéficie des acomptes dans les mêmes conditions que le titulaire.
13.1.5 Absence de caractère définitif des acomptes Les acomptes ne valent pas un paiement définitif(456), si bien qu’ils peuvent être remis en cause jusqu’au règlement final ou au règlement partiel définitif (voir chapitre 14).
Cela signifie que tous les acomptes déjà versés sont intégrés au calcul des prochains ou pour le calcul du solde. Lors de cette dernière évaluation, ce qui aura peut-être été trop versé précédemment pourra être réajusté dans les paiements suivants.
13.2 Modalités de versement des acomptes dans le CCAG-Travaux 13.2.1 Traitement des acomptes Le CCAG-Travaux prévoit une procédure de paiement des acomptes dans laquelle le maître d’œuvre, chargé de suivre l’exécution du marché, joue un rôle central. Elle se déroule de la manière suivante : - le titulaire présente un projet de décompte au maître d’œuvre qui le traite et établit le décompte ; - ce dernier transmet pour paiement le décompte accompagné de l’état d’acompte à l’acheteur. Recommandation Attention au suivi des acomptes Pour bien superviser, le déroulement du paiement des acomptes dans les marchés de travaux requiert une très grande rigueur, tant le formalisme imposé par le CCAG est important et les nombres d’acomptes et d’intervenants dans une opération de travaux peuvent être considérables. Cela relève du contrôle de l’exécution financière incombant au maître d’œuvre, qui vérifie la corrélation entre ce qui est effectivement exécuté et ce qui fait l’objet d’une demande de paiement, mais qui doit aussi assurer le suivi de l’exécution financière de l’ensemble du marché. L’acheteur maître d’ouvrage, quant à lui, en qualité d’ordonnateur de la dépense, doit transmettre des mandats complets et cohérents au comptable public (voir chapitre 21). L’ensemble de ces acteurs doit donc bénéficier des éléments nécessaires à la justification des sommes qui seront versées au titulaire (prestations réalisées, autres sommes à verser, sommes à retrancher…) ainsi que d’un document de suivi retraçant l’historique des acomptes précédents. Une organisation bien structurée et des outils de suivi performants sont par conséquent indispensables.
Fig. 13.1. Les étapes qui précèdent le paiement effectif de l’acompte
13.2.2 Projet de décompte Le projet de décompte comporte le montant total hors TVA des sommes correspondants aux prestations réalisées auquel on soustrait les éventuelles réfactions à appliquer(457). À ce stade, les variations de prix qui peuvent être prévues par le marché ne sont pas appliquées, mais seulement mentionnées. Le projet de décompte contient les éléments suivants(458) : Les travaux et autres prestations du marché : - pour les marchés décomposés en phase d’exécutions chiffrées, le projet de décompte comporte le montant correspondant à chaque phase réalisée
ainsi que la fraction en pourcentage correspondant à la partie des phases inachevées. L’évaluation de cette fraction est appréciée par le maître d’œuvre. - pour les autres marchés, le montant chiffré résulte de la portion du prix forfaitaire en pourcentage équivalant à l’avancement des travaux constaté ou simplement apprécié. Les prix unitaires du marché ne sont, dans ce cas, jamais fractionnés. - dans les deux cas, le titulaire, ayant des sous-traitants bénéficiant du paiement direct, fait apparaître la somme à prélever sur celles qui lui sont dues que l’acheteur doit payer aux sous-traitants. Les approvisionnements : ne sont quantifiés que ceux commandés postérieurement à la date de notification du marché, mais non encore utilisés(459). Par exemple, dans le cas d’une livraison de plaques de plâtre chez le titulaire du marché de travaux, dont la pose est prévue le mois suivant, le prix de ces matériaux figure au projet de décompte, en fonction des quantités approvisionnées au moment du projet de décompte. Les primes, lorsque le marché a prévu de tels versements ; Le remboursement des débours incombant au maître de l’ouvrage dont l’entrepreneur a fait l’avance, le cas échéant, au titre de l’article 26.4 du CCAG-Travaux ; La distinction des taux de TVA applicables aux différents éléments du projet de décompte. Le projet de décompte doit être accompagné des pièces permettant au maître d’œuvre de le traiter : - les calculs des quantités prises en compte, effectués à partir des éléments contenus dans les constats contradictoires ; - le calcul, avec justifications à l’appui, des coefficients d’actualisation ou de révision des prix ; - le cas échéant, les pièces justifiant les débours, effectués au titre de l’article 26.4 du CCAG-Travaux, dont le titulaire demande le remboursement ; - les copies des demandes de paiement des sous-traitants acceptées par le titulaire. En cas de groupement conjoint, le projet de décompte sera décomposé en autant de parties qu’il y a d’entreprises à payer séparément.
Recommandation Fournir son modèle de projet de décompte au titulaire Le CCAG-Travaux prévoit la possibilité de demander au titulaire d’établir le projet de décompte suivant un modèle communiqué par l’acheteur. Cela peut permettre un gain de temps et de limiter les erreurs.
13.2.3 Décompte Le projet de décompte devient le décompte après avoir été vérifié par le maître d’œuvre et le cas échéant rectifié. Par exemple, si ce dernier considère que le pourcentage d’avancement d’une phase est surévalué par le titulaire au regard de l’état d’avancement réel de la phase, il rectifiera la demande de paiement sur ce point.
13.2.4 Acompte Sur la base du décompte, le maître d’œuvre établit l’acompte à régler au titulaire. Dans un délai de sept jours, il en informe le titulaire et transmet le décompte et le montant de l’acompte à l’acheteur. Au-delà de ce délai, le titulaire peut se tourner directement vers l’acheteur pour obtenir le paiement des sommes que ce dernier aura accepté. Un état détaille la composition de l’acompte (fig. 13.2).
Fig. 13.2. État de composition de l’acompte
13.3 Modalités de versement des acomptes dans les CCAG-FCS, PI, MI, MOE et TIC 13.3.1 Acompte établi par l’acheteur est précédé d’une demande de paiement du titulaire Le CCAG-Maîtrise d’œuvre n’envisage qu’une modalité de présentation des demandes de paiement : au début de chaque mois pour les prestations effectuées le mois précédent.
Les CCAG-FCS, PI, MI et TIC prévoient que la demande de paiement par le titulaire puisse intervenir à différents moments. Il convient ici de choisir la solution la mieux adaptée aux caractéristiques du marché : - soit aux dates prévues par le marché, lorsque les phases d’exécution sont précisément définies à l’avance. À titre d’exemple, un marché de maintenance préventive des équipements audiovisuels peut comporter les dates de règlement d’acompte se situant en fin de périodes d’intervention trimestrielles ; - soit après l’admission des prestations, conformément aux stipulations du marché. Cette modalité est relativement souple, car elle permet de s’adapter aux cas dans lesquels les prestations peuvent être exécutées en fonction des besoins de l’acheteur. Le CCAP peut dans ce cas utilement compléter cette procédure en précisant que lorsque plusieurs admissions se mêlent sur une période mensuelle, l’ensemble de ces prestations sont regroupées au sein d’une seule et même demande de paiement ; - soit au début de chaque mois pour les prestations effectuées le mois précédent, dans le cas où elles s’effectuent de façon continue, par exemple, dans le cadre d’un marché d’acquisition de petites fournitures de bureau, même lorsque plusieurs livraisons ont eu lieu dans le mois précédent. Le titulaire notifie à l’acheteur une demande de paiement mensuelle établissant le montant total, arrêté à la fin du mois précédent, des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l’exécution du marché depuis le début de celui-ci ; - soit aux dates programmées par le marché pour le versement d’acomptes. Quel que soit le marché, cette demande d’acompte émanant du titulaire doit comporter tous les éléments nécessaires au règlement de l’acompte : - le montant des prestations admises hors TVA ; il peut être établi sur la base de constats contradictoires, lorsque le CCAP le prévoit. Par exemple, dans les marchés de prestations de location de véhicules, le tour de caisse visant à définir les éventuels frais de remise en état des véhicules se déroule de façon contradictoire, avant de donner lieu à une demande de paiement. Les prestations peuvent être chiffrées en fractionnant les prix unitaires lorsque ceux-ci concernent une prestation encore en cours d’exécution. Les prix forfaitaires peuvent également être fractionnés pour les mêmes raisons.
Dans ce cas, les CCAG(460) prévoient que l’évaluation des sommes dues sera faite en pourcentage selon l’avancement de l’exécution des prestations. Cette évaluation doit alors s’appuyer sur un éventuel détail des prix forfaitaires figurant au sein du marché. Par ailleurs, hors marché de maîtrise d’œuvre, peuvent être chiffrées des fournitures qui, en application du marché ou après accord avec le titulaire, restent stockées chez lui(461). Il s’agit par exemple des marchés de conception et fabrication d’éléments scénographiques où le titulaire va conserver les pièces construites jusqu’à la période d’installation. Pour autant, celui-ci aura réalisé une partie importante du marché qu’il conviendra de lui régler. - les éventuelles réfactions fixées conformément aux CCAG(462) ; - la décomposition des prix forfaitaires et le détail des prix unitaires, lorsque ces précisions sont prévues par le marché ou que, eu égard aux prescriptions du marché, les prestations ont été effectuées de manière incomplète ou non conforme ; - lorsqu’un paiement est prévu à l’issue de certaines étapes de l’exécution du marché, le montant correspondant à la période en cause ; - en cas de groupement conjoint, le montant des prestations effectuées par chaque opérateur économique. À cet effet, les demandes de paiement de groupements conjoints doivent impérativement comporter la décomposition des sommes dues à chaque opérateur économique ; - le cas échéant, les indemnités, primes et retenues autres que la retenue de garantie, établies conformément aux stipulations du marché (par exemple, en cas d’exécution aux frais et risques du titulaire, la différence entre le prix que le pouvoir adjudicateur aurait dû régler au titulaire pour la réalisation des prestations et le prix effectivement payé pour l’exécution de celles-ci à la place du titulaire défaillant). Les demandes de paiement relatives aux sous-traitants doivent mentionner la nature des prestations exécutées par ceux-ci, leur montant total hors taxes, leur montant TTC ainsi que, le cas échéant, les variations de prix établies entre le HT et le TTC. À noter que ces demandes ne sont pas obligatoirement présentées en même temps que les demandes de paiement du titulaire.
Les demandes de paiement relevant du CCAG-Maîtrise d’œuvre comporteront de surcroît le détail des calculs des coefficients d’actualisation ou de révision des prix.
13.3.2 Acompte établi par l’acheteur Sur la base de la demande de paiement, l’acheteur établit l’acompte. La demande de paiement du titulaire pourra être acceptée en l’état ou rectifiée pour corriger d’éventuelles erreurs de chiffrage ou encore complétée (récupérations d’avances, retenues de garanties, réfactions, primes). En cas de modification de la demande transmise par le titulaire, l’acheteur notifiera au titulaire le nouveau montant arrêté. Il est à noter que les CCAG ne fixent pas de délais pour l’établissement de l’acompte ou sa notification au titulaire. En effet, le délai global de paiement court à compter de la réception par l’acheteur de la demande de paiement jusqu’au paiement effectif du titulaire (voir chapitre 22). (446) CCP, art. L. 2191-4 et L. 2391-4. (447) CE 2 avril 2004, Sté Imhoff, req. n° 257392. (448) Article 53.2 du CCAG-Travaux, article 25.1 du CCAG-MOE. (449) CCP, art. L. 2191-4 et L. 2391-4. (450) CCP, art. R. 2191-22. (451) CCP, art. R. 2391-17. (452) Pour la définition des PME et artisans, voir le chapitre 11 relatif à l’avance, point 11.1.1. (453) CCP, art. R. 2191-22. (454) CCP, art. R. 2391-17. (455) Article 10.2 du CCAG-Travaux, article 11.5 du CCAG-MOE.
(456) CCP, art. L. 2191-4 et L. 2391-4. (457) Article 12.1 du CCAG-Travaux. (458) Article 12.1.2 du CCAG-Travaux. (459) Article 10.4 du CCAG-Travaux. (460) Article 11.3.5 du CCAG-FCS, article 11.3.5 du CCAG-PI, article 11.3.5 du CCAG-TIC, article 11.3.5 du CCAG-MOE, article 12.3.5 du CCAG-MI. (461) Article 11.6.2 du CCAG-FCS, article 11.5.2 du CCAG-PI, article 11.5.2 du CCAG-TIC, article 12.5.2 du CCAG-MI. (462) Article 30.3 du CCAG-FCS, article 29.3 du CCAG-PI, article 34.3 du CCAG-TIC, article 21.3 du CCAG-MOE, article 34.3 du CCAG-MI.
Chapitre 14
Règlement partiel définitif
Le règlement partiel définitif est un paiement non susceptible d’être remis en cause par les parties une fois qu’il a été réalisé. Il se distingue ainsi de l’acompte qui est provisoire jusqu’à la clôture des comptes du marché, c’està-dire jusqu’au versement du solde (voir chapitre 13). Un règlement partiel peut avoir donné lieu à plusieurs acomptes avant de devenir définitif. Compte tenu de l’effet définitif de ce type de règlement, l’intérêt d’y recourir est limité à quelques marchés dont le rythme et les conditions d’exécution se prêtent à cette modalité de paiement.
14.1 Paiement du marché par règlements partiels définitifs 14.1.1 Cas de recours au règlement partiel définitif
L’article R. 2191-26 du Code de la commande publique prévoit : « Un règlement partiel définitif est un règlement non susceptible d’être remis en cause par les parties après son paiement, notamment lors de l’établissement du solde. À l’exception des marchés de travaux, l’acheteur peut prévoir des règlements partiels définitifs. » Il est donc possible de recourir à cette forme de paiement dans tous les types de marchés publics, hormis les marchés de travaux. Pour pouvoir procéder à un paiement partiel définitif au stade de l’exécution, il faut que cela ait été expressément prévu dans le marché public. Il n’est pas envisageable de décider en cours d’exécution, par exemple à la demande du titulaire du marché, de passer d’un paiement par acomptes à un paiement par règlements partiels définitifs. Une modification de cette nature serait considérée comme substantielle et donc irrégulière (voir chapitre 10). Pour prévoir ce type de règlement, l’acheteur doit apprécier ses conséquences sur l’exécution financière. Il est en effet plus lourd à mettre en œuvre que le paiement par acomptes. Son caractère irréversible clôt financièrement une étape de l’exécution du marché public ; ce qui signifie que chaque règlement doit être vérifié et arrêté en prenant en compte tous les paramètres financiers du marché : variations de prix, pénalités, primes, versement et remboursement d’avance, admission sans réserve… Il n’y aura pas de compensation possible sur le prochain règlement, comme cela est envisageable pour les acomptes. Il est donc pertinent d’y recourir dans le cadre de marchés particuliers, permettant d’identifier des prestations s’articulant par phases autonomes, c’est-à-dire qui peuvent se suffire en elles-mêmes si l’exécution du marché venait à être interrompue. Les accords-cadres à bons de commande portant sur l’acquisition de fournitures standards donnent lieu à cette forme de règlement. Chaque commande étant indépendante et sans rapport avec les autres, il n’y a aucun risque à la régler de manière définitive, une fois les livraisons effectuées et vérifiées. Si bien que chaque bon de commande donne lieu en principe à un règlement définitif, sauf stipulation différente dans le marché (voir 14.2 pour les accords-cadres de travaux).
Par ailleurs, ce paiement particulier se rencontre aussi dans les marchés d’études, dont l’exécution est souvent rythmée par des phases distinctes et financièrement identifiées dans la décomposition du prix global. Les marchés à tranches sont également des formes contractuelles pouvant justifier de pratiquer le règlement partiel définitif (toujours hormis travaux) puisque les prestations de chaque tranche doivent constituer un ensemble cohérent(463).
14.1.2 Modalités du règlement partiel définitif Dans le cadre de ce régime, le paiement ne peut intervenir qu’après réception et admission de la phase ou de l’étape concernée. Si tel est le cas, le titulaire du marché doit faire parvenir à l’acheteur sa demande de paiement sous forme de décompte correspondant aux prestations exécutées. Cette demande émanant du titulaire doit comporter tous les éléments nécessaires au paiement définitif de la partie du marché exécutée : - le montant des prestations admises hors TVA. À noter que dans le cas d’un marché à prix global et forfaitaire, le montant de ces prestations correspond à une étape de l’exécution du marché et se trouve chiffré au sein de la DPGF. Tandis que pour un marché à prix unitaires, ce montant résulte de l’application de ces prix aux quantités réalisées : - les éventuelles réfactions fixées conformément aux CCAG(464) ; - en cas de groupement conjoint, le montant des prestations effectuées pour chaque opérateur économique ; - en cas de sous-traitance, la nature des prestations exécutées par le soustraitant, leur montant total hors taxes, leur montant TTC ainsi que, le cas échéant, les variations de prix établies HT et TTC ; - le cas échéant, les indemnités, primes et retenues autres que la retenue de garantie, établies conformément aux stipulations du marché. Sur la base du décompte, l’acheteur arrête le paiement partiel définitif. Pour ce faire, la demande de paiement du titulaire peut être acceptée en l’état,
rectifiée d’éventuelles erreurs de chiffrage ou encore complétée (récupérations d’avances, retenues de garanties, réfactions, primes). Dans ce dernier cas, l’acheteur notifie au titulaire le nouveau montant arrêté (fig. 14.1).
Fig. 14.1. Les différents éléments composant le règlement partiel définitif
Les CCAG prévoient une procédure visant à solder définitivement les parties du marché exécutées lorsque le titulaire ne transmet pas la demande de paiement de son propre chef(465). L’acheteur peut le mettre en demeure de le faire. Dans le cas où le titulaire n’accède pas à cette mise en demeure sous 45 jours à compter de l’admission des prestations, l’acheteur établira lui-même le décompte des prestations qui servira au règlement partiel définitif et le notifiera au titulaire.
14.2 Interdiction du règlement partiel définitif dans les marchés de travaux Le Code de la commande publique pose le principe selon lequel les marchés de travaux ne peuvent pas faire l’objet de règlements partiels définitifs(466). Cette interdiction s’explique par la nécessité d’éviter que les acheteurs se trouvent en difficulté dans leurs opérations de travaux. En effet, ces opérations présentent en général un caractère global, qui rendrait périlleux tout paiement définitivement acquis par le titulaire au cours de l’exécution du chantier. De plus, ce mode de paiement remettrait en cause la logique du décompte général et définitif, qui est la règle dans les marchés de travaux (voir chapitre 19). Cependant, il existe une adaptation de cette interdiction dans le cas des accords-cadres de travaux exécutés à bons de commande. Un arrêt du Conseil d’État est venu préciser que : « sauf à ce que le contrat ne renvoie le règlement définitif de l’ensemble des commandes au terme du marché, chaque commande de travaux peut donner lieu à un règlement définitif qui ne saurait donc être regardé comme un règlement partiel définitif interdit par l’article 92 du code des marchés publics »(467). Pour le juge, chaque bon de commande correspond à une micro-opération de travaux. Par conséquent, son paiement n’est pas en réalité un paiement partiel, mais le paiement définitif d’une opération achevée. L’interdiction est ainsi respectée tout en donnant un caractère définitif au paiement du bon de commande. Recommandation Affirmer expressément le caractère définitif des décomptes des travaux à bons de commande Que la spécificité des marchés de travaux à bons de commande soit reconnue par la jurisprudence semble insuffisant à permettre une exécution financière sereine dans ce type de marchés. Les pièces particulières du marché doivent arrêter le régime des décomptes, par dérogation au CCAG-Travaux.
Tab. 14.1. Comparatifs acomptes et paiement partiel définitif Acompte Type de marchés éligibles Caractère définitif des sommes versées Périodicité minimale
Conditions à remplir au regard du service fait
Tous Les sommes correspondantes peuvent être remises en cause jusqu’au règlement final du marché ou jusqu’au prochain paiement partiel définitif. Tous les trois mois par principe, ou tous les mois dans le cadre des exceptions prévues à l’article R. 2191-22 du Code de la commande publique. Au maximum tous les six mois pour les marchés de la défense, tous les trois mois ou tous les mois si exceptions prévues à l’article R. 2391-17 du même code. Constatation de l’état d’avancement du marché
Paiement partiel définitif FCS, PI, MI, TIC, MOE et travaux sous forme de bons de commande Les sommes correspondantes sont définitivement acquises.
Facultatif. Pas de périodicité minimale, mais un règlement partiel définitif dont la périodicité dépasse les trois mois ou les six mois doit donner lieu au paiement d’un ou plusieurs acomptes.
Réception/admission d’une partie du marché formant un tout
(463) CCP, art. R. 2113-5 et R. 2313-2. (464) Article 30.3 du CCAG-FCS, article 29.3 du CCAG-PI, article 34.3 du CCAG-TIC, article 34.3 du CCAG-MI. (465) Article 11.7.2 du CCAG-FCS, article 11.7.2 du CCAG-PI, article 11.7.2 du CCAG-TIC, article 12.7.2 du CCAG-MI. (466) CCP, art. R. 2191-26 et R. 2391-20. (467) CE 3 octobre 2012, Société Eiffage TPM, req. n° 348476.
Chapitre 15
Pénalités
L’existence de pénalités contractuelles répond directement à la nécessité pour l’acheteur de se prémunir de dérapages de la part du titulaire dans l’exécution du marché, que cela concerne le respect des délais d’exécution ou d’autres conditions d’exécution. À ce titre, le pouvoir d’appliquer des pénalités présente donc une fonction dissuasive. Mais il exerce aussi une fonction réparatrice dans la mesure où les pénalités sont réputées réparer le préjudice subi par l’acheteur. Pour répondre à cette double fonction, la clause pénale doit être proportionnée à l’importance du marché et suffisante pour sanctionner les défauts d’exécution constatés. La rédaction du marché est à cet égard déterminante et l’on constate le plus souvent qu’un aménagement des stipulations des CCAG est nécessaire afin d’atteindre les objectifs poursuivis par la pénalité contractuelle.
15.1
Différentes formes de pénalités
Les pénalités les plus classiques en matière de marchés sont celles qui sanctionnent des retards dans la livraison ou l’exécution des prestations. Tous les CCAG comportent une clause prévue à cet effet. Mais ils envisagent également des pénalités pour sanctionner le retard dans la production du contrat de sous-traitance ou encore l’indisponibilité du matériel dans les marchés qui prévoient des prestations de maintenance. La liberté contractuelle permet aussi d’envisager d’autres formes de pénalités pour sanctionner les comportements fautifs qui ne sont pas nécessairement en lien avec des délais d’exécution.
15.1.1 Pénalités pour non-respect des délais d’exécution 15.1.1.1 Sanction logique du non-respect du délai d’exécution Dès lors qu’un délai d’exécution est imposé au titulaire, une clause de pénalité doit être prévue. Sans pénalité pour sanctionner les retards d’exécution, la question de l’utilité d’un délai d’exécution se pose. L’absence de sanction pour le non-respect des délais d’exécution peut même interroger sur la sincérité des conditions de mise en concurrence du marché si les délais en ont été un critère d’attribution. À l’inverse, une clause visant à sanctionner les retards d’exécution présente peu de sens s’il est impossible de déterminer avec précision le délai d’exécution ou si celui-ci n’a pas une valeur contractuelle. En matière de travaux, par exemple, si le planning d’exécution détaillé n’est pas correctement établi par le maître d’œuvre et notifié au titulaire, de sorte qu’il lui soit opposable, des pénalités de retard ne peuvent pas être régulièrement appliquées(468). 15.1.1.2 Pénalité de retard dans le CCAG-Travaux Elle est appliquée sur la période courant entre le premier jour de dépassement du délai contractuel et la date qui est retenue pour l’achèvement des travaux, c’est-à-dire la date d’effet de la réception (voir chapitre 17). La date
d’achèvement fixée par la décision de réception marque ainsi la fin du délai d’exécution, avec ou sans retard. Il n’est alors plus possible, sauf clause contraire dans les documents particuliers, d’appliquer des pénalités de retard pour les malfaçons ayant fait l’objet de réserves(469). En cas de résiliation du marché, la pénalité court jusqu’au jour inclus de la date de prise d’effet de la décision de résiliation. Lorsque la résiliation intervient en raison d’événements extérieurs au marché, tels que définis à l’article 50.1 du CCAG-Travaux (incapacité physique du titulaire, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire, décès ou incapacité civile du titulaire), la pénalité court jusqu’au dernier jour d’exploitation de l’entreprise(470). La pénalité court pour le délai global prévu au marché ou pour les délais partiels qui y seraient stipulés, par exemple dans l’hypothèse de tranches de travaux donnant lieu à des réceptions partielles. Attention toutefois à la clause selon laquelle les pénalités appliquées à des délais partiels doivent être remboursées si le délai global est finalement respecté (voir 15.2.6). Le marché doit en principe être précis sur la qualification de délai partiel ou de délai définitif d’un délai d’exécution. La prolongation des délais d’exécution repousse naturellement l’application de la pénalité de retard, de même que l’ajournement ou l’interruption des travaux (voir chapitre 9). Le CCAG-Travaux prévoit une pénalité journalière de l’ordre de 1/3000e du montant hors taxes du marché, augmenté des éventuels avenants. À la différence des autres CCAG qui assoient le montant de la pénalité sur la valeur des prestations en retard, dans une opération de travaux, c’est l’ensemble du montant des travaux qui sert d’assiette à la pénalité, quel que soit le niveau de réalisation des travaux. Le nombre de jours de retard comprend toujours les samedis, dimanches et jours fériés, même si le délai contractuel est décompté en jours ouvrés(471). La formule de calcul est la suivante : P =
Avec : P = montant de la pénalité
V ×R 3 000
V = montant du marché, de la tranche ou du bon de commande R = nombre de jours de retard Exemple Exemple 1 Calcul de la pénalité de retard pour un marché d’un montant de 250 000 € HT et pour un retard de 10 jours : ( 10×250 000 )
P =
3 000
= 833,33
€
(Nombre de jours de retard R × valeur des prestations en retard V)/3 000 = montant de la pénalité
15.1.1.3 Pénalité de retard dans les CCAG-FCS, PI, MOE, MI ET TIC La pénalité pour retard commence à courir le lendemain du jour où le délai contractuel d’exécution des prestations a expiré(472). Son application est repoussée dans les cas de prolongation ou sursis de livraison prévus dans les CCAG (voir chapitre 9). À la différence des marchés de travaux, le mode du décompte du retard dépend des modalités de décompte du délai qui a été adopté dans le marché (voir chapitre 9.). S’il s’agit d’un délai exprimé en jours calendaires, le retard prendra en compte les samedis, dimanches et jours fériés. Par contre, s’il s’agit d’un délai exprimé en jours ouvrés, les samedis, dimanche et jours fériés ne seront pas pris en compte pour le calcul du nombre de jours de retard. Les CCAG prévoient une formule de calcul de la pénalité dans laquelle le nombre de jours de retard (R) est multiplié par la valeur des prestations en retard (V), valeur hors taxes en prix de base, c’est-à-dire prise hors variation de prix. Soit la formule suivante pour les CCAG-MOE, MI et PI : P =
V ×R 3 000
Et la formule suivante pour les CCAG-FCS et TIC : P =
V ×R 1 000
En principe, c’est la valeur des prestations en retard qui doit être retenue pour le calcul, mais si ces prestations sont indispensables pour rendre l’ensemble des prestations utilisables, c’est alors le montant de l’ensemble des prestations qui sert de base de calcul. Par exemple, si la remise du rapport définitif est indispensable pour valoriser les prestations déjà réalisées et rendues à l’acheteur, c’est le montant initial du marché, augmenté des éventuels avenants, qui doit être pris comme référence. Pour un autre exemple, si la formation nécessaire à l’utilisation d’un logiciel est effectuée tardivement, le montant du logiciel et de la formation seront pris en compte pour le calcul de la pénalité de retard, même si le logiciel a été livré et installé dans le délai prévu au marché. Exemple Exemple 2 Pour un retard de 15 jours dans la livraison de fournitures dont la valeur est de 60 000 € HT, le montant de la pénalité de retard sera calculé ainsi : 60 000×15 1 000
= 900
€
(Nombre de jours de retard R × valeur des prestations en retard V)/1 000 = montant de la pénalité Exemple 3 Pour un retard de 15 jours dans la remise du rapport définitif d’une étude dont la valeur est de 10 000 € HT, le montant de la pénalité de retard sera calculé ainsi : 10 000×15 1 000
= 50
€
(Nombre de jours de retard R × valeur des prestations en retard V)/3 000 = montant de la pénalité
15.1.1.4 Différentes modalités de calcul de la pénalité de retard En pratique, les formules de calcul des pénalités, prévues aux CCAG, s’avèrent donner des montants assez faibles. L’effet dissuasif attendu des sanctions financières s’en trouve alors relativisé. Les acheteurs qui se montrent vigilants sur l’efficacité des clauses pénales préfèrent donc déroger aux CCAG en réduisant le dénominateur dans les formules proposées ou en adoptant une pénalité forfaitaire d’un montant fixe. Dans ce cas, l’acheteur déroge aux stipulations des CCAG relatives aux pénalités et doit en
conséquence lister ces dérogations dans les documents particuliers du marché (voir chapitre 3). Montant fixe Il peut être défini un montant fixe qui sera multiplié par le nombre de jours de retard (Pénalité = nombre de jours de retard × montant fixe). Il est fréquent de trouver cette modalité dans les marchés de prestations intellectuelles pour lesquels le CCAG propose un montant de pénalité très faible. Cette modalité semble en revanche mal adaptée aux marchés avec livraison de fournitures dans lesquels il est préférable de proportionner la pénalité à la valeur de ce qui a été commandé. Pénalité progressive Il est possible d’augmenter le poids de la pénalité en fonction du nombre de jours de retard. Ainsi, plus le retard et le montant des prestations sont importants, plus la proportion de la pénalité augmente. La progressivité peut en outre être renforcée par un mécanisme de paliers, c’est-à-dire qu’un nombre de jours de retard déclenche un coefficient plus important, qui alourdit le montant de la pénalité. Cela permet de prendre en compte l’inconvénient pour l’acheteur d’un retard qui se prolonge. Le recours à la pénalité progressive est possible par ajout au sein de la formule prévue par le CCAG, de la partie progressive qui est en général définie en fonction du nombre de jours de retard. Les deux tableaux et figures suivants permettent de comparer les montants de pénalités obtenus en appliquant les diverses formules (tab. 15.1, fig. 15.1, tab. 15.2 et fig. 15.2). Formule CCAG-FCS : N ombre de jours de retard×V aleur des prestations de retard
Formule fixe :
1 000
é
N ombre de jours de retard × M ontant f ixe = M ontant de la p nalit
é
Formule progressive : N ombre de jours de retard×V aleur des prestations de retard 1 000
+
10×N ombre de jours de retard×1,2 1 000
Dans les tableaux et graphiques présentés ci-dessous, on peut observer que dans le cas de la formule fixe, l’importance de la pénalité ne varie pas en fonction du montant de la prestation en retard, à la différence des deux autres formules. Elle aboutit dans ces exemples à une pénalité plus lourde quand le montant de la prestation en retard est faible et à une pénalité faible lorsque le montant de la prestation en retard est plus important. En revanche, la formule progressive renforce le caractère contraignant de la pénalité en fonction du montant des prestations en retard et à mesure que le temps passe. La pénalité est d’un montant supérieur de 24 % à celui calculé en application de la formule du CCAG-FCS, au bout de 25 jours de retard. La progressivité peut être paramétrée de façon plus dure ou, au contraire, plus souple en modifiant le montant de la pénalité journalière supplémentaire. Tab. 15.1. Hypothèse 1 – Montant des prestations en retard : 10 000 € HT Nombre de jours de retard 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
Formule du CCAG-FCS 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140 150
Formule à montant fixe de 50 euros 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700 750
Formule à montant progressif 22 44 66 88 110 132 154 176 198 220 242 264 286 308 330
Écart entre formule progressive et formule CCAG-FCS 12 24 36 48 60 72 84 96 108 120 132 144 156 168 180
16 17 18 19 20 21 22 23 24 25
160 170 180 190 200 210 220 230 240 250
800 850 900 950 1 000 1 050 1 100 1 150 1 200 1 250
352 374 396 418 440 462 484 506 528 550
192 204 216 228 240 252 264 276 288 300
Fig. 15.1. Comparatif des formules de pénalité – Prestations de 10 000 € HT Tab. 15.2. Hypothèse 2 – Montant des prestations en retard : 50 000 € HT Nombre de jours de retard 1 2 3 4 5 6 7 8
Formule du CCAG-FCS
Formule à montant fixe
60 120 180 240 300 360 420 480
50 100 150 200 250 300 350 400
Formule à montant progressif 72 144 216 288 360 432 504 576
Écart entre formule progressive et formule CCAG-FCS 12 24 36 48 60 72 84 96
9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25
540 600 660 720 780 840 900 960 1 020 1 080 1 140 1 200 1 260 1 320 1 380 1 440 1 500
450 500 550 600 650 700 750 800 850 900 950 1 000 1 050 1 100 1 150 1 200 1 250
648 720 792 864 936 1 008 1 080 1 152 1 224 1 296 1 368 1 440 1 512 1 584 1 656 1 728 1 800
108 120 132 144 156 168 180 192 204 216 228 240 252 264 276 288 300
Fig. 15.2. Comparatif des formules de pénalités – prestation de 50 000 €
15.1.2 Pénalité pour retard dans la production du contrat de sous-traitance Cette pénalité est prévue par tous les CCAG(473). L’acheteur peut demander le contrat de sous-traitance au moment de la procédure d’acceptation du soustraitant ou à tout moment lors de l’exécution, après que le sous-traitant a été régulièrement accepté (voir chapitre 6). L’application de cette pénalité est subordonnée à la notification au titulaire d’une mise en demeure restée sans effet dans le délai de 15 jours suivants cette notification. Dans le cadre des CCAG-FCS, PI, MI et TIC, la pénalité se calcule de la manière suivante : P =
P = montant de la pénalité
V ×R 3 000
V = montant HT du marché R = nombre de jours de retard Pour les marchés de travaux, elle se calcule de la manière suivante : P =
V ×R 1 000
Pour les marchés de travaux, si dans le délai de trente jours suivant la notification de la mise en demeure le titulaire n’a toujours pas communiqué le contrat de sous-traitance, il encourt la résiliation du marché(474).
15.1.3 Pénalités pour indisponibilité du matériel Cette forme de pénalité, qui sanctionne un retard, ne s’envisage que dans les marchés de maintenance ou les marchés d’acquisition qui prévoient des prestations de maintenance. Seuls les CCAG-FCS et TIC la prévoient. 15.1.3.1 Principes communs aux CCAG-FCS et TIC Les CCAG-FCS et TIC prévoient des pénalités sanctionnant une défaillance du titulaire qui s’est vu confier la maintenance de matériels ou systèmes(475). Un matériel est considéré comme indisponible « lorsque, indépendamment de l’acheteur et en dehors des travaux d’entretien préventif, son usage est rendu impossible soit par le fonctionnement défectueux d’un organe ou dispositif ou d’une fonctionnalité qui y est incluse, soit en raison de l’indisponibilité d’un autre élément du matériel auquel il est lié par des connexions fournies et entretenues par le titulaire et auquel il est soumis pour l’exécution du travail en cours, au moment de l’incident. » La période d’indisponibilité diffère selon que la prestation de maintenance se déroule sur site ou chez le titulaire. En cas de maintenance sur site, l’indisponibilité débute lors de la réception de la demande d’intervention par le titulaire et s’achève lors de la remise à disposition des éléments en état de marche. Elle peut être suspendue tant que l’accès du titulaire au matériel est retardé par le fait de l’acheteur. Le titulaire dispose d’un délai de 8 heures
ouvrées pour exécuter les prestations de maintenance. Ce n’est qu’au-delà de ce délai que les pénalités de retard seront appliquées. En cas de maintenance chez le titulaire, l’indisponibilité débute lors de la remise de l’élément défaillant au titulaire dans un lieu prévu par le marché et s’achève lors de la remise à disposition des éléments en état de marche. Le délai pour réaliser la maintenance est alors de 15 jours consécutifs (jours calendaires). Si les éléments réparés sont à nouveau indisponibles, pour les mêmes causes, dans les 8 heures d’utilisation après leur remise en état, la durée de cette nouvelle période d’indisponibilité est additionnée à l’indisponibilité initiale pour le calcul des pénalités. Les figures 15.3 et 15.4 illustrent la manière de prendre en compte le retard en cas de maintenance sur site lorsque deux périodes d’indisponibilité se suivent à moins de 8 heures d’intervalle. Fig. 15.3 Pénalités pour indisponibilité au-delà du seuil de maintenance Fig. 15.4 Pénalité pour une nouvelle indisponibilité après une remise en état
La formule de calcul prévue aux CCAG est la suivante : P =
V ×R 30
P = montant de la pénalité d’indisponibilité V = valeur de la rémunération mensuelle versée au titre de la maintenance R = nombre de jours de retard 15.1.3.2 Spécificités du CCAG-TIC pour les logiciels En vue de répondre au cas spécifique des marchés d’acquisition et de maintenance de logiciels, et notamment aux problématiques de maintenance évolutive, le CCAG-TIC précise les contours de l’indisponibilité. Ainsi, un logiciel est indisponible « lorsque l’usage en est rendu impossible en raison d’un défaut de fonctionnement constaté par l’acheteur ». Il est également précisé, en référence aux cas de maintenance évolutive, que
l’indisponibilité s’applique à la dernière version mise en œuvre par l’acheteur. Le délai dévolu à la remise en état du logiciel défectueux est de 24 heures ouvrées. Au-delà de ce délai, et dans le cas où le titulaire n’a pu mettre à la disposition de l’acheteur une solution équivalente, les pénalités prévues pour sanctionner l’indisponibilité s’appliquent.
15.1.4 Autres formes de pénalités applicables pour la bonne exécution du marché Les CCAG, dans leur version 2021, ont augmenté le nombre de situations permettant de pénaliser le titulaire, à condition que les documents particuliers précisent les montants de pénalité (tab. 15.3). Outre ces différents cas suggérés dans les CCAG, l’acheteur est évidemment libre de prévoir des pénalités spécifiques à son marché. Elles pourront par exemple être en lien avec la qualité de la prestation (tab. 15.4). Tab. 15.3. Situations prévues aux différents CCAG permettant de pénaliser le titulaire si les montants sont prévus dans les documents particuliers CCAG-Travaux
CCAG-MOE
CCAG-FCS
CCAG-PI
Non-respect de la réglementation en matière de protection des données à caractère personnel (art. 5.2.3 du CCAG) ;
Non-respect de la réglementation en matière de protection des données à caractère personnel (art. 5.2.3 du CCAG) ;
Non-respect de la réglementation en matière de protection des données à caractère personnel (art. 5.2.3 du CCAG) ;
Non-respect de la réglementation en matière de protection des données à caractère personnel (art. 5.2.3 du CCAG) ;
Non-respect de la clause d’insertion sociale (art. 20.1.5 du CCAG) ;
Non-respect de la clause d’insertion sociale (art. 18.1.5 du CCAG) ;
Non-respect de la clause d’insertion sociale (art. 16.1.5 du CCAG) ;
Non-respect des obligations environnementales (art. 20.2.3 du CCAG) ;
Non-respect des obligations environnementales (art. 18.2.3 du CCAG).
Non-respect des obligations environnementales (art. 16.2.3 du CCAG) ;
Violation des obligations de sécurité ou de confidentialité (art. 14.2 du CCAG) ; Non-respect de la clause d’insertion
Non-production du schéma d’organisation et de gestion des déchets ou des documents relatifs au suivi et au traitement des déchets (art. 36.2.3 du CCAG) ; Carence dans le nettoiement et la remise en état des emplacements (art. 37.3 du CCAG) ;
Non-production des documents assurant la traçabilité des déchets (art. 20.4 du CCAG) ; Non-respect des obligations de communications des données indispensables à l’exécution d’une mission de service public (art. 26 du CCAG).
Absence de remise des documents à fournir après exécution (art. 19.3 et 40 du CCAG).
sociale (art. 16.1.5 du CCAG) ; Non-respect des obligations environnementales (art. 16.2.3 du CCAG) ; Non-production des documents assurant la traçabilité des déchets (art. 20.4 du CCAG) ; Non-respect des obligations de communications des données indispensables à l’exécution d’une mission de service public (art. 26 du CCAG).
Tab. 15.4. Exemples de situations pouvant faire l’objet dans le contrat d’une pénalité forfaitaire Marchés de travaux - Non-respect des consignes de sécurité ; - Absence aux réunions de chantier.
Marchés de prestations de service - Abandon de poste pour une prestation de sécurité ; - Dégradation de matériel lors d’une prestation de déménagement ; - Défaut de port de la tenue réglementaire pour une prestation de nettoyage ; - Erreur dans la réalisation des rondes pour une prestation de gardiennage ; - Performances non atteintes pour l’entretien de la climatisation.
Marchés de prestations intellectuelles - Intervention d’une personne non présentée à l’acheteur pour un marché d’études dans lequel la qualité des intervenants est un élément important.
15.2 Principes de mise en œuvre des pénalités 15.2.1 Nécessité d’une clause pénale La faculté de pénaliser financièrement le titulaire doit en principe résider dans une clause du contrat. S’il est vrai que l’acheteur dispose d’un pouvoir général de sanction dans le domaine contractuel, celui-ci semble circonscrit à la résiliation du marché ou à sa mise en régie (voir chapitre 2). Il n’est pas possible d’infliger une sanction financière non prévue par une clause du marché ou d’appliquer une pénalité à une situation qui n’est pas envisagée par le contrat(476). Par exemple, si le marché ne prévoit pas de pénalité pour le dépassement de délais partiels ou intermédiaires de réalisation, la clause de pénalités du CCAG-Travaux ne s’applique pas, seul le dépassement du délai global du marché ou de la tranche de travaux considérée peut être pénalisé(477).
15.2.2 Nécessité d’une faute du titulaire Quel que soit le type de marché, les pénalités ne peuvent s’appliquer que si la faute ou le retard est imputable au titulaire du marché ou à ses sous-traitants. À l’occasion d’un contentieux, le juge vérifie si cette condition est remplie(478). Lorsque le cocontractant n’est que partiellement responsable d’un retard dans l’exécution du contrat, les pénalités applicables doivent donc être calculées seulement d’après le nombre de jours de retard qui lui sont imputables(479). Le retard imputable au comportement de l’acheteur ne donne donc pas lieu à l’application des pénalités.
15.2.3 Formalités préalables
Dans leur version 2021, les CCAG prévoient pour toutes les formes de pénalités (tab. 15.3) une obligation de mettre en demeure le titulaire avant de lui infliger la sanction. Le non-respect de cette formalité la rend irrégulière(480). Par ailleurs, en ce qui concerne le non-respect du délai d’exécution, les CCAG prévoient une nouvelle formalité. Il s’agit pour l’acheteur de respecter une procédure préalable d’échange contradictoire avec le titulaire(481). Il doit informer ce dernier du montant des pénalités dont il envisage l’application ainsi que du nombre de jours de retard constaté afin qu’il puisse lui faire part de ses observations. Le titulaire dispose d’au moins quinze jours pour s’exprimer. À défaut d’observation, ou si l’acheteur considère les arguments du titulaire non pertinents, les pénalités sont appliquées à compter du premier jour de retard constaté. Cette procédure d’échange contradictoire vise à renforcer le dialogue entre les parties sur un sujet par nature conflictuel. On imagine donc qu’elle pourrait produire des effets bénéfiques. Cependant, sa mise en œuvre impose à l’acheteur et au titulaire le respect strict des formes prévues dans les CCAG au risque sinon de ne pouvoir appliquer ou contester finalement les pénalités. Il est ainsi fort possible qu’en pratique les acheteurs dérogent à cette formalité dans les documents particuliers de leurs marchés. Si les documents du marché dérogent aux obligations de formalités préalables prévues dans les CCAG, mise en demeure ou échange contradictoire, cela n’empêche pas l’acheteur d’informer le titulaire de la mise en œuvre des pénalités, par l’envoi d’un courrier par exemple. Dans ce cas, cette information fait naître un différend entre les deux parties qui doit faire l’objet de la part du titulaire d’une réclamation(482), au risque pour lui de ne plus pouvoir contester ces pénalités devant le juge(483).
Recommandation Être précis dans les documents particuliers sur les formalités préalables Dans le cas où l’acheteur déroge aux CCAG pour prévoir dans les documents particuliers ses propres pénalités, il peut préciser que la pénalité s’applique sans formalité préalable, sur simple constat du retard. Mais la clause doit être sans équivoque sinon elle peut conduire le juge à considérer que la mise en demeure est obligatoire et que l’intention des parties n’a pas été de se dispenser de cette formalité(484). Toutefois, en principe, une clause pénale ne faisant référence à aucune formalité préalable suffit à considérer que ces formalités ne sont pas obligatoires(485).
15.2.4 Absence de préjudice proportionnel et effectif Les stipulations contractuelles relatives aux pénalités de retard sont, en raison de leur caractère propre, applicables sans que la partie qui en réclame le bénéfice ait à justifier d’un préjudice. Les pénalités pour retard constituent des sanctions forfaitaires. De ce fait, leur montant n’est en rien affecté par l’importance effective du préjudice que peut représenter le retard. Le titulaire ne pourra donc pas en contester le principe ou le montant au motif que l’acheteur n’a pas subi de préjudice ou que ce préjudice est plus faible que le montant de la pénalité(486). En outre, le caractère réparateur des pénalités n’exclut pas la mise en œuvre par l’acheteur d’autres sanctions telles que la résiliation du marché pour faute grave(487). Il exclut en revanche que l’acheteur demande au juge de condamner le titulaire à des dommages-intérêts pour un préjudice déjà réparé par les pénalités, celles-ci étant libératoires(488).
15.2.5 Exonération des pénalités Tous les CCAG prévoient un seuil en deçà duquel le titulaire est exonéré du montant de la pénalité (tab. 15.5). Ce seuil représente une tolérance de la part de l’acheteur, pour un retard qu’il est en mesure d’accepter. L’exonération n’est pas une faculté pour l’acheteur, elle s’impose à lui s’il n’y a pas dérogé dans les documents particuliers.
Tab. 15.5. Seuils d’exonération des pénalités CCAG-FCS CCAG-MI CCAG-MOE CCAG-PI CCAG-TIC Article 14.1.3 Article 15.2 Article 16.2.1 Article 14.3 Article 14.1.3 Exonérations des pénalités d’un montant inférieur à
300 €
1 000 €
1 000 €
1 000 €
300 €
CCAGTravaux Article 20.4 1 000 €
Important La dérogation à la clause d’exonération En pratique, les acheteurs dérogent souvent à la clause d’exonération. En effet, les modalités de calcul prévues par les CCAG conduisent à des pénalités de faible montant malgré des retards importants. Les clauses d’exonération peuvent alors conduire à ne jamais appliquer de pénalités, hormis dans les situations de retards très importants. Les acheteurs qui souhaitent donner aux pénalités un caractère dissuasif dérogent à la clause d’exonération ou alors la maintiennent, mais ils renforcent dans ce cas les modalités de calcul prévues par les CCAG.
Un autre cas d’exonération est imposé par le Code de la commande publique et concerne les circonstances exceptionnelles qui peuvent rendre plus difficile l’exécution par le titulaire de ses obligations contractuelles. L’article L. 27118, introduit à la suite de la crise sanitaire de 2020, interdit toute sanction du titulaire, notamment par l’application des pénalités de retard, lorsque celui-ci arrive à démontrer qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive. Il revient à l’acheteur d’apprécier, au cas par cas, les justifications apportées par le titulaire.
15.2.6 Plafond contractuel de pénalités Les CCAG, dans leur version de 2021, prévoient un plafond de pénalités(489). L’application de la clause de pénalité ne doit pas dépasser 10 % du montant total hors taxes du marché, de la tranche considérée ou du bon de commande. Avec cette clause, les rédacteurs des CCAG ont souhaité limiter les effets parfois excessifs des pénalités, effets que le juge lui-même vient à réduire lorsqu’il est saisi en ce sens (voir 15.2.9).
Il ne fait nul doute que des pénalités au-delà d’un tel seuil peuvent avoir des effets ravageurs pour les entreprises, notamment de petites tailles. De tels niveaux de sanctions financières marquent, de plus, un échec de la relation contractuelle dont il vaut mieux envisager la fin, lorsque cela est possible. Toutefois, les acheteurs sont libres de déroger à cette clause et de ne prévoir aucun plafonnement.
15.2.7 Remboursement des pénalités appliquées aux délais partiels Pour les marchés de travaux, le CCAG stipule que les pénalités sont remboursées au titulaire lorsqu’elles ont été appliquées sur un délai partiel non respecté alors que le délai global de l’opération a été tenu(490). Dans ce cas, il faut que le retard dans le délai partiel n’ait pas eu d’impacts sur les autres travaux de l’opération, comme des travaux supplémentaires rendus nécessaires pour les autres corps de métiers. Dans cette hypothèse, le remboursement n’est pas une faculté pour l’acheteur, mais une obligation.
15.2.8 Renonciation aux pénalités L’acheteur peut toujours renoncer à appliquer les pénalités qui sont à la charge du titulaire en application du marché. Ce principe est reconnu depuis de nombreuses années par le juge administratif(491). Le Conseil d’État a précisé que cette renonciation pouvait résulter du seul comportement de l’acheteur qui, s’il accorde des prolongations successives de délai au titulaire, doit être réputé avoir renoncé à l’application des pénalités(492). Il est toujours loisible aux parties de s’accorder, même sans formaliser cet accord par un avenant, pour déroger aux stipulations du contrat initial, y compris en ce qui concerne les pénalités de retard. La renonciation à appliquer les pénalités peut donc résulter d’une décision de l’acheteur de prolonger les délais d’exécution. Elle peut également résulter de la commune intention des parties(493), être traduite de manière contractuelle
par la conclusion d’un avenant, ou encore être transactionnelle(494) (voir chapitre 27). En pratique une difficulté peut apparaître dans les relations avec les comptables publics. Certains comptables ne se contentent pas d’un accord entre les parties sur une prolongation des délais d’exécution, car il arrive que le juge des comptes leur reproche l’absence de pièces justificatives expliquant la non-application des pénalités prévues au marché(495). Il est vrai que pour le renoncement aux pénalités de retards, la liste des pièces justificatives fait référence à des pièces bien précises. Pour les établissements publics de santé ou les établissements sociaux et médico-sociaux, une décision motivée du directeur suffit à justifier au comptable public la renonciation à l’application des pénalités. Pour les services de l’État, l’exonération des pénalités doit être justifiée par une décision motivée de l’autorité compétente(496). Pour les collectivités territoriales, une réponse ministérielle en date de 2006 préconise le vote d’une délibération par l’assemblée(497), ce qui figure dans la liste des pièces justificatives qui doivent être présentées au comptable public(498). Les collectivités territoriales pourront en partie lever cette incertitude si l’assemblée délègue à l’exécutif local le pouvoir de prendre toutes les décisions nécessaires en matière d’exécution des marchés(499). Recommandation Faire un usage modéré de la renonciation aux pénalités En pratique, la renonciation aux pénalités de retard doit résulter de situations exceptionnelles ou d’une tolérance particulière pour des retards sans gravité ou justifiés par une situation d’exécution très particulière. Elle peut par exemple se justifier par la prise en compte des lourdes conséquences financières que peuvent provoquer les pénalités, notamment pour les titulaires de petite taille et si aucun plafonnement du montant des pénalités n’a été prévu dans le marché. L’application de la pénalité peut conduire à ce que le marché coûte de l’argent au titulaire au lieu de lui en rapporter(500). Les acheteurs doivent se montrer vigilants sur cet aspect et les titulaires qui se trouvent placés dans des situations critiques de cette nature doivent pouvoir justifier une demande de renonciation aux pénalités. Hormis ces situations, l’acheteur n’a pas intérêt à ne pas appliquer les clauses de pénalités avec rigueur. Les chambres régionales des comptes, dans leur contrôle de gestion, sont, de manière générale, critiques vis-à-vis des acheteurs qui sont trop souples dans l’usage des pénalités.
15.2.9 Modulation du montant des pénalités par le juge administratif L’acheteur doit rédiger des clauses pénales proportionnées au marché et il doit en faire une application raisonnée, car le juge administratif se reconnaît le pouvoir de moduler leur montant lorsqu’il est saisi de conclusions en ce sens par l’une des parties au contrat(501). En principe, le juge du contrat doit appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat. Ce n’est qu’à titre exceptionnel qu’il modère ou augmente les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations. Concernant la modération des pénalités, il appartient au titulaire de fournir au juge tous les éléments de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif, notamment des éléments relatifs aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige(502). La modération est décidée lorsque l’application des pénalités conduit à des montants que l’on peut considérer comme dépassant les objectifs initiaux de la clause pénale(503). Mais, de manière générale, le juge refuse la modération dès lors que l’application des pénalités est conforme au marché, à la pratique contractuelle et qu’elle est cohérente avec l’ampleur des retards. Il faut retenir qu’il n’y a pas en jurisprudence de seuil au-delà duquel les pénalités sont jugées par principe excessives. Ainsi, des montants de pénalités représentant 26 %(504), 48 %(505) ou même 61 %(506) du montant du marché ont pu être admis par le juge.
Exemple Le pouvoir de modulation des pénalités de retard : CE 19 juillet 2017, Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, req. n° 392707 « 4. Considérant que les pénalités de retard prévues par les clauses d’un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu’est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d’exécution contractuellement prévus ; qu’elles sont applicables au seul motif qu’un retard dans l’exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n’aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi ; 5. Considérant que si, lorsqu’il est saisi d’un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l’ampleur du retard constaté dans l’exécution des prestations ; ».
15.3 Modalités de retenue des pénalités 15.3.1 Prélèvement des pénalités sur les acomptes, le solde ou les règlements partiels définitifs Dans un marché à tranches ou à bons de commande, les pénalités sont appliquées sur le règlement partiel définitif auquel donne lieu la tranche ou le bon de commande. Dans un marché avec un délai d’exécution global, c’est en général au moment du règlement du solde ou du dernier acompte que sont intégrées les pénalités. C’est en effet à ce moment-là que le montant à retenir peut être définitivement déterminé. Mais les pénalités peuvent être déduites d’un acompte à régler au titulaire, si des délais partiels n’ont pas été respectés. Les pénalités sont alors intégrées dans le projet de décompte mensuel ou dans la facture du titulaire.
La liste des pièces justificatives à transmettre au comptable précise que les mandats pour le paiement d’acompte doivent mentionner les pénalités de retard applicables au titulaire(507). Pour les paiements partiels définitifs, paiements uniques ou paiement du solde, cette liste mentionne « l’état liquidatif des pénalités de retard encourues par le titulaire du marché lorsque leur montant est déduit par l’ordonnateur sur les paiements ». Les pénalités sont alors précomptées sur les sommes dues au titulaire.
15.3.2 Non-assujettissement des pénalités à la TVA Les pénalités échappent au champ d’application de la TVA puisque celles-ci ne sont pas définies comme contrepartie d’une livraison de biens ou d’une prestation de services, mais comme une indemnité(508). De ce fait, il n’est plus possible pour l’entreprise titulaire de les déduire de sa base d’imposition. Il en résulte que les pénalités, si elles sont calculées sur une assiette exprimée en HT (voir ci-dessus), sont ensuite retranchées du montant TTC des prestations.
15.3.3 Application des modalités de variation des prix Une fois la pénalité calculée sur le montant de base du marché, c’est-à-dire hors variation des prix, celle-ci se voit appliquer les modalités de variations de prix prévues dans les documents particuliers du marché.
15.3.4 Émission d’un titre de recettes Les pénalités peuvent également faire l’objet d’un titre de recettes si les sommes restant dues au titulaire sont insuffisantes pour les récupérer intégralement sur le solde du marché.
Il semble toutefois que le titre de recettes ne puisse être émis valablement tant que les comptes du marché ne sont pas devenus définitifs, notamment en matière de travaux lorsque le décompte général n’est pas devenu définitif(509).
15.3.5 Application des pénalités à un groupement d’opérateurs économiques En cas de groupement dans lequel les paiements se font sur comptes séparés(510), le CCAG-Travaux et le CCAG-MOE prévoient que les pénalités sont réparties entre les différentes entreprises selon les indications données par le mandataire(511). En l’absence d’indication, le mandataire supporte seul les pénalités(512). Pour un groupement solidaire payé sur compte unique, il semble évident que c’est le groupement qui supporte les pénalités, charge aux différents membres de s’entendre ensuite sur la répartition exacte entre eux(513). Les autres CCAG ne prévoient aucune clause concernant la retenue des pénalités en situation de cotraitance, mais il semble que la même logique s’applique sans difficulté(514).
15.3.6 Application des pénalités en cas de sous-traitance Le titulaire est seul responsable de l’exécution des prestations par ses soustraitants. Il est donc le seul redevable des pénalités. Il pourra cependant dans le cadre de la procédure de paiement direct du sous-traitant modifier la demande de paiement du sous-traitant et y faire figurer tout ou partie des pénalités que l’acheteur lui a fait supporter. Il est préférable que le contrat de sous-traitance ait prévu ce cas. (468) CAA Bordeaux, 3 novembre 2009, Société Groupe Vinet, req. n° 08BX02282 ; CAA Lyon, 3 mai 2012, Société Gracio, req.
n° 10LY02847 ; CAA Marseille, 26 mai 2014, Communauté de HauteProvence, req. n°12MA01159. (469) CAA Marseille, 8 octobre 2018, Entreprise Jean-Paul André, req. n° 17MA01844 ; CAA Bordeaux, 7 avril 2021, Commune de Vouneuil-sousBiard, req. n°19BX00428. (470) Article 19.1.3 du CCAG-Travaux. (471) Article 19.1.1 du CCAG-Travaux. (472) Article 14 du CCAG-FCS ; article 14 du CCAG-PI ; article 16 du CCAG-MOE ; article 15 du CCAG-MI ; article 14 du CCAG-TIC. (473) Article 3.6.1.5 du CCAG-Travaux ; article 3.6.3 du CCAG-MOE ; article 3.6.3 du CCAG-FCS ; article 3.6.3 du CCAG-PI ; article 3.6.3 du CCAG-MI ; article 3.6.3 du CCAG-TIC. (474) Article 3.6.1.5 du CCAG-Travaux. (475) Article 14.2 du CCAG-FCS ; article 14.2 du CCAG-TIC. (476) CAA Nantes, 21 septembre 2012, Commune de Vierzon, req. n° 10NT02177 ; CAA Nancy, 30 septembre 2014, Société ACE BTP, req. n°13NC00041. (477) CE 23 février 2004, Région Réunion, req. n° 246622. (478) CAA Paris, 12 juin 1990, Département du Val-de-Marne, req. n° 89PA00253 ; CE 15 novembre 2012, Hôpital de L’Isle-sur-la-Sorgue, req. n° 350867. (479) CE 1er février 2019, Société Brisset, req. n° 414068. (480) CE 24 avril 1992, Syndicat mixte pour la géothermie à La Courneuve, req. n° 112679. (481) Article 19.2.4 du CCAG-Travaux ; article 16.2.4 du CCAG-MOE ; article 14.1.1 du CCAG-PI ; article 14.1.1 du CCAG-FCS ; article 14.1.1 du
CCAG-TIC ; article 15.1 du CCAG-MI. (482) Article 37 du CCAG-FCS ; article 37 du CCAG-PI ; article 42 du CCAG-MI ; article 47 du CCAG-TIC. (483) CAA Paris, 30 juin 2015, Société GDF Suez Énergie Services « Cofely Services », req. n° 14PA02667. (484) CE 24 avril 1992, Syndicat mixte pour la géothermie à La Courneuve, req. n° 112679. (485) CE 15 novembre 2012, Hôpital de l’Isle-sur-Sorgue, req. n° 350867. (486) CE 4 juin 1976, Société toulousaine immobilière, req. n° 65342 ; CE 19 juillet 2017, Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, req. n° 392707. (487) CE 18 décembre 2020, Société Treuils et Grues Labor, req. n° 433386. (488) CE 10 décembre 1965, Société des grands travaux de l’est, req. n° 60850. (489) Article 19.2.2 du CCAG-Travaux ; article 14.1.2 du CCAG-PI ; article 14.1.2 du CCAG-FCS ; article 16.2.2 du CCAG-MOE ; article 15.2 du CCAG-MI ; article 14.1.2 du CCAG-TIC. (490) Article 19.2.5 du CCAG-Travaux. (491) CE 15 mars 1999, Jarnac, req. n° 190720. (492) CE 17 mars 2010, Commune d’Issy-les-Moulineaux, req. n° 308676. (493) CE 16 mai 2012, CREA, req. n° 345137. (494) CAA Nancy, 15 février 2007, Société Sitelec Moselec, req. n° 04NC01122. (495) Cour des comptes, 28 novembre 2013, n° 68108.
(496) Arrêté du 20 décembre 2013 portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’État (NOR : BUDE1331822A). (497) Rép. min. à QE n° 20975, 1er juin 2006, JO Sénat, p. 1533. (498) Point 41325 de l’annexe I du Code général des collectivités territoriales relative à la liste des pièces justificatives des dépenses publiques locales. (499) CGCT, art. L. 2122-22, L. 3221-11 et L. 4231-8. (500) Alexandre Ciaudo, « Retour sur la modération des pénalités infligées au titulaire d’un marché public », chron. BJCP n° 85. (501) CE 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, req. n° 296930. (502) CE 19 juillet 2017, Centre hospitalier interdépartemental de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, req. n° 392707. (503) Pour la modération d’une pénalité représentant 437 % du montant du marché : CAA Douai, 20 mai 2008, Société Gougeon, req. n° 06DA01608 ; CE 29 décembre 2008, OPHLM de Puteaux, req. n° 296930. (504) CE 20 juin 2016, Société Eurovia Haute-Normandie, req. n° 376235. (505) CAA Lyon, 22 juin 2017, Société Formeto, req. n° 15LY01307. (506) CAA Paris, 24 juin 2019, Société GBR Ile-de-France, req. n° 17PA02639. (507) Décret n° 2016-33 du 20 janvier 2016 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, rubrique 4 et annexe D. (508) Instruction de la Direction générale des impôts, 3B-1-06 n° 13 du 25 janvier 2006. (509) CAA Paris, 4 octobre 2013, SIEVD, req. n° 10PA01260. (510) Ce mode de règlement peut concerner le groupement conjoint comme le groupement solidaire, voir le chapitre 7.
(511) Article 19.1.2 du CCAG-Travaux ; article 16.1.2 du CCAG-MOE. (512) CE 17 mars 1999, Syndicat intercommunal de l’eau et l’assainissement de Point-à-Pitre, req. n° 165595. (513) CE 4 juin 1976, Société toulousaine immobilière, req. n° 85342. (514) Par exemple, pour le versement de primes, ces mêmes CCAG renvoient explicitement aux indications données par le mandataire du groupement payé sur comptes séparés.
Chapitre 16
Variation des prix
16.1 Application de la clause de variation des prix Pour certains marchés publics, la mise en œuvre d’une clause de variation des prix est obligatoire (voir tab.16.1). La clause est alors prévue dans les documents particuliers du marché, notamment le CCAP, qui en fixent les différentes modalités. Si son mode de calcul et sa périodicité sont correctement fixés, il ne reste plus qu’à calculer et à intégrer cette donnée financière dans la procédure de paiement du titulaire. La variation des prix dans l’exécution des marchés publics s’opère selon l’un des deux modes suivants : - l’actualisation, dans le cas d’un prix ferme actualisable ; - la révision, dans le cas d’un prix révisable. Tab. 16.1. Différentes formes de prix prévues par le Code de la commande publique
Type de marché Travaux
Durée du marché < 3 mois > 3 mois
Fournitures et < 3 mois services autres que courants > 3 mois
Fournitures et < 3 mois services > 3 mois courants
Conditions Aucune Travaux nécessitant des fournitures dont le prix est affecté par les fluctuations des cours mondiaux ou exposant les parties à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques. Aucune Marché nécessitant des fournitures dont le prix est affecté par les fluctuations des cours mondiaux ou exposant les parties à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques. Aucune Marché nécessitant des fournitures dont le prix est affecté par les fluctuations des cours mondiaux ou exposant les parties à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques.
Clause
Article
Prix ferme actualisable Prix révisable
R. 2112-10
Prix ferme actualisable Prix révisable
R. 2112-10
Prix ferme Prix révisable
R. 2112-10 R. 2112-14
R. 2112-13 R. 2112-14
R. 2112-14
16.1.1 Mise en œuvre de la variation des prix lors des paiements Dans les marchés de travaux, le calcul des coefficients d’actualisation ou de révision est réalisé par le titulaire qui les mentionne dans son décompte mensuel(515). Après vérification, le maître d’œuvre applique ensuite ces coefficients aux prix faisant l’objet de la révision et transmet pour finir ces éléments au maître de l’ouvrage. La révision est en principe appliquée aux travaux exécutés dans le mois(516), s’agissant en général de marchés assez fortement exposés à une fluctuation des prix des matières premières. En cas d’approvisionnement, c’est à la
variation des sommes décomptées pour approvisionnement à la fin du mois qu’est appliquée la révision de prix. Dans les autres types de marchés, les CCAG-FCS, MI, MOE, PI et TIC ne donnent aucune précision sur l’auteur du calcul du coefficient de révision et sur son application aux prix des prestations réalisées. En principe, il revient à l’acheteur de procéder à ces évaluations puisqu’il doit fournir au comptable public un état liquidatif des révisions de prix, pièce indispensable pour le paiement(517). En pratique, il est préférable pour l’acheteur de mettre à sa charge, dans les documents particuliers, le calcul de ce coefficient dont il aura lui-même établi la formule. Il le transmet ensuite au titulaire qui s’occupe de le faire figurer dans sa demande de paiement. Les documents particuliers peuvent aussi prévoir que le titulaire propose, dans sa demande de paiement, le coefficient qu’il a calculé en application du marché. L’acheteur doit alors le vérifier et, s’il y a lieu, le corriger. La révision est réalisée selon une périodicité fixée dans les pièces particulières du marché, en fonction des caractéristiques de l’achat. À titre d’exemple, on trouve fréquemment dans les marchés de fournitures courantes une clause de révision annuelle. Cependant, il faut noter que les CCAGS-FCS, MI et TIC imposent une périodicité de révision de prix de trois mois lorsque le marché nécessite pour sa réalisation le recours à l’achat de matières premières agricoles et alimentaires ou de fournitures dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux(518), conformément aux articles R. 2112-13 et R. 2112-14 du Code de la commande publique. Important La révision des prix du sous-traitant Le sous-traitant peut prétendre à se voir appliquer la variation des prix des prestations qu’il exécute dans le cadre du marché. Celle-ci ne s’appliquant pas de plein droit, la déclaration de sous-traitance devra indiquer si les conditions de paiement, dont fait partie la variation des prix appliquée au sous-traitant, sont identiques à celles du marché (DC4, article F).
16.1.1.1 Calcul de l’actualisation
L’actualisation des prix des marchés de fournitures et services non courants, et des marchés de travaux, a pour but d’amortir l’évolution des coûts supportée par le titulaire du marché entre le moment où il a formé son offre et le moment où l’acheteur lui demande le démarrage des prestations. En effet, il peut se passer plusieurs mois entre ces deux dates. L’actualisation du prix consiste alors à se placer virtuellement trois mois en amont du démarrage des prestations afin de tenir compte des conditions économiques à cette date(519). L’actualisation ne trouve à s’appliquer qu’une seule fois dans la vie du marché ou de chacune de ses tranches, dans l’hypothèse dans laquelle le marché comporte des tranches optionnelles. Dans ce dernier cas, l’actualisation s’opère aux conditions économiques observées à une date antérieure de trois mois au début d’exécution des prestations de la tranche concernée(520).
Fig. 16.1. L’actualisation du prix
La formule pour actualiser un prix est la suivante : P = P0 ( I M−3/I M0 )
avec : P : le prix actualisé du marché P0 : le montant initial du marché IM0 : la valeur de l’indice ou index du mois d’élaboration des prix du marché IM–3 : la valeur de l’indice ou index 3 mois avant le démarrage de l’exécution des prestations
Exemple Calcul avec un indice I (dont les valeurs figurent au tableau 16.2) P0 : 120 000 € HT IM0 : mars Mois de notification du marché : juin Mois de démarrage de l’exécution des prestations : novembre Tab. 16.2. Valeurs de l’indice I Mars
Avril
Mai
Juin
Juillet
Août
Septembre
Octobre
Novembre
Décembre
108,5
108,9
109,3
109,5
109,8
110
110,2
110,6
110,7
110,9
IM0 = 108,5 IM–3 = 110 L’ensemble des prix du marché est actualisé selon les conditions économiques de M –3 : Soit 110/108,5 = 1,014 120 000 × 1,014 = 121 680 € Le prix « P » actualisé du marché est de 121 680 €
Il est à noter que le coefficient multiplicateur obtenu en divisant IM–3 par IM0, est, sauf dérogation prévue dans les clauses particulières, arrondi au millième supérieur(521). Pour les marchés de maîtrise d’œuvre, le CCAG-MOE prévoit expressément l’index d’actualisation à mettre en œuvre dans le silence du marché. De la même manière, le CCAG-Travaux prévoit l’usage des index BT ou TP correspondants à la nature des travaux qui font l’objet du marché. 16.1.1.2 Calcul de la révision Il existe différentes méthodes de révision des prix (ajustement sur un indice, sur des prix publics, application d’un index…). La plus fréquente, parce que probablement la plus pertinente pour nombre de marchés, consiste à utiliser une formule paramétrique composée de plusieurs indices, chacun pondéré afin de représenter au mieux la composition des prix du marché. Le recours à un index facilite la mise en œuvre de la révision dans la mesure où il représente déjà un agrégat de plusieurs données économiques.
Par exemple, le CCAG-MOE prévoit expressément l’utilisation de l’index (ING-ingénierie) ainsi que la formule à mettre en œuvre, dans le silence du marché, pour la révision des prix (0,15 + 0,85 Im/Io). Or, la composition de l’index ING incorpore différents coûts nécessaires à de la prestation intellectuelle, comme le montre le tableau 16.3. Tab. 16.3. Composition de l’index ING Matériel 15,9 %
Travail 70,0 %
Frais divers 14,1 %
Pour les marchés de travaux, la référence à un index peut également faciliter la mise en œuvre de la révision des prix. Il existe en effet des index qui incorporent les différents coûts nécessaires aux travaux concernés, que ce soit dans le domaine du bâtiment (index BT) ou dans le domaine des travaux publics (index TP). L’index permet donc à l’acheteur de limiter la formule de révision à une seule valeur tout en ayant un indicateur représentatif d’un corps de métier. Tout au plus, un terme fixe peut être ajouté lorsque le marché le permet. Exemple de calcul de la révision des prix d’un marché basé sur l’index BT38 : Formule prévue au marché : P0 : Montant en prix de base de la prestation à réviser présenté dans un décompte BT380 : valeur de l’index du mois d’élaboration des prix du marché : juin 2021 P = le prix révisé de la prestation présenté dans un décompte BT38n : selon la situation du marché, index provisoire ou définitif de la période à réviser L’hypothèse retenue ici est celle de la révision provisoire à partir du dernier indice connu au moment de la demande de paiement. L’exécution du marché ayant débuté en décembre 2021, une première demande de paiement doit donner lieu au versement d’un acompte dont les prix seront révisés.
Dans ce cas, BT38n correspond à la valeur de l’index connue au moment de la demande de paiement des prestations réalisées en décembre, soit, dans cet exemple, le 10 janvier 2022. Le tableau « valeurs de l’index BT38 » comporte les dates de publications de l’index. On peut donc voir qu’au 10 janvier 2022, le dernier index connu était celui du mois de septembre 2021. Le coefficient multiplicateur pour le mois de décembre est donc obtenu de la façon suivante : (BT38n/BT380) soit (121,1/120,3) = 1,007 Le coefficient de révision est ici arrondi au millième supérieur comme prévu par le CCAG-Travaux(522). Le montant des prestations réalisées étant de 33 488 € TTC en prix de base, le montant de l’acompte pour le mois de mars, après révision, est de : P = P0 × (121,1/120,3) = 33 488 X 1,007 = 33 722,416. Tab.16.4. Valeurs de l’index BT38 Mois
Juin 2021
Juillet 2021 120,9
Août 2021
Septembre 2021 121,1
Octobre 2021 121,8
Novembre Décembre 2021 2021 122,6 122,5
Valeur 120,3 121,7 indice Date de 17/09/2021 16/10/2021 23/11/2021 16/12/2021 19/01/2022 18/02/2022 17/03/2022 publication
16.1.2 Délais de publication des indices ou des index La publication des indices ou index ne coïncide que très rarement avec le moment où la variation des prix doit être appliquée. Cela s’explique par le délai nécessaire à la collecte des données économiques et à leur traitement. En conséquence, pour ne pas retarder le paiement des prestations, le Code de la commande publique dispose que « Lorsque la valeur finale des références n’est pas connue à la date où doit intervenir un acompte ou un paiement
partiel définitif, l’acheteur procède à un règlement provisoire sur la base des dernières références connues »(523). Le paiement calculé sur la base des valeurs finales de référence utilisées pour l’application de la clause de variation devra, par la suite, intervenir au plus tard trois mois après la date à laquelle seront publiées ces valeurs. L’actualisation est en principe calculée sans difficulté : d’une part, par la règle de calcul qui est la sienne et d’autre part, parce que l’indice ou l’index définitif à utiliser pour l’actualisation est connu ou du moins en passe de l’être lors du commencement d’exécution du marché. Pour la révision des prix, cette disposition du code complexifie son application. En effet, elle oblige les parties à procéder à une première révision, provisoire, sur la base des derniers indices ou index connus, puis à la publication des indices correspondant précisément à la période d’exécution des prestations, au calcul définitif de la révision des prix. Les sommes dues au titre de la révision définitive sont alors arrêtées en déduisant les sommes déjà versées au titre de la révision provisoire. Cela revient, par exemple, pour un marché de travaux à paiements et révisions mensuels, à verser des acomptes qui comportent, pour le mois à payer, une révision provisoire des prix puis, ultérieurement à verser au titulaire la différence entre la révision provisoire et celle établie sur la base des indices ou index actualisés.
Important La révision s’applique sur des prestations réalisées au-delà des délais contractuels Pour les marchés de travaux, le CCAG prévoit l’application de la révision des prix lorsque le dépassement des délais d’exécution est autorisé par une décision de prolongation de l’acheteur(524). En revanche, s’il n’est pas autorisé, la révision des prix est calculée sur la base de la valeur des indices ou index à la date contractuelle de fin des prestations ; leur évolution au-delà n’est pas prise en compte. Cette mesure interdit au titulaire qui n’a pas respecté ses engagements contractuels de bénéficier d’une revalorisation des sommes restant dues. Les CCAG-FCS, MI, MOE PI et TIC ne prévoient pas la même stipulation. Il convient donc de l’insérer dans les documents particuliers du marché pour éviter les difficultés dans ce type de situation. Par ailleurs, dans le cas d’un retard dans l’exécution du marché non imputable au titulaire, une précision supplémentaire peut être ajoutée, quel que soit le type de marché, le CCAG-Travaux restant également muet à ce sujet. Dans une telle situation, il semble en effet logique de prévoir aux clauses particulières du marché que la révision du prix des prestations se poursuivra au-delà du délai d’exécution contractuel. Cette disposition pourrait éviter d’éventuels litiges.
16.1.3 Cas du remboursement de l’avance par précompte, sur quel montant appliquer la révision ? La Code de la commande publique prévoit que la révision de prix se fait sur le montant de l’acompte avant déduction de l’avance(525). Cette règle est substantielle dans la mesure où la déduction de l’avance suivie de la révision du montant restant aboutirait à un résultat différent et a priori moins avantageux pour le titulaire (en cas de variation positive). Exemple de versement d’un acompte de 50 000 € : - un remboursement d’avance sur l’acompte est prévu à hauteur de 3 000 € ; - le coefficient de révision est de 3,8 %. L’acompte, déduction faite de l’avance non révisable, s’élève à : (50 000 × 3,8 %) – 3 000 = 48 900
16.2 Difficultés d’application de la clause de variation des prix Lors de l’exécution du marché, l’application de la clause de variation des prix peut être confrontée à différentes difficultés qui résultent soit de la volonté des parties de la remettre en cause soit d’événements exogènes.
16.2.1 Modification de la clause de variation des prix Il a longtemps été considéré que la clause de variation des prix était une composante du prix du marché ; dès lors, la modifier en cours d’exécution était de nature à remettre en cause les conditions initiales de la mise en concurrence. En d’autres termes, cette modification était considérée comme substantielle. Plusieurs réponses ministérielles l’affirmaient très clairement(526). Cette conception a évolué en 2017, lorsque le Conseil d’État a jugé qu’aucune disposition du code des marchés publics de 2006 ne faisait obstacle à ce que les parties décident de transformer le prix révisable du marché en un prix ferme ; c’est-à-dire supprimer la clause de révision par un avenant(527). Dans cette affaire, il a accepté la suppression de la clause, car elle est intervenue au terme de l’exécution du marché, à un stade où cette suppression a peu de chance de modifier l’équilibre du marché ou de remettre en cause les conditions initiales de conclusion du marché. Il n’est pas certain que le juge aurait tranché dans ce sens si cette suppression était intervenue au début de l’exécution du marché. Dans tous les cas, la modification de la clause de variation des prix en cours d’exécution, ou l’insertion d’une telle clause, doit s’apprécier en tenant compte des règles encadrant la modification du marché (chapitre 10).
Jurisprudence Le passage d’un prix révisable à un prix ferme lorsque l’exécution approche de son terme : CE 20 décembre 2017, Area Impianti, req. n° 408562 « […] que ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de faire par principe obstacle à ce que les parties à un marché conclu à prix définitif puissent convenir par avenant, en particulier lorsque l’exécution du marché approche de son terme, de modifier le mécanisme d’évolution du prix définitif pour passer d’un prix révisable à un prix ferme ; que, par suite, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en écartant pour ce motif le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 17 du code des marchés publics ; ».
16.2.2 Omission d’une clause d’actualisation dans le marché ayant pour conséquence l’application d’un index par défaut Lorsque les pièces particulières du marché n’ont pas prévu de clause d’actualisation, l’article 9.4.3 du CCAG-Travaux prévoit la possibilité, d’utiliser, par défaut, les index BT ou TP correspondants à la nature des travaux qui font l’objet du marché. Le CCAG-Travaux précise que cet ajout de coefficient sera réalisé par voie d’avenant. Le cas échéant, les conséquences financières que cela peut impliquer ne seront pas exemptes de risques. L’insertion d’un indice adéquat peut en effet tomber sous la qualification de modifications substantielles. Hormis les marchés de maîtrise d’œuvre pour lesquels le CCAG-MOE prévoit expressément un index d’actualisation (et de révision) par défaut, les autres types marchés dépourvus de clauses d’actualisation des prix rencontreront la même problématique que les marchés de travaux en cas de commencement d’exécution plus de trois mois après notification du marché. Il est donc recommandé d’insérer systématiquement une clause d’actualisation des prix lors de la rédaction du marché même si l’acheteur estime pouvoir en démarrer l’exécution rapidement.
16.2.3 Disparition d’un indice ou d’un index
En cas de disparition d’un indice ou d’un index présent dans la clause de variation des prix, un avenant devra préciser la référence prise en remplacement de l’indicateur disparu. Dans certains cas, l’organisme, à l’origine du calcul et de la publication de l’indice ou l’index qui n’est plus mis à jour peut le remplacer par une nouvelle référence. C’est le cas notamment des références indiciaires publiées par l’INSEE. Il est fréquent que cet organisme fournisse lui-même le coefficient de raccordement entre ancien et nouvel indice. L’avenant précisera alors en sus des caractéristiques du nouvel indice ou index, le coefficient de raccordement qui permet de réviser les prix du marché avec une base appartenant à un indice disparu. Sinon, il revient aux parties de déterminer quelles références vont au mieux remplacer celles disparues. Cette recherche de nouveaux indices ou index est en général réalisée par l’acheteur. Cependant, le choix qui est fait doit impérativement être validé par le titulaire, car il s’agit d’un élément pesant de façon significative sur les conditions économiques du marché. Par ailleurs, la modification ainsi apportée au marché, même si elle est imposée par des circonstances imprévues, ne doit pas être substantielle (chapitre 10).
16.2.4 Changement de base d’un indice ou index : l’utilisation du coefficient de raccordement L’INSEE procède périodiquement à des changements de base. Ceci s’explique par le fait que lorsque l’on s’éloigne de la période de base, les déformations structurelles font progressivement perdre à l’indice ou l’index calculé sa pertinence. Par conséquent, si un marché en cours d’exécution prévoit une clause de révision comportant un indice ou index dont la base a changé, il est nécessaire d’utiliser un coefficient de raccordement afin de prolonger artificiellement cet indice ou index. Pour raccorder la même série entre ces deux bases, il convient d’utiliser le dernier mois pendant lequel les valeurs sont publiées sous l’ancienne base. Ce mois est également publié en nouvelle base.
Exemple Le raccordement entre deux séries d’indices L’indice ou l’index I en base 2018 est de 108.6 au mois de décembre 2021. Ce même indice ou index est passé en base 2021 et a donc une valeur de 100 en décembre 2021. Pour poursuivre la série antérieure base 2018 avec les indices ou index de la nouvelle base, le coefficient de raccordement est le suivant : indice ou index de décembre 2021, base 2018/indice ou index de décembre 2021, base 2021 = 1,086. Ainsi, pour transformer l’indice ou l’index de janvier 2022, base 2021 en indice ou index base 2018, il faut multiplier l’indice ou l’index par le coefficient de 1,086. Tous les indices ou index suivants en base 2021 se verront appliquer ce coefficient jusqu’à la fin du marché. Pour les révisions annuelles, le coefficient de raccordement est calculé sur la moyenne annuelle des indices ou index.
16.2.5 Omission de faire application de la clause de variation des prix Le caractère irréversible du DGD dans les marchés de travaux s’applique effectivement à la variation des prix. Le juge administratif a en effet confirmé que l’omission de faire jouer cette clause n’ouvre pas droit à une remise en cause du DGD(528). En conséquence, une fois qu’il est arrêté, aucune clause de variation des prix ne peut plus être appliquée. Plus globalement, tous les paiements ayant un caractère définitif interdisent toute révision ultérieure des prix du marché(529), sauf dans les cas de révisions provisoires prévus par le Code de la commande publique ou dans le CCAG-Travaux, comme par exemple pour la révision du solde(530)
16.2.6 Refus d’application Il est admis que les parties peuvent renoncer, d’un commun accord, à l’application de la clause de révision de prix(531).
16.3
Prix provisoires
Le Code de la commande publique prévoit la possibilité, dans des cas limitativement définis(532), de passer des marchés à prix provisoire. Les dispositions des articles R. 2112-15 à R. 2112-18 du Code de la commande publique prévoient pour ce faire un mécanisme se plaçant dans la logique des clauses de réexamen(533) : le marché initial doit fixer de façon claire, précise et sans équivoque l’ensemble des modalités permettant de faire évoluer le prix en cours d’exécution du marché. Tel est le cas notamment des marchés de maîtrise d’œuvre, lors desquels la base de calcul des prestations objet du marché ne peut être précisément définie qu’à l’issue des études de maîtrise d’œuvre. Le marché devra par conséquent prévoir le mécanisme qui transformera le prix provisoire de la prestation en un prix définitif une fois le coût prévisionnel des travaux validé par la maîtrise d’ouvrage, à l’issue de la mission d’avant-projet(534). (515) Article 12-1-7 du CCAG-Travaux. (516) Article 10.5 du CCAG-Travaux. (517) CGCT, art. D. 1617-19, rubriques 4324 et 4325, annexe E. (518) Article 10.2.2 du CCAG-FCS, article 11.2.2 du CCAG-MI, article 10.2.2 du CCAG-TIC. (519) CCP, art. R. 2112-11 et R. 2312-10. (520) CCP, art. R. 2112-12 et R. 2312-10. (521) Article 10.5 du CCAG-Travaux ; article 10.1.2 du CCAG-FCS ; article 10.1.2 du CCAG-PI ; article 11.1.2 du CCAG-MI ; article 10.1.2 du CCAG-TIC, article 10.1.2 du CCAG-MOE. (522) Article 10.5 du CCAG-Travaux. (523) CCP, art. R. 2191-28 et R. 2391-20. (524) Article 9.4.4. du CCAG-travaux, (525) CCP, art R. 2191-29 et R. 2391-20.
(526) Rép. min à QE n° 52094, 29 mars 2005, JOAN ; Rép. min à QE n° 31973, 3 novembre 2009 ; Rép. min à QE n° 49419, 1er avril 2014, JOAN. (527) CE 20 décembre 2017, Area Impianti, req. n° 408562. (528) CE 5 juin 1981, Sté Comsip-Entreprise, req. n° 14644. (529) CE 5 février 1971, Société des téléphériques français, req. n° 78257. (530) Article 12.4.2 du CCAG-Travaux. (531) CAA Bordeaux, 7 mai 2009, Communauté de Communes AubussonFelletin, req. n° 07BX02372 ; CE 20 décembre 2017, Area Impianti, req. n° 408562. (532) CCP, art. R. 2112-17. (533) CCP, art R. 2194-1. (534) CCP, art. R. 2432-7 ; article 10.2.1 du CCAG-MOE.
Chapitre 17
Réception de travaux
Les opérations qui conduisent à la réception de tout ou partie des travaux ou de l’ouvrage sont une étape primordiale dans la vie du marché puisqu’il s’agit pour l’acheteur maître de l’ouvrage d’en certifier la bonne exécution et de libérer le titulaire d’une partie de ses obligations contractuelles. De ce fait, la procédure de réception revêt un caractère quasi irréversible, permettant de passer aux étapes suivantes de la vie du marché : règlement financier définitif, exécution des autres tranches de travaux… La connaissance et la compréhension de cette procédure sont indispensables pour que chaque partie puisse préserver ses droits.
17.1 Principe de la réception et ses effets 17.1.1 Principe de la réception
L’article 2 du CCAG-Travaux définit la réception comme « l’acte par lequel le pouvoir adjudicateur déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Cet acte est le point de départ des délais de garantie dans les conditions fixées au chapitre V du présent CCAG ». Cette stipulation fait de la réception une obligation contractuelle pour le maître de l’ouvrage. Qu’elle soit expresse, en application des clauses du contrat, ou tacite, en fonction du comportement du maître de l’ouvrage, la réalisation des travaux donne toujours lieu à une décision de réception. D’ailleurs, même en l’absence d’une clause contractuelle, la réception peut intervenir sur la base de l’article 1792-6, alinéa 1, du Code civil qui dispose : « La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement ». Cette étape de la vie d’un marché de travaux est fondamentale puisqu’en principe c’est à la suite de la réception que le maître de l’ouvrage prend possession de l’ouvrage réalisé ou rénové.
17.1.2 Effets de la réception La réception a pour conséquence d’une part, de délier définitivement l’entrepreneur d’une partie de ses obligations contractuelles et d’autre part, d’initier une nouvelle période de la vie de l’ouvrage. En effet, au moment où les obligations contractuelles liées à la réalisation de l’ouvrage s’achèvent, les différentes garanties concernant les vices de construction démarrent (voir chapitre 20). La réception est donc un acte aux effets définitifs qui fait courir des délais de garantie. Aussi il convient de pratiquer correctement la procédure de réception pour que les parties préservent leurs intérêts respectifs. 17.1.2.1 Transfert de responsabilité de la garde de l’ouvrage Pendant toute l’exécution des travaux, le titulaire a la charge de conserver l’ouvrage. Il en est le gardien et assume par conséquent les responsabilités
qui en découlent. Cela peut même le conduire à réparer les dommages subis par l’ouvrage sous sa garde, même par suite d’un cas de force majeure ou d’un cas fortuit(535). Exemple Responsabilité du titulaire en cas de destruction de l’ouvrage non réceptionné : CAA Douai, 10 janvier 2008, Département de la Seine-Maritime « Considérant que la responsabilité de l’entrepreneur, en sa qualité de gardien de l’ouvrage, impose à ce dernier de prendre en charge les frais de reconstruction de l’ouvrage qui a été endommagé, avant la réception des travaux, par suite d’un cas de force majeure ou d’un cas fortuit ; que le département de la Seine-Maritime a ainsi droit au versement des indemnités nécessaires à la remise en état de la charpente des bâtiments A2 et A Nord du collège Fontenelle. »
Lorsque la réception est prononcée, la responsabilité du gardien de l’ouvrage est naturellement transférée au maître de l’ouvrage. Ce transfert s’opère à la date retenue pour la réception. Ce transfert de responsabilité se traduit également par le fait qu’après réception c’est au maître de l’ouvrage d’assumer les frais inhérents au fonctionnement et à l’entretien de l’ouvrage, notamment le gardiennage, l’électricité, l’eau ou le chauffage. Cette règle s’applique même si la prise de possession effective du bâtiment par le maître de l’ouvrage n’intervient que bien après la date de réception(536). 17.1.2.2 Achèvement des relations contractuelles liées à la réalisation de l’ouvrage La réception a pour effet principal de mettre un terme à la relation contractuelle sur le plan des prestations à réaliser. Elle est, en d’autres termes, une forme de quitus donné au titulaire pour la réalisation technique des travaux. Cependant, si elle vient limiter la responsabilité contractuelle des constructeurs sur ce plan elle ne l’éteint pas complètement puisque peuvent jouer encore la responsabilité issue de la garantie de parfait achèvement (voir chapitre 20) ou celle qui est liée aux retards et aux travaux supplémentaires traités à l’occasion du décompte (voir chapitre 19) (537).
Il est donc impossible pour le maître de l’ouvrage, une fois la réception prononcée sans réserve, de rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs concernant la réalisation de l’ouvrage(538), en dehors de l’hypothèse où cette réception a été obtenue par la fraude ou par le dol(539). Cet effet extinctif des rapports contractuel se produit aussi partiellement à l’égard du maître d’œuvre, en ce qui concerne les prestations indissociables de la réalisation de l’ouvrage, au nombre desquelles figurent, notamment, les missions de conception de cet ouvrage(540). Si cette réception est prononcée avec des réserves, l’action du maître de l’ouvrage à l’encontre des constructeurs est limitée au périmètre de ces seules réserves. Ainsi les désordres apparents à la date de réception, mais non identifiés dans les réserves, ne peuvent être mis à la charge du titulaire et ne sont couverts par aucune garantie(541). Le juge administratif considère que, par la réception sans réserve des travaux, le maître de l’ouvrage a renoncé à demander la réparation de désordres connus. À titre d’exemple, la responsabilité du titulaire ne peut être recherchée pour le surcoût engendré par les travaux de fondation de l’ouvrage si les désordres avaient été identifiés avant réception, et prononcée sans réserve(542). Il en est de même si les travaux ont causé des dommages à des tiers, dommages connus par le maître de l’ouvrage, mais que ce dernier n’a pas relevés sous forme de réserves lors de la réception(543). Privé d’un recours contre le constructeur, le maître de l’ouvrage peut néanmoins rechercher la responsabilité du maître d’œuvre pour manquement à ses obligations de conseil découlant de sa mission d’assistance aux opérations de réception. À l’inverse, dans le cadre de la réception avec réserves, les rapports contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs se poursuivent, mais uniquement au titre des travaux ou des parties de l’ouvrage concernées par celle-ci(544). La décision de réception avec réserves ne met donc fin que partiellement à la relation contractuelle. Lorsque ces réserves sont levées au cours de la période de garantie de parfait achèvement, la relation contractuelle est réputée terminée, non pas à la date de levée des réserves, mais à la date retenue pour la réception avec réserves(545).
Tant que les réserves ne sont pas levées par le titulaire, la relation contractuelle se poursuit, même au-delà de la période de garantie de parfait achèvement, qui marque en principe la fin du contrat(546). Toutefois, par dérogation au CCAG-Travaux, il semble prudent de prévoir cette prolongation automatique du délai de garantie en cas de réserves non levées(547). Important La décision de réception marque la fin des relations contractuelles en ce qui concerne l’ouvrage, mais pas en ce qui concerne la relation financière entre les parties La relation contractuelle n’est terminée qu’en ce qui concerne les obligations liées à la réalisation des travaux ou de l’ouvrage. La réception de l’ouvrage est sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché à raison, par exemple, de retards ou de travaux supplémentaires(548). Ces autres aspects de l’exécution du marché sont définitivement réglés entre les parties lors de l’élaboration du décompte général et définitif. La réception porte sur les aspects techniques et le décompte général et définitif porte sur les éléments financiers. Les deux étapes sont cependant étroitement liées (voir chapitre 19).
17.2
Procédure de réception
La procédure de réception des travaux se décompose en plusieurs étapes, chacune soumise à des contraintes de forme et de délais bien précises. Même en cas de carence de l’une des parties au marché, la réception des travaux peut être prononcée.
17.2.1 Déroulement de la procédure 17.2.1.1 Documents types pour la procédure de réception La Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des Finances propose des formulaires utiles pour les différentes étapes de la procédure de réception : - le procès-verbal des opérations préalables à la réception (formulaire EXE 4) ;
- la proposition du maître d’œuvre de prononcer la réception (formulaire EXE 5) ; - la décision du maître de l’ouvrage de prononcer la réception avec ou sans réserves (formulaire EXE 6) ; - la décision de refuser de prononcer la réception (formulaire EXE 7) ; - le procès-verbal de levée de réserves (formulaire EXE 8) ; - la proposition du maître d’œuvre et décision du maître de l’ouvrage relative à la levée de réserves (formulaire EXE 9). 17.2.1.2 Les étapes Le tableau 17.1 détaille les étapes de la procédure de réception ainsi que les délais à respecter qui sont prévus au CCAG-Travaux. Tab. 17.1. Les étapes de la réception dans le CCAG-Tavaux Étapes 1 - L’achèvement des travaux (voir fig. 17.1) Le titulaire du marché informe, par écrit, le maître d’œuvre et le maître de l’ouvrage de la date à laquelle les travaux sont ou seront achevés.
Délais Dès que le titulaire est en mesure de déterminer la date à laquelle les travaux seront, selon lui, achevés.
2 – Les Opérations Préalables à la Réception (OPR) (voir fig. 17.1) Le maître d’œuvre procède aux OPR après convocation du titulaire et information du maître de l’ouvrage. Les OPR font l’objet d’un procèsverbal signé sur le champ par le maître d’œuvre et le titulaire. Le cas échéant, il mentionne le refus de signer du titulaire. Un exemplaire est remis au titulaire.
Dans les 20 jours à compter de la date de réception de l’avis d’achèvement des travaux envoyé par le titulaire ou de la date indiquée dans cet avis pour l’achèvement des travaux.
Le maître d’œuvre indique au Dans les 5 jours titulaire la proposition transmise suivant la date du au maître de l’ouvrage (réception procès-verbal.
Commentaires Cette première étape est parfois délaissée à tort par le titulaire. En effet, la date d’achèvement des travaux qu’il annonce est le plus souvent celle qui est retenue comme date de réception. De plus, des pénalités pour retard dans l’exécution des travaux peuvent s’appliquer en cas de dépassement des délais contractuels. La procédure contractuelle de réception sera difficilement opposable au maître de l’ouvrage s’il n’est pas informé de cette date (1). Il arrive en pratique que la signature du PV des OPR soit différée, certains éléments demandant parfois à être précisés ou complétés. Il est fortement conseillé de s’en tenir strictement à l’application du CCAG sur ce point tant le risque est réel de rencontrer des difficultés par la suite (retard ou refus de signature du PV par le titulaire, base de calcul incertaine et contestable pour les délais ultérieurs de la procédure…). Ce document ne constitue pas une décision de réception, sauf s’il traduit l’intention manifeste des parties de lui faire produire de tels effets (2) . Il est important que le PV des OPR soit signé par une personne habilitée à représenter le
ou non, date d’achèvement retenue, réserves). 3 – La décision de réception (voir fig. 17.1)
Au vu du procès-verbal des OPR et des propositions du maître d’œuvre, le maître de l’ouvrage peut décider : - de refuser la réception ; - de prononcer la réception sans réserve ; - de prononcer la réception avec réserve ; - de prononcer la réception avec réfaction.
maître d’œuvre, au risque de vicier la procédure de réception (3). Dans les 30 jours Le maître de l’ouvrage s’appuiera sur les à compter propositions du maître d’œuvre. de la date du PV Il n’est pas obligé de suivre l’avis du maître des OPR. d’œuvre. Il peut refuser la réception alors même que le maître d’œuvre lui propose une décision de réception avec réserves. Cela est possible s’il considère que les travaux ne sont en réalité pas achevés. En cas d’inachèvement des travaux ou d’imperfections relevées, il reste nécessaire de bien prendre la mesure des conséquences d’une réception avec réserves. Ce type de décision peut entraîner des complications, car même avec des réserves elle signifie que les travaux sont finis. Reprendre trop hâtivement la possession de l’ouvrage peut également avoir des conséquences néfastes sur les conditions d’utilisation de celui-ci. En conséquence, le maître de l’ouvrage qui souhaite réceptionner avec réserves doit s’assurer que les travaux sont réellement achevés. Mieux vaut refuser la proposition de réception avec réserves que de se trouver avec des réserves trop conséquentes et complexes à lever après la réception.
(1) CE 1er juillet 1970, Commune de Santerny, req. n° 70820. (2) CE 19 février 1990, Commune de Languidic, req. n° 81449. (3) CAA Bordeaux, 20 octobre 2011, Société Eiffage Construction centre, req. n° 09BX02971.
17.2.2 Rôle pivot du maître d’œuvre dans le dispositif de réception Les opérations de réception sont le révélateur, plus que toute autre étape de l’exécution du marché, de l’état de la relation contractuelle entre les intervenants à l’opération de travaux. À ce titre, le maître d’œuvre y joue un rôle central. De sa rigueur et de son professionnalisme va dépendre la qualité de la réception conditionnant les étapes ultérieures de garantie et de paiement, tant pour le maître de l’ouvrage que pour le titulaire. En dépendront également les chances du maître d’ouvrage de faire jouer la
responsabilité des constructeurs pour obtenir la réparation des malfaçons ou des dommages causés par les travaux. Recommandation La maîtrise d’œuvre interne, une possibilité à encadrer dans le marché par des dérogations au CCAG travaux L’acheteur peut être amené à assurer lui-même la maîtrise d’œuvre de certaines de ses opérations. Dans ce cas, des dérogations au CCAG-Travaux sont à lister dans les documents particuliers du marché pour prendre en compte cette organisation particulière.
17.2.2.1 Accompagnement du maître d’œuvre par le maître de l’ouvrage La surveillance du bon déroulement des opérations de réception est absolument nécessaire pour le maître de l’ouvrage. Il risque en effet, en cas de défaillance ou de négligence du maître d’œuvre, de se voir livrer un ouvrage imparfait et de perdre toute possibilité de mettre en jeu la responsabilité des constructeurs. La multiplication des contentieux entre maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre sur des problématiques de réception montre qu’il est prudent pour le maître de l’ouvrage d’être présent lors des OPR ou de se faire représenter. Il est important notamment que le maître de l’ouvrage dispose de tous les documents en lien avec l’exécution des travaux tels que le compte rendu de chantier et les correspondances entre le maître d’œuvre et les constructeurs. L’assistance d’un expert, si elle peut représenter un surcoût non prévu initialement et sembler faire doublon avec la maîtrise d’œuvre, peut s’avérer très utile en cas de défaillance du maître d’œuvre lors des OPR. Le maître de l’ouvrage peut ainsi préserver ses droits en conservant ses chances de faire jouer la responsabilité du titulaire.
Important Sensibiliser la maîtrise d’œuvre aux enjeux stratégiques des travaux De par ses missions, le maître d’œuvre est au cœur de l’exécution du marché de travaux et notamment de la procédure de réception. Il n’est donc pas inutile qu’il soit sensibilisé par le maître de l’ouvrage aux enjeux de l’opération afin de procéder aux OPR avec une vision contextuelle et fonctionnelle des travaux. Cette vision particulière de l’ouvrage ou de l’opération lui permettra d’adapter ses propositions à la réalité de la situation (particularités des sites, nécessités de service public…).
17.2.2.2 Vigilance du titulaire en cas de défaillance du maître d’œuvre Le titulaire du marché peut faire face à une double défaillance du maître d’œuvre dans la procédure de réception. Il a dans ce cas la possibilité de le contourner en s’adressant directement au maître de l’ouvrage. Le premier cas de défaillance du maître d’œuvre se situe au stade de la convocation aux OPR(549). En l’absence d’une convocation du maître d’œuvre dans les délais impartis, le titulaire doit en informer le maître de l’ouvrage par lettre recommandée avec accusé de réception. Le maître de l’ouvrage doit alors fixer lui-même une date d’OPR. Le maître de l’ouvrage convoque le titulaire et le maître d’œuvre et les informe qu’il sera présent ou représenté aux OPR et assisté éventuellement d’un expert. En cas d’absence du maître d’œuvre aux OPR ou de refus de celui-ci de procéder à ces opérations, le maître de l’ouvrage le constate et effectue luimême les OPR. Enfin, il communique le procès-verbal signé au maître d’œuvre. Si le maître de l’ouvrage n’effectue pas les OPR dans le délai de 30 jours à compter de la réception du courrier du titulaire l’informant de la défaillance du maître d’œuvre, la réception est acquise tacitement. Le second cas de la défaillance du maître d’œuvre concerne la transmission de sa proposition sur la réception des travaux(550). En cas de non-respect du délai de 5 jours dont dispose le maître d’œuvre pour indiquer au titulaire la nature de la proposition transmise au maître de l’ouvrage, le titulaire peut
lui-même transmettre un exemplaire du procès-verbal des OPR afin de permettre au maître de l’ouvrage de prendre une décision (fig. 17.1).
Fig. 17.1. Le processus normal de réception
17.3
Décision de réception
17.3.1 Différents types de décisions de réception 17.3.1.1 Décision sans réserve La décision est prononcée sans réserve dans l’hypothèse où aucune imperfection ou malfaçon n’est décelable lors des OPR. À partir de sa notification au titulaire, celui-ci peut commencer la préparation du projet de décompte final (voir chapitre 19). 17.3.1.2 Décision de réception sous réserves pour réalisation d’épreuves prévues au marché
Lorsque la réception est prononcée sous réserve de la réalisation d’épreuves, elle ne produit d’effet que si ces épreuves sont concluantes durant la période de garantie de parfait achèvement. Si ce n’est pas le cas, la procédure de réception doit être recommencée. Aucun effet n’aura été produit par cette décision et le délai de garantie de parfait achèvement sera reporté à la prochaine décision(551). Il n’est pas prévu de constat formel de la réalisation de ces épreuves pour donner un caractère définitif à la réception. Le maître de l’ouvrage s’assure que les résultats de ces épreuves sont concluants et les annexe à la décision de réception initialement rédigée. Si les épreuves ne sont pas concluantes, plusieurs hypothèses peuvent se présenter : - le maître de l’ouvrage donne un nouveau délai au titulaire afin de permettre l’exécution d’épreuves concluantes ; - les résultats négatifs d’épreuves prévues au contrat peuvent donner lieu à une décision de réception avec réserves qui justifient l’application d’une réfaction sur le prix du marché ; - il est également envisageable de recourir à un opérateur économique tiers afin de finaliser l’opération aux frais et risques du titulaire du marché, si le titulaire n’arrive pas à reprendre les travaux pour aboutir à des épreuves concluantes (voir chapitres 2 et 24). 17.3.1.3 Décision de réception sous réserve de la réalisation des prestations non encore exécutées Si toutes les prestations n’ont pas été réalisées, la réception peut être prononcée, mais sous réserve de leur réalisation. Dans le cas où la réalisation des prestations non encore exécutées n’a pas lieu dans les délais fixés par le maître d’ouvrage, ne pouvant dépasser trois mois, les réserves correspondantes pourront justifier l’application d’une réfaction sur le prix. L’exécution aux frais et risques du titulaire est également envisageable (voir chapitre 2 et chapitre 24)(552). 17.3.1.4 Décision de réception avec réserves pour remédier aux imperfections et malfaçons
Toutes les imperfections et malfaçons doivent être relevées lors des opérations de réception. Les vices affectant l’ouvrage, apparents et connus du maître de l’ouvrage, ne peuvent plus être soulevés contre le titulaire si la réception a été prononcée sans réserve(553). C’est pourquoi le maître de l’ouvrage ne doit pas hésiter à formuler des réserves en des termes et des descriptions précises permettant à un professionnel de déterminer les moyens à mettre en œuvre pour les lever. Des réserves mal formulées peuvent conduire le juge à les priver d’effet et à considérer que la réception a été prononcée sans réserve(554). 17.3.1.5 Décision de réception avec réserves pour imperfections de faible importance S’il relève des imperfections ou malfaçons qui justifient des réserves, le maître de l’ouvrage n’est pas dans l’obligation d’en exiger la réparation par le titulaire du marché. En effet, il est toujours possible de trouver un accord avec ce dernier pour accepter les imperfections en échange d’une réduction du prix initial du marché. Prononcer une réception avec réfaction sur le prix peut parfois s’avérer plus efficace que de maintenir la relation contractuelle jusqu’à la levée de réserves qui sont en réalité mineures(555). Comme l’indique l’article 41.7 du CCAG-Travaux, les imperfections et malfaçons concernées par l’application d’une réfaction doivent nécessairement être de faible importance et ne pas affecter la sécurité de l’ouvrage ou son comportement. En principe, c’est le maître de l’ouvrage qui décide de proposer une réfaction sur le prix, que le maître d’œuvre lui ait proposé cette solution ou pas. Rien n’interdit cependant au titulaire du marché de soumettre, de sa propre initiative, une telle proposition au maître d’œuvre et au maître de l’ouvrage. Si ce dernier accepte cette idée, il mettra en œuvre la procédure décrite à l’article 41.7. Dans tous les cas, c’est au maître de l’ouvrage, conseillé par le maître d’œuvre, d’établir le montant de la réfaction. Il soumet cette proposition au titulaire qui est libre de l’accepter ou non. À ce stade, rien n’interdit que la fixation du montant de la réfaction fasse l’objet de plusieurs échanges entre
les parties au marché jusqu’à ce qu’elles trouvent un montant qui leur convient. Aucun délai n’est précisé dans le CCAG-Travaux pour que le titulaire fasse part de sa décision sur la proposition de réfaction. Le maître de l’ouvrage a tout intérêt à fixer ce délai dans son courrier. A priori, il n’est pas possible d’envisager le silence du titulaire comme une acceptation. Toutefois, les documents particuliers du marché peuvent avoir précisé le CCAG sur ce point et avoir stipulé un délai de réponse et une acceptation tacite du titulaire à son expiration. Si le titulaire accepte la réfaction, les imperfections relevées lors des opérations de réception sont couvertes et la réception est prononcée avec réfaction, mais sans réserve. Si, au contraire, le titulaire n’accepte pas la réfaction, la réception est prononcée avec des réserves qu’il doit réparer dans le délai fixé par le maître de l’ouvrage. 17.3.1.6 Refus de réception Le maître de l’ouvrage n’est pas dans l’obligation de prononcer la réception au terme des OPR. Comme évoqué plus haut, le maître de l’ouvrage doit dans certains cas évaluer la pertinence de la réception d’un ouvrage non achevé ou comportant des défauts. Le cas échéant, le refus de réceptionner qu’il oppose au titulaire doit être motivé.
17.3.2 Décision expresse de réception Les stipulations du CCAG-Travaux font naturellement référence à une décision écrite du maître de l’ouvrage. À l’instar de toutes les autres étapes de l’exécution d’un marché, la réception doit faire l’objet de documents clairs et précis. 17.3.2.1 Contenu de la décision
Les réserves éventuelles doivent être précises dans leurs natures et leurs étendues. La décision de réception doit donc être clairement formulée. Sur ce point, les deux parties au marché ont intérêt à être vigilantes. Pour le maître de l’ouvrage, l’absence d’indication de certaines réserves ou leur mauvaise description peut l’empêcher d’obtenir leur réparation. Pour le titulaire, il s’agit d’éviter que des imperfections lui soient attribuées à tort, soit qu’elles relèvent d’un autre entrepreneur, soit qu’elles résultent des carences du maître d’œuvre ou du comportement du maître de l’ouvrage. 17.3.2.2 Forme et la notification de la décision Aucun texte n’impose une forme particulière pour la décision de réception, l’important étant de pouvoir déterminer l’intention des parties et principalement celle du maître de l’ouvrage. Ainsi la décision de réception peut-elle prendre la forme d’un courrier adressé au titulaire pour lui signifier la décision du maître de l’ouvrage à la suite des OPR et des propositions du maître d’œuvre. Mais elle peut également se traduire par la signature par le maître de l’ouvrage du procèsverbal des OPR. Dans ce cas, la notification au titulaire de ce procès-verbal, revêtu de la signature du maître de l’ouvrage, pourra valoir décision de réception. Dans tous les cas, il est indispensable pour le maître de l’ouvrage de pouvoir donner une date certaine à la notification de la décision de réception. Comme évoqué précédemment, il existe des formulaires types proposés par la DAJ de Bercy pour les différentes étapes de la réception qui sont le plus souvent utilisés par les acheteurs. 17.3.2.3 Signature de la décision La personne qui signe la décision de réception doit être habilitée à engager juridiquement le maître de l’ouvrage. Elle doit donc disposer des pouvoirs afférents à ce type d’actes. Si ce n’est pas le cas, la décision de réception peut être réputée n’être jamais intervenue, avec toutes les conséquences que cela peut provoquer sur le point de départ des différents délais de garantie(556).
17.3.2.4 Signature du procès-verbal des OPR La régularité de la décision de réception sera également affectée si la procédure prévue au contrat et notamment celle du CCAG-Travaux n’est pas respectée. Ainsi, la signature du procès-verbal des opérations préalables par une personne qui n’est pas habilitée à représenter le maître d’œuvre est susceptible de rendre irrégulière l’ensemble de la procédure de réception, car ce document n’est pas opposable aux parties(557). Il en est de même du côté du titulaire.
17.3.3 Date d’effet de la réception À l’issue de la procédure de réception, c’est le maître de l’ouvrage qui décide de la date qui sera retenue comme date d’achèvement des travaux. Celle-ci est nécessairement antérieure à celle où il prend effectivement la décision. Il s’agit de constater qu’à une date antérieure le titulaire du marché a bien accompli l’ensemble de ses obligations ou seulement une partie de celles-ci. Pour le titulaire du marché, cette date d’achèvement des travaux, qui selon le CCAG-Travaux est celle retenue pour la réception (article 41.3), est une date qui revêt une importance certaine. En effet, dans l’hypothèse où la réalisation des travaux a pris du retard par rapport aux prévisions contractuelles, l’échéance retenue pour l’achèvement des travaux, et donc pour la réception, conditionne l’ampleur des pénalités de retard appliquées (fig. 17.2).
Fig. 17.2. La fixation de la date d’effet de la réception
En pratique, la date de réception pourra être celle de réalisation des OPR, qui figure sur le procès-verbal. Mais le maître d’œuvre pourra proposer une date antérieure aux OPR, par exemple s’il considère que la date d’achèvement proposée par le titulaire est adéquate. En cas de réception tacite (voir le point 17.3.4), c’est la date qui correspond au fait qui génère cette forme de réception qui sera prise en compte : expiration des différents délais prévus au CCAG pour fixer la date des OPR, prise de possession anticipée de l’ouvrage…
17.3.4 Réception tacite 17.3.4.1 Réception tacite sans opérations préalables La réception des travaux peut, dans certains cas, être acquise pour le titulaire sans OPR. En effet, lorsque cette procédure n’est pas mise en œuvre, ni par le maître d’œuvre, ni par le maître de l’ouvrage, le CCAG-Travaux prévoit expressément la réception tacite(558). Pour cela, deux conditions doivent être réunies : - en premier lieu, le maître d’œuvre doit ne pas avoir fixé la date des opérations préalables à la réception, dans le délai de 20 jours suivant la demande du titulaire ;
- en second lieu, il faut que le maître de l’ouvrage, lorsqu’il est saisi directement par le titulaire au moyen d’un courrier avec accusé de réception, en raison de la carence du maître d’œuvre, soit lui-même défaillant pour fixer une date pour les OPR dans les 30 jours. La décision tacite ainsi acquise par le titulaire est réputée sans réserve. Le maître de l’ouvrage a donc tout intérêt à ne pas se placer dans une telle situation (fig. 17.3).
Fig. 17.3. Réception tacite en l’absence des opérations préalables
17.3.4.2 Réception tacite après opérations préalables(559) Lorsque les OPR sont réalisées, le maître de l’ouvrage dispose d’un délai de 30 jours pour faire connaître au titulaire la décision qu’il prend à la suite des propositions du maître d’œuvre. Si la décision n’est pas notifiée dans ce délai, l’article 41.3 du CCAG-Travaux prévoit que les conclusions du procès-verbal s’imposent au maître de l’ouvrage et au titulaire. Il s’agit là
d’une forme de réception tacite, mais qui peut, selon le résultat des OPR et le contenu du procès-verbal, comporter des réserves. La réception tacite ne sera toutefois pas admise s’il s’avère que les OPR ont été affectées d’une irrégularité qui justifie que le maître de l’ouvrage ne prenne pas de décision, par exemple la signature du procès-verbal par une personne qui n’est pas habilitée à représenter le maître d’œuvre(560) (fig. 17.4).
Fig. 17.4. La réception tacite après les opérations préalables
17.3.4.3 Réception tacite et prise de possession de l’ouvrage D’une manière générale, la prise de possession de l’ouvrage n’entraîne pas automatiquement la survenance d’une décision tacite de réception.
L’intention des parties et notamment celle du maître de l’ouvrage est déterminante dans cette situation. Le juge administratif recherche et apprécie l’intention des parties de donner un tel effet à la prise de possession de l’ouvrage(561). Il peut par exemple constater qu’au regard des importants travaux de reprise des malfaçons connues par les parties, la prise de possession de l’ouvrage ne témoignait pas d’une volonté de réceptionner tacitement les travaux(562). Exemple Recherche de la commune intention des parties lors de la prise de possession de l’ouvrage : CE 16 mai 2012, Communauté d’agglomération Rouen-Elbeuf-Austreberthe, req. n° 345137 « Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les travaux ont fait l’objet de deux réceptions partielles successives, la première, fixée au 9 février 2001, concernant les lots n° 1 uniquement pour la plate-forme, n° 4 et n° 7, la seconde, fixée au 21 mai 2001, relative aux lots n° 1 (complet), n° 5, n° 6 et n° 9 ; qu’en retenant que l’ensemble des travaux pouvait être considéré comme achevé le 9 février 2001, au motif que, nonobstant une réception ultérieure d’autres lots, cette date correspondait à la prise de possession de l’ouvrage, sans rechercher s’il résultait de la commune intention des parties de fixer l’achèvement de l’ensemble des travaux à cette date, la cour a commis une erreur de droit ; »
17.4 Adaptation de la procédure de réception Comme indiqué ci-dessus, le CCAG-Travaux prévoit à l’article 41 un mécanisme de réception particulièrement adapté aux travaux réalisés d’un seul tenant. Pour les marchés comportant des délais d’exécution distincts, l’article 42 du même CCAG permet une réception particulière répondant à leur spécificité : la réception partielle. En revanche, il reste muet sur la façon de traiter la réception des marchés de travaux passés sous la forme d’accords-cadres à bons de commande dans lesquels les opérations sont nécessairement fractionnées. Une telle situation, qui n’est pas rare pour les travaux d’entretien ou les travaux de voirie, nécessite d’être traitée par l’ajout au CCAP, de clauses dérogatoires au CCAG.
Par ailleurs, des modes de réception de natures différentes sont prévus par le CCAG pour faire face à des situations issues de contextes particuliers (mise à disposition de l’ouvrage, prise de possession de l’ouvrage sans réception).
17.4.1 Réception partielle dans les marchés comportant des délais d’exécution distincts 17.4.1.1 Mise en œuvre de la réception partielle La réception partielle ne doit pas être utilisée avec légèreté, car elle peut considérablement complexifier la réception définitive de l’ensemble de l’ouvrage. Elle consiste à prononcer une décision de réception pour une partie seulement de l’ouvrage objet du marché(563). C’est pourquoi l’article 42 du CCAG-Travaux exige le respect de deux conditions : - que les documents particuliers précisent les conditions de la réception partielle ; - que cette dernière ne soit possible que si des délais d’exécution distincts sont prévus pour des tranches de travaux ou des parties d’ouvrage. En d’autres termes, elle doit être cohérente avec la réalisation des travaux et les modalités initialement prévues pour leur achèvement. On comprend aisément les difficultés techniques et juridiques qu’une réception partielle non envisagée dans le marché pourrait entraîner. Sauf ce cas précis, le maître de l’ouvrage ne peut pas procéder à une réception partielle avant la fin de l’ensemble des travaux qui ne serait pas précisée dans les documents particuliers du marché, sans risquer d’engager sa responsabilité contractuelle. Néanmoins, si les deux parties au marché trouvent un accord, une telle réception pourra avoir lieu en dehors des conditions prévues par le CCAGTravaux. La signature d’un avenant sur ce point sera, a minima, une sécurité juridique pour chacune des parties. 17.4.1.2 Effets de la réception partielle
La réception partielle ne produit pas les mêmes effets qu’une réception classique. Elle fait, certes, courir les différents délais de garantie, mais la retenue de garantie ne sera libérée qu’à l’expiration du délai qui concerne l’ensemble des travaux, c’est-à-dire le délai de garantie de parfait achèvement (GPA) de la dernière réception partielle (fig. 17.5).
Fig. 17.5. La réception partielle et les délais de garantie
Le décompte décalé des délais de garantie peut parfois présenter des inconvénients. C’est le cas par exemple lorsque des canalisations sont couvertes par la garantie pour une partie de l’ouvrage, alors que sur une autre partie déjà réceptionnée la garantie a déjà expiré. Il est toujours possible d’ajuster les délais de garanties dans les documents particuliers, par dérogation à l’article 42.3 du CCAG-Travaux, afin de les faire courir à compter de la dernière réception partielle et ainsi de n’avoir qu’une seule et unique date d’expiration de la garantie pour certains éléments de l’ouvrage ou pour l’ensemble de celui-ci. De même, le CCAG-Travaux n’envisageant qu’un seul décompte général et définitif, la réception partielle ne donne pas lieu à l’établissement d’un décompte. Ce n’est qu’à la date de réception des derniers ouvrages ou travaux que la procédure d’établissement du décompte général et définitif peut commencer (voir chapitre 19).
17.4.2 Réception dans les accords-cadres à bons de commande
Il n’est pas rare que les acheteurs soient amenés à passer des marchés de travaux sous la forme d’accords-cadres à bons de commande, par exemple pour satisfaire des besoins d’entretien courant de leurs bâtiments. 17.4.2.1 Conséquences d’une exécution fractionnée Ces contrats conclus pour une durée de plusieurs années englobent de multiples petites opérations qui donnent lieu à une exécution fractionnée, au gré des besoins d’entretien ou de réparation. En pratique, le juge a considéré que chaque bon de commande donne lieu à des prestations propres qui font l’objet d’une réception définitive, donnant lieu à un règlement définitif dès leur réalisation. Jurisprudence Chaque bon de commande donne lieu à une réception et un règlement définitif, sauf stipulation différente : CE 3 octobre 2012, Société EIFFAGE travaux publics Méditerranée, req. n° 348476 « Considérant, en deuxième lieu, que chaque commande d’un marché de travaux à bons de commande donne lieu à des prestations propres pouvant faire l’objet d’une réception et d’un règlement dès leur réalisation ; que, par suite, sauf à ce que le contrat renvoie le règlement définitif de l’ensemble des commandes au terme du marché, chaque commande de travaux peut donner lieu à un règlement définitif qui ne saurait donc être regardé comme un règlement partiel définitif interdit par le deuxième alinéa de l’article 92 du Code des marchés publics aux termes duquel : “Les marchés de travaux ne donnent pas lieu à des règlements partiels définitifs” ; qu’ainsi l’article 3-3.6.3 précité du cahier des clauses particulières du marché pouvait, sans contrevenir à cette disposition, prévoir, dans le cadre d’un marché de travaux à bons de commande, que soit considéré comme définitif le paiement de l’ensemble d’une commande ; ».
17.4.2.2 Mise en œuvre de la procédure de réception par dérogation au CCAG-Travaux Le CCAG-Travaux ne prévoit pas de conditions d’exécution vraiment adaptées aux accords-cadres à bons de commande. Les documents particuliers doivent donc pallier cette omission. Les dérogations suivantes sont proposées dans l’hypothèse de multiples travaux d’entretien courants sans maîtrise d’œuvre externe (tab. 17.2).
Tab. 17.2. Procédure de réception dérogatoire en cas de multiples travaux d’entretien courants sans maîtrise d’œuvre Articles du CCAGContenu Travaux 41.1 Le titulaire avise, à la fois, le maître de l’ouvrage et le maître d’œuvre, par écrit, de la date à laquelle il estime que les travaux ont été achevés ou le seront. Le maître d’œuvre procède, le titulaire ayant été convoqué, aux opérations préalables à la réception des ouvrages dans un délai qui est de vingt jours à compter de la date de réception de l’avis mentionné ci-dessus ou de la date indiquée dans cet avis pour l’achèvement des travaux, si cette dernière date est postérieure. 41.1.1 Le représentant du pouvoir adjudicateur, avisé par le maître d’œuvre de la date de ces opérations, peut y assister ou s’y faire représenter. Le procès-verbal prévu à l’article 41.2 mentionne soit la présence du représentant du pouvoir adjudicateur, soit, en son absence, le fait que le maître d’œuvre l’avait avisé. En cas d’absence du titulaire à ces opérations, il en est fait mention au procès-verbal qui lui est notifié. 41.1.2 Dans le cas où le maître d’œuvre n’a pas arrêté la date de ces opérations dans le délai fixé, le titulaire en informe le représentant du pouvoir adjudicateur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Celui-ci fixe la date des opérations préalables à la réception, au plus tard, dans les trente jours qui suivent la réception de la lettre adressée par le titulaire, et la notifie au titulaire et au maître d’œuvre ; il les informe également qu’il sera présent ou représenté à la date des constatations et assisté, s’il le juge utile, d’un expert, afin que puissent être mises en application les dispositions particulières suivantes : - si le maître d’œuvre dûment convoqué n’est pas présent ou représenté à la date fixée, cette absence est constatée et les opérations préalables à la réception sont effectuées par le représentant du pouvoir adjudicateur et son assistant éventuel ; - il en est de même si le maître d’œuvre présent ou représenté refuse de procéder à ces opérations. 41.1.3
À défaut de la fixation de cette date par le représentant du pouvoir adjudicateur, la réception
Dérogations ou ajouts à prévoir dans le CCAP Le titulaire avise, l’acheteur et le maître d’œuvre le cas échéant, par écrit, de la date à laquelle il estime que les travaux seront achevés. Le titulaire est convoqué par écrit par l’acheteur à la visite de réception des travaux dans un délai de 15 jours à compter de la date de l’avis.
Dans le cas où le pouvoir adjudicateur n’a pas arrêté la date de la réception dans le délai fixé, la réception est réputée acquise.
41.2
41.3
des travaux est réputée acquise à l’expiration du délai de trente jours susmentionné. Les opérations préalables à la décision de réception La visite de réception des travaux comportent, en tant que de besoin : comporte, en tant que de besoin : - la reconnaissance des ouvrages exécutés ; - la reconnaissance des ouvrages exécutés ; - les épreuves éventuellement prévues par le marché ; - les épreuves éventuellement prévues par le marché ; - la constatation éventuelle de l’inexécution des prestations prévues au marché ; - la constatation éventuelle de l’inexécution des prestations - la vérification de la conformité des conditions prévues au marché ; de pose des équipements aux spécifications des fournisseurs conditionnant leur garantie ; - la vérification de la conformité des conditions de pose des - la constatation éventuelle d’imperfections ou équipements aux spécifications malfaçons ; des fournisseurs conditionnant - la constatation du repliement des installations leur garantie ; de chantier et de la remise en état des terrains et - la constatation éventuelle des lieux ; d’imperfections ou malfaçons ; - les constatations relatives à l’achèvement des - la constatation du repliement travaux. des installations de chantier et de la remise en état des terrains Ces opérations font l’objet d’un procès-verbal et des lieux ; dressé sur-le-champ par le maître d’œuvre et signé - les constatations relatives à par lui et par le titulaire. Si le titulaire refuse de l’achèvement des travaux. signer le procès-verbal, il en est fait mention. Un exemplaire est remis au titulaire. La visite de réception fait l’objet Dans le délai de cinq jours suivants, la date du procès-verbal, le maître d’œuvre fait connaître au d’un procès-verbal dressé sur le champ par l’acheteur et signé par titulaire s’il a ou non proposé au représentant du pouvoir adjudicateur de prononcer la réception des lui et par le titulaire. ouvrages et, dans l’affirmative, la date En cas d’absence du titulaire ou de d’achèvement des travaux qu’il a proposé de son refus de signer le procès-verbal retenir, ainsi que les réserves dont il a de visite de réception, il en est fait éventuellement proposé d’assortir la réception. mention. Dans le cas où le maître d’œuvre ne respecte pas le délai de cinq jours mentionné à l’alinéa précédent, le titulaire peut transmettre un exemplaire du procès-verbal au représentant du pouvoir adjudicateur, afin de lui permettre de prononcer la réception des travaux, le cas échéant. En cas d’application de l’article 41.1.2, le procèsverbal est établi et signé par le représentant du pouvoir adjudicateur qui le notifie au maître d’œuvre. Un exemplaire est remis au titulaire. Au vu du procès-verbal des opérations préalables à Suite à la visite de réception, la réception et des propositions du maître d’œuvre, l’acheteur décide si la réception est le maître de l’ouvrage décide si la réception est ou ou non prononcée ou si elle est non prononcée ou si elle est prononcée avec prononcée avec réserves. La réserves. S’il prononce la réception, il fixe la date réception prend effet à cette date, qu’il retient pour l’achèvement des travaux. La sauf application des articles 41.4 à
41.4
41.5
41.6
décision ainsi prise est notifiée au titulaire dans les trente jours suivant la date du procès-verbal. La réception prend effet à la date fixée pour l’achèvement des travaux. Sauf le cas prévu à l’article 41.1.3, à défaut de décision du maître de l’ouvrage notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d’œuvre s’imposent au maître de l’ouvrage et au titulaire. Dans le cas où certaines épreuves doivent, conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché, être exécutées après une durée déterminée de service des ouvrages ou certaines périodes de l’année, la réception ne peut être prononcée que sous réserve de l’exécution concluante de ces épreuves. Si de telles épreuves, exécutées pendant le délai de garantie défini à l’article 44.1, ne sont pas concluantes, la réception est rapportée. S’il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à un règlement n’ont pas été exécutées, le maître de l’ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s’engage à exécuter ces prestations dans un délai qui n’excède pas trois mois. La constatation de l’exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal des opérations préalables à la réception prévu à l’article 41.2.
41.6. S’il prononce la réception, il fixe la date qu’il retient pour l’achèvement des travaux. La décision prise est notifiée au titulaire sous cinq jours ouvrés.
Application en l’état de l’article 41.4 du CCAG-Travaux
S’il apparaît que certaines prestations prévues par les documents particuliers du marché et devant encore donner lieu à un règlement n’ont pas été exécutées, le maître de l’ouvrage peut décider de prononcer la réception, sous réserve que le titulaire s’engage à exécuter ces prestations dans un délai fixé en accord avec le titulaire. La constatation de l’exécution de ces prestations doit donner lieu à un procès-verbal dressé dans les mêmes conditions que le procès-verbal de visite préréception. Durant ce délai supplémentaire d’exécution des travaux, les pénalités de retard sont appliquées. Lorsque la réception est assortie de réserves, le Lorsque la réception est assortie de titulaire doit remédier aux imperfections et réserves, le titulaire doit remédier malfaçons correspondantes dans le délai fixé par le aux imperfections et malfaçons représentant du pouvoir adjudicateur ou, en correspondantes dans le délai fixé l’absence d’un tel délai, trois mois avant par le représentant de l’acheteur. l’expiration du délai de garantie défini à Durant ce délai supplémentaire de l’article 44.1. levée de réserves, les pénalités de Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le retard sont appliquées. délai prescrit, le maître de l’ouvrage peut les faire Au cas où ces travaux ne seraient exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise pas faits dans le délai prescrit, le en demeure demeurée infructueuse. maître de l’ouvrage peut les faire
41.7
41.8
exécuter aux frais et risques du titulaire, après mise en demeure demeurée infructueuse. Si certains ouvrages ou certaines parties d’ouvrages Si certains ouvrages ou certaines ne sont pas entièrement conformes aux parties d’ouvrages ne sont pas spécifications du marché, sans que les entièrement conformes aux imperfections constatées soient de nature à porter spécifications du marché, sans que atteinte à la sécurité, au comportement ou à les imperfections constatées soient l’utilisation des ouvrages, le maître de l’ouvrage de nature à porter atteinte à la peut, eu égard à la faible importance des sécurité, au comportement ou à imperfections et aux difficultés que présenterait la l’utilisation des ouvrages, le maître mise en conformité, renoncer à ordonner la de l’ouvrage peut, eu égard à la réfection des ouvrages estimés défectueux et faible importance des imperfections proposer au titulaire une réfaction sur les prix. et aux difficultés que présenterait la Si le titulaire accepte la réfaction, les imperfections mise en conformité, renoncer à qui l’ont motivée se trouvent couvertes de ce fait et ordonner la réfection des ouvrages estimés défectueux et proposer au la réception est prononcée sans réserve. Dans le cas contraire, le titulaire demeure tenu de titulaire une réfaction sur les prix. Si le titulaire accepte la réfaction, réparer ces imperfections, la réception étant les imperfections qui l’ont motivée prononcée sous réserve de leur réparation. se trouvent couvertes de ce fait et la réception est prononcée sans réserve. Dans le cas contraire, le titulaire demeure tenu de réparer ces imperfections, la réception étant prononcée sous réserve de leur réparation. Dans ce cas, les pénalités de retard sont appliquées sur le délai supplémentaire de levée de réserves. Toute prise de possession des ouvrages par le Application en l’état de maître de l’ouvrage doit être précédée de leur l’article 41.8 du CCAG-Travaux réception. Toutefois, s’il y a urgence, la prise de possession peut intervenir antérieurement à la réception, sous réserve de l’établissement préalable d’un état des lieux contradictoire. Le délai de garantie propre aux travaux de chaque bon de commande court à compter de la date d’effet de la réception dudit bon de commande
Le formulaire lié à la procédure de réception devra également être adapté (fig. 17.6 et 17.7).
Fig. 17.6. Décision de réception des travaux (accord-cadre à bons de commande) 1/2
Fig. 17.7. Décision de réception des travaux (accord-cadre à bons de commande) 2/2
17.4.3 Mise à disposition de l’ouvrage ou de certaines parties d’ouvrage La mise à disposition de l’ouvrage ou de certaines de ses parties n’est pas une prise de possession de l’ouvrage. Elle ne doit donc pas donner lieu à une réception. Elle a simplement pour objet de permettre l’exécution de travaux par d’autres corps d’état(564). Dans un tel cas, le titulaire du marché n’est plus responsable de la garde des ouvrages durant la période de mise à disposition. Un état des lieux contradictoire de début et de fin de mise à disposition permettra de délimiter l’étendue de la responsabilité de chaque partie en cas d’imperfections ou de malfaçons à la fin des travaux. Le titulaire du marché n’a pas à supporter les conséquences de dégradations résultant de l’intervention d’autres entrepreneurs. D’ailleurs, le CCAG-Travaux prévoit le droit pour le titulaire du marché de suivre les travaux réalisés pendant la mise à disposition de l’ouvrage. Il peut émettre des réserves sur les modalités de réalisation de ces travaux et sur leurs conséquences pour l’ouvrage.
17.4.4 Reprise de l’usage de l’ouvrage par le maître de l’ouvrage sans réception La réception est en principe obligatoire avant toute prise de possession de l’ouvrage(565). Suivant un déroulement contractuel normal, le titulaire achève les travaux et la réception est prononcée par le maître de l’ouvrage qui prend ensuite possession de l’ouvrage. Mais cette prise de possession peut être nécessaire de manière anticipée, alors même que les travaux ne sont pas complètement achevés. En effet, en cas d’urgence pour le maître de l’ouvrage, il est possible de reprendre possession de l’ouvrage sans pour autant en prononcer la réception, sous réserve de l’établissement préalable d’un état des lieux
contradictoire(566). Cela permettra, lors des OPR ultérieurs, de distinguer les désordres qui relèvent de la prise de possession, des malfaçons ou désordres qui relèvent de la réalisation des travaux. L’état des lieux suivis d’une prise de possession de l’ouvrage ne peut être considéré comme une réception sans réserve(567).
17.5 Réception judiciaire de l’ouvrage L’hypothèse d’une réception décidée par le juge est prévue par l’article 1792-6 alinéa 1 du Code civil. Elle peut intervenir, par défaut, si les parties n’ont pas trouvé de terrain d’entente. Les conditions de réception tacite prévues par le CCAG-Travaux laissent penser que cette hypothèse est de l’ordre de l’exceptionnel(568). Elle n’en demeure pas moins possible comme en témoignent plusieurs affaires contentieuses dans lesquelles le maître de l’ouvrage refuse expressément et de manière prolongée de prononcer la réception, même avec réserves. Pour le titulaire, l’absence de décision de réception est préjudiciable compte tenu des effets qui sont liés à cette décision (délai de garantie, libération de la retenue de garantie…). Le titulaire peut ainsi demander au juge de prononcer la réception et d’en fixer la date de prise d’effet(569). Dans ce cadre, le juge peut être amené à contrôler les motifs qui conduisent le maître de l’ouvrage à refuser de prononcer la réception. Lorsque ce refus est fondé sur des malfaçons considérées comme mineures, et pouvant faire l’objet de réserves, le juge considère que le refus de réceptionner est abusif et prononce à la demande du titulaire la réception des travaux. Lorsque les motifs avancés par le maître d’ouvrage pour refuser la réception sont fondés sur des malfaçons importantes ou le constat que les travaux ne sont en réalité pas achevés, le juge refuse de prononcer la réception des travaux(570). Le maître de l’ouvrage se verra ainsi imposer la réception et la date choisie par le juge, mais conservera ses droits à obtenir du titulaire la réparation des malfaçons relevées à la date de réception déterminée par le juge(571).
Exemple Refus irrégulier de réceptionner l’ouvrage : CAA Nancy, 17 novembre 2011, SIVOM de l’agglomération mulhousienne, req. n° 10NC01381 « Considérant que si le maître de l’ouvrage relève l’essentiel des réserves émises par le maître d’œuvre et qui n’avaient toujours pas été levées lors du procès-verbal des opérations préalables à la réception actualisé au 30 septembre 2002, ces défectuosités portent sur des points mineurs et qui, en tout état de cause, peuvent précisément donner lieu à des réserves, mais ne revêtent pas un caractère de gravité telle qu’elles justifiaient le refus de réception de l’usine ; Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le Sivom de l’agglomération mulhousienne n’est pas fondé à se plaindre que le Tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la réception de l’usine avec effet au 26 février 2002, date de fin de la période d’observation en marche industrielle ; que la réception prononcée par le juge administratif l’est toutefois sans préjudice du droit du maître de l’ouvrage de se prévaloir des réserves qu’il a formulées concernant la réparation des malfaçons affectant encore les ouvrages à la date de ladite réception ; ».
(535) CAA Douai, 10 janvier 2008, Département de la Seine-Maritime, req. n° 05DA01537. (536) CE 14 mai 2008, Société Cofathec, req. n° 276664. (537) CE 8 janvier 2020, Communauté d’agglomération du Grand Angoulême, req. n° 434430. (538) CE 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, req. n° 264490. (539) CE 15 juillet 2004, Syndicat intercommunal d’alimentation en eau des communes de la Seyne et de la région de Toulon, req. n° 235053. (540) CE 2 décembre 2019, Sociétés Guervilly, Puig Pujol architecture et Bâti Structure Ouest, req. n° 423544. (541) CAA Bordeaux, 26 juillet 2012, ASA de l’Aulouze, req. n° 11BX00256. (542) CE 12 mai 2006, Département de l’Oise, req. n° 254903 ; CAA Bordeaux, 15 novembre 2018, req. n° 16BX02747. (543) CE 28 février 1986, Entreprise Blondet, req. n° 4038.
(544) CE 16 janvier 2012, Commune du Château d’Oléron, req. n° 352122. (545) CE 17 mars 2004, Commune de Beaulieu sur Loire, req. n° 247367. (546) CE 26 janvier 2007, Société MAS, req. n° 264306. (547) Article 44.2 du CCAG-Travaux ; voir chapitre 20. (548) CE 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, req. n° 264490 ; CE 2 décembre 2019, Sociétés Guervilly, Puig Pujol Architecture et Bâti Structure Ouest, req. n° 423544 ; CE 8 janvier 2020, Communauté d’agglomération du Grand Angoulême, req. n° 434430. (549) Article 41.1.2 du CCAG-Travaux. (550) Articles 41.2 et 41.3 du CCAG-Travaux. (551) Article 41.4 du CCAG-Travaux. (552) Article 41.5 du CCAG-Travaux. (553) Article 41.6 du CCAG-Travaux ; CAA Bordeaux, 26 juillet 2012, ASA de l’Aulouze, req. n° 11BX00256. (554) CAA Lyon, 7 juillet 1998 Société SACER, req. n° 93LY20594. (555) Article 41.7 du CCAG-Travaux. (556) CE 1er octobre, req. n° 93738 ; CAA Nantes, 10 janvier 1990, req. n° 89NT00154. (557) CAA Bordeaux, 20 octobre 2011, Société Eiffage Construction centre, req. n° 09BX02971. (558) Article 41.1.3 du CCAG-Travaux. (559) Article 41.3 du CCAG-Travaux.
(560) CAA Bordeaux, 20 octobre 2011, Société Eiffage Construction centre, req. n° 09BX02971. (561) CE 16 mai 2012, Communauté d’agglomération Rouen-ElbeufAustreberthe, req. n° 345137. (562) CE 11 février 1991, Département des Ardennes, req. n° 82896. (563) Article 42 du CCAG-Travaux. (564) Article 43 du CCAG-Travaux. (565) Article 41.8 du CCAG-Travaux. (566) Article 41.8, alinéa 2 du CCAG-Travaux. (567) CE 3 novembre 1978, OPHLM des Alpes Maritimes, req. n° 02260. (568) D. Chabanol, J-P. Jouguelet, F. Bourrachot, « Le régime juridique des marchés publics », point 1529. (569) CE 17 octobre 1986, Cne de Mareuil-sur-Arnon, req. n° 35341. (570) CAA Paris, 19 octobre 2021, Société GEMCO, req. n° 19PA02362. (571) CAA Nancy, 17 novembre 2011, SIVOM de l’agglomération mulhousienne, req. n° 10NC01381 ; CAA Nantes, 28 juillet 2015, Communauté de communes de Granville Terre et Mer, req. n° 14NT02871.
Chapitre 18
Admission dans les marchés de fournitures, services, prestations intellectuelles et maîtrise d’œuvre
Les différents CCAG définissent cette étape de l’exécution du marché de la même façon. L’objectif est, pour l’acheteur, de s’assurer, par une procédure de vérification, que les fournitures ou services livrés ou exécutés répondent exactement aux stipulations du marché ainsi qu’aux éventuels ordres de service et bons de commande qui ont pu en définir les caractéristiques. La procédure de vérification se décompose en trois phases : les actions préalables aux vérifications, les vérifications, la décision de l’acheteur.
18.1 Actions préalables aux vérifications
Les CCAG-FCS, PI, MI, MOE et TIC organisent un échange formalisé entre titulaire et acheteur afin que les opérations de vérification soient, en principe, contradictoires(572). Le titulaire doit informer l’acheteur de la date à laquelle les prestations pourront être présentées. Cette clause est peu adaptée à nombre de marchés dans lesquels des délais précis de livraison/exécution ont été fixés, ce qui ne nécessite pas d’information particulière de la part du titulaire, sauf à ce qu’il soit amené à retarder la remise de la prestation attendue. Cette mesure ne semble vraiment utile que dans les cas où aucune date précise de remise n’a été fixée préalablement ou encore lorsque les prestations ou fournitures doivent être livrées chez le titulaire ou dans un lieu de son choix. Dans ce cas, la date de l’avis de vérification ou la date qui y est mentionnée, si celle-ci est postérieure, est le point de départ des délais impartis pour la vérification. Les CCAG-FCS, PI, MI, MOE et TIC prévoient que l’« acheteur avise le titulaire des jours et heures fixés pour les vérifications, afin de lui permettre d’y assister ou de se faire représenter(573) ». Seuls les CCAG-PI et MOE précisent que cette information doit être faite au plus tard 8 jours avant le déroulement des opérations de vérification. Le titulaire étant informé, sa présence n’est pas impérative pour la validité des opérations de vérification. Dans de nombreux marchés, le titulaire ne se déplace pas afin de constater le contenu des livraisons réalisées. Bien souvent également, les acheteurs ne prennent pas soin de convoquer un titulaire dont ils savent qu’il ne se présentera pas. Il est donc conseillé de prévoir au marché une clause permettant d’ignorer cette obligation dont le respect est par ailleurs difficile à assurer en pratique. Le non-respect du contradictoire prévu dans un CCAG est susceptible d’entraîner des difficultés dans un contentieux lié à l’admission des prestations. Le CCAG-TIC, qui inclut une phase intermédiaire d’installation et de mise en ordre de marche avant vérification, ajoute que : par le biais du procèsverbal de mise en ordre de marche (voir ci-dessous la procédure de vérification du CCAG-TIC), le titulaire informe l’acheteur s’il sera présent ou non aux opérations de vérification. L’intérêt d’une telle information pose
question dans la mesure où il est prévu que la vérification se déroule avec ou sans le titulaire lorsque celui-ci a valablement été informé de la date à laquelle elle se tiendrait. De plus, au moment de la notification du procèsverbal de mise en ordre de marche, le titulaire n’a pas forcément déjà connaissance de la date du déroulement de la vérification, il peut difficilement dans ce cas se prononcer sur son éventuelle absence.
18.2
Vérifications
18.2.1 Dans le CCAG-FCS 18.2.1.1 Procédure de vérification simple Cette procédure est destinée aux commandes qui en raison de la nature du marché peuvent donner lieu à des opérations de contrôle aisées ou immédiates(574). Dans le cas de livraison de fournitures rapidement altérables (produits frais par exemple), cette procédure de décision immédiate est une obligation. En l’absence d’une telle décision, les fournitures livrées sont réputées admises sans réserve. Les vérifications qualitatives et quantitatives simples sont réalisées immédiatement à la livraison. Lorsque seules ces vérifications sont nécessaires, la décision relative à l’admission des prestations peut être notifiée sur le champ au titulaire. 18.2.1.2 Procédure de vérification approfondie L’acheteur doit notifier sa décision à la suite des vérifications dans un délai de 15 jours. En l’absence de décision formalisée au terme de ce délai, l’admission est acquise pour le titulaire.(575) Le point de départ du délai de vérification est la date de livraison ou de mise en service des fournitures ou, lorsque les vérifications se déroulent chez le titulaire ou dans tout lieu
désigné par lui, à la date à laquelle il a signalé à l’acheteur que les fournitures étaient prêtes à être vérifiées(576). Les vérifications débutent par le contrôle des quantités livrées. Dans le cas où les volumes ne correspondent pas à ceux commandés, l’acheteur a la possibilité : - soit d’accepter la livraison en l’état sous condition de réfaction ; - soit de mettre en demeure le titulaire de reprendre l’excédent fourni ou, au contraire de compléter la livraison dans un délai imposé par l’acheteur. Important La vérification quantitative est-elle réservée aux marchés de fournitures ? Au stade de l’examen quantitatif de la commande, le CCAG-FCS évoque la possible nonconformité de prestations de service. Cette étape peut paraître en principe réservée aux livraisons de fournitures, le contrôle des achats immatériels étant naturellement qualitatif. Cependant, de nombreux marchés que l’on peut qualifier de prestations de service associent des fournitures (traiteurs, location courte durée…). Ils seront donc effectivement directement concernés par cette étape. De plus, on peut ajouter à cela le cas des marchés de prestations comportant des obligations de moyens quantifiables (par exemple, des prestations de nettoyage avec obligation de moyen). Là encore la vérification quantitative relève du strict contrôle du respect des termes contractuels.
Le CCAG-FCS précise que le déroulement des opérations de vérification n’est pas bloqué par les éventuels ajustements de quantités demandés par l’acheteur(577). L’acheteur peut par conséquent procéder aux vérifications qualitatives sur les prestations déjà livrées, mais devra au final procéder à des opérations de vérification supplémentaires dans le cas de livraisons complémentaires attendues. En conséquence, la décision faisant suite aux opérations de vérifications risque d’être retardée par des vérifications réalisées en plusieurs vagues. L’acheteur s’expose alors à ce que les prestations soient réputées admises s’il n’a pas prononcé de décision dans les délais prescrits, et ce quelle que soit l’état réel des prestations livrées. Le CCAG ne précise pas, dans un tel cas, si le délai dévolu aux vérifications court à compter de la première livraison ou de la livraison complémentaire. Il ne prévoit pas non plus de report des délais de rendu de décision. Il est par conséquent conseillé de prévoir ce cas de figure au sein des pièces particulières du marché : « par dérogation à l’alinéa 2 de l’article 28.2 du CCAG-FCS, lorsque l’acheteur met en
demeure le titulaire de compléter la livraison, le délai de quinze jours prévu pour la vérification de l’ensemble de la partie commandée démarre à compter de la date de livraison des compléments par le titulaire ». Les vérifications qualitatives ne sont pas détaillées par le CCAG-FCS, leur contenu relevant logiquement des caractéristiques techniques propres à chaque marché. L’article 27.1 renvoie ainsi directement aux documents particuliers du marché ou, à défaut, aux usages de la profession pour ce qui concerne les conditions de réalisation des opérations de vérification (fig. 18.1).
Fig. 18.1. Procédure de vérification « approfondie » prévue par le CCAG-FCS
18.2.2 Dans le CCAG-PI Le délai global de vérification est de 2 mois. Dans ce délai, l’acheteur doit notifier une décision d’admission, d’ajournement, d’admission avec réfaction ou de rejet. Le point de départ du délai des opérations de vérification est selon les cas(578) : - à la date de livraison ou de remise par le titulaire des prestations, lorsque les vérifications sont effectuées dans les locaux de l’acheteur ; - à la date à laquelle le titulaire a signalé à l’acheteur que les prestations étaient prêtes à être vérifiées, lorsque les vérifications se déroulent chez le titulaire ou dans tout lieu désigné par lui. Le CCAG-PI ne détaille pas le déroulement des opérations de vérification, seuls les objectifs de ces opérations sont posés à savoir contrôler notamment que le titulaire : - a mis en œuvre les moyens définis dans le marché, conformément aux prescriptions qui y sont fixées ; - a réalisé les prestations définies dans le marché comme étant à sa charge, conformément aux stipulations contractuelles. L’acheteur peut, à cette occasion, prélever les matières et objets nécessaires aux essais sur les livraisons réalisées au titre du marché (fig. 18.2).
Fig. 18.2. Procédure de vérification prévue par le CCAG-PI
18.2.3 Dans le CCAG-MOE Le délai global de vérification propre à chaque élément de mission de maîtrise d’œuvre est fixé au sein du marché. À défaut, le CCAG-MOE indique que le délai est de 2 mois. Dans ce délai, l’acheteur doit notifier une décision d’admission en l’état, d’admission avec observations, d’ajournement, de réfaction ou de rejet. Le point de départ des opérations de vérification est fixé selon les cas(579) : - à la date de livraison ou de remise par le titulaire des prestations, lorsque les vérifications sont effectuées dans les locaux de l’acheteur ; - à la date à laquelle le titulaire a signalé à l’acheteur que les prestations étaient prêtes à être vérifiées, lorsque les vérifications se déroulent chez le titulaire ou dans tout lieu désigné par lui.
Le CCAG-MOE ne détaille pas le déroulement des opérations de vérification, seuls les objectifs de ces opérations sont posés à savoir contrôler notamment que le titulaire : - a mis en œuvre les moyens définis dans le marché, conformément aux prescriptions qui y sont fixées ; - a réalisé les prestations définies dans le marché comme étant à sa charge, conformément aux dispositions contractuelles.
Fig. 18.3. Procédure de vérification prévue par le CCAG-MOE
18.2.4 Dans le CCAG-MI Les dates de démarrage ainsi que les délais des opérations de vérification diffèrent, selon les cas(580).
Pour les opérations de vérification se déroulant en usine, la vérification débute à compter de la date de réception de l’avis de présentation transmis à l’acheteur ou de la date y figurant si celle-ci est postérieure à la date de réception. L’acheteur dispose alors de 7 jours pour commencer les vérifications et de 30 jours pour notifier sa décision. Pour les opérations de vérification se déroulant sur le lieu de livraison prévu au marché, l’acheteur dispose de 7 jours à compter de l’arrivée de la prestation sur le lieu de livraison pour notifier sa décision et de 30 jours à compter de cette même date lorsque des épreuves techniques sont imposées dans le cadre de la vérification. Les opérations de vérification s’achèvent par l’établissement d’un procèsverbal mentionnant le cas échéant les réserves du titulaire. Le CCAG-MI ne détaille pas le déroulement des opérations de vérification, seuls les objectifs de ces opérations sont posés. Ils consistent à contrôler notamment que le titulaire : - a mis en œuvre les moyens définis dans le marché, conformément aux prescriptions qui y sont fixées ; - a réalisé les prestations définies dans le marché comme étant à sa charge, conformément aux dispositions contractuelles. L’acheteur peut, à cette occasion, prélever les matières et objets nécessaires aux essais sur les livraisons réalisées au titre du marché (fig. 18.4).
Fig. 18.4. Procédure de vérification prévue par le CCAG-MI
18.2.5 Dans le CCAG-TIC Les opérations de vérification démarrent, selon les cas : - à compter de la notification du PV d’installation et de mise en ordre de marche, lorsque les vérifications se déroulent dans les locaux de l’acheteur ; - lorsque les vérifications se déroulent dans les locaux du titulaire, à compter de la date de la notification par laquelle le titulaire informe l’acheteur que les prestations sont prêtes à être vérifiées. La procédure de vérification prévue par le CCAG-TIC est décomposée en une vérification quantitative et une vérification qualitative elle-même composée d’une vérification d’aptitude (VA) et d’une vérification de service régulier (VSR). 18.2.5.1 Vérifications quantitatives
Les vérifications quantitatives consistent en un contrôle de la conformité des quantités livrées ou exécutées par rapport aux quantités commandées par l’acheteur(581). Dans le cas où les volumes ne correspondent pas à ceux commandés, l’acheteur a la possibilité : - soit d’accepter la livraison en l’état sous condition de réfaction ; - soit de mettre en demeure le titulaire de reprendre l’excédent fourni ou, au contraire de compléter la livraison dans le délai qu’il impose. Le CCAG précise que le déroulement des opérations de vérification n’est pas bloqué par les éventuels ajustements de quantités demandées par l’acheteur. L’acheteur peut par conséquent procéder aux vérifications qualitatives sur les prestations déjà livrées, mais devra au final procéder à des opérations de vérification supplémentaires dans le cas de livraisons complémentaires attendues. Le CCAG ne précise pas, dans un tel cas, si le délai dévolu aux vérifications court à compter de la première livraison ou de la livraison complémentaire ni ne prévoit de report des délais de notification de décision. Il est par conséquent conseillé de prévoir ce cas de figure au sein des pièces particulières du marché : « par dérogation à l’alinéa 1er de l’article 27.2.1 du CCAG-TIC, lorsque l’acheteur met en demeure le titulaire de compléter la livraison, le délai de trente jours prévu pour la vérification de l’ensemble de la partie commandée démarre à compter de la date de livraison des compléments par le titulaire ». 18.2.5.2 Vérification qualitative La vérification qualitative se décompose en deux étapes(582). La première étape, la vérification d’aptitude (VA), « a pour objet de constater que les prestations, livrées ou exécutées, présentent les caractéristiques techniques qui les rendent aptes à remplir les fonctions précisées dans les documents particuliers du marché ». Si le marché l’a prévu, l’acheteur peut opérer des prélèvements sur les fournitures livrées afin de leur faire subir les essais qui permettront de s’assurer, outre du bon fonctionnement de la prestation, de leur conformité à celle présentée au stade de la consultation. Ce passage au banc d’essais des produits livrés est essentiel pour s’assurer que leur
performance est équivalente à celle qui a pu participer à retenir l’offre du titulaire lors de la mise en concurrence. L’exécution d’un programme permettant de tester la prestation peut également être prévue au marché si la prestation s’y prête. Suivant la rédaction du CCAG-TIC, rien ne s’oppose à ce que la VA se déroule en même temps que les vérifications quantitatives dès après la mise en ordre de marche. Cependant, selon la complexité des prestations à contrôler, il est recommandé de distinguer chronologiquement les différentes étapes de vérification telles que présentées dans le schéma récapitulatif ciaprès. L’acheteur dispose de trente jours à compter de la date de démarrage des opérations de vérification mentionnées plus haut pour décider des suites à donner à cette première étape. Il peut alors prendre une décision d’ajournement, de rejet ou d’admission telle que décrite au point 10.3 cidessous. La décision d’aptitude des prestations permet de déclencher l’étape suivante, la vérification de Service régulier (VSR). Important La vérification de la conformité des prestations au RGPD Dans sa dernière version, le CCAG-TIC précise que l’étape de vérification qualitative doit également donner lieu à un contrôle de conformité des prestations livrées à la politique de sécurité de l’acheteur. Cette précision revêt une importance toute particulière à la lumière de la réglementation en vigueur en ce qui concerne la protection des données.(583). Important Quid de l’absence de décision à l’issue de la période de vérification d’aptitude ? Le CCAG-TIC ne prévoit pas expressément le cas de la décision tacite. Pourtant le délai imparti pour notifier la décision peut très bien être dépassé. On peut cependant considérer que les nonconformités non relevées au stade de la VA se reporteront au stade de la VSR et pourront être rejetées ou ajournées à cette étape.
La vérification de service régulier doit permettre de constater la stabilité dans le temps des prestations fournies. Ainsi, sur une période de trente jours
à compter de la décision d’aptitude des prestations, celles-ci vont être observées dans des conditions normales d’exploitation. Le service est réputé régulier lorsque « l’indisponibilité imputable à chaque élément de matériel ne dépasse pas 2 % de la durée d’utilisation effective qui s’étend de 8 heures à 18 heures, du lundi au vendredi, jours fériés exclus ». Si l’effort du CCAG-TIC de chiffrer la régularité du service est louable, force est de constater que les critères de stabilité d’une solution sont extrêmement variables selon la prestation acquise et ne peuvent notamment pas se limiter à mesurer son indisponibilité. Par conséquent, l’acheteur procédera avec sagesse en définissant dans les pièces particulières du marché les critères de régularité ainsi que les indicateurs qu’il prendra en compte pour se prononcer à l’issue de la période de VSR. Selon les constats réalisés durant la période de VSR, l’acheteur dispose de 7 jours à compter de la fin de cette période pour prendre l’une des décisions détaillées au point 10.3 ci-dessous : l’ajournement, l’admission avec réfaction, le rejet ou l’admission. L’absence de décision dans ce délai est considérée tacitement comme une admission des prestations. Au final, la procédure d’admission des prestations relevant du CCAG-TIC est complexe, mais bien souvent nécessaire lorsque l’on considère les caractéristiques du marché (fig. 18.5).
Fig. 18.5. Procédure d’admission des prestations prévue par le CCAG-TIC
18.2.6 Répartition des frais de vérification Pour les CCAG-FCS, PI, MI et TIC, les frais de vérification sont supportés par le titulaire hormis dans les cas où les vérifications sont opérées dans les locaux de l’acheteur(584). Dans un tel cas, ce dernier prend en charge les frais de vérification. Lorsque, d’un commun accord, des essais se déroulent dans les locaux d’une des parties alors qu’ils étaient initialement prévus au sein de ceux de l’autre partie, la charge reste à celle qui devait initialement accueillir ces essais.
18.3 Différents cas de décision de l’acheteur À l’issue des diverses vérifications opérées sur les prestations exécutées, l’acheteur est amené dans un délai contraint à se prononcer sur la validité des prestations reçues au vu de ce qu’il est en droit d’attendre contractuellement. Plusieurs possibilités s’offrent alors à lui, allant de l’admission sans réserve au rejet, en passant par des décisions plus mesurées telles que l’ajournement ou la réfaction.
18.3.1 Admission Les CCAG-FCS, PI, MI, MOE et TIC utilisent le terme d’admission pour qualifier la décision, prise après vérifications, par laquelle l’acheteur reconnaît la conformité des prestations aux stipulations du marché(585). Lorsque la conformité des prestations n’est pas totalement constatée, ce principe d’admission pourra prendre la forme d’une décision d’admission avec ajournement ou réfaction du prix ». Les CCAG-FCS, MI et TIC stipulent que l’admission des prestations entraîne le transfert de propriété(586).
Les CCAG-FCS et MI précisent que par exception, lorsque la remise des prestations à l’acheteur est postérieure à leur admission, par exemple en cas d’admission dans les locaux du titulaire, celui-ci assume les obligations du dépositaire jusqu’à la livraison des prestations à l’acheteur. Il a par conséquent la responsabilité de la conservation de la prestation jusqu’à sa restitution. Du fait de la nature des achats couverts par les CCAG-TIC, PI et MOE, ceux-ci précisent que lorsque des prestations soumises au droit de la propriété intellectuelle sont admises, le transfert de propriété est réalisé conformément aux articles relatifs au régime des résultats de ces mêmes CCAG(587). L’admission permet le règlement des sommes restant dues au titre des prestations exécutées. C’est également à ce moment que commencent à courir les délais de garantie éventuellement attachés aux prestations, objet du marché. La date d’admission est par conséquent aussi importante en ce qu’elle fixe celle à partir de laquelle la période de garantie court.
18.3.2 Ajournement La décision d’ajournement correspond aux situations dans lesquelles les prestations reçues ne sont pas conformes à ce qu’il en est attendu, sans cependant que les défauts relevés soient rédhibitoires(588). Ces prestations peuvent alors être admises sous réserve que le titulaire y apporte les corrections nécessaires. L’acheteur notifie la décision d’ajournement au titulaire. Celui-ci dispose alors de 10 jours pour les CCAG-FCS, PI, MI et TIC et de 15 jours pour le CCAG-MOE pour informer l’acheteur de sa réaction face à cette décision. Dans le cas où le titulaire refuse de procéder aux corrections demandées ou ne répond pas à la décision d’ajournement dans le délai imparti, l’acheteur peut soit admettre les prestations avec réfaction, soit les rejeter. Cette décision doit intervenir dans un délai de 15 jours à compter de la notification de refus du titulaire ou de l’expiration du délai de réponse du titulaire
mentionné ci-dessus. À l’exception du CCAG-MOE, l’absence de décision de l’acheteur dans ce délai vaut une décision de rejet des prestations. Dans le cas où le titulaire accepte la décision d’ajournement, il en informe alors l’acheteur dans le délai imparti et dispose de 15 jours pour les CCAGFCS, PI, MI et TIC et de 30 jours pour le CCAG-MOE, à compter de la notification de l’ajournement pour apporter les corrections attendues. Les prestations à nouveau présentées par le titulaire sont vérifiées par l’acheteur dans les délais prévus pour procéder aux vérifications des prestations. Lorsque l’ajournement porte sur des prestations faisant l’objet d’une vérification de service régulier(589), une nouvelle période de trente jours maximum est reconduite afin de poursuivre la VSR. Quel que soit le choix du titulaire, les CCAG-PI, MI, TIC et FCS prévoient que les éventuelles prestations ajournées se trouvant dans les locaux de l’acheteur doivent être récupérées par le titulaire dans le délai de 15 jours à compter de la notification de l’ajournement. Passé ce délai, les prestations vérifiées peuvent être évacuées ou détruites par l’acheteur aux frais du titulaire. Lorsque ces prestations présentent un danger ou une gêne insupportable, les CCAG-FCS, MI et TIC prévoient qu’elles peuvent être immédiatement évacuées ou détruites, aux frais du titulaire, après que celui-ci en ait été informé (fig. 18.6).
Fig. 18.6. Procédure d’ajournement CCAG-FCS, PI, MI et TIC
Fig. 18.7. Procédure d’ajournement CCAG-MOE
18.3.3 Réfaction
La décision de réfaction correspond aux situations dans lesquelles les prestations reçues, bien que n’étant pas totalement conformes au marché, peuvent être acceptées en l’état. Dans ce cas, l’admission sera assortie d’une réfaction appliquée sur le prix des prestations en proportion des nonconformités relevées(590). La difficulté réside ici dans la fixation du montant de la réfaction opérée, qui en principe doit être proportionnelle aux imperfections relevées. Les CCAG ont donc prévu une procédure visant à échanger sur le montant de la réfaction établie par l’acheteur. Cependant, cette procédure est précise et implique un respect strict du contradictoire. Elle prévoit une double notification, avec d’abord celle visant à informer le titulaire de la décision de réfaction à venir, afin qu’il puisse formuler des observations. Ensuite, lorsque la décision de réfaction lui est notifiée, il dispose d’un délai de 15 jours pour émettre de nouveau ses observations. En l’absence d’observation dans ce délai, la décision de réfaction est réputée acceptée par le titulaire. À l’inverse, si des observations sont émises, l’acheteur devra de nouveau dans les 15 jours suivants confirmer sa position en notifiant une nouvelle fois la décision de réfaction. S’il ne le fait pas, il est présumé renoncer à cette réfaction. Si le souci d’informer au mieux le titulaire pour privilégier l’échange contradictoire est louable, cette procédure, dont la rédaction dans les CCAG n’est pas d’une grande clarté, complexifie le recours à la réfaction pour l’acheteur. Bien menée, elle peut toutefois le conduire à revoir sa position ou, du moins, le montant de réfaction initialement envisagé. Selon le CCAG-MOE(591), l’acheteur notifie la décision de réfaction au titulaire qui dispose alors de 30 jours afin de présenter d’éventuelles observations sur le montant établi. Passé ce délai, le titulaire est réputé avoir accepté les réfactions fixées. Lorsque le titulaire présente ses observations, l’acheteur dispose à son tour d’un délai de 30 jours à compter de la date de réception des observations pour notifier une nouvelle décision de réfaction. Passé ce délai, l’acheteur est réputé avoir accepté les observations du titulaire. L’admission sera alors prononcée sans réfaction. On peut regretter que la suite donnée au cas de la notification d’une nouvelle décision de réfaction ne soit pas précisée. On peut cependant aisément
imaginer que l’échange ne pouvant durer éternellement, seul le recours à un arbitrage extérieur ou au juge administratif pourra succéder à une nouvelle décision de réfaction de l’acheteur malgré le désaccord du titulaire.
Fig. 18.8. Procédure de réfaction pour les CCAG-FCS, PI, MI et TIC
Fig. 18.9. Procédure de réfaction pour le CCAG-MOE
18.3.4 Rejet La décision de rejet correspond aux situations dans lesquelles les prestations reçues ne peuvent, en raison de leur degré de non-conformité au marché, être admises, même après ajournement ou avec réfaction(592). Par exemple, lorsque l’acheteur a commandé des toners pour les copieurs qu’il possède et qu’il lui a été livré des consommables incompatibles avec le modèle de machines dont il dispose. Le rejet peut être partiel ou total. À l’instar des modalités d’ajournement, la décision de rejet ne peut être notifiée qu’après que le titulaire ait été mis à même de présenter ses
observations. Il faut sur ce point noter la particularité de la rédaction du CCAG-MOE qui prévoit que le titulaire doit être convoqué pour être entendu. Malgré la tournure orale des échanges suggérée par le CCAG-MOE, il est fortement conseillé, dans l’intérêt de toutes les parties, de convertir ces échanges en un format écrit (procès-verbal reprenant les éléments apportés par le titulaire). L’acheteur doit donc en passer par une étape de notification de son intention de rejeter les prestations avant de prononcer le rejet lui-même. La décision de rejet devra être motivée. Une fois la décision notifiée, le titulaire devra à nouveau exécuter les prestations prévues au marché. Sans qu’il ne le soit précisé par les CCAG à ce stade, les délais tenant aux nouvelles livraisons doivent être pris en compte dans le calcul des pénalités de retard, s’agissant d’une partie ou de la totalité de la prestation qui n’est pas exécutée. Le CCAG-MOE précise de plus qu’un nouveau rejet des prestations entraînera la résiliation du marché pour faute du maître d’œuvre. Les CCAG-FCS, PI, MI et TIC prévoient un délai de trente jours à compter de la notification de la décision de rejet pour que le titulaire procède à l’enlèvement des prestations rejetées. Lorsque ce délai est écoulé, elles peuvent être détruites ou évacuées par l’acheteur, aux frais du titulaire. Les CCAG-FCS, MI et TIC précisent de surcroît que « Les prestations rejetées, dont la garde dans les locaux de l’acheteur présente un danger ou une gêne insupportable, peuvent être immédiatement évacuées ou détruites, aux frais du titulaire, après que celui-ci en a été informé ». Bien qu’il semble exister une contradiction entre les termes « immédiatement » et « après que celui-ci en a été informé », ces modalités présentent un intérêt certain pour l’acheteur qui, par exemple lors d’une manifestation événementielle, subira la présence dans ses locaux de fournitures non conformes volumineuses (fig. 18.10).
Fig. 18.10. Procédure de rejet
Fig. 18.11. Procédure de rejet CCAG-MOE
18.3.5 Cas particulier de l’impossibilité d’ajourner, de rejeter ou d’admettre des prestations avec réfaction Les CCAG-FCS, PI, MI et TIC prévoient un cas dans lequel la responsabilité de l’acheteur dans la non-conformité des prestations est tel qu’il est contraint de les admettre sans restriction : « Lorsque la mauvaise qualité ou la défectuosité des fournitures ou matériaux remis par l’acheteur, et entrant dans la composition des prestations, est à l’origine du défaut de conformité des prestations aux stipulations du marché »(593).
Pour aboutir à une admission sans réserve, ce cas de figure doit cependant être accompagné de deux conditions : - que le titulaire ait, dans les quinze jours à partir de la date à laquelle il a eu la possibilité de les constater, informé l’acheteur des défauts des approvisionnements, matériels ou équipements remis, réserve faite des vices cachés ne pouvant être décelés avec les moyens dont il dispose ; - que l’acheteur ait décidé que les approvisionnements, matériels ou équipements devaient néanmoins être utilisés et notifié sa décision au titulaire. (572) Articles 27.2.2 et 27.3 du CCAG-FCS, articles 28.4.2 et 28.5 du CCAG-PI, articles 32.2.2 et 32.3 du CCAG-MI, articles 30.2.2 et 30.3 du CCAG-TIC. (573) Article 27.3 du CCAG-FCS, article 28.5 du CCAG-PI, article 32.3 du CCAG-MI, article 30.3 du CCAG-TIC. (574) Article 28.1 du CCAG-FCS. (575) CE 24 novembre 2008, Centre hospitalier de la région d’Annecy, req. n° 291539 (576) Article 28.2 du CCAG-FCS. (577) Article 29.1 du CCAG-FCS. (578) Articles 28.3.1 et 28.3.2 du CCAG-PI. (579) Articles 20.3.1 et 20.3.2 du CCAG-MOE. (580) Article 33.1 du CCAG-MI. (581) Article 31 du CCAG-TIC. (582) Article 32 du CCAG-TIC. (583) Règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016.
(584) Article 27.2.1 du CCAG-FCS, article 28.4.1 du CCAG-PI, article 32.2.1 du CCAG-MI, article 30.2.1 du CCAG-TIC. (585) Article 27.1 du CCAG-FCS, article 28.1 du CCAG-PI, article 32.1 du CCAG-MI, article 34.1 du CCAG-TIC, article 20.1 du CCAG-MOE. (586) Article 31 du CCAG-FCS, article 35 du CCAG-MI, article 35 du CCAG-TIC. (587) Article 46 du CCAG-TIC, article 35 du CCAG-PI, article 22 du CCAG-MOE. (588) Article 30.2 du CCAG-FCS, article 34.2 du CCAG-MI, article 29.2 du CCAG-PI, article 34.2 du CCAG-TIC. (589) Article 34.2.2 du CCAG-TIC. (590) Article 30.3 du CCAG-FCS, article 29.3 du CCAG-PI, article 34.3 du CCAG-MI, article 34.3 du CCAG-TIC. (591) Article 21.3 du CCAG-MOE. (592) Article 30.4 du CCAG-FCS, article 29.4 du CCAG-PI, article 34.4 du CCAG-MI, article 34.4 du CCAG-TIC, article 21.4 du CCAG-MOE. (593) Article 30.5 du CCAG-FCS, article 29.5 du CCAG-PI, article 34.5 du CCAG-MI, article 34.5 du CCAG-TIC.
Chapitre 19
Décompte général et définitif
Tous les CCAG prévoient des procédures de règlement aboutissant à l’élaboration d’un décompte qui va permettre de clôturer les comptes entre l’acheteur et le titulaire. La plus complexe de ces procédures est sans nul doute celle relative au décompte général et définitif (DGD) dans les marchés de travaux et dans les marchés de maîtrise d’œuvre. C’est en effet l’aboutissement d’un long processus qui va permettre non seulement d’arrêter le solde du marché, mais aussi de fixer définitivement tous les droits et obligations financiers des parties(594). Rien n’est acquis concernant l’exécution du marché tant que le décompte général n’est pas devenu définitif, même si une grande partie du montant du marché a été réglée par acomptes et même lorsque la réception des ouvrages a été prononcée (fig. 19.1). Les effets du DGD dans la relation contractuelle sont donc importants.
Important Les règles applicables au décompte général et définitif en matière de travaux sont appliquées aux marchés de services et de fournitures. L’indivisibilité du décompte et les effets de son caractère définitif découlent pour le juge des stipulations des différents CCAG(595). Il applique donc les mêmes règles pour les décomptes de tous les types de marchés. Ainsi en est-il pour les marchés de prestations intellectuelles, notamment pour les marchés de maîtrise d’œuvre(596) ou d’assistance à maîtrise d’ouvrage(597). C’est le cas également pour les marchés de techniques de l’information et de la communication(598).
Fig. 19.1. Résumé de la procédure d’établissement du DGD des CCAG-Travaux et MOE
19.1 Règles applicables au décompte général définitif L’établissement du décompte général et définitif est encadré par plusieurs règles qui expliquent l’importance des effets attachés à ce document. Ces règles sont applicables à tous les types de marchés, sauf stipulations indiquant le contraire. De manière constante, la jurisprudence affirme que « l’ensemble des opérations auxquelles donnent lieu l’exécution d’un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties »(599).
19.1.1 Fin des droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché Bien souvent, la décision de réception des travaux est considérée comme l’acte qui met un terme à la relation contractuelle, hormis pour les réserves qui restent à lever.
Or, ce n’est pas tout à fait juste dans la mesure où la réception doit être considérée comme un acte essentiellement technique afférent à la bonne ou à la mauvaise réalisation des travaux. Elle ne met donc fin aux relations contractuelles qu’en ce qui concerne la réalisation technique de l’ouvrage (voir chapitre 17). Pour ce qui concerne le règlement des comptes du marché, seul l’établissement du décompte permet d’arrêter définitivement l’ensemble des droits et obligations financiers qui résultent de l’exécution du marché(600). C’est donc le décompte, une fois devenu définitif, qui met un terme à la relation contractuelle. Le caractère définitif du décompte ne remet pas en cause les garanties qui s’appliquent au contrat. Par exemple, pour un marché d’assistance à maîtrise d’ouvrage, l’intervention du DGD sans réserve prive le maître d’ouvrage de toute action en responsabilité contractuelle, mais lui laisse la possibilité d’agir, si les conditions sont réunies, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale (voir chapitre 20)(601). Exemple Seul l’établissement du DGD met un terme définitif à la relation contractuelle sur le plan financier : CE 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, req. n° 264490 « Considérant que la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserve et qu’elle met fin aux rapports contractuels entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage ; que si elle interdit, par conséquent, au maître de l’ouvrage d’invoquer, après qu’elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l’ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation, elle ne met fin aux obligations contractuelles des constructeurs que dans cette seule mesure ; qu’ainsi la réception demeure, par elle-même, sans effet sur les droits et obligations financiers nés de l’exécution du marché, à raison notamment de retards ou de travaux supplémentaires, dont la détermination intervient définitivement lors de l’établissement du solde du décompte définitif ; que seule l’intervention du décompte général et définitif du marché a pour conséquence d’interdire au maître de l’ouvrage toute réclamation à cet égard ».
19.1.1.1 Unicité et l’indivisibilité du décompte général Tous les aspects financiers qui concernent les opérations du marché sont retracés dans un compte unique, c’est le principe d’unicité. En conséquence, il est impossible de traiter une partie de ces aspects dans un compte distinct, c’est le principe d’indivisibilité.
Concrètement, cette règle a pour effet de rendre obligatoire l’inscription de toutes les créances et dettes nées du marché dans le DGD au risque de ne pouvoir par ailleurs s’en prévaloir ou en réclamer le paiement. Aussi, toutes les conséquences financières de l’exécution du marché doivent être retracées dans ce décompte, même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales(602). Les créances et dettes que l’on pourrait qualifier de corollaires ou d’accessoires à l’exécution du marché doivent être retracées dans ce compte, au même titre que les prix prévus au marché. Doivent ainsi être retracés dans le DGD les éléments financiers suivants : - les surcoûts engendrés par des travaux supplémentaires(603) ; - les incidences financières des différents événements ayant contribué à retarder ou à complexifier les travaux(604) ; - les intérêts moratoires réclamés au titre des retards de paiement pour les acomptes(605) ; - les pénalités de retard appliquées à l’encontre du titulaire(606) ; - les sommes correspondant à la réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves(607) ; - les primes éventuelles, notamment les primes pour la qualité de la construction(608) ; - les sommes qui correspondent à des désordres survenus en cours de chantier qui, sans affecter l’état de l’ouvrage achevé, peuvent causer un préjudice au maître d’ouvrage, comme des dommages causés au tiers par l’entrepreneur(609). De manière générale, tout ce qui est relatif à la responsabilité contractuelle doit être retracé dans le décompte(610).
Exemple Toutes les conséquences financières des retards ou malfaçons doivent être mentionnées dans le décompte général : CE 6 novembre 2013, Région Auvergne, req. n° 361837 « Considérant, en premier lieu, que l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties ; que l’ensemble des conséquences financières de l’exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales ; qu’il revient notamment aux parties d’y mentionner les conséquences financières de retards dans l’exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire ; qu’après la transmission au titulaire du marché du décompte général qu’il a établi et signé, le maître d’ouvrage ne peut réclamer à celui-ci, au titre de leurs relations contractuelles, des sommes dont il n’a pas fait état dans le décompte, nonobstant l’engagement antérieur d’une procédure juridictionnelle ou l’existence d’une contestation par le titulaire d’une partie des sommes inscrites au décompte général ; qu’il ne peut en aller autrement, dans ce dernier cas, que s’il existe un lien entre les sommes réclamées par le maître d’ouvrage et celles à l’égard desquelles le titulaire a émis des réserves ; ».
En revanche, n’ont pas à apparaître dans le décompte les sommes qui n’ont pas de lien direct avec l’exécution du marché ou qui reposent sur des fondements de responsabilité autres que ceux qui ont trait à la responsabilité contractuelle. N’entrent donc pas dans le décompte les droits et obligations attachés à la responsabilité décennale des constructeurs, ni les dépenses d’une procédure juridictionnelle, notamment les frais d’expertise nécessaires à l’instruction(611). Important L’unicité du décompte, les accords-cadres à bons de commande et les marchés à tranches optionnelles L’unicité du décompte interdit le règlement partiel et définitif de certaines parties du marché. Cette interdiction est clairement formulée pour le Code de la commande publique(612) (voir chapitre 14). Elle empêche ainsi d’établir des décomptes partiels définitifs pour le règlement de tranches de travaux dans les marchés à tranches optionnelles(613). Pour les accords-cadres à bons de commande, le Conseil d’État en a jugé différemment puisque selon lui chaque bon de commande doit donner lieu à un règlement définitif et donc à l’élaboration d’un compte définitif. Le cas échéant, le marché peut déroger à cette règle en prévoyant l’établissement d’un compte définitif en fin de marché(614). En principe, chaque bon de commande fait donc l’objet d’un règlement définitif qui ne pourra pas être remis en cause à la fin du contrat.
19.1.1.2 Intangibilité du décompte général et définitif
Il ressort également de la jurisprudence que, dès l’instant où le décompte général a été accepté sans réserve par le titulaire du marché et par le maître d’ouvrage, cette acceptation le rend définitif. Ces dernières ne peuvent donc revenir sur les éléments qu’il contient et ne peuvent demander d’y insérer de nouveaux éléments, c’est le principe d’intangibilité. Il est par exemple interdit pour le maître d’ouvrage de chercher à appliquer des pénalités au titulaire lorsque le DGD est déjà établi(615). Il ne peut pas non plus appeler en garantie le titulaire du marché pour des désordres dont il avait connaissance avant l’établissement du DGD, mais pourtant non inscrit dans le document(616). De son côté, le titulaire ne pourra plus réclamer le paiement des travaux supplémentaires dont il n’a pas inscrit les sommes dans le projet de décompte final qui a abouti au DGD(617). En d’autres termes, tout ce qui n’est pas dans le DGD ne peut plus y être intégré, toute réclamation ultérieure est interdite pour les deux parties. Exceptions à l’intangibilité du DGD Dans quelques rares exceptions, le contenu du DGD peut être remis en cause. Naturellement, il peut en être ainsi par la volonté commune des parties qui décident de revenir sur les comptes définitivement établis entre elles(618). Les règles régissant les effets du DGD étant de nature contractuelle, rien n’empêche cet accord de volonté. Le caractère définitif du décompte est également remis en cause en cas de fraude ou de dol qui serait avéré de la part de l’une des parties lors de son établissement(619). Éventuellement, le DGD peut être modifié à la demande de l’une des parties pour la rectification d’une erreur ou d’une omission dans les conditions limitativement énumérées par l’article 1269 du Code de procédure civile. Les cas d’application sont rarissimes. Le juge administratif restreint cette possibilité en considérant, par exemple, qu’un mode de calcul erroné n’est pas une erreur permettant de modifier le décompte(620). Par contre, il a pu admettre que la rectification du calcul du montant des acomptes par le maître d’ouvrage est une correction d’une erreur matérielle autorisée en application de l’article 1269 du Code de procédure civile(621).
La nullité du contrat est évidemment un cas privant le décompte de ses effets puisqu’il est alors dépourvu de toute valeur juridique(622). Important Il est possible de déroger dans le marché aux règles d’unicité et d’intangibilité du DGD, elles ne sont pas d’ordre public, mais de nature contractuelle : CE 3 novembre 2014, Société Bancillon, req. n° 372040 « Considérant que si les parties à un marché public de travaux peuvent convenir que l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution de ce marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l’établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs, elles n’y sont pas tenues ; que, dès lors, ni le caractère unique et exhaustif d’un tel compte ni son caractère définitif, qui ne sont pas d’ordre public, ne peuvent être opposés d’office par le juge aux prétentions d’une partie ; »(623)
Réserves inscrites dans le DGD La règle de l’intangibilité ne produit pas d’effets lorsque des sommes sont réservées dans le DGD. Le juge admet que le maître d’ouvrage peut contester des sommes inscrites dans le décompte général devenu définitif si ces sommes ont fait l’objet de réserves de la part du titulaire. Ces réserves ont pour effet de rendre le décompte partiellement définitif et de permettre aux parties de contester les sommes correspondantes(624). Ce qui est réservé dans un décompte n’est donc pas définitif et peut encore faire l’objet de discussions entre les parties et même d’actions en responsabilité. Cette possibilité de prévoir des réserves dans le décompte est désormais prévue dans les CCAG-Travaux et MOE dans leur version 2021(625). Les réserves dans le décompte sont indispensables pour traiter sur un plan contractuel les réserves techniques relevées dans la décision de réception des travaux. En effet, le caractère définitif du décompte empêche le maître d’ouvrage de réclamer la réparation financière des réserves qui ne sont pas levées au terme de la période de parfait achèvement (voir chapitre 17). De même, le maître d’ouvrage ne peut inscrire des sommes en réserve dans le DGD si elles ne correspondent pas à des désordres apparents réservés lors de la réception des travaux(626). Les désordres apparents non réservés à la réception sont perdus pour le maître d’ouvrage.
Il est donc prudent pour le maître d’ouvrage, conseillé en ce sens par le maître d’œuvre, d’inscrire dans le décompte, à titre de provisions, des sommes au débit du titulaire et correspondant aux malfaçons qui doivent être réparées. Il peut aussi, à défaut de pouvoir chiffrer précisément les sommes correspondantes, porter lui-même un certain nombre de réserves sur le décompte général afin de ne pas le rendre entièrement définitif lorsque subsistent des malfaçons qui ne sont pas encore réparées(627). Les réserves portées au décompte général par le maître d’ouvrage deviennent définitives si elles ne sont pas contestées par le titulaire et s’imposent donc à lui(628). Il est possible de prévoir dans le décompte des réserves non chiffrées(629). Cette solution est opportune, car il est bien souvent impossible au moment de l’établissement du décompte de chiffrer avec précision les sommes en jeu. Exemple Le caractère définitif du décompte interdit au maître d’ouvrage de rechercher la responsabilité financière du titulaire pour les réserves non levées : CE 20 mars 2013, Centre hospitalier de Versailles, req. n° 357636 « Considérant qu’il résulte de ce qui précède que si le maître d’ouvrage notifie le décompte général d’un marché public de travaux alors même que des réserves relatives à l’état de l’ouvrage achevé n’ont pas été levées et qu’il n’est pas fait état des sommes correspondant à la réalisation des travaux nécessaires à la levée des réserves au sein de ce décompte, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation correspondant à ces sommes, même si un litige est en cours devant le juge administratif ».
19.1.1.3 Effets du DGD pour les bénéficiaires d’une cession ou d’un nantissement de créance Le caractère intangible du DGD s’impose tant au titulaire qu’aux éventuels bénéficiaires d’un nantissement ou d’une cession de créances (voir chapitre 12). Ainsi, l’établissement bancaire qui a reçu le montant du marché en cession ne peut, malgré la possible différence entre le montant cédé et celui arrêté au DGD, se prévaloir de créances supérieures au décompte général devenu définitif. Le principe est que le cédant d’une créance ne peut transmettre plus de droits qu’il n’en détient. 19.1.1.4 Effets du DGD sur le caractère certain et exigible des créances
Pour les marchés de travaux, sauf hypothèse du marché à bon de commande (voir § 19.1.1) en l’absence d’un décompte devenu définitif, il est impossible de justifier de l’existence d’une créance certaine et exigible(630). L’émission d’un titre de recette exécutoire pour recouvrer des créances en lien avec l’exécution d’un marché n’est donc pas possible(631). Ainsi, le titre de recette émis par le maître d’ouvrage avant l’établissement du DGD dans le but de récupérer les sommes relatives aux pénalités est irrégulier dans la mesure où seul le DGD permet d’établir avec certitude la réalité de ces créances(632). En revanche, l’usage du référé provision, avant que le décompte général soit devenu définitif, est autorisé. Le juge considère que les effets attachés au DGD ne l’empêchent pas de condamner, à titre provisoire, l’une des parties à verser à l’autre une somme au titre d’une obligation non sérieusement contestable découlant du marché(633). Exemple Usage du référé provision avant que le décompte général soit devenu définitif : CE 14 octobre 2005, Département de la Seine-Maritime, req. n° 275066 « Considérant que si l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l’établissement du décompte définitif, détermine les droits et obligations définitifs des parties, cette règle ne fait toutefois pas obstacle, eu égard notamment au caractère provisoire d’une mesure prononcée en référé, à ce qu’il soit ordonné au maître d’ouvrage de verser au titulaire d’un tel marché une provision au titre d’une obligation non sérieusement contestable lui incombant dans le cadre de l’exécution du marché, alors même que le décompte général et définitif n’aurait pas encore été établi ; ».
19.2 Procédure d’établissement du DGD en marché de travaux Le CCAG-Travaux dans sa version 2021 a conservé les principales modifications opérées en 2014 et consistant en l’introduction d’une procédure de DGD tacite à l’encontre du maître d’ouvrage et en la réduction des délais permettant d’aboutir à un DGD.
La procédure prévue par le CCAG-Travaux peut aujourd’hui être menée à bien dans un délai de 120 jours maximum (fig. 19.2 et fig. 19.3).
Fig. 19.2. La procédure d’établissement du décompte général définitif
Fig. 19.3. Procédure détaillée d’établissement arrêtant le décompte général
19.2.1 Décompte final Après la notification de la décision de réception, il incombe au titulaire d’établir le projet de décompte final. Cette demande de paiement final comprend la totalité des sommes auxquelles il prétend dans le cadre de l’exécution du marché.
Recommandation Différencier le dernier décompte mensuel du projet de décompte final pour obtenir un règlement plus rapide des dernières prestations exécutées En pratique, le titulaire peut présenter le projet de décompte final sous deux formes différentes. L’article 13.3.1 du CCAG-Travaux stipule : « après l’achèvement des travaux, un projet de décompte final est établi concurremment avec le projet de décompte mensuel afférent au dernier mois d’exécution des prestations ou à la place de ce dernier ». Le dernier décompte mensuel peut donc être traité de manière autonome ou être intégré au projet de décompte final, ce qui n’emporte pas les mêmes conséquences sur le délai de paiement. Lorsqu’il est traité de manière autonome, son règlement doit se faire d’une manière identique à celle d’un décompte mensuel classique donnant lieu au paiement d’un acompte. Le délai de paiement va courir à compter de la date de réception par le maître d’œuvre du projet de dernier décompte mensuel. S’il est intégré au projet de décompte final, le dernier décompte mensuel ne sera réglé qu’au terme de l’ensemble de la procédure qui aboutit à l’établissement du DGD et qui peut aller jusqu’à 120 jours maximum. Le titulaire a donc intérêt à différencier les documents portant projet du dernier décompte mensuel des prestations de ceux portant projet de décompte final.
19.2.1.1 Contenu du projet de décompte final Le CCAG-Travaux prévoit la forme et le contenu du projet de décompte final que doit préparer le titulaire(634). Une simple lettre demandant le règlement du solde du marché ne saurait en tout état de cause faire office de décompte final(635). Il est établi à partir des prix initiaux du marché et comporte les mêmes parties qu’un décompte mensuel, à l’exception des approvisionnements et avances (voir chapitre 13). Le titulaire fournit, s’il ne l’a pas déjà fait dans les projets de décompte précédents, les pièces permettant le calcul définitif restant à régler au titre du marché : - les calculs des quantités prises en compte, effectués à partir des éléments contenus dans les constats contradictoires ; - le calcul, avec justifications à l’appui, des coefficients d’actualisation ou de révision des prix. Le fait que l’indice ou l’index permettant la fixation définitive d’un coefficient de variation des prix ne soit pas encore connu, parce que non publié au moment où le projet de décompte final est établi, n’est pas un obstacle au calcul des sommes réclamées. Il revient au maître d’ouvrage de prendre en compte les dernières publications d’indice avant de
notifier le décompte général au titulaire(636). Le titulaire a intérêt à transmettre un projet de décompte final mentionnant à la rubrique révision « index définitif non publié au jour de l’établissement du projet de décompte » ; - le cas échéant, les pièces justifiant les débours liés aux frais de transports des matériaux pour lesquels il peut demander le remboursement ; - les copies des demandes de paiement des sous-traitants acceptées par le titulaire. La sous-traitance avec paiement direct doit apparaître au projet de décompte final de la même manière que pour tout projet de décompte mensuel. Le projet est complété le cas échéant par la demande de paiement du sous-traitant acceptée par le titulaire et qui détaille les sommes auxquelles il peut prétendre. Pour les groupements d’opérateurs, c’est le mandataire qui prépare le projet de décompte et le transmet au maître d’œuvre. C’est lui également qui sera le seul habilité à accepter ou à contester le décompte général. En cas de groupement conjoint, le projet de décompte est décomposé par le cotraitant puisque le règlement des prestations doit se faire à chaque membre du groupement à hauteur de la prestation qu’il a exécutée. Bien que le CCAGTravaux ne le précise pas, il semble également logique que l’état de solde établi par le maître d’œuvre comporte la décomposition du solde par un cotraitant. Pour un groupement solidaire, le paiement se faisant sur un compte unique sans distinction des différentes prestations exécutées par chaque entreprise, la procédure et la forme du DGD sont strictement identiques à celles suivies pour le paiement d’un titulaire unique. 19.2.1.2 Importance du projet de décompte final Les informations que le titulaire va inscrire dans le projet de décompte sont importantes à double titre. Tout d’abord, le titulaire ne doit rien oublier d’y inscrire au risque de ne plus pouvoir le compléter après notification au maître d’œuvre. Toutes les sommes auxquelles il prétend en raison de l’exécution doivent y figurer. Il ne doit pas attendre que le maître d’œuvre ou le maître d’ouvrage complètent son projet,
pour y ajouter, par exemple, les intérêts moratoires relatifs à certains acomptes mensuels ou des demandes d’indemnisation pour des retards de chantier. Le CCAG-Travaux stipule très clairement : « Le titulaire est lié par les indications figurant au projet de décompte final »(637). De plus, le commentaire qui illustre cet article est le suivant : « Dans le projet de décompte final, le titulaire doit récapituler les réserves qu’il a émises et qui n’ont pas été levées, sous peine de les voir abandonnées ». La jurisprudence considère que le projet de décompte final est un tout qui doit comporter l’ensemble des sommes qui peuvent être réclamées par le titulaire et notamment celles relatives aux travaux supplémentaires(638). Recommandation Dans le projet de décompte, il vaut mieux en inscrire trop que pas assez ! Compte tenu du caractère définitif du projet de décompte final à son égard, il est conseillé au titulaire de préparer un projet très large qui inclut le maximum de ses prétentions. Le titulaire doit donc veiller à y faire figurer les éléments suivants : - l’ensemble des réserves qu’il a émises en cours d’exécution ; - les intérêts moratoires relatifs aux différents acomptes ; - les sommes réclamées au titre des travaux supplémentaires ou au titre de l’allongement des durées d’exécution(639) ; - toutes les sommes auxquelles il prétend légitimement avoir droit. Ensuite, l’exhaustivité du projet de décompte final va être déterminante pour la mise en œuvre éventuelle de la procédure de réclamation prévue à l’article 55.1 du CCAG-Travaux. En effet, ce qui ne figure pas dans ce projet ne pourra pas faire l’objet d’une réclamation(640).
L’exemple suivant illustre ce que doit contenir un projet de décompte final. Il s’agit d’une simulation simplifiée d’un marché de travaux de plomberie faisant partie d’une opération de construction d’un ouvrage. Ce même cas est utilisé tout au long de ce chapitre pour illustrer l’ensemble des pièces intervenant dans le traitement du DGD. Données afférentes au marché : - le montant total initial du marché « lot plomberie » est de 244 990 € HT ; - un avenant portant sur l’ajout de vasques doubles a été passé, pour un montant de 4 000 € HT ; - des intérêts moratoires de 245 € sont dus au titulaire en raison des divers retards de paiement des acomptes précédents ; - des pénalités de 235 € ont été appliquées au titulaire pour absence aux réunions de chantier ;
- la révision des prix donne lieu à une hausse de 1 123,15 € HT. Celle-ci n’a pu être calculée que partiellement par le titulaire du marché en raison de la sortie tardive du dernier indice de révision (tab. 19.1 à 19.3). Tab. 19.1. Décompte final – détail des travaux exécutés (ou dernier décompte mensuel si traité concurremment avec le décompte final)
Réf.
Désignation
1.1
Dépose et évacuation
2.1 2.2 2.3 2.4 2.5 2.6 2.7 2.8 2.9
tube cuivre + calorifuge WC Vasque simple Vasque douche Siphon de sol Ballon ECS 300 l Ballon ECS 150 l Raccordement électrique Raccordement vidange
Réf.
Désignation
1.1 Vasque double Révision des décomptes 1 à 5 en € HT Révision du présent décompte en € HT
Projet de décompte final Unité Quantité F 1 Plomberie sanitaire ml 2 000 U 65 U 35 U 15 U 20 U 15 U 35 F 30 F 30 Avenant n° 1 Unité Quantité U 876,48
10
PU en € % Cumulé Montant en € HT HT exécuté 90 000 100 % 90 000 40 350 300 400 186 700 476 124 38
100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %
PU en € % Cumulé Montant en € HT HT exécuté 400 100 % 4 000
Total HT hors révision Total HT révision incluse Montant décompte précédent Reste à régler hors révision Reste à régler révision incluse TVA Total TTC Tab. 19.2. Décompte final – détail des travaux exécutés Opération : Marché : Maître d’ouvrage :
80 000 22 750 10 500 6 000 3 720 12 500 16 660 3 720 1 140
250 990 251 866,48 200 119,66 50 870,34 51 746,82 10 349,36 62 096,19
Entreprise titulaire :
1
Travaux + avenants
2
Primes
3
Indemnité
4
Variation des prix
5
Total (1 à 4)
6
Retenues
7
Décompte final Titulaire Rectification maîtrise du marché d’œuvre 250 990 250 990
879,41
1 123,15
251 869,41
252 019,09
Total général (5–6)
251 869,41
252 019,09
8
TVA 20 %
50 373,88
50 403,82
9
Intérêts moratoires
245
245
10
Pénalités
11
Total TTC (7 à 10)
Rectification pouvoir adjudicateur
235 302 488,29
302 432,90
Projet de décompte final établi par l’entrepreneur
Reçu de l’entrepreneur le…………… Le présent projet de décompte final Est accepté Est rectifié Et fixé au montant de : 302 432,90 € À…………… Le…………… À…………… Le…………… (signature et cachet commercial) Le maître d’œuvre
Arrête le présent décompte final au montant de : 302 432,90 €
À…………… Le…………… Le pouvoir adjudicateur
Tab. 19.3. Révision des prix du marché Révision – Annexe au décompte final Titulaire du marché N° de marché :
Montant
HT
248 990,00 €
indice BT38
Mois M0
janv-15
Montant
106,8
du marché TTC
N° facture
Mois facturé
Montant HT hors révision
mois M0 Terme fixe
298 788,00 €
Montant TTC hors révision
Avril
44 002,38 52 802,86
Mai
Montants % payé cumulés sur le prix TTC hors global et révision forfaitaire (hors révision) 52 802,86 17,67 %
0,125
Montant Coef Montant Montant indice révision révision révision définitif définitive définitive HT TTC
106,8
0,000
0,00
0,00
42 160,00 50 592,00 103 394,86 34,60 %
107,5
0,006
252,96
303,55
Juin
23 154,00 27 784,80 131 179,66 43,90 %
107,8
0,009
208,39
250,06
Juillet
31 970,00 38 364,00 169 543,66 56,74 %
107,8
0,009
287,73
345,28
Août
25 480,00 30 576,00
200 119,66 66,98 %
107,4
0,005
127,40
152,88
Septembre 50 870,34 261 044,41 261 164,07 87,41 % – Décompte final TOTAL RÉVISION TTC
107,1
0,003
152,61
183,13
1 029,29 1 234,90
Formule appliquée selon l’article ………….. du CCAP : P = P0 × (0,125 + 0,875 × BT38) BT38m0 P = Prix de règlement après révision P0 = Prix initial fixé selon les conditions économiques du mois m0 BT = Indice BT au mois de la révision BTm0 = Indice BT au mois m0 Recommandation La forme des pièces devant figurer dans le DGD À chaque fois que cela est possible, des colonnes « rectification » sont présentes afin de permettre à chaque participant au marché de modifier les pièces le plus clairement possible. Il est en effet observé dans nombre de contentieux, que les DGD sont très souvent rectifiés par apposition de nouveaux chiffres sur ceux existants ou par rayures qui apportent une confusion certaine quant aux chiffres constituant cette pièce essentielle du règlement des comptes du marché.
19.2.1.3 Délai pour préparer le projet de décompte final Le projet de décompte final doit être transmis simultanément au maître d’œuvre et au maître d’ouvrage, par tout moyen permettant de donner une date
certaine, dans les 30 jours suivant la date de notification de la décision de réception des travaux. Lorsque le titulaire ne transmet pas le projet de décompte final dans le délai imparti, ni même après mise en demeure du maître d’ouvrage d’y procéder dans un délai de 15 jours, la procédure de traitement du DGD se poursuit sans lui. Le maître d’œuvre élabore alors lui-même le projet de décompte final(641). L’absence de mise en demeure est une irrégularité qui ne permet pas au maître d’ouvrage de prétendre que le décompte général est devenu définitif malgré l’absence de décompte final transmis par le titulaire(642). De son côté, le titulaire peut lui aussi pallier certaines carences du maître d’ouvrage dans la procédure prévue au contrat. Par exemple, si le maître d’ouvrage n’a pas notifié la décision de réception dans les trente jours suivant le déroulement des opérations préalables à la réception (voir chapitre 17), il peut transmettre son projet de décompte final sans délai. Il en va de même lorsque le maître d’ouvrage ne fixe pas la date des opérations préalables et que la décision de réception est réputée acquise pour le titulaire (voir chapitre 17, spécialement § 17.2). Le point de départ du délai de 30 jours peut être différé si la décision de réception a été prise sous les réserves particulières prévues par l’article 41.5 du CCAG-Travaux pour les travaux non encore exécutés. Le point de départ du délai sera alors la date de signature du procès-verbal constatant l’exécution de ces travaux et non pas la date de notification de la décision de réception sous réserves. Pour une réception avec réserves de réparation des imperfections ou des malfaçons, de l’article 41.3 du CCAG-Travaux, c’est en revanche la date de notification de la décision qui est le point de départ de la procédure de DGD, il ne faut pas attendre la levée des réserves(643) (fig. 19.4, fig. 19.5).
Fig. 19.4. Délai de préparation du décompte final
Fig. 19.5. Délai de préparation du décompte final avec réserves de l’article 41.5 pour travaux non encore exécutés au titulaire
19.2.1.4 Vérification du projet de décompte final par le maître d’œuvre Le maître d’œuvre destinataire du projet de décompte final l’accepte ou le rectifie. Il devient alors le décompte final(644). À ce moment-là, il peut rectifier le coefficient de la révision des prix (au moment de l’établissement du projet de décompte, le titulaire ne dispose que rarement des derniers indices ou index de révision), ajouter des pénalités de retard ou diminuer les montants de travaux supplémentaires demandés par le titulaire. À ce stade, il est possible que le maître d’œuvre rajoute au crédit du titulaire des sommes que ce dernier a oublié d’inscrire, mais il n’en a pas l’obligation. La rectification qui impactera de facto le paiement n’est, en principe, portée à la connaissance du titulaire qu’au moment de la notification du décompte général. Le titulaire pourra la contester dans le cadre de la procédure de réclamation. Dans l’attente du résultat de cette réclamation, le CCAG prévoit que le maître d’ouvrage procède au paiement des sommes qui figurent dans le décompte final et qui sont admises dans le décompte général(645). Tout ce qui n’est pas rectifié par le maître d’œuvre ou ultérieurement par le maître d’ouvrage ouvre donc droit à paiement pour le titulaire. Important Le maître d’œuvre doit conseiller le maître d’ouvrage sur le contenu du décompte général qu’il va notifier au titulaire La vérification du projet de décompte final fait partie du devoir de conseil du maître d’œuvre à l’égard du maître d’ouvrage. Il commet donc une faute s’il omet de le rectifier pour y inclure, au passif du titulaire, les sommes permettant de sauvegarder les droits du maître de l’ouvrage ou s’il n’attire pas l’attention de ce dernier sur la nécessité de formuler des réserves sur le projet préparé par le titulaire(646).
19.2.2 Décompte général Le maître d’œuvre établit un projet de décompte général qu’il soumet au maître d’ouvrage, qui, s’il décide de le signer, va le transformer en décompte général prêt à être notifié au titulaire(647). 19.2.2.1 Contenu du projet de décompte général établi par le maître d’œuvre Cette pièce se compose des éléments suivants : - le décompte final ; - l’état du solde, établi à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, selon la forme prévue pour les acomptes mensuels(648) (chapitre 13) ; - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. Son montant correspond au montant du projet de décompte général. En cas de sous-traitance, l’état de solde fait apparaître un détail des montants dus au titulaire et aux différents sous-traitants puisque cette pièce doit permettre au final le paiement des prestations aux différents intervenants. Le récapitulatif des acomptes et du solde détaille également l’ensemble des acomptes versés aux titulaires ainsi qu’aux sous-traitants pour finalement faire ressortir le solde dû à chaque entreprise. L’exemple suivant (fig. 19.6, 19.7, 19.8) propose une présentation de l’état du solde ainsi que la récapitulation des acomptes mensuels.
Fig. 19.6. État du solde Fig. 19.7. Détail du solde
Fig. 19.8. Récapitulatif des acomptes mensuels et du solde
19.2.2.2 Signature par le maître d’ouvrage Après signature par le maître d’ouvrage, le projet devient le décompte général. La signature par une personne habilitée à représenter le maître d’ouvrage est une condition importante de régularité du décompte. Un décompte notifié sans signature valide ne peut pas devenir définitif et être opposé à l’une ou l’autre des parties(649). La signature du maître d’œuvre n’est pas suffisante à cet égard. Le CCAG-Travaux prévoit maintenant expressément la possibilité pour le maître d’ouvrage de rectifier, si nécessaire, des éléments du décompte général. Il est d’ailleurs conseillé au maître d’ouvrage de vérifier ces documents, son imprudence lors de la signature d’un décompte général pouvant le conduire à un partage de responsabilité avec le maître d’œuvre en cas d’erreur dans le décompte, qu’il aurait dû nécessairement remarquer(650). Recommandation L’utilité pour le maître d’ouvrage de signer le décompte avec réserves L’article 12.4.2 du CCAG-Travaux prévoit explicitement la possibilité pour le maître d’ouvrage de signer le décompte général avec des réserves. Cette pratique déjà admise par le juge s’avère en pratique indispensable pour lui permettre de sauvegarder ses intérêts. Par exemple, pour les malfaçons relevées lors de la réception des travaux, la signature du décompte avec des réserves lui permettra de réclamer les sommes correspondantes au titulaire qui ne fait pas en sorte de réparer les imperfections(651). Cela est le cas également lorsque des désordres ont eu lieu sur le chantier qui, sans affecter l’ouvrage, ont entraîné des dommages pour le maître d’ouvrage. L’absence de réserves relatives aux conséquences de ces désordres ne permet pas d’en réclamer la réparation à l’entrepreneur(652). Les réserves doivent être précises et explicites et ne pas se résumer à l’indication « sous réserve de la décision du juge dans le cadre des procédures en cours » qui ne permet pas de considérer que le maître d’ouvrage n’a pas souhaité donner un caractère définitif au décompte(653). Il semble possible en revanche de prévoir des réserves précises, mais non chiffrées(654).
19.2.2.3 Délais de traitement du décompte général Le maître d’ouvrage doit signer et notifier, au titulaire, le décompte général sous 30 jours à compter de la date de réception par le maître d’œuvre du projet
de décompte final (fig. 19.9) ou à compter de la date d’établissement du projet de décompte final directement par le maître d’œuvre lorsque le titulaire ne l’a pas transmis de lui-même. Fig. 19.9. Délai de traitement du décompte général Recommandation La répartition du délai de traitement du décompte général Le CCAG-Travaux ne prévoit pas de répartition des délais entre acheteur et maître d’œuvre lors de l’étape du traitement du décompte général comme cela se fait pour le traitement des projets de décompte mensuels. Il est conseillé à maître d’ouvrage de définir dans les clauses particulières du marché de maîtrise d’œuvre, la répartition des délais de traitement du décompte général.
Concernant la révision définitive des prix, lorsque l’un des index de référence permettant la révision du solde n’a pas encore été publié, le maître d’ouvrage doit tout de même notifier le décompte général dans le délai de 30 jours avec la dernière valeur connue de cet index. Il devra cependant, dans un délai de 10 jours suivant la publication de cet index, notifier au titulaire la révision définitive du solde. C’est à compter de cette date de notification que courra le délai de paiement des sommes qui restent dues après application de la révision du solde(655) (fig. 19.10). Fig. 19.10. Délais de traitement et de paiement avec une révision définitive des prix décalés
19.2.2.4 Notification au titulaire Elle doit être réalisée par tout moyen permettant de lui donner une date certaine. Il peut être utile pour le maître d’ouvrage de prouver cette date, car elle fait courir le délai dont dispose le titulaire pour contester éventuellement les éléments du décompte. L’absence de lettre recommandée avec accusé de réception ne lui permet pas de prouver avec certitude que le délai de réclamation a commencé à courir(656). Toutefois, tous les CCAG dans leur version 2021 ont généralisé, dans leur article 3.1, les échanges dématérialisés pour tout ce qui concerne l’exécution des marchés. Il n’est donc pas interdit de notifier par un moyen électronique le décompte général, toujours à condition de donner une date certaine à cette notification.
Il n’est pas obligatoire que cette notification soit faite par un ordre de service(657) ; elle est réalisée par le maître d’ouvrage lui-même, sans passer par le maître d’œuvre(658). En outre, une procédure d’expertise en cours n’empêche pas la notification du décompte générale(659). 19.2.2.5 Décompte devenant tacitement définitif À défaut d’une notification du décompte général dans le délai de 30 jours suivants la présentation du décompte final, le titulaire dispose des moyens d’obtenir tacitement un décompte général devenu définitif. Le CCAG-Travaux prévoit une procédure lui permettant de contourner le maître d’ouvrage peu diligent dans le but d’arrêter définitivement les comptes et de faire courir le délai de paiement(660). La procédure du décompte tacite ne peut être valablement mise en œuvre par le titulaire que s’il a respecté préalablement la procédure de notification de son décompte final. Ainsi, en l’absence de notification de son décompte final au maître d’œuvre, le délai de 30 jours prévu au CCAG pour que le maître d’ouvrage lui transmette le projet de décompte général n’a pas pu courir, ce qui ne permet pas au titulaire de se prévaloir d’un décompte général tacite(661). Lorsque toutes les conditions sont réunies pour mettre en œuvre un décompte général tacite, il revient au titulaire de préparer et notifier au maître d’ouvrage un décompte général composé des éléments suivants : - le projet de décompte final qu’il lui a préalablement communiqué ; - le projet d’état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel ; - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. Le maître d’ouvrage, dans le délai de 10 jours suivant cette notification, peut adopter deux comportements : - soit il réagit et notifie en retour le décompte général au titulaire. La procédure d’établissement reprend alors son cours normal ; - soit il ne réagit pas et dans ce cas le projet de décompte général préparé par le titulaire devient définitif au terme des dix jours. Le délai de paiement,
hors révision de prix définitive, court le lendemain de l’expiration de ce délai (fig. 19.11). Fig. 19.11. Procédure d’établissement du DGD tacite
Important Envisager pour le maître d’ouvrage une dérogation à la procédure du DGD tacite Cette procédure de DGD tacite présente des risques pour le maître d’ouvrage eu égard aux effets du caractère définitif du décompte général sur la responsabilité contractuelle et aux sommes considérables qui sont souvent concernées. Le maître d’ouvrage ne peut plus contester les sommes figurant dans un décompte général et définitif obtenu tacitement par le titulaire, même en se fondant sur le principe selon lequel une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu’elle ne doit pas(662). Il est conseillé de déroger sur ce point au CCAG-Travaux afin de réinstaurer un mécanisme d’acceptation expresse de la part du maître d’ouvrage et d’éviter qu’il se trouve pris au piège d’une mauvaise gestion des délais. Il pourrait être envisagé de déroger à l’article 13.4.4 du CCAG travaux par la clause suivante à insérer dans les documents particuliers du marché : « Si le maître d’ouvrage ne notifie pas au titulaire le décompte général dans les délais stipulés à l’article 13.4.2 du CCAG-Travaux, le titulaire notifie au maître d’ouvrage, avec copie au maître d’œuvre, un projet de décompte général signé, composé : - du projet de décompte final tel que transmis en application de l’article 13.3.1 du CCAGTravaux ; - du projet d’état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final et du dernier projet de décompte mensuel, faisant ressortir les éléments définis à l’article 13.2.1 du CCAG-Travaux pour les acomptes mensuels ; - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. Dans un délai de dix jours à compter de la réception de ces documents, le maître d’ouvrage notifie le décompte général au titulaire. Le décompte général et définitif est alors établi dans les conditions fixées à l’article 13.4.3 du CCAG-Travaux. Le décompte général ne devient définitif et lie définitivement les parties qu’à compter de sa notification au titulaire par le maître d’ouvrage, sauf en ce qui concerne les montants des révisions de prix et des intérêts moratoires afférents au solde. Le cas échéant, les révisions de prix sont calculées dans les conditions prévues à l’article 13.4.2 du CCAG-Travaux. Le maître d’ouvrage notifie au titulaire le montant des révisions de prix au plus tard dix jours après la publication de l’index de référence permettant la révision du solde. La date de cette notification constitue le point de départ du délai de paiement de ce montant. Si le maître d’ouvrage ne notifie pas au titulaire, dans les délais stipulés ci-dessus, le décompte général signé, celui-ci lui adresse une mise en demeure d’y procéder. L’absence de notification au titulaire du décompte général signé par le maître d’ouvrage, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, autorise le titulaire à saisir le tribunal administratif compétent. Si le décompte général est notifié au titulaire postérieurement à la saisine du tribunal administratif, le titulaire n’est pas tenu, en cas de désaccord, de présenter le mémoire en réclamation mentionné à l’article 50.1.1 du CCAG-Travaux. ».
Fig. 19.12. Procédure d’établissement du DGD dérogatoire à la procédure du DGD tacite prévue au CCAG-Travaux
19.2.2.6 Acceptation du décompte général par le titulaire Le titulaire dispose d’un délai de 30 jours à compter de la notification du décompte général pour faire part au maître d’ouvrage et au maître d’œuvre de sa décision. Plusieurs possibilités s’offrent à lui. Acceptation sans réserve du décompte général Le titulaire accepte le décompte général sans réserve. Dans ce cas, il le signe et le renvoie au maître d’ouvrage. Le décompte devient alors définitif et lie les parties dans tous ses aspects, hormis pour les révisions de prix définitives et les intérêts moratoires afférents au solde(663). Le décompte général renvoyé au maître d’ouvrage sans signature n’est pas définitif, il ne produit donc aucun effet sur la responsabilité contractuelle du titulaire que le maître d’ouvrage peut encore engager(664). La date de réception par le maître d’ouvrage du DGD signé par le titulaire fait courir le délai réglementaire de paiement du solde. Acceptation partielle du décompte général Le titulaire peut retourner le décompte général signé, mais assorti de réserves qui doivent être précises. Il peut aussi refuser de le signer et doit dans ce cas faire connaître les motifs de ce refus. En cas de réserves partielles, « le titulaire est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte général sur lesquels ses réserves ne portent pas »(665). La partie qui n’est pas remise en cause est donc considérée comme définitivement acceptée et doit faire l’objet d’un règlement dans un délai de 30 jours par le maître d’ouvrage, à compter de la date de réception du décompte signé avec réserves par le titulaire. Les sommes supplémentaires qui pourraient être versées au titulaire après résolution du désaccord sont assorties d’intérêts moratoires calculés sur la base du délai courant à compter de la date de transmission du mémoire en réclamation du titulaire.
Important Le désaccord sur le contenu du décompte général n’empêche pas le paiement partiel du titulaire L’article 13.4.3 prévoit qu’en cas de désaccord le maître d’ouvrage doit, dans un délai de trente jours à compter de la réception du décompte général avec réserve ou des motifs du refus de signer le décompte général, procéder au paiement des sommes inscrites dans le décompte final du titulaire qui ne font l’objet d’aucun désaccord. Une fois le désaccord résolu, les sommes concernées sont le cas échéant payées au titulaire.
19.2.2.7 Contestation du décompte général Dans la situation d’un refus ou d’une acceptation partielle du contenu du décompte général, le titulaire doit préparer un mémoire en réclamation dans le but de régler le litige qui l’oppose au maître d’ouvrage. L’article 55.1 du CCAG-Travaux régit les modalités de préparation et de transmission de ce mémoire. Il doit être transmis au maître d’ouvrage dans les 30 jours à compter de la date à laquelle le titulaire a reçu la notification du décompte général. L’absence de contestation dans ce délai a pour effet de rendre le décompte général définitif et de priver le titulaire de tout moyen de contestation, notamment devant le juge(666). Ce mémoire doit être précis quant aux éléments du décompte qui sont contestés, sous peine de ne pas être considéré comme une véritable réclamation(667). Il n’est pas interdit pour le titulaire de formuler ses réclamations sur le décompte par le biais de plusieurs mémoires successifs dont un mémoire principal suivi d’un ou plusieurs mémoires complémentaires(668). Le mémoire doit nécessairement reprendre les réclamations d’ordre financier qui ont été formulées antérieurement à la notification du décompte général(669).
Important Le mémoire ne peut présenter que des réclamations déjà formulées en cours d’exécution La jurisprudence considère que, par application du CCAG, le mémoire en réclamation qui porte sur le décompte ne peut présenter que des réclamations antérieures. En d’autres termes, le titulaire doit pouvoir attester que ses réclamations financières sont en lien avec des réserves émises sur des ordres de service ou avec toute autre réclamation adressée au maître d’œuvre et relative aux conditions de déroulement de l’exécution du marché. Il peut s’agir de réclamations sur les retards du chantier, sur une demande de travaux non prévue au marché, sur des difficultés techniques imprévues… CE 1er août 2012, Société Barbot, req. n° 352525 « Considérant, en premier lieu, qu’en jugeant qu’il résulte des stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales qu’il incombe à l’entreprise de reprendre, dans un mémoire en réclamation, produit à la suite de la notification du décompte général, les réclamations formulées antérieurement et qui n’ont pas encore fait l’objet d’un règlement définitif et qu’à défaut de respect de ces stipulations, le décompte général doit être réputé accepté par elle et devient définitif, nonobstant l’existence d’un litige pendant devant le juge administratif, la cour administrative d’appel n’a pas entaché son arrêt d’erreur de droit ; ».
Le délai de réponse du maître d’ouvrage aux réclamations du titulaire est de 30 jours. En cas d’acceptation, les parties pourront reprendre la procédure d’établissement du décompte général. L’absence de réponse dans ce délai équivaut à un rejet de la réclamation. Dans ce cas, le titulaire est en droit de saisir le tribunal administratif dans un délai de 6 mois maximum, afin de faire valoir ses droits. La saisine du juge des référés pour lui demander le versement d’une provision sur la base des sommes prévues au décompte général permet d’interrompre le délai de 6 mois(670). Au-delà de ces 6 mois, le titulaire est définitivement forclos pour tout recours devant le juge. Ce délai de 6 mois peut être suspendu dans l’hypothèse d’une saisine d’un comité consultatif de règlement amiable des litiges ou par l’intervention d’un conciliateur ou d’un tribunal arbitral (voir chapitre 27)(671). En revanche, il ne peut pas être suspendu dans l’hypothèse où le titulaire, à la suite d’un rejet exprès ou implicite de son mémoire en réclamation, adresse une seconde réclamation au maître d’ouvrage(672). De même, l’intervention d’une expertise ordonnée par le juge des référés n’a pas pour effet de suspendre le délai de 6 mois(673).
19.3 Procédure d’établissement du DGD en marché de maîtrise d’œuvre Le CCAG-MOE prévoit une procédure d’établissement du DGD répondant au même objectif que celle prévue au CCAG-Travaux : assurer au titulaire du marché un règlement du solde dans des délais maîtrisés. Concrètement, la procédure d’établissement du DGD pourra être menée à bien dans un délai de 120 jours maximum (fig. 19.13 et fig. 19.5). Cette procédure qui ressemble en tout point à celle bien connue en marché de travaux comporte quelques spécificités. En outre, elle contient toutes les mesures permettant d’éviter un blocage du fait de la défaillance de l’une des parties : acceptation tacite du décompte final en cas de silence du maître d’ouvrage ou établissement du décompte final par le maître d’ouvrage en cas de carence du maître d’œuvre.
Fig. 19.13. La procédure d’établissement du décompte général définitif
19.3.1 Décompte final Après l’achèvement des missions de maîtrise d’œuvre objet du marché, il incombe au titulaire d’établir le projet de décompte final. Cette demande de
paiement final comprend la totalité des sommes auxquelles il prétend dans le cadre de l’exécution du marché. En effet, le CCAG-MOE stipule très clairement : « Le titulaire est lié par les indications figurant sur le projet de décompte final »(674). Les informations que le titulaire va inscrire dans le projet de décompte revêtent donc une importance particulière. Il en résulte que le maître d’œuvre ne doit rien oublier d’y inscrire au risque de ne plus pouvoir le compléter après notification au maître d’ouvrage. Toutes les sommes auxquelles il prétend en raison de l’exécution doivent y figurer. Il ne doit pas attendre que le maître d’ouvrage complète son projet, pour y ajouter, par exemple, les intérêts moratoires relatifs à certains acomptes mensuels ou les éventuelles primes auxquelles il peut prétendre, par exemple, pour réalisation anticipée. Le projet de décompte final doit être transmis au maître d’ouvrage, par tout moyen permettant de donner une date certaine, dans les 30 jours suivant la date de notification de la dernière décision d’admission des prestations ou en son absence, de la date à laquelle l’admission a été considérée comme prononcée tacitement (voir chapitre 18). Lorsque le maître d’œuvre ne transmet pas le projet de décompte final dans le délai imparti ni après mise en demeure du maître d’ouvrage d’y procéder dans un délai de 15 jours, la procédure de traitement du DGD se poursuit sans lui. Le maître d’ouvrage élabore alors lui-même le projet de décompte final(675). L’absence de mise en demeure est une irrégularité qui ne permet pas au maître d’ouvrage de prétendre que le décompte général est devenu définitif malgré l’absence de décompte final transmis par le titulaire(676). Le maître d’ouvrage destinataire du projet de décompte final l’accepte ou le rectifie. Il devient alors le décompte final(677). À ce moment-là, il peut ajuster le montant des sommes dues en fonction de l’exécution réelle du marché ou encore ajouter des pénalités de retard. À ce stade, il est possible que le maître d’ouvrage rajoute au crédit du maître d’œuvre des sommes que ce dernier a oublié d’inscrire, mais il n’en a pas l’obligation. La rectification qui impactera de facto le paiement n’est, en principe, portée à la connaissance du maître d’œuvre qu’au moment de la notification du décompte général. Le maître d’œuvre pourra la contester dans le cadre de la
procédure de réclamation. Dans l’attente du résultat de cette réclamation, le CCAG prévoit que le maître d’ouvrage procède au paiement des sommes qui figurent dans le décompte final et qui sont admises dans le décompte général(678). Tout ce qui n’est pas rectifié par le maître d’œuvre ou ultérieurement par le maître d’ouvrage ouvre donc droit à paiement pour le titulaire.
19.3.2 Décompte général Le maître d’ouvrage établit le décompte général. Cette pièce se compose des éléments suivants : - le décompte final ; - l’état du solde hors révision de prix définitive établi à partir du décompte final ; - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. Son montant correspond au montant du projet de décompte général. En cas de co-traitance, l’état de solde fait apparaître un détail des montants dus aux différents titulaires du marché puisque cette pièce doit permettre au final le paiement des prestations aux différents intervenants. Le récapitulatif des acomptes et du solde détaille également l’ensemble des acomptes versés aux titulaires pour finalement faire ressortir le solde dû à chaque entreprise. Le maître d’ouvrage veillera également à mentionner au sein du décompte général tout litige ou réclamation dont il a connaissance concernant le maître d’œuvre. Seules ces mentions peuvent permettre au maître d’ouvrage d’appeler le maître d’œuvre en garantie dans les cas de condamnations prononcées à son encontre au titre de litiges ou réclamations connus au moment de l’établissement du décompte. Ces mentions sont en quelque sorte l’équivalent des réserves que le maître d’ouvrage peut inscrire au décompte du marché de travaux. Toutefois, le maître de l’ouvrage ne pourra pas inscrire dans le décompte des sommes qui ont trait à des malfaçons de conception de l’ouvrage puisque la réception des travaux aux obligations contractuelles du maître d’œuvre à cet égard(679). Le maître d’ouvrage peut en revanche réserver au décompte les éventuels
préjudices résultant d’un allongement de la durée du chantier dont le maître œuvre serait responsable. Le maître d’ouvrage doit notifier au maître d’œuvre, le décompte général sous 30 jours à compter de la date de réception du projet de décompte final. Concernant la révision définitive des prix, lorsque l’un des index de référence permettant la révision du solde n’a pas encore été publié, le maître d’ouvrage doit tout de même notifier le décompte général dans le délai de 30 jours avec la dernière valeur connue de cet index. Il devra cependant, dans un délai de 10 jours suivant la publication de cet index, notifier au maître d’œuvre la révision définitive du solde. C’est à compter de cette date de notification que courra le délai de paiement des sommes qui restent dues après application de la révision du solde(680) (fig. 19.14).
Fig. 19.14. Délais de traitement et de paiement avec une révision définitive des prix décalés
Elle doit être réalisée par tout moyen permettant de lui donner une date certaine(681). Il peut être utile pour le maître d’ouvrage de prouver cette date, car elle fait courir le délai dont dispose le maître d’œuvre pour contester éventuellement les éléments du décompte.
19.3.3 Décompte devenant tacitement définitif
À défaut d’une notification du décompte général dans le délai de 30 jours suivants la présentation du décompte final, le titulaire dispose des moyens d’obtenir tacitement un décompte général devenu définitif. Le CCAG-MOE prévoit une procédure lui permettant de contourner le maître d’ouvrage peu diligent dans le but d’arrêter définitivement les comptes et de faire courir le délai de paiement(682). La procédure du décompte tacite ne peut être valablement mise en œuvre par le maître d’œuvre que s’il a respecté préalablement la procédure de notification de son décompte final. Lorsque toutes les conditions sont réunies pour mettre en œuvre un décompte général tacite, il revient au maître d’œuvre de préparer et notifier au maître d’ouvrage un décompte général composé des éléments suivants : - le projet de décompte final qu’il lui a préalablement communiqué ; - le projet d’état du solde hors révision de prix définitive, établi à partir du projet de décompte final ; - du projet de récapitulation des acomptes mensuels et du solde hors révision de prix définitive. Le maître d’ouvrage, dans le délai de 10 jours suivant cette notification, peut adopter deux comportements : - soit il réagit et notifie en retour le décompte général au maître d’œuvre. La procédure d’établissement reprend alors son cours normal ; - soit il ne réagit pas et dans ce cas le projet de décompte général préparé par le titulaire devient définitif au terme des dix jours. Le délai de paiement, hors révision de prix définitive, court le lendemain de l’expiration de ce délai (fig. 19.15). Comme pour les marchés de travaux, le maître d’ouvrage peut trouver prudent de déroger à cette procédure de DGD tacite compte tenu des effets importants qu’elle est susceptible d’emporter à son égard.
Fig. 19.15 Procédure d’établissement du DGD tacite
19.3.4 Acceptation du décompte général par le titulaire Le maître d’œuvre dispose d’un délai de 30 jours à compter de la notification du décompte général pour faire part au maître d’ouvrage de sa décision. Plusieurs possibilités s’offrent à lui. Acceptation sans réserve du décompte général Le titulaire accepte le décompte général sans réserve. Dans ce cas, il le signe et le renvoie au maître d’ouvrage. Le décompte devient alors définitif et lie les parties dans tous ses aspects, hormis pour les révisions de prix définitives et les intérêts moratoires afférents au solde(683). Le décompte général renvoyé au maître d’ouvrage sans signature n’est pas définitif, il ne produit donc aucun effet sur la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre que le maître d’ouvrage peut encore engager(684).
La date de réception par le maître d’ouvrage du DGD signé par le maître d’œuvre fait courir le délai réglementaire de paiement du solde. Acceptation partielle du décompte général Le titulaire peut retourner le décompte général signé, mais assorti de réserves qui doivent être précises. Il peut aussi refuser de le signer et doit dans ce cas faire connaître les motifs de ce refus. En cas de réserves partielles, le titulaire est lié par son acceptation implicite des éléments du décompte général sur lesquels ses réserves ne portent pas(685). La partie qui n’est pas remise en cause est donc considérée comme définitivement acceptée et doit faire l’objet d’un règlement dans un délai de 30 jours par le maître d’ouvrage, à compter de la date de réception du décompte signé avec réserves par le titulaire. Les sommes supplémentaires qui pourraient être versées au titulaire après résolution du désaccord sont assorties d’intérêts moratoires calculés sur la base du délai courant à compter de la date de transmission du mémoire en réclamation du titulaire. Important Le désaccord sur le contenu du décompte général n’empêche pas le paiement partiel du titulaire L’article 11.8.6 du CCAG-MOE prévoit qu’en cas de désaccord le maître d’ouvrage doit, dans un délai de trente jours à compter de la réception du décompte général avec réserve ou des motifs du refus de signer le décompte général, procéder au paiement des sommes inscrites dans le décompte final du titulaire qui ne font l’objet d’aucun désaccord. Une fois le désaccord résolu, les sommes concernées sont le cas échéant payées au titulaire.
19.3.5 Contestation du décompte général La contestation du décompte général diffère de la procédure prévue dans les marchés de travaux. Le maître d’œuvre doit, sous peine de forclusion, transmettre son mémoire de réclamation des sommes réclamées au plus tard au moment où il transmet son projet de décompte final(686).
Le maître d’ouvrage tiendra compte ou non de ces réclamations pour formaliser le décompte général. Si un différend persiste lors de la notification du décompte général au maître d’œuvre, le CCAG-MOE autorise alors celui-ci à saisir directement le juge du contrat dans un délai de six mois(687). Ce délai de 6 mois peut être suspendu dans l’hypothèse d’une saisine d’un comité consultatif de règlement amiable des litiges ou par l’intervention d’un conciliateur ou d’un tribunal arbitral (voir chapitre 27). (594) CE 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, req. n° 264490 ; CE 14 mai 2008, OPAC de la Seine-Maritime, req. n° 295253. (595) Pour une application sur la base du CCAG-FCS, CAA Paris, 27 mars 2007, UGAP, req. n° 01PA02527. (596) CE 6 novembre 2013, Région Auvergne, req. n° 361837 ; CE 17 mai 2017, Commune de Reilhac, req. n° 396241 ; CE 19 novembre 2018, Inrstea, req. n° 408203. (597) CE 6 mai 2019, Société Icade Promotion, req. n° 420765. (598) CE 12 novembre 2015, Société Linagora, req. n° 384052. (599) CE 23 juillet 1974, Ministre de l’Éducation nationale, req. n° 85465 ; CE 21 juin 1999, Banque populaire Bretagne Atlantique, req. n° 151917 ; CE 20 mars 2013, Centre hospitalier de Versailles, req. n° 357636 ; CE 25 janvier 2019, Société Self Saint-Pierre et Miquelon, req. n° 423331 ; CE 6 mai 2019, Société Icade Promotion, req. n° 420765. (600) CE 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, req. n° 264490 ; CE 14 mai 2008, OPAC de la Seine-Maritime, req. n° 295253. (601) CE 19 novembre 2018, Inrstea, req. n° 408203. (602) CE 6 mai 2019, Société Icade Promotion, req. n° 420765. (603) CE 8 avril 2009, Société Compagnie Française Eiffel Construction métallique, req. n° 295342 ; CE 20 mars 2013, Centre Hospitalier de
Versailles, req. n° 357636 ; CAA Paris, 11 février 2003, Entreprise Paul Mathis, req. n° 98PA04415. (604) CE 8 avril 2009, Société Compagnie Française Eiffel Construction métallique, req. n° 295342. (605) CE 4 décembre 1987, Commune de Ricamarie, req. n° 56108 ; CE 28 septembre 2001, Entreprise de construction et de prestations de Services, req. n° 213395 ; CE 26 janvier 2007, Société Baudin Chateauneuf, req. n° 256819. (606) CAA Lyon, 12 juillet 2012, Communauté de Communes d’Oyonnax, req. n° 11LY00924 ; CAA Nancy, 3 novembre 2016, SAS BCT Démolition, req. n° 15NC01534. (607) CE 20 mars 2013, Centre Hospitalier de Versailles, req. n° 357636. (608) CE 28 septembre 2001, Société Quillery, req. n° 182761. (609) CE 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, req. n° 264490. (610) CE 12 mai 2006, Département de l’Oise, req. n° 254903. (611) CE 23 mai 2012, Société SPIE SCGPM, req. n° 346352. (612) CCP, art. R. 2191-26 et R. 2391-20. (613) CAA Lyon, 9 juillet 2008, Sté Scarpari, req. n° 05LY00203. (614) CE 3 octobre 2012, Société Eiffage, req. n° 348476. (615) CAA Lyon, 12 juillet 2012, Communauté de Communes d’Oyonnax, req. n° 11LY00924 ; CAA Nancy, 3 novembre 2016, SAS BCT Démolition, req. n° 15NC01534. (616) CE 6 mai 2019, Société Icade Promotion, req. n° 420765. (617) CAA Paris, 11 février 2003, Entreprise Paul Mathis, req. n° 98PA04415.
(618) CE 13 juillet 1961, Compagnie havraise de navigation à vapeur, Lebon p. 190. (619) CE 4 décembre 1987, Commune de Ricamarie, req. n° 56108 ; CE 20 janvier 1989, Commune de Fronton, req. n° 65460. (620) CE 11 juillet 1986, OPHLM interdépartemental de la région parisienne c/Sté Missenard Quint, req. n° 41119. (621) CAA Lyon, 17 mars 2011, Société des Établissements Christian Perret, req. n° 09LY01869. (622) CE 29 décembre 2008, Commune de Montpellier, req. n° 286130. (623) Application identique pour un décompte de résiliation dans un marché de technique de l’information et de la communication : CE 12 novembre 2015, Société Linagora, req. n° 384052. (624) CE 6 novembre 2013, Région Auvergne, req. n° 361837. (625) Article 12.4.2 du CCAG-Travaux ; article 11.8.1 du CCAG-MOE. (626) CE 12 juin 2019, Société Angelo Meccoli et Cie, req. n° 420031. (627) CE 20 mars 2013, Centre hospitalier de Versailles, req. n° 357636. (628) CE 28 mars 2022, Commune de Saint-Flaive-des-Loups, req. n° 450477. (629) Article 12.4.2 du CCAG-Travaux ; article 11.8.1 du CCAG-MOE ; CE 6 mai 2019, Société Icade Promotion, req. n° 420765 ; CE 28 mars 2022, Commune de Saint-Flaive-des-Loups, req. n° 450477. (630) Il en est différemment pour les marchés de services ou de fournitures dans la mesure où ils peuvent donner lieu à des règlements partiels définitifs en cours d’exécution. (631) CE 27 octobre 2010, Centre hospitalier des Quatre Villes, req. n° 332056 ; pour un marché de prestations intellectuelles : CAA Lyon, 27 décembre 2007, Société COPIBAT, req. n° 03LY01501.
(632) CAA Nancy, 28 juin 2008, Syndicat inter hospitalier de blanchisserie de Metz, req. n° 06NC01244 ; CAA Paris, 4 octobre 2013, Syndicat intercommunal d’élimination et de valorisation des déchets de la région de Rungis, req. n° 10PA01260. (633) CE 14 octobre 2005, Département de la Seine-Maritime, req. n° 275066. (634) Article 13.3 du CCAG-Travaux. (635) CE 30 janvier 2008, Office public d’aménagement et de construction de la ville de Clermont-Ferrand, req. n° 278770. (636) Article 13.4.2 du CCAG-Travaux. (637) Article 13.3.3 du CCAG-Travaux. (638) CE 8 avril 2009, Compagnie française Eiffel construction, req. n° 295342. (639) CAA Nancy, 3 février 2015, Société Imhoff, req. n° 13NC01240. (640) CAA Paris, 11 février 2003, Établissement Paul Mathis, req. n° 98PA04415. (641) Article 12.3.4 du CCAG-Travaux. (642) CE 30 janvier 2008, Office public d’aménagement et de construction de la ville de Clermont-Ferrand, req. n° 278770. (643) CE 8 décembre 2020, Société SOGETRA, req. n° 437983 ; CE 10 novembre 2021, Société SOLUDEC, req. n° 449395. (644) Article 12.3.3 du CCAG-Travaux. (645) Article 12.4.3 du CCAG-Travaux. (646) CE 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, req. n° 264490. (647) Article 12.4.2 du CCAG-Travaux.
(648) Article 12.2.1 du CCAG-Travaux. (649) CE 28 septembre 2001, Société Quillery, req. n° 182761. (650) CE 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, req. n° 264490. (651) CE 20 mars 2013, Centre hospitalier de Versailles, req. n° 357636. (652) CE 6 avril 2007, Centre hospitalier général de Boulogne-sur-Mer, req. n° 264490 ; CE 6 novembre 2013, Région Auvergne, req. n° 316837. (653) CE 11 juillet 2008, SA CNIM, req. n° 281070. (654) CE 6 mai 2019, Société Icade Promotion, req. n° 420765. (655) Article 12.4.2 du CCAG-Travaux. (656) CAA Nancy, 2 août 2012, Communauté urbaine du Grand Nancy, req. n° 11NC00584. (657) Article 12.4.2 du CCAG-Travaux. (658) CE 19 janvier 2015, Commune de Chateauneuf, req. n° 374659. (659) CE 26 mars 2003, Société Deniau, req. n° 231344. (660) Article 12.4.4 du CCAG-Travaux. (661) CE 25 juin 2018, Société Merceron TP, req. n° 417738. (662) CE 25 janvier 2019, Société Self Saint-Pierre et Miquelon, req. n° 423331. (663) Article 12.4.3 du CCAG-Travaux. (664) CAA Bordeaux, 13 décembre 2016, Société Les Compagnons Paveurs, req. n° 14BX00534. (665) Article 12.4.3 du CCAG-Travaux.
(666) CE 11 juillet 2008, Société des constructions industrielles de la méditerranée, req. n° 281070 ; CAA Douai, 16 juin 2009, Aubrun, req. n° 06DA01536. (667) CE 15 février 2012, Commune de Souclin, req. n° 346255. (668) CE 4 février 2013, VNF, req. n° 357016. (669) Article 55.1.1 du CCAG-Travaux. (670) CE 27 janvier 2017, STAC, req. n° 396404. (671) Article 55.2.3 du CCAG-Travaux. (672) CE 14 mai 2005, CSM Bessac, req. n° 288622 ; CAA Bordeaux, 11 juin 2014, SBTPC, req. n° 12BX01024. (673) CE 18 septembre 2015, Société AVENA BTP, req. n° 384523. (674) Article 11.7.1 du CCAG-MOE. (675) Article 11.7.3 du CCAG-MOE. (676) CE 30 janvier 2008, Office public d’aménagement et de construction de la ville de Clermont-Ferrand, req. n° 278770. (677) Article 11.7.2 du CCAG-MOE. (678) Article 11.8.6 du CCAG-MOE. (679) CE 2 décembre 2019, Société Guervilly, req. n° 423544. (680) Article 11.8.6 du CCAG-MOE. (681) Article 3.1 du CCAG-MOE. (682) Article 11.8.5 du CCAG-MOE. (683) Article 11.8.3 du CCAG-MOE.
(684) CAA Bordeaux, 13 décembre 2016, Société Les Compagnons Paveurs, req. n° 14BX00534. (685) Article 11.8.6 du CCAG-MOE. (686) Article 35.2 du CCAG-MOE. (687) Article 35.5 du CCAG-MOE.
Chapitre 20
Garanties
L’exécution du marché entraîne la mise en œuvre de garanties d’inspiration légale ou d’origine contractuelle qui ont pour objet de permettre à l’acheteur de rechercher la responsabilité du titulaire en cas de prestations qui s’avèrent défaillantes malgré toutes les précautions prises lors de la réception des travaux ou de l’admission des fournitures et services. Important La conservation des documents à la fin de l’exécution du marché Le Code de la commande publique impose la conservation des documents contractuels pour une période de 10 ans, à compter de la fin de l’exécution du marché pour les marchés de travaux, de maîtrise d’œuvre et de contrôle technique. Cette période de conservation est de 5 ans, à partir de la fin d’exécution du marché, en ce qui concerne les marchés de fournitures et de service(688). Cette conservation permet de sauvegarder les documents contractuels pendant la durée des garanties qui s’appliquent à chaque marché. Pour les marchés de travaux, la conservation de 10 ans correspond à la durée de la garantie décennale. En outre, elle permet l’exercice des différents contrôles sur la gestion de l’acheteur. La date de fin d’exécution du marché à retenir est celle de la réception des prestations pour les marchés de travaux et de service ou de livraison pour des fournitures. Ce pourrait être la date d’expiration de la durée du contrat, s’agissant d’un accord-cadre.
20.1 Garanties dans les marchés de travaux 20.1.1 Garantie de parfait achèvement (GPA) 20.1.1.1 GPA : garantie de nature contractuelle Cette garantie fait peser sur le titulaire du marché de travaux l’obligation de réparer tous les désordres signalés par l’acheteur au moment de la réception des travaux ainsi que ceux qui sont décelés au cours de la période dite de parfait achèvement, dont la durée est fixée par le marché. Les désordres sont signalés soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés pendant la période de parfait achèvement. En droit administratif, la garantie de parfait achèvement est une garantie contractuelle dont les contours sont définis par les seules stipulations du contrat. Sa durée et ses conditions de mise en œuvre peuvent ainsi être adaptées dans chaque marché public. Pour les marchés publics de travaux, c’est l’article 44 du CCAG-Travaux qui détaille l’étendue de la GPA. Les documents particuliers peuvent tout à fait aménager cette stipulation. La GPA dans les marchés publics de travaux se démarque ainsi de la garantie de parfait achèvement définie par l’article 1792-6 du Code civil, qui trouve à s’appliquer uniquement dans les relations contractuelles de droit privé.
Exemple La GPA prolonge les obligations contractuelles, il s’agit d’une responsabilité de nature contractuelle : CE 9 juillet 2010, Commune de Lorry-les-Metz, req. n° 310032 « Considérant que la réception d’un ouvrage met fin aux relations contractuelles entre le maître de l’ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l’ouvrage ; que la responsabilité des constructeurs ne peut alors plus être recherchée sur le fondement de la responsabilité contractuelle pour des désordres qui affecteraient l’ouvrage ; que toutefois, les obligations des constructeurs sont prolongées, à compter de la réception de l’ouvrage, pendant le délai de la garantie de parfait achèvement prévue au contrat lui-même, en ce qui concerne les réserves faites à l’occasion de cette réception ; que les désordres qui apparaissent pendant cette période sont également couverts par la garantie de parfait achèvement ; que la garantie de parfait achèvement prévue par les stipulations contractuelles repose ainsi sur le même fondement juridique que la responsabilité contractuelle ; ».
20.1.1.2 Obligations de parfait achèvement Pendant le délai de parfait achèvement, l’article 44 du CCAG-Travaux stipule que le titulaire du marché est tenu aux obligations suivantes : - exécuter les travaux ou prestations éventuels de finition ou de reprise tels que prévus aux articles 41.5 et 41.6 du CCAG-Travaux ; - remédier à tous les désordres signalés par le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre, de telle sorte que l’ouvrage soit conforme à l’état où il était lors de la réception ou après correction des imperfections constatées au cours de celle-ci ; - procéder, le cas échéant, aux travaux confortatifs ou modificatifs, dont la nécessité serait apparue à l’issue des épreuves effectuées conformément aux stipulations prévues par les documents particuliers du marché ; Ne sont donc pas couverts par la GPA, les désordres apparents lors de la réception, mais qui n’ont pas fait l’objet de réserves. Ne sont pas couverts non plus ceux causés par l’usure normale de l’ouvrage. Pour être mise en œuvre, la GPA nécessite que les désordres relevés soient directement imputables, partiellement ou entièrement, à des manquements du titulaire à ses obligations contractuelles. Il s’agit donc d’apporter la preuve de ces manquements.
Lorsque les désordres sont apparents pendant de la réception et ont fait l’objet de réserves, l’acheteur doit donner un délai de réparation au titulaire. En l’absence de délai, ce dernier doit procéder aux réparations 3 mois avant la fin de la période de GPA(689). Lorsque les désordres surgissent après la réception et durant la période de parfait achèvement, l’acheteur saisit au plus vite le titulaire pour le mettre en demeure d’opérer les réparations. Idéalement, ces travaux doivent intervenir avant la fin de la période de parfait achèvement. Cependant, si le délai accordé par l’acheteur pour remédier aux désordres conduit à dépasser la fin de la période de parfait achèvement, une décision de prolongation de la garantie doit être prise par ce dernier(690). Le fait que le maître d’ouvrage ait donné son accord pour l’utilisation de matériaux en cours d’exécution des travaux n’exonère pas le titulaire de son obligation de réparer les désordres imputables à l’insuffisance de la qualité du matériel(691). 20.1.1.3 Garantie d’obtenir un ouvrage conforme aux prévisions du marché La GPA a pour conséquence d’obliger le titulaire à réparer les désordres affectant l’ouvrage, afin de le rendre conforme aux prévisions du marché(692). La responsabilité supportée par celui-ci prend alors en compte les travaux pour remédier aux désordres, mais aussi les travaux nécessaires pour traiter les causes de ces désordres et ainsi éviter leur survenance dans le futur. En d’autres termes, la GPA n’est pas un cache-misère, elle vise à résoudre durablement les causes des désordres et à aboutir à un ouvrage conforme en tous points aux prescriptions contractuelles.
Exemple La GPA conduit à rendre l’ouvrage conforme aux prévisions du marché : CE 29 septembre 2014, Commune de Nantes, req. n° 370151 « Considérant que la cour administrative d’appel de Nantes a engagé la responsabilité de la société Tennis et sols sur le fondement de la garantie de parfait achèvement prévue à l’article 44 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de travaux, qu’elle a estimé applicable au marché ; qu’en vertu d’une telle garantie prévue pendant une durée d’un an à compter de la réception des travaux et résultant du contrat, le constructeur est tenu de remédier aux désordres signalés dans ce délai afin de rendre l’ouvrage conforme aux prévisions du marché ; […] qu’ainsi, en évaluant le préjudice subi par la commune au titre des travaux de reprise qu’elle a dû faire exécuter uniquement au coût des travaux permettant de faire disparaître les manifestations des désordres, c’est-à-dire les boursouflures et autres défauts de planéité, sans prendre en considération le coût de l’ensemble des travaux nécessaires pour rendre le revêtement de sol conforme aux prévisions du marché et impliquant notamment un ragréage et non un simple traitement des manifestations des désordres, la cour a commis une erreur de droit ; »
20.1.1.4 Durée de la GPA Sa durée est d’un an à compter de la date de réception des travaux, avec ou sans réserve. Il n’est pas certain que le délai de la GPA puisse être considéré comme un délai d’exécution susceptible d’être prorogé au prochain jour ouvrable, s’il se termine un jour férié ou un dimanche (voir chapitre 9). Cependant, ce délai peut être prolongé dans plusieurs cas(693) : - lorsque le titulaire n’a pas procédé à l’exécution des travaux dont il était redevable au titre de la garantie, soit pour lever les réserves émises à la réception, soit pour réparer les désordres apparus après celle-ci ; - lorsque ce dernier ne procède pas aux mesures prescrites par le maître d’œuvre qui présume l’existence de vices de construction pendant la GPA et l’a mis en demeure d’y remédier(694). Les articles 44.1 et 44.2 du CCAG-Travaux imposent à l’acheteur de prendre une décision expresse pour prolonger les effets de la garantie jusqu’à la réparation intégrale des désordres.
Recommandation Déroger au CCAG pour prévoir une prolongation automatique de la GPA tant que les désordres signalés n’ont pas été réparés. La prolongation automatique était admise par le juge sous l’ancien CCAG-Travaux de 1976 qui n’imposait pas une décision expresse de l’acheteur pour prolonger la durée de la GPA(695). La garantie était prolongée de fait, tant que les désordres n’étaient pas arrangés, ce qui protégeait les intérêts de l’acheteur. Le CCAG-Travaux, dans sa version de 2021, impose d’être vigilant sur ce point, car en application de ses articles 44.1 et 44.2, l’oubli de notifier une décision de prolongation, avant le terme de la durée de garantie, a pour effet de libérer le titulaire du marché de son obligation de parfait achèvement. Compte tenu de ces effets très négatifs pour l’acheteur, il est recommandé de déroger à ces articles du CCAG-Travaux afin de prévoir que le délai de garantie est prolongé, de fait, tant que le titulaire n’a pas réparé les désordres, sans qu’une décision expresse soit nécessaire.
20.1.1.6 Aménagements de la GPA La nature contractuelle de la GPA permet d’en aménager les effets et la durée dans les documents particuliers du marché et de la décliner sous la forme de garanties spéciales. Sa durée peut par exemple être réduite ou allongée. Ses effets peuvent être modulés selon la nature des travaux considérés ou les parties d’ouvrage concernées. Des garanties spéciales aux effets proches de ceux de la GPA peuvent ainsi être prévues dans le cadre du marché (voir le commentaire sous l’article 44.2 dans le CCAG-Travaux). Important Les garanties spéciales Les garanties spéciales présentent un intérêt certain pour l’acheteur qui souhaite se prémunir d’un « mauvais vieillissement » de matériaux ou de procédés spécifiques ou encore de parties de constructions complexes. À titre d’exemple, on notera que cette pratique est courante en ce qui concerne des travaux d’étanchéité(696), les équipements spécifiques, le bois ou encore le traitement anti-corrosion de certains matériaux(697). Cette garantie particulière doit être très précisément définie au CCAP comme au CCTP (durée, étendue, contrôle périodique de la tenue des matériaux, etc.).
Exemple Garantie spéciale de dix ans pour certains travaux d’étanchéité : CE 28 avril 1997, Entreprise QUILLERY et Cie, req. n° 148477 « Considérant que la Cour n’a commis aucune erreur de droit en admettant la possibilité pour le maître de l’ouvrage d’invoquer les stipulations contractuelles de l’article V-14 du cahier des prescriptions spéciales instituant une garantie contractuelle de dix ans pour certains travaux d’étanchéité ; que la Cour a procédé à une appréciation souveraine de la commune intention des parties et des faits de l’espèce, sans les dénaturer, en estimant que le maître de l’ouvrage, lorsqu’il a procédé à la réception définitive des travaux, n’a pas entendu renoncer à la garantie spéciale instituée par les stipulations contractuelles susmentionnées ; ».
20.1.1.7 Responsabilité du maître d’œuvre pendant la GPA Le maître d’œuvre n’est pas soumis à la GPA, mais son rôle dans la mise en œuvre de cette garantie est susceptible de faire jouer sa responsabilité contractuelle. L’assistance pendant la période de parfait achèvement fait partie des éléments de la mission de base nécessairement confiée au maître d’œuvre(698). La responsabilité contractuelle de ce dernier est maintenue pendant toute la durée de la GPA, prolongation comprise. Elle peut être mise en cause pour défaut de surveillance ayant entraîné des désordres lors de cette période de garantie(699). Cette responsabilité peut également être soulevée dans le cas d’un manquement à son obligation de conseil avant la réception, qui aurait conduit à ne pas relever des désordres apparents, empêchant ainsi l’acheteur d’en demander la réparation pendant la période de parfait achèvement(700).
20.1.2 Garantie décennale 20.1.2.1 Principe de la garantie décennale La garantie décennale trouve sa source aux articles 1792, 1792-2 et 1792-41 du Code civil. Ces textes ne concernent pas directement les marchés de
travaux, seuls les principes qui régissent la garantie décennale sont appliqués par le juge administratif. Recommandation Rappeler le régime de la garantie décennale dans les documents du marché Le CCAG-Travaux ne faisant pas référence à la garantie décennale, il est utile de rappeler, dans les clauses du marché, l’application des principes dont s’inspirent les articles 1792 et suivants du Code civil. En effet, ce régime de responsabilité s’inspire des règles du Code civil, mais trouve son origine, selon le juge, dans le contrat. Il est donc judicieux que le marché mentionne la responsabilité décennale des constructeurs.
La garantie décennale couvre les vices qui ne sont pas apparents au moment de la réception. Des désordres manifestement connus, lors de l’exécution des travaux et au moment de la réception et qui n’ont pas donné lieu à des réserves, ne permettent plus de rechercher la responsabilité décennale du constructeur(701). Est considéré comme apparent un vice facilement décelable par un maître d’ouvrage, ou son maître d’œuvre, raisonnablement attentif(702). À cet égard, il n’y a pas lieu de s’interroger sur le comportement du maître d’ouvrage au cours du chantier, la faute commise lors de la surveillance des travaux ne joue pas sur la qualification de vice apparent(703), un vice est en lui-même apparent ou ne l’est pas. Toutefois, pour des désordres apparents à la réception, le juge peut prendre en compte l’importance de leurs conséquences sur l’ouvrage pour décider de faire jouer exceptionnellement la garantie décennale(704). Exemple La garantie décennale ne joue pas pour des désordres connus en cours d’exécution : CE 9 décembre 2011, Commune d’Alès, req. n° 342283 « Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction, notamment des conclusions de l’expertise ordonnée par le président du tribunal administratif de Montpellier, que les vices invoqués par la commune, en ce qui concerne le parc de stationnement souterrain, sont apparus dès la période de l’exécution des travaux et antérieurement à la réception de ceux-ci par le maître de l’ouvrage ; qu’ils ne sauraient, par suite, engager la responsabilité décennale des constructeurs ; qu’il n’est pas, en revanche, sérieusement contesté que les vices affectant le marché couvert, en ce qui concerne la “couverture bacs acier”, l’enduit sur acrotère, le mur rideau et les joints de fractionnement, n’étaient pas, à la date de réception des ouvrages, apparents, qu’ils rendent les parties de l’ouvrage qu’ils affectent impropres à leur destination et qu’ils sont imputables à l’entreprise générale chargée de l’exécution des travaux ; ».
En outre, il doit s’agir de vices suffisamment graves pour affecter la solidité de l’ouvrage ou pour le rendre impropre à sa destination d’origine, ce qui semble exclure, de fait, les désordres qui revêtent un simple caractère ponctuel(705). De même, les simples défauts affectant l’ouvrage ne suffisent pas à faire jouer la garantie. Par exemple, les désordres constatés sur la façade d’une église ne la rendent pas impropre à sa destination si les infiltrations ne sont pas révélées à l’intérieur de l’édifice(706). En revanche, ne sont pas exclus du champ de la garantie, ceux pouvant porter une atteinte à la destination de l’ouvrage sur le plan purement esthétique(707) ou encore les désordres affectant des éléments de chauffage dissociables de l’ouvrage dès lors qu’ils sont susceptibles de le rendre impropre à sa destination(708). Les atteintes à la solidité de l’ouvrage le rendent en général aussi impropre à sa destination, soit parce qu’il y a un risque d’effondrement(709), soit que la sécurité des personnes est en jeu(710). Enfin, la garantie décennale, telle qu’elle est appliquée en droit administratif, couvre les dommages dont le caractère « décennal » n’est pas connu dans le délai d’épreuve de dix ans. En d’autres termes, le Conseil d’État admet de faire jouer la garantie dès lors que les désordres sont constatés dans la durée décennale, mais que l’importance de leurs conséquences sur l’ouvrage, sur sa solidité ou sa destination, n’est révélée que bien plus tard(711). Il reconnaît donc en quelque sorte la notion de « dommage futur » en matière de responsabilité décennale. Cette conception est très protectrice pour les intérêts des acheteurs. La jurisprudence qui illustre les désordres pris en compte ou, au contraire, écartés du champ d’application de la garantie est abondante.
Important L’obligation du constructeur de souscrire une assurance décennale En application de l’article L. 241-1 du Code des assurances, le constructeur doit souscrire une assurance décennale le couvrant pour la présomption de responsabilité qu’il encourt en application des articles 1792 et suivants du Code civil. Cette obligation peut être vérifiée par l’acheteur lors de la procédure de passation, avant la conclusion du marché. Sa justification est apportée par une attestation d’assurance (article L. 243-2 du Code des assurances).
20.1.2.2 Délai de mise en jeu de la garantie La durée de la garantie est donc de dix ans. Il s’agit d’un délai de prescription au-delà duquel toute action de l’acheteur envers le constructeur est irrecevable. Ce délai court à compter de la date de réception des travaux sans réserve. En cas de réception faisant l’objet de réserves, il commence à courir à la date de leur levée(712). Il se calcule de date à date, c’est-à-dire qu’il ne se proroge pas au prochain jour ouvrable lorsqu’il expire un jour férié par exemple. Ce n’est ni un délai franc, comme en matière d’exécution du marché, ni un délai de procédure au sens du Code civil(713). Exemple Le délai de garantie se calcule de date à date : CAA Douai, 7 juin 2007, Ville d’Évreux, req. n° 06DA00382 « Considérant que le délai de garantie décennale n’est ni un délai franc ni un délai de procédure au sens de l’article 642 du nouveau Code de procédure civile ; qu’il ne peut donc être prorogé jusqu’au premier jour ouvrable au cas où il expirerait un samedi, un dimanche, ou un jour férié ou chômé ; qu’en vertu de ce principe, le délai de garantie décennale ayant, au cas d’espèce, commencé à courir le 31 décembre 1990, ne pouvait être prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant, et a normalement expiré le 31 décembre 2000 à minuit ; ».
Ce délai peut être interrompu de plusieurs manières. D’abord, par une action en justice de l’acheteur, soit pour réclamer directement la condamnation au titre de la responsabilité décennale, même
devant une juridiction incompétente(714), soit pour solliciter du juge des référés la désignation d’un expert en vue de déterminer l’origine et la gravité des désordres(715). L’ordonnance de référé n’aura d’effet interruptif sur la prescription qu’à la condition de viser les constructeurs(716) et les désordres(717) concernés par l’action en garantie. En d’autres termes, si la demande d’expertise ne concerne que l’entrepreneur, l’interruption du délai n’a aucun effet sur la responsabilité du maître d’œuvre. Ensuite, l’acheteur peut interrompre le délai de prescription par la notification au constructeur visé d’un état exécutoire en vue de lui réclamer les sommes nécessaires à la réparation des désordres(718). Enfin, le comportement du constructeur, notamment par la réalisation de travaux de réparation(719), s’ils sont suffisamment importants(720), ou ses déclarations écrites(721), peut montrer qu’il reconnaît sa responsabilité dans les désordres de nature décennale, ce qui entraîne l’interruption du délai. Cette interruption a pour effet de faire courir un nouveau délai de 10 ans pour les désordres concernés(722). Recommandation Interrompre le délai sans hésitation L’acheteur ne doit pas hésiter, en présence de désordres révélés pendant la période de garantie, à interrompre le délai, notamment par une demande d’expertise. Le nouveau délai de 10 ans qui va courir à compter de cette interruption permettra à l’acheteur de disposer du temps nécessaire pour mesurer la gravité des désordres en question et donc leur impact sur l’ouvrage. Cette recommandation est d’autant plus importante lorsque de premiers désordres apparaissent tandis que le terme du délai approche.
Exemple Interruption du délai par une ordonnance d’expertise et prorogation du délai pour 10 ans : CAA Bordeaux, 30 septembre 2014, Région Guadeloupe, req. n° 12BX00535 « Considérant que la date d’effet de la réception fixe, en vertu de l’article 45 du cahier des clauses administratives générales travaux, applicable au marché en cause, le point de départ des responsabilités résultant des principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du Code civil ; que ce point de départ doit être fixé en l’espèce au 23 décembre 1997, compte tenu de ce qui a été dit au point 6 ; […] que le délai de la garantie décennale a été valablement interrompu le 14 novembre 2000, date à laquelle la région Guadeloupe a sollicité du juge des référés du tribunal administratif de BasseTerre la désignation d’un expert en vue de déterminer l’étendue des désordres affectant le bâtiment de la coopérative des pêcheurs et les responsabilités encourues par les constructeurs ; que cette interruption a produit ses effets jusqu’au 18 janvier 2001, date à laquelle le juge des référés a ordonné l’expertise demandée ; que, par suite, le délai de la garantie décennale n’était pas expiré lorsque la région Guadeloupe a saisi, par une requête enregistrée le 23 décembre 2010, le tribunal administratif d’une demande à fin de condamnation de la société Polybat, de M. B… et du bureau d’études Betci sur le fondement de la garantie décennale ; » (fig. 20.1).
Fig. 20.1. Application du délai de garantie avec interruption par ordonnance d’expertise
20.1.2.3 Responsabilité présumée La responsabilité décennale est présumée : le constructeur ne peut s’exonérer qu’en apportant la preuve que les désordres trouvent leur origine dans un cas de force majeure ou une faute de l’acheteur(723). C’est également le cas s’il démontre que les désordres ne lui sont pas directement imputables compte tenu de la nature des missions qui lui étaient confiées par l’acheteur(724). En d’autres termes, l’existence ou non d’une faute du constructeur n’entre pas en compte dans l’application de sa responsabilité, seules la force majeure, la faute de la victime ou l’imputation des désordres à un autre corps de métier peuvent l’en exonérer.
Exemple La responsabilité décennale est une responsabilité présumée : CE 20 février 2016, Commune de Rennes-les-Bains, req. n° 387428 « Considérant qu’il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans ; que le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d’ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables ; […] qu’en se fondant, pour exonérer le maître d’œuvre et le constructeur de leur responsabilité décennale, sur la seule circonstance que le dommage aurait pu trouver son origine dans d’autres causes, alors qu’une telle exonération ne pouvait procéder que du constat que la prolifération des bactéries n’était en aucune manière imputable aux travaux réalisés par les sociétés mises en cause, la cour a méconnu les principes rappelés au point 2 et, ce faisant, commis une erreur de droit ; ».
20.1.2.4 Constructeurs concernés Les débiteurs de cette garantie sont les constructeurs qui interviennent dans l’opération. C’est ce qu’il ressort de la lecture de l’article 1792 du Code civil. En effet, l’article 1792-1 du même code dispose qu’est réputé constructeur tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre prestataire lié au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage. Le critère de l’existence d’un contrat entre l’acheteur et la personne intervenant à l’opération de construction est donc en principe déterminant. Mais les missions qui lui sont confiées dans le marché seront aussi à prendre en compte pour déterminer le niveau d’implication dans l’opération. L’entrepreneur et le maître d’œuvre ont donc naturellement la qualité de constructeur. Cette qualité est également reconnue au contrôleur technique en vertu de l’article L. 110.24 du Code de la construction et de l’habitation. Un assistant à maîtrise d’ouvrage ou un conducteur d’opération est ainsi, selon les missions confiées par son marché, considéré comme un constructeur débiteur le cas échéant de la garantie décennale(725). Le fait qu’une clause du marché exclut expressément cette qualité de constructeur n’a, à cet égard, aucun effet sur la qualification retenue par le
juge(726). Exemple La qualité de constructeur est reconnue à toute personne participant à l’opération de construction en vertu d’un contrat conclu avec le maître de l’ouvrage : CAA Nantes, 30 novembre 2012, SARL IOSIS Centre Ouest, req. n° 11NT01227 « Considérant que, par un acte d’engagement signé le 8 juin 2000, la SARL BatiConsult a été chargée par l’hôpital local d’Antrain d’une mission d’assistance au maître de l’ouvrage durant la phase “exécution” des travaux, consistant en un marché d’études (prestations intellectuelles) d’assistance générale, à caractère administratif, financier et technique, en vue de la définition et de la mise en œuvre optimale des moyens nécessaires à la bonne réalisation de l’opération ; qu’ainsi, et contrairement à ce qu’elle soutient, la SARL BatiConsult doit être regardée, eu égard à l’objet et à la nature de la mission ainsi définie, comme un constructeur au sens des principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du Code civil ; ».
De même, cette qualité est reconnue au fabricant installateur d’une moto pompe destinée à équiper un ouvrage et dont le dysfonctionnement le rend impropre à sa destination(727). En revanche, le coordonnateur en matière de sécurité et pour la protection de la santé, que le maître d’ouvrage doit désigner en application du Code du travail(728), n’est pas un constructeur compte tenu de la nature de ses missions sur un chantier(729). En outre, les intervenants à l’opération de construction qui ne sont pas liés à l’acheteur par un contrat ne sont pas considérés comme des constructeurs. Il en est ainsi des sous-traitants ou des fabricants fournisseurs de matériaux(730).
Exemple Les sous-traitants et les fournisseurs de matériaux n’ont pas la qualité de constructeurs : CE 8 juin 2011, req. n° 330836 : « Considérant qu’il résulte de l’instruction que les sociétés Desbin, Everlite Concept et Tuilerie Briqueterie Française ont agi, en ce qui concerne les désordres litigieux, pour les deux premières, en qualité de sous-traitantes de l’entreprise Delas et, pour la dernière, en qualité de fournisseur de matériaux ; qu’ainsi, dès lors que ces sociétés n’ont jamais été liées par contrat au maître d’ouvrage, elles n’ont pas la qualité de constructeur qui serait seule de nature à rendre recevables, devant le juge administratif, des conclusions dirigées contre elles fondées sur la garantie qu’impliquent les principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du Code civil ; que, par suite, les conclusions de la société Axa France Iard dirigées contre elles ne peuvent qu’être rejetées ; ». Important L’acheteur peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des sous-traitants S’il n’est pas possible de mettre en jeu la responsabilité décennale des intervenants qui n’ont pas la qualité de constructeurs, en l’absence de contrat les liant à l’acheteur, leur responsabilité quasi-délictuelle peut être engagée pour des fautes tenant notamment à la violation de la réglementation en vigueur ou des règles de l’art. Les désordres dont la réparation est recherchée dans ce cas doivent être de même nature qu’en matière de garantie décennale, c’est-à-dire qu’ils doivent impacter la solidité de l’ouvrage ou le rendre impropre à sa destination(731).
À noter que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a créé l’article 1792-4-2 du Code civil qui prévoit des prescriptions pour les actions en responsabilité contre les soustraitants. Ces actions sont prescrites, à compter de la réception des travaux, au bout de dix ans pour les dommages affectant les ouvrages ou leurs éléments indissociables et dans un délai de deux ans pour les éléments d’équipement. Au titre de la garantie décennale, le maître d’ouvrage peut engager la responsabilité individuelle de chaque constructeur ou alors tous les mettre en cause de manière solidaire, à condition que les désordres leur soient, à tous, imputables. Enfin, si le fabricant de matériaux n’est pas considéré comme un constructeur, sa responsabilité peut être solidairement recherchée par l’acheteur sur le fondement de l’article 1792-4 du Code civil. Ce sera le cas si les matériaux en question sont constitutifs d’ouvrages, de partie
d’ouvrages ou d’équipements conçus et produits pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance(732). 20.1.2.5 Ouvrages relevant de la garantie décennale La garantie décennale couvre les ouvrages ainsi que les éléments d’équipement qui leur sont indissociables. L’article L. 243-1-1 du Code des assurances exclut certains types d’ouvrages du champ de l’obligation d’assurance décennale. Le marché peut toutefois étendre l’obligation à ces catégories d’ouvrages. La notion d’ouvrage est librement appréciée par le juge selon les situations. À titre d’exemple, un dispositif d’incinération, dès lors qu’il dispose d’un ancrage permanent et qu’il a sa destination propre, est un ouvrage couvert par la garantie décennale(733). Il en est de même pour l’enrochement d’une berge d’une rivière, dès lors qu’il fait corps avec le terrain(734). En revanche, les travaux de réfection d’un ouvrage existant ne sont pas en eux-mêmes susceptibles d’engager la responsabilité décennale. Ce n’est effectivement pas le cas de simples travaux de peinture qui présentent des désordres(735). Mais il en sera différemment si ces travaux de réfection portent atteinte à la solidité de l’ouvrage existant ou à sa destination, notamment pour des travaux de ravalement(736). Exemple Les travaux de réfection permettent d’engager la responsabilité décennale : CAA Nantes, 12 mars 2015, Commune de Courcival, req. n° 13NT03415 « Considérant qu’il résulte des principes dont s’inspirent les articles 1792 et 2270 du Code civil que la responsabilité décennale d’un constructeur peut être recherchée à raison des dommages qui résultent de travaux de réfection réalisés sur les éléments constitutifs d’un ouvrage dès lors que ces dommages sont de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination ; ».
Sont indissociables les éléments d’équipement qui font corps avec un ouvrage de viabilité, de fondation, d’ossature, de clos ou de couvert lorsque leur dépose, leur démontage ou leur remplacement ne peut s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage(737).
Ce serait le cas, par exemple, de caniveaux qui ont été spécifiquement conçus et produits pour la construction d’une extension de piste d’un aéroport et dont les défaillances rendent cette piste impropre à sa destination(738). Les éléments dissociables ne sont en principe pas concernés par cette garantie. Ils relèvent davantage de la garantie de bon fonctionnement. Toutefois, dans certaines situations, les désordres sur un élément dissociable peuvent conduire à l’engagement de la responsabilité décennale. Le juge soumet l’installateur de l’élément dissociable à la garantie décennale dès lors qu’il est, par son dysfonctionnement, cause des désordres suffisamment graves pour affecter la solidité de l’ouvrage ou pour le rendre impropre à sa destination(739). EXEMPLES Éléments dissociables de l’ouvrage dont les désordres entraînent la responsabilité décennale Tableau électrique : CAA Lyon, 27 mai 2010, Société RTE EDF Transport, req. n° 08LY00138 « Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la société Hervé Thermique, la responsabilité décennale peut être recherchée pour des éléments d’équipement dissociables de l’ouvrage s’ils rendent celui-ci impropre à sa destination ; qu’en l’espèce, il résulte de l’instruction et notamment du rapport d’expertise ordonné par le Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse, que l’incendie qui a endommagé le poste de commande groupé de La Boisse a été causé par l’échauffement d’une connexion au sein de la barrette de disjoncteurs magnétothermiques, située en partie basse du tableau électrique ouest ; qu’un tel dysfonctionnement est de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination ; ». Plateforme modulable, démontable et transportable : CAA Bordeaux, 3 novembre 2015, SAS Innovert, req. n° 14BX03216 « Il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert, que les règles de l’art imposaient que les supports de la plateforme litigieuse soient installés sur une dalle ou un plot en béton permettant d’assurer un appui correct. Dans ces conditions, la fourniture et la pose de la plateforme s’intégraient dans un ensemble d’opérations visant à la livraison au syndicat mixte d’une déchetterie. Cette dernière, résultant de travaux immobiliers, notamment de terrassement et de viabilisation, réalisés pour le compte d’une personne publique et dans un but d’intérêt général, présente le caractère d’un ouvrage public. Par suite, alors même que la plateforme constituerait un élément d’équipement dissociable de l’ouvrage, sa défaillance, si elle rend ce dernier impropre à sa destination, engage la responsabilité de la SAS Innovert au titre de la garantie décennale. »
Enfin, ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage, au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 du Code civil, les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage(740). Il en est ainsi des autoclaves installés dans des laboratoires dans le cadre d’un marché de travaux(741).
20.1.3 Garantie biennale de bon fonctionnement 20.1.3.1 Principe de la garantie biennale de bon fonctionnement La garantie de bon fonctionnement est soumise à un régime largement identique à celui de la garantie décennale. Cela permet de les considérer comme complémentaires et d’envisager la garantie biennale comme un aménagement de la garantie décennale pour des désordres touchant des éléments particuliers qui contribuent à l’utilisation de l’ouvrage(742). Cette garantie appliquée par le juge administratif dans les marchés de travaux s’inspire des principes qui trouvent leur source à l’article 1792-3 du Code civil selon lequel : « Les autres éléments d’équipement de l’ouvrage font l’objet d’une garantie de bon fonctionnement d’une durée minimale de deux ans à compter de sa réception ». Comme en matière de garantie décennale, le juge ne fait que s’inspirer du Code civil, ce qui laisse aux parties la possibilité d’aménager contractuellement la garantie de bon fonctionnement. Ainsi, elle est d’une durée minimale de deux ans à compter de la date de réception de l’ouvrage, mais cette durée peut être augmentée par le contrat. Il ne semble pas exclu non plus que la commune intention des parties puisse conduire également à réduire cette durée à une année sans que cette réduction ne soit considérée comme une exclusion ou une limitation de la garantie(743).
Recommandation Rappeler le régime de la garantie de bon fonctionnement dans le marché Bien que reconnue par le juge administratif, cette garantie n’est étonnamment pas prévue par le CCAG-Travaux. Il est par conséquent conseillé de faire figurer le contenu de cette garantie dans les documents particuliers afin de pouvoir utilement s’en prévaloir. Il n’est pas inutile, par ailleurs, de déterminer dans le marché les éléments qui sont considérés par les parties comme étant dissociables de l’ouvrage et donc soumis à la garantie biennale et ceux qui sont considérés comme indissociables et qui seront ainsi couverts par régime de la garantie décennale.
20.1.3.2 Constructeurs concernés Les débiteurs de la garantie de bon fonctionnement sont les opérateurs qui ont la qualité de constructeurs, installateurs des éléments de l’ouvrage couverts par la garantie (sur la notion de constructeur, voir § 20.1.2.3). Sont donc en premier lieu concernés les entrepreneurs liés par marché à l’acheteur. Seuls les opérateurs en charge de l’installation de l’équipement sont en revanche concernés, ceux qui sont responsables de sa surveillance, de son entretien et de son fonctionnement n’ont pas la qualité de constructeurs(744). Mais la garantie peut peser aussi sur l’opérateur qui, n’étant pourtant pas lié à l’acheteur par un marché, intervient simplement pour fournir un élément d’équipement dissociable de l’ouvrage. Le juge fait application du principe de solidarité posé par l’article 1792-4 du Code civil. 20.1.3.3 Éléments d’équipement relevant de la garantie de bon fonctionnement La garantie de bon fonctionnement couvre les éléments d’équipements installés à l’occasion de travaux et qui apparaissent comme dissociables de l’ouvrage. C’est le cas des appareils et équipements sanitaires et de chauffage(745), des ascenseurs, des équipements de sécurité incendie, des appareils d’éclairages ou de communication, des groupes électrogènes(746), des gradins
télescopiques(747), des revêtements calorifuges des canalisations, car ils sont détachables sans détérioration des supports(748). N’est pas dissociable, en revanche, le chapeau d’un mur, dès lors que toucher à ce chapeau implique de toucher à la structure de l’ouvrage(749). Ne sont pas dissociables non plus, et ne permettent pas de mettre en jeu la responsabilité pour bon fonctionnement, des panneaux d’isolation thermique(750). Cette garantie vaut pour les désordres apparus dans le délai et couvre également leurs conséquences, même si leur ampleur réelle n’est révélée qu’au-delà du délai de garantie. Par exemple, pour un équipement sanitaire présentant un défaut d’étanchéité, la garantie couvrira à la fois l’équipement et les dommages causés par les fuites constatées (mur ou revêtement de sol endommagés). Enfin, ne sont pas considérés comme des éléments d’équipement d’un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 du Code civil, les éléments d’équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l’exercice d’une activité professionnelle dans l’ouvrage(751).
20.1.4 Articulation des garanties dans les marchés de travaux Les différentes garanties ayant en principe le même point de départ, exception faite de la garantie décennale en cas de réserve, elles se chevauchent le plus souvent dans le temps. Schématiquement ce chevauchement peut être représenté de la manière suivante (fig. 20.2) : Fig. 20.2. Représentation des différentes garanties dans les marchés de travaux
Ce chevauchement pose la question de leur articulation. En effet, la GPA étant une garantie totale, elle couvre, de fait, les désordres qui peuvent entrer dans les champs d’application plus restreints des garanties de bon fonctionnement et décennale.
Concernant les désordres apparents lors de l’exécution ou lors de la réception et qui n’ont pas fait l’objet de réserves, ils ne sont en principe couverts par aucune garantie. Concernant les désordres qui font l’objet de réserves lors de la réception, en principe, seule la garantie de parfait achèvement peut être invoquée par l’acheteur pour engager la responsabilité contractuelle du titulaire. On sait, en effet, que les garanties de bon fonctionnement et décennale ne jouent que pour des désordres non apparents, autrement dit cachés, lors de la réception. Il existe, par ailleurs, une règle de primauté de la responsabilité contractuelle sur les autres formes de responsabilités(752), notamment sur les responsabilités d’inspiration légale(753). Exemple Primauté de la responsabilité contractuelle sur les autres formes de responsabilité : CE 24 juillet 2009, SCI Les Blés d’Or, req. n° 293422 « Considérant que la SCI Les Blés d’Or, qui est liée à la commune de Nantes par la convention du 9 janvier 1995 mentionnée ci-dessus, ne peut exercer, en se prévalant d’engagements de la commune de Nantes ayant les mêmes objets que ceux des engagements formalisés dans la convention du 9 janvier 1995, en raison des préjudices dont elle demande réparation, d’autre action que celle procédant de ce contrat ; ».
Concernant les désordres qui interviennent ou ne sont révélés qu’après la réception, l’acheteur semble disposer d’un droit d’option sur la responsabilité à mettre en jeu(754). Ce choix dépend de la nature des désordres, selon dans quel champ d’application ils entrent, par exemple s’ils affectent la solidité de l’ouvrage. Il dépend aussi de la possibilité d’aller rechercher la responsabilité de l’assureur du constructeur dans le cadre de son obligation d’assurance décennale. Ce droit d’option mériterait néanmoins d’être confirmé, la nature contractuelle de la GPA implique l’engagement de la responsabilité contractuelle pour les désordres intervenant dans la période de parfait achèvement. Un tel raisonnement n’est pas sans conséquence, car il conduit à priver les garanties de bon fonctionnement et décennale d’effectivité pendant une année(755). Le droit d’option est donc à privilégier.
Important L’acheteur peut rechercher devant le juge plusieurs responsabilités pour un même constructeur, par exemple la responsabilité contractuelle en même temps que la responsabilité décennale(756). Le juge retiendra celle qui est adaptée aux circonstances et à l’état des relations juridiques entre les parties.
20.2 Garanties dans les marchés de fournitures et de services 20.2.1 Garantie des vices cachés prévue par le Code civil Selon l’article 1641 du Code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ». Le Conseil d’État applique les règles en matière de garantie des vices cachés sans les adapter au droit des marchés publics(757). Ainsi, il doit s’agir de vices rédhibitoires et non apparents lors de l’admission. En application de l’article 1648 du Code civil, ils doivent être soulevés par l’acheteur dans le délai de deux ans à compter de la date de découverte. Ce délai ne court cependant que lorsque l’étendue et la gravité du vice constaté sont connues de l’acheteur(758), c’est-à-dire à la date de dépôt du rapport d’expertise(759). Sur ce point, l’exercice d’un référé instruction pour demander au juge de désigner un expert en vue de déterminer l’origine des vices permet d’interrompre le délai(760). Le juge administratif considère qu’une fois le vice constaté, une présomption irréfragable de connaissance de ce vice de la chose vendue pèse sur le vendeur qui l’oblige à la réparation intégrale de tous les préjudices en résultant (remplacement du matériel, location de matériel de
substitution, dommages causés aux tiers, etc.)(761). Le vendeur ne peut pas, dans ce cas, soutenir que le vice résulte de la faute du fabricant du matériel. La garantie ne saurait jouer au seul motif de l’inadaptation du matériel au besoin de l’acheteur ou pour l’apparition de problèmes techniques lors de son utilisation(762). Si l’application des dispositions du Code civil est un élément rassurant pour l’acheteur, le recours à l’article 1641 ne se fera que très rarement compte tenu du fait que les parties vont, par principe, faire référence à un CCAG qui lui-même fixe des conditions particulières de garantie des prestations. Exemple Présomption irréfragable pesant sur le vendeur non fabricant et réparation intégrale des préjudices : CE 7 avril 2011, Société Ajaccio Diesel, req. n° 344226 « Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du rapport d’expertise dressé le 16 juillet 2008, que le véhicule litigieux est affecté d’un vice tenant aux soudures de la caisse, qui préexistait au transfert de propriété dès lors qu’il résulte du choix de la Société Ajaccio Diesel d’équiper la structure du véhicule d’une caisse réalisée et posée par une autre entreprise ; que ce vice, inhérent au véhicule, rend celui-ci impropre à sa destination normale, dès lors qu’il a dû être immobilisé à la suite de la rupture de soudures ; que ce vice était inconnu de l’acheteur, non professionnel, lors de la conclusion de la vente, et ne pouvait pas être décelé par lui ; qu’il résulte de ce qui précède que la demande du centre hospitalier remplit les conditions d’engagement de la garantie par l’acheteur des vices cachés de la chose vendue ; […] Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 1645 du Code civil une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l’oblige à réparer l’intégralité de tous les dommages en résultant ; qu’ainsi la Société Ajaccio Diesel ne peut utilement soutenir que le vice affectant le véhicule engagerait la responsabilité du fabricant de la caisse défectueuse ; ».
20.2.2 Garantie prévue dans les CCAG 20.2.2.1 Périmètre de la garantie Les CCAG-FCS et TIC prévoient une garantie minimale d’un an, s’appliquant à la partie de la prestation qui serait reconnue comme défectueuse, exception faite du cas où la défectuosité serait imputable à l’acheteur(763). Le titulaire est alors tenu de remettre en état ou de remplacer
à ses frais la partie défectueuse. Il devra également se charger de la fourniture d’un matériel de remplacement équivalent, lorsque l’indisponibilité du matériel provoque une privation de jouissance préjudiciable à l’acheteur. Le CCAG-MI, quant à lui, stipule que la garantie minimale d’un an porte sur les prestations fournies, ainsi que sur tous ses composants et sousensembles. Le titulaire reprend celles qui sont défaillantes et assure, à ses frais, la totalité des prestations nécessaires pour les rendre conformes aux clauses techniques du contrat(764). La garantie décrite par ces CCAG couvre aussi les frais de déplacement de personnel, de conditionnement, d’emballage et de transport de matériel exigés par la remise en état ou le remplacement, qu’il soit procédé à ces opérations au lieu d’utilisation de la prestation ou que le titulaire ait obtenu que la fourniture soit renvoyée à cette fin dans ses locaux. Le CCAG-PI prévoit en outre une garantie minimale d’un an, mais il n’apporte pas de précision spécifique sur l’étendue de cette garantie(765). Un commentaire mentionné dans le CCAG indique que les documents particuliers du marché peuvent définir, pour certaines catégories de prestations, des garanties particulières. À titre d’exemple, les prestations intellectuelles couvrant des domaines assez variés, il est en effet souvent utile de « calibrer » les garanties en fonction de l’objet du marché. Cette garantie étant contractuelle, il est loisible à l’acheteur de prévoir dans les pièces du marché des conditions de garantie différentes, notamment une durée plus longue(766). C’est d’ailleurs couramment le cas puisqu’il est fréquent que cette garantie soit utilisée comme un critère de la mise en concurrence du marché, permettant ainsi aux opérateurs économiques de proposer des conditions plus étendues. 20.2.2.2 Délai de la garantie La durée minimale de garantie prévue par tous les CCAG est d’un an. Le point de départ du délai de garantie est la date de notification de la décision d’admission/réception de la prestation(767).
Les CCAG-FCS, MI et TIC stipulent qu’à l’expiration de ce délai, si le titulaire n’a pas procédé aux remises en état prescrites, il est prolongé jusqu’à leur exécution complète(768) sans qu’une décision expresse de prolongation de l’acheteur ne soit nécessaire. En outre, le CCAG-MI précise qu’après la remise en état des prestations, le délai de garantie est à nouveau étendu d’un délai identique à la période d’indisponibilité, c’est-à-dire celle pendant laquelle l’acheteur n’a pu bénéficier de la prestation commandée(769) (voir fig. 20.3). Fig. 20.3. La prolongation du délai de garantie prévue par le CCAG-MI Recommandation Adopter le mécanisme de prolongation du délai de garantie du CCAG-MI pour les autres types de marchés Ce mécanisme du CCAG-MI, très protecteur des intérêts de l’acheteur, peut être prévu pour d’autres types d’achats dans les documents particuliers des marchés relevant notamment des CCAG-FCS ou CCAG-TIC.
20.2.2.3 Remise en état Les délais d’intervention imposés au titulaire pour remettre en état la prestation peuvent être énoncés dans les clauses particulières du marché. Fixer un délai contractuel de remise en état permet sans aucun doute de diminuer le risque d’une période de rupture de prestation longue, qui peut dans certains cas être problématique. Les CCAG-FCS, TIC et MI prévoient néanmoins que dans le cas où ce délai n’est pas fixé dans le contrat, l’acheteur l’arrête lui-même après consultation du titulaire(770). Il notifie ce délai à ce dernier qui doit alors impérativement procéder aux réparations demandées, qu’il estime la demande de remise en état justifiée ou non(771). Les litiges et divergences entre l’acheteur et le titulaire sur la mise en œuvre de la garantie se régleront en effet après la remise en état. Seul le CCAG-MI prévoit l’application de pénalités de retard en cas de nonrespect du délai de remise en état(772).
Recommandation Prévoir dans le marché les délais de réparation ainsi que les pénalités pour sanctionner leur dépassement Il apparaît utile de prévoir dans les marchés relevant des CCAG-FCS et TIC, des délais de réparation afin d’éviter des discussions sur leur fixation en cours d’exécution. Il semble par ailleurs indispensable de décider de pénalités pour sanctionner le dépassement de ces délais.
20.2.2.4 Cas particuliers des prestations non réparables et de l’intervention de l’acheteur dans la réparation Seul le CCAG-MI stipule qu’une prestation défaillante non réparable doit être remplacée ou à défaut remboursée à hauteur de sa valeur à neuf(773). Cette clause peut fort bien être intégrée dans les pièces particulières d’un marché de fournitures courantes ou services ou encore de TIC. Ce même CCAG prévoit le cas où l’intervention du titulaire risque d’affecter le fonctionnement du service. L’acheteur peut alors, après information du titulaire, procéder lui-même à la réparation qui se fait aux frais du titulaire. À l’exception des actions qui découlent de consignes ou d’information du titulaire, les interventions de l’acheteur dégagent alors le titulaire de sa responsabilité.
Recommandation Prévoir des garanties particulières dans le marché Les clauses des différents CCAG restent des règles générales de garantie des prestations commandées qui s’appliquent par défaut. C’est pourquoi, en fonction des caractéristiques de ses besoins, l’acheteur a tout intérêt à préciser dans ses clauses particulières les conditions de garanties qu’il souhaite voir appliquer aux prestations qu’il achète. Les marchés relevant du CCAG-TIC sont tout particulièrement concernés par ce constat. À titre d’exemple, le CCAGTIC, en fixant les règles de garantie de conformité des logiciels standards puis des logiciels libres, ne traite que partiellement de la partie la plus visible des TIC, la partie logicielle. Les multiples cas de garanties appartenant à un tel domaine ne peuvent être couverts par des clauses générales. Il semble, là encore, absolument nécessaire de prévoir des règles au cas par cas. Paramétrer sa garantie La durée de garantie ainsi que les modalités d’intervention doivent être définies en fonction des caractéristiques de l’achat. Par exemple, pour du matériel audiovisuel dont l’obsolescence est relativement rapide, il est pertinent de fixer au marché une garantie courant sur la durée de vie du matériel (durée au-delà de laquelle le matériel, plutôt qu’être réparé, sera remplacé par du matériel dernière génération). En l’occurrence, cette garantie peut être raisonnablement de 3 ans. Les délais d’intervention et de réparation dans le cadre de la garantie doivent être également définis. Les modalités de remplacement ou de fourniture d’un matériel d’« attente » sont articulées avec la durée maximum d’indisponibilité acceptable. À l’instar des clauses régissant les marchés de MI, il peut également être prévu que le délai de garantie soit prolongé du délai de privation de jouissance. Compléter sa garantie La garantie ne jouant pas en cas de défectuosité due à l’acheteur, il est nécessaire de prévoir dans le marché une clause de maintenance curative chiffrée hors du coût intrinsèque du produit. Cette maintenance doit couvrir les cas de défaillance résultant d’une mauvaise utilisation, d’actes de malveillance, ou encore les cas particuliers non couverts par les garanties, comme les exclusions prévues par le CCAG-MI (limitation des garanties sur les pièces que le titulaire s’est contenté d’assembler). La garantie ne couvrant pas en principe les dommages causés à la personne ou aux biens de l’acquéreur, l’acheteur veillera également à ce que le titulaire lui remette, comme cela est prévu au CCAG, les attestations d’assurance couvrant ces cas de figure.
20.3
Retenue de garantie
La retenue de garantie est une sûreté, une réserve financière, qui permet à l’acheteur de se prémunir du cas où le titulaire du marché ne répond pas à son obligation de bonne réalisation des prestations. Elle est en général
utilisée dans les marchés de travaux, mais rien n’interdit de la prévoir dans d’autres types de marchés, si cela présente un intérêt. L’acheteur a ainsi la possibilité, s’il l’a prévu contractuellement, de prélever une fraction du montant du marché qu’il conservera le temps que la période de garantie se termine et que tous les désordres signalés soient réparés. Ce dispositif facultatif est strictement encadré par les textes relatifs aux marchés publics(774). Ils permettent au titulaire, le cas échéant, d’y substituer le dispositif de la garantie à première demande ou, avec l’accord de l’acheteur, celui de la caution personnelle et solidaire.
20.3.1 Objet de la retenue de garantie L’objet de la retenue de garantie est exclusif, il est de couvrir, pendant le délai contractuel de garantie, les réserves émises sur la conformité des prestations aux attentes du marché. Ne sont concernées que les garanties contractuelles, c’est-à-dire la GPA pour les marchés de travaux ou la garantie d’un an prévue dans les CCAG pour les autres types de marchés. Deux types de réserves sont concernés : - celles émises à la réception des travaux, fournitures ou services ; - celles formulées pendant le délai de garantie et relatives à des malfaçons non apparentes lors de la réception. En conséquence, l’acheteur doit s’interroger dès l’élaboration de son marché sur la pertinence de recourir à ce dispositif. En effet, la retenue de garantie est un dispositif facultatif qui ne présente pas toujours un grand intérêt pour l’acheteur, par exemple pour l’achat de fournitures standards. En revanche, le dispositif a toujours un impact financier non négligeable pour le titulaire.
Important La possibilité de prévoir d’autres mécanismes de garantie Il n’y a pas que les réserves et la réparation des désordres qui peuvent être couverts par un mécanisme de sûreté. L’article R. 2191-43 du Code de la commande publique autorise l’acheteur à prévoir dans le marché d’autres mécanismes en vue de garantir l’exécution d’engagements particuliers prévus au contrat.
20.3.2 Mécanisme de la retenue de garantie La retenue de garantie ne peut représenter un montant supérieur à 5 % du montant initial du marché augmenté, le cas échéant, du montant des augmentations réalisées par avenants en cours d’exécution. Ce plafond est porté à 10 % pour les marchés publics de défense ou de sécurité(775). Pour les marchés publics de l’État conclus avec une PME, le taux maximum est de 3 %(776). Le mécanisme consiste à prélever au maximum 5 % sur chaque somme versée à titre d’acompte ou de paiement partiel définitif. La retenue de garantie s’applique en principe sur des montants révisés ou actualisés. Ce prélèvement est réalisé par le comptable public après mandatement des sommes dues. Le comptable détiendra la retenue jusqu’au moment où elle pourra être restituée au titulaire, à moins qu’elle ne soit utilisée par l’acheteur pour financer des réparations. Ce prélèvement doit être restitué au titulaire lorsque la période de garantie est arrivée à son terme. Dans la plupart des marchés, la restitution de cette somme ne se fait donc qu’au terme de la période contractuelle d’un an après la réception ou l’admission, à condition que cette période n’ait pas fait l’objet d’une prolongation.
20.3.3 Cas de non-application de la retenue de garantie
La retenue de garantie ne s’applique pas aux organismes publics titulaires d’un marché(777). En matière de marchés publics de défense ou de sécurité, la non-application aux personnes publiques reste une faculté encadrée par des conditions précises(778). Il existe cependant d’autres cas dans lesquels la retenue de garantie ne peut être mise en œuvre. Ainsi, elle ne peut être prélevée sur les sommes dues au sous-traitant. En effet, le titulaire est le seul responsable de l’ensemble des prestations réalisées au titre du marché, même de celles qu’il a confiées à des sous-traitants(779). Dès lors qu’une retenue de garantie est prévue, il appartient à l’acheteur de prêter une attention toute particulière et constante au rapport entre le montant des prestations qui doivent être exécutées par le titulaire lui-même et celui des prestations qui doivent être exécutées par des sous-traitants payés directement. En effet, pour que la retenue de garantie puisse être appliquée au titulaire, encore faut-il que le montant des prestations confiées à celui-ci atteigne au moins le montant de la retenue de garantie. Dans l’hypothèse où ce montant ne permettrait pas de procéder au prélèvement de la retenue de garantie, celui-ci est tenu de constituer une garantie à première demande dans les conditions fixées aux articles R. 2191-36 et suivants du Code de la commande publique. 20.3.1.2 Dispositifs alternatifs à la retenue de garantie La retenue de garantie peut être remplacée, pendant toute la durée du marché, par une garantie à première demande ou une caution personnelle et solidaire(780). Cela consiste pour le titulaire à fournir un engagement de la part d’un organisme agréé(781), principalement un établissement bancaire ou une société d’assurance, à produire les sommes garanties à la demande de l’acheteur. Ces deux dispositifs ne présentent cependant pas le même degré de protection pour l’acheteur. La garantie à première demande lui apporte une sécurité complète alors que la caution personnelle et solidaire confère à l’établissement garant la possibilité de lui opposer certaines exceptions(782). Cette différence de
régime entre les deux sûretés explique que le recours à la caution personnelle et solidaire doit être expressément accepté par l’acheteur. Il ne peut pas, en revanche, refuser la mise en œuvre par le titulaire d’une garantie à première demande. Celle-ci présente, pour l’acheteur, l’avantage d’être complètement autonome par rapport aux obligations du marché qu’elle garantit(783). L’établissement garant du titulaire se trouvera dans l’obligation de payer les sommes correspondantes dès lors que l’acheteur le lui demande. À l’inverse, la caution a un caractère accessoire par rapport au marché et ses obligations qu’elle garantit. La situation de l’exécution du marché peut donc être utilisée par l’établissement garant pour refuser le versement des sommes. Les deux sûretés sont par contre indépendantes de la situation du titulaire. Son placement dans une procédure collective n’aura donc aucun effet sur la validité de la caution ou de la garantie à première demande(784). Lorsque le titulaire du marché est un groupement solidaire, la garantie est fournie par le mandataire pour le montant total du marché, avenants compris. Dans le cas d’un groupement conjoint, chaque membre produit une garantie correspondant aux prestations qui lui sont confiées. Si le mandataire est solidaire de chacun des membres du groupement, la garantie peut être apportée par le mandataire pour la totalité du marché. Un arrêté du 22 mars 2019 fixe les modèles de garantie à première demande et de caution personnelle et solidaire(785). 20.3.1.3 Remboursement de la retenue de garantie L’article R. 2191-35 du Code de la commande publique dispose : « Lorsque le marché prévoit une retenue de garantie, celle-ci est remboursée dans un délai de trente jours à compter de la date d’expiration du délai de garantie. Toutefois, si des réserves ont été notifiées au créancier pendant le délai de garantie et si elles n’ont pas été levées avant l’expiration de ce délai, la
retenue de garantie est remboursée dans un délai de trente jours après la date de leur levée. » Ce mécanisme permet au titulaire d’obtenir le remboursement des sommes retenues sans qu’il n’ait à entreprendre aucune démarche particulière. En cas de retard de remboursement, les sommes correspondantes produiront automatiquement des intérêts moratoires (voir chapitre 23). Lorsque la retenue de garantie est couverte par une caution ou une garantie à première demande, les établissements cautionnaires ou garants sont libérés un mois au plus tard après l’expiration du délai de garantie. Cette main levée est retardée lorsque des réserves sont notifiées au titulaire du marché ainsi qu’aux établissements cautions ou garant pendant le délai de garantie. Elle n’interviendra alors qu’un mois suivant la levée des réserves(786). 20.3.1.4 Utilisation de la retenue de garantie Lorsque le titulaire n’est pas en mesure de respecter ses obligations contractuelles ou post-contractuelles, l’acheteur peut utiliser la somme consignée par le comptable public pour financer les prestations nécessaires à la réparation des désordres. À titre d’exemple, la retenue de garantie servira à financer le coût d’acquisition d’un matériel remplaçant celui qui a été livré dans le cadre du marché et qui s’est révélé être défectueux durant sa période de garantie sans que le titulaire ne se montre diligent pour de luimême procéder à ces réparations. Bien entendu, l’utilisation de la retenue de garantie, avant d’être permise par le comptable public, détenteur de ces sommes, doit être précédée de l’application rigoureuse de la procédure conduisant à constater la défaillance du titulaire : notification de la défectuosité constatée avec demande d’intervention ou de remplacement dans les éventuels délais contractuels, mise en demeure d’intervenir ou de remplacer la prestation défaillante… Le recours à cette retenue n’exclut pas d’éventuelles actions en responsabilité contre le titulaire.
(688) CCP, art. L. 2196-1 ; L. 2396-1 et R. 2184-13. (689) Article 41.6 du CCAG-Travaux. (690) Article 44.2 du CCAG-Travaux. (691) CE 17 juin 2015, Société APRR, req. n° 383203. (692) CE 29 septembre 2014, Commune de Nantes, req. n° 370151. (693) Article 44.2 du CCAG-Travaux. (694) Article 39 du CCAG-Travaux. (695) CE 26 janvier 2007, Société MAS, req. n° 264306 ; CAA Versailles, 24 mai 2017, Société Bravo Martin, req. n° 14VE00724. (696) CE 28 avril 1997, Entreprise Quillery et Cie et a., req. n° 148477 ; CE 20 janvier 1992, Compagnie française du groupe Jossermoz, req. n° 78677. (697) CAA Nancy, 6 juillet 2006, Société Lambert Entreprise, req. n° 03NC00701. (698) CCP, art. R. 2431-4 ; article 2 du CCAG-MOE. (699) CE 27 mars 1998, Société d’assurance la Nantaise et l’Angevine réunies, req. n° 144240. (700) CE 5 mars 1993, Ventura et Patriarche, req. n° 110580. (701) CE 9 décembre 2011, Commune d’Alès, req. n° 342283 ; CE 19 avril 2013, Communauté de communes de Chamousset-en-Lyonnais, req. n° 359100. (702) CE 8 juin 2005, Ville de Caen, req. n° 261478. (703) CE 15 avril 2015, Commune de Saint-Michel-sur-Orge, req. n° 376229.
(704) CE 11 juillet 2001, SARL Hébert, req. n° 214206. (705) CE 7 décembre 2015, Commune de Bihorel, req. n° 380419. (706) CE 9 juillet 2010, Commune de Lorry-les-Metz, req. n° 310032. (707) CE 11 décembre 2013, Commune de Courcival, req. n° 364311 ; CE 9 juillet 2010, Commune de Lorry-les-Metz, req. n° 310032. (708) CE 9 novembre 2018, Commune de Saint Germain-le-Châtelet, req. n° 412916. (709) CE 23 mai 2011, CA de Lens-Liévin, req. n° 341414. (710) CE 22 février 2006, Société Dussably, req. n° 266681. (711) CE 31 mai 2010, Commune de Parnes, req. n° 317006 ; CE 11 décembre 2013, Commune de Courcival, req. n° 364311 ; CE 15 avril 2015, Commune de Saint-Michel-sur-Orge, req. n° 376229 ; CE 15 juin 2018, Société Atelier Arcos Architecture, req. n° 417595. (712) CE 7 octobre 2009, Société Atelier des Maîtres d’œuvre ATMO, req. n° 308163 ; CE 16 janvier 2012, Commune du Château d’Oléron, req. n° 352122. (713) CE 17 juin 1983, Ville de Beauvais, req. n° 30458 ; CE 4 janvier 1995, req. n° 134754 ; CAA Nancy, 2 février 2004, Commune de Couvignon, req. n° 99NC01833 ; CAA Douai, 7 juin 2007, Ville d’Évreux, req. n° 06DA00382. (714) CE 1er juillet 2005, Commune de Saint-Denis-en-Val, req. n° 267691. (715) CE 5 octobre 2015, Société Bureau Veritas, req. n° 383814. (716) CE 7 octobre 2009, Société Atelier des Maîtres d’œuvre ATMO, req. n° 308163 ; CE 19 avril 2017, Communauté urbaine de Dunkerque, req. n° 395328. (717) CE 2 août 2011, Région Centre, req. n° 330982.
(718) CE 24 janvier 1986, req. n° 50270 ; CE 19 décembre 1990, Société Travaux publics du Cotentin, req. n° 89571. (719) CE 7 juin 1985, req. n° 35724. (720) CE 22 juillet 1992, Département du Var, req. n° 51446. (721) CE 10 décembre 1993, Commune de Plémet, req. n° 57758. (722) CE 7 février 1970, req. n° 70756 ; CAA Bordeaux, 19 mars 2015, SAS Qualiconsult, req. n° 13BX02011 ; CAA Nantes, 20 juin 2014, Société Bureau Veritas, req. n° 13NT00020 ; CAA Bordeaux, 30 septembre 2014, Région Guadeloupe, req. n° 12BX00535. (723) CE 7 octobre 1998, Société OTH Méditerranée. A, req. n° 156653. (724) CE 20 février 2016, Commune de Rennes-les-Bains, req. n° 387428 ; CE 4 mars 1991, INRA, req. n° 55376. (725) CAA Nantes, 30 novembre 2012, SARL IOSIS Centre Ouest, req. n° 11NT01227 ; CE 9 mars 2018, Commune de Rennes-les-Bains, req. n° 406205. (726) CE 21 février 2011, Société ICADE G3A, req. n° 330515. (727) CE 8 décembre 1999, Société Borg Warner, req. n° 13651. (728) Code du travail, art. L. 4531-1 et s. (729) CE avis, 16 juin 1998, n° 362051. (730) CE 8 juin 2011, req. n° 330836. (731) CE 7 décembre 2015, Commune de Bihorel, req. n° 380419. (732) CE 6 octobre 2004, Société Oxatherm, req. n° 258334 ; CE 21 octobre 2015, Commune de Tracy-sur-Loire, req. n° 385779.
(733) CAA Douai, 20 janvier 2015, Sociétés Hitachi ZosenInova AG et Inova SAS, req. n° 13DA01246. (734) CAA Bordeaux, 26 juin 2014, Ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche, req. n° 13BX02141. (735) CE 18 juin 1997, OPHLM de la ville du Havre, req. n° 126612. (736) CE 3 juin 1988, Entreprise JP Palud, req. n° 58876 ; CE 18 juin 1997, OPHLM de la ville du Havre, req. n° 126612 ; CAA Nantes, 12 mars 2015, Commune de Courcival, req. n° 13NT03415. (737) Code civil, art. 1792-2. (738) CAA Versailles, 10 octobre 2013, Société Aéroports de Paris, req. n° 11VE01315. (739) CE 8 décembre 1999, Société Borg Warner, req. n° 13651 ; CAA Lyon, 27 mai 2010, Société RTE EDF Transport, req. n° 08LY00138 ; CAA Paris, 7 décembre 2010, Société de construction de lignes électriques, req. n° 09PA00397 ; CE 9 novembre 2018, Commune de Saint Germain-leChâtelet, req. n° 412916. (740) Code civil, art. 1792-7. (741) CAA Douai, 3 mars 2010, CHU de Rouen, req. n° 09DA00616. (742) O. Guézou, « Traité de contentieux de la commande publique », Éditions Le Moniteur 2017, p. 395. (743) CE 8 décembre 1999, Société Borg Warner, req. n° 138651. (744) CAA Lyon, 26 avril 2012, OPH Advivo, req. n° 11LY01768. (745) CAA Lyon, 26 avril 2012, OPH Advivo, req. n° 11LY01768 ; CE 9 novembre 2018, Commune de Saint Germain-le-Châtelet, req. n° 412916. (746) CAA Nantes, 9 mai 2008, Communauté de communes du Cap Sizun, req. n° 07NT01200 : élément dissociable qui en l’espèce ne permet pas
l’engagement de responsabilité. (747) CAA Versailles, 7 juin 2005, Société BERIM, req. n° 03VE02415 : élément dissociable justifiant en l’espèce l’engagement de la responsabilité décennale. (748) CAA Paris, 31 mars 2005, Ville de Paris, req. n° 00PA01399 : élément dissociable qui en l’espèce ne permet pas l’engagement de responsabilité. (749) CAA Nantes, 19 septembre 2014, Commune de Choussy, req. n° 13NT00898. (750) CAA Nancy, 30 juin 2005, Office public de l’habitat d’Épinal, req. n° 98NC02391. (751) Code civil, art. 1792-7. (752) CE 24 juillet 2009, SCI Les Blés d’Or, req. n° 293422. (753) CE 20 janvier 1982, req. n° 11418. (754) CE 9 juin 1989, Syndicat intercommunal à vocations multiples et définies de la région havraise, req. n° 73946 ; CE 14 mai 1990, Société CGEE Alsthom, req. n° 80614 ; T. Janvier, « La garantie de parfait achèvement en droit public », BJCP n° 102, p. 340 ; H. Hoepffner, « L’obligation de garantir la conformité de l’ouvrage aux stipulations du contrat », note sous CE 29 septembre 2014, Commune de Nantes, req. n° 370151, AJDA, 19 janvier 2015, p. 67. (755) O. Guézou, « Traité de contentieux de la commande publique », Éditions Le Moniteur, p. 399. (756) CE 7 mars 2005, Syndicat d’agglomération nouvelle de SaintQuentin-en-Yvelines, req. n° 204454. (757) CE 24 novembre 2008, CHR d’Annecy, req. n° 291539.
(758) CAA Bordeaux, 20 octobre 2015, Commune de Pointe-à-Pitre, req. n° 13BX02416 ; CE 27 mars 2017, Société Sodimat, req. n° 395442 ; CE 7 juin 2018, Société FPT Powertrain Technologies France, req. n° 416535. (759) CAA Nancy, 17 janvier 2013, Syndicat intercommunal des eaux de Gravelotte et de la vallée de l’Orne, req. n° 11NC01134. (760) CE 7 avril 2011, Sté Ajaccio Diesel, req. n° 344226. (761) Ibid. (762) CAA Nancy, 24 avril 2014, Commune de Saint-Claude, req. n° 13NC00256. (763) Article 33 du CCAG-FCS, article 36 du CCAG-TIC. (764) Article 36 du CCAG-MI. (765) Article 30 du CCAG-PI. (766) CAA Paris, 7 novembre 1989, Sté parisienne de canalisation, req. n° 89PA00511 ; commentaire de l’article 33.5 du CCAG-FCS, commentaire de l’article 36.5 du CCAG-TIC ; article 30 du CCAG-PI ; commentaires de l’article 36.7 du CCAG-MI. (767) Article 33.1 du CCAG-FCS ; article 30 du CCAG-PI ; article 36.1 du CCAG-MI ; article 36.1 du CCAG-TIC. (768) Article 33.5 du CCAG-FCS ; article 36.6 du CCAG-MI ; article 36.5 du CCAG-TIC. (769) Article 36.6 du CCAG-MI. (770) Article 33.3 du CCAG-FCS, article 36.3 du CCAG-TIC, article 36.2 du CCAG-MI. (771) Article 33.4 du CCAG-FCS, article 36.4 du CCAG-TIC, article 36.2 du CCAG-MI.
(772) Article 36.2 du CCAG-MI. (773) Article 36.5 du CCAG-MI. (774) CCP, art. L. 2191-7 et R. 2191-32 et s. (775) CCP, art. R. 2391-22. (776) CCP, art. R. 2191-33. (777) CCP, art. R. 2191-34. (778) CCP, art. R. 2391-23. (779) CCP, art. L. 2193-3 et L. 2393-1. (780) CCP, art. R. 2191-36 et R. 2391-25. (781) Selon les exigences des articles L. 612-1 du Code monétaire et financier et L. 413-1 du Code des assurances. (782) Article 2313 du Code civil : « La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ; » (783) Article 2321 du Code civil : « La garantie autonome est l’engagement par lequel le garant s’oblige, en considération d’une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues. Le garant n’est pas tenu en cas d’abus ou de fraude manifestes du bénéficiaire ou de collusion de celui-ci avec le donneur d’ordre. Le garant ne peut opposer aucune exception tenant à l’obligation garantie. Sauf convention contraire, cette sûreté ne suit pas l’obligation garantie. » (784) CE 10 juillet 2013, Banque calédonienne d’investissement, req. n° 361122. (785) Arrêté du 22 mars 2019 fixant les modèles de garantie à première demande et de caution personnelle et solidaire, annexe n° 13 du CCP,
JO 31 mars 2019. (786) CCP, art. R. 2191-42 et R. 2391-25.
Chapitre 21
Chaîne de paiement
De nombreux acheteurs soumis au Code de la commande publique(787) sont également tenus au respect de la réglementation relative à la comptabilité publique. Celle-ci découle du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique qui prévoit pour la dépense publique des règles particulières(788). Par ailleurs, la chaîne de paiement des marchés publics s’inscrit dans le mouvement de dématérialisation qui touche l’ensemble de l’administration publique. Des obligations en découlent pour la formalisation et le traitement des demandes de paiement(789).
21.1 Séparation entre l’ordonnateur et le comptable public Les règles de la comptabilité publique, souvent méconnues du secteur privé, présentent la particularité de faire intervenir deux personnes différentes dans la chaîne de traitement de la dépense publique. Il y a l’ordonnateur, c’est-à-
dire le représentant de l’acheteur, et le comptable public, qui, lui, représente l’État et plus précisément l’administration en charge des finances publiques. En comptabilité publique, il existe entre ces deux personnes un principe juridique de séparation stricte des fonctions et des missions. Le comptable public a la charge exclusive de manier les fonds publics et de tenir les comptes de l’ordonnateur(790), il est donc le seul à pouvoir mettre en paiement les sommes relatives à l’exécution d’un marché, à condition que l’ordonnateur lui en fasse la demande et lui présente tous les justificatifs nécessaires. Sans une demande de paiement transmise dans les règles par l’ordonnateur, le comptable ne peut pas payer. Le principe de séparation signifie donc qu’il y a une personne qui dépense et une personne qui paie. Ce principe est censé permettre un meilleur contrôle de la dépense. L’acheteur comme le titulaire du marché doivent connaître ces règles spécifiques. Elles s’ajoutent aux règles qui régissent l’élaboration de la demande de paiement par le titulaire ou à celles qui concernent le délai de paiement. Le délai global de paiement est d’ailleurs réparti entre l’ordonnateur et le comptable (chapitre 22). La méconnaissance de ces règles entraîne donc des retards qui affectent l’ensemble de la chaîne de paiement du marché (fig. 21.1).
Fig. 21.1. Les relations entre l’acheteur, le comptable public et le titulaire
21.2
Circuit de la dépense
Plusieurs étapes marquent le traitement de la dépense issue d’un marché public.
21.2.1 Engagement juridique obligatoire Le processus de traitement de la dépense commence avec ce qui fonde juridiquement cette dépense. L’engagement juridique va consister pour l’acheteur à créer ou constater à son encontre une obligation de laquelle résultera une charge, c’est-à-dire payer un prix.
En matière de marchés publics, c’est le contrat conclu à titre onéreux qui fait naître une dette de l’acheteur envers son prestataire. Ce contrat peut prendre différentes formes. Il peut prendre la forme classique d’un acte d’engagement signé par les deux parties (chapitre 3). Il peut également, pour des marchés conclus à la suite d’une procédure adaptée, prendre la forme d’un devis précisant les conditions financières ou de tout autre document écrit constitutif d’un accord de volonté des parties(791). Enfin, dans certains cas, le contrat n’est pas matérialisé par un écrit, soit parce que le marché se situe sous le seuil de 25 000 € HT (chapitre 3), soit parce qu’il a été conclu de manière orale. Un engagement juridique existe pourtant, mais il devra être attesté par l’acheteur sous la forme d’un certificat administratif.
21.2.2 Demande de paiement La demande de paiement est le document remis par le prestataire à l’ordonnateur qui précise les sommes auxquelles celui-ci prétend, à titre d’acompte, de règlement partiel définitif ou de solde, du fait de l’exécution du marché. Ce document comporte tous les éléments nécessaires à la détermination des sommes demandées. Matérialisée par la production d’une facture ou d’un mémoire, la demande de paiement est l’une des pièces justificatives qui permettent à l’acheteur de demander au comptable public de procéder au paiement. Une facture doit respecter sur le plan comptable un formalisme imposé par le Code général des impôts et rappelé à l’annexe C du décret n° 2016-033 du 20 janvier 2016 concernant le secteur local et à l’annexe A de l’arrêté du 5 mai 2021 portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’État. Ce formalisme est complété par des mentions obligatoires que le Code de la commande publique impose aux factures sous forme électronique(792). Une facture sera acceptée par le comptable si elle contient les informations suivantes : 1° La date d’émission de la facture ;
2° La désignation de l’émetteur et du destinataire de la facture ; 3° Le numéro unique basé sur une séquence chronologique et continue établie par l’émetteur de la facture, la numérotation pouvant être établie dans ces conditions sur une ou plusieurs séries ; 4° En cas de contrat exécuté au moyen de bons de commande, le numéro du bon de commande ou, dans les autres cas, les références du contrat ou le numéro de l’engagement attribué par le système d’information financière et comptable du destinataire de la facture ; 5° La désignation du payeur, avec l’indication, pour les personnes publiques, du code d’identification du service chargé du paiement ; 6° La date de livraison des fournitures ou d’exécution des services ou des travaux ; 7° La quantité et la dénomination précise des produits livrés, des prestations et travaux réalisés ; 8° Le prix unitaire hors taxes des produits livrés, des prestations et travaux réalisés ou, lorsqu’il y a lieu, leur prix forfaitaire ; 9° Le montant total de la facture, le montant total hors taxes et le montant de la taxe à payer, ainsi que la répartition de ces montants par taux de taxe sur la valeur ajoutée, ou, le cas échéant, le bénéfice d’une exonération ; 10° L’identification, le cas échéant, du représentant fiscal de l’émetteur de la facture ; 11° Le cas échéant, les modalités de règlement ; 12° Le cas échéant, les renseignements relatifs aux déductions ou versements complémentaires ; 13° Les numéros d’identité de l’émetteur et du destinataire de la facture au répertoire national d’identification tenu par l’INSEE. En pratique, l’acheteur doit se montrer attentif au contenu de la facture et pas seulement au montant qui est demandé en paiement. Il ne doit pas hésiter à interrompre lui-même le délai de paiement, comme le permet l’article R. 2192-27 du Code de la commande publique, en demandant au titulaire de produire une nouvelle facture respectant le formalisme imposé par les textes. Cette précaution lui permettra d’éviter une suspension du paiement par le
comptable public en raison d’une incohérence détectée dans la demande de paiement (chapitre 22). Il faut savoir que l’acheteur peut lui-même modifier le montant de la facture lorsqu’une erreur a été commise par le titulaire du marché. Lors des opérations de liquidation de la dépense, l’acheteur doit vérifier les calculs proposés par le titulaire et les corriger le cas échéant. Cette possibilité prévue par différents textes(793) reste cependant limitée aux erreurs matérielles, c’est-à-dire des erreurs de calcul, dont la correction peut être réalisée sans approbation du titulaire. Celui-ci est alors informé des rectifications effectuées par mention portée sur les avis de crédit. Toute autre erreur relative aux pièces justificatives de dépense produites par le créancier doit faire l’objet d’un rejet de la demande de paiement.
21.2.3 Service fait En comptabilité publique, les dépenses ne sont en principe payées qu’à la condition qu’un service ait été fait. Le terme « service fait » correspond en réalité à deux actions distinctes. En pratique d’abord, le service fait découle souvent de l’organisation interne à l’acheteur. Il s’agit pour le responsable de la commande de confirmer aux services financiers que la prestation a été exécutée conformément à ses attentes. D’un acheteur à l’autre, cette validation interne de la bonne réalisation des prestations peut se traduire de manière différente. Il peut s’agir de remplir un document spécifique, d’apposer une mention sur la facture ou de réaliser une action sur un logiciel comptable. Ensuite, sur le plan juridique et comptable, le service fait est la justification donnée par l’acheteur ordonnateur de la réalité de cette prestation. Cette certification du service fait est importante, car sans elle, il ne peut y avoir de paiement. Cette certification, réalisée par les services financiers de l’acheteur, est à destination du comptable public pour l’assurer que le paiement demandé correspond à une prestation rendue. La formalisation du service fait par les services financiers de l’acheteur est très simple. Elle se traduit par la signature du bordereau de mandat transmis
au comptable public. La signature du seul bordereau de mandat permet à la fois d’attester du caractère exécutoire de toutes les pièces justificatives qu’il comporte et à justifier la réalité du service fait(794). Par conséquent, le comptable ne peut pas exiger de l’acheteur qu’il signe chacune des pièces justificatives, notamment la facture, ou qu’il y appose une mention particulière(795). En revanche, si le comptable a des doutes sur la réalité du service fait, doutes qui doivent être motivés, il demande dans ce cas, après suspension du paiement, des justifications plus précises à l’acheteur. Important Les exceptions à la règle du paiement après service fait La règle du paiement après service fait n’est pas toujours adaptée à la réalité du fonctionnement des personnes publiques. Il y a des achats qui nécessitent de payer avant d’obtenir la prestation. C’est le cas des achats de fluides et d’énergies, des prestations de maintenances, des prestations de voyages ou encore des achats de publications périodiques. Il est donc prévu des exceptions dont la liste exhaustive est fixée par deux textes. L’un concerne les dépenses des organismes publics nationaux(796), l’autre les dépenses des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics de santé(797).
21.2.4 Liste des pièces justificatives Selon les acheteurs concernés et leurs situations contractuelles, la liste des pièces justificatives à transmettre au comptable public varie. Cette liste constitue à la fois le minimum et le maximum de pièces que le comptable peut exiger. Il engage sa responsabilité personnelle s’il exécute le paiement d’un marché en omettant de demander certaines de ces pièces justificatives. En revanche, c’est la responsabilité de l’État qui est engagée si des retards de paiement sont consécutifs à des demandes de pièces qui ne figurent pas sur la liste prévue par les textes (chapitre 22). Les acheteurs qui souhaitent connaître le détail des pièces justificatives ainsi que les règles précises pour leur présentation et leur transmission au comptable se reporteront aux textes et documents référencés dans le tableau suivant (tab. 21.1).
Tab. 21.1. Les textes régissant les pièces justificatives Catégories d’acheteurs Secteur public local : Dont les collectivités territoriales, les établissements publics locaux, les établissements publics de santé et les Associations syndicales de propriétaires
Textes de référence Décret n° 2016-33 du 20 janvier 2016 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé (Annexe I du Code général des collectivités territoriales). Instruction du 15 avril 2016, pièces justificatives des dépenses du secteur public local (NOR : FCPE1610506J). Services de l’État Arrêté du 5 mai 2021 portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’État (NOR : CCPE2114262A). Instruction codificatrice n° 11-017-B du 22 août 2011, Nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’État (NOR : BCR Z 11 00042 J). Autres personnes publiques ou privées dotées Arrêté du 5 mai 2021 fixant la liste des pièces d’un comptable public et visées au 4° à 6° de justificatives des dépenses des organismes soumis l’article 1 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre au titre III du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique publique (NOR : CCPE2114286A).
21.2.5 Recours au certificat administratif Le certificat administratif est un document signé de l’ordonnateur et adressé au comptable dans le but de certifier la réalité d’une situation ou d’un engagement(798). Il peut, dans certains cas, permettre au comptable public de se décharger de sa responsabilité. Dans une décision du 8 février 2012, le Conseil d’État a jugé que le certificat administratif peut pallier l’absence de contrat écrit, dès lors qu’il permet à l’ordonnateur de certifier au comptable l’existence d’un engagement juridique qui fonde la dépense dont le paiement est demandé(799). Selon une instruction de la Direction générale des finances publiques, en date du 30 mai 2012, ce certificat peut en effet se rapprocher d’une forme de réquisition de paiement(800). Cette même instruction précise que la pratique du certificat administratif ne doit pas remettre en question la liste des pièces justificatives pour le paiement des marchés et qu’il ne faut pas interpréter la position du juge administratif comme le moyen de contourner cette liste ou
de procéder systématiquement à la production d’un certificat en remplacement de l’une de ces pièces. L’instruction du 15 avril 2016 relative aux pièces justificatives des dépenses du secteur public local(801) donne les précisions suivantes : « Conformément à l’article D. 1617-19 du CGCT, les ordonnateurs locaux doivent produire toutes les pièces prévues dans la liste des pièces justificatives et uniquement celles-ci. Il ne leur est donc pas possible de substituer, de leur propre chef ou en application d’une délibération ou d’un contrat par exemple, des justifications particulières autres que celles définies par cette liste. À cet égard, il est souligné que la production de certificats administratifs ne saurait valablement se substituer à une pièce justificative prévue par la liste des pièces justificatives. La production d’un certificat administratif en substitution d’une pièce justificative s’analyse comme l’absence de production de cette dernière. Dans ce dernier cas, les comptables doivent suspendre le paiement pour absence ou insuffisance de pièces justificatives. Toutefois, la production de certificats administratifs est admise dans les cas où ceux-ci sont prévus, de manière explicite, par la liste des pièces justificatives. De la même manière, le certificat administratif ne peut être utilisé pour compléter ou préciser les énonciations de pièces produites telles qu’elles sont réglementées par la liste. En effet, il est rappelé que la validité (ou la valeur probante) des pièces justificatives est conditionnée par des critères très précis de forme et de contenu. Lorsque ces pièces ne répondent pas à cette exigence, l’ordonnateur doit les rectifier ou les compléter. » Le certificat administratif est désormais mentionné par les textes fixant la liste des pièces justificatives. Le décret n° 2016-33 du 20 janvier 2016 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé prévoit par exemple que le certificat administratif peut être produit au comptable en l’absence d’un marché public écrit ou encore pour attester d’un décompte général devenu définitif de manière tacite ou d’une acceptation tacite d’un sous-traitant. L’arrêté du 20 décembre 2013 portant nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’État prévoit également les cas d’utilisation possible du certificat administratif.
Fig. 21.2. La chaîne de paiement d’une facture
21.3 Dématérialisation de la chaîne de paiement 21.3.1 Facturation électronique Depuis 2014, la dématérialisation des factures est prise en compte par la réglementation des marchés publics(802). Les obligations en matière de facturation électronique sont aujourd’hui codifiées dans le Code de la commande publique(803).
Toutes les factures relatives à l’exécution d’un marché public doivent être transmises sous forme électronique(804). Pour les marchés publics de défense ou de sécurité, cela reste toutefois une simple faculté pour le titulaire du marché(805). Cette obligation concerne également les sous-traitants admis au paiement direct. L’acheteur ne peut pas refuser la transmission sous forme électronique sauf pour les marchés de défense ou de sécurité dont l’exécution est déclarée secrète(806). Un portail public de facturation appelé Chorus Pro est mis à disposition des acheteurs et des titulaires des marchés(807). Pour le titulaire soumis à l’obligation de transmission de la facture sous forme électronique, il doit se doter des moyens techniques permettant la réalisation puis le dépôt des factures sur le portail dédié : https://choruspro.gouv.fr. En effet, le dépôt d’une facture nécessite en pratique de remplir plusieurs prérequis dont celui de disposer de sa facture en format PDF, de créer un compte sur le portail Chorus Pro, de créer une fiche structure (fiche unique rattachée au SIRET d’un opérateur économique) et avoir identifié l’acheteur destinataire de la facture dans l’annuaire figurant sur Chorus Pro. Important L’intervention du maître d’œuvre dans Chorus Pro L’intervention du maître d’œuvre prévue par le CCAG-Travaux (chapitres 13 et 19) n’est bien entendu pas remise en cause par la dématérialisation des factures. L’ensemble des tâches qui lui incombent en matière d’exécution financière des prestations est transposé sur Chorus Pro (voir pour exemple, figure 21.3). Il en résulte que le maître d’œuvre doit pouvoir accéder à la plateforme via un compte utilisateur (qu’il aura possiblement déjà créé pour le dépôt de ses propres factures) pour récupérer les projets de décomptes ou de décompte final que les opérateurs économiques doivent lui transmettre. Le délai de paiement de la facture déposée par l’opérateur économique commencera à courir à compter de la date de dépôt du projet de décompte horodatée par Chorus Pro.
Fig. 21.3. Le traitement dématérialisé de la demande de paiement du solde des marchés de travaux avec maîtrise d’œuvre externe
21.3.2 Dématérialisation de l’ensemble de la chaîne de paiement La dématérialisation de la facture permet une transmission rapide de l’information et des documents nécessaires au paiement. Elle ne modifie pas les règles juridiques applicables à la chaîne de paiement et au contrôle par le comptable public. Cependant elle implique d’étendre le principe de la dématérialisation à la chaîne de paiement dans son ensemble en ayant recours à un système d’information entre l’ordonnateur et le comptable qui va permettre le traitement dématérialisé de tous les éléments de la chaîne de paiement (mode de référencement des pièces justificatives, signature électronique des flux comptables…). Ses modalités d’utilisation prennent la forme, en général, d’une convention entre l’ordonnateur et le comptable. Depuis le 1er janvier 2015, les transmissions dématérialisées entre ordonnateurs et comptables sont obligatoirement réalisées en recourant au Protocole d’Échange Standard version 2(808) (PES V2). L’arrêté du 7 octobre 2015 fixe les conditions d’établissement, de conservation et de transmission sous forme dématérialisée des documents et pièces justificatives(809). Il en résulte, concernant les collectivités territoriales, leurs établissements publics et les établissements publics de santé, que la mise en œuvre du flux PES V2 est soumise à accord préalable puis décision d’adhésion de la part de la Direction générale des Finances publiques (DGFIP). La décision d’adhésion n’est prise qu’à l’issue d’un processus de validation fonctionnelle. La solution de dématérialisation arrêtée peut alors potentiellement porter sur une dématérialisation complète de la chaîne de paiement. En pratique, beaucoup de process mis en œuvre par les collectivités territoriales se limitent à une dématérialisation des pièces justificatives, dont la certification du service fait, permettant ainsi de procéder à un mandatement sous cette même forme. L’objectif reste néanmoins une utilisation du flux PES V2 permettant un échange dans le sens payeurordonnateur afin que l’acheteur puisse bénéficier, de façon optimisée, de données numériques relatives à la dernière étape de l’exécution financière des factures.
Concernant les services de l’État, les modalités d’établissement, de conservation et de transmission sous forme dématérialisée des pièces justificatives sont régies par l’arrêté du 22 mars 2018 pris en application du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
21.4 Nature et étendue du contrôle du comptable sur les demandes de paiement transmises par l’acheteur 21.4.1 Responsabilité du comptable Le comptable est personnellement et pécuniairement responsable des actes et des contrôles qui lui incombent(810). Concrètement, cela signifie qu’il peut être amené à supporter sur ses deniers personnels les conséquences d’une dépense qu’il a payée en méconnaissance de ses obligations. Il s’agit d’une responsabilité importante qui explique « l’excès de rigueur » qui est parfois reproché aux comptables dans leur contrôle sur les demandes de paiement. Concernant le paiement d’un marché, cette responsabilité va concerner les actes de contrôle suivants(811) : 1. Vérification de la qualité de l’ordonnateur ; 2. Vérification de l’exacte imputation des dépenses au regard des règles relatives à la spécialité des crédits ; 3. Vérification de la disponibilité des crédits ; 4. Contrôle de la validité de la dette c’est-à-dire : - la justification du service fait, - l’exactitude de la liquidation, - la production des pièces justificatives, - l’application des règles de prescription et de déchéance ; 5. Contrôle du caractère libératoire du paiement.
Le comptable peut décider de suspendre le paiement d’une dépense s’il estime que toutes les conditions requises pour la justifier ne sont pas présentes. Il préserve ainsi sa responsabilité et les deniers publics.
21.4.2 Portée du contrôle du comptable Dans le cadre de son contrôle, le comptable va donc vérifier que tous les renseignements et documents que l’acheteur doit lui communiquer avec l’ordre de payer sont fournis et sont cohérents. À ce titre, la portée de son contrôle est limitée au seul contrôle de la réalité de la production des pièces justificatives et à l’appréciation de leur régularité formelle. En aucun cas, le comptable ne peut porter un jugement sur la légalité des documents qui lui sont produits ou sur la légalité des documents desquels ils émanent(812). En d’autres termes, un comptable ne peut pas refuser de procéder au paiement d’un marché au motif que l’acheteur a fait une mauvaise application des règles du droit de la commande publique relatives à la passation ou à l’exécution des marchés publics. Il peut en revanche constater que ce marché ne prévoit pas les prestations dont le paiement est demandé, ce qui lui permet de suspendre le paiement dans l’attente d’explication (voir ci-dessous). Deux affaires, jugées en février 2012, illustrent la limitation de son contrôle en cette matière. Dans la première, le Conseil d’État a considéré que l’absence de contrat écrit présenté à l’appui de plusieurs factures ne permet pas au comptable de refuser le paiement dans la mesure où l’acheteur a, par le biais d’un certificat administratif, attesté formellement avoir conclu un contrat verbal. Pour le juge, le contrôle du comptable ne doit pas s’attacher à vérifier si les règles posées par les textes en vigueur relatifs aux marchés publics concernant la forme écrite du contrat ont été respectées. Il doit simplement vérifier si l’acheteur lui a présenté les pièces suffisantes et cohérentes pour attester la validité de la dépense. Dans ce cas d’espèce, le certificat administratif produit par l’acheteur, à la demande du comptable, suffisait pour vérifier la validité des différentes factures dont le paiement était demandé(813). Dans la seconde affaire, le juge a considéré qu’il ne pouvait être reproché à un comptable public d’avoir payé plusieurs bons de commande dont la date
d’émission était manifestement postérieure à la date des factures auxquelles ils se rapportaient. Le Conseil d’État considère en effet que les pièces justificatives « ne présentaient, à elles seules et quelle que soit en tout état de cause leur validité juridique, ni incohérence au regard de la catégorie de la dépense définie dans la nomenclature applicable ni incohérence au regard de la nature et de l’objet de la dépense engagée »(814). Les bons de commande manifestant l’engagement juridique de l’acheteur et leur contenu étant cohérents avec les factures présentées en paiement, l’appréciation du comptable n’a pas à porter sur l’ordre chronologique des pièces. Néanmoins, face à l’insuffisance des pièces qui lui sont communiquées ou à leur incohérence, le comptable a l’obligation de suspendre le paiement et de demander des compléments à l’acheteur afin de lui permettre d’opérer son contrôle de régularité de la dépense. À titre d’exemple, il engage sa responsabilité s’il procède au paiement d’une facture sans avoir réclamé à l’acheteur le bon de commande correspondant. Le juge reconnaît toutefois que le comptable peut porter une appréciation juridique sur les actes administratifs à l’origine de la créance et en donner une interprétation conforme à la réglementation en vigueur, sans pour autant que cette interprétation se transforme en jugement sur la légalité. En réalité, cette interprétation doit plus servir au comptable à déterminer si la pièce qui lui est communiquée est bien conforme à celle qui doit lui être transmise en application de la liste des pièces justificatives de paiement. Ce contrôle de la conformité lui permet de vérifier la légalité externe des pièces justificatives et notamment les règles de compétences des auteurs des actes. L’instruction du 15 avril 2016 relative aux pièces justificatives des dépenses du secteur public local donne une présentation très complète de la portée du contrôle du comptable(815). Important La suspension de l’acte de paiement doit être motivée par le comptable Pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, l’article L. 1617-2 du Code général des collectivités territoriales précise : « Le comptable d’une commune, d’un département ou d’une région ne peut subordonner ses actes de paiement à une appréciation de l’opportunité des décisions prises par l’ordonnateur. Il ne peut soumettre les mêmes actes qu’au contrôle de légalité qu’impose l’exercice de sa responsabilité personnelle et pécuniaire. Il est tenu de motiver la suspension du paiement ».
(787) CCP, art. L. 1212-1 et s. (788) Abroge en grande partie le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général de la comptabilité publique. (789) CCP, art. D. 2192-1, D. 2192-2, R. 2192-3, D. 2392-1, D. 2393-2, R. 2392-3, D. 2521-5, R. 2521-6. (790) Article 13 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ; CE avis, 13 février 2007, n° 373788. (791) Décret n° 2016-33 du 20 janvier 2016 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé, rubrique 4123. (792) CCP, art. D. 2192-2 et D. 2392-2. (793) Instruction budgétaire et comptable M 71 tome II, version en vigueur au 1er janvier 2019, Décret n° 2016-33 du 20 janvier 2016 fixant la liste des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des établissements publics de santé. (794) CGCT, art. D. 1617-23. (795) Instruction du 15 avril 2016 relative aux pièces justificatives des dépenses du secteur public local (NOR : FCPE1610506J) ; instruction codificatrice du 22 août 2011, relative à la nomenclature des pièces justificatives des dépenses de l’État (NOR : BCR Z 11 00042 J). (796) Arrêté du 6 juin 2016 fixant la liste des dépenses des organismes publics nationaux dont le paiement peut intervenir avant service fait. (797) Arrêté du 16 février 2015 fixant les dépenses des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et des établissements publics de santé pouvant être payées sans ordonnancement, sans ordonnancement préalable ou avant service fait. (798) Rép. min. à QE n° 07944, 10 janvier 2019, JO Sénat, p. 165.
(799) CE 8 février 2012, Ministre du Budget des Comptes publics et de la Réforme de l’État, req. n° 340698. (800) Instruction n° 12-011-M0 du 30 mai 2012 sur les incidences de l’arrêt du Conseil d’État du 8 février 2012, CCAS de Polaincourt, sur les contrôles de justification du comptable public en matière de marchés à procédure adaptée. (801) Instruction du 15 avril 2016, pièces justificatives des dépenses du secteur public local (NOR : FCPE1610506J), page 5. (802) Ordonnance n° 2014-697 du 26 juin 2014 relative au développement de la facturation électronique, codifié dans le Code de la commande publique par la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises, dite « loi Pacte ». (803) CCP, art. L. 2192-1 et s. et L. 2392-1 et s. (804) CCP, art. L. 2192-1. (805) CCP, art. L. 2392-1. (806) CCP, art. L. 2192-2 et L. 2392-2. (807) Quelques acheteurs mentionnés aux articles L. 2192-6 et L. 2392-6 sont dispensés d’utiliser le portail Chorus Pro. (808) Arrêté du 27 juin 2007 portant application de l’article D. 1617-23 du Code général des collectivités territoriales relatif à la dématérialisation des opérations en comptabilité publique, modifié par arrêté du 7 mai 2013 et par arrêté du 6 janvier 2014. (809) Arrêté du 7 octobre 2015, pris en application du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique. (810) Article 17 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.
(811) Articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique, modifié par décret n° 2018-803 du 24 septembre 2018 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et autorisant diverses expérimentations. (812) CE 5 février 1971, Ministre de l’Économie et des Finances, req. n° 71173 ; CE 30 juillet 2003, ministère de l’Économie des Finances et de l’Industrie, req. n° 232430. (813) CE 8 février 2012, Ministre du Budget des Comptes publics et de la Réforme de l’État, req. n° 340698. (814) Ibid. (815) Instruction du 15 avril 2016, pièces justificatives des dépenses du secteur public local (NOR : FCPE1610506J).
Chapitre 22
Délais de paiement
La maîtrise des délais de paiement est un enjeu important pour l’activité économique compte tenu des effets induits par ces derniers sur la trésorerie des entreprises. C’est pourquoi, depuis plusieurs années, le droit européen et le droit français encadrent ces délais tant pour les contrats qui relèvent du droit commercial que pour les contrats de la commande publique(816). Le Code de la commande publique intègre aujourd’hui l’ensemble des dispositions de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 et de son décret d’application(817) qui ont transposé la Directive européenne n° 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. Pour le paiement de leurs marchés publics, les acheteurs sont soumis au respect d’un délai global maximum différent et plus contraignant que celui qui est imposé par la loi dans les transactions commerciales privées(818). Seules les entités adjudicatrices, soumises à des règles de droit privé (voir chapitre 2), se voient appliquer les dispositions du Code du commerce en matière de délais de paiement(819).
22.1
Différents délais de paiement
Il existe trois délais maximum de paiement, selon le type d’acheteur concerné (tab. 22.1). Tab. 22.1. Délais maximums de paiement des acheteurs Délai maximum de paiement (CCP, art. R. 2192-1) Pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices (à l’exception 30 jours maximum des acheteurs spécifiés ci-dessous ainsi que ceux soumis au Code du commerce) Établissement de santé et établissement du service de santé 50 jours maximum des armées 60 jours maximum Entreprises publiques au sens du II de l’article 1er de l’ordonnance n° 2004-503 du 7 juin 2004, sauf celles qui sont des établissements publics locaux Acheteurs
Les parties au contrat ne peuvent pas déroger à ce délai plafond. En effet, une clause qui aurait pour objet d’augmenter le délai réglementaire de paiement serait illégale. En revanche, rien n’interdit de contractualiser un délai de paiement inférieur au délai plafond. Cela peut être le cas, par exemple, si un délai conventionnel de règlement, plus court, a été convenu entre l’ordonnateur et le comptable public. Le délai de paiement et les conséquences en termes d’intérêts moratoires s’appliquent au sous-traitant qui bénéficie du droit au paiement direct (voir chapitre 6). Ce délai s’applique également au paiement des groupements d’opérateurs économiques à compter de la transmission des demandes de paiement par le mandataire.
Recommandation Le délai global de paiement doit-il être stipulé dans le marché ? Il n’y a pas d’obligation juridique de mentionner ou de faire référence au délai dans les clauses du marché. Le délai global de paiement est réglementaire et s’impose nécessairement pour l’exécution de tous les marchés publics. Cependant, la circulaire du 15 avril 2013 (NOR : BUDE1308483J) relative à l’application dans le secteur public local et hospitalier du décret n° 2013-269 le préconise. Sans que cela soit une obligation, il faut noter que préciser le détail des modalités de paiement et faire référence aux textes applicables n’est jamais inutile dans le marché. En revanche, si l’acheteur entend se soumettre à un délai inférieur au délai réglementaire, il doit clairement s’y engager dans le marché. Exemple Clause du marché relative au délai de paiement Article 6 du CCAP : Délai de paiement En application de l’article R. 2192-10 du Code de la commande publique, le délai global de paiement des avances, acomptes, soldes et indemnités est fixé à XX jours. Le point de départ du délai global de paiement est la date de réception par le maître d’ouvrage de la demande de paiement. Lorsque la date de réception de la demande de paiement est antérieure à la date d’admission des prestations, le délai de paiement court à compter de cette dernière. Le défaut de paiement dans ce délai fait courir de plein droit et sans autre formalité, pour le titulaire du marché ou le sous-traitant, des intérêts moratoires, à compter du jour suivant l’expiration du délai. Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement, les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l’année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. Il est précisé que le non-respect par le titulaire de ses obligations contractuelles et réglementaires relatives à la présentation de ses demandes de paiement peut entraîner une interruption du délai de paiement. Cette interruption lui est notifiée par l’acheteur.
22.2 Décompte du délai de paiement
22.2.1 Point de départ du délai Le point de départ est la date de réception de la facture par l’acheteur(820). La facturation électronique étant aujourd’hui quasi généralisée, le point de départ est dans ce cas la date de notification au pouvoir adjudicateur du message électronique l’informant de la mise à disposition de la facture sur le portail Chorus PRO. En cas de transmission par échange de données informatisé, il s’agira de la date d’horodatage par le système d’information budgétaire et comptable de l’État(821). Le délai de paiement ne commence à courir à l’égard du sous-traitant que lorsque la procédure de validation de la demande de paiement du soustraitant a abouti, c’est-à-dire lorsque le titulaire du marché a transmis à l’acheteur cette demande de paiement ou lorsque le délai d’acceptation tacite de 15 jours a expiré. En pratique, cela conduit le sous-traitant à supporter un délai de paiement qui peut dépasser le délai réglementaire applicable au titulaire, avec un maximum possible de 45 jours pour un marché d’une collectivité territoriale (fig. 22.1) ou 65 jours pour celui d’un établissement public de santé.
Fig. 22.1. Le délai de paiement du sous-traitant pour un marché d’une collectivité territoriale
Le marché peut prévoir que la facture doit être adressée à une autre personne, telle que le maître d’œuvre par exemple. Le délai commencera donc à courir à la date de réception de la demande de paiement par la personne désignée par le marché(822).
Toutefois, la simple transmission de cette demande ne suffit pas toujours à faire courir de manière automatique le délai maximum de paiement. Il en est ainsi dans les situations suivantes : - pour une demande de paiement transmise avant l’exécution des prestations. Dans ce cas, la date d’exécution sera la date de départ du délai de paiement. Il est à noter que les différents CCAG encadrent les modalités de remise de la demande de paiement et n’autorisent pas, en principe, la remise de la facture avant l’exécution de la prestation(823) ; - pour le règlement du solde dans un marché de travaux. Le point de départ du délai court à compter de la réception par le maître d’ouvrage du décompte général signé par le titulaire, remis dans les formes imposées par le marché ou le CCAG-Travaux. Lorsque le décompte général fait l’objet d’une réclamation par le titulaire, le délai de paiement du solde doit être regardé comme ne commençant à courir qu’à compter de la réception de cette réclamation par l’acheteur maître d’ouvrage(824) ; - pour une procédure d’épreuve des prestations prévue pour vérifier, après les opérations de réception ou d’admission, leur conformité aux exigences contractuelles. Le marché doit prévoir dans ce cas que le délai de paiement commence à courir à la date où la conformité des prestations est constatée. L’article R. 2192-17 du Code de la commande publique précise que le délai d’épreuve ne doit pas dépasser trente jours, sauf si cela est justifié. À défaut de décision expresse sur la conformité dans ce délai, les prestations sont réputées conformes et le délai de paiement commence à courir. En cas de difficulté pour établir avec précision la date qui sert de point de départ au délai de paiement, en raison, par exemple, de l’absence de preuve de la notification de la demande, il convient de prendre la date indiquée sur la demande de paiement augmentée de deux jours(825). Important Le délai de paiement se calcule en jours calendaires Le délai de paiement s’entend en jours calendaires, c’est-à-dire samedi, dimanche et jours fériés compris. Il commence à courir le jour de réception de la demande de paiement. Ce jour est donc compté dans le délai. Par ailleurs, il expire à minuit du dernier jour.
22.2.2 Point de départ du délai pour le versement d’une avance Pour le versement d’une avance, le délai global de paiement court à compter de la notification de l’acte qui entraîne le commencement d’exécution de la prestation, c’est-à-dire la notification du marché ou de l’ordre de service (voir chapitres 5 et 11)(826). Toutefois, si le titulaire du marché a l’obligation de constituer une garantie ou une caution, pour bénéficier de l’avance, le délai de paiement ne court qu’à la date de réception par l’acheteur des documents relatifs à ces sûretés (voir chapitre 12)(827). Il en est de même si le marché a subordonné l’exécution des prestations et donc le versement de l’avance à la production de certains justificatifs, comme des attestations d’assurances, par exemple. Le délai ne pourra courir qu’à la réception des justificatifs. Le versement de l’avance n’est donc pas conditionné à une demande de paiement émise par le titulaire. Un tel document n’est d’ailleurs pas exigé dans la liste des pièces justificatives à fournir au comptable (voir chapitre 21).
22.2.3 Interruption du délai de paiement Le délai de paiement qui a commencé à courir peut-être interrompu par l’acheteur, s’il constate que la demande de paiement ne comporte pas tous les justificatifs et tous les détails imposés par le marché. Cette interruption peut aussi se justifier si les pièces produites par le titulaire sont erronées ou incohérentes(828). La suspension du délai ne peut avoir lieu qu’une seule fois pour chaque demande de paiement, avant le mandatement ou l’ordonnancement par l’acheteur.
Pour que l’interruption soit effective, l’acheteur doit en faire une notification au titulaire du marché par un moyen lui permettant d’attester de la date certaine de cette réception. Un tel courrier doit indiquer précisément que le délai de paiement est interrompu et dresser la liste des justificatifs qui font défaut dans la demande de paiement(829). L’interruption dure jusqu’au jour où le titulaire transmet l’ensemble des justificatifs qui lui ont été demandés. Lorsque la demande de paiement est complétée, un nouveau délai de 30 jours commence à courir(830) (fig. 22.2).
Fig. 22.2. Exemple d’interruption du délai de paiement pour une collectivité territoriale
Pour les établissements de santé et les établissements du service de santé des armées ainsi que pour les entreprises publiques au sens du II de l’article 1er de l’ordonnance n° 2004-503 du 7 juin 2004, le nouveau délai correspond au solde du délai initial de 50 ou 60 jours, si ce solde est supérieur à 30 jours. Sinon le nouveau délai sera de 30 jours (fig. 22.3).
Fig. 22.3. Exemple d’interruption du délai pour un établissement de santé
Si un délai de règlement a été convenu entre l’acheteur et le comptable, le nouveau délai ne pourra être inférieur à quinze jours augmentés du délai conventionnel pour l’intervention du comptable(831). Important La différence entre l’interruption du délai de paiement et l’interruption de la procédure de paiement Le délai de paiement peut être interrompu uniquement par l’ordonnateur qui oppose cette interruption au titulaire qui a fait la demande de paiement. Le comptable de son côté n’a pas le pouvoir d’interrompre ce délai. En revanche, il peut refuser de procéder au paiement s’il estime ne pas disposer de toutes les pièces justificatives de l’ordonnateur ou s’il estime ces pièces incohérentes (voir chapitre 21). L’interruption de la procédure de paiement par le comptable n’a aucun effet sur le délai de paiement qui continue à courir à l’encontre de l’acheteur.
22.2.4 Fin du délai de paiement Le délai de paiement peut prendre fin dans deux hypothèses : - à la date de mise en paiement par le comptable. Concrètement, il s’agit de la date où s’opère le virement des fonds. Le délai de paiement n’inclut donc pas le délai de traitement bancaire qui peut conduire à ce que l’opérateur constate l’effectivité du paiement que quelques jours après la date de mise en paiement(832) ; - en l’absence de celle-ci, le délai peut expirer à minuit le dernier jour du délai. Par ailleurs, le fait que ce jour soit un samedi, un dimanche ou un
jour férié ne permet pas, semble-t-il, de repousser la fin du délai au jour ouvrable suivant. Lorsque le délai de paiement expire sans mise en paiement, les intérêts moratoires commencent à courir (voir chapitre 23).
22.2.5 Décompte du délai en cas d’intervention d’un maître d’œuvre ou d’un prestataire habilité En cas d’intervention d’un maître d’œuvre auquel le titulaire du marché doit transmettre sa facture, pour contrôle et avis, le décompte du délai réglementaire n’est pas modifié(833). En effet, l’intervention d’une personne supplémentaire dans la procédure de paiement ne rallonge pas le délai. Le Code de la commande publique prévoit que le maître d’œuvre dispose d’un délai maximum de 15 jours pour réaliser son contrôle. Il doit informer l’acheteur de la date de réception de la demande de paiement. Toutefois, le CCAG-Travaux diminue le délai imparti au maître d’œuvre à 7 jours(834). Ce délai est imputé sur celui dont dispose l’ordonnateur pour liquider et mandater la dépense. Par exemple, pour une collectivité territoriale, l’ordonnateur ne disposera plus que de 13 jours pour traiter la facture transmise par le maître d’œuvre. L’intervention d’un maître d’œuvre permet en principe un contrôle poussé des demandes de paiement, ce qui doit faciliter les opérations de liquidation de l’ordonnateur. À cet égard, le CCAG-Travaux(835) prévoit que les demandes de paiement sont communiquées au maître d’œuvre pour vérifications et éventuellement modifications avant de les transmettre à l’acheteur. L’article R. 2192-21 du Code de la commande publique impose que le marché conclu avec le maître d’œuvre ou le prestataire habilité prévoie expressément ce délai de 15 jours et précise les pénalités encourues en cas de non-respect.
22.3 Répartition du délai entre ordonnateur et comptable 22.3.1 Répartition prévue par le décret Le délai maximum de paiement englobe l’ensemble de la procédure de paiement, c’est-à-dire l’intervention de l’ordonnateur et l’intervention du comptable public. L’article 12 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 précise la répartition du délai de paiement entre l’ordonnateur et le comptable dans les cas où ils ne relèvent pas de la même personne morale. Cette répartition ne s’applique pas aux services de l’État puisque comptable et ordonnateur relèvent alors de la même personne morale (tab. 22.2). Tab. 22.2. Répartition du délai entre ordonnateur et comptable Acheteurs Ordonnateur Comptable public Établissements publics de l’État autre que ceux 20 jours maximum 10 jours maximum ayant un caractère industriel et commercial Collectivités territoriales et leurs établissements publics locaux Établissements publics de santé et établissements 35 jours maximum 15 jours maximum du service de santé des armées Entreprises publiques au sens du II de l’article 1er Les entreprises publiques ne sont pas soumises aux règles de la comptabilité publique, sauf texte de l’ordonnance du 7 juin 2004, sauf celles qui sont des établissements publics des collectivités spécial ou si leurs statuts le prévoient. Le décret ne prévoit donc pas de répartition entre territoriales ordonnateur et comptable.
22.3.2 Délai conventionnel de règlement Les modalités de répartition du délai peuvent faire l’objet d’un accord contractuel entre l’ordonnateur et le comptable. L’article 12 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 autorise dans ce cas à déroger au délai d’intervention réglementaire du comptable.
Plusieurs circulaires ou instructions incitent les acheteurs à mettre en œuvre un délai de règlement conventionnel pour « organiser efficacement le rapport entre l’ordonnateur et le comptable et arrêter un mode opératoire concret »(836). L’objectif de ce dispositif est de créer un partenariat entre les deux acteurs de la procédure de paiement (voir chapitre 21) afin de faciliter et de fluidifier le traitement des demandes de paiement. Ce dispositif doit conduire à une amélioration des échanges entre ordonnateur et comptable dans le but d’appliquer un délai de paiement inférieur au délai réglementaire. L’arrêté du 20 septembre 2013 portant application de l’article 12 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 propose un modèle de convention à conclure entre l’ordonnateur et le comptable public dans l’objectif d’améliorer la maîtrise des délais de paiement des dépenses résultant des contrats de la commande publique(837). Modèle fixé par l’arrêté du 20 septembre 2013 portant application de l’article 12 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement. Par la présente convention : Sur la base d’un diagnostic préalable des chaînes de traitement des dépenses effectué conjointement par les signataires, et dans le respect de la réglementation en vigueur (notamment le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 régissant le calcul des délais de paiement), la présente convention est conclue entre : M./Mme [Nom, prénom, qualité] (appelé ordonnateur ci-après), D’une part, et M./Mme [Nom, prénom, qualité] (appelé comptable public ci-après), D’autre part. Elle a pour objet d’améliorer la coordination des traitements des dépenses de [nom de l’organisme public] par les deux signataires ainsi que la qualité de leurs relations avec les titulaires de contrats de commande publique par la maîtrise des délais correspondants. Article 1er
Le comptable public s’engage à respecter un délai de [X] jours maximum pour exercer ses contrôles prévus par la réglementation en vigueur et, si le résultat de ces contrôles l’y autorise, procéder au paiement des sommes dues. Ce délai court à partir de la réception par le comptable public du dossier complet d’ordre de payer (mandat et pièces justificatives prévus par la réglementation en vigueur) transmis par l’ordonnateur. Article 2 L’ordonnateur s’engage à respecter, pour le règlement des fournisseurs, entrepreneurs ou prestataires de services, un délai maximum de mandatement de [Y] jours (1). L’ordonnateur remet, le cas échéant, copie de la présente convention au maître d’œuvre ou à tout prestataire de services dont l’intervention conditionne la liquidation et l’ordonnancement des sommes dues et détermine, avec le maître d’œuvre ou ses prestataires, des procédures compatibles avec le respect des engagements qu’il a pris dans la présente convention. La présente convention s’applique aux dépenses suivantes : [champ d’application de la convention à préciser]. Article 3 L’ordonnateur s’engage à assurer un contrôle interne de la qualité des ordres de payer qu’il transmet au comptable public : présence de toutes les pièces justificatives obligatoires et exemptes d’anomalies, correcte imputation budgétaire des dépenses, disponibilité de la trésorerie pour les payer… L’organisation de ce contrôle interne est décrite en annexe n° 1 de la présente convention (2). Article 4 L’ordonnateur s’engage à adresser au comptable public les ordres de payer afférents aux dépenses concernées de façon que ce dernier dispose du délai fixé à l’article 1er. [Les pièces comptables et/ou justificatives correspondantes lui sont transmises sous forme dématérialisée au format PES V2 (3).]
Article 5 Afin de permettre le respect des engagements pris dans le cadre de la présente convention, l’ordonnateur s’engage à transmettre au comptable public les ordres de payer avec régularité et selon une fréquence [quotidienne, hebdomadaire, modalités à préciser]. [Le cas échéant :] Les ordres de payer transmis au comptable public sont classés par date limite de paiement [modalités à préciser]. Le fichier « PES dépense » (4) transmis au comptable public est systématiquement complété par l’ordonnateur de la date de début du délai global de paiement (en général, la date de réception de la facture). [Le cas échéant : ce fichier comprend également un numéro d’identification du marché public selon des modalités convenues avec le comptable public.] L’ordonnateur transmet au comptable public les ordres de payer émis en régularisation d’une suspension de paiement, accompagnés de la référence à l’ordre de payer initial. Article 6 La présente convention prend effet à compter de la date de signature par les parties. Elle est valable jusqu’au [à compléter, avec possibilité de tacite reconduction]. Elle peut être résiliée avant cette date par demande écrite de l’une des parties notifiée à l’autre. Date et signature : L’ordonnateur Le comptable public
22.3.3 Retards imputables au comptable public La circulaire du 15 avril 2013 relative à l’application dans le secteur public local et hospitalier du décret n° 2013-269 précise l’organisation des rapports
entre le comptable et l’ordonnateur dans la mise en œuvre du délai de paiement(838). Il peut arriver que des intérêts moratoires soient dus en raison du dépassement par le comptable du délai qui lui incombe ou parce qu’il a suspendu la procédure de paiement pour un motif erroné. Dans ce cas, c’est l’acheteur, contractuellement responsable du respect du délai global de paiement, qui doit les payer sur son budget. Il ne peut pas refuser de mandater les intérêts moratoires au motif que le retard de paiement incombe au comptable. Pour les collectivités territoriales et les établissements publics locaux dotés d’un comptable public, une action récursoire contre l’État est prévue par la loi du 28 janvier 2013 précisée par le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013(839). Elle consiste à faire une demande de remboursement des sommes correspondantes adressée au directeur régional ou départemental des finances publiques. Ce dernier doit procéder au règlement dans les deux mois qui suivent la notification de la demande de remboursement. La demande de remboursement est accompagnée d’un titre de recette émis par l’ordonnateur. Le trésorier-payeur général peut contester ce titre en saisissant la juridiction administrative dans les deux mois qui suivent sa notification(840). En cas de litige sur la responsabilité de l’ordonnateur ou du comptable dans l’origine du retard, l’un ou l’autre peut demander au préfet du département d’organiser une réunion de conciliation. (816) Directive n° 2000/35/CE du 29 juin 2000 concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales, remplacée par la directive n° 2011/7/UE du 16 février 2011 ; loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 puis loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 abrogée par l’ordonnance n° 20181074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du Code de la commande publique. (817) Décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique. (818) Pour les transactions commerciales privées, le délai plafond de paiement est fixé à l’article L. 441-10-I du Code de commerce.
(819) CCP, art. L. 2192-11 et L. 2392-10. (820) CCP, art. R. 2192-12 et R. 2392-10. (821) CCP, art. R. 2192-15 et R. 2392-10. (822) CCP, art. R. 2192-12 et R. 2392-10. (823) CCP, art. R. 2192-13 et R. 2392-10 ; article 11.5.1 des CCAG-FCS, TIC et PI ; article 12.5.1 du CCAG-MI ; article 12.1.1 du CCAG-Travaux ; article 11.3.2 du CCAG-MOE. (824) CE 13 avril 2018, Société Eiffage Construction Alsace, req. n° 402691. (825) CCP, art. R. 2192-14 et R. 2392-10. (826) CCP, art. R. 2192-24 et R. 2392-10. (827) CCP, art. R. 2192-25 et R. 2392-10. (828) CCP, art. R. 2192-27 et R. 2392-10. (829) CCP, art. R. 2192-28 et R. 2392-10. (830) CCP, art. R. 2192-29 et R. 2392-10. (831) CCP, art. R. 2192-30 et R. 2392-10. (832) Point I) 2°) h) de la circulaire technique d’application du 9 avril 2002 du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 ; point 1.2 de l’annexe 4 de l’instruction n° 08-004-M21 du 5 février 2008 relative aux délais de paiement des établissements publics de santé. (833) CCP, art. R. 2192-18 et R. 2392-10. (834) Article 12.2.2 du CCAG-Travaux. (835) Article 12.2 du CCAG-Travaux.
(836) Circulaire du 13 mars 2002 relative à l’application du décret n° 2002231 du 21 février 2002 modifiant le décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 portant Code des marchés publics et du décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics (NOR : ECOR0206086C) ; circulaire du 16 janvier 2008 (NOR : BUDR0800004J) relative au délai de paiement des dépenses des établissements publics de santé (n° DHOS/F4/DGCP/5B/16) ; instruction du 5 février 2008 relative au partenariat ordonnateur-comptable dans la mise en œuvre du délai global de paiement (n° 08-004-M21). (837) Arrêté du 20 septembre 2013 portant application de l’article 12 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement (NOR : BUDE1320459A). (838) Voir la circulaire du 15 avril 2013 [NOR : BUDE1308483J] relative à l’application dans le secteur public local et hospitalier du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique. (839) Articles 39 et 40 de la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 ; article 16 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique. (840) CGCT, art. L. 1617-5.
Chapitre 23
Intérêts moratoires
Selon le Code civil, toute créance payée tardivement ouvre droit au paiement d’intérêts moratoires, par référence au taux d’intérêt légal(841). En matière de contrats, les intérêts moratoires ont pour objet de réparer le préjudice que le cocontractant subit du fait du retard de paiement des sommes qui lui sont dues. Pour les marchés publics, des dispositions spécifiques existent. Les intérêts moratoires sont versés de manière automatique, dès le premier jour de retard de paiement, sans qu’une demande préalable du titulaire ne soit nécessaire. Ce dispositif, d’abord encadré par la loi n° 2013-100 du 28 janvier 2013 et par son décret d’application(842), est aujourd’hui codifié dans le Code de la commande publique(843). Les marchés publics se voient par ailleurs appliquer, sur demande du titulaire, le mécanisme de capitalisation des intérêts qui sont dus pour une durée d’une année(844). Le droit au paiement d’intérêts moratoires concerne aussi bien le titulaire du marché que les sous-traitants bénéficiant du paiement direct.
23.1 Droit au versement des intérêts moratoires 23.1.1 Droit sans aucune formalité à accomplir
En application de l’article 1231-6 du Code civil, toute créance peut donner lieu au paiement d’intérêts moratoires au taux légal à partir du moment où le créancier a adressé une sommation de payer à son débiteur(845). Il en est différemment pour les marchés publics puisque le titulaire d’un marché n’a en principe aucune formalité à accomplir. Dès lors qu’un retard est constaté, l’acheteur doit procéder au versement des intérêts correspondants. Selon l’article L. 2192-13 du Code de la commande publique : « Dès le lendemain de l’expiration du délai de paiement ou de l’échéance prévue par le marché, le retard de paiement fait courir, de plein droit et sans autre formalité, des intérêts moratoires […] ». L’article L. 2192-12 du même code précise par ailleurs : « Le retard de paiement est constitué lorsque les sommes dues au créancier, qui a rempli ses obligations légales et contractuelles, ne sont pas versées par le pouvoir adjudicateur à l’échéance prévue au marché ou à l’expiration du délai de paiement. ». Le titulaire du marché n’a donc aucune demande à formuler pour obtenir le paiement des intérêts qui lui sont dus(846). Recommandation Rappeler à l’acheteur son obligation de payer les intérêts moratoires C’est le comptable public qui constate le retard de paiement et en informe l’ordonnateur qui procède aux opérations de liquidation et de mandatement (voir chapitre 21). Mais ce mécanisme ne fonctionne pas toujours et il n’est pas rare que les acheteurs omettent de mandater de manière autonome les intérêts moratoires. Le titulaire qui constate le défaut de paiement des intérêts et de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement a tout intérêt à en faire une demande écrite au représentant de l’acheteur. Cette demande devra rappeler la réglementation applicable et le nombre précis de jours de retard. Important Le titulaire peut saisir le préfet pour obtenir le paiement forcé des intérêts moratoires Pour les collectivités territoriales, les intérêts moratoires relèvent de la catégorie des dépenses obligatoires. Si l’ordonnateur omet ou refuse de mandater les intérêts et l’indemnité forfaitaire dans un délai de trente jours à compter de la date de paiement du principal, une procédure spécifique, prévue par l’article L. 1612-18 du Code général des collectivités territoriales s’engage : le titulaire, de même que le comptable ou un tiers, informe le préfet qui met en demeure la collectivité, dans les quinze jours suivant cette information, de mandater les intérêts et l’indemnité forfaitaire. À défaut d’exécution dans le délai d’un mois suivant cette mise en demeure, le préfet peut se substituer à la collectivité et mandater lui-même les sommes correspondantes dans un délai de dix jours. Cette procédure peut être mise en œuvre lorsque le montant du principal est supérieur au seuil de 4 600 € TTC(847).
23.1.2 Interdiction de renoncer aux intérêts moratoires
Il est interdit de renoncer au paiement des intérêts moratoires. L’article L. 2192-14 du Code de la commande publique prévoit que toute renonciation, dès lors qu’ils sont exigibles en raison d’un retard de mandatement ou de paiement, est réputée non-écrite. Le juge administratif a étendu le champ de cette interdiction aux transactions conclues pour régler des litiges relatifs au règlement des marchés publics. Un protocole transactionnel ne peut donc avoir pour effet le renoncement du titulaire du marché aux intérêts moratoires qui lui sont normalement dus(848). Exemple Il est interdit de renoncer aux bénéfices des intérêts moratoires par la signature d’un protocole transactionnel : CE 17 octobre 2003, Ministre de l’Intérieur, req. n° 249822 « Considérant que ces dispositions interdisent de façon absolue toute renonciation aux intérêts moratoires dus en raison de retards dans le règlement des marchés publics, que cette renonciation intervienne lors de la passation du marché ou postérieurement ; qu’ainsi, notamment, toute délibération de l’organe délibérant de la personne publique responsable du marché qui autoriserait une transaction avec le titulaire du marché ou ses sous-traitants par laquelle ceux-ci renonceraient à tout ou partie des intérêts qui leur seraient dus serait illégale, quel que soit le moment où elle interviendrait ; que, par suite, en estimant que ces dispositions n’interdisaient pas, après l’exécution totale du marché et le paiement de l’intégralité du prix, la conclusion d’une transaction par laquelle l’entreprise titulaire du marché renoncerait à percevoir la totalité des intérêts moratoires qui lui étaient dus, la cour a commis une erreur de droit ; »
Il y a renonciation illégale lorsque le contrat comporte une clause explicite dont l’objet est de priver le titulaire du marché du droit aux intérêts moratoires ou de l’empêcher d’exercer ce droit. N’est pas considéré comme une renonciation illégale aux intérêts moratoires l’article 13.4.4 du CCAG-Travaux qui stipule : « Ce décompte lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires afférents au solde »(849). Recommandation Penser à inscrire toutes les sommes relatives aux intérêts moratoires et à l’indemnité forfaitaire dans le projet de décompte final Malgré le caractère d’ordre public des intérêts moratoires, le titulaire a intérêt lorsqu’il prépare son décompte final à mentionner les sommes relatives au paiement des intérêts pour les acomptes ainsi que les différentes indemnités forfaitaires correspondantes. À défaut, le décompte général devenu définitif interdira au titulaire toute réclamation sur ces intérêts (voir chapitre 20).
23.2
Calcul des intérêts moratoires
23.2.1 Détermination du retard
Le retard commence à courir à minuit le dernier jour du délai de paiement. Il court jusqu’à la date de mise en paiement du principal incluse(850).
23.2.2 Taux applicable Le taux à retenir est celui du jour où les intérêts ont commencé à courir. Il ne peut s’agir de celui en vigueur le jour de la passation du marché, même si ce dernier s’avère plus favorable au titulaire du marché(851). En effet, le taux de référence est précisé à l’article R. 2192-31 du Code de la commande publique. Il est identique pour tous les acheteurs. Il s’agit du taux d’intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l’année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de 8 points. Ce taux est publié sur le site internet de la Banque de France. Il est révisé plusieurs fois au cours de l’année, mais seules les références semestrielles sont prises en compte pour le calcul des intérêts moratoires. Bien que le taux de la Banque centrale européenne soit de 0 % depuis le 1er mars 2016, la majoration prévue par les textes rend le taux applicable aux intérêts moratoires pour les marchés publics conséquents (tab. 23.1). Tab. 23.1. Taux d’intérêt applicables depuis 2018 Période
Taux de l’intérêt légal (créanciers professionnels)
Taux marginal de la Banque centrale européenne
Taux des intérêts moratoires pour les marchés publics (taux marginal + 8 %)
1er semestre 2020
0,87 %
0,00 %
8%
1er semestre 2019
0,86 %
0,00 %
8%
2e semestre 2018
0,88 %
0,00 %
8%
2e semestre 2019
0,87 %
0,00 %
8%
23.2.3 Modalités de calcul Le montant des sommes à retenir tient seulement compte de celles payées avec retard aux titres des acomptes ou des bons de commande. Il ne s’agit donc pas de prendre en compte le montant initial du marché, sauf bien sûr si le marché fait l’objet d’un seul paiement. Au contraire, il s’agit d’un montant TTC, diminué d’une éventuelle retenue de garantie et révisé par application de la clause de variation des prix prévue au marché.
Lorsque le retard de paiement est précisément établi, le calcul du montant des intérêts se fait par application de la formule suivante : M ontant des sommes de retard T T C× ( N ombre de jours de retard÷365 ) T aux applicable au jour o
ù les intérêts commencent à courir
Exemple Montant du bon de commande : 11 500 € TTC Retenue de garantie : non Variation des prix : non Jours de retard de paiement : 43 Taux applicable : 8,00 % 11 500 × 43 365 × 0,08 = 108,38 €
23.2.4 Délai de paiement des intérêts moratoires Les intérêts moratoires doivent être payés dans un délai de 45 jours à compter de la date de mise en paiement du principal(852). Le retard de paiement de la somme relative aux intérêts moratoires génère ses propres intérêts par application du taux d’intérêt légal(853). Important La majoration exceptionnelle de 50 % pour le retard de paiement de deux acomptes successifs dans un marché de travaux L’article 53.2.2 du CCAG-Travaux prévoit une majoration exceptionnelle des intérêts moratoires de 50 %. Cette majoration est obligatoire dans l’hypothèse suivante : - 2 acomptes successifs n’ont pas été payés ; - le titulaire a averti par lettre recommandée avec accusé de réception, 30 jours après la remise du deuxième décompte, de son intention d’interrompre les travaux ; - dans le mois qui suit la réception de ce courrier, l’acheteur a ordonné par lettre recommandée avec accusé de réception la poursuite des travaux. Lorsque l’exécution du marché se trouve précisément dans cette situation, les intérêts dus pour les retards de paiement des acomptes sont majorés de 50 % à compter de la date du courrier du titulaire.
23.3 Indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement L’article L. 2192-13 du Code de la commande publique impose le versement d’une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dès lors que des intérêts moratoires doivent être versés.
L’article D. 2192-35 fixe le montant de ce forfait à 40 euros. Cette indemnité forfaitaire doit être versée en même temps que les sommes correspondant aux intérêts, c’est-à-dire dans un délai de 45 jours à compter de la mise en paiement de la somme principale. L’acheteur doit mandater cette indemnité au comptable de la même manière. Le retard dans le paiement de cette indemnité génère également des intérêts moratoires, calculés par référence au taux légal(854). Les 40 euros sont dus sans que le titulaire ait à justifier la réalité d’éventuels frais de recouvrement. Toutefois, si dans les faits les frais qu’il a exposés sont supérieurs au montant de cette indemnité, il peut demander une indemnisation complémentaire à condition de produire tous les justificatifs utiles à l’acheteur. Ce forfait s’applique pour chaque retard de paiement. L’acheteur peut donc être amené à le payer plusieurs fois dans le cadre d’un même marché s’il est par exemple en retard pour le paiement de plusieurs acomptes.
23.4
Capitalisation des intérêts
23.4.1 Mécanisme de la capitalisation Les acheteurs qui se montrent véritablement négligents en matière d’intérêts moratoires peuvent se voir appliquer le mécanisme de la capitalisation des intérêts. Ce dispositif, inspiré des règles de droit privé, est appliqué par le juge administratif dans le domaine des contrats publics(855). Il consiste à convertir la somme que représentent les intérêts moratoires en capital qui va lui-même produire des intérêts. Ce mécanisme a pour effet de sanctionner lourdement l’acheteur débiteur. La capitalisation des intérêts ne peut être obtenue que pour des intérêts moratoires qui courent depuis au moins une année. Elle doit être demandée au juge administratif, sauf si le marché prévoit une clause pour une mise en œuvre automatique entre les parties. Elle ne peut produire d’effet à une date antérieure à celle de la demande qui est faite au juge. Elle peut toutefois être demandée à tout moment par le titulaire créancier. La demande peut être faite même si, à la date où elle est formulée, les intérêts sont dus depuis moins d’une année. La capitalisation ne prend alors effet qu’à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière(856). Une fois la capitalisation acceptée par le juge, elle s’applique à chaque échéance annuelle à compter de sa demande. Les intérêts sont donc capitalisés chaque année pour produire eux-mêmes des intérêts sans qu’une nouvelle demande soit nécessaire(857).
23.4.2 Modalités de calcul Il s’agit de faire fructifier chaque année des intérêts à une somme correspondant aux intérêts de l’année précédente. Exemple Montant du bon de commande : 11 500 € TTC Nb de jours de retard depuis le 25 mars 2008 : 365 Année 2009 Taux applicable le 25 mars 2009 : 8 % Montant des intérêts moratoires pour une année : 11 500 × 365 365 × 0,08 = 920 € Année 2010 Taux applicable le 25 mars 2010 : 8 % Capitalisation des intérêts pour une année : 920 × 0,08 = 73,6 € Année 2011 Taux applicable le 25 mars 2011 : 8 % Capitalisation des intérêts pour une année : (920 + 73,6) × 0,08 = 79,5 € Année 2012 Taux applicable le 25 mars 2012 : 8 % Capitalisation des intérêts pour une année : (920 + 73,6 + 79,5) × 0,08 = 85,9 € Total des intérêts capitalisés : 920 + 73,6 + 79,5 + 85,9 = 1 159 € Voici un autre exemple de calcul des intérêts capitalisés issu d’un article de Pierre Boudrand publié en 2005(858) (tab. 23.2). Tab. 23.2. Exemple de calcul des intérêts capitalisés Principal Intérêts Intérêts Intérêts Intérêts Intérêts Intérêts Intérêts Intérêts Intérêts Intérêts Date
30/06/94 30/06/95 30/06/96 30/06/97 30/06/98 30/06/99 30/06/00 30/06/01 30/06/02 30/06/03
Taux 10,4 (%) Montant 10 000 (€) Total IC
7,82
8,65
5,87
5,36
5,47
4,74
6,26
6,26
5,29
1 040
1 040
1 040
1 040
1 040
1 040
1 040
1 040
1 040
9 360
1 040
81,33
81,33
81,33
81,33
81,33
81,33
81,33
81,33
650,62
96,99
96,99
96,99
96,99
96,99
96,99
96,99
678,96
71,52
71,52
71,52
71,52
71,52
71,52
429,09
69,14
69,14
69,14
69,14
69,14
345,68
Total IC 1 121,33
Total IC 1 218,32
Total IC 1 289,84
Total IC 1 358,97
74,34
Total IC 1 433,31
74,34
74,34
74,34
297,34
67,94
67,94
67,94
203,82
93,98
93,98
187,96
99,86
99,86
Total IC 1 501,25
Total IC 1 595,23
Total IC 1 695,09 12 253,34
La démonstration de Pierre Boudrand conduit au final à devoir payer une somme principale de 10 000 euros et un montant d’intérêts moratoires de 12 253,34 euros, soit un montant total de la dette de 22 253,34 euros. Dans l’hypothèse présentée par Pierre Boudrand, le calcul simple des intérêts moratoires pour neuf années de retard aurait conduit au résultat suivant : 10 000 × (3 285 jours de retard/365) × 0,104 = 9 360 € d’intérêts moratoires Le renchérissement de la dette par voie de capitalisation est donc très important. Important L’absence de majoration des intérêts moratoires en cas de condamnation pécuniaire de l’acheteur L’article L. 313-3 du Code monétaire et financier dispose : « En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. » Le Conseil d’État a jugé que cette disposition ne s’applique pas en matière de contrats publics dans la mesure où les textes prévoient expressément le taux d’intérêts moratoires(859). Le juge précise néanmoins que le titulaire du marché peut lui demander l’application du taux d’intérêt légal majoré de 5 points dans l’hypothèse où cela s’avère plus favorable pour lui que le taux d’intérêt appliqué aux marchés publics, ce qui semble peu probable compte tenu du niveau conséquent du taux des intérêts moratoires fixé par Code de la commande publique. Il en ressort que le taux des intérêts moratoires des marchés publics ne peut pas être majoré par application de l’article L. 313-3, même après condamnation de l’acheteur notamment à la capitalisation des intérêts.
23.5
Amende administrative
Le Code de la commande publique prévoit une sanction financière renforcée à l’encontre uniquement des entreprises publiques, pour leurs marchés publics(860). Sont concernées, les entités entrant dans le champ définit par l’ordonnance n° 2004-503 du 7 juin 2004 et par le Code de la commande publique(861). Cette amende ne s’applique donc pas aux marchés publics conclus par les personnes morales de droit public. Ce dispositif initialement prévu par la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « Loi Sapin 2 » a pour objectif de sanctionner de façon significative les entreprises publiques dont les retards de paiement ont un impact significatif sur la trésorerie des petites et moyennes entreprises qu’elles font travailler.
Le Code du commerce fixe les modalités de mise en œuvre des procédures d’enquêtes par les agents des services d’instruction de l’Autorité de la Concurrence(862). Ainsi, les entreprises publiques accusant des retards dans leurs délais de paiement peuvent ainsi se voir infliger par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation une amende allant jusqu’à deux millions d’euros(863). En cas de nouveau manquement, l’amende administrative peut être doublée. En complément de la sanction financière, la loi Pacte a ajouté à l’encontre des entreprises fautives une sanction « réputationnelle » en donnant la possibilité aux services de l’État de publier les sanctions infligées aux contrevenants(864). (841) Code civil, art. 1231-6. (842) Décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique. (843) CCP, art. L. 2192-12 à L. 2192-14 et L. 2392-10 ; art. R. 2192-31 à R. 2192-36 et R. 2392-10 à R. 2392-12. (844) Code civil, art. 1154. (845) CE 17 novembre 2008, Entreprise Aubelec, req. n° 294215. (846) CE 29 mai 1991, EPA de la Ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, req. n° 92551. (847) Décret n° 86-429 du 14 mars 1986 fixant, en application des articles 12-1 et 53-1 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, le seuil au-delà duquel les intérêts moratoires restés dus par les collectivités locales sont mandatés d’office. (848) CE 17 octobre 2003, Ministre de l’Intérieur, req. n° 249822. (849) CE 26 janvier 2007, Société Baudin-Châteauneuf, req. n° 256819. (850) CCP, art. R. 2192-32. (851) CE 11 juillet 2008, Société Quillery Méditerranée, req. n° 284796. (852) CCP, art. R. 2192-36. (853) Code civil, art. 1231-6. (854) Code civil, art. 1231-6. (855) Code civil, art. 1343-2.
(856) CE 10 août 2005, Société ETPO, req. n° 259444. (857) CE 13 décembre 2002, Compagnie d’assurances Les Lloyd’s de Londres et autres, req. n° 203429 ; CE 14 novembre 2011, Société International Distribution, req. n° 306007 : CE 27 août 2014, req. n° 372688. (858) Boudrand P., « Exécution La capitalisation des intérêts moratoires », CP-ACCP, n° 50, décembre 2005. (859) CE 23 mai 2012, Société SPIE SCGPM, req. n° 346352. (860) CCP, art. L. 2192-15. (861) Article 1er de l’ordonnance n° 2004-503 du 7 juin 2004, portant transposition de la directive 80/723/CEE relative à la transparence des relations financières entre les États membres et les entreprises publiques, (862) Code du commerce, art. L. 450-1. (863) Code du commerce, art. L. 470-2. (864) Code du commerce, art. L. 470-2-V.
Chapitre 24
Résiliation du marché
La résiliation est une mesure d’exécution qui a pour objet de mettre un terme au marché de manière anticipée. Elle peut revêtir la forme d’une sanction à l’encontre du titulaire lorsqu’elle est la conséquence d’une faute contractuelle. Elle peut aussi être un moyen pour l’acheteur d’adapter son marché aux évolutions du service public ou à la survenance d’un cas de force majeur. Dans d’autres hypothèses, c’est le titulaire qui va contraindre l’acheteur à résilier le contrat. Ainsi, la résiliation n’est pas nécessairement une mesure qui sanctionne le titulaire et les motifs qui poussent l’acheteur à prendre cette décision peuvent être variés. Les conditions de mise en œuvre d’une telle décision sont d’abord à rechercher dans les documents du marché. Les différents CCAG contiennent des stipulations précises, complétées parfois par les documents particuliers. Mais la résiliation sanction comme celle prononcée pour un motif d’intérêt général peuvent aussi être décidées par l’acheteur en l’absence de stipulations précises.
24.1
Prérogative de l’acheteur
La résiliation est une décision prise unilatéralement par l’acheteur. En principe, elle ne peut l’être que par lui. Les CCAG ne contiennent aucune clause autorisant le titulaire à prendre lui-même une telle décision, par exemple pour sanctionner une faute commise par l’acheteur. L’exception d’inexécution n’existe pas en effet au bénéfice du titulaire du marché, sauf dans des circonstances contractuelles que le Conseil d’État a strictement limitées(865)
(chapitre 2). De telles clauses ne sont toutefois pas recommandées compte tenu de l’importance des marchés publics dans le fonctionnement du service public. Il est préférable pour l’acheteur de conserver seul la prérogative de la résiliation, sous le contrôle du juge administratif. Si le titulaire ne peut décider lui-même de résilier le marché, les CCAG prévoient néanmoins plusieurs situations lui permettant de demander à l’acheteur d’y mettre un terme. Ce dernier n’aura parfois pas d’autre choix que d’accéder à cette demande. De manière générale, nonobstant l’absence de clause en ce sens, il est toujours possible pour le titulaire de demander à l’acheteur, à tout moment, la résiliation du marché. En cas de refus, il pourra se tourner vers le juge pour obtenir cette résiliation si elle peut être sérieusement justifiée, par exemple en raison de l’importance des fautes commises par l’acheteur. Enfin, il y a des domaines particuliers dans lesquels la loi prévoit que le titulaire peut procéder à la résiliation du marché(866). C’est le cas par exemple pour les marchés publics de services d’assurance. Exemple Le pouvoir exceptionnel de résiliation des marchés d’assurance par le titulaire Ces marchés sont soumis à la fois aux règles applicables aux contrats administratifs et aux dispositions spécifiques issues du Code des assurances. Les prescriptions législatives du Code des assurances sont d’ordre public, notamment celles qui prévoient la faculté de résiliation de l’assureur(867), et elles ne sont pas contraires aux principes généraux qui régissent les contrats publics(868). Ainsi l’assureur peut décider la résiliation au terme de chacune des années du contrat, en cas de défaillance de l’acheteur dans le paiement de la prime d’assurance, en cas d’aggravation du risque initialement envisagé dans le contrat ou en cas d’omission ou de mauvaise déclaration des sinistres par l’acheteur(869). Dans un même marché public, il résulte donc de ces législations une coexistence entre deux pouvoirs de résiliation unilatérale(870).
24.2 Résiliation pour des événements affectant le titulaire Il s’agit de situations très spécifiques qui justifient de mettre fin de manière anticipée à la relation contractuelle. Tous les CCAG prévoient ces causes de résiliation. L’acheteur doit, avant de prendre la décision de résiliation, disposer de tous les éléments lui permettant de justifier sa décision. Aucun de ces cas de résiliation, puisqu’ils ne sont pas du fait de l’acheteur, ne justifie objectivement une indemnisation du titulaire. Les CCAG ne la prévoient donc pas.
24.2.1 Décès ou incapacité civile du titulaire
La poursuite du marché est toujours possible avec les ayants droit ou le curateur. Toutefois, l’acheteur n’y est pas tenu et peut décider, malgré les demandes de ces derniers, de prononcer la résiliation(871). Dans ce cas, la résiliation est prononcée à la date du décès ou de l’incapacité civile. L’acheteur doit obtenir l’acte de décès ou le jugement qui prononce la mise sous curatelle avant d’émettre la décision de résiliation. Cette situation ne semble pas concerner les titulaires constitués sous forme de société, car c’est la société personne morale qui est titulaire du marché dans ce cas et non pas le gérant ou le PDG. Or, une société ne décède pas et ne saurait être touchée par une incapacité civile. Seuls les titulaires sous forme d’auto-entreprise, d’entreprise individuelle ou de profession libérale semblent donc visés. Si l’acheteur accepte la poursuite du marché, un avenant de transfert doit être signé avec les personnes qui se substituent au titulaire initial. Cette substitution entre dans le cas de la cession de marché autorisée en raison d’une opération de restructuration du titulaire initial (chapitre 10).
24.2.2 Incapacité physique manifeste et durable Dans ce cas, le titulaire se trouve dans l’impossibilité de poursuivre la bonne exécution du marché(872). Le simple constat d’une incapacité physique ne suffit pas ; il faut que l’exécution du marché soit compromise. Les conséquences supposées de celle-ci ne suffisent donc pas à justifier la résiliation, car le titulaire, même affecté d’une incapacité importante, peut mettre en œuvre des dispositions adéquates pour exécuter ses obligations.
24.2.3 Sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire La vie des sociétés est constituée d’aléas qui peuvent conduire le titulaire du marché à être placé dans des situations de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire prévues dans le Code de commerce. Ces situations sont susceptibles d’affecter de manière négative l’exécution du marché (voir chapitre 26). Les différents CCAG prévoient donc qu’il s’agit de cas permettant la résiliation du marché, mais dans des conditions précises(873). Le Code de commerce interdit de résilier le marché au seul motif que le titulaire est placé en procédure de sauvegarde, en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire(874). Cette interdiction est applicable à la date d’ouverture de la procédure.
Dans le cas d’une procédure de sauvegarde ou d’un redressement judiciaire, l’administrateur judiciaire doit être mis en demeure par l’acheteur de reprendre les obligations du titulaire résultant du marché. Si l’administrateur décide la continuation du marché, l’acheteur ne peut pas procéder à la résiliation du marché, sauf pour un motif d’intérêt général(875). En revanche, s’il refuse explicitement de reprendre les obligations du marché, l’acheteur peut décider la résiliation pour ce motif. Le silence conservé pendant le délai d’un mois à compter de la mise en demeure équivaut à un refus de l’administrateur pouvant conduire à la décision de résiliation. Si l’administrateur judiciaire décide la continuation du marché, l’exécution se poursuit. Le marché pourra cependant faire l’objet d’une cession dans le cadre du plan de redressement. Dans l’hypothèse d’une liquidation judiciaire, il est mis fin à l’activité du titulaire et le liquidateur désigné par le tribunal de commerce a pour mission de valoriser ses actifs. Le marché public fait souvent partie des actifs de la société en liquidation et le liquidateur peut envisager de le céder à un autre opérateur économique. L’acheteur doit dans ce cas mettre en demeure le liquidateur de lui indiquer ce qu’il envisage de faire avec le marché. S’il refuse explicitement de reprendre les obligations du marché, l’acheteur peut décider la résiliation pour ce motif. Le silence conservé pendant le délai d’un mois à compter de la mise en demeure équivaut à un refus du liquidateur pouvant conduire à la décision de résiliation. En cas de reprise du marché, il sera nécessairement cédé à un nouvel opérateur économique, l’activité du titulaire placé en liquidation étant vouée à disparaître.
Important La difficulté qui découle des articles L. 2195-4 et L. 2395-2 du Code de la commande publique Le Code de commerce interdit de résilier le marché public pour la seule raison que le titulaire se trouve placer dans une procédure collective. Les CCAG prévoient donc le respect de ses dispositions avant de permettre à l’acheteur de décider la résiliation du marché. Pourtant, les articles L. 2195-4 et L. 2395-2 du Code de la commande publique viennent brouiller cette lecture. Ils disposent : « Lorsque le titulaire est, au cours de l’exécution du marché, placé dans l’un des cas d’exclusion mentionnés aux articles L. 2341-1 à L. 2341-3 et L. 2341-5, il informe sans délai l’acheteur de ce changement de situation. L’acheteur peut alors résilier le marché. Toutefois, l’acheteur ne peut prononcer la résiliation du marché au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire en application de l’article L. 631-1 du code de commerce, sous réserve des hypothèses de résiliation de plein droit prévues au III de l’article L. 622-13 du même code. » Parmi les cas d’exclusion prévus par le Code de la commande publique, il y a la procédure de liquidation judiciaire et celle de redressement judiciaire(876). Doit-on comprendre du deuxième alinéa des articles L. 2195-4 et L. 2395-2 que l’information du placement du titulaire dans la procédure de liquidation judiciaire suffit pour résilier le marché ? Cette ambiguïté est renforcée par le troisième alinéa qui vise spécifiquement la procédure de redressement judiciaire et impose le respect des dispositions du Code de commerce pour la résiliation de plein droit. Une fiche de la DAJ porte sur le thème des entreprises en difficulté en cours d’exécution du marché public, mais elle n’aborde pas la question de l’articulation des articles L. 2195-4 et L. 2395-2 avec les dispositions du Code de commerce.
Le placement du titulaire dans une procédure collective n’interdit pas de continuer à faire application du marché, notamment lorsque l’administrateur ou le liquidateur a refusé d’y mettre un terme. L’acheteur peut donc faire application des clauses pénales ou résolutoires si le titulaire n’exécute pas correctement ses obligations. Quel que soit le niveau de difficulté rencontré par le titulaire, l’acheteur peut appliquer des pénalités de retard. De même, il est en droit de décider une résiliation aux torts du titulaire lorsque celui-ci ne respecte pas ses obligations. La décision de résiliation doit alors être bien fondée sur les manquements du titulaire dans l’exécution des prestations et non pas être fondée sur sa situation d’entreprise en difficulté(877).
Exemple La résiliation aux torts du titulaire après l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire : CE 11 juillet 2008, Société Manathan, req. n° 288269 « Considérant qu’aux termes de l’avant-dernier alinéa de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985, ultérieurement codifié à l’article L. 621-28 du Code de commerce : “Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire” ; qu’ayant souverainement estimé, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, que la résiliation des marchés en cause a été prononcée par l’UGAP non en raison de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société nouvelle MAAMF, mais du fait du non-respect par celle-ci, après le début de la procédure de redressement, des délais de livraison prévus par les marchés qui lui étaient confiés, et ce en dépit des engagements pris le 3 septembre 1996, la cour pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, qu’était inopérant le moyen tiré de ce que l’UGAP aurait méconnu les dispositions précitées de l’article L. 621-28 du Code du commerce en prononçant la résiliation de contrats en raison de fautes commises antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de redressement ; ».
24.3 Résiliation en raison des difficultés d’exécution rencontrées par le titulaire Tous les CCAG, à l’exception de celui de travaux, prévoient la possibilité de résilier le marché en raison des difficultés très sérieuses d’exécution rencontrées par le titulaire(878). Ils envisagent deux situations qui sont nécessairement extérieures aux comportements des parties : - lorsque le titulaire rencontre en cours d’exécution des difficultés techniques particulières, dont la solution nécessiterait la mise en œuvre de moyens hors de proportion avec le montant du marché. Dans cette hypothèse, l’acheteur a une simple faculté de résilier le marché, de sa propre initiative ou à la demande du titulaire. La résiliation n’est donc pas une obligation et la poursuite du marché, malgré les difficultés rencontrées, peut être décidée ; - lorsque le titulaire est dans l’impossibilité d’exécuter les prestations du fait d’un événement ayant le caractère de force majeure. Dans ce cas, les stipulations des CCAG sont impératives et imposent à l’acheteur de résilier le marché. La difficulté d’exécution est telle que les cocontractants n’ont pas les moyens d’assurer la poursuite du contrat. Le titulaire devra nécessairement informer l’acheteur de la nature des difficultés qu’il rencontre et lui indiquer les conséquences sur l’exécution du marché. Aucune de ces situations n’a pour cause une faute du titulaire, la résiliation n’est donc pas prononcée à ses torts. La question de l’indemnisation du titulaire n’est pas traitée par les CCAG. Dans ces deux cas de figure, ni lui ni l’acheteur ne sont à l’origine des difficultés d’exécution. Le silence des CCAG et des documents particuliers laisse penser qu’il n’y a aucun droit à indemnisation pour le titulaire(879). Cependant, le silence des CCAG n’exclut pas toute
indemnisation. En effet, le premier cas de figure, selon les circonstances, pourrait se rapprocher du régime de l’imprévision (voir chapitre 25). Si l’acheteur refuse de résilier le marché et force le titulaire à en poursuivre l’exécution, malgré les moyens hors de proportion que cela implique, les conditions pourraient être réunies pour que ce dernier réclame le soutien financier de l’acheteur. Si, au contraire, il accède à la demande du titulaire et décide la résiliation, une indemnité d’imprévision pourrait être demandée par le titulaire pour la période courant entre la survenance des difficultés techniques et la date d’effet de la résiliation(880). Dans le second cas de figure, celui de la force majeure, toujours selon les circonstances, les pertes subies par le titulaire pour assurer l’exécution du marché jusqu’à la prise d’effet de la résiliation pourraient faire l’objet d’une indemnisation. À titre d’exemple, dans le cadre d’une délégation de service public résiliée en raison d’un cas de force majeure, en l’occurrence l’empoisonnement grave et durable d’une source d’eau, le juge a condamné l’administration à verser une indemnité pour combler le déficit d’exploitation du titulaire pendant la période comprise entre la survenance du cas de force majeure et la date de résiliation du contrat(881).
Important La résiliation en cas de force majeure Le Code de la commande publique prévoit la possibilité pour l’acheteur de résilier le marché en cas de force majeure(882). Cette faculté peut donc être mise en œuvre même en l’absence de clause la prévoyant dans le marché. En réalité, il s’agit plus d’une obligation que d’une faculté, car en présence d’un véritable cas de force majeure il apparaît impossible d’envisager la poursuite du marché. En effet, la force majeure est une situation exceptionnelle cumulant les trois conditions suivantes : - l’extériorité : aucune des parties, par son comportement, ne doit être à l’origine de la situation exceptionnelle qui rend impossible la poursuite du contrat ; - l’imprévisibilité : la force majeure n’est jamais reconnue si les difficultés d’exécution étaient envisageables au moment de la conclusion du contrat ; - l’irrésistibilité : aucun moyen mis en œuvre par les parties ne permet la poursuite du contrat, notamment par le titulaire qui doit pouvoir démontrer avoir tout tenté pour faire face à la situation exceptionnelle. La force majeure n’est donc pas invocable à la légère, ni par l’acheteur pour résilier le marché sans indemnité, ni par le titulaire pour prétendre ne plus pouvoir exécuter les prestations. En matière contractuelle, n’ont pas été reconnus ces dernières années comme cas de force majeure les événements suivants : - l’état de fatigue d’un chanteur connu, qui malgré un certificat médical valide n’en demeure pas moins un événement prévisible dans le cadre d’une tournée de concerts(883) ; - un attentat en Corse, dont le titulaire souhaitait être indemnisé, car pour le juge la survenance de cet attentat ne peut être regardée comme revêtant, dans les circonstances de temps et de lieu propres à l’espèce et en l’absence de toute mesure de protection particulière du chantier, un caractère d’imprévisibilité constitutif d’un cas de force majeure(884) ; - une sécheresse pourtant classée catastrophe naturelle par un arrêté préfectoral et désignée par l’expert comme la cause des désordres affectant les fondations d’un bâtiment(885) ; - le vol de matériel sur un chantier(886) ; - l’effondrement d’une structure scénique causant deux accidents mortels, dès lors qu’il met en cause un tiers sur lequel l’administration pouvait exercer un contrôle eu égard au lien contractuel existant entre eux(887). À l’inverse, a été reconnu comme un cas de force majeure, un raz de marée avec des vagues de 7 mètres dans le port de Nice provoqué par l’effondrement du sous-sol marin et justifiant, en application du CCAG-Travaux applicable à l’époque, l’indemnisation de l’entrepreneur pour les pertes de matériels subies(888). Le CCAGTravaux de 2021 prévoit toujours, à son article 17.3, le même cas d’indemnisation.
24.4
Résiliation aux torts du titulaire
La résiliation aux torts du titulaire est une mesure de sanction grave qui est prise par l’acheteur en raison des fautes du titulaire dans la mise en œuvre de ses obligations.
24.4.1 Résiliation aux torts du titulaire pour une faute prévue au marché Le marché fait le plus souvent référence aux situations qui peuvent justifier pour l’acheteur de prendre une décision de résiliation aux torts du titulaire. Les CCAG
proposent différents cas de figure qui justifient qu’une résiliation pour faute soit décidée. Les documents particuliers viennent parfois préciser ces situations en les adaptant aux conditions particulières d’exécution de chaque marché, notamment concernant les conditions de mise en demeure (tab. 24.1). En dehors des fautes prévues dans le marché, la résiliation aux torts ne peut être envisagée qu’en présence d’une faute suffisamment grave (24.4.3 ; voir également chapitre 2). Tab. 24.1. Comparaison des clauses des CCAG relatives à la résiliation aux torts du titulaire CCAG-FCS article 41 a) Le titulaire contrevient aux obligations légales ou réglementaires relatives au travail ou à la protection de l’environnement, à la sécurité et la santé des personnes ou à la prévention du voisinage.
CCAG-Travaux article article 50.3 a) Le titulaire contrevient aux obligations légales ou réglementaires relatives au travail ou à la protection de l’environnement, à la sécurité et la santé des personnes ou à la prévention du voisinage.
CCAG-PI article 39.1 a) Le titulaire contrevient aux obligations légales ou réglementaires relatives au travail ou à la protection de l’environnement, à la sécurité et la santé des personnes ou à la prévention du voisinage.
CCAG-MI article 44.1 a) Le titulaire contrevient aux obligations légales ou réglementaires relatives au travail ou à la protection de l’environnement, à la sécurité et la santé des personnes ou à la prévention du voisinage.
CCAG-TIC article 50 a) Le titulaire contrevient aux obligations légales ou réglementaires relatives au travail ou à la protection de l’environnement, à la sécurité et la santé des personnes ou à la prévention du voisinage.
CCAG-MOE article 30 a) Le maître d’œuvre contrevient aux obligations légales ou réglementaires relatives au travail ou à la protection de l’environnement, à la sécurité et la santé des personnes ou à la prévention du voisinage. b) Des matériels, b) Le titulaire a b) Des moyens b) Des matériels, b) Des matériels, b) Le maître moyens, objets et refusé de ont été mis à la moyens, objets et moyens, objets et d’œuvre ne s’est approvisionnements représenter ou de disposition du approvisionnements approvisionnements pas acquitté de ont été confiés au restituer des titulaire, ont été confiés au ont été confiés au ses obligations titulaire ou des bâtiments, terrains, et il ne les titulaire et il ne les titulaire et il ne les dans les délais bâtiments et matériels, produits restitue pas, les a restitue pas, les a contractuels restitue pas, les a terrains ont été mis de construction, détériorés, détériorés, utilisés détériorés, utilisés à sa disposition et il équipements et utilisés abusivement abusivement se trouve dans un approvisionnements abusivement des cas prévus à qui lui ont été l’article 18.7 confiés, ou il les a dégradés ou utilisés de manière abusive c) Le titulaire ne c) Le titulaire après c) Le titulaire ne c) Le titulaire ne c) Le titulaire ne c) Le remplaçant s’est pas acquitté de avoir été mis en s’est pas acquitté s’est pas acquitté de s’est pas acquitté de de la personne ses obligations dans demeure, ne s’est de ses ses obligations dans ses obligations dans désignée pour les délais pas acquitté de ses obligations dans les délais les délais conduire les contractuels obligations dans les les délais contractuels contractuels prestations est délais contractuels contractuels récusé et aucun remplaçant n’est désigné dans le délai d’un mois, ou le remplaçant est lui-même récusé. d) Le titulaire a fait d) Le titulaire a d) Le titulaire a d) Le titulaire a fait d) Le titulaire a fait d) Le maître
obstacle à l’exercice d’un contrôle par l’acheteur sur le lieu d’exécution ou à la surveillance en usine
contrevenu à ses fait obstacle au obstacle au contrôle obligations en contrôle sur le sur le lieu matière de contrôle lieu d’exécution d’exécution des prix de revient
e) Le titulaire a sous-traité en contrevenant aux textes légaux ou aux clauses du marché f) Le titulaire n’a pas produit les attestations d’assurances
e) Le titulaire a sous-traité en contrevenant aux textes légaux ou aux clauses du marché f) Le titulaire n’a pas produit les attestations d’assurances
e) Le remplaçant de la personne désignée pour conduire les prestations est récusé et aucun remplaçant n’est désigné dans le délai d’un mois, ou le remplaçant est lui-même récusé. f) Le titulaire a sous-traité en contrevenant aux textes légaux ou aux clauses du marché g) Le titulaire n’a pas produit les attestations d’assurances
g) Le titulaire déclare ne pas pouvoir exécuter ses engagements (sans mise en demeure)
g) Le titulaire déclare ne pas pouvoir exécuter ses engagements (sans mise en demeure)
h) Le titulaire déclare ne pas pouvoir exécuter ses engagements (sans mise en demeure)
h) Le titulaire n’a pas communiqué les informations concernant son changement de situation ou les changements concernant un soustraitant déclaré et cela compromet la
h) Le titulaire n’a pas communiqué les informations concernant son changement de situation ou les changements concernant un soustraitant déclaré et cela compromet la
i) Le titulaire n’a pas communiqué les informations concernant son changement de situation ou les changements concernant un sous-traitant déclaré et cela compromet la
obstacle au contrôle sur le lieu d’exécution ou à la surveillance en usine
d’œuvre a soustraité en contrevenant aux textes légaux ou aux clauses du marché e) Le maître d’œuvre n’a pas produit les attestations d’assurances
e) Le titulaire a sous-traité en contrevenant aux textes légaux ou aux clauses du marché f) Le titulaire n’a pas produit les attestations d’assurances
e) Le titulaire a sous-traité en contrevenant aux textes légaux ou aux clauses du marché f) Le titulaire n’a pas produit les attestations d’assurances
f) Le maître d’œuvre déclare ne pas pouvoir exécuter ses engagements
g) Le maître d’œuvre n’a pas communiqué les informations concernant son changement de situation ou les changements concernant un sous-traitant déclaré et cela compromet la bonne exécution du marché. g) Le titulaire g) Le titulaire h) Le maître déclare ne pas déclare ne pas d’œuvre s’est pouvoir exécuter pouvoir exécuter livré à des actes ses engagements ses engagements frauduleux à l’occasion de (sans mise en (sans mise en l’exécution du demeure) demeure) marché h) Le titulaire n’a h) Le titulaire n’a i) Le maître pas communiqué pas communiqué d’œuvre ne les informations les informations respecte pas les concernant son concernant son obligations changement de changement de relatives à la situation ou les situation ou les confidentialité changements changements des données à concernant un sous- concernant un sous- caractère traitant déclaré et traitant déclaré et personnel et à la cela compromet la cela compromet la sécurité
bonne exécution du marché. i) Le titulaire s’est livré à des actes frauduleux à l’occasion de l’exécution du marché (sans mise en demeure) j) Le titulaire ne respecte pas les obligations relatives à la confidentialité des données à caractère personnel et à la sécurité
bonne exécution du marché. i) Le titulaire s’est livré à des actes frauduleux à l’occasion de l’exécution du marché (sans mise en demeure) j) Le titulaire ne respecte pas les obligations relatives à la confidentialité des données à caractère personnel et à la sécurité
bonne exécution du marché. j) Le titulaire s’est livré à des actes frauduleux à l’occasion de l’exécution du marché (sans mise en demeure) k) Le titulaire ne respecte pas les obligations relatives à la confidentialité des données à caractère personnel et à la sécurité
bonne exécution du marché. i) Le titulaire s’est livré à des actes frauduleux à l’occasion de l’exécution du marché (sans mise en demeure) j) Le titulaire ne respecte pas les obligations relatives à la confidentialité des données à caractère personnel et à la sécurité
k) Le titulaire ne respecte pas ses obligations de maintenance et le matériel est indisponible pendant 30 jours consécutifs
k) Le titulaire ne respecte pas ses obligations de maintenance et le matériel est indisponible pendant 30 jours consécutifs
l) L’utilisation des résultats est gravement compromise en raison des retards pris dans l’exécution m) Le titulaire a fait l’objet d’une interdiction d’exercer toute profession industrielle ou commerciale (sans mise en demeure) n) Les documents et renseignements produits par le titulaire avant la conclusion du marché s’avèrent inexacts (sans mise en demeure) o) La personne
bonne exécution du marché. i) Le titulaire s’est livré à des actes frauduleux à l’occasion de l’exécution du marché (sans mise en demeure) j) Le titulaire ne respecte pas les obligations relatives à la confidentialité des données à caractère personnel et à la sécurité
k) Le titulaire a fait l’objet d’une interdiction d’exercer toute profession industrielle ou commerciale (sans mise en demeure) l) Les documents et renseignements produits par le titulaire avant la conclusion du marché s’avèrent inexacts (sans mise en demeure)
l) L’utilisation des résultats est gravement compromise en raison des retards pris dans l’exécution
k) L’utilisation des résultats est gravement compromise en raison des retards pris dans l’exécution
l) L’utilisation des résultats est gravement compromise en raison des retards pris dans l’exécution
m) Le titulaire a fait l’objet d’une interdiction d’exercer toute profession industrielle ou commerciale (sans mise en demeure) n) Les documents et renseignements produits par le titulaire avant la conclusion du marché s’avèrent inexacts (sans mise en demeure)
l) Le titulaire a fait l’objet d’une interdiction d’exercer toute profession industrielle ou commerciale (sans mise en demeure) m) Les documents et renseignements produits par le titulaire avant la conclusion du marché s’avèrent inexacts (sans mise en demeure)
m) Le titulaire a fait l’objet d’une interdiction d’exercer toute profession industrielle ou commerciale (sans mise en demeure) n) Les documents et renseignements produits par le titulaire avant la conclusion du marché s’avèrent inexacts (sans mise en demeure)
m) La personne
o) La personne
j) L’utilisation des résultats est gravement compromise en raison des retards pris dans l’exécution k) Le maître d’œuvre a fait l’objet d’une interdiction d’exercer toute profession industrielle ou commerciale l) Les documents et renseignements produits par le maître d’œuvre avant la conclusion du marché s’avèrent inexacts m) Les prestations du maître d’œuvre ont fait l’objet de deux rejets successifs des prestations par le maître d’ouvrage
désignée pour assurer la conduite des prestations est récusée et aucun remplaçant n’est désigné dans les trente jours, ou le remplaçant proposé est récusé dans les trente jours
désignée pour assurer la conduite des prestations est récusée et aucun remplaçant n’est désigné dans les trente jours, ou le remplaçant proposé est récusé dans les trente jours
désignée pour assurer la conduite des prestations est récusée et aucun remplaçant n’est désigné dans les trente jours, ou le remplaçant proposé est récusé dans les trente jours
24.4.2 Résiliation motivée par un cas d’exclusion aux procédures de marchés publics Il est logique que les cas d’exclusion aux procédures de marchés publics soient opposés au titulaire du marché en cours d’exécution et justifient de mettre un terme à la relation contractuelle. La résiliation pour un motif lié à un cas d’exclusion dans lequel se trouve placé le titulaire du marché reste une faculté pour l’acheteur. Il peut ainsi décider de continuer le marché dans le but d’en achever l’exécution. Une résiliation automatique peut en effet nuire à la bonne réalisation du service public et avoir des conséquences financières pour l’acheteur puisqu’il devra assurer la fin des prestations ou des travaux en recourant à un autre opérateur. L’article L. 2195-4 du Code de la commande publique dispose(889) : « Lorsque le titulaire est, au cours de l’exécution du marché, placé dans l’un des cas d’exclusion mentionnés aux articles L. 2141-1 à L. 2141-11, il informe sans délai l’acheteur de ce changement de situation. L’acheteur peut alors résilier le marché pour ce motif. Toutefois, l’acheteur ne peut prononcer la résiliation du marché au seul motif que l’opérateur économique fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire en application de l’article L. 631-1 du code de commerce, sous réserve des hypothèses de résiliation de plein droit prévues au III de l’article L. 622-13 du même code. Les articles L. 2141-1 à L. 2141-11 du Code de la commande publique énumèrent différentes situations qui soit imposent à l’acheteur d’exclure un candidat d’une procédure de passation de marchés publics, soit lui offrent la faculté de décider cette exclusion. Ces cas d’exclusion concernent des condamnations pénales, des infractions à la législation fiscale ou à la législation du travail ou le placement dans l’une des procédures collectives prévues par le Code de commerce (voir 24.2.3). L’article L. 23413 prévoit des interdictions spécifiques aux marchés de défense ou de sécurité. Le titulaire a l’obligation d’informer l’acheteur de son changement de situation.
Il n’est pas juridiquement nécessaire de prévoir ces cas de résiliation dans le marché puisque les dispositions du Code de la commande publique s’appliquent à tous les marchés publics qui entrent dans son champ d’application. Cependant, il n’est pas inutile de préciser dans les documents particuliers la portée exacte et les conditions de mise en œuvre de cette résiliation, par exemple la nécessité ou non d’une mise en demeure ou les conditions d’établissement d’un décompte de résiliation. De même, pourront être traitées dans les documents particuliers les conséquences du non-respect par le titulaire de son obligation d’information. Cette résiliation n’emporte aucune obligation d’indemnisation pour l’acheteur.
24.4.3 Résiliation pour faute grave du titulaire Tous les comportements fautifs du titulaire du marché ne peuvent pas être prévus dans le marché, malgré tout le soin que l’acheteur a pu apporter à sa rédaction. Il y a donc des situations qui ne sont donc pas couvertes spécifiquement par les clauses résolutoires du contrat. Cependant, même en l’absence de clause, l’acheteur dispose d’un pouvoir général de sanction qui peut prendre la forme d’une décision unilatérale de résiliation (chapitre 2). Ce pouvoir, d’abord reconnu par la jurisprudence(890), est aujourd’hui codifié dans le Code de la commande publique(891). Ainsi, il est toujours possible de résilier un marché pour faute du titulaire à la condition de se trouver en présence d’un manquement d’une gravité suffisante. C’est à l’acheteur d’apprécier la situation, sous le contrôle du juge administratif en cas de contentieux. La gravité est appréciée par le juge en fonction des circonstances propres à chaque marché. Il tient compte de l’importance des obligations contractuelles méconnues, de l’ampleur non négligeable de l’inexécution et de la présence éventuelle d’éléments extérieurs au titulaire de nature à expliquer les manquements(892). Ainsi, il y a faute d’une gravité suffisante lorsque les carences du titulaire génèrent un retard considérable qu’il n’entreprend pas de réduire malgré les mises en demeure répétées(893). Le nonrespect du délai stipulé au marché pour la réalisation d’installations indispensables est également considéré comme suffisamment grave(894). En revanche, la résiliation aux torts exclusifs sera disproportionnée si le titulaire a commis une simple faute dans l’installation de panneaux, faute par ailleurs corrigée après une mise en demeure de l’acheteur(895). De même, les malfaçons de nature essentiellement esthétique touchant l’encadrement de fenêtre ne sont pas un manquement contractuel suffisamment grave pour justifier une résiliation aux torts exclusifs du titulaire(896).
Exemple Résiliation aux frais et risques du titulaire pour faute d’une gravité suffisante en l’absence de clause prévue à cet effet : CE 23 novembre 2016, Hospices civils de Beaune, req. n° 392227 « 3. Considérant que seule une faute d’une gravité suffisante est de nature à justifier, en l’absence de clause prévue à cet effet, la résiliation d’un marché public aux torts exclusifs de son titulaire ; que pour juger que les Hospices civils de Beaune étaient fondés à résilier le marché aux frais et risques de la société Axima le 18 décembre 2013, la cour administrative d’appel de Lyon a relevé, d’une part, que la mise en demeure du 27 novembre 2013 de remplacer dans un délai de quinze jours des réseaux non conformes aux stipulations du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) et d’évacuer des gaines stockées dans des conditions impropres à leur destination n’avait été que très partiellement suivie d’effets le 16 décembre 2013, d’autre part, que les propositions formulées par Axima à la suite de cette mise en demeure pour remédier à la mauvaise exécution de ses obligations contractuelles et à ses conséquences n’équivalaient pas aux garanties prévues par le CCTP afin de se conformer aux normes, notamment sanitaires, attendues d’un établissement hospitalier ; qu’il ressort en effet des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l’importance des obligations contractuelles ainsi méconnues et l’ampleur non négligeable de l’inexécution en l’absence d’éléments extérieurs au cocontractant de nature à les expliquer justifiaient la résiliation à ses torts exclusifs ; ».
24.4.4 Résiliation pour faute prononcée aux frais et risques du titulaire La résiliation aux torts du titulaire peut toujours être décidée à ses frais et risques. Tous les CCAG prévoient une clause concernant la résiliation aux frais et risques(897). Cette possibilité existe même lorsque le marché ne prévoit aucune clause à cet effet, à condition dans ce cas que la faute soit suffisamment grave(898). La résiliation aux frais et risques consiste à faire supporter au titulaire les conséquences financières d’un nouveau marché, dit de substitution, conclu pour terminer les prestations du marché résilié. La résiliation aux frais et risques est donc une sanction particulièrement lourde. 24.4.4.1 Règle générale applicable aux marchés publics La possibilité de faire exécuter le marché aux frais et risques à la suite d’une résiliation prononcée aux torts du titulaire appartient aux règles générales applicables aux contrats administratifs(899) (voir chapitre 2). Aucune clause contractuelle ne peut limiter ou supprimer cette possibilité, la règle revêtant un caractère d’ordre public(900). Cette règle s’applique donc aux marchés publics, quel que soit leur objet. Elle est, de fait, prévue dans chaque CCAG. La décision de résiliation doit être prise après une mise en demeure restée infructueuse, et être fondée sur l’une des fautes prévues soit au CCAG (voir 24.4.1) soit dans les documents particuliers. En dehors des cas prévus au contrat ou en l’absence de clause
spécifique relative à une résiliation prononcée aux frais et risques, il faut considérer que la faute justifiant cette résiliation doit être suffisamment grave(901) (voir 24.4.3). La décision de résiliation aux torts du titulaire doit prévoir expressément qu’elle est prise aux frais et risques. À défaut d’être précise sur cette conséquence, elle ne sera qu’une simple décision de résiliation pour faute. 24.4.4.2 Marché de substitution L’exécution aux frais et risques implique de faire réaliser les prestations prévues au marché par un autre opérateur économique avec lequel l’acheteur conclut un marché appelé marché de substitution(902). Ce marché a pour but de poursuivre et de terminer les obligations non remplies par le titulaire défaillant. Outre l’achèvement des prestations, le marché de substitution peut prévoir aussi la reprise de malfaçons(903). Les CCAG précisent que le marché de substitution peut porter sur des prestations équivalentes si l’acheteur se trouve dans l’impossibilité de se procurer, dans des conditions acceptables, des prestations identiques à celles du marché initial. Le marché de substitution est nécessairement conclu dans le respect des règles de passation des marchés publics, c’est-à-dire après une procédure de mise en concurrence, sauf si l’achèvement des prestations présente un caractère d’urgence impérieuse permettant la conclusion d’un marché négocié sans mise en concurrence(904). Il ne semble pas que le marché de substitution doit être obligatoirement un nouveau marché. L’utilisation d’un marché ou d’un accord-cadre déjà existant n’est exclue ni par les CCAG ni par la jurisprudence. Cela pourrait être le cas par exemple d’un accordcadre de travaux à bons de commande ou à marchés subséquents dont disposent la plupart des maîtres d’ouvrage pour faire face aux nécessités du quotidien. Le titulaire défaillant ne peut pas prendre part, ni directement, ni indirectement à l’exécution du marché de substitution. Cette interdiction indique à la fois qu’il ne saurait se porter candidat au marché de substitution, mais aussi qu’il ne peut interférer dans la mise en œuvre de ce marché. En matière de travaux, son droit de suivi ne l’autorise pas à intervenir sur le chantier d’une manière ou d’une autre en entravant l’action du maître d’ouvrage ou de son maître d’œuvre(905). Le titulaire défaillant dispose du droit de suivre l’exécution du marché de substitution afin de préserver ses intérêts(906). En effet, puisqu’il devra supporter les conséquences financières du marché de substitution, il doit pouvoir vérifier que l’acheteur ne fait exécuter que les prestations strictement nécessaires à l’achèvement du marché et dans des conditions économiques raisonnables. Ce droit de suivi se traduit par l’obligation, rappelée par les CCAG, de transmettre au titulaire le marché de substitution(907). Ce droit de suivi s’étend à tous les travaux inclus dans le marché de substitution, notamment les travaux de reprise des malfaçons(908). Par
précaution, pour permettre l’exercice entier de ce droit, l’acheteur communiquera également les actes d’exécution importants du marché de substitution tels que les ordres de services ayant une incidence financière et les avenants. Le non-respect de ce droit a des conséquences importantes pour l’acheteur puisqu’il le prive de la possibilité de faire supporter au titulaire les coûts du marché de substitution(909). Enfin, l’acheteur ne doit pas laisser passer un trop long délai entre la décision de résiliation aux frais et risques et la conclusion du marché de substitution au risque sinon d’être regardé comme ayant renoncé à la conclusion de ce marché(910). Exemple L’absence de notification du marché de substitution empêche le titulaire défaillant de sauvegarder ses intérêts : CAA Lyon, 30 janvier 2014, Société Rotat, req. n° 13LY00760 « 4. Considérant toutefois que si, par ordre de service n° 09149 du 22 avril 2009, adressé à la société Rotat, le département de l’Allier a notifié à cette entreprise la décision de résiliation à ses frais et risques de son marché et lui a indiqué qu’il serait passé un nouveau marché avec un autre entrepreneur afin que celui-ci achève les travaux de couverture et de bardage du nouveau centre de secours de Saint-Gérand-le-Puy et que le décompte général du marché résilié ne lui serait notifié qu’après règlement définitif du nouveau marché passé pour l’achèvement desdits travaux, il n’établit pas qu’il aurait notifié ce marché de substitution à la société Rotat avant le commencement des travaux ; qu’ainsi, la société Rotat, qui, de ce fait, n’a pas été mise à même d’user du droit qu’elle avait de suivre, en vue de sauvegarder ses intérêts, les travaux exécutés à ses risques et périls par la société Batim, nouvel entrepreneur, ne saurait être tenue de supporter les conséquences onéreuses qui ont résulté de la résiliation du marché conclu le 3 avril 2008 ; que, dès lors, la somme de 63 411,92 euros TTC correspondant au montant du marché passé avec la société Batim après résiliation de celui initialement conclu avec la société Rotat, ne peut être mis à la charge de cette dernière et ne pouvait, par suite, être inscrite au débit du compte de cette dernière ; ».
24.4.4.3 Prise en charge des coûts supplémentaires par le titulaire défaillant Le titulaire supporte la différence entre les prix du marché initial et les prix du marché de substitution(911). Il supporte également les frais qui pourraient résulter d’une actualisation des prix du nouveau marché aux conditions économiques en vigueur, sauf à démontrer que l’acheteur a, de manière abusive, tardé à conclure le marché de substitution(912). En revanche, si le coût du marché de substitution s’avère moins onéreux que le coût du marché résilié, cette différence ne profite pas au titulaire défaillant. Le calcul est donc simple à mettre en œuvre : si, par exemple, les prestations du marché initial qui restent à exécuter représentent un montant global et forfaitaire de 800 000 € et que le marché de substitution a été conclu par l’acheteur pour un montant de 950 000 €, le titulaire défaillant sera débiteur d’une somme de 150 000 €. Pour les marchés à prix unitaires, c’est la différence pour chacun des prix qui est prise en compte. Dans ce calcul, doivent être prises en compte les prestations réalisées par le titulaire défaillant et non réglées par l’acheteur.
Ainsi, si le titulaire a réalisé pour 25 000 € de prestations avant la décision de résiliation et que cette somme ne lui a pas encore été réglée, il ne sera plus débiteur que de 150 000 € – 25 000 € = 125 000 €(913). L’ensemble des flux financiers générés par l’exécution du marché doit être intégré dans le calcul des surcoûts que doit supporter le titulaire défaillant(914). Pour les marchés de travaux, ces éléments de liquidation sont intégrés dans le décompte de résiliation qui n’est établi qu’après le règlement définitif du marché de substitution(915). Le titulaire ne peut pas obtenir ce décompte général plus tôt, même pour être réglé pour des prestations qu’il a déjà exécutées. Il peut néanmoins, avant la fin du marché de substitution et sans que l’absence de décompte y fasse obstacle, contester la décision de résiliation et demander au juge le paiement des sommes dues(916). Si le décompte est négatif, l’acheteur émettra un titre de recettes pour percevoir les sommes correspondantes. Évidemment, le titre devra préciser les bases de calcul des sommes réclamées, c’est-à-dire expliciter la différence entre les deux montants de marchés ainsi que les autres sommes prises en compte (prestations admises, retenue de garantie, avance)(917). À noter que le CCAG-Travaux prévoit la mobilisation de la retenue de garantie, ou des sûretés qui s’y substituent, pour rembourser l’acheteur(918) (chapitre 20). Ce dernier pourra toujours se retourner contre le titulaire si la retenue de garantie ou les sûretés ne sont pas suffisantes. Important L’exécution aux frais et risques du titulaire sans résiliation Pour l’exécution des marchés publics, l’acheteur dispose d’un pouvoir d’exécution des prestations aux frais et risques du titulaire défaillant (chapitre 2). Ce pouvoir existe même si le marché ne l’a pas prévu, mais il est aujourd’hui prévu dans tous les CCAG(919). L’exécution aux frais et risques n’emporte pas obligatoirement la résiliation du marché. Elle peut être une mesure coercitive temporaire permettant de faire face à une défaillance partielle du titulaire. L’exécution aux frais et risques sans résiliation est donc une mesure provisoire qui ne rompt pas le lien contractuel pendant sa mise en œuvre(920). Cette sanction du titulaire peut néanmoins se transformer au bout du compte en résiliation pour faute, si le titulaire ne démontre pas prendre les mesures nécessaires à la reprise de son marché. Il ne s’agit donc pas d’une résiliation du marché, mais d’une sanction susceptible d’aboutir à cette résiliation. Cette mesure coercitive a donc pour objet de faire réagir le titulaire avant de mettre un terme définitif au marché. Elle peut être, selon les situations, un moyen de pression efficace. Au même titre que la résiliation aux torts, les conditions de mise en œuvre doivent être scrupuleusement respectées au risque, sinon, de ne pouvoir faire peser sur le titulaire défaillant les surcoûts générés par la mise en régie(921).
24.4.5 Indemnisation La résiliation prononcée aux torts n’ouvre jamais droit à l’indemnisation du titulaire.
24.5 Résiliation imposée à l’acheteur en raison de son comportement Il y a des cas prévus aux CCAG qui permettent au titulaire de forcer l’acheteur à prendre une décision de résiliation. Il s’agit de situations dans lesquelles le comportement de l’acheteur conduit à rendre difficile l’exécution du marché au point de pousser le titulaire à vouloir y mettre un terme (tab. 24.2). Tab. 24.2. Les cas prévus aux CCAG dans lesquels le titulaire peut obtenir la résiliation du marché Articles Cas de figure du CCAG CCAG- Article 50.2.1 L’ordre de service de Travaux commencement des travaux est notifié tardivement au titulaire, au-delà du délai prévu au marché ou en l’absence d’un tel délai, plus de 6 mois après la notification du marché. CCAG
Article 50.2.2 Si un ajournement des travaux a conduit à interrompre les travaux pendant plus d’une année (1)
Article 53.2.3 Interruption des travaux par le titulaire suite au nonpaiement de deux acomptes successifs, si le paiement du premier acompte en retard n’intervient pas dans les 6 mois qui suivent l’interruption. Article 40.2 L’ordre de service de commencement des Article 38.2 prestations est notifié tardivement au titulaire, auArticle 43.2 delà du délai prévu au marché ou en l’absence d’un Article 49.2 tel délai, plus de 6 mois après la notification du marché Article 29.2
Pouvoir de l’administration de refuser la demande Non. Le titulaire a le choix de proposer une nouvelle date de démarrage des travaux, dont le refus par l’acheteur lui permet de demander la résiliation. Le titulaire peut directement demander la résiliation si OS de démarrage tardif. Oui, seulement si le titulaire n’a pas demandé la résiliation dans le délai de 15 jours suivant la notification de la décision d’ajournement qui conduit à dépasser la durée d’une année. Non, résiliation obtenue de droit par le titulaire s’il en a fait la demande par écrit
CCAGNon, résiliation obtenue de FCS droit par le titulaire si l’acheteur refuse la CCAG-PI proposition de nouvelle date CCAGde démarrage des prestations. MI CCAGTIC CCAGMOE (1) CAA Marseille, 18 juin 2012, EURL Pierre Bonhomme, req. n° 09MA02801.
Indemnisation Indemnisation des frais et investissements éventuellement engagés pour l’exécution du marché. Demande écrite et motivée dans les deux mois suivants la notification de la décision de résiliation.
Indemnisation du manque à gagner pour le titulaire pour la partie non exécutée des travaux. Demande écrite et motivée notifiée à l’acheteur Indemnisation du manque à gagner pour le titulaire pour la partie non exécutée des travaux. Demande écrite et motivée notifiée à l’acheteur Indemnisation des frais et investissements éventuellement engagés pour l’exécution du marché. Demande écrite et motivée notifiée à l’acheteur dans les 15 jours suivant la notification de la décision de résiliation.
24.6 Résiliation sans faute du titulaire dans les marchés PI Les articles 22 et 38.3 du CCAG-PI prévoient la possibilité pour l’acheteur de décider l’arrêt des prestations en cours d’exécution, malgré l’absence de faute du titulaire, et de prononcer la résiliation du marché : « Lorsque les prestations sont scindées en plusieurs parties techniques à exécuter distinctement, l’acheteur peut décider, au terme de chacune de ces parties, soit de sa propre initiative, soit à la demande du titulaire, de ne pas poursuivre l’exécution des prestations, dès lors que les deux conditions suivantes sont remplies : - les documents particuliers du marché prévoient expressément cette possibilité ; - chacune de ces parties techniques est clairement identifiée et assortie d’un montant. La décision d’arrêter l’exécution des prestations ne donne lieu à aucune indemnité. L’arrêt de l’exécution des prestations entraîne la résiliation du marché ». Pour que cette clause puisse produire des effets, il faut donc que les documents particuliers y fassent expressément référence et que l’exécution du marché soit prévue par phases ou éléments de missions auxquels se rattachent, dans les documents financiers, des montants forfaitaires bien précis. Chaque phase ou élément de mission doit constituer une prestation distincte sur le plan technique et financier de telle sorte qu’elle pourrait faire l’objet d’un règlement partiel définitif. La mise en demeure préalable n’est pas exigée dès lors que le comportement du titulaire n’est pas en cause dans ce cas de résiliation. La décision de résiliation doit intervenir au terme de l’une des parties, cette condition, si elle n’est pas bien respectée, semble pouvoir remettre en cause la décision de résiliation fondée sur l’article 22 du CCAG-PI et permettre la requalification du motif de résiliation, avec pour conséquence une indemnisation à la charge de l’acheteur(922). La mise en œuvre de cette modalité d’exécution n’est pas rare(923). Elle a pour le titulaire des conséquences importantes puisqu’il perd le marché et qu’il n’a aucun droit à indemnisation pour le manque à gagner. Les marchés de maîtrise d’œuvre qui font référence depuis 2021 au CCAG-Maitrise d’œuvre ne sont pas concernés par cette clause particulière, sauf à ce que les documents particuliers aient prévu un mécanisme identique à celui de l’article 22 du CCAG-PI(924).
Exemple Décision d’arrêter l’exécution d’un marché de maîtrise d’œuvre sans droit à indemnisation pour le titulaire : CAA Douai, 4 octobre 2012, Agence Nathalie A, req. n° 11DA01878 « Considérant qu’il résulte des stipulations du marché en cause que chacune des phases techniques est assortie d’un montant et que celui de la phase dite d’avant-projet sommaire a été fixé à 62 060 euros ; qu’il s’ensuit qu’en application des stipulations précitées du marché, le CROUS Amiens-Picardie, maître d’ouvrage de l’opération de réhabilitation de la résidence universitaire Roberval, pouvait librement décider et pour tout motif, d’arrêter l’exécution des prestations de la maîtrise d’œuvre et, par suite, résilier le marché conclu avec la société Agence Nathalie A, au cas d’espèce, au stade de l’avant-projet sommaire ; […] Considérant qu’ainsi, L’agence Nathalie A n’a droit, conformément aux stipulations combinées des articles 9.3 du CCAP et 18 et 39.9 du CCAG-PI, qu’au paiement des prestations réalisées jusqu’à la phase “d’avant-projet sommaire” et à aucune autre indemnité, en l’absence de stipulation différente mentionnée au marché ; que, par suite, ses conclusions tendant à la condamnation du CROUS Amiens-Picardie à lui verser des indemnités correspondant aux pertes et au manque à gagner qu’elle aurait subis du fait de la résiliation du marché ne peuvent qu’être rejetées ; ».
24.7 Résiliation pour un motif d’intérêt général Le pouvoir de résilier le marché pour un motif d’intérêt général peut être mis en œuvre à tout moment par l’acheteur, qu’une clause du marché le prévoie ou non (voir chapitre 2). Il se trouve que tous les CCAG envisagent ce motif de résiliation.
24.7.1 Principe L’intérêt général, dont la personne publique est en charge, nécessite parfois, selon ses évolutions, de mettre un terme prématurément au contrat (voir chapitre 2). L’intérêt général est une notion dont la définition peut naturellement être assez large. Le juge administratif a développé une conception plutôt souple des motifs pouvant être invoqués au titre de l’intérêt général, ce qui laisse une marge de manœuvre importante à l’acheteur (tab. 24.3). L’intérêt général doit toutefois être sérieux et reposer sur des éléments concrets permettant de justifier la position de l’acheteur. Ainsi, un changement dans les priorités financières de l’acheteur n’est pas considéré comme sérieux(925), à la différence d’une incapacité de l’acheteur à assumer financièrement la poursuite du marché(926). De même, un simple déséquilibre contractuel intervenu en cours d’exécution ne permet pas d’appuyer la décision de résilier pour un motif d’intérêt général(927). Si le fondement de l’intérêt général n’est pas admis par le juge, les conditions d’indemnisation du titulaire ne sont plus celles prévues aux CCAG ou dans les documents particuliers du marché dans ce cadre. En effet, la résiliation devenant fautive
de la part de l’acheteur, le titulaire peut réclamer l’indemnisation de l’intégralité de son préjudice, et pas seulement de son manque à gagner. Exemple L’apparition d’un déséquilibre contractuelle ne justifie pas une résiliation pour un motif d’intérêt général : CE 27 février 2015, Commune de Béziers, req. n° 357028. « Considérant qu’une convention conclue entre deux personnes publiques relative à l’organisation du service public ou aux modalités de réalisation en commun d’un projet d’intérêt général ne peut faire l’objet d’une résiliation unilatérale que si un motif d’intérêt général le justifie, notamment en cas de bouleversement de l’équilibre de la convention ou de disparition de sa cause ; qu’en revanche, la seule apparition, au cours de l’exécution de la convention, d’un déséquilibre dans les relations entre les parties n’est pas de nature à justifier une telle résiliation ; ». Tab. 24.3. Exemples de motifs d’intérêt général admis par le juge pour différents types de contrats administratifs Motifs invoqués par l’acheteur Motif financier lié à la volonté d’instaurer une redevance pour assurer une meilleure exploitation du domaine public Volonté d’ériger une activité en activité de service public
Décision CE 23 mai 2011, EPAD, req. n° 328525
CE 19 janvier 2011, Commune de Limoges, req. n° 323924 Motif financier lié au coût élevé du projet et à sa faible CE 21 décembre 2007, Région du Limousin, req. rentabilité socio-économique n° 293260 Abandon du projet par une collectivité CE 23 avril 2001, SARL Beteru, req. n° 186424 Modifications survenues dans les besoins et le fonctionnement CE 16 février 1996, SITOMAP, req. n° 82880 du service public Difficultés juridiques concernant le permis de construire, CAA Paris, 23 octobre 2007, Sté Fougerolle, req. contestation des riverains et immeuble menaçant de s’effondrer n° 04PA03416 Imprécision et irrégularité de certaines stipulations CE 10 juillet 1996, req. n° 140606 Nécessité d’assurer une meilleure cohérence entre les différents CE 10 juillet 1996, req. n° 140606 organismes intervenant dans le domaine Changement dans la situation du titulaire qui n’apporte plus les CE 31 juillet 1996, Sté des téléphériques du massif garanties de confiance. Conflit d’intérêts suite à une cession de du Mont-Blanc, req. n° 126594 capital. Incapacité financière de l’acheteur à assumer la poursuite d’un CAA Bordeaux, 17 janvier 2017, Société marché public Imprimerie Ah Sing, req. n° 14BX03409 Reprise en régie de la gestion de parkings publics CE 25 janvier 2019, Société Uniparc Cannes, req. n° 424846
Important La résiliation suite à l’illégalité de la procédure de passation du marché jugée par la Cour de justice de l’Union européenne L’article L. 2195-5 du Code de la commande publique prévoit un cas spécifique de résiliation(928). L’acheteur peut mettre fin à un marché si celui-ci est jugé par la Cour de justice de l’Union européenne qu’il « n’aurait pas dû être attribué à un opérateur économique en raison d’un manquement grave aux obligations prévues par le droit de l’Union européenne en matière de marchés publics ». Cette situation, très exceptionnelle, peut s’envisager comme un motif d’intérêt général justifiant la résiliation. Toutefois, selon les circonstances conduisant la Cour à juger la procédure illégale, une faute de l’acheteur ou du titulaire peut être révélée, ce qui placerait la résiliation sur un autre terrain, notamment pour la question de l’indemnisation. On notera que la résiliation n’est qu’une faculté pour l’acheteur.
24.7.2 Indemnisation du titulaire non prévue dans le marché En l’absence de clause particulière, la résiliation pour un motif d’intérêt général entraîne en principe une indemnisation du titulaire du marché(929). Il s’agit de la contrepartie normale du pouvoir de résiliation(930). Le titulaire a donc droit à l’indemnisation intégrale des pertes que lui fait subir la décision de résiliation et du manque à gagner sur la partie du contrat non exécutée(931). Concernant ce dernier point, il faut toutefois qu’un bénéfice ait pu être réellement escompté sur la partie du marché restant à exécuter(932). Sur ce point, l’indemnisation d’un accord-cadre sans montant minimum apparaît, de fait, particulièrement limitée. Il en est de même pour un marché à tranches dans lequel les tranches optionnelles n’ont pas été affermies avant l’intervention de la décision de résiliation. Le manque à gagner se calcule sur le bénéfice net escompté(933) ou sur la marge nette qu’aurait engendrée la complète exécution des prestations. Il n’y a pas de majoration de la TVA, l’indemnisation n’étant pas un prix à payer en contrepartie d’une prestation réalisée(934). À la suite d’une décision de résiliation pour un motif d’intérêt général, le titulaire a tout intérêt à adresser à l’acheteur une demande écrite d’indemnisation qui précise toutes les bases de calcul. En l’absence de justification détaillée des sommes demandées, l’acheteur ne paiera pas et le juge ne donnera aucune suite à ses prétentions. L’article R. 2191-31 du Code de la commande publique prévoit que les parties disposent d’un délai de 6 mois pour trouver un accord sur le montant d’indemnisation. À défaut, le titulaire peut demander le versement du montant proposé par l’acheteur. Il est à noter enfin que le bénéfice que peut escompter le titulaire du marché résilié de la conclusion d’un nouveau marché avec l’acheteur, pour la réalisation de tout ou partie des
prestations du marché initial, entre en compte dans le calcul de l’indemnité de résiliation(935). Exemple Le manque à gagner est calculé sur la marge nette après déduction des frais généraux et financiers et majoration du montant de la TVA, CAA Douai, 6 mars 2014, Société Soprema, req. n° 12DA01372 « Considérant que l’indemnisation du manque à gagner de la société Soprema doit être exclusivement calculée sur la base de la marge nette qu’aurait engendrée la complète exécution des prestations prévues par le marché résilié après déduction des frais commerciaux, généraux et financiers, et non, comme le soutient la société requérante, sur la base de la seule marge sur coûts variables, calculée sans prendre en compte ces frais ; que, compte tenu des comptes de résultat de l’agence Soprema de Lille établis par l’expert qui font apparaître un taux de marge nette moyen de 3,13 % pour les exercices comptables 2004 à 2006 et de la part du marché résilié attribuée à la société d’un montant hors taxes de 940 060 euros, il sera fait une juste appréciation du manque à gagner subi par celle-ci en le fixant à la somme de 29 500 euros ; que cette somme, qui ne constitue pas la contrepartie d’une prestation directe d’une livraison de biens à titre onéreux, au sens des dispositions de l’article 256 du code général des impôts, n’a pas à être majorée du montant de la taxe sur la valeur ajoutée ».
24.7.3 Indemnisation prévue et encadrée par le marché 24.7.3.1 Clauses prévues par les CCAG Tous les CCAG prévoient des stipulations pour le calcul de l’indemnisation d’une décision de résiliation pour un motif d’intérêt général (tab. 24.4). Tab. 24.4. Les clauses des CCAG relatives au calcul de l’indemnisation. CCAG
Articles
CCAGTravaux
Article 50.4
5 % du montant initial hors taxes du marché diminué du montant hors taxes non révisé des prestations admises payées ou en cours de paiement ou application du taux indiqué dans les documents particuliers
Article 42 Article 40 Article 45 Article 51 Article 31
5 % du montant initial hors taxes du marché diminué du montant hors taxes non révisé des prestations admises payées ou en cours de paiement ou application du taux indiqué dans les documents particuliers
CCAG-FCS CCAG-PI CCAG-MI CCAG-TIC CCAG-MOE
Taux d’indemnisation
Indemnisation des frais et investissements Oui, s’ils sont strictement nécessaires à l’exécution du marché et qu’ils n’ont pas déjà fait l’objet d’un paiement. Le titulaire doit apporter les justificatifs nécessaires à la détermination du montant de cette partie de l’indemnité Oui, s’ils sont strictement nécessaires à l’exécution du marché et qu’ils n’ont pas déjà fait l’objet d’un paiement. Le titulaire doit apporter les justificatifs nécessaires à la détermination du montant de cette partie de
Demande écrite du titulaire Oui, le titulaire doit présenter une demande écrite dûment justifiée dans le délai de deux mois suivant la date de notification de la décision de résiliation
Non, les indemnités sont portées dans le décompte de résiliation par l’acheteur sans demande particulière
l’indemnité dans les 15 jours suivant la notification de la décision de résiliation
24.7.3.2 Aménagements contractuels du droit à indemnisation Si l’exercice du pouvoir de résiliation ne peut faire l’objet d’une limitation dans les clauses du contrat (chapitre 2), le droit à indemnisation du titulaire peut en revanche faire l’objet d’un aménagement contractuel entre les parties. L’article L. 6 du Code de la commande publique le prévoit expressément au 5° : « Lorsque la résiliation intervient pour un motif d’intérêt général, le cocontractant a droit à une indemnisation, sous réserve des stipulations du contrat. ». Il est possible de prévoir une clause conduisant à indemniser le titulaire au-delà du préjudice subi du fait de la résiliation, à condition toutefois qu’elle ne soit pas manifestement disproportionnée au point de dissuader l’acheteur d’exercer son pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général(936). Le montant de l’indemnité convenu dans le marché ne doit pas non plus être manifestement disproportionné par rapport au montant du préjudice subi par le titulaire du fait de la résiliation pour un motif d’intérêt général, au risque sinon de conduire l’acheteur à méconnaître l’interdiction de consentir des libéralités(937). Exemple Illégalité d’une indemnité manifestement disproportionnée au montant du préjudice : CE 3 mars 2017, Société Leasecom, req. n° 392446 « 2. Considérant qu’en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs, la personne publique cocontractante peut toujours, pour un motif d’intérêt général, résilier unilatéralement un tel contrat, sous réserve des droits à indemnité de son cocontractant ; que, si l’étendue et les modalités de cette indemnisation peuvent être déterminées par les stipulations contractuelles, l’interdiction faite aux personnes publiques de consentir des libéralités fait toutefois obstacle à ce que ces stipulations prévoient une indemnité de résiliation qui serait, au détriment de la personne publique, manifestement disproportionnée au montant du préjudice subi par le cocontractant du fait de cette résiliation ».
À l’inverse, une clause peut prévoir un montant d’indemnisation très inférieur au montant du préjudice, limité par exemple aux seules charges d’emprunt afférentes au matériel ainsi qu’aux dépenses de fonctionnement régulièrement engagées. Une telle clause n’est cependant pas possible si le titulaire du contrat est une personne publique à laquelle s’applique l’interdiction de consentir des libéralités(938). Il est également possible qu’une stipulation supprime le droit à indemnisation sans que le titulaire, qui a signé en toute conscience le marché, puisse se prévaloir du principe de sécurité juridique(939).
Exemple Clause qui supprime le droit à indemnisation pour une résiliation pour motif d’intérêt général : CE 19 décembre 2012, Sté AB Trans, req. n° 350341 « Considérant, toutefois, que si les principes généraux applicables aux contrats administratifs permettent aux personnes publiques, sans qu’aucune disposition législative ou réglementaire, non plus qu’aucune stipulation contractuelle ne le prévoient, de résilier un contrat pour un motif d’intérêt général, sous réserve de l’indemnisation du préjudice éventuellement subi par le cocontractant, ces mêmes principes ne s’opposent pas à ce que des stipulations contractuelles écartent, comme en l’espèce, tout droit à indemnisation en cas de résiliation du contrat par la personne publique ».
24.8
Mise en œuvre de la résiliation
Lorsque l’acheteur décide de s’engager dans un processus de résiliation du marché, ou que celui-ci lui est imposé par le titulaire, certaines règles de forme et de fond sont à respecter pour assurer la validité de la décision de résiliation.
24.8.1 Mise en demeure préalable Sauf stipulation contraire, une mise en demeure doit en principe précéder la décision de résiliation. Elle consiste en un document écrit, notifié au titulaire par lettre recommandée avec accusé de réception ou remis en mains propres contre récépissé. Il convient en effet de pouvoir donner une date certaine à cette notification, car elle fait courir un délai au terme duquel la décision de résiliation pourra être prise. 24.8.1.1 Formalité indispensable qui peut faire l’objet d’un aménagement contractuel La mise en demeure est une formalité préalable indispensable pour la validité de la décision de résiliation(940). Elle n’est toutefois obligatoire que pour les formes de résiliation qui constituent une sanction envers le titulaire. Ainsi n’est-elle pas nécessaire pour une résiliation pour un motif d’intérêt général, pour un cas de force majeure ou pour un événement extérieur au marché. Naturellement, elle n’est pas requise lorsque la résiliation intervient à la demande du titulaire. Elle n’est, au surplus, pas obligatoire lorsqu’une clause en a exempté l’acheteur. À ce titre, plusieurs cas de résiliation aux torts prévus dans les CCAG ne nécessitent pas de mise en demeure avant de procéder à la résiliation(941). Par exemple, pour un marché de fournitures courantes ou de service, la mise en demeure n’est pas obligatoire lorsque le titulaire a commis les fautes suivantes prévues à l’article 41.2 du CCAG-FCS :
- Le titulaire déclare, indépendamment des cas prévus à l’article 39.1, ne pas pouvoir exécuter ses engagements ; - le titulaire s’est livré à l’occasion de l’exécution du marché à des actes frauduleux ; - postérieurement à la signature du marché, le titulaire a fait l’objet d’une interdiction d’exercer toute profession industrielle ou commerciale ; - postérieurement à la signature du marché, les renseignements ou documents produits par le titulaire, à l’appui de sa candidature ou exigés préalablement à l’attribution du marché, s’avèrent inexacts. À l’inverse des autres CCAG, le CCAG-MOE ne prévoit pas d’obligation de mise en demeure avant de prendre une décision de résiliation aux torts du titulaire. Il est toutefois recommandé de la mettre en œuvre, car cette formalité se présente comme une garantie pour le titulaire, lui permettant de se conformer aux attentes de son marché et, le cas échéant, de se défendre(942). De même, si les stipulations du marché ne sont pas claires sur la nécessité d’une mise en demeure préalable, il y a lieu de considérer, par prudence, qu’elle est indispensable. L’absence de mise en demeure entraîne l’illégalité de la décision de résiliation et a pour conséquence d’interdire de faire peser sur le titulaire défaillant les coûts exposés par une exécution aux frais et risques (voir 24.4.4). Ce dernier peut alors demander une indemnisation de son manque à gagner. La réalité de ses fautes sera néanmoins prise en compte par le juge pour déterminer le niveau de cette indemnisation et en réduire le montant(943). 24.8.1.2 Formalité au contenu très précis Le contenu de la mise en demeure est un élément important pour sa validité et donc pour la validité de la procédure de résiliation(944). Cinq informations doivent précisément y figurer : - l’exposé précis des fautes contractuelles du titulaire. Ces fautes doivent être réelles et démontrées, l’absence de faute contractuelle du titulaire conduisant à l’irrégularité de la mise en demeure(945). Elle doit également être précise et ne pas porter, par exemple, sur des prestations qui sont différentes de celles qui font l’objet de la résiliation(946) ; - le comportement attendu du titulaire. Comme son nom l’indique, cette mesure le met en demeure de faire quelque chose : respecter ses obligations, rattraper les retards, corriger des imperfections, réparer les conséquences de ses fautes, etc. ; - un délai d’exécution raisonnable pour obtempérer. Pour une résiliation aux torts, les différents CCAG n’imposent aucun délai minimal. Il n’y a que le CCAG-Travaux qui, dans le cadre d’une mise en régie ou d’une résiliation aux frais et risques, indique que ce délai ne doit pas être inférieur à 15 jours(947). D’une manière générale, un délai minimal de 15 jours semble être un délai raisonnable laissé au titulaire pour réagir
dans tous les cas de résiliation. L’acheteur devra respecter ce délai avant de prendre sa décision de résiliation, au risque sinon de la rendre irrégulière ; - la sanction encourue par le titulaire : résiliation pure et simple, résiliation aux frais et risques ; - l’information du titulaire qu’il peut présenter ses observations à l’acheteur.
24.8.2 Décision de résiliation 24.8.2.1 Forme La décision de résiliation est un document écrit qui est notifié au titulaire par un envoi en recommandé avec accusé de réception ou remis directement contre récépissé. Il convient de pouvoir donner une date certaine à cette décision. Important La résiliation tacite du marché est admise par le juge Le Conseil d’État a récemment rappelé que si la résiliation d’un contrat administratif prend en principe la forme d’une décision expresse, elle peut aussi découler du comportement de l’acheteur à l’égard du marché public et de son titulaire(948). Autrement dit, il est possible que le marché soit résilié tacitement, sans aucune décision écrite. Dans cette affaire, relative à un marché public à bons de commande pour la maintenance d’installations de chauffage et de climatisation, le juge constate que les difficultés relationnelles entre les parties ont conduit l’acheteur à ne plus passer de commandes depuis plusieurs années et à conclure un marché ayant le même objet avec un autre opérateur économique. Il en déduit la volonté non équivoque de l’acheteur de mettre fin aux relations contractuelles. Seules des situations contractuelles compliquées peuvent conduire à la reconnaissance par le juge de cette forme de résiliation. L’acheteur doit privilégier le respect des procédures de résiliation et la décision écrite. CE 27 février 2019, Département de la Seine-Saint-Denis, req. n° 414114 « 5. En deuxième lieu, en dehors du cas où elle est prononcée par le juge, la résiliation d’un contrat administratif résulte, en principe, d’une décision expresse de la personne publique cocontractante. Cependant, en l’absence de décision formelle de résiliation du contrat prise par la personne publique cocontractante, un contrat doit être regardé comme tacitement résilié lorsque, par son comportement, la personne publique doit être regardée comme ayant mis fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelles. Les juges du fond apprécient souverainement, sous le seul contrôle d’une erreur de droit et d’une dénaturation des pièces du dossier par le juge de cassation, l’existence d’une résiliation tacite du contrat au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, en particulier des démarches engagées par la personne publique pour satisfaire les besoins concernés par d’autres moyens, de la période durant laquelle la personne publique a cessé d’exécuter le contrat, compte tenu de sa durée et de son terme, ou encore de l’adoption d’une décision de la personne publique qui a pour effet de rendre impossible la poursuite de l’exécution du contrat ou de faire obstacle à l’exécution, par le cocontractant, de ses obligations contractuelles ».
24.8.2.2 Contenu Cette décision devra exposer précisément les motifs de fait et de droit qui conduisent à mettre un terme au marché, qu’il s’agisse d’une faute du titulaire ou d’un motif d’intérêt
général. Lorsque la décision a été précédée d’une mise en demeure, la référence à cette dernière est souhaitable étant entendu que la décision de résiliation ne peut faire référence à des éléments ne figurant pas dans la mise en demeure. Il n’est pas nécessaire d’indiquer les voies et délais de recours dans la décision(949). La date d’effet de la résiliation doit être fixée dans la décision. Les CCAG indiquent qu’en l’absence de date indiquée, c’est la date de notification de la décision qui est prise en compte. Il est en général préférable de différer la prise d’effet de la résiliation, lorsque cela est possible, afin d’éviter les conséquences négatives pour le service d’une rupture brutale des prestations. Ce différé peut ainsi permettre à l’acheteur de trouver les moyens d’assurer la continuité des prestations, au moins provisoirement. 24.8.2.3 Signataire En principe, la personne compétente pour prendre la décision de résiliation est celle compétente pour signer le marché, selon le principe du parallélisme des formes, rappelé par une réponse ministérielle de 2006(950). Les règles de compétence du signataire sont d’une grande importance, car leur méconnaissance peut avoir de lourdes conséquences pour l’acheteur. Par exemple, dans le cadre d’une résiliation aux frais et risques, l’incompétence du signataire ne permettra pas de faire supporter les surcoûts résultant des marchés de substitution au titulaire défaillant(951). Pour les collectivités territoriales, c’est l’assemblée délibérante qui autorise la signature du marché qui doit autoriser sa résiliation. Il lui est cependant possible de déléguer ses compétences en matière de marchés publics à l’exécutif, notamment pour ce qui concerne toutes les décisions relatives à l’exécution des marchés et de leurs avenants(952). Le juge admet qu’une telle délégation permette à l’exécutif local de prendre directement la décision de résiliation(953). Pour les services de l’État, les personnes compétentes sont les ministres ainsi que toutes les personnes appartenant à leurs services respectifs ayant reçues une délégation de signature précise à cet effet. Pour les établissements publics, tout dépendra de la rédaction des statuts et de la répartition des compétences entre le conseil d’administration et le directeur qui en découle. En cas de maîtrise d’ouvrage déléguée, en application du Code de la commande publique(954), le pouvoir de résiliation n’entre pas dans les compétences déléguées par mandat. Une délibération ou une décision du maître d’ouvrage déléguant, qui accepte le recours à la résiliation, doit précéder toute mesure de résiliation prise par le maître d’ouvrage délégué(955).
Exemple Conséquences de l’incompétence du signataire de la résiliation aux frais et risques : CE 15 novembre 2012, Société Travaux Guil-Durance, req. n° 349840 « qu’eu égard à l’incompétence qui entache ainsi la décision de résilier le contrat, le surcoût qui en résulte pour le département ne peut être mis à la charge de la société Travaux Guil-Durance ; que celle-ci est par suite fondée à soutenir, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de sa requête, que c’est à tort que le tribunal administratif de Marseille, faisant partiellement droit aux demandes reconventionnelles du département des Bouches-du-Rhône l’a condamnée à verser au département la somme de 3 144 432,90 euros ; ».
24.8.3 Décompte de résiliation La résiliation du marché nécessite de clôturer tous les comptes qui en découlent dans un décompte de résiliation. Ce document est établi par l’acheteur, sur la base du marché et des éventuels justificatifs que lui a produit le titulaire, notamment en ce qui concerne les frais et investissements strictement nécessaires à l’exécution du marché. 24.8.3.1 Délai Le décompte est notifié dans le délai de deux mois à compter de la date d’effet de la résiliation(956). Lorsque la résiliation a été prononcée aux frais et risques du titulaire, la notification du décompte doit se faire à la fin du marché de substitution lorsque les surcoûts éventuels au débit du titulaire sont connus(957). 24.8.3.2 Contenu Le contenu du décompte est explicité dans chacun des CCAG. Il varie sensiblement selon les hypothèses de résiliation. L’article R. 2191-30 du Code de la commande publique prévoit un mécanisme d’accord entre les parties permettant, à titre provisionnel uniquement, le versement d’une partie des sommes dues en exécution du marché avant la résiliation. Pour les marchés de travaux, le décompte de résiliation se substitue au décompte général. Compte tenu des effets du décompte sur les droits financiers des parties dans les marchés de travaux, cette étape ne doit pas être négligée (chapitre 19). Si le décompte de résiliation est négatif, l’acheteur émettra un titre de recettes pour percevoir les sommes correspondantes. Évidemment, le titre de recettes devra toujours préciser les bases de calcul des sommes réclamées(958).
24.9 Contestation de la décision de résiliation et la reprise des relations contractuelles En principe hors de portée du juge du contrat, la décision de résiliation peut, depuis une décision du Conseil d’État en date de 2011, faire l’objet d’une annulation à la demande du titulaire et conduire à la reprise de l’exécution du marché(959).
24.9.1 Principe de non-annulation des mesures d’exécution En principe, le titulaire ne peut pas obtenir l’annulation d’une mesure d’exécution d’un marché. Le juge du contrat ne se reconnaît pas en effet le pouvoir de prononcer l’annulation d’une telle mesure. Il peut seulement être demandé au juge de tirer, sur le plan indemnitaire, les conséquences de l’irrégularité d’une mesure d’exécution(960). La position du juge sur ce point a été longtemps constante, pour tout type de contrats administratifs et à de très rares exceptions près(961). Hormis la décision de résiliation pour laquelle le Conseil d’État a ouvert au titulaire un recours en annulation, toutes les autres mesures d’exécution du marché demeurent inattaquables par le titulaire, le recours indemnitaire restant sa seule option. Par exemple, le juge refuse d’annuler la décision de l’acheteur de suspendre l’exécution d’un bon de commande(962). Le juge du contrat n’a pas non plus le pouvoir d’annuler une mise en demeure qui n’est pas une décision de résiliation, mais une simple mesure d’exécution du contrat(963). La décision de ne pas reconduire un contrat n’entre pas également dans le champ du recours en reprise de la relation contractuelle, car il ne s’agit pas d’une décision de résiliation(964). Exemple L’impossibilité d’annuler une mesure d’exécution relative à un bon de commande : CE 25 octobre 2013, Région Languedoc-Roussillon, req. n° 369806 « Considérant qu’ainsi qu’il a été dit, la décision de la région Languedoc-Roussillon du 3 avril 2013, qui se borne à demander à l’association Trajets d’arrêter le déroulement de l’action de formation objet du bon de commande émis le 23 juillet 2012 et constitue ainsi une simple mesure d’exécution du contrat n’ayant ni pour objet ni pour effet de mettre fin aux relations contractuelles entre la région et l’association, n’est pas au nombre de celles dont le cocontractant de l’administration est recevable à demander l’annulation au juge du contrat et la suspension de l’exécution au juge du référé ; que, par suite, la demande de l’association Trajets ne peut qu’être rejetée ».
24.9.2 Recours en reprise des relations contractuelles Le Conseil d’État a considéré que la portée de la décision de résiliation sur la relation contractuelle justifie que le titulaire puisse la contester dans le cadre d’un recours de plein contentieux, et obtenir son annulation et par conséquent provoquer la reprise de l’exécution du contrat(965). La conséquence de cette jurisprudence est que l’acheteur peut être forcé à reprendre les relations contractuelles auxquelles il souhaitait pourtant mettre un terme. En effet, selon l’appréciation que le juge porte sur la gravité des vices entachant la décision de résiliation et l’impact du maintien du contrat sur l’intérêt général, il peut décider la poursuite de la relation contractuelle. Si cette reprise est impossible parce que l’intérêt général en serait affecté ou parce que le contrat ne peut plus reprendre, le titulaire est indemnisé en raison de l’irrégularité de la résiliation. Ce recours contre la décision de résiliation doit être exercé dans le délai de deux mois à compter de la date de sa notification. Un recours gracieux du titulaire devant l’acheteur est toujours possible, mais il n’interrompt pas le délai de recours(966). Le recours contre la décision de résiliation peut être accompagné d’une demande de suspension des effets de cette décision dans le cadre de la procédure de référé prévue à l’article L. 521-1 du Code de justice administrative. Le référé-suspension s’avère indispensable si le titulaire veut empêcher l’acheteur de nouer de nouvelles relations contractuelles pour exécuter les prestations du marché résilié. En effet, il n’y a plus d’intérêt à prononcer la reprise d’un marché de travaux deux ans après que l’acheteur ait décidé d’y mettre un terme. Le temps que le juge du contrat se prononce sur la régularité de la décision de résiliation, les possibilités de reprise du marché auront disparu, soit que le besoin n’existera plus, soit que la reprise du marché risquera d’affecter d’autres contrats en cours. Obtenir rapidement la suspension de la décision est donc intéressant, mais une telle suspension est rarement obtenue en pratique compte tenu des conditions cumulatives exigées pour la réussite de ce type de référé. La condition d’urgence fait souvent défaut dans le contentieux contractuel, sauf à ce que le titulaire démontre que la décision de résiliation est « susceptible de porter une atteinte grave et immédiate à sa situation financière ainsi que de menacer sa pérennité »(967). Quant à la condition portant sur le doute sérieux sur la validité de la décision de résiliation, elle est également appréciée de manière stricte par le juge(968). Le peu de réussite des demandes de suspension qui accompagnent en général la contestation des décisions de résiliation explique donc que l’indemnisation est l’issue la plus souvent constatée dans ce type de contentieux entre les parties(969). (865) CE 8 octobre 2014, Société Grenke Location, req. n° 370644.
(866) Pour le cas particulier des entreprises en difficulté, voir J. Sirinelli, « La résiliation du contrat administratif par l’administrateur ou le liquidateur judiciaire », AJDA 2021, p. 248. (867) Code des assurances, art. L. 111-2 ; CE 28 avril 2003, Fédération française des Courtiers d’assurances et de réassurance, req. n° 233343. (868) CAA Marseille, 14 mai 2012, Commune d’Oraison, req. n° 08MA04112. (869) Code des assurances, art. L. 113-12, L. 113-3, L. 113-4, L. 113-9. (870) Éric Pourcel, « De la résiliation appliquée aux marchés publics d’assurance », Contrats et marchés publics, n° 2 février 2008. (871) Article 39.1 du CCAG-FCS ; article 50.1.1 du CCAG-Travaux ; article 37.1 du CCAG-PI ; article 42.1 du CCAG-MI ; article 48.1 du CCAG-TIC ; article 28.1 du CCAG-MOE (872) Article 39.3 du CCAG-FCS ; article 50.1.3 du CCAG-Travaux ; article 37.3 du CCAG-PI ; article 42.3 du CCAG-MI ; article 48.3 du CCAG-TIC ; article 28.3 du CCAG-MOE (873) Article 39.2 du CCAG-FCS ; article 50.1.2 du CCAG-Travaux ; article 37.2 du CCAG-PI ; article 42.2 du CCAG-MI ; article 48.2 du CCAG-TIC ; article 28.2 du CCAG-MI (874) Code de commerce, art. L. 631-14 et L. 641-11-1. (875) CE 24 octobre 1990, Régie immobilière de la Ville de Paris, req. n° 87327. (876) CCP, art. L. 2141-3. (877) CE 11 juillet 2008, Société Manathan, req. n° 288269. (878) Article 40.1 du CCAG-FCS ; article 31.1 du CCAG-PI ; article 36.1 du CCAGMI ; article 41.1 du CCAG-TIC. (879) CE 9 octobre 1989, Société Delmas, req. n° 83877. (880) CE 10 février 2010, Société Prest’action, req. n° 301116. (881) CE 14 juin 2000, Commune de Staffelfelden, req. n° 184722. (882) CCP, art. L. 2195-2 et L. 2395-1. (883) CE 3 mars 2010, Commune de Garges-lès-Gonesse, req. n° 323076.
(884) CAA Marseille, 15 mai 2006, req. n° 02MA01689 ; Guillaumont O., « Un attentat constitue-t-il un cas de force majeure ? », Droit administratif n° 7, juillet 2006, commentaire 114. (885) CAA Versailles, 24 mars 2005, Commune de Guyancourt, req. n° 02VE00973. (886) CAA Douai, 1er décembre 2016, Société Héroult Industrie, req. n° 14DA00514. (887) CE 4 octobre 2021, Société Olympique de Marseille, req. n° 440428 ; F. Lombard, « Quand l’administration est responsable de la faute de son cocontractant », AJDA 2022, p. 54 ; L. Bonnard, « Condition d’extériorité de la force majeure et appel en garantie contractuelle de l’occupant du domaine public », Contrats publics, n° 227, janvier 2022. (888) CE 11 décembre 1991, Société niçoise pour l’extension de l’aéroport, req. n° 81588. (889) Pour les marchés de défense ou de sécurité, l’article L. 2395-2 est rédigé dans les mêmes termes. (890) CE 26 février 2014, Société Environnement services, req. n° 365546 ; pour un contrat d’exploitation d’une usine de traitement des déchets : CE 30 septembre 1983, SARL Comexp, req. n° 26611. (891) CCP, art. L. 2195-3 et L. 2395-2. (892) CE 23 novembre 2016, Hospices civils de Beaune, req. n° 392227. (893) CE 18 février 1983, Sté française du Tunnel Routier du Fréjus, req. n° 16913. (894) CE 26 février 2014, Société Environnement services, req. n° 365546. (895) CE 10 février 2016, Commune de Bandol, req. n° 387769. (896) CE 4 juillet 2014, Communauté d’agglomération Saint-Étienne Métropole, req. n° 374032. (897) Article 45 du CCAG-FCS ; article 27 du CCAG-PI ; article 48 du CCAG-MI ; article 54 du CCAG-TIC ; article 52.2 du CCAG-Travaux ; article 34 du CCAG-MOE. (898) CE 23 novembre 2016, Hospices civils de Beaune, req. n° 392227. (899) CE 9 novembre 2016, Société Fosmax LNG, req. n° 388806. (900) CE 18 décembre 2020, Société Treuils et Grues Labor, req. n° 433486.
(901) CE 23 novembre 2016, Hospices civils de Beaune, req. n° 392227 ; CE 18 décembre 2020, Société Treuils et Grues Labor, req. n° 433486. (902) D. Mrad, « Nouvelles considérations sur les marchés de substitution », AJDA 2021, p. 2038 (903) CE 27 avril 2021, Société CBI, req. n° 437148. (904) CCP, art. R. 2122-1 ; voir pour une concession de service CE 14 février 2017, Société Manutention portuaire d’Aquitaine, req. n° 405157. (905) Article 52.5 du CCAG-Travaux. (906) CE 9 juin 2017, Société EMCC, req. n° 399382. (907) CE 7 mars 2005, Société d’études et entreprise d’équipements, req. n° 241666 (908) CE 27 avril 2021, Société CBI, req. n° 437148. (909) CAA Lyon, 30 janvier 2014, Société Rotat, req. n° 13LY00760 ; CE 9 juin 2017, Société EMCC, req. n° 399382. (910) CE 24 novembre 2010, SIAEP, req. n° 330648. (911) Article 11.3.7 du CCAG-PI ; article 11.3.7 du CCAG-FCS ; article 12.3.7 du CCAG-MI ; article 11.3.7 du CCAG-TIC ; article 11.3.7 du CCAG-MOE ; CE 21 février 2003, Entreprise Jean Lefebvre, req. n° 220524. (912) CE 29 mai 1981, Société Roussey, req. n° 12315. (913) CE 28 décembre 2001, Centre National d’Enseignement à distance, req. n° 204618. (914) Ph. Delelis, « Résiliation aux frais et risques », commentaire n° 58, Contrats et marchés publics, n° 3 mars 2002. (915) Article 51.2 du CCAG-Travaux ; CE 20 novembre 2012, Société Axima, req. n° 356832. (916) CE 4 juillet 2014, Société Cabrol Construction métallique, req. n° 372012 ; CE 4 juillet 2014, Communauté d’agglomération Saint-Étienne Métropole, req. n° 374032. (917) CE 7 avril 1999, Société d’études et entreprise d’équipement, req. n° 189328. (918) Article 52.6 du CCAG-Travaux.
(919) Article 45 du CCAG-FCS ; article 27 du CCAG-PI ; article 48 du CCAG-MI ; article 54 du CCAG-TIC ; article 52.2 du CCAG-Travaux ; article 34 du CCAG-MOE. (920) CAA Nancy, 19 avril 2016, Sté Demathieu et Bard, req. n° 14NC01618. (921) CAA Lyon, 18 juillet 2007, Commune de Tignes, req. n° 05LY00461 ; CE 30 janvier 2008, OPAC de la Ville de Clermont-Ferrand, req. n° 278770. (922) CAA Bordeaux, 2 décembre 2014, req. n° 13BX00505. (923) CAA Bordeaux, 18 novembre 2008, Société MDP ingénierie conseil, req. n° 07BX00737 ; CAA Versailles, 5 avril 2012, Société Blond et Roux, req. n° 10VE00067 ; CAA Douai, 4 octobre 2012, Agence Nathalie A, req. n° 11DA01878 ; CAA Nancy, 12 mai 2014, ACE BTP, req. n° 13NC00305 ; CE 25 octobre 2021, Société Egis Rail, req. n° 446498. (924) M. Blossier, « L’article 20 du CCAG PI 2009 : pérennité ou rémission pour la maîtrise d’œuvre ? », Contrats publics, n° 225, novembre 2021. (925) CAA Douai, 4 avril 2019, Commune de Solesnes, req. n° 17DA02401. (926) CAA Bordeaux, 17 janvier 2017, Société Imprimerie Ah Sing, req. n° 14BX03409. (927) CE 27 février 2015, Commune de Béziers, req. n° 357028. (928) Renvoie de l’article L. 2395-2 pour les marchés publics de défense ou de sécurité. (929) S. Braconnier, « L’indemnisation des préjudices nés de la rupture anticipée d’un contrat public d’affaires pour motif d’intérêt général », AJDA, 2009 p. 2035, étude qui développe l’idée selon laquelle l’indemnisation du titulaire est un droit auquel il ne peut renoncer ; Arthur Denizot, « Les modalités d’indemnisation du cocontractant à la suite d’une résiliation unilatérale dans l’intérêt général », JCP A, n° 51-52 du 24 décembre 2012. (930) CE 2 mai 1958, Distilleries de Magnac-Laval, req. n° 32401. (931) CE 16 février 1996, Sitomap, req. n° 82880. (932) Concernant une convention d’affermage : CE 18 novembre 1988, Ville d’Amiens, req. n° 61871 ; concernant une concession d’aménagement CE 11 décembre 2020, Société Copra Méditerranée, req. n° 427616 ; CE 10 février 2016, Commune de Bandol, req. n° 387769. (933) CAA Marseille, 16 avril 2012, Commune de Javols, req. n° 09MA03162.
(934) CAA Douai, 6 mars 2014, Société Soprema, req. n° 12DA01372. (935) CE 26 mars 2018, Société Balineau, req. n° 401060. (936) CAA Versailles, 7 mars 2006 Commune de Draveil, req. n° 04VE01381. (937) CE 3 mars 2017, Société Leasecom, req. n° 392446. (938) Concernant une concession : CE 4 mai 2011, CCI de Nîmes, Uzès, Bagnol, Le Vigan, req. n° 334280. (939) CE 19 décembre 2012, Sté AB Trans, req. n° 350341 ; CE 9 octobre 1989, Sté Delmas, req. n° 83877 ; CE 10 décembre 1982, Loiselot, req. n° 22856. (940) CE 28 septembre 1984, Société Stribick, req. n° 50877 ; CE 29 décembre 2004, Société SOGEA Construction, req. n° 244378. (941) Article 50.3.2 du CCAG-Travaux ; article 39.2 du CCAG-PI ; article 50.2 du CCAG-TIC ; article 44.2 du CCAG-MI. (942) CE 28 septembre 1984, Société J.C Stribick, req. n° 50877. (943) CE 10 février 2016, Commune de Bandol, req. n° 387769 ; CE 18 mai 2021, RTM, req. n° 442530. (944) CE 9 novembre 1988, Commune de Freistroff, req. n° 69450. (945) CAA Lyon, 18 juillet 2007, Commune de Tignes, req. n° 05LY00461. (946) CE 6 février 1981, Société Lorang, req. n° 09582. (947) Article 52.1 du CCAG-Travaux. (948) CE 27 février 2019, Département de la Seine-Saint-Denis, req. n° 414114 ; pour une concession d’aménagement : CE 11 décembre 2020, Société Copra Méditerranée, req. n° 427616. (949) CE 21 mars 2011, Commune de Béziers, req. n° 304806 ; CE 6 mai 2015, CCI territoriale du littoral Normand-Picard, req. n° 388537. (950) Rép. min. à QE n° 21111, JO Sénat du 13 avril 2006 p. 1081. (951) CE 15 novembre 2012, Société Travaux Guil-Durance, req. n° 349840. (952) Rép. min. à QE n° 119864, JO AN du 8 mai 2012 p. 3521 ; CGCT, art. L. 2122-22 4°, L. 3221-11, L. 4231-8.
(953) CE 15 novembre 2012, Société Travaux Guil-Durance, req. n° 349840. (954) CCP, art. L. 2422-5 et s. (955) CE 15 novembre 2012, Société Travaux Guil-Durance, req. n° 349840. (956) Article 32.5 du CCAG-MOE ; article 41 du CCAG-PI ; article 52 du CCAG-TIC ; article 46 du CCAG-MI ; article 43 du CCAG-FCS ; article 51 du CCAG-Travaux. (957) Article 51.2.2 du CCAG-Travaux ; article 32.3.1 du CCAG-MOE ; article 43.3.1 du CCAG-FCS ; article 41.3.1 du CCAG-PI ; article 52.3.1 du CCAG-TIC ; article 46.3.1 du CCAG-MI ; CE 20 novembre 2012, Société Axima, req. n° 356832. (958) CE 7 avril 1999, Société d’études et entreprise d’équipement, req. n° 189328. (959) CE 21 mars 2011, Commune de Béziers, req. n° 304806. (960) CE 26 novembre 1969, Société Vincent Frères, req. n° 73610. (961) Pour une convention conclue entre deux personnes publiques sur la base de la loi du 2 mars 1982, voir CE 31 mars 1989, Département de la Moselle, req. n° 57000 ; pour une convention d’occupation du domaine public : CE 13 juillet 1968, Serfati, req. n° 73161 ; pour les conventions de longue durée avec des garanties analogues à celles des concessions, CE 14 octobre 2005 Commune de Pagny-sur-Moselle, req. n° 255179. (962) CE 25 octobre 2013, Région Languedoc-Roussillon, req. n° 369806. (963) CE 27 mars 2015, req. n° 372942. (964) Concernant une convention d’occupation du domaine public, CE 6 juin 2018, Société Orange, req. n° 411053. (965) CE 21 mars 2011, Commune de Béziers, req. n° 304806. (966) CE 30 mai 2012, Société Proresto, req. n° 357151. (967) Pour une délégation de service public, CE 17 juin 2015, Commune d’Aix-enProvence, req. n° 388433 ; CE 18 décembre 2017, Commune d’Anthy-sur-Léman, req. n° 412066. (968) CE 16 novembre 2016, Commune d’Erstein, req. n° 401321 ; CE 25 janvier 2019, Société Uniparc Cannes, req. n° 424846. (969) D. Tasciyan, « Les insuffisances du recours en reprise des relations contractuelles », Contrats et marchés publics n° 8-9, août 2015, étude 9.
Chapitre 25
Indemnisation du titulaire
L’exécution du marché peut rencontrer de nombreuses difficultés dont certaines vont contribuer à renchérir le coût pour le titulaire par rapport à ses prévisions. Il supportera alors des charges supplémentaires, non prévues au contrat et donc qualifiées de charges extracontractuelles. Le titulaire va naturellement chercher à obtenir une indemnisation, soit en justifiant que des demandes particulières de l’acheteur ont généré ces surcoûts soit en expliquant que des circonstances imprévisibles ont contribué à renchérir le coût du marché. Par ailleurs, la demande d’indemnisation trouvera parfois son fondement dans les clauses du contrat, lorsque par exemple l’acheteur ne respecte pas ses engagements sur les volumes de commande. Ce dernier dispose d’un droit au maintien de l’équilibre financier de son marché, mais aussi à la réparation du manque à gagner et du préjudice que lui cause le comportement de l’acheteur. Le droit de l’exécution reconnaît différentes hypothèses d’indemnisation qui sont encadrées strictement par le juge, notamment lorsqu’il s’agit d’indemniser des travaux supplémentaires non prévus par le marché(970).
25.1 Indemnisation en raison des événements extérieurs aux parties Le titulaire peut être contraint de supporter des surcoûts en raison d’aléas économiques qui vont peser sur l’équilibre financier du marché ou en raison d’aléas techniques qui vont entraîner des travaux supplémentaires constituant autant de charges non prévues initialement. Dans la mesure où ces aléas bouleversent réellement l’économie générale du marché, il est reconnu au titulaire un droit à indemnisation.
25.1.1 Nécessité d’un bouleversement de l’économie générale du marché En l’absence d’un réel bouleversement de l’économie générale du marché, le juge refusera toujours d’accorder une indemnité. Cette notion est avant tout financière et consiste à mesurer l’importance, raisonnable ou pas, des charges extracontractuelles supportées par le titulaire. Il est important de comprendre qu’une simple augmentation du coût du marché n’est pas en elle-même le signe d’un déséquilibre financier non supportable par le titulaire. Il est courant que des augmentations, reconnues par le juge comme des conséquences de sujétions techniques imprévues, ne soient pas indemnisées. Ainsi, des augmentations pouvant aller jusqu’à 4 % du montant du marché, augmenté des éventuels avenants, n’ont pas ouvert droit à une indemnisation(971). Le Conseil d’État a même refusé le bouleversement de l’économie générale du marché pour une augmentation de 11,3 % du montant du marché(972). Il importe peu à cet égard que les charges extracontractuelles supportées par le titulaire résultent d’un aléa économique imprévisible (imprévision), d’une sujétion technique imprévue ou d’une modification ordonnée par l’acheteur.
En revanche, la forme du prix peut avoir une incidence sur l’appréciation du bouleversement. Ainsi, pour un marché de travaux conclu à prix unitaires, le Conseil d’État a considéré que l’indemnisation des sujétions techniques imprévues n’était pas subordonnée à un bouleversement de l’économie du contrat(973). Important Les charges extracontractuelles de faible montant ne bouleversent pas l’équilibre financier du marché : CE 1er juillet 2015, Régie des eaux du canal de Belletrud, req. n° 383613 « 5. Considérant que le montant des dépenses auxquelles la société Sud terrassement soutient avoir dû faire face pour l’exécution de son contrat de sous-traitance du fait de sujétions imprévues est évalué par elle à 94 034 euros TTC, soit 11,3 % du marché conclu entre le maître d’ouvrage et le titulaire du marché ; que ces dépenses ne peuvent donc être regardées comme ayant bouleversé l’économie générale du marché ; que la société n’est ainsi pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ; ».
Il semble que le juge apprécie la notion de bouleversement pour chaque chef d’indemnisation présenté par le titulaire et non pas sur la totalité des sommes qu’il a demandées. Par exemple, dans un litige portant sur un marché d’un montant initial de 876 606,55 euros HT, un surcoût de 430 185 euros HT a été admis au titre de l’indemnisation des travaux supplémentaires pour les sujétions techniques imprévues alors qu’un surcoût de 72 450 euros, malgré les difficultés techniques qui l’ont entraîné, n’a pas été considéré comme bouleversant l’économie générale du même marché et n’a donc pas été indemnisé(974).
25.1.2 Indemnité d’imprévision pour aléas économiques L’imprévision est une théorie juridique très ancienne élaborée par le juge administratif pour permettre au titulaire de surmonter les conséquences d’aléas économiques extérieurs au marché, conséquences susceptibles d’entraîner un bouleversement de l’équilibre financier contractuel(975).
Dans une situation d’imprévision, l’indemnisation par l’acheteur interviendra comme un soutien financier dans le but de poursuivre le contrat dont l’exécution est nécessaire au fonctionnement du service public. Cette théorie est donc principalement fondée sur la nécessité d’assurer la continuité du service public. Elle crée une forme de solidarité obligatoire de l’acheteur envers le titulaire. L’indemnisation pour imprévision est possible même en l’absence de clause en ce sens. Elle apparaît alors, d’une certaine façon, comme une forme de compensation du déséquilibre qui affecte le marché. En effet, si le titulaire a l’obligation, quoiqu’il arrive, de poursuivre l’exécution du marché, il a le droit d’obtenir le soutien financier de l’acheteur lorsqu’il est confronté à une situation qui bouleverse l’économie du contrat. Mais l’indemnisation n’est pas, en principe, intégrale. Envisagée comme une aide apportée au titulaire, elle ne couvre qu’une partie des charges que ce dernier va supporter pour continuer les prestations. 25.1.2.1 Conditions requises Pour qu’une situation d’imprévision soit reconnue, des conditions précises doivent être réunies. Le juge administratif a élaboré cette théorie autour des grands événements économiques ou politiques qui ont eu pour effet de faire voler en éclats toutes les prévisions contractuelles des cocontractants. Les parties doivent donc être face à un événement d’une ampleur qui les dépasse et qui entraîne un bouleversement important de l’économie du marché. Il revient au titulaire de démontrer la réalité de la situation d’imprévision et surtout d’en expliquer les conséquences sur l’économie de son marché. Si le bouleversement de l’économie n’est pas démontré, aucune indemnisation ne sera admise(976). Pour que l’imprévision soit reconnue, il est indispensable de constater l’imprévisibilité de l’événement, c’est-à-dire qu’à la signature du marché aucun indice d’un bouleversement futur n’était envisageable. Doit être aussi évident le caractère exceptionnel de l’événement, de sorte que le titulaire n’est pas en mesure d’absorber le choc économique. Enfin, dans cette théorie, le caractère extérieur aux deux parties de l’événement est évidemment indispensable.
Aussi, selon ces différents critères, ne sera pas considérée comme une situation d’imprévision, une grève circonscrite au seul personnel travaillant sur le chantier, nonobstant l’absence de préavis, car elle ne présente pas un caractère exceptionnel empêchant l’exécution du marché(977). Il a par ailleurs été jugé que l’interruption temporaire d’une liaison maritime ne présente pas un caractère imprévisible au moment de la signature du marché(978). Lorsque l’indemnité d’imprévision est admise, le titulaire y a droit même si le marché est arrivé à son terme ou a fait l’objet d’une résiliation(979). 25.1.2.2 Effet des clauses de révision des prix sur l’appréciation de l’imprévision La théorie de l’imprévision au bénéfice du titulaire trouve aujourd’hui un terrain d’application beaucoup moins favorable en raison d’une généralisation des mécanismes contractuels de prise en compte des variations économiques(980). Le Code de la commande publique rend obligatoire l’insertion d’une clause de révision des prix dans les marchés qui pourraient être exposés à des aléas majeurs du fait de l’évolution raisonnablement prévisible des conditions économiques pendant la période d’exécution(981). Elle est également obligatoire pour les marchés d’une durée d’exécution supérieure à trois mois qui comprennent une part importante de fournitures ou de matières premières affectées par les fluctuations des marchés mondiaux (voir chapitre 16). Ainsi, les mécanismes financiers du marché sont en règle générale en mesure d’absorber en totalité ou en partie les chocs économiques ponctuels ou durables. Les charges extracontractuelles supportées par le titulaire sont donc moins importantes puisque l’effet de ces clauses est justement de faire participer l’acheteur à l’évolution des coûts du marché tout au long de l’exécution. La présence d’une clause de variation des prix dans le marché réduit donc les risques de bouleversement de l’économie du marché et donc les chances d’obtention d’une indemnisation pour imprévision(982). Elle ne l’exclut pas totalement néanmoins, car la clause de variation peut être insuffisante pour
absorber le déséquilibre financier(983) ou peut-être elle-même perturbée par l’événement économique(984). La crise sanitaire mondiale en 2020 et la guerre en Ukraine qui l’a suivi en 2022 ont montré que les dispositifs contractuels ne sont pas toujours suffisants face à des crises profondes et brutales(985). Exemple Absence de bouleversement de l’économie du marché par l’application de la clause de révision des prix : CE 13 mai 1987, Société CITRA France, req. n° 35374 « Considérant, en premier lieu, qu’un accord est intervenu le 25 janvier 1974, entre le maître de l’ouvrage et les entreprises, à la demande de celles-ci, pour fixer le prix des travaux de construction des murs de soutènement ; que cet accord comportait une clause de révision des prix applicable si le délai d’exécution desdits travaux, dont le terme était fixé au 30 avril 1974, était dépassé pour des raisons indépendantes de la volonté des entreprises ; que, compte tenu de l’importance limitée, en raison de l’application de la clause de révision des prix, des charges extracontractuelles invoquées au titre de l’exécution des travaux en cause, les hausses de prix des matières premières qui se sont produites à partir de la fin de l’année 1973 n’ont pas eu pour effet de bouleverser l’économie du marché ».
25.1.3 Indemnisation des travaux supplémentaires en raison des sujétions techniques imprévues L’indemnisation du titulaire pour les travaux supplémentaires nécessaires pour faire face à des sujétions techniques imprévues est un droit largement reconnu qui trouve à s’appliquer même en l’absence de clause contractuelle. La différence avec la théorie de l’imprévision réside essentiellement dans l’origine du bouleversement. L’apparition d’une sujétion technique imprévue résulte en effet de l’exécution technique du marché et non pas d’un aléa économique extérieur. 25.1.3.1 Conditions requises Le titulaire doit faire face à des difficultés d’exécution qui présentent certaines caractéristiques. Les sujétions doivent être imprévisibles pour les
parties au moment de la signature du marché. Elles doivent présenter un caractère exceptionnel dans le sens où elles ne peuvent être raisonnablement supportées dans le cadre du marché tel qu’il a été conclu. Elles doivent, enfin, être extérieures aux parties puisqu’aucune indemnisation ne sera admise si les difficultés sont le résultat des fautes du titulaire ou de l’acheteur. Comme leur nom l’indique, elles doivent être en premier lieu des difficultés matérielles. C’est donc bien la mise en œuvre des moyens nécessaires à l’exécution du marché qui les fait apparaître. Ceci explique que les hypothèses d’indemnisation pour ce motif se retrouvent le plus souvent dans les marchés de travaux dont la technicité augmente les risques de faire apparaître des difficultés d’exécution imprévisibles. Cependant, rien n’interdit d’appliquer cette modalité d’indemnisation pour des marchés de fournitures ou de services, si les conditions requises sont réunies, mais cela est moins courant pour ce type de marchés. Exemple Les conditions requises pour obtenir une indemnisation au titre des sujétions techniques imprévues : CE 4 février 2013, Établissement public Voie navigable de France, req. n° 357016 « Considérant, en premier lieu, que, pour accorder la somme de 662 249 euros hors taxes au groupement au titre de sa réclamation tenant au surcoût de démolition des digues existantes, la cour s’est fondée sur ce que le groupement d’entreprises a dû faire face à des contraintes d’exécution imprévues ; qu’elle lui a ainsi accordé une indemnisation au titre de sujétions imprévues ; que cependant, elle n’a pas recherché si les difficultés matérielles rencontrées lors de l’exécution du marché présentaient un caractère exceptionnel, si ces difficultés étaient imprévisibles lors de la conclusion du contrat et si leur cause était extérieure aux parties, conditions qui seules permettent de faire droit à une demande d’indemnisation au titre de sujétions imprévues ; que, par suite, elle a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit dès lors être annulé en tant qu’il a statué sur cette réclamation ».
Il est rappelé à ce stade que la survenance de sujétions techniques imprévues permet de conclure un avenant(986) et semble pouvoir entrer dans la notion de circonstances imprévues qui autorisent la modification du marché (voir chapitre 10). À titre d’exemple, n’ont pas été admises comme sujétions techniques imprévues les situations suivantes :
- la sujétion qui était clairement identifiée dans le cahier des charges comme une contrainte à prendre en compte dans le prix unitaire et qui par conséquent n’était pas imprévisible(987) ; - les sujétions qui ne présentent pas un caractère anormal dans le cadre de l’exécution du marché et qui devaient donc être intégrées dans le prix global et forfaitaire(988) ; - l’allongement de près de 70 % de la durée initiale du marché qui n’est pas à lui seul une sujétion technique imprévue, mais qui peut éventuellement générer des sujétions imprévues(989) ; - la présence d’une nappe d’eau d’une nature différente de celle qui était mentionnée dans une étude préalable au marché(990) ; - la présence simultanée sur le chantier de plusieurs entreprises en raison de la découverte d’une canalisation ou la nécessité de réaliser plus de travaux en horaires de nuit non prévus initialement eu égard à l’expérience du titulaire dans les travaux concernés(991) ; Ont été, à l’inverse, admises comme sujétions techniques imprévues les situations suivantes : - les difficultés techniques rencontrées en raison de la nature de la roche dont la mauvaise qualité dépasse ce qui pouvait être prévu dans le cadre du marché(992) ; - la carence d’un opérateur de téléphonie à fournir les plans indispensables sans lesquels le titulaire a été contraint d’exposer des dépenses supplémentaires pour la réalisation des travaux prévus au marché(993) ; - les sujétions résultant des informations géologiques erronées données par l’acheteur qui n’a pas mis le titulaire en situation de réaliser des études complémentaires(994) ; - les sujétions résultant de la rétention d’informations cruciales, au stade de l’élaboration de l’offre du titulaire, par le maître d’ouvrage tel que le rapport du contrôleur technique de sorte que le titulaire ne pouvait correctement identifier les insuffisances du projet initial(995) ; - la présence d’éperons rocheux exceptionnels lors du creusement d’un tunnel que des sondages réalisés en nombre suffisant et dans les règles de l’art n’ont pu permettre de prévenir(996).
25.1.3.2 Indemnisation du sous-traitant Le sous-traitant qui bénéficie du paiement direct a le droit d’obtenir l’indemnisation des travaux supplémentaires réalisés pour faire face à des sujétions techniques imprévues(997). Les sujétions imprévues rencontrées par le sous-traitant ne sont indemnisables que si elles ont entraîné un bouleversement de l’économie générale du marché dans son intégralité et non pas de la seule partie des prestations sous-traitées. Il faut alors comparer le montant des travaux supplémentaires supportés par le sous-traitant au montant total du marché(998). 25.1.3.3 Mention des travaux supplémentaires dans le décompte final Dans les marchés de travaux, compte tenu des effets du décompte final sur les réclamations ultérieures, le titulaire, pour avoir une chance d’obtenir l’indemnisation des travaux supplémentaires en raison des sujétions techniques imprévues, doit impérativement faire apparaître les montants correspondants dans ce décompte. Il reprendra ces réclamations dans le mémoire prévu à cet effet en cas de refus de l’acheteur d’intégrer ces travaux supplémentaires dans le décompte général (voir chapitre 19). Dans les marchés autres que les marchés de travaux, le titulaire doit informer l’acheteur rapidement et précisément en cours d’exécution, des difficultés techniques imprévues et exceptionnelles qu’il rencontre et des conséquences sur le montant du marché, au risque sinon de ne plus pouvoir en demander l’indemnisation.
25.2 Indemnisation en raison d’une modification unilatérale du marché par l’acheteur
Il a été expliqué que l’acheteur dispose d’un pouvoir général de modification du marché public (voir chapitres 2 et 10). En contrepartie de ce pouvoir, il est reconnu au bénéfice du titulaire un droit au maintien de l’équilibre financier de son marché(999). Le Code de la commande publique prévoit par ailleurs que « les prestations supplémentaires ou modificatives demandées par l’acheteur au titulaire d’un marché public de travaux qui sont nécessaires au bon achèvement de l’ouvrage et ont une incidence financière sur le marché public font l’objet d’une contrepartie permettant une juste rémunération du titulaire du contrat »(1000). Il serait en effet injuste de laisser supporter au titulaire les charges supplémentaires qui résultent des demandes de prestations nouvelles ou par des modifications des prévisions initiales. Les marchés publics seraient beaucoup moins attractifs si le risque constant d’un déséquilibre financier les menaçait. Le titulaire peut donc avoir droit à une indemnisation des dépenses supplémentaires qui résultent des demandes modificatives de l’acheteur. Il n’est pas nécessaire, dans ce cas, de démontrer la réalité d’un bouleversement de l’économie générale du marché. L’indemnisation est a priori intégrale. Il est à noter toutefois le cas dans lequel le juge a considéré que les travaux supplémentaires ordonnés par un ordre de service verbal ne devaient être indemnisés qu’à hauteur des dépenses utiles exposées, déduction faite de la marge bénéficiaire(1001). L’imprudence du titulaire qui accepte un ordre verbal limite son droit à indemnisation. Exemple Le droit à indemnisation des surcoûts résultant de la modification unilatérale du marché : CE 22 février 2008, Société NTA, req. n° 274669 « Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’administration a unilatéralement modifié le contrat en tant qu’il prévoyait la réalisation des travaux de mise en conformité dans le port d’appareillage ; que cette modification ouvre, au bénéfice du cocontractant, un droit à indemnisation du préjudice qui en est résulté ; que la société NTA soutient avoir dû supporter, à raison du transport des matériels nécessaires à l’adaptation de la barge-hôtel jusqu’à Mururoa, des coûts supplémentaires d’un montant de 79,21 euros ; que ce montant n’a jamais été contesté par le ministre ; qu’ainsi, il y a lieu de mettre à la charge de l’État la somme de 87 479,21 euros qui sera versée à la société NTA ».
25.3 Indemnisation des prestations supplémentaires indispensables pour la réalisation du marché dans les règles de l’art Le titulaire a droit à être indemnisé pour les prestations non prévues dans le marché, qui ne sont même pas demandées par un ordre de service de l’acheteur, mais qui s’avèrent indispensables pour permettre une exécution du contrat dans les règles de l’art(1002). L’indemnisation obtenue sur cette base est en principe intégrale et couvre toutes les dépenses utiles ainsi que le manque à gagner. Selon les fautes et erreurs commises par le titulaire, le montant de l’indemnisation pourra cependant être atténué par le juge. Exemple Droit à l’indemnisation des prestations supplémentaires indispensables à l’exécution du contrat dans les règles de l’art : CE 3 décembre 2012, Société Baudin Châteauneuf, req. n° 347940 « Considérant, d’une part, que le cocontractant de l’administration peut demander à être indemnisé, sur la base du contrat, des prestations supplémentaires réalisées sans ordre de service, dès lors que ces prestations ont été indispensables à l’exécution du contrat dans les règles de l’art ; que, par suite, en rejetant la demande du groupement tendant à être indemnisé des prestations supplémentaires de fourniture et de pose de panneaux de revêtement pour un acrotère de toiture, exécutées sans ordre de service, sans rechercher si ces prestations avaient été indispensables à la bonne exécution du contrat, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ».
Cette faculté d’indemnisation est reconnue depuis longtemps(1003). Elle est classique dans les marchés de travaux dans lesquels il n’est pas rare que le titulaire se trouve confronté à la nécessité de prendre seul des initiatives pour poursuivre ou terminer les travaux. C’est donc la notion de travaux indispensables qui est la plus souvent utilisée. Cependant, rien ne semble faire obstacle à son application dans d’autres types de marchés tels que des marchés de prestations de service(1004) ou de
prestations intellectuelles(1005) dans lesquels la réalisation complète des objectifs poursuivis dans le contrat implique la mise en œuvre de moyens supplémentaires.
25.3.1 Exception à la règle selon laquelle le marché ne peut pas être modifié par le titulaire Ce droit reconnu par le juge administratif est une exception à la règle générale selon laquelle le titulaire ne peut pas modifier de lui-même les caractéristiques du marché. Cette règle a pour but de protéger l’acheteur. Il serait trop facile, en l’absence de demande de sa part, de pouvoir lui faire supporter toutes les prestations supplémentaires non prévues au marché, mais réalisées par le titulaire de sa propre initiative. En matière de travaux, cette interdiction est énoncée à l’article 30 du CCAG-Travaux, qui prévoit les mécanismes pour prendre en compte les modifications souhaitées par le titulaire. La notion de prestations indispensables pour une exécution du contrat dans les règles de l’art est ainsi le moyen de discerner ce qui est justifié ou non parmi les prestations supplémentaires réalisées par le titulaire.
25.3.2 Nécessité de prouver le caractère indispensable des prestations Le caractère indispensable des prestations doit être démontré par le titulaire qui demande à être indemnisé. La seule réalisation de prestations supplémentaires ne suffit évidemment pas à obtenir une indemnisation(1006). Il peut donc arriver que le titulaire ne soit pas indemnisé pour des prestations qu’il a pourtant réalisées et qui ont profité à l’acheteur, mais dont le caractère indispensable n’est pas démontré ni avéré par les faits(1007).
De plus, ne seront pas reconnus comme indispensables les travaux supplémentaires auxquels le maître d’ouvrage s’est expressément opposé, quel que soit leur degré d’utilité pour l’ouvrage(1008). Le respect des règles de l’art n’autorise pas le titulaire à réaliser des travaux supplémentaires si l’acheteur s’y oppose. Le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l’entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux sont indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art(1009). Recommandation Informer l’acheteur de la mise en œuvre de prestations supplémentaires En pratique, le titulaire a tout intérêt à informer par courrier, en recommandé avec accusé de réception, l’acheteur de la mise en œuvre de prestations indispensables qu’elles soient en cours ou à venir. L’absence de réponse de l’acheteur pourra toujours être considérée comme une forme d’acceptation implicite(1010) et servir de fondement pour la réclamation du paiement de ces prestations. D’une manière générale, cette information va préserver les intérêts du titulaire dans le cadre d’une éventuelle procédure de réclamation suivie d’une procédure contentieuse. Dans les marchés de travaux, elle semble parfaitement nécessaire dans le cadre de la procédure de réclamation sur le décompte général (voir chapitre 19).
25.3.2.1 Détermination du caractère indispensable des prestations supplémentaires Il n’y a pas de critère précis permettant de déterminer si les prestations supplémentaires sont ou non indispensables. L’appréciation se fait au cas par cas selon des éléments techniques et de contexte. Toujours est-il qu’il doit nécessairement s’agir de prestations qui ne sont pas prévues dans les pièces du marché(1011). De même, si le titulaire devait réaliser des vérifications préalables avant de conclure le marché, il ne peut prétendre être indemnisé des travaux supplémentaires qui sont la conséquence de la non-réalisation de ces vérifications(1012).
Il ne doit pas s’agir non plus de prestations normales que le titulaire doit forcément intégrer dans son prix, notamment s’il est forfaitaire. En effet, le titulaire, en professionnel avisé, doit nécessairement prendre en compte un certain niveau d’aléas dans l’exécution du marché, notamment pour des travaux de fondation pour lesquels le cahier des charges donne des profondeurs indicatives(1013). Les prestations indispensables ne sont pas des améliorations apportées à l’initiative du titulaire. Il ne peut pas, par exemple, décider de mettre en œuvre un procédé technique différent si le procédé initialement prévu est tout à fait adapté. Les surcoûts qui en résulteraient demeureraient à sa charge. À titre d’exemple, ont été considérés comme des travaux indispensables indemnisables ceux de reprise de fissures pour une quantité de 1 700 mètres, alors que l’acheteur les avait chiffrés, dans le marché, à 300 mètres et que le titulaire, entrepreneur prudent, les avait lui évalués à 500 mètres. Dans ce cas, la reprise de toutes les fissures était évidemment nécessaire à la réalisation complète de l’ouvrage(1014). L’initiative du titulaire a également été indemnisée pour la réalisation de fondations plus profondes que les instructions du maître d’œuvre en raison de la présence en profondeur d’un terrain vaseux incompatible avec la réalisation de fondations correctes pour la construction d’un pont(1015). 25.3.2.2 Sujétions d’exécution et le contenu du prix Les prix du marché doivent nécessairement couvrir une part d’aléas dans l’exécution. Par exemple, le CCAG-Travaux stipule dans son article 9 que les prix du marché, qu’ils soient unitaires ou forfaitaires, sont réputés comprendre toutes les sujétions d’exécution normalement prévisibles pour l’exécution des travaux, à savoir celles qui résulteraient : - de l’utilisation du domaine public et du fonctionnement des services publics ; - de phénomènes naturels ; - de la présence de canalisations, conduites et câbles de toute nature ; - des coûts résultant de l’élimination des déchets ; - de la réalisation simultanée d’autres ouvrages.
À ces sujétions, nécessairement prévues dans les prix, s’ajoutent celles qui ne pouvaient pas être ignorées par un entrepreneur prudent qui disposait de suffisamment d’informations au moment de la constitution de son prix pour y intégrer une part d’aléas(1016) ou qui en raison de son statut de professionnel ne pouvait ignorer certaines contraintes(1017). Par ailleurs, pour les marchés à prix forfaitaire, il est classiquement considéré par le juge que le titulaire s’est engagé pour la réalisation d’un ouvrage ou d’une opération de travaux, quelles que soient les quantités en réalité mises en œuvre lors de l’exécution, position qui est strictement conforme à la définition donnée pour cette forme de prix tant par les textes relatifs aux marchés publics que par le CCAG-Travaux(1018).
25.3.4 Absence de bouleversement de l’économie générale du marché Pour obtenir l’indemnisation des prestations supplémentaires indispensables, il n’est pas nécessaire que les surcoûts générés bouleversent l’économie générale du marché, même dans le cadre d’un marché à forfait, à la différence de ce qui est requis en matière d’imprévision ou de sujétions techniques imprévues(1019).
25.3.5 Indemnisation des prestations indispensables réalisées par le sous-traitant Le sous-traitant qui bénéficie du paiement direct a le droit d’obtenir le paiement des travaux supplémentaires qui se sont avérés indispensables(1020).
25.3.6 Mention des travaux supplémentaires indispensables dans le décompte final
Dans les marchés de travaux, compte tenu des effets du décompte final sur les réclamations ultérieures, le titulaire, pour avoir une chance d’obtenir l’indemnisation des travaux indispensables, doit impérativement faire apparaître les montants correspondants dans ce décompte. Il reprendra ces réclamations dans le mémoire prévu à cet effet en cas de refus de l’acheteur d’intégrer ces travaux supplémentaires dans le décompte général (voir chapitre 19). Dans les marchés autres que les marchés de travaux, le titulaire doit informer rapidement et précisément l’acheteur des difficultés techniques imprévues et exceptionnelles qu’il rencontre et des conséquences sur le montant du marché, au risque sinon de ne plus pouvoir en demander l’indemnisation.
25.4 Indemnisation dans les accords-cadres à bons de commande Sans que cela soit une obligation, les accords-cadres à bons de commande sont souvent conclus sur la base d’un montant minimum de commande(1021) dont le non-respect entraîne l’obligation d’indemniser le titulaire.
25.4.1 Indemnisation sur la base du montant minimum convenu Lorsque ce montant est prévu dans l’accord-cadre, il engage les deux parties(1022), sauf clause contraire. L’acheteur doit passer des commandes à hauteur du montant minimum convenu. Il faut savoir que c’est sur la base de cet engagement minimum que le titulaire a établi ses prix. Il a donc le droit de demander une indemnisation si l’exécution ne permet pas d’atteindre le niveau minimum de commandes convenu(1023). À l’inverse, si l’accord-cadre prévoit un montant maximum, le titulaire doit être en mesure d’assurer les prestations jusqu’à hauteur de ce montant.
Tous les CCAG prévoient une clause relative à cette indemnisation rédigée en des termes quasiment identiques(1024). Par exemple, il est stipulé pour les marchés de travaux : « Lorsqu’au terme de l’exécution d’un accord-cadre à bons de commande, attribué à un seul titulaire, le total des commandes du maître d’ouvrage n’a pas atteint le minimum fixé par l’accord-cadre, en valeur ou en quantités, le titulaire a droit à une indemnité égale à la marge nette qu’il aurait réalisée sur les prestations qui restaient à exécuter pour atteindre ce minimum. Il lui incombe d’apporter au maître d’ouvrage les justificatifs, notamment comptables, permettant de déterminer cette marge nette. Le titulaire a droit, en outre, à être indemnisé de la part des frais et investissements éventuellement engagés pour l’accord-cadre et strictement nécessaires à son exécution qui n’aurait pas été prise en compte dans le montant des prestations payées. Il lui incombe, dans sa demande d’indemnisation, d’apporter au maître d’ouvrage toutes les justifications nécessaires à la détermination du montant des indemnités dans un délai de trente jours à compter du terme de l’accord-cadre. » Le titulaire n’a droit qu’à l’indemnisation de la marge nette qu’il aurait pu retirer sur la somme des commandes qui n’ont pas été réalisées. Le taux de marge nette est déterminé en prenant en compte non seulement les charges variables du titulaire, mais également ses charges fixes(1025). Le montant de l’indemnité ne correspond donc pas à la différence entre le montant minimum et le montant réellement commandé. De même, l’exécution partielle d’un bon de commande ouvre droit à une indemnisation du titulaire correspondant à la marge nette dont il a été privé sur les prestations non réalisées de ce bon de commande(1026).
Exemple Marché à bons de commande avec un montant minimum de 50 000 € HT À la fin du marché, considérant que l’acheteur n’a commandé que 30 000 € HT et que la marge nette pour ce type de marché est d’environ 15 %, le titulaire a droit à une indemnité calculée de la manière suivante : (50 000 - 30 000) × 0,15 = 3 000 € Le plus difficile pour établir le montant de l’indemnité est de connaître la marge nette raisonnable dans le secteur économique concerné par le marché. Par exemple, il a été admis pour un marché de fournitures de machines à bois que la marge nette à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité était de 15 %(1027) alors que pour un marché de travaux, c’est une marge nette de 3 % qui a pu être retenue par le juge(1028). C’est d’abord au titulaire du marché de justifier la marge nette à laquelle il prétend, l’acheteur pouvant de son côté missionner un expert. In fine et en cas de désaccord, ce sera le juge qui tranchera. La perte de bénéfice doit se calculer sur le montant minimum hors taxes(1029) auquel il ne doit pas être appliqué la clause de variation des prix prévue au marché(1030).
25.4.2 Absence de droit à indemnisation si le marché ne prévoit aucun montant minimum Étant donné qu’il n’est pas obligatoire pour les acheteurs de fixer des montants minimums dans les accords-cadres à bons de commande, nombre d’entre eux ne prévoient aucun montant de référence. Dans ce cas, il n’y a pas d’engagement et le titulaire n’a aucun droit à obtenir une indemnisation(1031) pour absence de commande. Un accord-cadre à bons de commande sans montant minimum peut donc ne donner lieu à aucune commande.
25.5 Limitations à l’indemnisation du titulaire Le titulaire du marché est un professionnel avisé qui s’est engagé à mettre en œuvre une solution technique et financière pour satisfaire le besoin de
l’acheteur. Son offre a été sélectionnée parmi d’autres au terme d’une procédure de mise en concurrence, elle est donc réputée la meilleure du moment. Pèse ainsi sur le titulaire une présomption forte de professionnalisme et de maîtrise du savoir-faire de son métier. Aux yeux du juge administratif, il est suffisamment averti pour avoir anticipé un certain nombre de difficultés d’exécution. Cette présomption a pour conséquence de limiter ses chances d’obtenir une indemnisation pour des prestations qu’il estime non prévues au marché, soit qu’elle fait entièrement obstacle au versement d’une indemnité soit qu’elle provoque un partage de responsabilité avec l’acheteur ou les autres participants à l’exécution du contrat.
25.5.1 Maîtrise supposée des règles de la commande publique par le titulaire Il peut arriver que le marché en cours d’exécution soit frappé de nullité en raison d’une irrégularité commise lors de sa conclusion. Dans ce cas, le titulaire du marché peut prétendre au remboursement complet des dépenses utiles qu’il a exposées au profit de l’acheteur avant la nullité du marché (théorie de l’enrichissement sans cause). Le droit au remboursement des dépenses utiles n’est pas atténué par d’éventuelles fautes commises par le titulaire, sauf si le marché a été conclu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l’administration, ce qui fait obstacle à l’exercice d’une telle action(1032). Le titulaire peut également rechercher une indemnisation pour le préjudice que lui cause la nullité du marché. Face à une telle demande, le juge prend en compte la nature de l’irrégularité et la situation du titulaire. S’il ne pouvait pas ignorer l’irrégularité qui a été commise lors de la procédure de passation du marché, en raison de son expérience et donc de sa connaissance des règles applicables, il n’obtiendrait pas l’indemnisation du préjudice que lui cause la fin brutale du marché ou alors il n’obtiendrait qu’une indemnisation partielle en raison d’un partage des responsabilités décidé par le juge(1033).
Exemple Partage de responsabilité en raison de la connaissance que devait avoir le titulaire, en tant que professionnel averti, de l’irrégularité de son marché : CAA Douai, 20 octobre 2009, Société Léon Grosse, req. n° 07DA00376 « que la société requérante peut donc prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de la Région, qui a conclu un marché nul en raison d’une date d’effet antérieure à sa notification ; que, toutefois, en tant que professionnelle avertie, la Société Léon Grosse ne pouvait ignorer l’irrégularité affectant la signature du marché et qui est à l’origine de sa nullité ; qu’eu égard à la faute ainsi commise par cette société, qui a accepté de signer un contrat dont elle n’ignorait pas l’illégalité, il y a lieu de laisser à sa charge la moitié des conséquences dommageables de la nullité du marché ». CAA Paris, 10 juin 2010, Caisse des écoles de Choisy-le-Roi, req. n° 08PA03350 « Considérant que la Société Surcouf est un professionnel averti, ayant l’usage des pratiques de la commande publique ; que dans ces conditions, compte tenu des sommes en cause et alors notamment que plusieurs commandes dépassaient le seuil de mise en concurrence, la manière dont elle a répondu, sans aucune précaution, à des demandes dont un minimum de contrôle aurait pu lui faire apparaître rapidement le caractère nécessairement frauduleux, est constitutive d’une légèreté fautive de nature à exonérer pour moitié de sa responsabilité la Caisse des écoles de Choisy-le-Roi ».
25.5.2 Connaissance par le titulaire de la portée de son engagement contractuel Le titulaire est censé avoir une maîtrise complète de l’engagement pris lorsqu’il a signé le marché, ce qui lui interdit de revenir sur cet engagement en cours d’exécution. Il ne peut en contester le caractère finalement inadapté, comme les effets insuffisants d’une formule de révision des prix qui ne permet pas de prendre en compte toutes les évolutions de la conjoncture. Au moment de signer son marché, le titulaire doit nécessairement prendre la mesure des effets de cette formule et les intégrer dans son offre(1034). De la même manière, il lui sera difficile de réclamer le paiement de prestations supplémentaires alors que celles-ci sont clairement incluses dans le marché et dans son prix(1035). L’offre du titulaire, formulée en connaissance de toutes les contraintes et de tous les risques, l’engage irrémédiablement, même si cette offre s’avère techniquement inadaptée(1036).
Exemple Le titulaire doit anticiper les effets d’une formule de révisions des prix manifestement insuffisante : CAA Bordeaux, 3 mai 2011, Société Gagne, req. n° 10BX01996 « que si la société requérante soutient que du fait du caractère inadapté de l’indice auquel fait référence la formule de révision de prix, l’augmentation brutale du prix des aciers durant la période d’exécution des travaux n’a pas été prise en compte, elle ne pouvait ignorer en tant que professionnelle avisée que la formule de variation de cet indice, eu égard à sa composition, ne permettait de prendre en compte que de manière très partielle les hausses des prix de l’acier utilisé qui devaient ainsi entrer dans ses prévisions ». Le titulaire ne peut pas se méprendre sur la portée de son engagement : CE 7 février 1986, req. n° 50761 « Considérant, d’une part, que les travaux ayant consisté en l’établissement d’un “dossier d’impact” et d’une “maquette à l’échelle 1/100e” étaient compris dans la mission que le groupement de concepteurs avait acceptée pour la rémunération que stipulait le marché ; que, par suite, ledit groupement, qui ne pouvait se méprendre sur la portée de son engagement, n’est pas fondé à demander, pour l’exécution de ces deux prestations, une indemnité venant s’ajouter à celle à laquelle il a droit en réparation du préjudice que lui a causé l’illégalité de la clause contractuelle de rémunération ; Considérant, d’autre part, qu’en signant le marché qui lui demandait la fourniture d’un “avantprojet détaillé”, le groupement de concepteurs s’engageait par là même à prendre en charge tous les travaux nécessaires à la bonne exécution de sa mission contractuelle ; qu’il ne peut, dès lors, réclamer aucune indemnité en paiement d’un “avant-projet sommaire” qu’il aurait établi pour servir de base à la mise au point de l’avant-projet détaillé ».
25.5.3 Anticipation par le titulaire des contraintes d’exécution En qualité de professionnel avisé, le titulaire doit mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à une exécution dans les règles de l’art de la prestation. Les moyens à mettre en œuvre pour une bonne exécution relèvent de sa seule responsabilité, qu’il ait été informé par l’acheteur des conditions d’exécution ou qu’il ait dû appréhender par lui-même les différentes contraintes pour réaliser les prestations(1037). Il ne pourra pas arguer de difficultés d’exécution qu’il ne pouvait pas ignorer pour demander une indemnisation.
Exemple Les contraintes d’exécution doivent être anticipées par le titulaire : CE 22 février 2008, Société NTA, req. n° 274669 « que la cour n’a dénaturé ni les stipulations contractuelles ni les pièces du dossier en jugeant que la recherche par la société NTA, pour l’acheminement de la barge-hôtel à l’échéance du contrat, d’un prestataire susceptible, soit de transporter cette barge au moyen d’un navire semisubmersible, soit de la remorquer, relevait de sa seule responsabilité de professionnel averti et que les difficultés rencontrées à cet égard n’étaient pas imputables à l’administration et ne constituaient pas un cas de force majeure ; qu’elle a pu en déduire que l’administration ne se trouvait pas dans une situation lui permettant ou lui faisant obligation de prolonger le contrat ». CAA Versailles, 4 juillet 2006, SARL Gilet, req. n° 04VE01249 « Considérant que la SARL Gilet fait valoir, d’une part, que les travaux supplémentaires de boiserie étaient indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art et que, d’autre part, elle n’était pas en mesure de connaître, à la date de passation du marché, l’importance des travaux de reconstitution des boiseries qui n’a été révélée qu’après décapage de celles-ci ; qu’il résulte cependant de l’instruction que la SARL Gilet, qui est une entreprise spécialisée dans les boiseries anciennes et avait réalisé plusieurs chantiers sur des immeubles comparables, a bénéficié d’une visite sur place le 18 septembre 1995, préalablement à la signature du contrat ; qu’elle a, ainsi, été mise en mesure d’évaluer avec précision l’état des boiseries et l’étendue des travaux à exécuter, nonobstant la circonstance que lesdites boiseries aient été recouvertes de plusieurs couches de peinture ». CE 5 février 1988, Ville de Paris, req. n° 35687 « Considérant que si les plans et devis établis par l’architecte chargé de la conception de l’ouvrage et de la direction des travaux n’ont prévu aucune prescription propre à éviter les mouvements de l’immeuble qui ont provoqué la détérioration de l’étanchéité en cours d’exécution des travaux, il appartenait à la société Linville, qui a sous-traité la réalisation du cuvelage étanche à une entreprise spécialisée et qui ne pouvait pas ignorer que des précautions particulières tenant compte des caractéristiques du terrain d’assise devaient être observées pour la mise en œuvre du procédé d’étanchéité adopté, de formuler toutes les réserves utiles auprès du maître de l’ouvrage ».
25.5.4 Limitations induites par le caractère forfaitaire du prix du marché Dans les marchés de travaux conclus à prix forfaitaire, en l’absence de sujétions techniques imprévues, le titulaire du marché qui a supporté des difficultés d’exécution et les surcoûts associés peut être tenté d’en réclamer l’indemnisation à l’acheteur. Cela n’est possible que lorsque l’acheteur a
commis des fautes notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics(1038). Dans les marchés de maîtrise d’œuvre conclus à prix forfaitaire, la prolongation de la mission n’est de nature à justifier une rémunération supplémentaire que si elle a donné lieu à des modifications de programme ou de prestations décidées par le maître d’ouvrage(1039). Dans cette hypothèse encore faut-il que ces modifications décidées par le maître d’ouvrage aient donné lieu à la réalisation de prestations supplémentaires(1040). (970) Salamand W., « Paiement des travaux non prévus par le marché : l’impossible point d’équilibre », Contrats publics n° 90, juillet-août 2009. (971) Pour une augmentation des dépenses représentant 3,95 % du montant du marché CAA Douai 6 mars 2013, Région Nord-Pas-de-Calais, req. n° 12DA00766 ; CAA Douai, 19 juillet 2011, Société CMEG SA, req. n° 10DA00184 ; CE 30 novembre 1990, Société Coignet Entreprise, req. n° 53636 ; CE 3 novembre 1982, Entreprise Louis Gros, req. n° 34722 ; CE 12 juin 1987, Société Billiard et Jardin, req. n° 30060. (972) CE 1er juillet 2015, Régie des eaux du canal de Belletrud, req. n° 383613. (973) CE 25 mars 2020, Ministre de la transition écologique et solidaire, req. n° 427085. (974) CAA Bordeaux, 3 janvier 2012, Ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, req. n° 10BX01578. (975) À propos d’une concession : CE 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux, req. n° 59928. (976) CAA Douai, 19 avril 2012, SAS DETAM, req. n° 11DA00742.
(977) CE16 juin 1989, Société SPIE Batignolles, req. n° 39242. (978) CE 10 février 2010, Société Prest Action, req. n° 301116. (979) Ibid. (980) Llorens F. et Soller-Couteaux P., « La théorie de l’imprévision est-elle dépassée ? », Contrats et Marchés publics n° 3, mars 2018, repère 3. (981) CCP, art. R. 2112-13 et s. (982) CE 12 juin 1987, Société Billiard et Jardin, req. n° 30060 ; CE 13 mai 1987, Société Citra France, req. n° 35374 ; CAA Paris, 10 juillet 2015, Société Balas Mahey, req. nos 12PA04253 et 14PA03595. (983) CE 29 mai 1991, EPA de la Ville nouvelle de Saint-Quentin-enYvelines, req. n° 92551. (984) CE 19 février 1992, Société Dragages et Travaux publics, req. n° 47265. (985) Circulaire n° 6293/SG du 16 juillet 2021 ; circulaire du Premier ministre n° 6338/SG du 30 mars 2022 relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières. (986) CE 30 juillet 2003, Commune de Lens, req. n° 223445. (987) CAA Lyon, 26 novembre 2009, Société Guintoli, req. n° 07LY01987. (988) CAA Bordeaux, 3 mai 2011, Société Gagne, req. n° 10BX01996. (989) CAA Marseille, 14 avril 2011, Groupement d’entreprises TRM, req. n° 09MA02629. (990) CE 3 mars 2010, Société Presspali SPA, req. n° 304604. (991) CAA Marseille, 8 janvier 2007, Société Carillion BTP, req. n° 03MA00917.
(992) CE 25 mars 2020, Ministre de la Transition écologique et solidaire, req. n° 427085. (993) CAA Marseille, 21 décembre 2012 Région PACA, req. n° 10MA00764. (994) CAA Bordeaux, 3 janvier 2012, Ministre de l’Écologie, du Développement durable, des Transports et du Logement, req. n° 10BX01578. (995) CAA Douai, 11 décembre 2008, req. n° 06DA01079. (996) CAA Douai, 12 février 2004, req. n° 02DA00230. (997) CE 1er juillet 2015, Régie des eaux du canal de Belletrud, req. n° 383613 ; CE 3 mars 2010, Société Presspali SPA, req. n° 304604 ; CE 24 juin 2002, Département de la Seine-Maritime, req. n° 240271. (998) CE 1er juillet 2015, Régie des eaux du canal de Belletrud, req. n° 383613. (999) CCP, art. L. 6 ; pour des concessions, voir CE 27 octobre 2010, Syndicat intercommunal des transports publics de Cannes, Le Cannet, Mandelieu-la-Napoule, req. n° 318617 ; CE 27 octobre 1978, Ville de Saint-Malo, req. n° 05722. (1000) CCP, art. L. 2194-3. (1001) CE 27 septembre 2006, Société GTM Construction, req. n° 269925. (1002) CE 3 décembre 2012, Société Baudin Châteauneuf, req. n° 347940. (1003) CE 17 octobre 1975, Commune de Canari, req. n° 93704 ; CE 9 mars 1979, Avondo, req. n° 10306. (1004) Pour une application dans des situations de marchés annulés : CE 18 novembre 2011, Communauté de communes de Verdun, req.
n° 342642 et CE 21 mars 2007, Commune de Boulogne Billancourt, req. n° 281796. (1005) CAA Marseille, 6 novembre 2006, req. n° 04MA00704. (1006) CAA Marseille, 9 juillet 2012, Société Alquier, req. n° 10MA00364. (1007) CE 11 mars 2009, Société Dominique Houssiau, req. n° 266067 ; CAA Bordeaux, 3 novembre 2009, Société Groupe Vinet, req. n° 08BX02282. (1008) CE 2 juillet 1982, Société routière Colas, req. n° 23653. (1009) CE 14 octobre 2015, Société SNT Petroni, req. n° 384749. (1010) CE 18 novembre 2011, Communauté de communes de Verdun, req. n° 342642. (1011) CE 27 septembre 2006, Société GTM Construction, req. n° 269925. (1012) CE 9 janvier 2015, Commune d’Agde, req. n° 370576. (1013) CE 14 octobre 2015, Société SNT Petroni, req. n° 384749. (1014) CE 14 juin 2002, Ville d’Angers, req. n° 219874. (1015) CE 19 février 1975, Ministre de la Défense nationale, req. n° 80470. (1016) CAA Lyon, 10 janvier 2013, Société AZZA BTP, req. n° 11LY02367 ; CCA Lyon, 26 novembre 2009, Société Guintoli, req. n° 07LY01987. (1017) CE 5 décembre 1990, Société Rapetto, req. n° 63063. (1018) Article 10.3.1 du CCAG-Travaux. (1019) CAA Bordeaux, 20 décembre 2011, Société SPIE Sud-Ouest, req. n° 09BX02385 ; CAA Bordeaux, 4 octobre 2007, Société Les grands
travaux du Bassin Aquitaine, req. n° 04BX01178 ; CE 4 novembre 1988, Administration générale de l’assistance publique à Paris, req. n° 42610. (1020) CE 3 mars 2010, Société Presspali, req. n° 304604 ; CE 24 juin 2002, Département de la Seine-Maritime, req. n° 240271. (1021) CCP, art. R. 2191-16 et s. (1022) CAA Bordeaux, 5 octobre 2006, Société Les établissements Mousseau, req. n° 03BX01974. (1023) CE 18 janvier 1991, Ville d’Antibes, req. n° 80827 ; CAA Paris, 16 septembre 2008, SCM Group France, req. n° 07PA02337 ; CAA Douai, 13 mars 2012, Département de la Seine-Maritime, req. n° 10DA01660. (1024) Article 3.7.5 du CCAG-FCS ; article 3.7.5 du CCAG-PI ; article 3.7.5 CCAG-MI ; article 3.7.5 du CCAG-TIC ; article 3.7.5 du CCAG-MOE ; article 15.2 du CCAG-Travaux. (1025) CE 10 octobre 2018, Société du Docteur Jacques Franc, req. n° 410501. (1026) CE 19 décembre 2012, Société AB Trans, req. n° 350341. (1027) CAA Paris, 16 septembre 2008, SCM Group France, req. n° 07PA02337. (1028) CAA Douai, 13 mars 2012, Département de la Seine-Maritime, req. n° 10DA01660. (1029) CAA Marseille, 16 avril 2012, Société Cible Communication, req. n° 10MA00216. (1030) CE 18 janvier 1991, Ville d’Antibes, req. n° 80827. (1031) CAA Bordeaux, 30 juillet 2009, req. n° 08BX00239 ; CAA Paris, 9 février 2006, Leeuwin France SA, req. n° 01PAO3990. (1032) CE 10 avril 2008, Société Decaux, req. n° 244950.
(1033) CE 26 mars 2008, Société SPIE Batignolles, req. n° 270772 ; CE 10 avril 2008, Société Decaux, req. n° 244950 ; CAA Douai, 20 octobre 2009, Société Léon Grosse, req. n° 07DA00376 ; CAA Paris, 10 juin 2010, Caisse des écoles de Choisy-le-Roi, req. n° 08PA03350 ; CE 7 février 1986, req. n° 50761. (1034) CE 12 juin 1987, Société Billiard et Jardin, req. n° 30060 ; CAA Bordeaux, 3 mai 2011, Société Gagne, req. n° 10BX01996. (1035) CE 7 février 1986, req. n° 50761. (1036) CAA Nantes, 31 mars 2006, GTM Construction, req. n° 03NT00504. (1037) CE 14 octobre 2015, Société SNT Petroni, req. n° 384749 ; CE 22 février 2008, Société NTA, req. n° 274669 ; CAA Versailles, 23 juin 2011, Ministre de la Culture et de la Communication, req. n° 08VE03571 ; CAA Versailles, 4 juillet 2006, SARL Gilet, req. n° 04VE01249 ; CE 5 décembre 1990, Société Rapetto, req. n° 63063 ; CE 5 février 1988, Ville de Paris, req. n° 35687. (1038) CE 5 juin 2013, Région Haute Normandie, req. n° 352917 ; CE 12 novembre 2015, Société Tonin, req. n° 384716 ; CE 6 janvier 2016, Société Eiffage Construction Alsace Franche-Comté, req. n° 383245. (1039) CE 29 septembre 2010, Société Babel, req. n° 319481. (1040) CE 10 février 2014, Société Arc Ame, req. n° 365828.
Chapitre 26
Titulaire dans une procédure collective
Dans l’exécution des marchés publics, malgré toutes les vérifications réalisées lors de la procédure de passation pour s’assurer de ses capacités financières, il n’est pas rare que le titulaire se trouve placé dans une procédure collective prévue par le Code de commerce. La mise en œuvre d’une procédure collective en cours d’exécution du marché place l’acheteur dans une situation compliquée sur les plans opérationnel, administratif et financier.
26.1 Procédures collectives et leur articulation avec les CCAG Trois procédures sont prévues par le Code de commerce, avec comme conséquence possible la résiliation du marché(1041).
26.1.1 Procédures prévues par le Code du commerce 26.1.1.1 Procédure de sauvegarde La procédure de sauvegarde permet à l’entreprise qui n’est pas en cessation de paiements de se réorganiser en apurant son passif(1042). Elle donne lieu en effet à un plan d’apurement mis en œuvre pendant une période d’observation d’une durée de 6 mois. Cette procédure n’entraîne pas d’effet direct sur le marché, mais elle peut être transformée en procédure de redressement judiciaire susceptible d’aboutir à une cession du marché. 26.1.1.2 Procédure de redressement judiciaire La procédure de redressement judiciaire, qui fait intervenir un administrateur judiciaire, a pour objet de sauvegarder l’activité et l’emploi tout en apurant le passif de l’opérateur économique(1043). L’état de cessation de paiements du titulaire justifie son placement dans cette procédure. Après une période d’observation pouvant durer 6 mois ou plus, un plan de redressement est adopté par le tribunal de commerce s’il estime que l’opérateur a des chances d’être sauvé. Le marché peut continuer avec le titulaire, mais il peut aussi être cédé à un tiers dans le cadre de la réorganisation prévue par le plan de redressement. 26.1.1.3 Procédure de liquidation judiciaire Cette procédure est ouverte par le tribunal de commerce lorsqu’il n’y a plus aucune chance de sauver l’activité(1044). Une procédure de redressement, si elle n’aboutit pas, peut donc conduire à une procédure de liquidation. Son objectif est de liquider le patrimoine de l’opérateur afin, notamment, de régler les créances en cours. Dans ce cadre, le marché n’a plus aucune chance d’être exécuté par le titulaire défaillant. En revanche, si le liquidateur se prononce pour la continuation, il pourra faire l’objet d’une cession judiciaire à un tiers.
26.1.2 Possibilités de résiliation du marché Tous les CCAG prévoient un cas de résiliation du marché tenant à la situation du titulaire placé dans une situation de redressement ou de liquidation judiciaire(1045) (voir chapitre 24). Dans le cadre de ces procédures collectives, les conditions qui conduisent à prononcer une décision de résiliation sont restreintes et très précisément définies par le Code du commerce. En réalité, la procédure collective engagée pour protéger le titulaire défaillant laisse peu d’initiative à l’acheteur. Ainsi, aucune clause ne peut prévoir une résiliation automatique du marché du seul fait d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation(1046). Informé de la situation du titulaire, l’acheteur a la possibilité de déclencher le mécanisme dit du « droit d’option » qui consiste à mettre en demeure l’administrateur judiciaire ou le liquidateur de se prononcer sur le sort du marché(1047). Cette démarche permet à l’acheteur d’être rapidement fixé sur les intentions de l’entreprise vis-à-vis de son marché. Si la poursuite du marché est décidée par l’administrateur ou le liquidateur, l’acheteur ne peut pas le résilier au seul motif de la procédure collective(1048). Ce dernier doit alors continuer à remplir ses obligations prévues au contrat. En revanche, le silence gardé pendant un délai d’un mois à compter de la mise en demeure entraîne la résiliation de plein droit du marché sans qu’il soit nécessaire de la faire constater par le juge-commissaire(1049). Toutefois, en l’absence de réponse formelle de l’administrateur ou du liquidateur, le comportement de l’entreprise peut parfois révéler une intention de poursuivre l’exécution du marché. Cette intention n’est pas révélée par la simple participation à des réunions ayant pour objet la réception des travaux et la levée des réserves(1050).
Recommandation Que faire si la résiliation est prononcée ? En pratique, si l’administrateur ou le liquidateur ne fait pas connaître son souhait de continuer le marché, l’acheteur peut le résilier en respectant les stipulations prévues aux CCAG et notamment en établissant un décompte de résiliation. Pour continuer les prestations qui n’ont pas été terminées, il convient de conclure un nouveau marché après une procédure de mise en concurrence, sauf situation d’urgence impérieuse permettant de s’exonérer de mesures de publicité et de mise en concurrence conformément au Code de la commande publique. La résiliation suite à une procédure collective ne peut pas être prononcée aux frais et risques du titulaire défaillant, car il ne s’agit pas d’une résiliation à ses torts. Les coûts d’un marché de substitution ne peuvent donc pas lui être imputés(1051).
Le titulaire placé dans une procédure collective est réputé exécuter correctement ses engagements contractuels(1052). Si ce n’est pas le cas, les fautes commises après l’ouverture de la procédure sont susceptibles de provoquer une résiliation pour faute à ses torts exclusifs (1053) ou une mise en régie du marché à ses frais et risques(1054). L’application des pénalités financières est également envisageable. En effet, si l’ouverture d’une procédure collective a pour objet de protéger l’opérateur, notamment vis-àvis de ses créanciers, la mise en place de cette protection n’a pas pour effet de l’autoriser à créer de nouvelles dettes en n’exécutant pas ses obligations contractuelles.
Exemple Le titulaire placé en redressement judiciaire encourt la résiliation à ses torts s’il n’exécute pas le marché : CE 11 juillet 2008, Société Manathan, req. n° 288269 « Considérant qu’aux termes de l’avant-dernier alinéa de l’article 37 de la loi du 25 janvier 1985, ultérieurement codifié à l’article L. 621-28 du Code de commerce : “Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire” ; qu’ayant souverainement estimé, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, que la résiliation des marchés en cause a été prononcée par l’UGAP non en raison de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société nouvelle MAAMF, mais du fait du non-respect par celle-ci, après le début de la procédure de redressement, des délais de livraison prévus par les marchés qui lui étaient confiés, et ce en dépit des engagements pris le 3 septembre 1996, la cour pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit, qu’était inopérant le moyen tiré de ce que l’UGAP aurait méconnu les dispositions précitées de l’article L. 621-28 du Code du commerce en prononçant la résiliation de contrats en raison de fautes commises antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de redressement ; ».
26.2
Cession judiciaire du marché
Dans le cadre d’une procédure collective, le marché peut être cédé à un tiers repreneur ou cessionnaire, comme tous les actifs du titulaire défaillant. Il s’agit alors d’une véritable cession de marché, une nouvelle personne se substituant au titulaire. À la différence d’une cession de marché classique (voir chapitre 10), la cession judiciaire s’impose à l’acheteur sans que son autorisation ne soit requise et sans même qu’il puisse se prononcer sur la qualité du repreneur. La reprise du marché est effective et opposable dès lors que le tribunal de commerce a adopté par jugement le plan de cession d’actifs(1055). La conclusion d’un avenant de transfert entre l’acheteur et le cessionnaire n’est pas obligatoire, mais elle est conseillée afin de bien régler la reprise du marché avec le nouveau titulaire(1056).
Exemple La cession judiciaire du marché prononcée par le tribunal de commerce s’impose à l’acheteur : CAA Nancy, 26 janvier 2006, req. n° 00NC01239 « Considérant, en premier lieu, ainsi qu’il a été dit plus haut, que le plan de cession arrêté par le jugement du tribunal de commerce en date du 28 juillet 1995 a entraîné la cession des actifs de la société Boulanger à la Société Dormois et a ainsi eu pour effet de transférer le marché en cours à la Société Dormois ; qu’en vertu de ce plan de cession, qui est opposable à tous et notamment au maître d’ouvrage, la Société Dormois a nécessairement repris l’ensemble des droits et obligations résultant du marché initial sans qu’il fût besoin de conclure un avenant audit contrat ni de solliciter l’autorisation du maître d’ouvrage ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le marché repris par la Société Dormois serait entaché de nullité faute que cette cession ait été autorisée ou acceptée par le maître d’ouvrage doit être écarté ».
Par conséquent, ce type de cession n’est pas très favorable à l’acheteur qui ne dispose d’aucune garantie sur la suite de l’exécution et notamment sur les capacités du repreneur. La situation est d’autant moins confortable pour l’acheteur que dans la procédure qui conduit à la cession des actifs, le repreneur peut décider de ne reprendre le marché que pour l’avenir sans assumer les fautes de l’ancien titulaire commises avant la cession(1057). Cette parcellisation des obligations du cédant et du repreneur n’offre de ce fait aucune garantie à l’acheteur quant à la réalisation des prestations commandées avant la cession du marché. Cette situation complexifie sans aucun doute l’établissement du DGD dans les marchés de travaux, en rompant avec les règles d’unicité et d’indivisibilité du décompte (voir chapitre 19). Il convient de rappeler que dans une cession classique de marché entre deux opérateurs économiques, le nouveau titulaire doit reprendre l’ensemble des droits et obligations de l’ancien titulaire, ce qui garantit l’acheteur contre les erreurs commises avant le transfert du marché (voir chapitre 10). En définitive, la cession judiciaire présente certains inconvénients que l’acheteur ne peut pas lever.
26.3
Fin des relations financières
26.3.1 Déclaration de créances
Dans le cadre d’une procédure collective qui frappe le titulaire du marché, l’acheteur a tout intérêt à procéder à une déclaration de créances tant pour celles qui résultent de l’exécution du marché avant le jugement d’ouverture de la procédure collective que pour celles qui sont nées postérieurement(1058). Le délai pour procéder à cette déclaration auprès du mandataire judiciaire est en principe de deux mois(1059) à compter de la date de publication du jugement(1060). Le titulaire a l’obligation d’informer l’acheteur de l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire en cours d’exécution du marché(1061). Une instruction de la Direction générale des finances publiques, en date du 26 janvier 2012, précise les effets des procédures collectives dans les marchés publics en cours d’exécution(1062). Elle indique que, pour les collectivités publiques, seul le comptable public est en mesure d’adresser la déclaration de créance à l’administrateur ou au liquidateur(1063). Devant une telle situation, l’acheteur a donc intérêt à demander rapidement au comptable public de procéder à la déclaration de créance. Les créances à déclarer peuvent être de nature différente. Elles peuvent être certaines, liquides et exigibles comme le montant de l’avance ou le montant des pénalités, mais elles peuvent être des créances potentielles et faire simplement l’objet d’une évaluation, par exemple si des malfaçons sont relevées dans les prestations dont le montant n’est pas facilement déterminable. La procédure de déclaration de créance n’empêche pas l’acheteur de rechercher devant le juge administratif la condamnation du titulaire au titre des malfaçons constatées dans les prestations. Le titulaire ou son mandataire judiciaire pourra ainsi être condamné à indemniser, de manière définitive ou provisoire, l’acheteur pour les conséquences de ces malfaçons(1064). Enfin, il faut savoir que le titulaire défaillant a le droit de recouvrer les sommes qui correspondent à la retenue de garantie qui a été appliquée dans l’exécution du marché, mais uniquement au terme de la durée d’un an après la fin du marché(1065). La mise en jeu par l’acheteur de la caution personnelle et solidaire ou de la garantie à première demande n’est, en revanche, pas affectée par la procédure collective qui touche le titulaire(1066).
26.3.2 Admission des créances À l’issue du délai de déclaration, le mandataire judiciaire établit la liste des créances avec ses propositions d’admission, de rejet ou de renvoi devant la juridiction compétente et transmet celle-ci au juge-commissaire. À ce stade, le débiteur pourra présenter ses observations sur les diverses créances. Par la suite, le rejet ou l’admission de ces créances dépendent exclusivement du juge-commissaire.
26.3.3 Fixation des créances résultant de l’exécution d’un marché public Seule exception au principe d’admission ou de non-admission des créances par le juge-commissaire, les contestations relatives à l’exécution des marchés publics relèvent du seul juge administratif(1067). Le Conseil d’État a reconnu la possibilité pour l’acheteur d’introduire une action devant le juge administratif(1068) malgré le principe de suspension ou d’interdiction des actions en justice du fait de l’ouverture de la procédure collective(1069). Cette possibilité est d’ailleurs offerte à l’acheteur sans que celui-ci ait suivi la procédure de déclaration de créance(1070). L’action introduite par l’acheteur peut aboutir à la condamnation du titulaire par le juge administratif, voire même à l’octroi d’une provision via une procédure de référé. Le juge administratif peut dans ce cadre procéder à une compensation des dettes et des créances résultant du marché ce qui a pour effet de limiter rapidement les pertes de l’acheteur. En effet, dans une telle situation, le juge administratif va opérer une contraction des créances de l’acheteur avec celles finalement imputables au titulaire du marché (dépenses engagées pour terminer les travaux(1071), pénalités, malfaçons…). (1041) Livre VI du Code de commerce. (1042) Code de commerce, art. L. 620-1.
(1043) Code de commerce, art. L. 631-1. (1044) Code de commerce, art. L. 640-1. (1045) Article 39.2 du CCAG-FCS ; article 50.1.2 du CCAG-Travaux ; article 37.2 du CCAG-PI ; article 42.2 du CCAG-MI ; article 48.2 du CCAG-TIC ; article 28.2 du CCAG-MI ; Renouard L., « Résiliation des marchés : articulations des CCAG et du Code de commerce », CP-ACCP n° 127, décembre 2012. (1046) Code de commerce, art. L. 622-13, L. 631-14 et L. 641-11-1 ; CAA Nantes, 10 juin 1993, Société auxiliaire agro-alimentaire, req. n° 91NT00139. (1047) Code de commerce, art. L. 622.13-III-1. (1048) CE 24 octobre 1990, Régie immobilière de la Ville de Paris, req. n° 87327. (1049) CE 8 décembre 2017, req. n° 390906. (1050) CAA Versailles, 11 décembre 2007, Commune de Mantes-la-Jolie, req. n° 05VE02179. (1051) CE 10 juillet 1987, CNRS, req. n° 60843. (1052) Rép. min à QE n° 29714, 8 avril 2014, JO AN, p. 3241. (1053) CE 11 juillet 2008, Société Manathan, req. n° 288269. (1054) CE 21 septembre 1990, req. n° 36520 ; CE 30 janvier 2008, OPAC de la Ville de Clermont-Ferrand, req. n° 278770. (1055) CAA Nancy, 26 janvier 2006, req. n° 00NC01239. (1056) Rép. min à QE n° 22482, 12 avril 2012, JO S, p. 915. (1057) CAA Paris, 27 décembre 2001, Centre Hospitalier Paul Guiraud Villejuif, req. n° 99PA03166.
(1058) Claisse Y., « La fin des relations financières avec l’entreprise en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire », CP-ACCP n° 127, décembre 2012. (1059) Code de commerce, art. R. 622-22. (1060) Code de commerce, art. L. 622-24. (1061) CCP, art. L. 2141-12. (1062) Instruction n° 12-005-M0 du 26 janvier 2012 relative aux marchés publics et aux procédures collectives. (1063) Pour les collectivités territoriales, cette compétence découle de l’article L. 2343-1 du Code général des collectivités territoriales. (1064) CE 5 décembre 2007, Société nouvelle Parrotta, req. n° 304334 ; CE 24 novembre 2010, req. n° 328189. (1065) Rép. min à QE n° 06587 du 10 octobre 2013, JO S, p. 2974. (1066) CE 10 juillet 2013, Banque calédonienne d’investissement, req. n° 361122. (1067) TC, 23 mai 2005, SARL SEGI, n° 3447. (1068) CE avis, 20 janvier 1992, Société Jules Viaux et fils, n° 130250. (1069) Code de commerce, art. L. 621-40. (1070) CE 5 décembre 2007, société Parrotta, req. n° 304334. (1071) Uniquement en cas de résiliation aux torts du titulaire, CAA Versailles, 8 juin 2010, Société SEE Simeoni, req. n° 08VE00273.
Chapitre 27
Règlement alternatif des différends
Lorsqu’un conflit intervient en cours d’exécution, les parties sont face à une alternative, soit elles s’adressent au juge du contrat et elles s’engagent alors dans une procédure contentieuse, souvent longue et coûteuse, devant une juridiction administrative, soit elles recherchent un accord amiable pour régler définitivement leur litige. Les modes de règlement amiable des litiges sont donc qualifiés par le Code de la commande publique de modes de règlement alternatif des litiges(1072). Ils sont aujourd’hui particulièrement souples à mettre en œuvre, sécurisés pour les parties et efficaces dans la mesure où ils permettent des gains de temps et d’argent non négligeables. Les pouvoirs publics sont très favorables à leur développement(1073) comme en témoignent la rénovation du statut des Comités consultatifs de règlement amiable des litiges en 2010(1074), la diffusion de plusieurs circulaires, pour promouvoir le recours à la transaction pour la prévention et le règlement des litiges(1075) ou plus récemment la loi du 18 novembre 2016 qui a rénové le cadre de la médiation pour en faciliter
le recours dans les litiges opposant les personnes privées aux acteurs publics(1076). Souvent, le marché impose aux parties de mettre en œuvre une procédure de règlement amiable avant d’exercer un recours devant le juge. Tous les CCAG prévoient par exemple une procédure de réclamation préalable qui doit obligatoirement précéder un recours juridictionnel. Le marché peut aussi rendre obligatoires d’autres modes de règlement des litiges, comme la médiation par exemple. Et dans l’hypothèse où le marché ne prévoit rien, les parties sont toujours libres de négocier le règlement de leur litige, leur volonté commune étant en cette matière un élément essentiel. Un différend né de l’exécution du marché peut toujours trouver une solution en dehors du prétoire d’une juridiction.
27.1 Procédure contractuelle obligatoire de réclamation préalable Tous les CCAG prévoient une procédure obligatoire pour tenter de régler amiablement les litiges contractuels des parties : « L’acheteur et le titulaire s’efforceront de régler à l’amiable tout différend éventuel relatif à l’interprétation des stipulations du marché ou à l’exécution des prestations objet du marché ». Le but d’une telle procédure contractuelle est évidemment d’amener les parties à bien cerner l’étendue de leur litige afin de se donner une chance de trouver un arrangement sans avoir recours à la justice. Il s’agit d’une procédure de réclamation préalable obligatoire, c’est-à-dire qu’elle doit intervenir avant un recours devant la juridiction administrative et qu’elle conditionne la recevabilité de ce recours(1077). Elle doit être menée à son terme, dans le respect des clauses du CCAG applicable, pour que le titulaire puisse saisir le juge. En d’autres termes, s’il ne respecte pas scrupuleusement cette procédure de réclamation préalable, le titulaire risque de se priver de toute possibilité d’obtenir une indemnisation au titre de l’exécution du marché.
Le Conseil d’État a cependant précisé que si une clause de règlement des différends doit être respectée préalablement à toute action devant le juge, même une action en annulation du contrat, ce n’est que pour autant que le différend entre bien dans les prévisions de cette clause(1078). Autrement dit, une clause de règlement des différends qui ne concerne que des litiges en lien avec l’exécution du contrat n’interdit pas de s’adresser directement au juge pour un différend d’une autre nature, par exemple relatif à la validité du contrat.
27.1.1 Nature des différends Tous les différends qui peuvent naître au cours de l’exécution du marché doivent faire l’objet d’une réclamation préalable. En tout état de cause, le préalable à la mise en œuvre de la clause de règlement est l’existence d’un différend. Il y a un différend au sens des CCAG dans trois situations(1079). À compter d’une prise de position écrite, explicite et non équivoque, émanant de l’une des parties et traduisant un désaccord(1080). Le différend peut naître aussi du silence conservé par l’acheteur à la suite d’une mise en demeure du titulaire de prendre position sur un désaccord dans un délai d’au moins 15 jours(1081). Enfin, l’absence de notification du décompte de résiliation est considérée comme un différend(1082). Les différends peuvent être de natures très variées. Il peut s’agir de réserves formulées à l’encontre d’ordres de service ou de tout autre aspect donnant lieu à une contestation qui semble légitime au titulaire. Il est rappelé que les réserves à l’encontre des ordres de services et des bons de commande doivent être formulées dans un délai de 15 jours, sous peine de forclusion (voir chapitre 5). Ces réserves doivent être récapitulées dans les lettres ou les mémoires de réclamations. Dans les marchés de travaux, les réclamations portent souvent sur des demandes d’indemnisation en raison des retards dans le chantier ou en raison de travaux supplémentaires réalisés en l’absence d’ordre de service (voir chapitre 5). Le différend qui pourrait naître de la mise en œuvre d’une procédure de résiliation par l’acheteur doit faire l’objet d’une réclamation préalable dans
le respect du CCAG applicable(1083).
27.1.2 Respect des formes et des délais La procédure de réclamation préalable implique le respect des délais stipulés dans le marché. Aussi, les conclusions présentées devant le juge ne seront pas recevables si le titulaire n’a pas notifié à l’acheteur ses réclamations dans le délai prévu dans le contrat à compter du jour où est né le différend(1084). En cas de difficulté pour apprécier la date d’apparition du différend, c’est le juge qui au final l’appréciera. De même, la forme de la réclamation est un élément important qui peut conduire le juge à considérer que le titulaire n’a pas vraiment exprimé de contestation. Une simple demande d’indemnisation ne sera pas considérée comme une réclamation dans la mesure où elle n’expose ni les motifs détaillés de la contestation ni les montants réclamés avec les différentes bases de calcul pour les justifier(1085). La réclamation ne peut pas se limiter à la demande d’un montant global d’indemnisation ou au simple envoi d’une facture ou d’un devis(1086). La saisine du Comité de règlement amiable des litiges ne saurait, non plus, être regardée comme une réclamation préalable formulée dans le respect des stipulations du CCAG(1087).
27.1.3 Possibilité de saisir le juge des référés Si la procédure de réclamation préalable ne permet pas de saisir le juge du contrat avant qu’elle ne soit arrivée à son terme, elle n’empêche pas, en revanche, le titulaire de solliciter le juge des référés, à condition que cette saisine soit faite après avoir engagé les mécanismes de la réclamation préalable, c’est-à-dire après la notification du mémoire en réclamation(1088). Cela peut permettre au titulaire d’exercer un référé provision, dans l’attente d’un règlement définitif du différend.
Important L’obligation d’engager la procédure de réclamation préalable avant de saisir le juge du référé : CE 26 décembre 2009, Société d’architecture Group. 6, req. n° 326220 « Considérant que les stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales, applicables au marché conclu le 18 juillet 1998, prévoient la mise en œuvre d’une procédure de recours préalable avant la saisine du juge administratif ; que l’existence même de ce recours prévu au contrat fait obstacle à ce qu’une des parties saisisse directement le juge administratif, y compris le juge statuant en référé ; que, cependant, ce dernier peut être saisi dès lors qu’une des parties a engagé la procédure de recours préalable, sans attendre que celle-ci soit parvenue à son terme. Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’en rejetant la fin de non-recevoir opposée par la Société d’architecture Group. 6, au motif que la recevabilité d’une demande de provision ne serait pas subordonnée au respect des stipulations susmentionnées relatives à la procédure de réclamation préalable, le juge des référés de la cour administrative d’appel de Nancy a commis une erreur de droit ; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, l’ordonnance attaquée doit être annulée ».
27.1.4 Dans les CCAG-FCS, PI, MI, TIC et MOE La procédure nécessite la rédaction d’un mémoire en réclamation devant contenir tous les détails et précisions utiles sur les motifs du désaccord, notamment les calculs des sommes réclamées. Ce mémoire doit être notifié à l’acheteur dans un délai de deux mois à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion. Ainsi, pour contester l’application de pénalités de retard, le titulaire doit formuler sa réclamation dans les deux mois suivant le courrier de l’acheteur l’informant de l’application de ces pénalités, courrier qui pour le juge est le point de départ du différend. Sans respect de ce délai, le titulaire ne peut plus contester l’application des pénalités(1089). Les marchés de maîtrise d’œuvre comportent une spécificité puisque le mémoire en réclamation peut être communiqué à tout moment, mais au plus tard à la remise du décompte final(1090). L’acheteur dispose d’un délai de deux mois pour faire part de sa décision sur la réclamation. Le silence conservé pendant ce délai vaut rejet des réclamations.
Recommandation Ne pas hésiter à adresser des lettres de réclamations En pratique, il est vivement conseillé au titulaire, tout au long de l’exécution, d’émettre des lettres de réclamation pour tout différend qui lui semble sérieux, notamment ceux qui ont des implications financières. Si le litige termine devant le juge, la forclusion sera un argument efficace pour l’acheteur. La procédure de la lettre de réclamation est donc un moyen de sauvegarder ses droits avant d’être un moyen de régler amiablement le différend.
27.1.5 Dans le CCAG-Travaux À la lecture de l’article 55.1.1 du CCAG, la procédure de réclamation obligatoire semble revêtir deux formes différentes, selon qu’elle porte sur le décompte général ou sur un autre aspect du marché(1091). 27.1.5.1 Réclamation sur tout élément d’exécution Dès lors qu’un différend survient avec le maître d’œuvre ou avec le maître d’ouvrage, le titulaire doit rédiger un mémoire en réclamation qui doit contenir tous les détails et précisions utiles sur les motifs du désaccord, notamment les calculs des sommes réclamées. Aucun délai n’est imposé pour la notification de ce mémoire. Toutefois, s’il s’agit de contester un ordre de service, des réserves doivent avoir été émises à l’encontre de cet acte dans un délai de 15 jours, sous peine de forclusion(1092) (voir chapitre 5). Le mémoire est adressé directement au maître d’ouvrage, une copie étant envoyée au maître d’œuvre. Après avis de ce dernier, le maître d’ouvrage prend une décision qu’il notifie au titulaire. La décision doit intervenir dans un délai de 30 jours à compter de la réception du mémoire en réclamation, le silence gardé pendant ce délai équivalant à un rejet. 27.1.5.2 Réclamation sur le décompte général
Les modalités de contestation du décompte général sont présentées dans le chapitre 19. 27.1.5.3 Aboutissement de la procédure de réclamation Au terme de la procédure, trois scénarios sont envisageables pour les parties. Recours à la procédure contentieuse Si aucun accord n’a pu être trouvé, le titulaire peut alors saisir le juge pour faire valoir ses prétentions. Dans ce cas, il ne peut porter devant la juridiction administrative que des chefs et motifs qu’il a développés dans son mémoire en réclamation. Le soin qui aura été apporté à la rédaction de ce mémoire s’avère donc capital. Un mémoire en réclamation mal rédigé affecte les chances de succès du recours contentieux. Saisine d’un tiers ou du Comité de règlement amiable des différends Au terme de la procédure de réclamation préalable, les parties peuvent décider de poursuivre la tentative de règlement amiable en ayant recours à la médiation d’un tiers ou à celle du comité consultatif de règlement amiable des litiges. Prise en compte des réclamations dans le décompte ou par avenant Au terme de la procédure de réclamation, il apparaît tout à fait possible de trouver dans le marché les moyens de terminer le différend, un avenant pouvant en effet servir à prendre en compte les réclamations(1093), notamment pour fixer les montants exacts des indemnisations acceptées au profit du titulaire. Les réclamations du titulaire, qui sont acceptées par le maître d’ouvrage, sont alors intégrées dans le règlement définitif du marché, la procédure d’établissement du décompte général est alors reprise afin d’intégrer les sommes correspondantes. En revanche, si la période de validité du marché est terminée, c’est par la conclusion d’un protocole transactionnel que les parties peuvent mettre fin,
de manière définitive, à leur différend.
27.2 Médiation par l’intervention d’un tiers ou du médiateur des entreprises La médiation, aussi appelée conciliation, est définie comme un processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par la juridiction(1094). Celle-ci présente un double intérêt pour les parties. Elle permet d’abord d’interrompre les délais contentieux et de suspendre les prescriptions(1095). Les parties conservent ainsi l’assurance, si aucun accord n’est trouvé, de pouvoir poursuivre la discussion devant le juge. Elle est ensuite frappée du sceau de la confidentialité(1096), ce qui signifie que les informations et les correspondances échangées au cours de la médiation ne peuvent être divulguées(1097). L’accord auquel abouti la médiation est en revanche un document administratif communicable. Elle n’est pas prévue dans les CCAG. Elle peut néanmoins être inscrite dans les documents particuliers afin de la faire intervenir, par exemple, après la procédure de réclamation préalable prévue dans les CCAG. Elle est en principe un processus facultatif. Mais certains marchés lui donnent un caractère obligatoire et en font un préalable avant tout recours devant le juge. Dans ce cas, la recevabilité du recours est conditionnée à la mise en œuvre jusqu’à son terme de la médiation(1098). Cependant, une médiation obligatoire qui a été engagée, mais qui n’est pas encore arrivée à son terme, n’interdit pas de saisir le juge des référés, notamment pour lui demander une provision(1099). En cas de procédure de médiation obligatoire, il semble impossible pour l’acheteur d’émettre des titres de recettes exécutoires, pour le paiement des
sommes dues en application du contrat, avant d’avoir mis en œuvre la procédure de conciliation(1100). Si le marché ne prévoit rien, la conciliation peut néanmoins être mise en œuvre par la commune intention des parties, qui décident de se faire aider par un tiers pour résoudre leur différend(1101). Dans ce cas, le recours à la conciliation est libre et le refus d’une partie de s’y prêter n’aura aucun effet sur la recevabilité d’une éventuelle requête devant le juge. La médiation donne lieu à un accord de médiation dont il est possible de demander au juge administratif de l’homologuer et de lui donner force exécutoire(1102). Rien n’interdit aux parties de terminer la médiation par la conclusion d’un protocole transactionnel, ce qui donnera à l’accord tous les effets de la transaction, notamment le caractère exécutoire, sans avoir à solliciter le juge administratif. La médiation peut prendre différentes formes.
27.2.1 Médiation à l’initiative des parties Les parties peuvent, d’un commun accord, organiser entre elles une médiation. Elles désignent alors le médiateur en charge de trouver une solution au litige. Les règles de la médiation autorisent que plusieurs médiateurs soient désignés. Chaque partie est libre de mettre un terme à la médiation, ce qui a pour effet de faire à nouveau courir les délais de recours et les délais de prescription(1103). Si la médiation aboutie à un accord écrit, son homologation peut être demandée au juge administratif qui lui donne alors force exécutoire(1104).
27.2.2 Médiation sous l’égide du juge administratif Il est possible de demander au juge d’organiser une médiation et de désigner le ou les médiateurs. Le médiateur peut être dans ce cas un magistrat de la
juridiction administrative compétente ou une personne extérieure. Les parties évitent ainsi un désaccord et de longues discussions sur le choix de la personne en charge de la médiation. Chaque partie est libre de mettre un terme à la médiation, ce qui a pour effet de faire à nouveau courir les délais de recours et les délais de prescription(1105). Si la médiation aboutie à un accord écrit, son homologation peut être demandée au juge administratif qui lui donne alors force exécutoire(1106).
27.2.3 Intervention du médiateur des entreprises La médiation dans le cadre des marchés publics est l’une des missions confiées au médiateur des entreprises(1107). Il s’agit d’un service proposé par le ministère de l’Économie et des Finances qui s’appuie sur un réseau de médiateurs locaux répartis sur l’ensemble du territoire national. Ce service est incarné par une personnalité nommée par décret du président de la République pour une durée de trois ans(1108). La vocation du médiateur des entreprises dans l’exécution des marchés publics est définie par le Code de la commande publique de la manière suivante : « Le médiateur des entreprises agit comme tierce partie, sans pouvoir décisionnel, afin d’aider les parties, qui en ont exprimé la volonté, à trouver une solution mutuellement acceptable à leur différend »(1109). La saisine du médiateur permet de suspendre le cours des différentes prescriptions jusqu’à la clôture de la médiation(1110).
27.3 Intervention d’un comité consultatif de règlement amiable des différends
Le recours aux comités consultatifs de règlement amiable des différends est une faculté prévue par le Code de la commande publique(1111). Il définit leur mission de la manière suivante : « Les comités consultatifs de règlement amiable des différends, qui peuvent être national ou locaux, ont pour mission de rechercher des éléments de droit ou de fait en vue de proposer une solution amiable et équitable aux différends relatifs à l’exécution des marchés ». L’une des parties a toujours la possibilité de saisir un comité pour obtenir son avis sur le différend qui l’oppose à son cocontractant. La saisine du comité s’impose alors à l’autre partie qui ne peut pas refuser cette procédure. Le recours au comité ne dispense pas les parties du respect de la procédure de réclamation préalable prévue au CCAG ou d’une procédure de médiation obligatoire décrite au marché. La saisine d’un comité consultatif de règlement amiable suspend les délais de prescription jusqu’à la notification de la décision prise par l’acheteur sur l’avis du comité(1112). Par exemple, en cas de contestation du décompte général, le délai de six mois dont dispose le titulaire pour saisir le tribunal administratif est suspendu le temps pour le comité d’émettre son avis(1113). La suspension signifie que le décompte du délai repart pour le temps qui reste à courir une fois que le comité s’est prononcé. Le Code de la commande publique précise la composition des comités et les modalités de leur saisine(1114). Ils sont composés de deux magistrats ou anciens magistrats, deux fonctionnaires et deux personnalités qualifiées pour le secteur d’activité dans lequel intervient le titulaire. Un représentant de la direction des finances publiques ou le comptable public dispose d’une voix consultative. La saisine du comité se fait par écrit, par envoi en recommandé avec accusé de réception d’une requête détaillée et chiffrée exposant les prétentions du requérant. Cette saisine est communiquée à l’autre partie qui dispose d’un délai déterminé par le président du comité pour exposer son point de vue par écrit. Une fois le différend exposé par les parties, le dossier est confié à un rapporteur désigné par le président du comité. Le rapporteur instruit le
dossier, il prend contact si nécessaire avec chacune des parties et écrit un rapport dans lequel il fait une proposition d’avis. Une fois l’instruction terminée, une séance du comité est organisée lors de laquelle le rapporteur expose son rapport et les parties sont entendues. Le comité se retire alors pour rendre son avis. L’ensemble de la procédure, à compter de la date de saisine et jusqu’à la date de l’avis doit en principe se dérouler dans un délai maximum de six mois. À la suite de l’avis du comité, notifié aux deux parties, l’acheteur doit faire connaître la décision qu’il prend sur le différend. La décision doit être expresse pour permettre de mettre un terme à la suspension des délais de recours opposables au titulaire. Si la conciliation du comité trouve un écho favorable entre les parties, cellesci la mettront en œuvre, en général, dans le cadre d’un protocole transactionnel. Si le marché est toujours valide au terme de la procédure devant le comité, un avenant pourra le cas échéant régler le litige. Ces comités sont aux nombres de 8, dont 1 comité national et 7 comités interrégionaux. Ils couvrent l’ensemble du territoire national.
Fig. 27.1. Le ressort territorial des comités consultatifs de règlement amiable des litiges
27.4
Transaction entre les parties
La transaction est le mode de règlement des litiges qui est le plus favorisé par les pouvoirs publics, notamment en matière de différends contractuels(1115). En tant que mode de règlement amiable, la transaction est le fait pour les parties de transiger entre elles, sans recours à un tiers conciliateur. Elles négocient sur la base du différend qui les oppose. La décision de transiger est libre, nul besoin qu’une clause du marché ne la prévoie. Elle peut intervenir à tout moment, même si le contentieux a déjà été porté devant le juge. Les parties peuvent s’engager sur le terrain transactionnel alors que le litige est en première instance, en appel ou en cassation. La transaction aboutie à la conclusion d’un protocole transactionnel. La transaction est définie par l’article 2044 du Code civil comme un contrat écrit « par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ». Le plus souvent, une procédure de médiation, avec ou sans tiers médiateur, ou de réclamation préalable se termine par la conclusion d’un protocole transactionnel, surtout lorsque le marché ne permet plus de régler sur un plan contractuel le différend entre les parties. La transaction est donc un moyen privilégié pour régler les litiges sans recourir au juge, d’une part en raison de la facilité de sa mise en œuvre et d’autre part en raison des effets du protocole transactionnel. Elle implique malgré tout de respecter des règles de fond et de forme indispensables à sa régularité juridique(1116). Une circulaire du Premier ministre, en date du 6 avril 2011, qui remplace la circulaire du 6 février 1995, dresse un état des lieux précis du régime juridique de la transaction dans les litiges administratifs(1117).
27.4.1 Existence d’un litige Le contrat de transaction doit être fondé sur un litige en cours ou à venir, mais qui présente un caractère certain. Le différend hypothétique n’est pas acceptable. Cela implique nécessairement que l’une des parties ait émis des
réclamations lors de l’exécution du marché ou que cette exécution ait connu des difficultés dont l’importance laisse présager la naissance d’un différend(1118). En l’absence de réclamation, notamment dans le cadre de la procédure prévue au CCAG, une transaction trouve peu de fondement juridique et devient critiquable sur son principe. La transaction ne doit pas se présenter comme un moyen d’exécuter le marché en cours, ou de lever des incertitudes sur l’exécution du marché. Celui-ci offre en principe toutes les possibilités pour régler les divergences entre les parties, notamment par la voie des avenants. Ce n’est que si le support contractuel n’est plus valide (expiration de la durée, annulation…) ou que le litige en question dépasse manifestement le cadre contractuel que le contrat de transaction peut se justifier (enrichissement sans cause…).
27.4.2 Négociation libre, mais limitée par quelques principes Si la négociation des termes du protocole est libre entre les parties, elle ne doit pas porter sur des questions qui seraient illicites ou contraires à l’ordre public. Par exemple, la transaction, qui porte sur le renoncement d’un candidat évincé d’une procédure de passation de marché à exiger l’exécution d’un jugement qui doit conduire l’acheteur à mettre un terme à un marché irrégulièrement attribué, a un objet illicite(1119). Il en est de même pour une transaction portant sur la manière dont une personne publique doit faire usage de son pouvoir réglementaire(1120). Dans le domaine, des marchés publics des limites particulières sont à prendre en compte avant de transiger. La première est le principe général selon lequel il est interdit aux personnes publiques de consentir des libéralités c’est-à-dire qu’elles ne peuvent s’obliger à payer des sommes qu’elles ne doivent pas, ou qui s’avèrent excessives comparé au préjudice qu’elles tendent à réparer(1121). Tous les préjudices sont indemnisables dans le cadre d’une transaction, ceux résultant d’un enrichissement sans cause et ceux trouvant leur origine dans la faute de l’acheteur qui a provoqué la nullité du marché(1122). L’appréciation du
caractère excessif de l’indemnité se fait de manière globale et non pour chaque préjudice(1123). Ensuite, il est interdit de transiger sur le paiement des intérêts moratoires. Sur la base des dispositions de la loi du 8 août 1994, qui réputent non écrite toute renonciation par le titulaire au paiement de ces intérêts, le Conseil d’État a jugé qu’il est impossible de transiger sur les intérêts qui sont dus en raison de l’exécution d’un marché(1124). Enfin, et cela paraît évident, la transaction ne peut pas servir à commander des prestations supplémentaires, qu’elles soient en lien étroit avec le marché ou non. Le protocole transactionnel n’est ni un avenant ni un contrat de commande publique et il ne peut, sous prétexte de résoudre un différend entre les parties dans le cadre de concessions réciproques, conduire à une modification substantielle des conditions initiales du marché, comme par exemple changer la nature ou l’importance des prestations afin de résoudre un litige relatif au respect du délai d’exécution du marché(1125).
27.4.3 Exigence de concessions réciproques En principe, les parties doivent consentir des concessions réciproques. Il s’agit d’une condition importante pour la régularité de la transaction. Le juge vérifie que l’accord exprimé dans le protocole transactionnel comporte effectivement de telles concessions(1126) et il en apprécie le caractère équilibré(1127). Dans ce domaine, le juge a une conception assez souple. Il considère que les concessions n’ont pas nécessairement à être de même nature ou équivalentes(1128). L’abandon d’une procédure contentieuse en cours et le renoncement à toutes les autres prétentions concernant le différend peuvent représenter des concessions suffisantes de l’une des parties(1129). De même, en contrepartie d’une indemnité de plusieurs millions d’euros, la renonciation par le titulaire à toute réclamation ou action fondée sur l’exécution du marché en cause est une contrepartie qui n’est pas manifestement disproportionnée, dans la mesure où elle présente, en sus, l’avantage d’une résolution plus rapide du litige(1130).
27.4.4 Effets de la transaction Ces effets sont très importants et justifient que les parties se montrent particulièrement vigilantes lors de la négociation puis lors de la signature du protocole. En effet, le Code civil donne à ce contrat l’autorité de la chose jugée en dernier ressort(1131), ce qui signifie qu’il ne peut plus être remis en cause une fois qu’il a été régulièrement signé par les parties. Le juge lui reconnaît par ailleurs un caractère exécutoire de plein droit que même les règles de la comptabilité publique ne sauraient remettre en question(1132). Les parties sont donc dans l’obligation d’exécuter le protocole transactionnel et il est impossible de revenir sur l’accord intervenu.
27.4.5 Signature de la transaction Le protocole transactionnel doit être signé par les personnes habilitées à représenter les parties ; la validité du contrat de transaction en dépend. Les règles propres à chaque acheteur sont donc applicables(1133). Pour les services de l’État, le principe du recours à la transaction doit être soumis à l’avis d’un comité interministériel de transaction lorsque le montant en jeu dépasse le seuil de 500 000 euros(1134). Pour les collectivités territoriales, l’intervention de l’assemblée délibérante est indispensable pour autoriser l’exécutif local à conclure la transaction. Cette autorisation ne peut être donnée qu’à condition que l’assemblée dispose des éléments déterminants du projet de transaction et notamment la nature et l’étendue du différend ainsi que les concessions réciproques des parties et les sommes en jeu(1135). La signature par une personne non habilitée entraîne systématiquement le refus d’homologation de la transaction par le juge administratif et par la même sa nullité(1136).
Important L’information de l’assemblée délibérante des éléments essentiels de la transaction : CE 11 septembre 2006, Commune de Théoule-sur-Mer, req. n° 255273 « Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, lorsqu’il entend autoriser le maire à conclure une transaction, le conseil municipal doit, sauf à méconnaître l’étendue de sa compétence, se prononcer sur tous les éléments essentiels du contrat à intervenir, au nombre desquels figurent notamment la contestation précise que la transaction a pour objet de prévenir ou de terminer et les concessions réciproques que les parties se consentent à cette fin. »
27.4.6 Contrôle de légalité pour les collectivités territoriales Concernant les collectivités territoriales, il est conseillé de transmettre le protocole transactionnel au contrôle de légalité pour qu’il devienne exécutoire. Le Code général des collectivités territoriales impose que toutes les conventions relatives aux marchés fassent l’objet de cette transmission. Un protocole transactionnel relatif à l’exécution d’un marché public est donc concerné par cette obligation, à condition que le marché ait fait lui-même l’objet de cette transmission en raison de son montant(1137). Le seuil pour la transmission des marchés au contrôle de légalité est aujourd’hui fixé à l’article D. 2131-5-1 du Code général des collectivités territoriales.
27.4.7 Homologation de la transaction par le juge administratif Il est loisible aux parties de rechercher une homologation de leur transaction auprès du juge administratif dans le but de lui donner un supplément d’autorité ou parfois, simplement, pour donner des gages de légalité au comptable public(1138).
Néanmoins, la demande d’homologation n’est pas une obligation. L’accord des parties étant autonome en lui-même et les effets de la transaction se fondant sur les dispositions de l’article 2052 du Code civil, l’homologation de la transaction n’est pas une condition de sa légalité. Dans un avis en date du 6 décembre 2002, le Conseil d’État a considéré qu’une demande d’homologation d’une transaction n’est recevable par le juge que dans la mesure où elle se rattache à un litige déjà porté devant la juridiction administrative ou lorsque cette transaction vise à remédier à une situation juridique délicate(1139). Une demande d’homologation doit porter sur une convention conclue et devenue exécutoire. Elle peut être formulée en appel, mais aussi en cassation, devant le Conseil d’État(1140). Le refus d’homologation entraîne de facto la nullité du protocole transactionnel(1141). Important Les conditions pour la demande d’homologation par le juge administratif : CE avis, 6 décembre 2002, Syndicat intercommunal des établissements du second degré de L’Haÿles-Roses, n° 249153 « En vertu de l’article 2052 du Code civil, le contrat de transaction, par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître, a entre ces parties l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Il est exécutoire de plein droit, sans qu’y fassent obstacle, notamment, les règles de la comptabilité publique. Par suite, en dehors des cas où la contestation à laquelle il est mis fin a été précédemment portée devant le juge administratif, des conclusions tendant à ce que celui-ci homologue une transaction sont en principe dépourvues d’objet et par suite irrecevables. La recevabilité d’une telle demande d’homologation doit toutefois être admise, dans l’intérêt général, lorsque la conclusion d’une transaction vise à remédier à une situation telle que celle créée par une annulation ou la conclusion d’une illégalité qui ne peuvent donner lieu à régularisation, ou lorsque son exécution se heurte à des difficultés particulières. Tel peut notamment être le cas en matière de marchés publics et de délégations de service public. »
27.4.8 Rédaction de la transaction Compte tenu de ses effets sur la situation des parties et l’exercice de leurs droits, le contrat de transaction doit être rédigé avec précision. Il doit
permettre, une fois pour toutes, de régler tous les aspects du différend. A minima un protocole transactionnel devra contenir les mentions suivantes : - identification des parties et qualité des personnes signataires ; - rappel des faits et exposé précis du différend ; - exposé précis des concessions réciproques avec un chiffrage détaillé le cas échéant des sommes à verser et indication de la soumission ou non à la TVA ; - mention des textes applicables et notamment de l’article 2052 du Code civil ; - une formule de renonciation à tout recours sur le différend réglé par la transaction ; - le cas échéant les précisions sur les contentieux en cours notamment les frais irrépétibles. La circulaire du 6 avril 2011 préconise que le protocole transactionnel soit rédigé en trois exemplaires dont un pour le titulaire, un pour le comptable public et un pour l’acheteur. Évidemment, le comptable n’est pas signataire puisqu’il n’est pas une des parties concernées. Il y est aussi recommandé que l’acheteur signe et date en dernier le protocole(1142).
27.5
Recours très limité à l’arbitrage
L’arbitrage, ou compromis, est en droit, assimilé à un véritable recours juridictionnel. Il demeure néanmoins un mode alternatif pour régler les litiges dans le sens ou ce n’est pas le juge traditionnel qui intervient. Il fait intervenir un tribunal arbitral composé d’un ou de plusieurs arbitres désignés par les parties au litige. La sentence arbitrale prononcée s’impose aux parties qui ne disposent que de moyens très limités pour la contester. Les effets très particuliers de cette justice privée expliquent sans doute que le recours à l’arbitrage est par principe interdit aux personnes publiques par l’article 2060 du Code civil. Une exception à ce principe est cependant prévue à l’article L. 2197-6 du Code de la commande publique en ce qui concerne le règlement des litiges relatif à l’exécution financière des marchés publics de travaux et de fournitures de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics locaux. Les marchés de service en sont exclus.
Pour les acheteurs qui relèvent du droit privé, le recours à l’arbitrage est possible pour tous les litiges relatifs à l’exécution de leurs marchés publics. La procédure est régie par le Code de procédure civile aux articles 1442 et suivants. (1072) CCP, art L. 2197-1 à L. 2197-7 et L. 2397-1. (1073) Point 22.2 de la circulaire du 14 février 2012 relative au guide des bonnes pratiques en matière de marchés publics. (1074) Circulaire du 7 septembre 2009 relative au recours à la transaction pour la prévention et le règlement des litiges portant sur l’exécution des contrats de la commande publique (NOR : ECEM0917498C) ; instruction n° 10-009-M0 du 12 avril 2010 qui diffuse la circulaire du 7 septembre 2009 et précise l’étendue des contrôles du comptable en matière de transaction (NOR : BCR Z 10 00033 J) ; circulaire du 6 avril 2011 relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits (NOR : PRMX1109903C). (1075) Ibid. ; Décret du 14 janvier 2016 nommant le Médiateur des entreprises qui exerce les fonctions précédemment confiées au médiateur interentreprises et au médiateur des marchés publics. (1076) Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, de modernisation de la justice du XXIe siècle. (1077) CE 15 février 2012, Commune de Souclin, req. n° 346255. (1078) CE 10 juillet 2020, Société Exelcia, req. n° 433643. (1079) Article 35.1 du CCAG-MOE ; article 43.1 du CCAG-PI ; article 46.1 du CCAG-FCS ; article 49.1 du CCAG-MI ; article 55.1 du CCAG-TIC. (1080) CE 22 novembre 2019, Établissement Paris La Défense, req. n° 417752 ; CE 27 novembre 2019, SMA Propreté, req. n° 422600. (1081) CE 22 novembre 2019, Établissement Paris La Défense, req. n° 417752.
(1082) CE 27 novembre 2019, SMA Propreté, req. n° 422600. (1083) CE 31 mai 2010, Office Public de l’Habitat de la Communauté urbaine de Strasbourg, req. n° 313184 ; CE 27 novembre 2019, SMA Propreté, req. n° 422600. (1084) CE 23 janvier 2012, Département des Bouches-du-Rhône, req. n° 348725. (1085) CE 15 février 2012, Commune de Souclin, req. n° 346255. (1086) CE 3 octobre 2012, Société Valterra, req. n° 349281 ; CE 31 mai 2010, Office Public de l’Habitat de la Communauté urbaine de Strasbourg, req. n° 3131843. (1087) CAA Versailles, 3 mai 2012, req. n° 09VE01661. (1088) CE 26 décembre 2009, Société d’architecture Group. 6, req. n° 326220. (1089) CAA de Paris, 30 juin 2015, Société GDF Suez Énergie Services, req. n° 14PA02667. (1090) Article 35.2 du CCAG-MOE. (1091) Articles 55.1 et 55.2 du CCAG-Travaux. (1092) Article 3.8.2 du CCAG-Travaux. (1093) CE 25 mars 2002, Société GTM International, req. n° 187885. (1094) CJA, art. L. 213-1. (1095) CJA, art. L. 213-6 ; CCP, art. R. 2197-24. (1096) CJA, art. L. 213-2. (1097) CJA, art. L. 213-2.
(1098) CE 10 juin 2009, Société de cogénération et de production de BOE, req. n° 322242 ; CAA Bordeaux, 15 septembre 2011, Commune de Parempuyre, req. n° 10BX03106. (1099) « Clause de conciliation obligatoire et référé provision », Olivier Guillaumont, CP-ACCP n° 116 décembre 2011. (1100) CE 28 janvier 2011, Département des Alpes-Maritimes, req. n° 331986 ; CAA Versailles, 22 janvier 2013, Société NC Numéricable, req. n° 10VE03811. (1101) Voir CRPA, art. L. 421-1 auquel renvoie l’article L. 2197-1 du CCP. (1102) CJA, art. L. 213-6. (1103) CJA, art. L. 213-6. (1104) CJA, art. L. 213-4. (1105) CJA, art. L. 213-6. (1106) CJA, art. L. 213-4. (1107) CCP, art. L. 2197-4 et L. 2397-1. (1108) Décret du 25 janvier 2022 portant nomination du médiateur des entreprises – M. Pelouzet (Pierre). (1109) CCP, art. R. 2197-23. (1110) CCP, art. R. 2197-24. (1111) CCP, art. R. 2197-1 et R. 2397-1. (1112) CCP, art. L. 2197-3 et R. 2197-16. (1113) Article 55.4.1 du CCAG-Travaux. (1114) CCP, art. R. 2197-1 et s. et D. 2197-13 et s.
(1115) CCP, art. L. 2197-4 ; circulaire du 7 septembre 2009 relative au recours à la transaction pour la prévention et le règlement des litiges portant sur l’exécution des contrats de la commande publique (NOR : ECEM0917498C) ; instruction n° 10-009-M0 du 12 avril 2010 relative au recours à la transaction pour la prévention et le règlement des litiges portant sur l’exécution des contrats de la commande publique. (1116) Le Chatelier G., « La gestion du risque juridique et financier dans l’utilisation du pouvoir de transiger », Contrats publics, n° 116, décembre 2011 ; Dal Farra T., « La transaction, mode d’emploi », La Gazette des communes, 25 juin 2007. (1117) Circulaire du 6 avril 2011, relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits (NOR : PRMX1109903C) ; circulaire abrogée du 6 février 1995, relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits (NOR : PRMX9500645C). (1118) CAA Marseille, 16 juillet 2012, Préfet des Alpes-Maritimes, req. n° 09MA00879. (1119) CAA Bordeaux, 6 novembre 2008, Centre hospitalier Saint Nicolas de Blaye, req. n° 07BX01245. (1120) CE 9 juillet 2015, Football Club des Girondins de Bordeaux, req. n° 375542. (1121) CE 19 mars 1971, Mergui, req. n° 79962 ; CAA Marseille, 15 juin 2004, req. n° 00MA01500. (1122) CAA Marseille, 15 juin 2004, SIVOM de la région du Pic Saint Loup, req. n° 00MA01500. (1123) CE 9 décembre 2016, Société Foncière Europe, req. n° 391840. (1124) CE 17 octobre 2003, Ministre de l’Intérieur, req. n° 249822. (1125) CJUE, 7 septembre 2016, Finn Frogne A/S, aff. C-549/14 ; Rép. min à QE n° 04755, 17 janvier 2019, JO Sénat, p. 266.
(1126) CE 11 juillet 2008, Société Krupp Hazemag, req. n° 287354. (1127) CE 29 décembre 2000, req. n° 219918 ; CE 8 décembre 1995, Commune de Saint-Tropez, req. n° 144029. (1128) Point 3.1.2 de la circulaire du 7 septembre 2009 relative au recours à la transaction pour la prévention et le règlement des litiges portant sur l’exécution des contrats de la commande publique (NOR : ECEM0917498C). (1129) CE 11 septembre 2006, Commune de Théoule-sur-Mer, req. n° 255273. (1130) CAA Marseille, 16 juillet 2012, Préfet des Alpes-Maritimes, req. n° 09MA00879. (1131) Code civil, art. 2052. (1132) CE avis, 6 décembre 2002, Syndicat intercommunal des établissements du second degré de L’Haÿ-les-Roses, n° 249153. (1133) Point 1.3.1.2 de la circulaire du 6 avril 2011 relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits (NOR : PRMX1109903C). (1134) CRPA, art. L. 423-2, R. 423-3 à R. 423-5, D. 423-6 et D. 423-7. (1135) CE 11 septembre 2006, Commune de Théoule-les-bains, req. n° 255273 ; CAA Marseille, 1er mars 2010, Société Ingerop, req. n° 07MA02089. (1136) CAA Lyon, 7 janvier 2010 Société Brace Ingenierie, req. n° 08LY00326 ; CAA Lyon, 20 octobre 2011, req. n° 10LY02656. (1137) CGCT, art. L. 2131-2, L. 4141-2, L. 3131-2. (1138) Brenet F., « L’homologation des transactions », Contrats et marchés publics, mars 2009.
(1139) CE avis 6 décembre 2002, Syndicat intercommunal des établissements du second degré de L’Haÿ-les-Roses, n° 249153 ; CE avis, 4 avril 2005, Société Cabinet JPR Ingénierie, n° 273517. (1140) CE 11 juillet 2008, Société Krupp Hazemag, req. n° 287354. (1141) CE avis, 6 décembre 2002, Syndicat intercommunal des établissements du second degré de L’Haÿ-les-Roses, n° 249153 ; CAA Lyon, 7 janvier 2010, Société Brace Ingénierie, req. n° 08LY00326 ; CAA Paris, 21 décembre 2018, Société Baudin Chateauneuf, req. n° 13PA04730. (1142) Point 2.4 de la circulaire du 6 avril 2011 relative au développement du recours à la transaction pour régler amiablement les conflits (NOR : PRMX1109903C).
Index A Accord-cadre à bons de commande avance : 1 Acompte définition : 1 projet de DGD : 1 sous-traitant : 1 versement (marchés FCS, MI, PI, TIC) : 1 Admission actions préalables aux vérifications : 1 ajournement : 1 effets : 1 réfaction : 1 rejet : 1 vérification (marchés FCS) : 1 vérification (marchés MI) : 1 vérification (marchés PI) : 1 vérification (marchés TIC) : 1, 2 Ajournement définition : 1 effets : 1 Arbitrage recours limité pour les personnes publiques : 1 Auto-liquidation définition : 1 Avance accord-cadre à bons de commande : 1 calcul : 1 définition : 1 facultative : 1 groupement d’entreprises : 1 marché à prix global et forfaitaire : 1
marché à tranches optionnelles : 1 modification : 1 obligatoire : 1 point de départ du délai de paiement : 1 remboursement : 1 remboursement par précompte : 1 sous-traitant : 1 versement : 1 Avenant définition : 1 différence avec la transaction : 1 modification après la procédure de réclamation : 1 notification : 1 signature : 1 B Bon de commande contenu : 1 définition : 1 mandataire de groupement : 1 obligation d’exécution : 1 période de validité du marché : 1 transmission : 1 C Capitalisation des intérêts absence de majoration : 1 calcul : 1 définition : 1 effet dissuasif : 1 Caution personnelle et solidaire notion : 1 procédure collective : 1 CCAG CCAP : 1 documents particuliers : 1
Cession de créance définition : 1 effet : 1 groupement d’entreprises : 1 mécanisme Dailly : 1 modification : 1 régime : 1 sous-traitant : 1 Cession du marché redressement judiciaire : 1 régime : 1 Clause de réexamen régime : 1 Comité consultatif de règlement amiable des différends : 1 Comité interrégional de règlement amiable des litiges saisine : 1 Comptable public pièces exigées pour le paiement : 1 portée du contrôle : 1 responsabilité : 1 retard de paiement : 1 Conciliation comité consultatif de règlement amiable des litiges : 1 définition : 1 procédure de désignation du conciliateur : 1 Conservation de documents régime : 1 Contrôle situation fiscale (voir cette notion) : 1 situation sociale (voir cette notion) : 1 Cotraitance définition : 1 délai de paiement : 1 groupement solidaire (voir cette notion) : 1 immuabilité de forme : 1
mandataire (voir cette notion) : 1 Créance décompte général et définitif : 1 exigibilité : 1 D Déclaration de créances régime : 1 Décompte de résiliation calcul des coûts supplémentaires : 1 contenu : 1 délai : 1 Décompte final exhaustivité des informations : 1 contenu : 1 délai : 1 effets : 1 intérêts moratoires : 1 objet : 1 prestations supplémentaires : 1 sujétions techniques imprévues : 1 vérification par le maître d’œuvre : 1 Décompte général acceptation partielle : 1 acceptation sans réserve : 1 contenu du projet : 1 délai : 1 Décompte général et définitif acompte : 1 contenu : 1 créance : 1 décompte final (voir cette notion) : 1 effets : 1 fin des relations contractuelles : 1 indivisibilité : 1 intangibilité : 1
intangibilité (nullité du contrat) : 1 intangibilité (réserves) : 1 objet : 1 point de départ du délai de paiement : 1 procédure d’établissement : 1 unicité : 1 Décompte général mémoire en réclamation : 1 notification : 1 réserves : 1, 2, 3, 4 signature (effets) : 1 Délai de paiement délai conventionnel de règlement : 1 intérêts moratoires : 1 interruption : 1 répartition du délai : 1 retard du comptable : 1 Difficulté d’exécution résiliation : 1 E Exception d’inexécution aménagement contractuel : 1 F Fin des relations contractuelles réception : 1 Force majeure définition : 1 G Garantie à première demande (voir cette notion) : 1 Garantie à première demande notion : 1 procédure collective : 1
Garantie biennale (voir cette notion) : 1 Garantie biennale articulation avec les autres garanties : 1 champ d’application : 1 définition : 1 Garantie caution personnelle et solidaire (voir cette notion) : 1 de bon fonctionnement (voir Garantie biennale) : 1 Garantie de bon fonctionnement voir Garantie biennale : 1 Garantie de parfait achèvement articulation avec les autres garanties : 1 champ d’application : 1 contenu : 1 définition : 1 durée : 1 garantie de parfait achèvement : 1 objet : 1 prolongation : 1 Garantie décennale (voir cette notion) : 1 Garantie décennale articulation avec les autres garanties : 1 champ d’application : 1, 2 définition : 1 mise en œuvre : 1 objet : 1 point de départ : 1 Garantie des vices cachés (voir cette notion) : 1, 2 Garantie des vices cachés définition : 1, 2 durée : 1, 2 mise en œuvre : 1
objet : 1, 2 prestations non réparables : 1 remise en état : 1 Garantie garantie de parfait achèvement (voir cette notion) : 1 retenue (voir cette notion) : 1 spéciale : 1 Garde de l’ouvrage : 1 réception partielle : 1 Groupement conjoint définition : 1 mandataire : 1 pénalité de retard : 1 responsabilité : 1 Groupement d’entreprises avance : 1 cession de créance : 1 nantissement de créance : 1 voir Cotraitance : 1 Groupement solidaire définition : 1 étendu de la solidarité : 1 mandataire non solidaire : 1 mandataire solidaire : 1 responsabilité : 1 I Imperfection mineure réception avec réserve : 1 Imprévision clauses de révision : 1 conditions : 1 notion : 1 Indemnisation bouleversement de l’économie générale du marché : 1
imprévision : 1 limites : 1 marché à bons de commande : 1 modification unilatérale du marché : 1 prestations supplémentaires : 1 sujétions techniques imprévues : 1 Indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement conditions d’application : 1 définition : 1 Indisponibilité du matériel définition : 1 Indisponibilité d’un logiciel définition : 1 Intérêts moratoires acomptes : 1 amende administrative : 1 calcul : 1 capitalisation des intérêts : 1 décompte final : 1 définition : 1, 2 délai de paiement : 1 indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement : 1 majoration : 1 majoration exceptionelle : 1 renonciation par transaction : 1 taux applicable : 1 L Libéralités : 1 interdiction : 1 transaction : 1, 2 M Maître d’œuvre devoir de conseil : 1 réception : 1
responsabilité : 1 vérification du projet de décompte final : 1 Mandataire de groupement définition : 1 groupement conjoint : 1 responsabilité en groupement conjoint : 1 Marché à bons de commande indemnisation : 1 Marché à prix global et forfaitaire avance : 1 Marché à tranches optionnelles avance : 1 Marché de substitution définition : 1 régime : 1 Marché public régime exorbitant : 1 Marchés à bons de commande principe de la réception de chaque bon de commande : 1 réception dérogatoire en cas de multiples travaux d’entretien courants sans maîtrise d’œuvre) : 1 Médiation : 1 initiative des parties : 1 médiateur des entreprises : 1 par juge administratif : 1 Mémoire en réclamation procédure : 1 Modification unilatérale du contrat : 1 Modification unilatérale du marché indemnisation : 1 N Nantissement de créance définition : 1 effet : 1
groupement d’entreprises : 1 mécanisme Dailly : 1 modification : 1 régime : 1 sous-traitant : 1 Notification du marché conséquence : 1 exécution différée : 1 régime : 1 O Opération préalable à la réception date : 1 défaillance du maître d’œuvre : 1 réception sans réserve : 1 réception tacite : 1 refus de réception : 1 signature du procès-verbal : 1 Ordre de service contenu : 1 définition : 1 exception à l’obligation d’exécution : 1 mandataire de groupement : 1 obligation d’exécution : 1 transmission : 1 verbal : 1 P Paiement avance : 1 délai conventionnel de règlement : 1 délai maximum : 1 Paiement direct régime : 1 Paiement fin du délai : 1
interruption du délai : 1 intervention du maître d’œuvre : 1 modèle de convention de paiement : 1 pièces à fournir au comptable : 1 point de départ du délai : 1 répartition du délai : 1 retards dus au comptable : 1 suspension de la procédure : 1 Pénalités absence de préjudice : 1 acompte : 1 bons de commande : 1 Pénalités de retard mandataire de groupement : 1 Pénalités exception : 1 exonération : 1 faute : 1 fondement : 1 groupement d’opérateurs économiques : 1 indisponibilité du matériel (marchés FCS et TIC) : 1 indisponibilité d’un logiciel (marchés TIC) : 1 maîtrise d'oeuvre : 1 marché à tranches : 1 mise en demeure : 1 modulation par le juge : 1 non-assujettissement à la TVA : 1 non-respect des délais d'exécution (marchés de travaux) : 1 non-respect des délais d'exécution (marchés FCS, MI, PI et TIC) : 1 non-respect des délais d'exécution (marchés FCS, MOE, MI, PI et TIC) : 1 règlement du solde : 1 remboursement (marchés de travaux) : 1 renonciation : 1 renonciation (conditions de recours) : 1 renonciation (formalisme) : 1
renonciation (procédure) : 1 sous-traitance : 1 variation du prix : 1 PME définition : 1 Pouvoir de contrôle : 1 définition : 1 Pouvoir de l’administration pouvoir de contrôle : 1 pouvoir de modification : 1 pouvoir de résiliation : 1 pouvoir d’exécution aux frais et risques : 1 Pouvoir de modification définition : 1 Pouvoir de résiliation définition : 1 Pouvoir d’exécution aux frais et risques définition : 1 Préparation du marché définition du besoin : 1 la mise au point : 1 sourcing : 1 Prestation supplémentaire condition : 1 Prestation supplémentaire devenue nécessaire régime : 1 Prestation supplémentaire indemnisation : 1 Prix index : 1, 2 indice : 1, 2 remboursement de l’avance : 1 révision : 1 révision (calcul) : 1 révision (dérogation) : 1
variation : 1 Procédure collective cession judiciaire du marché : 1 conclusion d’un nouveau marché après résiliation : 1 continuation du marché : 1 déclaration de créances : 1 liquidation judiciaire : 1 procédure de sauvegarde : 1 redressement judiciaire : 1 refus d’exécution du marché : 1 résiliation du marché : 1 R Réception avec réserves pour imperfections de faible importance : 1 avec réserves pour réalisation des prestations non encore exécutées : 1 avec réserves pour réalisation d’épreuves prévues au marché : 1 Réception avec réserves pour réalisation d’épreuves prévues au marché nouveau délai accordé au titulaire : 1 réfaction : 1 résiliation aux frais et risques du titulaire : 1 Réception avec réserves pour remédier aux imperfections et malfaçons : 1 contenu des documents nécessaires : 1 défaillance du maître d’œuvre : 1 désordre apparent : 1 étape : 1 expresse (voir cette notion) : 1 Réception expresse contenu : 1 date : 1 forme : 1 signature du procès-verbal des opérations préalables à la réception : 1 Réception fin des relations contractuelles : 1 garde de l’ouvrage : 1
judiciaire : 1 marché à bons de commande : 1 Réception partielle délais d’exécution distincts pour les parties de l’ouvrage : 1 garde de l’ouvrage : 1 Réception refus : 1 refus irrégulier : 1 reprise de l’usage de l’ouvrage par le maître d’ouvrage sans réception : 1 réserve : 1 rôle du maître d’œuvre : 1 rôle du titulaire : 1 Réception tacite après opérations préalables à la réception : 1 condition de recours : 1 condition de recours en l’absence d’opérations préalables à la réception : 1 importance des travaux de reprise : 1 opération préalable à la réception : 1 prise de possession de l’ouvrage : 1 procédure : 1 Réclamation mémoire en réclamation : 1 Réclamation préalable contentieux (marchés de travaux) : 1 définition : 1, 2 délai : 1 formalisme : 1 marchés de travaux : 1 marchés FCS, MI, PI, TIC : 1 marchés Tx : 1 recours au comité interrégional de règlement amiable des litiges : 1, 2 régime : 1, 2 saisine du juge des référés : 1 Réfaction définition : 1 effet : 1
Règlement amiable des litiges arbitrage : 1 comité consultatif de règlement amiable des différends (voir cette notion) :1 conciliation (voir cette notion) : 1 réclamation préalable (voir cette notion) : 1, 2 transaction (voir cette notion) : 1 Règlement partiel définitif caractère définitif : 1 définition : 1 exclusion des marchés de travaux : 1 récapitulatif des différences avec l’acompte : 1 Rejet (admission) définition : 1 effet : 1, 2 Reprise de l’usage de l’ouvrage absence de réception : 1 Résiliation aux frais et risques du titulaire (voir cette notion) : 1 Résiliation aux frais et risques du titulaire imputabilité des coûts supplémentaires : 1 marché de substitution : 1 non-respect du droit du travail : 1 réception avec réserves pour réalisation d’épreuves prévues au marché : 1 Résiliation aux torts du titulaire : 1 aux torts du titulaire (voir cette notion) : 1 Résiliation aux torts du titulaire condition d’application : 1 définition : 1 faute non prévue au marché : 1 faute prévue au marché : 1 régime : 1 tableau récapitulatif des fautes prévues au marché : 1 Résiliation
contenu de l’acte de décision : 1 contestation : 1 coût supplémentaire : 1 décès : 1 décision : 1 décompte (voir cette notion) : 1 définition : 1 difficulté d’exécution : 1 faute grave du titulaire : 1 force majeure : 1 incapacité civile : 1 incapacité physique : 1 indemnisation : 1, 2, 3 indemnisation avec clause : 1 interdiction de soumissionner : 1 liquidation judiciaire : 1, 2 marché de substitution : 1 mise en demeure : 1 mise en demeure (contenu) : 1 mise en demeure (délai de réaction) : 1 mise en œuvre : 1 pour motif d’intérêt général (voir cette notion) : 1 Résiliation pour motif d’intérêt général cas d’ouverture : 1 définition : 1 indemnisation : 1, 2 indemnisation (aménagement) : 1 Résiliation procédure : 1 procédure de sauvegarde : 1 recours : 1 redressement judiciaire : 1, 2 Résiliation sans faute du titulaire (marchés PI) absence d’indemnisation : 1 cas d’ouverture : 1 mise en œuvre : 1
Résiliation sans faute du titulaire (marchés PI) voir cette notion : 1 signataire : 1 torts du titulaire (non-respect du droit du travail) : 1 Retenue de garantie définition : 1 mise en œuvre : 1 montant : 1 objet : 1 recouvrement des sommes par le titulaire défaillant : 1 utilisation de la somme : 1 S Situation fiscale contrôle (nature) : 1 Situation sociale contrôle (nature) : 1 cotisation sociale : 1 immatriculation du titulaire : 1 mise en demeure du titulaire de régulariser : 1 sanction : 1, 2 solidarité financière : 1 travail dissimulé : 1, 2 Sous-traitance acceptation : 1 acompte : 1 acte spécial de sous-traitance : 1 auto-liquidation : 1 avance : 1 certificat de cessibilité : 1 déclaration (contenu) : 1 eXEmplaire unique : 1 interdiction : 1 lien juridique l’acheteur : 1 marché reconductible : 1 modification du contrat : 1
paiement : 1 paiement direct : 1, 2 paiement direct (prestations supplémentaires) : 1 pénalité : 1 prestation supplémentaire : 1 rejet : 1 sous-traitance intégrale : 1 sous-traitant indirect : 1 sujétion technique imprévue : 1 Sujétion technique imprévue condition : 1 décompte final : 1 définition : 1 prix : 1 régime : 1 T Transaction caractère certain du litige : 1 définition : 1 effets : 1 homologation : 1 limites : 1 seuil de transmission au contrôle de légalité : 1 Travail dissimulé voir situation sociale : 1