Etudes Cappadociennes: Studies in Byzantine Cappadocia 1899828486, 9781899828487

A collection of papers published over the last 25 years on the art of Byzantine Cappadocia, focusing in particular on wa

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English Pages 539 [555] Year 2001

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Table des matières
Table des matières
Avant-propos
La peinture byzantine en Cappadoce de la fin de l’iconoclasme à la conquête turque
La Cappadoce après Jerphanion. Les monuments byzantins des Xe–XIIIe siècles
Peintures byzantines inédites de Cappadoce
Découvertes archéologiques et épigraphie funéraire dans une vallée de Cappadoce
Une nouvelle chapelle byzantine près d’Avcılar (Cappadoce). Sa décoration absidale
Nouvelle découverte en Cappadoce: les églises de Yüksekli
Nouvelles églises à Tatlarin, Cappadoce
Art chrétien en Anatolie turque: le témoignage de peintures inédites à Tatlarin
Images et espace cultuel à Byzance: l’exemple d’une église de Cappadoce (
Les programmes iconographiques des églises de Cappadoce au Xe siècle. Nouvelles recherches
Çarıklı kilise, l’église de la Précieuse Croix à Göreme (Korama), Cappadoce: une fondation des Mélissènoi ?*
Aspects de la relation entre espace liturgique et décor peint à Byzance
Le canon 82 du Concile Quinisexte et l’image de l’Agneau: à propos d’une église inédite de Cappadoce
Culte et iconographie de l’archange Michel dans l’Orient byzantin: le témoignage de quelques monuments de Cappadoce
Note sur la représentation des archanges en costume impérial dans l’iconographie byzantine
Trois nouvelles représentations de la vision d’Eustathe en Cappadoce
Hagiographie cappadocienne: à propos de quelques images nouvelles de saint Hiéron et de saint Eustathe
Contribution à l’étude de l’iconographie mésobyzantine des deux Syméon stylites
Épilogue
Index prosopographique
Index des sites et monuments de Cappadoce
Index iconographique
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Etudes Cappadociennes: Studies in Byzantine Cappadocia
 1899828486, 9781899828487

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ETUDES

CAPPADOCIENNES

ETUDES

CAPPADOCIENNES

CATHERINE JOLIVET-LÉVY

The Pindar Press London 2002

Published by The Pindar Press 40 Narcissus Road London NW6 1TH · UK

British Library Cataloguing in Publication Data A catalogue record for this book is available from the British Library

ISBN 1 899828 48 6 (hb) ISBN 1 899828 81 8 (pb)

Printed by Woolnough Bookbinding Church Street, Irthlingborough Northants NN9 5SE

This book is printed on acid-free paper

Table des matières Avant-propos

i

I

La peinture byzantine en Cappadoce de la fin de l’iconoclasme à la conquête turque

II

La Cappadoce après Jerphanion: les monuments byzantins des Xe–XIIIe siècles

51

III

Peintures byzantines inédites de Cappadoce

93

IV

Découvertes archéologiques et épigraphie funéraire dans une vallée de Cappadoce

116

V

Une nouvelle chapelle byzantine près d’Avcılar (Cappadoce). Sa décoration absidale

152

VI

Nouvelle découverte en Cappadoce: les églises de Yüksekli

168

VII

Nouvelles églises à Tatlarin, Cappadoce

220

VIII

Art chrétien en Anatolie turque: le témoignage de peintures inédites à Tatlarin

270

IX

Images et espace cultuel à Byzance: l’exemple d’une église de Cappadoce (Karşı kilise, 1212)

285

X

Les programmes iconographiques des églises de Cappadoce au Xe siècle. Nouvelles recherches

322

1

XI

Çarıklı kilise, l’église de la Précieuse Croix à Göreme (Korama), Cappadoce: une fondation des Mélissènoi?

357

XII

Aspects de la relation entre espace liturgique et décor peint à Byzance

375

XIII

Le canon 82 du Concile Quinisexte et l’image de l'Agneau: à propos d'une église inédite de Cappadoce

399

XIV

Culte et iconographie de l’archange Michel dans l’Orient byzantin: le témoignage de quelques monuments de Cappadoce

413

XV

Note sur la représentation des archanges en costume impérial dans l’iconographie byzantine

447

XVI

Trois nouvelles représentations de la vision d’Eustathe en Cappadoce

462

XVII

Hagiographie cappadocienne: à propos de quelques images nouvelles de saint Hiéron et de saint Eustathe

471

XVIII

Contribution à l’étude de l’iconographie mésobyzantine des deux Syméon stylites

498

Épilogue

519

Index prosopographique

523

Index des sites et monuments de Cappadoce

526

Index iconographique

535

Remerciements

543

Avant-propos

S

OUS le titre Études cappadociennes sont ici regroupés dix-huit articles publiés ces vingt dernières années, portant sur la Cappadoce médiévale et, principalement, sur les peintures murales et leur iconographie. Deux contributions, cependant, ne concernent pas spécialement ce domaine. L’une — XV — est une tentative d’interprétation du costume impérial attribué aux archanges, qui vient en complément de l’article XIV, consacré au culte et à l’iconographie de l’archange Michel en Cappadoce. L’autre — XVIII — traite de l’iconographie mésobyzantine des deux Syméon stylites: l’importance des témoignages cappadociens pour le Xe siècle m’a paru justifier son insertion dans ce volume. Près de vingt années séparent la publication des articles I et II, deux essais de synthèse, qui reflètent assez bien l’évolution de mes centres d’intérêt. Le premier, consacré presque exclusivement à la peinture des IXe–XIe siècles, rend compte de l’état de nos connaissances en 1979. Dans le second, je tente, à travers une approche plus large du matériel archéologique médiéval, de faire le point sur l’avancée des études cappadociennes depuis Jerphanion, intégrant les découvertes récentes les plus marquantes, mais aussi les nouvelles directions de recherche et l’évolution des problématiques. Les sept chapitres suivants (III–IX) sont consacrés à l’étude de monuments inédits. En III on trouvera l’analyse succincte de trois sites et des peintures d’époques différentes qui y furent découvertes; malgré le caractère un peu général de cette publication et bien que deux des ensembles concernés — la vallée de Karacaören et Yüksekli — aient été ensuite étudiés de façon plus approfondie, j’ai retenu cette contribution pour l’église de Mazıköy: je n’ai pas eu en effet l’occasion d’en reprendre l’étude ailleurs, les peintures ayant été détruites peu après leur découverte. Le chapitre IV rend compte de manière plus systématique des vestiges archéologiques, antiques

ii

et médiévaux, que recèle la vallée de Kurt dere, près du village de Karacaören, aux environs d’Ürgüp; les inscriptions du VIIIe-IXe siècle relevées dans deux églises du site funéraire chrétien de cette vallée sont analysées par Georges Kiourtzian. Dans le chapitre V est présentée une petite chapelle inédite située dans le quartier de Karşıbecak, à Avcılar/Göreme (l’ancienne Matiane), dont l’intérêt principal réside dans un décor d’abside du début du XIe siècle consacré à l’exaltation de la Théotokos; ce monument avait retenu mon attention parce qu’à l’époque on insistait sur le caractère exceptionnel de l’image de la Vierge dans les absides des églises cappadociennes; d’autres découvertes ont depuis conduit à nuancer cette manière de voir et à réévaluer la place de la Théotokos dans l’iconographie absidale de Cappadoce. Les contributions VI à IX concernent toutes quatre des décors du XIIIe siècle, période que les monuments découverts (ou restaurés) ces dernières années ont permis de mieux connaître, révélant des aspects inédits de l’art chrétien en Anatolie turque, qui invitent à réviser le jugement sévère généralement porté sur l’art des communautés chrétiennes en terre seldjoukide. Malgré leur médiocre état de conservation, les peintures des églises de Yüksekli (VI), aux environs de Gulşehir, revêtent une importance particulière en raison de la qualité de leur style, de certaines particularités de l’iconographie et de quelques détails qui semblent trahir une influence occidentale; elles sont manifestement l’œuvre de peintres de talent venus d’un grand centre artistique. Les églises de Tatlarin (VII et VIII), dont l’étude a été menée en collaboration avec Nicole Lemaigre Demesnil, ont également contribué à renouveler nos connaissances sur le XIIIe siècle en Cappadoce. Dans la première (église A), un style provincial, sans parallèle jusqu’à présent dans la région, va de pair avec un répertoire hagiographique insolite, tandis que la seconde église (B), qui conserve une inscription datée de 1215, présente un intérêt iconographique particulier, moins par le décor de ses absides que par l’identification d’une très curieuse majesté “binitaire”. Nous avons aussi reconnu à Tatlarin la main de l’un des peintres qui décora quelques années plus tôt l’église de Karşı kilise à Gülşehir, à laquelle est consacré le chapitre IX. Dans ce cas, il ne s’agit pas à proprement parler d’une église inédite — elle est sommairement décrite par G. de Jerphanion — mais une restauration récente a restitué la quasi intégralité de son décor peint jadis masqué sous la suie, offrant une occasion rare d’analyser le fonctionnement des images dans l’espace cultuel. L’intérêt porté à l’interprétation du programme iconographique est également au centre des trois études suivantes (X–XII), où l’on s’attache à

AVANT-PROPOS

iii

déceler les relations tissées entre les images, l’architecture, la liturgie et les “usagers” des églises. En X, ce sont les programmes du Xe siècle et leurs variantes qui sont analysés, tandis que les chapitres XI et XII concernent deux monuments majeurs de Göreme, pour lesquels nous préférons toujours la datation au XIe siècle proposée par Jerphanion: Çarıklı et Karanlık kilise, deux des “églises à colonnes”. Pour la première, l’étude du programme iconographique complète une recherche menée sur les donateurs figurés dans l’église, que je propose, à titre d’hypothèse, d’identifier à des membres de la famille des Mélissènoi. La prise en compte de l’inscription des images dans l’espace et du jeu de correspondances entre les sujets représentés, l’architecture et le spectateur montrent la cohérence de ces deux ensembles, révélant de surcroît certains aspects de la fonction des églises, de leur fonctionnement liturgique, voire des intentions des commanditaires. Les six dernières contributions sont des études iconographiques portant non sur l’ensemble d’un décor, mais sur des points particuliers, dont l’intérêt dépasse souvent le cadre de la Cappadoce. Ainsi, la première (XIII), suscitée par la découverte d’un décor absidal comportant une représentation de l’Agneau, motif qui se retrouve dans d’autres églises cappadociennes des IXe–Xe siècles, suggère une nouvelle lecture du canon 82 du Concile Quinisexte. Dans l’article XIV sont étudiés le culte et l’iconographie de l’archange Michel en Orient, à partir de quelques témoignages cappadociens. La brève contribution sur le costume impérial attribué aux archanges dans l’iconographie byzantine (XV) a déjà été évoquée. Les deux articles suivants — XVI et XVII — sont dédiés à des images représentatives de l’hagiographie peinte dans les églises de Cappadoce. Dans le premier sont décrites trois nouvelles images de la vision d’Eustathe, tandis que le second fait le point, à la lumière des dernières découvertes, sur l’iconographie des saints Hiéron et Eustathe, deux figures qui occupent une place à part dans la piété cappadocienne. Une dernière contribution (XVIII), consacrée à l’iconographie mésobyzantine des deux Syméon stylites, mais fondée en grande partie sur la documentation cappadocienne, clôt cette partie hagiographique et l’ensemble du volume. Je tiens, pour finir, à exprimer ma gratitude à tous ceux — en particulier aux étudiants de Paris I — qui se sont relayés à mes côtés en Cappadoce et ont participé au travail de terrain: leur présence stimulante a contribué à l’intérêt de ces recherches, leur patience et leur aide les ont rendues moins pénibles. Je remercie surtout mes co-auteurs et amis, Nicole Lemaigre Demesnil et Georges Kiourtzian, pour leur collaboration et leur

iv

constante disponibilité: plusieurs de ces études n’auraient pas vu le jour sans eux. Enfin, je dois à Soo-Jeong Cho l’élaboration des index: qu’elle trouve ici l’expression de ma reconnaissance. Je dédie ce livre à ma famille et en particulier à Carlos, Noémi et Florence. Catherine Jolivet-Lévy

I

La peinture byzantine en Cappadoce de la fin de l’iconoclasme à la conquête turque

L

A documentation cappadocienne constitue, par son abondance et sa diversité, une source primordiale pour l’étude de la peinture byzantine des IXe–XIe siècles. C’est de cette période, en effet, que datent la plus grande partie des décorations cappadociennes; celles-ci, illustrant les différents aspects de la production artistique d’une province byzantine, témoignent de sa vitalité et de son activité religieuse pendant près de deux siècles. Il s’agit de peintures décorant des sanctuaires presque toujours rupestres — d’où leur conservation en grand nombre — situés en milieu rural: églises de villages ou de monastères d’importance variable et oratoires d’ermites. Ces monuments sont concentrés essentiellement en deux grandes zones géographiques: autour d’Ürgüp, au sud-ouest de Kayseri et, plus à l’ouest, près d’Aksaray, dans la région du Hasan Dağı1 (Fig. 1). L’interprétation du matériel archéologique cappadocien, qui pose les problèmes inhérents à tout art provincial, est rendue particulièrement malaisée du fait du petit nombre de monuments bien datés, de la rareté Les abréviations utilisées sont celles des publications de Dumbarton Oaks. 1 Pour la région d’Ürgüp, l’ouvrage de base demeure: G. de Jerphanion, Les églises rupestres de Cappadoce. Une nouvelle province de l’art byzantin, 2 vol. texte, 3 vol. pl., Paris 1925–1942 (cité plus loin: Jerphanion). Pour la région du Hasan Dağı: N. et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres de Cappadoce. Région du Hasan Dağı, Paris 1963 (cité plus loin: Thierry, Hasan Dağı). Voir aussi: M. Restle, Byzantine Wall-painting in Asia Minor, 3 vol., Greenwich, Conn. 1967 (plus loin: Restle) et du même: Kappadokien: RBK 3 (1978) col. 975–1115; trois articles de synthèse dus à Nicole Thierry: Églises rupestres de Cappadoce: CorsiRav 12 (1965), 579–602; Les peintures de Cappadoce de la fin de l’Iconoclasme à l’invasion turque: Revue de l’Université de Bruxelles oct. 1966–janv. 1967, 1–27; Les églises rupestres: Arts de Cappadoce, éd. L. Giovannini, Genève 1971, 129–171. La datation des peintures de

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des documents comparatifs conservés (du moins avant le XIe siècle) à Constantinople et dans les autres provinces byzantines, enfin de la perte presque totale des sources écrites concernant notre région au Moyen-Age. Rappelons que G. de Jerphanion voyait dans la peinture de la fin du e IX et de la première moitié du Xe siècle, qu’il qualifiait d’« archaïque », la continuation fidèle, mais non servile, de la tradition syro-palestinienne, et qu’il pensait que l’influence de l’art officiel de Constantinople ne s’était exercée en Cappadoce qu’à partir du milieu du Xe siècle, pour devenir prépondérante au XIe siècle. Aujourd’hui, malgré les tentatives de K. Weitzmann pour définir un art syro-palestinien distinctif, l’identification d’écoles régionales à l’époque paléochrétienne paraît une entreprise hasardeuse2; en outre, les peintures « archaïques » présentent, associés à d’évidentes survivances protobyzantines, bon nombre de traits de création récente et d’origine constantinopolitaine. Faut-il en conclure, comme M. Restle, que dès cette époque l’art de Cappadoce est largement tributaire de Constantinople? 3 Étant donné le caractère centralisé de l’Empire et la force de l’armature administrative liant les provinces à la capitale, il n’est guère surprenant que l’influence unificatrice de Constantinople soit sensible, en Cappadoce, dès le début du Xe siècle, mais notre connaissance de l’art de la capitale est trop lacunaire pour permettre de préciser le degré de dépendance de la province; les particularités de la peinture cappadocienne par rapport à la tradition officielle ne paraissent pas toutes dues au conservatisme et à la maladresse de peintres provinciaux s’efforçant d’imiter les modes de la capitale. Certains traits originaux sont le signe de l’individualité de la province, de son pouvoir créateur ou, du moins, de son attachement à d’autres traditions. Constitué sur un fond local ancien, enrichi au contact des chrétientés orientales de Syrie, de Terre Sainte, d’Égypte, de Transcaucasie, mais aussi du monde irano-arabe voisin, l’art byzantin a pris, en Cappadoce, une physionomie originale.

Cappadoce continue à susciter de vives controverses, dans lesquelles nous ne pouvons rentrer ici; nous avons généralement suivi les datations de G. de Jerphanion et N. Thierry. 2 Voir par exemple: E. Kitzinger, Byzantine Art in the Period between Justinian and Iconoclasm: CEB XI, München 1958, Berichte, 33–39 et K. Weitzmann, Loca Sancta and the Representational Arts of Palestine: DOP 28 (1974), 31–55. 3 À l’exception d’un petit groupe de décors qu’il qualifie de « primitifs »; voir en dernier lieu: Restle: RBK 3, 1107–1113.

LA PEINTURE BYZANTINE EN CAPPADOCE

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Nous tenterons de rendre compte de la variété de ses éléments constitutifs en envisageant successivement trois grandes périodes: la première nous conduira jusqu’au milieu du Xe siècle, la seconde jusqu’à la mort de Basile II (1025) et la dernière jusqu’à l’invasion de la Cappadoce par les Turcs Seldjoukides à la fin du XIe siècle. De la fin de l’iconoclasme au milieu du Xe siècle Les monuments attribués à cette première période constituent le groupe le plus nombreux des décorations conservées en Cappadoce4. Deux d’entre eux, situés dans la région d’Ürgüp, sont datés par une inscription dédicatoire du règne de Constantin VII Porphyrogénète, et, plus précisément, des années 913–920 (Saint-Jean de Güllü Dere et Tavşanlı kilise)5. On constate, par ailleurs, que dans cette région l’essentiel de la production artistique a été attribué à la première moitié du Xe siècle et quelque rares décorations seulement à la fin du IXe siècle6. Si le rétablissement du culte des images en 843 ne paraît pas avoir eu de répercussions immédiates sur l’activité religieuse et artistique de la province, il est difficile de savoir dans quelle mesure la reprise des fondations à la fin du IXe siècle est liée aux succès Elles sont évaluées par N. Thierry à 35% de l’ensemble. Il s’agit ici des peintures. « archaïques » de G. de Jerphanion; j’ai laissé volontairement de côté le petit groupe controversé de décorations pré-iconoclastes et iconoclastes pour N. Thierry (Les peintures murales de six églises du Haut Moyen Age en Cappadoce: CRAI 1970, 1971, 444–479), post-iconoclastes pour A. W. Epstein (The ‘Iconoclast’ Churches of Cappadocia: Iconoclasm, ed. A. Bryer et J. Herrin, Birmingham 1977, 103–111) et pour M. Restle (RBK 3, 1077–1082). 5 Saint-Jean de Güllü dere: N. et M. Thierry, Ayvalı kilise ou pigeonnier de Güllü dere: CahArch 15 (1965), 97–154. Tavşanlı kilise: Jerphanion, II, 78–97; l’intervalle 945–948 est aussi possible: R. Cormack, Byzantine Cappadocia. The Archaic Group of Wall-paintings: JBAA 30 (1967), 20–21; G. P. Schiemenz (BZ 59, 1966, 332) a proposé d’identifier le Constantin Porphyrogénète de l’inscription dédicatoire à Constantin VIII, seul empereur de 1025 à 1028. 6 M. Restle (RBK 3, 1090–1093), sur des critères stylistiques, propose souvent des datations plus tardives (deuxième moitié du Xe siècle). On pourrait attribuer à la fin du IXe siècle les peintures de Saint-Théodore (Jerphanion, II, 17–47), Derin dere kilisesi (G. P. Schiemenz, OCA 204, 1977, 147–180), Mavrucan 1 (N. Thierry, Monuments inédits des régions de Göreme et Mavrucan. Notion de centres ruraux et monastiques en Cappadoce rupestre, Thèse de 3e Cycle dactylographiée, Paris 1968, 141–147), et peut-être Kılıçlar kilise (Jerphanion, I, 199–242) et les peintures de l’abside et de la voûte du narthex des SaintsApôtres de Sinasos (Jerphanion, II, 59–77). 4

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militaires remportés par les armées byzantines contre les Arabes 7. Le grand nombre des établissements rupestres et la création de deux évêchés (Hagios Prokopios-Ürgüp et Sobèsos-Suveş-Şahinefendi 8) dans cette zone semblent indiquer l’existence d’une population active et nombreuse et un certain niveau de prospérité économique. La situation est un peu différente dans la région du Hasan Dağı, zone reculée, apparemment peu touchée par l’iconoclasme et par les incursions arabes. Là, dans la vallée de Peristrema, trois ensembles au moins (Yılanlı kilise, Kokar kilise, Pürenli seki kilisesi), sans doute antérieurs aux décors de la région d’Ürgüp, révèlent l’existence, aux IXe–Xe siècles, d’une petite colonie monastique encore très attachée aux traditions du monachisme oriental9. Dans l’analyse qui va suivre nous négligerons quelque peu ces décors marginaux, riches de particularités iconographiques et stylistiques, au profit des peintures plus nombreuses et plus représentatives de la région d’Ürgüp. Nous n’avons que peu de renseignements sur les promoteurs de ces décorations. D’une manière générale, ils semblent de condition modeste. Dans la plupart des cas c’était sans doute l’ensemble de la communauté monastique ou de la commune rurale qui contribuait à la fondation et au décor du sanctuaire. Quelques donateurs particuliers ont tenu à rappeler leur mémoire par une inscription ou un portrait; ce sont des moines, des prêtres 10, 7 Sur les attaques arabes et la reconquête byzantine: A. A. Vasiliev, Byzance et les Arabes. T. I, La dynastie d’Amorium (820–867) et II, 1, La dynastie macédonienne (867–959), Bruxelles 1935 et 1968. La multiplication des fondations à partir de la fin du IXe siècle implique de toutes façons un état de relative sécurité. 8 Cf. H. Gelzer, Ungedruckte und ungenügend veröffentlichte Texte der Notitiae Episcopatuum, Abh. Bayer. Akad. Wiss. I, Cl. 21/3, München 1901, 562–563: Taxis de Léon VI et du patriarche Nicolas. On peut cependant s’interroger sur la valeur de ce témoignage; la Notitia de Léon est le seul témoin d’une liste de quinze évêchés suffragants de Césarée, les autres listes ne comprenant pas Hagios-Prokopios et Sobèsos (cf. J. Darrouzès REB 37, 1979, 278). Les deux évêchés ne sont d’ailleurs plus mentionnés après 945. 9 Sur ces décors: Thierry, Hasan Dağı, 89–114 (Yılanlı kilise), 115–136 (Kokar kilise), 137–153 (Pürenli seki kilisesi); certaines parties d’Eğri taş kilisesi (ibid., 39–67) remonteraient à la même époque; voir aussi: J. Lafontaine-Dosogne, Nouvelles notes cappadociennes: Byz 33 (1963), 162–172. M. Restle attribue ces peintures au XIe siècle. 10 Un abbé Bathystrokos et des moines, Photios, Bardas, Zacharie (?) et Roustikos à Karabaş kilise (Jerphanion, II, 356–360), un moine Jean à Saint-Théodore (Jerphanion, II, 19–20), un moine Stéphane à Kubbeli kilise 2 (Jerphanion, II, 294), un prêtre Clément à Karae 1 (ou Hacı İsmail dere 2: M. Restle, Zwei Höhlenkirchen in Hacı İsmail dere bei Ayvalı: JÖB 22, 1973, 263), etc.

LA PEINTURE BYZANTINE EN CAPPADOCE

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mais aussi une proportion importante de laïcs 11 qu’aucun titre ne distingue, petits propriétaires fonciers ou soldats, preuve de l’étroite collaboration qui existait dans ce milieu rural entre laïcs et moines12. Églises et monastères pouvaient aussi bénéficier de donations de personnages plus fortunés, propriétaires fonciers ou fonctionnaires civils et militaires. Ainsi le donateur responsable de la rénovation du décor de Saint-Jean de Güllü dere devait-il être un important personnage, car l’inscription dédicatoire nous apprend qu’il fit aussi construire un monastère dédié à la Vierge et à tous les saints; son nom et son titre ont malheureusement disparu. Dans l’ensemble cependant, les petits donateurs paraissent la majorité. Abordons maintenant l’étude des peintures proprement dites et de leurs particularités, iconographiques d’abord, stylistiques ensuite. Les programmes iconographiques adoptés dans les églises de la région d’Ürgüp au début du Xe siècle sont d’une assez grande homogénéité, tant pour le décor de l’abside que pour celui de la nef, que nous étudierons successivement. Le thème qui domine dans les absides n’est pas la Théotokos, comme à Constantinople, mais une vision triomphale, plus ou moins développée, du Christ trônant entre les protomes des quatre animaux, symboles des évangélistes, dans une auréole circulaire qu’entourent des chérubins, des séraphins et les archanges Michel et Gabriel. D’autres éléments viennent souvent compléter la composition: roues de feu, bustes du soleil et de la lune, main de Dieu, anges et, plus rarement, la prétendue mer de cristal et les prophètes Isaïe et Ézéchiel recevant de la main d’un séraphin l’un le charbon ardent, l’autre le rouleau à avaler13 (Fig. 2). Cette image synthétique Andronic et Théopistè dans la chapelle de la Théotokos à Göreme (Jerphanion, I, 121–122), Yorgi et sa femme à Ballık kilise (Jerphanion, II, 259), une donatrice et son enfant à Kubbeli kilise 2 (Jerphanion, II, 295), etc. On peut citer également la dédicace d’un spatharocandidat et tourmarque, Christophore, à Eğri taş kilisesi (Thierry, Hasan Dağı, 42–44). 12 À Saint-Jean de Güllü dere, Kubbeli kilise 2, Karae 1, etc., voisinent les invocations de moines et de laïcs. Le même phénomène s’observe en milieu rural dans d’autres provinces (cf. A. Guillou, Art et religion dans l’Italie grecque médiévale: La Chiesa greca in Italia dall’VIII al XVI secolo, Padoue 1972, T. II, 756–758). On sait aussi, par la novelle no 29 de Basile II, qu’il n’était pas rare au Xe siècle que des paysans construisent de petits monastères sur leurs propriétés: I. et P. Zepos, Jus graeco-romanum, T. I, Athènes 1931 (cité plus loin: Zepos), 267–268. 13 Cf. Jerphanion, I, 67–71. Malgré l’absence de toute inscription, la mer de cristal a été identifiée aux Saints-Apôtres de Sinasos, à Saint-Théodore et Mavrucan 1 et peut être restituée 11

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qui combine en une composition d’allure triomphale des éléments tirés des visions prophétiques et apocalyptiques et d’autres, inspirés de textes liturgiques, s’inscrit dans une longue tradition pré-iconoclaste de décors absidaux, née sans doute dans les milieux monastiques d’Orient et attestée en Égypte (Baouit, Saqqara), en Asie Mineure (Latmos, Cappadoce), en Transcaucasie (Lembatavank, T’alin, Goş, Dodo) et à Thessalonique (Hosios David)14. À l’intérieur de cette tradition commune, chaque région a élaboré, par une synthèse originale des sources scripturaires et liturgiques, une formule iconographique qui lui est propre. La reprise de ce thème ancien en Cappadoce à la fin du IXe siècle correspond au succès des images de visions divines dans l’iconographie byzantine contemporaine, en relation avec la propagande orthodoxe en faveur des icônes; l’argument de la vision prophétique comme garantie de l’authenticité des images et de la légitimité de leur culte est un lieu commun de l’apologétique iconodoule15. Aréthas, le métropolite de Césarée, dans une lettre qui porte en sous-titre « Contre les Iconomaques » et où il rappelle les principaux arguments en faveur des images, insiste tout particulièrement sur l’évidence des visions d’Isaïe, d’Ézéchiel et de Daniel16. On peut aussi rapprocher le caractère à Goreme 4a et Güllü dere 1 (cf. N. Thierry, L’Apocalypse de Jean et l’iconographie byzantine: L’Apocalypse de Jean. Traditions exégètiques et iconographiques IIIe-XIIIe siècles, Genève 1979, 323); le motif — mer de feu plutôt que de cristal — pourrait représenter les eaux supérieures fixées entre le ciel visible et le ciel invisible de la vision théophanique, conformément à l’interprétation de la mer de cristal donnée par les commentateurs de l’Apocalypse, André et Aréthas de Césarée. Isaïe et Ézéchiel étaient figurés aux Saint-Apôtres de Sinasos, à Saint-Théodore, à Saint-Syméon de Zelve, Güllü dere 1, 3, 4 (Saint-Jean), Göreme 4a et Mavrucan 1. 14 A. Grabar, Martyrium. Recherches sur le culte des reliques et l’art chrétien antique, Paris 1946, T. II, 207–234 (cité plus loin: Grabar, Martyrium), C. Ihm, Die Programme der christlichen Apsismalerei vom vierten Jahrhundert bis zur Mitte des achten Jahrhunderts, Wiesbaden 1960, 42–51 (l’inventaire est incomplet pour la Transcaucasie et ignore les décors supposés pré-iconoclastes de Cappadoce). 15 On le trouve chez Jean Damascène, chez Théodore Stoudite, dans la lettre de Pascal 1er à Léon V, dans la Vie d’Euthyme de Sardes, le Synodikon de l’Orthodoxie, etc. Voir A. Grabar, L’iconoclasme byzantin. Dossier archéologique, Paris 1957 (plus loin: Grabar, Iconoclasme), 241 ss., J. Lafontaine-Dosogne, Théophanies-visions auxquelles participent les prophètes dans l’art byzantin après la restauration des images: Synthronon, Paris 1968, 135–143 et J. Gouillard, Le Synodikon de l’Orthodoxie. Édition et commentaire: TM 2 (1967), 172–174. 16 Arethae Scripta Minora, éd. L. G. Westerink, t. I, Leipzig 1968, 75–81; cf. B. Laourdas, Ὁ Ἀρέθας περὶ εἰκονοµαχίας : Theologia 25 (1954), 614–622; sur Aréthas: S. Kougeas, Aréthas de Césarée (en grec), Athènes 1913, H. G. Beck, Kirche und theologische Literatur im byzantinischen Reich, München 1959, 591–594 (cité plus loin: Beck, Literatur) et P. Lemerle, Le premier humanisme byzantin, Paris 1971, 205–241.

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hiératique et triomphal de la composition cappadocienne d’un thème abondamment développé dans la littérature religieuse contemporaine: celui de l’exaltation de la toute-puissance du souverain céleste 17. Enfin, le dénombrement caractéristique des catégories angéliques fait écho aux discussions théologiques portant sur la nature et la représentation des anges 18. Le thème ancien de la vision théophanique prenait ainsi une actualité nouvelle. On constate aussi que l’inspiration liturgique devient plus évidente: en effet, de façon beaucoup plus immédiate que les divers passages bibliques, ce sont les prières et les hymnes des offices qui semblent avoir inspiré les iconographes 19. Il est significatif, à cet égard, que les noms qui désignent dans nos peintures les chérubins et les séraphins, polyommata et hexapteryga, soient fréquents dans les textes liturgiques mais inconnus des Écritures, et que les quatre zodia soient nommés par les participes de l’ekphonèse introduisant l’hymne triomphale du Sanctus (ἄδοντα, βοῶντα, κεκραγόντα καὶ λέγοντα), conformément à une exégèse de la liturgie attestée dans un passage interpolé de l’Historia Ecclesiastica du patriarche Germain de Constantinople20.

En particulier par Nicéphore: PG 100, col. 616–617, 620, 645, 680, 681, 685, 700, 728–729, etc. Voir aussi Grabar, Iconoclasme, 225–226, 237. 18 Exemples: le Synodique de Jean de Jérusalem (PG 95, col. 328–329), l’homélie sur la Synaxe des armées célestes attribuée à Théodore Stoudite (PG 99, col. 729–748). Le problème de la représentation des anges a souvent été abordé dans les conciles, en particulier à Nicée, en 787 (Mansi XIII, 164–165, 180–181, 184). Les trônes, les séraphins et les chérubins constituent la première triade angélique de la Hiérarchie céleste du Pseudo-Denys l’Aréopagite auquel se réfèrent souvent les défenseurs des images. 19 Ces évocations du Seigneur tout-puissant, acclamé et loué par les forces angéliques, sont nombreuses et l’image n’illustre ni une prière particulière, ni un moment précis de l’office. L’un des passages les plus importants, au début de l’Anaphore (hymne du Sanctus ou Trisagion et prière qui le précède), ayant fourni aux iconographes un certain nombre de suggestions, on a pu parler de « théophanie du Trisagion » (F. van der Meer, Majestas Domini. Théophanies de l’Apocalypse dans l’art chrétien, Vatican 1938, 255–281); mais la composition a une valeur plus générale: pleinement intégrée au mystère liturgique, elle doit conduire le fidèle, par la contemplation, à une rencontre immédiate avec Dieu. 20 Sur les chérubins et les séraphins: O. Wulff, Cherubim, Throne und Seraphim. Ikonographie der ersten Engelhierarchie in der christlichen Kunst, Altenburg 1894 et D. I. Pallas, Eine Differenzierung unter den himmlischen Ordnungen (Ikonographische Analyse): BZ 64 (1971), 55–60. Sur les quatre animaux; voir G. de Jerphanion, Les noms des quatre animaux et le commentaire liturgique du Pseudo-Germain: La Voix des Monuments, Paris 1930, 251–256. 17

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Certains éléments de la théophanie cappadocienne, qui ne s’observent pas ailleurs, paraissent correspondre à une tradition locale. La représentation des prophètes Isaïe et Ézéchiel, la situation des quatre zodia autour du trône et non hors de la gloire, la “mer de cristal” sont propres à l’iconographie absidale cappadocienne. Ces deux derniers détails (place des protomes, mer) ont peut-être été inspirés par l’Apocalypse. Faut-il rappeler que c’est en Cappadoce qu’ont été rédigés deux des rares commentaires grecs de l’Apocalypse, celui d’André de Césarée, au VIe siècle, et celui d’Aréthas, contemporain de nos décorations ? 21 Bien que les lacunes de la documentation ne permettent aucune conclusion ferme, on peut donc supposer que le programme de nos absides a été élaboré en Cappadoce. La connaissance de l’art de la capitale que révèlent quelques détails iconographiques (la forme du trône du Christ22, le costume impérial des archanges, par exemple) et la comparaison avec certains décors de coupole (église de Stylianos Zaoutzès) et de voûte (tribune sud de SainteSophie), exécutés à Constantinople à la fin du IXe siècle 23, ne font que confirmer l’originalité de la formule cappadocienne. Celle-ci, loin d’être due à la méconnaissance de l’iconographie officielle, est le résultat d’un choix délibéré. Il ne suffit pas, pour l’expliquer, d’invoquer le type architectural différent des monuments cappadociens; certes l’absence presque générale de coupole dut favoriser le transfert du Christ dans la conque de l’abside et celui de la Théotokos sur la paroi absidale, sur le tympan oriental ou dans une abside latérale. Mais même quand il y avait

PG 106, col. 207–458 et 499–786; cf. Beck, Literatur, 418, 591–592. Sur ce type de trône, à dossier en forme de lyre: A. Cutler, Transfigurations. Studies in the Dynamics of Byzantine Iconography, Pennsylvania State Univ. 1975, 5–52. 23 Dans l’église de Stylianos Zaoutzès, connue par un sermon de Léon VI, le Pantocrator en buste était entouré d’anges, de polyommata et d’hexaptéryges: A. Frolow, Deux églises byzantines d’après des sermons peu connus de Léon VI le Sage: REB 3 (1945), 50–51. Programme comparable dans la coupole de l’église de la Transfiguration, à Koropi (Attique), fin Xe-début XIe s.: M. Panayotidi, Les monuments de Grèce depuis la fin de l’Iconoclasme jusqu’à l’an mille, Paris 1969 (thèse dactylographiée, citée plus loin: Panayotidi, Thèse), 131–140. À SainteSophie de Constantinople, on peut restituer le Christ en buste dans un cercle évoquant, comme les auréoles cappadociennes, l’irisation de l’arc en-ciel, et, dans les pendentifs, des chérubins sur des roues de feu et des séraphins: C. Mango, Materials for the Study of the Mosaics of St. Sophia at Istanbul, Washington 1962, 29–35. Voir aussi la mosaïque fragmentaire du diaconicon de l’église de Dereağzı (Lycie): J. Morganstern et R. E. Stone, The Church at Dereağzı: A preliminary Report on the Mosaics of the Diaconicon: DOP 23–24 (1969–1970), 383–393. 21 22

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une coupole centrale et dans un monument aussi influencé par l’art de la capitale que Kılıçlar kilise24, le Christ fut maintenu dans l’abside médiane de préférence à la Théotokos qui n’apparaît en Cappadoce que dans un très petit nombre de décorations25. Sans doute la composition majestueuse et redoutable du Christ en gloire à laquelle était confronté le fidèle pénétrant dans l’église était-elle beaucoup plus évocatrice que l’image plus symbolique de la Vierge. Elle agissait comme la révélation immédiate de la présence et de l’autorité du souverain céleste présidant aux cérémonies de la liturgie et sollicitait la contemplation du spectateur invité à se joindre aux forces angéliques pour glorifier Dieu. Par sa puissance d’évocation et par son contenu eschatologique implicite, elle répondait sans doute mieux à l’attente des moines, des paysans et des soldats de ce milieu rural. La documentation cappadocienne concernant le décor des sanctuaires est à d’autres titres intéressante. Elle témoigne en effet de l’apparition précoce de traditions iconographiques qui ne sont attestées que plus tardivement dans les monuments d’autres régions. À Kılıçlar kilise est ainsi conservé l’un des plus anciens exemples monumentaux de la Communion des Apôtres (abside nord) 26. Dans la même église, la représentation, sur les pilastres encadrant l’abside centrale, de la Vierge en prière et du Christ (ou de Jean-Baptiste) annonce l’évolution future du décor du templon 27. Dès le début du Xe siècle,

Jerphanion, I, 199–242, R. Cormack: JBAA 30 (1967), 33–35; j’ai retenu pour cette église la datation la plus couramment admise aujourd’hui: fin IXe ou début Xe s.; G. de Jerphanion l’attribuait à la fin du Xe s., de même: G. P. Schiemenz, Ein Neufund byzantinischer Wandmalerei in Güzelyurt: RQ 67 (1972), 160–173. 25 Voir: J. Lafontaine-Dosogne, L’église rupestre dite Eski Baca kilisesi et la place de la Vierge dans les absides cappadociennes: JÖB 21 (1972), 163–178. À l’époque « archaïque », elle occupe la conque de l’abside centrale d’El Nazar (Göreme 1), Göreme 6 et Kubbeli kilise 2 (Soğanlı); elle est reportée sur le registre inférieur à Eğri taş kilisesi, Pürenli seki kilisesi et Yılanlı kilise dans la région du Hasan Dağı, à Mavrucan 1 (Soğanlı), à Göreme 11 (Saint-Eustathe), SaintSyméon de Zelve, Haçlı kilise, et figurait certainement aussi à Güllü dere 3; on la trouve sur le tympan oriental à Güllü dere 1 et 4 et aux Saints-Apôtres de Sinasos, dans une abside secondaire à Kılıçlar kilise, Göreme 9 (chapelle de la Théotokos), Karlık et Ballık kilise (Soğanlı); elle était peinte dans les deux absidioles à Göreme 15a. 26 Jerphanion, I, 203, pl. 54,5. Autre exemple précoce, dans la décoration monumentale, à Naxos: M. Panayotidi, L’église rupestre de la Nativité dans l’île de Naxos. Ses peintures primitives: CahArch 23 (1974), 107–120. 27 Cf. M. Chatzidakis, L’évolution de l’icône aux XI e-XIIIe siècles et la transformation du templon: CEB XV, Athènes 1976 (1979), I, 331–366. 24

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apparaissent dans certaines absides les deux figures de la Déisis, Marie et Jean-Baptiste 28; elles avaient été dès l’époque paléochrétienne associées au décor du sanctuaire, mais la composition achevée de la Déisis ne s’impose dans la conque absidale qu’au XIe siècle29. Tout autant que le programme iconographique des absides, celui des nefs est révélateur de l’homogénéité des décorations cappadociennes. Il se caractérise essentiellement par un cycle de la vie du Christ, d’étendue variable, présenté sous la forme d’un récit continu, en registres superposés qui couvrent la voûte et parfois le haut des parois de la nef. Inspirés par les Évangiles et les Apocryphes, les plus détaillés d’entre eux comportent trois séquences d’importance à peu près égale: l’Enfance, la Vie publique et les Miracles, la Passion et la Résurrection. L’Ancienne église de Tokalı à Göreme, dont les peintures sont attribuées à l’atelier qui décora, entre 913 et 920, Saint-Jean de Güllü dere, présente, avec trente-deux scènes, le cycle Dans l’abside de la nef nord (funéraire) de Saint-Jean de Güllü dere, Marie et Jean viennent compléter une vision théophanique « archaïque »: Thierry: CahArch 15 (1965), 130–131; à Balkan deresi 4, une Déisis en buste paraît avoir orné la conque: G. P. Schiemenz: AA 85 (1970), 260, note 73 (sous l’appellation Balkan dere 3); même composition à Kubbeli kilise 1, dans l’absidiole nord: Jerphanion, II, 273–291; l’hypothèse, dans cette église, d’une restauration postérieure est reprise par G. P. Schiemenz: Ἐπ. Ἑτ. Βυζ. Σπ. 43 (1977–1978), 247, 250, la représentation d’une Déisis dans l’abside lui paraissant peu vraisemblable avant le XIe siècle. 29 Une Grande Déisis décorait sans doute le templon justinien de Sainte-Sophie à Constantinople: M. Chatzidakis, Ikonostas: RBK 3 (1973), 329–330 (avec bibliographie); Jean-Baptiste, toutefois, n’est pas explicitement nommé. On peut considérer comme une image préparatoire de la Déisis les visages de Marie et du Prodrome de part et d’autre de l’Agneau sur l’arc triomphal de Sainte-Catherine au Mont Sinaï (G.H. Forsyth et K. Weitzmann, The Monastery of Saint Catherine at Mount Sinai. The Church and Fortress of Justinian, Plates, Ann Arbor, s. d., 15). Autre témoignage précoce: l’Encomium des SS. Cyr et Jean par Sophronios de Damas (PG 87, col. 3557 D); le passage, peut-être interpolé, serait de toute façon peu postérieur aux premières années de l’iconoclasme: E. Kitzinger, The Cult of Images in the Age before Iconoclasm: DOP 8 (1954), 106 ss. Pour le Xe siècle, hors de Cappadoce, citons les exemples d’Aghtamar, 915–921 (N. Thierry, Les peintures de l’église de la Sainte-Croix d’Aghtamar, 915–921: II e Symposium International sur l’Art arménien, Erevan 1978, 11 p.), l’église principale d’Oudabno à David Garedja (S. Amiranašvili, Istorija gruzinskoj monumentalnoj živopisi, I, Tbilisi 1957, 41–47), l’iconostase sculptée de Sébaste, en Phrygie, fin Xe ou début XIe s. (N. Fıratlı, Découverte d’une église byzantine à Sébaste de Phrygie. Rapport préliminaire: CahArch 19, 1969, 163 et fig. 18); les arts mineurs (ivoires) montrent aussi la popularité du thème de la Déisis au Xe siècle. Sur la Déisis, voir en dernier lieu: C. Walter, Bulletin on the Deësis and the Paraclesis: REB 38 (1980), 261–269 (mise au point sur la bibliographie récente). 28

1. Carte des principaux sites.

2. Saint-Théodore (Pancarlık kilise), près d’Ürgüp: abside.

3. Göreme, Tokalı kilise 1: voûte de la nef (côté sud).

4. Tokalı kilise 1: Descente de croix et Mise au tombeau du Christ.

5. Göreme, Kılıçlar kilise: Visitation et Epreuve de l’eau.

6. Saint-Jean de Güllü dere: le prophète Joël. 7. Saint-Théodore (Pancarlık kilise): les Noces de Cana.

8. Tokalı kilise 2: la Vierge de tendresse. 9. Tokalı kilise 2: la Pentecôte (détail).

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le plus développé30 (Fig. 3). Quand les proportions plus modestes de l’édifice contraignent à abréger le récit, on réduit la séquence intermédiaire (Vie publique) pour mettre l’accent sur les épisodes de l’Enfance et de la PassionRésurrection, qui rappelaient les dogmes fondamentaux de l’Incarnation et de la Rédemption. Dans la chapelle de la Théotokos à Göreme, par exemple, n’a été conservée, entre l’Enfance et la Passion, que la scène du Baptême31. Dans les cycles les plus abrégés, c’est le récit de l’Enfance, détaillé surtout d’après le Protévangile de Jacques le Mineur, qui a la faveur des artistes, et il arrive même, dans la chapelle Saint-Eustathe de Göreme, qu’il soit seul illustré32. Quelle est l’origine de ce type de décoration? Bien que la tradition attribue à Constantin, sinon à l’époque apostolique, l’usage de représenter la vie du Christ dans les églises, celui-ci ne doit pas être antérieur à la fin du IVe ou au début du Ve siècle 33. Né peut-être en Palestine, il s’est répandu à l’époque paléochrétienne dans l’ensemble du monde chrétien. Les témoignages littéraires et archéologiques nous montrent sa diffusion en Palestine, en Égypte, en Thrace, en Italie et peut-être jusqu’en Arménie34. Par l’importance donnée aux épisodes de l’Enfance, certaines de ces décorations 30 Trente scènes dans la voûte auxquelles s’ajoutent l’Ascension sur le tympan oriental et la Transfiguration sur le tympan occidental: Jerphanion, I, 262–294, Restle, II, fig. 61–97, R. Cormack: JBAA 30 (1967), 22–33. 31 Jerphanion, I, 121–137, Restle, II, fig. 124–133. Voir aussi Tavşanlı kilise (Baptême entre les cycles de l’Enfance et de la Passion, Transfiguration sur le tympan oriental): Jerphanion, II, 78–99, Restle, III, fig. 388–402. Sur les cycles christologiques cappadociens: N. Thierry: Annuaire de l’EPHE – V e Section 85 (1976–1977), 361–364. 32 Jerphanion, I, 147–160, Restle, II, 134–154. 33 Pour l’origine apostolique, voir par exemple: la Vie de saint Pancrace de Taormine (C. Mango, The Art of the Byzantine Empire 313–1453, Englewoods Cliffs, NJ 1972, 137–138), la lettre des patriarches orientaux à Théophile (ibid., 176–177), Epiphanios Monachos (J. Reil, Die altchristlichen Bildzyklen des Lebens Jesu, Leipzig 1910, 58). Pour l’origine constantinienne: J. Reil, ibid., 43–44 (Nicéphore, lettre des patriarches orientaux, concile de Nicée II). 34 Témoignages littéraires: outre les références données note 33, voir la lettre de Nil à Olympiodore (PG 79, col. 577–580), l’Antirrheticus II de Théodore Stoudite (PG 99, col. 388), la description de Saint-Serge de Gaza par Choricius (R. Foerster et E. Richsteig éd., Choricii Gazi opera, Leipzig 1929, 7 ss., F. M. Abel: Revue Biblique 40, 1931, 17–23), le traité arménien de Vrt’anès K’ert’ogh, VIe siècle (S. Der Nersessian, Une apologie des images du septième siècle: Byz 17, 1944–1945, 58 ss.). Témoignages archéologiques: en Égypte, Deir Abou Hennis (Grabar, Martyrium, II, 241), Baouit 30 et 51 (J. Clédat: CRAI 1904, 519–520, 524–525); en Thrace, Peruštica (A. Frolow, L’église rouge de Peruštica, Bulgarie: The Bulletin of the Byzantine Institute I, 1946, 31 ss.); à Rome, Sainte-Marie Majeure, Sainte-Marie Antique, l’oratoire de Jean VII au Vieux Saint-Pierre; à Ravenne, Saint-Apollinaire le Neuf; le cycle de

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pré-iconoclastes rappellent celles de Cappadoce35, mais, dans l’ensemble, la constitution des cycles et leur emplacement dans l’église sont différents et n’obéissent à aucune règle fixe. Le décor le plus comparable, par son développement narratif (vingt-quatre scènes au moins) et sa division en trois parties (Enfance, Miracles, Passion), reste celui de Saint-Serge de Gaza, connu par la description de Choricius; le choix des sujets y est pourtant différent, les sources apocryphes étant peu utilisées et l’accent mis surtout sur les Miracles. Quant aux cycles cappadociens qui ont été attribués à l’époque pré-iconoclaste, ils sont généralement plus brefs et de caractère dogmatique plus que narratif 36. On ne saurait donc interpréter les programmes cappadociens des IXe–Xe siècles comme la simple survivance d’une tradition archaïque. Comme pour l’iconographie absidale, il s’agit plutôt d’un retour conscient à un type de décor ancien, reflétant des préoccupations contemporaines. Malgré leur inégal développement, les cycles cappadociens montrent, dans leur composition comme dans leur présentation, une homogénéité qui contraste avec la variété de l’époque paléochrétienne; il faut sans doute l’attribuer à l’effort de codification et d’uniformisation de l’iconographie religieuse propre à l’époque de la dynastie macédonienne. D’autre part, la représentation détaillée, dans les églises, de la vie du Christ, montrant de façon explicite la réalité de l’Incarnation, nous rappelle un thème très fréquent dans la littérature en faveur des images: celui de la mission parallèle de la catéchèse écrite ou orale et de l’imagerie chrétienne 37. C’est aussi dans le contexte de la propagande iconodoule qu’il faut, semble-t-il, interpréter l’importance accordée à certains sujets (l’Ascension, la Transfiguration), considérés comme des théophanies Castelseprio peut être attribué à l’époque carolingienne (sur sa datation, cf. E. Kitzinger: CEB XI, München 1958, Berichte, 9, note 28). 35 Deir Abou Hennis, Baouit 51, Peruštica, Sainte-Marie Majeure, par exemple; de même, plus tard, Castelseprio. 36 Saint-Jean-Baptiste de Çavuşin (N. Thierry, La basilique Saint-Jean-Baptiste de Çavuşin, Cappadoce: BAntFr 1972, 198–213), Mavrucan 3 (N. Thierry, Art byzantin du Haut Moyen Age en Cappadoce: l’église no 3 de Mavrucan: JSav 1972, 233–269), Açikel ağa kilisesi (N. Thierry, Un décor préiconoclaste de Cappadoce: Açikel ağa kilisesi (église de l’Ağa à la main ouverte): CahArch 18, 1968, 33–69), Ağaç altı kilise (Thierry, Hasan Dağı, 73–87). À Eğri taş kilisesi, le récit était plus détaillé et l’accent mis surtout sur l’Enfance du Christ (ibid., 39–67). Sur le caractère dogmatique des cycles pré-iconoclastes: Grabar, Martyrium, II, 236–242. 37 Thème qui n’était pas nouveau (voir par exemple Grégoire de Nysse: PG 46, col. 739 A); cf. Mansi XII, 966–967, XIII, 20 d, 96 A-C, 269–70, 360–361, 482, Jean Damascène (PG 94, col. 1240, 1268, 1401 A-B), Jean de Jérusalem (PG 95, col. 313 D, 316 A, 325

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dogmatiques. Loin d’être propre à la Cappadoce, ce phénomène est caractéristique de l’iconographie post-iconoclaste en général38. En revanche, les cycles narratifs détaillés ne sont pas attestés dans les églises contemporaines d’autres régions. À Constantinople, les églises des Saints-Apôtres, de la Théotokos de la Source, de Stylianos Zaoutzès ne comportaient qu’un petit nombre de scènes, choisies pour leur valeur dogmatique et leur signification liturgique39. Ce programme iconographique, élaboré dans la capitale, avait été conçu pour les églises en croix grecque inscrite et pour les décorations en mosaïque. En Cappadoce, le type architectural dominant (l’église à une nef ) et la technique employée (la peinture) favorisèrent l’adoption d’un autre système décoratif. Moins concis, plus didactique, celui-ci convenait sans doute mieux aux besoins et à la sensibilité religieuse des fidèles cappadociens: dans ce milieu rural et monastique, le goût du récit narratif et vivant s’ajoute aux préoccupations de démonstration religieuse40. La peinture retraçait les principales étapes de l’œuvre du salut, que renouvelait sacramentellement chaque liturgie célébrée dans l’église41. En détaillant surtout les épisodes de l’Enfance, de la Passion et de la Résurrection du Christ, elle mettait l’accent sur les deux dogmes essentiels: Incarnation et Rédemption. L’Ancien Testament était évoqué par les figures en buste des prophètes, souvent placées au sommet de la voûte de la nef, tandis qu’au bas des parois saints et saintes alignés rappelaient l’édification de l’Église terrestre. Si ce programme D), Nicéphore (PG 100, col. 357, 380–384), Théodore Stoudite (PG 99, col. 1612 C), le Synodikon de l’Orthodoxie (J. Gouillard: TM 2, 1967, 46, 54, 169), etc. 38 Grabar, Iconoclasme, 241 ss., R. Cormack: JBAA 30 (1967), 25–26. 39 Saint-Apôtres: E. Legrand et T. Reinach, Description des œuvres d’art et de l’église des Saints-Apôtres de Constantinople. Poème en vers iambiques par Constantin le Rhodien: REG 9 (1896), 27–34, 67–69; Théotokos de la Source: P. Waltz éd., Anthologie grecque. Première partie. Anthologie Palatine, I, Paris 1928, 42–44, épigrammes 109–114; église de Zaoutzès: cf. note 23. Sur le programme décoratif dit « classique »: O. Demus, Byzantine Mosaic Decoration, Londres 1948. 40 Sur l’utilité des images pour l’édification des fidèles: Nil (PG 79, col. 577), Hypatios d’Éphèse (S. Gero, in: Christianity, Judaism and other Greco-roman Cults, Studies for Morton Smith, Leiden 1975, 208–216), Grégoire le Grand (PL 77, 1027–1028, 1128–1130), Jean Damascène (PG 94, col. 1248 C), un texte du IXe siècle (J. Gouillard: TM 3, 1968, 298–301). Pour les Pères de Nicée II, les images sont utiles pour tous, et non seulement pour les illettrés; de même: Mansi XVI, 400 C, Théodore Stoudite (PG 99, col. 1537 A-D), etc. 41 Voir les commentaires de la liturgie: la Mystagogie de Maxime le Confesseur (R. Bornert, Les Commentaires byzantins de la Divine Liturgie, Paris 1966, 121–123), l’Historia Ecclesiastica (ibid., 172–173) ou la Prothéoria de Nicolas d’Andida (ibid., 187–198, 202–204), par ex.

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iconographique a pu être appliqué dans d’autres provinces de l’Empire, force est de constater que l’on n’en conserve guère d’exemples42; s’agit-il alors d’une spécificité cappadocienne? le caractère par trop fragmentaire de la documentation ne permet pas non plus de l’affirmer. L’analyse des différents thèmes révèle toute la complexité de l’iconographie « archaïque » qui associe à des survivances du passé des éléments inspirés par l’art constantinopolitain contemporain. Certaines des particularités anciennes rappellent des traditions « orientales », syriennes, coptes, voire arméniennes, étrangères en tout cas à Constantinople. Citons, à titre d’exemples, la présence de Thaddée parmi les Apôtres, les lieux d’évangélisation attribués aux disciples à Saint-Jean de Güllü dere et Kokar kilise (Gabadonie à Thaddée ou Barthélémy, Cynocéphalie à André), la représentation insolite des vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse à Yılanlı kilise, celle des trois visions du Christ par les rois mages à Eğri taş kilisesi ou encore le démon Séléphouzé tentant le Christ lors de la Cène (Yılanlı et Kokar kilise) 43. D’autres « archaïsmes » relèvent en revanche d’une tradition paléochrétienne largement répandue; ils se manifestent dans l’iconographie de plusieurs scènes: Annonciation, Visitation, Nativité, Entrée à Jérusalem, etc.44 À Saint-Jean de Güllü dere, l’image symbolique de l’Agneau, proscrite depuis le concile de 692, est un autre indice de la vitalité de certains usages anciens. Il faut enfin mentionner des particularités qui semblent propres à la Cappadoce, comme l’utilisation des mots du Carré magique (Sator, 42 On trouve, par exemple, un cycle développé à Aghtamar (supra, note 29) mais il n’est pas présenté sous la forme de frises continues. Ce n’est qu’à partir du XIIe siècle que la résurgence des plans basilicaux, associée à l’utilisation de la technique de la peinture, favorise le développement narratif des cycles. 43 Thaddée, généralement omis du collège des Douze dès le V Ie siècle, est représenté à Güllü dere 3 et 4, à Ballık et Kokar kilise; sur les Actes de Thaddée et leur diffusion dans les milieux orientaux: N. Thierry et A. Tenenbaum, Le Cénacle apostolique à Kokar kilise et à Ayvalı kilise: ]Sav 1963, 232–233; sur les vieillards de l’Apocalypse, vêtus en prêtres syriens et désignés du nom d’anges protecteurs: Thierry, Hasan Dağı, 94–98; sur les visions des mages: ibid., 50–54; sur le démon Séléphouzé: ibid., 104, 123. On voit que c’est surtout dans la région d’İhlara que survivent d’anciennes traditions orientales. 44 Sur l’iconographie de l’Annonciation en Cappadoce: G. P. Schiemenz, Eine unbekannte Felsenkirche in Göreme: BZ 59 (1966), 314–321; la place respective des deux figures (Marie le plus souvent à gauche) et la vive allure du messager sont conformes à l’iconographie primitive de la scène. La Visitation avec la présence d’une petite servante et, parfois, le geste d’Élisabeth touchant le ventre de la Vierge, dérive également d’anciens prototypes. De même plusieurs traits de la Nativité (place et attitude de Marie et de Joseph, berger musicien, etc.) ou de l’Entrée à Jérusalem (l’âne levant la tête, les Hébreux représentés jeunes et imberbes).

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Arepo, Tenet, Opera, Rotas) pour nommer les bergers de la Nativité, tradition attestée aussi bien dans la région d’Ürgüp que dans celle du Hasan Dağı, où elle paraît même avoir été plus vivace 45. Combinés à ces traits archaïques apparaissent plusieurs éléments de création récente et d’origine vraisemblablement constantinopolitaine. L’iconographie de la Crucifixion est significative: la présence des deux larrons, du porte-lance et du porte-éponge, la position rigide du Christ, le soleil et la lune sont autant de détails habituels à l’époque paléochrétienne, mais la figuration du crucifié mort (les yeux clos) et nu (à l’exception du seul perizonium) est conforme au nouveau type adopté à Constantinople, dans la seconde moitié du IXe siècle, en réfutation des théories iconoclastes46. L’hésitation du peintre du codex Paris. gr. 510 de la Bibliothèque Nationale (879–883), qui, après avoir esquissé un Christ nu, a finalement préféré l’image traditionnelle du crucifié encore vivant et vêtu du colobium, semble montrer que la nouvelle formule était encore controversée47. Pourtant, dès le début du Xe siècle, elle est presque toujours suivie par les peintres de Cappadoce48.

45 Jerphanion, I, 67–68, II, 442, Thierry, Hasan Dağı, 120–122, 145. L’utilisation des mots du Carré magique comme noms propres est attestée de longue date en Égypte, où la formule avait une valeur apotropaïque et magique, mais l’attribution aux bergers de la Nativité n’apparaît guère hors de Cappadoce. 46 Cf. J.R. Martin, The Dead Christ on the Cross in Byzantine Art: Late Classical and Mediaeval Studies in Honor of Albert Mathias Friend, Princeton 1955, 189–196; même type conçu dès le VIIIe siècle en réfutation, semble-t-il, des théories monophysites: H. Belting et C. Ihm-Belting, Das Kreuzbild im ‘Hodegos’ des Anastasios Sinaites. Ein Beitrag zur Frage nach der ältesten Darstellung des toten Crucifixus: Tortulae. Studien zu altchristlichen und byzantinischen Monumenten, Rome-Freiburg 1966, 30–39. 47 Fol. 30v°: H. Omont, Miniatures des plus anciens manuscrits grecs de la Bibliothèque Nationale, Paris 1929 (plus loin: Omont), pl. XXI. Au IXe siècle, le Christ est représenté tantôt en perizonium, tantôt en colobium; on trouve les deux variantes dans le psautier Chludov: M. V. Ščepkina, Miniatures du psautier Chludov (en russe), Moscou 1977, fol. 67 et 72 vo. 48 Voir, par exemple, Restle, II, fig. 18, 53, 92, 128, 258, III, fig. 385, 398. La médiocre conservation des peintures ne permet pas toujours de savoir si les yeux du Christ étaient clos. Le colobium est maintenu à Kokar kilise (Restle, III, fig. 476) et Pürenli seki kilisesi (ibid., fig. 485). La forme de la croix, à bras potencés ou barrés, paraît propre à la peinture cappadocienne de cette époque; sur ce type que l’on retrouve plus tard en Arménie et en Italie: M. Restle, Zwei Höhlenkirchen im Hacı İsmail dere bei Ayvalı: JÖB 22 (1973), 273.

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Les cycles cappadociens conservent les plus anciens exemples dans la décoration monumentale de la Descente de croix et de la Mise au tombeau, scènes qui n’apparaissent dans l’art qu’après l’iconoclasme49. Le peintre de Tokalı kilise s’est même montré particulièrement audacieux dans le traitement du premier thème (Fig. 4). Il n’a pas hésité à rendre l’effet de la mort par la chute du corps et à donner à Marie une participation active à l’action. Dans la miniature du Paris. gr. 510, il est vrai quelque peu antérieure, mais produit de l’art de cour, le corps du Christ restait rigide et Marie immobile50. Ces quelques exemples suffisent à montrer que les innovations iconographiques se sont répercutées de bonne heure en Cappadoce, et non avec le long retard que l’on suppose souvent aux œuvres provinciales. La coexistence d’éléments traditionnels et novateurs dans l’iconographie de cette époque n’est propre ni à l’art de la Cappadoce, ni même à l’art provincial. Elle caractérise aussi les œuvres constantinopolitaines des IXe–Xe siècles, période de transition où les schémas pré-iconoclastes sont repris, plus ou moins retouchés et combinés à des formules nouvelles. En Cappadoce, la part respective des traits anciens et nouveaux, locaux et étrangers 51, peut varier légèrement d’un monument à l’autre, en fonction de la formation des peintres, voire dans certains cas, des desiderata des commanditaires; mais on trouve aussi de multiples variantes de détail qui ne s’expliquent que par la relative liberté des artistes à l’égard de leurs modèles. Si les cycles christologiques détaillés constituent la caractéristique la plus constante des programmes du début du Xe siècle, on trouve aussi quelques rares récits hagiographiques qui expriment la dévotion des donateurs pour certains saints. La vie de Syméon stylite est ainsi illustrée dans une chapelle

Elles restent rares dans la décoration monumentale avant le XIIe siècle; au XIe siècle: Néa Moni de Chios, Sainte-Sophie de Kiev (?), crypte de Saint-Luc en Phocide; sur ces thèmes: G. Millet, Recherches sur l’iconographie de l’Évangile au XIV e, XV e et XVI e s. d’après les monuments de Mistra, de la Macédoine et du Mont-Athos, Paris, 2e éd. 1960, 461–498, K. Weitzmann, The Origin of the Threnos: Essays in Honor of E. Panofsky, New York 1961, 476–490. 50 Fol. 30v°: Omont, pl. XXI; voir aussi le tétraévangile de Florence Laur. Conv. sopp. 160 (Millet, Recherches, fig. 495). On voit une phase plus avancée de l’action dans les ivoires de Hanovre et de Dumbarton Oaks (K. Weitzmann, Catalogue of the Byzantine and Early Mediaeval Antiquities in the Dumbarton Oaks Collection, T. III, Washington 1972, 65–69). 51 Certains semblent inspirés par l’art arabe contemporain (robes à fente médiane, Christ assis en tailleur, « à l’orientale », à Yılanlı kilise, par ex.). 49

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de Zelve, tandis qu’à Balkan deresi 4 sont figurés quelques scènes de la vie de saint Basile et les martyres de Pierre et Paul. Un cycle assez détaillé des Actes des Apôtres est également peint à Kubbeli kilise 1, dans le vallon de Soğanlı. La dédicace de la chapelle 9 de Göreme à la Théotokos et à saint Georges explique l’importance donnée à la représentation de la Vierge au temple et la présence de deux scènes illustrant la Passion du mégalomartyr 52. Ceci nous amène à faire quelques remarques sur le répertoire hagiographique cappadocien. Il s’avère, dans l’ensemble, peu spécifique. On note cependant la rareté (avant le XIe siècle) de saints très populaires à Byzance, tels Serge et Bacchus ou saint Démétrius 53, et la fréquence d’autres figures, peu vénérées hors de Cappadoce. Saint Eustathe en est un exemple: son culte dut jouir dans la région d’une popularité certaine, dont témoigne la vogue qu’y connut, dès le Haut Moyen-Age, l’épisode de sa vision 54. Mais en général les saints locaux sont peu représentés; on ne connaît que quelques images de Mercure et Mamas, martyrisés à Césarée, et de Hiéron, saint originaire de Matiane, l’actuel Avcılar. Oreste, le martyr de Tyane fêté le 10 novembre, est plus fréquent, encore qu’il soit souvent difficile de le distinguer de son homonyme arménien du 13 décembre 55. Athénogène, évêque de Sébaste, mérite une mention spéciale, car il n’apparaît pas dans les absides des églises d’autres régions; son culte en Cappadoce peut être mis en relation avec l’existence de ses reliques (attestée au Ve siècle) à Césarée 56. La représentation d’ascètes et de moines célèbres (Syméon stylite, Zosime

52 Saint-Syméon de Zelve: Jerphanion, I, 552–569; Balkan deresi 4: Jerphanion, II, 50–56 et, sur les scènes de la vie de Basile: C. Walter, Biographical scenes of the Three Hierarchs: REB 36 (1978), 245–247; Kubbeli kilise 1: Jerphanion, II, 273–291, Restle, III, fig. 444–455; Göreme 9: Jerphanion, I, 121–137, Restle, II, fig. 124–133. Signalons aussi la représentation du martyre d’Oreste à Ballık kilise (Jerphanion, II, 256) et l’histoire de Marie l’Égyptienne à Yılanlı kilise (Thierry, Hasan Dağı, 91–93). 53 Serge et Bacchus sont toutefois représentés à Kılıçlar kilise, Démétrius à Yılanlı kilise et Saint-Jean de Güllü dere. 54 Cf. N. Thierry, Un problème de continuité ou de rupture. La Cappadoce entre Rome, Byzance et les Arabes: CRAI 1977, 122–127. 55 Mercure: El Nazar et Göreme 9; Mamas: El Nazar et Göreme 6; Cartère, autre martyr de Césarée, est figuré à Saint-Jean de Güllü dere; Hiéron: Saint-Jean de Güllü dere et Tokalı kilise; Oreste: Göreme 3, 9, 15a, 29 (Kılıçlar kilise), Saint-Jean de Güllü dere, etc., cf. G. P. Schiemenz: RQ 71 (1976), 147, note 26. 56 Athénogène est représenté à Göreme 3, 9, 11 et, dans la région d’İhlara, à Yılanlı et Ballı kilise. Pour ses reliques à Césarée: Zénob de Glag, Histoire de Daron: V. Langlois, Collection des historiens anciens et modernes de l’Arménie, Paris 1867, t. I, 344.

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et Marie l’Égyptienne, Antoine, Pacôme, Macaire, Arsène) témoigne de l’attachement des moines aux grandes figures du monachisme oriental57. Mais ces images sont en minorité par rapport à celles des saints militaires. Ceux-ci sont pour la plupart des saints vénérés dans l’ensemble de l’Empire: Georges, Théodore, Procope, par exemple. Le culte des Quarante Martyrs de Sébaste, très populaire à Constantinople et dans l’armée, connut en Cappadoce une diffusion importante, vraisemblablement d’origine ancienne; certaines de leurs reliques, en effet, se trouvaient dans la région au IVe siècle et la mère de saint Basile avait fait édifier un sanctuaire en leur honneur près de Césarée 58. La priorité donnée aux effigies de saints guerriers, investies sans doute d’un pouvoir protecteur, reflète l’importance de l’élément militaire dans la société byzantine contemporaine, et particulièrement en Cappadoce. Nous terminerons cette partie par quelques remarques d’ordre stylistique. Bien que peu homogènes et d’inégale qualité, les peintures de cette période ont pu être classées en deux grandes séries autour des deux monuments datés de 913–920: Saint-Jean de Güllü dere et Tavşanlı kilise 59. Le premier groupe se rattache à un courant stylistique élaboré dans la capitale au début de la Renaissance macédonienne et attesté dans les miniatures comme dans les rares décorations monumentales conservées 60. La schématisation plus ou moins poussée des peintures cappadociennes ne reflète pas nécessairement une évolution stylistique interne: elle ne peut donc être utilisée qu’avec beaucoup de prudence comme critère chronologique. Certains ensembles sont d’une qualité indéniable. C’est le cas de Kılıçlar kilise, dont les peintures se distinguent par la beauté du trait et la justesse de l’effet plastique (Fig. 5). Les attitudes des personnages sont assez élégantes, les vêtements antiquisants 57 À Saint-Eustathe (Göreme 11): Arsène, Syméon et Zosime; à Saint-Jean de Güllü dere: Antoine, Pacôme, Macaire (?), Arsène; à Saint-Syméon de Zelve et Kubbeli kilise 2: Syméon stylite; à Ballık kilise: Zosime; à Kubbeli kilise 1: Syméon et Zosime; à Kubbeli kilise 3: Alypios stylite, Arsène; à Yılanlı kilise: Zosime et Marie l’Égyptienne. 58 Cf. O. Demus, Two Palaeologan Mosaic Icons in the Dumbarton Oaks Collection: DOP 14 (1960), 97–107. On trouve les Quarante martyrs de Sébaste à Saint-Théodore, Göreme 3, Saint-Jean de Güllü dere, Kubbeli kilise 1, Yılanlı kilise, Pürenlı seki kilisesi, etc. 59 R. Cormack: JBAA 30 (1967), 22 ss.. N. Thierry, in: Arts de Cappadoce, 151–152. 60 Miniatures: Vatic. gr. 699, Paris. gr. 510, Marc. gr. 538 (daté de 905), par ex. Décorations monumentales: mosaïques de la Dormition de Nicée, de la coupole de SainteSophie à Thessalonique, de Sainte-Sophie de Constantinople, fresques de Saint-Georges à Thessalonique. Ce courant stylistique pénétra rapidement dans les provinces et y connut

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drapés avec une certaine souplesse et les visages, bien dessinés, modelés avec simplicité mais vigueur. Les rapprochements sont possibles avec certaines miniatures constantinopolitaines de la fin du IXe et du début du Xe siècle: Cosmas du Vatican (gr. 699), Homélies de Grégoire de Nazianze de Paris (gr. 510) ou Job de Venise daté de 905 (Marc. gr. 538)61. Les élégantes peintures de Haçlı kilise offrent l’exemple d’un art un peu précieux, classicisant mais d’une stylisation plus avancée 62; à la même tendance, on a rattaché les décors des chapelles 6 et 15a de Göreme63. À Saint-Jean de Güllü dere (Fig. 6), dans l’ancienne église de Tokalı et aux Saints-Apôtres de Sinasos, œuvres d’un même atelier, la schématisation linéaire poussée et très stéréotypée des formes et des drapés n’est pas sans rappeler, en moins savant, celle des mosaïques de la coupole de Sainte-Sophie à Thessalonique (vers 885) 64. Ailleurs, dans la chapelle de la Théotokos (Göreme 9) ou à El Nazar, la stylisation devient plus systématique encore 65. Tous ces décors témoignent de la diffusion rapide en Cappadoce d’un courant stylistique apparu à Constantinople dans la seconde moitié du IXe siècle et vite imité dans les provinces; quelques fresques conservées en Grèce, à Castoria, dans le Magne,

une vogue durable: les peintures de 959 à Carpignano, près d’Otrante, quoique d’une schématisation linéaire poussée, ont pu lui être rattachées; cf. H. Belting, Studien zur beneventanischen Malerei, Wiesbaden 1968, 243–245 et, du même: Byzantine Art among Greeks and Latins in Southern Italy: DOP 28 (1974), 8–14. 61 Pour d’autres comparaisons avec des miniatures: M. Restle: RBK 3, col. 1082; on peut aussi rapprocher les visages des Apôtres dans la Pentecôte ou l’Ascension de ceux de la coupole de Sainte-Sophie à Thessalonique. 62 Cf. N. Thierry, Haçlı kilise, l’église à la croix en Cappadoce: JSav 1964, 241–254. 63 Göreme 6: Jerphanion, I, 95–112, Restle, II, fig. 53–56; Göreme 15a: G. P. Schiemenz, Verschollene Malereien in Göreme: die archaische Kapelle bei Elmalı kilise und die Muttergottes zwischen Engeln: OCP 34 (1968), 70–96. 64 Cf. Thierry: CahArch 15 (1965), 145–154 et Un atelier de peintures du début du X e siècle en Cappadoce, l’atelier de l’ancienne église de Tokalı: BAntFr 1971, 170–178. On reconnaît la main d’un peintre formé à même école à Göreme 6a (G. P. Schiemenz, Eine unbekannte Felsenkirche in Göreme: BZ 59 (1966), 307–333). Considérant le degré de stylisation des peintures, M. Restle (RBK 3, 1091–1092) propose le séquence chronologique suivante: Tokalı (ancienne église) et Saint-Jean de Güllü dere = 913–920 (ou 959), Göreme 6a = 930–940, Saints-Apôtres de Sinasos = 960–970. 65 Chapelle de la Théotokos (Göreme 9): Jerphanion, I, 121–137, Restle, II, fig. 124–133; El Nazar (Göreme 1): Jerphanion, I, 177–198, Restle, II, fig. 1–20. M. Restle (RBK 3, col. 1092–1093) rattache à un même groupe d’ateliers les peintures des chapelles no 6, 9, 1, 3, 4a et 13 de Göreme ainsi que celles de Güllü dere 1 et les attribue non au début du Xe siècle, mais à sa seconde moitié.

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à Chypre et en Italie méridionale montrent son rayonnement à travers tout l’Empire 66. Le second groupe de décorations, autour de Tavşanlı kilise, encore moins homogène, semble peu influencé par les modes contemporaines. Il se rattacherait plutôt aux formes de l’art paléochrétien, « gréco-romain » ou « oriental », souvent maladroitement interprétées. Certaines peintures sont nettement de caractère populaire, telles celles de Saint-Théodore près d’Ürgüp (Fig. 7) ou celles de Saint-Eustathe à Göreme, dont la naïveté n’est pas dépourvue de charme. On classe également dans cette seconde catégorie la petite série de décors de la région d’İhlara (Yılanlı kilise, Kokar kilise et Pürenli seki kilisesi)67. Dans les peintures du premier groupe, les inscriptions, tracées avec soin, sont d’une langue assez correcte, tandis que dans celles du second la graphie est maladroite et l’orthographe barbare. Il serait évidemment séduisant d’attribuer les premières à des ateliers itinérants liés avec Constantinople (peut-être par l’intermédiaire de Césarée)68 et les secondes à des artistes locaux, moines ou laïcs recrutés au sein des modestes communautés de la région. Mais la distinction n’était probablement pas si tranchée, les maîtres

66 À Castoria: Saint-Étienne (Jugement dernier du narthex et quelques figures dans le naos) et Taxiarque de la Métropole, cf. S. Pelekanidis, Καστοριὰ Ι. Βυζαντιναὶ τοιχογραφίαι, Thessalonique 1953, pl. 87, 88, 118 et Panayotidi, Thèse, 45–47, 49–59, 81–84; dans le Magne: Saint-Pierre à Paliochôra, par ex., cf. N.V. Drandakis, Ἔρευναι εἰς τὴν Μάνην: Πρακτ. Ἀρχ. Ἑτ. 1974, 120–123; à Chypre: chapelle de Chrysocava, près de Kyrénia, cf. A. H. S. Megaw, Byzantine Architecture and Decoration in Cyprus. Metropolitan or Provincial?: DOP 28 (1974), 80, fig. 35, 36; en Italie méridionale: S. Pietro d’Otrante, cf. I.P. Marasco, Affreschi medioevali in S. Pietro d’Otranto: Annali dell’Università degli studi di Lecce, Facoltà di lettere e filosofia e di magistero 2 (1964–1965), 79–97 (fresques attribuées à l’époque normande; pour la datation au Xe siècle de la première couche de peintures: A. Guillou, Italie méridionale byzantine ou Byzantins en Italie méridionale?: Byz 44, 1944, 181–184). 67 Tavşanlı kilise: Jerphanion, II, 78–99, Restle, III, fig. 388–402; Saint-Théodore: Jerphanion, II, 17–47, Restle, III, fig. 374–387; Saint-Eustathe: Jerphanion, I, 147–160, Restle, II, fig. 134–154. À ce groupe appartenaient aussi les peintures, aujourd’hui détruites de Ballık kilise (Soğanlı). Ces décors constituent le groupe « primitif » de M. Restle (RBK 3, 1107–1113) qui attribue à la seconde moitié du Xe siècle Saint-Eustathe, au XIe siècle Saint-Théodore et les églises des environs d’İhlara; quant à Tavşanlı kilise, il considère comme possible la datation de 1025–1028 proposée par G. P. Schiemenz (voir supra, note 5). 68 Des ateliers de peintres devaient être actifs à Césarée, capitale provinciale prospère, aux églises et monastères nombreux. On a aux Saints-Apôtres de Sinasos la copie d’une inscription versifiée (un passage de Grégoire de Nazianze) qui se trouvait dans une église paléochrétienne de Saint-Basile à Césarée (Jerphanion, II, 62).

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venus de l’extérieur ayant pu former des peintres locaux ou leur fournir des modèles. On ne saurait non plus établir de relation directe entre le niveau artistique des peintures et la condition sociale du commanditaire; le donateur de Saint-Jean de Güllü dere était sans doute un personnage relativement important, mais l’inscription dédicatoire, partiellement conservée, de Tavşanlı kilise, semble aussi indiquer un bienfaiteur influent. D’autres données devaient entrer en ligne de compte: disponibilité des peintres, goûts personnels, etc. L’homogénéité relative des cycles « archaïques » et la richesse du répertoire iconographique suggèrent l’utilisation, en Cappadoce, de cahiers de modèles ou de guides iconographiques. Peut-être se présentaient-ils sous forme de rouleaux, format particulièrement adapté à la presentation d’un récit continu et dont l’emploi est attesté, au Moyen Age, pour ce genre de recueils.69 Ces guides étaient composés à partir de copies de décorations monumentales ou de miniatures; des manuscrits contenant une illustration détaillée des évangiles ont ainsi pu servir de modèles indirects à nos peintures. On peut évoquer ici le témoignage souvent cité du patriarche Nicéphore, mentionnant, au IXe siècle, l’existence de très anciens manuscrits où l’on voyait « d’une part la parole articulée, de l’autre la parole peinte, en sorte que la peinture faisait le même récit que l’écriture » 70; plusieurs manuscrits post-iconoclastes de Constantinople conservent d’ailleurs une illustration narrative de ce type71. Il ne faudrait pas, toutefois, surestimer le rôle de ces cahiers de modèles. La multiplicité des variantes de détail prouve la marge de liberté laissée aux peintres; leur dépendance à l’égard des modèles et leur habileté à les interpréter variaient sans doute en fonction de leur formation, de leur imagination et de leur compétence. En conclusion, on voit que la peinture pratiquée en Cappadoce pendant cette première phase soulève de multiples problèmes: à côté de l’influence déjà très nette des modes constantinopolitaines contemporaines se manifestent

Cf. D.W. Winfield, Middle and Later Byzantine Wall Painting Methods: DOP 22 (1968), 80–96, E. Kitzinger, The Mosaics of Monreale, Palerme 1960, 48–50 et, du même, The Role of Miniature Painting in Mural Decoration: The Place of Book Illumination in Byzantine Art, Princeton 1975, 109–121. Plusieurs rouleaux occidentaux sont conservés: cf. R. Branner, Le rouleau de Saint Éloi: L’Information d’histoire de l’art 12 (1967), 55–73. 70 PG 100, col. 38. 71 Sur les cycles narratifs des manuscrits: Millet, Recherches, 561 et suiv.; exemples: Paris. gr. 510, Paris. gr. 74 et Laur. VI 23. 69

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des survivances ou des résurgences de traditions anciennes, parfois plus spécifiquement « orientales », sans parler des particularités originales, propres, semble-t-il, à cette région; mais, dans sa complexité, cet art apporte avant tout un témoignage précieux sur la société rurale et monastique de la Cappadoce rupestre. Du milieu du Xe siècle à la mort de Basile II (1025) Cette seconde période paraît caractérisée d’abord par une diminution du nombre des décorations et, plus généralement, des fondations religieuses, dont les causes sont difficiles à cerner 72. On pense naturellement à la novelle de Nicéphore Phocas interdisant en 964 la fondation de nouveaux monastères 73, mais on ignore quelles furent ses répercussions exactes. Quant aux mesures prises par Basile II contre l’aristocratie foncière de Cappadoce, elles ne semblent pas être en cause: moins nombreuses qu’au début du siècle, les fondations tendent en effet à être aussi plus importantes. Comme décors datés, il faut signaler d’abord celui de Çavuşin (Grand pigeonnier) que l’on peut attribuer au règne de Nicéphore Phocas (963–969) 74. Dans l’absidiole nord est en effet représentée la famille impériale: Nicéphore, Théophano, le césar Bardas, le curopalate Léon et un cinquième personnage dont le nom est effacé; c’est sans doute lorsqu’elle résida dans la région, au moment des campagnes de Cilicie contre les Arabes (964–965) que la décoration de l’église fut réalisée 75. Outre son intérêt historique, celle-ci fournit un terminus ante quem précieux pour la datation du monument le plus remarquable de cette période, la Nouvelle église de Tokalı à Göreme, dont elle est partiellement inspirée 76. On ne saurait dire si elle traduit une diminution progressive de la population, mais il faut rappeler que les deux évêchés situés en région rupestre, Hagios Prokopios et Sobèsos, ne sont plus mentionnés après 945 (voir supra, note 8). 73 Zepos, t. I, 249–259 (novelle 19); cf. P. Charanis, The Monastic Properties and the State in the Byzantine Empire: DOP 4 (1948), 56–60. 74 Jerphanion, I, 520–550, Restle, III, fig. 302–329. 75 Sur les Phocas: G. Schlumberger, Un empereur byzantin au X e siècle, Nicéphore Phocas, Paris 1890 et I. Djurić, Porodica Phoka: ZRVI 17 (1976), 186–296. 76 Tokalı kilise 2 (nouvelle église): Jerphanion, I, 297–376, Restle, II, fig. 98–123. Sur l’imitation de Tokalı 2 à Çavuşin: Jerphanion, I, 544–548, R. Cormack: JBAA 30 (1967), 29–31 et A. Wharton Epstein, Rockcut Chapels in Göreme Valley, Cappadocia: the Yılanlı Group and the Column Churches: CahArch 24 (1975), 124–126; l’hypothèse a été contestée 72

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Deux autres ensembles sont approximativement datés, Direkli kilise dans la vallée de Peristrema, et Sainte-Barbe, dans celle de Soğanlı, tous deux remontant au règne de Basile II et de Constantin VIII (976–1025) et SainteBarbe, plus précisément, à 1006 ou 1021 77. Si l’on sait encore peu de choses des donateurs et bienfaiteurs des sanctuaires, il semble que l’on ait, par rapport à l’époque précédente, une intervention plus fréquente de personnages relativement plus importants. Le cas extrême est celui de la Nouvelle église de Tokalı, monument exceptionnel à plus d’un titre et qui paraît dû au patronage de hauts dignitaires, proches peut-être de la cour impériale78; on ne peut malheureusement préciser les circonstances de la fondation de cette grande église qui était vraisemblablement dédiée à saint Basile79. Par l’ampleur et l’harmonie de ses proportions, par le soin apporté à la taille du rocher comme par le caractère de l’iconographie et la qualité du style, elle tranche nettement sur l’ensemble de la production cappadocienne. La richesse extrême de la technique, qui recourt à l’or pour certains nimbes et, surtout, au lapis-lazuli pour tous les fonds bleus, n’est pas moins remarquable et reste unique dans toute la Cappadoce. À Çavuşin (Grand pigeonnier), les donateurs étaient sûrement des militaires: l’invocation du général Mélias 80 sur le mur nord de la nef et le répertoire hagiographique, particulièrement riche en saints guerriers, le prouvent. Les Quarante martyrs de Sébaste, en costume militaire,

par J. Lafontaine-Dosogne, Nouvelles notes cappadociennes: Byz 33 (1963), 130 et par M. Restle: RBK 3, 1088–1089. 77 Direkli kilise: Thierry, Hasan Dağı, 183–192, Restle, III, fig. 521–522; sur la datation des peintures de Direkli, voir l’état de la question dans: Restle, RBK 3, 1093–1094. SainteBarbe de Soğanlı: Jerphanion, II, 307–322, Restle, III, fig. 433–443. 78 Les inscriptions peintes dans l’église mentionnent deux donateurs: Constantin et Léon, fils de Constantin; aucun titre n’accompagne leurs noms. Quant à la mention d’un certain Nicéphore, elle ne doit pas se rapporter à l’empereur Phocas, étant donné l’absence de titre; on pourrait penser à Nicéphore « cou en biais », fils de Bardas Phocas, à moins qu’il ne s’agisse simplement du nom d’un peintre. 79 Le portrait de Basile est peint au centre de l’abside principale, sur la paroi, et en deux autres endroits de l’église qui possède aussi un cycle de la vie du Père cappadocien. 80 Sur ce général d’origine arménienne: H. Grégoire, Notes épigraphiques: Byz 8 (1933), 79–83. L’identification des deux guerriers à cheval, peints sur le mur nord de la nef, comme deux donateurs (dont l’un serait Mélias) a été mise en doute par G. P. Schiemenz qui y reconnaît deux saints (probablement Georges et Théodore): G. P. Schiemenz, Herr, hilf deinem Knecht. Zur Frage nimbierter Stifter in den kappadokischen Höhlenkirchen: RQ 71

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y occupent une place de choix, ainsi que les archanges, chefs des milices célestes81. Enfin, au-dessus des portraits impériaux, est représentée l’apparition de l’ange à Josué, sujet bien à sa place dans ce contexte: le successeur de Moïse représentait en effet un modèle de bravoure pour tout chef de guerre 82. Si malheureusement nous ignorons le titre du donateur de Direkli kilise — église rattachée à un important monastère —, à Sainte-Barbe de Soğanlı le responsable de la décoration est un fonctionnaire, le domestique Basile, dont la fonction exacte ne peut être précisée. Dans la Kale kilisesi de Selime, une riche famille byzantine, appartenant vraisemblablement à l’aristocratie locale, s’était fait représenter sur le mur occidental de la nef; la médiocre conservation des peintures rend impossible l’identification des personnages83. Des donateurs plus modestes sont aussi attestés; citons par exemple Léontios, peintre de l’abside centrale de Ballı kilise (vallée de Peristrema), un prêtre Jean et un certain Théodose qui offrirent des panneaux votifs dans une église voisine (Alçak kaya altı kilise) 84. Les programmes iconographiques sont caractérisés par la permanence de certaines des traditions antérieures, mais aussi par la recherche de formules nouvelles, reflet des spéculations théologiques ou des inquiétudes contemporaines. Le décor des absides est, à cet égard, significatif. L’image du

(1976), 136 ss. Toutefois, le type des visages et la coiffure, bien que très endommagés, plaident plutôt en faveur de donateurs nimbés, peut être assimilés ici à deux saints cavaliers. 81 Des figures colossales d’archanges accueillent le visiteur dans le narthex, d’autres occupent les grandes arcatures creusées à l’extrémité orientale des murs nord et sud de la nef. 82 Même signification pour la fresque à peu près contemporaine de Saint-Luc en Phocide: E. G. Stikas, Ὁ κτίτωρ τοῦ καθολικοῦ τῆς µονῆς Ὁσίου Λουκᾶ, Athènes 1974–1975, 103–127, 144–145; cf. R. Stichel, L’affresco di Michele arcangelo e Giosue ad Osios Lukas: la sua interpretazione nel quadra di affreschi simili in Cappadocia e Georgia: Atti del 1° Simposio Int. sull’arte georgiana (Bergamo 28–30/6/1974), Milan 1977 (résumé). 83 J. Lafontaine-Dosogne, La Kale kilisesi de Selime et sa représentation de donateurs: Zetesis 1973, 741–753; voir aussi: G. P. Schiemenz: RQ 71 (1976), 149. 84 Le peintre Léontios, qui décora vers le milieu du siècle ou peu avant Ballı kilise, peut aussi être considéré comme le donateur; on lui doit également les peintures de l’église dite de la Mère du Christ, près de Selime (N. Thierry, Études cappadociennes. Région du Hasan Dağı. Compléments pour 1974: CahArch 24, 1975, 185, 187–188). Alçak kaya altı kilise: N. Thierry, ibid., 187. On peut mentionner aussi un donateur laïque qui s’est fait représenter près d’un saint militaire dans le vestibule d’une chapelle proche de Karagedik kilisesi (ibid., 187) et l’invocation d’un moine Maris près de l’image de saint Georges à l’Ermitage de Zelve (Jerphanion, I, 571).

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Christ en gloire entre les puissances angéliques, traditionnelle en Cappadoce au début du siècle, orne encore l’abside centrale de l’église de Çavuşin, tandis que le peintre de Sainte-Barbe n’a maintenu dans la conque que le motif central de l’ancienne composition (Christ trônant entre les quatre zodia), auquel il a ajouté les figures prosternées d’Adam et Ève, créant ainsi une composition unique qui évoquait le Jugement dernier et la rédemption de l’humanité 85. Le thème de la Déisis, qui se multiplie à cette époque, sous diverses variantes, dans les arts mineurs byzantins, décore plusieurs absides cappadociennes. Dans l’église no 2 du vallon de Karae (ou chapelle 1 du ravin de la Panagia), il se combine à l’image des anges gardant et adorant le Christ 86. À Direkli kilise s’ajoutent les figures en buste de Pierre et Paul 87. L’influence des prières liturgiques, et tout particulièrement de celles d’intercession, fut certainement déterminante dans l’élaboration de ces versions enrichies de la Déisis 88. La substitution progressive de ce thème aux anciennes visions théophaniques traduit en outre une évolution des mentalités; le transfert dans la conque de l’abside de Marie, de Jean-Baptiste, de Pierre et de Paul, autrefois représentés sur la paroi sous-jacente, conférait au Christ, jadis conçu comme un souverain trônant au centre de sa cour, un aspect moins inaccessible et moins redoutable. C’est d’ailleurs l’époque où apparaît une forme de piété plus personnelle dont les écrits de Syméon le Nouveau Théologien constituent l’expression la plus achevée. 85 Dans la composition du Jugement dernier, Adam et Ève sont sembablement prosternés devant le trône de l’Hétimasie ou aux pieds mêmes du Christ (Thessalonique, Panagia tôn Chalkéôn, 1028); cf. B. Brenk, Tradition und Neuerung in der christlichen Kunst der ersten Jahrtausends. Studien zur Geschichte der Weltgerichtbildes, Vienne 1966, 83–84; voir aussi: A. Grabar, Compte-rendu de: E. Guldan, Eva und Maria. Eine Antithese als Bildmotiv, GrazCologne 1966: CahArch 18 (1968), 250–251. 86 M. Restle, Zwei Höhlenkirchen in Hacı İsmail dere bei Ayvalı: JÖB 22 (1973), 251–259 (sous l’appellation Hacı İsmail dere 1), N. Thierry, À propos des peintures d’Ayvalı köy (Cappadoce). Les programmes absidaux à trois registres avec Déisis en Cappadoce et en Géorgie: Zographe 5 (1974), 19 et fig. 23. 87 Dans l’église voisine de Bahattin samanliği kilisesi (Thierry, Hasan Dağı, 155–173), Pierre et Paul en buste encadrent le Christ trônant, adoré ici par les archanges Michel et Gabriel; les princes des Apôtres sont tournés vers le Christ dans une attitude d’adoration et de prière, contrairement à Direkli kilise où ils sont vus de face. Dans la petite chapelle annexe de Kılıçlar kilise (Jerphanion, I, 200–201), deux saints en buste (non identifiables) sont intercalés entre les figures de la Déisis. 88 Cf. E. H. Kantorowicz, Ivories and Litanies: JWarb 5 (1942), 56 ss. Les Déisis absidales « enrichies » peuvent être comparées à celles qui décorent les ivoires (triptyques et coffrets) et les templa contemporains.

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Le thème constantinopolitain de la Théotokos, rare auparavant en Cappadoce, devient plus fréquent à partir du milieu du Xe siècle, décorant l’abside principale ou une abside secondaire89. Les formules sont assez variées: trônant ou debout, parfois seule dans la conque, Marie est le plus souvent encadrée par les archanges Michel et Gabriel (frontaux ou inclinés en adoration), auxquels peuvent se joindre des prophètes (abside nord de Direkli kilise) ou d’autres saints (abside sud de Ballı kilise)90. Quelques décors révèlent un souci remarquable de renouvellement iconographique. Ainsi, à Ballı kilise (abside principale), ce n’est plus la seule Théotokos qui symbolise l’Incarnation, mais la scène de l’Annonciation surmontée de la figure du Christ en buste; un quatrain glorifiant l’Incarnation ne laisse aucun doute sur la valeur dogmatique de l’image. Dans l’abside centrale de Tokalı kilise 2, une vaste composition de la Crucifixion, d’allure triomphale, surmonte des scènes de la sépulture et de la résurrection du Christ, tous sujets en accord avec la signification même de la célébration eucharistique, mémorial du sacrifice de la croix et de la sépulture, comme avec les interprétations symboliques du chœur de l’église91. Abside principale: Balkan deresi 2 (Jerphanion, II, 50), Orta mahalle kilise d’Avcılar (N. Thierry, Quelques monuments inédits ou mal connus de Cappadoce. Centres de Maçan, Çavuşin et Mavrucan: L’Information d’histoire de l’art 1969, 11), chapelles dites de l’Ermitage et du cône isolé à Zelve (Jerphanion, I, 570–571, Restle, I, 142–143), Eski (ou Kara) baca kilisesi (J. Lafontaine-Dosogne, L’église rupestre dite Eski Baca kilisesi et la place de la Vierge dans les absides cappadociennes: JÖB 21, 1972, 163–172), Sümbüllü kilise (Thierry, Hasan Dağı, 175–181), église dite de la Mère du Christ, près de Selime (N. Thierry: CahArch 24, 1975, 185), église a près de Çanlı kilise (ibid., 189). Abside secondaire: Grand pigeonnier de Çavuşin, Göreme 5a (Restle, I, 108), Direkli kilise, Ballı kilise. 90 Dans l’abside sud de Ballı kilise, Athénogène (évêque) et sainte Paraskévi font pendant à l’archange Gabriel (N. Thierry: CahArch 24, 1975, 187–188); à Direkli kilise, la Vierge trône entre deux anges inclinés et les saints Zacharie et, peut-être, Isaïe; de même, à l’époque « archaïque », des saints encadrent la Théotokos absidale: martyr et évêque à El Nazar (abside centrale) et Göreme 9 (chapelle de la Théotokos, absidiole nord), Zacharie, sainte Théodotè et deux figures disparues à Kılıçlar kilise (abside nord). Hors de Cappadoce, signalons l’iconographie comparable de l’église de la Nativité à Naxos: la Vierge trône entre deux anges, Jean-Baptiste et un autre prophète (Isaïe?); cf. M. Panayotidi: CahArch 23 (1974), 107–120. 91 D’après A. Grabar (Martyrium, II, 288–290), la représentation de la Crucifixion dans l’abside dériverait d’une lointaine tradition palestinienne; R. Cormack (JBAA 30, 1967, 33) la met au contraire en relation avec Constantinople: associée à l’image de saint Basile (cf. supra note 79), elle rappellerait l’exposition de la relique de la Vraie Croix dans la chapelle Saint-Basile, au palais impérial. La typologie sacramentelle de l’Eucharistie comme mémorial du sacrifice de la croix est traditionnelle, en particulier dans l’exégèse antiochienne (cf. R. Bornert, Les commentaires, 75–82); dans l’Historia Ecclesiastica, l’église est « l’antitype de la 89

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À l’intrados de l’arc absidal, les prophètes Jérémie et Ézéchiel, porteurs de rouleaux où sont inscrits des textes relatifs au sacrifice de l’Agneau et à la Résurrection, viennent encore souligner la réalité du sacrifice rédempteur 92. Dans l’abside nord de la même église, la représentation du Christ trônant s’inspire des visions théophaniques « archaïques »93; sur la paroi sousjacente sont peintes l’Hospitalité d’Abraham et la Communion de Marie l’Égyptienne, scènes d’un symbolisme eucharistique évident, et des figures de saints, moines et anachorètes surtout. Enfin, dans la niche située entre les absides centrale et nord, une image de la Vierge de tendresse, plus ancien exemple connu de ce thème, se signale par la remarquable qualité de son exécution (Fig. 8); elle semble destinée moins à émouvoir le spectateur qu’à exalter l’humanité du Christ 94. Ces diverses tentatives de renouvellement du décor absidal n’auront guère de suite: elles disparaissent, dans le courant du XIe siècle, au profit d’une uniformité beaucoup plus grande. Dans la nef des églises continue à prévaloir l’ancien système décoratif consistant en un récit détaillé de la vie du Christ; le programme « classique », qui s’était imposé à Constantinople dès la fin du IXe siècle, n’est encore que rarement suivi en Cappadoce (Balkan deresi 2, Sümbüllü kilise)95. À Tokalı 2, les dimensions exceptionnelles de l’édifice ont permis le déploiement d’un cycle particulièrement détaillé. Les scènes de miracles et d’enseignement du Christ y occupent une place inhabituelle, certains sujets rares font leur apparition et des thèmes comme la Pentecôte, la Mission des Apôtres et l’Ordination des premiers diacres reçoivent une importance particulière que l’on a pu mettre en relation avec l’esprit missionnaire qui anime, à cette époque, l’Église et l’État byzantins 96. Le cycle du Grand pigeonnier de crucifixion, de la sépulture et de la résurrection du Christ » et la célébration de l’Eucharistie représente symboliquement la Passion et la mort du Christ (R. Bornert, op. cit., 173–176). 92 Textes inscrits sur leurs cartels: Jérémie XI, 19, Ézéchiel XXXVII, 1. 93 Le Christ trône entre les roues de feu, un séraphin, un tétramorphe et les archanges Michel et Gabriel, mais les zodia et l’auréole lumineuse des anciennes visions théophaniques manquent; une inscription reproduit la prière de l’hymne triomphale. 94 Sur le thème de la Vierge dite de tendresse: A. Grabar, Remarques sur l’iconographie byzantine de la Vierge: CahArch 26 (1977), 171 ss. Sur sa signification à Tokalı kilise 2: N. Thierry, L’archéologie cappadocienne en 1978. Ses difficultés. Son intérêt pour les médiévistes: CahCM 22 (1979), 14–15. 95 À Balkan deresi 2 ne sont conservées que l’Annonciation et la Crucifixion; à Sümbüllü kilise, on a: Annonciation, Présentation au temple, Crucifixion et Dormition. 96 Cf. A. Grabar, L’art religieux et l’Empire byzantin à l’époque macédonienne: L’Art de la fin de l’Antiquité et du Moyen Age, t. I, Paris 1968, 160–163.

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Çavuşin est davantage conforme au système en usage au début du siècle; il n’en présente pas moins quelques modifications significatives, telle la mise en valeur de la Passion (avec une double image de la Crucifixion: outrages et mort), de la Pentecôte et de la Bénédiction des Apôtres97. Si le décor de Bahattin samanliği kilisesi, dans la vallée de Peristrema, reste traditionnel (Enfance, Passion et Résurrection), la Kale kilisesi de Selime se distingue par l’importance exceptionnelle accordée à la vie de la Vierge98. Sainte-Barbe de Soğanlı (1006 ou 1021) présente un intéressant programme de transition; le cycle de l’Enfance, notablement abrégé, n’est complété que par la scène de l’Anastasis, formant un tableau séparé, conformément à la conception qui s’impose au XIe siècle. L’analyse des différents thèmes révèle le même attachement aux traditions. Le conservatisme est net à Çavuşin, où la composition d’un grand nombre de sujets (Fuite en Egypte, Baptême, Résurrection de Lazare, par exemple) demeure inchangée par rapport à l’époque précédente. Toutefois, dans quelques scènes, comme l’Entrée à Jérusalem, la Trahison de Judas ou la Bénédiction des Apôtres, des éléments nouveaux apparaissent qui trahissent la connaissance des schémas désormais codifiés de l’iconographie officielle99. Il faut mettre à part, ici encore, les peintures de la Nouvelle église de Tokalı. Non seulement l’influence des modèles constantinopolitains est sensible dans l’iconographie de nombreux sujets (Baptême, Résurrection de Lazare, Entrée à Jérusalem, Cène, Bénédiction des Apôtres, etc.)100, mais on y trouve aussi des formules rares, savantes ou étonnamment novatrices. Citons à titre d’exemples, la Dormition de la Vierge d’une ampleur tout à fait inhabituelle Le cycle de Çavuşin a inspiré celui, plus restreint, de Gorgoli: Jerphanion, II, 121–123. 98 Bahattin samanliği kilisesi: Thierry, Hasan Dağı, 155–173; Kale kilisesi: J. LafontaineDosogne, La Kale kilisesi de Selime et sa représentation de donateurs: Zetesis 1973, 741–753. 99 De même à Sümbüllü kilise, la Dormition est-elle conforme dans ses grandes lignes à l’iconographie habituelle; on peut la comparer à celle du Cod. 1 d’Iviron (fol. 247) ou du Cod. 587 de Dionysiou (fol. 163 v°); deux particularités sont archaïsantes: la présence d’un seul ange et la position de Marie, tête à droite; sur ce thème: L. Wratislaw-Mitrović et N. Okunev, La Dormition de la Sainte Vierge dans la peinture médiévale orthodoxe: Byzantinoslavica 3 (1931), 134–173. 100 On comparera par exemple le Baptême, très différent de l’iconographie cappadocienne « archaïque », à une miniature du Lectionnaire 21 de Leningrad (C. R. Morey, Notes on East Christian Miniatures: ArtB 11, 1929, fig. 101, la Nativité et l’Entrée à Jérusalem aux mêmes scènes sur un triptyque en ivoire du Louvre (A. Goldschmidt et K. Weitzmann, Die byzantinischen Elfenbeinskulpturen des X-XIII Jahrhunderts, II, Berlin 1934, n. 4, pl. II), la 97

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pour l’époque, ou encore la juxtaposition à des scènes néotestamentaires, de prophètes tenant des cartels inscrits; Jérémie et Ézéchiel encadrent la Crucifixion absidale, Joël et l’évangéliste Luc sont associés à la Pentecôte, David et d’autres prophètes à l’Ascension; ce procédé bien attesté, en particulier dans les manuscrits, depuis l’époque paléochrétienne, ne connaîtra quelque popularité dans l’art monumental qu’à partir de la fin du XIIe siècle101. Comme particularités iconographiques rares, mentionnons l’image des Mages tenant le rouleau déployé de la prophétie de Balaam et observant l’étoile, la présence de quatre rois nimbés dans la scène de la Pentecôte (Fig. 9) et la représentation de l’ordination des premiers diacres par saint Pierre 102. Quant au répertoire hagiographique de cette époque, plus encore qu’auparavant, il tend à s’aligner sur celui de Constantinople et du reste de l’Empire. Si à Sainte-Barbe de Soğanlı subsistent encore certains archaïsmes, à Direkli kilise, dont le programme est entièrement hagiographique, la plupart des saints représentés (martyrs, militaires, médecins et moines) sont illustres dans toute la tradition byzantine. Certaines figures, exceptionnelles dans la région au début du siècle, deviennent plus fréquentes, mais quelques traditions locales perdurent: ainsi la vénération pour saint Eustathe semble toujours aussi grande 103. Quelles conclusions tirer de ces remarques sur l’iconographie cappadocienne de cette période? Elle paraît, tout en conservant certains traits originaux et une relative indépendance par rapport à l’art de la capitale, évoluer vers une adhésion plus grande aux canons officiels. L’abside est l’espace privilégié où s’expriment les préoccupations religieuses et la piété de la communauté, des donateurs ou du peintre. Sa décoration fait l’objet de recherches assez variées, tandis que, dans le même temps, celle des nefs

Crucifixion à un ivoire de Leningrad (ibid., n. 201, pl. LXVI) et la Bénédiction des Apôtres à celle du Cod. 21 de Leningrad (C.R. Morey: ArtB 11, 1929, fig. 71). 101 À l’époque paléochrétienne: évangéliaires de Rossano et de Sinope; à l’époque médiobyzantine: psautier de Vatopédi (Cod. 760), tétraévangile de Princeton (Garrett 3), etc.; références et compléments dans: D. Mouriki, Oἱ τοιχογραφίες τοῦ Σωτήρα κοντὰ στὸ Ἀλεποχώρι τῆς Μεγαρίδος, Athènes 1978, 21. 102 Jerphanion, I, 329, note 1, 353–354, 355–356. À Tokalı kilise 2 est aussi conservé le plus ancien exemple de la « mi-pentecôte »: C. Walter, The Earliest Representation of MidPentecost: Zographe 8 (1977), 15–16. 103 Tokalı 2 (scène du martyre), Alçak kaya altı kilise (vision), Sümbüllü kilise, Direkli kilise et Sainte-Barbe de Soğanlı (figure isolée).

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reste plus stable. Là, les modifications concernant le traitement des thèmes ou le choix des saints résultent la plupart du temps de l’adoption des modes constantinopolitaines. L’analyse stylistique confirme l’influence croissante de modèles dont l’origine doit être recherchée dans l’art de Constantinople et des grands centres. En effet, si quelques peintures, d’allure populaire, restent difficiles à classer104, la plupart peuvent désormais être rattachées à des courants stylistiques connus par ailleurs, dans la capitale ou dans d’autres provinces de l’Empire 105. C’est souvent l’inégal talent des peintres — plus que la diversité des modèles — qui explique les différences de facture. Le classicisme de l’époque macédonienne est remarquablement illustré par les peintures de Tokalı 2, d’une qualité inégalée en Cappadoce. Par rapport à celles qui décorent la voûte voisine de Tokalı 1, elles frappent par l’ampleur et l’harmonie des compositions, l’élégance des figures, les anatomies mieux observées; les drapés classicisants des vêtements, le modelé élaboré des visages, l’insertion de certaines scènes dans un environnement architectural ou naturel sont autant de traits qui montrent l’imitation de beaux modèles constantinopolitains, ce que confirment les comparaisons possibles avec des miniatures ou des ivoires de la capitale106. Les riches commanditaires du monument ont fait appel à des peintres expérimentés, formés dans un grand centre artistique. Le type d’enduit utilisé semble d’ailleurs indiquer qu’ils étaient plus habitués à décorer des édifices construits que des églises rupestres. Il faut noter toutefois que ces peintres ne suivent pas les tendances stylistiques les plus novatrices de l’époque, mais des modèles légèrement antérieurs, de la première moitié du siècle, d’ailleurs encore en vigueur plus tard à Constantinople 107. Malgré ce léger décalage, l’ensemble de Tokalı 2 constitue, sans conteste, l’une des plus belles réussites de la Gorgoli, chapelle de l’Ermitage à Zelve, Balkan deresi 2, Göreme 29a par exemple. On a pu ainsi comparer aux peintures de Cappadoce certaines fresques de Naxos: église de la Nativité à Kaloritsa (M. Panayotidi: CahArch 23, 1974, 116), de la Vierge Protothronos à Chalki (Panayotidi, Thèse, 189), du Magne (Saint-Pantéléimon de Boularion, v. 991–992: N. V. Drandakis, Ἅγιος Παντελεήµων Μπουλαριῶν: Ἐπ. Ἑτ. Βυζ. Σπ. 37, 1969–1970, 437–457), Koropi en Attique (Panayotidi, Thèse, 139), certains décors d’Italie méridionale (Carpignano, crypte des saintes Marina et Cristina, 959 et 1020), etc. 106 Pour les comparaisons avec des miniatures, voir par ex.: R. Cormack: JBAA 30 (1967), 31–32; ivoires: Entrée à Jérusalem de Berlin, Dormition de Munich, etc.; voir aussi: Jerphanion, I, 372. 107 L’art de la Nouvelle église de Tokalı paraît refléter une phase stylistique intermédiaire entre le Paris. gr. 510 et les miniatures du milieu du siècle: Stavronikita 43, Cod. Canon. gr. 104 105

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Renaissance macédonienne, et son art savant a pu être comparé à celui des riches fondations du royaume géorgien de Taoclardjétie, à peu près contemporaines 108. Les peintures du Pigeonnier de Çavuşin ont été très diversement jugées (Fig. 10). Pour certains (G. de Jerphanion, N. Thierry, A.W. Epstein), il ne s’agit que d’une version populaire et maladroite du style antiquisant de Tokalı, interprété par des artistes locaux. En effet, malgré des proportions allongées, les attitudes des personnages restent souvent gauches; les pieds et les mains sont d’un dessin malhabile, les draperies, aux multiples plis parallèles, paraissent raides et artificielles et les visages sont souvent inexpressifs. M. Restle reconnaît au contraire dans ce décor l’œuvre d’un artiste hors pair, dont il n’hésite pas à comparer l’art aux productions aristocratiques de la capitale; l’élégance des silhouettes, l’efficacité du graphisme, la subtilité du coloris lui semblent particulièrement remarquables 109. C. Mango, en revanche, ne voit aucun rapport direct entre les peintures de Çavuşin et les modèles byzantins connus et il suggère de chercher l’origine de leur style dans l’art du Caucase 110. Les autres ateliers actifs en Cappadoce à cette époque pratiquent des styles assez divers; l’inspiration classique est plus ou moins sensible et l’imitation des modèles plus ou moins réussie. À Bahattin samanliği kilisesi et Karagedik kilisesi, dans la vallée de Peristrema, la schématisation poussée des draperies et le modelé simplifié des visages rappellent encore certains procédés utilisés en Cappadoce au début du siècle. L’élégance du graphisme caractérise les fresques de Ballı kilise et de l’église de la Mère du Christ près de Selime, œuvres du peintre Léontios. Le même classicisme simple, sous une forme moins linéaire, plus picturale, marque le décor d’Orta mahalle kilise, à Avcılar. À Sümbüllü kilise sont aussi conservées des peintures de qualité; malgré une certaine stylisation, les draperies restent souples et le modelé des figures est efficacement rendu 111. À Direklı kilise, enfin, certaines 110 de la Bibl. Bodléienne d’Oxford, par ex. On a pu le comparer à certaines peintures du Vatic. gr. 699 ou du Marc. gr. 538 et, pour le milieu du siècle, du Theol. gr. 240 de Vienne. 108 Işhan ou Dort kilisesi: N. Thierry, Peintures du X e siècle en Géorgie méridionale et leurs rapports avec la peinture byzantine d’Asie Mineure: CahArch 24 (1975), 105–113. 109 M. Restle: RBK 3, 1089; cf. par ex. les miniatures de la Bible de Léon (Vatic. Reg. gr. 1). 110 C. Mango, in: La civiltà bizantina dal IX all’XI secolo. Aspetti e problemi, Corsi di Studi II (1977), Bari, 1978, 271. 111 Les peintures de Sümbüllü kilise sont attribuées par J. Lafontaine-Dosogne (Byz 33, 1963, 159) au début du XIIe siècle, par M. Restle au début du Xe siècle.

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parties offrent l’exemple d’une simplification vigoureuse, voire brutale, des modèles classiques, expression d’une spiritualité ascétique austère dont la peinture byzantine contemporaine offre d’autres exemples 112. Tout semble donc indiquer que le processus d’intégration de la Cappadoce à la koinè artistique byzantine s’est considérablement accentué au cours du Xe siècle et au début du XIe siècle. Les campagnes victorieuses des armées byzantines sous Nicéphore Phocas et Jean Tzimiskès ont certainement contribué au renforcement de l’influence constantinopolitaine dans la région. D’autres facteurs ont pu aussi favoriser la pénétration dans les campagnes des normes officielles en matière de peinture religieuse; on peut évoquer ici l’appropriation par les métropolites et les évêques, pour eux-mêmes ou pour en faire don à des « puissants », des « maisons de prière » (εὐκτήρια) construites par les paysans sur leurs terres, pratique apparemment très répandue et que condamne en 996 la novelle no 29 de Basile II113. De la mort de Basile II à la conquête turque Les décorations envisagées dans cette dernière partie sont les mieux connues; les nombreuses études particulières et les mises au point récentes qui leur ont été consacrées nous dispenseront d’une analyse trop détaillée114. La Cappadoce du XIe siècle (avant la conquête seldjoukide) a été décrite comme une région prospère et d’intense activité artistique. L’examen du matériel archéologique conservé invite à nuancer ce jugement, avec toute la prudence qu’implique l’incertitude des datations. Les années difficiles et troublées qui suivirent la mort de Basile II paraissent pauvres en entreprises monumentales: on ne peut attribuer au second quart du XIe siècle que quelques rares décorations115. Nous avions déjà décelé, dans la seconde moitié du Xe siècle, un certain ralentissement de l’activité artistique. Faut-il le mettre en relation avec une diminution de la population rurale dans 112

célèbre.

Les mosaïques et les fresques de Saint-Luc en Phocide en sont l’exemple le plus

Zepos, I, 267–268; voir aussi: P. Charanis: DOP 4 (1948), 62–64. En dernier lieu: A. Wharton Epstein, Rock-cut Chapels in Göreme Valley, Cappadocia: the Yılanlı Group and the Column Churches: CahArch 24 (1975), 115–126 et N. Thierry, L’art monumental byzantin en Asie Mineure du XIe au XIVe siecle: DOP 29 (1975), 73–111. 115 Karabulut et Yusuf koç kilisesi, près d’Avcılar, et peut-être Çanlı kilise et Ala kilise dans la région du Hasan Dağı. C’est sans doute aussi dans le second quart du XIe siècle que la 113 114

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cette région? On ne saurait l’affirmer, mais si tel est le cas, divers fléaux naturels et humains (sécheresses, famines, révoltes) ont pu, au XIe siècle, accélérer ce processus. En 1032, par exemple, la famine et les épidémies décimèrent la Cappadoce, la Paphlagonie et les Arméniaques et, nous disent les chroniqueurs, l’empereur et le patriarche tentèrent d’enrayer l’exode rural en prenant les mesures appropriées 116. Vers le milieu du siècle se manifeste une renaissance brillante, mais éphémère, dont témoignent d’importantes fondations monastiques dans le cirque de Göreme, les fameuses « églises à colonnes »: Karanlık, Çarıklı et Elmalı kilise 117. C’est l’époque aussi où apparaît dans les Notices épiscopales l’évêché de Matiane, l’actuel Avcılar 118. Parallèlement, on observe dans d’autres centres la rénovation de décors anciens: dans la région du Hasan Dağı, à Saint-Michel d’İhlara (1055 ou 1056), dans le vallon de Soğanlı, à Karabaş kilise (1060 ou 1061) 119. Du milieu du siècle jusqu’aux premiers

mère d’Eustathe Boïlas fonda en Cappadoce une église dédiée à saint Modeste: P. Lemerle, Le testament d’Eustathe Boïlas (Avril 1059), in: Cinq études sur le XIe siècle byzantin, Paris 1977, 27 (1. 232–238), 33–34. 116 Cedrenus, Bonn éd., II, 499–500, Zonaras, Bonn éd., III, 580. Cf. N. Svoronos, Société et organisation intérieure dans l’Empire byzantin au XIe siècle: les principaux problèmes: CEB XIII, Oxford 1966 (1967), 373–389 et, du même: Remarques sur les structures économiques de l’Empire byzantin au XI e siècle: T M 6 (1976), 62–63. 117 L’attribution de ces décorations au milieu du XIe siècle est controversée; dernier état de la question: M. Restle: RBK 3, 1101–1102; le milieu du XIe siècle, proposé par G. de Jerphanion, est accepté par N. Thierry et A. Wharton Epstein qui propose une fourchette plus large: 960 ca-milieu XIe; J. Lafontaine-Dosogne (Byz 33, 1963, 132), Restle (I, 57–64), R. Cormack (JBAA 30, 1967, 36) sont partisans d’une datation plus tardive: fin XIIe voire début XIIIe s., reposant essentiellement sur des critères stylistiques (comparaison avec les peintures dites maniéristes de la fin du XIIe siècle: Saint-Néophyte et Lagoudéra à Chypre, par ex.). 118 Evêché suffragant de Mokissos, attesté jusqu’au XIV e siècle: G. Parthey, Hieroclis Synecdemus et Notitiae Graecae episcopatuum, Berlin 1886 (Amsterdam 1967), III, 436, X, 548 et XIII, 398; pour la date de la notice III: Beck, Literatur, 152; un évêque de Matiane est cité dans une lettre de Psellos: Michaelis Pselli scripta minora II, éd. E. Kurtz et F. Drexl, Milan 1941, 172 ss. 119 Saint-Michel d’İhlara (ou Kuzey ambar kilise): N. Thierry, Un style byzantin schématique de Cappadoce daté du XI e siècle d’après une inscription: JSav 1968, 45–61; l’intervalle 1025–1028, également possible, est moins problable: N. Thierry: DOP 29 (1975), 94; sur la datation, voir aussi: H. G. Beck: BZ 62 (1969), 193 et M. Restle: RBK 3, 1075, 1112. Karabaş kilise de Soğanlı: Jerphanion, II, 330–360, Restle, II, fig. 456–464, N. Thierry, Étude stylistique des peintures de Karabaş kilise en Cappadoce, 1060–1061: CahArch 17 (1967), 161–175, M. Restle, Zum Datum des Karabaş kilise: JÖB 19 (1970), 261–266 (décor rénové en 1271).

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temps de l’occupation turque (prise de Césarée en 1082) se multiplient les sanctuaires modestes au décor pauvre 120. Ils témoignent de l’appauvrissement des communautés villageoises et monastiques à la fin du XIe siècle 121. Sans avoir été totalement interrompue par la conquête seldjoukide, l’activité religieuse et artistique connaît alors un déclin manifeste 122. Parmi les bienfaiteurs et donateurs des sanctuaires de cette époque, on trouve plusieurs personnages assez fortunés, fonctionnaires civils et militaires, représentants de la noblesse foncière provinciale. Il est à noter cependant qu’aucun n’appartient à la très haute aristocratie, ni aux grandes familles byzantines connues par ailleurs. À Karanlık kilise sont conservés les portraits de quatre donateurs. Dans le narthex, Jean « entalmatikos » 123, chargé d’une mission du patriarche (?), et un laïc sans titre, Genethlios, sont introduits dans la scène de la Bénédiction des Apôtres; dans l’abside, un prêtre, Nicéphore, et un laïc, Bassianos, vêtu d’une longue robe brodée aux manches, sont associés à la composition de la Déisis. Dans l’église monastique voisine de Çarıklı kilise, les trois donateurs, Théognostos, Léon et Michel, s’inclinent légèrement, les mains tendues, vers la croix que tient Simon de Cyrène (?). Aucun titre ne les distingue, mais les costumes trahissent l’appartenance à une classe sociale relativement aisée. Peut-être appartenaient-ils à l’aristocratie foncière locale, comme cette famille des Sképidis, responsable de plusieurs décorations dans la vallée de Soğanlı124. À Karabaş kilise, une inscription dédicatoire attribue la rénovation du décor, en 1060 ou 1061, au protospathaire Michel Sképidis, à la moniale Catherine et au moine Niphon, donateurs dont on trouve 120

134.

À cette catégorie appartiennent les églises du groupe d’Yılanlı kilise: voir infra note

121 En 1067 déjà, la métropole, Césarée, avait été mise à sac et incendiée et le tombeau de Basile pillé (Attaliates, Bonn éd., 93–94, Cedrenus, II, 661); en 1069, la Cappadoce est ravagée (Attaliates, 135–137, Skylitzès, Bonn éd., II, 683–684); peu après 1071, les Turcs apparaissent à nouveau devant Césarée et pillent les villages environnants (Attaliates, 183–184, Bryennios, Bonn éd., 58–60). 122 Le maintien d’un certaine activité religieuse est attesté par des graffiti datés de 1055 à 1129 dans l’église de Kızlar kalesi de Göreme: Jerphanion, I, 489–491; de 1148 à SaintEustathe: Jerphanion, I, 167. 123 Sur ce donateur: N. Thierry: DOP 29 (1975), 89. Il était peut-être chargé de vérifier les finances du couvent. 124 Cf. N. Thierry: DOP 29 (1975), 96; le sceau d’un Pierre Sképidis est conservé dans la collection de Dumbarton Oaks (n. 58.106.4776); un Eustathe Sképidis, « stratège de Lucanie », est connu par un acte notarié de 1042: A. Guillou, La Lucanie byzantine: étude de géographie historique: Byz 35 (1965), 122.

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les portraits dans l’église. Celui de Michel Sképidis (Fig. 11), coiffé d’un énorme turban et vêtu d’un manteau brodé de médaillons, est particulièrement remarquable; trois autres figures féminines, en riche costume, appartenaient vraisemblablement à la même famille 125. Non loin de là, à Geyikli kilisesi, l’invocation d’un certain Jean Sképidis, surmontant l’image de la vision d’Eustathe, énumérait ses titres: protospathaire, préposé au Chrysotriclinium, consul et stratège 126. Enfin, la donatrice somptueusement vêtue de Canavar kilise, Eudocie, semble faire partie de la même famille Sképidis 127. Dans la région du Hasan Dağı, à Saint-Michel d’İhlara, c’est un militaire, le protospathaire et taxiarque Théophylacte, qui assuma avec son père, le moine Arsène, les frais de la décoration. Mais bien souvent les bienfaiteurs des sanctuaires rupestres ne portent aucun titre et seuls les costumes permettent de les situer approximativment dans la hiérarchie sociale128. Notons enfin que dans la fondation et la décoration des églises, la collaboration entre laïcs et religieux reste étroite: les exemples de Karanlık kilise, de Saint-Michel d’İhlara et de Karabaş kilise sont, à cet égard, probants. Les programmes iconographiques désormais appliqués en Cappadoce ne diffèrent guère de ceux en usage dans le reste de l’Empire. Les cycles christologiques narratifs, puisant largement aux sources apocryphes, ont cédé le pas à un principe d’organisation liturgique qui ne conserve qu’un nombre limité de sujets, présentés sous forme de compositions isolées et conformes en général aux schémas habituels de l’iconographie médio-byzantine129. Elles sont nommées: Marie, Irène et Eudocie. Face au portrait de Catherine, est représenté un guerrier dont le nom a disparu et que G. de Jerphanion identifiait à Michel Sképidis. 126 Jerphanion, II, 371–372, N. Thierry: DOP 29 (1975), 90–91; inscription et image ont été presque totalement détruites entre 1970 et 1972. 127 Ce serait la moniale Catherine de Karabaş kilise: Jerphanion, II, 363–364. 128 Exemples de donateurs ou bienfaiteurs: Göreme 10 (Saint-Daniel): Jonas, Basile, Eudocie et Michel (Jerphanion, I, 173–174), Göreme 18: un moine (Jerphanion, I, 487), Göreme 21: Anne, Armoloïkon (Jerphanion, I, 475), Göreme 28: Théodore (Jerphanion, I, 482), Göreme 33 (Kuşluk de Kılıçlar): Nicandre et Eudocie (Jerphanion, I, 246); des donateurs laïques sont représentés à Yusuf koç kilisesi (N. Thierry: Mél. Mansel, Ankara 1974, 193–194), Karabulut kilisesi (N. Thierry: L’Information d’histoire de l’art 1969, 12) Ayvalıköy (N. Thierry; Zographe 5, 1974, 8 et fig. 9, 10), une donatrice richement vêtue à Eğri taş kilisesi (Thierry, Hasan Dağı, 43–45). 129 Ainsi, dans les églises à colonnes de Göreme, la Visitation et l’Epreuve de l’eau ne sont plus représentées, l’Adoration des Mages est intégrée à la scène de la Nativité, le Baptême, la Résurrection de Lazare, la Transfiguration, l’Anastasis présentent les traits typiques de l’iconographie médio-byzantine; dans la Crucifixion se maintiennent certaines particularités 125

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Dans la coupole, quand il y en a une, domine le Pantocrator; sur l’intrados des arcs et les parties basses des murs sont peints des prophètes et des saints dont le répertoire n’a rien de spécifiquement cappadocien. Ce système décoratif trouve ses meilleures applications en Cappadoce dans les églises en croix grecque inscrite (telles les « églises à colonnes » de Göreme), type architectural pour lequel il avait été élaboré 130. La seule divergence importante par rapport à la norme constantinopolitaine est le décor de l’abside principale (Fig. 12): conformément à une tradition bien établie dans les sanctuaires monastiques provinciaux, la Théotokos y est généralement remplacée par la composition de la Déisis 131, glorification du Christ par les deux principaux témoins de sa vie, Marie et Jean Baptiste, en même temps qu’évocation du pouvoir d’intercession de ceux-ci 132. Le même thème décore l’abside de nombreuses églises d’Italie méridionale, de Géorgie, de Crimée, de Rhodes, de Crète, d’autres provinces encore l33. anciennes (porte-lance, porte-éponge, larrons), mais il en est de même dans des miniatures constantinopolitaines contemporaines; la représentation du centurion est un trait nouveau par rapport à l’époque « archaïque » (mais on le voyait déjà à Tokalı kilise 2); de même pour le groupe des femmes désignées comme les Myrophores. 130 Mais il a été adapté aussi à d’autres formes architecturales: Karabaş kilise, église à une nef, en est un exemple. 131 Exemples: Saklı kilise (Göreme 2a), Göreme 16, 17a, 19 (Elmalı kilise), 21 (SainteCatherine), 22 (Çarıklı kilise), 23 (Karanlık kilise), 28 (Yılanlı kilise), 32, 33 (Kuşluk de Kılıçlar), Cambazlı kilise d’Ortahisar, Sarıca kilise à Köpez, Ayvalıköy, église de l’Archangélos près de Cemilköy, Tağar (Saint-Théodore), Mavrucan 15, Meleki kilise de Soğanlı, Eski Gümuş; dans un contexte funéraire: Karabulut kilisesi et Yusuf Koç kilisesi (abside sud), près d’Avcılar. 132 Sur la Déisis, voir bibliographie donnée supra, note 29; en dernier lieu: N. Thierry: Zographe 5 (1974), 5–22; sur les Déisis des églises funéraires, voir aussi: V.J. Djurić, Les fresques les plus anciennes dans la cellule de l’anachorète serbe Pierre de Koriša (en serbe, avec rés. fr.): ZRVI 5 (1958), 180–181. 133 Pour l’Italie méridionale, voir par exemple: E. Bertaux, L’Art dans l’Italie méridionale, I, Paris 1904, 142–147, 286, A. Medea, Gli affreschi delle cripte eremitiche pugliesi, Roma 1939, t. II, fig. 23, 26, 48, 137, 155. Pour la Géorgie: Š.J. Amiranašvili, Istorija gruzinskogo iskusstva, Moscou 1950, 186, 187, 192, 244, 251–252, N. Aladašvili, G. Alibegašvili et A. Volskaja, Rospisi hudožnika Tevdore v Verhnej Svanetii, Tbilisi 1966, 16–17. Pour la Crimée: O. I. Dombrovskij, Freski srednevekogo Kryma, Kiev 1966, 23–24, 52–53, 61–63. Plusieurs exemples aussi à Trébizonde: G. Millet et D. Talbot Rice, Byzantine Painting at Trebizond, Londres 1936, 67, 68, 127, 133–135, 141, 142, 153, 170–172. À Rhodes: A. K. Orlandos, Δύο Βυζαντινὰ Μνηµεία τῆς Δυτικῆς Κρήτης : Ἀρχ. Βυζ. Μνηµ. Ἑλλ., 8 (1955–1956), 133; en Crète: Orlandos, ibid., 134 et T. Velmans, La peinture byzantine à la fin du Moyen Age, Paris 1977, 188 ss. À Naxos: G. Dimitrokallis, Gli affreschi bizantini dell’isola di Nasso: FelRav 43 (1966), 60, 62, 63, 70, etc.

10. Çavuşin, Grand Pigeonnier: Ascension (détail).

11. Soğanlı, Karabaş kilise: Michel Skepidis (Cl. N. Thierry).

12. Göreme, Elmalı kilise: Déisis. 13. Eski Gümüş: Annunciation (détail).

14. Elmalı kilise: Salomon.

15. Karabaş kilise: Communion des Apôtres (détail).

16. Ayvalıköy: Simon (abside).

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À côté des programmes de type classique, on trouve en Cappadoce, comme dans d’autres régions (Italie méridionale, par exemple), des décorations à prédominance hagiographique. À Yusuf Koç kilisesi, par exemple, l’Annonciation, rappel de l’Incarnation, est l’unique scène représentée. Le Pigeonnier de Kılıçlar (ou Meryemana) offre un autre exemple de décor riche en figures de saints isolés et ne comportant qu’un petit nombre de scènes (Voyage à Bethléem, Nativité, Crucifixion, Koimèsis). Enfin, dans les monuments les plus pauvres, la décoration figurée se limite à quelques panneaux: Pantocrator dans l’abside, saints isolés dans la nef, œuvres votives réalisées à différentes époques dans un style souvent médiocre et avec une palette restreinte où domine l’ocre rouge. La plupart des églises du groupe d’Yılanlı kilise, modestes réalisations sans doute en partie postérieures à la conquête turque, sont de ce type 134. En ce qui concerne le style, les ensembles cappadociens illustrent les principaux courants de la peinture byzantine du XIe siècle. Nicole Thierry en a proposé récemment une classification que je me contenterai de rappeler très brièvement135. Quatre grandes tendances se détachent. — La première, classique, dans la tradition de l’art antiquisant du Xe siècle, s’observe par exemple à Ala kilise, à Tağar et à Eski Gümüş (mur nord) (Fig. 13). — Les « églises à colonnes » de Göreme représentent le second courant, décoratif et précieux (Fig. 14); cet art savant (malgré quelques maladresses), qui frise parfois l’académisme, n’est pas sans rappeler certaines miniatures de la capitale (Ménologe de Basile II, Coislin 79, par exemple) et annonce, par certains aspects, le style comnène 136. — L’art plus brutal et plus réaliste de Karabaş kilise 137 (Fig. 15) correspond à un troisième courant connu à Constantinople (mosaïque de Sur ces églises: Jerphanion, II, 422, G. P. Schiemenz, Zur Chronologie der kappadokischen Felsmalereien: AA 85 (1970), 253–273 et, du même: Nachlese in Göreme: AA 87 (1972), 307–318; en dernier lieu: A. Wharton Epstein, Rock-cut Chapels in Göreme Valley, Cappadocia: the Yılanlı Group and the Column Churches: CahArch 24 (1975), 115–126 et M. Restle, RBK 3, 1100–1101. Étant donné la pauvreté de ces décors et la présence de graffiti datés de 1055 à 1129 dans une église du groupe, ils peuvent s’échelonner entre le milieu du XIe siècle et celui du XIIe. 135 N. Thierry: DOP 29 (1975), 86–95. 136 Une tendance analogue s’observe dans certaines peintures contemporaines de Géorgie: N. Thierry: CahArch 24 (1975), 109–111. 137 Sur l’éventualité de repeints de la fin du XIIIe siècle à Karabaş kilise, voir en dernier lieu M. Restle: RBK 3, 1094–1096, 1107. 134

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Constantin Monomaque et Zoé à Sainte-Sophie) et dont la vogue fut grande: on en trouve d’autres manifestations à Sainte-Sophie d’Ohrid, à la Néa Moni de Chios ou à la Dormition de Nicée (narthex). — Plus éloignés des modes constantinopolitaines, quelques décors (Saint-Michel d’İhlara, Ayvalıköy, Eski Gümüş) sont caractérisés par une simplification et une stylisation linéaire poussées des formes classiques (Fig. 16). La coexistence de ces différentes tendances révèle, par delà l’uniformisation géographique de l’art byzantin au XIe siècle, la diversité de ses aspects. Elle montre en outre l’activité en Cappadoce d’ateliers multiples, les donateurs les plus fortunés ayant la possibilité de faire appel à des artistes de talent formés à Constantinople, à Césarée ou dans quelque autre grand centre, les commanditaires plus modestes recourant aux services de peintres locaux, plus ou moins habiles. Les uns et les autres pratiquent, à des niveaux divers, un art désormais commun à toutes les terres de l’Empire. Très ralenties après l’installation des Turcs, l’activité religieuse et la production monumentale connaissent un éphémère renouveau au XIIIe sièclel38. À cette époque de paix relative et de prospérité économique qui voit l’édification d’importants monuments seldjoukides, la décoration des sanctuaires chrétiens est décevante. La Cappadoce, coupée de Byzance, n’a pas développé de formes artistiques originales; l’appauvrissement relatif des communautés, les difficultés auxquelles elles étaient confrontées ont eu des effets autrement négatifs que les contraintes du pouvoir central. Les peintres, vivant sur des traditions sclérosées, pratiquent un art archaïsant et de qualité souvent médiocre. *

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Esquissons en conclusion une réponse à la question qui a dominé cet exposé: une province de l’Empire byzantin pouvait-elle, dans le domaine artistique, demeurer, même partiellement, une « aire homogène » indépendante des modes et directives venues de la capitale? L’exemple de la Cappadoce incite, à première vue, à repondre par la négative. En schématisant un peu, on peut dire qu’elle a connu, de la fin de l’iconoclasme à la conquête turque, une évolution qui l’a conduite à l’abandon de ses caractères spécifiques au profit 138

Cf. N. Thierry: DOP 29 (1975), 105–109, M. Restle: RBK 3, 1103–1107.

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de traditions byzantines largement répandues. Le rôle de Constantinople dans la diffusion de celles-ci est indéniable, mais il ne faut pas oublier que la capitale a été un véritable creuset et que la constitution de l’art “byzantin” s’est faite en partie par la fusion et l’assimilation d’apports provinciaux. Préciser la contribution éventuelle de la Cappadoce semble, en l’état actuel de la recherche, une tâche difficile, voire impossible. Il faut aussi noter que l’imitation des modes constantinopolitaines n’a jamais été en Cappadoce ni servile, ni uniforme. Des particularités ont longtemps subsisté et la diversité des fondations a eu pour conséquence la participation d’ateliers multiples; des œuvres médiocres, « populaires », côtoient des réalisations ambitieuses, parfois de grande qualité. Dans sa diversité, la peinture cappadocienne fournit ainsi des indices ténus, mais précieux, sur la composition sociale de la région et sur les variations de la pensée religieuse, de la piété et, plus généralement, des mentalités.

II

La Cappadoce après Jerphanion. Les monuments byzantins des Xe–XIIIe siècles

L

E présent bilan s’articule en trois parties. Je donnerai d’abord un aperçu général de l’évolution de notre connaissance de la Cappadoce depuis Jerphanion1 et j’évoquerai la place qu’occupe aujourd’hui cette documentation archéologique dans les études byzantines. Je présenterai ensuite les découvertes les plus marquantes, ainsi que les principales avancées de la recherche, en m’attachant au domaine surtout étudié par Jerphanion: les églises rupestres et leur décor. Enfin, je mentionnerai en conclusion les centres d’intérêt peu ou pas explorés par lui qui retiennent aujourd’hui l’attention des chercheurs et les directions que prennent ou que pourraient prendre les études futures. Depuis Jerphanion, surtout ces trente dernières années, les découvertes de nouveaux monuments n’ont pas cessé2. Elles ont porté sur les régions qu’il avait étudiées — Göreme, le sud d’Ürgüp, Soğanlı — démentant son assertion : « nous croyons pouvoir affirmer que rien d’important ne nous a échappé dans le territoire battu de nos expéditions »3. Mais d’autres zones ont été aussi explorées, repoussant les limites de la Cappadoce rupestre d’Aksaray à l’ouest aux environs de Kayseri à l’est, de la région de Niğde au sud jusqu’au-delà du Kızıl Irmak au nord. Le répertoire de Jerphanion, Dont l’ouvrage pionnier — G. de Jerphanion, Une nouvelle province de l’art byzantin. Les églises rupestres de Cappadoce, 2 vol., Paris, 1925–1942 — demeure fondamental. 2 Voir l’état de la question dressé en 1991 par N. Thierry, Découvertes archéologiques en Asie Mineure centrale et orientale. Leur intérêt pour les études byzantines, dans XVIIIe Congrès international des études byzantines. Moscou 1991. Rapports pléniers, Moscou, 1991, p. 458–478. 3 Voir infra Annexe. 1

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en 1942, comptait une centaine de monuments, nombre qui a plus que doublé depuis, puisque Nicole Thierry, en 1991, en indiquait 231 (et davantage aujourd’hui) — et cela en se limitant à ceux qui présentent un intérêt archéologique particulier. La bibliographie, qui s’est considérablement enrichie, témoigne de cet accroissement de la documentation, puisqu’elle consiste en majorité en publications de monuments inédits : le foisonnement des articles, de type surtout monographique — plus d’une centaine — contraste avec le petit nombre d’ouvrages4, parmi lesquels les tentatives de synthèse sont rares. La bibliographie postérieure à Jerphanion témoigne aussi d’un approfondissement de la recherche dans son domaine de prédilection : les peintures des églises rupestres, dont l’iconographie, mais aussi le style et la technique ont fait l’objet de nouvelles études. Elle montre enfin une diversification des centres d’intérêt : on s’attache davantage à l’implantation des fondations religieuses dans le paysage et aux structures qui les entourent; nécropoles, habitat, installations défensives et agricoles retiennent l’attention, même si leur étude n’en est qu’à ses débuts.

4 Les principaux sont: L. Budde, Göreme. Höhlenkirchen in Kappadokien, Düsseldorf, 1958; M. S. İpşıroğlu, S. Eyuboğlu et P. Moraux, Saklı kilise. Une église rupestre de Cappadoce, Istanbul, 1958; N. Thierry et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres de Cappadoce. Région du Hasan Dağı, Paris, 1963; M. Restle, Byzantine Wall Painting in Asia Minor, Shannon, 1969 (trad. de: Die byzantinische Wandmalerei in Kleinasien, Recklinghausen, 1967); L. Giovannini (éd.), Arts de Cappadoce, Genève, 1971; M. Yanagi et Y. Nagatsuka, Fresques médiévales en Turquie (en japonais), Tokyo, 1971; S. Kostof, Caves of God. The Monastic Environment of Byzantine Cappadocia, Cambridge (Mass.), 1972 (repr. Caves of God. Cappadocia and its Churches, Oxford-New York-Toronto, 1989); F. Hild, Das byzantinische Strassensystem in Kappadokien, Vienne, 1977; F. Hild et M. Restle, Kappadokien (Kappadokia, Charsianon, Sebasteia und Lykandos), Vienne, 1981 (Tabula Imperii byzantini, 2); Le aree omogenee della civiltà rupestre nell’ambito dell’Impero bizantino: la Cappadocia. Atti del Quinto Convegno internazionale di studio sulla civiltà rupestre medioevale nel Mezzogiorno d’Italia, Galatina, 1981; N. Thierry, Haut Moyen Age en Cappadoce. Les églises de la région de Çavuşin, 2 vol., Paris, 1983–1994; L. Rodley, Cave Monasteries of Byzantine Cappadocia, Cambridge, 1985; A. Wharton Epstein, Tokalı kilise. Tenth-Century Metropolitan Art in Byzantine Cappadocia, Washington, 1986 (Dumbarton Oaks Studies, 22); C. Jolivet-Lévy, Les églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l’abside et de ses abords, Paris, 1991; H. Wiemer-Enis, Die Wandmalerei einer kappadokischen Höhlenkirche: die neue Tokalı in Göreme, Francfort, 1993 (Europäische Hochschulschriften: Reihe 28, Kunstgeschichte, 175); N. AsutayFleissig, Templonanlagen in den Höhlenkirchen Kappadokiens, Francfort, 1996 (Europäische Hochschulschriften: Reihe 28, Kunstgeschichte, 248); N. B. Teteriatnikov, The Liturgical Planning of Byzantine Churches in Cappadocia, dans Orientalia christiana analecta, 252, Rome, 1996; C. Jolivet-Lévy, La Cappadoce, mémoire de Byzance, Paris, 1997.

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Les recherches menées depuis Jerphanion sur la Cappadoce et, en général, sur l’art byzantin, ont-elles entraîné une révision profonde de ses principales conclusions ? L’aspect probablement le plus controversé — et qui reste aujourd’hui au cœur des débats — est celui de la chronologie des monuments. Si un certain nombre de chercheurs actuels — français et anglo-saxons surtout — suivent encore la plupart des datations établies par Jerphanion, qui font des Xe–XIe siècles la période de plus grande prospérité de la Cappadoce, celle où les témoins monumentaux sont les plus nombreux, d’autres — allemands principalement — placent l’apogée des établissements rupestres au XIIIe siècle5. Mais les révisions chronologiques proposées restent fragiles et, en dehors du problème, évoqué ici même par Nicole Thierry, des monuments païens et paléochrétiens, dont l’importance a été sous-estimée par Jerphanion, ses datations restent, à notre avis, globalement valables. L’évolution générale des connaissances sur l’art byzantin a en revanche conduit à réviser certaines de ses opinions, concernant en particulier l’archaïsme des décors du Xe siècle et, plus généralement, la place de la Cappadoce dans le développement de l’iconographie chrétienne. On ne cherche plus dans la peinture cappadocienne des IXe–Xe siècles le reflet des œuvres disparues de Palestine ou de Constantinople6; on l’étudie plutôt comme un témoignage privilégié sur la société et la vie religieuse d’une province de l’Empire byzantin7, qui présentait sûrement des points communs Voir les datations des monuments dans Hild et Restle, op. cit., et le compte rendu de N. Thierry, Turcica, 14, 1982, p. 298–301; voir aussi, en dernier lieu: Wiemer-Enis, op. cit. Jerphanion déjà avait dû répondre aux arguments d’E. Weigand, qui, en 1936, reportait au XIVe siècle la plupart des peintures de Cappadoce (E. Weigand, Zur Datierung der kappadokischen Höhlenmalereien, dans Byzantinische Zeitschrift, 36, 1936, p. 337–397). Sur ce problème de chronologie, en dernier lieu: N. Thierry, De la datation des églises de Cappadoce, dans Byzantinische Zeitschrift, 88, 1995, p. 419–455. 6 La discussion sur la place de la Cappadoce n’est cependant pas close; T. Velmans, remarquant — à juste titre — ses liens avec la tradition artistique des provinces orientales (Syrie, Palestine, Géorgie) la rattache ainsi à la «périphérie orientale» du monde byzantin: T. Velmans, L’image de la Déisis dans les églises de Géorgie et dans celles d’autres régions du monde byzantin, dans Cahiers archéologiques, 29, 1980–1981, p. 47–102; Ead., L’image de la Déisis dans les églises de Géorgie et dans le reste du monde byzantin, dans Cahiers archéologiques, 31, 1983, p. 129–168 (spec. p. 156–158); Ead., La koinè grecque et les régions périphériques orientales du monde byzantin, dans Jahrbuch der österreichischen Byzantinistik, 31/2,1981, p. 677–723; voir aussi la discussion sur ce rapport: Jahrbuch der österreichischen Byzantinistik, 32/1, 1982, p. 335–338. 7 En particulier A. Wharton Epstein, The Problem of Provincialism: Byzantine Monasteries in Cappadocia and Monks in South Italy, dans Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 5

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avec d’autres régions, mais possédait aussi une certaine spécificité. Enfin, la conception de la Cappadoce comme une terre essentiellement monastique a fait long feu : certes, elle abritait ermitages et petits monastères en assez grand nombre (surtout aux Xe–XIe siècles), mais aussi une population rurale nombreuse de paysans, de propriétaires terriens et de soldats, et elle n’était sans doute ni plus ni moins monastique que d’autres provinces de l’Empire. Mais l’apport essentiel de Jerphanion demeure : il réside dans la description minutieuse d’un matériel archéologique avant lui quasiment inconnu, et dans la révélation de cette « nouvelle province de l’art byzantin », dont l’intérêt, plus de cinquante ans après, ne se dément pas; le phénomène rupestre a permis ici, comme nulle part ailleurs, la conservation d’établissements de natures diverses, qui attendent encore d’être étudiés avec le soin que Jerphanion avait jadis porté, ouvrant la voie, à l’étude des églises. Quelle place tient aujourd’hui ce matériel dans les études byzantines? Force est de reconnaître qu’elle reste modeste, car il n’a pas encore été réellement intégré dans le corpus des œuvres dignes d’être prises en considération dans une évaluation générale de l’archéologie et de l’art byzantin. La tendance tenace à privilégier des formes d’art considérées comme plus « nobles » ou moins provinciales, à identifier l’art byzantin à l’art de la capitale de l’Empire, a contribué à marginaliser cette documentation. Après le choc causé par la publication des Églises rupestres de Cappadoce, l’intérêt s’est émoussé et le matériel cappadocien, longtemps assez difficile d’accès et surtout n’entrant pas facilement dans les classifications connues, a été considéré comme une production provinciale atypique et, en conséquence, négligé. Une évolution positive semble pourtant se dessiner, dont témoignent la multiplication, ces dernières années, des thèses universitaires consacrées aux monuments de Cappadoce8,

42, 1979, p. 28–46; A. J. Wharton, Art of Empire. Painting and Architecture of the Byzantine Periphery, Londres, 1988, p. 13–52; Teteriatnikov, Liturgical Planning cit. n. 4. 8 Ν. Thierry, Monuments inédits des régions de Göreme et Mavrucan. Notion de centres ruraux et monastiques en Cappadoce rupestre, Paris, 1968 (inéd.); A. Wharton Epstein, The Date and Context of Some Cappadocian Rock-cut Churches, Londres, 1975 (inéd.); L. Rodley, Architecture and Decoration of Cave Churches and Monasteries in Byzantine Cappadocia, Londres, 1980 (Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4); C. Jolivet-Lévy, La peinture byzantine en Cappadoce. Problèmes d’ensemble et introduction à l’étude de l’iconographie absidale, Paris, 1981 (Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4); Thierry, Haut Moyen Âge en Cappadoce. Les églises de la région de Çavuşin, Paris, 1981 (Thierry, Haut Moyen Age cit. n. 4); J. A. Cave, The

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ainsi que la place qui leur est réservée dans quelques ouvrages généraux récents9. Procédant par ordre chronologique, j’évoquerai d’abord le premier groupe de décors post-iconoclastes mis en évidence par Jerphanion : celui qu’il qualifiait — et que l’on qualifie encore — d’« archaïque », attribué à la fin du IXe et à la première moitié du Xe siècle. Si les nouvelles découvertes n’ont pas remis en question la cohérence de cette série, l’interprétation proposée par Jerphanion de ses caractères « archaïques » a été, depuis longtemps, nuancée : loin d’y voir la continuation, par conservatisme provincial et monastique, de traditions paléochrétiennes syro-palestiniennes, on a mis l’accent sur l’actualité des programmes iconographiques dans le contexte de l’époque qui suit la fin de l’iconoclasme et sur les liens avec l’art contemporain de Constantinople ou de Grèce10. De nouveaux ensembles ont été publiés, qui portent aujourd’hui le nombre des décors de cette époque à près d’une soixantaine11. L’un des plus intéressants est celui de Saint-Jean de Güllü dere12, église composée de deux Byzantine Wall Paintings of Kılıçlar kilise, Ph. D. Diss. Pennsylvania State University, 1984 (inéd.); N. Teteriatnikov, The Liturgical Planning of Byzantine Churches in Cappadocia, New York, 1987 (Teteriatnikov, Liturgical Planning cit. n. 4); S. A. Wallace, Byzantine Cappadocia: The Planning and Function of its Ecclesiastical Structures, Canberra, 1991 (inéd.); H. WiemerEnis, Die Wandmalerei einer kappadokischen Höhlenkirche: die neue Tokalı in Göreme, Univ. Diss., Bonn, 1992 (Wiemer-Enis, Tokalı cit. n. 4); N. Asutay-Fleissig, Templonanlagen in den Höhlenkirchen Kappadokiens, Bonn, 1993 (Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4). 9 Voir par exemple: A. Cutler et J.-M. Spieser, Byzance médiévale (700–1204), Paris, 1996 (L’univers des formes). 10 N. Thierry, Ayvalı kilise ou pigeonnier de Gülli dere, dans Cahiers archéologiques, 15, 1965, p. 97–154; R. Cormack, Byzantine Cappadocia: The Archaic Group of Wall-Paintings, dans Journal of the British Archaeological Association, 30, 1967, p. 19–36 (repr. dans The Byzantine Eye. Studies in Art and Patronage, Londres, 1989, art. n° VI); J. LafontaineDosogne, Théophanies-visions auxquelles participent les prophètes dans l’art byzantin après la restauration des images, dans A. Grabar et alii, Synthronon. Art et archéologie de la fin de l’Antiquité et du Moyen Âge. Recueil d’études, Paris, 1968, p. 138–143; Wharton Epstein, Provincialism cit. n. 7; C. Jolivet, La peinture byzantine en Cappadoce de la fin de l’Iconoclasme à la conquête turque, dans Le aree omogenee cit. n. 4, p. 159–197; Cave, Kılıçlar cit. n. 8; C. Jolivet-Lévy, Les programmes iconographiques des églises de Cappadoce au Xe siècle. Nouvelles recherches, dans Constantine VII Porphyrogenitus and His Age. Second International Byzantine Conférence (Delphes 1987), Athènes, 1989, p. 257–284. 11 En 1990, il est estimé à 58 par Thierry, Découvertes cit. n. 2, p. 460. 12 L’église, mentionnée par Jerphanion, mais d’après les notes du Père Gransault, qui n’avait pu se la faire ouvrir (Jerphanion, I, p. 594), a été publiée par Thierry, Ayvalı cit. n. 10, étude complétée dans Thierry, Haut Moyen Age cit. n. 4, I, p. 135–173.

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vaisseaux parallèles, dont la seconde couche de peintures est datée — par inscriptions — de 913–920 (ou moins vraisemblablement de 945). Deux décors « archaïques » publiés par Jerphanion — les Saints-Apôtres de Sinasos (peintures de la voûte) et Tokalı kilise, à Göreme — ont pu être attribués à l’atelier de Saint-Jean de Güllü dere13, confirmant la chronologie proposée pour le groupe « archaïque »14. L’intérêt du monument est aussi iconographique : si la nef sud a reçu un cycle christologique, habituel dans ce type de monuments15, la nef nord, funéraire, offre un programme décoratif adapté à cette fonction, avec, en particulier, une rare représentation de la Seconde Venue du Christ (suivant une formule dynamique mieux connue en Occident qu’à Byzance), le tribunal du Jugement dernier, associé à la Pentecôte, la résurrection des morts, la Vision d’Eustathe, la Dormition de la Vierge (Fig. 1) et une série de saints. À signaler aussi l’image de l’Agneau à l’intrados de l’arc absidal sud, sur laquelle je reviendrai (Fig. 2). Dans la même région, le décor peint au début du Xe siècle dans la partie orientale de l’« église à la croix » (Haçlı kilise) de Kızıl Çukur, sanctuaire dont l’excavation et les sculptures sont plus anciennes, témoigne du renouveau de l’activité monumentale, qui accompagne à cette époque la reprise socioéconomique; là se trouve la plus belle composition absidale « archaïque » qui nous soit parvenue (Fig. 3), complétée par quelques figures de saints à l’extrémité orientale de la nef16. À la même série « archaïque » se rattachent, à Göreme, dans la nécropole qui s’étend dans le fond du vallon, les peintures très abîmées d’un tombeau familial17 avec les portraits des défunts, entourés de ceps de vigne et de croix, N. Thierry, Un atelier de peintures du début du Xe siècle: l’atelier de l’ancienne église de Tokalı, dans Bulletin de la Société nationale des antiquaires de France, 1971, p. 170–178 (repr. dans Peintures d’Asie Mineure et de Transcaucasie aux X e et XI e siècles, Londres, 1977, art. n° IV). 14 Un autre décor daté de la première moitié du Xe s. (921–944) — Eğri taş kilisesi — a été identifié dans la vallée de Peristrema, région que Jerphanion n’avait pas visitée: voir infra n. 23. 15 Pour les caractéristiques des décorations «archaïques»: Jerphanion, I, p. 67–94. 16 N. Thierry et M. Thierry, Haçlı kilise, l’église à la croix, en Cappadoce, dans Journal des savants, 1964, p. 241–254; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 50–53; Thierry, Haut Moyen Age cit. n. 4, II, 245–254. De nombreux graffites médiévaux sur les peintures témoignent de la fréquentation du sanctuaire; le nombre important d’invocations adressées à saint Théodore fait penser que l’église lui était dédiée. 17 N. Thierry, Découvertes à la nécropole de Göreme (Cappadoce), dans Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 1984, p. 666–678; N. Thierry, Le portrait funéraire 13

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mais aussi une représentation de la vision d’Eustathe et l’image du lion et du bœuf paissant ensemble au Paradis (Isaïe XI, 6–9). Dans la même zone, l’église 2b18 conserve de belles peintures « archaïques », malheureusement très fragmentaires, avec une représentation précoce du Jugement dernier19. Restée en dehors des investigations de Jerphanion, la région du Hasan Dağı, qu’avait parcourue Hans Rott20, a livré plusieurs monuments contemporains du groupe « archaïque », qui ont révélé de nouveaux aspects de l’art de cette époque. Les décors des églises des environs d’İhlara21 présentent ainsi nombre de traits originaux par rapport à ceux de la région d’Ürgüp, qui témoignent du maintien de formules primitives, de l’influence d’apocryphes orientaux, voire de croyances hérétiques22 : les différentes visions des mages, révélatrices du polymorphisme de Dieu (Eğri taş kilisesi), le Christ comparaissant devant Pilate enveloppé dans une gloire lumineuse, signe de sa divinité (Kokar kilise) ou encore l’iconographie singulière de la Cène, caractérisée par la présence, en bonne place, de Paul et par la provocation du démon demandant à participer au banquet sacré (Yılanlı kilise, Kokar kilise, Pürenli seki kilisesi). L’implantation d’une population byzantine réfugiée des terres occupées par les Arabes depuis le VIIe siècle a été invoquée pour expliquer le caractère oriental de ces décors. Quoi qu’il byzantin. Nouvelles données, dans Εὐφρόσυνον ἀφιέρωµα στὸν Μανόλη Χατζηδάκη, II, Athènes, 1992, p. 587–588. 18 L’église Göreme 2b n’a pas encore fait l’objet d’une publication complète, que prépare N. Thierry; brève notice (consacrée surtout au Jugement dernier) dans: N. Thierry, Annuaire. Résumés des conférences et travaux, École pratique des hautes études. Section des sciences religieuses, 94, 1985–1986, p. 488–489; voir aussi, pour une présentation plus générale: Wharton, Art of Empire cit. n. 7, p. 32–33, qui attribue le décor au peintre d’El Nazar (= Göreme l: Jerphanion, I, p. 177–198). 19 Dans la zone étudiée par Jerphanion, d’autres décors «archaïques» ont été répertoriés: citons Göreme 4a, l’église des Archanges de Zindanönü, Hacı İsmail dere l, l’église n° 1 d’Hal dere (cf. Annexe pour les références). Au Xe siècle peuvent être attribuées aussi des églises sans peintures, mais à l’architecture intéressante: la grande église dite Kan ter kilisesi à Kızıl Çukur et les églises de Kepez (cf. Annexe). 20 H. Rott, Kleinasiatische Denkmäler aus Pisidien, Pamphylien, Kappadokien und Lykien, Leipzig, 1908, p. 257–284; voir aussi: W. M. Ramsay et G. Bell, The Thousand and One Churches, Londres, 1909, p. 325–339, 363–396, 404–427, 464–467. 21 Révélés par les publications de Thierry, Hasan Dağı cit. n. 4, et J. Lafontaine-Dosogne, Nouvelles notes cappadociennes, dans Byzantion, 33, 1963, p. 141–181; voir aussi Restle, Byzantine Wall Painting cit. n. 4, I, p. 168–180, III, fig. 474–522. 22 Cf. en dernier lieu: N. Thierry, L’illustration des Apocryphes dans les églises de Cappadoce, dans Apocrypha, 2, 1991 [= La fable apocryphe, II], p. 232–247.

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en soit, les églises de la région du Hasan Dağı ont largement contribué à l’élargissement du répertoire iconographique cappadocien. En outre, la lecture de la dédicace d’un tourmarque et spatharocandidat, Christophore, bienfaiteur d’Eğri taş kilisesi, sous le règne commun de Romain Lécapène et Constantin VII (entre 921 et 944), a ajouté un nouveau décor daté du Xe siècle23. Parallèlement à la publication de décors inédits, l’analyse iconographique des peintures s’est affinée, portant sur l’interprétation des programmes ou sur tel ou tel point particulier. Les décors absidaux ont été réexaminés24, en particulier la Majestas Domini, dont le lien avec la liturgie a été souligné, tandis que la représentation de la Théotokos dans l’abside s’est avérée, à la lumière des nouvelles découvertes, moins rare qu’on ne le pensait25 (Fig. 4). L’étude renouvelée des cycles christologiques a conduit à mettre en évidence, à côté du principe de narrativité surtout souligné par Jerphanion, d’autres considérations responsables du choix et/ou de l’emplacement et de l’organisation des images : la prise en compte du cadre architectural, une réflexion sur la valeur des images et sur leur lien avec la liturgie26. L’étude du répertoire hagiographique a été aussi, mais dans une moindre

23 Cf. N. Oikonomides, The Dedicatory Inscription of Eğri Taş Kilisesi, dans Harvard Ukrainian Studies, 7, 1983 [= Okeanos. Essays Presented to Ihor Ševčenko on His Sixtieth Birthday], p. 501–506; I. Beldiceanu-Steinherr, Une tourma révélée par une inscription de l’église d’Eğri Taş, dans Jahrbuch der österreichischen Byzantinistik, 38, 1988, p. 395–420. 24 Wharton, Art of Empire cit. n. 7, p. 35–37 (Majestas Domini); Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4. 25 Rareté soulignée entre autres par J. Lafontaine-Dosogne, L’église rupestre dite Eski Baca kilisesi et la place de la Vierge dans les absides cappadociennes, dans Jahrbuch der österreichischen Byzantinistik, 21, 1972, p. 163–178. La Théotokos dans la conque absidale apparaît dans l’église n° 1 d’Hal dere, dans celles du cône isolé de Zelve et de la Mère du Christ de Selime: pour les deux premiers exemples, voir Annexe; pour Selime: Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 332–333. La diffusion de l’image de la Théotokos dans l’abside est attestée aussi au XIe et XIIIe s.: voir infra. 26 N. Thierry, La Bible illustrée en Cappadoce, dans C. Mondésert (éd.), Le monde grec ancien et la Bible, Paris, 1984, p. 267–277; Cave, Kılıçlar cit. n. 8; Y. Nagatsuka, Essai sur les programmes iconographiques des églises rupestres de Cappadoce, dans Balkan and Asia Minor Studies, 10, 1984, p. 1–40; Jolivet-Lévy, Programmes iconographiques cit. n. 10; A. Cutler, Apostolic Monasticism at Tokalı Kilise in Cappadocia, dans Anatolian Studies, 35, 1985, p. 57–65 (sur le décor du narthex de Tokalı kilise). D. Wood, Leo VI’s Concept of Divine Monarchy Illustrated in a Cave Chapel, Londres, 1964, a tenté de mettre en relation les scènes christologiques de Tokalı kilise l avec la propagande impériale.

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mesure, entreprise27. Plusieurs thèmes iconographiques ont été réexaminés28; d’autres, révélés par les découvertes postérieures à Jerphanion, ont fait l’objet d’études spécifiques, comme la représentation du Christ sous la forme d’un agneau, identifiée dans quatre églises: Saint-Jean de Güllü dere (Fig. 2), İltaş, Pancarlık kilise, église du Topuz Dağı (Fig. 5)29. Enfin, le matériel cappadocien, qui offre souvent des témoignages précoces, a acquis une place plus importante dans les études d’iconographie byzantine, telles celles portant sur l’Anastasis ou sur l’Ascension30. Les recherches consacrées à la technique31 et au style des décors «archaïques » ont également progressé, sans que les tentatives faites pour préciser leur chronologie relative aient débouché sur des conclusions fermes. En revanche, on a pu identifier quelques ateliers ou du moins mettre en évidence l'activité d'un même peintre dans plusieurs monuments : outre l'exemple déjà cité de Tokalı kilise 1 / Saint-Jean de Güllü dere / Saints27 C. Jolivet-Lévy, Hagiographie cappadocienne: à propos de quelques images nouvelles de saint Hiéron et de saint Eustathe, dans Εὐφρόσυνον ἀφιέρωµα στὸν Μανόλη Χατζηδάκη, Ι, Athènes, 1991, p. 205–218; Ν. Thierry, Vision d’Eustache. Vision de Procope. Nouvelles données sur l’iconographie funéraire byzantine, dans Ἁρµός. Τιµητικὸς τόµος στὸν καθηγητὴ Ν. Κ. Μουτσόπουλο, III, Thessalonique, 1991, p. 1845–1860; Ead., Le culte du cerf en Anatolie et la vision de saint Eustathe, dans Monuments Piot, 72, 1991, p. 33–100; C. Jolivet-Lévy, Trois nouvelles représentations de la vision d’Eustathe en Cappadoce, ibid., p. 101–106; Ead., Contribution à l’étude de l’iconographie mésobyzantine des deux Syméon stylites, dans Les saints et leur sanctuaire à Byzance. Textes, images et monuments, Paris, 1993, p. 37–40 (sur le cycle de saint Syméon à Zelve). Voir également: C. Walter, Biographical Scenes of the Three Hierarchs, dans Revue des études byzantines, 36, 1978, p. 233–260 (245–247), L. Brubaker, The Vita Icon of Saint Basil: Iconography, dans B. Davezac (éd.), Four Icons in the Menil Collection, Houston, 1992, p. 75–93 (81, 84–91). 28 Cf. par exemple: Ν. Thierry, A. Tenenbaum, Le cénacle apostolique à Kokar kilise et Ayvalı kilise en Cappadoce. Mission des apôtres, Pentecôte et Jugement dernier, dans Journal des savants, 1963, p. 229–241; Y. Christe, Notes iconographiques sur quelques églises de Cappadoce, dans Zographe, 15, 1984, p. 5–14; Thierry, Apocryphes cit. n. 22. 29 C. Jolivet-Lévy, Le canon 82 du Concile Quinisexte et l’image de l’Agneau: à propos d’une église inédite de Cappadoce, dans Δελτίον τῆς Χριστιανικῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας, 4, 17, 1993–1994, p. 45–52. Pour les particularités iconographiques des églises d’İhlara, voir supra n. 22. 30 Voir par exemple A. D. Kartsonis, Anastasis. The Making of an Image, Princeton, 1986, p. 258 (Index, s. v. Cappadocia); N. Gkioles, Ἡ Ἀνάληψις τοῦ Χριστοῦ βάσει τῶν µνηµείων τῆς Α’ χιλιετηρίδος, Athènes, 1981, p. 367 (Index, s.v. Καππαδοκία). 31 Celles-ci demeurent — pour les peintures de Cappadoce — très limitées: outre les analyses liées aux travaux de restauration (cf. infra n. 49), il faut citer essentiellement les observations de M. Restle, Byzantine Wall Painting cit. n. 4, I, passim, dont les analyses n’ont porté que sur quelques décors (I, p. 226–234).

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Apôtres de Sinasos32, citons ceux de Kılıçlar kilise et de Çökek33, de Göreme 2b et El Nazar34. Si le groupe des décors «archaïques» s’est enrichi depuis Jerphanion, il a aussi souffert de dégradations plus ou moins importantes35. L’érosion est responsable de la perte des peintures de la nef de la chapelle 8 de Göreme, qui s’est effondrée dans la vallée, et d’une partie de celles des chapelles 1 (El Nazar), 3 et 636, tandis qu’il faut imputer à l’action de l’homme la perte de l’intéressant programme pictural de Ballık kilise, à Soğanlı37, entièrement gratté par le propriétaire de l’église vers 1960. À Saint-Jean de Güllü dere38, entre 1963 et 1965, ont été découpées et volées les têtes de deux apôtres, André et Thaddée, ainsi que celles de la Vierge et de l’Enfant dans la Fuite en Égypte. À Kılıçlar kilise39, la tentative de décollement de l’enduit peint en vue de la dépose de l’image de l’Annonce à Jean-Baptiste n’a pas abouti, mais la colle a endommagé la peinture. Dans les années 1990, l’arc du templon de Merdiven kilise (Derin dere)40 a été scié à sa base et emporté. À İbrahimpaşaköy41, les peintures de l’église décrites par Jerphanion ont

Supra n. 13. N. Thierry, Matériaux nouveaux en Cappadoce, 1982, dans Byzantion, 54, 1984, p. 339–350. 34 Supra n. 18. 35 Pour un bilan des destructions, établi il y a une dizaine d’années: N. Thierry, La détérioration des sites et monuments de Cappadoce, dans Δελτίο Κέντρου Μικρασιατικῶν Σπουδῶν, 7, 1988–1989, p. 335–354; Ead., Les destructions en Cappadoce, dans Le monde de la Bible, 70, 1991, p. 44–45; voir aussi, plus récemment: The Safeguard of the Rock-hewn Churches of the Göreme Valley. Proceedings of an International Seminar, Ürgüp, Cappadocia, Turkey, 5–10 September 1993, Rome, 1995. 36 Göreme 8: Jerphanion, I, p. 113–120; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 108–109. El Nazar: cf. supra n. 18; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 83–85; Göreme 3: Jerphanion, I, p. 140–144; Göreme 6: ibid., p. 95–112; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 93–94. 37 Jerphanion, II, p. 250–270; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 255–256. 38 Cf. supra n. 12. 39 Jerphanion, I, p. 199–242; Cave, Kılıçlar cit. n. 8; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 137–141. 40 G. P. Schiemenz, Jacobsbrunnen im tiefen Tal, dans Orientalia christiana analecta, 204, 1977, p. 147–180; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 189–191. 41 Anc. Babayan: Jerphanion, II, p. 57–58; G. P. Schiemenz, Die Doppelkirche von Babayan, dans Istanbuler Mitteilungen, 36, 1986, p. 183–221; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 165–166. 32 33

Cappadoce: les sites mentionnés sont soulignés (d'après F. Hild et M. Restle, Kappadokien, Vienne, 1981).

1. Saint-Jean de Güllü dere, nef nord : la Dormition de la Vierge (913–920).

2. Saint-Jean de Güllü dere, abside sud (intrados de l’arc absidal) : l’Agneau (913–920).

3. Kızıl Çukur, Haçlı kilise, détail de la composition absidale : l’homme, symbole de Matthieu (début Xe s.).

4. Selime, église de la Mère du Christ, abside: la Théotokos entre Gabriel et Michel (Xe s.).

5. Église de Topuz Dağı, détail de la composition absidale: l’Agneau au-dessus du Christ (Xe s.). 6. Göreme, Tokalı kilise 2: la Vierge de tendresse (milieu Xe s.).

7. Avcılar, Yusuf koç kilisesi: le mur sud de l’église (XIe s.).

8. Avcılar, Église de la citerne: le Voyage à Bethléem (XIe s.).

9. Eski Gümüş, détail du décor absidal: les apôtres Jacques et Jean (XIe s.).

10. Belisırma, Direkli kilise: les saints Serge et Bacchus (976–1025).

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été partiellement détruites, apparemment par hostilité aux touristes. Enfin, l’image du Christ dans l’abside de Saint-Théodore (Pancarlık kilise), près d’Ürgüp, monument également décrit par Jerphanion42, a été endommagée en 1996. On peut déplorer enfin qu’aucun effort ne soit fait pour préserver certains monuments laissés à l’abandon — comme la chapelle 13 de Göreme43, utilisée comme parking — ou certains sites pittoresques et évocateurs, comme les abords du cône de Saint-Syméon à Zelve44, défigurés par l’installation d’éventaires et buvettes. Deux monuments exceptionnels des alentours du milieu du Xe siècle, que Jerphanion classait dans un groupe intermédiaire entre les décors « archaïques » et ceux du XIe siècle, ont fait l’objet de nouvelles recherches : Tokalı kilise 2 à Göreme45 et l’église dite du Grand Pigeonnier de Çavuşin46, tous deux témoignant, à des titres divers, du rôle de la puissante famille des Phocas dans la région47. Les particularités de l’architecture et de la décoration du premier monument — Tokalı kilise — ont donné lieu, depuis une vingtaine d’années, à plusieurs études ponctuelles48, mais c’est la restauration des peintures (1973–1980)49, rendue nécessaire par l’accélération des dégradations récentes Jerphanion, II, p. 17–47; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 219–222. Jerphanion, I, p. 138–139; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 117–118. 44 Jerphanion, I, p. 552–569; Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4, p. 189–193. 45 Jerphanion, I, p. 297–316. 46 Jerphanion, I, p. 520–550. 47 En dernier lieu: Jolivet-Lévy, Cappadoce cit. n. 4, p. 58–67. 48 Citons pour l’architecture: T. Mathews, «Private» Liturgy in Byzantine Architecture: Toward a Reappraisal, dans Cahiers archéologiques, 30, 1982, p. 125–138 (131–134), dont l’interprétation du fonctionnement liturgique des trois absides a été discutée (Wharton Epstein, Tokalı cit. n. 4, p. 8–9); pour l’iconographie: C. Walter, The Earliest Representation of Mid-Pentecost, dans Zographe, 8, 1977, p. 15–16; N. Thierry, La Vierge de tendresse à l’époque macédonienne, dans Zographe, 10, 1979, p. 59–70; A. Kartsonis, Ἡ διακόσµηση τῆς ἀψίδας τοῦ ἱεροῦ στὸ Νέο Τοκαλὶ Κιλισὲ τῆς Καππαδοκίας, dans Δεύτερο συµπόσιο βυζαντινῆς καὶ µεταβυζαντινῆς ἀρχαιολογίας καὶ τέχνης, Athènes, 1982, p. 42–43; Ead., Anastasis cit. n. 30, p. 168–173; A. J. Wharton, Tenderness and Hegemony: Exporting the Virgin Eleousa, dans I. Lavin (éd.), World Art: Themes of Unity in Diversity, XXVI th International Congress of the History of Art, Washington D.C. 1986, I, Londres, 1989, p. 71–80; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 96–108; et, pour une approche plus générale: C. Jolivet-Lévy, Le riche décor peint de Tokalı kilise à Göreme, dans Histoire et archéologie. Les dossiers, 63, 1982, p. 61–72; Thierry, Bible illustrée cit. n. 26, p. 283–285; Wharton, Art of Empire cit. n. 7, p. 30–31. 49 Restauration due à l’effort conjoint de la Direction turque des Antiquités et des musées, de l’UNESCO et de l’ICCROM (International Center for Conservation in Rome); 42 43

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(fissures, infiltrations d’eau, friabilité de l’enduit et des peintures), qui a surtout stimulé la recherche. D’admirables figures — comme la Vierge de tendresse (Fig. 6)— jusque-là masquées sous une épaisse couche de poussière et de suie sont réapparues, mais le nettoyage a fait disparaître, par endroits, une partie du modelé et nécessité des retouches plus ou moins heureuses50. La restauration a rendu possible une nouvelle couverture photographique des peintures de l’église, publiée par Ann Wharton Epstein51, qui a réaffirmé — à la suite de Jerphanion — l’homogénéité du décor de la Nouvelle église (Tokalı kilise 2) et sa datation vers le milieu du Xe siècle, étayée par une analyse du style et par des comparaisons avec des miniatures et ivoires constantinopolitains. Soulignant la qualité remarquable de cet ensemble, Ann Wharton Epstein exprimait le vœu qu’il ait désormais la place qu’il mérite dans l’histoire de la peinture byzantine, ce qui n’est pas encore tout à fait le cas. Nicole Thierry a attiré l’attention sur le recours à l’or en feuilles, pour les nimbes du Christ et de la Vierge, et au lapis-lazuli pour les fonds bleus, matériau provenant sans doute des confins nord-est de l’Afghanistan et qui est aussi utilisé dans les riches fondations contemporaines de Géorgie et d’Arménie52. La présence du lapis-lazuli a, en revanche, conduit Marcell Restle à dater le décor au XIIIe siècle, sous la domination des Seldjoukides53 : estimant, en effet, que ce matériau n’avait pu parvenir en Cappadoce au Xe siècle, en raison de la guerre avec le califat, il a cherché dans l’iconographie, le style et l’épigraphie des arguments en faveur d’une datation tardive54. La chronologie traditionnelle de Tokalı kilise 2, vers le milieu du Xe siècle, reste cependant la plus probable, que conforte l’identification — hypothétique,

cf. P. M. Schwartzbaum, The Conservation of the Mural Paintings in the Rock-cut Churches of Göreme, dans Wharton Epstein, Tokalı cit. n. 4, p. 52–59; P. M. Schwartzbaum, The ICCROM Project for Conservation of Mural Paintings in the Rock Churches of the Göreme Valley, 1971–1983, dans The Safeguard cit. n. 35, p. 187–202. 50 Voir les critiques exprimées par Thierry, La détérioration des sites cit. n. 35, p. 351. 51 Wharton Epstein, Tokalı cit. n. 4; cette monographie apporte assez peu de corrections et compléments (la présence d’une église souterraine) à l’étude de Jerphanion et formule certaines hypothèses discutables (la restitution de la partie orientale de l’Ancienne église, la chronologie relative des différentes phases du monument): cf. le compte rendu de N. Thierry dans Byzantinische Zeitschrift, 82, 1989, p. 306–309. 52 En dernier lieu: Thierry, Datation cit. n. 5, p. 437–439. 53 M. Restle, Zum Stil kleinasiatischer Wandmalereien in der I. Hälfte des 13. Jahrhunderts, dans Studenica et l’art byzantin autour de l’an 1200, Belgrade, 1988, p. 352–353. 54 Arguments développés par Wiemer-Enis, Tokalı cit. n. 4.

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mais vraisemblable — des commanditaires de l’église, mentionnés dans les inscriptions dédicatoires, à des membres de la puissante famille des Phocas55. La richesse de la technique, l’élaboration du décor architectural, le développement et l’inspiration savante du décor s’accordent bien, en effet, avec l’hypothèse d’une fondation de prestige liée aux Phocas. La dépendance, déjà remarquée par Jerphanion, du décor de l’église dite de Nicéphore Phocas (ou Grand Pigeonnier) de Çavuşin par rapport à Tokalı kilise 256 est un autre argument en faveur de sa chronologie. Les peintures de l’église de Çavuşin datent en effet du règne de Nicéphore Phocas (963–969), représenté dans l’absidiole nord, voire plus précisément des années 964–965, à l’époque des campagnes de Cilicie contre les Arabes. Bien décrit par Jerphanion, malgré les difficultés dues à son utilisation comme pigeonnier, le monument a bénéficié de nouvelles recherches qui ont permis d’apporter quelques compléments à son étude. Une description, un peu plus précise, a été proposée par Lyn Rodley, à qui l’on doit, en particulier, d’avoir reconnu les donateurs, inclinés aux pieds de la grande figure d’archange qui emplit la niche orientale du mur nord57. Jerphanion avait déjà mis en relation la fondation de l’église et les séjours de la famille impériale dans la région, au moment des campagnes de Cilicie; l’étude du contexte historique, qui explique certaines particularités du programme iconographique, en partie inspiré par la guerre de reconquête, a été reprise par Nicole Thierry58. Cette dernière a également déchiffré le nom de Jean

55 Identification proposée par N. Thierry, La peinture de Cappadoce au Xe siècle. Recherches sur les commanditaires de la Nouvelle église de Tokalı et d’autres monuments, dans Constantine VII Porphyrogenitus and His Age, Athènes, 1989, p. 217–233. Jerphanion avait bien songé à identifier le Nicéphore mentionné dans l’inscription dédicatoire à l’empereur Nicéphore Phocas, mais troublé par l’absence de titre impérial, il avait finalement opté pour une autre restitution qui faisait de Nicéphore le peintre (Jerphanion, I, p. 308–309), hypothèse ensuite acceptée par Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4, p. 218 et Wharton Epstein, Tokalı cit. n. 4, p. 80. 56 Jerphanion, I, p. 546–547. Les arguments de Jerphanion, à mon avis pertinents, ont été contestés et la relation inverse — antériorité de l’église de Çavuşin — proposée (Lafontaine-Dosogne, Nouvelles notes cit. n. 21, p. 129–133; Kostof, Caves of God cit. n. 4, p. 210–211). 57 L. Rodley, The Pigeon House Church, Çavuşin, dans Jahrbuch der österreichischen Byzantinistik, 33, 1983, p. 301–339. 58 N. Thierry, Le culte de la croix dans l’empire byzantin du VIIe siècle au Xe dans ses rapports avec la guerre contre l’infidèle. Nouveaux témoignages archéologiques, dans Rivista di studi bizantini e slavi, I, 1981, p. 223–227; Thierry, Haut Moyen Âge cit. n. 4, I, p. 43–57.

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Tzimiskès près du premier cavalier peint sur le mur nord de la nef — Jerphanion n’avait identifié que Mélias chevauchant à sa suite — et a mis en évidence l’existence de repeints postérieurs à l’accession au trône de Jean Tzimiskès, près de ces deux portraits59. J’ai, pour ma part, reconnu deux sujets passés inaperçus : la chasse d’Eustathe dans le narthex et saint Hiéron, martyr originaire de la toute proche Matiane, sur le mur est de la nef60. Enfin, une approche des peintures tenant davantage compte de l’inscription des images dans l’espace et des liens thématiques noués entre sujets proches, alignés sur un même axe, se faisant face ou se répondant symétriquement, a permis de mieux comprendre le fonctionnement et la signification du décor. Ainsi, la représentation de la famille impériale, dans l’absidiole nord, est-elle au centre d’une constellation d’images contribuant à la glorification de Nicéphore, le réseau de correspondances tissées entre les images, l’architecture et le spectateur révélant les intentions des commanditaires et/ou concepteurs du programme et les conceptions politico-religieuses contemporaines61. Le corpus des monuments du XIe siècle s’est considérablement enrichi depuis Jerphanion — on les évalue aujourd’hui à près de 80 témoins importants62 — et, pour une bonne part, ces découvertes ont porté sur la région même qu’il avait explorée : Göreme, Avcılar et le sud d’Ürgüp. J’évoquerai d’abord celles-ci, puis celles qui témoignent de l’extension géographique de la zone des établissements rupestres. Dans la région de Göreme, pourtant soigneusement étudiée par Jerphanion, les nouvelles découvertes63, nombreuses mais souvent modestes, 59 N. Thierry, Un portrait de Jean Tzimiskès en Cappadoce, dans Travaux et mémoires [du] Centre de recherches d’histoire et civilisation de Byzance, IX, 1985, p. 477–484. 60 Jolivet-Lévy, Hagiographie cit. n. 27, p. 205–206; Ead., Trois nouvelles représentations cit. n. 27, p. 105–106. 61 C. Jolivet-Lévy, La glorification de l’empereur à l’église du Grand Pigeonnier de Çavuşin, dans Histoire et archéologie. Les dossiers, 63, 1982, p. 73–77; N. Thierry, Le souverain dans les programmes d’églises en Cappadoce et en Géorgie du Xe au ΧΙIIe siècle, dans Revue des études géorgiennes et caucasiennes, 4, 1988, p. 128–131; C. Jolivet-Lévy, Cappadoce cit. n. 4, p. 63–67; Ead., Culte et iconographie de l’archange Michel dans l’Orient byzantin: le témoignage de quelques monuments de Cappadoce, dans Les cahiers de Saint-Michel de Cuxa, 28, 1997, p. 193–196. 62 Thierry, Découvertes cit. n. 2, p. 460, dénombre 78 témoins des trois premiers quarts du XIe s., avant l’invasion turque, soit 30,5% de l’ensemble des monuments byzantins de Cappadoce. 63 Cf. Annexe.

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ont surtout complété notre connaissance d’un groupe de décors pauvres, limités à des croix, des motifs sans doute en partie apotropaïques et quelques panneaux votifs. C’est du nom d’une église publiée par Jerphanion — Yılanlı kilise64 — que l’on désigne aujourd’hui ce groupe65. On associe aussi à cette série, malgré un programme iconographique beaucoup plus élaboré, Saklı kilise (ou Göreme 2a)66. À Avcılar (l’ancienne Matiane, actuellement Göreme), trois églises découvertes depuis Jerphanion — Orta mahalle kilisesi (l’église « du quartier moyen »)67, la chapelle de la Théotokos68 et Yusuf Koç kilisesi69 dans le quartier de Karşıbecak — conservent dans l’abside l’image de la Théotokos, dont la diffusion comme programme absidal en Cappadoce se confirme donc. Seule Yusuf Koç kilisesi, église de plan inhabituel (juxtaposition de deux croix inscrites), est entièrement peinte, le décor étant caractérisé par le grand nombre d’effigies de saints, l’absence de cycle christologique et la présence d’images de donateurs, que nous verrons plus loin (Fig. 7). Dans les environs d’Avcılar se trouvent aussi deux églises — Karabulut kilise70 et l’église Göreme 28: Jerphanion, I, p. 481–483. Sur ces églises: G. P. Schiemenz, Zur Chronologie der kappadokischen Felsmalereien, dans Archäologischer Anzeiger, 85, 1970, p. 253–273; Id., Nachlese in Göreme, dans Archäologischer Anzeiger, 87, 1972, p. 307–318; A. Wharton Epstein, Rock-cut Chapels in Göreme Valley, Cappadocia; the Yılanlı Group and the Column Churches, dans Cahiers archéologiques, 24, 1975, p. 116–122; G. P. Schiemenz, Felskapellen im Göreme-Tal, Kappadokien: Die YılanlıGruppe und Saklı kilise, dans Istanbuler Mitteilungen, 30, 1980, p. 291–319; N. Thierry, L’église Sainte-Barbe, dans Histoire et archéologie. Les dossiers, 121, 1987, p. 56–58; N. Thierry, Remarques sur la pratique de la foi d’après les peintures des églises de Cappadoce, dans X. Barral i Altet (éd.), Artistes, artisans et production artistique au Moyen Âge. III. Fabrication et consommation de l’œuvre, Paris, 1990, p. 443–444. Voir aussi: Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4, p. 182–183. 66 Publiée pour la première fois par İpşıroğlu, Eyuboğlu et Moraux, Saklı kilise cit. n. 4, puis par L. Budde, Die Johanneskirche von Göreme, dans Panthéon, 19, 1961, p. 263–271; Wharton Epstein, Rock-cut Chapels cit. n. 65, p. 117–119; Schiemenz, Felskapellen cit. n. 65; voir aussi infra Annexe. 67 Ν. Thierry, Quelques monuments inédits ou mal connus de Cappadoce. Centres de Maçan, Çavuşin et Mavrucan, dans L’information d’histoire de l’art, 1969, p. 11; voir aussi infra Annexe. 68 C. Jolivet-Lévy, Une nouvelle chapelle byzantine près d’Avcılar (Cappadoce). Sa décoration absidale, dans Cahiers archéologiques, 32, 1984, p. 39–47; voir aussi infra Annexe. 69 N. Thierry, Yusuf Koç kilisesi, église rupestre de Cappadoce, dans Mansel’e Armağan, Ankara, 1974, p. 193–206 (repr. Ead., Peintures d’Asie Mineure cit. n. 13, IX); voir aussi infra Annexe. 70 Petite église funéraire: cf. Thierry, Quelques monuments inédits cit. n. 67, p. 11–12 et infra Annexe. 64 65

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dite de la citerne (Fig. 8)71 — dont l’intérêt réside à la fois dans le programme iconographique et dans le style, qui a permis de les attribuer à un même atelier, responsable aussi du décor d’une église de Göreme décrite par Jerphanion (no 33, Pigeonnier de Kılıçlar), appelée aujourd’hui Meryemana72. Toujours dans la région d’Ürgüp, les recherches menées — principalement par Lyn Rodley — sur les établissements monastiques ont conduit à l’identification de nouveaux ensembles — certains dépourvus de décor peint — l’un des plus remarquables par son extension et sa conservation étant celui d’Hallaç Manastır, près d’Ortahisar73. Les monuments du XIe siècle identifiés en dehors de la région parcourue par Jerphanion sont naturellement plus nombreux et, différant parfois sensiblement du matériel connu, ils ont davantage contribué à l’élargissement de nos connaissances. Signalons les églises de la vallée d’Erdemli (près de Yeşilhisar), dont l’étude est en cours74, le complexe d’Eski Gümüş (près de Niğde; Fig. 9)75 — dont les peintures ont été attribuées à un atelier qui décora aussi deux autres monuments (les églises d’Ayvalıköy et Saint-Michel d’İhlara)76 — ou encore les peintures du XIe siècle révélées par la destruction partielle de la basilique protobyzantine d’Eski Andaval77. En Cappadoce occidentale, dans la région du Hasan Dağı, plusieurs églises et monastères, 71 Parce qu’utilisée comme telle; cf. Wharton, Art of Empire cit. n. 7, p. 41–44; N. Thierry, Un atelier cappadocien du XIe siècle à Maçan-Göreme, dans Cahiers archéologiques, 44, 1996, p. 117–140; voir aussi infra Annexe. 72 Jerphanion, I, p. 243–253. 73 L. Rodley, Hallaç Manastır. A Cave Monastery in Byzantine Cappadocia, dans Jahrbuch der österreichischen Byzantinistik, 32/5, 1982, p. 425–434; Ead., Cave Monasteries cit. n. 4, p. 11–26; L. Rodley étudie un autre monastère de la région inconnu de Jerphanion, celui de Şahinefendi (op. cit., p. 33–39), ainsi que l’important complexe, qui n’est pas seulement monastique, situé près de Gülşehir: Açık Saray (pp. cit., p. 121–150); ce dernier, mentionné par Jerphanion (I, p. 27), qui ne l’avait pas vu, avait déjà été partiellement décrit par P. Verzone, Gli monasteri de Açık serai in Cappadocia, dans Cahiers archéologiques, 13, 1962, p. 119–136. 74 Voir pour l’instant: N. Thierry, Erdemli. Une vallée monastique inconnue en Cappadoce. Étude préliminaire, dans Zographe, 20, 1989, p. 5–21. 75 Bibliographie dans Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 278–281, à compléter par Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4, p. 103–118; voir aussi infra n. 82. 76 N. Thierry, Un style byzantin schématique de Cappadoce daté du XIe siècle d’après une inscription, dans Journal des savants, 1968, p. 45–61 (repr. Ead., Peintures d’Asie Mineure cit. n. 13, art. n° XII). 77 S. Y. Ötüken, Niğde’nin Eski Andaval köyündeki H. Konstantinos kilisesinin freskoları, dans Remzi Oğuz Arık Armağanı, 1987, p. 125–145; cf. Annexe.

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dont beaucoup sont encore inédits, ont été répertoriés près des villages de Gökçe (Mamasun), de Güzelyurt, de Selime et de Yaprakhisar, ainsi que dans la vallée de Peristrema78, où deux décors sont datés par une dédicace : Direkli kilise (Fig. 10), près de Belisırma (976–1025)79, et Saint-Michel d’İhlara (1055–1056 ou 1025–1028)80. Les monuments du XIe siècle publiés par Jerphanion et ceux qui ont été découverts depuis ont fait l’objet d’études diverses81 : les établissements monastiques82, l’architecture et les aménagements liturgiques des églises83, les programmes iconographiques84, le répertoire ornemental85 et le style des 78 Voir Annexe, n. 1, la bibliographie postérieure à Jerphanion sur les monuments de Cappadoce occidentale. 79 Thierry, Hasan Dağı cit. n. 4, p. 184–186; sur le monastère, voir aussi Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4, p. 85–95. 80 Église appelée aussi Kuzey ambar kilisesi: Thierry, Un style byzantin schématique cit. n. 76, p. 45–61. Pour la datation, controversée, des peintures — XIIIe s. pour J. LafontaineDosogne, VIIIe s. avec repeint au XIIIe-XIVe s. pour M. Restle — voir Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 300. 81 On trouvera dans Jolivet-Lévy, Églises byzantines (passim) et en Annexe les références des articles monographiques consacrés à tel ou tel monument du XIe s. — à compléter par: N. Asutay, Kapadokya’da 11. Yüzyıl Bizans Resim Sanatına Bir Örnek: Kayseri'nin Soğanlı Köyünde «Küçük Geyikli Kilise (Melekli Kilise)», dans E. Akyürek (éd.), Sanatın Ortaçağı, Istanbul, 1997, p. 105–115. 82 Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4; E. Faydalı, Eski Gümüş manastırı 1989 yili kurtarma kazısı, I, dans Müze Kurtarma Kazıları Semineri, I, Ankara 1990, Ankara, 1991, p. 225–234; E. Faydalı, Niğde-Eski Gümüş manastırı kurtarma kazısı, II, dans Müze Kurtarma Kazıları Semineri, II, Ankara 1991, Ankara, 1992, p. 255–264. 83 S. A. Wallace, Liturgical Planning in Some Cappadocian Churches, dans Mediterranean Archaeology, 3, 1990, p. 27–38; Ead., Byzantine Cappadocia cit. n. 8; N. Asutay, R. Warland, Kreuzkuppelkirche und Klosteranlage im Kızılçukur bei Çavuşin / Kappadokien, dans Istanbuler Mitteilungen, 42, 1992, p. 307–321; N. Asutay, Die Yokuş Başı Kilisesi (Kirche Nr. 3) im Kepez-Ταl bei Ortahisar in Kappadokien, dans Istanbuler Mitteilungen, 44,1994, p. 357–362; Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4; Teteriatnikov, Liturgical Planning cit. n. 4. 84 Wharton, Art of Empire cit. n. 7, p. 37–52; bien qu’ils ne portent pas exclusivement sur le XIe siècle, citons: Nagatsuka, Essai sur les programmes cit. n. 26; N. Thierry, À propos des peintures d'Ayvalı köy (Cappadoce). Les programmes absidaux à trois registres avec Déisis en Cappadoce et en Géorgie, dans Zographe, 5, 1974, p. 5–22; Ead., Une iconographie inédite de la Cène dans un réfectoire rupestre de Cappadoce, dans Revue des études byzantines, 33, 1975, p. 177–185 (repr. dans Ead., Peintures d’Asie Mineure cit. n. 13, art. n° X); Ead., Vierge de tendresse cit. n. 48, p. 59–70; Ead., Deux notes à propos du Mandylion, dans Zographe, 11, 1980, p. 16–19; T. Velmans, L’image de la Déisis cit. n. 6. 85 A. D. Grishin, Constantinople and Cappadocia in the Eleventh Century: Center and Periphery, dans World Art: Themes of Unity in Diversity cit. n. 48, I, p. 81–86.

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peintures ont été réexaminés86. La connaissance des commanditaires et de la société a profité des recherches sur les images de donateurs87, dont la liste s’est sensiblement enrichie depuis Jerphanion. À Karanlık kilise (Göreme), la restauration des peintures a révélé la présence de donateurs qui avaient échappé à son attention88 : aux pieds de l’archange Michel, deux d’entre eux tiennent des cierges (Fig. 11), tandis qu’en face, une seule figure est conservée près de Gabriel. On a également tenté de préciser la fonction du personnage figuré auprès du Christ de la Bénédiction des Apôtres et qualifié d’entalmatikos : plutôt que d’un « entrepreneur », comme le supposait Jerphanion, il s’agirait d’un chargé de mission (du patriarche ?)89, hypothèse que pourrait confirmer son insertion dans la scène de la Bénédiction des Apôtres, précédant leur envoi en mission. Dans une église voisine, Çarıklı kilise, les trois donateurs Théognoste, Léon et Michel, déjà reconnus par Jerphanion, appartenaient peut-être à la grande famille byzantine des Mélissènoi, qui furent de fermes soutiens des Phocas et dont une branche pouvait être établie en Cappadoce90. D’autres portraits ont été révélés par les découvertes postérieures à Jerphanion; signalons dans la région d’Ürgüp ceux d’Eustrate et Jean dans l’église d’Ayvalıköy (Fig. 12), qui, en raison de leur attitude — bras croisés sur la poitrine — ont été considérés comme des portraits funéraires91, ceux de Yusuf Koç kilisesi, figurés aux pieds de l’archange Gabriel de l’Annonciation, de saint Procope et de saint Démétrius92, ceux, 86 N. Thierry, L’art monumental byzantin en Asie Mineure du XIe siècle au XIV e, dans Dumbarton Oaks Papers, 29, 1975, p. 86–95 (repr. dans Ead., Peintures d’Asie Mineure cit. n. 13, art. n° VII); Ead., Un style byzantin schématique cit. n. 76; Ead., Étude stylistique des peintures de Karabaş kilise en Cappadoce, 1060–1061, dans Cahiers archéologiques, 17, 1967, p. 161–175; pour la technique et le style, voir aussi Restle, Byzantine Wall Painting cit. n. 4, passim. 87 Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4, p. 250–252; L. Bernardini, Les donateurs des églises de Cappadoce, dans Byzantion, 52, 1992, p. 118–140 (avec la bibliographie antérieure); Thierry, Portrait funéraire cit. n. 17; Teteriatnikov, Liturgical Planning cit. n. 4, p. 183–224 (à utiliser avec précaution: voir mon compte rendu dans Byzantinische Zeitschrift, 91, 1998, p. 211–218). 88 Jerphanion, I, p. 393–430; Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4, p. 48–56; Jolivet-Lévy, Cappadoce cit. n. 4, p. 96–97. 89 Thierry, L’art monumental byzantin cit. n. 86, p. 89. 90 Jolivet-Lévy, Cappadoce, p. 97–100; Ead., Çarıklı kilise. L’église de la Précieuse Croix à Göreme (Korama), Cappadoce: une fondation des Mélissènoi?, dans Εὐψυχία. Mélanges offerts à Hélène Ahrweiler, I, Paris, 1998 (Byzantina Sorbonensia, 16), p. 301–311. 91 En dernier lieu: Thierry, Portrait funéraire cit. n. 17, p. 585. 92 Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4, p. 156–157.

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très endommagés, de Karabulut kilise (auprès des archanges peints à l’entrée de l’abside)93; d’autres encore ont été signalés dans des églises de Göreme94. Des portraits subsistent aussi au sud de cette zone, dans les églises d’Erdemli95, ainsi qu’en Cappadoce occidentale (région du Hasan Dağı), dans l’église du derviş Akın96 (Fig. 13) et la Kale kilisesi de Selime97, à Eğri taş kilisesi98 et dans l’église du prêtre Jean99 (vallée de Peristrema), par exemple. Si l’éventail social des donateurs indique une participation plus large des laïcs que ne l’avait supposée Jerphanion, infirmant l’idée d’une région essentiellement monastique, le tableau global de l’art du XIe siècle en Cappadoce qu’il avait brossé, soulignant le renforcement des influences constantinopolitaines, n’apparaît pas fondamentalement modifié par les nouvelles découvertes. Le principal point discuté demeure la chronologie des peintures, qui ne fait toujours pas l’unanimité, plusieurs décors étant attribués par certains, sur des considérations stylistiques ou épigraphiques, au XIIe ou au XIIIe siècle100. Si la connaissance de l’archéologie cappadocienne du XIe siècle a incontestablement progressé, les monuments se sont aussi dégradés, particulièrement dans deux sites chers à Jerphanion : Göreme et Soğanlı101. Dans le premier cas, c’est surtout le développement du tourisme qui met en danger la conservation des peintures, danger aggravé par les phénomènes naturels d’érosion, contre lesquels on commence à lutter en consolidant le rocher. Situées en dehors du Musée de plein air de Göreme, Saklı kilise a souffert de dégradations naturelles et de déprédations volontaires, tandis que Meryemana (le Pigeonnier de Kılıçlar) menace toujours de s’effondrer dans Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 80. Göreme 2d: Thierry, Portrait funéraire cit. n. 17, p. 585; Göreme 4c: Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 91. 95 Thierry, Erdemli cit. n. 74; Ead., Portrait funéraire, p. 585, 591. 96 Thierry, Portrait funéraire cit. n. 7, p. 583–584. 97 J. Lafontaine-Dosogne, La Kale kilisesi de Selime et sa représentation de donateurs, dans Zetesis. Album Amicorum E. de Strijcker, Anvers-Utrecht, 1973, p. 741–753; Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4, p. 71–73. 98 Thierry, Hasan Dağı cit. n. 4, p. 44. 99 Thierry, Vision d’Eustache cit. n. 27, p. 1846–1851; Ead., Portrait funéraire cit. n. 17, p. 586–587. 100 C’est le cas notamment des «églises à colonnes» de Göreme, de celles d’Ayvalıköy et Eski Gümüş, de Karabaş kilise et Geyikli kilise, dans la vallée de Soğanlı, de Kuzey ambar kilisesi, près d’İhlara: pour tous ces exemples, voir en dernier lieu Thierry, Datation cit. n. 5, p. 444–448. 101 Thierry, La détérioration des sites cit. n. 35; Safeguard cit. n. 35. 93 94

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la vallée102. Dans la vallée de Soğanlı, les destructions, dont certaines sont déjà anciennes, se sont accélérées ces dernières années, et elles ont touché toutes les églises, en particulier les importantes peintures datées de SainteBarbe (1006 ou 1021) et de Karabaş kilise (1060–1061)103. À Geyiklı kilise, la Vision d’Eustathe, avec l’inscription du protospathaire Jean Sképidis, a disparu dans les années 1970104. En dehors de Göreme et Soğanlı, d’autres ensembles sont dans un état préoccupant : ainsi le monastère de l’Archangélos, près de Cemil, ou des pans entiers d’enduit peint, décollés de la paroi, sont tombés ces dernières années dans la nef nord; à l’absence de mesures de conservation se sont ajoutés des vols et tentatives de dépose dans l’abside nord. Le bilan est donc plutôt négatif, que n’équilibrent pas quelques restaurations spectaculaires (Eski Gümüş105, Karanlık kilise, à Göreme106). Après l’époque troublée de la conquête turque, la reprise de l’activité monumentale et artistique en Cappadoce est attestée au début du XIIIe siècle par les églises datées publiées par Jerphanion : Karşı kilise (1212), qui vient d’être restaurée, les Quarante-Martyrs de Şahinefendi (1216/17), dont les peintures ont été récemment enfumées107. L’intérêt des nouvelles découvertes réside surtout en la révélation de nouveaux aspects de la peinture du XIIIe siècle, permettant de brosser un tableau plus nuancé de l’art de cette époque, longtemps décrit comme archaïsant et médiocre, dans une région abandonnée par ses élites grecques et coupée de Byzance. La réalité apparaît aujourd’hui plus diversifiée : dans l’Anatolie pacifiée et prospère du XIIIe siècle, où les chrétiens demeuraient nombreux, dont certains s’étaient intégrés à la classe dirigeante turque, les ateliers étaient multiples, locaux et itinérants, des peintres issus des centres byzantins véhiculant les innovations

Pour ces deux monuments, voir supra n. 66, 72. Jerphanion, II, p. 307–322 (Sainte-Barbe), p. 333–360 (Karabaş kilise); cf. JolivetLévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 258–262, 266–270. 104 À proximité de l’église vient en revanche d’être mis à jour un grand réfectoire, encore inédit, qui confirme la présence d’un monastère. 105 Bibliographie dans Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 278, n. 2. 106 I. Dangas, Une restauration: Karanlık kilise, l’église sombre, dans Le monde de la Bible, 70, 1991, p. 46–47; Ead., Conservation of Mural Paintings of the Karanlık Church, Göreme (Turkey), dans Safeguard cit. n. 35, p. 171–180 (avec bibl.). 107 Jerphanion, II, p. 1–16 (Karşı kilise), p. 156–174 (Quarante-Martyrs); l’ensemble du décor de cette dernière église est devenu à peu près illisible. 102 103

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iconographiques et stylistiques108. Avant de signaler les monuments les plus importants découverts depuis Jerphanion, qui ont modifié notre vision de l’art du XIIIe siècle, j’évoquerai le sort de trois ensembles qu’il avait étudiés : le monastère de l’Archangélos, près de Cemil, Saint-Georges d’Ortaköy et, près de Gülşehir, Karşı kilise. La description de l’ensemble de l’Archangélos publiée par Jerphanion109 est lacunaire, tant en ce qui concerne les peintures de l’église principale que pour les différentes pièces et aménagements constituant l’établissement monastique110. En l’absence de mesures de restauration, l’examen des peintures de l’église principale, noircies par la poussière et la suie, ne peut donner lieu pour l’instant qu’à des conclusions provisoires; ainsi, s’il est clair qu’elles se rattachent à des phases différentes, leur chronologie respective reste incertaine. Nous avons constaté la perte de certains sujets reconnus par Jerphanion — en particulier dans le narthex où la Dormition de la Vierge et l’apparition de l’Archange Michel à Josué sont détruites — mais aussi des erreurs d’identification et des manques dans sa description111. En ce qui concerne les peintures qui peuvent être attribuées au XIIIe siècle, la « découverte » la plus intéressante est l’identification d’un cycle de l’archange Michel, le premier répertorié en Cappadoce. Six scènes sont identifiables, ce qui, si l’on restitue au fond du narthex la chute de Satan, sous une peinture du XIXe siècle illustrant le même thème, porte à sept compositions — auxquelles on peut ajouter une scène non identifiable — l’étendue du cycle. Quatre épisodes sont inspirés par l’Ancien Testament : l’hospitalité d’Abraham, la lutte de Jacob avec l’ange, l’apparition de l’archange à Josué devant Jéricho, l’ange amenant Habacuc à Daniel dans la fosse aux lions. Une scène est néo-testamentaire : la guérison du paralytique à la piscine de Béthesda. Une, enfin, se rapporte au fameux miracle opéré à Chônai112. Pour un aperçu général: Jolivet-Lévy, Cappadoce cit. n. 4, p. 104–115. Jerphanion, II, p. 128–145. 110 L’étude de ce complexe est en cours, N. Lemaigre Demesnil assurant, dans le cadre d’une thèse de doctorat, l’analyse architecturale. 111 Ainsi, les identifications proposées, p. 130 et 136, de l’Adoration des Mages, de la Fuite en Égypte et de l’Apparition de l’ange à Joseph, dans le narthex, sont erronées: il s’agit respectivement de la Nativité, du Voyage à Bethléem et d’Habacuc transporté par l’ange auprès de Daniel. Parmi les scènes non vues par Jerphanion, signalons, outre celles appartenant à un cycle de l’archange Michel, mentionnées plus loin, la représentation du Baptême du Christ, dans une petite niche creusée dans le narthex (côté est), reconnue en 1997 par Antonis Tsakalos. 112 Sur ce cycle: Jolivet-Lévy, Culte et iconographie de l’archange Michel cit. n. 61, p. 189–192. 108 109

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La description de l’église construite triconque Saint-Georges d’Ortaköy, incomplète dans Jerphanion 113, a été partiellement reprise, permettant l’identification, entre autres, d’une représentation du Jugement dernier dans le bras ouest114, mais, laissé à l’abandon, le monument ne cesse de se dégrader. Quant à Karşı kilise, près de Gülşehir, dont le décor est daté de 1212 par une dédicace peinte dans l’abside, Jerphanion n’avait pu en donner qu’une étude sommaire115, tant les peintures étaient noircies. L’église a été récemment restaurée par les soins de Rıdvan İşler, révélant un programme iconographique original et un style schématique, certes très éloigné des meilleures réalisations byzantines contemporaines, mais qui n’est pas uniformément médiocre (Fig. 14). L’étude est en cours, qui sera publiée ailleurs116. Les investigations de Jerphanion ne l’avaient pas conduit à explorer la région située à l’ouest de Gülşehir, où plusieurs monuments sont désormais connus. L’un des sites les plus intéressants est celui de Tatlarin, au sud-ouest de Gülşehir, dont une première église avait été repérée il y a une vingtaine d’années et sa publication annoncée117, qui n’a jamais vu le jour; l’état du monument s’est depuis dégradé et il est peu probable que l’on puisse désormais en reprendre l’étude. En revanche, un groupe d’églises situé à proximité est actuellement en cours de restauration, sous la direction de Rıdvan İşler. Les peintures d’une première église ont été publiées118 : elles Jerphanion, II, p. 240–245. Voir Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 251–253, avec la bibliographie; le Jugement dernier a été présenté par N. Thierry à l’École pratique des hautes études: cf. N. Thierry, Annuaire. Résumés des conférences et travaux. École pratique des hautes études. Section des sciences religieuses, 94, 1985–1986, p. 489; voir aussi Ead., La peinture de Cappadoce au XIIIe siècle, dans Studenica et l’art byzantin autour de l’année 1200, Belgrade, 1988, p. 366 (pour l’image de saint Théodore terrassant le dragon) et p. 369–370 (pour le Jugement dernier). 115 Cf. supra n. 107; voir aussi Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 229–230, où l’on trouvera la bibliographie sur le monument parue depuis Jerphanion, à compléter par Thierry, La peinture de Cappadoce au XIIIe siècle cit. n. 114, p. 367–368, Jolivet-Lévy, Cappadoce cit. n. 4, p. 106–107. 116 J’ai présenté ce monument dans le cadre du séminaire d’histoire byzantine de M. Kaplan, à Paris I, le 16–12–1997; il sera publié dans la série Byzantina sorbonensia. 117 M. Restle, Kappadokien, dans Reallexikon zur byzantinischen Kunst, III, Stuttgart, 1978, col. 997, 1106; sur ce monument, voir aussi: Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 233–234. 118 S. Şahin, Tatlarin yeraltı şehri ve kilisesi, dans Müze Kurtarma Kazıları Semineri, III, Éphèse 1992, Ankara, 1993, p. 129–146; T. R. İsler, Wall Paintings in the Church of 113 114

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offrent, comme celles de Karşı kilise et plus encore peut-être, un programme iconographique en partie atypique, et un style particulier, qui présente des analogies avec celui d’autres décors provinciaux du XIIIe siècle, dans les régions de la Méditerranée orientale, à Chypre et en Syrie, mais aussi en Grèce (Fig. 15). Toujours dans la région de Gülşehir, mais plus au nord, près du village de Yüksekli, deux églises conservent — en piteux état aujourd’hui, à la suite de destructions récentes — des peintures de qualité et d’un style plus classique, preuve que circulaient en Cappadoce turque des peintres grecs de talent119 (Fig. 16). Dans la région étudiée par Jerphanion, les décors d’une qualité comparable sont rares, mais la découverte, dans le village d’Ortahisar, rue Ali Reis, d‘une église à coupole, utilisée aujourd’hui comme grange, conservant de belles peintures attribuables au XIIIe siècle120, montre que le jugement traditionnellement porté sur l’art de cette époque n’est peut-être dû qu’à notre connaissance très lacunaire du matériel. Un autre monument, situé en Cappadoce occidentale, dans la vallée de Peristrema, semble le confirmer : Bezirana kilisesi, également décorée par des artistes qualifiés, probablement venus du monde byzantin121. La qualité du style va ici de pair avec une iconographie conforme à la tradition byzantine contemporaine, puisque l’abside est consacrée au thème liturgique des évêques officiant autour de l’Amnos — l’Agneau de Dieu sous les traits d’un enfant allongé dans la patène122 — dont c’est l’unique représentation en Cappadoce.

Kalekilise at Tatlarin: Removal of Lampblack Deposits and Measures for their Conservation, dans Safeguard cit. n. 35, p. 181–186; N. Thierry, Le thème de la descente du Christ aux Enfers en Cappadoce, dans Δελτίον τῆς Χριστιανικῆς Ἀρχαιολογικής Ἑταιρείας, 4, 17, 1994, p. 64–66; C. Jolivet-Lévy, Ν. Lemaigre Demesnil, Nouvelles églises à Tatlarin, Cappadoce, dans Monuments Piot, 75, 1996, p. 21–63; Jolivet-Lévy, Cappadoce cit. n. 4, p. 107–110. 119 C. Jolivet-Lévy, E. Öztürk, Nouvelle découverte en Cappadoce: les églises de Yüksekli, dans Cahiers archéologiques, 35, 1987, p. 113–141; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 235–237; Ead., Cappadoce cit. n. 4, p. 113–115; Thierry, La peinture de Cappadoce au XIIIe siècle cit. n. 114, p. 373–374. 120 Thierry, Matériaux nouveaux cit. n. 33, p. 332–339; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 198–199. 121 J. Lafontaine-Dosogne, Une église inédite de la fin du XIIe siècle en Cappadoce: la Bezirana kilisesi dans la vallée de Belisırma, dans Byzantinische Zeitschrift, 61, 1968, p. 291–301; Thierry, La peinture de Cappadoce au XIIIe siècle cit. n. 114, p. 372–373; JolivetLévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 315–317. 122 Détail iconographique qui permet de dater les peintures au XIIIe, plutôt qu’à la fin du XIIe siècle, comme le proposait J. Lafontaine-Dosogne.

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Tous ces décors, géographiquement dispersés et qui ne sont pas dus aux mêmes peintres, sont l’indice d’une activité artistique assez intense en Cappadoce turque, où œuvraient, à côté de peintres locaux au talent modeste, des artistes expérimentés, au fait des tendances contemporaines de l’art byzantin. En l’absence d’inscriptions et de textes, leur origine reste difficile à préciser, et notre connaissance de la peinture du XIIIe siècle — en particulier à Nicée — est pour l’instant trop lacunaire pour permettre des rapprochements significatifs. Laissant de côté les églises d’Erdemli, dont l’étude est en cours123, j’évoquerai pour terminer un autre décor de la région d’Aksaray, SaintGeorges de Belisırma (Kırk dam altı kilisesi)124, dont l’intérêt réside moins dans le style des peintures, plutôt médiocre, ou dans l’originalité de l’iconographie, que dans les portraits des donateurs — Thamar et l’émir Basile Giagoupès — et dans les inscriptions dédicatoires, qui apportent un témoignage intéressant sur l’intégration des chrétiens à la société musulmane. Dans leur diversité récemment révélée, les décors cappadociens du XIIIe siècle apportent ainsi de précieux renseignements sur les communautés dont ils sont l’expression, en même temps qu’ils complètent utilement le panorama de l’art byzantin à une époque charnière de son histoire. Au terme de cette présentation — forcément lacunaire — des principales avancées de la recherche sur les églises rupestres de Cappadoce, j’évoquerai en conclusion les aspects encore insuffisamment étudiés et ceux qui retiennent particulièrement l’attention aujourd’hui. Certains, pour lesquels Jerphanion avait ouvert la voie, n’ont guère été repris : ainsi, dans l’avant-propos de son dernier volume sur les églises rupestres de Cappadoce, paru en 1942, regrettait-il de n’avoir pu « tenter une étude d’ensemble de la paléographie et de la langue des inscriptions et des légendes cappadociennes » (p. VI). Plus de cinquante ans plus tard, cette lacune n’a pas été comblée; le corpus des inscriptions et graffiti s’est enrichi et constitue un vaste domaine d’étude, dont l’intérêt est multiple, pour la connaissance de l’onomastique, de la société et de ses croyances, mais aussi pour celle de l’évolution de la langue grecque; enfin l’épigraphie pourrait, à titre d’appoint, aider à préciser la date des peintures. Jerphanion suggérait aussi une étude de l’hagiographie Cf. Thierry, Erdemli cit. n. 74. Thierry, Hasan Dağı cit. n. 4, p. 200–213; Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 318–320. 123 124

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cappadocienne; des recherches ponctuelles ont été menées en ce sens125, mais il nous manque toujours une étude d’ensemble. Le matériel pictural cappadocien, enrichi, est toujours l’objet privilégié de l’attention des spécialistes et, de fait, de nouvelles approches dans l’analyse des programmes iconographiques permettent d’en éclairer la signification, en tenant davantage compte de la disposition des sujets, de leur insertion dans l’espace et de leur relation avec la fonction du lieu décoré. En revanche, l’étude scientifique des techniques picturales et des matériaux utilisés126 est peu avancée et gagnerait à être poursuivie. À côté des peintures, qui ont longtemps focalisé l’attention des successeurs de Jerphanion, l’architecture des églises, leurs dispositifs liturgiques, les complexes auxquelles elles se rattachent (ermitages, monastères), font l’objet d’études plus nombreuses et plus poussées127. Celles-ci conduisent à l’établissement de répertoires descriptifs plus complets, plus systématiques, mais les conclusions tirées sur la fonction des sanctuaires, sur la liturgie, sur les modes de vie monastique ou sur la chronologie des établissements sont parfois discordantes et ne semblent pas toujours à la hauteur de l’accroissement de la documentation. La connaissance de la société cappadocienne a bénéficié aussi des recherches menées sur les portraits de donateurs, les inscriptions, épitaphes et graffiti, mais une enquête plus large, menée en collaboration avec des historiens, s’impose pour progresser dans cette voie. L’évolution peut-être la plus significative de l’archéologie cappadocienne depuis Jerphanion réside dans la prise en compte des vestiges autres que religieux : les routes et les ponts128, les forteresses construites129, les installations souterraines130, les aménagements agricoles — collecteurs, Cf. supra n.27. Cf. supra n. 31. 127 En particulier: Rodley, Cave Monasteries cit. n. 4; Wallace, Byzantine Cappadocia cit. n. 8; Teteriatnikov, Liturgical Planning cit. n. 4; Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4. 128 Hild, Strassensystem et Hild et Restle, Kappadokien cit. n. 4; Hild, Ponts antiques et médiévaux, dans Histoire et archéologie. Les dossiers, 63, 1982, p. 24–27. 129 Hild, Restle, Kappadokien cit. n. 4, en particulier p. 136–137 (al-Ağrab), 139 (Alaman), 148 (Ardos), 178 (Gabadonia), 179–181 (Gala), 188–190 (Herakleia), 219–221 (Kyzistra), 223–224 (Lulon), 225–226 (Lykandos), 241–242 (Musalım Kalesi), 245–246 (Neroassos), 246–248 (Nyssa), 250–252 (Osiena). 130 J. et L. Triolet, Les villes souterraines de Cappadoce, Torcy, 1993; R. Bixio, Surveys in the Underground Cities in Cappadocia, dans IX. Araştırma Sonuçları Toplantısı, Ankara, 1994, p. 43–56; V. Castellani, Human Underground Settlements in Cappadocia: a Topological Investigation of the Redoubt System of Göstesin, dans G. Bertucci, R. Bixio et M. Traverse 125 126

11. Göreme, Karanlık kilise : deux donateurs aux pieds de l’archange Michel (XIe s.).

12. Église d’Ayvalıköy, détail du décor absidal: saint Ignace (dans la niche) et «Jean, serviteur du Christ» auprès du diacre Romain (XIe s.) – [cl. N. Thierry].

14. Gülşehir, Karşı kilise, détail de la scène des jeunes Hébreux dans la fournaise (1212).

13. Selime, église du derviş Akın, narthex: donatrice protégée par la Théotokos (XIe s.).

15. Tatlarin (église A), detail de la Crucifixion: le Christ (XIIIe s.). 16. Yüksekli, église no 2, détail du décor de l’abside: Melchisédech (XIIIe s.).

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citernes, canaux d’irrigation131 — , mais aussi pressoirs pour le vin, ruchers et pigeonniers132. Les recherches menées sur l’habitat, comme celles dont fait l’objet depuis 1994 le site de Çanlı kilise, près d’Aksaray, ouvrent des perspectives prometteuses133 : une vingtaine d’établissements rupestres, s’étendant sur environ 2 km, à l’est et à l’ouest de l’église construite du XIe siècle, ont été relevés, qui appartenaient certainement à une ville byzantine. Des rues, des résidences civiles plus ou moins riches, des cimetières, mais aussi des églises et des monastères, ainsi que des installations souterraines, probablement destinées à servir d’entrepôts, ont été identifiés. À l’heure où la Cappadoce semble jouir d’un regain d’intérêt, il serait souhaitable qu’une réédition actualisée de l’ouvrage de Jerphanion sur les Églises rupestres de Cappadoce facilite l’accès de cette documentation exceptionnelle, réédition qui ferait état pour chaque monument décrit des compléments ou corrections éventuelles, mais aussi des destructions, et qui intégrerait — ne serait-ce que sous la forme de notices bibliographiques — les nouveaux monuments. Je terminerai en citant Jerphanion, dont l’inquiétude en 1925 est encore la nôtre aujourd’hui : « lors de nos voyages, nous pouvions constater, d’une visite à l’autre, le progrès des dégradations, dues presque toujours à la main de l’homme ». Si les sombres prédictions de Jerphanion, qui craignait la destruction rapide des monuments de Cappadoce, se sont avérées excessivement pessimistes, la vigilance reste plus que jamais de mise. (éd.), Le città sotterranee della Cappadocia, Gênes, 1995 (Suppl. à Speleologia. Rivista della Società speleologica italiana), p. 41–52; Id., Filiktepe: a Step toward Underground Towns, ibid., p. 53–67; R. Bixio et V. Castellani, Tipologia delle strutture sotterranee della Cappadocia, ibid., p. 106–120. 131 A. R. Bicchi, E. Burri, M. Castellani et al., Evidences for Hydrogeological Planning in Ancient Cappadocia, dans Le città sotterranee della Cappadocia cit. n. 130, p. 78–86; Bixio, Castellani, Tipologia cit. n. 130, p. 119–120. 132 G. Demenge, Pigeonniers et ruchers byzantins de Cappadoce, dans Archéologia 311, 1995, p. 42–51. 133 R. Ousterhout, Historical Design in the Environment: An Examination of a Byzantine Settlement in Cappadocia, dans Design for the Environment: the Interdisciplinary Challenge. Association of Collegiate Schools of Architecture. West Central Regional Conference Oct. 1995, Urbana-Champaign, 1995, p. 13–19; Id., The 1994 Survey at Akhisar-Çanlı kilise, dans XIII. Araştırma, Sonuçları Toplantısı, Ankara, 1996, p. 165–180; Id., The 1995 Survey at AkhisarÇanlı kilise, dans XIV. Araştırma Sonuçları Toplantısı, Ankara, 1997, p. 435–451; Id., The 1996 Survey at Akhisar-Çanlı kilise, dans XV. Araştırma Sonuçları Toplantısı, Ankara, 1998, p. 45–57. Voir aussi: T. F. Mathews et A. C. Daskalakis-Mathews, Islamic-style Mansions, dans Journal of the Society of Architectural Historians, 56, 3, 1997, p. 294–315.

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Annexe Liste des principaux monuments rupestres des Xe-XIIIe s. de Cappadoce orientale découverts depuis Jerphanion 1 Ouvrages fréquemment cités: Jolivet-Lévy, Églises byzantines = C. Jolivet-Lévy, Les Églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l’abside et de ses abords, Paris, 1991. Thierry, Haut Moyen Âge = N. Thierry, Haut Moyen Âge en Cappadoce. Les églises de la région de Çavuşin, 2 vol., Paris, 1983–1994. Wallace, Byzantine Cappadocia = S. A. Wallace, Byzantine Cappadocia: The Planning and Function of its Ecclesiastical Structures, Canberra, 1991. Région de Zelve et Çavuşin Zelve, église du cône isolé: Jolivet-Lévy, Églises byzantines2, p. 14; Thierry, Haut Moyen Âge, II, p. 323–324 (Xe s.) 1 Sauf rares exceptions ne sont répertoriés que les monuments déjà publiés ou mentionnés. Pour la région du Hasan Dağı — Cappadoce occidentale — non visitée par Jerphanion et non incluse ici, on se reportera principalement à Thierry, Hasan Dağı cit. n. 4; Restle, Byzantine Wall Painting cit. n. 4, 1, p. 168–180; III, fig. 474–522 et à la bibliographie indiquée dans Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, p. 285–333, à compléter par S. Y. Ötüken, İhlara Vadisi, Ankara, 1990 (Kültür Bak. Tanıtma. Eserleri, 33); Thierry, Bible illustrée cit. n. 26, p. 277–283; Y. Ötüken, Selime’de Derviş Akın Kilisesi ve Mezar Odası, dans Suut Kemal Yetkin’e Armağan, Ankara, 1984 (Hacettepe Üniversitesi Armağan Dizisi, 1), p. 293–316; G. P. Schiemenz, Maria als Christusmutter in Güzelyurt, dans Istanbuler Mitteilungen, 38,1988, p. 315–342; Thierry, Apocryphes cit. n. 22, p. 218–247 (en particulier 232–247); Thierry, Vision d’Eustache cit. n. 27; Thierry, Portrait funéraire cit. n. 17, p. 583–587; M. S. Pekak, Güzelyurt’ta (Gelveri) bulunan bizans / post-bizans dönemi kiliseleri 1, dans Hacettepe Üniversitesi Edebiyat Fakültesi Dergisi 10/2, 1993, p. 123–160; id., Güzelyurt’ta (Gelveri) bulunan bizans / post-bizans dönemi kiliseleri 2, dans Hacettepe Üniversitesi Edebiyat Fakültesi Dergisi 11/1–2, 1994, p. 177–216; Ousterhout cit. n. 133. 2 La bibliographie donnée n’est pas exhaustive: je renvoie, le cas échéant, à Jolivet-Lévy, Églises byzantines cit. n. 4, parce que les références antérieures y sont mentionnées, et je signale les principales publications postérieures.

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Zelve, église inédite: Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4, p. 88–89 (n° 122) (s. d.) Zelve, tombeau dit Yazılı kilise: Thierry, Haut Moyen Âge, II, p. 329–333 (Xe s.) Güllü dere, Saint-Jean: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 37–44 (Xe s.) Çavuşin, église à deux étages près de l’église du Pigeonnier: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-l, p. 193–200 (Xe s.) Çavuşin, chapelle funéraire: Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4, p. 20 (N° 15) — s. d.) Kızıl Çukur, Haçlı kilise: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 50–53; Thierry, Haut Moyen Âge, II, p. 245–254 (Xe s.) Kızıl Çukur, Büyük kilise (Kan ter kilisesi / église de Mustafa Saçlı): N. Teteriatnikov, Newly discovered Rock-cut Church in Kızıl Çukur Valley, Cappadocia, dans Fifteenth Annual Byzantine Studies Conference, Amherst, 1989, p. 42–43; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-l, p. 279–297; N. Asutay, R. Warland, Kreuzkuppelkirche und Klosteranlage im Kızılçukur bei Çavuşin / Kappadokien, dans Istanbuler Mitteilungen, 42,1992, p. 307–321; Thierry, Haut Moyen Âge, II, p. 242–243 (Xe ou XIe s.) Zindanönü, église inférieure: Thierry, Haut Moyen Âge, II, p. 283–285 (XIe s.) Zindanönü, église des Archanges: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 57–58; Thierry, Haut Moyen Âge, II, p. 285–293; N. Asutay, H. Wiemer-Enis, Die Erzengelkirche im Zindanönü deresi in Kappadokien, dans Istanbuler Mitteilungen, 44, 1994, p. 363–370 (Xe s.) Église du pic 1223: Thierry, Haut Moyen Âge, II, p. 315–320 (Xe s.) Hal dere, église n° 1: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 65–66; Thierry, Haut Moyen Âge, II, p. 377–383 (Xe s.) Hal dere, église n° 2: Thierry, Haut Moyen Âge, II, p. 383 (Xe s.) Avcılar (anc. Matiane; auj. Göreme) et environs Orta mahalle kilisesi: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 67–68 (Xe s.) Karşıbecak, cône funéraire, chapelle de la Vierge: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 69–70; Wallace, Byzantine Cappadocia, II–2, p. 457–462 (XIe s.)

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Karşıbecak, cône funéraire, église en croix libre (sans peintures) (Xe s.) Yusuf Koç kilisesi (Avcılar 5): Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 72–75; A. D. Grishin, The Church of Yusuf Koç Near Göreme Village in Cappadocia, dans Mediterranean Archaeology, 3, 1990, p. 39–45; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 436–443 (XIe s.) Église supérieure de Karşıbecak (Avcılar 6): Thierry, Matériaux nouveaux cit. n. 33, p. 320–322; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 444–452 (Xe s.) Karabulut kilisesi: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 77–80; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-l, p. 2–4,7 (XIe s.) Église de la citerne: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 80–82; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-l, p. 4–7; N. Thierry, Un atelier cappadocien du XI e siècle à Maçan-Göreme, dans Cahiers archéologiques, 44, 1996, p. 117–140 (XIe s.) Çanlı kilise (N. Thierry, 1984: inédite) (Xe s.) Göreme Nécropole, tombeau peint: N. Thierry, Découvertes à la nécropole de Göreme (Cappadoce), dans Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belleslettres 1984, p. 666–678; Ead., Portrait funéraire cit. n. 17, p. 587–588 (Xe s.) Nécropole, églises du rocher n° 5: Thierry, Nécropole de Göreme cit., p. 682–687; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-3, p. 920–931 (église inférieure, Xe s.); p. 935–941 (église supérieure, XIe s.) (XIe s.) Göreme la: Wallace, Byzantine Cappadocia, 11–2, p. 472–478 (Xe s.) Göreme 2a, Saklı kilise: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 85–87 (XIe s.) Göreme 2b: Wharton, Art of Empire cit. n. 7, p. 32–33; N. Thierry, Annuaire de l’École pratique des hautes études. V section, 94, 1985–1986, p. 488–489; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 485–492 (Xe s.) Göreme 2c: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 493–501 (XIe s.); sous la même appellation, Asutay-Fleissig mentionne une chapelle en croix libre: Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4, p. 24 (n° 22) (s. d.) Göreme 2d: N. Thierry, Annuaire de l’École pratique des hautes études. V e section, 94, 1985–1986, p. 489; Ead., Portrait funéraire cit. n. 17, p. 585

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(XIe s.); S.-A. Wallace décrit sous la même appellation une autre chapelle inédite: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 502–507 (Xe s.?) Göreme 2e, réfectoire: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 512–516 (XIe s.) Réfectoire près de Göreme 3: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 518, 522. Göreme 4a et réfectoire: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 87–89; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 523–531 (Xe s.) Göreme 4b (phase 2): Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 90–91 (XIe s.) Göreme 4c: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 91–92; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 537–542 (Xe ou XIe s.) Göreme 4d: Schiemenz, Felskapellen cit. n. 65, p. 316–318 (XIe s.); sous la même appellation, c’est une autre chapelle apparemment que mentionne Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4, p. 26 (n° 26) (s. d.) Göreme 5a: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 92 (Xe s.) Göreme 6a: G. P. Schiemenz, Eine unbekannte Felsenkirche in Göreme, dans Byzantinische Zeitschrift, 59, 1966, p. 307–333; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 556–558 (Xe s.) Göreme 6b: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 559–565 (Xe s.) Göreme 7a: Wharton, Art of Empire cit. n. 7, p. 31–32; Wharton Epstein, Tokalı cit. n. 4, p. 12; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 599–601 (Xe ou XIe s.) Göreme 9c: N. Asutay, H. Wiemer-Enis, Die Erzengelkirche im Zindanönü deresi in Kappadokien, dans Istanbuler Mitteilungen, 44, 1994, p. 365; Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4, p. 29 (n° 30) (s. d.) Göreme 10a (= 34 Hild, Restle, Kappadokien cit. n. 4, p. 213): Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 111–112 (XIe s.) Göreme 10b: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-2, p. 624–628 (XIe s.) Göreme 11a: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 116–117 (XIe s.) Göreme 13a: G. P. Schiemenz, Ein Neufund kappadokischer Kirchenmalerei in Göreme, dans Ἐπετηρίς Ἑταιρείας Βυζαντινῶν Σπουδῶν, 47, 1987, p. 43–86 (Xe s.) Göreme 14b: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-3, p. 680–687 (IXe–Xe s.?) Göreme 15a: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 118–120 (dans Jerphanion, I, p. 145–146: localisation erronée et description incomplète d’après

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Gransault) Göreme 15c: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-3, p. 698–704; AsutayFleissig, Templonanlagen cit. n. 4, p. 32–33 (n° 35) (Xe s.?) Göreme 15d: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-3, p. 705–709 (Xe s.?) Göreme 21a: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-3, p. 774–781 (XIe s.) Göreme 21b (= 17b Schiemenz): G. P. Schiemenz, Nachlese in Göreme, dans Archäologischer Anzeiger, 87, 1972, p. 314; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-3, p. 782–790 (XIe s.) Göreme 21c (= 17a Schiemenz): Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 127–128, Wallace, Byzantine Cappadocia, II-3, p. 791–797 (XIe s.) Göreme 22a: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 131 (XIe s.) Göreme 34a: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-3, p. 914–915 (XIe s.) Göreme 34b: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-3, p. 916–919 (XIe s.) Région d’Ürgüp Ortahisar, Cambazlı kilise: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 195–198; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-1, p. 74–83 (XIe ou XIIIe s.) Ortahisar, monastère du Köprü mahallesi: Thierry, Haut Moyen Âge, II, p. 243, n. 12 (XIe s.) Ortahisar, Ali Reis sokak n° 10 kilisesi: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 198–199; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-l, p. 103–108 (XIIIe s.) Ortahisar, Hallaç Manastır: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 200; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-l, p. 84–94 (XP s.) Ortahisar, église située à 200 m à l’ouest d’Hallaç: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-l, p. 95–102 (IXe s.) Kepez, Sarıca kilise (Jerphanion, II, p. 47–49, la mentionne d’après Rott, mais sans l’avoir visitée): Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 223–224; Wallace, Liturgical Planning cit. n. 83, p. 27–38; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-l, p. 25–28, 30, 32–37 (Xe ou XIe s.) Kepez, églises 2, 2a et 3: Wallace, Liturgical Planning cit. n. 83, p. 27–38; Wallace, Byzantine Cappadocia, II-l, p. 38–49, 50–59 et 60–73; N. Asutay, Die Yokuş Başı Kilisesi (Kirche Nr. 3) im Kepez-Ταl bei Ortahisar in Kappadokien, dans Istanbuler Mitteilungen, 44, 1994, p. 357–362 (Xe s. ou XIe s.)

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Ayvalıköy, église: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 151–154 (XIe s.?) Hacı İsmail dere, église n° 1: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 191–192 (Xe s.) Hacı İsmail dere, église n° 3: Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4, p. 59–60 (n° 77)(s.d.) Elevra III: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 188 (Xe s.) Derin dere kilisesi (Merdiven kilisesi): Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 189–191 (IXe s.?). Üzengi dere 8b: Wallace, Byzantine Cappadocia, II-l, p. 137–140 (IXe s.?) Gorgoli, Küçük kilise: Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4, p. 21–22 (n° 18) (s. d.) Kurt dere, Akılı vadisi kilisesi: C. Jolivet-Lévy, G. Kiourtzian, Découvertes archéologiques et épigraphie funéraire dans une vallée de Cappadoce, dans Études balkaniques. Cahiers Pierre Belon, 1, 1994, p. 141–142 (Xe-XIe s.) Akköy, église n° 3: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 149–150 (Xe s.) Çökek, églises n° 1, 2, 3: Thierry, Matériaux nouveaux cit. n. 33, p. 339–350 (Xe s.) İpral dere: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 209 (IXe-Xe s.) Sofular, églises nos 1 et 2 au lieu-dit Beş kilise: Thierry, Matériaux nouveaux cit. n. 33, p. 353–356 (Xe s.) Şahinefendi, monastère: Rodley, Cave monasteries cit. n. 4, p. 33–39 (XIe s.) Région de Nevşehir et Gülşehir Nar (près de Nevşehir), église d’Ören: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 231–232; Ead., Hagiographie cappadocienne cit. n. 27, p. 207, 215 (XIe s.) Églises d’Akça (inédites) (XIe s.) Çat, vallée, églises inédites (Xe-XIe s.) Açık Saray: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 225–227 (Xe-XIIIe s.) Yüksekli, église n° 1: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 234–237 (IXe, XIIe, XIIIe s.) Yüksekli, église n° 2: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 237–239 (XIIIe s.) Tatlarin, église au nord du village: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 233–234 (XIIIe s.)

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Tatlarin, Kalekilise: C. Jolivet-Lévy, N. Lemaigre Demesnil, Nouvelles églises à Tatlarin, Cappadoce, dans Monuments Piot, 75, 1996, p. 21–63 (XIIIe s.) Région de Güzelöz (Mavrucan) et Yeşilhisar Mavrucan / Güzelöz 2: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 247 (XIIIe s.) Mavrucan / Güzelöz 4: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 248–249 (XIIIe s.) Mavrucan / Güzelöz, Açık kilise: Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4, p. 51 (no 51) (s. d.) Soğanlı, Haç kilise: Asutay-Fleissig, Templonanlagen cit. n. 4, p. 79–80 (n° 108) (s. d.) Églises de la vallée d’Erdemli: Thierry, Erdemli cit. n. 74. Région de Niğde Eski Gümüş: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 278–281; E. Faydalı, Eski Gümüş manastırı 1989 yili kurtarma kazısı, I, dans Müze Kurtarma Kazıları semineri, I, Ankara 1990, Ankara, 1991, p. 225–234; E. Faydalı, Niğde-Eski Gümüş manastırı kurtarma kazısı, II, dans Müze Kurtarma Kazıları Semineri, II, Ankara 1991, Ankara, 1992, p. 255–264 (XIe s.) Eski Andaval (peintures): Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 282–283 (XIe s.) Région de Kayseri Taşören (Ağırnaz), église «archaïque»: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 243 (IXe-Xe s.) İspidin: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 241–242 (XIe et XIIIe s.)

III

Peintures byzantines inédites de Cappadoce Un décor du haut Moyen Âge à Mazıköy

L

E site de Mazıköy, à une vingtaine de kilomètres au sud de Göreme (Fig. 1), était déjà connu pour sa nécropole antique et ses tombeaux monumentaux, à colonnade, que l’on aperçoit, taillés dans la falaise, à l’entrée du village. Quelques églises rupestres, sans peintures, avaient également été répertoriées. Celle qui a été découverte en juillet 1986 est creusée à peu de distance de la grand-place du village, mais des éboulis rocheux en masquaient l’accès. Dégagé, celui-ci reste malaisé et c’est par un trou que l’on se glisse, entre les blocs de rochers, à l’intérieur de l’église. Elle se présente comme une simple nef, voûtée en berceau et prolongée par une abside unique, et elle était jadis entièrement peinte, dans une gamme de couleurs assez restreinte, où dominent le vert, le rouge sombre et le brun, l’ocre jaune, le noir et le blanc. Inégalement conservé, le décor offre encore, dans l’abside, quelques beaux visages qui, bien qu’à portée de main, sont restés presque intacts. Déployé sur deux registres, dans la voûte et sur la paroi, le programme absidal était d’un type courant, dont la tradition remonte à l’époque protobyzantine mais reste en usage en Cappadoce jusqu’aux IXe–Xe siècles, dans les églises dites « archaïques » : sous une vision triomphale et intemporelle du Christ étaient alignés les principaux témoins de son Incarnation, la Vierge, Jean-Baptiste et des apôtres. Du Seigneur peint dans la conque ne subsistent que les deux pieds chaussés à l’antique de sandales à lanières (Fig. 2). Il se détachait sur un fond vert, couleur assez inhabituelle que l’on retrouve dans quelques rares décors cappadociens du haut Moyen Âge. Un large galon perlé le séparait des neuf personnages, qui se tenaient debout de face, au registre inférieur. Le haut de six d’entre eux est conservé. Au centre, à la place d’honneur et séparée des figures latérales par deux larges bordures ornementales, se trouve la Vierge, représentée orante, les deux bras levés

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en prière (Fig. 2). Rappel de l’Incarnation, dont chaque office célébré dans l’abside renouvelait le mystère, elle est ainsi exaltée aussi comme médiatrice, priant pour le salut des fidèles. Elle est vêtue de son traditionnel maphorion brun rouge, sous lequel apparaît, enserrant la chevelure, une coiffe blanche. Plus rare est l’inscription qui la désigne comme « la sainte Théotokos », ainsi que l’avait proclamée, en 431, le concile d’Éphèse, et comme dans quelques images cappadociennes de haute époque. On peut voir là un indice d’ancienneté, les sigles MP ΘY (« Mère de Dieu ») devenant, après l’iconoclasme, l’appellation habituelle. Le beau visage expressif de Marie permet de juger de la technique et du style. L’ovale allongé, au menton pointu, est souligné d’un trait brun rouge. Les grands yeux, largement ouverts, au regard fixe, sont dessinés contre le nez et au moyen de deux couleurs : un large cerne vert pour la paupière inférieure, une ligne noire pour le bord supérieur, contre lequel est peinte, noire également, la prunelle dilatée. D’épais sourcils arqués, noirs soulignés d’un trait vert, mettent en valeur le regard. Le nez, long et droit, est également indiqué au moyen de deux couleurs (verte et rouge) et la bouche est un trait horizontal sur lequel est posée, au centre, une tache rouge. On retrouve, en Cappadoce, des conventions analogues dans certaines peintures anciennes, à Saint-JeanBaptiste de Çavuşin ou dans l’église de Joachim et Anne de Kızıl Çukur, par exemple, de datation controversée, mais, de toute façon, non postérieures au IXe siècle. À droite de la Vierge, on reconnaît le Prodrome (Fig. 3), annonciateur de la venue du Messie et de son sacrifice rédempteur et, à ce titre, associé à la Théotokos, au registre inférieur de l’abside, dans une série d’églises préiconoclastes et « archaïques ». De la main droite levée, il désignait, conformément à l’iconographie habituelle, le Christ de la voûte, tandis que de la gauche — détruite — il tenait vraisemblablement un rouleau déployé portant le verset de Jean I, 29 : « Voici l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde. » Selon un procédé courant dans l’art paléochrétien, la main conservée est modelée en distinguant nettement les deux saillies musculaires de la paume, que cernent deux lignes courbes. La stylisation des doigts, aux ongles courts, est également caractéristique. Le visage, assez large, encadré par une chevelure et une barbe brunes et épaisses, présente les mêmes procédés conventionnels que celui de la Vierge. À la figure de saint Jean-Baptiste répond, à gauche de Marie, celle de saint Paul, la seule à avoir survécu de ce côté de la paroi et dont on reconnaît le type iconographique habituel : front chauve et barbe noire (Fig. 4). La présence de Paul à cette place d’honneur permet d’identifier saint

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Pierre de l’autre côté, près du Prodrome. Sa chevelure grisonnante, très stylisée, est raide et courte, tombant en frange sur le front et dégageant les oreilles, rendues de façon très schématique. Deux taches de peinture rouge, aujourd’hui tombées, rehaussaient la pâleur des joues. À côté de Pierre se trouve son frère, André, dont il ne reste qu’une partie de la chevelure grise, bouclée et traitée par mèches, comme le veut le type iconographique du personnage (Fig. 5). Il tient de la main gauche son attribut habituel, la croix, représentée ici comme une croix processionnelle d’orfèvrerie, aux extrémités bouletées, ornée de cinq cabochons rouges circulaires. La série des apôtres s’achève, à l’extrémité sud de la paroi, par la figure de saint Jean (l’Évangéliste), effigie très proche, par son type physique comme par les conventions du dessin et du modelé, de saint Pierre (Fig. 6). Tous ces visages, nimbés d’ocre, se détachent sur un fond clair qui s’arrête au niveau du cou pour laisser place à un fond vert foncé, limité en haut par une bande brun rouge. Peut-être les trois figures disparues, du côté nord, étaient-elles celles de Matthieu, Marc et Luc, les évangélistes ayant souvent, dans les programmes médio-byzantins en tout cas, la préséance sur les autres apôtres. Des rinceaux stylisés, verts et rouges à fleurs vertes, complètent la décoration de l’abside, autour de l’arc ouvrant sur la nef. À l’intrados de celui-ci, un large entrelacs enserrait des bustes de prophètes : type de décor fréquent tant dans les églises du haut Moyen Âge que dans les « archaïques » des IXe-Xe siècles. On ne peut plus identifier que Salomon, du côté nord, qui porte une couronne jaune décorée de gemmes et de perles. Les peintures de la nef, en partie effondrée, sont mal conservées. Il ne reste qu’une seule figure, celle de saint Constantin, sur le mur nord, et des champs d’ornements, avec, conformément à une tradition décorative préiconoclaste et iconoclaste maintenue en Cappadoce jusqu’à l’aube du Xe siècle, une grande croix, presque indistincte aujourd’hui, au sommet de la voûte en berceau. Elle se détachait sur un tapis régulier de rosettes quadrilobées, séparées dans les écoinçons par des cercles de pointillés, ces différents motifs étant reliés par un réseau quadrillé. Le mur est présente, autour de l’arc absidal, un décor banal de « ruban plissé », séparé par un rang de perles d’un champ de damiers aux couleurs alternées (jaunes, rouges et verts), centrés par de gros points blancs. Une composition d’écailles imbriquées (rouges sur fond rosé) surmonte une niche creusée à l’extrémité orientale du mur nord et près de laquelle se trouve, à gauche, l’image très remarquable, malgré son médiocre état de conservation, de saint Constantin. Le premier empereur chrétien était en effet représenté à cheval, la main gauche levée

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tenant les rênes, une lance dans l’autre main, en triomphateur du Mal et des ennemis de l’Empire, composition à valeur protectrice et apotropaïque. Si l’on connaît, en Cappadoce, bien d’autres images de saints cavaliers, investies d’une fonction analogue, le choix de Constantin demeure exceptionnel; on n’en avait trouvé jusqu’ici qu’un seul exemple, dans une chapelle de Göreme, Saint-Eustathe (Göreme no 11). Conformément à une vieille tradition orientale, le cheval — blanc — était de profil (dirigé vers l’abside), tandis que le buste du cavalier était présenté de face. Le manteau de Constantin était rouge, décoré de motifs blancs étoilés, sa couronne, haute et fermée, jaune, ornée de gemmes et de perles, comme celle de Salomon. À gauche du visage, l’inscription désignant « le saint Constantin » est tracée en deux colonnes, sur des sortes de cartels blancs, selon un procédé, probablement dérivé des tituli antiques, que l’on rencontre dans quelques rares décors cappadociens de haute époque. Au-dessus du saint cavalier court une frise ornementale d’un type bien connu dans le répertoire du haut Moyen Âge : un zigzag de feuilles fusiformes séparées par des boutons floraux. Le modeste décor de l’église de Mazıköy vient ainsi s’ajouter à une petite série de peintures de la région, dont la datation, délicate et toujours controversée, peut être placée aux VIe-IXe siècles (Kavaklı dere kilisesi, l’église de Joachim et Anne de Kızıl Çukur, Saint-Jean-Baptiste de Çavuşin, en particulier). Le programme absidal (avec la Vierge « Théotokos » en situation axiale, entourée par Jean-Baptiste et quelques apôtres), la croix couvrante sur champ d’ornements de la nef, le répertoire décoratif, la palette utilisée, la typologie des visages, les procédés de stylisation, les cartels de l’inscription de saint Constantin sont autant d’éléments qui rattachent cet ensemble aux traditions protobyzantines, dont on sait, par ailleurs, qu’elles ont parfois persisté en Cappadoce jusqu’au IXe siècle. La glorification de Constantin, héros de la foi et gardien de l’Empire, associée à l’exaltation de la croix triomphale dans la voûte de la nef, conviendraient bien à l’époque de la lutte contre les Arabes et au climat de « guerre sainte » des VIIe-IXe siècles. Karacaören. Un décor funéraire d’époque iconoclaste? Lors du même voyage, en juillet 1986, nous avons visité, dans une vallée proche d’Ürgüp, plusieurs établissements rupestres inédits d’époque byzantine. Nous ne présentons ici que l’église peinte la plus intéressante de cet ensemble, qui fera l’objet d’une étude monographique ultérieure.

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Située dans un vallon (Kapılı vadisi) qui débouche au sud-ouest du village de Karacaören, à 5 km environ d’Ürgüp sur la route de Kayseri (Fig. 1), elle fait partie d’un important complexe funéraire, comprenant plusieurs arcosolia taillés dans le rocher et des églises, qui contiennent aussi des tombes. Celle qui nous intéresse en abritait vraisemblablement, qui ne sont plus conservées ou, du moins, plus visibles : toute la partie sud-ouest de la nef est détruite et ce qui demeure est si ensablé qu’il faudrait des fouilles pour les dégager. D’un type architectural très simple, le monument se composait d’un unique vaisseau rectangulaire, de 5,25 m sur 3,50 m environ, couvert d’un plafond plat et terminé par une abside, qui décrit en plan un demi-cercle outrepassé et qui était nettement surélevée par rapport au sol de la nef. Des chancels encadrent l’entrée et trois niches cintrées sont creusées dans la paroi de l’abside, dont deux grandes, à gauche et à droite, servaient probablement de sièges. L’église devait être entièrement peinte, mais il ne reste, en dehors des peintures bien conservées de l’abside, que quelques traces de motifs floraux dans la nef, avec, sur le mur oriental, deux grandes croix entourées d’inscriptions, sur lesquelles nous reviendrons. Autant que l’état actuel de conservation permette d’en juger, l’ensemble de la décoration, réalisée sur un fond blanc, dans des tons roses, rouge sombre, bruns et jaunes, en association avec du noir et du blanc, se limitait à des croix et à des ornements (principalement végétaux et floraux), sans aucune figure humaine. C’est l’exaltation de la croix triomphale, signe de la victoire du Christ sur la mort et symbole de la Rédemption, qui domine tout le décor de l’abside et rythme la composition. Sous une grande croix peinte au sommet de la voûte, s’ordonnent, au registre inférieur, trois autres croix : au fond de la niche médiane et de part et d’autre, sur la paroi, sous des arcades peintes. La croix sommitale — croix latine aux extrémités évasées ornées de perles (selon une typologie très fréquente dès le IV e siècle) — se détache sur un fond jaune, peut-être inspiré du fond or des mosaïques pour évoquer l’éclat de la lumière divine (Fig. 7). Elle s’inscrit dans une couronne constituée par un rinceau de feuilles de lierre, antique symbole d’immortalité, qui confère à la vision céleste et triomphale de la croix une valeur d’éternité. Les bras de la croix portent, non un décor de gemmes, de perles ou de pierreries, comme on le voit souvent, mais une alternance de cœurs roses et de motifs sombres, en forme de papillons, constitués par l’adossement de deux feuilles trilobées. L’ensemble évoque davantage une ornementation végétale très stylisée qu’un décor précieux d’orfèvrerie, soulignant ainsi la valeur vivifiante du symbole du Salut.

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Les trois croix du registre inférieur, croix latines aux extrémités élargies munies de perles ovoïdes, se dressent chacune sur une petite base à degrés et portent, à la traverse, un décor de pendeloques : à de petits anneaux sont suspendues de fines chaînettes où sont accrochées des perles. Il s’agit là d’un type de croix bien connu depuis le VIe siècle et dont on conserve plusieurs exemples dans les peintures de Cappadoce. La croix médiane, martelée, qu’ornait une simple torsade (rouge sur fond blanc), s’inscrit dans la niche, qui joue le même rôle de mise en valeur que les arcades peintes au-dessus des croix latérales, et que borde une frise de cœurs emboîtés, de couleurs alternées (jaunes, noirs, blancs). Ce motif plut particulièrement au peintre de l’église, qui l’a utilisé aussi pour décorer le petit arbre situé au-dessus, pour border l’arc de la niche sud, à la douelle absidale et, enfin, sur le mur est de la nef. Décor d’origine orientale, surtout caractéristique de l’art sassanide, qui y recourt très souvent, dans les stucs, l’argenterie ou les tissus, la frise de cœurs fait aussi partie, dès le V e siècle, du répertoire ornemental byzantin, mais elle reste d’un emploi plus limité. Un seul autre exemple, probablement protobyzantin, de ce motif, avait jusqu’à présent été décrit en Cappadoce (Zelve 5a). Les deux croix latérales sont à « pied feuillu » : deux demi-palmettes à cinq lobes, de couleurs alternées, se déploient, à partir des extrémités inférieures de la croix, de part et d’autre du pied (Fig. 8, 9). Cette ornementation végétale de la croix est, sous des formes diverses, courante depuis l’époque paléochrétienne pour souligner la valeur vivifiante du symbole. La signification triomphale des croix est, en outre, renforcée par la large arcade qui les surmonte, portée par deux courtes colonnes, à base et chapiteau jaunes très sommairement rendus. Là encore, il s’agit d’une formule de glorification de la croix largement utilisée et dans les contextes les plus variés, mais particulièrement dans l’art funéraire. La croix sous arcade caractérise ainsi le décor de plusieurs stèles des V e-VIIe siècles, sculptées ou gravées, retrouvées en Anatolie. Le décor des deux arcades diffère, en harmonie avec celui des croix qu’elles abritent : simple torsade à gauche, zigzag de feuilles lancéolées entre lesquelles s’inscrivent des éléments floraux tripartites, à droite. Ce dernier motif, que l’on retrouve en Cappadoce dans quelques ensembles du haut Moyen Âge, est surtout fréquent dans le répertoire décoratif des provinces orientales (Égypte, Syrie, Mésopotamie). Croix et arcades reposent sur une frise décorative, qui marque la limite inférieure du décor de l’abside, entre les niches. Elle consiste en un rinceau simple, dont les courbes régulières portent, sur une fine tige rouge, des

1. Carte de localisation des sites. 2. Mazıköy. La Vierge orante au centre de l’abside; au-dessus, les pieds du Christ dans la voûte.

3. Mazıköy. Saint Jean-Baptiste.

4. Mazıköy. Saint Paul.

5. Mazıköy. Saint André.

6. Mazıköy. Saint Jean.

7. Karacaören. La croix peinte au sommet de la voûte et le registre inférieur de l’abside. 8. Karacaören. La croix sous arcade peinte du côté nord de l’abside.

9. Karacaören. La croix sous arcade peinte du côté sud de l’abside. 10. Karacaören. L’arbre stylisé peint du côté nord.

11. Karacaören. Rinceau au-dessus de la niche nord.

12. Karacaören. Le décor de l’intrados de l’arc absidal.

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fleurs stylisées, à trois pétales, et de petites feuilles allongées. La stylisation des formes et l’alternance des couleurs (blanc, rouge, rose, jaune et noir) transforment l’ornement végétal en un motif décoratif presque abstrait. Trois petits arbres, d’où s’échappent des rinceaux de fleurs et de feuilles, complètent harmonieusement la décoration de l’abside, tout en s’accordant à la signification générale de l’ensemble (Fig. 7, 10). Soumis à une forte stylisation décorative, ils présentent la forme générale du cyprès, arbre funéraire et emblème d’immortalité depuis l’Antiquité. Celui du centre meuble l’espace libre entre la croix de la voûte et celle de la niche, soulignant l’axe médian de l’abside. Une ligne de cœurs orne son feuillage, que bordent des petites feuilles arrondies en forme de gouttes. Du tronc se détache de chaque côté la tige rouge et sinueuse d’un rinceau, dont les enroulements symétriques se déploient latéralement en suivant la ligne courbe de la niche qu’ils surmontent. Des fleurs stylisées, associant pétales pointus et arrondis, s’inscrivent dans les courbes du rinceau, tandis que de longues feuilles étroites et sinueuses se dressent vers le haut, contribuant à la mise en valeur du motif central. Les deux arbres, un peu plus grands, peints latéralement, sont hérissés d’aiguilles, évoquant ainsi des arbres à feuillage persistant, comme le pin, antique symbole d’immortalité au même titre que le cyprès. Celui de droite montre d’ailleurs un décor d’écailles imbriquées et ressemble à une pomme de pin, symbole largement répandu de renaissance à une vie nouvelle. Les gracieux rinceaux de feuilles et de fleurs stylisées, qui partent ici de la base du feuillage, sont de même type que ceux précédemment décrits. Ils s’épanouissent sur les côtés de façon très décorative et, asymétriques, leurs enroulements se prolongeant au-dessus des niches latérales, que bordent, au nord, une frise de losanges, au sud une série de cœurs emboîtés (Fig. 11). L’association de l’« arbre de vie », dont la valeur symbolique — paradisiaque — est bien connue, à la croix, constitue une composition très fréquente à l’époque paléochrétienne comme au Moyen Âge et s’accorde ici parfaitement à la fonction funéraire de l’église. Tout le décor de l’abside vise ainsi à l’exaltation de la croix triomphale, instrument du Salut de l’humanité et évoque la vie éternelle paradisiaque. L’ensemble frappe également par sa qualité décorative : l’harmonieuse répartition des motifs, symétriquement disposés par rapport à l’axe médian et en accord avec les données de l’architecture, l’alternance d’accents verticaux (croix, arbres) et de jeux de courbes régulières (rinceaux), la légèreté des ornements tracés d’une main sûre, le rythme des couleurs simples témoignent d’un sens certain de la décoration monumentale. Le traitement ornemental des plantes et l’association d’arbres

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(ou de fleurons) avec des rinceaux qui en émanent sont des traits surtout caractéristiques des arts sassanide et islamique. On peut, en particulier, rapprocher nos motifs de l’« arbre-palmette » couronné par une pomme de pin et encadré de rinceaux, composition très fréquente dans l’art omeyyade. C’est également dans le répertoire de l’art omeyyade, lui-même dérivé de la tradition sassanide, que l’on trouve les parallèles les plus proches pour le décor de l’intrados de l’arc absidal (Fig. 12). On y voit, entre une tresse et une frise de cœurs, un rinceau qui décrit des motifs cordiformes composés de deux feuilles allongées et enserrant des feuilles-fleurs trifides. Entre deux cœurs se croisent deux tiges recourbées terminées par des motifs floraux analogues. Sur la paroi orientale de la nef étaient peintes, encadrant l’abside, deux grandes croix latines gemmées, à pied feuillu et pendeloques, accostées des mots « Lumière » et « Vie » (Fig. 13). Quelques bordures ornementales (rinceaux, cœurs) complétaient le décor. Mais l’intérêt du mur est tient surtout aux inscriptions qui le tapissent. En dehors d’un long texte, probablement de dédicace, qui longe l’arc absidal et d’une invocation de type courant d’un certain Constantin, il s’agit d’inscriptions funéraires. Trois d’entre elles, en haut et à gauche de l’arc, semblent être antérieures aux peintures. Sur les dixsept inscriptions tracées sur la paroi, une seule suit un formulaire habituel : « la bienheureuse Porph(yria) est décédée au mois de décembre de la onzième indiction ». Toutes les autres emploient la première personne, ce qui est très rare, et recourent (sauf une) à un formulaire qui ne paraît guère être attesté ailleurs dans les inscriptions paléochrétiennes et byzantines : « Moi, Sisi(nnios), ai quitté la vie le 8 du mois d’octobre de la treizième indiction », « Moi, Basile, ai quitté la vie le 1er du mois d’août de la huitième indiction », « Moi, Léon, ai quitté la vie le 28 au mois de septembre de la neuvième indiction », « Moi, Agapia, ai quitté la vie au mois d’avril . . , », « Moi, . . . servante de Dieu, ai quitté la vie le 27 du mois de janvier de la treizième ‘ indiction », « Et moi, Eudocie, ai quitté . . . », etc. On compte au moins six femmes parmi les défunts, qui sont de simples particuliers, sans aucun titre. L’un des textes, à gauche de l’arc, associe mari et femme : « Moi, Pierre, suis décédé en même temps que mon épouse Komètissa (. . .) ». Si elles indiquent généralement le jour du mois et l’indiction du décès, ces inscriptions, qui s’échelonnent sur plusieurs années, ne permettent malheureusement aucune datation précise ; elles ne sauraient, cependant, être antérieures au VIIe siècle, ni, probablement, postérieures au Xe. L’absence de toute figure humaine dans la décoration de l’église, l’importance donnée à l’image de la croix et à l’ornementation végétale

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suggèrent de resserrer la fourchette chronologique, pour les peintures, à l’époque de l’iconoclasme (726–843), pendant laquelle furent interdites et détruites à Byzance les représentations du Christ, de la Vierge et des saints, accusées d’être l’objet d’un culte idolâtre. Certes, ni l’aniconisme du décor, ni le sort fait à la croix (particulièrement dans l’abside) ne sont spécifiques de la seule période iconoclaste. La tradition, bien illustrée surtout en Syrie et Mésopotamie du Nord, en est paléochrétienne et elle ne tombera pas totalement en désuétude après le Triomphe de l’Orthodoxie, en 843. On sait, par ailleurs, grâce à une lettre d’Aréthas, métropolite de Césarée, que les théories iconoclastes continuaient, au début du Xe siècle, à avoir des adeptes dans les milieux populaires de Cappadoce. S’il reste difficile de trancher, la typologie des croix et des motifs ornementaux (inspirés du répertoire sassanide et proto-islamique), la stylisation décorative des motifs nous semblent convenir à une datation au VIIIe siècle ou au début du IXe siècle. Le décor de Karacaören vient ainsi enrichir le corpus assez limité et toujours controversé des peintures « iconoclastes » répertoriées en Cappadoce et dans le reste de l’Empire byzantin. De belles peintures du XIIIe siècle à Yüksekli C’est à une quinzaine de kilomètres de Gülşehir, au nord-ouest d’Ürgüp, près du village de Yüksekli (Fig. 1), que nous avons visité, en 1985, deux églises inédites conservant des peintures du XIIIe siècle, remarquables par leur qualité artistique. La première est creusée à la base d’un cône, où était primitivement aménagé un tombeau antique, et elle se compose d’une nef voûtée en berceau, avec une abside unique (Fig. 14). Ses peintures appartiennent à trois phases distinctes de décoration, d’inégale extension, dont seule la plus récente, qui est aussi la plus étendue, nous occupera ici. Le programme iconographique était traditionnel, avec une Déisis (le Christ entre la Vierge et Jean-Baptiste) dans l’abside et, dans la nef, un cycle court de scènes, associé à des effigies de saints isolés et au portrait des donateurs. Ceux-ci, un homme et une femme (une certaine Skrèbonisa), malheureusement très mal conservés, encadraient saint Christophore, martyr de Lycie, patron des voyageurs et des pèlerins, ici représenté âgé, comme en Occident et contrairement à l’iconographie orientale habituelle. Le cycle christologique, inauguré par l’Annonciation, traditionnellement peinte sur le mur est, de part et d’autre de l’entrée de l’abside, se poursuivait

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dans la voûte en berceau de la nef et sur les parois. Les sujets les plus importants sont dans la voûte : l’Ascension, développée, selon une formule courante, dans toute la partie orientale, la Nativité et le Baptême sur le versant sud, la Crucifixion et l’Anastasis (Descente aux Limbes) sur le versant nord. Sur le mur ouest, la Présentation du Christ au temple surmontait la Dormition de la Vierge, mais toute la partie centrale de ces compositions a disparu. Enfin, l’Entrée à Jérusalem, sur le mur nord, faisait face à l’Entrée de la Vierge au temple, du côté sud. Les compositions, simples et claires, harmonieusement équilibrées, restent dans le goût de l’art byzantin « classique ». Le nombre de personnages est limité, les mouvements mesurés et l’environnement conventionnel et stylisé, à de rares exceptions près. Le peintre excelle surtout dans le rendu de la figure humaine : la sûreté du dessin va de pair avec un modelé délicat, qui suggère, sans contrastes marqués, la forme plastique. Maints visages sont conformes, par leur structure, leur traitement pictural, leur expression calme et douce aux tendances classiques de la peinture byzantine du XIIIe siècle, datation que suggèrent plusieurs particularités de l’iconographie. La palette, enfin, est assez variée et caractérisée par un large emploi des tons roses, rouges, mauves et violets, associés à l’ocre jaune, au blanc (souvent nuancé de gris) et au bleu soutenu des fonds. L’iconographie des différents sujets est dans l’ensemble traditionnelle, mais elle présente aussi quelques particularités rares, voire uniques, dans la peinture byzantine. La Nativité réunit, autour de la Vierge et de l’Enfant dans la crèche, veillé par l’âne et le bœuf, les éléments habituels : Joseph et le bain du Christ par les sages-femmes, en bas, les Mages à gauche, les bergers à droite et le chœur des anges en haut. Marie, peinte dans une attitude de lassitude traditionnelle, montre un visage plein, charnu, délicatement modelé et à l’expression légèrement mélancolique (Fig. 15). L’épisode du bain illustre une variante assez rare, celle où la sage-femme plonge l’enfant, assis jambes tendues, dans le bassin, tandis que la jeune fille, debout à gauche, verse l’eau, tout en testant, de l’autre main, la température de l’eau. L’image du Baptême est particulièrement intéressante. Dans ses grandes lignes, elle suit les schémas habituels des XIe-XIIIe siècles : le Christ est nu, les jambes croisées et bénissant les eaux, dans une attitude élégante, entre saint Jean-Baptiste, vêtu de la mélote, debout sur la rive gauche du fleuve et deux anges inclinés, les mains voilées à droite. Quelques poissons nagent dans le Jourdain — comme on le voit surtout à partir du XIIIe siècle — autour de la personnification du fleuve, élément traditionnel dans la composition

PEINTURES BYZANTINES INÉDITES DE CAPPADOCE

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depuis l’époque paléochrétienne. La Mer, introduite plus tard, au XIIe siècle, dans l’iconographie du Baptême, où elle ne devient courante qu’à l’époque des Paléologues (1261–1453), est ici représentée par une femme aux longs cheveux épars sur les épaules, assise sur un gros poisson gris et tenant une petite barque (Fig. 16). Curieusement, une forme humaine (tête et épaules) semble sortir de la gueule ouverte du poisson. Ce détail indique l’origine du modèle utilisé par le peintre, probablement sans intention symbolique particulière : une image de la Mer rejetant ses morts, tirée de la composition du Jugement dernier. Encore plus singulière est la présence, au-dessus de la figure de la Mer, d’un petit voilier, pour lequel l’iconographie du Baptême n’offre aucun parallèle. La description en est précise : coque arrondie munie d’une plate-forme peu élevée à la proue, aviron de gouverne fixé à tribord, mât unique gréé d’une voile « latine », triangulaire, et couronné d’un poste de vigie, où se tient un petit personnage, les bras levés, comme en prière. Quatre autres figures sont encore visibles à bord du navire. On peut se demander s’il s’agit là seulement d’une petite scène de genre, témoignant du goût du peintre pour le détail pittoresque ou si ce bateau, qui se trouve placé juste sous la main du Christ, répond à une intention spécifique. Faut-il y voir le symbole de l’Église et de ses fidèles, dont le Baptême assure le Salut ? ou, plutôt, un appel à la protection divine pour une expédition maritime des donateurs, qui se sont fait représenter près du patron des voyageurs, saint Christophore ? Le caractère exceptionnel de la représentation suggérant une interprétation spécifique, nous opterions pour la seconde possibilité, mais elle reste du domaine de l’hypothèse. La Crucifixion, bien qu’endommagée dans la partie gauche, témoigne bien à la fois du talent du peintre et de la diversité de son inspiration. La composition reste traditionnelle et simple, avec, autour du crucifié, saint Jean l’Évangéliste et le centurion à droite, Marie suivie de deux femmes à gauche, et deux anges éplorés dans le ciel. Le traitement du corps du Christ, qui, bien proportionné, s’infléchit légèrement vers la gauche, est remarquable, comme l’est aussi celui du fin pagne transparent drapé autour des hanches. Le visage aux yeux clos est ceint d’un nimbe crucifère dont la fine ornementation de rinceaux et de perles semble d’origine occidentale. D’autres détails relèvent probablement de la même inspiration, comme le décor du bouclier du centurion constitué de bandes parallèles rouge foncé sur un fond blanc ou le geste de la Vierge, qui, de la main gauche, agrippe le bord de son maphorion. Le geste expressif des deux anges, qui pressent leurs mains nues contre leur visage marqué par la douleur, accentuant le caractère

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dramatique de la scène, demeure également assez rare à Byzance avant une date tardive. La Descente du Christ aux Limbes — scène qui représente dans l’iconographie orthodoxe la Résurrection — montre le Sauveur, ici exceptionnellement statique, la croix dans la main gauche, piétinant Hadès et saisissant Adam par le poignet pour le tirer hors du royaume des morts (Fig. 17). Ève se tient derrière, implorante, tandis que les rois-prophètes, David et Salomon, vus à mi-corps dans un sarcophage, sont à droite, devant JeanBaptiste et deux vieillards, prophètes ou justes. Le visage allongé du Christ, aux traits fins, est d’une grande douceur. La figure d’Hadès vaincu, au-dessus des portes brisées de l’Enfer, symboles de l’anéantissement de la Mort, est assez originale. Le corps puissant, aux côtes marquées, est nu et prostré, les genoux fléchis ramenés sous le ventre, les bras croisés, chevilles et poignets entravés par une chaîne. Le visage est vu de face, entouré par une chevelure et une barbe blanches abondantes, avec une longue moustache pointue, et les yeux sont fermés. Dans l’Entrée du Christ à Jérusalem, composition peu développée en raison de la superficie limitée de l’espace disponible, c’est la ville de Jérusalem qui est représentée de façon assez inhabituelle. Enceinte rose crénelée, flanquée de quatre tours vues en perspective, elle n’enferme aucun édifice, mais l’on y voit, en revanche, deux spectateurs, deux femmes, semble-t-il, qui paraissent commenter l’arrivée triomphale du Christ. Le répertoire des saints peints sur les parois de la nef était assez diversifié. Deux grands prêtres de l’Ancienne Loi, Melchisédech et Aaron, se trouvent, en accord avec leur fonction liturgique, à l’extrémité orientale des murs nord et sud, encadrant l’abside, tandis que deux saints militaires en costume guerrier, Procope et Démétrius, sont peints à l’ouest, en gardiens de l’entrée. Parmi les saintes femmes représentées, conformément à l’usage, dans la partie occidentale de l’église, se trouve, près de la porte d’entrée, sainte Marina assommant Belzébuth, image à valeur protectrice et apotropaïque surtout répandue à partir du XIIIe siècle. Les autres saints sont, outre Christophore près duquel s’étaient fait figurer les donateurs, des moines et des médecins, choisis pour l’efficacité de leur intercession et objet d’un intérêt particulier des commanditaires. Les saints moines sont Antoine, Euthyme, Ephrem et Sabas de Jérusalem. Ce dernier, peint près du donateur, est le seul à tenir un rouleau déployé, où est inscrite une incitation à la vigilance, tirée du récit de la vie de saint Sabas par Cyrille de Scythopolis : « Écarte de tes yeux le profond sommeil. » Les saints anargyres sont Damien, auquel étaient

13. Karacaören. Mur est de la nef, partie sud.

14. Yüksekli. Le site de la première église.

15. Yüksekli, église no 1. La Nativité, détail: la Vierge et l’Enfant dans la crèche.

16. Yüksekli. La personnification de la Mer dans la scène du Baptême.

17. Yüksekli. Anastasis: le Christ.

18. Yüksekli, église no 2. Aaron.

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vraisemblablement associés Cosme, Cyr et Jean, Hermolaos et, sans doute, Pantéléimon. La seconde église de Yüksekli, située à une trentaine de mètres à l’est de la première, ne conserve de peintures que dans l’abside. Une Déisis occupait le conque et c’est entre ses trois figures qu’étaient insérés les grands prêtres Melchisédech et Aaron déjà rencontrés dans l’église précédente (Fig. 18). Ils sont ici en buste, inscrits chacun dans un grand médaillon circulaire, à fond rouge, et ils balancent un encensoir. Les visages sont expressifs et vigoureusement modelés. Plus bas, au-dessus de l’autel, un cadre rectangulaire enfermait l’image de la Vierge en buste, tenant l’Enfant. Cinq évêques l’encadraient, debout de face, selon une iconographie archaïsante pour le XIIIe siècle, mais souvent maintenue dans les ensembles provinciaux. Le mieux conservé est saint Jean Chrysostome, peint, comme il convient, à une place d’honneur, juste à droite de l’autel. Son visage, à barbe et chevelure peintes en rouge, est typique de l’iconographie du personnage : grand front dégarni, joues émaciées, courte barbe bifide. Il est vêtu d’un riche costume épiscopal, rehaussé de croix, de fins motifs décoratifs et de perles. La figure de saint Basile de Césarée, qui lui faisait sûrement pendant à gauche de l’autel, est en grande partie détruite. Les autres prélats étaient Grégoire de Nazianze, Nicolas de Myra et un autre Grégoire, peut-être Grégoire de Nysse. Un diacre, saint Étienne, était associé aux évêques à l’extrémité sud du registre, tandis que dans une niche, du côté nord, se trouvait l’image du Sacrifice d’Abraham, sujet assez souvent représenté dans le bêma (surtout à l’époque des Paléologues), en raison de son symbolisme eucharistique. Les liens qui unissent les deux décors de Yüksekli, par-delà les différences de technique et de style, font penser qu’ils ont été exécutés par les membres d’un même atelier, peintres expérimentés appelés de l’extérieur par des donateurs importants. L’indéniable qualité artistique de ces peintures, qui peuvent être attribuées à la seconde moitié du XIIIe siècle, invite à nuancer le jugement généralement sévère porté sur l’art byzantin de la Cappadoce sous domination turque. Si les peintres locaux, coupés des centres créateurs grecs, pratiquaient un art souvent archaïsant et de médiocre qualité, il y avait aussi, circulant en Anatolie pour répondre à la demande de riches commanditaires, des peintres itinérants de talent. Si l’on ne peut, bien sûr, préciser l’origine de ceux qui travaillèrent à Yüksekli, la présence, dans leurs peintures, de détails d’inspiration occidentale, très caractéristique de ce que l’on appelle aujourd’hui « l’art méditerranéen du XIIIe siècle », témoigne des échanges culturels, à cette époque, entre Orient et Occident.

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Bibliographie Mazıköy : publication en préparation ; pour d’autres décors du haut Moyen Âge en Cappadoce, voir Nicole Thierry, Haut Moyen Âge en Cappadoce. Les églises de la région de Çavuşin, tome I, Paris, 1983. Karacaören : publication des églises du vallon de Karacaören en préparation ; pour le problème de l’iconoclasme en Cappadoce : Nicole Thierry, « L’iconoclasme en Cappadoce d’après les sources archéologiques. Origines et modalités », Rayonnement grec. Hommages à Charles Delvoye, Bruxelles, 1981, pp. 389–403. Voir aussi : Jacqueline Lafontaine-Dosogne, « Pour une problématique de la peinture d’église byzantine à l’époque iconoclaste », Dumbarton Oaks Papers 41 (1987), sous presse. Yüksekli : Catherine Jolivet-Lévy, « Nouvelle découverte en Cappadoce : les églises de Yüksekli », Cahiers Archéologiques 35 (1987), sous presse.

IV

Découvertes archéologiques et épigraphie funéraire dans une vallée de Cappadoce (avec Georges Kiourtzian)

S

ITUÉE au sud-est d’Ürgüp, cette vallée de Cappadoce, aujourd’hui désertée, descend de l’Avla Dağı (1500 m environ), pour déboucher face au village de Karacaören (précédemment Karacaviran), à 5 km d’Ürgüp1 (Fig. 1). Elle est appelée localement Kurt dere, Akılı dere ou Kapılı dere, selon les secteurs de son cours2. Relativement encaissée et située à l’écart des principales voies de communication, cette vallée constitue un petit conservatoire de monuments originaux. Dès 1986, remontant la vallée depuis le village, nous avions reconnu sur le versant oriental un important site funéraire chrétien, dont seule une église a déjà été décrite3; un peu plus haut, sur le même versant, deux basiliques protobyzantines avaient également été repérées, ainsi que, plus avant encore, une église mésobyzantine en croix inscrite, entourée de quelques salles. En 1991, nous avons découvert, à l’origine du vallon, une nécropole rupestre d’époque romaine, qui est l’une des plus importantes répertoriées à ce jour dans la région des églises rupestres4.

1 La plupart des monuments de cette vallée sont inédits; deux églises sont décrites dans C. Jolivet-Lévy, Les églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l’abside et de ses abords, Paris, 1991, p. 171–174; voir aussi: Ead., « Peintures byzantines inédites de Cappadoce », Archéologia, 229, 1987, p. 40–43. 2 D’amont en aval, mais l’usage de ces dénominations varie selon les informateurs. 3 Jolivet-Lévy, art. cit. note 1. 4 La description des tombeaux doit beaucoup aux notes prises sur place par Nicole Lemaigre Demesnil, que nous remercions ici.

1. Localisation de la vallée de Karacaören. (Carte N. Lemaigre – F. Tessier)

2. Tombeau no 1.

3. Tombeau no 2.

4. Tombeau no 14.

5. Tombeau no 18.

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La nécropole romaine Les tombeaux sont creusés le long de la falaise, immédiatement sous le sommet du plateau et donc bien visibles, suivant en cela un type d’implantation courant. Nous en avons dénombré quinze sur le versant oriental, et trois sur le côté opposé de la vallée, où l’érosion a été plus importante. La façade du premier tombeau au nord (sur le versant oriental) est sculptée de petites figures — sept à gauche de l’entrée, cinq à droite — inscrites dans des niches, images très frustes symbolisant les défunts (Fig. 2). L’entrée, que surmonte une petite fenêtre d’aération, s’ouvre sous un porche voûté en berceau5. L’intérieur, grossièrement excavé et couvert d’une voûte très surbaissée6, comporte trois banquettes, hautes de 0,75 m environ, laissées en réserve contre les parois lors de l’excavation; chacune est surmontée d’une petite niche cintrée. La façade du second tombeau, à quelques mètres au sud, est plus soignée, l’entrée étant mise en valeur par un arc en plein cintre reposant sur deux piliers engagés sommés de chapiteaux moulurés (Fig. 3). De chaque côté, quelques silhouettes érodées, inscrites dans des niches cintrées, évoquent les défunts; à gauche, une niche rectangulaire, vide; quelques autres figures se distinguent dans le porche. La chambre funéraire (2,25 m x 1,80 m) est couverte d’une voûte en berceau, mais l’ensablement est tel que l’aménagement intérieur ne peut être précisé. Le tombeau suivant (n° 3), également très ensablé, présente trois figurines en façade, une petite ouverture carrée au-dessus de la porte et trois banquettes à l’intérieur. Le tombeau n° 4 est l’un des rares à porter des signes d’une réoccupation chrétienne par un ermite local: le tympan surmontant la porte a été tapissé de petites croix gravées, à fonction apotropaïque. Le tombeau n° 5 ne comporte que deux bancs, disposés parallèlement à gauche et à droite7. Malheureusement très enterré, le tombeau suivant était plus important et plus soigné, avec un profond porche voûté8, comportant, au-dessus de l’entrée dans la chambre, une fenêtre d’aération encadrée par deux petits pilastres; l’intérieur, Sa profondeur est de 0,60 m. Presque un plafond; la hauteur est de 1,80 m environ. 7 La chambre, voûtée en berceau mesure 1,85 m sur 1,30 m; le porche 1,20 m sur 0,90 5 6

m.

8 Une corniche marque la séparation entre voûte et paroi; à l’entrée (à l’extérieur), de petites niches cintrées encadraient le départ de l’arc.

DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES ET ÉPIGRAPHIE FUNÉRAIRE

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exceptionnellement vaste (4,40 m sur 4 m environ), est assez bien conservé, avec ses trois banquettes, dont celle du fond, un peu plus haute, a été mise en valeur. Plus loin, vers le sud, le tombeau n°12 est remarquable par le grand nombre — plus d’une douzaine — de figurines en façade; la petite taille de quelques-unes font penser à des enfants et pour l’une d’elles, les deux bras ramenés devant le corps semblent avoir été indiqués. L’intérieur, bien conservé, est presque carré 9 et comporte trois banquettes 10, ainsi que deux petites niches 11. La façade très érodée du tombeau n°13 est caractérisée par la présence, au-dessus de la porte, au sommet de l’archivolte, d’une petite arcature semi-circulaire, motif dérivé de l’acrotère qui décore des tombeaux plus élaborés. Le n° 14, précédé d’un porche plus profond, à retraits successifs et décor architectonique, présente une petite arcature comparable (Fig. 4); sept silhouettes sont sculptées à l’extérieur et trois banquettes ménagées à l’intérieur12. Le dernier tombeau (n° 15), de ce côté de la vallée, ne comporte ni porche, ni décor sculpté, mais l’intérieur est bien conservé avec trois banquettes et trois niches. Une croix latine est gravée en façade, à droite de l’entrée. En face, sur le versant occidental de la vallée, le premier tombeau (n° 16), au sud, présente une façade régularisée, avec un arc en plein cintre (inscrit dans un cadre), relevé de moulures assez grossières, marquant l’entrée du porche voûté; la chambre est à plafond plat, avec un seul lit funéraire, au fond. Une unique figure de défunt est d’ailleurs sculptée en façade13. À un niveau supérieur, le tombeau n° 17, plus modeste, s’ouvre par une entrée rectangulaire, directement dans la falaise. Enfin, à quelques mètres en aval, un dernier tombeau (n° 18) abrita un grand nombre de défunts, si l’on en juge par le nombre des figures qui décorent la façade (Fig. 5). Les caractéristiques essentielles de ces tombeaux sont donc les suivantes: sauf pour trois d’entre eux (n° 10, 11 et 17), qui sont creusés à une certaine hauteur et ouvrent directement dans la falaise par une petite ouverture rectangulaire (pourvue ou non d’un encadrement mouluré), l’entrée de la chambre funéraire — toujours une pièce unique — se fait par une porte rectangulaire14 taillée sous un porche voûté plus ou moins profond 2,70 x 2,60 m. Les banquettes latérales mesurent 0,80 m de large sur 1,90 m de long; celle du fond 0,70 m sur 2 m 11 Creusées au-dessus des deux banquettes latérales. 12 Le caveau mesure 2,90 m sur 2,30 m. 13 La niche mesure 0,70 m sur 0,35 m. 14 Nous n’avons pas noté de traces du mode de fermeture de la porte. 9

10

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et rehaussé, ou non, d’un décor architectonique (piliers engagés, corps de moulures en bandes plates, corniches). Une petite fenêtre d’aération surmonte généralement la porte. Le caveau, grossièrement rectangulaire, est couvert d’une voûte très surbaissée ou d’un plafond plat et comporte, laissées en réserve le long des murs lors de l’excavation, des banquettes. Le nombre de celles-ci varie de une (exceptionnellement) à deux (parallèles le long des murs latéraux) ou — dispositif le plus courant — trois, disposées en U. Non creusées en auge, ces banquettes étaient destinées au dépôt des corps, selon un mode d’ensevelissement habituel en Asie Mineure15. Quelques niches (pour des lampes ou des offrandes16) sont parfois creusées dans les parois, mais aucun décor ni mobilier n’est conservé à l’intérieur. La façade est souvent un peu plus soignée que l’intérieur et se signale, dans au moins la moitié des cas, par la présence de petites effigies en bas-relief grossièrement équarries, inscrites dans des niches rectangulaires ou cintrées; ces représentations symboliques des défunts remontent à une tradition ancienne attestée à travers tout le Proche Orient17 et qui dérive vraisemblablement du décor des stèles funéraires 18. Il s’agit là de sépultures modestes, caveaux collectifs appartenant peutêtre à des groupes familiaux (ou à des associations funéraires ?). Des inscriptions, aujourd’hui disparues, précisaient sans doute l’identité des titulaires. Les corps devaient y être entassés au fur et à mesure des décès, car le nombre de figurines sculptées en façade — parfois une douzaine — excède généralement le nombre de places disponibles à l’intérieur d’une pièce souvent exiguë et pourvue au mieux de trois banquettes; on peut en 15 Cf. L. Heuzey, « Les lits antiques considérés particulièrement comme forme de la sépulture », Gazette des Beaux-Arts, 1873, p. 305–312 et 501–514. 16 Plutôt que pour des urnes en terre-cuite qui supposeraient un rite d’incinération. 17 En Syrie, à Katura: H.C. Butler, Ancient Architecture in Syria, B. Northern Syria, 4. Djebel Barisha, Leyden, 1910, p. 249, ill. 257, 258; G. Tchalenko, Villages antiques de la Syrie du Nord. Le Massif du Bélus à l’époque romaine, Paris, 1953, p. 190, pl. CLXXV; en Cilicie, à Korykos: J. Keil et A. Wilhelm, Denkmäler aus dem rauhen Kilikien, MAMA, III, Manchester, 1931, pl. 48–49, p. 120 sq.; F. Hild et H. Hellenkemper, Kilikien und Isaurien (Tabula Imperii Byzantini, 5), Vienne, 1990, Teil 2, fig. 253–254. Sur les représentations de défunts, voir aussi S. Ronzevalle, « Nefés rupestres », IV, 1910, 189–208; G. de Jerphanion et L. Jalabert, « Taurus et Cappadoce », Mélanges de l’Université Saint-Joseph V, 1911, p. 284, 305–309. 18 Voir par ex.: W.H. Buckler, W.H. Calder, Monuments and Documents from Phrygia and Caria, MAMA, VI, Manchester 1939, pl. 6, W.H. Calder, Monuments from Eastern Phrygia, MAMA, VII, Manchester. 1956, pl. 28.

DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES ET ÉPIGRAPHIE FUNÉRAIRE

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déduire aussi que les corps étaient enveloppés dans de simples linceuls et non déposés dans des sarcophages19. Nombreuses sont les nécropoles rupestres antiques conservées dans les différentes provinces d’Asie Mineure (Phrygie, Lykaonie, Paphlagonie, Lycie, Pont, Carie, etc.), qui permettent de définir certaines variantes régionales. En Cappadoce, des tombeaux romains de même type que ceux de Kurt dere se voient à Göreme20, Mazıköy21, Mavrucan (Güzelöz), Soğanlı22, Eneğilköy23, Arabsun deresi24, Zanzama25, Yarhisar26, Asma deresi (près de Comana)27. Généralement simples d’aspect, ils apparaissent comme des variantes modestes et populaires de grands tombeaux rupestres monumentaux aux façades richement décorées de sculptures, comme on en voit à Azugüzel, à l’est de la région d’Ürgüp, près de Fraktın28. L’intérêt de l’ensemble de Kurt dere tient à la concentration — non égalée dans la région — des tombeaux décorés et à leur témoignage sur le peuplement précoce d’une vallée, où des établissements médiévaux sont également conservés. En l’absence d’inscription, de décor sculpté élaboré et de trouvaille archéologique, la datation de cette nécropole reste imprécise. Par analogie avec les tombeaux rupestres comparables d’autres régions, on peut proposer de la placer au IIe ou au début du IIIe siècle. De même ne peut-on préciser la localisation du village antique, dont elle dépendait. Signalons enfin que trois de ces tombeaux seulement portent la marque — des croix gravées — d’une réoccupation chrétienne, qui fut probablement le fait d’ermites ayant établi leur cellule à l’intérieur du caveau. Nous n’avons cependant trouvé à proximité immédiate ni tombes chrétiennes, ni église: 19 Tels les sarcophages en terre conservés dans les musées de Nevşehir, de Kayseri ou d’Istanbul. 20 N. Thierry, « Découvertes à la nécropole de Göreme (Cappadoce) », Comptes Rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (cité plus loin: CRAI), 1984, 659–663; N. Thierry, « Matériaux nouveaux en Cappadoce (1982) », Byzantion, LIV, 1984, p. 316–317. 21 N. Thierry, « Un problème de continuité ou de rupture. La Cappadoce entre Rome, Byzance et les Arabes», CRAI, Paris, 1977, p. 112. 22 H. Rott, Kleinasiatische Denkmäler aus Pisidien, Pamphylien, Kappadokien und Lykien, Leipzig, 1908, p. 122. 23 Ibid., p. 117–120. 24 Thierry, art. cit., note 21, p. 140. 25 Ibid., p. 138. 26 Rott, op. cit., note 22, p. 115–116. 27 Jerphanion–Jalabert, art. cit., note 17, p. 284, 305–307, Pl.V, XII. 28 E. Chantre, Mission en Cappadoce 1893–1894, Paris, 1898, p. 121 sq., fig. 90, 91.

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contrairement à ce que l’on observe en d’autres lieux de Cappadoce29, il n’y a pas eu ici continuité entre nécropole païenne et chrétienne. Le monument le plus proche du site antique, en aval, est aussi le plus tardif (Xe siècle). L’église mésobyzantine À une vingtaine de minutes de marche de la nécropole païenne, sur le versant oriental de la vallée (appellée ici Akılı vadisi), sont creusées quelques salles et une église en croix grecque inscrite30, qui appartenaient vraisemblablement à un petit monastère. L’église est assez vaste31, avec trois absides et un narthex cruciforme à coupole, dont le bras nord, plus profond, abrite deux tombes et communique avec un parecclèsion funéraire32. Une porte rectangulaire donne accès au naos33, dont la coupole, à la croisée, s’élève sur d’épais piliers à imposte moulurée. Les bras de la croix et les compartiments d’angle NE, SE et SO sont voûtés en berceau34. L’angle NO n’a pas été excavé et la pièce d’angle SO n’est accessible que du bras ouest, une simple ouverture cintrée donnant dans le bras sud (Fig. 6); cette disposition inhabituelle permet de supposer pour cette partie de l’église une fonction liturgique spéciale. Les trois absides décrivent en plan un demi-cercle outrepassé. Celle du centre35, surélevée, était fermée par un templon élevé: au-dessus des chancels s’élevaient probablement deux piliers supportant une architrave, dont il reste les amorces latérales36 (Fig. 7). Une étroite banquette longe la paroi et l’autel, détaché du mur, comporte sur sa face postérieure une petite cavité vraisemblablement destinée 29 Voir par exemple Thierry, art. cit., note 21, p. 112–113 (Mavrucan), p. 140–141 (Eneğilköy / Dikilitaş). 30 Jolivet-Lévy, op. cit., note 1, p. 173–174. 31 Naos: 7 m de long sur 6,20 m de large environ. 32 Petite chapelle à une nef, voûtée en berceau, et abside unique. 33 En revanche, la porte du narthex donnant sur l’extérieur est cintrée. 34 Les berceaux sur les pièces d’angles, trait caractéristique — mais non spécifique — de l’Asie Mineure, sont fréquents en Cappadoce dans les églises rupestres comme construites (Karagedik kilisesi, Çanlı kilise). 35 Elle mesure environ 1,75 m à 2,70 m de large sur 2,60 m de prof. 36 Même type de clôture en Cappadoce à Durmuş kilisesi (près d’Avcılar), VIe-VIIe s. (Thierry, art. cit. note 21, fig. 33), et dans la Büyük kilise de Kızıl Çukur, Xe s. (S.-A. Wallace, Byzantine Cappadocia: the planning and function of its ecclesiastical structures, Canberra, 1991 — thèse dactyl. — Vol. II, 1, p. 279–280, pl. 36.2).

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à contenir une relique. Trois niches sont creusées dans l’abside, dont deux, près de l’entrée, abritent des sièges. Les absides latérales, inégales — celle du sud est plus grande — ont un autel solidaire de la paroi dans sa partie inférieure et surmonté d’une petite niche. Les travées d’angle orientales présentent chacune une double niche37 à fond plat, creusée dans le mur extérieur, que longe une banquette. Les proportions de l’église, la modénature, l’aspect inachevé de la croix inscrite dans la partie ouest, la forme du templon incitent à dater l’excavation de l’église au Xe siècle. Quelques peintures sont conservées dans le tympan oriental et la partie sud de l’intrados de l’arc absidal. Au-dessus de l’abside, trois médaillons enferment les bustes du Christ Emmanuel (nommé Ἐµµα[νουήλ])38 et de deux évêques (aujourd’hui anonymes). À la douelle de l’arc absidal: un archange tenant un long sceptre, figuré de trois quarts vers l’abside. La basilique protobyzantine En aval du monastère, du même côté de la vallée, se trouvaient deux églises basilicales, distantes l’une de l’autre d’une cinquantaine de mètres. La première, très érodée, était voûtée en berceau. La nef de la seconde (6,80 x 5,40 m), à plafond plat, est prolongée par une abside unique, très ensablée. Les murs nord et sud sont creusés d’arcatures aveugles. Sous le plafond court un encorbellement constitué d’une corniche à double ressaut: un bandeau plat surplombé d’une frise dérivée des denticules ioniques, motif connu en Cappadoce dans des monuments antiques et protobyzantins39 (Fig. 8). L’extrémité orientale du plafond conserve des traces de peintures (entrelacs rouge, blanc, jaune et vert), tandis que la partie occidentale, également peinte, comporte une grande croix latine, sculptée en assez haut relief, dont Formée de deux parties: cintrée en haut, oblongue en dessous; dispositif rare, attesté en Cappadoce à Güllü dere 2, près de l’église de Nicétas à Kızıl Çukur, dans l’église des Archanges à Zindanönü (Wallace, Ibid., p. 220, pl. 28.4; p. 305, 306, 329, pl. 42.3). 38 Cet emplacement du Christ Emmanuel n’est pas rare à partir du XIe siècle; il est attesté en Cappadoce dans la Cambazlı kilise d’Ortahisar et l’église n° 1 de Yüksekli; pour d’autres exemples d’Emmanuel à un emplacement analogue ou voisin, voir Jolivet-Lévy, op. cit., note 1, p. 174, note 9. 39 Par ex. à Saint-Jean-Baptiste de Çavuşin (N. Thierry, Haut Moyen-Age en Cappadoce, I, Paris, 1983, pl. 19, b), à Balkan deresi 3 , dans la « basilique ensablée » d’Avcılar (Wallace, op. cit., note 36, Vol. II, 2, pl. 59.17). 37

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les bras, élargis aux extrémités, sont décorés de trois bandeaux séparés de profondes rainures. D’après sa typologie architecturale, son décor sculpté et le peu qui subsiste de ses peintures, cette basilique peut être attribuée à l’époque protobyzantine (VIe-VIIe siècles). La nécropole chrétienne Si l’on continue à descendre la vallée, les installations rupestres se font plus denses et se répartissent des deux côtés de la rivière, vestiges d’un ancien habitat villageois. Sur le flanc oriental de la vallée (Kapılı vadisi), s’étage un vaste complexe funéraire chrétien comportant toute une série d’arcosolia et au moins sept églises (Fig. 9). Plusieurs cônes aujourd’hui érodés et qui abritaient également des tombes, se dressent encore le long de la pente. La première église, au nord, est une petite nef unique presque carrée40, voûtée d’un berceau très surbaissé et terminée par une abside en demicercle outrepassé. Le narthex, qui précède l’église, conserve un arcosolium à l’extrémité sud; d’autres tombes sont situées aux abords de la chapelle, au sud-ouest. La seconde église, un peu plus grande, peut être décrite comme une « pseudobasilique à trois nefs », les nefs latérales étant trop étroites pour avoir été fonctionnelles41. Les piliers carrés des colonnades portent des arcades en plein cintre. L’abside, surélevée (une marche), comporte une étroite banquette et un autel, creusé vers l’arrière, à sa base, d’une cavité à reliques. Le narthex, court et asymétrique42, abrite plusieurs tombes. A quelques mètres au sud est creusée l’église n° 3: petite nef transversale43, pourvue de deux absides44, elle est très érodée mais conserve quelques traces de décor (frise de zigzags). Au sud encore sont excavées quelques salles, des tombes et une église (n° 4) à nef unique, à peu près carrée, couverte d’un plafond plat et précédée d’un narthex (contenant au moins une tombe); à l’extrémité occidentale du mur nord de la nef, un arcosolium soigneusement 3,75 x 3,50 m. Les nefs centrale et nord sont voûtées en bercau; la partie sud paraît inachevée. 42 1,50 m au nord, 0,40 m au sud. 43 4,22 x 3m ça. 44 Dispositif souvent lié à une fonction funéraire, comme en témoignent en Cappadoce les églises d’Özkonak, de la nécropole de Göreme et d’Erdemli: N. Thierry, « Erdemli. Une vallée monastique inconnue en Cappadoce. Étude préliminaire », Zographe, 20, 1989, p. 12 (avec la bibliographie antérieure). 40 41

6. L’église d’Akılı vadisi, compartiment d’angle sud-ouest.

7. L’église d’Akılı vadisi, vue générale vers l’est.

8. La basilique protobyzantine, mur nord de la nef (détail).

9. Site de la nécropole chrétienne, avec la localisation des églises.

10. L’église au décor aniconique, paroi absidale (détail).

11. L’église au décor aniconique, paroi absidale (détail).

12. L’église au décor aniconique, paroi orientale de la nef, côté nord.

13. L’église au décor aniconique, paroi orientale de la nef, côté sud.

DÉCOUVERTES ARCHÉOLOGIQUES ET ÉPIGRAPHIE FUNÉRAIRE

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taillé était décoré de peintures. L’abside est séparée de la nef par un templon élevé, présentant une arcature centrale entre deux petites ouvertures cintrées; un siège à accoudoirs occupe l’angle sud-ouest. Les trois chapelles suivantes sont de même type: nef unique à plafond plat (sur encorbellement), avec une abside en demi-cercle outrepassé à l’est. L’église n° 5 est assez bien conservée. Dans le narthex sont visibles deux tombes, tandis que la nef 45 en abrite six, cinq creusées dans le sol et la sixième sous arcosolium. L’arc absidal, en plein cintre, est souligné par une moulure — bande plate — qui se poursuit horizontalement jusqu’aux extrémités de la paroi orientale. L’abside, très surélevée (0,80 m environ), est accessible par quatre marches 46; elle contient trois niches et un autel, au centre. Au nordest de la chapelle, un arcosolium avec deux tombes. Les deux dernières églises (n° 6 et église de la Vision d’Eustathe) conservent une partie de leurs peintures, que nous avons décrites ailleurs. Celles de l’église n° 647 ne sont bien conservées48 que dans l’abside et, aniconiques, ne comportent que des croix et des ornements. Exaltant la croix triomphale, signe du salut, elles composent un programme bien adapté à la fonction funéraire de la chapelle. Une grande croix latine aux extrémités évasées ornées de perles, entourée d’un rinceau de feuilles de lierre 49, surmonte des croix alternant avec des arbres de vie (équivalents symboliques de la croix), les croix étant caractérisées par la présence de perles ovoïdes aux extrémités élargies des bras, d’une base à degrés et de pendeloques suspendues à la traverse (Fig. 10). Elles sont aussi « à pied feuillu », deux demi-palmettes partant de leur base: ornementation courante (surtout populaire à partir du VIIe-VIIIes.) qui les désigne comme arbre de vie, symbole de salut et d’éternité paradisiaque; une arcade les surmonte qui renforce leur caractère triomphal50. Les arbres (Fig. 11) sont soumis à une forte stylisation ornementale et caractérisés par l’association d’éléments

3,10 x 3,20 m. Elle décrit en plan un demi-cercle outrepassé; prof. 2,50 m; 1. 2,40m. 47 L’église mesure 5,25 m sur 3,50 m. 48 Cf. Jolivet-Lévy, op. et art. cit. note 1. 49 À rapprocher du décor de stèles funéraires des VIe-VIIe s. (Thierry, art. cit., note 21, p. 114–117) ou des plats en argent du VIIe siècle. 50 Comme souvent dans l’art funéraire: stèles proto-byzantines sculptées ou gravées des musées d’Aksaray et d’Ereğli, sarcophages sculptés, plaques tombales méso-byzantines: T. Pazaras, Ἀνάγλυφες σαρκοφάγοι καὶ ἐπιτάφιες πλάκες τῆς ὕστερης βυζαντινῆς περιόδου στὴν Ἑλλάδα, Athènes, 1988. 45 46

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hétérogènes (forme de cyprès, aiguilles, remplissage d’écailles imbriquées rappelant la pomme de pin, etc.); des rinceaux partent de la base du feuillage et se déploient latéralement, l’ensemble évoquant le motif de l’« arbrepalmette » couronné par une pomme de pin et encadré de rinceaux, fréquent dans l’art des époques omeyyade et abasside. Signalons enfin le goût du peintre pour les frises de cœurs, motif fréquent surtout dans l’art sassanide, puis omeyyade, qui apparaît dans le répertoire byzantin dès le V e siècle, mais qui y reste d’un emploi assez limité. À la paroi orientale de la nef (Fig. 12 et 13), deux grandes croix latines, également à pied feuillu, ornées de gemmes et de pendeloques, encadraient l’entrée de l’abside, accompagnées chacune de la formule Phôs / Zôè, soulignant la valeur sotériologique du symbole de la croix 51. Un rinceau de feuilles et de fleurs était peint sous le plafond de la nef, à gauche et à droite de l’arc absidal, un autre limitait le décor au bas de la paroi. Au-dessus de la croix nord, une frise de gros cœurs emboîtés Toute cette paroi orientale est couverte d’inscriptions funéraires, de différentes mains52. 1. Côté nord, sommet de la paroi, à droite. Graffite de trois lignes. La chute de l’enduit a fait disparaître une grande partie du texte. Ἐγ[ώ. . . . δού]λι τ[οῦ Θεοῦ? ] . . PIE ἐκ το[ῦ ? ] β[ίου ?] Ρ µινὶ τὸ Α . . .

« Moi, . . . servante de Dieu . . . (ai quitté) la vie, . . . au mois . . ». La 1.1 est très mal conservée et le peu qui reste dés deux suivantes est obscur: _ _ _ Ρ ΜΙΝΙ ΤΟ _ _ _. La restitution du nom du mois (ex.gr. [Δεκεµ]βρίῳ — avant µινὶ, suivi d’une date (τὸ α’), paraît ici peu probable. 2. Côté nord, sous le n°1. Graffite de trois lignes. Conservation médiocre. Ἐγὸ Κοµίτισ[α] µετέστι ἐκ το[ῦ βίου µηνί _ _ _] ἐνδεκτι[ῶνος . . . ]

« Moi, Komètissa ai quitté (la vie au mois . . . ), indiction . . ».

51 52

Voir infra. Sauf indication contraire, nous rétablissons entre crochets l’orthographe correcte.

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Le nom propre Κοµήτισσα, qui apparaît également au n° 4, est formé à partir du latin comes 53. La graphie ἐνδεκτιῶν (voir aussi n° 3) à la 1. 3 est plus rare qu’ ἐνδικτιῶν; on la retrouve dans une inscription des environs d’Anazarbe datée de 59654 et dans une inscription de Nicée 55. 3. Côté nord, sous le n° 2 (près de l’arc absidal). Graffite de huit lignes. Conservation médiocre (Fig. 14). Ἐγὸ Σισίνι[ος δοῦ-] λος τοῦ Θ(εο)ῦ ἐµετέστι 4 ἐκ τοῦ βίου µινὶ Ὀκτοβρήου η’ ἐνδεκτ8 [ι]õνος ιγ’

« Moi, Sisinnios, serviteur de Dieu, ai quitté la vie le 8 octobre, treizième indiction ». Le nom de Σισίννιος est bien attesté en Cappadoce, où un saint homonyme est vénéré 56. Un Sisinnios nous est connu par une dédicace de l’église de la Vierge d’Hacı İsmail dere, au sud d’Ürgüp 57. À la 1. 3, le double augment dans ἐµετέστι s’explique difficilement, bien que le phénomène soit connu de bonne heure 58. À la 1.7, pour ἐνδεκτ[ι]õνος, voir n° 2. 4. Côté nord, à gauche des 1. 4–8 du n° 3. Graffite de 6 lignes. Bonne conservation (Fig. 14). 53 Il est connu dès le Bas-Empire: Inscriptions grecques et latines de la Syrie XXI, 97; N. Duval et F. Prévôt, Recherches archéologiques à Haïdra, 1, Les inscriptions chrétiennes, Paris, 1975, n° 200 Β pour un homme. Pour les noms féminins dérivés d’un titre: D. Feissel, « Inscriptions byzantines de Ténos » BCH 104, 1980, p. 484, n°3. Sur la formation des féminins en -issa: C. Brixhe, Essai sur le grec anatolien au début de notre ère, Nancy, 1984, p. 106. 54 G. Dagron et D. Feissel, Inscriptions de Cilicie, Paris, 1987, n° 118. 55 S. Şahin, Katalog der antiken Inschriften des Museums von Iznik, I, Bonn, 1979, n° 575, cité par G. Dagron-D. Feissel. 56 Jolivet-Lévy, op. cit. (note 1), p. 70, 126, 142, 202. 57 G. de Jerphanion, Une nouvelle province de l’art byzantin. Les églises rupestres de Cappadoce, Paris, 1925–1942, II, p. 116; Jolivet-Lévy, op. cit., note 1, p. 193, note 90. 58 Cf. F.-Th. Gignac, A Grammar of the Greek Papyri of the Roman and Byzantine Periods, II, Milan 1981, p. 253, qui signale des exemples analogues dès le IIIe siècle dans les papyri romains, puis byzantins; voir aussi K. Dieterich, Untersuchungen zur Geschichte des griechischen Sprache, von der hellenistischen Zeit bis zum 10 Jahr. n. Chr., Leipzig, 1898, p. 213.

134 Ἐγὸ Πέτρος ἀνεπαψάµην ἅµα κὲ ἱ σύν4 ζυγος µου Κοµίτησα (καὶ) γονῆς τούτο[ν] πάντον

« Moi, Pierre, suis décédé ainsi que mon épouse Komètissa et tous leurs parents (sic) ». Petite croix au début. Une autre croix est visible au début de la 1.5. L.1: ΓΟ au-dessus du Ε dans ἐγό; et S en haut et à droite de Πέτρος. Le verbe ἀναπαύοµαι, largement répandu — ainsi que la formule ὑπέρ ἀναπαύσεως — dans les inscriptions funéraires paléochrétiennes, ne se rencontre que deux fois dans nos graffites. L’aoriste ἀνεπαυσάµην apparaît ici sous la forme ἀνεπαψάµην 59, graphie qui s’explique par la prononciation locale60. Aux 1. 2–3, nous lisons σύνζυγος (pour σύζυγος), mot connu dès l’Antiquité pour désigner une femme unie à un homme par les liens du mariage 61. Relativement peu utilisé par rapport aux synonymes σύµβιος, γυναίκα, ἐλευθέρα ou σύντροφος, il est attesté dans quelques inscriptions de l’époque impériale 62. Pour le nom propre Komètissa, voir n° 2. 5. Côté nord, sous le n° 4. Graffite de sept lignes. Mauvaise conservation (Fig. 14). Ἐγὸ Μη _ _ _ ἡ δούλη τοῦ [Θ(εο)ῦ] [µε]τέστη ἐκ [τοῦ] 4 [βίο]υ µ[η]νὴ Γεν[ουα]ρίου.. [ἐν]δηκτ[ιῶνος] ϊ’

Dans le graffite n°3, nous avons ἀνεπάψατο et l’on trouve ailleurs κατάπαψης pour κατάπαυσις: Thierry, op.cit., note 39, p. 123. 60 La transformation des diphtongues αυ et ευ en αβ et εβ est presque systématique en Cappadoce, cf. par ex. ibid., p. 169 et plus particulièrement p. 148, Πάβλος, et p. 160, σταβρὸς; Jolivet-Lévy, op. cit., note 1, p. 145, ἡ Ἁγία Παρασκευή. F.-Th. Gignac, 59

A Grammar of the Greek Papyri of the Roman and Byzantine Periods, I, Milan, 1976, p. 226, signale que le phénomène est plutôt rare dans les papyri; en dernier lieu, Brixhe, op. cit. (note 53), p. 56–57. Dans notre cas, la prononciation αβ + σ aboutit à la formation -αψ que nous trouvons dans ἀνεπαψάµην. 61 G.W.H. Lampe, A Patristic Greek Lexicon, Oxford, 1961–1968, s.v. σύζυγος 2 b. 62 MAMA, VI (op. cit. note 18), 234: σύνζυγος; VII, 366: σύζυγος.

14. L’église au décor aniconique, paroi orientale de la nef, côté nord: inscr. no 3–6. 15. L’église au décor aniconique, paroi orientale de la nef, côté nord: inscr. no 8–9.

16. L’église au décor aniconique, paroi orientale de la nef, côté nord: inscr. no 10. 17. L’église au décor aniconique, paroi orientale de la nef, côté sud: inscr. no 11.

18. L’église au décor aniconique, paroi orientale de la nef, côté sud: inscr. no 12. 19. L’église au décor aniconique, paroi orientale de la nef, côté sud: inscr. no 14.

20. L’église au décor aniconique, paroi orientale de la nef, côté sud: inscr. no 15. 21. L’église au décor aniconique, paroi orientale de la nef, côté sud: inscr. no 16–19.

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« Moi, Mè . . . , la servante de Dieu, ai quitté la vie le . . janvier, dixième indiction ». Croix grecque au début. Du nom de la défunte ne subsistent après MH que les traces de deux lettres: .A. À titre d’hypothèse, on peut proposer: Μή[ν]α.

6. Côté nord, à gauche du n° 4. Graffite de trois lignes. Conservation médiocre (Fig. 14). Ἐγὸ Ἀ.θης [δ]οῦλος τοῦ Θ(εο)ῦ µετέστη ἐκ τοῦ βήου µηνὴ Σετενβρήου ..ἐνδηκτηõ[ν]ος ϊε’

« Moi, A.thès, serviteur de Dieu, ai quitté la vie le . . . septembre, quinzième indiction ». On est tenté de lire à la 1.1 Ἄ[φ]θης (de Ἀφθόνιος — Ἀφθόνις), mais cette lecture reste douteuse; il n’y a place en tout cas que pour une seule lettre entre le A et le Θ . Pour la graphie Σετένβρηος, voir infra. 7. Côté nord, sous le n° 6, à gauche de la grande croix latine peinte sur la paroi. Graffite de quatre lignes. Conservation médiocre. Ἐγὸ Ὑπ[άτιο]ς µετέστ[η ἐκ τ]οῦ βήου µη[νὶ Δ]εκενβρήου 4 κ’ ἐνδικ[τ]ηõνος ϊε’

« Moi, Hypatios, ai quitté la vie le 20 décembre, quinzième indiction ». Présence d’une croix grecque au début de la 1. 2: le Σ de µετέστη est écrit au-dessus du E. Les traces de lettres conservées rendent la restitution du nom propre Ὑπάτιος très probable; saint Hypatios est fréquemment représenté dans les églises de Cappadoce63. 8. Côté nord, sous le n°7. Graffite de 7 lignes. Bonne conservation (Fig.15). Ἐγὸ Βασήλης µετέστη ἐκ τοῦ 4 βίου µηνὴ Αὐγούστου α’ ἐνδηκτηõνο[ς] η’ 63

Jolivet-Lévy, op. cit., note 1, p. 17, 26, 39, 78, etc.

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« Moi, Basilis, ai quitté la vie le 1er août, huitième indiction ». Le nom propre Βασίλης pour Βασίλειος n’a rien de surprenant: la longue évolution qui conduit à la chute du Ο dans les masculins en -ιος est connue dès l’époque impériale 64. La même forme du nom Basile se retrouve dans les inscriptions byzantines du Kara Dağ 65 et en Cappadoce même66. 9. Côté nord, sous le n° 8. Graffite de cinq lignes. Les deux premières lignes sont très abîmées (Fig. 15). Ἐγὸ [Γρ]ηγορᾶ[ς µε]τέστη ἐκ τοῦ 4 βήου µηνὶ Φεβραρίου ε’ ἐν[δι]κτιõν[ος ..]

« Moi, Grègoras, ai quitté la vie le 5 février, indiction . . . ». Forme particulière du Φ à la 1. 4. À la même ligne, la dernière syllabe de µηνὶ est écrite en petits caractères superposés. Le mot indiction est inscrit à droite des 1. 4–5. Le nom propre Grègoras semble combler la lacune de façon satisfaisante. Pour Φεβράριος, voir infra. 10. Côté nord, sous l’extrémité gauche de la traverse de la croix. Graffite de dix lignes. Conservation médiocre (Fig. 16). Κ(ύρι)ε βοήθη τόν [δοῦ]λον σου Κ[ονστα]ν4 τῆνο[ν ἁµ-] αρτο[λόν] κε ὁ [ἀνα-] γην[ώσ-] κον ἂς εὔχετε ὑπὲρ 8 ἐµοῦ

« Seigneur, viens en aide à ton serviteur Constantin, pécheur, et que celui qui lit prie pour moi ». Cf. D. Georgacas, Classical Philology 43,1943, p. 243–260; voir aussi L. Robert, Studii Clasice 9, 1967, p. 110–113. 65 W.M. Ramsay - G.L. Bell, The Thousand and One Churches, London, 1909, p. 541, n°35. 66 Jerphanion, op. cit., note 57, II, p. 155, n°157, et 243, n° 167. 64

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C’est dans notre église la seule invocation à l’aide divine. La construction du verbe βοήθει avec l’accusatif aux 1.1–2 est à signaler (voir infra). Le nom de l’auteur de cette prière paraît certain, mais la lacune de la 1. 3 semble ne pouvoir contenir les cinq lettres de Κ[ωνσταν]-. Nous restituons donc: Κ[οστα]ντῆνο[ν]. Cette forme apparaît en Cappadoce 67, ainsi que dans les graffites de Tènos 68. L’expression usuelle « ὁ ἀναγινώσκων ἂς εὔχεται ὑπὲρ ἐµοῦ » se retrouve — sous diverses variantes — dans plusieurs inscriptions cappadociennes 69. La même formule est attestée dans les inscriptions helladiques 70. 11. Côté sud de la paroi orientale, en haut à gauche, près de l’arc absidal. Graffite de huit lignes. Très bonne conservation (Fig. 17). Ἐγὸ Λέον µετέστην ἐκ τοῦ βή(ου) 4 τούτο(υ) µην[ὶ Σ]ετεβρήου κη’ ἐνδηκτη8 õνος θ’

« Moi, Léon, ai quitté cette vie le 28 septembre, neuvième indiction ». Petite croix grecque au début. Ni βή(ου) à la 1. 3, ni τούτο(υ) à la 1.4 ne portent de signe d’abréviation. Le nom propre Léon est fréquent en Cappadoce 71. Pour Σετέβρηος, voir infra. 12. Côté sud; début au niveau de la 1. 7 du n°11, à droite. Graffite de sept lignes. Bonne conservation (Fig. 18). Κὲ ἐγὸ [Ἀ]ρετὴ ἡ δούλη τοῦ Θεοῦ µετέστη 4 ἐκ τ[οῦ] βήου 67

Ibid., 109: Κονσταντῆνον πρεσβύτερον; Thierry, op. cit., note 39, p. 139: ἅγιος

Κοστα[ντῖνος].

Feissel, BCH 104 (art. cit. note 53), 495, n° 33: Κοσταντῆνον. Jerphanion, op. cit., note 57, II, p. 80 (n°133 b), 99 (n°138), 269 (n°172 et 174), 334 (n°186), 393. 70 A. Philippidis-Braat, « Inscriptions du Péloponnèse » Travaux et Mémoires, 9 (1985), p. 314 (n° 57). 71 Jolivet-Lévy, op. cit., note 1, p. 129, 172, 184. 68 69

142 µηνὴ Σετενβρήου ι’ ἐνδηκτηõνος ιε’

« Et moi, Arétè, la servante de Dieu, ai quitté la vie le 10 septembre, quinzième indiction ». Croix grecque au début. A la 1. 6, le quantième du mois n’est pas clair. À gauche des quatre dernières lignes, une croix latine. Le nom propre Ἀρετὴ à la 1. 1, est probable. 13. Côté sud, à droite de la branche supérieure de la grande croix latine. Graffite de quatre lignes. Conservation satisfaisante (Fig. 13). Ἀνεπάψατο ἡ µακαρήα Πορφ[υρία] µηνὴ Δεκενβρί[ου.. ] ἐνδηκτηõνος ια’

« La bienheureuse Porphyria est décédée le . . décembre, onzième indiction ». Traces d’une croix au début. Pour ἀνεπάψατο, voir n° 4. Le nom de la défunte est précédé de l’épithète caractéristique µακαρία; son emploi reste unique dans nos graffites. 14. Côté sud, à gauche de la traverse de la croix, près de l’arc absidal. Graffite de neuf lignes. Conservation médiocre (Fig. 19). Ἐγὸ Ἀγαπήα µετέστην 4 ἐκ τοῦ βή[ου το]ύτου µηνὶ Ἀπ(ρ)η8 λήου [ἰνδικτιῶνος ..]

« Moi, Agapia, ai quitté cette vie, le . . avril, indiction . . . ». Quatre petites croix sont peintes au-dessus de la 1.1. Écriture très soignée. La défunte porte le nom de saint Agapios, souvent rencontré dans les églises de la région 72.

72

Jolivet-Lévy, op. cit., note 1, p. 41, 114, 252, 308.

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15. Côté sud, à droite de la croix. Graffite de huit lignes. Conservation médiocre (Fig. 20). Ἐγὸ Θεοδ(?)ότι δούλη τοῦ Θ(εο)ῦ µετέσ[τη] 4 ἐκ τοῦ βή[ου] µηνὶ Γε[νουα-] ρίου κζ’ ἐνδικτηõ8 νος ϊγ’

« Moi, Théodotè, servante de Dieu, ai quitté la vie le 27 janvier, treizième indiction ». Croix grecque au début. La restitution du nom de la défunte aux 1.1–2 est probable 73. Pour Γενουάριος, voir infra. 16. Côté sud, à droite du bas de la haste verticale de la croix. Graffite de six lignes. Mauvaise conservation (Fig. 21). Κὲ ἐγὸ Ἐβδοκήα µετέσ[την] ἐκ 4 [τοῦ βί]ου [µηνὶ. . . . .] ΙΟ [ἰνδι]κτιῶνος..]

« Et moi, Eudocie, ai quitté la vie (au mois de . . . ), indiction.. ». Pour la graphie Ἐβδοκήα (pour Εὐδοκία), voir n° 4. La même graphie apparaît par exemple à Canavar kilise, dans la vallée de Soğanlı 74. 17. Côté sud, à droite du n°16. Graffite de cinq lignes. Mauvaise conservation (Fig. 21). Κὲ ἐγὸ Ε[ὐ-] [δ]οκί[α µε- ] τέστ[ην] ἐ[κ] [τοῦ] βήου µη[νὶ Ὀ-] κτουβ[ρίου . . . ]

« Et moi, Eudocie, ai quitté la vie au mois d’octobre . . . ». Le culte de sainte Théodotè est bien attesté en Cappadoce: Jerphanion, op. cit., note 57, II, p. 324; Jolivet-Lévy, op. cit., note 1, p. 340 (avec la graphie Θεοδότι). 74 Jerphanion, op. cit., note 57, II, p. 363 (n° 205). 73

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Pour le nom de la défunte, voir n°16. L. 5, [Ὀ]κτούβ[ριος]: la fermeture du son Ο s’observe dès l’époque impériale. 18. Côté sud, sous le n°17. Graffite de trois lignes. Très mauvaise conservation (Fig. 21). K[αὶ ἐ]γὸ Ἑλ[ένη ? µ]ετέσ-

τ[ην ἐ]κ τ[οῦ βίου µηνὶ] Γενουαρή[ου_ _ _ ] L.1: le nom Ἑλένη est proposé à titre d’hypothèse. Il est courant en Cappadoce, mais d’autres restitutions sont possibles (Ἐλπίς).

19. De part et d’autre de la haste verticale des deux grandes croix latines peintes au nord et au sud de l’arc absidal, sont inscrites les acclamations: Φῶ[ς Ζωὴ] [Φ]ῶς Ζωὴ

À gauche ne sont conservées que les lettres Φω, dans une belle ligature verticale (Fig. 16). Lettre remarquable: l’ω de Φῶς, à droite, avec ses deux boucles fermées (Fig. 21). C’est l’unique emploi de l’ω dans notre église et il s’explique par la nature de la formule utilisée. Très commune dans l’épigraphie paléochrétienne, cette acclamation pieuse est inspirée de deux passages de l’Évangile de Jean (1,4 et 8,12). Généralement associée — comme ici — à la représentation de la croix, elle symbolise la Vie et la Résurrection 75. 20. Une grande inscription, débutant au bas de la paroi, à l’extrémité nord du mur oriental, longeait l’arc absidal et s’achevait à l’extrémité sud de la paroi, en bas76. La chute de l’enduit en a fait disparaître la plus grande partie (Fig. 12, 13, 14, 17, 19). ΠPOC..ca8..YKOC_ _ _ V. _ _ _ (autour de l’arc) ΝΟΥΚΕΛΙ_ _ _OC _ _ _ ἀ]νάπαυσον τὸ[ν δ]οῦλον [σ]ου_ _ _(en bas à droite) POΠ.CO.TICE Belle écriture de grand format, à peu près contemporaine des autres graffites. Cette inscription funéraire était formulée pour le repos d’une personne dont ni le nom, ni la qualité ne se laissent deviner; la place qu’elle occupe dans notre monument indique seulement que le défunt était un personnage 75 76

DACL, XIV, 1, s.v. Phos-Zoè, col. 756–758; Lampe, op. cit., note 61, s.v. Φῶς, 7c. Jolivet-Lévy, op. cit., note 1, p. 172.

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important. Le peu qui subsiste ne permet aucune restitution certaine, mais on peut proposer, à titre d’hypothèse, la lecture suivante: Πρόσ[δεξαι Κ(ύρι)ε. . . . .ἀ]νάπαυσον τὸ[ν δ]οῦλον [σ]ου [καὶ κατάταξον αὐτὸν µετὰ πάντων τῶν ἁγίων ὡς ἀγαθὸς καὶ φιλάνθ]ροπ[ο]ς Θ[εὸς . . . ?] La présentation de ces inscriptions permet les conclusions générales suivantes. 1. Écriture Les graffites sont peints à l’ocre rouge sur un enduit blanchâtre. Malgré la diversité des mains, l’homogénéité de ces textes est évidente et invite à les placer à peu près à la même époque. La répartition des inscriptions ne semble obéir à aucun plan préalable: elles ont été peintes aux emplacements disponibles. L’écriture utilisée est l’onciale, à l’exclusion de toute forme cursive. a) Lettres Les formes les plus intéressantes sont celles des lettres suivantes: , présentant une panse inférieure nettement plus grande que celle du haut, ce qui le fait ressembler à un R latin, dont les extrémités inférieures seraient réunies par une barre horizontale remarquablement longue; cette forme est attestée dans les inscriptions du V e et surtout du VIe siècle, mais la longueur de la barre indique ici une période bien plus avancée. , avec une une barre horizontale particulièrement développée. , où la même caractéristique apparaît dans certains graffites pour la barre horizontale médiane. Dans quelques épitaphes, les lettres T et Γ sont pourvues d’apices, phénomène qui n’est cependant ni généralisé, ni très développé. On sait que ces traits verticaux suspendus aux barres horizontales de certaines lettres sont inconnus avant le VIIe siècle, sporadiques au VIIIe et, dans une certaines mesure au IXe siècle, alors qu’ils deviennent courants au Xe 77. Cf. Feissel, BCH 104, art. cit. note 53, p. 508–509; malgré certaines ressemblances, les inscriptions de Tènos, attribuées aux environs de l’an mille, sont paléographiquement plus évoluées; La comparaison de nos graffites avec les inscriptions de Saint-Jean de Güllü dere (913–920) est concluante: bien que le B soit identique, les lettres Γ, Δ, Ε, Θ, C et T, sont pour la plupart pourvues d’apices (Thierry, op. cit. note 39, p. 137–138, 156, fig. 55, pl. 86 a et c). 77

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Les autres lettres intéressantes, mais moins concluantes, sont le A, dont on trouve deux formes principales — à barre médiane brisée ( ) et à liaison angulaire ( ) — , les Ε et Σ , toujours de forme lunaire, le Y (V, Y, Y ), enfin le Φ, qui dans le graffite n°10 offre une forme insolite: . b) Ligatures Elles affectent essentiellement la diphtongue OY, ainsi qu’une fois les couples MH dans µηνὴ (n° 11) et BH dans βίου (n°15). c) Abréviations Le signe le plus courant est la barre horizontale surmontant le mot à abréger. Elle est employée uniquement pour les nomina sacra (ΘΥ, ΚΕ). Le S — en remplacement de la conjonction καὶ — n’est utilisé qu’une seule fois (n° 4). Dans le graffite n°14, le mot Ἀπρ(η)λή[ου] présente après le Π une barre oblique surmontée du H. Un petit nombre d’abréviations ne sont pas signalées. d) Croix La moitié environ de nos inscriptions sont accompagnées d’une simple croix grecque. On ne trouve qu’une seule croix latine (aux quatre bras terminés en Y), liée, semble-t-il, au graffite n°12. 2. La langue a) Vocalisme II se manifeste par le remplacement généralisé de l’Ω par le Ο (Ἐγό, ἐνδηκτηõν, τούτον, πάντον) 78. Le Ε remplace le I surtout dans le mot ἐνδικτηõν. Le iotacisme H pour Ι (βήου, Σετεβρήου, µηνὴ) tend à se généraliser, mais la situation inverse existe aussi (ἐµετέστι, µινὶ, ἱ, Κοµίτισα). Nous avons déjà signalé la transformation αυσ en αψ (ἀνεπαψάµην) et ευ en εβ (Ἐβδοκία). La monophtongaison apparaît dans quelques graffites (n°4, 12, 16, 17) et nous avons κὲ pour καὶ. b) Consonantisme Le phénomène le plus courant est le remplacement de la nasale (M), en position interne devant une spirante (B), par une autre nasale 78

Pour le maintien de 1’Ω dans Φῶς, voir n° 19.

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(Ν): Δεκένβρηος, Σετένβρηος, mais aussi la simple chute du (M) dans Σετέβρηος. On note la chute du (N) dans µετέστη — au lieu de µετέστην — peut-être par confusion avec la troisième personne du singulier, bien que le défunt soit censé parler (nos 2, 3, 5, 6, 8, 9, 13). c) Syntaxe de cas Alors que le verbe µεθίστηµι est toujours correctement construit avec le génitif, des confusions de cas s’observent dans la suite du formulaire. Ainsi après µηνὶ le nom de mois est au génitif 79. Autre confusion dans le graffite n°4, avec la construction: ἅµα καὶ ἡ σύνζυγος . . . Dans le graffite n°10, le verbe βοήθει est construit avec l’accusatif. La répétition de ces phénomènes indique qu’ils proviennent du parler local. La désuétude du datif, attestée sporadiquement depuis longtemps, s’affirme à partir du VIIeVIIIe s. et aboutit vers le Xe siècle au remplacement de ce cas par le génitif ou l’accusatif. Dans nos graffites, ce processus n’est peut-être pas encore achevé, mais les confusions datif-génitif sont l’indice d’une phase de transition. d) Graphie des mois Le mot Ἰανουάριος est écrit Γενουάριος. Cette transformation s’opère dès l’époque paléochrétienne sous l’influence du latin vulgaire (Jenuarius), où apparaissent les exemples les plus anciens et les plus nombreux80. De là dérive la forme Γενάρης dans le grec démotique. La graphie Φεβρουάριος suit une évolution analogue 81, mais dans nos inscriptions la transformation se limite à la chute de -ου dans la seconde syllabe: nous sommes donc ici aussi au premier stade de l’évolution qui conduit de Φεβρουάριος (en latin Februarius) à Φεβράριος et de là au grec moderne Φλεβάριος. Les mois Ἀπρήληος, Αὔγουστος, Ὀκτώβρηος (écrit une fois Ὀκτούβρηος) et Δεκένβρηος ne présentent pas de difficultés. Nous avons déjà signalé le remplacement de la nasale (M) en position interne devant une spirante (B) par (N). Le mois de Σεπτέµβριος (du latin September) est écrit Σετένβρηος ou Σετέβρηος. Entre la graphie littéraire et la variante cappadocienne se sont

Phénomène généralisé dès les Ve–VIe s., voir D. Feissel, Recueil des Inscriptions Chrétiennes de Macédoine du IIIe au VIe siècle, Paris, 1983, n°110. 80 D. Feissel, « Trois aspects de l’influence du latin sur le grec tardif. III Noms de mois: Janvier, Février », Travaux et Mémoires 8,1981, p. 145–150. 81 Ibid., p. 148–150. 79

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produits deux phénomènes: a) la chute de la labiale Ρ devant la dentale T, sous l’influence du latin du Bas-Empire (Setebres)82 et b) la chute de la nasale M (voir supra). Toutes ces mutations sont connues dans la langue de la période mésobyzantine et la plupart sont déjà amorcées à l’époque précédente. Les graphies hésitantes ou négligées de notre église reflètent un parler populaire qui, partant de la koinè, présente des éléments que l’on retrouvera plus tard dans la langue néo-hellénique. C’est là l’un des aspects les plus intéressants de l’épigraphie médiévale de Cappadoce. 3. Société Tous les défunts portent un nom unique: ni patronyme, ni nom de famille ne sont indiqués. Mises à part les lectures douteuses, nous avons huit noms différents, parfois répétés deux fois: Κοµίτησσα (n° 1 et 4), Εὐδοκία (n° 16 et 17). L’onomastique est banale. Nos graffites n’indiquent ni la profession, ni l’origine ethnique des défunts. Ceux-ci étaient apparemment de simples particuliers, laïcs sans titres, hommes et femmes, sans que l’on puisse préciser la nature des liens (familiaux ou autres) qui les unissaient. La formule la plus courante (dix-sept occurences) est: Ἐγώ (un tel) µετέστην ἐκ τοῦ βίου, alors que l’on ne trouve que trois épitaphes construites avec le verbe ἀναπαύοµαι, par ailleurs extrêmement courant dans l’épigraphie funéraire chrétienne. La rédaction à la première personne est une caractéristique bien connue des épitaphes païennes, dans lesquelles le défunt s’adresse directement au passant, mais elle est aussi attestée, quoique plus rarement, dans l’épigraphie chrétienne 83. L’introduction de la formule par le pronom personnel ἐγώ, caractéristique de nos graffites, constitue une particularité rare dans les inscriptions chrétiennes 84; quant au curieux καὶ ἐγώ qui introduit les n° 12, 16, 17, 18, il reste à notre connaissance sans parallèle. L’expression µετέστην ἐκ τοῦ βίου apparaît — sous différentes Duval, Haïdra (op. cit. note 53), n°75, Setebres; p. 136, Setenbres; p. 421, Setevres; N.A. Bees, Corpus der griechisch-christlichen Inschriften von Hellas, I, Peloponnese, Athènes, 1941, n° 30: variante Σετενβρ(ίων), V e-VIe s. 83 H. Grégoire, Recueil des Inscriptions grecques chrétiennes d’Asie Mineure, I, Paris 1922, n° 67 et 233; Feissel, RICM (cf. note 79), n° 12 et 124. 84 On la trouve en Cappadoce à Karabaş kilise: Jerphanion, op. cit. (note 57), II, 356, n° 200; voir aussi: Grégoire, op. cit. note 83, n° 76, à Smyrne (VIe ou VIIe s.); A. Bandy, The Greek Christian Inscriptions of Crete, Athènes, 1970, n°95. 82

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variantes — dans quelques épitaphes: aux V e–VIe siècles à Héraklée Lyncestes (µεταστὰς τὸν ἐντεῦθεν βίον) 85 et Nicomédie (µεθίσταται δὲ τοῦ βίου)86, en 612 à Sobrata de Palestine (καὶ εἰς τοὺς ἀνεφράστους βίου µετέστη . . . ) 87 et, plus proche encore de notre formulaire, dans une inscription du règne de Léon et Constantin Copronyme (721–736): ἔν τε πίστι κ(αὶ) τρόπῳ σεπτὸς µετέστη τοῦ βίου . . . 88. L’emploi de µεθίστηµι est en outre attesté dans les textes scripturaires 89 et dans l’Office des morts attribué à Jean Damascène (650–750ca.) 90, source possible du formulaire adopté dans nos graffites91. Il n’est d’ailleurs pas indifférent de remarquer qu’au cours de l’office funèbre le défunt est censé prendre la parole, à la première personne: après s’être lamenté sur son sort, il implore ses proches de prier le Seigneur en sa faveur 92. 4. Datation Bien que les indications — mois et indiction — fournies par nos graffites soient insuffisantes pour en préciser la datation, certaines particularités (écriture, phonétique, grammaire) permettent de les situer dans un cadre chronologique large: au VIIIe ou IXe siècle. Il est manifeste, en effet, que ces textes n’appartiennent plus à l’époque paléochrétienne, même s’ils perpétuent des traits attestés entre le IV e et le VIIe s. D’autre part, la rareté des apices et le maintien relatif du datif orientent, quelle que soit la fragilité de ces indices, vers une datation nettement antérieure au Xe siècle. Enfin, l’étude de la langue, qui témoigne d’une phase précoce dans le processus de transformation qui conduira au parler néo-hellénique, plaide en faveur du VIIIe siècle — plutôt que du IXe — pour l’ensemble de nos inscriptions. Feissel, RICM (cf. note 79), n°268. Tituli Asiae Minoris, Vienne 1901, IV, 1, p. 358 (cité par Feissel, RICM, 224). 87 A. Negev, The Greek Inscriptions from the Negev, Jerusalem, 1981, n° 57. 88 Corpus Inscriptionum Graecarum III, Berlin, 1845–1853, p. 9543. En Cappadoce même, nous reconnaissons la même formule dans une inscription d’Eğri taş kilisesi: N. et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres de Cappadoce. Région du Hasan Dağı, Paris, 1963, p. 68, inscr. B, 1. 4. 89 Cf. III Macc., 2, 28; 3,1; 6,12. 90 Εὐχολόγιον το Μέγα, éd. N.P. Papadopoulos, Athènes, 1927, 293–362. 91 D’autres formules attestées dans les épitaphes paraissent inspirées par les prières de l’Office des morts: cf. l’inscription crétoise citée supra (note 84) et une épitaphe de Lesbos (Grégoire, op. cit. note 83, n°162). 92 Εὐχολόγιον, 313. 85 86

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L’épigraphie conforte ainsi la datation qui se dégage de l’étude des peintures. L’absence de représentation figurée, le rôle joué par l’image de la croix et l’importance accordée aux motifs ornementaux s’inscrivent parfaitement dans le contexte de l’époque iconoclaste, mais ils peuvent aussi être interprétés comme la permanence d’une tradition décorative non figurative, attestée depuis l’époque paléochrétienne, en particulier dans l’art funéraire. La découverte, à proximité, d’une église 93 conservant un décor figuré à peu près contemporain (VIIIe s.), accompagné d’une inscription funéraire comparable aux précédentes, suggère pour le moins la coexistence de traditions décoratives diverses et une attitude tolérante à l’égard des images. Sur le mur est de la nef, à l’entrée de l’abside, se trouve à gauche une représentation de la vision d’Eustathe94; une frise de motifs lancéolés disposés en zigzag est peinte au sommet de l’arc et un saint prélat en buste dans un médaillon, à droite95. L’inscription, tracée à l’extrémité nord de la paroi, confirme la valeur d’ex-voto de la scène de la vision d’Eustathe, imageréférence du salut, bien attestée dans l’iconographie funéraire 96: Ἐγὸ Θ[ε-] όδο[τος] µετέστη ἐκ τοῦ β[ί]ου µι[ν]ὴ Φε[βρουαρίου . . . ]

« Moi, Théodotos, ai quitté la vie le .. février . . . ». La fin n’est plus lisible. Pour le nom du défunt, voir n° 15. 93 En juillet 1990, nous n’avons pu retrouver cette église, probablement enfouie dans le sol, à la suite de phénomènes de ravinement. 94 Nous l’avons publiée dans C. Jolivet-Lévy, « Trois nouvelles représentations de la Vision d’Eustathe en Cappadoce », Monuments Piot, 72, 1991, p. 101–103. 95 Basile de Césarée ou Blaise de Sébaste. À droite apparaît encore un grand motif circulaire, en partie ensablé. 96 Cf. N. Thierry, « Vision d’Eustache, Vision de Procope. Nouvelles données sur l’iconographie funéraire byzantine », Ἁρµός. Τιµητικὸς τόµος στὸν καθηγητὴ Ν. Κ. Μουτσόπουλο, Thessalonique, 1991, p. 1845–1860. Notre peinture serait, avec celle de l’église n°3 de Mavrucan (Güzelöz), l’un des plus anciens témoins de l’utilisation de la scène dans un contexte funéraire, usage attesté aussi en Cappadoce à Saint-Jean de Güllü dere (913–920), dans un tombeau de Göreme (début du Xe siècle), dans l’église du prêtre Jean de Peristrema (début du Xe siècle); voir le répertoire publié par N. Thierry, « Le culte du cerf en Anatolie et la vision de saint Eustathe », Monuments Piot, 72, 1991, p. 40–56; ibid., pl. II, reproduction en couleurs de la scène de notre église.

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Le type iconographique du cavalier97 et sa présentation entre deux arbres stylisés distinguent nettement cette image des représentations des IXe-Xe s. Résumons, pour conclure, l’apport du matériel archéologique, en grande partie inédit, de la vallée de Karacaören. La Cappadoce n’est pas seulement la réserve de monuments médiévaux que l’on connaît: les établissements antiques, comme la nécropole romaine de Kurt dere, et les églises protobyzantines, comme la basilique au plafond sculpté, ne sont pas rares. Dans cette vallée, comme dans bien d’autres, l’habitat médiéval a fait suite au peuplement antique, même s’il ne s’est pas développé ici au voisinage immédiat de la nécropole romaine. D’autres découvertes récentes — en particulier dans un village voisin, Akköy, mais aussi à proximité d’Avcılar (anc. Matiane) et sur d’autres sites — devraient inciter à reprendre l’étude de l’architecture rupestre protobyzantine, dont l’existence même dans la région est parfois encore mise en doute. Aux extrémités opposées de la vallée, les deux nécropoles — païenne et chrétienne — sont les témoins de deux cultures, qui diffèrent dans le mode d’appropriation symbolique de l’espace des morts, dans les rites funéraires, dans le décor des tombes et dans la façon dont est assurée la pérennité des défunts. Les deux décors peints de la nécropole chrétienne illustrent deux types de programme funéraire: exaltation de la croix-arbre de vie, comme symbole de salut, au sein d’un décor non figuratif, ou scène de la vision d’Eustathe, comme théophanie et image du salut dû à l’intervention divine. L’image de la vision d’Eustathe, l’une des plus anciennes conservées à ce jour, confirme l’appartenance du thème au tréfonds hagiographique local. Si la chronologie proposée — VIIIe s. — s’avère acceptable, elle invite en outre à nuancer l’idée jusqu’ici admise d’un « silence monumental » relatif à une époque qui est à la fois celle de l’iconoclasme et des raids arabes. Enfin, les inscriptions nous ont révélé une langue grecque dans une phase de transition et un formulaire funéraire original.

97

Visage (fine moustache, barbe en collier, cheveux tombant sur les épaules) et costume.

V

Une nouvelle chapelle byzantine près d’Avcılar (Cappadoce). Sa décoration absidale

C

’EST dans une région déjà riche en établissements rupestres d’époque byzantine, près du village d’Avcılar, que nous avons visité en été 1982 une petite chapelle inédite, qui présente l’intérêt de conserver son décor absidal. Situé à 8 km au sud d’Avanos, l’antique Vénasa1, et à 7 km à l’ouest-nord-ouest d’Ürgüp (Hagios Prokopios2), Avcılar, établi au bord d’une rivière3, entouré de petits bassins cultivés, est l’exemple type du « village à cônes »4. Précédemment appelé Maçan, c’est l’ancienne Matianè (ou Matiana) des sources byzantines5. Le toponyme apparaît dans la Passion de saint Hiéron comme le lieu de naissance du saint, vigneron cappadocien enrôlé dans l’armée de Dioclétien et martyrisé à Mélitène avec

Cf. F. Hild et M. Restle, Kappadokien (Kappadokia, Charsianon, Sebasteia und Lykandos), Vienne, 1981, p. 302 (s.v. Venasa); N. Thierry, « Avanos-Vénasa, Cappadoce », Géographica byzantina, Paris, 1981 (Byzantina Sorbonensia, 3), p. 119–129. 2 F. Hild et M. Restle, op. cit., p. 263 (s.v. H. Prokopios). 3 Le Kodarak, affluent du Kızıl Irmak (Halys). 4 Voir la typologie des villages rupestres de L. Giovannini dans Arts de Cappadoce, Genève 1971, p. 75–76, et P. Cuneo, « Urbanistica e ambiente architettonico della Cappadocia », Le Aree omogenee della civiltà rupestre nell’ambito dell’Impero Bizantino: la Cappadocia, Galatina, 1981, p. 202. 5 Sur le village et ses monuments: Ch. Texier, Description de l’Asie Mineure faite par ordre du gouvernement français de 1832 à 1834, Paris, 1839–1849, t. II, p. 78, 83–85 et pl. 91–93; id., Asie Mineure, Paris, 1862, p. 551–552, 556–558; G. de Jerphanion, Les églises rupestres de Cappadoce. Une nouvelle province de l’art byzantin, Paris, 1925–1942, t. I, p. 21–22, 498–510. Le nom d’Avcılar a été depuis peu abandonné pour celui de Göreme, toponyme qui s’applique en réalité à un centre distinct, établi à 2 km environ, l’ancienne Korama (F. Hild et M. Restle, op. cit., p. 209 sq.). 1

NOUVELLE CHAPELLE BYZANTINE PRÈS D’AVCILAR

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ses compagnons6. Dans la première moitié du XIe siècle, Matianè est élevée au rang de siège épiscopal, suffragant de la métropole de Mokissos7. De nombreux vestiges, antiques et chrétiens, sont conservés dans le village et ses environs immédiats8. Une dizaine de tombeaux, la plupart à colonnade et d’époque hellénistique, y a été répertoriée9. Les établissements religieux, publiés ou mentionnés jusqu’ici, sont tous, sauf un, situés dans les environs d’Avcılar10; d’autres existent probablement encore à l’intérieur même du bourg, réutilisés comme pièces d’habitation, granges ou écuries11. L’église la plus ancienne (VIe–VIIe siècle), Durmuş kilisesi, est une basilique à trois nefs qui conserve son aménagement liturgique (ambon, solea, templon, trône), mais est dépourvue de peintures12. Des décorations fragmentaires, attribuées par N. Thierry à la fin du VIIe siècle, sont en revanche conservées à Karşıbecak13 et dans une église récemment découverte au pied de deux tombeaux antiques, à l’ouest du village (Mezar altı kilise14). Aucun monument ne peut être rattaché à la série dite « archaïque »15 et il faut attendre la seconde moitié du Xe siècle et surtout le ΧIe siècle pour que Cf. Acta Sanctorum, Nov., III, 1910, p. 329–338. J. Darrouzès, Notitiae episcopatuum ecclesiae Constantinopolitanae, Paris, 1981, p. 109, 147, 324 (notice 10, 465), 367 (notice 13, 467). Sur l’identification de Mokissos aux ruines byzantines de Viranşehir, près de Helvadere: F. Hild, Das byzantinische Strassensystem in Kappadokien, Vienne, 1977, p. 50–51. 8 N. Thierry, Matiane antique et chrétienne (à paraître). 9 Ν. Thierry, « Monuments de Cappadoce de l’Antiquité romaine au Moyen Age byzantin », Le Aree omogenee, op. cit. note 4, p. 42; ead., « Avanos-Vénasa », op. cit., note 1, p. 125–127; ead., «Les tombeaux rupestres», Histoire et archéologie, Les dossiers, 63, 1982, p. 22–23. 10 L. Giovannini, Arts de Cappadoce, Genève, 1971, p. 202 (plan 4). 11 G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 498. 12 N. Thierry, Monuments inédits ou peu connus de Göreme et Mavrucan. Notions de centres ruraux et monastiques en Cappadoce rupestre, Paris, 1968 (thèse de IIIe cycle dactylographiée), p. 13–33; ead., « Quelques monuments inédits ou mal connus de Cappadoce. Centres de Maçan, Çavuşin et Mavrucan », L’Information d’histoire de l’art, 1969, p. 10–11. 13 G. de Jerphanion, « Inscriptions byzantines de la région d’Ürgüp en Cappadoce », Mélanges de l’Université Saint-Joseph, 6, 1913, p. 342–348; id.. Les églises rupestres, op. cit., I, p. 504–510; N. Thierry, « Le culte de la croix dans l’empire byzantin du VIIe siècle au Xe dans ses rapports avec la guerre contre l’infidèle. Nouveaux témoignages archéologiques », Rivista di Studi Bizantini e Slavi, 1, 1981, p. 217; ead., Travaux et Mémoires (sous presse). 14 N. Thierry, publication à paraître. 15 Sur celle-ci: G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 67–94, R. Cormack, « Byzantine Cappadocia. The Archaic Group of Wall-Paintings », Journal of the British Archaeological Association, 30, 1967, p. 19–36. 6 7

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se manifeste un renouveau que l’on peut peut-être mettre en relation avec l’élévation de Matianè comme siège épiscopal. Cette seconde série monumentale comprend Orta mahalle kilise, église en croix libre située dans le village même et dont le décor est attribué à la seconde moitié du Xe siècle16, Karabulut kilisesi, petite chapelle funéraire peinte probablement dans le premier quart du XIe siècle17, le complexe monastique de Bezirhanı18 et Yusuf Koç kilisesi, dont la datation est controversée19. C’est à cette seconde série que se rattache la chapelle que nous avons découverte. Située au nord-ouest d’Avcılar, elle est creusée dans un cône, à gauche du chemin menant vers Karşıbecak et en bordure du vaste parking aménagé à gauche de la route qui se dirige vers Uçhisar. Bien que son entrée s’ouvre à 2m 50 environ au-dessus du sol actuel, elle est aisément accessible. Utilisée comme pièce d’habitation, elle était probablement fermée par un volet de bois et ceci explique qu’elle ait échappé jusqu’ici à l’attention des visiteurs. Conformément à un type architectural fréquent dans la région pour les chapelles de petites dimensions, il s’agit d’une église à nef unique, peu allongée (3m 90 x 3m 30), couverte d’une voûte en berceau dont la naissance est marquée, en haut des parois par un bandeau en relief. Un profond arcosolium (1m 85 de large, 1m 38 de profondeur), creusé de deux tombes, est aménagé dans le mur nord, à l’ouest. Une banquette, qui s’interrompt dans la partie occidentale de la nef, longe le bas des parois. L’abside, unique, s’ouvre au centre du mur est par un arc en fer-à-cheval; elle est surélevée de 0m 32 par rapport au sol de la nef et accessible par deux marches. Comme très souvent en Cappadoce, elle décrit en plan un demi-cercle outrepassé. Sa largeur est de 1m 40 à l’entrée, sa profondeur de 1m 23 et sa hauteur de 2m 40. Des chancels bas encadraient l’entrée; celui du nord est détruit. À l’intérieur est conservé l’autel, solidaire de la paroi, au centre, tandis qu’un siège, surmonté d’une niche à fond plat, est réservé à droite de l’entrée, du côté sud. Selon un dispositif courant en Cappadoce, on trouve au nord de 16 N. Thierry, Monuments inédits, op. cit., note 12, p. 34–41; ead., «Quelques monuments inédits», op. cit., note 12, p. 11. 17 N. Thierry, Monuments inédits, op. cit., p. 42–55; ead., «Quelques monuments inédits», op. cit., p. 11–12. 18 G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 498–503. 19 N. Thierry, « Yusuf Koç kilisesi, église rupestre de Cappadoce », Mélanges Mansel, Ankara, 1974, p. 193–206: milieu XIe s.; M. Restle, « Kappadokien », Reallexikon zur byzantinischen Kunst, 3, 1978, col. 1032, 1101–1104 et F. Hild et M. Restle, op. cit., p. 231: fin XIIe ou début XIIIe s.

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l’abside, dans le mur est de la nef, une petite niche cintrée destinée à faire office de prothèse. Le décor figuré de cette modeste chapelle était limité à l’abside et les dimensions réduites de celle-ci n’ont permis d’y placer qu’une seule composition, qui se déploie au-dessus du niveau de l’autel (Fig. 1). La place centrale, seule bien visible de la nef, est occupée par la Théotokos trônant avec l’Enfant. Deux figures de saints, debout de face, l’encadrent: un évêque, Jean Chrysostome, à droite (côté sud) et un martyr à gauche (Fig. 3 et 4). L’ensemble de la composition, réalisée dans une gamme de couleurs restreinte, dans laquelle prédominent le pourpre, le rouge, l’ocre et le brun, se détache sur un fond à deux zones, aujourd’hui verdâtre en bas et gris-clair dans la partie supérieure. La Vierge (Fig. 2), désignée par le sigle habituel, Μή(τη)ρ Θ(εο)ῦ, est vêtue d’une tunique claire et d’un maphorion pourpre. Un large contour sombre cerne sa silhouette. Le visage de Marie a été, comme tous ceux de cette abside, intentionnellement détruit. Le nimbe est ocre, bordé d’un rang de perles blanches. Elle siège sur un trône qui se rattache, compte tenu de la forme incurvée des montants latéraux du dossier, au groupe, aussi nombreux que diversifié, des trônes dits à dossier en lyre20. Les boiseries du siège sont ocre jaune et rehaussées de gemmes et de perles (en partie effacées), un ornement circulaire cerné d’un rang de perles marquant l’intersection des montants latéraux du dossier et de sa traverse supérieure21; les extrémités de ces éléments sont évasées et également bordées de perles. Le dossier du trône est tendu d’un tissu rouge au décor quadrillé relevé de perles, tandis qu’un coussin de même couleur, et lui aussi orné de perles, garnit le siège. La Vierge, dont les pieds reposent sur un marchepied, tient le Christ enfant devant elle, dans l’axe de son corps, d’un geste asymétrique traditionnel: la main droite sur son épaule, la gauche abaissée sur la jambe. Assis de face, l’Enfant bénissait de la dextre ramenée devant le buste, la main gauche tenant probablement le rouleau. Son vêtement antique est de couleur ocre, tout comme son nimbe crucifère que borde un rang de perles. À droite, sur le côté sud de l’abside, un évêque est représenté frontalement au-dessus de la niche creusée dans la paroi (Fig. 3). La main droite ramenée Sur ce type de trône, voir en dernier lieu: A. Cutler, Transfigurations. Studies in the Dynamics of Byzantine Iconography, Pennsylvania State University, 1975, p. 5–52 et J. D. Breckenridge, « Christ on the lyre-backed throne », Dumbarton Oaks Papers, 34–35, 1980–1981, p. 247–260. 20

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devant la poitrine bénissait, la gauche, masquée sous la chasuble, soutient un livre ocre, au décor de perles. Le prélat porte un sticharion ocre et un phélonion pourpre, sur lequel se détache la large étole blanche de l’omophorion; celui-ci, à pan médian, dessine sur la poitrine un V, qu’ornent deux simples croix latines noires. Une étroite bande blanche, de part et d’autre du cou, signale la présence d’un épitrachèlion qui n’apparaît pas dans le bas, la figure étant coupée par la niche. La silhouette est détachée du fond par un épais contour noir. Un nimbe perlé, semblable à celui de la Vierge, entoure le visage du saint. Celui-ci, fort endommagé, était allongé, avec un front haut et dégagé, sillonné de rides, et des joues émaciées. La chevelure brune, peu épaisse, présente une petite mèche médiane et la barbe, assez courte, s’achève par deux pointes. Le type iconographique du personnage s’accorde avec l’identification que permet l’inscription fragmentaire peinte en blanc à gauche: ὁ ἅ(γιος) Ἰωά[ννης ὁ Χ]ρυσόστ[οµος], saint Jean Chrysostome. Un martyr est représenté symétriquement, du côté nord de l’abside (Fig. 4). Il est vêtu d’une chlamyde pourpre à tablion jaune et d’une tunique rose, que décore, visible sur l’épaule droite, un empiècement jaune emperlé. Le bras droit replié sur le buste tenait probablement une croix, attribut habituel des martyrs. Le visage, qu’entoure un nimbe perlé, a été détruit et il ne reste qu’une partie de la chevelure brune et de la barbe courte et pointue du personnage. À droite sont conservées les premières lettres de l’inscription qui le nommait: ὁ ἅ(γιος) Σι . . . , elles suggèrent de l’identifier avec saint Sisinnios22. Sur l’étroit intrados de l’arc absidal, court, entre deux bordures brunrouge, un simple mais élégant rinceau de feuilles trilobées, très régulier, peint en blanc sur fond noir (Fig. 3, 4). L’intérêt de ce modeste ensemble pictural réside surtout dans son programme iconographique23. Celui-ci vient en effet s’ajouter à la série — relativement limitée — des décors absidaux cappadociens centrés sur Même décor à Göreme 3 (G. de Jerphanion, op. cit., pl. 39, 3), Göreme 11 (M. Restle, Byzantine Wall-Painting in Asia Minor, Greenwich, 1967, II, fig. 146) ou Haçlı kilise (N. et M. Thierry, « Haçlı kilise, l’église à la croix, en Cappadoce», Journal des Savants, 1964, p. 251, fig. 6. 22 Dans les peintures de Cappadoce, il n’y a pas d’autre saint martyr — en dehors de Sinis — dont le nom commence ainsi; voir l’index hagiographique de G. de Jerphanion, op. cit., II, p. 511. 23 Nous préparons une étude d’ensemble sur les programmes absidaux de Cappadoce (avec répertoire descriptif de tous les monuments), à paraître dans la Bibliothèque des Cahiers 21

1. Avcılar, chapelle. Vue générale de l’abside.

2. Détail de l’abside. La Théotokos avec l’Enfant.

4. Un saint martyr.

3. Saint Jean Chrysostome.

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la figure de la Théotokos24. On sait que, contrairement à la tradition constantinopolitaine, l’usage qui prévaut dans la région réserve la place d’honneur, dans l’abside, à l’image du Christ, selon deux formules principales et successives: vision triomphale entre les forces angéliques (époque « archaïque »)25 et Déisis (XIe siècle)26. La Vierge est cependant représentée, en tant que symbole de l’Incarnation, dans près d’une quinzaine d’églises, la formule la plus répandue la montrant escortée par les archanges Michel et Gabriel27. La présence d’autres saints à ses côtés est beaucoup plus rare. Elle est attestée dans la petite chapelle n° 2 de Güllü dere, dont les peintures fort endommagées pourraient remonter à l’époque préiconoclaste28, et dans les décorations « archaïques » de Kubbeli kilise 2 archéologiques; en attendant, voir notre thèse de IIIe cycle (dactylographiée), La peinture byzantine en Cappadoce: problèmes d’ensemble et introduction à l’étude de l’iconographie absidale, Paris, 1980. 24 J. Lafontaine-Dosogne, « L’église rupestre dite Eski Baca kilisesi et la place de la Vierge dans les absides cappadociennes », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik, 21, 1972, p. 163–178. 25 G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 69–71; C. Jolivet, «La peinture byzantine en Cappadoce de la fin de l’iconoclasme à la conquête turque », Le Aree omogenee, op. cit., note 4, p. 163–167. 26 N. Thierry, « À propos des peintures d’Ayvalı köy (Cappadoce). Les programmes absidaux à trois registres avec Déisis en Cappadoce et en Géorgie», Zographe, 5, 1974, p. 5–22 et T. Velmans, « L’image de la Déisis dans les églises de Géorgie et dans celles d’autres régions du monde byzantin», Cahiers archéologiques, 29, 1980–1981, p. 47–102. 27 Göreme 6 (G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 96), Zelve, cône isolé (M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit., I, p. 142–143), Avcılar, Orta mahalle kilise (N. Thierry, Monuments inédits, op. cit. note 12, p. 34–41 et « Quelques monuments inédits », op. cit. note 12, p. 11), Hal dere, église de la Théotokos (R. Blanchard, « Archéologie et topographie sur quatre églises inédites de Cappadoce », Journal des Savants, 1981, p. 363 sq.), chapelle proche de Çanlı kilise (N. Thierry, « Études cappadociennes. Région du Hasan Dağı. Compléments pour 1974 », Cahiers archéologiques, 24, 1975, p. 189), Selime, église de la Mère du Christ (ibid., p. 185), Balkan deresi 2 (G. de Jerphanion, op. cit., II, p. 50), İhlara, Eski baca kilise (J. Lafontaine-Dosogne, op. cit. note 24, p. 167 sq.), Sümbüllü kilise (N. et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres de Cappadoce. Région du Hasan Dağı, Paris, 1963, p. 178), Göreme 10a (G.P. Schiemenz, « Die Kirche bei Katırcı Camii, eine Neuentdeckung in Göreme », Archäologischer Anzeiger, 84, 1969, p. 220–221). La Théotokos apparaît sans les archanges à l’Ermitage de Zelve (G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 570) et, en buste, dans l’abside nord de Yusuf Koç kilisesi (N. Thierry, « Yusuf Koç », op. cit., note 19, p. 195); à Ballı kilise, elle figure dans la scène de l’Annonciation (J. Lafontaine-Dosogne, « Nouvelles notes cappadociennes», Byzantion, 33, 1963, p. 159 et N. Thierry, «Études cappadociennes», op. cit., p. 187–188). 28 N. Thierry, Monuments inédits, op. cit. note 12, p. 81–82 et «Quelques monuments inédits», op. cit. note 12, p. 14–15. Le décor est attribué au XIe s. par F. Hild et M. Restle, op. cit. p. 214.

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(Soğanlı)29 et d’El Nazar (Göreme 1). Dans ce dernier monument, c’est un évêque (ou moins probablement un diacre) et un saint non identifiable qui encadrent la Théotokos entre deux archanges30. On peut encore citer ici le décor de l’église de la Mère du Christ, près de Selime (vers le milieu du Xe siècle), où près de la Vierge à l’Enfant entre deux anges dans la conque sont peints à la douelle de l’arc absidal un apôtre, Philippe, et un prélat, Grégoire de Nazianze31. Dans l’abside centrale de l’église de Hallaç Manastır, près d’Ortahisar, le programme se limite à un panneau rectangulaire, au centre de la paroi, représentant la Théotokos trônant entre deux figures frontales: un archange et un évêque, saint Basile (XIe siècle)32. Il est assez fréquent, dans les décorations où le Christ occupe le centre de la conque absidale, que la Vierge soit reportée à un emplacement secondaire: registre inférieur33, tympan oriental de la nef34 ou abside latérale. G. de Jerphanion, op. cit., II, p.293. G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 178–179, identifiait un martyr au nord et un diacre (Ephrem ?) au sud. Pour G. P. Schiemenz, « Elevra III, ein Neufund kappadokischen Kirchenmalerei », Ἐπετηρῖς Ἑταιρείας Βυζαντινῶν Σπουδῶν, 43, 1977–1978, p. 242, ce dernier serait plutôt Étienne. L’étole, large pour un orarion, rappelle l’omophorion étroit et à pan latéral des plus anciennes représentations d’évêques; le geste de bénédiction et l’attribut (livre) sont également plus conformes à l’iconographie des évêques qu’à celle des diacres. Le saint peint du côté nord, vieillard au costume peu distinct, pourrait être un prophète. 31 N. Thierry, « Études cappadociennes », op. cit. note 27, p. 185. 32 L. Rodley, « Hallaç Manastır. A cave monastery in Byzantine Cappadocia », XVI Internationaler Byzantinistenkongress. Akten, II/5, Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik, 32/5, (1982), p. 428. 33 Sous une croix dans la conque: Hagios Stéphanos (N. Thierry, « À propos des peintures d’Ayvalı köy », op. cit. note 26, p. 15), église de Nicétas (G.P. Schiemenz, « Die Kapelle des Styliten Niketas in den Weinbergen von Ortahisar », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik, 18, 1969, p. 251). Sous le Christ et entourée d’apôtres: Eğri taş kilisesi, Yılanlı kilise, Pürenli seki kilisesi (N. et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres, op. cit., p. 41–42, 110, 142), Kavaklı dere (R. Blanchard, « Archéologie et topographie », op. cit. note 27, p. 371), Haçlı kilise (N. et M. Thierry, « Haçlı kilise », op. cit. note 21, p. 248), Saint-Syméon de Zelve (G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 554–555), Göreme 11 (ibid., I, p. 151–152, sans mention de la Vierge), Mavrucan 1 (N. Thierry, Monuments inédits, op. cit. note 12, p. 141–147) et probablement Güllü dere 3 (J. LafontaineDosogne, « L’église aux trois croix de Güllü dere en Cappadoce et le problème du passage du décor iconoclaste au décor figuré », Byzantion, 35, 1965, p. 187–188). Entourée d’évêques: Hacı İsmail dere 1 (dans la niche médiane, non remarquée par M. Restle, « Zwei Höhlenkirchen im Hacı İsmail dere bei Ayvalı », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik, 22, 1973, p. 255), Cemil, Archangélos (N. Thierry, « À propos des peintures d’Ayvalı köy », op. cit. note 26, p. 12), Direkli kilise (N. et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres, op. cit., p. 190), Eski Gümüş et SaintGeorges d’Ortaköy (N. Thierry, «À propos des peintures d’Ayvalı köy», op. cit., p. 11–12). 34 Eglise de Joachim et Anne à Kızıl Çukur (M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit., Ill, fig. 345–347), Saints-Pierre-et-Paul de Meskendir (N. Thierry, « Les peintures murales de 29 30

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Dans ce dernier cas, plusieurs formules se rencontrent: 1) Marie seule avec l’Enfant35, 2) entre des anges ou des archanges36 ou 3) entre des saints. Cette troisième variante apparaît dans l’absidiole nord de l’église « archaïque » de la Théotokos (Göreme 9), où il s’agit, comme dans la chapelle d’Avcılar, d’un évêque (non identifiable) et d’un martyr, peut-être saint Georges à qui était dédié le sanctuaire37. À Kılıçlar kilisesi (Göreme 29), dans l’abside nord, quatre saints entouraient Marie: Zacharie et Théodotè à droite (sud), deux figures détruites à gauche (début Xe siècle)38. Dans l’abside sud de Ballı kilise, dans la vallée de Peristrema, on trouve associés à l’image de la Vierge, l’archange Gabriel, sainte Paraskévi et l’évêque Athénogène (vers le milieu du Xe siècle)39. On peut encore rattacher à cette série, bien qu’ils soient plus éloignés du programme de la chapelle d’Avcılar, les décors des absides nord de Direkli kilise, près de Belisırma (976–1025)40, et de Cambazlı kilise à Ortahisar41. Dans le premier cas, ce sont deux prophètes (Zacharie et peutêtre Isaïe) qui accompagnent la Théotokos entre deux anges, tandis que dans le second, Marie était encadrée par sainte Anne et, probablement, Joachim. Si elle s’inscrit donc sans difficulté dans une série assez bien documentée de décorations absidales, la composition d’Avcılar n’a de parallèle exact ni six églises du Haut Moyen Age en Cappadoce », Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 1970, p. 450), Saints-Apôtres de Sinasos (G. de Jerphanion, op. cit., II, p. 67), Güllü dere 1 (M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit.. III, fig. 331) et 4 (N. et M. Thierry, « Ayvalı kilise ou pigeonnier de Gülli dere », Cahiers archéologiques, 15, 1965, p. 117–118). 35 Göreme 5a (M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit., I, p. 108) Çarıklı, Elmalı et Karanlık kilise (en dernier lieu: N. Thierry, « La Vierge de tendresse à l’époque macédonienne », Zographe, 10, 1979, p. 61–62, 64), Eski Gümüş (M. Gough, « The monastery of Eski Gümüş. A preliminary report », Anatolian Studies, 14, 1964, PI. XXXVI b) et Çanlı kilise (N. Thierry, « Études cappadociennes », op. cit. note 27, p. 189). 36 Göreme 15a (G.P. Schiemenz, « Verschollene Malereien in Göreme: die archaische Kapelle bei Elmalı kilise und die Muttergottes zwischen Engeln », Orientalia Christiana Periodica, 34, 1968, p. 85), Karlık (G. de Jerphanion, op. cit., II, p. 184), Ballık kilisesi (ibid., p. 255), Pigeonnier de Çavuşin (M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit., III, fig. 329). 37 G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 123; le décor de l’absidiole sud est mal décrit: il s’agit non d’une Déisis, mais du Christ entre Jean Baptiste et probablement Zacharie. 38 G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 203 et 204, n. 1. 39 J. Lafontaine-Dosogne, « Nouvelles notes », op. cit. note 27, p. 159; N. Thierry, « Études cappadociennes», op. cit. note 27, p. 187–188. 40 N. Thierry, « Notes critiques à propos des peintures rupestres de Cappadoce », Revue des études byzantines, 26, 1968, p. 352–353; J. Lafontaine-Dosogne, «L’église rupestre dite Eski Baca kilisesi », op. cit. note 24, p. 174. 41 N. et M. Thierry, « Une nouvelle église rupestre de Cappadoce: Cambazlı kilise à Ortahisar », Journal des Savants, 1963, p. 9.

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en Cappadoce, ni dans le reste de l’empire byzantin. Le choix du thème, la Théotokos comme expression du dogme de l’Incarnation, est conforme au programme « classique » qui prévaut à Byzance après l’iconoclasme, mais la formule suivie (trône à haut dossier, encadrement par deux saints) est provinciale42 et se rattache plutôt à une conception protobyzantine43. Dans le choix des deux saints se reflètent les préférences personnelles du commanditaire. Les exemples précédemment cités montrent, en effet, combien les figures associées à la Vierge dans les absides cappadociennes peuvent varier d’un monument à l’autre, en fonction surtout, semble-t-il, de la vénération particulière des donateurs. Malgré la frontalité des personnages représentés à Avcılar, on peut penser qu’au rappel de l’Incarnation s’ajoutait ici la notion d’intercession et que c’est en qualité d’intercesseurs privilégiés44 qu’ont été figurés la Vierge, Jean Chrysostome et Sisinnios (?) dans une chapelle dont la fonction funéraire est indiquée par le grand arcosolium creusé dans le mur nord de la nef. Le choix de Jean Chrysostome, considéré comme le plus sage des trois Hiérarques, ne surprend pas, compte tenu de la popularité du personnage. Il apparaît dans un très grand nombre de décorations, et cela même quand le nombre de prélats figurés est restreint45. Le plus souvent, en tant qu’auteur présumé d’une liturgie eucharistique, il partage la place d’honneur, au centre de l’hémicycle absidal, avec saint Basile; il est alors presque toujours à droite, du côté sud, comme dans

42 Autres exemples post-iconoclastes de Théotokos absidale entre des saints: Naxos, église de la Nativité (M. Panayotidi, « L’église rupestre de la Nativité dans l’île de Naxos. Ses peintures primitives», Cahiers archéologiques, 23, 1974, p. 108–110), Neredica (V.K. Mjasojedov, Freski Spasa-Nereditsy, Leningrad, 1925, p. 19, sch. I et II), Magne, SainteParaskévi (N.V. Drandakis, S. Kalopisi et M. Panayotidi, « Ἔρευνα στὴ Μάνη », Πρακτικά τῆς ἐν Ἀθήναις Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας, 1979, p. 167) et Panagia, près de Pyrgos Dirou (N. Zias, « Μάνη », Άρχαιολογικὸν Δελτίον, 24, 1969, Chroniques, p. 172). Entre Pierre et Paul: Perachorio (A.H.S. Megaw et E. J. W. Hawkins, « The Church of the Holy Apostles at Perachorio, Cyprus, and its Frescoes », Dumbarton Oaks Papers, 16, 1962, p. 287–288), Calendžiha (A. Alpago-Novello, V. Beridze et J. Lafontaine-Dosogne, Art and Architecture in Medieval Georgia, Louvain, 1980, p. 100). 43 Cf. C. Ihm, Die Programme der christlichen Apsismalerei vom vierten Jahrhundert bis zur Mitte des achten Jahrhunderts, Wiesbaden, 1960, p. 56–59. 44 Sur l’importance de la notion d’intercession dans l’iconographie cappadocienne: C. Walter, Art and Ritual of the Byzantine Church, Londres, 1982, p. 226. 45 Exemples: Güllü dere 1 et 3, Saint-Syméon de Zelve, Göreme 13, Yılanlı kilise (İhlara).

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notre chapelle46. Son association privilégiée avec la Théotokos47, rappel du mystère de l’Incarnation que renouvelle chaque célébration eucharistique, a pu être favorisée par l’insistance avec laquelle Jean Chrysostome affirme, dans plusieurs de ses homélies, la réalité de la présence du Christ dans l’Eucharistie48. Quant au choix de Sisinnios, si c’est bien de lui qu’il s’agit, il révèle le désir de s’assurer la protection d’un saint relativement populaire en Cappadoce, en raison surtout de son pouvoir apotropaïque. Il est représenté à Yılanlı kilise (vallée de Peristrema)49, à Kılıçlar kilisesi (Göreme 29)50 et dans son parecclèsion51, à Balkan deresi 452, Hacı İsmail deresi 253 et dans la nouvelle église de Tokalı, à Göreme54. Un saint guerrier nommé Sinis, nom qui apparaît dans un texte d’exorcisme et qui pourrait n’être qu’un doublet populaire de Sisinnios, est en outre figuré dans la chapelle 21 de Göreme et à Saklı kilise55. L’identité du saint représenté sous le nom de Sisinnios dans les églises cappadociennes n’est pas toujours claire. G. de Jerphanion y reconnaissait l’un des Quarante martyrs de Sébaste, saints très populaires dans la région et souvent représentés (surtout jusqu’à la fin du Xe siècle), en raison, en particulier, de la valeur protectrice attachée à leurs image56. C’est en effet au groupe de ces martyrs qu’appartient la figure de Sisinnios à Yılanlı kilise, Hacı İsmail deresi 2, Tokalı kilise 2 et peut-être aussi dans le parecclèsion de Kılıçlar, où elle voisine avec celles d’Akakios et de 46 Il est à gauche à Bahattin samanlığı kilisesi (M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit., III, n° LXI) et Tağar (ibid., n° XXXV), au centre à Elmalı, Çarıklı kilise et dans l’abside nord des Quarante-martyrs de Suveş (ibid., II, n° XVIII, XXI; III, n° XLV). 47 Elle s’observe aussi à Güllü dere 1, sur le tympan oriental de la nef (M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit., III, fig. 331). Voir aussi les triptyques en ivoire de la seconde moitié du Xe s. (A. Goldschmidt et K. Weitzmann, Die byzantinischen Elfenbeinskulpturen des X–XIII Jahrhunderts, II, Berlin, 1934, n° 73, 78, 87a, 121) ou celui, en bronze, du Victoria and Albert Museum, XIIe s. (Catalogue de l’exposition Splendeur de Byzance, Bruxelles, 1982, p. 183). 48 Cf. J. Quasten, Patrology. T. III. The Golden Age of Greek Patristic Literature from the Council of Nicaea to the Council of Chalcedon, Utrecht/Anvers, 1960, p. 479–481. 49 N. et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres, op. cit., p. 99. 50 G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 210. 51 G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 201. 52 G. de Jerphanion, op. cit., II, p. 51. 53 M. Restle, « Zwei Höhlenkirchen », op. cit. note 33, p. 261–264. 54 G. de Jerphanion, op. cit., I, p. 315. 55 G.P. Schiemenz, « Felskapellen im Göreme-Tal, Kappadokien: die Yılanlı-Gruppe und Saklı kilise », Istanbuler Mitteilungen. 30, 1980, p. 308. 56 G.P. Schiemenz, « Wunderkraft gegen kämpfende Widersacher », Ἐπετηρῖς Ἑταιρείας Βυζαντινῶν Σπουδῶν, 44, 1981, p. 169 sq.

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Léontios. Ailleurs, sa représentation isolée a conduit G.P. Schiemenz à songer à une contamination avec un saint de même nom, doté lui aussi de qualités apotropaïques: le fameux Sisinnios, d’origine parthe, martyrisé à Antinoé et invoqué en Orient (surtout chez les Coptes) pour sa force magique contre les démons et les maléfices57. La situation privilégiée, à l’entrée de l’abside, de l’image de Sisinnios dans le parecclèsion de Kılıçlar et à Balkan deresi 4, celle de Sinis à Göreme 21, s’accordent avec la fonction protectrice prêtée au personnage58. Quelle que soit donc l’identité du saint peint en Cappadoce sous le nom de Sisinnios, il est certain que la croyance populaire lui prêtait un pouvoir apotropaïque et protecteur particulier, qui explique sa situation aux abords des absides et qui rend tout à fait plausible l’identification à ce saint du martyr figuré dans l’abside d’Avcılar59. Iconographie et style suggèrent de placer ce nouveau décor cappadocien au tout début du XIe siècle. Bien que le programme iconographique ne soit en lui-même nullement décisif, il faut noter que c’est surtout à partir du milieu du Xe siècle que la Théotokos comme thème principal de l’abside tend à devenir plus fréquente en Cappadoce. Ce phénomène peut être attribué à une nouvelle vague d’influence constantinopolitaine dans la région, vague dont témoignent d’autres aspects, tant iconographiques que stylistiques, de la peinture de cette époque60. La formule relativement originale adoptée par le peintre d’Avcılar s’inscrit bien également dans une période — entre le milieu du Xe siècle et les premières décennies du XIe — caractérisée, en Cappadoce, par diverses tentatives de renouvellement du programme absidal. La variété des formules en témoigne61, qui contraste avec l’uniformité plus grande de l’iconographie de cette partie de l’église avant et après cette période.

G.P. Schiemenz, « Ein Neufund byzantinischer Wandmalerei in Güzelyurt », Römische Quartalschrift, 67, 1972 p. 157, note 43; id., « Wunderkraft», op. cit., p. 212–217. 58 À l’intrados de l’arc absidal dans le parecclèsion de Kılıçlar, il est figuré dans la voûte du bras est à Balkan deresi 4; à Kılıçlar, il est sur le côté est de l’arc nord, sous la coupole centrale. Sinis, à Göreme 21, est peint dans la voûte du bras oriental. 59 La popularité de Sisinnios en Cappadoce a pu être favorisée, pense G.P. Schiemenz, par l’existence d’un saint local de même nom, qui était prêtre (G.P. Schiemenz, «Wunderkraft», op. cit. note 56, p. 213–214). Il y a également un Sisinnios parmi les 45 martyrs de Nicopolis, mais il n’en existe aucune représentation assurée en Cappadoce. 60 C. Jolivet, « La peinture byzantine », op. cit. note 25, p. 179–190; caractéristiques, à cet égard, sont les peintures de Tokalı 2 (en dernier lieu: C. Jolivet-Lévy, « Le riche décor peint de Tokalı kilise à Göreme », Histoire et archéologie. Les dossiers, 63, 1982, p. 65–72). 61 C. Jolivet, «La peinture byzantine», op. cit., p. 182–185. 57

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D’autres éléments, la forme du trône de la Vierge, l’iconographie de Jean Chrysostome, le rinceau de l’arc absidal, peuvent nous orienter vers la même époque. Le siège de la Théotokos rappelle encore les types « archaïques »62, mais la forme de lyre du dossier est moins prononcée, les montants un peu moins larges, le décor plus sobre et le coussin moins épais que sur la plupart des images de la première moitié du Xe siècle. Dans le courant du XIe siècle, les trônes tendent à devenir encore moins massifs, les boiseries sont généralement plus grêles et les montants du dossier souvent peu incurvés ou droits63. Malgré son médiocre état de conservation, le visage de Jean Chrysostome peut être classé entre le type « humaniste » défini par O. Demus (représenté, par exemple, par l’effigie du saint à Sainte-Sophie de Constantinople) et le type « ascétique » qui prévaut aux XIe et XIIe siècles64, tout en étant plus proche du second que du premier. Le prélat, à Avcılar, n’est pas encore chauve, bien que sa chevelure peu épaisse recule au-dessus du front, sur lequel se détache une petite mèche médiane. Le visage est émacié, mais sans excès, et prolongé, comme dans le type « ascétique », par une barbe bifide. À Sainte-Barbe de Soğanlı, dont les peintures sont datées de 1006 à 1021, Jean Chrysostome présentait, semble-t-il, un type analogue65. En revanche, dans le décor plus tardif de Yusuf Koç kilisesi, près d’Avcılar, le type ascétique est plus accentué et le front plus dégarni66. L’attribution au début du XIe siècle, suggérée par la physionomie du personnage, est corroborée par la présence de l’épitrachèlion parmi les attributs du costume épiscopal. Apparu sporadiquement vers le milieu du Xe siècle, cet ornement ne devient en effet courant que vers la fin du siècle67. Tous les évêques représentés, entre 976 et 1025, à Direkli kilise (Belisırma) en sont pourvus68. À Sainte-Barbe de Soğanlı, Jean Chrysostome porte également l’épitrachèlion et son omophorion présente

62

402.

Exemples: M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit., II, fig. 6, 146, III, fig. 335, 383,

Exemples: M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit., II, fig. 171, 196, 281, III, fig. 434, 522. 64 O. Demus, « Two Palaeologan Mosaic Icons in the Dumbarton Oaks Collection », Dumbarton Oaks Papers, 14, I960, p. 110–118. 65 G. de Jerphanion, op. cit., pl. 191, 4. 66 Ν. Thierry, « Yusuf Koç », op. cit. note 19; photo personnelle. 67 Voir en dernier lieu: C. Walter, Art and Ritual, op. cit. note 44, p. 19–20. 68 M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit., III, fig. 522. 63

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une forme, une disposition et un décor tout à fait semblables à ceux de la chapelle d’Avcılar69. Le rinceau stylisé qui orne l’arc absidal70 est un type d’ornement inconnu des décorations « archaïques », mais qui apparaît sous une forme voisine de la nôtre dans les peintures cappadociennes de la fin du Xe siècle et du début du XIe siècle, à Sümbüllü kilise71 et Sainte-Barbe de Soğanlı72, par exemple. Les rinceaux plus tardifs (églises à colonnes de Göreme, Kuşluk de Kılıçlar, etc.) présentent généralement des formes plus élaborées73. Bien que la mauvaise conservation des peintures ne permette pas de réelle analyse stylistique, la facture, qui semble assez comparable à celle de Sainte-Barbe de Soğanlı (1006 ou 1021), confirme la datation au début du XIe siècle qui ressort de l’analyse iconographique. Il s’agit évidemment d’un monument modeste et provincial, caractérisé par une palette pauvre et un emploi assez abondant des décors perlés74, mais il était d’assez bonne qualité; les proportions élancées des figures, la fermeté du dessin et la régularité du rinceau de l’arc absidal en témoignent75. Son principal intérêt réside cependant dans son programme iconographique, centré sur la Vierge, thème dont on s’accorde généralement à reconnaître la rareté dans les absides cappadociennes. L’exemple de l’église d’Avcılar, que l’on pourrait

G. de Jerphanion, op. cit., pl. 191, 4. Ce type de rinceau, présentant des feuilles trilobées stylisées, régulièrement disposées dans les courbes d’une tige sinueuse, est fréquent dans l’art byzantin à partir du IXe siècle et il ne caractérise pas une période précise: M. Kambouri-Vamvoukou, Les motifs décoratifs dans les mosaïques murales du XI e s., Paris, 1983 (thèse de IIIe cycle dactylographiée), p. 56, 202–206. On le rencontre en Cappadoce au XIIIe s. dans l’église des Quarante-martyrs de Suveş (niche nord de l’abside nord) et dans celle de la rue Ali Reis à Ortahisar (documents personnels). 71 M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit., III, fig. 493. 72 G. de Jerphanion, op. cit., pl. 194, 1. 73 Exemples: M. Restle, Byzantine Wall-Painting, op. cit., II, fig. 165, 172, 207, 224, 225, 227, 291, etc. 74 Sur les nimbes perlés, qui se rencontrent en Cappadoce à toutes les époques: G.P. Schiemenz, « Eine unbekannte Felsenkirche in Göreme », Byzantinische Zeitschrift, 59, 1966, p. 326–327; id., «Nachlese in Göreme », Archäologischer Anzeiger, 87, 1972, p. 309–310; id., « Felskapellen in Göreme-Tal », op. cit. note 55, p. 309. Généralement associés à un emploi plus ou moins développé de décors perlés, ils sont considérés comme une caractéristique de l’art provincial. 75 Les peintures à peu près contemporaines à Karabulut kilisesi, près d’Avcılar également, sont d’un art plus fruste; la gamme de couleurs est, là aussi, restreinte (mais différente), les décors perlés abondants, mais le rendu des personnages beaucoup plus maladroit (cf. supra note 17). 69 70

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appeler désormais « chapelle de la Théotokos », celui d’un autre monument récemment découvert dans la région d’Ürgüp (Hal dere kilisesi76) invitent aujourd’hui à nuancer cette opinion et à reconsidérer la place de la Vierge dans les absides cappadociennes.

76

R. Blanchard, « Archéologie et topographie », op. cit. note 27, p. 360–369.

VI

Nouvelle découverte en Cappadoce: les églises de Yüksekli

L

ES deux monuments que nous présentons ici nous ont été montrés au mois de juillet 1985 par Monsieur Emre Öztürk, Directeur général du Tourisme à Nevşehir. Ils sont situés sur la rive nord du Kızıl Irmak, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Gülşehir1. Avant de parvenir au village de Yüksekli et de franchir un pont sur un affluent du Kızıl Irmak, on aperçoit à droite, sur la pente, un cône isolé, à la base duquel est creusée la première église. Sa face ouest, retaillée et sculptée d’un encadrement mouluré, indique qu’il abrita d’abord un tombeau antique. Quelques salles sont excavées à proximité, du côté sud, mais il ne semble pas qu’elles aient appartenu à un ensemble monastique. À une trentaine de mètres à l’est du cône est creusée une seconde chapelle, plus petite et en partie ruinée; à gauche de l’entrée, un couloir mène à une pièce souterraine. Église N° 1 L’église du cône isolé, longue de 7 mètres environ, se compose d’une nef rectangulaire, voûtée en berceau, prolongée par une abside orientée, qui

En quittant Gülşehir en direction d’Hacıbektaş et Kırşehir, on trouve au bout de 8 km environ, sur la gauche, la route qui mène à Yüksekli, distant de 7 km. Sur Gülşehir, anc. Zoropassos: F. Hild et M. Restle, Kappadokien (Kappadokia, Charsianon, Sebasteia und Lykandos), Vienne, 1981 (Tabula Imperii Byzantini, 2), p. 308–309. Yüksekli n’est pas répertorié, mais figure sur les cartes annexées à cet ouvrage. Nous remercions M. Emre Öztürk pour l’aide qu’il nous a apportée sur le terrain. 1

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décrit en plan un demi-cercle outrepassé 2 (Fig. 1). La voûte de la nef repose sur les parois par l’intermédiaire d’une corniche. Les murs nord et sud sont creusés chacun de deux grandes niches cintrées, à fond plat; une banquette basse est réservée dans les deux niches orientales. L’entrée de l’église, rectangulaire et postérieusement agrandie, s’ouvre dans le mur ouest, sous une petite fenêtre cintrée; à droite de la porte, du côté nord, la paroi est creusée d’une niche, qui abrite une petite cuve. L’entrée de l’abside, surélevée de deux degrés, était encadrée de hauts chancels (brisés). L’autel, au centre, était détaché de la paroi et un siège est réservé dans le rocher à droite de l’entrée. Cinq niches sont creusées dans la paroi absidale3. Les peintures, qui couvraient tout l’intérieur de l’église, sont inégalement conservées. Les destructions sont surtout importantes dans l’abside, sur le mur ouest, dans les niches des murs nord et sud et dans les parties basses. Le décor de la voûte est en meilleur état, malgré les lacunes causées surtout par des jets de pierres. Le monument a fait l’objet de trois campagnes décoratives successives, d’inégale extension. La première, que l’on peut placer dans la seconde moitié du IXe siècle, n’a concerné que l’abside, le mur est de la nef et une petite partie du mur ouest (au-dessus de la niche). Dans un second temps, probablement au XIIe siècle ou vers 1200, on repeignit l’extrémité orientale de la nef: paroi est, bordure de la voûte, niches orientales des murs nord et sud. L’église fut enfin entièrement repeinte — nef et abside — dans la seconde moitié du XIIIe siècle: cette dernière couche, la plus étendue, est aussi la mieux conservée. Couche 1 Le décor de l’abside, en partie détruit, en partie masqué par les peintures postérieures, n’est pas connu. À l’intrados de l’arc absidal, se trouvent Constantin et Hélène, soutenant de leurs bras levés une croix de Malte

La nef mesure 5 m de long pour une largeur de 2,30 m (sans les niches) à 3,20 m au fond des niches occidentales ou 3,34 m au fond des niches orientales. La hauteur est de 2,60 m jusqu’à la corniche, 3,50 m jusqu’au sommet de la voûte. La profondeur de l’abside, derrière les chancels (larges de 0,48 m), est de 1,84 m, la largeur de 1,48 à l’entrée à 2,14 (max.), pour une hauteur de 2,65 m. Le relevé du plan est dû à Nicole Lemaigre Demesnil, dont l’aide constante et efficace nous fut particulièrement précieuse: qu’elle soit ici remerciée. 3 Trois petites au centre, creusées très haut, une plus grande du côté nord et, plus basse et plus profonde, une autre au sud, qui comporte une cavité en forme de croix. 2

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en médaillon, composition à valeur protectrice et apotropaïque attestée dans quelques églises « archaïques » de Cappadoce4 (Fig. 2). On reconnaît au nord Constantin, près duquel on lit encore [Κων]σταντῖνος. La tête couronnée du stemma à prependoulia, que somme au centre un ornement semi-circulaire, il porte le loros gemmé et emperlé sur un vêtement décoré de croix. Hélène, semblablement couronnée, est vêtue d’une robe rehaussée de gemmes et de cabochons. Les visages, dont les traits sont effacés, sont entourés d’un nimbe cerné d’un rang de perles. Les couleurs, très pâlies, sont peu nombreuses (ocre, brun, vert, rouge et noir); le fond est blanc, avec une bande de sol verte. Le mur est de la nef présente, dans l’espace en forme de lunule qui surmonte l’abside, un décor (très endommagé) connu, lui aussi, dans les programmes « archaïques » de Cappadoce: une série de médaillons (sept à l’origine) reliés par un entrelacs et contenant des bustes de saints, probablement des prophètes5. Plus bas, sur la face ouest du piédroit nord, un saint à cheveux blancs, peut-être également un prophète. À la même campagne décorative appartient une figure — très dégradée — peinte sur fond blanc au-dessus de la niche, sur le mur ouest de la nef. Toutes ces peintures peuvent être attribuées au début de la période dite « archaïque », soit dans la seconde moitié du IXe siècle. Couche 2 Sur le décor de médaillons de la paroi orientale fut peinte, dans une seconde phase, l’Annonciation à Marie (Fig. 3). L’emplacement privilégié de la scène, 4 Aux Saints-Apôtres de Sinasos (G. de Jerphanion, Les églises rupestres de Cappadoce. Une nouvelle province de l’art byzantin, Paris, 1925–1942, t. II, p. 65–66), à Elevra III (G.P. Schiemenz, « Elevra III, ein Neufund kappadokischer Kirchenmalerei », Ἐπετηρὶς Ἑταιρείας Βυζαντινῶν Σπουδῶν 43, 1977/78, p. 232–234), à Karlık et à l’Archangélos de Cemil, abside sud (observations personnelles). Voir aussi Saint-Jean de Güllü dere, où ils sont figurés deux fois dans l’église sud: dans le porche (portant ensemble la croix) et sur le mur est, encadrant l’abside (Nicole et M. Thierry, « Ayvalı kilise ou Pigeonnier de Gülli dere », Cahiers archéologiques 15, 1965, p. 102, 103). La composition se rencontre aussi en Géorgie: dans l’église n° 8 de Sabereebi (IXe siècle), les costumes rappellent un peu celui d’Hélène à Yüksekli (ornements circulaires); cf. T. S. Ševiakova, Monumentalnaja živopis rannevo srednevekovja Gruzii, Tbilisi 1983, fig. 43, 44. 5 Certains ont un vêtement décoré de perles. Le troisième à gauche en partant du bas est un vieillard à barbe grise; près des deux figures inférieures, quelques lettres: a . . . o et ι διγ. Ce type de décor est surtout celui des douelles absidales des églises « archaïques », où il s’agit, dans la majorité des cas, de prophètes, mais on le trouve aussi sur le mur est: Göreme 11, Kubbeli kilise 1 et 2 (Jerphanion, op. cit., I, p. 150–151, II, p. 275–276, 293).

1. Église n° 1 : plan et programme iconographique.

2. Intrados de l’arc absidal : Constantin et Hélène (couche 1). 3. Paroi orientale : Vierge de l’Annonciation (couche 2).

4. Ascension, partie centrale.

5. Ascension, côté nord.

6. Ascension, côté sud.

7. Nativité.

8. Nativité : schéma.

9. Nativité, détail : la Vierge et l’Enfant.

10. Baptême : schéma.

11. Baptême, détail : la personnification de la Mer.

12. Baptême, détail : le voilier.

13. Baptême, détail : l’ange.

14. Crucifixion.

15. Crucifixion : schéma.

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à l’entrée de l’abside, est traditionnel depuis le XIe siècle6. De Gabriel, à gauche, ne subsistent que le haut de la tête, la partie inférieure d’une aile et l’inscription ὁ ἀρ(χάγγελος) Γαβριήλ. La Vierge, nommée Μή(τη)ρ Θ(εο)ῦ, à droite, est mieux conservée. Debout de face, en tunique bleue et maphorion rouge, elle a la main droite ramenée devant le buste, paume vers le spectateur, tandis que la gauche, abaissée, tient le fuseau, conformément à l’iconographie habituelle7. Sur le fond aujourd’hui gris clair (bleu à l’origine), est inscrit, en lettres blanches, le titre de la scène: ὁ χαιρετισµός, et plus bas, à gauche de Marie, sa réponse à Gabriel: [ἰδ]οὺ ἡ δούλη Κ(υρίο)υ γένη[τό µο]ι κατ[ὰ] τό ρῆµά σ[ου], «je suis la servante du Seigneur, qu’il m’advienne selon ta parole » (Luc I, 38)8. Entre la Vierge et l’archange, au sommet de l’arc, un cadre rectangulaire jaune enfermait une image du Christ en buste, sur fond brun-rouge. On ne l’identifie que grâce à un fragment de nimbe crucifère et à l’inscription fragmentaire [Ἰησοῦς] Χ(ριστό)ς. Deux autres lettres, conservées en bas, à droite, ηλ, permettent de restituer le nom de l’Emmanuel, [Ἐµµανου]ήλ. Le Christ-Emmanuel, rappel de l’Incarnation, était ainsi représenté entre les deux figures de l’Annonciation, comme on le voit dans d’autres décors du XIIe siècle9. L’analyse des ornements confirme la datation au XIIe siècle (seconde moitié du siècle probablement ou vers 1200), suggérée par l’iconographie. Deux disques décoratifs séparaient le Christ des figures latérales. Celui de droite est seul bien conservé: jaune en son centre, rouge sur le pourtour, il est rehaussé de fines lignes courbes blanches, qui créent un effet de mouvement Cf. O. Demus, Byzantine Mosaic Decoration, Londres, 1948, p. 23. Le geste de la main droite est couramment interprété, depuis G. Millet, comme un geste de refus traduisant la pensée de Jean Chrysostome: «elle n’admit pas cette parole » (G. Millet, Recherches sur /’iconographie de l’Évangile aux XIV e, XV e et XVI e siècles d’après les monuments de Mistra, de la Macédoine et du Mont-Athos, Paris, I9602, p. 70). Le verset de Luc I, 38 inscrit près de Marie suggère d’y voir plutôt une attitude de soumission et d’acceptation. 8 Près de Gabriel se lisait probablement sa salutation à la Vierge (Luc I, 28). Les versets de Luc sont surtout fréquents, dans la peinture monumentale, à partir de la seconde moitié du XIIe siècle (Saint-Néophyte de Paphos, Saints-Apôtres de Pérachorio, Panagia Arakiotissa de Lagoudéra, à Chypre; Saints-Anargyres et Saint-Nicolas Kasnitzi de Castoria), mais ils se rencontrent aussi plus tôt: à Tokalı 2 (vers 960), Sainte-Barbe de Soğanlı (1006 ou 1021), Karabaş kilise (1060–1061) en Cappadoce, par ex., est inscrite la salutation de Gabriel. À Sainte-Sophie de Kiev figure également la réponse de Marie. 9 À la Panagia Arakiotissa de Lagoudéra et à Saint-Néophyte de Paphos, mais aussi dans l’église moins connue de Mar Musa al-Habashi (Erica Cruikshank Dodd, « Notes on the Monastery of Mar Musa al-Habashi, near Nebek, Syria », Crusader Art in the Twelfth Century, éd. J. Folda, BAR Intern. Series, Oxford, 1983, p. 171). 6 7

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tournoyant. Ce type de motif est bien connu au XIIe siècle et au début du XIIIe I0. Courante également au XIIe est la frise de chevrons crénelés, inscrits dans des demi-cercles tangents, qui longe l’arc absidal11. Sous la Vierge de l’Annonciation, sur la face ouest du piédroit sud, se trouvait une « icône » monumentale du Christ, aujourd’hui très fragmentaire. Debout de face, sur un petit « tapis » bordé de perles, vêtu d’un chiton brun-rouge et d’un himation bleu, il bénissait de la dextre, tenant un livre ouvert sur sa main gauche voilée. Sur la page de droite est conservée l’inscription: . . . περιπατήσι ἐν τ[ῇ σ]κο[τίᾳ ἀλλ’ἕξει τὸ φῶς τῆς] ζωῆς, fin du verset de Jean VIII, 12: « Je suis la lumière du monde, celui qui me suit n’errera pas dans les ténèbres, mais aura la lumière de la vie ». Une « icône » de la Vierge, détruite à l’exception d’un fragment de vêtement bleu et du début de l’inscription Μ[ήτηρ Θεοῦ], occupait, symétriquement, le piédroit nord, selon une disposition attestée dès le Xe siècle, mais dont l’usage s’est surtout développé à partir de l’époque comnène12. Les sujets réalisés, lors de la même campagne décorative, dans les niches orientales de la nef, ne sont plus reconnaissables. Dans la voûte, la chute de la couche 3 a fait apparaître une belle frise ornementale, qui longe la paroi est. Elle se compose d’une succession de cercles tangents, liés l’un à l’autre par quatre petites perles disposées en croix et séparés par de fins motifs bilobés. Chaque cercle enferme une fleur à quatre pétales, dont le cœur rouge est orné de quatre points blancs. 10 Particulièrement sur les icônes; voir, par exemple, K. Weitzmann, The Icon. Holy Images, sixth to fourteenth century, Londres, 1978, pl. 20, 24, 31. Sous les pendentifs de l’église de Mileševa, sont peints huit disques, composés chacun de trois cercles tournant dans des directions opposées, qui ont été interprétés comme des symboles du Logos: S. Radojčić, Mileševa, Belgrade, 1971, p. 16, pl. XX et sch. 764, 8113. 11 Sur ce motif: Marina Sacopoulo, Asinou en 1106 et sa contribution à l’iconographie, Bruxelles, 1966, p. 113, pl. XXXII; on le voit aussi à la Panagia de Trikomo, aux SaintsApôtres de Pérachorio (A.H.S. Megaw et E.J.W. Hawkins, « The Church of the Holy Apostles at Perachorio, Cyprus, and its Frescoes», Dumbarton Oaks Papers 16, 1962, p. 338 et fig. 52), à Saint-Marc de Venise (O. Demus, The Mosaics of San Marco in Venice, Chicago-Londres, 1984, pl. I, fig. 307) et, vers 1200, à l’Épiskopi du Magne (N.V. Drandakis, Βυζαντιναὶ τοιχογραφίαι τῆς Μέσα Μάνης, Athènes, 1964, pl. 63 Β). 12 Sur ces icônes monumentales liées au templon, voir en dernier lieu: Lydie HadermannMisguich, « La peinture monumentale du XIIe siècle à Chypre », Corsi di Cultura sull’Arte Ravennate e Bizantina 32, 1985, p. 254–255. Aux exemples précoces cités par l’auteur, on peut ajouter ceux de l’église dite à la citerne du vallon de Karabulut, près d’Avcılar (inédit) et d’Elmalı kilise (Göreme 19), ce dernier détruit, mais restituable. L’image de la Vierge répond à celle du Christ dans les décors du XIIe siècle de l’Évangélistria de Géraki, de la Zoodochos Pègè de Samari, de la Panagia Arakiotissa de Lagoudéra et, probablement, des Saints-Apôtres

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Couche 3 Nous décrirons successivement les peintures de l’abside, celles de la nef et terminerons par quelques brèves remarques sur le style. Abside Malgré la médiocre conservation du décor, on identifie sans peine la composition de la Déisis, thème habituel dans les absides de Cappadoce comme dans les régions de la périphérie orientale du monde byzantin 13. Jean-Baptiste, en costume antique (chiton ocre, himation rouge), est debout à droite (sud), dans l’attitude de prière traditionnelle. Il était désigné comme le Prodrome: . . . [Πρ]όδροµος. Le Christ, figuré comme c’est fréquent à une échelle nettement supérieure, trônait au centre de la conque: il ne reste que le haut du visage et du nimbe (marqué d’une croix gemmée) ainsi qu’une partie des montants du dossier de son siège. De la Vierge n’est conservée que l’auréole. Un grand cercle rouge entre le Christ et Jean-Baptiste représentait les roues de feu de la vision d’Ézéchiel, souvent maintenues dans les Déisis dites « composites »14. Les peintures de la paroi absidale sont détruites, à l’exception d’ornements (quadrilobes rouges et noirs sur fond blanc) dans les petites niches du fond, et du haut d’une croix rouge, sur fond bleu, dans la niche nord 15. Nef Le décor, réalisé sur un fond bleu sombre, se compose d’un cycle court de scènes christologiques, d’effigies de saints et d’un petit nombre de motifs ornementaux (Fig. 1). de Pérachorio. De même au XIIe, à la Panagia de Moutoullas, Chypre, par ex., au XIVe à Saint-Démétrius de Peć, Žiča, Asinou, etc. 13 De nombreux exemples dans: Tania Velmans, « L’image de la Déisis dans les églises de Géorgie et dans celles d’autres régions du monde byzantin », Cahiers archéologiques 29, 1980/81, p. 47–102. 14 Par exemple à Akköy (Bezir kaya kilisesi, inédite), Ayvalıköy, Cemil (Archangélos, abside sud, observation personnelle), Saint-Georges de Belisırma, Karşı kilise, près de Gülşehir, pour nous limiter aux monuments cappadociens. 15 Un Φ conservé à gauche de la croix appartenait probablement à la formule Φ(ῶς) Χ(ριστοῦ) φ(αίνει) π(ᾶσι).

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Le Dodécaorton Le cycle débutait par l’Annonciation, peinte sur la paroi orientale, sur la représentation antérieure du même sujet. Il n’en reste qu’une partie du trône de Marie, meuble ocre, rehaussé de perles et de gemmes et garni d’un gros coussin rouge. La voûte de la nef est divisée en cinq champs par des bandes brun-rouge, bordées de blanc. Comme souvent, dès le Xe siècle, toute la partie orientale est occupée par l’Ascension du Christ. On trouve ensuite, sur le versant sud, la Nativité et le Baptême (à l’ouest), face à la Crucifixion et à l’Anastasis, peintes du côté nord 16. Sur les murs nord et sud, entre les niches, sont opposées l’Entrée à Jérusalem et la Présentation de la Vierge au temple, tandis que sur la paroi occidentale, la Présentation du Christ surmontait la Dormition de Marie. Le programme iconographique était donc traditionnel, le choix limité des thèmes ayant été imposé par la surface disponible. L’Ascension, ἡ ἀνά[λη]ψης, est surtout endommagée au sommet de la voûte, où se trouve le Christ, Ἰ(ησοῦ)ς Χ(ριστό)ς, orienté tête à l’ouest, enlevé au ciel par quatre anges (Fig. 4). Vêtu d’une tunique bleue et d’un himation brun-rouge, qu’éclaire un fin réseau de lumières ocres, il est assis sur l’arc-en-ciel, bénit de la main droite tendue sur le côté et tient de l’autre le rouleau scellé appuyé sur le genou gauche. Il se détache sur le fond clair d’une gloire approximativement circulaire, que soutiennent quatre anges. Les deux du bas, volant horizontalement, le corps cambré, avaient le visage en partie masqué par l’auréole; ceux du haut n’apparaissent qu’en buste au-dessus de la gloire17. Les couleurs de leurs vêtements sont alternées: tunique rouge, himation blanc-rose pour les figures de gauche, chiton blanc à plis roses et manteau rouge pour celles de droite. Sur les retombées de la voûte sont représentés, en deux groupes de six, les apôtres, que précède, de chaque côté (à l’est), un ange, conformément à l’iconographie usuelle. La 16 La succession des sujets n’est pas chronologique et prééminence est donnée aux quatre thèmes de la voûte, opposés deux à deux de façon significative: Nativité-Crucifixion, Baptême-Anastasis. De même à la Néa Moni de Chios, Nativité et Crucifixion se font face dans les conques est et ouest, Anastasis et Baptême dans les conques nord et sud: Doula Mouriki, The Mosaics of Nea Moni on Chios, Athènes, 1985, I. p. 204. À Elmalı et Karanlık kilise, la Nativité est opposée à la Crucifixion, à Çarıklı kilise, Baptême et Anastasis se répondent. 17 Disposition fréquente; sur les principales variantes dans le nombre et la place des anges porteurs: Sophia Kalopissi-Verti, Die Kirche der Hagia Triada bei Kranidi in der Argolis (1244), Munich, 1975, p. 107–108 et tableau E.

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Vierge, en revanche, n’était pas figurée, trait rare qui s’observe dans plusieurs églises de Cappadoce et dans certains monuments provinciaux de la fin du XIIe et du XIIIe siècle18. Quelques arbres, à l’arrière-plan, situent la scène au Mont des Oliviers. Les deux anges qui s’adressent aux disciples, mais dont les paroles (Actes I, 11) n’ont pas, faute de place, été inscrites, présentent la même alternance de couleurs de vêtements que les précédents. Les apôtres peints du côté nord forment un groupe peu homogène: les premiers, à droite, paraissent peu concernés par l’événement, les autres, au contraire, agités, regardent vers le haut (Fig. 5). Une autre anomalie est la présence, en tête, non de saint Pierre, comme c’est la règle, mais d’un vieillard à barbe blanche, au front dégarni, qui tient un livre et que l’on peut identifier à l’évangéliste Jean. En tunique rouge et manteau blanc, il est figuré de face, dans une attitude tout à fait statique. À gauche, on reconnaît à son type iconographique saint Pierre (chiton blanc, himation rose), le visage appuyé sur l’avant-bras gauche, dans un geste qui semble de méditation ou de tristesse; sa main droite, qui sort d’un pan du manteau, est dirigée vers Jean. Entre les deux figures apparaît, à l’arrière-plan, le nimbe d’un autre apôtre. Ce groupe de Pierre et Jean, peu approprié à l’image de l’Ascension et mal intégré au reste de la composition, trahit probablement l’utilisation d’un modèle conçu pour une autre scène19. Les attitudes animées des trois disciples qui suivent, la tête rejetée en arrière, les bras levés, s’accordent au contraire à la nature de l’événement et à l’iconographie habituelle. Près de 18 En Cappadoce, à Saint-Jean de Güllü dere (Thierry, art. cit. note 4, p. 115), Mavrucan, église cruciforme (Jerphanion, op. cit., II, p. 226), et dans la région du Hasan Dağı, à Ağaç altı kilise, Kokar kilise et Saint-Georges de Belisırma (Nicole et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres de Cappadoce. Région du Hasan Dağı, Paris, 1963, p. 80–82, 126, 128, 211–212). En Grèce, à Samari, à l’Épiskopi du Magne, Saint-Nicolas de Monemvasie, l’Omorphi Ecclèsia d’Égine, etc. De même dans le Ms. syriaque Add. 7169 de la British Library à Londres (J. Leroy, Les manuscrits syriaques à peintures, Paris, 1964, pl. 123, 2). 19 Peut-être la Dormition de la Vierge ? Un cas comparable s’observe dans l’Ascension de Saint-Jean Lampadistis à Kalopanayiotis, Chypre, où le groupe de Pierre, Thomas et Jacques est emprunté à une Entrée à Jérusalem ou à une Résurrection de Lazare: Susan Hatfield Young, Byzantine Painting in Cyprus during the early Lusignan Period, Ph. D. Pennsylvania State University, 1983, p. 188–189. Il est vrai que l’on a aussi des Ascensions où des apôtres affligés ou méditatifs voisinent avec des figures plus dynamiques: Évangélistria de Géraki (N.K. Moutsopoulos et G. Dimitrokallis. Γεράκι. Οἱ ἐκκλησίες τοῦ οἰκισµοῦ, Thessalonique, 1981, p. 124–125, fig. 197, 199), Saints-Anargyres de Kèpoula (N.V. Drandakis, « Οἱ τοιχογραφίες τῶν Ἁγίων Ἀναργύρων Κηπούλας (1265)», Ἀρχαιολογικὴ Ἐφηµερίς, 1980, p. 111, pl. 33 α et β), par ex. Dans d’autres cas, tous les disciples sont calmes, aucun ne regardant vers le haut: exemples dans Kalopissi-Verti, op. cit. note 17, p. 111–112.

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Pierre, on peut identifier saint Marc, à la barbe brune et ronde, qui porte un manteau blanc sur une tunique marron foncé, puis Jacques ou Bartholomée, brun et barbu, au visage plus émacié, vêtu de rouge, et enfin Thomas ou Philippe, imberbe, en chiton clair et himation brun. Le groupe des disciples situé sur le versant sud de la voûte est plus soudé et plus homogène (Fig. 6). En tête, on reconnaît saint Paul, au corps assez massif drapé d’une tunique claire et d’un manteau marron foncé, le visage émacié prolongé par une barbe brune, le front haut et chauve; il regarde vers le ciel tout en s’abritant le regard de la main droite levée. Derrière le nimbe de Paul apparaît partiellement la tête de saint André, à la chevelure blanche caractéristique, traitée par mèches. On trouve ensuite saint Luc (tunique grise, manteau rouge), au type bien reconnaissable: pommettes saillantes, cheveux bruns, barbe courte et rare. À côté se tient un vieillard à barbe blanche, vêtu comme saint Paul, probablement le quatrième évangéliste, Matthieu. Entre ce dernier et saint Luc, au second plan, une tête à barbe brune, Jacques ou Bartholomée. Le dernier apôtre, dont le visage est détruit, était sûrement imberbe (Philippe ou Thomas). Son attitude est traditionnelle: de profil, les bras tendus vers le ciel, il est animé d’un mouvement impétueux; sa tunique est rose et son himation de couleur claire. La Nativité, ἡ γέννισις τοῦ Χ(ριστο)ῦ, est peinte sur le versant sud de la voûte, près de l’Ascension, à un emplacement fréquent dans les églises à une nef20. La composition, harmonieuse et équilibrée, réunit autour de la Vierge et du Christ dans la crèche, les éléments habituels: Joseph et le bain de l’enfant (en bas), les Mages (à gauche), les bergers (à droite) et le chœur des anges (en haut) (Fig. 7, 8). Dans l’ouverture de la grotte, ourlée de rose, est allongée obliquement Marie, Μ(ήτη)ρ Θ(εο)ῦ, en maphorion bleu foncé, étendue sur un matelas rouge sombre qui épouse la forme de son corps. Le buste tourné vers l’enfant, à droite, les jambes fléchies dirigées en sens inverse, elle s’appuie sur le coude gauche, la main sous le menton, dans une attitude traditionnelle de lassitude. Le bras droit, tendu vers la crèche, traverse le buste, la main semblant saisir un pan de vêtement. Le visage est plein, charnu et l’expression légèrement mélancolique. Jésus, emmailloté dans un lange rouge, repose dans une petite cuve de pierre ornée de légers motifs en relief21, derrière laquelle apparaissent l’âne et Cf. Kalopissi-Verti, op. cit., p. 31–32. Formule, distincte de l’édicule qui évoquait l’autel de l’église de la Nativité à Bethléem, attestée dès le Xe siècle (Tokalı 2: Jerphanion, op. cit., pl. II, 74, 2), courante à partir du XIIIe 20 21

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le bœuf (Fig. 9). Le visage (détruit) du Christ est ceint d’un nimbe crucifère, aux bras décorés de perles, que nous retrouverons dans les autres compositions et que nous analyserons plus loin. Sous la Vierge et figuré à une échelle inférieure, se trouve Joseph, vêtu de gris clair et représenté dans l’attitude méditative et affligée qui lui est habituelle: détourné de la scène, il est assis, soutenant sa tête de sa main droite et son visage, aux sourcils contractés, exprimait la tristesse. À droite, l’épisode du bain est mis en valeur par l’échelle supérieure donnée aux personnages et il présente quelques particularités qui le distinguent des formules les plus courantes. C’est la plus jeune des deux femmes qui est ici debout à gauche, tandis que l’autre, la tête couverte d’un voile blanc, est assise sur un rocher rose, à droite du bassin. Cette disposition, relativement rare, est, par exemple, celle de la Nativité du manuscrit Urbin. gr. 2 de la Vaticane (XIIe s.), où, comme à Yüksekli, c’est la jeune fille qui, tout en versant l’eau dans le bassin, teste la température de l’eau22. Ce geste familier, d’origine antique mais qui se répand surtout à partir du XIIe siècle, est généralement celui de la sage-femme qui tient l’enfant23. Aucune des deux femmes n’est nommée et toutes deux ont les bras dénudés. Le bassin, de couleur ocre, est muni d’une poignée, détail réaliste connu à partir de la fin du XIe siècle24. Le moment illustré correspond également à une variante assez rare, attestée surtout à partir du XIIe siècle: ce n’est ni le bain proprement dit, ni sa préparation, mais une étape intermédiaire, celle où la sage-femme plonge

siècle et habituelle dans l’art des Paléologues (Gradac, Sv. Nikita de Čučer, église du Kral à Studenica, monastère de Marko, églises de la Péribleptos et de la Pantanassa à Mistra, SaintApôtres de Thessalonique, etc.). 22 Miniature reproduite dans Lydie Hadermann-Misguich, Kurbinovo. Les fresques de l’église Saint-Georges et la peinture byzantine du XIIe siècle, Bruxelles, 1975, fig. 45. Même disposition sur un volet de tétraptyque du Sinaï, fin XIIe: ibid., fig. 60. 23 Il apparaît dès le Xe siècle, pour la Nativité de la Vierge dans le Ménologe de Basile II; cf. E. Kitzinger, « The Hellenistic Heritage in Byzantine Art », Dumbarton Oaks Papers 17, 1963, p. 103. 24 On le voit, par exemple, à Daphni, pour la Naissance de la Vierge (V.N. Lazarev, Storia della pittura bizantina, Turin 1967, fig. 281), dans le lectionnaire du Skévophylakion de Lavra, fol. 114 v (Kitzinger, art. cit. note 23, fig. 8), sur une icône du Sinaï (G. et M. Sotiriou, Icônes du Mont Sinaï, Athènes 1956/58, fig. 43 et suiv.), à Hosios David (Thessalonique). Le parallèle le plus proche est le bassin représenté dans la Nativité de la Panagia Amasgou de Monagri, à Chypre, au début du XIIIe siècle (Susan Boyd, « The Church of the Panagia Amasgou, Cyprus, and its Wallpaintings », Dumbarton Oaks Papers 28, 1974, p. 293 et fig. 20).

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l’enfant dans le bassin25. Le Christ, Ἰ(ησοῦ)ς Χ(ριστό)ς, bien proportionné et d’apparence enfantine, a les jambes jointes et tendues, le bras droit levé, paume ouverte vers le spectateur26. Le groupe des bergers, à droite de la composition est, faute de place, très ramassé et réduit à deux personnages. Seul était vu en entier, au premier plan, le berger âgé, appuyé sur son bâton recourbé, vêtu d’une tunique courte (mauve) et chaussé de bottes; la tête rejetée en arrière, il regardait vers le haut l’ange annonciateur, qui apparaît à mi-corps au-dessus de la colline rocheuse. Du second berger, peint à l’arrière plan, ne subsistent qu’une partie du bras droit et la main tendue vers l’ange. Quatre bêtes (bélier et moutons) apparaissent à mi-corps, superposées dans une anfractuosité du rocher, dans l’angle inférieur droit de la composition. Symétriquement aux bergers, à gauche du tableau, arrivent les trois Mages, qui forment un groupe également très resserré en raison de l’étroitesse du champ. Disposition et attitudes sont traditionnelles. Le plus âgé, en tête, très incliné, tient à deux mains une large coupe. Il porte un grand manteau sombre, bordé d’un galon jaune et attaché sur la poitrine par une fibule ronde, des anaxyrides bleus et de hautes bottes rouges. Sur la tête, il a, comme ses compagnons, un couvre-chef élevé (rouge foncé) pourvu d’un revers qui forme latéralement deux pointes, forme probablement dérivée de la coiffe perse traditionnelle et très semblable à la tiare des grands-prêtres de l’Ancienne Loi figurés dans l’église (voir infra) 27. Des deux autres Mages, on ne voit, à l’arrière-plan, que le buste: le plus jeune au centre regarde vers l’arrière où se trouve le troisième, homme d’âge mûr, à barbe brune. Au-dessus, derrière une colline ocre, le chœur des anges qui glorifient Dieu 25 Variante qui a des prototypes antiques, mais qui reste rare à Byzance. L’enfant est soit tenu au-dessus du bassin, comme à la Panagia Amasgou de Monagri, soit déjà en partie plongé dans l’eau, comme à Yüksekli, ce dernier type étant surtout attesté à partir du XIIe siècle. Sur les variantes de l’iconographie du Bain: Boyd, art. cit. note 24, p. 293; Kalopissi-Verti, op. cit. note 17, p. 94–95. 26 Même geste (d’allocution ?) dans l’ancienne église de Tokalı (M. Restle, Byzantine Wall-Painting in Asia Minor, Greenwich, Conn., 1967, II, fig. 67), à Karabaş kilise (ibid., Ill, fig. 417), aux Quarante-Martyrs de Suveş (ibid.. Ill, fig. 417), dans la grotte du Christ près d’Héraclée du Latmos (O. Wulff, Milet. Der Latmos, hrsg. Th. Wiegand, Berlin, 1951, pl. VI, 1), dans le Ms. Paris. gr. 54 (Millet, op. cit. note 7, fig. 42), etc. 27 La coiffure des Mages peut prendre des formes variées, surtout à partir du XIIIe siècle. Elle est alors souvent haute, comme ici, mais la partie inférieure est généralement drapée d’un tissu différent; c’est aussi la coiffe des Jeunes Hébreux dans la fournaise, au Monastère des Vlatades, à Thessalonique, par exemple (Thessaloniki and its Monuments, préf. C. Mavropoulou Tsioumi, Thessalonique, 1985, pl. 30).

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remplit l’angle supérieur gauche de la composition. Deux figures seulement, les bras tendus, sont bien visibles au premier plan; entre eux, une troisième apparaît partiellement et six nimbes s’amoncellent au-dessus, portant à neuf le nombre des anges, allusion possible aux neuf chœurs angéliques. Malgré de notables exceptions, ce groupe nombreux est plutôt l’indice d’une datation tardive28. Signalons enfin la place inhabituelle de l’étoile: au-dessus du sommet pointu de la colline, elle reste en dehors du trajet du rayon, qui descend d’un segment de ciel vers l’enfant dans la crèche29. À droite de la Nativité, le Baptême du Christ, ἡ βάπτησις, occupe un espace un peu plus étroit, contre le mur ouest de l’église (Fig. 10). Si l’iconographie suit, dans ses grandes lignes, les formules en usage aux XIIeXIIIe siècles, elle présente aussi quelques traits particuliers, sinon uniques. Le Christ, debout dans le Jourdain, marque l’axe médian de la scène, entre Jean-Baptiste sur la rive gauche et les anges inclinés, à droite. Sa tête est détruite. Il est nu, dans une attitude élégante, presque dansante: les jambes croisées (tournées vers la droite), le buste de face, les bras légèrement écartés du corps, la main droite bénissant les eaux. Ce mode de présentation n’est pas rare, particulièrement au XIIe et au début du XIIIe siècle, mais il est, en revanche, exceptionnel que le Christ semble, comme ici, s’éloigner du Prodrome au lieu de marcher vers lui30. La colombe du Saint-Esprit, dont il Il reste relativement rare dans l’iconographie byzantine antérieure à l’époque des Paléologues. Voir cependant: Tokalı 2 (Restle, op. cit. note 26, II, fig. 112), l’évangile arménien de Moughni, Maténadaran no 7736 (Sirarpie Der Nersessian, L’Art arménien. Paris, 1977, p. 110, fig. 80), le Ms. Urbin. gr. 2 (cf. note 22), le psautier de la reine Mélisende, Brit. Libr. Egerton 1139 (H. Buchthal, Miniature Painting in the Latin Kingdom of Jerusalem. Oxford, 1957, pl. 2 a), la fresque des Saints-Archanges d’Iprari (N. Aladašvili, G. Alibegašvili et A. Volskaja, Rospisi hudožnika Tevdore ν verhnej Svanetii. Tbilisi, 1966, pl. 7). 29 Son emplacement normal est soit dans le segment de ciel, soit dans le rayon, soit enfin juste au-dessus de l’enfant dans la crèche; cf. Hadermann-Misguich, op. cit. note 22, p. 116–117. En Svanétie, aux Saints-Archanges d’Iprari et à Saints-Quiricus et Julitte de Lagurka, elle est dans la grotte, entre la tête de la Vierge et le trajet du rayon (Aladašvili et al., op. cit. note 28, pl. 7 et 21); à Lagoudéra, elle est à gauche du départ du rayon, sans qu’on distingue de segment de ciel l’enfermant. 30 La nudité du Christ caractérise surtout les représentations antérieures à l’époque des Paléologues. Son attitude, jambes croisées, bénissant les eaux, fréquente dès le XIe, est répandue au XIIe siècle (cf. Hadermann-Misguich, op. cit. note 22, p. 127) et se rencontre parfois plus tard, au XIIIe siècle à Sainte-Sophie de Trébizonde (D. Talbot Rice éd., The Church of Haghia Sophia at Trebizond, Edimbourg, 1968, p. 136–137, fig. 98 et pl. 57 B), ou, en Attique, à Alépohôri (Doula Mouriki, Οἱ τοιχογραφίες τοῦ Σωτήρα κοντά στὸ Ἀλεποχώρι τῆς Μεγαρίδος, Athènes, 1978, p. 19), au XIVe, à la Péribleptos de Mistra (G. Millet, Monuments byzantins de Mistra, Paris, 1910, pl. 118, 3). À Sainte-Sophie de 28

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ne reste que la queue et un bout d’aile, descendait verticalement sur Jésus, dans le rayon qui émane du segment de ciel peint en haut du tableau, contre le cadre. Le fleuve, qui s’élève encore « en cloche » jusqu’aux épaules du Christ, est traité de façon assez réaliste: ses rives irrégulièrement découpées s’évasent largement dans le bas de la composition et les flots sont indiqués par de petites lignes brunes parallèles. Quelques poissons — quatre à gauche autour de la personnification du Jourdain, un à droite devant la Mer — ajoutent une note pittoresque, très rare dans l’iconographie byzantine de la scène avant le XIIIe siècle31. Traditionnelle, en revanche, est la présence de l’allégorie du fleuve, introduite dans la composition dès l’époque paléochrétienne, sous l’influence du Psaume 113 (114), 3, très tôt associé à la liturgie du 6 janvier: « La mer le vit et elle s’enfuit, le Jourdain retourna en arrière ». Il n’est figuré ni comme un homme d’âge mûr, ni comme un vieillard, mais jeune et imberbe, selon un type iconographique probablement dérivé des allégories de sources et qui se répand surtout dans la peinture monumentale à partir du XIIe siècle32. Le buste nu, le bas du corps ceint d’une étoffe rouge foncé, il se détourne du Christ, tenant sa cruche à deux mains. La personnification de la Mer, nommée ἡ θάλασα, qui tire son origine du même verset de psaume, répond symétriquement à l’image du Jourdain, à droite du Christ (Fig. 11). Introduite dans l’iconographie du Baptême assez tardivement, à l’époque comnène, elle ne devient courante que dans l’art des Paléologues33. La formule suivie par le peintre de Yüksekli est inhabituelle et trahit l’utilisation d’un modèle conçu pour une autre Trébizonde, le Christ paraît, comme à Yüksekli, tourner le dos au Prodrome; de même dans la chapelle Saint-Élie du monastère de Saint-Jean Prodrome de Vazelon (fin XIIIe ou XIVe siècle): A. Bryer et D. Winfield, The Byzantine Monuments and Topography of the Pontos, Washington, 1985, II, fig. 222. 31 Vers le milieu du siècle, ils deviennent, en revanche, un élément traditionnel de la composition. Pour des exemples de la première moitié du XIIIe (Karşı kilise, en Cappadoce, Panagia Amasgou de Monagri, manuscrits syriaques, etc.), cf. Boyd, art. cit. note 24, p. 297–298. Antérieurement, on voit surtout des poissons dans des œuvres issues des régions orientales: à Baouit, chapelle XXX (C.C. Walters, Monastic Archaeology in Egypt, Warminster, 1974, p. 227), dans un évangéliaire arménien de 1038, Maténadaran no 6201 (Der Nersessian, op. cit. note 28, p. 120, fig. 87), sur une plaque géorgienne provenant de Sagolašeni, XIe siècle (A. Alpago-Novello, V. Beridze, J. Lafontaine-Dosogne et al, Art and architecture in Medieval Georgia, Louvain-la-Neuve, 1980, fig. 77), etc. et aussi en Occident (antiphonaire latin de Saint-Pierre de Salzbourg, v. 1160: M. Durliat, Art roman, Paris, 1982, fig. 139). 32 Cf. Mouriki, op. cit. note 16, I, p. 123–124, avec une liste d’exemples. 33 Cf. H. Belting, C. Mango et Doula Mouriki, The Mosaics and Frescoes of St. Mary Pammakaristos (Fethiye Camii) at Istanbul, Washington, 1978, p. 65.

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composition. Une femme au profil très antiquisant, à la longue chevelure éparse sur les épaules, est assise sur un gros poisson gris. Drapée d’une longue tunique gris clair et d’un manteau brun, qui laisse le bras droit découvert, elle tient à deux mains une petite barque à un mât. La gueule ouverte du poisson est prolongée par une forme humaine (brunrouge), semblable à celle que restitue souvent la personnification de la Mer dans les images de Jugement dernier34. Son attribut — la barque — confirme l’origine du motif: exceptionnel dans l’iconographie du Baptême, il est courant, à partir de la seconde moitié du ΧΙΙIe siècle, pour la personnification de la Mer dans le Jugement dernier35. Cette transposition d’un motif créé pour une composition (le Jugement dernier) dans une autre scène (le Baptême) répond-t-elle à une intention particulière ? Viset-elle à souligner le lien entre la régénération de l’humanité déchue par le Baptême et la résurrection des morts ? Ou bien le peintre a-t-il copié ce motif, comme une image de la Mer, sur un modèle dont il ne comprenait ni l’origine, ni le sens précis ? Plus singulière encore est la présence, au-dessus de la Mer, d’un petit voilier, pour lequel l’iconographie du Baptême n’offre aucun parallèle (Fig. 12). La description assez précise du bateau le distingue des représentations byzantines habituelles, souvent très rudimentaires, et n’est pas sans rappeler certains navires latins36. La coque, arrondie, est munie d’une plateforme peu élevée à la proue et d’un aviron de gouverne fixé à tribord sur la poupe. Le mât, unique, est gréé d’une voile « latine », Par exemple à Torcello, Sopoćani, Gračanica, etc. Le premier exemple daté semble être celui de Sopoćani (G. Millet et A. Frolow, La peinture du Moyen-Age en Yougoslavie, II, Paris, 1957, pl. 24, 1 et 98, 4). Le motif devient ensuite courant: Bogorodica Ljeviška, Prizren (Draga Panić et Gordana Babić, Bogorodica Ljeviška, Belgrade, 1975, p. 138, sch. 30), Métropole de Mistra (Millet, op. cit. note 30, pl. 80,3), Asinou (A. et J. Stylianou, The Painted Churches of Cyprus, Londres, 1964, p. 61, fig. 22), Lythrankomi (A.H.S. Megaw et E.J.W. Hawkins, The Church of the Panagia Kanakaria at Lythrankomi in Cyprus. Its Mosaics and Frescoes, Washington, 1977, p. 154 et fig. 105), etc. Voir aussi, pour cette image: P. Mijović, « La personnification de la Mer dans le Jugement Dernier de Gračanica», Mélanges Orlandos, IV, Athènes, 1967/68, p. 212–213. Je ne connais que deux représentations de la Mer tenant un voilier dans la scène du Baptême, toutes deux en Crète: Panagia i Kera, près de Kritsa (fin XIIIe-début XIVe siècle) et Transfiguration de Mescla (1303): A. K. Orlandos, «Δύο βυζαντινὰ µνηµεῖα τῆς Δυτικῆς Κρήτης. α) ὁ Χρίστος τῶν Μεσκλῶν», Ἀρχεῖον τῶν Βυζαντινῶν µνηµεῖων τῆς Ἑλλάδος, 8, 1955/56, p. 149. 36 Cf. A. Grabar, « Un reflet du monde latin dans une peinture balkanique du 13e siècle», Byzantion 1, 1924, p. 236–240; id., La peinture religieuse en Bulgarie, Paris, 1928, p. 168–174 (Bojana). Voir aussi: Christiane Villain-Gandossi, Le navire médiéval à travers les miniatures, Paris, 1985, pour des images occidentales. 34 35

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triangulaire, et couronné d’un poste de vigie — la hune — où se tient un petit personnage, les bras levés, comme en orant. Quatre autres sont visibles à bord du navire. S’agit-il seulement ici d’une petite scène de genre, témoignant du goût du peintre pour le détail concret et pittoresque 37 ? On pourrait le penser. La situation du bateau, juste sous la main du Christ, sa description précise, l’attitude de prière de la vigie suggèrent cependant une autre explication, qui reste hypothétique. Les commanditaires des peintures ont pu vouloir invoquer, par cette image, la protection divine pour une expédition maritime; les donateurs figuraient en effet, dans la niche ouest du mur nord, face au Baptême, auprès de saint Christophore, protecteur des voyageurs et des pèlerins38. On retrouve avec saint Jean-Baptiste, ὁ ἅ(γιος) Ἰω(άννης), debout sur la rive gauche du fleuve, une iconographie conventionnelle (Fig. 10). De type ascétique, il porte, comme souvent au XIIe siècle et dans la première moitié du XIIIe, une mélote de poils vert foncé et jaunes, qui dessinent des rayures horizontales, ceinturée à la taille et s’arrêtant aux genoux et aux coudes39. Deux arbres grêles encadrent le Prodrome: l’un, petit, sur la rive même du fleuve, l’autre, plus grand, derrière saint Jean. On ne voit pas la cognée, souvent représentée, mais elle pouvait être dans la lacune. Sur la rive opposée du Jourdain, deux anges, les mains voilées, s’inclinaient vers le Christ40 (Fig. 13). Le premier, seul bien visible, est drapé d’un souple himation de couleur rose, sur un chiton blanc. Quatre collines rocheuses, symétriquement disposées, s’élèvent au fond, au-dessus des personnages: les sommets pointus de celles de gauche s’opposent aux 37 Les thèmes pittoresques (plongeurs, baigneurs, etc.) introduits dans la composition du Baptême dès l’époque médio-byzantine, se multiplient dans l’art des Paléologues (cf. Mouriki, op. cit. note 16, p. 124–125). Notons aussi que de petits voiliers apparaissent alors parfois dans la composition du Jugement Dernier, à laquelle, nous l’avons vu, fut empruntée l’image de la Mer: ainsi à la Métropole de Mistra (Millet, op. cit. note 30, pl. 80, 3). 38 Voir infra. Il y a bien sûr une très riche exégèse concernant la Mer, image du monde et lieu des puissances démoniaques, et le bateau, symbole de l’Église et de ses fidèles, dont le Baptême assure le salut; cf. H. Rahner, Symbole der Kirche. Die Ekklesiologie der Väter, Salzbourg, 1964, p. 272–360. Je ne pense pas, cependant, que l’on puisse interpréter en ce sens le voilier de Yüksekli. 39 La figure du Prodrome est mal conservée: une partie du visage et des avant-bras a disparu dans la lacune centrale et le bas du personnage est également détruit. Pour des exemples de mélote analogue, cf. Boyd, art. cit. note 24, p. 297; après le milieu du XIIIe siècle, elle devient plus rare et est généralement recouverte d’un manteau. 40 Les visages sont détruits. Ils sont normalement trois (à cette époque), mais l’étroitesse du champ a conduit à n’en montrer que deux, dont l’un, à l’arrière-plan, est presque entièrement masqué.

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formes arrondie et tabulaire de celles de droite; elles sont rendues dans des tons ocres, mauves, roses et gris. La Crucifixion, ἡ σταύρωσις, est peinte face à la Nativité, sur le revers nord de la voûte et elle occupe un espace de mêmes dimensions (Fig. 14). Aux dégradations habituelles causées par les jets de pierres s’ajoute une large lacune, autour d’un trou percé dans la voûte, dans la partie gauche de la scène. Suivant un schéma courant depuis le XIe siècle et surtout répandu au XIIe et au début du XIIIe siècle, la composition réunit, autour du Christ en croix, saint Jean et le centurion (à droite), Marie suivie de deux femmes (à gauche) et deux anges éplorés dans le ciel41 (Fig. 15). Le corps du Seigneur, Ἰ(ησοῦ)ς Χ(ριστό)ς, bien proportionné, s’infléchit légèrement vers la gauche, comme c’est la règle à cette époque, mais les bras, pliés au coude, dessinent une ligne brisée inhabituelle à Byzance avant une date tardive42. La tête du Christ mort, dont les cheveux se répandent en mèches ondulées sur l’épaule, tombe sur le côté en formant un angle très aigu43. La moustache est divisée en deux parties, laissant entre la lèvre et le nez un espace clair; souvent considéré comme d’origine occidentale, ce type de moustache s’observe aussi dans les œuvres orientales44. En revanche, la fine ornementation du 41 Cf. par exemple les compositions de Kurbinovo, des Saints-Anargyres de Castoria, de l’église de la Vierge de Studenica, de Žiča, etc. Même schéma dans les miniatures (Vatic, gr. 1156, Tétraévangile de Parme Palatin 5) et sur les icônes. 42 Un ivoire du Metropolitan Museum de New York, Xe siècle, offre un exemple précoce de cette iconographie (K. Weitzmann, G. Alibegašvili, A. Volskaya et al., Les icônes, Paris, 1982, p. 29), attestée ensuite en Cappadoce, au Kuşluk de Kılıçlar et à Saklı kilise, XIe siècle (Restle, op. cit. note 26, II, fig. 285 et 31). On la retrouve dans des miniatures arméniennes, Maténadaran n° 6201 de 1038 et no 7651, du XIIIe siècle (Der Nersessian, op. cit. note 28, fig. 88, 113) et, surtout, dans un groupe de manuscrits syriens de la première moitié du XIIIe (Leroy, op. cit. note 18, pl. 90, 1 et 2; 100, 2; 132, 1). Il faut attendre la fin du XIIIe siècle, pour que la formule soit moins rare dans les images byzantines (Saint-Nicolas de Prilep, par ex.); voir aussi, au XIIIe, la Crucifixion de Saint-Nicolas o Kremastos, Aitôloakarnania (P. Vocotopoulos, Ἀρχαιολογικὸν Δελτίον 22, 1967, B’2, Χρονικά, pl. 237 α) ou l’icône en marbre du Museo Civico, à Venise (R. Lange, Die Byzantinische Reliefikone, Recklinghausen, 1964, n° 38). 43 Trait surtout typique des croix italiennes du XIIIe siècle et des œuvres apparentées; cf. K. Weitzmann, « Three painted crosses at Sinai », Kunsthistorische Forschungen Otto Pächt zu seinem 70 Geburtstag, Salzbourg, 1972, p. 29, fig. 13, 15. 44 Pour l’hypothèse de son origine occidentale: Tania Velmans, « Deux églises byzantines du début du XIVe siècle en Eubée », Cahiers archéologiques 18, 1968, p. 203. Les deux formules (moustache en deux parties, moustache continue) coexistent à Byzance, mais la seconde est, il est vrai, plus fréquente. Nombreux exemples des deux types à Sainte-Sophie de Kiev: G. Logvine, Sainte-Sophie de Kiev, Kiev, 1971, fig. 47, 48, 57, 58, 60–68, etc.

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nimbe crucifère rappelle surtout les images italiennes du Duecento45. Les bras légèrement évasés de la croix sont bordés d’un rang de perles et marqués, au centre, d’un point rouge entre quatre perles blanches disposées en losange46; de part et d’autre, de fins rinceaux dessinent deux motifs cordiformes opposés par la base, enfermant chacun un motif ou une gemme. Un perizonium transparent, admirablement rendu, ceint les hanches du Christ: c’est là un autre trait remarquable, qui se rencontre à Byzance (dès le XIe siècle, mais surtout à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle) comme dans certaines crucifixions italiennes des XIIe-XIIIe siècles47. La croix est fichée dans un monticule rocheux, le Golgotha, et sa base affermie par (moustache continue) et fig. 28, 32, 56, 96, 98, 123, etc. (moustache séparée en deux). En Cappadoce, la moustache en deux parties est courante; de même en Arménie, Géorgie et Égypte et un peu partout à partir de la fin XIIe (Évangélistria de Géraki) et surtout du XIIIe siècle (églises de la région de Géraki, Mileševa, Saint-Pierre de Kalyvia-Kouvara, chapelle de la Vierge de Mérenta, Alépohôri, Moutoullas, Saint-Clément d’Ohrid, etc.). 45 Elle est distincte des décors de perles, de gemmes ou d’imitation d’émaux, assez courants à Byzance, particulièrement dans les œuvres provinciales. L’ornementation de rinceaux dans la croix ou sur toute la surface du nimbe est, en revanche, bien attestée en Occident (surtout en Italie), aux XIIe et surtout XIIIe siècles, dans les manuscrits, sur les croix peintes (cf. Evelyn Sandberg-Vavala, La croce dipinla italiana e l’iconografia della passione, Vérone, 1929, fig. 393, 436, 404, 449) ou dans les fresques (Anagni: O. Demus, Byzantine Art and the West. Londres, 1970, p. 153, fig. 166; San Simeone a Famoso, Massafra: La Puglia fra Bisanzio e l’Occidente, Milan, 1980, fig. 495). Elle est également typique du décor des nimbes en relief des icônes de Chypre, au XIIIe siècle (Byzantine Icons from Cyprus, Benaki Museum, 1976, n° 8, 11, 13–16, 19) et de certaines icônes dites des Croisés (Weitzmann, Alibegašvili et Volskaya, op. cit. note 42, fig. p. 217, 219, 225, par ex.) et se retrouve sur de rares peintures byzantines du XIIIe, en Crète (Saint-Jean à Foti: K. Gallas, K. Wessel et M. Borboudakis, Byzantinisches Kreta, Munich, 1983, fig. 57) ou dans le Magne (en particulier à Sainte-Kyriaki de Marathos: Sophia Kalopissi-Verti, « Les inscriptions de dédicace et portraits de donateurs au XIIIe en Grèce », Communication au XVIII e Congrès International d’Études Byzantines, Washington, 1986). Nicole Thierry, à qui nous devons cette dernière référence, nous signale aussi un décor comparable pour le nimbe du Christ Emmanuel, à Bezirana kilisesi, dans la vallée de Peristrema. 46 Même motif dans l’évangéliaire arménien de la reine Keran (1272), Ms. 2563 du Patriarcat arménien de Jérusalem, produit en Cilicie, mais fortement marqué d’influences italiennes (B. Narkiss éd., Armenian Art Treasures of Jerusalem, Jerusalem, 1979, fig. 77) et sur des icônes dites des Croisés (Weitzmann, Alibegašvili, Volskaya, op. cit. note 42, fig. p. 211). 47 Pour des exemples de perizonium transparent, voir M. Chatzidakis, « Εἰκόνες ἐπιστυλίου ἀπὸ τὸ Ἅγιον Ὄρος », Δελτίον τῆς Χριστιανικῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας

IV, 4, 1964/65, p. 390–391 (à propos d’une icône d’épistyle de Vatopédi, que l’auteur attribue au XIIIe siècle et à un atelier constantinopolitain). Pour des exemples sur les croix peintes italiennes: Sandberg-Vavala, op. cit. note 45, fig. 494, 498, etc.

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deux pieus. Le crâne d’Adam est représenté de façon moins schématique que d’habitude: de profil, la mâchoire entrouverte encore garnie de dents, comme, par exemple, sur une icône dite des Croisés du milieu du XIIIe siècle, au Mont Sinaï48. À droite, se tient saint Jean, désigné comme le Théologien, ὁ ἅ(γιος) Ἰω(άννης) ὁ θεολόγος, dans une attitude de douleur traditionnelle depuis le XIe siècle: la main droite soutient le visage légèrement incliné, la gauche abaissée saisit un pan de l’himation49. Ce dernier, jaune-vert, est drapé sur une tunique blanche. L’auriculaire de la main droite, replié devant la joue, vient toucher le nez, détail peut-être d’origine occidentale, qui s’observe au XIIIe siècle sur plusieurs icônes dites de Croisés et que l’on retrouve assez souvent en Italie comme dans les œuvres issues du Royaume latin de Jérusalem50. Le centurion, près de Jean, suit l’iconographie courante: en costume militaire, la tête couverte d’un voile sombre, il regarde vers le Christ, la main droite levée, prononçant les paroles que rapportent Matthieu 27, 54 et Marc 15, 39, et qui sont inscrites plus haut: ἀλη[θ]ῶς Θ(εο)ῦ ὑ(ιὸ)ς ἦν οὗτο[ς], « Vraiment celui-ci était fils de Dieu »5I. Il tient une lance et un bouclier circulaire, dont le décor de bandes parallèles (rouge foncé) sur fond blanc est typique des images de boucliers Cf. Weitzmann, Alibegašvili, Volskaya, op. cit. note 42, fig. p. 211. Même attitude à la Néa Moni de Chios (Mouriki, op. cit. note 16, I, p. 131 et II, pl. 33). dans le Kuşluk de Kılıçlar (Restle, op. cit. note 26, II, fig. 285) et sur une série de représentations des XIIe-XIIIe siècle: Saint-Néophyte à Paphos (bêma), grotte du Christ près d’Héraclée du Latmos, Studenica et, surtout, miniatures du Royaume latin de Jérusalem (Buchthal, op. cit. note 28. pl. 8 a, 51 a, 56 c, 57 a, 57 b), etc. 50 K. Weitzmann voit dans ce geste un trait typique des icônes des Croisés et lui prête une origine occidentale; cf. K. Weitzmann, « Thirteenth Century Crusader Icons on Mount Sinai», Art Bulletin XLV, 1963, p. 180; Weitzmann, Alibegašvili, Volskaya, op. cit. note 42, p. 204. Voir aussi: Buchthal, op. cit. note 28, pl. 57 a et b, 145 b et, pour l’Italie: SandbergVavala, op. cit. note 45, fig. 96, 110, 408, 452. Ce geste est beaucoup plus rare à Byzance, mais se voit dans la cellule de l’enkleistra de Saint-Néophyte à Paphos et à Studenica (église de la Vierge), tandis qu’à la Néa Moni de Chios, ce sont l’annulaire et l’auriculaire joints qui sont ramenés sur la joue, près du nez. 51 Le centurion est nimbé, comme déjà vers le milieu du Xe siècle à Tokalı 2 et comme presque toujours à partir de la seconde moitié du XIIe siècle (Kalopissi-Verti, op. cit. note 17, p. 102). La couleur sombre du voile qui enveloppe sa tête est inhabituelle dans les images byzantines avant l’époque des Paléologues; on la trouve alors, au début du XIVe siècle, à l’Anastasis de Verria (S. Pelekanidis, Καλλιέργης, ὅλης Θετταλίας ἄριστος ζωγράφος, Athènes, 1973, pl. θ), à Staro-Nagoričino (Millet-Frolow, op. cit. note 35, III, pl. 92, 1), sur une icône de Patmos (K. Weitzmann, M. Chatzidakis, K. Miatev et S. Radojčić, /cônes, Paris, 1966, pl. 67), par ex. 48 49

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occidentales52. Symétriquement à saint Jean, à gauche de la croix, se trouve la Vierge, Μή(τη)ρ Θ(εο)ῦ, partiellement conservée, en tunique bleue et maphorion brun. L’attitude est conventionnelle: bras croisés sur la poitrine, la main droite montrant Jésus; plus rare est le geste de la main gauche, qui agrippe le bord du maphorion, comme sur quelques œuvres du XIIIe siècle marquées par une influence occidentale53. Deux femmes suivaient Marie. La première, très effacée, en robe blanche et maphorion rouge foncé, penchait la tête vers la gauche, où se tient la seconde (tunique rose, maphorion bleu) peinte dans la même attitude que la Vierge, le visage marqué par le chagrin. Deux anges éplorés, figurés à mi-corps et volant horizontalement, remplissent les angles supérieurs de la composition. Leurs vêtements, blancs et roses, sont de couleurs alternées. Ils pressent leurs mains nues contre leur visage, en un geste expressif de douleur, qui accentue le caractère dramatique de la scène. Attestée de bonne heure dans l’iconographie de la Crucifixion, la présence des anges ne s’impose qu’à partir de la seconde moitié du XIIe siècle, mais, dans les œuvres byzantines antérieures à l’époque des Paléologues, l’émotion est généralement plus discrète, la douleur retenue et les anges conservent les mains voilées54. Le type adopté par le peintre de Yüksekli correspond davantage aux images occidentales du XIIIe siècle et se retrouve sur certaines icônes des Croisés 55. Entre les anges et la croix,

52 Cf. par ex. Buchthal, op. cit. note 28, pl. 69 (Bible de l’Arsenal), 104 c (Histoire Universelle, Londres Add. 15268), 107 a (Histoire Universelle, Dijon 562); F. Bologna, La pittura italiana delle origine, éd. Riuniti, 1962, fig. 50. Ce type de décor, d’origine occidentale, apparaît en Crète aux XIIIe-XIVe siècle: Gallas, Wessel et Borboudakis, op. cit. note 45, fig. 68 (Saint-Georges à Sklavopoula), 104 (Saint-Michel Archange, Archanès), 233 (Panagia, près de Lambiotès); à Zemen (Grabar, op. cit. note 36, pl. XXVIII), etc. 53 Cf. Doula Mouriki, «The Wall Paintings of the Church of the Panagia at Moutoullas, Cyprus », Byzanz und der Westen. Studien zur Kunst des Europäischen Mittelalters, Vienne, 1984, p. 186. 54 Parmi les plus anciens exemples de la présence des anges, on peut citer les icônes du Sinaï attribuées au VIIIe siècle (K. Weitzmann, The Monastery of Saint Catherine at Mount Sinai. The icons, I, Princeton, 1976, B 32 et B 36). Les gestes des anges sont variables: mains écartées ou au contraire ramenées contre le visage. Les mains non voilées ne deviennent moins rares qu’à partir du début du XIVc siècle: Gračanica (Millet, op. cit. note 7, p. 408, fig. 430), Saint-Nicolas Orphanos à Thessalonique (C. Mavropoulou-Tsioumi, Ὁ Ἅγιος Νικόλαος ὁ Ὀρφανός, Thessalonique, 1970, fig. 17), Saint-Michel Archange près d’Archanès (Gallas, Wessel et Borboudakis, op. cit. note 45, fig. 104), etc. 55 Dans la Crucifixion du couvent San Domenico à Pistoie, vers 1250, plusieurs anges se cachent le visage dans leurs mains nues, comme à Yüksekli: Catalogue Fresques de Florence, Petit

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les symboles cosmiques (Soleil et Lune) constituent un élément plutôt archaïsant à Byzance, mais nullement exceptionnel56. À gauche, un disque rougeoyant contient le profil du Soleil; le disque gris-clair de la Lune, à droite, est plus effacé. Le fond de la composition est asymétrique: à gauche, derrière les Marie, s’élève une colline rouge, tandis qu’à droite se trouve un édifice allongé (ocre) couvert d’un toit rouge, à double pente, représentation schématique du temple de Jérusalem, que l’on rencontre surtout dans les images des XIIe-XIIIe siècles57. La Descente aux Limbes, à gauche de la Crucifixion, face au Baptême, est désignée du titre rare: « la sainte Anastasis », ἡ ἅγια ἀνάστασις (Fig. 16, 17). Elle suit la formule dite «en contrapposto », type caractéristique surtout des XIe-XIIe siècles, mais maintenu également plus tard58. Inhabituelle est, cependant, l’allure très statique du Christ, Ἰ(ησοῦ)ς Χ(ριστό)ς, debout, pratiquement de face, sur la personnification de l’Hadès. Il n’y a ici ni large foulée, ni pan flottant de vêtement pour souligner le mouvement du Seigneur entraînant Adam hors des Limbes. Cette variante, assez rare, s’observe en Cappadoce, à Karşı kilise (1212), dans quelques miniatures syriennes du début du XIIIe et, vers le milieu du siècle à Bojana (1259), où la frontalité est encore plus rigide59. Un fin réseau de lumières ocres éclaire l’himation brun du Christ, traduisant, comme c’est l’usage, l’éclat de la lumière qui envahit le royaume des morts. Le visage allongé, aux traits fins et à l’expression douce, présente de grands yeux en amande, largement ouverts, et une petite moustache divisée en deux parties. Comme précédemment, Palais, Paris 1970, n° 1. Pour les icônes dites des Croisés, voir par exemple: K. Weitzmann, « Icon Painting in the Crusader Kingdom », Dumbarton Oaks Papers 20, 1968, fig. 9, 27. 56 Sur l’importance des astres dans les représentations occidentales, mais aussi, par exemple, en Cappadoce: Mouriki, art. cit. note 53, p. 187–188. Ils se retrouvent aussi, en plus des anges, dans les Crucifixions syriennes du XIIIe siècle (Leroy, op. cit. note 18, pl. 100, 2 et 132, 1) et dans l’évangéliaire cilicien de la reine Keran (Der Nersessian, op. cit. note 28, p. 142, fig. 104), entre autres exemples. 57 Des exemples dans Mouriki, op. cit. note 30, p. 25. La composition de la crypte de la cathédrale d’Aquilée montre, comme celle de Yüksekli, une colline à gauche et un édifice à droite, mais ici reliés par un mur bas (Rose Valland, Aquilée et les origines byzantines de la Renaissance, Paris, 1963, pl. 1). 58 Sur ce type iconographique: E. Lucchesi-Palli, « Anastasis », Reallexikon zur Byzantinischen Kunst 1, col. 145–146. 59 Karşı kilise: observation personnelle; miniatures syriennes: Leroy, op. cit. note 18, pl. 92, 1 et 2; Bojana: A. Grabar, L’église de Boiana. Sofia 1924, pl. XIII. Voir aussi la représentation, à notre avis plus tardive, de l’Archangélos de Cemil, en Cappadoce: Jerphanion, op. cit. note 4, pl. vol. III, 157, 1.

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le nimbe crucifère se distingue par la préciosité de son ornementation. Brandissant la croix dans la main gauche60, le Christ saisit de la dextre le poignet d’Adam et foule aux pieds, sur la tête et le dos, une grosse figure masculine (Hadès, Satan ou la Mort), qui remplit presque entièrement la cavité sombre. Le corps puissant, aux côtes marquées, est nu et prostré, les genoux fléchis ramenés sous le ventre, les bras croisés, chevilles et poignets entravés par une chaîne. Le visage aux yeux clos, vu de face, est entouré par une chevelure et une barbe blanches et abondantes et présente une fine moustache horizontale, aux longues extrémités pointues. La présence d’Hadès ou de Satan enchaîné est fréquente dans l’iconographie de la scène au XIIIe siècle61, mais la formule adoptée à Yüksekli n’a pas de parallèle exact et souligne bien l’idée d’anéantissement de la Mort, que symbolise le piétinement d’Hadès: il est déjà tout à fait vaincu, passif, les yeux fermés et non, comme on le voit souvent, le regard effrayé, semblant supplier le Christ, tentant de fuir ou encore essayant de retenir Adam par le pied. Rare est également la présentation frontale du visage de ce personnage « négatif », plus souvent montré de profil, voire même de dos62. Au bas de l’image, sous Hadès, sont partiellement visibles les deux battants de bois des portes brisées de l’Enfer, motif qui ne devient vraiment courant qu’à partir du XIIe siècle63. Des éléments de serrures et de ferrures sont disséminés sur le fond noir, soulignant, comme c’est l’usage, l’idée de destruction des portes. Le groupe des protoplastes, à gauche, est traditionnel. Adam, 60 Comme sur la plupart des images des XIe-XIIe siècles, alors qu’apparaît, à la fin du XIIe, la représentation du Christ portant la croix sur l’épaule: à Kurbinovo, par ex. (HadermannMisguich, op. cit. note 22, p. 167). L’ancienne formule perdure cependant. 61 Il n’y a pas unanimité sur l’identification de la figure. On y reconnaît le plus souvent la personnification de l’Hadès, sauf quand une inscription précise qu’il s’agit de Satan ou de la Mort; sur ce point, voir aussi Hadermann-Misguich, op. cit. note 22, p. 165, n. 538. Sur la fréquence de l’image d’Hadès enchaîné à partir du XIIIe siècle: Mouriki, op. cit. note 30, p. 29–30. Apparue dès les premières représentations de la scène, elle est assez courante dès le XIe siècle (Sainte-Barbe de Soğanlı, Karanlık kilise, Daphni, etc.). 62 De dos par ex. sur un ivoire de Berlin (A. Goldschmidt et K. Weitzmann, Die Byzantinische Elfenbeinskulpturen des X-XIII Jahrhunderts, II, Berlin, 1934, pl. LXX). À Daphni, il est vu de trois quarts, les yeux ouverts, tentant de retenir Adam; aux SaintsQuiricus et Julitte de Lagurka, il est également de trois quarts, allongé horizontalement, poignets et chevilles entravés et il regarde vers le Christ (Aladašvili, Alibegašvili et Volskaja, op. cit. note 28, pl. 27). Les yeux clos de l’Hadès de Yüksekli, pour lesquels je ne connais pas de parallèle, peuvent être liés à la présentation frontale du visage. 63 Les portes apparaissent au bas de l’image, sous les pieds du Christ, dès les IXe-Xe siècles.

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en tunique blanche et manteau jaune clair, est à demi agenouillé dans un sarcophage vu en perspective, la main droite levée vers le Christ, qui saisit son poignet gauche. La tête est détruite, mais on voit encore, tombant dans le dos, une mèche de chevelure grise. Ève, drapée d’un maphorion rouge sombre, est debout derrière, les deux mains nues tendues vers Jésus, qu’elle implore du regard. Au-dessus apparaît, à l’arrière-plan, un troisième personnage (juste ou prophète), au crâne chauve et à barbe blanche64. Un second sarcophage, à droite, contient les figures en buste de David et de Salomon, qui, légèrement tournés l’un vers l’autre, semblent converser. Cette manière de présenter les rois-prophètes, à mi-corps dans un sarcophage, est, pour le XIIIe siècle, un trait plutôt archaïque, mais qui n’est pas exceptionnel dans les ensembles provinciaux65. Ils portent la chlamyde et une couronne simple, dépourvue de prependoulia et ornée de gemmes alternativement rectangulaires et ovales. Au-dessus, serrés contre le cadre du tableau, trois personnages l’un derrière l’autre, tournés vers le centre. Le premier, à gauche, est sûrement saint Jean-Baptiste, quasi obligatoire dans l’iconographie du thème à partir du XIIe siècle66. À côté, deux visages de vieillards, prophètes ou justes. À gauche et à droite de la composition s’élèvent, dans le fond, des collines aux formes assez déchiquetées, traitées dans des teintes ocres, roses, rouges et gris-violacé. Entre le Baptême et l’Anastasis, figurait, dans le tympan du mur ouest, la Présentation du Christ au temple. Il n’en reste que les extrémités latérales: une partie de Joseph à gauche et la prophétesse Anne à droite. Celle-ci, figurée jeune, en robe jaune et maphorion pourpre, tient le long rouleau déployé où s’inscrivait sa prophétie. Deux édifices de couleur rose encadraient la scène. Trois autres compositions, dans les parties basses de l’église, complètent le cycle des Grandes Fêtes. L’Entrée à Jérusalem, sur le mur nord, dans l’écoinçon entre les deux niches, suit, dans ses grandes lignes, une iconographie traditionnelle: le Seigneur chevauchant l’ânon, au centre, est encadré par le groupe des apôtres, à gauche, et par celui des Juifs devant l’enceinte fortifiée de Jérusalem, à droite (Fig. 18, 19). Par la sobriété de la composition

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siècle.

Il ne s’agit donc pas d’Abel, pourtant courant dans l’iconographie de la scène au XIIIe

Cf. Mouriki, op. cit. note 30, p. 29. Il apparaît dès le IXe siècle, mais se répand surtout à partir du XIe. Il n’a ici ni geste, ni attribut distinctifs, ce qui est assez rare, et n’est ni nimbé ni nommé, comme c’est d’ailleurs le cas de tous les autres personnages de la composition, à l’exception du Christ. 65 66

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et le nombre limité des figurants (d’ailleurs imposés ici par la superficie de l’espace disponible), la scène rappelle les représentations des XIe-XIIe siècles67. L’attitude du Christ, Ἰ(ησοῦ)ς Χ(ριστό)ς, reste également celle qui prévalait avant le XIIIe siècle: face au spectateur, le visage légèrement tourné vers les Juifs qui l’accueillent, et non, comme on le voit dans les monuments plus novateurs du XIIIe, se retournant vers l’arrière pour parler aux disciples68. L’ânon baisse la tête vers le sol où deux enfants étendent des vêtements. Trois apôtres suivaient Jésus, nombre réduit lié à l’espace disponible, et qui reste assez fréquent, au XIIIe siècle, dans les œuvres provinciales69. En tête, on attendrait saint Pierre, la main droite levée vers le Christ; le visage est détruit, mais un fragment de chevelure brune fait penser qu’il s’agissait d’un autre disciple. Les deux suivants ne sont que partiellement visibles, coupés par l’arc de la niche occidentale. Au fond, deux rochers tabulaires, rose et ocre, soulignent la verticalité des figures des apôtres, tandis que, plus à droite, le Mont des Oliviers (rose) descend en pente douce, accompagnant le mouvement du Christ vers Jérusalem. Parallèlement à la ligne de la colline, s’incline vers la gauche le feuillage de l’arbre, où est perché un enfant, près de l’entrée de la cité. Le groupe des Juifs, compact et peu nombreux, est massé dans l’embrasure d’une grande porte rectangulaire et coupé, dans le bas, par la niche orientale. On n’y voit que des hommes, le premier, vieillard à longue barbe blanche, tendant un rameau vers le Christ. La ville de Jérusalem, de couleur rose, est représentée par une enceinte crénelée flanquée de quatre tours vues en perspective70. Aucun édifice n’est visible à l’intérieur, où se 67 Contrairement aux scènes pittoresques et à nombreux personnages de l’époque des Paléologues. Le schéma réduit est maintenu dans d’autres ensembles provinciaux du XIIIe siècle: Alépohôri (Mouriki, op. cit. note 30, p, 24 et fig. 25), Moutoullas (Ead, art. cit. note 53, p. 185–186), Omorphi Ecclèsia d’Égine (M. Chatzidakis, Ἀρχαιολογικον Δελτίον, 22, 1967, Β’Ι, Χρονικά, pl. 26 b), par ex. 68 Ainsi à Mileševa, Saint-Nicolas de Studenica, Arilje, etc. La formule ancienne perdure au XIIIe siècle, à Bojana, Saint-Nicolas de Prilep, Moutoullas, Saint-Georges Bardas de Rhodes, par exemple. 69 Il y a également trois disciples dans l’Entrée à Jérusalem de l’église Saint-Heracleidius au monastère de Saint-Jean Lampadistis à Kalopanayiotis (Stylianou, op. cit. note 35, fig. 48) ou à l’Omorphi Ecclèsia d’Égine (cf. supra note 67). Ils ne sont que deux aux Saints-Anargyres de Kèpoula (Drandakis, art. cit. note 19, p. 108, avec d’autres exemples), à Alépohôri et Moutoullas (cf. note 67). 70 Sur la représentation de Jérusalem par une enceinte crénelée à tours d’angle en perspective: Sacopoulo, op. cit. note 11, p. 28–29. L’importance donnée à la muraille crénelée et, surtout, l’absence d’édifices à l’intérieur, sont plutôt caractéristiques des images

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trouvent, en revanche, deux femmes, la première, le bras tendu, montrant l’arrivée du Christ à sa compagne. La présence de spectateurs dans la cité, élément pittoresque qui correspond à une tradition ancienne, reste relativement rare dans l’iconographie byzantine médiévale71. Inhabituelle est également la coiffe de ces femmes, bonnet aplati, légèrement évasé vers le haut, peut-être inspiré d’une mode contemporaine72. Face à l’Entrée à Jérusalem est conservée, sur le mur sud, la partie supérieure de la Présentation de la Vierge au temple, thème souvent associé, en raison de son importance liturgique, au cycle christologique et généralement figuré en étroite relation avec la Nativité du Christ73 (Fig. 20). Le titre de la scène, partiellement conservé, τὰ εἰσ[όδεια τῆς Θεοτόκου], correspond à l’appellation de l’épisode dans le calendrier liturgique. À gauche, un grand ciborium à coupole aplatie, portée par quatre colonnes, surmonte la figure du grand-prêtre, coiffé d’une tiare (semblable au bonnet des Mages dans la

occidentales que des représentations byzantines « classiques », cf. J. Ehrensperger-Katz, « Les représentations de villes fortifiées dans l’art paléochrétien et leurs dérivés byzantins», Cahiers archéologiques 19, 1969, p. 25. Voir cependant, en Cappadoce, la ville de Jérusalem à Elmalı et Karanlık kilise (Restle, op. cit. note 26, II, fig. 177, 133) ou à Eski Andaval (inédite). La cité peinte à Asinou, en 1106, est, en plus simple et moins crénelée, assez proche de celle de Yüksekli (Sacopoulo, op. cit. note 11, pl. VIIa). La peinture provinciale du XIIIe siècle offre d’autres versions simplifiées de la ville de Jérusalem, où manquent, comme à Yüksekli, les édifices intérieurs: chapelle de la Vierge à Merenta (Nafsika Coumbaraki-Panselinou, SaintPierre de Kalyvia Kouvara et la chapelle de la Vierge de Merenta, Thessalonique, 1976, pl. 70), Panagia de Moutoullas (cf. note 67), etc. 71 Cf. Sacopoulo, op. cit. note 11, p. 30. À Asinou, comme à Yüksekli, c’est le manque de place à la porte de la ville qui a conduit à placer quelques figures dans l’enceinte. De même, et plus nettement encore, dans le catholicon du monastère de Myrioképhalon: G. Antourakes, Aἱ Μοναὶ Μυριοκεφάλων καὶ ῾Ρουστίκων Κρήτης µετὰ τῶν παρεκκλησίων αὐτῶν, Athènes, 1977, pl. 25. Les exemples de spectateurs dans l’enceinte paraissent surtout fréquents en Asie Mineure (Cappadoce, Pont), dans les manuscrits syriaques, coptes et arméniens et en Occident: cf. Millet, op. cit. note 7, p. 257–259. Aux cas cités par G. Millet, on peut ajouter les fresques cappadociennes de Göreme 2b (inédite) et d’Ala kilise (Thierry, op. cit. note 18, p. 194), l’évangéliaire de Haghbat (L.-A. Dournovo, Miniatures arméniennes, Paris, 1960, p. 82 et pl. 83), les manuscrits syriens Londres, Add. 7170 et Vatican. syr. 559 (Leroy, op. cit. note 18, pl. 86, 1 et 2). 72 Elle rappelle celle que portent parfois la sage-femme de la Nativité ou certaines donatrices. 73 C’est le cas ici, où la scène est peinte sous la Nativité. Sur ce thème: Jacqueline Lafontaine-Dosogne, Iconographie de l’enfance de la Vierge dans l’Empire byzantin et en Occident, Paris, 1964/65, I, p. 28–30 et p. 136 et suiv.

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Nativité), qui, tourné vers la droite, accueillait Marie. Celle-ci est détruite, mais au-dessus de son emplacement présumé s’élève un second élément architectural, à coupole pointue74. Joachim et Anne, dont on reconnaît encore la tête drapée du maphorion, suivaient la Vierge et derrière, un peu à l’écart, se tenait le groupe des jeunes filles réduit, faute de place, à trois figures, dont il ne reste que le haut des têtes75. Au fond, des architectures en perspective, grismauve et rose, évoquent le temple. Contrairement au schéma le plus courant, la procession se dirigeait donc de droite à gauche, afin que Marie semble aller vers le sanctuaire réel de l’église; la scène faisait ainsi pendant à l’Entrée à Jérusalem, animée du même mouvement d’ouest en est, et s’accordait aussi au sens de lecture du fidèle pénétrant dans l’église76. L’épisode de Marie dans le sanctuaire recevant sa nourriture de la main d’un ange était représenté à l’extrême gauche: il reste le buste de l’ange, qui apparaît derrière le ciborium, sa main tenant le pain, une partie du nimbe et de la main tendue de la Vierge. Le cycle s’achève par la Dormition, [ἡ] κ[οίµη]σις τῆς Θ(εοτό)κου, qui se déployait sur toute la largeur du mur occidental (à un emplacement traditionnel), mais qui n’est conservée qu’aux deux extrémités latérales. On compte, à gauche, six apôtres, tous très abîmés. Le premier devait être Pierre, debout au chevet du lit, suivi par un disciple brun, au mince collier de barbe et à la moustache séparée en deux parties, qui soutient sa tête de sa main droite, dans un geste d’affliction. Derrière, une figure à barbe brune, la main gauche au menton, un vieillard à barbe blanche et, enfin, après une lacune, un visage imberbe. À droite, au second plan, on distingue un évêque, à barbe blanche, l’un de ceux qui apparaissent dans l’iconographie de la scène dès le Xe siècle77. À l’extrémité droite de la composition, se tiennent deux femmes, Deux ciboria sont parfois représentés; ainsi à la Péribleptos de Mistra (LafontaineDosogne, op. cit. note 73, fig. 92). 75 Le groupe est réduit à deux à Sainte-Sophie de Kiev, à trois dans le stichère 412 de Kutlumus (Lafontaine-Dosogne, op. cit. note 73, 1, p. 146, 153). La place des jeunes filles, derrière Joachim et Anne, est conforme à l’iconographie mésobyzantine; à partir de la fin du XIIIe siècle, dans les monuments novateurs, elles sont groupées au centre de la composition, juste derrière Marie et ce schéma connaît une grande diffusion dans la première moitié du XIVc siècle. 76 L’inversion du schéma n’est pas rare dans la décoration monumentale: ainsi à SainteSophie de Kiev, à Daphni, Saint-Nicolas du Toit de Kakopétria, l’Évangélistria de Géraki, la chapelle de la Vierge à Patmos, etc. 77 Sur les ivoires d’abord, puis, au XIe, dans les miniatures et l’art monumental. Pour les exemples précoces de la figuration des évêques (Jacques Adelphothéos, Denys l’Aréopagite, Hiérothée ou Timothée): Sacopoulo, op. cit. note 11, p. 42. 74

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dont la mieux conservée, contre le cadre, drapée dans un maphorion noir, remonte ses mains voilées jusque sous ses yeux, en un geste expressif de douleur (Fig. 21). Ses grands yeux en amande, abrités par d’épais sourcils contractés, fixent le spectateur. Derrière les deux groupes de personnages, à gauche et à droite du tableau, s’élèvent deux édifices de couleur rose, décorés de frises horizontales (dents de scie, motifs lancéolés disposés en zigzag, créneaux). Dans le ciel est encore conservé, à droite du centre, un fragment d’aile, qui appartenait vraisemblablement à l’ange venant recueillir l’âme de la Vierge. La disposition des apôtres, leurs attitudes, l’ornementation de l’architecture sont conformes aux schémas en usage aux ΧΙIe-ΧΙIIe siècles, mais l’emplacement des femmes au premier plan, au même niveau que les disciples, est l’indice d’une datation assez tardive78. Les figures isolées Peintes sur les murs de la nef et dans les niches, elles complétaient le programme iconographique de l’église. La couche 3 a, sur la paroi orientale, presque entièrement disparu; l’abréviation Χ(ριστό)ς, sur le piédroit sud, permet cependant de restituer là une icône monumentale du Christ. L’entrée du sanctuaire est encadrée, à l’extrémité est des murs nord et sud, par deux figures de grands prêtres de l’Ancienne Loi, tournés vers l’abside et balançant un encensoir. Les deux vieillards, barbus, à la longue chevelure blanche, portent le costume traditionnel, surtout visible, malgré la dégradation des peintures, du côté nord: sous la lacerna rouge, bordée d’un galon jaune et attachée devant le buste, on reconnaît, porté sur une longue robe, l’éphod où sont fixées des pierres précieuses (Fig. 22). Sur la tête, une tiare rouge, de même type que la coiffe des Mages, dans la Nativité. La figure du mur sud tient encore, sur sa main gauche voilée, une pyxide à couvercle conique79. L’inscription ὁ δίκαι[ος] Ἀαρών permet de l’identifier au «juste Aaron». Le nom de son vis-à-vis a disparu, mais il s’agissait sûrement de Melchisédech,

78 Pour la situation des femmes au premier-plan, au même niveau que les apôtres, mais sur le côté, cf. Sv. Nikita de Čučer, Saint-Georges de Staro-Nagoričino, le monastère de Marko (Millet-Frolow, op. cit. note 35, III, pl. 45, 3 et 99,1; IV, pl. 107, 193), Verria (Pelekanidis, op. cit. note 51, pl. IB), Saint-Athanase à Castoria (S. Pelekanidis et M. Chatzidakis, Καστοριά, Athènes, 1984, p. 115, fig. 9). 79 Costumes et attributs sont traditionnels; cf. par ex. Millet-Frolow, op. cit. note 35, I, pl. 74, 1 et 2.

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représenté avec Aaron dans l’abside de l’église voisine80. Du côté sud, subsiste encore, sous la figure du grand-prêtre, au bas du mur, la partie inférieure d’un évêque, de face, en tunique blanche et phélonion rouge foncé, arborant un épitrachèlion et un enchirion richement décorés. À l’extrémité opposée de la nef, deux saints militaires sont représentés en gardiens de l’entrée, sur les murs nord et sud, au même niveau que les grands-prêtres. Au nord se trouve Procope, ὁ ἅγιος Προκόπιος, frontal, en costume guerrier, la lance dans la main droite; il porte, suspendu dans le dos, un bouclier, dont la forme (apparemment triangulaire) et le décor (bandes rouge sombre sur fond blanc) trahissent une origine occidentale81 (Fig. 23). Un fin diadème enserre sa chevelure. Démétrius, ὁ ἅγιο[ς] Δηµήτριος, sur le mur sud, est dans une attitude moins statique: cuirassé, la tête (ceinte d’un diadème) inclinée vers la gauche, il dégaine son épée, dont il tient le fourreau dans la main gauche. Ce type iconographique, apparu au XIIe siècle, est surtout fréquent aux siècles suivants82. Il a, lui aussi, dans le dos, un bouclier triangulaire, blanc à décor sombre, orné sur la tranche supérieure d’un fin rinceau. Sous les images des saints guerriers se trouvait, de chaque côté, une sainte femme: seule sainte Paraskévi, . . . Παρασκεβί, au sud, est identifiable83. On reconnaît près d’elle, sur le mur ouest de la nef, la L’association des grands-prêtres au programme du bêma est attestée déjà à SainteSophie de Kiev: V.N. Lazarev, Old Russian Murals and Mosaics from the XI to the XVI Century. Londres, 1966, p. 39, 48; Logvine, op. cit. note 44, fig. 44. Voir aussi le décor de Mirož: Lazarev, ibid., p. 22, fig. 8. À Daphni, Aaron et Zacharie figurent dans la prothèse (Demus, op. cit. note 6, fig. 43 A). À Mileševa, deux grands-prêtres balançant l’encensoir, peints sur les pilastres nord-est et sud-est, encadrent, comme à Yüksekli, l’entrée de l’abside (Radojčić, op. cit. note 10, p. 74–75, sch. 1 et 2); voir aussi Staro-Nagoričino (Millet-Frolow, op. cit. note 35, III, pl. 114, 1). 81 Pour le décor, cf. supra note 52. Les boucliers byzantins sont circulaires ou en forme de goutte (« tropfenförmig »). La forme triangulaire apparaît au XIIIe siècle dans les œuvres marquées par une influence occidentale: l’icône sculptée de saint Georges au Musée byzantin d’Athènes (Weitzmann et al, op. cit. note 42, p. 155), les fresques de Moutoullas (Mouriki, art. cit. note 53, fig. 18 et 20), ou de Saint-Georges à Sklavopoulo (cf. supra note 52). À partir du XIVe siècle, ce type de bouclier devient plus fréquent dans la peinture byzantine. 82 Cf. par ex. à Saint-Nicolas Kasnitzi, Castoria, fin XIIe siècle (Pelekanidis-Chatzidakis, op. cit. note 78, fig. 13) puis à Kalenić, Manasija, Sisojevac, etc. 83 Sainte particulièrement vénérée en Cappadoce et parfois représentée, comme ici, à proximité des saints anargyres: à Çarıklı kilise (Jerphanion, op. cit., I, p. 458), Kèpoula (Drandakis, art. cit. note 19, p. 114) ou Alépohôri (Mouriki, op. cit. note 30, p. 13–14, 44). Dans ce dernier cas, elle est aussi, comme à Yüksekli, près de sainte Marina, sur le mur ouest de la nef, le rapprochement des deux figures ayant pu être favorisé par la proximité de leurs fêtes (les 26 et 17 juillet). 80

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silhouette de sainte Marina assommant Belzébuth, figure placée près de l’entrée en raison de sa valeur protectrice et apotropaïque. On distingue sa tête, voilée du maphorion et tournée vers la droite, le bras droit levé armé du marteau et la main gauche tenant Belzébuth (détruit) par les cheveux, selon une iconographie fréquente surtout à partir du XIIIe siècle84. Au fond de la niche ouest du mur nord était peinte une grande image de saint Christophore, ὁ ἅγιος Χρηστοφόρος, le célèbre martyr de Lycie, protecteur des voyageurs et des pèlerins et objet d’une vénération spéciale des donateurs, qui s’étaient fait représenter à ses côtés (Fig. 23). Vêtu de la chlamyde, il tenait devant lui une petite croix; le visage est détruit, mais l’on peut voir qu’il était figuré âgé, avec une barbe et une longue chevelure blanches, conformément à un type iconographique courant en Occident et contrairement au type oriental, qui le montre imberbe85. Deux donateurs nimbés, deux fois plus petits que le saint, se tenaient debout de part et d’autre. Il ne reste qu’un fragment de nimbe à droite et, à gauche, le haut de la tête et un peu du vêtement d’une figure féminine, dont l’invocation est tracée à côté: δέισις τ[ῆ]ς δούλ[ης] τοῦ Θ(εο)ῦ Σκρηβόνισα, « Prière de la servante de Dieu, Skrèbonisa ». À l’intrados de l’arc de la niche, deux saints moines debout se font face. À droite (côté est), on reconnaît, grâce à son type iconographique (grand front ridé, crâne presque chauve et barbe blanche large et courte partagée en deux pour laisser le menton dégagée), saint Sabas de Jérusalem. Illustre représentant de la vie monastique palestinienne, il ne compte pas cependant au nombre des saints moines les plus fréquents dans les églises byzantines86. Son inclusion dans le programme de Yüksekli est sûrement liée à une dévotion particulière de la part des commanditaires: figuré près du donateur, il est le seul des saints peints dans l’église qui tienne

Et dès la fin du XIIe siècle. Sur l’iconographie de Marina assommant Belzébuth (attestée dès le XIe s.): Kalopissi-Verti, op. cit. note 17, p. 41, 205–209. On peut ajouter, pour la Cappadoce, les représentations de Saint-Georges d’Ortaköy et de Köy ensesi kilise, près de Mamasun (actuellement Gökçe): observations personnelles. 85 Le type jeune et imberbe est conforme aux indications du Guide de la Peinture: Διονυσίου ἐκ Φουρνᾶ. Ἑρµηνεία τῆς ζωγραφικῆς τέχνης éd. A. Papadapoulos-Kerameus, Saint-Pétersbourg, 1909, p. 159, § 18. Exceptionnellement le saint est barbu — mais brun — aux Saints-Pierre-et-Paul de Tirnovo: Grabar, op. cit. note 36, pl. XLV c. Pour le culte et l’iconographie de Christophore: Bibliotheca Sanctorum IV, Rome, 1964, col. 349–364. 86 Cf. Mouriki, op. cit. note 16, I. p. 167–168. Type iconographique comparable à Studenica (Millet-Frolow, op. cit. note 35, I, pl. 41, 3), Bojana (Grabar, op. cit. note 59, pl. XXXI) ou Saint-Nicolas du Toit, à Kakopétria. 84

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un rouleau inscrit, où on lit: ἀπόσον τῶν πολλῶν ὕπνων ἀπὸ [τῶ]ν ὀφθαλµõν σου, « Écarte de tes yeux le profond sommeil »87. En face, se tient Ephrem, Ἐφρέµ, le célèbre ermite de Mésopotamie. La tête couverte du koukoulion, il a une petite barbe blanche pointue; la main gauche ouverte devant la poitrine, il tenait, dans la droite, une petit croix. Plus bas, sur la face interne des piédroits de la niche, se trouvaient deux saintes femmes: celle de gauche, détruite, était Kyriaki, Κυρ[ιακ]ή, celle de droite, qui portait un voile blanc autour de la tête, sainte Barbe, ἡ ἁγία [Β]αρ[βάρα]88. La niche ouest du mur sud contenait, face à saint Christophore, une grande figure de l’archange Michel, Μιχ(αήλ), en gardien de l’église, comme on le voit souvent, surtout à partir au XIIIe siècle. Très dégradé, il était revêtu du loros impérial, la lance dans la main droite, le globe posé sur la gauche. Deux saints moines debout occupent à nouveau l’intrados. Le fondateur du monachisme oriental, Antoine, Ἀντόνιος, est représenté à l’est, en koukoulion, une petite croix dans la main gauche. Il est associé, comme c’est fréquent, au père du monachisme palestinien, saint Euthyme, ὁ ὅσ(ιος) Εὐθήµιος, sur le versant ouest. Le type physique de ce dernier — barbe mi-longue, chevelure courte mais assez abondante — n’est pas celui qui prévaut dans les images tardives (calvitie prononcée, longue barbe), mais rappelle davantage ses portraits plus anciens89. Il tient lui aussi une croix. Sur les piédroits n’est conservée qu’une partie de la figure du saint médecin Damien, ὁ ἅ(γιος) Δα[µ]ιαν[ός], à l’ouest. Il a les attributs habituels: petite lancette blanche et boîte. Saint Cosme lui était vraisemblablement associé, sur le piédroit est. Le décor des niches orientales de la nef témoigne encore de l’intérêt porté, pour leur fonction d’intercession, aux saints anargyres. Saint Jean, [ὁ

Citation tirée de la vie de saint Sabas par Cyrille de Scythopolis; cf. E. Schwartz, Kyrillos von Skythopolis, Leipzig, 1939, p. 107, 1.19–20: Ἀπόστησον τὸν πολὺν ὕπνον ἀπὸ τῶν ὀφθαλµῶν σου. Cette incitation à la vigilance, pour gagner le salut, est le début de l’admonestation de Sabas à son disciple Agapet, qui s’était endormi: « Écarte de tes yeux le profond sommeil et de ton cœur la négligence . . . ». 88 Les deux saintes sont de même associées à Elmalı kilise, Kurbinovo, Bojana, Gračanica, etc. 89 Cf. Hosios-Loukas, la Néa Moni de Chios ou Asinou, où la barbe est cependant plus longue qu’à Yüksekli. On peut se demander si le peintre n’a pas copié ici une effigie de saint Arsène, dont le type est très proche de celui qui est désigné à Yüksekli comme Euthyme. Sur l’iconographie des saints Antoine et Euthyme: Mouriki, op. cit. note 16, I, p. 160, 166–167; sur celle d’Arsène: ibid., p. 159–160. L’association d’Antoine et Euthyme a probablement été favorisée par le rapprochement de leurs fêtes, respectivement les 17 et 20 janvier. 87

204 ἅγιος] Ἰωάννης, et saint Cyr, ὁ ἅ(γιος) Κῦ[ρος], figurent dans l’intrados de

la niche sud. Le premier, en tunique blanche, manteau rouge et chaussures de même couleur, tient une croix; le second, vieillard au front dégarni, à barbe blanche, porte une petite fiole à long col, l’index droit posé sur le goulot90. Dans la niche nord n’est conservé (sur le versant ouest) que saint Hermolaos, ὁ ἅ(γιος) [Ἑ]ρµώλαος, à la barbe grisonnante, un grand codex fermé à reliure orfèvrée dans les mains; sous sa chasuble marron foncé apparaît son étroite étole de prêtre. On peut supposer qu’en face était représenté son disciple, saint Pantéléimon, qui lui est souvent associé91. D’autres saints étaient figurés sur les piédroits: ils sont détruits dans la niche nord, tandis qu’au sud subsistent la main droite levée d’un saint Jean, ὁ ἅ(γιος) Ἰω(άννης), à l’ouest, et une inscription fragmentaire, σοπι . . . , près d’une image disparue, à l’est. Ornements et niche du mur ouest Quatre rosaces à huit pointes, traitées de façon à simuler la troisième dimension, décorent les murs latéraux de la nef. Deux grandes (0,30 m de diamètre environ), à l’est, séparent l’arc des niches des figures de grandsprêtres, deux plus petites (0,20 m) s’insèrent à l’ouest entre les niches et les saints militaires (Fig. 22, 23). Ce type de motif, qui peut prendre des formes plus ou moins complexes, n’est pas des plus fréquents, mais il se rencontre cependant dans la peinture monumentale, à partir de la fin du ΧΙIe siècle92. Le décor du bas des murs est perdu, mais une imitation de draperie suspendue est visible sous la niche de la paroi occidentale; dans celle-ci est peinte une croix latine accostée d’inscriptions fragmentaires (dont νηκα) et

90 Attribut qui lui est habituel; il est semblable aux Saints-Anargyres de Castoria (S. Pelekanidis, Καστοριά. Βυζαντιναὶ τοιχογραφίαι, Thessalonique, 1953, pl. 22 β) et à SaintJean Chrysostome de Géraki (Moutsopoulos-Dimitrokallis, op. cit. note 19, fig. 35), tandis qu’il est pourvu de deux petites anses à Saint-Pierre de Kalyvia-Kouvara (CoumbarakiPanselinou, op. cit. note 70, pl. 56 a). 91 Nombreux exemples de cette association: citons en Cappadoce, Sainte-Barbe de Soğanlı et Saklı kilise, à Castoria, les Saints-Anargyres et Saint-Nicolas Kasnitzi, les mosaïques de Sicile, Saint-Stratège de Boularioi dans le Magne, Alépohôri, Gračanica, etc. À Yüksekli, Hermolaos est bien figuré en prêtre, conformément aux données des textes, et non en évêque, comme on le voit parfois (à Saklı kilise et Alépohôri, par ex.). 92 Aux Saints-Anargyres de Castoria: Pelekanidis, op. cit. note 90, pl. 42; puis à SainteSophie de Trébizonde: Talbot Rice, op. cit. note 30, pl. XII A; à la Pantanassa de Mistra

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montée sur une hampe qui descend jusqu’au fond de la cuve. Dans l’arc, un quadrillage décoratif93. Remarques sur le style Il faut souligner d’emblée la haute qualité artistique de ces peintures, œuvre d’un artiste de talent, excellant particulièrement dans le rendu de la figure humaine. Ceci est surtout sensible dans les compositions peintes dans la voûte. Les personnages sont bien proportionnés et d’un canon classique, peu élancés mais minces94. La structure organique du corps est respectée, les attitudes sont naturelles, les gestes — sauf pour quelques figures de l’Ascension — mesurés. L’impression de calme domine, sans rigidité cependant. La représentation des nus est remarquable, de même que celle des mains et des pieds, montrés en raccourcis, avec une exactitude rarement atteinte à Byzance. L’habileté du dessin, qui cerne d’un contour rouge ou brun-foncé les figures, va de pair avec un modelé délicat des chairs, qui, sans contrastes marqués, suggère discrètement la forme plastique. Certains visages sont tout à fait conformes, par leur structure, leur modelé pictural, leur expression calme et douce, aux tendances classiques de la peinture byzantine au XIIIe siècle. C’est le cas de ceux des anges de l’Ascension ou de celui de la Vierge, dans la Nativité (Fig. 9): son visage large et plein, au menton rond et à la petite bouche charnue, aux yeux en amande largement ouverts sous les sourcils arqués, est animé d’une expression à la fois tendre et un peu triste. Le modelé, pictural, est très doux, sans opposition brutale: sur le ton de chair ocre sont posés de très discrètes ombres vert clair ou brun rouge, de légères taches roses (sur les joues ou le menton) et de fins rehauts de lumière. Le Christ de l’Anastasis offre un autre exemple de visage délicatement modelé, à l’ovale plus allongé, aux traits finement dessinés et à l’expression d’une grande douceur. Le centurion de la Crucifixion présente des traits plus énergiques, mais une facture analogue, aux contrastes seulement plus (Millet, op. cit note 30, pl. 149, 2. Voir aussi le tétraévangile de Cambridge, Harvard College Lib. Cod. gr. 1 (fin XIIIe-début XIVe siècle): G. Vikan, éd., Illuminated Greek Manuscripts from American Collections, Princeton, 1973, fig. 98. 93 Cette cuve servait sans doute au rite de la bénédiction des eaux; cf. Théano Chatzidakis-Bacharas, Les peintures murales de Hosios Loukas. Les chapelles occidentales, Athènes, 1982, p. 115–117. Voir aussi: Coumbaraki-Panselinou, op. cit. note 70, p. 59–60. 94 La tête est généralement comprise moins de sept fois dans la hauteur totale.

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marqués, accusant davantage le volume plastique. Certains visages (dans l’Ascension, par exemple) sont plus émaciés, avec modération cependant, et ils conservent les mêmes traits généraux: yeux grand ouverts à la pupille large, nez droit ou très légèrement busqué, assez fort, bouche charnue et bien dessinée. Le modelé est simple, mais assez vigoureux. D’autres personnages (Joseph dans la Nativité, Aaron ou les figures de moines) sont d’une facture plus schématique, reposant seulement sur une harmonie simple de tons ocres et bruns. Presque toujours le modelé des chairs coexiste avec une facture plus linéaire pour le rendu des chevelures et des barbes, comme on le voit souvent dans les monuments du XIIIe siècle. Le traitement des vêtements est, lui aussi, classique: les drapés antiques sont souples, généralement calmes et bien disposés. S’ils suivent souvent avec naturel les formes et les mouvements du corps, ils accusent peu le volume plastique. Le Christ de l’Anastasis est drapé d’un himation au dessin assez complexe, mais plat et linéaire, l’immatérialité du corps étant encore accentuée par le fin réseau de lignes ocres qui strient le tissu. On trouve peu de plis agités ou complexes, hormis pour quelques figures de l’Ascension. Le rendu des vêtements repose, sauf rares exceptions, sur le système traditionnel qui recourt à deux ou trois nuances de la même gamme, avec addition de noir et de lumières blanches. Le drapé, bien conservé, de l’ange du Baptême en offre un bel exemple. Le tissu, souple et lumineux, est traité de façon décorative et, bien que fragmenté de façon assez arbitraire, il suggère cependant une certaine plasticité (Fig. 13). Très différent est le manteau de saint Jean dans la Crucifixion: la chute des plis est plus simple, mais le modelé plus élaboré et les contrastes plus marqués entre parties sombres et claires. Les tons jaune et vert du tissu sont ici ombrés de marron foncé et éclairés de rehauts blancs. Les compositions restent, elles aussi, dans le goût de l’art « classique » byzantin: simples et claires, elles visent à l’équilibre harmonieux des groupes distribués autour d’un axe médian, qu’occupe généralement le Christ. L’articulation rythmique et l’unité des tableaux sont assurées par les attitudes des personnages, leurs gestes, leurs regards, mais aussi par l’utilisation des couleurs. Sauf dans l’Anastasis, on observe peu de différence d’échelle entre les protagonistes des scènes et les figures secondaires. Les compositions sont sobres, avec un nombre de personnages limité, parfois massés en profondeur pour tenir dans le champ, et généralement statiques. L’environnement est conventionnel et, presque toujours, dans la tradition des XIe-XIIe siècles. Les collines rocheuses, aux formes stylisées, sont peintes de couleurs souvent irréelles: ocres, mais aussi rouges, roses plus ou moins tempérés de

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gris, mauves. Leurs parois sont hérissées de multiples aspérités (Baptême, Crucifixion), parfois en forme d’écailles (Nativité), ou creusées de crevasses (Anastasis), qui traduisent de façon peu réaliste leur aspect rocheux. Les architectures, dans la Présentation du Christ au temple, la Dormition ou l’Entrée à Jérusalem, sont traitées en rose et restent essentiellement bi-dimensionnelles. Seuls les édifices peints à droite, dans la Présentation de la Vierge au temple (Fig. 20), sont vus de trois quarts, en perspective, suggérant efficacement un espace tri-dimensionnel, comme on le voit dans la peinture monumentale byzantine à partir du XIIIe siècle, mais sans la complexité qui caractérise souvent les représentations architecturales de l’époque des Paléologues95. La gamme chromatique est d’une tonalité générale assez soutenue et elle se distingue par un large emploi des teintes rouges, roses, mauves et lilas, avec même par endroits un rouge très vif, harmonisées au blanc, souvent tempéré de gris, à l’ocre jaune et au bleu sombre (aujourd’hui terni) des fonds96. Conclusion sur les peintures de la couche 3 Au terme de cette présentation rapide, on peut proposer pour ce décor une datation non antérieure au milieu du XIIIe siècle. Même si dans bien des cas, le peintre reste fidèle à des modèles anciens (XIe-XIIe siècles), plusieurs indices, iconographiques et stylistiques, révèlent la connaissance de formules diffusées surtout à partir du XIIIe, voire dans la seconde moitié du siècle. La présence de notations d’origine occidentale oriente aussi vers l’époque de l’Empire latin et des États croisés d’Orient. Associant éléments traditionnels et plus novateurs, orientaux et, dans une mesure bien moindre, occidentaux, ce peintre doué, probablement aidé de quelques assistants, fait preuve d’un éclectisme, à la fois dans l’iconographie et le style, qui ne nuit 95 Il n’y a, pour le reste, que peu d’éléments suggérant un espace à trois dimensions; voir cependant la représentation, en perspective, du suppedion de la croix, dans la Crucifixion, ou celle des sarcophages dans l’Anastasis. Sur les caractéristiques stylistiques du XIIIe siècle, voir Sophia Kalopissi-Verti, «Tendenze stilistiche della pittura monumentale in Grecia durante il XIII secolo », Corsi di Cultura sull’arte ravennate e bizantina XXXI, 1984, p. 221–253, qui donne, note 1, une bibliographie détaillée sur le sujet. 96 Il y a aussi du noir (éclairé de blanc) pour les vêtements des femmes dans la Crucifixion et la Dormition, par exemple, du marron, mais très peu de vert (himation de Jean dans la Crucifixion, modelé des chairs).

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nullement à l’effet d’ensemble et qui est caractéristique de maints ensembles provinciaux du XIIIe siècle. Le raffinement de son art, qui rappelle plus les miniatures et les icônes que la peinture monumentale, fait penser qu’il a été formé dans un grand centre et appelé en Cappadoce, alors sous domination turque et sans tradition artistique vivante, par les donateurs. De ceux-ci, on ne connaît que le nom de la femme, Skrèbonisa97, mais on peut supposer qu’ils étaient suffisamment fortunés pour faire venir un peintre de talent. Le nimbe qui caractérise leur portrait est un autre indice possible de leur haut rang98. Le choix de saint Christophore, près duquel ils s’étaient fait figurer, l’hapax que constitue le petit voilier placé sous la main du Christ, dans la composition du Baptême, permettent de proposer l’hypothèse suivante: cette fondation, d’ordre privé, serait liée à un lointain et périlleux voyage en mer, que les donateurs aient ainsi imploré la protection divine avant le départ ou qu’ils aient offert le décor, en action de grâces, à l’issue d’une heureuse traversée. La mise en valeur de saint Sabas de Jérusalem, peint, avec un rouleau inscrit, près du donateur, est un autre indice, mais d’interprétation délicate: peut-être les donateurs étaient-ils liés, d’une manière ou d’une autre, à Jérusalem ? 99

97 Σκριβώνισσα, qui paraît être ici un nom, désigne la femme d’un σκρίβων, membre de la garde impériale, puis médecin des blessés dans l’armée (Cf. Du Cange, Glossarium ad scriptores mediae et infimae Latinitatis, réimpr. Graz, 1958, col. 1401); les scribonissa sont mentionnées dans Constantin Porphyrogénète, De Cerimoniis. éd. Bonn, 1829, I, p. 67, 1.21. Il existe également un patronyme Skribas attesté au XIe siècle: Nicolas Skribas (A. Schminck, « Kritik aus Tomos des Sisinnios », Fontes Minores II, hrsg. D. Simon, Frankfurt am Main, 1977, p. 219 et suiv.), le « patrice kyr Basile Skribas» (P. Gautier, « La Diataxis de Michel Attaliate », Revue des Études Byzantines 39, 1981, p. 42–43, 1. 430, qui signale, note 20, un Basile Skribas, propriétaire d’un sceau inédit de Dumbarton Oaks, no 4416). Nous devons au Père Darrouzès, que nous remercions ici, ces références. 98 La représentation de donateurs nimbés est, s’ils ne sont pas de rang impérial, exceptionnelle. Rappelons, bien qu’ils ne soient pas les donateurs du décor, les images de Mélias et Jean Tzimiskès à Çavuşin (Nicole Thierry, « Un portrait de Jean Tzimiskès en Cappadoce », Travaux et Mémoires 9, 1985, pl. I, fig. 1). À Karşı kilise (1212), près de Gülşehir, la figure interprétée par G. de Jerphanion comme une donatrice nimbée est plus vraisemblablement une sainte, cf. G.P. Schiemenz, « Herr, hilf deinem Knecht. Zur Frage nimbierter Stifter in den kappadokischen Höhlenkirchen », Römische Quartalschrift 71, 1976, p. 166 et suiv. Les donateurs de Saint-Georges de Belisırma (1282–1304), Basile et Thamar, pourtant de haut rang, n’étaient pas nimbés: Thierry, op. cit. note 18, p. 202–206. 99 Le répertoire hagiographique est en lui-même intéressant, qui réserve un grand rôle aux saints médecins, et, dans une mesure moindre aux moines et aux saintes femmes, alors qu’il n’y a que deux effigies de saints soldats. Le donateur n’était vraisemblablement pas un chef

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Église N° 2 Creusée à une trentaine de mètres à l’est-nord-est de la précédente, se trouve une seconde église, plus courte (5, 10 m environ) et aujourd’hui à ciel ouvert dans sa partie antérieure. La nef, voûtée en berceau, est creusée de deux grandes niches à fond plat (dans les murs nord et sud), qui donnent au plan une forme de croix libre100. L’abside dessine un demi-cercle légèrement outrepassé et aplati; d’épais chancels, en partie brisés, encadraient l’entrée. L’autel était accolé à la paroi et encadré par deux courtes banquettes; une niche cintrée, à fond plat, est creusée (pour faire office de prothèse) du côté nord, un siège réservé dans le rocher dans le coin sud-ouest. Le décor peint, jadis étendu à toute l’église, n’est relativement bien conservé que dans l’abside. Dans la nef ne subsistent que d’infimes fragments, suffisants cependant pour restituer, au fond de la niche sud, un grand archange frontal, et peut-être, sur le mur est, les deux figures de l’Annonciation, dont il ne reste que les nimbes. À l’extrémité orientale de la voûte, du côté sud, deux femmes, dont l’une tient une petite fiole, appartenaient peut-être à une représentation des Myrophores au sépulcre. Malgré la poussière qui recouvre les peintures de l’abside, on reconnaît, dans la voûte, la Déisis traditionnelle. Le haut de la figure du Christ est détruit, mais on distingue encore les boiseries du trône massif, à dossier droit, sur lequel il siégeait, la main gauche qui tenait un rouleau ou un codex, et le bas de la silhouette, dont les pieds reposent sur un piédestal décoré de perles et de gemmes. Les deux intercesseurs l’encadrent, debout dans l’attitude habituelle. La Vierge, Μή(τη)ρ Θ(εο)ῦ, au nord, en tunique bleue et maphorion rouge, est coupée en bas par la niche creusée de ce côté. Jean, ὁ ἅ(γιος) Ἰω(άννης), en face, la chevelure et la barbe brun-rouge, porte sur une tunique rouge, une mélote de couleur ocre, doublée et bordée de fourrure blanche. Tous deux ont la tête entourée d’un large nimbe ocre, cerné d’un trait rouge entre deux lignes blanches. Entre la base du trône et militaire. S’agissait-il d’un riche commerçant ? ou d’un haut fonctionnaire passé au service des Turcs ? ou encore d’un grand propriétaire terrien ? 100 Le naos mesure 3,40 m environ de large (niches incluses), pour une longueur de 3,36 m (mur nord) à 3,66 m (mur sud) et une hauteur actuelle de 2,25 m. L’abside a une profondeur de 1,52 m (chancels compris) et une largeur, mesurée derrière les chancels, de 2,49 m; le chancel nord a une épaisseur de 0,44 m, celui du sud de 0,39 m. La hauteur du l’abside est la même que celle de la nef.

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les figures latérales s’intercalent deux grands médaillons, contenant, sur fond rouge foncé, les images en buste de Melchisédech, ὁ δίκ . ος Μελχισεδέκ, à gauche, et d’Aaron, ὁ δίκεος Ἀαρών à droite (Fig. 24). Les deux grandsprêtres, tournés, de trois quarts vers le centre de l’abside, balancent chacun un encensoir à trois chaînes, une petite pyxide à couvercle conique dans l’autre main 101. Le médaillon, ocre jaune, est bordé, à l’intérieur, d’une bande noire, qui crée l’illusion d’un cadre en relief. Bien qu’il soit plus endommagé, le décor de la paroi absidale peut être restitué. Au-dessus de l’autel, un cadre rectangulaire (traité comme les médaillons des grands-prêtres) enfermait, sur fond rouge sombre, un buste de la Théotokos tenant l’Enfant. Il ne reste que le haut de la tête de Marie, drapée d’un maphorion rouge, un pied et un pan de vêtement du Christ et les inscriptions: [Μήτηρ] Θ(εο)ῦ, [Ἰησοῦς] Χ(ριστό)ς. Cinq évêques l’encadraient, figurés de face, selon une iconographie archaïsante, mais encore de mise dans bien des ensembles provinciaux jusqu’à la fin du XIIIe siècle au moins 102. Le mieux conservé, Jean Chrysostome, ὁ ἅ(γιος) Ἰω(άννης) . . . , est peint à droite de l’autel (du côté sud), place d’honneur qui lui est traditionnellement réservée (Fig. 25). Son visage, à la chevelure et à la barbe rouges, est typique de l’iconographie du personnage: grand front dégarni, joues émaciées, courte barbe bifide. Un codex fermé dans la main gauche, il tient de la droite une petite croix devant le buste103. Il est vêtu d’un riche costume épiscopal, comportant, sur un sticharion blanc, phélonion polystavrion, omophorion, épitrachèlion et enchirion104. Ces deux 101 L’encensoir est peint hors du médaillon et se détache sur une zone jaune décorée par des bandes verticales rouges assez espacées. 102 Et même dans des monuments de style progressiste; sur cette iconographie, voir par exemple: Mouriki, op. cit. note 30, p. 17–18, qui donne une liste de représentations de ce type. 103 Attribut assez fréquent de Jean Chrysostome à partir du XIe siècle, comme le montrent les exemples d’Aténi, d’Asinou, de la Cambazlı kilise d’Ortahisar, de Saint-Pantéléimon de Kotraphi, Saint-Nicolas de Kèpoula, Arilje, etc. 104 Jean Chrysostome est parfois le seul à porter le phélonion polystavrion: à Eski Gümüş (Nicole Thierry, « À propos des peintures d’Ayvalı köy, Cappadoce», Zographe 5, 1974, fig. 3 et p. 7), Asinou (Sacopoulo, op. cit. note 11, p. 81), Cefalù (O. Demus, The Mosaics of Norman Sicily, Londres, 1949, pl. 7 A), Saint-Georges d’Ortaköy (Thierry, ibid., sch. 3, p. 14), Hagia-Triada de Kranidi (Kalopissi-Verti, op. cit. note 17, p. 203). Aux Saints-Théodores « Στοῦ Καλοῦ », dans le Magne, comme à Yüksekli, Basile le porte aussi (N.V. Drandakis, S. Kalopisi et M. Panayotidi, « Ἔρευνα στὴ Μάνη », Πρακτικὰ τῆς ἐν Ἀθήναις Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας, 1979, p. 173), tandis qu’à la Panagia de Moutoullas, Jean Chrysostome, Basile et Épiphane l’ont (Mouriki, art. cit. note 53, p. 179). Sur l’usage du polystavrion et pour d’autres

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derniers attributs, de couleur ocre, sont rehaussés de fins motifs rouge foncé et de perles. À gauche de l’autel, symétriquement, un autre prélat, dont ne restent que le nimbe et le bas du corps: sûrement saint Basile de Césarée, les deux auteurs de la liturgie byzantine occupant habituellement les places d’honneur au centre de l’abside. Il portait également le polystavrion. La figure voisine, au nord, à peu près dans le même état de conservation que Basile, peut être identifiée, grâce à l’inscription fragmentaire, . . . ὁ θε[ολόγος], à Grégoire de Nazianze, le Théologien; il arbore lui aussi un épitrachèlion et un enchirion richement décorés. Du côté sud de l’abside succédaient à Jean Chrysostome saint Nicolas (Fig. 25), dont n’est conservé que le haut du visage, près de l’inscription Νικό[λαος], puis un second Grégoire, ὁ ἅ(γιος) Γρι[γόριος], peut-être Grégoire de Nysse, dont il ne reste que le nimbe. Un diacre, en vêtement blanc, saint Étienne, [ὁ ἅγιος] Στέφανος, est peint à l’extrémité du registre. Dans la niche nord se trouve, très endommagé, un sujet souvent associé au programme du bêma en raison de son symbolisme eucharistique: le Sacrifice d’Abraham 105. On voit encore à gauche l’avanttrain du bélier attaché à un arbre, à droite, un monticule rouge représentant le bûcher et au centre, l’extrémité de la main de Dieu, le nimbe et le pied d’Abraham agenouillé et les deux petits pieds nus d’Isaac. Sous la niche est peinte une imitation de draperie suspendue et à côté, sur le revers du chancel, un quadrillage ornemental. Toutes ces peintures sont réalisées dans une gamme de couleurs restreinte: le rouge sombre associé à l’ocre jaune sont les teintes dominantes, complétées par le blanc, le noir et le bleu soutenu des fonds 106. Le dessin est ferme, mais le trait moins fin, moins élégant que dans l’église précédente. La Vierge et exemples: C. Walter, Art and Ritual of the Byzantine Church, Londres, 1982, p. 14–16, que l’on consultera aussi pour les autres pièces du costume épiscopal: omophorion (p. 9–13), épitrachèlion (p. 19–20), enchirion (p. 21). 105 On le trouve déjà à Ravenne (Saint-Vital), puis à Sainte-Sophie d’Ohrid, au XIe siècle, Saint-Saveur de Mégare, au XIIe siècle, mais il devient surtout fréquent à l’époque des Paléologues: à la Péribleptos de Mistra, à Gračanica, Resava, Lychne (Géorgie) et dans de nombreuses églises de Crète. 106 C’est surtout le large emploi du rouge brique qui donne sa tonalité générale à l’ensemble: utilisé en surfaces pour les vêtements, le fond des médaillons (et du cadre de la Vierge), le proplasmos des chairs, les barbes et les chevelures, il sert aussi pour les contours et le dessin des mains, des pieds et des traits du visage. La couleur rouge sombre des cheveux et des barbes, parfois attribuée à l’influence de modèles occidentaux, se retrouve dans plusieurs décors provinciaux de la fin du XIIIe et du XIV siècle (par ex. en Cappadoce, à Saint-Georges de Belisırma, en Eubée, à Pyrgi, etc.).

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Jean-Baptiste sont, pour des raisons de place, de proportions trapues, tandis que les figures d’évêques sont, au contraire, très élancées. Pieds et mains sont représentés de façon assez schématique; il en est de même des drapés, qui tombent en plis simples, sans traduire le volume plastique du corps, qui reste plat. Mais c’est surtout la manière de traiter les visages qui diffère: la plasticité en est plus accusée que dans la première église, avec des contrastes plus marqués entre parties ombrées et éclairées. Sur un ton de base rouge foncé, la forme plastique est construite par addition d’ocre et de rehauts blancs, les traits du visage, très marqués, étant dessinés en rouge. Ce modelé pictural vigoureux coexiste avec une facture linéaire très soignée pour le rendu des barbes et chevelures des personnages âgés (Aaron et Melchisédech, Nicolas), traduites par de très fines lignes blanches sur le fond rouge 107. Malgré ces différences frappantes de technique et de style, le décor présente plus d’un trait commun avec celui de l’église voisine (couche 3). Si la Déisis dans l’abside est banale, il n’en est pas de même des grands-prêtres de l’Ancienne Loi108. La typologie des visages surtout est identique, comme le montre la confrontation des images d’Aaron: même forme de tête, même dessin des yeux, du nez ou de la bouche, mais modelé tout autre. On peut également comparer le visage du Prodrome, dans la Déisis des deux églises, ou celui de Marie, dans le second monument, avec la Vierge de la Nativité, dans le premier. Très différentes au premier abord, elles montrent cependant une forme, des traits et une expression comparables: c’est la facture qui, ici encore, fait la différence, durcissant les traits et accusant la forme plastique dans l’église n° 2. Autres indices des liens entre les deux décors: la semblable représentation du sol par une zone jaune interrompue de bandes rouges verticales109 et la paléographie des inscriptions. On peut donc conclure à la contemporanéité des deux ensembles, exécutés d’après les mêmes modèles, par les membres d’un même atelier. Si le peintre de l’abside de la seconde chapelle se montre moins habile dans le rendu du corps humain, plus négligent dans l’exécution des mains ou des pieds, il fait preuve d’une réelle personnalité dans le traitement des visages, moins « classiques » que dans Le visage d’Aaron dans la première église est beaucoup plus plat et schématique et la facture moins soignée. 108 Même si ceux-ci se retrouvent, associés au programme du bêma, dans une petite série de monuments: cf. supra note 80. Le grand archange, qui était peint au fond de la niche sud, est un autre point commun aux deux décors. 109 Visible dans les absides des deux églises et aussi, par exemple, dans la niche sud-est de la première. 107

16. Anastasis.

17. Anastasis : schéma.

18. Entrée à Jérusalem : schéma. 19. Entrée à Jérusalem, détail.

20. Présentation de la Vierge au temple. 21. Dormition, détail : les femmes.

22. Extrémité orientale du mur nord : rosace et grand-prêtre. 23. Extrémité occidentale du mur nord : saint Procope, rosace ; dans la niche : saint Christophore.

24. Église n° 2 : Aaron. 25. Église n° 2 : saint Jean Chrysostome et saint Nicolas.

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le décor voisin, mais expressifs, vigoureusement modelés et dans un esprit peut-être plus « moderne » pour l’époque. Son art est aussi, dans l’ensemble, d’un effet plus monumental. Conclusion L’intérêt principal des églises de Yüksekli réside en la découverte de peintures de qualité attribuables au XIIIe siècle (milieu ou troisième quart ?), qui invitent à nuancer le jugement assez sévère porté sur la production artistique grecque de la Cappadoce sous domination turque110. La plupart des ensembles connus jusqu’à présent sont, en effet, caractérisés par l’archaïsme de l’iconographie et la pauvreté du style, même quand ils émanent de riches fondateurs, comme Saint-Georges de Belisırma111. Font exception, cependant, les décors de Bezirana kilisesi, dans la vallée de Peristrema, et de Saint-Georges d’Ortaköy, qui, avec aujourd’hui ceux de Yüksekli, témoignent de la circulation, dans la région, de peintres de talent, au courant des tendances nouvelles de la peinture byzantine112. Ils prouvent, comme l’indiquent d’autres sources, que la stabilité et la prospérité économique, dont jouit jusqu’au troisième quart du XIIIe siècle l’Anatolie turque, a profité aussi aux communautés grecques chrétiennes qui s’étaient bien intégrées à la société musulmane113. Si l’origine des artistes ne peut être précisée, la Pour une présentation rapide de l’art de cette époque, voir: Nicole Thierry, « L’art monumental byzantin en Asie Mineure du XIe siècle au XIVe », Dumbarton Oaks Papers 29, 1975, p. 105–109. 111 Cf. Thierry, op. cit. note 18, p. 201–213, et peut-être aussi Karşı kilise (Jerphanion, op. cit., note 4, II, p. 1–16; Restle, op. cit. note 26, fig. 468–473). 112 Pour Bezirana (ou Bezirhanı) kilisesi, cf. Jacqueline Lafontaine-Dosogne, « Une église inédite de la fin du XIIe siècle en Cappadoce, la Bezirana kilisesi dans la vallée de Belisırma, Byzantinische Zeilschrift 61, 1968, p. 291-301; l’auteur place les peintures vers 1200, nous les pensons un peu plus tardives. Pour Saint-Georges d’Ortaköy, voir Jerphanion, op. cit. note 4, II, p. 240–245, mais l’étude du monument est à reprendre. On peut y ajouter les peintures d’assez bonne qualité de l’église du n° 10 de la rue Ali Reis à Ortahisar: Nicole Thierry, « Matériaux nouveaux en Cappadoce (1982) », Byzantion 54, 1984, p. 332–339. 113 Cette situation favorable cesse dans le dernier quart du siècle, avec le retour à l’instabilité et à l’anarchie. Sur la situation en Anatolie et l’intégration des Chrétiens dans la société musulmane: S. Vryonis, The Decline of Medieval Hellenism in Asia Minor and the Process of Islamization from the Eleventh through the Fifteenth Century, Berkeley-Los AngelesLondres, 1971, p. 223–244. 110

NOUVELLE DÉCOUVERTE EN CAPPADOCE

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peinture de Yüksekli est, par son caractère un peu hybride, un intéressant témoignage sur la complexité de ce que l’on appelle aujourd’hui l’« art méditerranéen du XIIIe siècle », art qui mêle, à des degrés divers, composantes orientales et occidentales114.

114 Dans les composantes « orientales » entrent en jeu, outre la tradition constantinopolitaine, celles de la Syrie ou de l’Arménie par exemple. Sur ce concept d’« art méditerranéen », voir: Il Medio Oriente e l’Occidente nell’arte del XIII secolo, éd. H. Belting, Atti del XXIV Congresso Internazionale di Storia dell’Arte, Bologne, 1979, 1982 et en particulier l’introduction de H. Belting, p. 1–10. Il fait l’objet de recherches en cours, comme celles de Doula Mouriki sur la peinture du XIIIe siècle à Chypre, et a été discuté au XVIIe Congrès International d’Études Byzantines, Washington 1986, section «Le Monde méditerranéen au XIIIe siècle ».

VII

Nouvelles églises à Tatlarin, Cappadoce (avec Nicole Lemaigre Demesnil)

N

OUS avons répertorié ces dernières années plusieurs sites inédits en Cappadoce, et bien que leur étude ne soit pas achevée il nous paraît utile de faire connaître déjà l’un d’eux, le complexe d’églises de Tatlarin, qui présente quelques aménagements liturgiques intéressants et dont les peintures, difficiles à classer dans la production connue jusqu’à présent, apportent un éclairage nouveau sur l’art chrétien en Anatolie turque. Le village de Tatlarin est situé à 37 km à l’ouest d’Ürgüp et à 10 km au nord d’Acıgöl, sur un affluent du Kızıl Irmak, l’Acısu Çayı1. Situé à la croisée de deux grands axes de communication médiévaux, la route Ikonion (Konya) — Césarée (Kayseri) et la route Ancyre (Ankara) — Césarée (Kayseri)2, il était protégé par une forteresse érigée sur la falaise qui domine la vallée3. Le nom de Kale (« forteresse ») désigne aujourd’hui la falaise elle-même, creusée de très nombreuses excavations, dont une « ville souterraine », identifiée en 19754, et plusieurs églises5: c’est dans cette zone, encore habitée dans les années soixante, qu’était établi le village médiéval. Hild-Restle, Kappadokien, p. 292 et cartes. F. Hild, Das byzantinische Strassensystem in Kappadokien, Vienne, 1977, p. 66, 71, 79, fig. 40. 3 Ses tours rondes ont été vues vers le milieu du XIXe siècle par Hamilton, Researches, vol. II, p. 247. 4 Elle a été ouverte au public en 1990, mais n’est pas entièrement dégagée. 5 Hamilton, op. cit., n. 2, p. 246–247, en mentionne, dont certaines étaient décorées de peintures; voir aussi H. Rott, Kleinasiatische Denkmäler aus Pisidien, Pamphylien, Kappadokien and Lykien, Leipzig, 1908, p. 249 (Karacakilise). La publication de l’une de ces églises peintes, annoncée par M. Restle, n’a jamais vu le jour: Hild-Restle, Kappadokien, p. 292, et M. Restle, Kappadokien, RbK, 3 (1978), col. 997, 1106; sur celle-ci, dont les peintures se sont fortement dégradées ces dernières années, voir aussi: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, 1 2

NOUVELLES ÉGLISES À TATLARİN

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L’ensemble qui nous intéresse, situé à proximité immédiate de la « ville souterraine » et de nombreuses salles, regroupe deux églises doubles (nos 1 ou A et 2 ou B), étroitement imbriquées l’une dans l’autre6. Encastrée entre les deux, un espace terminé par une forme absidale7 constitue l’accès actuel aux deux édifices (Fig. 1, 2). L’église n° 1 (A), au nord, est orientée au nord-est8. L’entrée primitive, non conservée, se situait dans la partie orientale de la nef sud; la paroi, détruite dans sa partie basse, est aujourd’hui remplacée par un mur construit9. Les deux nefs10 sont séparées par trois arcades qui prennent appui sur deux piliers libres intermédiaires et deux piliers engagés dans les parois, les chapiteaux étant réduits à de simples abaques. Dans la partie ouest sont conservés les vestiges d’un stylobate qui reliait les piliers11; à l’extrémité orientale, une arcature aveugle à fond plat12 est taillée dans la paroi. La couverture des deux nefs n’est pas symétrique: dans le vaisseau sud, une voûte en berceau, presque parfaite, prend appui sur une corniche plate qui se projette sur la paroi orientale; dans la nef nord, il s’agit plutôt d’un plafond bombé qui se termine à l’ouest en un berceau aplati, légèrement brisé, la corniche n’étant présente qu’au-dessus des arcades. p. 233–234. Les guides turcs récents signalent le site de Tatlarin pour sa “ville souterraine” et une autre église, récemment nettoyée, celle qui nous intéresse ici: M. Gülyaz et I. Ölmez, Cappadoce, Nevşehir, s.d., p. 71, M. Gülyaz et H. Yenipınar, Établissements rupestres et villes souterraines de Cappadoce, Nevşehir, s.d., p. 81–83. Voir aussi S. Şahin, Tatlarin yeraltı şehri ve kilisesi, Müze kutarma kazıları semineri III (1992), p. 129–146. Nous devons à l’amitié de Murat Gülyaz, archéologue, la connaissance de l’église et l’autorisation de photographier les peintures: qu’il soit ici chaleureusement remercié. 6 Les groupements d’églises ne sont pas rares en Cappadoce médiévale: Epstein, Tokalı kilise, p. 4–13 (Tokalı kilise); Rodley, Cave Monasteries, p. 193–202 (Karabaş kilise). Sur les églises doubles: Ötüken, Zweischiffige Kirchen, n. 15 pour la bibliographie antérieure. 7 Diamètre conservé: 3 m; prof. 1,50 m; elle est recouverte d’un enduit épais avec des traces de peinture. 8 Par commodité, nous indiquons désormais toutes les orientations comme si l’église était correctement orientée à l’est. 9 Une dénivellation existait entre le sol de l’église et l’extérieur; côté église l’inclinaison de l’arc au-dessus de la porte d’entrée est semblable à celle que l’on trouvera dans le passage oriental de l’autre église. 10 L. 5,70 m; 1. totale 5,90 m. 11 Cf. Saint-Jean-Baptiste de Çavuşin; Thierry, Haut Moyen Age, I, p. 61. Il est résiduel à Tatlarin (h. conservée: 0,10 m), comme dans l’église de Hagios Basilios, près de Mustafapaşaköy (notes personnelles). 12 H. 1,06 m, 1. 0,72 m, prof. 0,16 m; elle paraît trop peu profonde pour avoir été une niche-siège, aménagement qui existe au même endroit dans l’église n° 2.

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Les nefs se terminent à l’est par deux absides — la communication qui existe entre elles n’est pas primitive — qui dessinent au sol un demi-cercle outrepassé. L’abside sud, fermée par des chancels, comporte, creusées dans la paroi, une niche frontale à fond plat et, à gauche, une niche-prothèse13; l’autel est perdu et la partie sud de l’abside détruite. Dans la nef nord, la paroi orientale a été retaillée et les aménagements absidaux ne sont pas conservés. Les parois ouest des nefs sont lisses, à l’exception d’une niche creusée très bas dans la partie nord de la nef sud14. Le mur nord (nef nord) a été retaillé à sa base par une porte qui donne accès à une pièce grossièrement carrée dont les parois abritent plusieurs niches irrégulières, dont l’une, au nord-est, est cintrée et bordée d’une moulure. Cette pièce est sans doute d’origine, mais la communication primitive est impossible à restituer et la fonction de cet aménagement difficile à définir15. Cette église est entièrement décorée de peintures qui seront décrites plus loin, après la présentation de l’ensemble n° 2 (B) situé au sud et parfaitement orienté à l’est. Aucune communication n’existe entre les deux églises. La seconde a probablement été creusée après l’église n° 1: c’est du moins ce que suggère la longueur de la nef nord, réduite pour ne pas entailler l’abside sud de l’église primitive. Malgré une excavation grossière et maladroite, l’église n° 2 (Fig. 2), composée de deux nefs couvertes de voûtes en berceau légèrement surhaussé et terminées par deux absides communiquant entre elles, donne une impression de monumentalité16. Un narthex cruciforme était excavé à l’ouest-sud-ouest de l’église: la naissance des arcs des bras nord et est de la croix est conservée. Ces bras étaient très courts, selon la typologie habituelle en zone rupestre. La présence d’un pendentif entre ces deux arcs permet Elle a été agrandie pour faire communiquer les deux absides. Cette implantation basse, inhabituelle, correspond plutôt à celle d’une niche-cuve; pour les rapports entre bénédiction des eaux et célébration des morts dans les églises doubles: Ötüken, Zweischiffige Kirchen, p. 547–548. Elle rappelle aussi les cintres que l’on trouve à la tête de certaines tombes (Archangélos et Hagios Stéphanos de Cemil, église en croix inscrite de la vallée de Karacaören: notes personnelles), mais à Tatlarin, aucune trace de tombe n’est visible à cet emplacement. 15 À l’est du village de Nar, une grande église en croix inscrite — inédite — est flanquée par une pièce annexe nord étroite (diakonikon ?), qui communique par une porte et deux « fenêtres » avec le naos. 16 Nef sud: L. 7 m, 1. 4,15 m, h. actuelle 6,50 m. Nef nord: L. 5 m, 1. 2,70 m, h. 4,50 m. 13 14

1. Vue de l’entrée des églises de Tatlarin. Cl. N. Lemaigre Demesnil.

2. Plan des deux églises. N. Lemaigre Demesnil.

3. Église no 2 (B), extrémité orientale de la nef sud et abside.

4. Église no 1 (A), nef nord: vue vers l’abside.

5. Vue générale de l’abside.

6. Détail du décor de la conque absidale: l’archange Michel (?). 7. Détail de la Vierge orante au centre de la paroi absidale.

9. Paroi absidale: saint André de Crète.

8. Paroi absidale: saint Modeste.

10. Arc absidal: l’archange Raphaël.

11. La Transfiguration du Christ.

12. Transfiguration: détail de Moïse.

13. Transfiguration: détail d’Élie.

14. Transfiguration: saint Pierre et, à gauche, le visage de saint Jean.

15. L’Entrée du Christ à Jérusalem.

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de restituer une coupole à la croisée. Il ne reste de la porte d’entrée de l’église, située dans le bras nord du narthex, que la partie supérieure de l’encadrement mouluré17; il est décoré de trois moulures plates décalées les unes par rapport aux autres. La porte n’est pas conservée côté nef, mais l’accès est matérialisé dans l’espace du naos par un compartiment d’angle, situé au sud-ouest, aménagement jusqu’à présent unique en Cappadoce. Un pilier haut et épais appuyé sur une base presque carrée18 marque la limite nord de ce compartiment, que couvre une voûte en berceau parallèle à celle de la nef. Les berceaux des deux nefs, renforcés par des arcs doubleaux (deux au sud, un au nord)19, prennent appui sur une corniche saillante, à un seul ressaut, de section quadrangulaire; dans la nef sud, celle-ci se poursuit le long de la paroi orientale et vient ainsi souligner l’imposte des piédroits absidaux. Le sol est retaillé, particulièrement dans la nef sud, mais une dénivellation importante — visible dans l’élévation — existait entre les deux nefs. Celles-ci sont séparées par deux grandes arcades dissymétriques qui prenaient appui sur un pilier massif, dont il ne reste que l’attache au sol. Le cintre de l’arcade orientale, plus basse et plus étroite, est bien conservé: il épouse en s’inclinant la dénivellation entre les deux nefs. Les parois occidentales des deux nefs sont lisses; l’entrée actuelle dans l’église est située dans la nef sud, entaillant un banc qui longe le bas de la paroi. Deux arcatures aveugles, dont le cintre est souligné par un boudin large et saillant, ornent le mur nord de l’église; deux niches irrégulières ont 17 Tradition de décor de porte ancienne en Cappadoce, dont l’entrée principale de la basilique paléochrétienne de Saint-Jean-Baptiste de Çavuşin est un joli prototype (Thierry, Haut Moyen Age, I, pl. 21a), mais dont des édifices moins prestigieux offrent aussi des exemples (église d’İltaş: notes personnelles). On retrouve ce décor de porte aux Xe-XIe siècles: église en croix inscrite de Kızıl Çukur (Wallace, Byzantine Cappadocia, II i, pl. 36, 4, p. 289; N. Asutay et R. Warland, Kreuzkuppelkirche und Klosteranlage im Kızıl Çukur bei Çavuşin/ Kappadokien, Istanbuler Mitteilungen, 42, 1992, p. 307–321, pl. 40, 3); Tağar (Jerphanion, pl. 165–166). 18 Base: 0,58 m x 0,60 m; section du pilier: 0,38 x 0,40 m. 19 Les doubleaux sont couramment employés dans les basiliques paléochrétiennes rupestres: basiliques du village d’Akköy et du monastère d’Özkonak (notes personnelles), de l’église de Durmuş, près d’Avcılar (Wallace, Byzantine Cappadocia, II ii, pl. 59, 3, p. 421); dans l’architecture construite: M. Restle, Studien zur frühbyzantinischen Architektur Kappadokiens, Vienne, 1979, II, plan 12 (Tilköy). Pour l’époque médiévale: Tokalı kilise (Epstein, Tokalı kilise, p. 6, fig. 49–50), Sainte-Barbe de Soğanlı (Rodley, Cave Monasteries, fig. 39, p. 203).

NOUVELLES ÉGLISES À TATLARİN

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été creusées postérieurement au fond, la niche orientale entaillant la moulure de l’arcature. L’aménagement le plus intéressant de cet ensemble se trouve au sud, où, au milieu de la paroi, s’ouvre une chambre funéraire20, surélevée par rapport à la nef et éclairée par une fenêtre, ouverte dans le mur sud. Couverte d’une voûte en berceau dont l’axe est perpendiculaire à celui de la nef, elle est encadrée par le compartiment d’angle occidental et par un compartiment d’angle oriental légèrement plus bas, dont il ne reste que la trace du pilier sud-ouest et la naissance de l’arc, côté paroi. L’élévation de la nef met en valeur cette structure funéraire: les deux arcs doubleaux l’encadrent et un arc en plein cintre, appuyé sur les deux piliers des compartiments d’angle, est sculpté au-dessus de l’entrée; très haut placé, il vient mordre le versant sud de la voûte, un deuxième arc lui fait pendant sur le versant nord au niveau du passage occidental entre les deux nefs. À l’entrée de cette annexe, dans le naos, est creusée une tombe d’adulte21 orientée vers l’est; une seconde tombe, peut-être d’enfant, qui a été retaillée en même temps que le sol de la nef, se trouve dans le compartiment d’angle sud-est. La présence de tombes dans le naos des églises de Cappadoce, dans des chambres annexes, sous arcosolia ou creusées dans le sol, n’est pas rare22, mais ici la mise en valeur de l’emplacement de la tombe principale semble indiquer une inhumation privilégiée. La partie orientale de la nef sud (Fig. 3), plus étroite, faisait peut-être partie du sanctuaire23: au nord, un passage, ménagé sous l’arcade orientale, mène vers l’abside nord, tandis qu’au sud est creusée une niche-siège24. Largeur: 1,90 m; prof. 1,95 m. Pour les chambres funéraires dans les églises de Cappadoce: Rodley, Cave Monasteries, p. 262 (s.v. tomb chambers); Wallace, Byzantine Cappadocia, I, p. 167–178. 21 L. 1,90 m, 1. ext. 0,70 m. L’autre tombe mesure 1,50 m sur 0,60 m, mais les bords ont été retaillés. 22 Cf. N. Teteriatnikov, Burial Places in Cappadocian Churches, The Greek Orthodox Theological Review, 29 (1984), p. 148–151, dont l’analyse est contestée par Wallace, Byzantine Cappadocia, I, p. 192–229, particulièrement n. 84, p. 192 et n. 93, p. 193. 23 Voir l’organisation orientale de Saint-Jean-Baptiste de Çavuşin (Thierry, Haut Moyen Age, I, p. 62 et n. 3). 24 Largeur: 0,67 m, h. 1,30 m, prof. 0,40 m. Dans l’église inférieure — double croix libre — de la vallée de Çat (inédite), deux niches-sièges, dans le bras oriental, encadrent l’entrée de l’abside sud, que ferment des chancels; un aménagement proche, les niches regardant vers le naos, se voit à Göreme 4b: Wallace, Byzantine Cappadocia, II ii, pl. 73, 1, p. 536. Dans des édifices plus prestigieux, les niches-sièges sont remplacées par des « trônes » à accoudoirs 20

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Les deux absides ouvrent sur presque toute la largeur de la paroi orientale, l’arc triomphal prenant appui sur des piédroits élancés, dont l’imposte est réduite à la projection orientale de la corniche de la nef. Communiquant entre elles, elles sont surélevées par rapport aux nefs et dessinent au sol un demi-cercle outrepassé25; elles sont couvertes par une conque hémisphérique qui prend appui, dans l’abside sud, sur une corniche26 haut placée sur la paroi. Les absides qui se terminent toutes deux à l’est par une niche profonde (voûtée en cul-de-four)27, typologie inhabituelle en Cappadoce, présentent des aménagements liturgiques différents. Dans l’abside sud, deux cavités rectangulaires soigneusement excavées retiennent l’attention. La première28, au sud-ouest de la paroi, a conservé à l’intérieur les supports servant à poser une tablette29. La seconde (détruite dans sa partie antérieure)30 est ménagée à la base de la niche frontale orientale (Fig. 3), implantation sans parallèle précis en Cappadoce31, mais bien

regardant vers le naos: Tokalı 2 (Epstein, Tokalı kilise, p. 9, fig. 48), Karanlık kilise (Wallace, Byzantine Cappadocia, II iii, pl. 110, 2, p. 816); à Eski Gümüş, le siège est situé au nord de la pièce d’angle nord-est (Rodley, Cave Monasteries, p. 115, fig., 114). 25 Abside sud: 1. 2,85 m, prof. 1,95 m. Abside nord: 1. 2,35 m, prof. 1,50 m. 26 Trait commun à de nombreux édifices paléochrétiens, repris par référence aux traditions anciennes lors du renouveau architectural médiéval, il témoigne du parti pris monumental des « architectes » de Tatlarin; cf. au sujet d’une église de Sofular: N. Thierry, Matériaux nouveaux en Cappadoce (1982), Byzantion, 54 (1984), p. 355–357. 27 Elles mesurent dans l’abside sud: 1. 1,75 m, prof. 1 m, h. 2,35 m, dans l’abside nord: 1. 1,42 m, prof. 1,17 m, h. 2,05 m. Des exemples de niches en cul-de-four au fond d’absidioles sont attestés dans certaines églises paléochrétiennes de Palestine et de Jordanie: S. Margalit, The bi-apsidal churches in Palestine, Jordan, Syria, Lebanon and Cyprus, Liber Annuus, 40 (1990), p. 327–328 et n.s. 17–21 pour d’autres exemples. 28 Larg. 0,50 m, h. 0,40 m, prof. 0,50 m. 29 Ce qui rappelle l’aménagement de certaines niches-prothèses comportant une cavité rectangulaire limitée par une tablette épaisse réservée dans le tuf: C. Jolivet-Lévy et G. Kiourtzian, Découvertes archéologiques et épigraphie funéraire dans une vallée de Cappadoce, Études balkaniques. Cahiers Pierre Belon, 1 (1994), p. 160, n. 37. Les aménagements de ce type ont pu servir de placard pour la vaisselle liturgique. 30 Larg. 0,64 m, h. 0,20 m, prof. 0,45 m. 31 Où l’on trouve en revanche des marques d’encastrement de croix dans certaines niches frontales: Zelve 4, Güllü dere 5, Saint-Georges de Zindanönü (Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 5, 44, 58). Dans l’église supérieure de la vallée de Çat (inédite), une cavité étroite et profonde au-dessus de la niche a pu servir à encastrer une croix-reliquaire, aménagement à comparer à celui de Saint-Néophyte à Paphos (Mango-Hawkins, St. Neophytos, p. 158, fig. 45–46).

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connue, à une époque plus reculée, en Palestine32. On peut proposer de restituer là l’emplacement d’un loculus, qui aurait permis l’encastrement d’un reliquaire non conservé33. En Cappadoce, un seul reliquaire, de datation délicate, a, à notre connaissance, été trouvé in situ, dans une église de la vallée de Gömede (près de Mustafapaşaköy)34; situé dans la paroi nord précédant l’absidiole sud, il était inséré dans une cavité35, fermée par un bloc de tuf, sous une croix gravée. D’autres types d’aménagements susceptibles d’accueillir des reliques sont attestés en Cappadoce, presque toujours orientés à l’est. Deux d’entre eux — à Saint-Jean-Baptiste de Çavuşin et Pancarlık kilise (Saint-Théodore), près d’Ürgüp — sont de petites fosses creusées dans le sol de l’abside36. Plus souvent il s’agit de cavités creusées à la base ou à mi-paroi de l’autel37, parfois rectangulaires et bien taillées, comme dans les Kubbeli kilise nos l et 2 de Soğanlı38, parfois formant une petite niche cintrée comme à Hagios Basilios, Hagios Stéphanos ou Merdiven kilisesi39. Les cas d’implantation dans la paroi 32 N. Duval, L’architecture chrétienne et les pratiques liturgiques en Jordanie en rapport avec la Palestine, Churches built in Ancient Times. Recent Studies in Early Christian Archaeology, Londres, K. Painter éd., 1994, p. 182–184. 33 Dans l’église de Shivta, au Négev, un reliquaire a été trouvé à cet emplacement: R. Rosenthal-Heginbottom, Die Kirchen von Sobota und die Dreiapsidenkirchen des Nahen Ostens, Wiesbaden, 1982, p. 42–45, fig. 5–6. 34 L’église, inédite, se trouve dans les environs de Timios Stavros: L. Giovannini, Arts de Cappadoce, Genève, 1971, plan 2, n° 10. C’est une église funéraire à nef transversale et trois absides, les absidioles latérales étant précédées chacune d’une petite pièce rectangulaire à plafond, décoré au nord d’une croix sculptée; d’autres croix sont sculptées ou gravées sur la paroi orientale et dans le sanctuaire. 35 Larg. 0,42 m, h. 0,35 m, prof. 0,34 m. La boîte, conservée au Musée d’Ürgüp, ne paraît pas très vieille, mais l’emplacement dans le sanctuaire peut correspondre à une tradition plus ancienne. Nous remercions M. Yaşar Tuzcu, directeur du musée, de nous avoir permis de voir cet objet. 36 Pour celle de Çavuşin: Thierry, Haut Moyen Age, I, p. 64, pl. 22, c et d; J.-P. Sodini, Les cryptes d’autel paléochrétiennes: classification, Travaux et mémoires, 8 (1981), p. 445; pour Pancarlık: Wallace, Byzantine Cappadocia, II, i, p. 9, 17, pl. 2, 4. 37 Sur la face ouest de l’autel, quand cela est possible: Saint-Syméon de Zelve, Göreme 13, Akılı vadisi: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 8, 117, 173; à Balkan dere 4, une cavité rectangulaire est creusée dans le sol, à l’emplacement présumé de l’autel: ibid., p. 202; cf. Wallace, Byzantine Cappadocia, I, p. 113, n. 5. Voir aussi la cavité signalée par S. A. Wallace à la base de l’autel de Göreme 5a: ibid., I, p. 13, II, ii, p. 544 et pl. 75, 2. 38 Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 263, 265. 39 Pour Hagios Basilios: Wallace, Byzantine Cappadocia, II, i, p. 151; pour Hagios Stéphanos et Merdiven kilisesi (ou Derin dere kilisesi): notes personnelles. À Güllü dere 3, une cavité cruciforme peu profonde située dans le prolongement occidental du naos correspond

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absidale sont moins nombreux. Un exemple ancien peut être restitué dans la basilique n° 4 de Zelve, où les supports, réservés dans la partie basse de la cavité d’encastrement de la croix centrale, permettaient de poser une tablette isolant ainsi une cavité rectangulaire au pied de la croix: celle-ci pouvait accueillir un reliquaire40. Pour l’époque médiévale, deux cas d’emplacement non orienté à l’est sont connus: celui de l’église funéraire de la vallée de Gömede, déjà mentionnée, et celui de l’église de Yüksekli n° l, où une cavité cruciforme, creusée au sud de la paroi absidale, a pu servir de réceptacle pour un petit reliquaire41. Si l’on retient comme probable la présence de reliques dans l’abside sud de l’église n° 2 de Tatlarin, l’excavation de la tombe dans le sol du naos, à l’entrée de la chambre funéraire, pourrait s’expliquer par le désir de la rapprocher de ces éventuelles reliques, ce qui renforce l’hypothèse d’une inhumation privilégiée42. Rien n’indique qu’il y ait eu des chancels ou tout autre système pour fermer cette abside sud au niveau de l’arc absidal ou du rétrécissement oriental, il est vrai mal conservé. En revanche, des chancels trapus fermaient l’abside nord, où, en l’absence de toute trace d’autel, on peut supposer que la base de la niche frontale faisait fonction de table d’autel43, tandis qu’une niche latérale cintrée44, dans l’angle nord-ouest, servait probablement de prothèse. L’abside nord offrait donc un dispositif liturgique complet pour le déroulement de la synaxe eucharistique45: elle a pu être destinée à la plutôt à une cavité d’encastrement de croix (Thierry, Haut Moyen Age, I, p. 117–119), comme peut-être aussi celle qui se trouve derrière l’autel à Karabaş kilise (Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 267) et dans une église de la vallée de Karacaören (notes personnelles). 40 L’hypothèse de la présence d’une relique de la croix dans cette église a déjà été avancée: Thierry, Haut Moyen Age, II, p. 357–358; Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 5, n. 8. 41 Jolivet-Lévy, Yüksekli, p. 113, p. 135, n. 3. Des reliquaires en forme de croix, mais orientés à l’est, se trouvent dans les chapelles de la tribune de l’église nord du monastère de Constantin Lips: T. Macridy, The Monastery of Lips and the Burials of the Palaeologi, DOP, 18 (1964), p. 253–278, en particulier p. 260 et fig. 25–26. 42 J.-P. Sodini, Les tombes privilégiées dans l’Orient chrétien (à l’exception du diocèse d’Égypte), L’inhumation privilégiée du IV e au VIIIe siècle en Occident, Actes du Colloque de Créteil, 16–18 mars 1982, éd. Y. Duval et J.-Ch. Picard, Paris, 1986, p. 233–242. 43 Comme à Karşı kilise, où l’autel est taillé dans la paroi absidale (Restle, Wall Painting, III, n° LI, fig. 468), dans les absidioles de Sarıca kilise (Wallace, Byzantine Cappadocia, IIi, pl. 4, 3, p. 35), etc. 44 Larg. 0,67 m, prof. 0,34 m, h. 0,72 m. 45 T. F. Mathews, « Private » Liturgy in Byzantine Cappadocia: Toward a Reappraisal, Cahiers archéologiques, 30 (1982), p. 125–138 (p. 131–134).

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célébration de l’office principal, l’abside sud étant réservée aux cérémonies commémoratives46. Les deux absides communiquent et une niche est taillée dans le passage47. La fourchette chronologique pour l’excavation de ce monument ne peut être que large: la référence maladroite aux traditions architecturales anciennes renvoie à l’époque médiévale, la présence des pièces d’angle et de la chambre funéraire s’accordant avec les données cappadociennes du XIe siècle; mais ceci n’exclut pas une datation plus tardive, à l’époque de la domination turque. L’étude des peintures qui recouvrent l’ensemble du monument aurait peut-être permis de clarifier les fonctions de l’édifice et les liens éventuels entre cette église-mausolée et l’église double attenante, mais elles sont trop noircies pour que l’on puisse même déchiffrer les sujets. Il n’en est pas de même dans la nef nord de l’église n° 1 (Fig. 4) qui a bénéficié de travaux de restauration en 1991, sous la responsabilité du Musée de Nevşehir et de l’archéologue et restaurateur Rıdvan İşler, qui a procédé au nettoyage des fresques, à la consolidation de l’enduit et à la protection des peintures. Dans l’abside sud, seuls le décor de la niche médiane — la Vierge avec l’Enfant au fond, une série de croix de Malte en médaillons à la douelle — et une tête d’évêque ont été dégagés; un autre évêque, à gauche de l’abside, a été à demi nettoyé, mais la restauration des peintures du vaisseau sud n’est pas envisagée pour l’instant, ce qui nous prive d’une approche globale de la décoration de l’édifice. La conservation du décor de la chapelle nord est dans l’ensemble très satisfaisante: sans doute la suie qui a longtemps masqué les peintures les a aussi protégées des déprédations. Les destructions les plus importantes concernent l’abside (tête de la Vierge, bas de la paroi et partie sud), le mur ouest de la nef (large lacune à gauche) et le bas du mur nord; en revanche, dans la voûte de la nef, l’état de conservation est excellent. Le programme iconographique est caractérisé par la stricte sélection opérée dans le cycle christologique — quatre scènes seulement — et par la disposition un peu inhabituelle des sujets (scènes et saints). Les schémas Sur la fonction liturgique des chapelles annexes: G. Babić, Les chapelles annexes des églises byzantines. Fonction liturgique et programme iconographique, Paris, 1969, p. 40–58, 162–173, pour la fonction funéraire. L’église inférieure inédite de la vallée de Çat présente comme à Tatlarin un aménagement distinct dans les deux absides: dispositif pour la synaxe liturgique dans l’abside nord (autel, table de prothèse et templon), siège, mais pas d’autel, dans l’abside sud (notes personnelles). 47 Deux autres, plus petites et d’excavation plus fruste, sont peut-être secondaires. 46

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iconographiques suivis par le(s) peintre(s) remontent pour la plupart à des formules médio-byzantines, enrichies cependant de quelques détails qui trahissent une date plus tardive. Le répertoire hagiographique est, compte tenu des dimensions limitées de la nef, relativement riche, il est surtout en partie rare et original, comme l’est aussi le style des peintures, marqué par une stylisation brutale, mais expressive, très éloigné de l’art byzantin de tradition constantinopolitaine. L’ornement — chevrons, quadrillages, imitations de marbre — occupe dans la décoration de l’église une place restreinte et son exécution est particulièrement grossière. Le caractère atypique de ce décor ne permet pas, à l’heure actuelle, de le classer aisément dans la production picturale connue, mais l’analyse de l’iconographie et du style oriente vers une datation non antérieure au XIIIe siècle, à une époque donc où la Cappadoce, conquise par les Seldjoukides à la fin du XIe siècle, est sous domination turque. L’abside présente un programme à deux registres (Fig. 5), dont la principale originalité réside dans le choix des saints évêques. Dans la conque trône la Théotokos, nommée Μή(τη)ρ Θ(εο)ῦ, avec le Christ enfant, entre deux archanges adorant. Marie, en tunique bleu clair et maphorion pourpre foncé, sans le petit mouchoir blanc qu’elle arbore souvent dans les œuvres de tradition constantinopolitaine, est assise sur un trône sans dossier, simple thokos48, rehaussé de nombreuses perles, muni d’un gros coussin rouge. Elle tient l’Enfant (en vêtements ocres), assis dans l’axe de son corps, d’un geste asymétrique traditionnel (main droite sur l’épaule, main gauche sur la jambe). La représentation du Christ suit également l’iconographie courante: la tête est ceinte d’un nimbe crucifère orné d’une gemme dans chaque bras de la croix, il tient un rouleau et bénit devant le corps. Son visage est rond, plein, les traits stylisés, avec des yeux un peu globuleux, à grosses pupilles rondes, mais au regard vif49 sous les sourcils arqués; le nez est fort, la bouche stylisée, mais bien dessinée. Le modelé est schématique: une ombre verte

Comme dans l’abside de Saint-Georges de Kurbinovo et des Saints-Anargyres de Castoria, ce qui peut être considéré au XIIIe siècle comme un archaïsme: HadermannMisguich, Kurbinovo, p. 62. 49 Ce qui rappelle les « rolling eyeballs », que Κ. Weitzmann considérait comme un trait distinctif des ateliers croisés (K. Weitzmann, Studies in Arts at Sinai, Princeton, 1982, p. 301, 333; Id., Icônes, p. 202), mais que l’on retrouve dans une série d’exemples issus des régions de la Méditerranée orientale, ainsi que dans certaines peintures des XIIIe-XIVe siècles de Grèce sous domination franque. 48

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étroite cerne le visage, que rehaussent des ombres brunes sur les joues, le front et le menton. Si la présence de Marie dans l’abside, comme rappel de l’Incarnation que renouvelle chaque célébration eucharistique, est de règle dans les églises byzantines — le type de la Vierge trônant en majesté bénéficiant d’un regain de faveur dans le dernier quart du XIIe et au début du XIIIe siècle50 — le thème est moins fréquent en Cappadoce, où l’on préfère généralement la représentation du Christ, dans le cadre de visions théophaniques ou dans la composition de la Déisis. De chaque côté s’incline, en adoration, un archange en costume antique51, les mains voilées; un fin diadème à perles blanches, dont les rubans flottants encadrent le visage, enserre la chevelure. Les figures sont minces, coupées dans le bas par la bande rouge qui sépare conque et paroi, sans que les pieds soient indiqués. Les sourcils arqués au-dessus des yeux à pupille ronde, le modelé schématique donnent aux visages ronds une expression comparable à celle du Christ dans l’abside (Fig. 6). Les couleurs des vêtements alternent: tunique blanche, manteau rouge pour la figure de gauche, l’inverse à droite, les mains étant cependant toujours voilées sous un tissu blanc. Les drapés sont simplifiés, quelques lignes indiquant sommairement le mouvement du tissu et du corps. Les vêtements clairs sont, comme dans toute l’église, rehaussés d’ornements noirs, sorte de petites rosettes constituées d’un point dans un cercle pointillé. Les inscriptions qui nommaient les deux archanges ont disparu, mais il s’agissait sûrement de Michel et Gabriel, traditionnels en ce lieu, d’autant qu’à l’arc absidal sont figurés Ouriel et Raphaël. Au registre inférieur de l’abside apparaît à nouveau, au centre, dans un encadrement rouge, l’image de la Théotokos, Μή(τη)ρ Θ(εο)ῦ, représentée à mi-corps, les bras levés dans une attitude orante, qui souligne son rôle de médiatrice et d’intercesseur privilégié. Le visage est large et plein, les yeux rapprochés, sous l’arc des sourcils qui tendent à se rejoindre, le nez fort, court, au dessin schématique, de même que la bouche52 (Fig. 7). De part et Hadermann-Misguich, Kurbinovo, p. 62. Ce qui peut aussi être considéré, au XIIIe siècle, comme un archaïsme. 52 Ce visage et en général les visages juvéniles ou féminins de Tatlarin rappellent, en plus schématiques et plus ronds, ceux d’icônes et de peintures murales de la seconde moitié du XIIIe siècle au Sinaï et à Chypre (Panagia de Moutoullas, 1280): Mouriki, ThirteenthCentury Icon Painting, p. 71 et fig. 44–47; voir aussi, pour une reproduction en couleurs de l’icône des saintes Catherine et Marina au Sinaï, Weitzmann, Icônes, p. 235. K. Weitzmann attribuait ce groupe d’icônes à des peintres d’Italie du Sud, tandis que pour D. Mouriki, elles 50 51

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d’autre étaient alignés des évêques hiératiques et frontaux, portant chacun un livre fermé; ils étaient six à l’origine, et quatre sont conservés (trois à gauche, un à droite)53. Du premier, à gauche, à barbe blanche bifide et cheveux courts, ne sont conservés que la tête et le début du nom ὁ ἅ(γιος) Μιτ . . . Le seul saint évêque représenté en Cappadoce dont le nom commence ainsi est Métrophane (Μητροφάνης), patriarche de Constantinople (v. 306/307– 314/315), commémoré le 4 juin et figuré dans la nouvelle église de Tokalı, à Göreme, vers le milieu du Xe siècle54. Un autre argument en faveur de cette identification est la présence, à proximité, de saint André de Crète, commémoré les mêmes jours que saint Métrophane55. L’évêque suivant, à cheveux bruns et barbe brune taillée en pointe, vêtu d’un phélonion rouge, est Modeste, ὁ ἅ(γιος) Μόδεστος, abbé de Palestine devenu en 630 patriarche de Jérusalem, fêté le 19 octobre56 (Fig. 8). Contrairement à Métrophane, Modeste est représenté dans une série d’églises de la région, mais son type iconographique n’est pas fixe57. À côté seraient plutôt l’œuvre d’artistes d’origine orientale, peut-être des Syriens formés à Chypre et travaillant au Sinaï. Certaines miniatures arméniennes de Cilicie offrent aussi des visages un peu comparables: S. Der Nersessian, Miniature Painting in the Armenian Kingdom of Cilicia from the Twelfth to the Fourteenth Century, Washington, DC, 1993, II, fig. 647 (Jérusalem, Patriarcat arménien 2568, fol. 320, XIIIe s.); B. Brentjes, S. Mnazakanjan, N. Stepanjan, Kunst des Mittelalters in Armenia, Berlin, 1981, fig. 234 (évangéliaire de 1287, Erevan, Maténadaran cod. 197, fol. 15 v°). Mais on trouve aussi dans certains décors provinciaux de Grèce, au XIIIe siècle, des visages ronds apparentés; voir également infra, n. 112. 53 La Vierge orante entre les évêques est figurée au registre inférieur de l’abside dans une série de décors cappadociens — dans l’autre église peinte de Tatlarin, à Direkli kilise, Eski Gümüş, à l’Archangélos de Cemil et peut-être dans l’église n° 3 d’Akköy (Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 233, 324, 279, 159, 150) — mais, dans tous les cas, c’est au Christ, peint au centre de la conque, qu’elle est subordonnée. Dans l’église rupestre de la Nativité à Naxos, Marie est, comme à Tatlarin, figurée deux fois, trônant dans la conque, en buste en imago clipeata, au milieu des apôtres, sur la paroi: M. Panayotidi, L’église rupestre de la Nativité dans l’île de Naxos. Ses peintures primitives, Cahiers archéologiques, 23 (1974), p. 110. 54 Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 104. Sur Métrophane, BHG, t. II, p. 117 (1278 y et z); Mateos, Typicon, I, p. 304–305; Synaxarium, col. 727–730; il est aussi mentionné le 4 juillet: ibid., 797, 55. Saint Métrophane demeure rare dans les églises byzantines: LCI, 8, col. 15 (Žiča, XIIIe s.). 55 Voir infra, n. 58. 56 BHG, II, p. 124–125 (1299); Synaxarium, col. 150, 27; voir aussi le 16 décembre (ibid., col. 314, 5) et le 18 décembre (ibid., col. 325, 52); Mateos, Typicon, I, p. 70–71 (19 octobre), p. 132–133 (16 décembre). 57 LCI, 8, col. 20. Nouvelle église de Tokalı (Jerphanion, I, p. 318, sans description, ni photographie), Meryemana/Kuşluk de Kılıçlar (ibid., p. 144), chapelle au-dessus de Kılıçlar

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se tient André de Crète — ὁ ἅ(γιος) Ἀνδρέας Κρήτης — à cheveux et barbe blancs, qui porte un phélonion pourpre (Fig. 9). Célèbre poète et hymnographe — auteur en particulier d’un panégyrique en l’honneur de saint Georges, à qui l’église était peut-être dédiée — fêté, comme saint Métrophane, le 4 juin et le 4 juillet58 et lié comme Modeste à la Jérusalem du VIIe siècle, il n’est pas attesté ailleurs dans les absides de Cappadoce59. Du côté droit de l’abside n’est conservé qu’un seul prélat, à barbe et cheveux blancs; l’inscription fragmentaire de son nom, A . . . ΤΗΔΙΟC, ne nous a pas permis de l’identifier. Deux particularités du programme absidal semblent indiquer que l’église — ou du moins ce vaisseau — n’était pas destinée à la liturgie eucharistique courante: le choix original des prélats et, dans une moindre mesure, la frontalité des figures. Les auteurs des liturgies eucharistiques, quasi obligatoires en ce lieu, Basile de Césarée et Jean Chrysostome, ne sont pas représentés non plus que Grégoire de Nazianze, Nicolas, Blaise ou Hypatios, si fréquents dans les absides cappadociennes60. Le choix des saints, insolite, reflète sans doute les préférences personnelles des fondateurs, et peut-être leur lien avec la Palestine. Le hiératisme des évêques surprend moins, le thème des évêques officiants qui s’impose en général dans les églises byzantines à partir de la fin du XIIe siècle n’ayant jamais eu force de loi en Cappadoce61. Ici, cependant, la fonction particulière — funéraire probablement — de la chapelle, que suggèrent d’autres particularités du programme iconographique, suffirait à expliquer leur représentation hiératique62. Les attributs du costume épiscopal orientent vers une datation qui ne saurait être antérieure au XIe siècle: outre l’omophorion orné de croix et (ibid., p. 256, pl. 59, 4), Göreme 11 (ibid., p. 154, pl. 38, 4), Karabaş kilise (Jolivet, Églises byzantines, p. 269) et peut-être Göreme 10a (ibid., p. 111, n. 230). À Meryemana et Karabaş, Modeste est représenté âgé, avec une barbe blanche, tandis qu’à Kılıçlar et Göreme 11, il est, comme à Tatlarin, brun. 58 Né vers 660 à Damas, il embrassa la vie monastique à Jérusalem (d’où son surnom de Hiérosolymitain); élu métropolite de Crète entre 692 et 713, il est mort en 740 à Lesbos. Cf. BHG, 1, p. 34–35 (113–114c), Synaxarium, col. 730, 7; 795, 28; également le 4 mai: col. 653, 54; LCI, 5, col. 156; Mateos, Typicon, p. 304–305 (4 juin), 330–331 (4 juillet), 281 (4 mai). 59 G. de Jerphanion n’en mentionne qu’un seul exemple, et encore est-il hypothétique, à Göreme 3: Jerphanion, I, p. 141. 60 Les prélats habituels étaient peut-être dans l’abside sud. 61 Comme dans de nombreuses églises provinciales de Grèce, où les évêques frontaux sont encore courants au XIIIe siècle. 62 Comme à Constantinople, dans l’abside du parecclèsion funéraire de Kariye Camii.

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l’épitrachèlion, est représenté un grand enchirion, décoré de croix, qui apparaît dans l’ouverture du phélonion d’André de Crète et de l’évêque de droite (Fig. 9). Les figures sont raides et aplaties, les plis schématiques et linéaires des drapés ne suggérant aucun volume, le corps est large, mais les épaules tombantes dessinent une forme presque triangulaire qui culmine avec la tête, proportionnellement petite. Le décor de l’intrados de l’arc absidal complète celui de la conque, puisqu’on y voit deux archanges tournés vers la Théotokos de l’abside, qui associent leurs prières à celles de Michel et Gabriel63. Leur geste asymétrique — les mains ouvertes, l’une levée, l’autre abaissée — est particulier et dû probablement à l’étroitesse de l’espace disponible. À gauche (pour qui regarde vers le fond de l’abside), il s’agit d’Ouriel, ὁ ἀρχ(άγγελος) Οὐρι[ήλ]; à droite, on ne lit plus que ὁ ἀρχ(άγγελος) [Ρα]ϕ[αήλ], pour Raphaël. Les proportions des figures, plutôt maladroites — buste court, longues jambes —, ont été exagérément allongées pour s’adapter à la forme étroite et haute du champ à décorer. Les visages sont bien conservés, avec leurs rehauts de lumière blanche sur l’arête nasale, les paupières, au coin des yeux, sur le front et le menton, une ligne rouge soulignant la bouche (Fig. 10). Comme dans l’abside, les archanges sont vêtus à l’antique: tunique blanche et manteau rose alternent, l’himation, très court, laissant largement dépasser la tunique; l’impression est celle d’un tissu fin, moulant, à petits plis serrés qui tentent maladroitement d’épouser les formes et d’accompagner le mouvement. Les pieds sont chaussés de bottines rouges ornées de perles. Les peintures qui entourent l’ouverture de l’abside (Fig. 4), sur le mur est de la nef, étaient investies d’une valeur protectrice et prophylactique pour le sanctuaire, à l’exception de la partie supérieure, au-dessus de l’arc, dont le décor est ornemental, consistant en trois champs d’ornements simples, d’exécution plutôt maladroite: lignes brisées, qui tentent de reproduire le décor de chevrons fréquent autour des arcs, et quadrillages. Plus bas, encadrant l’abside, deux « icônes » de saints à mi-corps, vus de face, surmontent deux croix latines. Les deux saints reproduisent l’iconographie traditionnelle du martyr: chlamyde à tablion et petite croix dans la main droite. Les visages

63 La représentation des quatre grands archanges dans le programme absidal n’est pas rare en Cappadoce: dans l’église des Archanges de Zindanönü (Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 58), à Yılanlı kilise (İhlara, ibid., p. 308–309), Saint-Georges de Belisırma (ibid., p. 319). On peut supposer aussi qu’ils encadraient la Vierge dans le décor de l’église de la rue Ali Reis à Ortahisar (ibid., p. 199).

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ronds et glabres, entourés d’une chevelure brune descendant jusque sous les oreilles sont à peu près identiques. Les inscriptions permettent d’identifier deux des quarante martyrs de Sébaste64, Héraclios, ὁ ἅ(γιος) Ἱράκλιος (pour Ἡράκλειος), et Oualis, ὁ ἅ(γιος) Οὐάλις (pour Οὐάλης). Très populaires en Cappadoce, les soldats chrétiens victimes en 320 de la persécution de Licinius et condamnés à mourir de froid sur un lac gelé près de Sébaste sont souvent représentés dans les églises de la région. D’autres membres de ce groupe figurent dans la nef, la situation orientale d’Héraclios et Oualis leur conférant une valeur prophylactique particulière, comme on le voit aussi, en Cappadoce, à Saint-Eustathe (Göreme 11), Tokalı kilise 2 ou dans l’église dite de Nicéphore Phocas à Çavuşin65. On peut attribuer la même valeur protectrice aux deux croix latines peintes en dessous. À extrémités évasées et pommées, elles imitent des croix d’orfèvrerie. Celle de droite, la mieux conservée, était fixée sur une base décorée de gemmes et cantonnées des lettres O/T dans les quadrants supérieurs et ς, sommé d’une barre d’abréviation (σταυρός ?), dans le quadrant inférieur droit, cryptogramme dont le sens nous demeure obscur. Ce type de croix à cryptogramme, à valeur prophylactique, devient surtout fréquent dans la peinture murale byzantine à partir de la fin du XIIe siècle66. La disposition des images dans la nef est asymétrique et peu conforme à l’organisation des programmes byzantins traditionnels (Fig. 4): une série de saints occupe toute la moitié sud de la voûte, à un emplacement généralement réservé aux scènes de la vie du Christ. Celles-ci sont peu nombreuses — quatre seulement — la Crucifixion, déployée sur toute la largeur du mur ouest, face à l’abside, bénéficiant d’un traitement privilégié. Sur le versant nord de la voûte sont représentées l’Anastasis (à l’ouest) et la Transfiguration, tandis que l’Entrée à Jérusalem est peinte sous la Descente aux Limbes. Le choix des scènes et leur emplacement sont — en partie — inhabituels et peut-être s’expliqueraient-ils mieux si l’on avait connaissance BHG, II, p. 97–99 (1201–1208); ils sont fêtés le 9 mars. Sur leur culte et leur iconographie: O. Demus, Two Palaeologan Mosaic Icons in the Dumbarton Oaks Collection, DOP, 14 (1960), p. 97 et s. 65 Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 115, 107, 19 (avec n. 36 références pour la fonction protectrice des martyrs de Sébaste). Sur la représentation des quarante martyrs de Sébaste en Cappadoce: G. P. Schiemenz, Wunderkraft gegen kampfende Widersacher, Ἐπετηρὶς Ἑταιρείας Βυζαντινῶν Σπουδῶν, 44 (1979–1980), p. 169–221. 66 Plusieurs exemples à Lagoudéra: Nicolaïdès, Arakiotissa, p. 132–134. Sur ces croix prophylactiques: Babić, Les croix à cryptogrammes. 64

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du programme de la nef voisine, où l’on n’identifie plus que le Baptême (voûte, côté nord). On peut restituer, hypothétiquement, la Nativité sur le mur du fond, en pendant — comme c’est si souvent le cas — à la Crucifixion; les scènes de l’Enfance, complétées par le Baptême, auraient ainsi introduit le décor de la nef nord, l’ensemble constituant un cycle abrégé du salut. Un argument en faveur de la complémentarité des deux nefs est la correspondance existant entre l’emplacement du Baptême (nef sud) et celui de la Transfiguration (nef nord), parallélisme entre deux images théophaniques dont on connaît d’autres exemples67. Même s’il se suffisait à lui-même, le programme de la nef nord était, malgré sa concision, cohérent. La réalité de l’Incarnation et de la nature humaine du Christ, condition de la Rédemption, était exprimée, sur l’axe principal de l’édifice, par les images de l’Enfant avec la Vierge, dans l’abside, et de la Crucifixion, sur le mur du fond68, dont la confrontation traduisait plastiquement le lien souvent commenté par les théologiens entre la naissance du Fils de Dieu et sa mort sur la croix. Les autres scènes du cycle christologique exaltaient surtout la nature divine et la gloire du Christ, qu’il s’agisse de la Transfiguration (préfiguration de la Résurrection, peinte à côté, et de la seconde parousie69), de l’accueil triomphal à Jérusalem ou de la victoire sur la Mort lors de l’Anastasis. La place réservée aux thèmes de la mort et de la résurrection conférait, en outre, une tonalité funéraire Par exemple dans l’abside de Saint-Jean-Baptiste de Çavuşin (Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 24–25). 68 À Açık Saray, la Crucifixion occupe la partie centrale du mur ouest de l’église, face à l’Ascension dans l’abside médiane: G. P. Schiemenz, Die Kreuzkirche von Açık Saray, Istanbuler Mitteilungen, 23/24 (1973/1974), p. 258. La disposition de la Crucifixion à l’ouest, face à la Vierge de l’abside, n’est pas rare dans les églises byzantines à partir du XIIe siècle: elle est vraisemblable à Pérachorio et Lagoudéra, 1192 (Nicolaïdès, Arakiotissa, p. 355), attestée à Saint-Heracleidius, monastère de Jean Lampadistis à Kalopanayotis (Stylianou, Painted Churches, p. 296), à Studenica, église de la Vierge, 1208/1209 (G. Babić, Les plus anciennes fresques de Studenica, 1208–1209, Actes du XV e Congrès international d’Études byzantines, Athènes, 1976, II, A, Athènes, 1981, p. 39–40, avec d’autres exemples); en Grèce, nombreux exemples au XIIIe siècle: Saint-Jean Prodrome à Kastania (Ph. A. Drossoyianni, Σχολία στὶς 67

τοιχογραφίες τῆς ἐκκλησίας τοῦ Ἁγίου Ἰωάννου τοῦ Προδρόµου στὴ Μεγάλη Καστάνια τῆς Μάνης, Athènes 1981, p. 11), Saint-Pierre de Kalyvia Kouvara, 1232, église de la Vierge

de Mérenta (Coumbaraki, Kalyvia-Kouvara, p. 120, 127), église du Sauveur d’Alépohôri, v. 1260/1280 (Mouriki, Alépohôri, p. 13), etc. 69 Comme le soulignent les tropaires de la fête de la Transfiguration: références dans Ν. Β. Drandakis, Les peintures murales des Saints-Théodores à Kaphiona, Cahiers archéologiques, 32 (1984), p. 174, n. 27.

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au programme: fondée et/ou décorée à l’initiative de donateurs privés70, sans doute désireux d’assurer leur salut dans l’au-delà, la chapelle, qui ne semble pas, contrairement à la grande église voisine, avoir abrité de tombes, a pu néanmoins servir de cadre à des offices commémoratifs pour les fondateurs. Dans ce contexte s’explique aussi le nombre important des portraits hagiographiques, expression de la croyance en l’intercession des saints et traduction picturale des prières ou des chants faisant appel à celle-ci. Nous présenterons d’abord quelques remarques sur le cycle christologique, en suivant l’ordre chronologique des scènes, puis sur les images des saints. La Transfiguration (ἱ µετα|µόρφοσυς), peinte dans la voûte, du côté nord, s’inscrit entre des panneaux contenant des figures de saints (à droite et en dessous) et l’Anastasis (à gauche) (Fig. 11). Le schéma est simple, symétrique et statique, centré sur le Christ transfiguré, en vêtements clairs (tunique blanche et manteau rose). Désigné par les sigles habituels, tracés en rouge de part et d’autre de son nimbe, il bénit de la main droite, posée devant le buste, et tient un rouleau de la gauche abaissée. La mandorle qui l’enveloppe est verte vers le centre, puis jaune et orangée vers l’extérieur. Les rayons émanant du Christ ont été mal interprétés par le peintre: si les deux du haut viennent normalement frapper les nimbes de Moïse et Élie, ceux du dessous s’incurvent, évoquant l’arc-en-ciel sur lequel siège le Christ dans les images d’Ascension, et s’arrêtent sur le bord de la mandorle, de même que les deux rayons inférieurs. Moïse, à gauche, imberbe, à cheveux courts hérissés sur le haut de la tête (Fig. 12), porte un himation rouge et tient un livre à reliure orfévrée (les Tables de la Loi). Élie, vêtu à l’antique d’un manteau brun, un rouleau à la main, est barbu avec de longs cheveux blancs, qui se dressent vers le haut en mèches séparées (Fig. 13). La coiffure des deux prophètes, en calotte autour de l’arrondi du crâne, évoquant une coiffure postiche, rappelle certaines schématisations de la peinture orientale71. Contrairement à la formule la plus courante, Pierre est ici à droite, de même qu’Élie, et Jacques est à gauche, sous Moïse72. L’attitude des disciples est calme et retenue, conformément aux modèles médio-byzantins. Le portrait de l’un d’eux est conservé sur un pilier: voir infra. En Égypte (voir en particulier saint André dans la chapelle VI de Baouit: A. Grabar, L’âge d’or de Justinien, Paris, 1966, fig. 187), Syrie ou Nubie. 72 Comme dans le Paris. gr. 510 et dans les « églises à colonnes » de Göreme (Jerphanion, I, p. 386). 70 71

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Pierre, agenouillé selon la formule qui prédomine à partir du milieu du XIe siècle, lève le bras droit, s’adressant au Seigneur (Fig. 14). Jean, ébloui par la lumière, est allongé sur le sol, un pan de son vêtement ramené vers le visage; au-dessus d’un long chiton clair rehaussé, comme les tuniques claires de Moïse, de Jacques et de Pierre, de petits ornements noirs pointillés, il porte un ample manteau rouge qui rappelle celui de saint Jean dans la Transfiguration de l’église du Sauveur, près d’Alépohôri, dans la région de Mégare (vers 1260–1280)73. Jacques est assis, les mains sur les genoux74. Le fond est partagé en deux zones: le Christ et les personnages de l’Ancien Testament, sur fond bleu, sont debout sur un sol ocre, tandis qu’une ligne ondulée blanche limite le registre inférieur, rouge et brun, où se trouvent les trois disciples; les trois collines, sur lesquelles se tiennent souvent, au XIIIe siècle, le Christ, Moïse et Élie, ne sont pas représentées75. L’Entrée à Jérusalem, située sur la paroi nord, à l’extrémité occidentale, juste sous l’Anastasis, est détruite dans la partie inférieure (Fig. 15). La composition est, comme la Transfiguration, de conception archaïque: dépouillée, avec un nombre restreint de personnages, statique, sans profondeur et marquée par la frontalité ou la quasi-frontalité des personnages, toutes caractéristiques qui contribuent à la solennité de l’épisode, en accord avec le caractère triomphal de l’entrée du Christ à Jérusalem. Si la scène rappelle surtout les représentations médio-byzantines, un schéma similaire s’observe dans certaines images provinciales de la seconde moitié du XIIIe siècle: à Alépohôri ou à Chypre, dans l’église de Moutoullas76. La ville est ici représentée dans la partie gauche, peut-être parce que la Crucifixion est de ce côté, le sens de lecture du récit étant ainsi respecté. Du Christ, il ne reste que la tête, parfaitement frontale, et la main droite levée, bénissant. Mouriki, Alépohôri, p. 13. Attitude très proche de celle de Jacques dans la chapelle nord-ouest de Hosios Loukas, XIe siècle (T. Chatzidakis-Bacharas, Les peintures murales de Hosios Loukas. Les chapelles occidentales, Athènes, 1982, fig. 19), sur une icône tétraptyque du Sinaï, fin XIIe siècle (Mouriki, Icons, fig. 28), comparable aussi à celle de Saint-Georges de Belisırma, XIIIe siècle (Restle, Wall Painting, III, fig. 514), où cependant Jacques lève la main droite vers le Christ. 75 La topographie est comparable sur des icônes du Sinaï de la fin du XIIe siècle: Mouriki, Icons, fig. 25, 28. Voir aussi Saint-Pierre de Kalyvia-Kouvara, en 1232, où cependant deux hautes montagnes s’élèvent derrière les prophètes: Coumbaraki, Kalyvia-Kouvara, pl. 30, qui cite, p. 78, d’autres Transfigurations du XIIIe siècle qui ne sont pas situées au sommet du mont Thabor. 76 Mouriki, Alépohôri, p. 24 et pl. 25; Mouriki, Moutoullas, p. 185–186, fig. 14. 73 74

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Cette attitude du Christ, dont le regard et la bénédiction semblent s’adresser au spectateur de l’image77, commence surtout à se généraliser à partir du XIIe siècle78. Deux disciples seulement escortaient le Christ à droite, l’un presque entièrement détruit (Pierre ?), l’autre jeune — sans doute Thomas (ou Philippe), tenant un rouleau. Ils se détachent sur un fond de colline, indiquée conventionnellement par une ligne ondulée, qui représente le mont des Oliviers. Dans la partie gauche de la composition (Fig. 16) se dresse le traditionnel palmier, dans le feuillage duquel est assis, de face, un enfant agrippé aux branches. À côté, la ville de Jérusalem, évoquée seulement par deux tours crénelées, schématiques et plates, chacune encadrant l’un des personnages du premier plan. Les deux Juifs barbus79 ont chacun un petit rameau à la main; le premier tenait un enfant dont il ne reste que la tête. La grande composition de la Crucifixion, ἡ σταυρό|σις80, sur le mur ouest, malheureusement endommagée dans la partie gauche, montrait autour du Christ en croix entre le soleil et la lune, non seulement la Vierge et saint Jean, mais le porte-lance (détruit), le porte-éponge, une sainte femme et le centurion, formule qui rappelle celle en usage en Cappadoce au XIe siècle81 (Fig. 17). Archaïque également est le fond nu, sans paysage, excepté la bande ocre du sol et le monticule très stylisé du Golgotha (dont il ne reste qu’un fragment), sans architecture, ni anges volant dans le haut de la scène82. Ce dépouillement met en valeur, sur le fond bleu sombre, la grande figure claire du Christ, fixé sur une croix brune, dont le titulus ne porte aucune inscription. Un pagne clair, rehaussé des ornements pointillés habituels dans

Et peut-être ici au donateur, peint en face, sur le pilier. Mais elle existe avant, à El Nazar par exemple (Restle, Wall Painting, II, fig. 19) ou dans la crypte de Hosios Loukas (C. L. Connor, Art and Miracles in Medieval Byzantium. The Crypt at Hosios Loukas and its Frescoes, Princeton, NJ, 1991, fig. 54); pour les exemples du XIIe siècle: Hadermann-Misguich, Kurbinovo, p. 140. Voir aussi: Mouriki, Icons, fig. 31 (icône du Sinaï, v. 1200). 79 Contrairement à l’iconographie la plus fréquente en Cappadoce qui ne montre que des figures jeunes et imberbes (Jerphanion, I, p. 85, pour le groupe « archaïque »). 80 L’inscription, sur deux lignes, est tracée sous le coude gauche du Christ. 81 À Karabaş kilise, Soğanlı (Restle, Wall Painting, III, fig. 463) ou dans les « églises à colonnes » de Göreme, où cependant deux myrophores sont représentées derrière la Vierge (Restle, Wall Painting, II, fig. 183, 209, 237). Dans l’art byzantin « classique », porte-lance et porte-éponge ne sont représentés de nouveau qu’à partir du début du XIIIe siècle: Hadermann-Misguich, Kurbinovo, p. 151. 82 La composition de Moutoullas à Chypre témoigne à la fin du XIIIe siècle du même archaïsme: Mouriki, Moutoullas, p. 186–187, fig. 15. 77 78

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cette église, enserre les hanches et descend presque jusqu’aux genoux. L’effet de la mort est bien marqué: le visage large, aux traits énergiques, aux yeux clos et à l’expression douloureuse, tombe sur l’épaule droite (Fig. 18); les bras dessinent une ligne brisée au niveau du coude, trait que G. Millet considérait comme une formule orientale83. Pour le reste, le corps demeure assez droit, avec seulement un léger déhanchement, qui fait saillir l’abdomen vers la gauche. L’anatomie est maladroite — épaules étroites, membres longs et minces, ventre saillant — et fortement stylisée; les côtes sont indiquées par des lignes parallèles continues84, tandis qu’une double ligne en forme de cœur est tracée au niveau du diaphragme, stylisation « décorative » fort rare. Les contours noirs sont doublés d’une ombre verte, à laquelle s’ajoutent quelques rehauts rouges et des lumières blanches, sur le ton ocre de la chair. Une représentation assez proche du Christ en croix, en particulier pour la position et le dessin de la tête, la ligne brisée des bras, se voit dans un évangéliaire syriaque copié à Edesse en 1222 et conservé à Jérusalem (SaintMarc-des-Syriens 6)85. À gauche, le porte-lance a disparu, tandis qu’il ne reste de la Vierge qu’un fragment du maphorion brun et le M du sigle qui la nommait. Derrière elle, une seule femme, vêtue de rouge, les mains sous le vêtement levées vers le visage en un geste d’affliction traditionnel86. À droite (Fig. 19), les trois figures symétriques sont conservées: le porte-éponge, à très petite échelle, saint Jean et le centurion. Le premier, qui tend vers le Christ une éponge rouge, est représenté en soldat, avec cuirasse et casque. Jean, deux fois plus grand, porte une tunique claire décorée (comme l’était aussi le costume du porte-éponge) d’ornements noirs, sous un himation court de couleur rouge. La main gauche Millet, Recherches, p. 413–414. Stylisation rare, qui apparaît dans la Crucifixion de la Mavriotissa de Castoria, dont la datation au début du XIIIe siècle paraît la plus probable: L. Hadermann-Misguich, À propos de la Mavriotissa de Castoria. Arguments iconographiques pour le maintien de la datation des peintures dans la première moitié du XIIIe siècle, Studia slavico-byzantina et medioevalia europensia, I (1988), p. 143–148 et, pour la Crucifixion, fig. 5. 85 Fol. 129 ro: Leroy, Manuscrits syriaques, p. 315 et pl. 100, 2. 86 La présence d’une seule femme derrière la Vierge, contrairement à l’iconographie byzantine traditionnelle, qui montre en général soit la Vierge seule, soit les trois Marie, caractérise également la Crucifixion du manuscrit syriaque de Saint-Marc-des-Syriens (cf. note précédente) et celle de Moutoullas, vers 1280, pour laquelle D. Mouriki (Moutoullas, p. 187) pensait à une influence occidentale. En Cappadoce même, une seule myrophore accompagne la Vierge à Karabaş kilise (supra, n. 81) ou à Tağar (Restle, Wall Painting, III, fig. 366), par exemple. 83 84

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abaissée devrait tenir un pan de vêtement, mais le geste n’a pas été compris. Le cou long, mince et tubulaire porte un visage rond coiffé d’une chevelure « en perruque », à l’expression plus soucieuse que réellement attristée. La main droite soutient la tête, avec l’auriculaire ramené devant la joue et touchant la lèvre, détail jadis considéré par K. Weitzmann comme un trait typique des «icônes des Croisés» et attribué à une influence occidentale87. Bien que relativement rare, ce geste du petit doigt ramené sur le visage apparaît cependant dans l’art byzantin à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle, dans l’enkleistra de saint Néophyte, près de Paphos (Chypre), dans l’église de la Vierge à Studenica (1208/1209)88 et, en Cappadoce, à Yüksekli89. Près de Jean se tient le centurion, grande figure frontale, nimbée90, le bras droit levé, le visage légèrement tourné vers le Christ. Au-dessus de sa main sont inscrites ses paroles, d’après Matthieu (27, 54) et Marc (15, 39): ἀλιθõ[ς] ὑὸς Θ(εο)ῦ | ἔστην ο[ὗτ]ος, « Vraiment celui-ci est fils de Dieu ». De sa main gauche abaissée, il maintient un bouclier pointu posé au sol, dont le décor — en partie détruit — n’est pas clair91. La dernière scène, l’Anastasis, est la plus intéressante92 (Fig. 20). Elle est peinte sur le versant nord de la voûte, entre la Crucifixion du mur ouest et la Transfiguration. L’inscription ἱ ἀνά|στασι[ς] est discrètement insérée entre la jambe du Christ et le roi David. La composition est simple, avec un nombre restreint de figures, symétrique et figée, le Christ étant pratiquement immobile et frontal (Fig. 21), bien que son attitude relève encore du type dit en contrapposto: la jambe gauche suggère un mouvement vers la droite, mais aucun envol de drapé ne le souligne. Cette variante statique de l’Anastasis K. Weitzmann, Icon Painting in the Crusader Kingdom, DOP, 20 (1966), p. 57, fig. 9, 10, 22, 27 (tous exemples du XIIIe s.); voir aussi H. Buchthal, Miniature Painting in the Latin Kingdom of Jerusalem, Oxford, 1957, pl. 57 a, b, 145 b. 88 Mango-Hawkins, St. Neophytos, fig. 91 et 106; S. Ćirković, V. Korać, G. Babić, Le monastère de Studenica, Belgrade, 1986, p. 78, fig. 66. On le voit aussi en Grèce, par exemple à Saint-Nicolas « στῆς Μαρούλαινας », à Kastania: N. V. Drandakis, S. Kalopisi, M. Panayotidi, Ἔρευνα στὴ Μεσσηνιακὴ Μάνη, Πρακτικὰ τῆς ἐν Ἀθήναις Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας, 1980 (1982), pl. 134 β. 89 Dont les peintures sont attribuées au XIIIe siècle: Jolivet-Lévy, Yüksekli, p. 122–123. 90 Comme déjà à Tokalı 2 et comme presque toujours à partir de la seconde moitié du XIIe siècle. 91 À Moutoullas, un emblème d’influence occidentale décore le bouclier du centurion: Mouriki, Moutoullas, p. 187. 92 La scène a été publiée par N. Thierry, Le thème de la Descente du Christ aux Enfers, p. 64–66. 87

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n’est pas rare au XIIIe siècle, puisqu’on la voit par exemple à Bojana (1259), S. Pietro d’Otrante et, en Cappadoce, à Yüksekli et à l’Archangélos de Cemil93. Le Christ semble planer au-dessus des portes de l’Hadès qui ne forment pas une croix, comme par exemple à Karanlık, ce qui est la disposition la plus fréquente, mais un V, comme on le voit surtout à partir de la fin du XIIe siècle94. De sa main gauche levée, il brandit la traditionnelle croix à double traverse, dite patriarcale, trophée de sa victoire sur la mort. Les stigmates, souvent représentés sur les mains et les pieds95, ne sont pas visibles. La couleur sombre des vêtements du Christ — chiton bleu, himation brun — contraste avec les couleurs claires ou rehaussées de lumières qui traduisent habituellement, dans l’iconographie byzantine, le corps glorieux du ressuscité dont l’éclat illumina les ténèbres infernales96. La gloire lumineuse manque aussi, comme en général au XIe siècle, élément qui reparaîtra à la fin du XIIe siècle et deviendra courant dans l’iconographie paléologue. La topographie est habituelle, qui montre le Christ se détachant sur un fond de ciel bleu, dans une sorte de faille, qui se prolonge dans l’Hadès, entre deux massifs rocheux très stylisés (ocre à gauche, rouge à droite), à contour ondulé, qui englobent les groupes latéraux97. Cette représentation du cadre de la scène, qui apparaît dans l’iconographie byzantine dès les Xe-XIe siècles, n’est pas encore de mise en Cappadoce au XIe siècle, ni dans les « églises à colonnes » de Göreme, ni dans les peintures datées de Sainte-Barbe (1006 ou 1021) et de Karabaş kilise (1060–1061), dans la vallée de Soğanlı. Dans la partie inférieure apparaissent, comme d’habitude, les pièces métalliques qui servaient à la fermeture des portes de l’Enfer, et qui sont, comme c’est 93 Bojana: A. Grabar, La peinture religieuse en Bulgarie, Paris, 1928, p. 144–145, pl. XII; S. Pietro d’Otrante: L. Safran, S. Pietro at Otranto. Byzantine Art in South Italy, Rome, 1992, fig. 49; Yüksekli: Jolivet-Lévy, Yüksekli, p. 124–125; Archangélos de Cemil: Jerphanion, II, p. 142, pl. 157, 1. 94 Nicolaïdès, Arakiotissa, p. 351, en donne plusieurs exemples (Lagoudéra, enkleistra de Saint-Néophyte, rouleau liturgique d’Athènes 2759, église du Christ au Latmos, Torcello, Moutoullas), auxquels on peut ajouter celui de l’Archangélos de Cemil. 95 Mais ils manquent parfois — à Karanlık kilise par exemple. 96 Même couleur sombre sur une icône du Sinaï du dernier quart du XIIIe siècle, attribuée à un peintre vénitien: Mouriki, Icons, fig. 64. 97 Sur la topographie de la scène: Kartsonis, Anastasis, p. 207–209. La couleur uniformément rouge de la montagne de droite rappelle la prédilection pour cette couleur de fond des peintres de l’Orient chrétien (miniatures syriaques, icônes du Sinaï, peintures chypriotes du XIIIe s.), mais aussi des fresques de l’Attique à l’époque de la domination franque: mise au point sur cette question complexe dans Mouriki, Thirteenth-Century Icon

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surtout le cas à partir du XIIe siècle, minutieusement décrites: chaînons, clous, rivet, cadenas, clef98. L’idée de l’anéantissement de la mort est soulignée par la présence simultanée des portes piétinées et de deux figures infernales, situées ici sous les deux vantaux de porte99 (Fig. 22). Deux figures massives, enveloppées d’une tunique ocre, sont allongées symétriquement à la base de la composition, les mains croisées sous le menton. Les deux visages sont côte à côte, vus de face, à barbe blanche et cheveux hérissés, yeux grand ouverts au regard vif. Très semblables, les deux figures se distinguent par la couleur de leurs chairs, respectivement gris-noir et gris-bleu, et par le fait que la figure de gauche est ailée, ce qui permet peut-être de reconnaître Satan, ange déchu, l’autre étant Hadès. La représentation de deux personnages infernaux, au lieu d’un seul, dans la scène de l’Anastasis, est relativement rare: attestée dès le XIe siècle, elle se rencontre surtout à partir du XIIIe siècle, bien qu’elle trouve sa source dans les textes mêmes; Satan, prince et pourvoyeur de la mort, et Hadès, prince des Enfers, sont mentionnés dans l’évangile de Nicodème (Actes de Pilate) et dans d’autres textes apocryphes sur la Descente aux Limbes. Deux figures infernales terrassées par le Christ sont représentées dans l’Anastasis de Veljusa (fin XIe siècle), comme sur le cadre d’une icône géorgienne en argent doré de Zarzma100. Sur la colonne du ciborium de Saint-Marc de Venise (XIIIe siècle), Adam est debout sur les bustes de deux personnages barbus et hirsutes101, tandis qu’à Sopoćani (v. 1265) sont représentées trois figures: Hadès sous les pieds du Christ, la Mort et Satan enchaînés par des anges102.

Painting, p. 25–26. À Tatlarin, le rouge apparaît aussi comme couleur de fond dans la Transfiguration (voir supra). 98 Cf. G. P. Schiemenz, Das Schloss der Hadespforte, Cahiers archéologiques, 41 (1993), p. 169–180. 99 Alors que souvent le Christ piétine directement Hadès: Karanlık, Daphni, Yüksekli, Sopoćani, S. Pietro d’Otrante, etc. 100 Pour ces deux exemples: Thierry, Le thème de la Descente du Christ aux Enfers, p. 65–66. 101 J. Villette, La résurrection du Christ dans l’art chrétien du II e au VII e siècle, Paris, 1957, p. 97–98, pl. XLII. 102 V. J. Djurić, Sopoćani, Belgrade, 1963, pl. XIX. N. Thierry, Le thème de la Descente du Christ aux Enfers, p. 66, cite aussi les exemples de Vardzia (1184–1186) et de Gračanica (1320). Il existe également des représentations post-byzantines montrant Hadès et Satan dans la crevasse des enfers, comme dans l’église de la Dormition de Kourdali, Chypre, début XVIe siècle (Stylianou, Painted Churches, p. 143).

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Une inscription de deux lignes, inscrite au-dessus des deux figures, souligne l’idée du triomphe du Christ sur la mort et sur Hadès, thème central des textes relatifs à la Descente du Christ aux Limbes: ποῦ ι σου θάνατε το κ(έ)ντρο(ν); ποῦ ι σου Ἅδ(η) τὸ νῖκος;

« Où est-il, ô mort, ton aiguillon ? où est-elle, ô Hadès, ta victoire ? », passage emprunté à la première épître de saint Paul aux Corinthiens (15, 55), concernant la résurrection des hommes, et inspiré d’Osée 13, 14. Mais la source directe de l’inscription de Tatlarin se trouve probablement dans une homélie attribuée à Jean Chrysostome lue à l’office des Matines du dimanche de Pâques et qui reprend ce passage de Paul103. On retrouve une variante de ce texte, avec inversion des mots «aiguillon» et « victoire », dans la représentation de l’Anastasis de l’Archangélos de Cemil104. Autour du Christ triomphant se répondent Adam et Ève à gauche (Fig. 23), David et Jean-Baptiste, à droite. Derrière Adam, à demi agenouillé dans un sarcophage, que le Christ saisit par l’avant-bras, se dresse Ève, dans son traditionnel maphorion rouge, les deux mains levées sous le vêtement, implorante. Son visage est comparable à celui de saint Jean dans la Transfiguration: la largeur de la face, légèrement prognathe, au nez court et fort, semble être une interprétation populaire, un peu caricaturale, d’un type à l’honneur au XIIIe siècle105. Plus inhabituel est le groupe de droite, qui se limite à deux figures, Salomon n’étant par exception pas figuré, ce qui est conforme au texte de l’évangile apocryphe de Nicodème et de la plupart des homélies pascales106. L’omission de Salomon, dont je ne connais pas d’autre exemple, s’explique-t-elle par la volonté de se conformer aux données des textes ? ou, plutôt, par la prédilection du peintre pour des images dépouillées et symétriques ? Dissociant les figures quasi inséparables de David et Salomon et supprimant le second au profit de Jean-Baptiste, le peintre a pu aussi vouloir souligner la signification de la scène comme image du salut promis aux hommes, David et Jean-Baptiste étant par excellence

103 Cf. Πεντηκοστάριον, éd. M. I. Saliveros, Athènes 1933, p. 6. Ce même texte, attribué à Osée, est aussi indiqué pour l’Anastasis dans le Guide de la Peinture de Denys de Fourna: A. Papadopoulos-Kerameus, Ἑρµηνεία τῆς ζωγραφικής τέχνης, Saint-Pétersbourg, 1909, p. 277. 104 Jerphanion, II, p. 142. 105 Cf. supra, n. 52. 106 Kartsonis, Anastasis, p. 189, n. 97.

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les prophètes de la rédemption. La représentation de David, roi âgé en chlamyde, vu de face, mais montrant le Christ, est assez traditionnelle, n’étaient la description de son vêtement, au curieux drapé court apparaissant dans l’ouverture de la chlamyde, et la forme circulaire du sarcophage dans lequel il est censé se tenir. Jean-Baptiste émerge d’une cuve rouge, la main droite bénissant devant le buste, l’autre tenant un rouleau inscrit du texte habituel, dont on ne lit que le début: ἤδε ὅν (εἶ)πο(ν) ὑµῖν [ὅτι ἔρχεται καὶ ἐκβάλλει ἡµᾶς ἐκ τῶν τοῦ Ἅδου κλήθρων], « Voici celui dont je vous ai dit [qu’il vient nous délivrer des liens de l’Hadès]. »107 Le répertoire hagiographique peint dans l’église est particulièrement riche, puisqu’il compte vingt-deux figures sans celles qui sont peintes entre les deux nefs. Aux deux martyrs de Sébaste, déjà mentionnés, qui encadrent l’abside, s’ajoutent l’image du probable saint titulaire (Georges ?) sur le mur nord, près de l’abside, Constantin et Hélène, au-dessus (Fig. 24 et 25), et toute une série de martyrs: trois sur le mur nord, neuf dans la voûte (versant sud), emplacement plutôt inhabituel (Fig. 4), trois dans les écoinçons entre les arcades, deux sur les piliers108, sans compter les figures pour la plupart non identifiables peintes entre les deux nefs, sur les piliers et dans les arcades. Cette série nombreuse et monotone de pseudo-portraits peut être interprétée comme une sorte d’équivalent pictural des litanies invoquant lesdits saints109. Près de l’abside, à gauche, est peint à grande échelle un jeune saint guerrier, debout de face, le regard dirigé vers la gauche (Fig. 24). L’emplacement et la taille de la figure indiquent probablement qu’il était le saint titulaire de la chapelle. Vêtu au-dessus de sa cuirasse d’une cape rouge à riche bordure, il tient l’épée dressée dans la main droite, la gauche reposant sur son bouclier posé au sol, qui paraît avoir été de même type que celui du centurion de la Crucifixion. Le visage — chevelure courte et bouclée, avec une ligne de petites boucles sur le front — suggère d’identifier saint Georges, très populaire en Cappadoce. De l’inscription qui le nommait, n’est plus certain que le début d’une épithète ὁ ἐλε . . . , qu’il faut 107 Attesté à partir du XIe siècle; des exemples dans Nicolaïdès, Arakiotissa, p. 353. Cette prophétie est inspirée d’un passage d’une homélie attribuée à Jean Chrysostome: PG, 62, col. 723. 108 Sur le troisième était peint le portrait d’un donateur. 109 W. J. Hamilton avait découvert sur l’autel d’une chapelle rupestre de Tatlarin un ménologe grec du XIIe ou XIIIe siècle, disparu depuis, qui aurait peut-être éclairé le répertoire hagiographique de notre église: Hamilton, Researches, II, p. 246.

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probablement compléter ainsi: ὁ ἐλε(ήµων), «le miséricordieux »; cette épithète, généralement attribuée au Christ et à Jean l’Aumônier, attestée aussi pour saint Démétrius110, mais non à ma connaissance pour saint Georges, mettait l’accent sur la pitié et l’intercession du saint patron. Au-dessus, dans la voûte, mais à une échelle moindre, sont figurés Constantin, ὁ ἅ(γιο)ς Κοσταντῆνος, et Hélène, ἱ ἁγία Ἑλένι, tenant entre eux la croix, composition fréquente en Cappadoce à partir du Xe siècle111 (Fig. 25). Les souverains portent les chaussures rouges traditionnelles, un vêtement pourpre et un loros gemmé, auxquels s’ajoute pour Hélène le thorakion marqué d’une croix. Les couronnes, évasées vers le haut, sont dépourvues de prependoulia et ne correspondent ni au stemma, ni au kamelaukion. Le visage émacié aux pommettes saillantes de Constantin, qui porte une maigre barbe à trois pointes, contraste avec celui d’Hélène, tout en rondeur, très large, au front bas, le nez court et charnu, la bouche petite et les yeux en amande largement ouverts sous d’épais sourcils arqués112. Hormis son style, la principale particularité de cette image traditionnelle est la présence, sur la croix, des lettres epsilon composant le cryptogramme connu ĒĒĒĒ113. Plusieurs interprétations en ont été proposées, toutes en rapport avec la

Cf. Z. Gavrilović, The Portrait of King Marko at Markov Manastir (1376–1381), Byzantinische Forschungen, 16 (1990), p. 417, 420–423, qui suppose qu’elle fait allusion à la grâce protectrice liée au myron du saint. 111 La place respective des deux figures est souvent inverse (Constantin à droite), mais il y a des exceptions (à Karanlık et Çarıklı kilise, par exemple: Jerphanion, I, p. 400, 457); sur la représentation de Constantin et Hélène avec la croix: K. Wessel, Konstantin u. Helena, RbK, IV (1989), col. 363–366. Constantin et Hélène sont fêtés le 21 mai: BHG, I, p. 121 s., Synaxarium, col. 697–700. 112 On trouve, en moins accentués, les mêmes types de visages pour Constantin et Hélène à Saint-Néophyte de Paphos, fin XIIe siècle: Hadermann-Misguich, Kurbinovo, p. 248 et fig. 130. Le visage rond d’Hélène évoque un peu, outre les images citées n. 52, l’art seldjoukide et la peinture arabe (visages dits de lune particulièrement répandus au XIIIe s.); cf. T. Velmans, Influences orientales sur la miniature du Vaspourakan du XIIIe au XV e siècle, Atti del Quinto Simposio Internationale di arte armena (Venise-Milan-Bologne-Florence, 1988), Venise, 1991, p. 637–639. 113 C’est le premier exemple en Cappadoce de ce cryptogramme sur la croix tenue par Constantin et Hélène; en revanche, les croix isolées cantonnées de quatre Ε n’y sont pas rares, qui acquièrent ainsi une valeur apotropaïque renforcée: pour des exemples en Cappadoce, mais aussi au Latmos, au Sinaï, en Syrie, etc., cf. G. P. Schiemenz, Fische und Löwen in Kappadokien — ein Beitrag zur Geisteswelt der anatolischen Christen, Studien zur Frühchristlichen Kunst, III, hrsg. G. Koch, Wiesbaden, 1986, p. 65–66. 110

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découverte de la Vraie Croix par l’impératrice Hélène, la plus fréquente étant Ἑλένη εὗρεν ἐλέους ἔρεισµα (« Hélène trouva le support de la compassion » )114. Ainsi, le thème de la compassion, évoqué par l’épithète du saint guerrier sous-jacent, était aussi présent dans cette image rappelant le pouvoir mystérieux du saint Bois. Les autres saints sont tous figurés en martyrs, semblablement vêtus de la chlamyde et tenant la croix, les variations ne portant que sur la couleur des vêtements, ainsi que sur le type physique (imberbe, à barbe brune ou à barbe blanche, avec des différences minimes dans la forme et la taille de la chevelure et de la barbe). Les trois, qui sur le mur nord font suite à saint Georges, sont en buste et inscrits dans des cadres. Le premier, Phaustos, ὁ ἅ(γιος) Φαῦστος, à cheveux bruns et barbe courte, pourrait être le soldat, compagnon de Mélétios, martyrisé sous Antonin en Galatie et commémoré le 24 mai115; d’autres martyrs de ce nom sont cités dans le synaxaire, mais la présence à Tatlarin d’autres figures appartenant au groupe de Mélétios (Christianos et peut-être Philikas) fait pencher pour cette identification, bien que ces martyrs n’aient pas été regroupés et qu’il semble que le commanditaire ou le peintre n’aient pas eu une idée très claire de l’identité des personnages représentés. À côté se trouvent Alexandros (barbe blanche), ὁ ἅ(γιος) Ἀλέξανδρος, nom banal porté par une série de saints, dont l’un des quarante martyrs de Sébaste116, puis Antipas (barbe blanche plus longue que celle d’Alexandros), ὁ ἅ(γιος) Ἀντήπας. Antipas est connu comme évêque de Pergame, martyrisé sous Domitien et commémoré le 11 avril dans le synaxaire de Constantinople117, mais il n’est pas figuré ici en costume ecclésiastique (Fig. 26), ce qui peut Ou encore Ἑλένη εὖρεν εὔρηµα ἐλέους, Ἑλένῃ ἐκ Θεοῦ εὕρεµα ἐδόθη, etc.; cf. Jerphanion, I, p. 254–255; Babić, Les croix à cryptogrammes, p. 6–7, qui note qu’au XIVe siècle, ce cryptogramme orne parfois la croix soutenue par Constantin et Hélène, comme à Donja Kamenica, en Bulgarie. C’est aussi le cas dans le Pont, dans la chapelle Saint-Élie du monastère de Vazelon, fin XIIIe-XIV e siècle, ou dans l’église supérieure de Geyikli kilisesi, à Sarmaşıklı, XIV e-XV e siècle: A. Bryer et D. Winfield The Byzantine Monuments and Topography of the Pontos, Washington, 1985 (« Dumbarton Oaks Studies», XX), p. 292, 276. 115 BHG, II, p. 110–111 (1249); Synaxarium, col. 706, 23. 116 En raison de la présence voisine d’Antipas, commémoré le 11 avril, on aurait pu penser aussi au martyr Alexandros, fêté le 10 avril, qui, avec Térence, Africain, Maxime et Pompeius, fait partie d’un groupe de quarante martyrs: Synaxarium, col. 595–596; Mateos, Typicon, I, p. 264–265. 117 BHG, I, p. 48 (138); Synaxarium, col. 595–598; Mateos, Typicon, I, p. 266–267; LCI, 5 (1973), col. 201. 114

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faire douter sinon de l’identification du saint, du moins de la connaissance qu’en avait le peintre. En face, neuf saints martyrs alignés frontalement, vus aux trois quarts de leur hauteur, occupent tout le versant sud de la voûte. Le premier, à l’est, à barbe brune est nommé saint Markasos, ὁ ἅ(γιος) Μαρκασός, nom inconnu des synaxaires118 (Fig. 27). S’agit-il d’un saint jusqu’ici non répertorié ou de la déformation d’un nom connu, comme Marcianos, attesté pour plusieurs martyrs, ou encore Markellos ou Markellinos, deux compagnons de saint Mélétios ? Le même problème se pose pour saint Philikas, ὁ ἅ(γιος) Φιλίκας, imberbe (Fig. 28), dont le nom, s’il dérive de Félix (Φήλιξ), est, entre autres, celui d’un martyr associé à Mélétios, comme l’était déjà saint Phaustos représenté sur le mur nord119. Le saint suivant, à barbe brune, porte un nom bien connu, Théodoritos (Théodoret), ὁ ἅ(γιος) Θεοδόριτος (pour Θεοδώρητος), mais la chlamyde qu’il porte ne convient ni pour l’évêque de Cyr, ni pour le prêtre d’Antioche homonyme120. Les deux figures suivantes sont moins problématiques: saint Eunikos, ὁ ἅ(γιος) Εὐνικός (pour Εὐνοϊκός), imberbe, fait partie du groupe des quarante martyrs de Sébaste, comme aussi Eutychios, ὁ ἅ(γιος) Εὐτίχιος (pour Εὐτύχιος), à barbe brune, tous deux représentés par exemple dans la nouvelle église de Tokalı121. En revanche, Tribamios, ὁ ἅ(γιος) Τριβάµιος, barbe brune, est inconnu, le synaxaire de Constantinople mentionnant seulement un Tribimios, Τριβίµιος, martyrisé sous Dèce avec Nestor et commémoré le 1er mars122. On ne connaît pas non plus de saint Ou Μαρκιασός, en raison de la graphie du κ. Ce nom, qui reste à notre connaissance un hapax, est probablement dérivé de Markos. À rapprocher peut-être du toponyme Μάρκαιον, en Troade, dont les habitants sont appelés Μαρκαιίσσιοι: Stephan von Byzanz, Ethnika, Stephani Byzantinii Ethnicorum quae supersunt ex recensione Augusti Meinekii, Berlin, 1848 (réimpr. Graz, 1958), p. 433; L. Zgusta, Kleinasiatische Ortsnamen, Heidelberg, 1984, p. 230, n. 232; nous remercions G. Kiourtzian pour ces références. 119 Cf. supra, n. 115. Aucun Philikas n’était jusqu’à présent répertorié en Cappadoce, mais une épitaphe peinte dans une église de Soğanlı, Kubbeli kilise (grand cône), mentionne Φιλικ . . ν. que Jerphanion restituait Φιλικιανην (à l’accusatif ): Jerphanion, II, p. 295. 120 Synaxarium, col. 568, 36 (28 mars; Théodoret de Cyr); pour le prêtre d’Antioche, voir entre autres col. 502, 27 (2 mars), col. 504, 19 (3 mars); Mateos, Typicon, I, p. 294–295, ne mentionne que Théodoret, prêtre, le 18 mai; le calendrier palestino-géorgien du Xe siècle commémore le 28 mars un martyr Théodoret, que G. Garitte pense être non l’évêque de Cyr, mais le prêtre d’Antioche: Garitte, Le calendrier palestino-géorgien, p. 186; BHG, III, p. 73 (2425). 121 Epstein, Tokalı kilise, p. 66. 122 Synaxarium, col. 500, 2; Mateos, Typicon, I, p. 242–243. Parmi les quarante martyrs de Sébaste figure un Βιβιανός, mais notre lecture — Τριβάµιος — paraît certaine. 118

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Lanos (?), ὁ ἅ(γιος) Λάνος, barbe brune, sauf s’il s’agit d’une forme abrégée de noms comme Ἰουλιανός ou Ἠλιανός, qui sont ceux de deux des quarante martyrs de Sébaste123. Le jeune saint voisin, imberbe, est nommé ὁ ἅ(γιος) Χριστυανός pour Χριστιανός, saint Christianos étant le nom de l’un des compagnons de Mélétios. La série s’achève avec saint Léontios, ὁ ἅ(γιος) Λεόντηος, barbe brune, sans doute l’un des quarante martyrs de Sébaste, ou l’un des nombreux martyrs homonymes. Dans les écoinçons entre les arcades ouvrant sur l’autre nef, trois autres martyrs, vus à mi-corps. Le premier à l’est, représenté âgé (barbe blanche), à la même hauteur et de la même taille que saint Oualis peint sur le mur est, est saint Domentianos, ὁ ἅ(γιος) Δοµεντηανός, sans doute une variante de Δοµετιανός, Dométianos (Dométien), qui désignait vraisemblablement ici, compte tenu du contexte, l’un des quarante martyrs de Sébaste, plutôt que l’un des saints homonymes. Le suivant, à barbe brune, est en effet encore un martyr de Sébaste, saint Kyrion (Κυρίων), ici nommé Kirionos, ὁ ἅ(γιος) Κιρίονος. Enfin, au-dessus du dernier pilier est figuré saint Tarachos, ὁ ἅ(γιος) Τάραχος, imberbe, martyr d’Anazarbe en Cilicie (12 octobre) souvent représenté en Cappadoce, associé ou non à ses compagnons Probos et Andronikos124. Sous ces trois saints, trois autres figures. Près de l’abside, sous Domentianos, un saint à cheveux bruns, presque entièrement détruit, qui pouvait être imberbe et qui est identifié par l’inscription à saint Agathonikos, ὁ ἅ(γιος) Ἀγαθόνικος; le plus célèbre martyr de ce nom fut martyrisé en Bithynie et exécuté sous Maximien à Selymbria (Silivri) en Thrace, où ses reliques firent l’objet d’un pèlerinage célèbre125. Sur le pilier suivant est figuré le jeune Thyrsos, ὁ ἅ(γιος) Θήρσος, pour Θύρσος, probablement

On trouve par exemple à Tokalı 2 Ἰλιανος, martyr de Sébaste. Comme noms de personne, sont attestés Lamos (W. Pape et G. Benseler, Wörterbuch der griechischen Eigennamen, II, Graz, 1911 (réimpr. 19593), p. 770), Lamôn (A Lexikon of Greek Personal Names, I, éd. P. M. Fraser et E. Matthews, Oxford, 1987, p. 283), Lanikos (ibid.), Lalos (ibid., p. 281), Laianos (A Lexikon of Greek Personal Names, II, éd. M. J. Osborne, S. G. Byrne, Oxford, 1994, p. 278), Lamios (ibid., p. 279). 124 BHG, II, s.v. « Probus », p. 217–218 (1574–1575); Synaxarium, col. 131–132; Mateos, Typicon, I, p. 68–69; LCI, 8 (1976), col. 419. 125 BHG, I, p. 12 (39–43), Synaxarium, col. 913–915; Mateos, Typicon, I, p. 380–381; LCI, 5 (1973), col. 51. Fêté le 22 août dans les synaxaires grecs, il figure dans le martyrologe syriaque de la fin du IVe siècle, d’où il est passé dans les synaxaires orientaux: Garitte, Le calendrier palestino-géorgien, p. 309. 123

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le compagnon de Leukios et Kallinikos, martyrs de Nicomédie, sous Dèce, commémorés le 14 décembre, représentés en Cappadoce dans la nouvelle église de Tokalı, mais il y a d’autres martyrs homonymes126. En résumé, on constate qu’il s’agit essentiellement de martyrs micrasiatiques, dont six au moins appartiennent aux quarante martyrs de Sébaste; deux d’entre eux encadraient déjà l’entrée de l’abside, ce qui porte à huit le nombre de saints de ce groupe, et il n’est pas exclu que d’autres figures, inconnues par ailleurs, en aient aussi fait partie, leurs noms ayant été déformés ou simplifiés. Un second groupe se rattache — peut-être — au martyr de Galatie, Mélétios, bien que lui-même ne soit pas représenté. Types physiques et noms semblent parfois attribués au hasard, sans connaissance de l’identité réelle des saints: les portraits d’Antipas et Théodoret, en chlamyde, sont à cet égard révélateurs. Sur le dernier pilier, à l’ouest, face à l’Entrée à Jérusalem et à l’Anastasis, le jeune homme imberbe représenté de face — il ne reste que le haut de la figure — n’est pas un saint, mais un membre de la famille des donateurs (Fig. 29). On lit en effet à gauche l’invocation, sur huit lignes: Κ(ύρι)ε βοί|θι τὸν | δοῦλον | σου Πα|λατῆ|νον | τοῦ κτή|τ[ο]ρος, « Seigneur, aide ton serviteur Palatinos (fils) du fondateur ». L’emploi du génitif à la suite de l’accusatif nommant Palatinos127 fait penser qu’il s’agit ici non du principal donateur, mais d’un enfant de celui-ci, ce qui s’accorde à la fois avec le type juvénile du personnage et avec l’emplacement relativement modeste de son portrait. Le père, accompagné éventuellement de son épouse ou/et d’autre(s) figure(s), était vraisemblablement représenté sur le mur ouest, sous le panneau de la Crucifixion, où subsiste un fragment de peinture pouvant appartenir à un personnage prosterné. D’autres saints, pour la plupart non identifiables, sont peints sur la face interne des piliers et à l’intrados des arcs qui mettent en communication les deux nefs. La seule identification certaine est celle des anargyres Cosme et Damien dans l’arcade orientale: on reconnaît en effet le type iconographique des saints médecins et la fin du nom de Damien ([Δα]µηανός) est encore Synaxarium, col. 305–307; Mateos, Typicon, I, p. 130–131; BHG, II, p. 304 (1844z-1846e). 127 Palatinos n’indique plus à cette époque une fonction (sur celle-ci, en dernier lieu: R. Lemaire, Les institutions du Bas-Empire romain de Constantin à Justinien. Les institutions civiles palatines, Paris, 1995, p. 122–127). Sur le nom Palatinos: W. Pape et G. Benseler, Wörterbuch der griechischen Eigennamen, II, Graz, 1911 (réimpr. 19593), p. 1110; F. Preisigke, Namenbuch, Heidelberg, 1922 (repr. Amsterdam, 1967), col. 260; A Lexikon of Greek Personal Names, II, Attica, éd. M. J. Osborne et S. G. Byrne, Oxford, 1994, p. 356; E. Trapp 126

16. Entrée du Christ à Jérusalem, détail. 17. La Crucifixion.

18. Crucifixion, détail du Christ.

19. Crucifixion, le porte-éponge et saint Jean.

20. L’Anastasis.

21. Anastasis, détail du Christ.

22. Anastasis, détail: les deux figures infernales.

23. Anastasis, détail: Adam et Ève.

25. Constantin et Hélène au-dessus de saint Georges (?).

24. Saint Georges (?).

26. Saint Antipas.

27. Saint Markasos (?)

28. Saint Philikas.

29. Palatinos, fils du donateur.

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lisible près de la figure située à l’ouest. Dans l’arcade centrale, les deux saints à barbe blanche étaient peut-être des moines. Très différentes de tout ce que l’on connaissait jusqu’à présent en Cappadoce, les peintures de Tatlarin restent difficiles à classer. D’un caractère archaïsant et populaire, qui est propre à de nombreux décors provinciaux, elles ne paraissent pas antérieures au XIIIe siècle. Le style, très éloigné de celui de la peinture byzantine contemporaine (hormis peut-être pour la plénitude charnelle de certains visages), rappelle certes la tendance hiératique et linéaire du XIe siècle128, mais il évoque aussi l’art du XIIIe siècle dans les régions de la Méditerranée orientale, en Syrie, à Chypre ou en Arménie (Cilicie), comme certains décors provinciaux de Grèce. Simplicité, symétrie, immobilité, absence de profondeur caractérisent l’organisation des scènes et les relations des figures au paysage: les personnages peu nombreux disposés de façon paratactique occupent presque tout l’espace disponible et sont présentés avec une frontalité insistante; les éléments de décor sont très réduits et traités de façon abstraite. Les figures sont souvent courtes, trapues, les corps plats mal proportionnés (le Christ de la Transfiguration) et mal articulés, les poses sont statiques, les gestes gauches. La stylisation des formes, souvent brutale, est expressive et ne manque pas d’habileté; le modelé reste sommaire et schématique. Les personnages féminins et juvéniles ont de grosses têtes rondes, qui semblent emmanchées sur un cou tubulaire à la manière de poupées de bois. La gamme chromatique, enfin, est dominée par les rouges, ocres et bruns, avec un recours relativement important au rouge comme couleur de fond129. La profusion des ornements pointillés noirs sur les vêtements clairs des personnages est, avec la stylisation des formes et la simplification des schémas iconographiques, un autre indice du goût provincial du peintre. Les exemples d’ornements pointillés sur les vêtements sont courants dans la peinture orientale dès une haute époque130. En Cappadoce, des perles blanches (disposées par quatre ou par trois) ornent le manteau du Christ à Yılanlı kilise, dans la vallée d’İhlara, dont le décor et al., Prosopographisches Lexikon der Palaiologenzeit, Vienne, 1989, fasc. 9, p. 118 (n°s 21564–21566). 128 Les peintures de Sainte-Sophie de Kiev offrent des visages assez proches de ceux de Tatlarin: G. Logvine, Sainte-Sophie de Kiev, Kiev, 1971, pi. 132, 135, 184. 129 Cf. supra, n. 97. 130 Par exemple sur des icônes du Sinaï des VIIe-IXe siècle attribuées par K. Weitzmann à la Palestine (K. Weitzmann, The Monastery of Saint Catherine at Mount Sinai. The Icons, vol. I, Princeton, NJ, 1976, pl. XXII, XXV, XXVII), dans la peinture nubienne (K. Michalowski, Faras. Die Kathedrale aus dem Wüstensand, Zurich/Cologne, 1967, fig. 46, 72, 78, 80, 84, 85, 87, 90), syrienne (Mar Musa al Habashi), arménienne, etc.

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a été attribué à un peintre réfugié des provinces orientales de l’Empire, et dans la même église, un usage abondant est fait de rosettes ornementales formées d’une tache rouge cerclée de points blancs131. Au XIIIe siècle, ces ornements pointillés sur les vêtements se retrouvent dans de nombreux décors provinciaux, en Orient comme en Occident, en Italie méridionale132, en Grèce133 ou à Chypre134. Si le répertoire iconographique des peintres de Tatlarin a sa source dans l’imagerie byzantine traditionnelle, le style, original, peut être qualifié, malgré l’ambiguïté des termes, de « provincial oriental ». On aimerait en savoir plus sur la population de Tatlarin au XIIIe siècle: sans doute ne se limitait-elle pas aux descendants des Grecs orthodoxes autochtones restés sur place après la conquête turque du XIe siècle. Au début du XVIe siècle, les registres ottomans de recensement attestent l’hétérogénéité de la population locale: certains noms sont grecs, d’autres turcs, quelques-uns persans et «une série de noms ( . . . ) n’entrent dans aucune des catégories énumérées et ( . . . ) demandent qu’on leur consacre une étude à part»135. Le nom de Tatlarin (Tatlar İni), qui remplace au début du XVIe siècle celui de Manavi, toponyme peut-être dérivé de Mani, signifie la caverne des Tat, terme traduit généralement par Persans ou étrangers, mais qui désigne aussi les nonmusulmans ou simplement l’« autre »136. Les habitants de Manavi/Tatlarin venaient sans doute d’ailleurs. — d’où l’originalité des peintures tant par rapport à la tradition byzantine contemporaine qu’à la production artistique locale137. La publication, qui est en cours, des peintures de Chypre, de Syrie et du Liban devrait permettre de mieux connaître la vie artistique de ces régions au XIIIe siècle, époque particulièrement complexe138, et, partant, de 131 Ν. et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres de Cappadoce. Région du Hasan Dağı, Paris, 1963, pl. 50 6, 56 a. 132 C. D. Fonseca, Civiltà rupestre in Terra Ionica, Milan/Rome, 1970, pl. 3, fig. 70, 189, etc. 133 Mouriki, Alépohôri, fig. 50–53, 55, 56, 58–59. 134 Moutoullas, 1280: Mouriki, Moutoullas, pl. LXXVIII, fig. 13; LXXXII, fig. 18; LXXXIII, fig. 20. 135 I. Beldiceanu-Steinherr, Les Bektašī à la lumière des recensements ottomans (xve-xvie siècles), Wiener Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes, 81 (1991), p. 50. 136 Beldiceanu-Steinherr, ibid., p. 50–51. 137 Sur la peinture de Cappadoce au XIIIe siècle: N. Thierry, La peinture de Cappadoce au XIIIe siècle. Archaïsme et contemporanéité, Studenica et l’art byzantin autour de l’année 1200, Belgrade, 1988, p. 359–376. 138 Pour un aperçu de la situation historique et artistique au XIIIe siècle en Méditerranée orientale: Mouriki, Thirteenth-Century Icon Painting, p. 74–77.

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situer avec plus de précision le décor de Tatlarin. Il peut d’ores et déjà être versé au dossier de l’histoire — qui reste à écrire — de la peinture chrétienne du XIIIe siècle en Méditerranée orientale.

Abréviations bibliographiques Babić, Les croix à cryptogrammes: G. Babić, Les croix à cryptogrammes peintes dans les églises serbes des XIIIe et XIVe siècles, Mélanges I. Dujčev. Byzance et les Slaves, Paris, 1979, p. 1–13. BHG: F. Halkin, Bibliotheca Hagiographica Graeca, Bruxelles, 1957. Coumbaraki, Kalyvia-Kouvara: N. Coumbaraki-Pansélinou, Saint-Pierre de KalyviaKouvara et la chapelle de la Vierge de Mérenta. Deux monuments du XIIIe siècle en Attique, Thessalonique, 1976. DOP: Dumbarton Oaks Papers. Epstein, Tokalı kilise: A. Wharton Epstein, Tokalı kilise. Tenth-Century Metropolitan Art in Byzantine Cappadocia, Washington, DC, 1986. Garitte, Le calendrier palestino-géorgien: G. Garitte, Le calendrier palestino-géorgien du Sinaiticus 34 (X e siècle), Bruxelles, 1958. Hadermann-Misguich, Kurbinovo: L. Hadermann-Misguich, Kurbinovo. Les fresques de Saint-Georges et la peinture byzantine du XIIe siècle, Bruxelles, 1975. Hamilton, Researches: W. J. Hamilton, Researches in Asia Minor, Pontus and Armenia, with some account of their antiquities and geology, Londres, 1842. Hild-Restle, Kappadokien: F. Hild et M. Restle, Kappadokien (Kappadokia, Charsianon, Sebasteia und Lykandos), Vienne, 1981 («Tabula Imperii Byzantini », 2). Jerphanion: G. de Jerphanion, Les églises rupestres de Cappadoce. Une nouvelle province de l’art byzantin, Paris, 1925–1942. Jolivet-Lévy, Églises byzantines: C. Jolivet-Lévy, Les églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l’abside et de ses abords, Paris, 1991. Jolivet-Lévy, Yüksekli: C. Jolivet-Lévy, Nouvelle découverte en Cappadoce: les églises de Yüksekli, Cahiers archéologiques, 35 (1987), p. 113–141. Kartsonis, Anastasis: A. D. Kartsonis, Anastasis: The Making of an Image, Princeton, NJ, 1986. LCI: Lexikon der Christlichen Ikonographie, E. Kirschbaum et al. éd., 8 vol., Rome, Fribourg, Bale, 1968–1976. Leroy, Manuscrits syriaques: J. Leroy, Les manuscrits syriaques à peintures conservées dans les bibliothèques d’Europe et d’Orient, Paris, 1964. Mango-Hawkins, St. Neophytos: C. Mango et E. J. W. Hawkins, The Hermitage of St. Neophytos, DOP, 20 (1966), p. 119–207.

NOUVELLES ÉGLISES À TATLARİN

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VIII

Art chrétien en Anatolie turque: le témoignage de peintures inédites à Tatlarin

À

l’orient de l’Empire byzantin, au cœur du sultanat de Rûm, les peintures du XIIIe s. conservées en Cappadoce témoignent à la fois de la permanence de traditions locales et d’influences ponctuelles du monde turc — ce que l’on savait — mais aussi, comme j’essaierai de le montrer, de relations avec l’Empire de Nicée. Le village de Tatlarin se trouve à une vingtaine de kilomètres au sud de Gülşehir; plusieurs églises y sont connues, dont certaines ont été récemment restaurées. Lorsque nous avons publié, en 19961, un complexe ecclésial situé près de l’entrée de la « ville souterraine », seules les peintures de l’une des églises avaient été nettoyées. Aujourd’hui, celles de la seconde (ou église B) ont bénéficié d’une restauration, qui a révélé quelques sujets intéressants et, dans l’abside sud, une inscription dédicatoire, donnant le nom de la donatrice, la protopapadias Rodathys, et la date: 6723, 3e indiction. Si celle-ci, qui correspond à l’année 1215, ne se rapporte précisément qu’au décor de la niche où elle se trouve, le reste des peintures conservées est à l’évidence contemporain, comme le prouvent les liens — iconographiques et stylistiques — avec un autre décor de la région, daté de 1212, celui de Karşı kilise, église située à l’entrée de Gülşehir2. 1 C. Jolivet-Lévy / N. Lemaigre Demesnil, ‘Nouvelles églises à Tatlarin, Cappadoce’, Monuments et Mémoires. Fondation E. Piot 75 (1996), 21–63. 2 Décor restauré en 1996, dont la description dans G. de Jerphanion, Une nouvelle province de l’art byzantin. Les églises rupestres de Cappadoce (Paris 1925–42), t. II, 1–16, est incomplète. Nous en avons repris l’étude: C. Jolivet-Lévy, ‘Images et espace cultuel à Byzance: l’exemple d’une église de Cappadoce (Karşı kilise, 1212)’, dans M. Kaplan éd., Le sacré et son inscription dans l’espace à Byzance du IV e au XIIIe siècle [Byzantina Sorbonensia, 18], sous

1. Tatlarin, église B. Abside nord: la Déisis de la conque.

2. Tatlarin, église B. Abside nord: la Théotokos dans la niche d’autel.

3. Tatlarin, église B. Abside sud: la Théotokos entre Michel et Gabriel, Joachim et Anne. 4. Tatlarin, église B. Schéma de la composition du mur ouest de la nef nord.

5. Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Ms 56. Commentaire sur les Psaumes de Pierre Lombard, fol. 185: Binité du Psautier.

6. Gülşehir, Karşı kilise. Tableau infernal du mur ouest.

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L’église se compose de deux nefs inégales voûtées en berceau, communiquant entre elles, terminée chacune par une abside, au fond de laquelle une niche abrite l’autel3. L’abside nord offre des aménagements liturgiques — chancels et niche de prothèse — qui n’apparaissent pas dans l’abside sud, suggérant pour les deux nefs une fonction différente: synaxe eucharistique au nord et, peut-être, offices commémoratifs au sud, où se trouve une tombe, creusée dans le sol en bonne place, à l’entrée du court bras voûté, perpendiculaire à la nef, qui s’ouvre au sud. Le programme iconographique de cette partie de l’église, partiellement conservé — cycle de la Passion4, Jeunes Hébreux dans la fournaise5 — semble en accord avec cette fonction funéraire supposée. Nous n’analyserons pas ici toutes les peintures conservées, souvent de façon très fragmentaire, dans l’église, mais nous limiterons au décor des absides et à une composition très effacée du mur ouest de la nef nord6. Arrêtons nous d’abord sur les programmes absidaux. La conque de l’abside principale, au nord, accueille une composition traditionnelle en Cappadoce depuis le XIe s.: la Déisis (Fig. 1). De type composite, elle associe au trimorphon des éléments des visions théophaniques. Le Christ en trône tient, posé sur le genou, un livre avec le verset de Jn 8, 12 — « Je suis la lumière du monde. Qui me suit n’errera pas dans les ténèbres ». Il est entouré des quatre symboles des évangélistes, que désignaient, comme dans les peintures cappadociennes du Xe s., les participes empruntés à l’ekphonèse introduisant le triple Sanctus de l’Anaphore7. De part et d’autre presse. La main d’un même peintre se retrouve dans certaines images de Tatlarin et de Karşı kilise. 3 Pour une description précise de l’architecture: Jolivet-Lévy / Lemaigre Demesnil, ‘Nouvelles églises’, 24–29. 4 La Cène occupe le tympan sud et la Trahison de Judas la voûte (côté est) du bras sud, tandis que la Crucifixion sur le mur ouest de la nef, est encadrée par les Myrophores au sépulcre (voûte, côté sud) et l’Anastasis (côté nord). 5 Dans la voûte — côté ouest — du bras sud; la composition figure également dans le programme de Karşı kilise, ainsi que la Cène, la Trahison de Judas, les Myrophores et l’Anastasis, ces dernières semblant dans les deux églises de la même main. 6 Signalons une image de donateur en prière auprès d’un saint militaire sur le mur sud, près de l’entrée primitive; d’autres «portraits», pratiquement effacés, existaient dans le bras sud, dont au fond (mur sud), une grande figure en prière (la protopapadias?). Nous nous réservons de publier ailleurs l’étude de l’ensemble des peintures. 7 Sur ce thème: C. Jolivet-Lévy, Les églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l’abside et de ses abords (Paris, 1991), 338.

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sont représentés les puissances célestes (roues de feu, chérubin tétramorphe, séraphin hexaptéryge) et, à petite échelle sur les bords de la conque, les deux intercesseurs, Marie, au nord, et Jean-Baptiste, en mélote, au sud. Deux figures agenouillées les précèdent: les prophètes Isaïe (purifié par le charbon ardent) et Ézéchiel, représentés ici, comme dans une série de compositions absidales cappadociennes du Xe s., moins comme témoins de la vision divine que pour montrer le pouvoir de purification et de sanctification de l’Eucharistie8. La niche large et profonde, qui abrite l’autel, contient la représentation de la Théotokos avec l’Enfant (Fig. 2), image de l’Incarnation directement associée à l’Eucharistie qui en renouvelle le mystère. D’une exécution pauvre et schématique, elle semble l’œuvre d’un autre artiste, au talent plus modeste, qui a aussi travaillé, en 1212, au décor de Karşı kilise. La Théotokos trône de face, l’Enfant sur les genoux, encadrée par Anne et Joachim, figurés en tant que témoins du rôle essentiel de Marie comme instrument de l’Incarnation et donc du salut de l’humanité9. Aux sigles traditionnels désignant la « Mère de Dieu » s’ajoutent, entre les théopatores et la Théotokos, deux inscriptions tracées verticalement. À gauche se trouve le cryptogramme ĒĒĒĒ, pour lequel le contexte iconographique suggère une lecture autre que la formule habituelle faisant référence à Hélène et à la Vraie Croix: peutêtre Ἑωσφόρος ἔπεσεν εὑρήκαµεν Ἐδέµ (« Satan est tombé, nous avons trouvé le Paradis »)10? À droite, l’inscription qualifie la Mère de Dieu de ἀεί πολικ . . ά, soit, peut-être, ἀεὶ πολυκλεὰ ou ἀεὶ πολυκυδὰ11 (« toujours très glorieuse »).

Cf. Jolivet-Lévy, Les églises byzantines, 339. Leur association à la Théotokos, comme leur type iconographique, sont conformes à une tradition bien attestée à Byzance au moins depuis le XIe s.; des exemples dans D. Mouriki, ʹἩ Παναγία καὶ οἱ Θεοπάτορες, ἀφηγηµατικὴ σκηνὴ ἢ εἰκονοστικὴ παράστασηʹ, DChAE IV, 5 (1969), 31–52; D. Mouriki, The Mosaics of Nea Moni on Chios (Athènes, 1985), I, 148–149; E. Kitzinger, The Mosaics of the Church of St. Mary’s of the Admiral in Palermo (Washington, 1990) [DOS XXVII], 136–138; M. Panayotidi, ʹΟἱ τοιχογραφίες τοῦ Ἁγίου Γεωργίου Λαθρήνου στὴ Νάξοʹ, DChAE IV, 16 (1991–1992), 148. Pour des exemples en Cappadoce d’Anne et Joachim associés au programme du bêma: Jolivet-Lévy, Les églises byzantines, 61, 81, 124, 132, 197, 199, 212, 274, 291. 10 G. Babić, ‘Les croix à cryptogrammes peintes dans les églises serbes des XIIIe et XIVe siècles’, in S. Dufrenne, éd., Mélanges Ivan Dujčev. Études de civilisation (Paris, 1979), 6. 11 Pour πολυκλεής et πολυκυδής, plutôt que ἀεί πολὺ καλά. 8 9

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Au registre médian de l’abside, encadrant la niche d’autel, sont représentés les quatre évangélistes12, en train d’écrire, groupés par deux comme dans une série de représentations dans la peinture murale et la miniature13. Ils sont assis sur de riches trônes à dossier et un lutrin avec un rouleau déployé apparaît à l’arrière-plan. Le rôle de témoins de l’Incarnation et de la divinité du Christ des évangélistes justifie leur insertion dans le programme de l’abside, proches à la fois du Christ souverain de la Déisis, qui les surmonte (dans la conque), et de la Théotokos (dans la niche), qu’ils encadrent. En l’absence de coupole pouvant accueillir l’image du Pantocrator entouré, dans les pendentifs, par les quatre évangélistes, le programme traditionnel a donc été concentré dans l’abside, la voûte en cul-de-four recevant l’image du Christ et la niche d’autel celle de la Vierge. On peut même se demander si la raison d’être de cette niche profonde abritant l’autel, qui ailleurs est souvent simplement accolé à la paroi, n’était pas de ménager un espace propice à la mise en valeur d’un programme absidal en réduction: on aurait ici un nouvel exemple de concertation entre architectes et peintres, montrant de surcroît combien l’image de la Théotokos devait paraître indispensable dans le programme iconographique du sanctuaire. Sous les évangélistes se tenaient quatre évêques frontaux, aujourd’hui très effacés: Grégoire de Nysse et Basile à gauche, Jean Chrysostome (?) et une figure non identifiable à droite. Dans la niche nord14 est représenté le Christ Emmanuel en buste, selon une iconographie bien attestée en Cappadoce au XIIIe s., qui est liée à la fonction de prothèse de cette niche: les commentateurs de la liturgie assimilent la prothèse à Bethléem ou à la crèche et interprètent la préparation des oblats comme le symbole de la Première Venue du Christ 15. 12 Les deux de gauche, figurés âgés, sont sans doute Jean et Matthieu, les deux autres, à droite, Luc et Marc. 13 Citons, en nous limitant à quelques exemples dans la peinture monumentale, les représentations de Karanlık kilise (Göreme), Myrioképhala (Crète), la Mavriotissa de Castoria — où ils figurent comme à Tatlarin dans l’abside — et Lagoudéra: A. Nicolaïdès, ‘L’église de la Panagia Arakiotissa à Lagoudéra, Chypre: étude iconographique des fresques de 1192’, DOP 50 (1996), 53–57, où l’on trouvera la bibliographie sur les portraits des évangélistes. 14 Sous la niche prothèse: deux figures à petite échelle, non nimbées, peut-être des donateurs. 15 Cf. Jolivet-Lévy, Les églises byzantines, 158; N.B. Teteriatnikov, The Liturgical Planning of Byzantine Churches in Cappadocia [OCA 252] (Rome, 1996), 85–86. En Cappadoce, l’image du Christ Emmanuel est liée à la prothèse à l’Archangélos de Cemil, Tatlarin, Güzelöz n°4 (Mavrucan), Saint-Eustathe d’Erdemli, Bezirana kilisesi (Jolivet-Lévy, Les églises

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Le programme iconographique de cette abside nord est complété à l’intrados de l’arc absidal par deux figures d’archanges tournés vers l’est, et, sur la face interne des piédroits, au-dessus des chancels, par deux images frontales de saints médecins, très effacés, probablement Cosme et Damien16. Dans l’abside sud ne sont bien conservées que les peintures associées à la dédicace de la protopapadias, dans la niche d’autel, tandis que quelques fragments peu distincts suggèrent de restituer une Déisis dans la conque. Comme celle de l’abside nord, la niche d’autel de l’abside sud a reçu un décor centré sur l’image de la Théotokos entre ses parents, mais au sein d’une composition plus savante et exécutée dans un style de bien meilleure qualité (Fig. 3). Au-dessus d’une bande ornementale et de l’inscription dédicatoire de la protopapadias, trône la Vierge, l’Enfant sur le bras gauche; celui-ci déploie un rouleau portant le texte de Jn 8, 12: « Je suis la lumière du monde. Qui me suit n’errera pas dans les ténèbres », que pointe l’index de Marie, soulignant la valeur de ce verset. Au-dessus de la tête de Marie, la « Main du Seigneur », symbole de Dieu le Père, sortant d’un segment de ciel, bénit. L’inscription tracée sous la main divine cite le Psaume 109, 3: ἐκ γαστρὸς πρὸ ἑοσφόρου ἐγέν[η]σα σε, « du sein avant l’aurore je t’ai engendré ». De part et d’autre de la Théotokos, Michel et Gabriel en loros impérial tiennent le dossier du trône17. Joachim (bénissant, le rouleau à la main) et Anne (en maphorion rouge, tenant une croix, l’autre main ouverte sur la poitrine), dont la place est inversée par rapport à l’abside nord mais conforme à l’usage habituel, sont représentés debout de face, de part et d’autre. Cette composition est intéressante à la fois par la densité de son contenu doctrinal et par les liens qu’elle semble révéler avec Nicée. Le verset 3 du Psaume 109, en rappelant la conception du Logos avant le temps, souligne

byzantines, 158, 233, 249, 274, 317), ainsi que dans l’église n°1 (ou A) de Tatlarin, figure récemment nettoyée et encore inédite. 16 Pour d’autres exemples de cet emplacement oriental des anargyres: Jolivet-Lévy, Les églises byzantines, 79 et passim; voir aussi Jolivet-Lévy, ‘Images et espace cultuel’. 17 Comme on le voit dans plusieurs représentations à partir des XIIe–XIIIe s., par exemple dans la chapelle dite de la Vierge du monastère de Saint-Jean le Théologien à Patmos ou sur des icônes du Sinaï: K. Weitzmann, ‘Thirteenth-Century Crusader Icons on Mount Sinai’, Studies in the Arts at Sinai (Princeton, 1982), 297–298. Faut-il voir dans cette familiarité des archanges la volonté de mettre l’accent sur la divinité de l’enfant?

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la divinité de l’enfant, co-éternel au Père18, Logos incarné figuré dans les bras de la Vierge, tandis que la Main de Dieu bénissante transmet au Fils la gloire du Père. Véritable proclamation visuelle du mystère de l’Incarnation, le décor de la protopapadias affirme l’identité du Logos préexistant et du Dieu fait chair, Jésus Christ, conformément au dogme de l’Église orthodoxe et à la liturgie, qui cite à plusieurs reprises ce verset le jour de la fête de la Nativité du Christ19. Malgré des différences évidentes, la composition évoque irrésistiblement la mosaïque absidale, bien antérieure, de l’église de la Dormition de Nicée, seul exemple, à ma connaissance, qui associe la Main de Dieu, l’inscription du Psaume 109, 3 et l’image de la Théotokos avec l’Enfant20. L’importance du Psaume 109, l’une des pierres angulaires de la christologie du Nouveau Testament, dans les débats théologiques, suggère de mettre ce programme en rapport avec les discussions contemporaines, hypothèse que pourrait confirmer la présence dans l’église de Tatlarin d’une autre image, peut-être aussi inspirée par le Psaume 109 (Fig. 4). Peinte à grande échelle sur toute la largeur de la paroi ouest de la nef nord, cette seconde composition, très mal conservée, se présente comme un unicum dans l’iconographie orientale. Deux figures du Christ, toutes deux de type Pantocrator, avec nimbe crucifère, partagent le même trône, l’une plus grande, un livre fermé sur le genou, semblant tenir par l’épaule celle plus petite, qui siège à sa droite; deux anges en adoration les encadrent. L’image est ambiguë et toute tentative d’interprétation aléatoire. Le dédoublement du Christ peut difficilement être compris — à moins de proposer une lecture hérétique Sur l’exégèse du Psaume 109: M.-J. Rondeau, ‘Le Commentaire des Psaumes de Diodore de Tarse et l’exégèse antique du Psaume 109/110’, Revue de l’histoire des religions 176 (1969) 5–33, 153–188, 177 (1970) 7–33; C. Mango, ‘The Chalkoprateia Annunciation and the pre-eternal Logos’, DChAE IV, 17 (1994), 170. 19 Cf. J. Mateos, Le Typicon de la Grande Église [OCA, 165] (Rome, 1962), 152, 154, 156, 160; J. Grosdidier de Matons éd., Romanos le Mélode, Hymnes [SC 110], (Paris, 1965), 88–89: «Celui qui, sans mère, fut engendré par le Père avant l’aurore, aujourd’hui sans père, a pris chair en toi sur la terre . . .». 20 Sur la mosaïque absidale de Nicée, voir en dernier lieu Mango, ‘The Chalkoprateia Annunciation’, 168–170; l’inscription du Psaume 109, 3, qui se rattache à la première phase du décor de l’abside (fin VIIe s.?), fut conservée au-dessus de l’image de la Théotokos (probablement postérieure à 843) jusqu’à la destruction de l’église au début de ce siècle. Rappelons que dans le décor du narthex, postérieur à 1065, Joachim et Anne, les évangélistes, le Christ et Jean Baptiste étaient représentés associés à l’image de la Théotokos: Th. Schmit, Die Koimesis Kirche von Nikaia (Berlin-Leipzig, 1927), 48–56. 18

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(nestorienne) — comme la visualisation de ses deux natures, humaine et divine, déclarées inséparables par le concile de Chalcédoine. Il montre plutôt le Logos préexistant ou Dieu le Père — sous l’aspect du ‘visible du Père’, le Christ21 — et le Logos incarné, le Fils, qui siège à sa droite, la différence de taille marquant la subordination du second, le trône commun leur consubstantialité; l’état de conservation n’autorise pas la restitution de la colombe de l’Esprit Saint, qui transformerait cette Majesté binitaire en Trinité, mais elle ne permet pas non plus de l’exclure totalement. La représentation de l’intronisation du Fils à la droite du Père — ou du Logos incarné à la droite du Logos préexistant — se fonde sur plusieurs passages scripturaires, en particulier sur le psaume 109, 1 — ‘Le Seigneur dit à mon Seigneur: Siège à ma droite, tes ennemis j’en ferai l’escabeau de tes pieds’ —, et l’Épître aux Hébreux 1, 3-4 — . . . ‘ce Fils, qui soutient l’univers par sa parole puissante (. . .) s’est assis à la droite de la majesté dans les hauteurs, devenu d’autant supérieur aux anges que le nom qu’il a reçu en héritage est incomparable au leur.’ Écrits patristiques et traités théologiques soulignent l’importance de cette notion de trône partagé par le Fils et le Père, en particulier dans le contexte de la défense du dogme orthodoxe22. En Occident, l’image du Père et du Fils trônant côte à côte illustre le Psaume 109, 1 dès l’époque carolingienne, pour devenir surtout fréquente à partir du dernier tiers du XIIe s.23; dans le Commentaire sur les Psaumes de Pierre Lombard de la Bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris24 (fin XIIedébut XIIIe s.), les deux Personnes, toutes deux à nimbe crucifère et assises sur le même trône, sont unies par le même geste qu’à Tatlarin25 (Fig. 5). À

Plus couramment figuré à Byzance en Ancien des Jours (Daniel 7, 9), type iconographique qui souligne l’éternité du Verbe, et non en Pantocrator comme ici. 22 Cf. C. Schönborn, ‘Dieu veut rester homme à jamais’, Communio IX, I (janv.-fév. 1984), 29–44; C. Markschies, ‘Sessio ad Dexteram. Bemerkungen zu einem altchristlichen Bekenntnismotiv in der christologischen Diskussion der altchristlichen Theologen’, in M. Philonenko, ed., Le Trône de Dieu [Wissenschaftliches Untersuchungen zum Neuen Testament 69] (Tübingen, 1993), 252–317; K. Corrigan, Visual Polemics in the Ninth Century Psalters (Cambridge, 1992), 44–45, 80. 23 Sur cette iconographie, voir E. H. Kantorowicz, ‘The Quinity of Winchester’, Art Bulletin 29 (1947), 73–85; F. Boespflug / Y. Zaluska, ‘Le dogme trinitaire et l’essor de son iconographie en Occident de l’époque carolingienne au IVe Concile du Latran (1215), Cahiers de civilisation médiévale XXXVII/3, 1994, 210–220. 24 Ms. 56, fol. 185: Boespflug / Zaluska, ‘Le dogme trinitaire’, pl.Vb. 25 Sur l’ambiguïté de ce geste: Boespflug / Zaluska, ‘Le dogme trinitaire’, 220. 21

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partir de la fin du XIIe s., la colombe de l’Esprit Saint rejoint la Majesté binitaire, le Psaume 109 devenant alors un emplacement privilégié pour la représentation de la Trinité. En Orient, vers la même époque, l’illustration du psautier du Musée Bénaki (Athènes, Vitr. 34.3, fol. 130v) réunit l’Ancien des Jours (dans une mandorle) et le Fils trônant à sa droite, hors de la mandorle26, mais il s’agit d’une image exceptionnelle et il faut attendre le XIVe s. pour que se répande l’iconographie de la Trinité synthronoi 27: l’Ancien des Jours et le Christ Pantocrator, de même taille, côte à côte sur le même siège et accompagnés de la colombe de l’Esprit Saint28. Les autres images byzantines, binitaires et trinitaires, qui peuvent être versées au dossier, font encore ressortir la spécificité de la peinture cappadocienne, qu’il s’agisse de la miniature du Paris. gr. 923, illustration littérale d’Actes 7, 55–5629, de celle du Prologue de l’évangile de Jean du Paris. gr. 6430, de la juxtaposition des trois aspects du Logos (Ancien des Jours, Pantocrator, Emmanuel), attestée dans les manuscrits et, à partir du dernier tiers du XIIe s., dans la peinture monumentale,31 ou encore des images dites de Paternité, A. Cutler, A. Weyl Carr, ‘The Psalter Benaki 34.3. An unpublished illuminated manuscript from the family 2400’, REB 34 (1976), 298–299, fig. 16. 27 Création byzantine indépendante ou dérivée des images binitaires occidentales? Cf. H. Gerstinger, ‘Über Herkunft und Entwicklung der anthropomorphen byzantinisch-slawischen Trinitäts-Darstellungen des sogenannten Synthronoi- und Paternitas- (Otéchestwo) Typus’, in Festschrift W. Sas-Zaloziecky (Graz, 1956), 79–85; M.S. Rozycka, ‘Observations sur l’image de la Sainte Trinité dans l’art byzantin: l’illustration du Psaume 109.1.’, Mélanges d’histoire byzantine offerts à Oktawiusz Jurewicz à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire [Byzantina Lodziensia, 3] (Lodz, 1998), 201–208. 28 Cf. le psautier serbe de Munich (Bayer. Staatsbibl., slav. 4): H. Belting, éd., Der Serbische Psalter. Faksimile-Ausgabe des Cod. Slav. 4 der Bayerischen Staatsbibliothek München (Wiesbaden, 1978), 236. Attestée également à Mateić au XIVe s., cette formule trinitaire synthronoi se rencontre au XVe s. (Kalenić, Dragalevci: S. Dufrenne, ‘Images du décor de la prothèse’, REB 26, 1968, 304) et devient surtout fréquente dans la peinture post-byzantine de l’école crétoise (cf. par ex. N. Chatzidakis, Icons of the Cretan School 15th–16th century, Athènes, Musée Bénaki, 1983, n° 23; G. Galavaris, The Icon in the Life of the Church. Doctrine, Liturgy, Devotion, Leiden, 1981, 11–12, pl. IV). 29 Fol. 40r, l’Ancien des Jours trône, le Christ est debout à sa droite, tous deux dans la même mandorle: K. Weitzmann, The Miniatures of the Sacra Parallela. Parisinus Graecus 923 (Princeton, 1979), 190, fig. 490. 30 Fol. 158v, l’Ancien des Jours et le Christ Pantocrator trônent chacun dans une mandorle: F. Boespflug, Y. Zaluska, ‘Note sur l’iconographie du Prologue de Jean’, Recherches de science religieuse 83/2 (1995), 293–303. 31 Par exemple dans le Paris. gr. 74, fol. 167 (XIe s.), aux Saints-Anargyres de Castoria, à Nerezi, etc.; cf. S. Der Nersessian, ‘Recherches sur les miniatures du Parisinus Graecus 74’, 26

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dans lesquelles le Christ (Emmanuel ou Pantocrator) est sur les genoux de l’Ancien des Jours32. L’image de Tatlarin, caractérisée par le trône commun, la différence d’échelle entre les deux figures christiques et le geste qui les unit, est à l’évidence plus proche des représentations occidentales que de l’iconographie byzantine; la connaissance au XIIIe s. d’un modèle occidental est envisageable, mais la prise en compte des discussions théologiques contemporaines en Orient33 suggère une interprétation spécifique. Au XIIIe s., l’Église orthodoxe est toujours confrontée aux hérétiques majeurs, monophysites surtout (Jacobites ou Arméniens), et à l’Islam: la divinité du Christ, le mystère de la Trinité, l’Incarnation et la Rédemption sont au cœur des discussions; en témoignent les traités polémiques — le Trésor de la foi orthodoxe de Nicétas Choniates, rédigé vraisemblablement à Nicée au début du XIIIe s., la Réfutation d’un Agarène du moine Barthélémy d’Édesse ou encore la Controverse sur la foi d’Euthyme, écrite dans la région de Mélitène34. Mais des dissensions existent aussi au sein même de l’Orthodoxie, portant sur l’union des deux natures du Christ, sur l’égalité des trois personnes de la Trinité et, surtout, sur le sens à donner à la parole du Christ « Mon Père est plus grand que moi » (Jn

JÖB 21 (1972), 109–117; S. Tsuji, ‘The Headpiece Miniatures and Genealogy Pictures in Paris gr. 74’, DOP 29 (1975), 165–203; Rozycka, ‘Observations sur l’image de la Sainte Trinité’, 206–208. 32 Sur ce thème: A. Heimann, ‘L’iconographie de la Trinité. I. Une formule byzantine et son développement en Occident’, L’Art chrétien (oct. 1934), 39–41; Gerstinger, ‘Über Herkunft und Entwicklung’; S. A. Papadopoulos, ‘Essai d’interprétation du thème iconographique de la Paternité dans l’art byzantin’, CahArch 18 (1968), 121–136. Citons aussi ici la représentation des trois figures identiques, sur le même trône, dans les Homélies de Jacques de Kokkinobaphos (Paris. gr. 1208; Vatic. gr. 1162): A. Heimann, ‘L’iconographie de la Trinité. II. Les trois personnes divines sous une même forme humaine’, L’art chrétien (nov. 1934), 19–30. 33 Pour les répercussions sur l’iconographie byzantine des débats théologiques de l’époque comnène: G. Babić, ‘Les discussions christologiques et le décor des églises byzantines au XIIe siècle’, Frühmittelalterliche Studien 2 (1968), 368–386; D. Mouriki, ’Οἱ τοιχογραφίες τοῦ παρεκκλησίου τῆς Μονῆς τοῦ Ἰωάννου τοῦ θεολόγου στὴν Πάτµο’, DChAE IV, 14 (1989), 205–263; D. Mouriki, ’Αἱ βιβλικαὶ προεικονίσεις τῆς Παναγίας εἰς τὸν τροῦλλον τῆς Περιβλέπτου τοῦ Μυστρᾶ’, Ἀρχαιολογικὸν Δελτίον 25 (1970), Μελέται 217–251; A.L. Townsley, ‘Eucharistic Doctrine and the Liturgy in Late Byzantine Painting’, Oriens Christianus 58 (1974), 138–153; S.E.J. Gerstel, Beholding the Sacred Mysteries. Programs of the Byzantine Sanctuary (Washington, 1999), 44–47. 34 Cf. A. Th. Khoury, Les théologiens byzantins et l’Islam. Textes et auteurs (VIIIe–XIIIe s.) (Louvain/Paris, 1969) 249–258, 259–293, 294–309.

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14, 28)35. L’interprétation de cette phrase de l’évangile avait déjà opposé orthodoxes et hérétiques des premiers siècles, lors des controverses sur la consubstantialité du Père et du Fils. Le débat reprend au XIIe s., importé d’Occident, les théologiens latins professant une infériorité du Fils dans son humanité, position jugée légitime par l’empereur Manuel Comnène, mais récusée par nombre de théologiens grecs. La majorité d’entre eux s’accordent sur le fait que le Christ n’a pas pu parler de sa nature humaine concrète comme telle, car elle partage la puissance du Verbe et reçoit la même adoration que lui: elle est l’égale en gloire du Père. Au synode de 1166, Manuel fait voter une formule de conciliation: en déclarant « Mon Père est plus grand que moi », le Christ a voulu parler de sa nature créée et concrète, suivant laquelle il a, entre autres, souffert. L’infériorité relative du Fils ne doit s’entendre que du Fils de l’Homme, du Verbe fait chair; elle réside dans sa capacité à assumer forme humaine dans l’Incarnation et à souffrir avec l’humanité. En même temps est proclamée l’égalité en gloire des deux natures du Christ: « Éternel souvenir à quiconque dit que l’humanité du Christ a été exaltée par son union avec la divinité, qu’elle mérite d’être l’objet de la prière et d’être assise à la droite du Père (. . .) sans mélange des propriétés de chaque nature »36. Malgré ce concile, les discussions théologiques sur l’infériorité du Christ reprennent de plus belle après la mort du patriarche Luc (1169) et un nouveau synode est réuni en 1170; les métropolites de Cappadoce sont présents à ces débats37. Après la mort de Manuel Comnène (1180), qui avait fait graver l’édit conciliaire sur des dalles de marbre à Sainte-Sophie38, la discussion se poursuit et elle durera jusqu’à l’époque du patriarche Michel Autoreianos (1208–1214), qui fera une ultime et vaine tentative de révision39. Peut-on interpréter la

35 Sur cette controverse: Niketas Choniates, ‘Dogmatikè Panoplia’, PG 140, 201–281; H.J. Magoulias trad., O City of Byzantium. Annals of Niketas Choniates (Detroit, 1984), 120–121, 183; J. Rosenblum trad., Jean Kinnamos. Chronique (Paris, 1972), 162–166; J. Gouillard, ‘Le Synodikon de l’Orthodoxie. Édition et commentaire’, TM 2 (1967), 216–226; S. N. Sakkos, Ὁ Πατήρ µου µείζων µου ἐστίν. Α’. Κριτικὴ κειµένου καὶ ἑρµηνεία. Β’. Ἔριδες καὶ σύνοδοι κατὰ τὸν ιβ’ αἰώνα (Thessalonique, 1968). 36 Canon 4: Mansi, t. 22, col. 4. 37 Cf. Sakkos, Ὁ Πατήρ µου µείζων µου ἐστίν. Β’., 98–104 (tableaux). 38 Cf. C. Mango, ‘The Conciliar Edict of 1166, DOP 17 (1963), 315–330. 39 L. Petit, ‘Documents inédits sur le concile de 1166 et ses derniers adversaires’, VV XI (1904) 465–493; en particulier 477 (n. 1) pour la poursuite de la polémique «vers la fin du patriarcat de Michel ».

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composition de Tatlarin comme un équivalent visuel de la définition du synode de 1166, qui fut insérée peu après dans le Synodikon? Le Père (par nature non représentable, figuré par le Christ) est plus grand que le Fils — Verbe incarné, mais ce dernier, consubstantiel au Père, mérite de trôner à sa droite et de recevoir la même adoration que lui; la communauté de trône, la présence des deux anges en prière encadrant la Majesté binitaire expriment leur égalité d’honneur: l’infériorité relative du Fils est comme « compensée » par sa consubstantialité. La participation de la Cappadoce, au début du XIIIe s., aux querelles théologiques byzantines pourrait expliquer aussi une image infernale assez insolite, conservée à Karşı kilise40 (Fig. 6). L’iconographie en est caractérisée par le sort fait aux représentants du clergé — les damnés poussés dans les ténèbres infernales sont des évêques et des prêtres, à l’exclusion de toute autre catégorie sociale — et par le rôle joué par Judas. Derrière un groupe serré de prélats, trois vieillards, dont un grand démon tire la barbe, semblent dans le giron d’une très grande figure rouge, identifiée par une inscription à Judas, qui, la corde au cou, est tiré par le maître de l’Enfer. Bien que la critique des ecclésiastiques soit un topos de l’iconographie du Jugement dernier, leur présence ici exclusive est unique, comme l’est aussi l’image de Judas recevant les évêques dans son sein: pécheur et damné exemplaire, Judas est le modèle par excellence du traître, du cupide et de l’hérétique41. Dans une région qui fut de tous temps propice aux dissidences religieuses et dans une scène qui est le lieu privilégié de l’expression des réalités contemporaines, les prélats condamnés pourraient bien représenter ceux qui, accusés d’hérésie, furent anathématisés lors des controverses contemporaines. Quelle que soit leur signification précise, les peintures de l’église B de Tatlarin montrent donc que la Cappadoce, au début du XIIIe s., loin d’être coupée du monde byzantin, auquel elle n’appartient plus politiquement, participe aux débats qui déchirent alors l’Orthodoxie et est en relation avec l’Empire de Nicée. L’empereur Théodore Lascaris est d’ailleurs mentionné dans la dédicace de Karşı kilise, dont la donatrice, Irène, s’est fait représenter, avec ses deux filles, à côté de sainte Théodotè, martyre de Nicée, tandis

Jolivet-Lévy, ‘Images et espace cultuel’; reproduction en couleurs dans: C. Jolivet-Lévy, La Cappadoce, mémoire de Byzance (Paris, 1997), 105. 41 D’où l’intérêt pour l’histoire de Judas dans les psautiers à illustrations marginales: A. Grabar, L’Iconoclasme byzantin (Paris, 19842), 228. 40

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que le saint patron de cette ville, Tryphon42, figure dans la voûte de la nef. Au maintien de relations avec le monde byzantin, s’ajoutent l’influence hypothétique, mais plausible, de modèles occidentaux, et celle — ponctuelle — de l’art seldjoukide contemporain43, dont nous n’avons pas eu l’occasion de parler ici. Malgré les problèmes d’interprétation qu’ils suscitent, les monuments de Cappadoce constituent ainsi un témoignage intéressant sur la complexité de la réalité historique et artistique au début du XIIIe s. en Anatolie.

Abréviations bibliographiques: CahArch DChAE

Cahiers Archéologiques

DOP DOS JÖB OCA REB SC TM

Dumbarton Oaks Papers Dumbarton Oaks Studies Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik Orientalia Christiana Analecta Revue des Études Byzantines Sources Chrétiennes Travaux et Mémoires, Collège de France, Centre de recherche d’histoire et civilisation de Byzance Vizantijskij Vremennik

VV

Δελτίον τῆς Χριστιανικῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας

C. Foss, J. Tulchin, Nicaea: A Byzantine Capital and its Praises (Brookline, Mass., 1996), 6, 104–108 (Tryphon), 7, 115 (Théodotè). 43 Sensible en particulier dans la représentation des dragons que terrassent Georges et Théodore, à Tatlarin comme à Karşı kilise. 42

IX

Images et espace cultuel à Byzance: l’exemple d’une église de Cappadoce (Karşı kilise, 1212)

L

E rapport entre images et espace cultuel sera envisagé ici à partir de l’analyse du décor peint d’une église de Cappadoce récemment restaurée1. Désormais restitué dans sa quasi intégralité, cet ensemble est intéressant à plus d’un titre: en partie inédit, précisément daté et conservant des portraits de donateurs, il est l’œuvre d’un atelier local, qui décora d’autres églises de la région au début du XIIIe s.2, et, surtout, son programme iconographique constitue un exemple privilégié pour l’analyse du fonctionnement des images dans l’espace, permettant de mettre en évidence les liens multiples qui peuvent exister entre les peintures murales et le lieu dans lequel elles s’inscrivent: l’église, à la fois réalité spatiale et espace cultuel, investie d’une signification symbolique et d’une (ou plusieurs) fonction(s) liturgique(s). Karşı kilise, l’«église d’en face»3, se trouve à l’entrée de Il ne s’agit pas d’une présentation de type monographique, plusieurs aspects du monument étant volontairement laissés de côté, qui feront l’objet d’une autre étude. La restauration, effectuée sous la direction de Rıdvan İşler, s’est achevée en 1996: cf. S. Şahin, Gülşehir St. Jean (Karşı) kilisesi, VIII. Müze Kurtarma Kazıları Semineri. Kuşadası 7–9 Nisan 1997, Ankara 1998, p. 445–459. 2 En particulier à Tatlarin: peintures en cours d’étude. 3 G. de Jerphanion, Une nouvelle province de l’art byzantin. Les églises rupestres de Cappadoce, Paris 1925–42, II, p. 1–16; J. Lafontaine-Dosogne, Nouvelles notes cappadociennes, Byz. 33, 1963, p. 123–127; M. Restle, Die byzantinische Wandmalerei in Kleinasien, Recklinghausen 1967, III, n° LI, fig. 468–473; N. Thierry, La peinture de Cappadoce au XIIIe s., Studenica et l’art byzantin autour de l’année 1200, Belgrade 1988, p. 367–368 (sur l’image de l’Enfer); C. Jolivet-Lévy, Les Églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l’abside et de ses abords, Paris 1991, p. 229–230; ead., La Cappadoce, mémoire de Byzance, Paris 1997, p. 106–107. 1

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Gülşehir4, important nœud routier situé sur la rive sud du Kızıl Irmak (Halys), à une quarantaine de kilomètres de Nevşehir, sur la route de Kırşehir. Plusieurs autres monuments sont conservés dans cette zone — à Açık Saray, Yüksekli, Tatlarin —, qui attestent la présence dans la première moitié du XIIIe s. d’une communauté chrétienne prospère, dans une région qui fait partie depuis la fin du XIe s. du Sultanat de Rûm et qui connaît alors stabilité politique et activité économique florissante: c’est dans ce contexte que s’inscrit, en 1212, la rénovation de l’église que nous allons étudier5. Mentionnée à la fin du XIXe s. comme une église de l’archange Michel, elle servit au culte jusqu’au départ des Grecs et était, au début du XXe s., dédiée aux Taxiarques Michel et Gabriel6. Quand Jerphanion visita le site en 1912, les peintures étaient, comme jusqu’à ces dernières années, très enfumées et couvertes de graffiti modernes: il n’avait pu identifier tous les sujets. Depuis, on a surtout souligné la maladresse du style (mauvaise qualité du dessin, pauvreté des compositions) et l’étrangeté du programme iconographique, et opposé ceux-ci au statut social apparemment élevé des donateurs, l’ensemble apparaissant ainsi typique du bas niveau de la peinture byzantine du XIIIe s. en Cappadoce turque, opinion qui peut aujourd’hui être nuancée7. L’église a été creusée au-dessus d’un sanctuaire plus ancien, que signalait à l’extérieur une façade sculptée, rythmée de pilastres et décorée de F. Hild, M. Restle, Kappadokien (Kappadokia, Charsianon, Sebasteia et Lykandos), Vienne 1981, s. v. Zoropassos, p. 308–309 (TIB 2); F. Hild, Das byzantinische Strassensystem in Kappadokien, 1977, p. 79. 5 Pour un aperçu général des monuments du XIIIe s. en Cappadoce: Thierry, La peinture de Cappadoce au XIIIe s., cité supra n. 3, p. 359–376; N. Thierry, De la datation des églises de Cappadoce, BZ 88, 1995, p. 449–452; Jolivet-Lévy, La Cappadoce, cité supra n. 3, p. 104–115. 6 H. Rott, Kleinasiatische Denkmäler aus Pisidien, Pamphylien, Kappadokien und Lykien, Leipzig 1908, p. 245–246. On ignore la dédicace primitive, mais une consécration aux archanges est plausible: outre l’importance de leur culte dans la région (C. Jolivet-Lévy, Culte et iconographie de l’archange Michel dans l’Orient byzantin: le témoignage de quelques monuments de Cappadoce, Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa 28, 1997, p. 187–198), le décor met en valeur «l’ange du Seigneur» dans plusieurs scènes (la Psychostasie, les Trois Hébreux dans la fournaise, les saints cavaliers terrassant le dragon); Michel et Gabriel sont représentés à l’entrée du sanctuaire, situation banale. Cette dédicace serait aussi en accord avec la fonction funéraire, qui semble se dégager de l’analyse du décor. 7 Le style, marqué par une stylisation poussée des figures, n’est pas uniformément médiocre — on distingue la main de deux peintres différents — et il présente des analogies avec d’autres peintures du XIIIe s. 4

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quelques arcatures aveugles; à l’intérieur, le décor ne consiste qu’en croix et motifs — géométriques et animaliers — assez frustes, peints à l’ocre rouge directement sur la paroi8. Cette première église avait un plan en croix libre, avec coupole centrale et voûtes en berceau sur les courts bras de la croix; une clôture haute fermait l’abside et un narthex voûté en berceau précédait le naos. La typologie de la façade et le décor peint suggèrent une datation au XIe s. pour ce sanctuaire, dont la fonction (monastique ?) reste difficile à préciser. Plus tard, au XIIIe s. si l’on admet la contemporanéité de l’excavation et du décor peint, fut creusée l’église supérieure, ce qui entraîna certains remaniements au niveau du narthex — pour établir, au nord-ouest, un escalier creusé dans le rocher donnant accès au niveau supérieur — et au niveau du naos, dont la coupole fut détruite. Les deux églises ne sont pas exactement superposées, l’emplacement de la coupole de l’église inférieure correspondant non au centre mais à la partie sud-est du vaisseau supérieur; leur orientation est également légèrement différente. Le naos de l’église haute (Fig. 1, 2), voûté en berceau, est de forme trapézoïdale, s’évasant vers l’est9, et éclairé par une fenêtre à l’ouest. L’abside, orientée au nord-est, est légèrement surélevée et abrite trois niches: plus large et plus profonde, celle du milieu, un peu désaxée vers la droite10, contient l’autel, laissé en réserve lors de l’excavation11; la niche nord servait de prothèse, celle du sud de siège. En avant de l’abside, deux piliers déterminent une courte travée orientale entre deux compartiments d’angle couverts de calottes: l’ensemble correspond à l’espace du bêma, mais aucune clôture ne matérialise la séparation de celui-ci avec le naos. Le type architectural de l’église, qui ne retient du plan en croix inscrite que les pièces d’angle orientales, est donc simple et atypique, comme le sont souvent les fondations du XIIIe 8 Type de décor fréquent au XIe s., comparable par exemple à celui d’Aynalı kilise (Göreme): L Rodley, Cave Monasteries of Byzantine Cappadocia, Cambridge 1985, p. 56–63. 9 Elle mesure environ 6 m de long pour une largeur de 4, 45 m (à l’ouest) à 5, 20 m (à l’est). 10 Déviation peut être en rapport avec la place du côté nord de la nef du principal donateur de l’église — à l’emplacement où se trouvait son portrait — assurant ainsi, en l’absence de clôture, une meilleure visibilité de la niche d’autel et de son décor. On a d’autres cas d’aménagements liturgiques «désaxés» pour tenir compte du point de vue de fidèles privilégiés; en Cappadoce, citons l’exemple (inédit) de l’église supérieure du complexe rupestre de la vallée de Çat. 11 Cet aménagement se retrouve au XIIIe s. dans les deux absides de l’église n°2 (B) de Tatlarin, cf. C. Jolivet-Lévy, N. Lemaigre Demesnil, Nouvelles églises à Tatlarin, Cappadoce, Monuments et Mémoires. Fondation Eugène Piot 75, 1996, p. 26.

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s. en Cappadoce12. On remarque en outre la disposition asymétrique des arcatures aveugles creusées dans les parois ouest, sud et nord de la nef; les murs ouest et sud comportent chacun une large arcature, en anse-de-panier, à gauche, et deux plus étroites, à droite, tandis que dans le mur nord, où se voit actuellement la même disposition, l’arcature orientale a détruit les peintures. Les arcatures les plus larges ont permis la mise en valeur de sujets requérant un espace plus important (panneau des donatrices, saint cavalier, Constantin et Hélène), tandis que les figures de saints isolés en pied s’inscrivent dans les niches étroites: est-ce parce que le peintre s’est adapté au cadre spatial préexistant, ou plutôt parce qu’architecture et décor ont été conçus en collaboration étroite? L’arcature du mur nord, qui entame le panneau des donateurs et est en tous points semblable aux autres, soulève cependant une difficulté. S’il s’agit d’un remaniement postérieur, on comprend mal sa raison d’être, l’arcature en question n’ayant aucune nécessité fonctionnelle. On peut se demander si elle n’est pas plutôt le résultat d’une erreur ou d’un repentir des excavateurs: le fond de la niche n’offrant pas une surface suffisante pour la mise en valeur de la composition des donateurs prévue à cet endroit, on aurait finalement décidé de la boucher pour exécuter la peinture sur une surface plane plus large et plus visible. Plus tard, peut-être à l’époque moderne, la niche fut rouverte13. La superposition des deux églises, communiquant entre elles, et la différence de leurs aménagements liturgiques suggère une fonction distincte pour chacune: celle du bas, dont le sanctuaire était limité par une clôture haute, semble destinée à une utilisation courante (peut-être par une petite communauté monastique), tandis que celle du haut, creusée postérieurement, a pu servir de chapelle privée pour la famille des donateurs et probablement abriter des offices commémoratifs14.

12 Il en est de même à Tatlarin: Jolivet-Lévy, Lemaigre Demesnil, Nouvelles églises à Tatlarin, cité supra n. 11, p. 22–30. 13 On objectera que l’on aurait pu aussi bien, au moment d’exécuter les peintures, supprimer le pilastre séparant cette arcature de celle qui se trouve juste à côté pour obtenir une large arcature aveugle permettant de déployer la composition souhaitée; est-ce parce que l’équipe chargée de l’excavation n’était plus sur place au moment de l’exécution du décor peint que l’on a choisi une autre solution? 14 Comme c’était sans doute le cas dans la chapelle supérieure de Bojana: B. Penkova, Von der kommemorativen Funktion der Kapelle im zweiten Stock der Kirche von Bojana, Problemi na iskustvoto 28/1 (1995), p. 29–41 (en bulgare, rés. allem. p. 63).

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Une inscription dédicatoire, des portraits et des invocations dispersées dans l’église, apportent quelques informations, malheureusement insuffisantes pour identifier les donateurs à des membres de familles connues et même pour les situer précisément dans la société. L’inscription dédicatoire peinte dans l’abside de l’église supérieure, à la naissance de la voûte, est lacunaire (Fig. 7). On ne lit plus aujourd’hui que: . . . ου ἐπὴ βασηλέοντος Θεοδόρου Λάσκαρη ἔ ς ‚ςψκ’ κε ἐνδ(ικτιῶνος) ῑε’ µ(η)νὴ ἀπρηλύο ἠς τ(ὰς) κε’, «sous le règne de Théodore Laskaris, en l’an 6720, indiction

15, le 25 du mois d’avril», ce qui donne la date du 25 avril 121215. Des deux panneaux contenant des portraits de donateurs, un seul, situé dans une niche du mur ouest (côté sud), était jusqu’à présent connu (Fig. 10). On y voit une femme entre deux fillettes, toutes trois richement vêtues, signe de leur appartenance à une classe élevée de la société (Fig. 3). Les invocations qui accompagnent les trois figures sont d’un type banal: Κ(ύρι)ε βοίθυ τὴν | δούλην σου | Εἰρήνην « Seigneur, secours ta servante Irène », pour la femme du centre, Κ(ύρι)ε βοίθ[ει] | τὴν δούλιν | σου Καλή16, à gauche, et Κ(ύρι)ε βοήθι τ[ὴν] | δούλιν σου | Μαρία, à droite. Irène est à peu près de même taille que sainte Théodotè peinte à côté, mais la restauration a révélé que, contrairement à ce que l’on avait cru, elle n’était pas nimbée17; elle pose en un geste protecteur les mains sur la tête des figures qui l’encadrent, celle de gauche tête nue, celle de droite portant un voile, toutes deux les mains croisées sur la poitrine, geste d’humilité qui caractérise souvent les portraits funéraires, mais qui peut aussi marquer simplement la soumission, l’infériorité ou la prière18. La différence de taille entre les trois personnages, l’attitude protectrice de la figure centrale et le geste des mains croisées de D’après quelques lettres précédentes, relevées par H. Rott, Jerphanion proposait deux lectures: . . . τοῦ] ἔκ[γ]ονα αὐτου . . . ou . . . τῶν] τ]έκ[ν]ον αὐτου . . . La seconde solution paraît plus vraisemblable, d’autant que plusieurs enfants apparaissent avec leurs parents dans les panneaux des donateurs. 16 Prénom moins fréquent que ceux d’Irène et Marie, mais cependant bien attesté: pour quelques exemples du XIIIe s., voir S. Kalopissi-Verti, Dedicatory Inscriptions and Donor Portraits in Thirteenth-Century Churches, Vienne 1992, p. 84, 89, 107. 17 Le nimbe supposé et la taille de la figure centrale avaient conduit Schiemenz à l’identifier à une sainte: G.P. Schiemenz, Herr, hilf deinem Knecht. Zur Frage nimbierter Stifter in den kappadokischen Höhlenkirchen, Römische Quartalschrift für christliche Altertumskunde und Kirchengeschichte 71, 1976, p. 166–169. 18 Pour l’interprétation funéraire de ce geste, voir les exemples cités par A. Semoglou, Contribution à l’étude du portrait funéraire dans le monde byzantin (14e–16e siècle), Zographe 24, 1995, p. 4–11, et, de fait, ce geste, qui est celui des défunts sur leur couche funèbre — à 15

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celles qui l’encadrent permettent de penser que l’on est en présence d’une mère entre ses deux filles, mais on ne peut affirmer que celles-ci étaient décédées19. Au fond de la même arcature aveugle, à droite, est figurée sainte Théodotè, ἡ ἁγία Θεοδότυ, en maphorion, tenant la croix des martyrs20. À droite de l’arcature aveugle, sur le mur ouest, une figure très endommagée, de même taille que les saints peints dans les niches, avait elle aussi les mains croisées sur la poitrine, détail qui suggère de l’identifier à une autre femme, donatrice (défunte?) et/ou membre de la même famille. La restauration des peintures a révélé un autre panneau de donateurs, en grande partie détruit par la niche orientale, dont nous avons déjà parlé (Fig. 4); comme le premier, il comprenait trois personnages, ici apparemment de sexe masculin, celui du centre de plus grande taille: vraisemblablement un père — le mari d’Irène? — entre ses deux fils. Dans les coins supérieurs du panneau, la main de Dieu, deux fois représentée, les bénissait. Du personnage central, non nimbé, ne subsiste que le haut du turban blanc et, à droite, un fragment du modèle de l’église qu’il tenait. Des deux figures à petite échelle, l’une (à gauche) porte un voile, l’autre est tête nue. Des inscriptions, en partie détruites, accompagnaient les trois personnages, dont l’une est adressée au commencer par la Vierge dans la Dormition — ou de Néophyte, élevé au ciel par deux anges, dans l’enkleistra de Paphos (A. et J. Stylianou, The Painted Churches of Cyprus, Londres 1985, p. 363, fig. 217), se rencontre dans une série de portraits commémoratifs, particulièrement à Chypre, dans l’église de Saint-Théodosius à Akhelia (XIIIe s., ibid. p. 407–408, fig. 245) et sur plusieurs icônes citées par A. Semoglou. En Cappadoce, les figures de Jean et Eustrate, dans l’abside d’Ayvalıköy, qui ont les mains croisées sur la poitrine, ont été interprétées comme des portraits funéraires (N. Thierry, Le portrait funéraire byzantin. Nouvelles données. Euphrosynon, Athènes 1992, 582–592). Mais les portraits commémoratifs de défunts sont loin de suivre toujours ce type iconographique, adopté en revanche pour des portraits de vivants, par exemple, au fol. 2r du Coislin 79 de la Bibliothèque Nationale de France (Byzance. L’art byzantin dans les collections publiques françaises. Musée du Louvre 3 nov. 1992–1er février 1993, Paris 1992, p. 360), au fol. 50v du cod. 61 de Koutloumous (Oἱ θησαυροὶ τοῦ Ἁγίου Ὄρους. Εἰκονογραφηµένα χειρόγραφα, t. 1, éd. S. Pelekanidis, P. Christou, C. MavropoulouTsioumi, S. Kadas, Athènes 1973, fig. 300) et pour les enfants figurés près de leurs parents, par exemple à Sainte-Marina près de Karlukovo, XIVe s. (cf. D. Piguet-Panayotova, Recherches sur la peinture en Bulgarie du bas Moyen Age, Paris 1987, p. 115–116, fig. 48). 19 Les invocations tracées près des trois figures n’établissent aucune distinction entre elles. 20 Probablement la martyre de Nicée (cf. Jolivet-Lévy, Églises byzantines, cité supra n. 3, p. 140). La mention de Théodore Laskaris dans l’inscription dédicatoire, la présence en bonne place de sainte Théodotè et de saint Tryphon (voir infra) indiquent probablement que les commanditaires étaient, d’une manière ou d’une autre, liés à Nicée.

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Christ photodotès21. L’inscription des panneaux des donateurs dans l’espace de l’église et dans le programme iconographique appelle quelques remarques. Conformément à un usage courant au XIIIe s., sont privilégiées la partie ouest de l’église et la proximité du sanctuaire, la place respective des deux images, déterminée par la valeur symbolique et fonctionnelle de l’espace, exprimant la prééminence du groupe des hommes, à l’entrée du sanctuaire, du côté nord, là où ils se tenaient probablement, sur les donatrices, reléguées avec les saintes martyres dans la partie ouest, emplacement possible des femmes dans l’église. Par leur échelle — pratiquement la même que celle des figures sacrées qui les entourent —, ce qui est relativement rare22, les principaux donateurs, Irène et son mari (?), qui devaient occuper une place élevée dans la hiérarchie sociale, sont partie prenante de l’espace sacré créé par le décor. Par ailleurs, les trois figures du panneau des donateurs sont alignés presque exactement sur celles des trois patriarches au paradis, peints au registre supérieur, et eux-mêmes surmontés par l’Anastasis, l’alignement de ces sujets traduisant l’espoir de résurrection et de salut éternel des donateurs (Fig. 5). L’église conserve encore deux autres invocations, non accompagnées de portraits, l’une près de l’image de Constantin et Hélène tenant entre eux la croix — δέηση | Μυχαϊ|λήου τοῦ Πλα|κίδα, «prière de Michel Placidas» (Fig. 6) —, l’autre près de saint Jean l’anargyre (à gauche de l’abside) — [Κύρι]ε βο|[ήθει τ]ὸ|[ν δού]λον | [. . . ου . . .]., «Seigneur, aide ton serviteur . . . ». Les sujets décorant le bêma sont en partie conventionnels, liés à la fonction liturgique du lieu23, la spécificité du programme résidant surtout dans le nombre et le choix des saints associés à l’espace du sanctuaire (Fig. 7). La Déisis emplissant la conque absidale était de type composite, 21 Pour d’autres exemples de cette épithète sur les images: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 318, n. 129. En haut, de part et d’autre du personnage central, on lit

ΑΓΡΥΟΣHT[– – – πρόσδ]εξε Χ(ριστ)ὲ µου φοτοδότα δέησ(ιν) | ΘΑΤΟΠ – – – του δούλου τοῦ Θ(εο)ῦ Μανταί[ου?] | κὲ Νοµ[ικοῦ?] – – – ΕΡΕΤΕΖΟΤΗΔΟΝ.ΠΤΑ . . . | γέγονε – – – | ΜΗ.Ε – – – | ΑΝΑ – – – (lecture Georges Kiourtzian); quelques lettres se distinguent encore

au-dessus de la figure de droite. 22 C. Jolivet-Lévy, Çarıklı kilise, l’église de la Précieuse Croix à Göreme (Korama), Cappadoce: une fondation des Mélissènoi?, Εὐψυχία. Mélanges offerts à Hélène Ahrweiler, Paris 1998, p. 304, n. 11 (Byzantina Sorbonensia 16). À partir du XIIIe s., le fait est cependant moins rare: T. Velmans, Le portrait dans l’art des Paléologues, Art et Société à Byzance sous les Paléologues, Venise 1971, p. 93–148. 23 Jolivet-Lévy, Églises byzantines, cité supra n. 3: la description, faite avant la restauration, peut aujourd’hui être précisée.

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associant au trimorphon des éléments des visions prophétiques24. Au fond de la niche d’autel se trouvait, directement associée au lieu où se renouvelle le mystère de l’Incarnation, la Théotokos avec l’Enfant, une imitation de nappe étant peinte sur la partie inférieure de l’autel, tandis qu’au-dessus de la niche subsiste un fragment de décor, qui a pu appartenir à une représentation du Mandylion25. Le décor de la petite niche nord — calice et voiles liturgiques — correspond à son utilisation pour la préparation du pain et du vin (prothèsis). Sur la paroi, les saints évêques traditionnels: à Jean Chrysostome, près du centre, devait répondre Basile de Césarée (disparu); Nicolas et Grégoire de Nysse sont à l’extrémité sud de la paroi, et au fond de la niche-siège, du même côté, Amphiloque. La frontalité des prélats, qui ne sont pas figurés ici officiant, peut être considérée au XIIIe s. comme un trait archaïsant et provincial, mais elle peut aussi indiquer que l’église n’était pas prévue pour la liturgie ordinaire26. Liés à la fonction liturgique du sanctuaire, les saints diacres Étienne, ὁ ἅ(γιος) Στ[έφανος], et Romain, ὁ ἅ(γιος) ‘Ρο[µα]ν[ός], sont figurés sur le haut des piédroits encadrant l’entrée de l’abside. Également traditionnels à l’entrée du bêma, sont, dans la voûte du bras est, de part et d’autre d’un médaillon dont le contenu est perdu, les archanges Michel, ὁ ἀρχ(άγγελος) [Μιχαήλ] et Gabriel, [ὁ ἀρχάγγελος] Γαβρηή[λ], en costume impérial. Le choix des autres images associées à la Déisis absidale, est révélateur de l’attachement porté à certains saints — moines, martyrs et surtout anargyres — dont le pouvoir de protection et d’intercession était considéré comme particulièrement efficace. Quatre saints moines à mi-corps, deux de chaque côté, sont figurés sous les archanges: au nord, Ephrem le Syrien, ὁ ὅσιος Ἐφρὲµ ὁ σίρος, et Arsène, ὁ ὅσιος Ἀρσένιως, au sud, Sabas, ὁ ὅσιος Σάβα(ς), et un saint aujourd’hui

Formule fréquente: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 149 (n. 17, 18). Motif souvent associé, en raison de son contenu symbolique, au décor de l’abside: par exemple, en Cappadoce, à Göreme 21 et Karanlık kilise (Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 127, 134); l’emplacement du Mandylion au-dessus de l’autel est particulièrement fréquent en Géorgie: Z. Skhirtladze, Canonizing the Apocrypha: The Abgar Cycle in the Alaverdi and Gelati Gospels, The Holy Face and the Paradox of Representation, éd. H. L. Kessler, G. Wolf, Bologne 1998, p. 73–74. 26 Selon l’explication avancée pour les évêques représentés dans le parecclèsion funéraire de Saint-Sauveur in Chora: S. Der Nersessian, Program and Iconography of the Frescoes of the Parecclesion, The Kariye Djami, vol. 4. Studies in the Art of the Kariye Djami and its Intellectual Background, éd. P. Underwood, Princeton 1975, p. 319. 24 25

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anonyme, sans doute Antoine27. Les martyrs syriens, Serge à gauche, ὁ ἅ(γιο)ς Σέργιως, auquel devait répondre Bacchus à droite, en buste, sont également représentés en hauteur, à l’entrée des compartiments d’angle. Mais on a surtout voulu mettre en valeur, à la fois par leur emplacement dans les parties basses (au niveau des fidèles susceptibles de leur adresser leurs prières), par leur échelle et par leur nombre inhabituel, les «icônes» des saints médecins anargyres: Jean, ὁ ἅγιως Ἠοάνης, et Thaléléos, ὁ ἅ(γιο)ς Θαλελέ[ος], sur les piédroits de l’abside, Cosme (détruit) et Damien, ὁ [ἅγιος] Δαµηανός, au fond des pièces d’angle, sur le mur est, respectivement au nord et au sud, Cyr, ὁ [ἅγιος] Κῆρο(ς), et Pantéléimon, ὁ ἅγιως Παντελεΰµον, sur les murs nord et sud de ces mêmes compartiments d’angle, dont la calotte est ornée d’une croix. L’iconographie est traditionnelle — tous tiennent une petite lancette et une boîte ouverte à couvercle conique — et leur emplacement à l’entrée de l’abside n’est pas rare28, mais une telle concentration reste exceptionnelle. La volonté de convoquer à l’entrée du sanctuaire le plus grand nombre de saints possible est ici manifeste, et la prééminence donnée aux médecins exprime l’intérêt particulier des donateurs pour cette catégorie de saints. Dans l’analyse du décor du naos, nous insisterons surtout, après un bref rappel des thèmes traditionnels, sur les sujets susceptibles de nous éclairer à la fois sur le fonctionnement de l’espace et sur les intentions des concepteurs du programme. L’Annonciation qui inaugure le cycle du naos est, conformément à un usage bien établi à Byzance à partir du XIe s., à la jonction entre bêma et nef 29, à l’entrée de la travée orientale, qui délimite l’espace du sanctuaire: Gabriel, Γαβρηύλ, est à gauche, la Théotokos, Μ(ήτ)ηρ Θ(εο)ῦ, à droite, assise, la quenouille dans la main droite, le fil dans la main gauche (Fig. 7). La salutation de l’archange est inscrite à gauche, Χερε κεχαρητοµένη ὁ Κ(ύριο)ς µετὰ σοῦ, et le titre de la scène à

27 Bien qu’il s’agisse de saints très populaires, souvent représentés, la place qui est la leur ici, à l’entrée du sanctuaire, est rare au XIIIe s.: est-ce l’indice que l’église était rattachée, comme nous l’avons supposé, à un ensemble monastique? 28 Pour d’autres exemples de cet emplacement oriental: Jolivet-Lévy, Églises byzantines, cité supra n. 3, p. 79 et passim. 29 Voir en dernier lieu: Y. D. Varalis, Παρατηρήσεις γιὰ τὴ θέση τοῦ Εὐαγγελισµοῦ στὴ µνηµειακὴ ζωγραφικὴ κατὰ τη µεσοβυζαντινὴ περίοδο DChAE IV, 19, 1996–1997, p. 201–220 (avec rés. fr.).

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droite, ὁ χερετησµός30. Au sommet de la voûte en berceau de la nef, sept médaillons contiennent des bustes de prophètes, ce qui correspond à un type de décor traditionnel en Cappadoce (Fig. 2). Les premiers, à l’est, sont, comme à l’accoutumée, les rois David, ὁ προφ(ήτης) Δα(υί)δ, et Salomon, ὁ προφ(ήτης) Σολοµόν, rappel de la lignée davidique du Christ. Leur succèdent Élie, ὁ προφ(ήτης) Ἠλήας, et Hénoch, ὁ προφ(ήτης) Ἑνόχ, qui n’ont pas connu la mort et qui, d’après les légendes apocalyptiques, reviendront à la fin de temps pour lutter contre l’Antéchrist, seront tués, mais revivront avant la seconde parousie31; la mise en valeur de ces deux figures s’inscrit bien dans un programme iconographique dominé par le thème du salut. Enfin les deux grands prophètes Isaïe, ὁ προφ(ήτης) Ἠσαήας, Ézéchiel, ὁ προφ(ήτης) Ἠεζεκιήλ, et Manassès, ὁ προφ(ήτης) Μανασῆς, rarement joint au groupe des prophètes, complètent la série à l’ouest. Au bas des parois se tiennent, outre les donateurs déjà évoqués, des figures de saints, qui, hormis Artémios, comptent au nombre des plus souvent représentés. Sur le mur ouest, on a Théodotè (Fig. 10), déjà mentionnée (près des donatrices), et deux saintes associées par leur nom au Vendredi Saint et au Dimanche des Pâques, à la mort et à la résurrrection: Paraskévi, [ἡ ἁγία] Παρασκεβί, et Kyriaki, ἡ ἁγία Κιρηακή, cette dernière richement vêtue, les bras levés en orante, placée au-dessus de l’escalier d’accès à l’église (Fig. 20). Sur le mur nord, un saint, dont le visage et le nom (Georges ?) ont disparu, sur un cheval blanc, occupait le fond de la large arcature aveugle occidentale (Fig. 20); derrière le cavalier une inscription cruciforme de caractère apotropaïque, liée probablement à la situation du panneau à l’entrée de l’église32. Dans la niche suivante, plus étroite, saint Artémios, en martyr, ὁ ἅ(γιο)ς Ἀρτέµιως, dont ce semble être la première apparition en Cappadoce (Fig. 5). Sur le pilastre qui les sépare, un saint stylite, Daniel, 30 Deux oiseaux sont peints dans les écoinçons, au-dessus des figures de l’Annonciation. Leur valeur, décorative ou symbolique, reste incertaine; d’autres motifs de remplissage sont peints dans l’église, mais ils sont d’inspiration végétale ou de caractère géométrique; compte tenu de l’ensemble du décor, les oiseaux pourraient éventuellement symboliser ici les âmes des défunts. 31 Pour d’autres exemples en Cappadoce: Jolivet-Lévy, Églises byzantines . . . cité supra n. 3, p. 309. 32 L’acronyme peut être lu ainsi: Κ(υρίου) Φ(ῶς) Χ(ριστιανοῖς) — ou Χ(ριστοῦ) — Φ(αίνει) Π(ᾶσιν) | Ξ(ύλον) Ζ(ωῆς) Στ(αυρός); cf. C. Walter, IC XC NI KA. The apotropaic function of the victorious cross, RÉB 55, 1997, p. 193–220, qui n’a pas relevé de formule absolument identique. Je remercie Georges Kiourtzian pour cette lecture, confirmée par C. Walter.

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Δανιύλ ὁ στηλίτης, dont le visage a été détruit (Fig. 20); un autre stylite,

dont le nom a disparu (Syméon l’Ancien, vraisemblablement) figurait en face, sur le pilastre correspondant33. De ce même côté sud, deux saints soldats en pied, Démétrius, ὁ ἅγιως Δηµίτρηως, et Procope, ὁ ἅγιως Προκόπιωs, occupent les niches occidentales de la paroi (Fig. 10), Constantin, ὁ ἅγιως Κοσταν[τῖ]νως, et Hélène, ἡ ἁγία Ἑλένυ, tenant entre eux la croix34, la large niche orientale (Fig. 6). Enfin, le tympan du mur ouest (Fig. 2) est consacré à la représentation très dynamique des cavaliers Théodore et Georges affrontés, terrassant le dragon35 et surmontés par un ange, qui tend à chacun une couronne36. Si la composition des cavaliers affrontés est bien connue, surtout à partir du XIe s., dans les églises de la région, son emplacement ici — à l’entrée de l’église, dans la partie haute du mur, à grande échelle et largement déployée, englobant presque toute la largeur de la nef — met en valeur la fonction apotropaïque de ces images équestres belliqueuses, censées non seulement illustrer le triomphe des guerriers chrétiens sur le Mal, mais aussi protéger l’édifice et ses usagers37. Également 33 La disposition symétrique de ces deux stylites est fréquente: voir par exemple E. C. Constantinidis, The Wall Paintings of the Panagia Olympiotissa at Elasson in Northern Thessaly, Athènes 1992, vol. I, p. 207–208. 34 Croix cantonnée des lettres ε ε ε ε, acronyme fréquent: cf. Walter, IC XC NIKA, cité supra n. 30, p. 211 (n° 3). 35 Les dragons évoquent l’art seldjoukide: cf. Cappadocia, éd. M. Sözen, Istanbul 1998, p. 476–477 (sculpture de Karatay han); The Glory of Byzantium. Art and Culture of the Middle Byzantine Era A.D. 843–1261, éd. H. C. Evans, W. D. Wixom, New York 1997, p. 424 (miroir du Musée de Topkapı); voir aussi R. Ettinghausen, O. Grabar, The Art and Architecture of Islam, 650–1250, Hardmonsworth 1987, fig. 324 (Khan de Sinjar); je dois cette référence à Yves Porter, que je remercie. 36 À droite de saint Georges, est tracée l’exhortation suivante: Ἀνδρίζου κὲ ὕσχη ἔ[νδοξε] τοῦ Χ(ριστο)ῦ µ[άρ]τυς, «sois valeureux et fort, glorieux martyr du Christ»; à gauche, entre les deux cavaliers, on lit: . . . κoς Γεώργιε µὴ δυληάσης ὁ Θ(εὸ)ς µέθ’ [ἡ]µõν . . . « Georges, ne sois pas effrayé, Dieu est avec nous »; merci à Georges Kiourtzian et à Pascal Boulhol pour la lecture de ces inscriptions. 37 La mise en valeur de la composition (échelle importante, situation en hauteur) est surtout connue en Géorgie (T. Velmans, A. Alpago Novello, Miroir de l’invisible. Peintures murales et architecture de la Géorgie, Zodiaque, 1996, p. 115–116). La fonction apotropaïque de l’image est encore plus nette quand les cavaliers sont représentés à l’extérieur du naos, sur la façade, dans le porche ou dans le narthex; ainsi en Cappadoce, à Münşil kilise/Soğanlı (Jolivet-Lévy, Églises byzantines, cité supra n. 3, p. 257), Yılanlı kilise/İhlara (N. et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres de Cappadoce. Région du Hasan Dağı, Paris 1963, p. 91) ou SaintEustathe/Göreme 11 (Jerphanion, Une nouvelle province, cité supra n. 3, I, p. 149 et corr. p. 600–601). Cette disposition des cavaliers à l’entrée s’observe aussi en Géorgie et plus tard dans les Balkans (cf. Jolivet-Lévy, Églises byzantines, p. 190, n. 77–80).

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dans les parties hautes de l’église, saint Tryphon, ὁ ἅ(γιος) Τρή[φω]ν), le saint patron de Nicée38, est représenté à l’extrémité occidentale du registre peint dans la voûte, du côté nord. Sur les versants de la voûte de la nef se succèdent au registre supérieur, du côté sud (d’est en ouest), Cène, Trahison de Judas et Baptême (Fig. 8), puis du côté nord (d’ouest en est) Descente de croix, Myrophores au sépulcre et Anastasis (Fig. 9); au registre inférieur, la Dormition de la Vierge et l’image des Trois Hébreux dans la fournaise (au sud) font face au Paradis (au nord). Sur le mur ouest, l’Enfer et la Psychostasie sont peints sous le combat des cavaliers contre les dragons, l’ensemble de la paroi étant ainsi dominé par une thématique conflictuelle (Fig. 2). Aucun de ces thèmes n’est nouveau, mais leur choix et la manière dont ils sont disposés dans l’église sont originaux. Malgré la présence de scènes comme l’Annonciation, le Baptême et la Dormition, il est évident que l’intention n’a pas été de composer un cycle abrégé du salut, montrant les grandes étapes de la vie du Christ, ni d’évoquer les temps forts de l’année liturgique par un cycle du Dodécaorton, ce qui confirme l’hypothèse d’une église qui n’était pas destinée au culte ordinaire. Il manque des images aussi essentielles que la Nativité et la Crucifixion, tandis que seules certaines scènes de la Passion, de la Sépulture et de la Résurrection ont été retenues, associées à des compositions évoquant le sort des âmes après la mort (Psychostasie, Enfer et, surtout, Paradis). La Dormition de la Vierge a reçu également un emplacement et un développement exceptionnels. La signification de ce programme iconographique s’éclaire si l’on prend en compte, outre le choix des scènes, leur inscription dans l’espace, qui nous renseigne aussi sur le fonctionnement de l’édifice. Les sujets illustrés mettent l’accent sur le thème de la Passion et de la Résurrection, sur le sort de l’âme après la mort, sur le salut apporté par le Christ, suggérant l’hypothèse d’une église fondée par les donateurs pour leur salut dans l’au-delà et, plus précisément, peut-être, pour abriter des offices commémoratifs pour les défunts de leur famille. L’église, cependant, ne présente pas d’arcosolium et aucune tombe n’y est actuellement conservée39. Un autre thème — celui de la trahison et de son châtiment — se dégage du choix de certaines scènes (Cène, Trahison de Judas, Enfer) et de la manière de les traiter. Cf. C. Foss, Nicaea: A Byzantine Capital and its Praises, Brookline, Mass. 1996, p. 6, 104–108. 39 En revanche, une tombe est creusée dans le sol du bras nord de l’église inférieure; elle a été recouverte lors de la restauration de l’église. 38

l. Gülşehir, Karşı kilise, église supérieure: schéma de distribution des peintures.

2. Karşı kilise, vue générale du naos vers l’ouest.

4. Karşı kilise: la panneau des donateurs (mur nord).

3. Karşı kilise: le panneau des donatrices (mur ouest).

5. Karşı kilise, partie nord-est du naos; de haut en bas: Myrophores au sépulcre et Anastasis; Paradis; saint Artémios et le panneau des donateurs.

6. Karşı kilise, mur sud: Constantin et Hélène, avec l’invocation de Michel Placidas.

7. Karşı kilise, vue vers le sud-est.

8. Karşı kilise, voûte du naos, versant sud: Cène, Trahison de Judas, Baptême, Dormition de la Vierge, Jeunes Hébreux dans la fournaise. 9. Karşı kilise, voûte du naos, versant nord: Descente de croix, Myrophores au sépulcre, Anastasis; Paradis.

11. Karşı kilise, Baptême du Christ.

10. Karşı kilise, partie sud-ouest du naos.

12. Karşı kilise, Trois Hébreux dans la fournaise.

13. Karşı kilise, Cène.

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Bien que le propos n’ait pas été de composer un cycle narratif de la vie du Christ, la succession chronologique des épisodes a été dans l’ensemble respectée, ainsi que leur déroulement circulaire autour de la nef: les scènes christologiques assument ainsi une fonction d’unification de l’espace sacré, que renforce ici l’absence de cadre entre les scènes, l’unité des parties hautes contrastant avec la segmentation de l’espace créée au niveau inférieur par les données architecturales (les arcatures servant à la mise en valeur des saints et des donatrices). Cependant, le récit de la Passion s’interrompt au sudouest pour faire place à l’image du Baptême du Christ — qui surmonte celle des Jeunes Hébreux dans la fournaise — rupture dans la succession chronologique des épisodes, qui définit, dans cette partie du naos, un espace particulier (Fig. 10). La composition du Baptême, ἡ βάυτηση, à l’extrémité occidentale du registre supérieur, du côté sud de la voûte, ne présente pas de particularités iconographiques, qui soient inconnues des compositions contemporaines en Cappadoce40 (Fig. 11). On retrouve la forme traditionnelle de cloche donnée au Jourdain qui enveloppe le Christ, Ἰ(ησοῦ)ς Χ(ριστό)ς, le geste de bénédiction des eaux, sanctifiées au moment du baptême, la colombe de l’Esprit Saint, τὸ ἅγιων πνεῦµα, Jean-Baptiste, Ἰω(άννης) ὁ Πρόδροµος, à gauche, et les deux anges, ἄνγγελ(οι) à droite. La personnification du fleuve sonnant de la trompe est aussi un motif habituel en Cappadoce, traduction picturale du bruit que rappelle à maintes reprises l’office liturgique, citant le Psaume 28, 3: «Voix de Yahvé sur les eaux, le Dieu de gloire tonne» ou le Psaume 76, 17–19. Sont également représentés dans les eaux des poissons et un serpent — allusion aux dragons dont le Christ brisa les têtes dans les eaux du Jourdain, en application au Baptême du Christ du Psaume 73, 13, plusieurs fois répété aux offices du 2 au 7 janvier. Enfin, un flambeau allumé dans l’eau rappelle que le Baptême est la «fête des Lumières» et que le feu de la divinité est descendu corporellement dans le Jourdain lors du Baptême du Christ. Ce motif est mis en valeur par sa position dans la composition, prolongeant l’axe vertical du bras gauche du Christ, et par la couleur rouge sombre du trépied qui porte le cierge: tranchant sur les couleurs claires environnantes, ce détail associe la scène à la composition sous-jacente — les Trois Hébreux dans la fournaise — où les teintes de rouge et de brun dominent, le rapprochement des deux sujets s’expliquant par leur symbolique commune et leur association liturgique. 40 Elle est proche surtout de celle de l’église de l’Archangélos près de Cemil: Jerphanion, Une nouvelle province, cité supra n. 3, t. II, 137–138, pl. 157, n° 2.

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Séparée par une bordure rouge de la scène voisine, à gauche, l’image des Jeunes Hébreux occupe un espace bien délimité, en accord avec le statut particulier de cette scène vétérotestamentaire, seule de ce type dans le décor (Fig. 10, 12). L’iconographie, traditionnelle, ne nous retiendra pas; en revanche, la légende de la scène, inscrite à droite, est intéressante et précise la signification de cette image au symbolisme multiple dans le contexte où elle est ici utilisée: Ὅδε ἄνγγελoς| Κ(υρίο)υ κατέβι νά|µα περὶ τὸν Ἀζα|ρήαν ὐς την κά|µυνον κὲ ἐ|πίυσεν τὸ µέ|σον τὺς κα|µήνου ὀσὺ πν(εῦµ)α δρόσου, «Mais l’ange du Seigneur descendit dans la fournaise

auprès d’Azarias (. . . ) et il leur fit au milieu de la fournaise comme un souffle de rosée» (Daniel 3, 49-50)41. Ce texte met en évidence le lien antithétique qui unit cette scène à celle du Baptême du Christ: au feu descendu dans l’eau du Jourdain répond la rosée répandue au milieu de la fournaise. Le symbolisme baptismal de l’épisode des jeunes Hébreux42 est connu, que souligne la liturgie, qu’il s’agisse du Samedi Saint — le passage de Daniel est lu dans le cadre de la préparation des candidats au baptême — ou du 6 janvier, où l’association entre les deux épisodes est explicite: «La fournaise de Babylone vit se réaliser jadis un incroyable miracle quand elle produisit de la rosée: c’est que dans ses flots, le Jourdain devait recevoir le feu immaculé et couvrir le Créateur, qui était baptisé en sa chair» (8e ode, hirmos)43. Montrant la possibilité pour l’homme d’être libéré de ses péchés et d’avoir part à la résurrection et à la vie éternelle, les deux scènes avaient leur place au sein d’un programme iconographique se développant autour du thème du salut44, mais leur situation dans l’église suggère aussi de les mettre en relation 41

D’autres inscriptions désignent les personnages de la scène: Ἄνγγελος Κ(υρίο)υ,

Ἀνανία, Ἀζαρία, Μισαύλ.

On en trouve l’illustration dans d’autres programmes iconographiques: par exemple dans le vestibule nord de l’église de la Vierge à Studenica, Serbie (1208/09), cf. Z. Gavrilović, Frescoes in the vestibules of the Church of the Virgin at Studenica. Iconographic Programme and Symbolic Meaning, Studenica et l’art byzantin autour de l’année 1200, Belgrade 1988, 185–192 (serbe, rés. angl.). 43 Μηναῖον τοῦ Ἰανουαρίου, éd. I. Nicolaïdès, Athènes 1905, p. 80. 44 Le feu de la fournaise a été interprété aussi comme le feu de l’Enfer (cf. par exemple, Irénée de Lyon, Contre les hérésies, Livre 5, éd. A. Rousseau, L. Doutreleau, C. Mercier, Paris 1969, p.368–369 (Sources chrétiennes 153) et le baptême est anticipation du baptême de feu, qui est eschatologique. Associée au Baptême du Christ, l’image des Jeunes Hébreux est aussi rapprochée — peut-être à dessein — de la Dormition de la Vierge, l’union du feu et de la rosée étant préfiguration de l’incarnation du Verbe divin en Marie, comme le rappelle par exemple Jean Damascène dans une homélie sur la Dormition (Jean Damascène, Homélies sur la Nativité et la Dormition, éd. P. Voulet, Paris 1961, p. 102–103, Sources chrétiennes 80). 42

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avec le fonctionnement liturgique de celle-ci. Par analogie avec d’autres monuments45, on peut en effet restituer dans l’angle sud-ouest de la nef, dont le sol a aujourd’hui disparu, une vasque ou une cuve mobile destinée à l’eau bénite. Étroitement liée au rituel du baptême, la bénédiction des eaux en renouvelle les effets, assurant la purification des péchés et la protection contre le Mal, ouvrant la voie à la vie éternelle46. Il est par ailleurs remarquable que le Baptême, situé après la Trahison de Judas et avant la Descente de croix (peinte en face), occupe la place de la Crucifixion, non représentée. Les rites du baptême et de la bénédiction des eaux sont participation à la mort et à la résurrection du Christ47 — interprétation fondée sur l’Épître de Paul aux Romains (6, 3-11)48 — et les images associées du Baptême et des Jeunes Hébreux dans la fournaise pallient dans une certaine mesure l’absence de la Crucifixion, traduisant la volonté de mettre l’accent sur la résurrection et la vie éternelle plus que sur la mort. Il est par ailleurs vraisemblable qu’une grande croix mobile était conservée dans l’église49 — peut-être décorée de la Crucifixion — et utilisée, entre autres, pour le rituel de la bénédiction des eaux. Le cycle consacré à la Passion et Résurrection du Christ commence à l’extrémité est du registre supérieur sud, près de l’abside, par la représentation de la Cène, [ὁ δεῖ]πνος50, dont l’iconographie traduit la double signification — institution de l’Eucharistie / annonce de la trahison de Judas — en accord avec la liturgie du Grand Jeudi, qui commémore la dernière cène,

45 Cf. C. Jolivet-Lévy, Les programmes iconographiques des églises de Cappadoce au Xe siècle. Nouvelles recherches, Constantine VII Porphyrogenitus and his Age. Second International Byzantine Conference, Delphes 1987, Athènes 1989, p. 270–272. 46 Cf. la prière pour la bénédiction des eaux attribuée à Sophrone de Jérusalem: «Aujourd’hui, les péchés des hommes sont effacés dans les eaux du Jourdain, aujourd’hui, le Paradis s’ouvre devant l’humanité et le soleil de Justice brille pour nous» (J. Goar, Εὐχολόγιον sive rituale Graecorum, Paris 1647, p. 457); voir aussi G. de Jerphanion, Épiphanie et Théophanie. Le baptême de Jésus dans la liturgie et dans l’art chrétien, La Voix des Monuments, Paris 1930, p. 175–176. 47 D’où la fréquente association de l’image du Baptême du Christ avec l’Anastasis: A. D. Kartsonis, Anastasis. The Making of an Image, Princeton, NJ 1986, p. 173–177. 48 Thème récurrent des catéchèses baptismales, cf. par exemple Cyrille de Jérusalem, Catéchèses mystagogiques, éd. A. Piédagnel, P. Paris, Paris 1966, p. 114–115 (Sources chrétiennes 126). Le Samedi Saint, après la lecture de Daniel et le cantique des Jeunes Hébreux, lecture est faite de l’épître de Paul. 49 Cf. J. A. Cotsonis, Byzantine Figural Processional Crosses, Washington 1994, p. 32, 37. 50 Une autre inscription, à droite, désigne les disciples, ἡ µαθητέ.

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le lavement des pieds (non représenté à Karşı kilise) et l’institution de l’Eucharistie, en portant une attention toute spéciale à la trahison de Judas, thème sur lequel revient encore la liturgie du Grand Vendredi. Sur la table en sigma, reposent trois coupes51, qui contiennent des pains et un poisson, soulignant la signification eucharistique de la scène (Fig. 13). Jésus, à gauche et Pierre, en face, occupent les places d’honneur. Judas, seul apôtre non nimbé, tend la main vers le plat, tenant déjà la bouchée, qui le désigne comme le traître: «Après la bouchée, Satan entra en lui» (Jn 13, 26-27). Le lien visuel entre les deux protagonistes — Jésus et Judas — est assuré par le geste convergent de leurs bras. L’emplacement de la scène dans l’église (près de l’abside) et dans le programme iconographique est en accord avec sa double valeur. En tant qu’institution de l’Eucharistie, elle est rapprochée de la Vierge de l’Annonciation et de l’espace du bêma; le lien Incarnation / Eucharistie, souligné par la liturgie52, est indiqué visuellement par le geste de Marie, dont la main gauche, tenant le fil de laine, semble désigner le Christ, et par les couleurs identiques mais inversées des vêtements de Marie et de Jésus. Cette situation orientale de la Cène, qui n’est pas très fréquente dans les églises byzantines53, correspond à une tradition attestée en Cappadoce au XIe s., comme en témoignent deux des «églises à colonnes» de Göreme54. La Cène précède directement la Trahison de Judas, ἡ πρόδοσια, qu’elle annonce: le Christ, au centre, domine par sa taille, sa frontalité et son isolement toute la composition; impassible, il est enlacé et embrassé par Judas, qu’il ne regarde pas et qui, plus petit, vient de la gauche (Fig. 14). Deux groupes compacts — la «bande nombreuse armée de glaives et de bâtons» (Mt 26, 47; Mc 14, 43) — encadrent les protagonistes à distance, chaque groupe étant identifié par une inscription aux Juifs, Ἠουδεη, bien qu’ils soient tous figurés comme des soldats55. Au premier plan, à gauche, à échelle réduite, D’aspect semblable au calice représenté dans la niche de prothèse. Cf. par exemple ce tropaire du Grand Mercredi (9e ode): «Lorsque, à la cène où vous reposiez avec les vôtres, vous révéliez le grand mystère de votre Incarnation . . . » (Τριῴδιον, éd. M.I Saliveros, Athènes 1930, p. 396). 53 Elle est plus souvent dans la partie ouest: des exemples dans L. Safran, S. Pietro at Otranto. Byzantine Art in South Italy, Rome1992, p. 55. 54 Karanlık et Elmalı kilise: Jerphanion, Une nouvelle province, cité supra n. 3, t. I, p. 409, 441. 55 Déjà l’iconographie «archaïque» montrait «les Juifs» avec des armes de toutes sortes, piques, hallebardes (Jerphanion, Une nouvelle province, cité supra n. 3, t. I, p. 87), mais ici armures et boucliers donnent une allure plus militaire à la scène; après 1204, on a parfois assimilé les soldats romains aux croisés (A. Stylianou, J. A. Stylianou, The Militarization of 51 52

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l’épisode de Pierre s’apprêtant à trancher l’oreille du serviteur du grand-prêtre, Malchus. La composition est synthétique, combinant, comme les lectures liturgiques, plusieurs textes56, mais l’accent est mis surtout sur le baiser du traître: aucun soldat ne porte la main sur Jésus pour l’arrêter, la plupart font face au spectateur, en témoins de la trahison. Les inscriptions confirment le sens de la scène: ὁν ἀν φηλισὸ αὐτός ἐστην κρατήσατε αὐτὸν («celui à qui je donnerai un baiser, c’est lui; arrêtez-le», Mt 26, 48; Mc 14, 44), χέρε ράβι κε κατεφήλὴσεν αὐτον («salut, Rabbi, et il lui donna un baiser», Mt 26, 49; Mc 14, 45), οὐτος ἐστὴν («c’est lui»). À la Trahison de Judas succède, sans séparation, le Baptême du Christ, le cycle se poursuivant en face, du côté nord, avec la Descente de croix, ἡ ἀποκαθήλοσι(ς) (Fig. 9, 15). Joseph d’Arimathie, Ἰοσίφ, soutient le corps, dont les deux mains sont déjà détachées, tandis que Nicodème, ὁ ἅ(γιο)ς Νη[κόδηµος], pratiquement détruit, déclouait les pieds; à Jean, Ἰω(άννης) ὁ θεολόγος, debout à droite, répond Marie, à gauche, qui presse contre son visage l’avant-bras droit de son fils; les astres, ὁ ἥλιως, ἡ σελήνη, et deux anges, ἄνγγελ(ος) Κ(υρίο)υ, complètent la composition. Image de référence des lamentations de Marie, qui depuis le XIIe s. avaient pris une grande importance dans la liturgie de la Passion, la Descente de croix assume la même valeur sacramentelle que la Crucifixion, qui manque ici57. Lui succèdent, toujours sans séparation entre les scènes, la Visite des saintes femmes au sépulcre et l’Anastasis (Fig. 9). Trois myrophores, µηροφόρε, conformément au récit de Marc 16, 1–7, dont l’une n’est indiquée à l’arrièreplan que par son nimbe, sont représentées serrées l’une contre l’autre, une main au visage pour exprimer désolation ou crainte (Fig. 16). L’ange, ἄνγγε[λος] Κ(υρίο)υ, assis sur la pierre, leur désigne le tombeau, ὁ τάφος, très schématisé, qui contient le linceul, et près duquel sont inscrites ses the Betrayal and its examples in the Painted Churches of Cyprus, Εὐφρόσυνον ἀφιέρωµα στον Μανόλη Χατζηδάκη, t. 2, Athènes 1992, p. 570–581); à Karşı kilise, cependant, rien dans le costume ou l’armement n’évoque particulièrement les Latins. 56 Ainsi, seul Jean, 18, 10, qui ne parle pas du baiser donné par le traître, identifie à Pierre le compagnon de Jésus qui frappa Malchus, le serviteur du grand prêtre. 57 L’accent mis sur cette scène, au détriment de la Crucifixion, s’observe à la même époque dans la peinture occidentale: J. Baschet, Lieu sacré, lieu d’images. Les fresques de Bominaco (Abruzzes, 1263): thèmes, parcours, fonctions, Paris-Rome 1991, p. 179–184, qui renvoie à E. C. Parker, The Descent from the Cross: its relation to the extraliturgical depositio drama, Ph. D., New York 1974, p. 8–11; voir aussi H. Belting, L’image et son public au Moyen Age, Paris 1998, p. 106–107.

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paroles: ἤδε ὁ τόπος ὅπου ἔθηκαν αὐτον , «voici le lieu où ils l’ont placé» (Mc 16, 6); comme souvent, le vêtement blanc et lumineux de l’ange donne sa note dominante à la composition. Deux minuscules soldats endormis sont figurés dans la partie inférieure de la composition (Fig. 17), surmontés par l’inscription: κέ ἱ φιλάσοντες ἀπενεκρόθησαν, «et les gardes sont étendus comme morts»58. L’Anastasis suit un schéma simple, dépouillé et plutôt archaïsant pour le XIIIe s.59: le Christ au centre, de face et pratiquement immobile, brandit la croix, trophée de sa victoire sur la mort, et saisit Adam par le poignet, Ève, derrière, lève en prière ses mains voilées sous le maphorion; sous les pieds du Christ, Hadès enchaîné et les portes renversées de l’Enfer; David et Salomon sont à droite (Fig. 18). Outre le titre de la scène — ἡ Ἀνάστασι(ς) — et les noms des personnages — Ἰ(ησοῦ)ς Χ(ριστό)ς, Ἀδάµ κέ ἡ Ἔβα, ὁ Ἅδης —, est inscrit, dans le bas de la composition, comme à Cemil et Tatlarin, ποῦ σου θάνατε τὸ κ(έ)ντρος; ποῦ σου Ἅδη τὸ νῆκος; «Où est-il, ô mort, ton aiguillon? où est-elle, ô Hadès, ta victoire?»60 (Fig. 19). Contraire à la chronologie des événements, la place respective des deux images complémentaires — l’ange montrant le tombeau vide aux femmes précédant la descente du Christ dans le royaume des morts61 — éclaire leur signification. La première scène illustre le récit évangélique de la résurrection du Christ, la seconde en montre la conséquence: la récompense des élus, la Rédemption de l’humanité. L’Anastasis, qui clôt le récit christologique, résume ainsi la signification de l’ensemble du cycle. En outre, à Karşı kilise, elle surplombe la représentation des trois patriarches au Paradis, portant les âmes des élus dans leur giron, et, au registre inférieur, le panneau des donateurs (Fig. 5). La Descente du Christ aux Enfers est couramment interprétée comme la «réouverture» du Paradis, qu’avait fermé à l’humanité le péché d’Adam, et l’association visuelle créée par l’alignement des trois thèmes — donateurs, élus aux Paradis, Anastasis — sur un même axe vertical, est évidemment 58 Idée courante chez les commentateurs et dans la liturgie; même texte sur le reliquaire de la pierre du sépulcre, au Louvre: Byzance — L’art byzantin dans les collections publiques françaises, Paris 1992, p. 333–335. 59 Proche de celui de Tatlarin: cf. Jolivet-Lévy, Lemaigre Demesnil, Nouvelles églises à Tatlarin, cité supra n. 11, p. 47–52. 60 Texte tiré de la 1ère épître de Paul aux Corinthiens (15, 55) et cité dans une homélie attribuée à Jean Chrysostome lue le Dimanche de Pâques: Πεντηκοστάριον, éd. M. I. Salivéros, Athènes 1933, p. 6. 61 Comme c’est la règle en Cappadoce dans les cycles «archaïques».

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révélatrice de l’espoir des fondateurs d’être admis parmi les élus au Paradis pour y jouir de la vie éternelle. L’Anastasis se trouve également près du bêma, lieu du mystère sacramentel, l’image du Christ ressuscité rappelant sa présence eucharistique à l’autel, la signification sotériologique que pouvait avoir l’image pour les donateurs se doublant d’une signification liturgique. De l’autre côté de l’église, au sud, la Dormition de la Vierge, Κήµιση(ς), occupe la plus grande partie du registre inférieur de la voûte (Fig. 8); l’emplacement de la scène62, son insertion dans le programme et son iconographie soulignent sa valeur d’image exemplaire du salut, préfiguration du sort du chrétien: la mort de Marie est considérée comme une résurrection anticipée qui annonce celle des justes à la fin des temps. La composition, si pauvre soit-elle, met bien en valeur la Vierge, au centre, vers laquelle convergent toutes les lignes: elle se détache sur le fond clair de la couche où elle repose, qui l’entoure comme le ferait une mandorle; le Christ, derrière, qui tient son âme, et vers lequel descendent deux anges, paraît relégué à l’arrière plan, tandis que les apôtres, ἡ ἀποστόλι, qui occupent — sauf Pierre, Paul et Jean, figurés à leurs places habituelles — toute la hauteur du registre, sont alignés au premier plan, en deux groupes latéraux. L’ampleur de la composition, dont la largeur est égale à celle de la Cène et de la Trahison, peintes au-dessus, s’explique probablement par le souci de présenter la mort de Marie en vis à vis du Paradis, qui accueille la représentation de la Vierge trônant entre le bon larron et les trois patriarches. La Dormition s’inscrit par ailleurs entre la Vierge de l’Annonciation, peinte sur le mur est, et la représentation des Trois Jeunes Hébreux, située à l’extrémité ouest, l’ensemble de ces images rappelant le rôle de Marie dans l’Incarnation et la Rédemption. La croyance en l’intercession de la Vierge, qu’exprimait aussi la composition de la Déisis peinte dans l’abside (aujourd’hui détruite), explique la place faite à la Théotokos au sein du programme iconographique. La thématique du salut domine aussi le décor du mur ouest (registre médian) et du registre inférieur de la voûte du côté nord: la Psychostasie entre l’Enfer et le Paradis illustrent le sort des âmes après la mort, mais des deux destins possibles, celui des réprouvés et celui des élus, est privilégiée, par l’importance spatiale qui lui est réservée et par sa lisibilité pour le spectateur, 62 La place traditionnelle sur le mur ouest — surtout quand dans l’abside figure la Théotokos avec le Christ enfant — souffre de nombreuses exceptions; citons seulement, en Cappadoce, Saint-Jean de Güllü dere (913–920): N. Thierry, Haut Moyen-Age en Cappadoce. Les églises de la région de Çavuşin, t. I, Paris 1983, p. 159.

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la récompense paradisiaque (Fig. 2, 5). Bien que l’on ait souvent parlé de Jugement dernier pour décrire ces images, il manque plusieurs éléments essentiels de cette composition: le Christ-Juge entre les intercesseurs — la Vierge et Jean-Baptiste — les milices célestes, le tribunal apostolique, l’Hétimasie, l’ange enroulant le ciel, les scènes de résurrection des morts. De plus, la polarité droite-gauche, qui détermine habituellement la composition du Jugement Dernier — la gauche (pour le spectateur, donc la droite du Juge) étant réservée aux élus et la droite aux damnés — est ici inversée: l’Enfer est à gauche de la Pesée des âmes, le Paradis à droite. Est-ce parce que la non référence au Jugement déliait le peintre de la contrainte de représentation droite/gauche? En l’absence du Christ, la structure du champ se déterminerait par rapport au point de vue du spectateur, la partie gauche ayant alors une valeur négative. On peut aussi en déduire que l’absence de la Déisis sur le mur ouest était compensée par sa représentation, en face, dans la voûte de l’abside63: le Paradis est alors bien à la droite du Christ Juge, l’Enfer plutôt à sa gauche, et l’ensemble se déploie dans les trois dimensions, à travers l’espace de l’église, englobant les fidèles rassemblés dans la nef. Une autre explication possible, qui n’exclut pas la première, de la répartition des sujets serait la volonté d’établir une relation signifiante entre le décor et le fonctionnement même de l’édifice: l’escalier montant de l’église inférieure débouchait dans la nef, près du mur nord, juste au niveau où est peinte, au-dessus, la porte du Paradis, le décor exaltant ainsi le sens symbolique de l’entrée dans l’église, comme porte du Paradis (Fig. 20). La situation de la Psychostasie, à l’extrémité nord du mur ouest, au-dessus de l’escalier, correspond aussi au sens de l’image: affrontement entre le Bien et le Mal et épreuve à franchir pour accéder au Paradis. Gravissant l’escalier, le fidèle passait sous la Pesée des âmes, puis ayant franchi ce seuil, entrait dans l’église, Royaume de Dieu sur terre, comme le groupe des élus, jadis figurés au-dessus (là où la peinture est détruite), pénétrait au Paradis. Dernière scène que voyait le fidèle en quittant l’église, la Psychostasie pouvait aussi avoir valeur d’avertissement moral. La Pesée est effectuée par l’ange, ὁ ἄν(γε)λ(ος), dont la stricte frontalité et l’impassibilité du visage traduisent l’impartialité (Fig. 21); il tient de la

63 Ce ne serait pas un cas unique, comme le montre l’exemple de Sainte-Thècle, en Eubée (couche du XVe s.): A. Coumoussi, Peintures inédites dans l’église de Sainte-Thècle en Eubée (Grèce), Cahiers balkaniques 11 (1987), p. 62.

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main droite la balance, que désignait l’inscription aujourd’hui incomplète ὁ ζιγὺς τῖ[ς δικαιοσύνης], «la balance de Justice»64. Sur chaque plateau, retenu au fléau par trois cordes, une tête; à gauche sont figurés deux anges, ἡ ἄνγελι, apportant des têtes sur leurs mains voilées et deux autres petits «paquets» de têtes; à droite, un démon, ὁ δέµον, nu et ailé, une corde à la main. Le Paradis, ὁ παράδησος, est un jardin luxuriant, où se succèdent, à droite de la porte, le bon larron, ὁ λιστίς, la Mère de Dieu, Μή(τη)ρ Θ(εο)ῦ, introduite au Paradis après sa Dormition, et les trois patriarches, Ἰακόβ, Ἰσαάκ, Ἀβράµ, portant dans leur giron les âmes des justes (Fig. 5, 22). L’importance accordée par les ordonnateurs du décor à l’évocation paradisiaque ressort à la fois de l’espace occupé par la composition — une grande partie du registre — et de la gamme chromatique utilisée, la couleur lumineuse du fond orangé remplaçant le bleu sombre des autres tableaux. Le panneau de l’Enfer, sur le mur ouest, séparé par une fenêtre de la Psychostasie, occupe une surface plus modeste et moins bien éclairée (Fig. 2, 23). L’emplacement choisi pour cette image négative par excellence est lié à la valeur symbolique de l’occident, associé à Satan, aux péchés et aux ténèbres, alors que l’orient symbolise le Christ, le Paradis, la lumière et la vie éternelle65. À gauche de la composition, «l’ange qui bannit», ὁ ἄγγελ(ος) ὁ ἐξορινός, repousse les damnés — évêques et prêtres (ἀρχιερῖς, ἱερῖς), à l’exclusion de toute autre catégorie sociale — dans les ténèbres infernales. Derrière un groupe serré d’une douzaine de prélats, sont représentés trois vieillards, dont un grand démon blanc, ὁ δέµον, nu et ailé, tire la barbe, et qui semblent dans le giron d’une très grande figure rouge placée à l’arrièreplan, identifiée par une inscription à Judas (ὁ Ἠούδας); le visage de profil, le corps légèrement renversé vers l’arrière et la corde au cou66, Judas est tiré par le maître de l’Enfer. Son bras gauche tendu semble désigner l’inscription Δεῦτε ὑ φίλη µου ἰς πίσαν, «Venez mes aimés dans la poix», paroles de dérision parodiant celles du Christ aux élus (Mt 25, 34) et adressées ici aux 64 Ou ὁ ζυγός τῆς δόξης, comme à Moutoullas, à Chypre: A. Nicolaïdès, Le Jugement dernier de l’église de la Panagia de Moutoullas à Chypre, DChAE IV, 18 (1995), p. 73. 65 Le tableau infernal est ainsi lié non seulement au Paradis, dont il est le négatif et dont le sépare la Psychostasie, mais aussi à la fonction supposée de cette partie du naos, où les images du Baptême du Christ et des Hébreux dans la fournaise nous ont permis de restituer une cuve; voir par exemple Cyrille de Jérusalem, Catéchèses, cité supra n. 48, p. 88–89, n. 2; voir aussi p. 84–85, n. 3. 66 Rappel de sa pendaison, à laquelle participent parfois un ou plusieurs démons ou diables: exemples et références dans A. Stavropoulou-Makri, Les peintures murales de l’église de

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prélats pécheurs. Le Prince des Ténèbres, désigné simplement comme «le diable», ὁ διάβολος, blanc et nu, cheveux hérissés, chevauche un monstre hybride: «le dragon de la profondeur», ὁ βίθυος δράκον, inspiré du bestiaire décoratif turc, avec son mufle retroussé, son corps couvert d’écailles, ses deux pattes griffues et sa queue pointue de reptile; la gueule ouverte aux crocs pointus engloutit une forme humaine. D’une main, le Prince des Ténèbres tire la corde qui étrangle Judas, de l’autre il retient sa monture par une bride faite d’un serpent; devant lui est assise une petite figure nue, de couleur rouge, représentation d’une âme damnée, parfois précisément identifiée à Judas, le pécheur par excellence67. Autour du dragon, quatre groupes de pécheurs damnés, représentés seulement par leurs crânes, subissent les différentes punitions habituelles: en haut, «le feu inextinguible», τὸ πῖρ τὸ ἄσβεστον, et, sous la queue du monstre, «les ténèbres extérieures», τὸ σκότος τὸ ἐξότερον; dans l’angle inférieur droit de la composition, sous la Bête, «la poix», ἱ πήσα , et «le ver qui ne meurt pas», ὁ σκόλιξ ὁ ἀκήµητος, évoqué par cinq têtes mordues par des serpents, à la bouche, aux oreilles ou aux yeux, allusion aux péchés liés aux sens. Deux particularités surtout caractérisent cette vision infernale: le sort fait aux représentants du clergé et le rôle joué par Judas. Bien que la critique des ecclésiastiques soit un topos de l’iconographie du Jugement dernier, leur présence ici exclusive, au sein d’une composition véhémente et suggestive, est unique, comme l’est aussi l’image de Judas recevant les évêques dans son sein. Cette iconographie, partiellement atypique, rapprochée de la place réservée dans l’église aux deux épisodes de la Passion, qui font intervenir le traître (Cène et Trahison de Judas) et qui se trouvent de ce même côté sud de l’église, fait soupçonner de la part des concepteurs du décor une intention particulière, d’autant que la représentation de l’Enfer a été le lieu privilégié de l’expression des réalités contemporaines, luttes sociales et religieuses, querelles doctrinales ou politiques. Pécheur et damné exemplaire68, Judas est la Transfiguration à Veltsista (1568) en Épire et l’atelier des peintres Kondaris, Jannina 1989, p. 78, n. 367. 67 Par exemple à Saint-Procope de Leivada, en Crète: M. Bougrat, Trois Jugements derniers de Crète occidentale, Cahiers Balkaniques 6, 1984, 17–18. 68 Cf. la prière récitée à voix basse par le prêtre avant la communion: «Reçois moi aujourd’hui comme participant de ton repas mystique; je ne parlerai pas de Ton mystère à tes ennemis; je ne te donnerai pas un baiser comme le fit Judas, mais comme le larron, je confesserai: Seigneur, souviens-toi de moi dans ton Royaume» (M. Solovey, The Byzantine Divine Liturgy, Washington 1970, p. 321–322.

14. Karşı kilise, Trahison de Judas.

15. Karşı kilise, Descente de croix.

16. Karşı kilise, Visite des Myrophores au sépulcre: les femmes et l’ange.

17. Karşı kilise, Visite des Myrophores au sépulcre: les gardes endormis.

18. Karşı kilise, Anastasis.

19. Karşı kilise, Anastasis: Hadès et inscription.

20. Karşı kilise, partie nord-ouest du naos, avec l’arrivée de l’escalier primitif sous la porte du Paradis.

21. Karşı kilise, Psychostasie.

22. Karşı kilise, les trois patriarches au Paradis.

23. Karşı kilise, l’Enfer.

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le modèle par excellence du traître, du cupide, philargyros, du simoniaque et de l’hérétique69. À Karşı kilise, l’identification des représentants de l’ordre établi, dénoncés comme traîtres, à des ecclésiastiques, permet d’avancer plusieurs hypothèses. N. Thierry a proposé d’y voir une allusion à la situation de l’Église grecque en territoire turc: ce serait la désertion du clergé local après la conquête qui serait ici stigmatisée70. En raison de la date des peintures — 1212 — on pourrait aussi y voir une allusion à la trahison suprême, la prise de Constantinople par les Croisés, mais aucun signe iconographique n’identifie les évêques à des Latins. Il me paraît plus plausible de mettre les peintures de Karşı kilise en relation avec les discussions théologiques qui secouèrent l’Orthodoxie pendant la seconde moitié du XIIe s. et au début du XIIIe, conduisant à la condamnation de prélats jugés hérétiques71; le décor d’une église voisine — l’église B de Tatlarin — décorée en 1215 et encore inédite72 suggère, en effet, une influence possible des querelles dogmatiques contemporaines sur l’iconographie cappadocienne. Dans une région, qui fut toujours un foyer d’hérésies, les prélats en Enfer pourraient bien sûr faire allusion à d’autres dissidences73: l’iconographie, vague sans doute à dessein, ne permet pas de préciser, que sa signification ait été évidente pour les spectateurs contemporains ou qu’on ait voulu lui donner une portée plus générale. 69 D’où l’intérêt pour l’histoire de Judas dans les psautiers à illustrations marginales: A. Grabar, L’Iconoclasme byzantin, Paris 19842, p. 228. 70 Thierry, La peinture de Cappadoce au XIIIe s., cité supra n. 3, p. 367. 71 L. Petit, Documents inédits sur le concile de 1166 et ses derniers adversaires, VV XI, 1904, p. 465–493; voir en particulier, p. 477 (n. 1) pour la poursuite de la polémique «vers la fin du patriarcat de Michel (1206–1212)»; J. Gouillard, Le Synodikon de l’Orthodoxie. Édition et commentaire, TM 2, 1967, p. 216–226. Pour les répercussions sur l’iconographie de ces débats, voir surtout: G. Babić, Les discussions christologiques et le décor des églises byzantines au XIIe siècle, Frühmittelalterliche Studien 2, 1968, p. 368–386. 72 À paraître dans XXXIII Spring Symposium of Byzantine Studies; Eastern Approaches to Byzantium, Warwick, 1999; l’un des peintres de Karşı kilise est l’auteur d’une partie des peintures de Tatlarin B. 73 Pour le procès intenté en 1143 à deux évêques cappadociens: J. Gouillard, Quatre procès de mystiques à Byzance (vers 960–1143). Inspiration et autorité, RÉB 36, 1978, p. 39–43; C. Cahen, La Turquie pré-ottomane, Istanbul 1988, p. 167. Sur le contexte historique, voir aussi S. Vryonis, The Decline of Medieval Hellenism in Asia Minor and the Process of Islamization from the Eleventh through the Fifteenth Century, Los Angeles, Londres 1971; A.G.C. Savvides, Byzantium in the Near East: its Relations with the Seldjuk Sultanate of Rum in Asia Minor, The Armenians of Cilicia and the Mongols A.D. c. 1192–1237, Thessalonique 1981 (Byzantina Keimena kai Meletai 17).

IMAGES ET ESPACE CULTUEL À BYZANCE

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La part d’incertitude qui subsiste dans l’interprétation de l’ensemble pictural de Karşı kilise tient pour une part à l’ignorance où nous sommes des circonstances qui présidèrent à la fondation et à la décoration du sanctuaire, comme aussi de la liturgie à laquelle il servait de cadre. En outre, le décor peint, sur lequel se fonde notre analyse, n’était qu’une composante de l’environnement visuel des fidèles, les icônes, vases liturgiques, croix, encensoirs et livres ayant aujourd’hui disparu. Malgré ces limites, une approche globale, tenant compte du lieu d’inscription des images dans l’espace, nous a permis de mettre en évidence différents niveaux de relations spatiales, et de montrer comment les correspondances tissées entre les sujets représentés dans l’église, l’architecture et le spectateur composent un réseau de sens, susceptible d’éclairer non seulement la signification du programme iconographique, mais aussi la fonction de l’église, son fonctionnement, ses aménagements liturgiques disparus, les intentions des commanditaires, voire le contexte historique de l’époque qui a vu sa création.

Abréviations bibliographiques: Byz. BZ DChAE

Byzantion Byzantinische Zeitschrift

REB TM VV

Revue des Études Byzantines Travaux et Mémoires Vizantijskij Vremennik

Δελτίον τῆς Χριστιανικῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας

X

Les programmes iconographiques des églises de Cappadoce au Xe siècle. Nouvelles recherches

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E Xe siècle fut, pour la région qui nous intéresse, une période de paix, de sécurité et de prospérité, favorable à la multiplication des fondations et au développement des monastères1. On ne conserve pas moins d’une soixantaine de décors peints pouvant être attribués à cette époque: c’est dire l’importance de cette documentation comme source d’information essentielle, « incontournable », pour l’étude de la peinture byzantine du Xe siècle. Rappelons cependant que trois ensembles seulement sont datés avec une relative précision: Saint-Jean de Güllü dere (913–920), Tavşanlı kilise (913–920 ou 945) et l’église du Grand Pigeonnier de Çavuşin (963–969, probablement vers 965)2. Le règne de Constantin VII Porphyrogénète (913–959) correspond grosso modo à l’époque des décorations qualifiées depuis G. de Jerphanion 1 Pour le contexte historique: F. Hild et M. Restle, Kappadokien (Tabula Imperii Byzantini, Bd. 2). Vienne 1981, 83–95, 116–118. Sur le renouveau de la région au Xe siècle, dont témoignent les vestiges archéologiques, voir aussi: N. Thierry, « Les enseignements historiques de l’archéologie cappadocienne », Travaux et Mémoires 8 (1981), 501 et suiv. 2 Saint-Jean de Güllü dere: N. Thierry, Haut Moyen Age en Cappadoce. Les églises de la région de Çavuşin. t. 1, Paris 1983, 135–173; Tavşanlı kilise: G. de Jerphanion, Une nouvelle province de l’art byzantin. Les églises rupestres de Cappadoce, Paris 1925–1942, t. 2, 78–97, M. Restle, Byzantine Wall Painting in Asia Minor, Greenwich 1967, t. 3, n° XXXIX et, pour la datation: R. Cormack, « Byzantine Cappadocia. The Archaic Group of Wall Paintings », Journal of the British Archaeological Association 30 (1967), 20–21; Grand Pigeonnier de Çavuşin, en dernier lieu, voir L. Rodley, « The Pigeon House Church Çavuşin », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 33 (1983), 301–339 et Thierry, op. cit., 43–57. La datation des peintures de Çavuşin permet celle, vers 950/960, de la Nouvelle église de Tokalı: Jerphanion, op. cit., t. 1, 297–376, A. Wharton Epstein, Tokalı kilise. Tenth Century Metropolitan Art in Byzantine Cappadocia (Dumbarton Oaks Studies 22), Washington 1986.

LES PROGRAMMES ICONOGRAPHIQUES

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d’« archaïques », ensembles de la fin du IXe et de la première moitié du Xe siècle, regroupés surtout en raison de l’homogénéité de leurs programmes, que caractérisent deux composantes essentielles: — la présence, dans la voûte en cul-de-four de l’abside, d’une vision du Christ en gloire, entouré des puissances angéliques, — celle, dans la nef, d’un cycle détaillé de la vie du Christ, d’allure narrative3. Ne pouvant traiter ici de l’ensemble des problèmes posés par les programmes iconographiques des églises de Cappadoce au Xe siècle, je m’attacherai à l’examen de certains aspects des cycles christologiques, ainsi qu’aux variantes de programmes introduites sous l’influence de l’architecture, de la liturgie, de la dédicace de l’église ou de sa fonction. Le programme « archaïque » a été initialement conçu pour le décor des églises à nef unique, mais, même dans les monuments de ce type, les cycles christologiques sont évidemment susceptibles de variantes, dans leur composition, leur extension ou leur emplacement dans l’église4. Bien souvent, le récit de la vie du Christ est cantonné à la voûte de la nef, où il est présenté en registres, séparés ou non par une bande de médaillons contenant des prophètes en buste, au sommet du berceau5. Dans ce cas sont peintes sur les parois des figures de saints en pied. C’est probablement là la formule la plus ancienne et c’est peut-être la plus satisfaisante. On la trouve, par exemple, dans l’ancienne église de Tokalı (6 registres), dans les chapelles 4a, 8, 11 (Fig. 1) et 15a de Göreme ou à Tavşanlı kilise, qui, toutes, présentent 4 registres6. Sur les caractéristiques générales des programmes « archaïques »: Jerphanion, op. cit. note 2, t. 1, 67–94, Cormack, art. cit. note 2, 19–36. 4 En dernier lieu: Y. Nagatsuka, « Essai sur les programmes iconographiques des églises rupestres de Cappadoce », Balkan and Asia Minor Studies 10 (1984), 1–40 (pour le Xe siècle: 4–10, schémas VII à XVIII); N. Thierry, « La Bible illustrée en Cappadoce. Le témoignage des églises rupestres », Le Monde grec ancien et la Bible, sous la direction de C. Mondésert, Paris 1984, 267–286. 5 Ceux-ci figurent, par exemple à Tokalı, Ancienne église (Epstein, op. cit. note 2, fig. 12), Göreme 9 (Restle, op. cit. note 2, t. 2, fig. 125), Göreme 11 (ibid., t. 2, fig. 135), au Pigeonnier de Çavuşin (ibid. t. 3, fig. 319) ou à Tavşanlı kilise (ibid. t. 3, fig. 389). 6 Ce qui est le cas le plus fréquent; on trouve deux registres seulement à Münhil kilise, mais le récit est limité à l’Enfance: Jerphanion, op. cit. note 2, t. 2, 375–378. Tokalı, Ancienne église: cf. note 2; Göreme 4a: Restle, op. cit. note 2, t. 2, n° IV; Göreme 8: Jerphanion, op. cit. note 2, t. 1, 114–119; Göreme 11: ibid., 155–161; Göreme 15a: G. P. Schiemenz, « Verschollene Malereien in Göreme: Die ‘archaische Kapelle bei Elmalı kilise’ und die Muttergottes zwischen Engeln », Orientalia Christiana Periodica 34 (1968), 85 et suiv.; Tavşanlı: Jerphanion, op. cit. note 2, t. 2, 85–93. 3

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Dans un second groupe de monuments, le cycle christologique commence dans la voûte, avec le récit de l’Enfance; il se prolonge et s’achève sur les murs de la nef (Vie publique, Passion et Résurrection). C’est le système suivi dans la chapelle sud de Saint-Jean de Güllü dere (Fig. 2), aux Saints-Apôtres de Sinasos (Fig. 3), dont la nef fut décorée par le même atelier, ou encore dans l’église du Grand Pigeonnier de Çavuşin7. Sans revenir en détail sur le principe de ces cycles, qui offrent un récit continu de la vie du Christ, dont les épisodes se succèdent, sans interruption, en registres qui tournent autour de la nef, rappelons quelques points importants. Leur caractère narratif et leur inspiration en partie apocryphe ont longtemps été considérés comme un archaïsme (la survivance d’une tradition paléochrétienne) et opposés — à juste titre d’ailleurs — au caractère plus dogmatique et liturgique des programmes médio-byzantins « classiques », qui dominent, en Cappadoce comme ailleurs, au XIe siècle8. On aurait tort, cependant, de sous-estimer le rôle des textes liturgiques comme source d’inspiration des peintres « archaïques » et de négliger l’importance du contenu théologique des images et le souci de démonstration dogmatique, que révèlent, sous le couvert de l’histoire, le choix des épisodes représentés et la mise en valeur, hors cycle, de quelques sujets préférentiels. Les sources liturgiques, que l’on s’accorde à reconnaître comme primordiales dans l’élaboration de la Majestas Domini absidale9, ont joué aussi un rôle non négligeable dans l’iconographie du récit christologique. En témoignent, outre certains détails iconographiques10, les légendes qui complètent ou explicitent le sens des scènes, empruntées à des prières, 7 Saint-Jean de Güllü dere: cf. note 2 et Nagatsuka, art. cit. note 4, schéma IX. SaintsApôtres de Sinasos: Jerphanion, op. cit. note 2, t. 2, 67–74 et Nagatsuka, art. cit., schéma XI. Pigeonnier de Çavuşin: cf. note 2 et Nagatsuka, schéma XV. 8 Sur ceux-ci, voir toujours: O. Demus, Byzantine Mosaic Decoration, Londres 1948, 52–61, et aussi: K. Wessel, « Bildprogramm », Reallexikon zur Byzantinischen Kunst 1(1966), 674–682. 9 G. de Jerphanion, « Les noms des quatre animaux et le commentaire liturgique du Pseudo-Germain », La Voix des Monuments, Paris-Bruxelles 1930, 250–259; A. Wharton Epstein, « The Problem of Provincialism. Byzantine Monasteries in Cappadocia and Monks in South Italy », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes 42 (1979), 39. 10 Le berger musicien dans la Nativité (G. Millet, Recherches sur l’iconographie de l’Évangile, Paris, 2e éd. 1960, 132–134), les Mages couronnés (M. Hadzidakis, « À propos d’une nouvelle manière de dater les peintures de Cappadoce », Byzantion 14, 1939, 105–108), le Baptême (G. de Jerphanion, « Épiphanie et Théophanie. Le Baptême de Jésus dans la liturgie et dans l’art chrétien ». La Voix des Monuments, Paris 1930, 165–188) ou encore le rôle des enfants dans l’Entrée à Jérusalem (Jerphanion, op. cit. note 2, t. 1, 85–86).

1. Göreme 11 (Saint-Eustathe): schéma de répartition des scènes (d’après Nagatsuka).

2. Saint-Jean de Güllü dere (chapelle sud): schéma de répartition des scènes (d’après Nagatsuka).

3. Saints-Apôtres de Sinasos: schéma de répartition des scènes (d’après Nagatsuka).

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des chants ou des lectures liturgiques, ou inspirées par eux11. Quant au contenu théologique de ces cycles, il apparaît dans le développement donné au récit de l’Enfance, parfois seule illustrée (Saint-Eustathe de Göreme (Fig. l), Münhil kilise de Soğanlı12), et à celui de la Passion et Résurrection du Christ. La Vie publique, en revanche, se réduit souvent au Baptême (ou à un court cycle du Baptême), auquel s’ajoutent parfois la Transfiguration et/ou un ou deux miracles. L’Ancienne église de Tokalı, avec ses trois séquences également développées (Enfance, Vie publique, Passion-Résurrection), reste une exception13. Plus représentatifs sont les programmes des Saints-Apôtres de Sinasos (Fig. 3) ou de Saint-Jean de Güllü dere (Fig. 2): dans le premier cas, un petit cycle baptismal, dans le second, Baptême et Résurrection de Lazare s’intercalent seuls entre Enfance et Passion14. Le cycle, aujourd’hui détruit, de Ballık kilise, dans la vallée de Soğanlı, ne comportait que l’Enfance et la Passion du Christ, peintes à la voûte des deux nefs parallèles, le vaisseau nord étant consacré à l’Enfance, le sud à la Passion. De façon significative, les deux épisodes principaux, Nativité et Crucifixion, étaient Ainsi le message de l’ange aux bergers de la Nativité (Jerphanion, op. cit. note 2, t. 1, 77; Millet, op. cit. note 10, 130–132) ou le dialogue du Christ avec Jean-Baptiste (Jerphanion, op. cit., t. I, 81–82). Dans le cycle du Baptême — à Tokalı 1, par exemple — l’ordre des épisodes correspond aux péricopes lues avant la célébration de l’Épiphanie (Millet, op. cit., 197–198); voir aussi, infra, le cycle de Kılıçlar kilisesi et, sur l’influence de la liturgie dans les peintures « archaïques », J. Cave, « Liturgical Aspects of Post-Iconoclastic Monumental Art in Cappadocia », Byzantine Studies Conference 8 (1982), 28–29 et la thèse dactylographiée du même auteur: The Byzantine Wall Paintings of Kılıçlar kilise: Aspects of Monumental Decoration in Cappadocia, Ph. D. Diss., Pennsylvania State University 1984 (en particulier, 260–261). 12 Cf. note 6. 13 Cf. note 2. Dans la Nouvelle église de Tokalı, une cinquantaine d’années plus tard, Vie Publique et Miracles ont été encore plus détaillés. Autre développement inhabituel de la séquence intermédiaire à Saint-Théodore, près d’Ürgüp: Jerphanion, op. cit., t. 2, 26–29; Nagatsuka, art. cit. note 4, schéma V. 14 Cf. note 7. Autres exemples: Baptême seul à Göreme 8 (note 6), Göreme 9 (Jerphanion, op. cit., t. 1, 126) et Hacı İsmail dere 2 (M. Restle, « Zwei Höhlenkirchen im Hacı İsmail dere bei Ayvalı », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 22, 1973, 262, fig. 5), Baptême et Transfiguration à El Nazar (Jerphanion, op. cit., t. l, 182–184), Göreme 6 (Jerphanion, op. cit. note 2, t. l, 98–99) et, peut-être Tavşanlı kilise, où seule la Transfiguration est cependant conservée (cf. note 2). À Bahattin samanlığı kilisesi (Belisırma), trois scènes s’intercalent entre Enfance et Passion: Vocation de Jean-Baptiste, Baptême et Résurrection de Lazare (N. et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres de Cappadoce. Région du Hasan Dağı, Paris 1963, 156–158), tandis qu’au Pigeonnier de Çavuşin, qui présente un cycle détaillé de l’Enfance et de la Passion et Résurrection, la Vie publique n’est évoquée que par la Guérison de l’aveugle et la Résurrection de Lazare, Baptême et Transfiguration étant figurés hors cycle (cf. note 2). 11

LES PROGRAMMES ICONOGRAPHIQUES

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mis en valeur, déployés sur presque toute la largeur du registre et placés sur le versant nord, bien en vue pour le fidèle pénétrant dans l’église, dont l’accès est au sud15. Ainsi, dans la plupart des cycles « archaïques », étaient soulignés les deux moments antithétiques les plus importants de l’œuvre du salut: la naissance et la mort du Christ. On peut, nous semble-t-il, lier cette insistance à démontrer, par l’image, la réalité de l’Incarnation et de la mort salutaire du Christ, aux théories développées par les théologiens défenseurs des icônes16. Les différences, souvent sensibles, entre cycles « archaïques » et cycles pré-iconoclastes témoignent encore de l’actualité de la formule17. Les récits christologiques protobyzantins sont généralement plus courts et s’attachent surtout à exalter la divinité du Christ par des images dogmatiques. Ils ne présentent pas non plus la même uniformité, qu’il s’agisse du choix des épisodes représentés, de leur présentation (frise continue ou tableaux séparés) ou de leur emplacement dans l’église. Quelques programmes privilégient l’Enfance, qui est seule illustrée et, comme en Cappadoce « archaïque », en frise continue, à Deir Abou Hennis, dans la chapelle 51 de Baouit et à Peruštica, ou complétée par le Baptême et la Crucifixion à Mavrucan 318. À Saint-Jean Baptiste de Çavuşin, l’accent est mis surtout sur la Passion et la Résurrection19, tandis qu’à Saint-Serge

Cf. Jerphanion, op. cit. note 2, t. 2, 259–260. Sur l’importance de l’Incarnation dans la doctrine des iconodoules et l’iconographie post-iconoclaste: A. Grabar, L’Iconoclasme byzantin. Le dossier archéologique, Paris, 2e éd. 1964, 253 et suiv. Sur le rôle de ces mêmes idées dans l’élaboration du programme médiobyzantin « classique », voir par exemple: D. Mouriki, The Mosaics of Nea Moni on Chios, Athènes 1985, t. 1, 199–200. 17 Pour la spécificité et l’actualité de la formule cappadocienne « archaïque »: C. Jolivet, « La peinture byzantine en Cappadoce de la fin de l’iconoclasme à la conquête turque », Le aree omogenee della civiltà rupestre nell’ambito dell’Impero bizantino: la Cappadocia, Galatina 1981, 168–171. Pour les caractéristiques des cycles christologiques pré-iconoclastes en Cappadoce: N. Thierry, « Peintures pré-iconoclastes en Cappadoce. Critères de datation. Chronologie interne », XVI Internation. Byzantinistenkongress, Akten II/5 (Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 32/5), Vienne 1982, 372. 18 Pour les cycles pré-iconoclastes (Deir Abou Hennis, Baouit 51, Peruštica): Wessel, « Bildprogramm » (art. cit. note 8), 664–666 et A. Grabar, Martyrium. Recherches sur le culte des reliques et l’art chrétien antique, t. 2 Iconographie, Paris 1945, 235 et suiv. Pour Mavrucan 3: N. Thierry, «Art du Haut Moyen Age en Cappadoce: l’église n° 3 de Mavrucan», Journal des Savants 1972, 233–269; sur les cycles pré-iconoclastes de Cappadoce: Thierry, « La Bible illustrée » (art. cit. note 4), 259–265. 19 Thierry, Haut Moyen Age (op. cit. note 2), 71–91. 15 16

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de Gaza, le récit, très détaillé, développait les trois séquences, avec une insistance particulière sur les Miracles20, insistance que l’on retrouve dans d’autres programmes paléochrétiens, comme à Saint-Apollinaire le Neuf, à Ravenne, alors que les Miracles sont pratiquement éliminés des cycles « archaïques » cappadociens. L’« actualité » du programme « archaïque » et le contenu dogmatique des images se révèlent aussi dans la mise en valeur, à des emplacements privilégiés, des visions directes de Dieu que sont la Transfiguration et l’Ascension, deux théophanies dogmatiques qui préfigurent la gloire du Christ lors de sa Seconde Venue21. Les deux scènes s’opposaient, hors cycle, dans les tympans ouest (Fig. 4) et est de Tokalı 1, mais l’Ascension a été presque entièrement détruite lors du creusement de Tokalı 222. À SaintJean de Güllü dere, la Transfiguration occupe le tympan ouest, près de l’Ascension qui se déploie dans toute la moitié occidentale de la voûte23 (Fig. 2). Mêmes rapprochement et mise en valeur des deux thèmes, mais dans la partie orientale de la nef, au Pigeonnier de Çavuşin24. La Transfiguration est également peinte dans le tympan est à Tavşanlı kilise, tandis qu’aux Saints-Apôtres de Sinasos, c’est l’Ascension qui jouit d’un emplacement privilégié, dans le tympan occidental25 (Fig. 3). Le sort fait à ces sujets dans les programmes « archaïques » de Cappadoce reflète l’importance prise dans l’iconographie post-iconoclaste par le thème des visions directes de Dieu, et ce dans le contexte de la propagande en faveur des images26. L’omission de la représentation du Mont Thabor, dans l’iconographie de la Transfiguration, confirme, à notre avis, la valeur dogmatique attribuée à la scène27. D’autres variantes ou irrégularités, dans le déroulement du récit de la vie du Christ, sont l’indice d’une intention spécifique. C’est probablement 20 Pour la description de Saint-Serge de Gaza par Choricius: C. Mango, The Art of the Byzantine Empire, 312–1453 (Sources and Documents), Englewood Cliffs 1972, 64–68. 21 Sur la place de la Transfiguration dans les églises de Cappadoce: Y. Christe, « Notes iconographiques sur quelques églises de Cappadoce », Zographe 15 (1984), 5–9. 22 Epstein, op. cit. note 2, fig. 12 et 32; Nagatsuka, art. cit. note 4, schéma VIII. 23 Cf. note 2; Nagatsuka, art. cit. note 4, schéma IX. 24 Cf. note 2; Nagatsuka, art. cit. note 4, schéma XV. 25 Tavşanlı kilise: cf. note 2; Saints-Apôtres de Sinasos: cf. note 7. 26 Grabar, Iconoclasme (note 16), 252 et suiv.; J. Lafontaine-Dosogne, « Théophaniesvisions auxquelles participent les prophètes dans l’art byzantin après la restauration des images », Synthronon, Paris 1968, 135–143. 27 Comme déjà, dans un autre contexte, dans la Transfiguration du Mont Sinaï: G.H. Forsyth et K. Weitzmann, The Church and Fortress of Justinian: the Monastery of Saint Catherine at Mount Sinai, Ann Arbor 1973, 14.

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le cas pour la place de la Présentation du Christ au temple, dans l’Ancienne église de Tokalı: détachée du cycle, elle se trouvait — il n’en reste aujourd’hui qu’un fragment — sur le mur est de la nef, à droite de l’abside primitive28. C’est vraisemblablement la valeur typologique de la scène, comme évocation de l’Incarnation, anticipation de la Passion et préfiguration de l’offrande eucharistique, qui lui a valu cet emplacement à proximité de l’abside29. Mais à dire vrai, la place de ce sujet dans les programmes du Xe siècle reste instable. Mentionné ni par le Protévangile de Jacques ni par l’évangile de Matthieu, que suivent surtout les peintres, il est souvent purement et simplement omis ou alors rejeté à la fin du récit de l’Enfance. Il peut, dans ce cas et compte tenu du déroulement du cycle autour de la nef, se retrouver près de l’abside, sans qu’il y ait eu nécessairement une intention symbolique particulière30. Celle-ci nous semble cependant certaine quand la Présentation au temple se développe, comme à El Nazar (Göreme 1), au-dessus de l’ouverture de l’absidiole sud (Fig. 5), ou quand elle occupe, à Sümbüllü kilise (vallée de Peristrema), l’absidiole nord31. Elle est possible aussi dans la chapelle no 1 de Güllü dere (Fig. 6), où la scène, qui conclut le récit de l’Enfance à l’extrémité est de la voûte de la nef, se déploie dans l’espace, sur deux surfaces perpendiculaires; la prophétesse Anne est, en effet, reportée sur le tympan oriental32. À Saint-Eustathe (Göreme no 11), la scène a été aussi l’objet d’une attention particulière: insérée dans le récit de l’Enfance, elle n’est pas rejetée à la fin, mais fait suite à la Nativité, sur le versant nord de la voûte, à l’est (donc près de l’abside) et les deux scènes occupent à elles seules presque toute la 28 La composition a été en grande partie détruite lors de l’agrandissement de l’église; cf. Epstein, op. cit. note 2, fig. 44. 29 Sur la valeur de la scène: H. Maguire, « The Iconography of Symeon with the Christ Child in Byzantine Art », Dumbarton Oaks Papers 34–35 (1980–1981), 261–269. A.W. Epstein (op. cit. note 2, 6) la lie, trop précisément à notre avis, avec le rite de la prothèse. 30 Ainsi à Göreme 6a (G.P. Schiemenz, « Eine unbekannte Felsenkirche in Göreme », Byzantinische Zeitschrift 59, 1966, 309 et suiv.) et Göreme 15a (cf. note 6), à Saint-Jean de Güllü dere (note 2), aux Saints-Apôtres de Sinasos (note 7), à Münhil kilise (note 6) et dans les églises à coupole de Soğanlı, Kubelli kilise 1 et 3 (Jerphanion, op. cit. note 2, t. 2, 278, 306). À Kılıçlar kilisesi (Restle, op. cit. note 2, t. 2, fig. 268), la Présentation au temple est dans la voûte du bras est, associée à l’Annonciation (Fig. 11), comme elle le sera plus tard à la Chapelle Palatine ou à la Martorana de Palerme; sur cette association: H. Maguire, Art and Eloquence in Byzantium, Princeton 1981, 88–90. 31 El Nazar: Restle, op. cit. note 2, t. 2, fig. 12; Sümbüllü kilise: ibid., t. 3, fig. 497. 32 Restle, op. cit. note 2, t. 3, fig. 330.

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longueur du registre33 (Fig. 1). Le schéma iconographique est caractérisé par l’omission, inhabituelle à cette époque, des figures secondaires (Joseph et la prophétesse Anne) et par la représentation de l’Enfant dans les bras de Syméon34, à peu près au-dessus de l’autel (Fig. 7); ces particularités font penser que l’on a voulu insister sur la valeur symbolique de la scène. Enfin, il n’est pas indifférent que le saint choisi pour clore le registre, après la Présentation au temple, soit saint Zosime, le moine qui donna la communion à Marie l’Égyptienne, épisode à connotation eucharistique parfois représenté près de l’abside35. Outre la Présentation au temple, une seconde scène, le Baptême du Christ, jouit parfois, dans les églises du Xe siècle, d’un emplacement singulier, lié à la liturgie: nous y reviendrons. Un autre facteur peut expliquer des modifications ou additions introduites dans un programme « archaïque »: la dédicace du sanctuaire. La chapelle no 9 de Göreme en offre un bon exemple36 (Fig. 8). Une inscription nous apprend que, fondée par Andronic et Theopistè, elle était consacrée à la Théotokos, à saint Jean-Baptiste et à saint Georges. La dédicace à la Théotokos explique la représentation de l’Entrée de la Vierge au temple (complétée par l’épisode de Marie nourrie par un ange), sujet plutôt rare en Cappadoce et développé ici sur toute la longueur du versant nord de la voûte de la nef. Le récit de l’Enfance du Christ est limité à quelques sujets exaltant, eux aussi, la Vierge: Annonciation, Visitation, Voyage à Bethléem, sur le revers sud de la voûte, Nativité dans le tympan ouest. Enfin, c’est encore à la Théotokos, debout avec l’Enfant entre deux saints, qu’est réservée l’absidiole nord. Le second titulaire de l’église, saint Jean-Baptiste, est, lui, mis à l’honneur dans l’absidiole sud. Il y est représenté avec son père, Zacharie, les deux figures encadrant le Christ debout, en une composition décrite à tort, depuis Jerphanion, comme une Déisis traditionnelle37. Sur le mur attenant de la nef (paroi sud), se trouve l’image du Baptême du Christ, Restle, op. cit. note 2, t. 2, fig. 136, 150. Cf. Maguire, art. cit. note 29. 35 Ainsi, en Cappadoce, dans la Nouvelle église de Tokalı et au Grand Pigeonnier de Çavuşin. Saint Zosime est également représenté en figure isolée, près de l’abside, à Ballık kilise (Jerphanion, op. cit. note 2, t. 2, 255) et au Kuşluk de Kılıçlar (Jerphanion, op. cit., t. 1, 245). 36 Jerphanion, op. cit. note 2, t. 1, 121–135; Restle, op. cit. note 2, t. 2, n° XII, fig. 124–133. 37 Il est clair pourtant qu’il ne peut s’agir, faisant pendant à Jean-Baptiste, de la Vierge; le personnage que nous identifions à Zacharie a les cheveux blancs et porte le costume rehaussé de pierreries des grands-prêtres de l’Ancienne Loi. On retrouve Zacharie associé au Prodrome 33 34

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qui exalte également le Prodrome et qui précède directement les scènes de la Passion. Quant à la dédicace à saint Georges, troisième patron du sanctuaire, elle est à l’origine de l’adjonction au récit christologique de deux épisodes de la passion légendaire du martyr — le supplice de la roue (Fig. 9) et la comparution de Georges devant le roi des Perses — peints à petite échelle et maladroitement insérés au bas des parois ouest et nord de la nef. On peut aussi se demander si le jeune saint martyr peint près de la Théotokos dans l’absidiole nord de l’église (donc en face des scènes sus-mentionnées) n’était pas saint Georges; l’état actuel des peintures ne permet cependant ici aucune certitude. Le décor de la chapelle de la Théotokos de Göreme nous paraît assez exemplaire: comme on pouvait s’y attendre, la dédicace de l’église (d’ailleurs rarement attestée par une inscription38) n’entraîne pas de modification fondamentale de programme. Tout au plus met-on en bonne place l’image du saint titulaire (comme Eustathe, saint patron présumé, à Göreme 11 et Tavşanlı kilise39) ou lui consacre-t-on un petit cycle (celui de saint Jean-Baptiste à Kubelli kilise 2 de Soğanlı, par exemple40). Plus importantes sont les variantes qui résultent de l’adaptation du programme « archaïque » à des types architecturaux autres que l’église à une nef, type pour lequel il avait été conçu. Le cadre spatial plus complexe offert par les églises en croix libre, en croix inscrite ou à nef transversale, se prêtait moins bien au déroulement d’un récit continu. À l’intérêt pour la sur la paroi absidale de Ballık kilise (Jerphanion, op. cit.·note 2, t. 2, 255) et sur celle des Saints-Apôtres de Sinasos, où il n’avait pas non plus été reconnu jusqu’à présent; l’inscription le désignant est partiellement conservée et il tient dans la main gauche une petite pyxide. 38 Outre la chapelle n° 9 de Göreme, on peut citer, pour le Xe siècle, Saint-Jean de Güllü dere et l’église n° 2 de Hacı İsmail dere, dédiée à la Vierge (cf. note 14). 39 À Göreme 11, la chasse d’Eustathe est peinte dans le narthex et le groupe d’Eustathe et ses fils représenté deux fois dans l’église (sur le mur ouest et à la douelle absidale): Jerphanion, op. cit. note 2, t. 1, 148–149, 150, 153. À Tavşanlı kilise, c’est sur la paroi est (à droite de l’abside), emplacement souvent réservé à l’image du saint titulaire, que se trouvait la chasse d’Eustathe; suivent, sur le mur sud attenant, les effigies de la femme et des fils d’Eustathe, puis (dans une niche) un nouveau portrait de celui-ci: Jerphanion, op. cit., t. 2, 84. 40 Jerphanion, op. cit. note 2, t. 2, 298–300. À Kubbeli kilise 1, la présence d’un cycle des martyres des apôtres pourrait indiquer que l’église leur était consacrée: ibid., 283–287. La Nouvelle église de Tokalı était, selon toute vraisemblance, dédiée à saint Basile de Césarée, représenté trois fois en figure isolée (dont une au centre de l’abside principale) et auquel était consacré un petit cycle. La dédicace de l’église de Çavuşin à l’archange Michel (ou aux SaintsArchanges) se déduit de la représentation colossale, dans la niche orientale du mur nord, de l’ « archistratège » (près duquel se sont fait peindre les donateurs), de celle de l’apparition de l’archange à Josué avant la prise de Jéricho (sur le mur est) et de la place réservée, dans le décor, aux figures d’archanges; pour ces deux derniers monuments, cf. note 2.

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succession chronologique des événements vont alors se substituer souvent d’autres considérations, théologiques ou liturgiques. Les décors de ce type ayant parfois été placés, et en partie sur d’autres critères, dans le second quart ou au milieu du Xe siècle, il est évidemment tentant d’y reconnaître une phase d’expérimentation et de transition avant l’adoption, en Cappadoce, du système décoratif « classique ». Toutefois, compte tenu de l’imprécision des datations (au quart de siècle près) établies sur les seuls critères de l’iconographie et du style, on peut tout aussi bien envisager la concomitance de plusieurs systèmes décoratifs, créés pour des types architecturaux différents, mais exprimant aussi les préoccupations diverses des commanditaires ou des ordonnateurs de la décoration. Dans le programme, encore « archaïque », de l’église d’El Nazar (Göreme 1), au plan en croix libre, l’influence du système byzantin « classique » se marque dans le décor de la coupole, dans celui de l’abside et dans la mise en valeur des scènes les plus importantes correspondant à des grandes fêtes liturgiques41 (Fig. 10). L’Ascension du Christ occupe la coupole centrale, comme dans les décors post-iconoclastes des Saints-Apôtres et de la Théotokos de la Source, à Constantinople, et comme à Sainte-Sophie de Thessalonique42, tandis que la Vierge trône dans l’abside, conformément au programme médio-byzantin habituel. Théophanie dogmatique, la Transfiguration bénéficie d’un emplacement privilégié, dans le tympan du bras ouest, face à l’abside. Les épisodes de l’Enfance du Christ sont peints dans le bras sud, ceux de la Passion et de la Résurrection dans le bras nord, les deux sujets principaux, Nativité et Crucifixion, se faisant face dans les tympans. La Présentation au temple, déjà signalée, surmonte l’absidiole sud (Fig. 5), tandis que le Baptême est isolé, dans le bras ouest, où il occupe un emplacement large et bien en vue, sur lequel nous reviendrons. A Kılıçlar kilisesi (Göreme 29), église en croix inscrite, on est en présence d’un programme plus ambitieux et plus complexe43. Restent conformes aux traditions du début du siècle, le décor de l’abside centrale (Christ Jerphanion, op. cit. note 2, t. 1, 177–198; Restle, op. cit. note 2, t. 2, n° 1, fig. 1–20. Le style des peintures suggère une datation postérieure à Tokalı 1 et Saint-Jean de Güllü dere, mais antérieure au milieu du Xe siècle. Pour la datation d’El Nazar: Cave, op. cit., note 11, 236. 42 Mais aussi, il est vrai, comme dans quelques programmes pré-iconoclastes (?) de Cappadoce: l’église cruciforme de Mavrucan (Jerphanion, op. cit., t. 2, 226), Balkan deresi n° l (N. Thierry, «Peintures paléochrétiennes en Cappadoce, l’église n° 1 de Balkan dere », Synthronon, Paris 1968, 53–59). 43 Jerphanion, op. cit. note 2, t. I, 199–242; Restle, op. cit. note 2, t. 2, n° XXIV, fig. 251–278; Cave, op. cit., note 11. 41

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trônant entre les puissances angéliques) (Fig. 11) et le développement du récit christologique, détaillant surtout l’Enfance (dans les voûtes des bras est, sud et nord) et, plus encore, la Passion-Résurrection, la Vie publique n’étant évoquée que par quelques scènes. Dans la coupole centrale se trouve l’Ascension, avec, dans les pendentifs, les évangélistes en buste. La Bénédiction des apôtres (dans la voûte du bras ouest) est, comme dans les décors du milieu du siècle de Tokalı (Nouvelle église) et de Çavuşin (Grand Pigeonnier), rapprochée de l’Ascension, et la Pentecôte surmonte l’entrée. Le récit du Ministère et de la Passion-Résurrection présente des particularités intéressantes, qui ne sont pas toutes dues à la nécessaire adaptation à un cadre spatial offrant des surfaces fragmentées et irrégulières, mais qui trahissent plutôt un certain désintérêt pour la logique narrative du récit au profit d’autres considérations. Le choix et la disposition des épisodes de la Vie publique semblent ainsi liés à leur signification commune. Sous les trois scènes qui composent, sur le mur sud, le cycle du Baptême — la Vocation de Jean-Baptiste, sa Rencontre avec Jésus et le Baptême — sont représentées la Vocation de Zachée, rarement figurée en Cappadoce et qui fait ici écho à celle du Prodrome, la Guérison de l’aveugle-né et la Résurrection de Lazare, sujets liés à ceux qui les surmontent par leur symbolisme baptismal (Fig. 12). Celui de la Guérison de l’aveugle à la piscine de Siloé est bien connu et la scène associée de longue date aux cycles baptismaux44. La Résurrection de Lazare, évoquant la renaissance que produit le sacrement du baptême, en est parfois rapprochée et, à Kılıçlar kilisesi, l’analogie formelle entre l’image de la piscine et celle du sépulcre de Lazare confirme le lien entre les deux épisodes45. Quant à la Rencontre de Jésus et de Zachée, qui illustre le thème de la rémission des péchés et du salut apporté par le Christ aux plus humbles, elle est aussi évoquée parfois dans un contexte baptismal, dans les sermons et dans les monuments46. Les trois épisodes du Ministère du Christ, subordonnés au cycle du Baptême, en constituent donc une sorte de commentaire. Quant au récit de la Passion et de la Résurrection, particulièrement 44 Cf. P. Underwood, « Some Problems in the Program and Iconography of Ministry Cycles », The Kariye Djami, vol. 4, ed. P. Underwood, New York 1975, 258; T. GoumaPeterson, « Christ as Ministrant and the Priest as Ministrant of Christ in a Palaeologan Program of 1303 », Dumbarton Oaks Papers 32 (1978), 209. 45 Comme le remarque, à juste titre, J. Cave, op. cit. note 11, 43. 46 Cf. Grégoire de Nazianze, Sermon 39: PG 36, col. 341 C; Sermon 40: ibid. col. 404 A–B; O. Demus, The Mosaics of San Marco in Venice, Chicago/Londres 1984, t. I, 117.

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détaillé dans l’église de Kılıçlar kilisesi, il frappe, au premier abord, par l’ordre quelque peu perturbé des épisodes. Celui-ci, cependant, n’est pas dépourvu de logique, que la place des sujets s’explique par des raisons décoratives (adaptation au cadre spatial), par la volonté de créer des associations thématiques soulignant la signification théologique des sujets ou simplement par le souci de mettre en valeur les scènes les plus importantes. On peut en donner pour exemple le rapprochement significatif du Reniement de Pierre — auquel est associé son repentir — et du Lavement des pieds. Ce dernier tableau illustre la purification et le pardon des péchés des apôtres, et en particulier de Pierre, dont faute et repentir sont évoqués dans la composition voisine; comme l’a observé Judith Cave, un tel rapprochement est bien dans l’esprit des lectures liturgiques du Jeudi Saint, jour où sont commémorés les deux épisodes47. Il explique aussi le report, sur le mur sud, face au Lavement des pieds, de la Trahison de Judas, qui aurait dû, chronologiquement, s’insérer entre le Reniement de Pierre et le Lavement des pieds. Une autre originalité du cycle de la Passion de Kılıçlar est la présence, sur le mur ouest, de la Comparution devant Anne et Caiphe, épisode rarement figuré en Cappadoce et probablement retenu ici pour faire pendant à l’image du Christ devant Pilate. Notons enfin que le meilleur emplacement, large et bien en vue, au fond du bras nord, a été naturellement réservé à la Crucifixion, dont la composition se déploie sur toute la largeur du mur. Outre le récit christologique, plusieurs particularités distinguent le programme iconographique de Kılıçlar kilisesi des autres décors « archaïques ». Les plus marquantes sont l’inclusion de la Dormition de la Vierge (au bas la paroi sud)48 et, surtout, l’influence plus marquée de la liturgie, dont témoignent le décor de la prothèse (Vierge à l’Enfant surmontant la Communion des apôtres49) et l’« icône » monumentale de la Vierge en prière sur le piédroit entre les absides centrale et nord. À celle-ci répondait vraisemblablement une image du Christ (ou de saint Jean-Baptiste) de l’autre côté de l’abside, selon une formule qui apparaît, à peu près à la

47 Sur le rapprochement Lavement des pieds/Reniement de Pierre et sa signification: Cave, op. cit. note 11, 131–142. 48 La scène nous paraît contemporaine du programme primitif. G. de Jerphanion exprimait un doute à ce sujet (op. cit. note 2, t. 1, 204, n. 2) et A.W. Epstein (art. cit. note 9, 30, n. 6) l’attribue à la première moitié du XIe siècle. 49 Cf. S. der Nersessian, « Two Images of the Virgin in the Dumbarton Oaks Collection », Dumbarton Oaks Papers 14 (1960), 76.

4. Göreme 7, Tokalı kilise 1 (Ancienne Église): la Transfiguration dans le tympan ouest de la nef (Cl. Jerphanion).

5. Göreme 1, (El Nazar), voûte du bras sud (versant est): l’Annonciation et la Visitation surmontant la Présentation du Christ au temple (au-dessus de l’absidiole).

6. Güllü dere 1: Présentation au temple. 7. Göreme 11 (Saint-Eustathe): Présentation au temple, saint Zosime.

8. Göreme 9 (Église de la Théotokos, de Jean-Baptiste et de saint Georges): vue générale vers l’est (Cl. N. Thierry). 9. Göreme 9: le martyre de saint Georges.

10. Göreme 1 (El Nazar): schéma de répartition des scènes (d’après Nagatsuka).

11. Göreme 29 (Kılıçlar kilisesi): bras est et abside.

12. Kılıçlar kilisesi, mur sud: Rencontre de Jean-Baptiste et de Jésus, Baptême, Guérison de l’aveugle-né, Résurrection de Lazare. 13. Zelve, Saint-Syméon: vue générale vers l’est.

14. Balkan deresi 3 (ou 4): vue générale vers l’est.

15. Balkan deresi 3, bras nord: la Vierge entre Pierre et Paul (tympan); les martyres de Pierre et Paul (voûte).

16. Balkan deresi 3, bras nord: décollation de saint Paul.

17. Saint-Jean de Güllü dere, (nef nord), mur sud: vision d’Eustathe.

18. Saint-Jean de Güllü dere, abside nord: détail de la Déisis.

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même époque, à Hosios-Loukas (église de la Panagia)50. Nous serions tentée d’interpréter ces nouveautés comme étant l’indice d’une datation postérieure aux premières décennies du Xe siècle: second quart ou, comme l’a proposé récemment J. Cave, milieu du siècle51. Malgré les comparaisons possibles avec des œuvres de la fin du IXe ou du début du Xe siècle (miniatures essentiellement)52, le style ne s’oppose pas, à notre avis, à une telle datation. Mais peut-être, comme nous le rappelions plus haut, vaut-il mieux, en l’état actuel de la recherche, s’en tenir à une fourchette chronologique large (première moitié du Xe siècle). D’autres églises en croix inscrite de Cappadoce, à Karlık, à Çökek53 ou dans le ravin de la Panagia, aux environs de Sinasos (Karae n° 1 appelée aussi Hacı İsmail dere n° 2)54, présentent des programmes de type « archaïque », moins bien conservés cependant que celui de Kılıçlar kilisesi. À Hacı İsmail dere n° 2, dont les peintures ont été attribuées par M. Restle aux années 930/940, se trouvait un cycle détaillé de la vie du Christ, malheureusement fort endommagé et que nous n’évoquons ici que pour une particularité intéressante: la situation de l’image du Baptême du Christ. Isolée du récit christologique, elle est, en effet, reléguée dans une pièce d’angle, qui serait le compartiment sud-ouest si l’église était normalement orientée, mais qui, l’abside étant au nord, se trouve ici au sud-est. Également remarquable est la disposition spatiale inhabituelle de la composition, dont les personnages sont répartis sur deux murs perpendiculaires: Jean-Baptiste et le Christ d’un côté, les anges, au nombre de trois, de l’autre, ces derniers étant peints au-dessus d’une niche, dont M. Restle note qu’elle est particulièrement profonde55. Ces particularités nous semblent pouvoir s’expliquer par la fonction liturgique M. Chatzidakis, « L’évolution de l’icône aux 11e–13e siècles et la transformation du templon », Actes du XV e Congrès International d’Études Byzantines (Athènes 1976), Athènes 1979, 336–337. 51 Cave, op. cit. note 11, en particulier, 249 et suiv. Bien que G. de Jerphanion ait finalement placé les peintures à la fin du Xe siècle (Jerphanion, op. cit. note 2, t. 2, 418), elles sont plus généralement attribuées aujourd’hui au tout début du siècle (R. Cormack, M. Restle, N. Thierry, A. W. Epstein). C. Walter opte, lui, plutôt pour la fin du Xe: C. Walter, Art and Ritual of the Byzantine Church, Londres 1982, 233. 52 Manuscrits: Paris. gr. 510, Vatic. gr. 699, Cod. gr. 538 de la Bibliothèque Marcienne; mosaïques de Sainte-Sophie de Thessalonique; cf. Cave, op. cit. note 11, 241–246. 53 Karlık: Jerphanion, op. cit. note 2, t. 2, 183–186. Çökek: N. Thierry, « Matériaux nouveaux en Cappadoce (1982) », Byzantion 54 (1984), 339–350. 54 Restle, art. cit. note 14, 259–279. 55 Ibid., 261. Il ne signale pas l’existence d’une cuve. 50

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de cette partie de l’église: comme, par exemple, la chapelle sud-ouest du catholicon de Hosios-Loukas56, elle devait servir à la cérémonie de la bénédiction des eaux (et peut-être aussi à la célébration du sacrement du baptême)57. Le cas n’est d’ailleurs pas unique, en Cappadoce, de cette valeur liturgique attribuée à l’image du Baptême, prototype du sacrement dont l’eau bénite renouvelait les effets. Dans l’une des églises à coupole de la vallée de Soğanlı, Kubelli kilise n° 2 (chapelle supérieure du grand cône), la même composition, aujourd’hui très effacée, décore une niche, creusée d’une petite cuve, dans le mur ouest de la nef58. On peut aussi se demander s’il ne faut pas attribuer une valeur comparable à la représentation du Baptême, quand celle-ci est isolée du cycle christologique et placée dans la partie ouest de l’église, et ce même en l’absence de tout dispositif liturgique particulier, ce dernier pouvant très bien être une cuve mobile aujourd’hui disparue. Ainsi avons-nous déjà mentionné, à El Nazar, la place du Baptême dans le bras ouest de l’église, près de l’entrée, là où l’on procédait habituellement à la cérémonie liturgique de la bénédiction des eaux59. Dans l’église du Pigeonnier de Çavuşin, la scène est isolée, hors cycle, et peinte sur le mur ouest de la nef (du côté nord); probablement est-ce en raison du symbolisme commun des deux sujets (mort et résurrection à la vraie vie) que lui répond symétriquement (du côté sud) l’image de l’Anastasis60. Cette situation occidentale du Baptême, près de l’entrée, perdure au XIe siècle dans les « églises à colonnes » de Göreme: la scène est peinte sur le mur ouest à Elmalı et Karanlık kilise61. Hors de Cappadoce, on la trouve souvent, à partir du XIe siècle, dans le narthex, où se célébraient les offices liturgiques de la bénédiction des eaux et du baptême (à Thessalonique, Panagia tôn Chalkéôn; à Castoria: Panagia Mavriotissa, Saint-Nicolas

56 Théano Chatzidakis-Bacharas, Les peintures murales de Hosios Loukas. Les chapelles occidentales, Athènes 1982, 113–118. 57 Cf. G. Millet, « Recherches au Mont-Athos, III, phiale et simandre à Lavra », Bulletin de Correspondance Hellénique 29 (1905), 109–123. 58 La présence de la scène, donnée comme hypothétique par G. de Jerphanion, est certaine; cf. Jerphanion, op. cit. note 2, t. 2, 296. 59 Restle, op. cit. note 2, t. 2, fig. 13. 60 Restle, op. cit. t. 3, fig. 302. 61 Voir les schémas de distribution des sujets dans Restle, op. cit., t. 2, n° XVII (Elmalı), et XXII (Karanlık).

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Kasnitzi, Saint-Etienne; à Saint-Pierre de Kalyvia-Kouvara, Sainte-Sophie de Trébizonde, etc.62). On pourrait citer, en Cappadoce, d’autres exemples de l’influence de la liturgie sur le décor. Ainsi, à Saint-Théodore, près d’Ürgüp, a-t-on représenté près d’une cuve aménagée contre le mur sud de la nef (dans sa partie ouest), la Rencontre du Christ et de la Samaritaine, épisode rarement figuré dans la région et dont le symbolisme baptismal est bien connu63. Le Baptême du Christ est peint près de la Prédication de Jean-Baptiste au plafond de cette même partie de l’église. N. Teteriatnikov a, d’autre part, attiré l’attention sur la situation de la Crucifixion et de l’Anastasis sur le mur nord, à proximité d’une tombe et d’un ambon, qui aurait servi à la commémoration des défunts: il s’agit, en fait, d’un aménagement postérieur, qui n’a pu avoir cette fonction64. Revenant à l’examen des programmes iconographiques de l’époque de Constantin VII Porphyrogénète, considérons à présent deux églises à nef transversale, dont les peintures, attribuées au milieu du Xe siècle environ, apparaissent comme une sorte de compromis entre la conception décorative « archaïque », prévalant dans la région au début du siècle, et le système médio-byzantin « classique ». Dans la chapelle no 6 de Göreme, en grande partie détruite aujourd’hui, on trouvait ainsi l’image de la Vierge dans l’abside et celle de l’Ascension dans les travées centrale et nord de la voûte. À un cycle traditionnel de l’Enfance (dans la travée sud de la

Cf. N. Coumbaraki-Pansélinou, Saint-Pierre de Kalyvia-Kouvara et la chapelle de la Vierge de Mérenta, Thessalonique 1976, 59–60: références pour ces monuments et autres exemples. 63 Restle, op. cit., t. 3, fig. 384. Pour le symbolisme baptismal de l’épisode: Underwood, art. cit. note 44, 257–258, 261–262; Gouma-Peterson, art. cit. note 44, 208; Ø. Hjort, «The Sculpture of Kariye Camii », Dumbarton Oaks Papers 33 (1979), 220–221. La fonction des cuves que l’on trouve dans un grand nombre d’églises de Cappadoce n’a pas encore fait l’objet d’une étude systématique; voir les brèves remarques de S.Y. Ötüken, « Zweischiffige Kirchen in Kappadokien und in den angrenzenden Gebieten », XVI Internationaler Byzantinistenkongress, Akten II/4: Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 32/4 (1982), 546–548. 64 N. D. Teteriatnikov, « Burial Places in Cappadocian Churches », The Greek Orthodox Theological Review 29 (1984), 154. Notons que la Rencontre du Christ et de la Samaritaine décore, associée à l’image d’un paon près d’un vase et à celle de Zachée dans l’arbre, le tympan ouest de la nef de Merdiven kilisesi (ou Derin dere kilisesi); plus bas, une niche abritant une petite cuve est ménagée dans la paroi, près de l’entrée de l’église; cf. G.P. Schiemenz, « Jacobsbrunnen im Tiefen Tal », Orientalia Christiana Analecta 204 (1977), 147–180; C. Jolivet, « Note sur une église inédite de Cappadoce », Revue des Études Byzantines 34 (1976), 333. 62

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voûte) s’ajoutaient quatre Grandes Fêtes, traitées comme des panneaux indépendants: la Transfiguration dans le tympan nord, le Baptême et la Crucifixion opposés dans les niches des murs nord et sud, l’Anastasis, à un emplacement plus modeste, à droite de la Crucifixion65. Plus exceptionnel est le programme iconographique de la Nouvelle église de Tokalı, toujours à Göreme66. Très ambitieux, ce décor témoigne de la richesse des fondateurs et de la formation savante de l’atelier. Le programme iconographique combine le système traditionnel des registres, où les sujets se succèdent sans interruption — avec un développement très important du récit de la Vie publique67 — à de grandes « icônes » indépendantes, isolées du cycle narratif, correspondant aux grandes Fêtes liturgiques: Annonciation et Nativité dans la voûte de la travée nord, Transfiguration et Dormition dans le couloir oriental, Crucifixion dans l’abside médiane, Ascension et Bénédiction des apôtres dans la travée centrale de la voûte et Pentecôte dans la travée sud. Par son caractère « mixte », le décor de Tokalı 2 paraît ainsi illustrer, vers le milieu du Xe siècle, une phase de transition entre les programmes narratifs du début du siècle et ceux, plus liturgiques, du XIe. Doit-on en conclure que l’Ancienne église de Tokalı (ou les monuments apparentés), Kılıçlar kilisesi et la Nouvelle église de Tokalı représentent trois étapes successives dans l’élaboration du cycle christologique décorant les églises byzantines, cycle qui se serait constitué progressivement, à partir des récits détaillés en usage en Cappadoce à la fin du IXe et au début du Xe, pour aboutir, au XIe siècle, au cycle court dit des Grandes Fêtes68? Il nous semble que les témoignages littéraires, à défaut de monuments conservés, plaident plutôt en faveur d’une apparition précoce, dès le IXe siècle, de programmes constantinopolitains consistant en cycles restreints et dogmatiques de la vie du Christ69. On peut donc penser que l’on avait, aux IXe-Xe siècles, deux systèmes décoratifs, l’un plus prolixe, l’autre plus sélectif, conçus pour

Jerphanion, op. cit. note 2, t. 1, 94–112; Restle, op. cit. note 2, t. 2, n° VII, fig. 53–56; pour la datation: Cave, op. cit. note 11, 235–236. 66 Jerphanion, op. cit. t. 1, 297–376; Epstein, op. cit. note 2. 67 Les légendes des scènes de la Vie Publique sont souvent empruntées, avec des variantes, à l’Évangile liturgique (Jerphanion, op. cit., t. 1, 336 et suiv.). 68 Selon l’hypothèse formulée, par exemple, par A.W. Epstein (op. cit. note 2, 44–49), 69 Voir les programmes constantinopolitains post-iconoclastes des Saints-Apôtres, de la Théotokos de la Source et de l’église de Stylianos Zaoutzès: Mango, op. cit. note 20, 199–201, 201–202, 203–205. Exemples de cycles concis antérieurs: Jean Damascène, PG 94, col. 1240; 95, col. 349. 65

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deux types architecturaux distincts, peut-être aussi pour des techniques (peinture et mosaïque), voire pour des « publics » différents. La tendance narrative, plus didactique, des cycles détaillés cappadociens peut-elle être pour autant considérée comme une caractéristique provinciale, populaire ou monastique70? On ne saurait l’affirmer. Entre les programmes « narratifs » et les décors plus nettement liturgiques, il y a place, en Cappadoce, pour des formules intermédiaires, qui prouvent la contamination des deux systèmes, sans qu’une évolution linéaire de l’un à l’autre soit, en l’absence de datations sûres, nettement perceptible entre le début du Xe siècle et le XIe. Alors seulement (au XIe siècle), le programme « classique » tend à s’imposer, en même temps que s’impose le type architectural de l’église en croix inscrite et que se renforce, dans la région, l’influence métropolitaine. L’époque de Constantin VII Porphyrogénète apparaît donc comme riche d’expérimentations, avant l’uniformisation, d’ailleurs toute relative, du XIe siècle. L’étude d’autres aspects des programmes iconographiques, en particulier du décor des absides, nous aurait conduite aux mêmes conclusions: à côté du thème « archaïque » par excellence que constitue la vision du Christ en gloire entre les puissances angéliques, elle-même susceptible de variantes, d’autres formules apparaissent. Certaines sont centrées sur le Christ, figuré en buste (Ballık kilise de Soğanlı71), trônant entre archanges et saints en médaillons (Karlık, Bahattin samanlığı kilisesi72), dans la composition de la Déisis (Saint-Jean de Güllü dere, Balkan deresi 3, Hacı İsmail dere l, Akköy 3, Kubbeli kilise 273), dans la scène de la Crucifixion (Tokalı kilise 274) ou dans celle de l’Ascension (Kale kilisesi de Selime75). D’autres réservent la place d’honneur à la Vierge, le plus souvent Comme le pense, par exemple, A. W. Epstein (art. cit. note 9, p. 38). Jerphanion, op. cit. note 2, t. 2, 254. 72 Ibid., 184 (Karlık) et Restle, op. cit. note 2, fig. 519 (Bahattin). 73 Dans les deux premières églises — Saint-Jean de Güllü dere et Balkan deresi 3 — il s’agit de programmes funéraires: voir infra. Pour Hacı İsmail dere 1: Restle, art. cit. note 14, fig. 6. L’église d’Akköy est inédite. Kubbeli kilise 2: Jerphanion, op. cit., t. 2, 274 (la composition occupe la conque de l’abside nord). Dans ces monuments, la formule suivie est très variable: Déisis en buste à Balkan deresi 3 et Kubbeli kilise 2, « composite » (conservant des éléments de la Majestas Domini « archaïque ») à Saint-Jean de Güllü dere et Akköy, « enrichie » (par l’addition d’anges) à Hacı İsmail dere. 74 Jerphanion, op. cit. t. I, 345–348; Epstein, Tokalı kilise (op. cit. note 2), fig. 5. 75 Cf. J. Lafontaine-Dosogne, « La Kale kilisesi de Selime et sa représentation de donateurs », Zetesis, Anvers/Utrectht 1973, 747 (la composition de l’Ascension — peu distincte — n’est pas identifiée). 70 71

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représentée trônant avec l’Enfant (El Nazar, Göreme 6, chapelle du cône isolé à Zelve, Hal dere l, Orta Mahalle kilisesi d’Avcılar, Balkan deresi 2, Kubbeli kilise 2, église de la Mère du Christ à Selime, église rupestre proche de Çanlı kilise76), parfois aussi debout, tenant le Christ à Sümbüllü kilise77, orante dans le parecclèsion funéraire d’Eski baca kilisesi78, ou encore dans la composition de l’Annonciation, à Ballı kilise79. Nous terminerons cette présentation par quelques programmes liés à la fonction de l’église: les décors funéraires. Ils sont caractérisés par l’abandon du récit de la vie du Christ, remplacé par des images de saints, choisis pour l’efficacité de leur intercession et évoqués soit par leur « portrait », soit par une scène ou un cycle court de leur vie. Peuvent s’y ajouter quelques images vétéro-testamentaires de l’intervention divine en faveur des croyants (Daniel dans la fosse aux lions, les Trois Hébreux dans la fournaise, etc.) et, comme à Saint-Jean de Güllü dere, la Dormition de la Vierge, la Seconde Venue et le Jugement dernier80. Bien qu’il n’ait pas jusqu’à présent été considéré comme tel, on peut peut-être classer dans cette catégorie le décor de la chapelle de Saint-Syméon à Zelve, établie à la base d’un cône où sont creusés, aux niveaux supérieurs, 76 El Nazar: Restle, op. cit. note 2, t. 2, fig. 6; Göreme 6: Jerphanion, op. cit. note 2, t. 1, 96; Zelve, cône isolé: Restle, t. 1, 143; Hal dere 1: R. Blanchard, « Archéologie et topographie sur quatre églises inédites de Cappadoce », Journal des Savants (1981), 363–368; Orta Mahalle kilise: N. Thierry, « Quelques monuments inédits ou mal connus de Cappadoce. Centres de Maçan, Çavuşin et Mavrucan », L’Information d’histoire de l’Art 14 (1969), 11; Balkan deresi 2: Jerphanion, op. cit., t. 2, 50; Kubelli kilise 2: ibid., 293; église de la Mère du Christ à Selime: N. Thierry, «Études cappadociennes. Région du Hasan Dağı. Compléments pour 1974 », Cahiers Archéologiques 24(1975), 185; église proche de Çanlı kilise: ibid., 189. Ne sont pris en compte ici que les cas où la Théotokos est peinte dans la conque de l’abside principale de l’église. 77 Thierry, Nouvelles églises (op. cit. note 14), 178; signalons, cependant, que la Vierge n’est pas du type Blachernitissa. 78 J. Lafontaine-Dosogne, « L’église rupestre dite Eski Baca kilisesi et la place de la Vierge dans les absides cappadociennes», Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 21(1972), 167. 79 Thierry, « Études cappadociennes », art. cit. note 76, 188. 80 Ce type de programme caractérise une partie du décor d’Yılanlı kilise, dans la vallée de Peristrema, dont la datation est controversée (seconde moitié du IXe siècle?). Dans le vestibule d’entrée, où un grand arcosolium abrite deux tombes, sont peints deux scènes de la vie de Marie l’Égyptienne, Daniel entre les lions et des saints (dont trois anargyres); dans la partie occidentale de la nef, qui communique avec un parecclèsion funéraire (décoré d’une Déisis plus tardive), se déploie un vaste Jugement dernier: Thierry, Nouvelles églises, op. cit. note 14, 89 et suiv.

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la cellule et l’oratoire d’un ermite (probablement nommé Syméon)81. On ignore qui commanda la décoration: le moine Syméon(?) lui-même, un groupe de ses disciples ou, comme le suggère L. Rodley, un quelconque bienfaiteur laïc, dont l’ermite avait attiré l’attention82? Le narthex contient plusieurs tombes, de dates, il est vrai, incertaines, et un grand arcosolium, contemporain du creusement de la chapelle, est ménagé à l’extérieur, à droite de l’entrée du narthex. Le programme iconographique de la nef, purement hagiographique, ne contredit pas la destination funéraire du sanctuaire; il reflète, par ailleurs, sa dédicace à saint Syméon stylite l’Ancien. Si la Majestas liturgique traditionnelle règne dans la conque de l’abside, la nef est réservée à l’exaltation du saint patron de l’ermite local, Syméon stylite, et à des images d’intercession. À droite de l’abside (sur le mur est), à une place bien en vue (Fig. 13), est représenté saint Syméon sur sa colonne, effigie qui se rattache à un petit cycle hagiographique développé sur le mur sud. Deux paradigmes traditionnels du salut, Daniel entre les lions et les Jeunes Hébreux dans la fournaise, et des figures de saints de diverses catégories, choisis comme protecteurs et intercesseurs privilégiés, complètent le programme. Au plafond, une grande croix en relief sépare les bustes de Constantin et Hélène, à l’est, et de David et Salomon, à l’ouest. Seconde exemple, dont le caractère funéraire, pratiquement certain dans ce cas, n’avait pas non plus été relevé jusqu’à présent: le décor de la petite chapelle en croix libre du vallon de Balkan, près d’Ortahisar, répertoriée sous le nom de Balkan deresi no 3 ou no 483 (Fig. 14). Le programme iconographique apparaît lié, comme à Saint-Syméon de Zelve, à la fois à la destination funéraire du monument84 et à sa dédicace vraisemblable. Il s’agit d’une fondation privée, dont les donateurs (un couple ?) s’étaient fait représenter dans le tympan du bras nord, au-dessus de l’entrée, de part et d’autre de la Théotokos entre Pierre et Paul (Fig. 15), à qui l’église était sans doute dédiée. Aucune inscription conservée ne nous précise la dédicace du sanctuaire, mais on peut la déduire de la place privilégiée réservée aux princes

Jerphanion, op. cit. note 2, t. 1, 552–567. L. Rodley, Cave Monasteries of Byzantine Cappadocia, Cambridge 1985, 189–193. 83 Cf. Jerphanion, op. cit., t. 2, 50–56. G. P. Schiemenz lui attribue le n° 3 («Zur Chronologie der kappadokischen Felsmalereien », Archäologischer Anzeiger 85, 1970, 260, note 73), N. Thierry le n° 4 (Arts de Cappadoce, L. Giovannini éd., Genève 1971, 199, plan 2, no 5 d). 84 Il contient de nombreuses tombes, sous arcosolia et creusées dans le sol de la nef. 81 82

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des apôtres. À leur représentation entre la Vierge et les donateurs, au-dessus de la porte, s’ajoutent les scènes de leur martyre dans la voûte du bras nord (préparation du martyre de Pierre et décollation de Paul) (Fig. 15 et 16). Ils se retrouvent enfin dans le tambour de la coupole centrale, entourant, avec les autres apôtres, l’image du Christ en buste. Aucune scène de la vie du Christ n’a été représentée. En revanche, un court cycle de celle de saint Basile de Césarée occupe le bras sud: Baptême du juif Joseph, Mort et Funérailles du saint85. Le fait que deux sur trois des épisodes choisis illustrent la mort est vraisemblablement en rapport avec la destination funéraire de la chapelle. La même explication peut être avancée pour le choix des scènes (de martyre) consacrées aux saints Pierre et Paul. Dans la conque de l’abside, la présence des trois figures de la Déisis, en buste, confirme l’inspiration funéraire de l’ensemble86. À proximité, dans la voûte du bras oriental, les donateurs ont choisi comme intercesseurs privilégiés saint Procope, d’abord vénéré comme exorciste avant de rejoindre la cohorte des saints militaires87, et Sisinnios, puissant protecteur contre le diable et ses maléfices88. À côté se trouvent deux saintes femmes, Kyriaki et Paraskévi, souvent assimilées aux saints médecins et parfois associées à ceux-ci dans l’iconographie: deux saintes, donc, dont l’intercession passait, comme celle de Procope et de Sisinnios, pour particulièrement efficace89. Le décor de l’église de Balkan deresi nous conduit

G. de Jerphanion, « Histoires de saint Basile dans les peintures cappadociennes et dans les peintures romaines du Moyen Age », La Voix des Monuments, N.S., Paris/Rome 1938, 153–158; C. Walter, « Biographical scenes of the Three Hierarchs », Revue des Études Byzantines 36 (1978), 245–247. 86 G. de Jerphanion identifiait à tort le Christ entre deux anges, erreur reprise par M. Restle (Hild et Restle, op. cit. note 1, 250). Notre interprétation rejoint celle de Schiemenz, art. cit. note 83, 260, note 73. 87 H. Delehaye, Les légendes grecques des saints militaires, Paris 1909, 77–89; Bibliotheca Sanctorum X (1968), col. 1159–1166; Lexikon der christlichen Ikonographie t. 8 (1976), col. 229–230. Il est ici, comme ailleurs aux IXe–Xe siècles, en martyr, vêtu de la chlamyde, alors qu’il apparaît en costume militaire dès le Xle siècle. 88 Cf. P. Perdrizet, Negotium perambulans in tenebris. Études de démonologie gréco-orientale, Strasbourg 1922, 13 et suiv.; Bibliotheca Sanctorum XI (1968), col. 1246–1247; pour les images cappadociennes de Sisinnios: G.P. Schiemenz, « Wunderkraft gegen kämpfende Widersacher », Ἐπετηρὶς Ἑταιρείας Βυζαντινῶν Σπουδῶν 44 (1979/80), 212 et suiv. 89 L’une des sources de Denys de Fourna les classe parmi les anargyres: A. PapadopoulosKerameus, Διονυσίου τοῦ ἐκ Φουρνᾶ, Ἑρµηνεία τῆς Ζωγραφικῆς Τέχνης, Saint-Pétersbourg 1909, 278–279. 85

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à rappeler, pour finir, un autre programme funéraire, plus ambitieux et déjà bien connu par les publications de N. Thierry, qui nous dispensent d’une présentation détaillée: celui de Saint-Jean de Güllü dere, daté de 913-92090. Le donateur, dont le nom est perdu, devait être un personnage assez fortuné, puisque l’inscription dédicatoire nous apprend qu’il fit aussi construire un monastère dédié « à la Vierge et à tous les saints ». Quant à la consécration à saint Jean, probablement le Prodrome, elle est fréquente pour les églises funéraires. Composée de deux nefs parallèles communiquant à l’est par un passage contenant une tombe, l’église abrite un double programme: « archaïque » traditionnel dans la nef sud, funéraire dans le passage oriental et le vaisseau nord, où est ménagé un profond arcosolium. Sacrifice, résurrection et salut sont évoqués dans le passage oriental par les scènes du Sacrifice d’Abraham, de l’Holocauste et de l’Ascension d’Élie. La chapelle nord montre, dans l’abside, la Déisis (Fig. 18), tandis que Seconde Venue et Jugement sont illustrés dans la nef. Dans la voûte sont peints le Christ de la Seconde Venue (précédé de l’apparition de la croix) et le tribunal apostolique, associé à la Pentecôte et centré, dans le tympan est, par la composition de la Déisis. La résurrection des morts était également évoquée, par les images de la Terre et de la Mer, dans le tympan ouest. Le programme funéraire de cette partie de l’église était complété par des effigies de saints et par les deux images d’intercession que constituent la Dormition de la Vierge — avec l’inscription « Les âmes des Justes (sont) dans la main du Seigneur » (Sagesse 3,1) — et la Vision d’Eustathe (Fig. 17). L’utilisation funéraire de cette dernière scène n’est pas, en Cappadoce, un cas unique: on la retrouve, en effet, dans un petit tombeau de Göreme, dont les peintures sont à peu près contemporaines du décor de Saint-Jean de Güllü dere, ainsi que dans l’église dite du prêtre Jean, dans la vallée de Peristrema91. Au terme de cette présentation de quelques décors cappadociens du Xe siècle, apparaît, par delà une homogénéité apparente, qui a souvent été mise en avant, une assez grande diversité des solutions adoptées et une réelle flexibilité des programmes. Entrent en jeu, à des degrés divers, dimensions et type architectural de l’église, dédicace et fonction, conceptions théologiques

Cf. note 2. Pour le tombeau peint de Göreme, voir N. Thierry, « Découvertes à la nécropole de Göreme (Cappadoce) », Comptes Rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres 1984, 673–675; pour l’Église du prêtre Jean: Thierry, « Études cappadociennes », art. cit. note 76, 187. 90 91

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de l’époque, niveau social et préférences personnelles des donateurs, ainsi peut-être, bien que cela soit plus difficile à mettre en évidence, origine et formation des peintres. Par leur variété, ces programmes témoignent ainsi de l’importante activité artistique de la Cappadoce au Xe siècle (première moitié surtout), peintres d’ateliers de village et peintres itinérants travaillant pour une clientèle diversifiée de laïcs et de moines plus ou moins fortunés.

XI

Çarıklı kilise, l’église de la Précieuse Croix à Göreme (Korama), Cappadoce: une fondation des Mélissènoi ?*

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EPUIS l’ouvrage de G. de Jerphanion sur les églises rupestres de Cappadoce, notre connaissance des monuments byzantins de cette région n’a cessé de progresser: de nouveaux ensembles ont été découverts et étudiés et ceux qui étaient connus de longue date ont fait l’objet de recherches nouvelles. L’apport des témoignages archéologiques à la connaissance de l’histoire et de la société est d’autant plus précieux que les sources écrites sont avares de renseignements sur la vie de la région au Moyen Age. D’ores et déjà, l’étude des ermitages et monastères1, celle des programmes iconographiques2 ont donné certains résultats, de même que l’attention portée aux inscriptions dédicatoires et aux portraits de donateurs dans les églises3. * Liste des abréviations: DChAE: Δελτίον τῆς Χριστιανικῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας. Jerphanion, Églises: G. de Jerphanion, Une nouvelle province de l'art byzantin. Les églises rupestres de Cappadoce, Paris 1925–1942. RbK: Reallexikon zur byzantinischen Kunst. Jolivet-Lévy, Églises byzantines: C. Jolivet-Lévy, Les églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l'abside et de ses abords, Paris 1991. Restle, Wall Painting: M. Restle, Byzantine Wall Painting in Asia Minor, Greenwich (Conn.) 1967. Rodley, Cave Monasteries: L. Rodley, Cave Monasteries of Byzantine Cappadocia, Cambridge 1985. 1 Rodley, Cave Monasteries: ouvrage de référence désormais essentiel, mais dont nous ne partageons pas toutes les conclusions. 2 Jolivet-Lévy, Églises byzantines. 3 N. Thierry, La peinture de Cappadoce au Xe siècle. Recherches sur les commanditaires de la nouvelle église de Tokalı et d’autres monuments, Constantine VII Porphyrogenitus and his

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C’est dans cette dernière direction que s’inscrit la brève contribution qui suit. Elle porte sur l’une des églises les plus visitées de Cappadoce, située dans le « Musée de Göreme »: Çarıklı kilise (l’« église à la sandale » ou « aux sandales »)4. Avec Elmalı et Karanlık kilise, elle forme un groupe homogène, bien caractérisé, désigné depuis Jerphanion sous l’appellation d’« églises à colonnes »5 et généralement, sinon unanimement, attribué aux environs du milieu du XIe siècle6. L’église de Çarıklı était entourée de quelques salles, l’ensemble constituant une petite installation monastique, située au fond d’une cour naturelle; actuellement peu profonde, celle-ci a pu être modifiée: l’accès primitif de l’église — aujourd’hui une échelle métallique — a en effet disparu, témoin de l’importance des remaniements, que ceux-ci soient dus à l’érosion ou à l’action de l’homme. Comme dans le monastère voisin de Karanlık, mais sur une moindre échelle, l’ensemble se déployait sur deux niveaux, l’église étant située à l’étage et le réfectoire au rez-de-chaussée7. Le plan de l’église est inhabituel: défini comme une croix inscrite tronquée, il suit dans la moitié orientale un plan en croix inscrite, tandis que la partie ouest ressemble à une croix libre; il n’y a que deux colonnes, à l’est, et les deux compartiments occidentaux n’ont pas été évidés (Fig. 1). On explique généralement ce Age, Second International Byzantine Conference, Delphes 1987, Athènes 1989, p. 217–246; L. Bernardini, Les donateurs des églises de Cappadoce, Byzantion 62, 1992, p. 118–140. 4 Jerphanion, Églises, I, p. 455–473; Restle, Wall Painting, n° XXI; Rodley, Cave Monasteries, p. 162–167. L’usure des peintures atteste la fréquentation assidue de l’église: la différence est sensible entre l’état actuel et celui que montrent les photographies publiées par M. Restle, sans parler bien sûr de celles de Jerphanion. 5 Ce sont les églises nos 19 (Elmalı), 22 (Çarıklı) et 23 (Karanlık) de Göreme; cf. Jerphanion, Églises, I, p. 377 s.; A.W. Epstein, Rock-cut Chapels in Göreme Valley, Cappadocia: The Yılanlı Group and the Column Churches, Cahiers Archéologiques 24, 1975, p. 115–135; Ead., The Fresco Decoration of the Column Churches, Göreme Valley, Cappadocia. A Consideration of their Chronology and their Models, Cahiers Archéologiques 29, 1980–1981, p. 27–45. 6 Datation proposée par G. de Jerphanion et acceptée entre autres par N. Thierry, L’art monumental byzantin en Asie Mineure du XIe siècle au XIV e, Dumbarton Oaks Papers 29, 1975, p. 87, n. 68, et Epstein, The Fresco Decoration (cité supra n. 5). J. Lafontaine-Dosogne, en dernier lieu dans Histoire de l’art byzantin et chrétien d’Orient, Louvain-la-Neuve 1987, p. 165–166, attribue les peintures des « églises à colonnes» à la seconde moitié du XIIe s. M. Restle, RbK 3, 1978, col. 1101–1102, propose la fin du XIIe ou le début du XIIIe s. Dernière mise au point sur la question: N. Thierry, De la datation des églises de Cappadoce, Byzantinische Zeitschrift 88, 1995, p. 446–449. 7 L. Rodley, Cave Monasteries, p. 162 décrit le monastère comme « a hybrid between the courtyard and refectory types».

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type particulier par un accident ou une erreur de jugement au cours de l’excavation: le rocher correspondant aux deux colonnes occidentales aurait été éliminé, entraînant l’abandon du plan en croix inscrite initialement prévu8. Nous verrons que l’analyse du décor de l’église suggère une autre explication: le parti adopté serait primitif et destiné à souligner la forme de croix de l’église. Si le monastère de Karanlık kilise apparaît aujourd’hui comme le plus développé et le plus riche du cirque de Göreme9, le complexe de Çarıklı, avec sa façade sculptée, son vaste réfectoire, son église, dont la taille n’est pas spécialement soignée, mais qui est entièrement décorée de peintures de bonne qualité, devait jouir aussi d’une importance particulière, liée à la qualité de ses fondateurs et, semble-t-il, à l’attraction qu’exerçait sur les pèlerins une « précieuse croix » conservée au monastère. Trois personnages masculins, que l’on peut identifier aux donateurs, bien qu’ils soient en prière et non en train d’offrir un modèle de leur fondation, se sont fait représenter dans l’église10. Par son emplacement privilégié, ses dimensions et le système relationnel d’images dans lequel il s’insère, ce panneau des donateurs est exceptionnel. La composition occupe toute la largeur du bras ouest de l’église (Fig. 2), sous la Nativité et face à l’abside, les donateurs étant peints à la même échelle et au même niveau que les effigies de saints alignées au bas des parois11; ils ne sont cependant 8

164.

Epstein, Rock-cut Chapels (cité supra n. 5), p. 122; Rodley, Cave Monasteries, p.

En raison des destructions dues à l’érosion, on ne peut plus juger aujourd’hui de l’organisation ni de l’extension de celui d’Elmalı kilise. 10 Jerphanion, Églises, pl. 127,2; 129,1; Restle, Wall Painting, II, fig. 194, 217; G.P. Schiemenz, Herr, hilf deinem Knecht. Zur Frage nimbierter Stifter in den kappadokischen Höhlenkirchen, Römische Quartalschrift 71, 1976, p. 145–146. Sur la définition du portrait de donateurs appliquée aux figures représentées les mains vides: H. Frances, Symbols, Meaning, Belief: Donor Portraits in Byzantine Art, Londres, Courtauld Institute Art 1992, Ph D inédite, p. 8–10. 11 Ce qui est relativement rare, les donateurs étant en règle générale représentés à une échelle inférieure à celle des figures de saints; des exceptions existent cependant, cf. N. Patterson-Ševčenko, Close Encounters: Contact between Holy Figures and the Faithful as represented in Byzantine Works of Art, Byzance et les images, Paris 1994, p. 272–274 (Mileševa; Iviron 5, fol. 456v–457r), p. 280–281 (Évangile de Melbourne, cod. 710/5, fol. 1v), Ead., The Representation of Donors and holy Figures on four Byzantine Icons, DChAE IV, 17, 1993–1994, p. 160 (un roi bagratide à la même échelle que saint Georges sur une icône du Sinaï, XIIe s.), S. Kalopissi-Verti, Dedicatory Inscriptions and Donor Portraits in Thirteenth Century Churches of Greece, Vienne 1992, p. 98–99, fig. 87–88 (Panagia Bellas à Boulgareli, Épire, 1295/96). 9

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pas nimbés12. Les trois figures sont debout, la tête légèrement inclinée et les mains tendues vers un personnage central énigmatique (Fig. 3), à longs cheveux blancs et courte barbe en pointe, auréolé d’un nimbe uni et qui semble vêtu à l’antique, d’une tunique et d’un himation. Aucune inscription ne le nomme, mais il tient dans la main gauche une longue croix qui est elle désignée comme ὁ τήµιος σταβρός, « la précieuse croix »13. C’est vraisemblablement à celle-ci, plutôt qu’à celui qui la porte, que les donateurs adressent leur prière. À gauche (pour le spectateur) se trouve le personnage le plus important: sa place à la droite de la figure centrale et son costume l’attestent. À barbe noire, il est vêtu d’une longue robe rouge, sur une tunique crème, coiffé d’un ample turban blanc et porte un foulard blanc autour du cou; son invocation est peinte à côté: Δέησης τοῦ δούλου / τοῦ Θ(εο)ῦ Θεογνόστου, « Prière du serviteur de Dieu Théognostos ». À droite, le premier personnage, nue tête, porte une robe bleue, ceinturée à la taille et à parement brodé d’or au cou; l’inscription qui l’accompagne est: Δέησης τοῦ δού/[λου] τοῦ Θ(εο)ῦ Λέοντος, « Prière du serviteur de Dieu Léon ». Du troisième donateur, il ne reste guère plus que la tête et les épaules; vêtu d’une robe brune, un foulard blanc autour du cou, il est tête nue, avec une courte barbe; on lit: Δέησης τοῦ δού/λου τοῦ Θ(εο)ῦ Μιχαήλ, « Prière du serviteur de Dieu Michel ». Quel lien unissait ces trois hommes, dont le plus important et le plus âgé semble avoir été Théognostos ? On l’ignore, mais l’on peut supposer qu’ils appartenaient à une même famille14, fortunée à en juger par leur mise et par l’importance de leur fondation. En l’absence de patronyme, comme de titres, on ne dispose guère que des prénoms des donateurs — Théognostos, Michel et Léon — pour tenter d’identifier cette famille. Les prénoms se transmettant normalement de grand-père à petit-fils et restant relativement fixes pendant plusieurs générations, on peut en effet déterminer les prénoms favoris d’une lignée15. Contrairement aux portraits des Phocas, de Jean Tzimiskès et de Mélias dans l’église du Grand Pigeonnier de Çavuşin (Restle, Wall Painting, III, fig. 328, 326), ou encore à ceux des donateurs de l’église de Yüksekli (C. Jolivet-Lévy, Nouvelle découverte en Cappadoce: les églises de Yüksekli, Cahiers Archéologiques 35, 1987, p. 129), par exemple. 13 La main droite malheureusement grattée semble avoir tenu aussi quelque objet — peut-être un rouleau ? 14 Rodley, Cave Monasteries, p. 167, pense à un père accompagné de ses fils. 15 Ce du moins jusqu’à la fin du XIe s., car la situation change avec l’invasion turque qui ramène à Constantinople de nombreuses familles aristocratiques. Je dois les informations qui suivent à la généreuse collaboration de Jean-Claude Cheynet, que je remercie. 12

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Celui de Théognostos, relativement rare, est attesté dans les familles suivantes: Bourtzès, Limnogalaktès, Mélissènos et Tessarakontapèchys. Cette dernière, sans attache orientale, peut être éliminée d’emblée, de même que les Limnogalaktai, qui ne semblent pas avoir été prénommés Léon et Michel. Restent deux lignées aristocratiques liées à l’Orient: les Bourtzai et les Mélissènoi, qui étaient apparentées16 et avaient en commun le prénom Théognostos. La famille Bourtzès17, bien enracinée dans le thème des Anatoliques et à Antioche, compte plusieurs Michel, dont l’un fut en activité entre 1030 et 106018, à l’époque de la fondation de Çarıklı kilise. L’un des frères de ce Michel se prénommait Théognostos19. Léon, en revanche, n’apparaît dans cette famille que sur un sceau daté de la fin du XIIe s.20 et il n’est pas sûr qu’il s’agisse d’un prénom familial. L’enquête menée du côté des Mélissènoi est plus concluante21. Le premier Mélissènos attesté est le patrikios Michel, gouverneur des Anatoliques sous Constantin V et père du patriarche de Constantinople Théodote Ier22. Du IXe au XIe s., les Mélissènoi sont surtout connus comme commandants militaires et gouverneurs de thèmes. Léon Mélissènos, domestique des Scholes à la fin du Xe s., fut l’un des principaux généraux de son époque23 et son frère se prénommait Théognostos24; tous deux participèrent à la rébellion de Bardas Phocas. La famille reste puissante au milieu du XIe s. Un Michel Mélissènos, illoustrios et stratège, est attesté par un sceau de la collection de Dumbarton Oaks, Nicéphore Bryennios, Histoire, éd. P. Gautier, Nicephori Bryennii historiarum libri quattuor, Bruxelles 1975 (CFHB 9), p. 85, 239 (Nicéphore Mélissènos, époux d’Eudocie Comnène, descendant des Bourtzai et des Mélissènoi). 17 J.-C. Cheynet, J.-F. Vannier, Études prosopographiques, Paris 1986 (Byzantina Sobonensia 5), p. 15 s. 18 Ibid., p. 32–33 (n° 8). 19 Ibid., p. 33 (n° 9). 20 Ibid., p. 54 (n° 34). 21 Il n’existe aucune étude d’ensemble sur cette famille; voir les remarques de Sp. Lambros, Νέος Ἑλληνοµνήµων, 1, 1904, p. 191–202 et A. Kazhdan, Melissenos, The Oxford Dictionary of Byzantium, New York-Oxford 1991, t. 2, p. 1335. 22 Skylitzès, éd. I. Thurn, Ioannis Skylitzae Synopsis historiarum, Berlin-New York 1973 (CFHB 5), p. 11. 23 Il fut patrice et stratège des Anatoliques dans les années 80 du Xe siècle: I. Jordanov, Molybdobulles des domestiques des Scholes du dernier quart du Xe siècle trouvés dans la stratégie de Preslav, Studies in Byzantine Sigillography 2, éd. N. Oikonomides, Washington 1990, p. 208–210. 24 Pour Léon et Théognostos, importants stratèges sous Basile II: Skylitzès, éd. Thurn (cf. n. 22), p. 330, 338. 16

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daté des années 1060 à 108025. Enfin, on connaît le sceau d’un Théognostos Mélissènos, catépan de Mésopotamie26, que l’on a proposé d’identifier au catépan du district de Bagh’in, qui succéda à un certain Péros, à l’époque de Théodora (1055–1056); ce dernier est mentionné par Matthieu d’Édesse, qui le décrit comme un « homme de bien et d’une haute réputation, compatissant aux veuves et aux captifs, bienfaiteur des populations et recommandable par les plus belles et les plus nobles qualités »27. Ce Théognostos, comme le Michel Mélissènos du sceau de Dumbarton Oaks, sont donc contemporains de notre église, si du moins l’on accepte la datation de celle-ci vers le milieu du XIe s. ou peu après. Il est donc tentant d’attribuer la fondation de Çarıklı kilise à la famille des Mélissènoi, qui furent de fermes soutiens des Phocas, et dont une branche pouvait être établie en Cappadoce. Cette identification des donateurs de Çarıklı kilise reste naturellement hypothétique, car demeure toujours la possibilité qu’une famille de l’aristocratie locale cappadocienne, inconnue des sources, mais éventuellement apparentée aux Bourtzai ou aux Mélissènoi, ait utilisé les mêmes prénoms. La dévotion à la croix, que manifestent les donateurs de l’église en lui adressant leurs prières, est conforme à l’importance de son culte dans l’aristocratie cappadocienne28 en général et chez les Mélissènoi en particulier: la croix décore un sceau de la fin du Xe ou du début du XIe s. de Théognostos Mélissènos, probablement le grand-père du catépan de Mésopotamie29. Le

25 DO 58. 106. 5666: cf. W. Seibt, Die Byzantinischen Bleisiegel in Österreich: 1. Teil, Kaiserhof, Vienne 1978, p. 262. 26 Sceau de la Collection D. Ben-Nathanael (Istanbul), n° 288: D. Theodoridis, Theognostos Melissenos, Katepan von Mesopotamia, Byzantinische Zeitschrift 78, 1985, p. 363–64. À la même époque est aussi attestée une Marie Mélissènè, avec le titre élevé de πατρικία ζωστή: Seibt, Die Byzantinischen Bleisiegel (cité note précédente), p. 260–262 (sceau daté des années 60 à 70 du XIe s. portant à l’avers l’image de la Théotokos avec le Christ en médaillon sur la poitrine). 27 Matthieu d’Édesse, Chronique, éd. E. Dulaurier, Paris 1858, p. 103; A. E. Dostourian, Armenia and the Crusades. Tenth to Twelfth Centuries. The Chronicle of Matthew of Edessa, Lanham-New York-Londres 1993, p. 142. 28 N. Thierry, Le culte de la croix dans l’Empire byzantin du VIIe au Xe siècle dans ses rapports avec la guerre contre l’Infidèle. Nouveaux témoignages archéologiques, Rivista di Studi Bizantini e Slavi 1, 1981, p. 205–228; J.-C. Cheynet, Quelques remarques sur le culte de la croix en Asie Mineure au Xe siècle, Histoire et culture chrétienne. Hommages à Monseigneur Yves Marchasson, Paris 1992, p. 67–78. 29 Sceau inédit de Dumbarton Oaks 55. 1. 3180, signalé par N. Oikonomidès à J.-C. Cheynet.

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contexte iconographique dans lequel s’insèrent les portraits s’accorde aussi avec l’hypothèse d’une haute lignée: ils sont figurés entre saint Théodore (lance dans la main droite, bouclier derrière l’épaule gauche) et saint Georges (glaive dans la main droite, lance dans la gauche) d’une part, saint Procope d’autre part, c’est-à-dire à côté des saints militaires les plus vénérés à Byzance, modèles de référence de ces grandes familles ayant pour idéal le héros militaire. Le personnage nimbé qu’entourent les donateurs et qui tient la croix a souvent été identifié au Christ30, mais son auréole non crucifère et l’absence de toute inscription le désignant semblent exclure cette hypothèse, d’autant que dans les décors contemporains de Cappadoce, les donateurs ne sont jamais représentés à la même échelle que le Christ31. Simon de Cyrène a également été proposé32 — en raison de la croix —, mais son type iconographique, à Çarıklı kilise même, est autre (Fig. 8). Ces identifications sont d’autant moins vraisemblables que l’on trouve sur le mur sud de la nef, à l’est (près de l’absidiole), une seconde image du même personnage énigmatique, à cheveux blancs, tenant toujours une croix désignée comme « la précieuse croix » (Fig. 4). Il chevauche ici un cheval blanc qui se dirige vers la droite, c’est-à-dire vers l’ouest, où se trouve le panneau des donateurs. Le mauvais état de conservation de l’image et de l’inscription explique l’identification erronée proposée par G. de Jerphanion — et couramment reprise depuis — à saint Théodore; pourtant le type iconographique du cavalier, encore bien reconnaissable aujourd’hui, ne permet aucun doute, saint Théodore étant d’ailleurs représenté, avec son type habituel, sur le mur sud du bras ouest de l’église (Fig. 6). Comme dans le panneau des donateurs, seule la croix était désignée par une inscription, notre mystérieux personnage ne semblant être figuré qu’en tant que porteur de celle-ci et garant peutêtre de son authenticité. Malgré l’absence de tout nom, peut-on tenter de

30 Ainsi, Jerphanion, Églises, I, 457; Restle, Wall Painting, II, avant la fig. 193; J. Lafontaine-Dosogne, La Kale kilisesi de Selime et sa représentation de donateurs, Zetesis, 1973, p. 750. 31 À Karanlık kilise, par exemple, église contemporaine de Çarıklı kilise, tous les donateurs sont figurés à échelle réduite et, quand ils sont associés au Christ, ils sont en proskynèse (Rodley, Cave Monasteries, p. 54, fig. 10); ailleurs, on peut trouver des donateurs debout près du Christ, mais toujours beaucoup plus petits (Göreme 28, par exemple: Restle, Wall Painting, II, fig. 245). 32 G. de Jerphanion, La date des plus récentes peintures de Toqale kilissé en Cappadoce, Orientalia Christiana Periodica 2, 1936, p. 217, n. 4; Id., Églises, II, 472.

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l’identifier? Sans doute ne s’agit-il pas, malgré son auréole, d’un personnage sacré. Le nimbe pouvant caractériser aussi une allégorie ou un personnage historique de haut rang, E. Weigand avait proposé de reconnaître l’empereur Héraclius33, hypothèse qui ne s’accorde guère avec le type iconographique du personnage et ne paraît pas devoir être retenue. Il est possible, en revanche, que les images de Çarıklı kilise aient été en relation avec les conditions, qui sans doute nous échapperont toujours, dans lesquelles une « précieuse croix » avait été acquise. Le cavalier pourrait alors être quelque saint homme, pèlerin anonyme, qui aurait apporté en Cappadoce — à la demande des donateurs ? — une croix ou une relique du Saint Bois 34, à moins que l’origine de la croix n’ait été rattachée à une intervention providentielle, comme l’était souvent l’acquisition des fragments de la Vraie Croix ? On pourrait imaginer aussi que les peintures faisaient allusion à une cérémonie religieuse en l’honneur de la croix — à laquelle l’église était sûrement dédiée — cérémonie peut-être militaire, exaltant la croix comme symbole de victoire, ce qui s’accorderait avec la personnalité des donateurs35. À la vénération portée à la « précieuse croix » est associée, dans le décor de l’église, celle de Constantin et Hélène et de la Vraie Croix, qui sont représentés — nous y reviendrons — à proximité du panneau des donateurs. Les deux images, où apparaît cette « précieuse croix », ont reçu, G. de Jerphanion l’avait déjà noté, de nombreux graffiti médiévaux36, qui sont en majorité des invocations adressées à la croix, preuve de la vénération dont elle était l’objet. L’absence de graffiti semblables dans les deux autres « églises à colonnes » de Göreme montre que Çarıklı kilise était la plus visitée, certains pèlerins venant même de loin, tel ce Michel de Kotyaion (Kütaya), qui, sur l’image du mur ouest, invoque le secours de la croix. G. de Jerphanion pensait que le sanctuaire devait sa renommée aux deux dépressions creusées dans le sol du bras sud de l’église, sous l’image de l’Ascension, interprétées encore aujourd’hui comme les empreintes du Christ, par analogie avec celles que l’on vénérait à Jérusalem dans le sanctuaire de l’Ascension. Ces traces E. Weigand, Byzantinische Zeitschrift 35, 1935, p. 134. Le fait que la croix ne ressemblait guère à une staurothèque n’est pas gênant, ce type de représentation ne visant pas au réalisme. 35 Sur les légendes et les fêtes de la Sainte Croix: G. Galavaris, Kreuz, RbK V, 1991, en particulier col. 221–222, 276–278. 36 Voir aussi N. Thierry, Remarques sur la pratique de la foi d’après les peintures des églises rupestres de Cappadoce, Artistes, artisans et production artistique au Moyen Age, éd. X. Barral y Altet, III, Paris 1990, p. 442. 33 34

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semblent résulter plutôt de la régularisation tardive d’irrégularités dans la surface du sol, dues à la technique d’excavation, et la tradition des saintes empreintes, qui explique le nom actuel de l’église, est vraisemblablement post-byzantine37. Le grand nombre d’invocations à la croix tracées sur les murs de l’église incite à attribuer la forte fréquentation du sanctuaire, non à ces prétendues empreintes mais à la présence d’une croix bienfaitrice, contenant sans doute une relique du Saint Bois. Bien qu’il n’y ait pas toujours de relation de cause à effet entre la présence d’une relique de la croix dans une église et le choix de son vocable38, on est ici en droit de penser que la dédicace à la précieuse croix, encore attestée à la fin du siècle dernier lors de la première visite de A. M. Lévidis39, correspond à l’appellation primitive de la fondation. Le fait que c’est à la croix que les donateurs adressent leurs prières le confirme, puisque c’est souvent au saint patron de l’église que sont associées les images de donateurs. L’accent mis sur l’exaltation de la croix conduit à s’interroger de nouveau sur le plan inhabituel du sanctuaire, en croix inscrite tronquée, ce qui la distingue des deux autres églises du même groupe, Karanlık et Elmalı kilise, deux croix inscrites régulières. Plutôt que la conséquence d’une erreur survenue au cours de l’excavation, il est tentant d’y voir la volonté délibérée de rappeler, dans l’architecture même de l’église, la forme de la croix. Un argument en ce sens est l’adoption du même plan dans une autre église de Göreme, la chapelle n° 20 (Sainte-Barbe), caractérisée par un décor peint consacré en grande partie à l’exaltation de la croix40. Si l’intention d’évoquer la croix par la forme donnée à l’église demeure hypothétique, il est clair en revanche que l’on a cherché à l’exalter par le décor. Les deux panneaux représentant la Précieuse Croix ont été intégrés dans un réseau d’images — le programme iconographique de l’église — dont on peut proposer une lecture dynamique mettant en valeur les donateurs et la croix. Cette lecture est d’abord horizontale et linéaire: le cavalier cheminant sur le mur sud, vers la droite, nous entraîne vers la composition Comme le suppose aussi Rodley, Cave Monasteries, p. 165. A. Frolow, La relique de la Vraie Croix. Recherches sur le développement d’un culte, Paris 1961, p. 33–34. 39 A. M. Lébidès, Aἱ ἐν µονολίθοις µοναὶ τῆς Καππαδοκίας καὶ Λυκαονίας, Constantinople 1899, p. 147–148. 40 La chapelle n° 20 est considérée comme une copie de Çarıklı kilise, s’expliquant par la renommée de celle-ci: Epstein, Rock-cut Chapels (cité n. 5), p. 121–122; Rodley, Cave Monasteries, p. 175. 37 38

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des donateurs du mur ouest, où le même personnage apparaît de nouveau, mais cette fois-ci immobile et frontal. Entre les deux panneaux s’intercalent plusieurs figures. On a tout d’abord, près du cavalier, sur le mur sud, une Vierge à l’Enfant entre deux archanges, image monumentale mise en valeur par un décor d’arcatures, bien en vue et bien éclairée puisque face à l’entrée (Fig. 5); cette composition, qui n’a pas de parallèle dans le décor des deux autres « églises à colonnes »41, exprime peut-être la dévotion particulière portée par les donateurs à la Théotokos42. On a ensuite, sur le mur ouest, Constantin et Hélène tenant la croix, composition traditionnelle traduisant la dévotion portée au premier empereur chrétien et à la relique du Saint Bois (Fig. 6). Enfin, sur le mur sud du bras ouest, les saints Théodore et Georges, modèles et protecteurs privilégiés des militaires (Fig. 6), sont peints à côté et au même niveau que les donateurs, qui se trouvent ainsi parfaitement intégrés à l’espace sacré que les figures saintes environnantes définissent. Ils sont, plus précisément, mis en relation, non seulement avec les saints militaires, mais avec Constantin et Hélène: situés sur le mur ouest du bras sud, ceux-ci font en effet pendant aux donateurs, au fond du bras ouest, les deux panneaux étant visibles conjointement pour un spectateur placé dans la partie orientale de l’église, au niveau du cavalier. Le caractère intentionnel d’une telle « mise en scène » ne peut évidemment être prouvé, mais l’analyse du reste du programme iconographique, qui met en évidence toute une série de correspondances significatives entre les images, autorise à en formuler l’hypothèse. Contrairement à Jerphanion, qui insistait sur le désordre des scènes et le manque de cohérence du programme43, nous pensons en effet que si l’on tient compte du souci d’intégrer les donateurs dans un réseau d’images significatives, le décor, non seulement ne montre aucune incohérence, mais s’organise de façon parfaitement logique: la lecture des images réalise une « dynamisation » de l’espace, qui contribue à la mise en valeur des donateurs du sanctuaire et de la « précieuse croix » qu’abritait sans doute l’église ou le monastère. Une image comparable de la Théotokos entre les archanges est peinte à l’extrémité orientale du vestibule du monastère de Karanlık kilise: S. Kostof, Caves of God. The Monastic Environment of Byzantine Cappadocia, Cambridge (Mass.)–Londres 1972, pl. 17. 42 Le sceau d’Istanbul, évoqué plus haut (n. 26), montre à l’avers une image de la Théotokos en buste avec l’Enfant, accompagnée d’une invocation du possesseur, le catépan Théognostos Mélissènos; sur le sceau, comme à Çarıklı kilise (et aussi à Karanlık: voir note précédente), il s’agit d’une dexiokratousa. 43 Jerphanion, Églises, I, p. 460. 41

1. Çarıklı kilise: schéma de distribution des peintures (d’après M. Restle).

2. Vue générale du bras ouest de Çarıklı kilise montrant, sur le mur ouest, le panneau des donateurs sous la Nativité.

3. Le panneau des donateurs de Çarıklı kilise.

4. Mur sud du naos (travée orientale): le cavalier à la croix sous l’Anastasis.

5. Mur sud du naos avec, de gauche à droite, le cavalier à la croix sous l’Anastasis; la Théotokos sous l'Ascension, à droite, sur le mur ouest, Constantin et Hélène (Cl. G. de Jerphanion).

6. Partie sud-ouest de l’église: Constantin et Hélène, Théodore et Georges, le panneau des donateurs. 7. L’Ascension, au fond du bras sud, la Transfiguration dans la partie sud de la voûte du bras ouest.

8. Vue vers le sud, de gauche à droite: Jean-Baptiste (Déisis absidale) au-dessus d’un évêque, Simon de Cyrène portant la croix et, au fond, Anastasis et cavalier, Ascension et Vierge entre les archanges.

372

Face aux donateurs, dans la conque de l’abside, est peinte la Déisis (Fig. 1, 8); sur le codex du Christ, on lit le verset de Jean 8, 12: « Je suis la lumière du monde; qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres. » Ce texte, bien souvent attesté sur les images du Christ, souligne ici l’espoir de salut des fidèles, et particulièrement de ceux qui étaient les bienfaiteurs du sanctuaire. C’est d’ailleurs le même passage qui est inscrit sur le livre du Christ à Karanlık kilise, où deux donateurs sont insérés dans la composition de la Déisis44. Sur le mur sud du naos, juste au-dessus du cavalier portant la croix, se trouve l’Anastasis (Fig. 4): le Christ, triomphant de la Mort et entraînant d’un geste résolu Adam vers son salut, tient à la main une fine croix à longue hampe, qui ressemble à celle que porte le personnage sous-jacent45. L’évocation de la Résurrection du Christ et de la Rédemption de l’humanité grâce au sacrifice de la croix rappelait ainsi la signification salvatrice du trophée de la victoire sur la mort et garantissait l’efficacité de la croix représentée dans l’image inférieure. Face à l’Anastasis, sur le mur nord, est peint le Baptême du Christ (Fig. 1), confrontation dont on connaît plusieurs exemples, en Cappadoce46 et ailleurs47, et qui tient à la signification commune des deux événements qui apportent la rémission des péchés et ouvrent la voie à la vie éternelle48. Situées dans la partie orientale de l’église, ces deux scènes, peuvent être mises en relation avec la Déisis absidale et interprétées comme une prière pour le salut éternel des donateurs49. Sous Jolivet-Lévy, Églises byzantines, pl. 82, 83. On trouve un autre exemple de l’association Anastasis/croix dans les peintures « archaïques» d’El Nazar (Göreme 1), où la Descente aux Limbes surmonte l’image d’un saint guerrier, habituellement identifié à saint Eustathe, tenant une grande croix: Restle, Wall Painting, II, fig. 20. 46 Par exemple dans l’église cruciforme de Mavrucan (Y. Nagatsuka, Essai sur les programmes iconographiques des églises rupestres de Cappadoce, Balkan and Asia Minor Studies [Tokai University] X, 1984, schéma IV), à Saint-Jean de Güllü dere (ibid., schéma IX), dans l’église du Pigeonnier de Çavuşin (ibid., schéma XV), à Yüksekli 1 (Jolivet-Lévy, Nouvelle découverte, art. cité supra n. 12, p. 113, fig. 1) et à l’Archangélos de Cemil (Jerphanion, Églises, II, p. 131). 47 À la Néa Moni de Chios, par exemple: D. Mouriki, The Mosaics of Nea Moni on Chios, Athènes 1985, I, p. 204. 48 Comme l’a bien montré A. D. Kartsonis, Anastasis. The Making of an Image, Princeton 1986, p. 173–177, qui cite plusieurs exemples sur des objets (croix de Pliska et de Vicopisano, icône du Sinaï, triptyque en ivoire de Munich, diptyque en ivoire de Milan) et explique ce rapprochement par la liturgie pascale, qui associe baptême et résurrection. 49 A. D. Kartsonis interprète ainsi la relation établie entre les deux scènes dans l’église du Pigeonnier de Çavuşin: ibid., p. 176–177. 44 45

L’ÉGLISE DE LA PRÉCIEUSE CROIX À GÖREME

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le Baptême, les deux saints anargyres Cosme et Damien50 ont peut-être été intentionnellement placés en face du cavalier à la croix, comme garants du pouvoir apotropaïque et guérisseur de celle-ci. Entre Baptême et Anastasis, s’inscrivent dans le bras oriental de l’église deux thèmes eux aussi relatifs à la résurrection et à la croix: la Résurrection de Lazare (au nord), le Chemin de croix (au sud) (Fig. 1). La première scène apparaît juste au-dessus du Baptême du Christ pour le spectateur placé au sudest, rapprochement entre deux images exemplaires de la victoire sur la mort et de l’accès au salut, dont on a d’autres exemples51. Associée visuellement au Baptême, la Résurrection de Lazare fait aussi face à l’Anastasis, dont elle constitue une sorte de signe précurseur. Quant à la scène de la Montée au Calvaire, elle apparaît — pour le spectateur placé au nord-est — conjointement avec l’Anastasis qu’elle surmonte (Fig. 8). Elle est en outre caractérisée par une iconographie particulière, qui, dans le contexte du monument, paraît chargée de sens: le Christ a été omis pour concentrer l’attention sur Simon de Cyrène (figuré sous les traits du Christ) et surtout sur la croix, de dimensions exceptionnelles, qu’il porte52. L’importance du sacrifice de la croix est encore soulignée par l’emplacement de la scène de la Crucifixion, au nord-ouest, au-dessus de l’entrée dans l’église, comme « porte » du salut (Fig. 1). Autour ont été regroupés, sur les revers de la voûte du bras nord, les épisodes qui l’introduisent: Entrée à Jérusalem et Trahison de Judas. Pour le reste, le programme iconographique ne présente guère de particularités: comme dans les deux autres « églises à colonnes », l’Ascension est mise en valeur, peinte ici face à l’entrée, au-dessus de la Théotokos, bien éclairée et bien en vue (Fig. 7). La Transfiguration, autre vision théophanique, en a été rapprochée et placée dans la voûte du bras ouest, du côté sud (Fig. 7), afin d’être également bien visible depuis l’entrée53. Une icône du Sinaï, mentionnée par A. D. Kartsonis, montre ainsi sur une face le Baptême et l’Anastasis, sur l’autre un saint médecin: K. Weitzmann, The Monastery of Saint Catherine at Mount Sinai. The Icons, I, Princeton 1976, n° B. 55, pl. 116. 51 Le rapprochement entre Baptême et Résurrection de Lazare est ainsi attesté en Cappadoce dans le décor de Kılıçlar (Restle, Wall Painting, II, fig. 257) et dans les deux autres « églises à colonnes » de Göreme, Karanlık et Elmalı kilise, où les deux scènes se répondent (Restle, Wall Painting, II, schémas XXII et XVIII). 52 La scène manque à Karanlık kilise, tandis qu’à Elmalı le Christ, corde au cou, est mené au Golgotha, sans que la croix soit représentée (Restle, Wall Painting, II, fig. 182). 53 L’association et la mise en valeur des deux théophanies — Transfiguration et Ascension — ne sont pas rares: ainsi, par exemple, dans la nef sud de Saint-Jean de Güllü dere (913–920): Nagatsuka, Essai sur les programmes (art. cit. supra n. 46), schéma IX. 50

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La situation de la Nativité (au-dessus du panneau des donateurs), face à l’abside (Fig. 2), n’est ni rare, ni accidentelle, la première parousie étant ainsi confrontée à la seconde, qu’évoque le Christ de la Déisis54. Deux dernières scènes, symétriquement disposées, complètent le cycle: la Visite des Myrophores au sépulcre, au-dessus de l’absidiole sud, rapprochée comme il est normal de l’Anastasis, et l’Hospitalité d’Abraham, au-dessus de la prothèse, situation dont on a d’autres exemples et qui s’explique par le symbolisme eucharistique de la scène (Fig. 1). Cette nouvelle lecture des peintures de Çarıklı kilise nous a donc permis de proposer l’identification des fondateurs à des membres de la famille des Mélissènoi, de mettre en évidence la dédicace de l’église à la Précieuse Croix et de mieux comprendre l’élaboration du programme iconographique d’une fondation privée, dans laquelle les donateurs — ou leurs conseillers — ont eu manifestement leur mot à dire dans l’organisation de la décoration55.

54 La Nativité était aussi face à l’Annonciation, jadis peinte sur le templon: Epstein, Rockcut Chapels (art. cit. supra n. 5) p. 123. 55 Peut-être sont-ils aussi intervenus dans le choix du type architectural de l’église. Il ne semble pas que les donateurs aient été enterrés dans le sanctuaire: le sol du bras ouest, au fond duquel sont représentés les donateurs a été retaillé (Fig. 2), mais la présence d’une tombe, indiquée sur les plans publiés, paraît très douteuse. Deux tombes d’enfant, de date incertaine, sont en revanche creusées près de l’entrée de l’église, au nord.

XII

Aspects de la relation entre espace liturgique et décor peint à Byzance

L

E propos de cette brève étude est de montrer, à travers l’analyse d’un exemple précis, la complexité de l’interaction entre architecture, liturgie et décor peint à Byzance. J’ai choisi d’aborder ce thème à propos d’une église rupestre de Göreme (Cappadoce), Karanlık kilise (« l’église sombre »), dont la datation, bien que controversée, peut être placée aux environs du milieu du XIe siècle1. L’église, qui se rattache à un complexe monastique2 — le plus important du cirque de Göreme — suit le type habituel à Byzance à partir du IXe s. de la croix grecque inscrite à coupole centrale, avec sanctuaire tripartite à l’est et narthex à l’ouest (Fig. 1). Variation sur un thème connu, l’architecture présente des particularités qui ne sont pas sans incidence sur le décor peint et dont certaines concernent directement notre problématique. Nos remarques concerneront l’élévation, le sanctuaire et le narthex. Par rapport aux églises médiobyzantines « classiques », Karanlık kilise frappe d’abord par la faible élévation de sa coupole centrale, qui est vraisemblablement liée au caractère rupestre de l’architecture, ne permettant pas d’utiliser le tambour pour ménager des ouvertures laissant pénétrer Guillaume de Jerphanion, Les églises rupestres de Cappadoce. Une nouvelle province de l’art byzantin, Paris 1925–1942, I, pp. 393–430; bibliographie complémentaire dans: Catherine Jolivet-Lévy, Les églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l’abside et de ses abords, Paris 1991, pp. 132–135; voir depuis: Catherine Jolivet-Lévy, La Cappadoce, mémoire de Byzance, Paris 1997, pp. 88–99, Halis Yenipınar/Seracettin Şahin, Peintures de l’Église sombre, Istanbul 1998. 2 Cf. Lyn Rodley, Cave Monasteries of Byzantine Cappadocia, Cambridge University Press 1985, pp. 48–56. 1

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la lumière3 (Fig. 2). Peu élevée, la coupole ne crée pas au centre de l’espace de l’église un axe vertical dominant interrompant l’axe longitudinal ouest-est; l’abside demeure, en conséquence, le point focal du programme décoratif. L’importance du sanctuaire, lieu de la célébration eucharistique, est également rehaussée par le traitement spatial de la partie orientale de l’église. Une coupole couvre le bras est (au lieu de voûtes en berceau sur les autres bras) (Fig. 3); elle est légèrement plus petite et surtout moins profonde que la coupole centrale, mais part au même niveau que celle-ci. Le bras oriental de la croix et les deux travées d’angle qui l’encadrent sont plus développés que les parties correspondantes à l’ouest et les voûtes sont plus élevées, en sorte que les arcs de ce bras, égaux en importance aux grandes arcades de la coupole centrale, sont assimilés pour leur décoration à celles-ci, recevant comme elles des figures de prophètes déployant des rouleaux. L’asymétrie introduite dans l’élévation du naos n’est donc pas une conséquence de la technique — l’excavation — qui permet ou entraîne souvent des irrégularités dans la forme des églises, elle est intentionnelle et indique une volonté de valoriser le sanctuaire (à cause de son importance liturgique), en introduisant une hiérarchie dans la conception de l’espace; elle est aussi l’indice d’une collaboration possible entre architecte et concepteur du décor Le sanctuaire, tripartite, est asymétrique: l’absidiole nord ouvre sur le naos par un arc légèrement plus large et plus élevé que l’absidiole sud et elle communique avec l’abside centrale par un passage; l’absidiole sud, un peu plus basse, est indépendante. En revanche, les trois absides, au plan en demi-cercle outrepassé, traditionnel dans la région, possèdent un autel accolé à la paroi; un siège se trouve dans le coin sud-ouest des absides centrale et sud, et une petite niche latérale est creusée dans les deux absidioles. Une clôture élevée (templon), à triple ouverture, séparait la seule abside centrale du naos. L’organisation du sanctuaire et ses aménagements liturgiques posent le problème de la fonction des absidioles latérales, espaces qui ne semblent pas correspondre à une fonction liturgique précise, exclusive et stable, mais plutôt à des sanctuaires secondaires, aux fonctions potentielles diverses4. La présence d’une communication entre abside Comme le suggère aussi Robert Ousterhout, Master Builders of Byzantium, Princeton 1999, p. 245. Des luminaires étaient supendus dans les coupoles de l’église, comme l’attestent encore aujourd’hui crochets ou anneaux métalliques (ou la trace de ceux-ci). 4 L’interdiction de célébrer la liturgie deux fois le même jour sur le même autel a pu favoriser la multiplication des sanctuaires: Gordana Babić, Les chapelles annexes des églises 3

ESPACE LITURGIQUE ET DÉCOR PEINT

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centrale et abside nord, associée à l’absence de niche susceptible de servir à la préparation des dons dans l’abside principale, suggèrent d’identifier l’abside nord à la prothèse, annexe utilisée pour la préparation du pain et du vin, cette fonction n’étant peut-être pas exclusive: l’abside nord pouvait aussi être le lieu d’autres célébrations. Quant à l’abside sud, ses aménagements liturgiques prouvent qu’elle n’est évidemment pas un diaconicon, au sens de sacristie pour garder vêtements et livres liturgiques, mais un sanctuaire secondaire, servant à des offices particuliers, plus spécialement peut-être, dans le cas de Karanlık kilise, funéraires et commémoratifs: nous y reviendrons. Le narthex, rectangle irrégulier, voûté en berceau, transversal à l’église, présente quelques particularités. Son orientation anormale, désaxée par rapport au naos (orienté au nord-est), est une conséquence du fait rupestre: le narthex suit l’obliquité du rocher, alors que l’orientation a été rectifiée au niveau du naos. Lors de l’excavation, une « fenêtre » fut ouverte, fortuitement sans doute, entre le compartiment d’angle sud-ouest du naos et le narthex, où la paroi était particulièrement mince; le bas du mur ne fut pas amené à l’aplomb pour éviter une ouverture plus importante. Ceci n’empêcha pas la formation ultérieure d’une grande brèche, notée par G. de Jerphanion, puis la destruction presque complète du mur de ce côté. Une unique fenêtre éclaire le narthex, percée non pas au centre, face à la porte du naos, mais à l’extrémité nord; au-delà se trouvait en effet, à l’extérieur, une galerie couverte, longeant le fond de la cour du monastère, qui n’aurait laissé entrer que peu de lumière. Le narthex est prolongé au sud, face à l’entrée, par une chambre funéraire carrée, couverte d’une coupole, qui abrite deux tombes d’adulte creusées dans le sol — il y a place pour une troisième — et une tombe d’enfant sous arcosolium dans le mur ouest, sans doute aménagée postérieurement. L’usage du narthex (et de ses annexes) comme lieu d’inhumation correspond à une pratique byzantines, Paris 1969, p. 9. Sur le problème, souvent débattu, de la fonction des annexes du sanctuaire, voir en particulier: Thomas F. Matthews, « Private Liturgy in Byzantine Architecture: Toward a Re-appraisal », Cahiers Archéologiques, XXX (1982), pp. 125–138; Georges Descœudres, Die Pastophorien im syro-byzantinischen Osten, Wiesbaden 1983; Natalia B. Teteriatnikov, The Liturgical Planning of Byzantine Churches in Cappadocia (Orientalia Christiana Analecta 252), Rome 1996; Neslihan Asutay, Byzantinische Apsisnebenraüme. Untersuchung zur Funktion der Apsisnebenraüme in den Höhlenkirchen Kappadokiens und in den Mittelbyzantinischen Kirchen Konstantinopels, Weimar 1998; Michael Altripp, Die Prothesis und ihre Bildaustattung in Byzanz under besonderer Berücksichtigung der Denkmäler Griechenlands (Studien und Texte zur Byzantinistik 4), Frankfurt am Main 1998.

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courante à Byzance5 et les tombes des fondateurs sont souvent, comme à Karanlık kilise, placées au sud6, bien que d’autres emplacements soient aussi attestés. L’architecture de Karanlık présente donc des caractéristiques locales, comme la forme en demi-cercle outrepassé des absides, d’autres qui sont plus spécialement liées au fait rupestre, comme la faible hauteur des coupoles, l’orientation anormale du narthex, la « fenêtre » ouverte entre narthex et naos, mais le plan en croix grecque inscrite, le sanctuaire tripartite avec communication entre abside nord et abside centrale, le narthex et son prolongement funéraire au sud sont conformes aux traditions de l’architecture médiobyzantine à Constantinople et dans le reste de l’Empire. En ce qui concerne la relation architecture / liturgie, l’organisation de l’espace et les dispositifs liturgiques éclairent la/les fonction(s) des annexes du sanctuaires (prothèse pour l’abside nord, sanctuaire subsidiaire pour l’abside sud) et celle du narthex (fonction funéraire). La prise en compte du décor peint va nous permettre de préciser davantage.

5 Pour la Cappadoce: Natalia Teteriatnikov, « Burial Places in Cappadocian Churches », Greek Orthodox Theological Review, XXIX/2 (1984), pp. 141–174; voir aussi Athanase Papageorgiou, « The Narthex of the Churches of the Middle Byzantine Period in Cyprus », Rayonnement grec. Hommages à Ch. Delvoye, Bruxelles 1982, pp. 437–448; Slobodan Čurčić, « Twin-Domed Narthex in Paleologan Architecture », Zbornik Radova Vizantološkog Instituta, XIII (1971), pp. 333–344 (sur les Balkans); en dernier lieu: Ida Sinkević, The Church of St. Panteleimon at Nerezi. Architecture, Programme, Patronage, Wiesbaden 2000, pp. 17–19. 6 Ainsi dans le catholicon de Vatopédi (Theocharès N. Pazaras, « Ὁ τάφος τῶν κτητόρων », Ἱερὰ Μεγίστη Μονὴ Βατοπαιδίου. Παράδοση, ἱστορία, τέχνη, Agion Oros 1996, t. I, pp. 180–182), dans l’église de la Vierge Éléousa à Veljusa (Petar Miljković-Pepek, Veljusa. Manastir Sv. Bogorodica Milostiva vo seloto Veljusa kraj Strumica, Skopje 1981, p. 87), dans l’église sud du Pantocrator, à Constantinople (Arthur H.S. Megaw, « Notes on Recent Work of the Byzantine Institute in Istanbul », Dumbarton Oaks Papers, XVII, 1963, pp. 343–344) ou dans l’église des Quarante Martyrs de Tirnovo (Slobodan Čurčić, « Medieval Royal Tombs in the Balkans. An Aspect of the ‘East and West’ Question », Greek Orthodox Theological Review XXIX/2, 1984, p. 184, fig. 8B), par exemple. On restitue généralement dans la travée sud du narthex de l’église de Chora, à Constantinople, la première tombe du sébastocrator Isaac Comnène (en dernier lieu: Ousterhout, n. 3, p. 122), ensuite transférée dans l’église de la Panagia Kosmosoteira à Pherrai, dont le typikon précise qu’elle est placée « du côté gauche du narthex », dans une « extension » (παρεκβολή) de l’édifice (Nancy P. Ševčenko, « The Tomb of Isaak Komnenos at Pherrai », Greek Orthodox Theological Review, XXIX/2, 1984, pp. 135–140); pour la restitution de la tombe dans le compartiment d’angle nord-ouest: Ousterhout (n. 3), pp. 122–125.

ESPACE LITURGIQUE ET DÉCOR PEINT

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Comme on l’a vu, l’abside centrale demeure le point focal du décor et ce malgré le plan centralisé de l’église: l’axe ouest-est est privilégié et le Christ, de type Pantocrator, déjà représenté dans les deux coupoles, est figuré aussi au centre de la conque de l’abside, là où dans les programmes iconographiques « classiques » prend généralement place la Mère de Dieu (Fig. 3). Il est le centre d’une Déisis, thème absidal courant en Cappadoce surtout au XIe siècle, dont la seule particularité est la présence de deux donateurs, un prêtre, Nicéphore, et un laïc, Bassianos, en proskynèse aux pieds du Christ: placés sous la protection de la Vierge et de Jean Baptiste, ils sont les premiers bénéficiaires de leur intercession auprès du Sauveur7. Le prêtre est, comme il se doit, à la droite du Seigneur, et sa prééminence sur le donateur laïc est exprimée aussi par sa proximité plus grande du Christ, qui dirige d’ailleurs son regard de ce côté. Sous la Déisis, sur la paroi de l’abside, des saints évêques frontaux, un livre fermé à la main, attestent par leur présence le caractère sacré des rites accomplis dans l’abside. Basile et Jean Chrysostome, auteurs des liturgies eucharistiques, sont traditionnellement près du centre, accompagnés par Grégoire de Nazianze à gauche, Nicolas et Hypatios à droite. Le médaillon central à fond rouge, placé juste au-dessus de l’autel, contenait sans doute une image du Christ jeune (Emmanuel) ou, moins vraisemblablement, un buste du saint patron de l’église. Dans l’abside nord, la Théotokos est figurée en buste, le visage incliné vers l’Enfant qu’elle porte sur le bras gauche, suivant une variante de l’Hodigitria (Fig. 4); image par excellence de l’Incarnation, la Vierge occupe généralement à Byzance l’abside principale, mais son occurrence dans l’absidiole nord est également fréquente, qui s’accorde avec l’interprétation que les commentateurs de la liturgie ont donnée de la prothèse, l’assimilant, comme Nicolas d’Andida dans la Prothéoria, à Bethléem, ou, comme Michel Psellos, à la crèche, ou encore interprétant la préparation des dons comme le symbole de la venue du Christ sur terre et de la première période de sa vie (Nicolas Cabasilas)8. Il est peut-être significatif que l’image de la Théotokos

7 Cette situation des donateurs dans la conque de l’abside principale demeure rare: citons les exemples de Saint-Démétrios de Kampianika, sur l’île de Cythère (Manolis Chatzidakis/ Ioanna Bitha, Corpus de la peinture monumentale byzantine de Grèce. L’île de Cythère, Athènes 1997 [en grec], p. 147, fig. 6) et de la Panagia Mavriotissa à Castoria (Stylianos Pelekanidis/ Manolis Chatzidakis, Kastoria, Athènes 1985, p. 70, fig. 4). 8 Références dans Jolivet-Lévy, Les églises (n. 1), p. 158.

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soit représentée ici non dans l’axe médian, mais légèrement décentrée vers le côté nord, décentrement que la présence du passage vers l’abside centrale ne suffit pas à justifier. Ainsi placée, elle est bien visible, du centre du naos, en même temps que l’abside centrale, contrairement au buste d’Abraham, qui remplit la conque de l’absidiole sud, plus basse: le lien privilégié entre abside principale et absidiole nord se trouve ainsi souligné, qui tient à l’utilisation de cette dernière comme prothèse. Ceci n’excluait sans doute pas d’autres usages, l’image de la Théotokos se rencontrant aussi, bien que plus rarement — en Cappadoce et ailleurs — dans l’abside sud des sanctuaires tripartites, voire dans les deux absidioles, nord et sud9. Le décor de l’absidiole est complété par un évêque, saint Blaise, évêque de Sébaste assez souvent représenté en Cappadoce, qui confirme la fonction liturgique de l’espace, mais n’est en rien spécifique de la prothèse: il s’agit d’un prélat qui pourrait figurer aussi bien dans l’abside centrale ou dans l’abside sud10. L’environnement iconographique de l’absidiole nord contribue à l’exaltation de la Théotokos et de l’Incarnation. Au-dessus de la Vierge sont représentés, dans le tympan oriental, les évangélistes Luc et Matthieu, assis, en train d’écrire leurs évangiles: cet emplacement insolite des évangélistes, plus fréquents dans les pendentifs de la coupole centrale, ainsi que l’association relativement inhabituelle de Luc à Matthieu suggèrent une intention particulière, liée à leur témoignage sur l’Incarnation. Leurs deux évangiles11 commencent en effet par le récit de l’Enfance du Christ (précédé dans Luc par celui de la naissance de Jean-Baptiste) et leurs passages respectifs sont lus pour les Fêtes de l’Annonciation (Luc) et de la Nativité (Matthieu)12.

9 En Cappadoce, la Théotokos est dans l’abside sud à Karlık, Çavuşin (église dite de Nicéphore Phocas) et Çanlı kilise (Akhisar), dans les deux absidioles à Göreme 15a et aux Saints-Apôtres d’Erdemli: Jolivet-Lévy, Les églises (n. 1), pp. 176, 21, 286, 120, 274. 10 Des exemples dans Altripp (n. 4), pp. 132–134. 11 Sur le livre de Luc, est inscrit le début du premier verset de son évangile, tandis que pour Matthieu, le peintre a inscrit par erreur le début de Marc (1, 1). 12 Dans les manuscrits, la Nativité est généralement associée au début de l’évangile de Matthieu, l’Annonciation (ou la Naissance de Jean-Baptiste) à celui de Luc et les deux compositions sont parfois représentées auprès de l’évangéliste respectif: cf. George Galavaris, The Illustrations of the Prefaces in Byzantine Gospels (Byzantina Vindobonensia 11), Wien 1979, pp. 68–69; Robert S. Nelson, The Iconography of Preface and Miniature in the Byzantine Gospel Book, New York 1980, fig. 8 (Moscou, Mus. Hist. gr. 14), 10 et 12 (Bratislava, Lycaeum Augustanum), 26 et 28 (Megaspèlaion, cod. 1), 30 et 32 (Dublin, Chester Beatty Lib. W135).

ESPACE LITURGIQUE ET DÉCOR PEINT

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Les scènes représentées dans le reste de la partie nord du naos se rattachent à la même thématique: le Voyage à Bethléem, à l’ouest, avec la légende — « Joseph descends moi de l’ânesse, car ce qui est en moi me presse . . . » — qui donne le sens du moment illustré (les premières douleurs de l’enfantement), et la Nativité (au-dessus de l’archange Gabriel), au fond du bras nord, que complète l’Adoration des Mages, peinte dans la voûte, donnent à voir le mystère même de l’Incarnation. Le décor de l’abside sud est plus original, associant la représentation d’Abraham dans la conque à celle du Mandylion, sur la paroi, deux images chargées d’un large éventail de significations (Fig. 5). La connotation eucharistique d’Abraham, protagoniste de deux épisodes vétérotestamentaires — la Philoxénie et le Sacrifice d’Isaac — associés de longue date au programme du sanctuaire13 est l’explication de la présence d’Abraham qui vient immédiatement à l’esprit, la représentation limitée à un buste pouvant s’expliquer par les modestes dimensions de l’absidiole ou, plutôt, par le désir de laisser place à d’autres interprétations, moins spécifiques. La valeur sacramentelle de la figure s’accorde avec la représentation au-dessus, dans le tympan oriental, de la Cène, image de l’institution de l’eucharistie. Dans les églises byzantines, les scènes de la vie d’Abraham ont cependant été plus souvent associées à l’abside nord ou à la niche de prothèse qu’à l’abside sud, et ceci en accord avec les commentaires liturgiques; Germain de Constantinople explique, à propos de la proskomidie, que « ce Calvaire fut préfiguré par Abraham quand, sur l’ordre de Dieu, il fit un autel de pierre sur une de ces montagnes, rassembla du bois et plaça dessus son fils, puis offrit à la place un bélier en holocauste »14. Le sacrifice d’Isaac apparaît dans la niche de prothèse d’une église de Cappadoce15, tandis que l’Hospitalité d’Abraham est associée à l’absidiole nord à Tokalı kilise 2 (v. 950/60) et à Çarıklı kilise (XIe siècle), deux églises de Göreme16. L’idée de figurer Abraham dans

13 À Saint-Vital à Ravenne, par exemple; Ioan. D. Stefanescu, L’illustration des liturgies dans l’art de Byzance et de l’Orient, Bruxelles 1936, pp. 145–147 (Sacrifice d’Abraham), 157–160 (Philoxénie d’Abraham). 14 St Germanus of Constantinople on the Divine Liturgy, éd. Paul Meyendorff, New York 1984, pp. 84–85. 15 Église n°2 de Yüksekli (XIIIe siècle): Jolivet-Lévy, Les églises (n. 1), pp. 238–239; pour des exemples d’autres régions: Altripp (n. 4), pp. 88–89. 16 Jolivet-Lévy, Les églises (n. 1), pp. 99–100, 129. À Tokalı kilise 2, la scène est sur la paroi absidale, à Çarıklı, elle occupe le tympan oriental au-dessus de l’absidiole, disposition

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l’absidiole pourrait, à Karanlık kilise, refléter plus précisément l’influence de Tokalı kilise, monument le plus prestigieux de la région, probablement fondé vers le milieu du Xe siècle par la grande famille cappadocienne des Phocas, dont l’un des membres, Nicéphore, allait bientôt accéder au trône impérial. La légende inhabituelle qui accompagne la scène à Tokalı kilise 2 — « la postérité d’Abraham » — rappelle qu’Abraham fonde la généalogie de Jésus (représenté au-dessus, dans la conque de l’abside); la même idée est présente à Karanlık kilise, où l’image d’Abraham, dont le regard est dirigé vers la gauche, fait pendant à celle de la Théotokos portant le Christ enfant, dans l’abside nord. Le dimanche précédant Noël, consacré à la mémoire des ancêtres du Christ, sont lues, outre la péricope de Matthieu sur la généalogie du Christ (Mt 1, 1–25), les homélies de Jean Chrysostome et de Grégoire de Nysse sur Abraham17. Ainsi, les figures des deux absidioles, complémentaires, sont-elles unies par un lien à la fois typologique et liturgique. Mais l’image d’Abraham a aussi une connotation eschatologique: elle évoque « le sein d’Abraham », le Paradis où les défunts souhaitent être reçus18, Abraham étant d’ailleurs le seul des trois patriarches à être représenté dans les plus anciennes compositions du Jugement dernier. Commentant les commémoraisons des défunts lors de la liturgie eucharistique, Germain de Constantinople rappelle que « tous sont appelés à se réunir avec les prophètes, les apôtres, les évêques, pour reposer avec Abraham, Isaac et Jacob au banquet mystique du Royaume de Dieu »19. L’environnement iconographique de l’absidiole, qui met l’accent sur les thèmes de la mort, de la résurrection et du salut, conforte cette interprétation (Fig. 1). À l’extrémité orientale du mur sud du naos, à l’entrée de l’abside, sont représentés les Trois Hébreux dans la fournaise, antétype vétéro-testamentaire de la Passion et Résurrection du Christ et du sacrifice eucharistique20, mais aussi image référence du salut pour tout fidèle. assez souvent attestée dans les églises byzantines (cf. les référence indiquées ibid., n. 352). Pour la représentation de la Philoxénie dans la prothèse, voir maintenant Altripp (n. 4), pp. 106–107. 17 Voir par exemple le synaxaire du monastère de la Théotokos Évergétis à Constantinople (XIe s.): Aleksej Dmitrievskij, Opisanie liturgičeskih rukopisej hranâsihsâ v bibliotekah pravoslavnago Vostoka, t. I. Τυπικά, Kiev 1895, pp. 338–340. 18 Beat Brenk, Tradition und Neuerung in der christlichen Kunst des ersten Jahrtausends (Wiener Byzantinische Studien, III), Wien 1966, pp. 101–102. 19 St. Germanus (n. 14), p. 101. 20 Cf. Stefanescu (n. 13), pp. 147–149.

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Au-dessus se trouve l’Anastasis, qui montre le triomphe du Christ sur la mort et lui associe la rédemption de l’humanité. Tous les sujets peints au registre supérieur de cette paroi sud du naos sont d’ailleurs thématiquement liés, comme l’étaient, autour du thème de l’Incarnation, ceux du mur nord. La Crucifixion occupe la travée centrale, au-dessus de Michel, l’archange psychopompe, près duquel se tiennent deux donateurs tenant des bougies; à l’Anastasis répond, à l’ouest, la Visite des Myrophores au sépulcre tandis que la Résurrection de Lazare est dans le tympan du mur ouest. L’analyse du programme iconographique de cette partie de l’église suggère que l’une de ses fonctions était de servir de cadre à des offices funéraires et commémoratifs pour les défunts; l’ouverture ménagée entre naos et narthex, même si celle-ci était au départ accidentelle, assurait un lien privilégié entre ce côté de l’église et la chambre funéraire, qui prolonge le narthex au sud, lien également souligné par l’iconographie: le geste de l’ange dans la scène des Myrophores au sépulcre paraît désigner à la fois la tombe (peinte) du Christ et les tombes (réelles) des fondateurs, tandis que l’ouverture du caveau, au fond du narthex, est derrière la Résurrection de Lazare et alignée sur l’image du sépulcre peint (Fig. 6). Enfin, à la figure d’Abraham au fond de l’absidiole fait écho, sur le mur ouest du narthex, à l’extrémité sud, sa représentation au sein de la composition de l’Hospitalité d’Abraham, sur laquelle nous reviendrons. Le décor de l’absidiole est complété, juste au-dessous d’Abraham et au-dessus de l’autel, par une représentation du Mandylion21 (Fig. 5). Cette célèbre relique, portrait acheiropoiète du Christ sur un linge, constituait une preuve tangible de l’Incarnation, les chants liturgiques de la fête du Mandylion, qu’il s’agisse du canon attribué au patriarche Germain de Constantinople ou de celui de Léon de Chalcédoine ayant contribué à imprimer dans l’esprit des fidèles l’association entre la relique et le Christ incarné22. Représenté dans 21 Dont l’inscription — Manlèn — altère le nom et rappelle l’arabe mandil. Sur le Mandylion, voir en dernier lieu: Ernst Kitzinger, « The Mandylion at Monreale », Arte profana et arte sacra a Bisanzio (Milion 3), Roma 1995, pp. 575–602; Sharon E.J. Gerstel, Beholding the Sacred Mysteries. Programs of the Byzantine Sanctuary, University of Washington Press 1999, pp. 68–77 (avec la bibliographie antérieure). 22 Reçu à Constantinople le jour de la fête de la Dormition de Marie, le 15 août, et dans le plus important sanctuaire marial de la capitale — l’église des Blachernes — le Mandylion, conservé ensuite dans l’église du Pharos, également dédiée à Marie, est fêté le le 16 août: un lien étroit unit donc la relique à la Théotokos, qui lui fait pendant dans l’abside nord de Karanlık kilise.

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le sanctuaire des églises byzantines à partir du XIe siècle, le Mandylion est aussi lié au sacrifice eucharistique et sa situation juste au-dessus de l’autel est attestée ailleurs, surtout en Géorgie23. Un texte grec anonyme24, probablement écrit à Constantinople peu après la translation de la relique en 944, établit un parallèle entre la procession du Mandylion, qui avait lieu à Édesse le dimanche précédant la première semaine de Carême, et le transfert des offrandes eucharistiques sur l’autel, lors de de la Grande Entrée. Le Mandylion, transporté dans le sanctuaire, était déposé sur une table spéciale, située à l’est de l’autel; après la Communion, l’évêque s’approchait de la sainte image, la vénérait, l’embrassait, puis soulevait le voile blanc qui la couvrait et le remplaçait par un voile de couleur pourpre. L’auteur explique que le sens de cette cérémonie était de rendre manifeste Son sacrifice pour nous, Son acceptation de la Passion et de la mort25. Il est significatif à cet égard, que lorsque le Mandylion est peint au-dessus de l’autel, il occupe la place ailleurs dévolue à l’Amnos (le Christ enfant sur l’autel ou dans la patène, en victime du sacrifice eucharistique), signe que ces deux images avaient une valeur plus ou moins équivalente26. Directement associée à l’autel à Karanlık kilise, l’image du Mandylion est chargée d’un sens sacrificiel: elle représente le Logos incarné, en tant que victime du sacrifice eucharistique. Visuellement associés, Abraham et le Mandylion sont donc complémentaires. La fonction liturgique de l’absidiole est par ailleurs confirmée par la représentation des saints évêques Polycarpe, Épiphane et Théophylacte, qui entourent l’autel, complétant la série peinte dans l’abside principale et l’abside nord. L’unité que constitue l’ensemble du sanctuaire En dernier lieu: Zaza Skhirtladze, « Canonizing the Apocrypha: the Abgar cycle in the Alaverdi and Gelati Gospels », in The Holy Face and the Paradox of Representation, H. L. Kessler / G. Wolf éd., Bologne 1998, pp. 73–74, fig. 3, 4. Pour la représentation du Mandylion dans les parabèmata: Altripp (n. 4), pp. 102–103. 24 Cf. Ernst von Dobschütz, Christusbilder. Untersuchungen zur christlichen Legende (Texte und Untersuchungen zur Geschichte der altchristlichen Literatur, 3), Leipzig 1899, t. III, pp. 110–114. 25 Ibid., pp. 112–113. 26 Tania Velmans, « Interférences sémantiques entre l’Amnos et d’autres images apparentées dans la peinture murale byzantine », Ἁρµός. Τιµητικὸς τόµος στὸν καθηγητὴ Ν. Κ. Μουτσόπουλο γιὰ τὰ 25 χρόνια πνευµατικῆς του προσφόρας στὸ πανεπιστήµιο, Thessaloniki 1990–1991, t. 3, pp. 1905–1928; Eadem, « Valeurs sémantiques du Mandylion selon son emplacement ou son association avec d’autres images », Studien zur byzantinischen Kunstgeschichte: Festschrift für Horst Hallensleben zum 65. Geburtstag, Amsterdam 1995, pp. 173–184. 23

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tripartite est ainsi soulignée par la répartition des saints prélats dans les trois absides, ces figures n’étant visibles, à l’exception de celui qui est sur le piédroit sud de l’abside nord, que du seul clergé. Cette fonction d’unification de l’espace est également assumée par le regroupement, à l’entrée du sanctuaire, des saints médecins, choisis pour leur fonction d’intercesseurs préférentiels: Cosme et Damien sont sur le mur nord, près de l’absidiole nord, Pantéléimon est près de l’absidiole sud. Qu’apporte l’examen des peintures au problème de la fonction des annexes du sanctuaire? On trouve à Karanlık kilise des images liées aux thèmes habituels dans la zone du sanctuaire: Incarnation, sacrifice, intercession. La comparaison avec d’autres monuments montre que le programme iconographique des absides nord et sud est souvent interchangeable, ce qui ne plaide pas en faveur d’une spécialisation liturgique stricte des parabèmata. L’utilisation probable de l’abside nord comme prothèse n’exclut pas d’autres fonctions, tandis que l’abside sud peut être identifiée à un sanctuaire secondaire destiné peut-être à des offices particuliers, funéraires et commémoratifs entre autres. Le programme iconographique des annexes, doté d’une signification propre, est apparu aussi partie prenante d’un ensemble plus vaste. À la complémentarité entre le décor de l’abside nord et celui de l’abside sud, dont les images — la Théotokos avec le Christ enfant, Abraham et le Mandylion — constituent une véritable proclamation de l’Incarnation, s’ajoute une série de correspondances unissant les sujets représentés dans les différentes parties de l’église (sanctuaire, naos, narthex), en exaltant le sens et assurant en même temps l’unité du programme décoratif. Avant de procéder à l’analyse du décor du narthex, arrêtons nous un instant sur une partie du naos, le compartiment d’angle nord-ouest, dont le décor montre bien comment les peintures peuvent participer à la structuration de l’espace. À la différence des autres pièces d’angle, l’accès à celle-ci est assurée par des figures « liturgiques »: arcs et pilastres montrent, au lieu de saints en chlamyde ou en costume militaire, des diacres, un prêtre et un évêque. Les trois martyrs perses du 3 novembre sont placés du côté est (à la limite entre la pièce d’angle et le bras sud): Akepsimas en évêque et Aeithalas en prêtre dans l’arc, Joseph en diacre sur le pilastre27; du côté

Rarement représentés, ils figurent à Tokalı kilise 2, où, conformément aux textes, c’est Joseph qui est prêtre et Aeithalas diacre: Jolivet-Lévy, Les églises (n. 1), p. 104. 27

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sud, entre le bras ouest et le compartiment nord-ouest, se trouve encore un diacre, Abibos (martyr d’Édesse, fêté le 15 novembre) (Fig. 1, 7). Le choix de ces figures suggère d’emblée une fonction spécifique pour cet espace, et le Baptême du Christ, peint dans le tympan occidental, en fournit l’explication. La scène s’intègre parfaitement au programme iconographique de la partie ouest du naos: près d’une autre théophanie, à laquelle elle est souvent associée, la Transfiguration, elle fait pendant à la Résurrection de Lazare (peinte au fond du compartiment d’angle sud-ouest), parallélisme qui traduit le sens du Baptême comme mort et résurrection. Mais le Baptême était aussi, selon toute vraisemblance, chargé d’une autre valeur, liturgique cette fois, liée à la fonction de ce compartiment d’angle, qui pouvait abriter une cuve mobile28, servant à la cérémonie du baptême et/ou de la bénédiction des eaux, rite renouvelant les effets du baptême29. Le bandeau saillant, sorte de corniche laissée en réserve au niveau des chapiteaux, qui traverse les compositions du Baptême du Christ et du Voyage à Bethléem (sur le mur nord attenant), dispositif sans parallèle dans le reste de l’église, était peut-être lié au désir d’individualiser cette partie de l’église, mais sa fonction n’apparaît plus clairement et si elle était, dans l’intention de l’excavateur, en rapport avec un aménagement liturgique particulier, les peintres n’en ont pas tenu compte. Espace secondaire et périphérique, le narthex peut accueillir une grande diversité de sujets, qui ne sont pas spécifiques du décor de cette partie de l’église. Si aucun critère strict ne semble présider à leur sélection, ils peuvent cependant être mis en relation avec les différentes utilisations du narthex: le rapport des images à l’espace — à travers leur relation à la liturgie — éclaire le choix des thèmes et leur association. À Karanlık kilise, le décor semble se rattacher de façon plus ou moins directe à la fonction funéraire du narthex, que prolonge au sud la chambre funéraire

28 Une dépression approximativement circulaire, dans le sol, pourrait correspondre à son emplacement. C’est plus souvent cependant dans une chapelle placée au sud-ouest de l’église ou dans la partie sud du narthex qu’était placé le bassin: cf. Slobodan Čurčić, « St. Mary’s of the Admiral: Architecture », in Ernst Kitzinger, The Mosaics of St. Mary’s of the Admiral in Palermo (Dumbarton Oaks Studies 27), Washington 1990, pp. 44–46, n. 82, 83. 29 Sur cette cérémonie: Gabriel Millet, « Recherches au Mont-Athos (phiale et simandre de Lavra) », Bulletin de Correspondance Hellénique XXIX (1905), pp. 105–123; Théano Chatzidakis-Bacharas, Les peintures murales de Hosios Loukas. Les chapelles occidentales, Athènes 1982, pp. 115–118; voir aussi Sinkević (n. 5), pp. 17–18.

1. Göreme, Karanlık kilise: schéma partiel du programme iconographique (ne sont indiqués que les sujets mentionnés dans le texte).

2. Coupole centrale: le Pantocrator.

3. Vue générale vers l’est: coupole orientale, abside centrale montrant la Déisis dans la conque, absidiole nord.

4. L’absidiole nord contenant l’image de la Théotokos avec le Christ enfant; au-dessus, les évangélistes Luc et Matthieu.

5. L’absidiole sud: Abraham et le Mandylion.

6. La partie sud ouest du naos et l’ouverture vers le narthex et la chambre funéraire.

7. Le compartiment nord-ouest du naos, avec la représentation du Baptême du Christ.

8. Le mur sud du narthex et la chambre funéraire.

9. Bénédiction des apôtres et donateurs dans le narthex.

10. L’Hospitalité d’Abraham (mur ouest du narthex).

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des fondateurs30 (Fig. 8), mais il constituait aussi un cadre approprié à d’autres usages liturgiques se déroulant dans cette partie de l’église. Les sujets principaux, par leur importance spatiale et leur situation dans la voûte, sont l’Ascension (au sommet et sur le revers est) et, dans une moindre mesure, la Bénédiction des apôtres par le Christ ressuscité (à l’ouest) (Fig. 1, 9). Les deux thèmes sont étroitement liés dans les récits des évangélistes, en particulier dans celui de Luc, qui rapporte comment, après la résurrection, le Christ apparut aux apôtres, leur donna ses dernières instructions, « Puis il les emmena jusque vers Béthanie et, levant les mains, il les bénit. Et il advint, comme il les bénissait qu’il se sépara d’eux et fut emporté au ciel. Pour eux, s’étant prosternés devent lui, ils retournèrent à Jérusalem . . . » (Lc 24, 50–52). Ce lien étroit entre les deux épisodes est aussi souligné par la liturgie, qui les inscrit dans le même contexte résurrectionnel: la première péricope pour la fête de l’Ascension (aux matines) est en effet empruntée à l’évangile de Marc 16, 9–20 et le récit des apparitions du Christ ressuscité (à Marie de Magdala et aux apôtres) y précède la Mission des apôtres (« Allez dans le monde entier, proclamez l’évangile à toute la création . . . ») et l’Ascension; la seconde péricope, pour la liturgie eucharistique, est celle de Luc (24, 36–53). Dans l’illustration des évangéliaires, Ascension et Bénédiction des apôtres sont associées à la représentation d’une apparition du Christ ressuscité, voire à la scène des Saintes femmes au tombeau ou à l’Anastasis31. À Karanlık kilise, Ascension et Sur les offices funèbres et commémoratifs pour les moines et les fondateurs accomplis dans le narthex, d’après les données des typika: Florence Bache, Les narthex des églises balkaniques des XIIIe et XIV e s. Étude d’approche à travers leurs architectures, fonctions et programmes décoratifs (Mémoire de Maîtrise dactyl.), Paris 1986, pp. 82–88. Voir aussi Georges G. Bekatoros, « Pannychis », Θρησκευτικὴ καὶ ἠθικὴ ἐγκυκλοπαίδεια, t. IX (1966), p. 1124 (typikon de Saint-Sabbas à Jérusalem); Paul Gautier, « Le typikon de la Théotokos Kécharitôménè », Revue des Études Byzantines, XLIII, 1985, pp. 116–117, § 70 (les cérémonies prévues pour les sœurs défuntes seront célébrées dans l’exonarthex); Byzantine Monastic Foundation Documents, John Thomas et Angela Constantinides Hero éd. (Dumbarton Oaks Studies XXXV), Washington 2000, vol. 3, p. 1020 (typikon du monastère de Saint-Mamas), p. 1077 (monastère de la Théotokos ton Heliou Bomon); Babić (n. 4), pp. 53–54 (Serbie). 31 Dans le codex Dionysiou 587 (Athos), de 1059, trois images illustrent ainsi les lectures pour la fête de l’Ascension: la composition traditionnelle de l’Ascension et, dans l’initiale A, l’apparition du Christ ressuscité aux femmes (fol. 31r) sont associées à la première péricope, celle de Marc, tandis que la Bénédiction des apôtres (fol. 32 v) introduit la seconde péricope, celle de Luc: Mary-Lyon Dolezal, « Illuminating the liturgical word: text and image in a decorated lectionary (Mount Athos, Dionysiou Monastery, cod. 587) », Word and Image, 30

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Bénédiction des apôtres par le Christ ressuscité s’inscrivent dans la continuité des images qui, dans le naos, se rapportent directement (Résurrection de Lazare et Visite des myrophores au sépulcre) ou indirectement (Baptême et Transfiguration) au thème de la résurrection. Il n’est pas indifférent de rappeler ici qu’outre les commémoraisons pour les défunts (fondateurs et moines) le narthex abrite plusieurs offices de la Semaine Sainte32. L’Ascension annonce aussi le retour glorieux du Christ à la fin des temps, comme le rappellent les paroles des anges aux apôtres rapportées dans les Actes des Apôtres 1, 11 et inscrites dans la composition: « Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous ainsi à regarder le ciel? Celui qui vous a été enlevé, ce même Jésus reviendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel ». Si le Christ ressuscité monte corporellement au ciel, c’est pour y asseoir notre humanité sur le trône divin, comme l’exprime le tropaire: « Descendu du ciel sur la terre pour relever divinement la race d’Adam gisant dans la prison de l’Hadès, par ton Ascension, ô Christ, l’ayant fait remonter vers les cieux, avec toi tu la fis siéger sur le trône de ton Père (. . .) »33. C’est donc la déification de l’homme, qui entrera au ciel, auprès de Dieu, dans l’Éternité, qu’annonce le triomphe du Christ lors de l’Ascension, thème particulièrement approprié dans un contexte funéraire. L’attente de la Seconde parousie et de la venue du Juge est aussi au centre de l’un des offices quotidiens généralement célébré dans le narthex, celui du milieu de la nuit (mésonyktikon)34, dont toute la seconde partie est consacrée aux défunts. XII/1 (1996), p. 34. Dans l’évangéliaire de l’Institut hellénique de Venise (San Giorgio dei Greci, cod. gr. 2) du XIe–XIIe s., l’Anastasis illustre la péricope de Marc, la Bénédiction des apôtres et l’Ascension celle de Luc: Mary-Lyon Dolezal, The Middle Byzantine Lectionary: textual and pictorial expression of liturgical ritual (PhDiss.), Chicago 1991, pp. 160–161; voir aussi pour ces deux manuscrits: Grégoire Aslanoff, L’illustration des évangéliaires byzantins (Mémoire de DEA), Paris 1992, pp. 58–59, 89–90. 32 Cf. Bache (n. 30), pp. 114–117; pour le rassemblement des moines dans le narthex le jour de Pâques, aux matines, voir les typika de Saint-Jean Stoudios et de Lavra (Mont Athos), par exemple: Byzantine Monastic Foundation Documents (n. 30), vol. 1, pp. 98, 221. 33 Πεντηκοστάριον, Athènes 1933, p. 167; Pentecostaire, trad. D. Guillaume, Parme 1994, p. 316. 34 Cf. Gautier, (n. 30), pp. 86–87; Id., « Le typikon du Christ Sauveur Pantocrator », Revue des Études Byzantines, XXXII (1974), pp. 30–33; Byzantine Monastic Foundation Documents (n. 30), vol. 3, p. 1027 (monastère de Saint-Mamas, Constantinople); voir aussi Dirk Krausmüller, « Private vs communal: Niketas Stethatos’s Hypotyposis for Stoudios and patterns of worship in eleventh-century Byzantine monasteries », Work and worship at the Theotokos Evergetis 1050–1200, Margaret Mullett / Anthony Kirby éd. (Belfast Byzantine

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Lors des différents offices ayant lieu dans le narthex35, c’est vers l’est, vers l’Ascension et vers l’Annonciation, peinte au-dessous de part et d’autre de la porte menant dans le naos, qu’étaient tournés les moines. Le rapprochement spatial des deux compositions (Annonciation / Ascension) traduit la complémentarité de leur message — Incarnation et première Venue, d’une part, théophanie36 et annonce de la Seconde Venue, d’autre part — et la relation antithétique et dynamique qui les unit: lors de l’Annonciation, Dieu descend sur terre, lors de l’Ascension, le Christ remonte corporellement au ciel. La place de l’Annonciation dans le narthex, encadrant la porte menant dans le naos, est liée à la fonction d’image de passage assumée par une scène qui marque le début de l’œuvre du salut37: au seuil de l’église, elle est le prélude des principaux événements de la vie du Christ, qui sont peints dans le naos et réactualisés par la liturgie célébrée dans le sanctuaire. Encadrant la porte, l’Annonciation rappelle au fidèle qui la franchit qu’il pénètre dans le Royaume de Dieu (fondé par l’Incarnation), dont l’église est l’image sur terre. Le sens de la Bénédiction des apôtres (Fig. 9), peinte sur le versant ouest de la voûte du narthex et étroitement associée à l’Ascension, est précisé par les inscriptions, qui servent de légende à la scène: « Paix avec vous » ( paroles du Christ apparaissant aux apôtres effrayés, selon Luc 24, 36, et début de la lecture de l’Ascension), « Et quand ils le virent, ils se prosternèrent; d’aucuns cependant doutèrent » (Mt 28, 17), « Et levant les mains, il les bénit (. . . ) et il fut emporté au ciel » (Lc 24, 50–51). Les fidèles quittant le naos étaient Texts and Translations, 6.2), Belfast 1997, pp. 316–317, n. 28. Pour cet office: Feuillen Mercenier, La prière des églises de rite byzantin, I. La prière des Heures. Horologion, Chevetogne 1975, pp. 93–120. 35 Outre celui du milieu de la nuit, le narthex abrite la célébration de plusieurs offices quotidiens, certains jours de l’année: Heures, apodeipnon, Vêpres, agrypnies; pour une présentation synthétique: Bache (n. 30), pp. 98–113; cf. Dmitrievskij (n. 17), pp. 458, 525, 529, 535, 539, 543, 602 (synaxaire du monastère de la Théotokos Évergétis), Gautier, (n.30), pp. 82–83 (les Heures de Prime, Tierce et Sexte sont chantées « soit au dortoir, soit dans l’exonarthex »); voir aussi Byzantine Monastic Foundation Documents (n. 30), vol. 3, p. 1015 (monastère de Saint-Mamas), 1072 (monastère dela Théotokos ton Heliou Bomon); Krausmüller (n. 34), p. 324. 36 Sur les visions de Dieu représentées dans le narthex: André Grabar, « Sur les sources des peintres byzantins des XIIIe–XIVe s. Sur les images des visions théophaniques dans le narthex », Cahiers Archéologiques, XII (1962), pp. 372–380. 37 Cf. Lydie Hadermann-Misguich, « Images et Passages. Leurs relations dans quelques églises byzantines d’après 843 », Bulletin de l’Institut Historique belge de Rome, LXIX (1999), pp. 21–40.

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directement confrontés à l’image du Christ debout de face au centre de la composition, adressant sa bénédiction et son message — « Paix avec vous » — non seulement aux apôtres et aux deux donateurs représentés en proskynèse à ses pieds, mais aux moines et éventuellement aux laïcs, réunis dans le narthex et sur le point de quitter l’église. Il est possible aussi que les deux donateurs, Jean « entalmatikos » (peut-être un chargé de mission du patriarche) et Genethlios, associés à la scène, soient ceux à qui étaient destinée la chambre funéraire. Sous la Bénédiction des apôtres, est enfin représentée à grande échelle et bien en vue, déployée sur presque tout le mur ouest, l’Hospitalité d’Abraham (Fig. 10). Le patriarche est à gauche de la composition, à l’extrémité sud du narthex, faisant ainsi écho à son image en buste, dans la conque de l’absidiole sud. Épisode vétérotestamentaire, la Philoxénie a fait l’objet d’une exégèse particulièrement riche: son environnement iconographique à Karanlık kilise et les pratiques liturgiques auxquelles le narthex servait de cadre permettent d’en proposer plusieurs interprétations. Associée — spatialement et typologiquement — à la scène peinte en face, l’Annonciation, la Philoxénie en est l’antétype: à Sara est annoncée la naissance d’Isaac, grâce à l’intervention divine, qui fonde la descendance d’Abraham, ancêtre du Christ. L’iconographie (trois figures identiques, pourvues du nimbe crucifère) et l’inscription — « la Sainte Trinité » — soulignent, à Karanlık kilise, la signification trinitaire de la scène. Marie, représentée en face dans l’Annonciation, est d’ailleurs celle qui enfanta « un de la Trinité », selon une formule chère aux hymnographes38. Quant à la fête de la Trinité, elle est célébrée le dimanche de la Pentecôte39, la veille étant, comme le samedi de l’Apokréô et celui de la Tyrophagie, consacré à la commémoraison des défunts, qui a généralement lieu dans le narthex40. Un autre office associé

Joseph Ledit, Marie dans la liturgie de Byzance, Paris 1976, pp. 139–140; voir par exemple Ὡρολόγιον τὸ Μέγα, Michel I. Saliveros éd., Athènes, s.d. p. 78. 39 Sur le dimanche de la Pentecôte: Feuillen Mercenier, La prière des églises de rite byzantin. II. Les Fêtes, 2. L’Acathiste, la Quinzaine de Pâques, l’Ascension et la Pentecôte, Chevetogne 1948, pp. 361–395. Sur le lien entre l’image de l’Hospitalité d’Abraham et la fête de la Pentecôte: Freddy Lecocq, Contribution à l’étude de la place de l’Hospitalité d’Abraham dans le programme iconographique des églises byzantines (Mémoire de l’École du Louvre), Paris 1993, pp. 238–257. 40 Cf. Miguel Arranz, « Les prières presbytérales de la ‘Pannychis’ de l’ancien Euchologe byzantin et la ‘Panikhida’ des défunts », Orientalia Christiana Periodica, XL (1974), pp. 314–343; voir aussi supra n. 30. 38

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au narthex, celui du milieu de la nuit, évoqué plus haut, inclut aussi, le dimanche, le chant d’un canon et de tropaires ayant pour objet le mystère de la Sainte Trinité41. Invoquée dans les prières d’intercession, la Trinité, ici représentée juste à côté des tombes des fondateurs, est parfois incluse dans les programmes funéraires42. Enfin, le thème du repas, qu’évoque aussi la composition de l’Hospitalité d’Abraham, peut être mis en relation avec diverses pratiques ayant lieu dans le narthex. Lors des offices commémoratifs pour les défunts, les 3e, 9e et 40e jours après la mort y est célébrée la bénédiction des colybes, petits gâteaux sucrés dont l’usage est attesté dans les euchologes dès le IXe siècle; disposés sur une table placée à cet effet dans le narthex, ils y sont distribués et consommés43. Indépendamment de ces offices, une série de typika monastiques des XIe–XIIe siècles44 signalent la collation (diaklysmos) composée de pain bénit et de vin, que moines (et dans certains cas laïcs) prenaient dans le narthex, une fois achevée la divine liturgie, en attendant l’appel au réfectoire45. Certains jours de l’année, en particulier le Samedi Saint46, le diaklysmos pris dans le narthex remplace même le repas au réfectoire. L’environnement iconographique de l’image de l’Hospitalité d’Abraham à Karanlık kilise, mais aussi la prise en compte des différentes pratiques liturgiques auxquelles le narthex servait de cadre

Cf. supra n. 34. Cf. Mélita Emmanouèl, Οἱ τοιχογραφίες τοῦ Ἁγ. Δηµητρίου στὸ Μακρυχώρι καὶ τῆς Κοιµήσεως τῆς Θεοτόκου στὸν Ὀξύλιθο τῆς Εὔβοιας, Athènes 1991, pp. 183–184 (pour d’autres exemples de la Philoxénie dans le narthex, cf. n. 814). 43 Sur les colybes: Bache (n. 30), pp. 89–90. Cf. Gautier (n. 34), p. 43, n. 21; cf. aussi Byzantine Monastic Foundation Documents (n. 30), vol. 3, p. 1020 (monastère de SaintMamas, Constantinople), 1077 (monastère de la Mère de Dieu ton Heliou Bomon). 44 Exemples et références dans Gautier (n. 34), p. 88 n.15, et Gail Nicholl, « A contribution to the archaeological interpretation of typika: the case of the narthex », Work and worship (n. 34), pp. 288–293. Sur le diaklysmos, voir aussi Byzantine Monastic Foundation Documents (n. 30), vol. 1, p. 116, n. 27 (typikon de Saint-Jean Stoudios) . 45 « Après la collation habituelle qui se fait dans le narthex une fois achevée la divine liturgie, il faut que tous les moines rassemblés se tiennent là, attendant l’appel à table qui se fait par la simandre du réfectoire »: Paul Gautier, « Le typikon de la Théotokos Évergétis », Revue des Études Byzantines 40 (1982), pp. 32–33. 46 Cf. la règle d’Athanase l’Athonite pour le monastère de Lavra: Byzantine Monastic Foundation Documents (n. 30), vol. 1, p. 226, § 26: . . . « le réfectoire n’est pas ouvert parce que la liturgie finit trop tard et qu’un grand repas alourdirait l’estomac et l’esprit. Nous nous contentons du pain bénit et de deux services de vin dans le narthex »; voir aussi: Gautier (n. 45), p. 35 (monastère de l’Évergétis), Gautier (n. 30), pp. 96–97 (Kecharitôménè). 41 42

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apportent ainsi un faisceau d’indices pour l’interprétation de la scène, la présence des tombes des fondateurs ayant probablement joué un rôle décisif dans le choix du thème. Le programme iconographique de Karanlık kilise, analysé en relation avec l’espace architectural et avec les diverses pratiques liturgiques que les images enveloppaient, se prête donc à des interprétations multiples. Nulle part le lien entre décor, espace et fonction n’est apparu exclusif ni contraignant, preuve de la grande flexibilité des programmes iconographiques byzantins. On constate aussi des correspondances, qui ne sauraient être fortuites, entre les sujets peints dans différentes parties de l’église: chacun des espaces envisagés — sanctuaire, compartiment nord-ouest et narthex — forme une unité cohérente, qui a sa signification propre, mais fait en même temps partie d’un ensemble plus important, d’un système décoratif, lui aussi cohérent, et participe à sa signification. L’église se révèle ainsi comme un lieu d’images complexe et structuré, « dans lequel les images se nouent entre elles, se fondent avec le lieu et participent à sa fonction »47.

47

p. 5.

Jérôme Baschet, Lieu sacré, lieu d’images. Les fresques de Bominaco, Paris/Rome 1991,

XIII

Le canon 82 du Concile Quinisexte et l’image de l’Agneau: à propos d’une église inédite de Cappadoce

L

A région située à l’est et au sud-est d’Ürgüp se révèle chaque année plus riche en monuments rupestres inédits, antiques et chrétiens. À ceux des environs des villages de Karacaören, Karlık, İltaş et Akköy1 s’ajoute aujourd’hui, plus au nord, sur les pentes du Topuz Dağı et dominant la vallée de Dölecek dere2, un petit ensemble — vraisemblablement monastique — comprenant une église décorée de peintures et plusieurs excavations (salles et église). Nous ne nous attacherons ici qu’au décor absidal de l’église principale3, qui présente une iconographie rare. Le reste du monument, à l’exception peut-être du parecclèsion nord où l’on distingue quelques traces de figures, était simplement enduit d’un badigeon blanc. Une inscription courait entre la conque et la paroi de l’abside: dédicatoire ou liturgique, elle est presque entièrement détruite aujourd’hui. Le programme iconographique présentait deux registres, mais les peintures de la paroi — des saints en pied (apôtres

1 C. Jolivet-Lévy, Les églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l’abside et de ses abords, Paris 1991, p. 147–150 (Akköy), 167–169 (İltaş), 171–174 (Karacaören); sur la vallée de Kurt dere, près de Karacaören, voir aussi: Ead. et G. Kiourtzian, « Découvertes archéologiques et épigraphie funéraire dans une vallée de Cappadoce » (sous presse); pour Karlık, cf. N. Thierry, « L’importance du culte de saint Jean Prodrome en Cappadoce: à propos des absides de l’église n° 3 de Karlık », BZ 84–85 (1991–1992), p. 94–101. 2 À droite de la route menant d’Ürgüp à Aksalur, à 3 km environ d’Ürgüp. 3 Croix libre à coupole pourvue d’un parecclèsion nord; la partie sud de l’église est détruite. Nous avons visité ce monument en avril 1992.

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ou évêques) — ne sont plus identifiables. La composition qui se déploie dans la conque, assez bien conservée, correspond dans ses grandes lignes au thème de la Majestas Domini, courant dans la région aux IXe–Xe siècles et caractéristique de l’iconographie « archaïque » de Cappadoce4, mais elle présente des particularités originales (Fig. l). Au centre se détache l’image du Christ trônant, bénissant et tenant le livre fermé, assis sur le siège traditionnel, à dossier « en lyre », dont les lourdes boiseries sont rehaussées de perles. Conformes à l’iconographie « archaïque » sont aussi les quatre symboles des évangélistes qui entourent le trône, nimbés, tenant un livre et désignés par les participes liturgiques d’introduction de l’hymne triomphale de l’Anaphore: l’homme (κὲ λέγοντα) (Fig. 2) et le lion (κεκρ[αγ]ότα) à gauche, l’aigle (ᾄδοντα) et le taureau (βοῶτα) à droite. Le Christ trônant et les quatre symboles sont englobés ici dans une mandorle ovale, à bord simple, au lieu de la gloire circulaire souvent limitée par une bordure imitant l’irisation de l’arc-en-ciel, fréquente dans les images « archaïques ». Rare est aussi, du moins dans le contexte absidal cappadocien, la couleur rouge de la mandorle5, bien que celle-ci — symbole de la lumière divine et du feu associé à la célébration de l’Eucharistie6 — se justifie parfaitement7. La présence dans la gloire même, sous le marchepied du trône, des roues ocellées Jolivet-Lévy, op. cit. (note 1), p. 337–340. Le fond de la gloire divine est généralement bleu dans les compositions cappadociennes « archaïques ». On trouve en revanche une mandorle à fond rouge pour le Christ de l’Anastasis à Sainte-Barbe de Soğanlı (1006 ou 1021). Dans l’église rupestre S. Biagio à S. Vito dei Normanni en Italie méridionale, l’Ancien des Jours se détache sur le fond rouge d’un médaillon, entre les quatre symboles, les séraphins et des prophètes (I Bizantini in Italia, éd. G. Cavallo, Milan 1982, fig. 414). Mais les parallèles les plus proches pour notre image sont les théophanies absidales géorgiennes de Lamaria de Žibiani à Oušgoul et de l’église des Archanges de Zemo-Krikhi; cf. T. Velmans, « L’image de la Déisis dans les églises de Géorgie et dans celles d’autres régions du monde byzantin », CahArch 29 (1980–81), p. 67, 69. Sur l’usage du fond rouge, qui, en relation avec le symbolisme de la lumière, remonte à l’Antiquité, son utilisation dans l’art des Chrétiens orientaux et dans la tradition occidentale, cf. D. Mouriki, « Thirteenth-Century Icon Painting in Cyprus », The Griffon 1–2 (1985–86), p. 23–26. En Cappadoce, un fond ocre rouge est utilisé de façon extensive dans l’église du stylite Nicétas (Jolivet-Lévy, op. cit. note 1, p. 54–55). Comme couleur de fond des médaillons, le rouge est courant dans le monde byzantin et en Italie du Sud (des exemples dans: L. Safran, San Pietro at Otranto. Byzantine Art in South Italy, Roma 1992, p. 115). 6 Voir le passage de Jean Chrysostome cité infra. 7 Cf. Is. LXVI, 15: « Car voici que Yahvé arrive dans le feu »; voir aussi Éz. I, 4; Daniel VII, 9: « Son trône était flammes de feu aux roues de feu ardent ». Le feu est associé précocement à la vision de Dieu dans l’iconographie (évangéliaire de Rabbula). 4 5

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entrelacées et entourées de flammes, contribue à l’atmosphère incandescente de la vision divine. La situation comme la façon dont sont représentées ici les roues enflammées8 diffèrent de l’iconographie « archaïque » courante, qui les montre hors de la gloire, encadrant le bas de l’auréole; par leur emplacement sous le trône du Christ, elles peuvent être rapprochées du motif couramment, mais à notre avis erronément, identifié à la mer de cristal, peint dans une série d’absides « archaïques » de Cappadoce, et confirme la signification différente que nous en avons proposée9. Autour de ce groupe central sont symétriquement disposés les éléments habituels des compositions absidales développées: chérubins tétramorphes et séraphins (nommés hexaptéryges) auxquels étaient associés les prophètes Isaïe et Ézéchiel10 — seul Isaïe à gauche est conservé, qui tend les mains vers la pince au charbon ardent que tenait le séraphin. Les archanges en costume impérial, Michel, [Μ]ηχαίλ, et Gabriel, Γαβρηίλ, légèrement inclinés vers le Christ, tenant le globe et l’étendard11, encadrent la composition. En haut se trouvent les personnifications du Soleil (ὁ ἥλιος) et de la Lune (ἡ σελή[νη]), nimbées, jeune homme vêtu de rouge sur fond rouge et jeune femme en maphorion gris-clair, les mains ouvertes devant la poitrine. Tous les éléments décrits jusqu’ici sont, avec des variantes de détail, bien connus de l’iconographie absidale « archaïque » de Cappadoce, mais une image plus insolite s’y ajoute qui confère un intérêt particulier à notre décor: la représentation d’un agneau, de profil, la tête ceinte du nimbe crucifère, dans un médaillon bordé d’une frise de grecques12 placé dans l’axe de la composition, au-dessus de l’image du Christ et entre le Soleil et la Lune

8 Avec des flammes jaillissant du centre, comme, vers le milieu du Xe siècle, dans l’abside nord de Tokalı Kilise 2 (Jolivet-Lévy, op. cit. note 1, pl. 65); pour l’iconographie « archaïque » habituelle, cf. par exemple Haçlı Kilise: ibid., pl. 3, fig. 1. 9 Jolivet-Lévy, op. cit. (note 1), p. 88, 339; ce motif est toujours associé dans l’iconographie « archaïque » à l’épisode d’Isaïe purifié par le charbon, qui est aussi figuré dans l’église du Topuz Dağı. 10 Sur l’interprétation typologique des épisodes montrant Isaïe et Ézéchiel, préfigurations de l’Eucharistie, dans les absides « archaïques » de Cappadoce: Jolivet-Lévy, op. cit. (note 1), p. 32–34, 338–339. 11 Quelques traces de lettres permettent de restituer sur l’étendard des archanges une inscription, probablement le triple ἅγιος; on remarque pour les deux figures un repentir du peintre, qui avait d’abord esquissé l’étendard plus haut et plus à l’extérieur. 12 Motif relativement rare dans les peintures cappadociennes, que l’on retrouve cependant autour de la croix peinte au sommet de l’arc absidal de Sainte-Barbe de Soğanlı (Jolivet-Lévy, op. cit. note 1, pl. 143, fig. 2) ou décorant le bassin du bain de l’Enfant dans la Nativité de

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(Fig. 3). Une inscription fragmentaire, mais aisément restituable, le désigne comme le symbole du Christ rédempteur: ἤδε ὁ [ἀµ]νός, « Voici l’Agneau », légende inspirée du témoignage du Prodrome dans Jean I, 29, « Voici l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde ». Le style des peintures, les couleurs, l’épigraphie permettent des comparaisons avec des décors de la région placés entre le milieu du Xe siècle et le début du XIe siècle13. Plutôt caractéristique de la première moitié du siècle, la vision du Christ en gloire entre les puissances célestes décore encore l’abside de l’église du Pigeonnier de Çavuşin (963–969), par exemple. C’est donc une datation dans la seconde moitié du Xe siècle, voire au tout début du XIe siècle, que nous proposons pour le décor du Topuz Dağı. Dans ce contexte chronologique, l’élément le plus étonnant du programme absidal est évidemment la représentation d’une image — l’Agneau — censée n’avoir plus cours dans l’iconographie orientale après 691/692, date du Concile Quinisexte, réuni à Constantinople à l’initiative du Justinien II. Le fameux canon 82 de ce concile, sur lequel nous reviendrons plus loin, fait en effet allusion aux images où l’on voit l’Agneau montré par le doigt du Précurseur, comme type préfigurant l’Agneau véritable, le Christ, et recommande de préférer aux « types et aux ombres » l’image anthropomorphique du Christ, l’Agneau qui ôte le péché du monde, afin de rendre manifeste la réalité de l’Incarnation14. L’Agneau de l’église inédite du Topuz Dağı n’est pas un cas unique en Cappadoce. On connaît l’image — désignée également comme l’Amnos — de la douelle absidale de l’église sud de Saint-Jean de Güllü dere (913–920)15: de profil, la tête de face, l’Agneau inscrit dans une auréole de lumière (Fig. 4) est encadré par une série de prophètes en buste dans des médaillons. L’ensemble du décor de l’arc introduit la vision du Christ en gloire qui règne dans la conque absidale, entre les chérubins, les séraphins accompagnés des prophètes Isaïe et Ézéchiel, et les archanges Michel et Gabriel en adoration. Les peintures du Xe siècle recouvrant dans cette église une couche plus

l’église des Quarante-Martyrs de Suveş, 1216–17 (M. Restle, Byzantine Wall Painting in Asia Minor, Greenwich, Conn. 1967, vol. III, fig. 417). 13 Église du Grand Pigeonnier de Çavuşin (963–969), Sainte-Barbe de Soğanlı (1006 ou 1021), Tağar. 14 Mansi, 11, col. 977E–980B. 15 N. Thierry, Haut moyen âge en Cappadoce. Les églises de la région de Çavuşin, 1, Paris 1983, p. 150–151. Jolivet-Lévy, op. cit. (note 1), p. 40.

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ancienne, que N. Thierry place au VIIe siècle, la présence de l’Agneau pourrait s’expliquer ici par la reprise d’un programme primitif, antérieur à 692. Si cette hypothèse ne peut être exclue, la découverte de nouvelles images de l’Agneau en Cappadoce invite à réfléchir à nouveau sur la signification de cette iconographie. Plus insolite encore est la représentation récemment identifiée près d’İltaş, village situé à l’est d’Ürgüp, dans la même région que l’église inédite du Topuz Dağı16. L’Agneau, nommé Amnos, est peint au sommet de la conque absidale (Fig. 5), au-dessus du Christ de l’Ascension et, comme à Saint-Jean de Güllü dere, entre les prophètes, mais il présente à la place de la tête de l’animal le visage humain du Christ jeune, imberbe, au nimbe crucifère (IXe s.?). Dans ces trois décors, l’emplacement de l’Agneau est comparable: à la douelle absidale ou au sommet de la conque, au-dessus d’une représentation du Christ en gloire. La situation de l’Agneau — à l’entrée de l’abside — et sa désignation comme Amnos, qui renvoie à Jean I, 29, permettent de préciser la valeur de l’image. Conformément à une exégèse patristique et liturgique ancienne, dont l’iconographie se fait l’écho dès l’époque paléochrétienne17, l’Agneau est avant tout ici le symbole du Christ, victime immolée pour les péchés du monde dans le rite eucharistique18. L’image s’inscrit ainsi parfaitement dans un programme absidal, dont la relation avec la liturgie nous paraît incontestable, même s’il ne faut évidemment pas y chercher la traduction picturale d’une prière ou d’un rite précis. Le décor peut être, par exemple, rapproché du passage célèbre de Jean Chrysostome19: « La table mystique est dressée, l’Agneau de Dieu s’immole pour vous, (. . .) la flamme

Cf. Jolivet-Lévy, ibid., p. 168. À Saint-Vital de Ravenne et dans la basilique du monastère du Mont Sinaï, par exemple. 18 Ceci n’exclut pas un symbolisme polyvalent: à Saint-Vital, l’Agneau, qui constitue l’aboutissement et la clef de tout le programme iconographique du presbyterium, est identifié à l’Agneau triomphant de l’Apocalypse, souverain eschatologique. Mais la désignation Amnos des églises cappadociennes correspond au passage de Jean (et à Is. LIII, 7), non au texte de l’Apocalypse, qui utilise le terme τὸ Ἀρνίον. 19 Lorsqu’il s’indigne que les fidèles quittent l’église au milieu de l’office: Jean Chrysostome, Neuvième Homélie sur la pénitence, trad. J. Bareille, Œuvres complètes de Jean Chrysostome, III, Paris 1864, p. 571 (cité par P. Van Moorsel, « La signification des icônes dans le sanctuaire des églises coptes », Nicée II, 787–1987. Douze siècles d'images religieuses, éd. F. Boespflug et N. Lossky, Paris 1987, p. 216–217). 16 17

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spirituelle jaillit de la table sacrée, les chérubins sont là présents, les séraphins déploient leur vol, (. . .) le feu divin descend des cieux, le sang coule pour votre salut du flanc très pur de l’Agneau et remplit la coupe. . . ». Le symbole de l’Agneau, inspiré par le témoignage de Jean-Baptiste, évoquait ainsi l’Incarnation et le sacrifice et, de façon significative, le même terme d’Amnos est ensuite utilisé pour une autre image, celle du Christ-enfant sur l’autel ou dans la patène, figuré à partir du XIIe siècle au centre de l’hémicycle absidal, au milieu des évêques officiant20. L’identité de la désignation atteste l’analogie de sens entre l’Agneau et le Christ-enfant — deux symboles du sacrifice eucharistique — mais, dans le second cas, l’accent est mis sur la réalité de l’Incarnation, condition du sacrifice rédempteur, conformément aux recommandations du canon 82 du Concile in Trullo. Si la signification de l’Agneau dans le contexte absidal ne fait guère de doute, comment expliquer sa présence dans des décors des IXe–Xe siècles, alors que l’on tient généralement pour acquise l’élimination de l’image de l’Agneau de l’iconographie byzantine à partir de 69221? Observons d’abord que, même avant cette date, elle n’était guère répandue en Orient22, contrairement à ce qui se passe en Occident, où le symbole apparaît fréquemment, lié au témoignage du Prodrome, mais aussi et surtout à l’illustration de l’Apocalypse; l’attitude réservée de l’Église d’Orient à l’égard G. Babić, « Les discussions christologiques et le décor des églises byzantines au XIIe siècle », FrühMitAltSt 2 (1968), p. 368–386. Notons que la désignation de cette image comme Amnos, qui correspond à sa signification et à l’usage actuel chez les historiens d’art, n’est généralement pas celle inscrite sur les peintures; plus fréquente sont les légendes θυσία, ὁ θυόµενος ou encore Melismos; dans l’église des Saints-Joachim-et-Anne à Studenica (1314), la légende en vieux-serbe est: « L’Agneau de Dieu est sacrifié et tué pour le monde entier » (cf. C. Walter, « The Christ Child on the Altar in the Radoslav Narthex: A Learned or a Popular Theme? », Studenica et l’art byzantin autour de l’année 1200, Belgrade 1988, p. 222–223). 21 Hormis les exemples cappadociens, l’Agneau n’est guère attesté en Orient qu’en terres d’hérésie monophysite: à Abou Makar, dans le Ouadi Natroun, v. 825–30 (J. Leroy, « Les peintures des couvents du Ouadi Natroun », Mémoires publiés par les membres de l’Institut français d’archéologie orientale du Caire, CI, 1982, pl. 4) et dans les miniatures éthiopiennes (C. Lepage, « Reconstitution d’un cycle protobyzantin à partir des miniatures de deux manuscrits éthiopiens du XIVe s. », CahArch 35 (1987), p. 166, fig. 18, 19, 24). 22 Citons la chaire de Maximien et le décor du presbyterium de Saint-Vital à Ravenne, la mosaïque de Saint-Catherine au Mont Sinaï, la fresque de la chapelle 32 de Baouit, celle de Peruštica en Thrace, les mosaïques palestiniennes, les croix, etc. (cf. K. Wessel, « Agnus Dei », RbK I. Stuttgart 1963, col. 90–94; A. Grabar, L’Iconoclasme byzantin. Dossier archéologique, Paris 19842, p. 107, note 8). 20

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de ce texte, dont l’authenticité fut longtemps discutée, est généralement invoquée pour expliquer la rareté de l’Agneau dans l’iconographie orientale. Les controverses des VIe–VIIe siècles sur la réalité de la nature humaine du Christ et la théologie antimonothélite sont vraisemblablement responsables de la préférence accordée aux représentations anthropomorphiques du Christ de préférence aux symboles. Quoi qu’il en soit, le Concile Quinisexte semble n’avoir fait qu’entériner une réticence déjà ancienne à l’égard du symbole de l’Agneau. Comment interpréter dès lors sa présence dans les églises cappadociennes? Est-elle due à l’influence du texte de l’Apocalypse, qui inspira en effet l’iconographie de quelques rares compositions de la région23? Même si la lecture de l’Apocalypse et des commentaires rédigés par André et Aréthas de Césarée a pu favoriser la représentation de l’Agneau, la désignation d’Amnos, qui accompagne nos images, ne renvoie pas à la vision apocalyptique24, mais à l’évangile de Jean et à la liturgie. La représentation du Christ sous la forme de l’Agneau doit-elle alors être considérée comme un archaïsme, dû à l’ignorance des recommandations du Concile Quinisexte dans un milieu provincial ou bien comme une manifestation délibérée d’opposition au canon 82? Aucune de ces deux hypothèses ne nous paraît plus aujourd’hui pouvoir être retenue. Remarquons d’abord que le schéma iconographique associant le Prodrome (tenant ou non le rouleau inscrit du texte de Jean I, 29) et le Christ sous forme humaine — et non l’Agneau — apparaît avant 692 et qu’il fut probablement créé en relation avec les controverses des VIe–VIIe siècles, pour rendre manifeste l’Incarnation du Dieu-Verbe et pour souligner la double nature, humaine et divine, du Christ25. On l’observe à la fin du VIe siècle sur une ampoule palestinienne (Bobbio, n° 20)26, sur l’icône de saint Jean-Baptiste du Musée de Kiev27, puis un peu plus tard dans 23 Cf. Thierry, op. cit. (note 15), p. 150–151. Ead., « L’Apocalypse de Jean et l’iconographie byzantine », L’Apocalypse de Jean. Traditions exégétiques et iconographiques, III e–XIII e siècles, Genève 1979, p. 319–339. 24 Cf. supra, note 18. 25 Sur l’importance au VIIe siècle de la théologie antimonothélite dans l’élaboration des images: A. D. Kartsonis, Anastasis. The Making of an Image, Princeton 1986, en particulier, p. 40–67. 26 A. Grabar, Les ampoules de Terre Sainte, Paris 1958, p. 43–44, pl. LIII. 27 Du VIe siècle selon K. Weitzmann, The Monastery of Saint Catherine at Mount Sinai. The Icons, vol. 1: From the Sixth to the Tenth Century, Princeton N. J. 1976, p. 32–35 (B. 11).

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quelques décors de Cappadoce (au registre inférieur de l’abside)28, preuve de la diffusion de cette formule. Le canon 82 du Concile Quinisexte ne fait probablement que rendre compte d’une iconographie déjà établie. Le décor de l’église du stylite Nicétas (Kızıl Çukur), diversement daté entre le VIIe et le IXe siècle, offre un autre témoignage significatif. Dans le tympan oriental de la nef, au-dessus de l’abside où sont peintes la croix glorieuse et la Théotokos, est figuré le Précurseur (avec la texte de Jean I, 29) désignant le Christ en croix entre la Vierge et saint Jean29: l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde est le Logos incarné et son sacrifice est la condition de la rédemption de l’humanité. La valeur de ces compositions comme expression de la réalité de l’Incarnation, leur actualité dans le contexte de la polémique contre les Iconoclastes, mais aussi la dimension liturgique de l’image de Jean-Baptiste avec le texte johannique, expliquent le succès durable de cette iconographie: aux peintures « archaïques » de Cappadoce des IXe–Xe siècles — comme l’abside de Haçlı Kilise, dans cette même région de Kızıl Çukur30 — s’ajoutent à partir du XIe siècle de très nombreux exemples dans différents media31. Il peut dès lors paraître surprenant de trouver en Cappadoce, où le Présurseur apparaît souvent et précocement lié au Christ figuré sous sa forme humaine, des images de l’Agneau postérieures à 692. Ne conservant aucune représentation protobyzantine de l’Agneau dans la région — hormis le programme conjectural de la couche I de Saint-Jean de Güllü dere — il est difficile d’interpréter ces images comme la survivance d’une tradition iconographique ancienne dans un milieu provincial, qui aurait ignoré les recommandations du Concile in Trullo. La formule hybride d’İltaş — Agneau à visage humain — qui semble exprimer une tentative de La datation vers le milieu du VIIe siècle ou autour de 692 proposée par K. Corrigan (« The Witness of John the Baptist on an Early Byzantine Icon in Kiev », DOP 42 (1988), p. 1–11), en raison justement de l’iconographie du Prodrome associé à l’image du Christ, ne s’impose pas: la formule est certainement antérieure à son « officialisation » par le concile. 28 Par exemple à Hagios Stephanos, près de Cemil; cf. Jolivet-Lévy, op. cit. (note 1), p. 162, 177. 29 Jolivet-Lévy, op. cit. (note 1), p. 55. 30 Jean-Baptiste au registre inférieur de l’abside, tenant un rouleau inscrit du texte de Jean I, 29, lève le doigt vers le Christ trônant dans la conque: Jolivet-Lévy, op. cit. (note 1), p. 51 et passim. 31 Ivoires, icônes, mosaïques et fresques: plusieurs exemples dans L. HadermannMisguich, Kurbinovo. Les fresques de Saint-Georges et la peinture byzantine du XIIe s., Bruxelles 1975, p. 231, note 769.

1. Église du Topuz Dağı (environs d’Ürgüp): vue générale du décor de l’abside (conque).

2. Église du Topuz Dağı (environs d’Ürgüp), détail de la composition absidale: l’homme, symbole de Matthieu. 3. Église du Topuz Dağı (environs d’Ürgüp), sommet de la conque: l’Agneau entre le Soleil et la Lune et les archanges Michel et Gabriel, au-dessus du Christ en gloire.

4. Saint-Jean de Güllü dere, abside sud: l’Agneau au sommet de l’intrados de l’arc absidal.

5. Église d’İltaş: l’Agneau à visage humain au sommet de la conque absidale.

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compromis peut d’ailleurs être interprétée comme une réponse maladroite aux recommandations du canon 82: maintes fois cité et commenté, en particulier lors de la polémique sur les images, celui-ci n’était sûrement pas ignoré des concepteurs de nos décors. S’il n’y eut pas persistance d’un schéma paléochrétien par ignorance, la représentation de l’Agneau en Cappadoce ne traduit pas non plus, à notre avis, une opposition au canon 82. Que dit en effet le texte? « Sur certaines peintures des vénérables icônes est représenté un agneau désigné par le doigt du Prodrome, agneau qui nous a été légué comme un typos [une figure] de la Grâce, préfigurant pour nous, à travers la Loi, le véritable agneau, le Christ notre Dieu. Tout en acceptant donc sans réserve comme des symboles et des préfigurations de la vérité les anciennes figures [types] et les ombres transmises à l’Église, nous honorons de préférence la Grâce et la Vérité en accueillant celles-ci comme l’accomplissement de la Loi. Pour que ce qui est parfait [ou accompli] soit représenté à la vue de tous, même sur les peintures, nous statuons qu’à partir de maintenant soit représenté sur les images aussi, au lieu de l’ancien agneau, la figure, selon ses traits humains, du Christ notre Dieu, l’agneau qui ôte le péché du monde, afin que nous percevions à travers elle la profondeur de l’humiliation du Dieu-Verbe et que nous soyons amenés au souvenir de sa vie dans la chair, de sa passion et de sa mort salutaire, ainsi que de la délivrance qui en a résulté pour le monde »32. Il nous semble que ce texte ne peut être compris comme l’interdiction formelle de représenter le Christ sous la forme de l’agneau, l’image du Logos incarné étant désormais imposée aux artistes comme la seule licite et théologiquement correcte: telle est cependant l’interprétation traditionnelle du canon 8233. Certes la Grâce et la Vérité doivent être honorées en

32 Ἔν τισι τῶν σεπτῶν εἰκόνων γραφαῖς ἀµνὸς δακτύλῳ τοῦ προδρόµου δεικνύµενος ἐγχαράττεται, ὃς εἰς τύπον παρελήφθη τῆς χάριτος, τὸν ἀληθινὸν ἡµῖν διὰ νόµου προϋποφαίνων ἀµνὸν Χριστὸν τὸν Θεὸν ἡµῶν. Τοὺς οὖν παλαιοὺς τύπους καὶ τὰς σκιάς, ὡς τῆς ἀληθείας σύµβολά τε καὶ προχαράγµατα τῇ ἐκκλησίᾳ παραδεδοµένους κατασπαζόµενοι, τὴν χάριν προτιµῶµεν καὶ τὴν ἀλήθειαν, ὡς πλήρωµα νόµου ταύτην ὑποδεχόµενοι, ὡς ἂν οὖν τὸ τέλειον καὶ ἐν ταῖς χρωµατουργίαις ἐν ταῖς ἁπάντων ὄψεσιν ὑπογράφηται, τὸν τοῦ αἵροντος τὴν ἁµαρτίαν τοῦ κόσµου ἀµνοῦ Χριστοῦ τοῦ Θεοῦ ἡµῶν κατὰ τὸν ἀνθρώπινον χαρακτῆρα καὶ ἐν ταῖς εἰκόσιν ἀπὸ τοῦ νῦν ἀντὶ τοῦ παλαιοῦ ἀµνοῦ ἀναστηλοῦσθαι ὁρίζοµεν. δι᾿ αὐτοῦ τὸ τῆς ταπεινώσεως ὕψος τοῦ Θεοῦ λόγου κατανοοῦντες, καὶ πρὸς µνήµην τῆς ἐν σαρκὶ πολιτείας, τοῦ τε πάθους αὐτοῦ, καὶ τοῦ σωτηρίου θανάτου χειραγωγούµενοι, καὶ τῆς ἐντεῦθεν γενοµένης τῷ κόσµῳ ἀπολυτρώσεως. Nous remercions Maria Zoubouli qui nous a aidé à traduire ce texte. 33

Cf. par exemple A. Grabar, op. cit. (note 22), p. 95–96.

LE CANON 82 DU CONCILE QUINISEXTE

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premier et l’image du Dieu-Verbe incarné sera préféré à l’ancien agneau, mais les « anciennes figures » et « ombres », loin d’être déclarées caduques ou préjudiciables, font partie de la tradition de l’Église et sont toujours admissibles en tant que « symboles et préfigurations de la vérité ». Les images anthropomorphiques du Christ sont encouragées comme témoignages sur la réelle Incarnation du Logos et c’est la valeur de l’image du Christ pour l’affermissement de la foi qui est soulignée. Le canon 82 affirme la supériorité de l’image du Christ, preuve et reflet de son Incarnation, qui rend possible le salut de l’humanité, plus qu’il ne s’attache à répudier expressément les images symboliques. Y chercher une quelconque censure iconographique nous paraît relever d’une interprétation abusive du texte. Étant donné la rareté de l’image de l’Agneau dans l’iconographie orientale, son interdiction n’était d’ailleurs guère de mise. Si, après le déclenchement de l’iconoclasme, le canon 82 est fréquemment cité, ce n’est pas pour proscrire la représentation de l’Agneau, mais pour justifier l’icône du Christ et prouver la valeur de l’image pour la défense de l’Orthodoxie christologique, conformément à la tradition de l’Église. Il est significatif à cet égard que les légats pontificaux aient approuvé ce canon lors du Concile de Nicée II, alors que l’image de l’Agneau était couramment reproduite en Occident. Cette interprétation nous paraît confirmée par les décors cappadociens: dans les églises où il figure, l’Agneau est, en effet, toujours directement associé à la représentation du Christ-Logos incarné, qu’il surmonte ou plutôt qu’il précède. Ce sont donc les deux phases successives, les deux étapes de la Révélation, qu’offre le rapprochement des deux thèmes, qui, loin de s’opposer, apparaissent complémentaires, traduisant plastiquement l’antithèse théologique traditionnelle ombre/vérité, âge de la Loi/âge de la Grâce, dont fait état justement le canon 82. À İltaş, comme à Saint-Jean de Güllü dere, l’Agneau est d’ailleurs entouré par des figures de prophètes: l’époque de la Loi, de l’Ancien Testament, évoquée à l’entrée de l’abside, annonce et introduit l’époque de la Grâce, du Nouveau Testament, qui triomphe dans la conque. L’association des deux thèmes justifiait pleinement, du point de vue théologique, la représentation de l’Agneau. On a pourtant tenté, à İltaş, une manière de compromis en figurant le visage du Christ sur le corps de l’animal: solution peu satisfaisante, esthétiquement comme théologiquement, et qui n’eut pas de suite. Ajoutons pour finir que le procédé d’illustration typologique, dont témoigne l’association Agneau/Christ incarné, explique aussi, dans l’église du Topuz Dağı comme à Saint-Jean de Güllü dere, la représentation des

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prophètes Isaïe (purifié par le charbon ardent) et Ézéchiel (recevant le volume à avaler), dont nous avons montré ailleurs la signification comme antétypes de la célébration eucharistique34. Expression d’une approche mystique des saints mystères de la liturgie conforme à l’exégèse patristique, les décors absidaux conservés en Cappadoce reflètent vraisemblablement les réflexions théologiques et l’iconographie d’un grand centre (Césarée?). Conservant une iconographie rare, ils ont surtout l’intérêt de suggérer une interprétation nouvelle du rapport entre le canon 82 et l’iconographie.

Abréviations bibliographiques: BZ CahArch DOP FrühMitAltSt

34

Byzantinische Zeitschrift Cahiers Archéologiques Dumbarton Oaks Papers Frühmittelalterliche Studien

Cf. supra, note 10.

XIV

Culte et iconographie de l’archange Michel dans l’Orient byzantin: le témoignage de quelques monuments de Cappadoce

M

ALGRÉ la réticence de l’Église officielle, qui a d’abord tenté d’endiguer le développement d’un culte suspect de tendances schismatiques et idolâtriques, la dévotion portée aux anges a connu dans l’Empire byzantin un essor précoce et a touché rapidement toutes les couches de la société1. Se greffant sur un très ancien culte des anges, combinant des éléments bibliques, judaïques, païens et gnostiques, le culte de l’archange Michel 2, “gardien d’Israël” (Daniel 10, 13, 20 et 12, 1), chef des anges et adversaire triomphant de Satan (Apocalypse 12, 7–12), apparaît avant le IV e siècle en Phrygie et est attesté dès les IV e–V e siècles dans d’autres régions d’Asie

Il recevra à la fin du VIIIe s. une caution officielle: l’Horos final du concile de Nicée II (787) légitimant l’existence des images cite, immédiatement après celles du Christ et de la Vierge, celles des anges: J. D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio Xlll, Graz 1902 (repr. 1960), col. 3770. La vénération des images des saints anges est réaffirmée par le concile de 869 (Mansi, op. cit. XVI, col. 400 D). 2 Voir J. P. Rohland, Der Erzengel Michael, Arzt und Feldherr. Zwei Aspekte des vor- und frühbyzantinischen Michaelskulte, Leyden 1977, le compte rendu critique de cet ouvrage par M. de Waha, L’archange saint Michel, Byzantion 48 (1978), 324–326 et les mises au point plus récentes de V. Saxer, Jalons pour servir à l’histoire du culte de l’archange Michel en Orient jusqu’à l’iconoclasme, Noscere Sancta. Miscellanea in memoria di Agostino Amore I. Storia della Chiesa, Archeologia, Arte, Rome 1985, 357–426 et B. Martin-Hisard, Le culte de l'archange Michel dans l’empire byzantin (VIIIe–XIe siècles), Culto e insediamenti micaelici nell’Italia Meridionale fra tarda Antichità e Medioevo. Atti del Convegno Internazionale Monte Sant’Angelo 18–21 Nov. 1992, éd. C. Carletti/ G. Otranto, Bari 1994, 351–373. 1

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Mineure3, à Constantinople4, en Syrie5 et en Égypte6. La Cappadoce ne fit sûrement pas exception et si les témoignages textuels précis font défaut, les monuments conservés en grand nombre — parce que rupestres — montrent l’importance des archanges, de Michel en particulier, dans la décoration des églises et, partant, dans la dévotion locale7. Ils apparaissent majoritairement — surtout, mais pas uniquement dans les décors d’absides — dans leur rôle d’escorte céleste et d’adorateurs perpétuels du Christ ou de la Vierge; il s’agit alors le plus souvent de Michel et Gabriel, accompagnés parfois de Raphaël et d’Ouriel, voire d’archanges moins célèbres8. On les représente ensuite, 3 Outre le témoignage souvent cité de Théodoret de Cyr, Interpretatio Epist. ad Coloss. 2, 18; 3, 17 (PG 82, col. 613, 620), signalons pour le VIe s. et pour la Carie, la peinture murale, récemment découverte dans le théâtre d’Aphrodisias, représentant l’archange Michel: R. Cormack, The Wall-Painting of St. Michael in the Theatre, Aphrodisias Papers 2, éd. R.R.R. Smith / K. T. Erim, Ann Arbor, Mi., 1991, 109–122. 4 Sur le culte de Michel dans la ville et la banlieue de Constantinople: Saxer, Jalons, art. cit. n. 2, 402–415. Sur le Michaelion d’Anaplous, attribué par Sozomène à Constantin, et son concurrent du Sôsthénion: R. Janin, La géographie ecclésiastique de l’Empire byzantin. Ire partie; Le siège de Constantinople et le patriarcat œcuménique t. III. Les églises et les monastères, Paris 1969, 338–340, 346–350. 5 P. Canivet, Le Michaelion de Huarte (V e s.) et le culte syrien des anges, Byzantion 50 (1980), 85–117, 6 Saxer, Jalons, art. cit. n, 2, 371–382. Sur le temple de Saturne, à Alexandrie, converti au culte chrétien et placé sous le vocable de Michel: H. Leclerq, Dictionnaire d’Archéologie Chrétienne et de Liturgie I, Paris 1924, 1 107–1 108, s. v. Alexandrie, U. Zanetti, Fêtes des anges dans les calendriers et synaxaires orientaux, Culto e insediamenti micaelici (op. cit., n. 2), 326. Rappelons le passage souvent cité du Traité de la Trinité II, 8, de Didyme l'Aveugle écrit avant 398 (PG 39, 589, trad. Saxer, Jalons, art. cit. n. 2, 371): “C'est pourquoi, outre les églises, il y a aussi des oratoires qui portent votre nom, ô paire d'archanges pleins de grâce. Mais ces édifices sont élevés à Dieu, non seulement dans les villes, mais à titre privé jusque dans les campagnes, les maisons et les champs. Ils sont ornés d’or et d’argent, et même d’ivoire. On y vient non seulement du lieu même où ils se trouvent, mais encore de loin”. 7 Outre le monastère situé au sud de Cemil, dédié à l'archange Michel, et l’église dite de Nicéphore Phocas à Çavuşin, dont il sera question plus loin, un important monastère de Göreme — celui auquel était rattachée l’église de Tokalı — était dédié aux «Incorporels célestes»: G. de Jerphanion Une nouvelle province de l’art byzantin, les églises rupestres de Cappadoce, Paris 1925–1942, I, 305–300, le rôle de l’archange Michel dans trois églises de Cappadoce a fait l’objet d’une note de L. Jones, A Reinterpretation of the Role of the Archangel Michael in Three Cappadocian Rock-Cut Churches, Byzantine Studies Conferences 15 (1989), 8–9. 8 Pour la place des archanges dans les décors d’absides, voir C. Jolivet-Lévy, Les églises byzantines de Cappadoce. Le programme iconographique de l’abside et de ses abords, Paris 1991, Index iconographique, s.v. Anges/archanges, Gabriel, Michel, Raphaël. Pour le décor des coupoles, voir infra les exemple de Karanlık et Elmalı kilise, à Göreme.

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dans une moindre mesure, dans leur fonction de gardiens (de l’entrée de l’église ou de celle du sanctuaire) et, plus rarement, en panneaux isolés, icônes monumentales peintes sur une paroi de l’église (avec ou sans portraits de donateurs) ou dans la conque d’une abside latérale9. L’examen de la documentation cappadocienne met aussi en évidence la prééminence — comme dans tout l’Orient byzantin et comme en Occident — de l’archange Michel10: par le nombre des images, leur emplacement et certaines particularités de l’iconographie, il surpasse en popularité tous les autres archanges. C’est donc à l’archange Michel, à certaines de ses représentations et à quelques aspects de son culte en Cappadoce byzantine que nous allons nous intéresser. J’illustrerai d’abord, à partir de deux monuments, deux facettes de la dévotion portée à l’archange Michel, celle qui fait appel à son pouvoir de guérisseur et celle qui reconnaît en l’archistratège des armées célestes un modèle et un protecteur pour tout chef de guerre et pour l’empereur en particulier11. Dans un second temps, nous verrons à travers quelques autres exemples, que le culte voué à l’archange Michel n’a souvent pas dissocié ces deux fonctions principales et qu’il ne s’y est pas non plus limité: Michel a été honoré comme un saint, bien qu’il n’en soit pas un, invoqué comme un intercesseur, un thaumaturge et un protecteur efficace en toutes les circonstances de la vie quotidienne et au moment de la mort. L’activité de guérisseur de Michel12 a été souvent associée à des sources sacrées et curatives. Tel était le cas à Pythia, en Bithynie, où Justinien

9 Pour les images d’archanges dans les églises décrites par Jerphanion, op. cit. n. 7, II, 495–496 (Index, s.v. Archanges et anges). Les monuments découverts depuis ont considérablement enrichi cet inventaire. 10 Janin, Geographie ecclésiastique (op. cit. n. 4), 337–350 a répertorié vingt-quatre églises consacrées à Michel à Constantinople et dans sa banlieue, pour cinq à l’archange Gabriel (ibid., 66). Le rôle prééminent de Michel est déjà souligné par la littérature juive et chrétienne des premiers siècles: J. Bonsirven, Le judaïsme palestinien au temps de Jésus Christ, Paris 1950, 42, E. Testa, L’angelologio dei Giudeo-Cristiani, Liber Annuus 33, 1983, 274. 11 Double aspect étudié par Rohland, Erzengel, op. cit. n. 2, auquel pourtant le culte de Michel ne se limite pas, comme l’a, à juste titre, souligné B. Martin-Hisard, Le culte de l’archange Michel, art. cit. n. 2. 12 Le rôle de guérisseur de Michel n’est mentionné ni dans l’Ancien, ni dans le Nouveau Testament; d’origine antique et juive, il apparaît dans les apocryphes de l’Ancien Testament: l’Hénoch éthiopien (IIIe s. av. JC), la Vita Adae et Evae, l’Apocalypse de Moïse (Ie s. av. JC.); les légendes de l’Égypte copte (IV e–VIIe s.) exaltent surtout ce rôle de Michel. L’Église primitive, en revanche, se serait montrée d’abord réticente envers un culte qui faisait ombrage au

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agrandit une église de Michel construite sur l’emplacement d’un temple d’Apollon célèbre pour sa source chaude13, en Galatie, à Germia14, où fut guéri le consul Stoudios, en Phrygie, à Nakolée15 et Chônai, célèbre centre de pèlerinage16, peut-être aussi en Isaurie, à Alahan Manastir, où la dédicace à l’archange n’est cependant pas certaine17. En Cappadoce, au sud du village de Cemil18, un monastère rupestre, encore fréquenté par les Grecs au début du siècle et qui a conservé jusqu’à nos jours son nom de Monastère de l’Archangélos19, témoigne de cette association du culte de Michel, guérisseur et thaumaturge, avec une source sacrée (Fig. 1). Ce complexe rupestre, installé dans la large vallée de Damsa, facilement accessible, est sans doute l’un des plus anciens monastères conservés en Cappadoce. La source sainte thaumaturge et guérisseur par excellence, le Christ; mais, dès le Ve siècle, le rôle de médecin de Michel est parfaitement attesté et à Constantinople même, comme le prouve le passage de Sozomène sur le Michaelion d’Anaplous où était pratiquée l’incubation. 13 Procope, Aed., V, 3, 16–22: Procopii Caesariensis Opera Omnia, éd. J. Haury, vol IV. Περὶ κτισµάτων Libri VI, Bibl. Teubneriana, Leipzig 1964, 156. 14 C. Mango, The Date of the Studius Basilica at Istanbul, Byzantine and Modern Greek Studies 4 ( 1978), 115–122; Id, The Pilgrimage Centre of St Michael at Germia, Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 36 (1986), 117–132; K. Belke/M. Restle, Galatien und Lykaonien [Tabula Imperii Byzantini 4], Vienne 1984, 166–168. 15 L’existence à Nakolée d’un sanctuaire dédié à Michel, mise en doute par K. Belke/ N. Mersich. Phrygien und Pisidien [Tabula Imperii Byzantini 7], Vienne 1990, 345, paraît confirmée par un miracle que rapporte le diacre de Sainte-Sophie Pantoléon: Martin-Hisard, Le culte de l’archange Michel, art. cit. n. 2, 369, n. 94. 16 Belke/Mersich, Phrygien, 222–225. 17 Elle a été proposée par C. Mango, Germia: A Postscript, Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 41 (1991), 298–300, et mise en doute par H. Hellenkemper, Early Church Architecture in Southern Asia Minor, ‘Churches built in Ancient Times’, Recent Studies in Early Christian Archaeology, éd. K. Painter, Londres 1994, 221. Une semblable dédicace pourrait être également envisagée pour le complexe rupestre de Midye, en Thrace, doté d’un hagiasma dont la coupole était décorée d’une image d’ange (S. Eyice / N. Thierry, Le monastère et la source sainte de Midye, en Thrace turque, Cahiers archéologiques 20, 1970, 47–70). 18 Situé à une douzaine de kilomètres au sud d’Ürgüp (Hagios Prokopios): F. Hild / M. Restle, Kappodokien (Koppadokia, Charsianon, Sebasteia und Lykandos) [Tabula Imperii Byzantini 2], Vienne 1981, 162 19 En attendant les résultats de l’étude en cours, en collaboration avec Nicole Lemaigre Demesnil, voir Jerphanion, op. cit. n. 7, I, 32, 46, 48, 598, II, 128–155 (description la plus complète à ce jour, bien que lacunaire et parfois erronée); L. Rodley, Cave Monasteries of Byzantine Cappodocia, Cambridge/Londres/New York 1985, 157–160 se limite à une presentation succincte de ce complexe, d’après Jerphanion, N. Thierry a étudié l’une des églises du site, Hagios Stéphanos: N. Thierry, Haut Moyen Age en Cappadoce. Les églises de la région de Çavuşin, t. I, Paris 1983, 1–33.

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(hagiasma) est située à proximité immédiate de l’église principale, dans une grotte souterraine relativement vaste (Fig. 2). Bien que l’aménagement actuel — un bassin rectangulaire surmonté d’une sorte de ciborium à coupole — soit moderne (XIXe siècle), l’hagiasma est manifestement primitif et il est vraisemblablement à l’origine du développement du monastère. Il n’est d’ailleurs pas exclu que la renommée de cette source sacrée soit préchrétienne, car sur le site sont conservés quelques tombeaux rupestres d’époque romaine20. La dédicace du monastère à l’archange Michel, conservée jusqu’à nos jours, est confirmée par le décor peint conservé, en piètre état, dans le narthex de l’église principale: à une image colossale — moderne, elle est probablement contemporaine de l’aménagement de l’hagiasma — de l’archange Michel, face à l’entrée, était associé un cycle angélique, qui n’avait pas été jusqu’à présent reconnu et dont la date, compte tenu de l’état de conservation des peintures, reste difficile à préciser. Nous l’attribuons provisoirement au XIIIe siècle, tout en pensant que la consécration à l’archange dont il témoigne est plus ancienne. La relative ampleur des installations du monastère, la longue durée de son histoire, prouvent à la fois la popularité du lieu, liée à la présence de l’hagiasma, et la pérennité du culte de l’archange Michel dans la région. L’excavation soigneuse de l’église primitive, qui correspond au vaisseau sud du sanctuaire actuel de l’Archangélos, la présence à la base de la voûte en berceau d’une corniche à triple ressaut, ornée d’une frise de modillons, l’élévation de la paroi orientale (arc absidal légèrement outrepassé, piédroits massifs aux impostes moulurées) orientent vers une datation haute21. L’ancienneté du complexe et sa fréquentation assidue par des pèlerins sont confirmées par l’examen du réfectoire double qui lui est associé22 (Fig. 3). Celui-ci dépasse par sa capacité tous ceux que l’on connaît en Cappadoce, importance qui ne reflète pas le nombre de moines vivant au monastère, mais celui des fidèles

20 L’église funéraire de ce complexe — appelée aujourd’hui Hagios Stéphanos — semble avoir été creusée à partir d’un tombeau romain, dont subsistent deux petites figures grossièrement sculptées en façade; deux autres tombeaux, à l'arrière du site, ont conservé leur banquette périphérique en U. 21 Protobyzantine selon N. Lemaigre Demesnil, à qui nous devons ces précisions. 22 Le réfectoire (L. 20 m; l. 5 à 6 m; h, 2, 30 m de hauteur) est divisé en deux nefs à plafond par une série d'arcades inégales portées par neuf piliers; il comportait deux tables parallèles, aujourd’hui fort érodées, et deux niches-trônes aménagées à l’extrémité nord, la table de gauche, la mieux conservée, présentait trois sections de hauteurs différentes, correspondant peut-être à des catégories différentes de fidèles.

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venant y chercher guérison ou autre bienfait. L’ancienneté de ce réfectoire est attestée par son érosion très avancée et par son décor architectonique (type des moulures). Excavées dans les cônes environnants, de grandes salles — un possible dortoir, des pièces pouvant servir à l’accueil de malades ou de pèlerins — quelques cellules, une église funéraire23 étaient associées au noyau primitif que constituaient l’hagiasma, l’église voisine et le réfectoire. Le monastère a connu ensuite des agrandissements successifs, qui sont probablement à mettre en relation avec l’afflux croissant des visiteurs. On constate ainsi que son orientation semble avoir changé au cours du XIe siècle, comme si les moines avaient voulu se retirer un peu à l’écart, en un lieu plus calme: plusieurs salles, dont certaines signalées par une façade décorée d’arcatures aveugles, et des cellules sont excavées à l’arrière du cône de l’église funéraire, tournant le dos à l’hagiasma, au réfectoire et à l’église principale, qui sont sur le côté sud du site. À la même époque, semble-t-il, l’église a été agrandie par l’excavation d’une chapelle nord, parallèle à la première, et d’un narthex allongé, en avant des deux nefs. La chronologie des aménagements postérieurs reste, à l’heure actuelle, difficile à établir24: élargissement des ouvertures mettant en communication le narthex et les nefs, creusement entre les deux vaisseaux, vers l’est, d’un haut tambour conique mordant de façon disgracieuse sur les deux berceaux. On a supposé que celui-ci était destiné à assurer une meilleure aération des lieux, rendue nécessaire par le nombre des fidèles. Une autre explication peut être avancée: la volonté de mettre en communication l’église et la cellule — réservée sans doute à un membre éminent du monastère (higoumène ou ascète réputé) — creusée au-dessus; l’accès de celle-ci était défendu par une meule de pierre et un orifice, dans le sol, ouvre juste au niveau du tambour de l’église. Plutôt que la conséquence d’un “accident” (l’effondrement du sol), cet orifice nous paraît voulu. La hauteur anormale du tambour et l’existence — en Cappadoce comme en Palestine, à Chypre ou à Constantinople25 — de 23 Appelée aujourd’hui Hagios Stéphanos, elle était peut-être dédiée à saint Jean-Baptiste; son excavation est nettement moins soignée que celle de l’église principale et sa décoration architectonique plus pauvre. 24 Le nettoyage des peintures, qui n’est malheureusement pas à l’ordre du jour, permettrait sans doute de la préciser. 25 En Cappadoce, nous avons trouvé ce type d’aménagement dans les vallées de Çat, d’Erdemli et près de Bahçeli. En Palestine, on peut citer, d'après Cyrille de Scythopolis, le cénobion de Théoctiste et la laure de saint Sabas (M. Joly, Les fondations d’Euthyme et de Sabas. Texte et Archéologie, Les saints et leur sanctuaire à Byzance. Textes, images et monuments

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dispositifs comparables, mettant en communication une pièce (une cellule le plus souvent) et une église, nous font plutôt penser à un aménagement intentionnel, rendu nécessaire peut-être par la fréquentation croissante du sanctuaire. Enfin, à une époque indéterminée, l’espace disponible a été encore agrandi en ouvrant le narthex à l’ouest sur une salle irrégulière, sans décor26. Les peintures qui couvraient entièrement murs et voûtes de l’église principale se rattachent à différentes phases et composent un programme iconographique complexe. Nous n’envisagerons ici qu’une petite partie de ce décor: le cycle peint (au XIIIe siècle?) dans le narthex commun aux deux nefs (y compris dans la partie sud de l’arc ouvrant sur la nef sud) et dédié à l’“ange du Seigneur,” explicitement identifié à Michel dans certaines scènes27 (Fig. 4). Une peinture moderne de l’archange Michel terrassant Satan s’inscrit sous une profonde arcature occupant toute la largeur du mur nord du narthex, face à l’entrée28; comparable par son iconographie à une icône sculptée du XIXe siècle récemment acquise par le Musée d’Ürgüp, elle date

[Byzantina Sorbonensia, 11], Paris 1993, 52–53) ou encore le témoignage de Jean Moschus sur un moine qui pouvait voir à l’intérieur de l’église depuis la fenêtre de sa cellule (Jean Moschus, Le Pré Spirituel, éd. M. J. Rouet de Journel [Sources chrétiennes, 12], Paris 1946, 149–150), à Chypre, l'ermitage de Néophyte, près de Paphos (C. Mango/ E. Hawkins, The Hermitage of St. Neophytos and its Wall-Paintings, Dumbarton Oaks Papers 20, 1966, 133–134), à Constantinople, Gül Camii (H. Schäfer, Die Gül Camii in Istanbul. Ein Beitrag zur mittelbyzantinischen Kirchenarchitektur Konstantinopels [Istanbuler Mitteilungen, Beiheft 7], Tübingen 1973, 29–30) et Kariye Camii (R. G. Ousterhout, The Architecture of the Kariye Camii in Istanbul [Dumbarton Oaks Studies, 25], Washington 1987, 54, 115–116). 26 Son excavation est ancienne, car elle donne au fond sur un réduit défendu par une meule de pierre. Aucun élément ne permet de préciser la fonction de cette grande salle occidentale: a-t-elle pu servir à la pratique de l’incubation? 27 Sur l'iconographie des cycles des archanges: S. Koukiarès, Τὰ θαύµατα ἐµφανίσεις τῶν ἀγγέλων καὶ ἀρχαγγέλων στὴν Βυζαντινὴ τέχνη τῶν Βαλκανίων Athènes 1989; S. Gabelić, Cycles of the Archangels in Byzantine Art, Belgrade 1991 (en serbe, avec rés, angl.). 28 L’entrée du narthex est en effet latérale, sur le petit côté sud. L’ensemble constitué par une grande image de l’archange entouré de scènes narratives à plus petite échelle n’est pas sans rappeler le décor de la chapelle de l’archange Michel à Sainte-Sophie de Kiev, où l’“icône” de Michel décore la conque de l’abside, entourée de scènes narratives (G. Babić , Les chapelles annexes des églises byzantines. Fonction liturgique et programmes iconographiques, Paris 1969, 107) ou encore les icônes portatives plus tardives, composées sur le modèle des icônes hagiographiques (“portrait” au centre, petites scènes tout autour), comme celle de la cathédrale de l'archange Michel au Kremlin de Moscou (vers 1399): E. Smirnova, Moscow Icons, I4th –17th, Leningrad 1989, pl. 68.

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probablement de la même époque, mais occupe sûrement l’emplacement d’une image plus ancienne. Le narthex étant entièrement peint, cette paroi, la plus en vue quand on pénètre dans l’église, avait en effet dû recevoir, dans le programme primitif, une représentation d’une importance particulière; la dédicace du monastère à l’archange Michel et la présence dans le narthex d’un cycle peint à lui consacré plaident en faveur de la restitution d’une représentation de Michel à cet endroit. Par ailleurs, l’image de l’archange triomphant de Satan fait partie des cycles monumentaux dédiés aux archanges, qui apparaissent à partir du XIe siècle, et elle manque rarement dans les cycles développés29. La répresentation byzantine devait être caractérisée, comme la peinture moderne, par l’échelle colossale adoptée pour exalter l’archange, comme on le voit d’ailleurs dans plusieurs décors cappadociens, à Saint-Jean de Güllü dere, dans l’église de Nicéphore Phocas à Çavuşin, à Göreme 4c ou dans l’église dite du Pantocrator, à Ortahisar, dont le décor attribué au XIIIe siècle pourrait être contemporain des peintures de l’Archangélos30. Cette taille colossale correspond à l’épithète de “grands” ou “très grands” qui désigne souvent les archanges dans les hymnes liturgiques comme dans les inscriptions — d’identification ou dédicatoires31. Les récits de vision attribuent de même à l’archange Michel une taille surhumaine; Psellos décrit ainsi une apparition de Michel, tel un géant illuminé de rayons et ressemblant à l’icône de l’archange32. Dans notre église, la composition, en bonne place et à grande échelle, du triomphe de Michel sur le Mal résumait le contenu du cycle de ses 29 L’iconographie est plus ancienne, comme en témoigne la miniature se rapportant à la fête du 8 novembre dans le Ménologe de Basile II (fin Xe s.): II Menologio di Basilio II, cod. Vatic. gr. 1613, Turin 1907, Pl. 168; le plus ancien exemple attesté dans le cadre des cycles dédiés aux archanges dans les églises est celui de Sainte-Sophie de Kiev (1001–1067), suivi par ceux du Monte Gargano (1076), de Mirož (v. 1156), Souzdal (v. 1230), Lesnovo (1346–47), etc.; cf. Gabelić, Cycles (op. cit. n. 27), 50–54; voir aussi Koukiarès, op. cit. n. 27, 154–156. 30 Pour ces exemples: Jolivet-Lévy, Églises (op. cit. n. 8), 37, 16, 91, 198. 31 En Cappadoce, à Saint-Jean de Güllü dere, Michel et Gabriel, nettement plus grands que les figures voisines, sont ainsi qualifiés de µέγας: Thierry, Haut Moyen Age (op. cit. n. 19),155. Pour d'autres exemples: A. K. Orlandos, Δύο βυζαντινὰ µνηµεῖα τῆς Δυτικῆς Κρήτης, Ἀρχεῖον τῶν Βυζαντινῶν Μνηµείων τῆς Ἑλλάδος 8 (1955–56), 202, n. 2 (archanges représentés à grande échelle), 203, n. 1 (appellation “grand” ou “très grand” appliquée à Michel ou Gabriel). 32 Martin-Hisard, Le culte de l’archange Michel (art. cit. n. 2), 359, n, 44. Voir aussi la Vie de Théodore de Sykêon, éd. A. J. Festugière, Bruxelles 1970 [Subsidia Hagiographica 48], t. II, § 39, où Michel apparaît comme “un jeune homme de très grande taille, pareil de figure aux anges . . . mais l'emportant grandement sur eux en gloire”.

1. Le monastère de l’Archangélos, près de Cemil, hagiasma, église principale, réfectoire.

2. Monastère de l’Archangélos, l’hagiasma. 3. Monastère de l’Archangélos, le réfectoire (Cl. G. de Jerphanion).

4. L’église principale du monastère de l’Archangélos, partie est du narthex, ouvrant sur les deux nefs.

5. Habacuc transporté auprès du prophète Daniel.

6. Le miracle du Paralytique de Béthesda.

7. Çavuşin, église du Grand Pigeonnier: narthex (écroulé) et entrée de l’église.

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apparitions et miracles, développé dans le narthex, sur les côtés ouest et est. En l’état actuel de conservation du monument, six scènes sont reconnaissables, ce qui, si l’on restitue au fond du narthex la chute de Satan, porte à sept compositions — auxquelles on peut ajouter au moins une scène non identifiable — l’étendue du cycle. Quatre épisodes sont inspirés par l’Ancien Testament: l’Hospitalité d’Abraham, la Lutte de Jacob avec l’ange, l’Apparition de l’archange à Josué devant Jéricho, l’Ange amenant Habacuc à Daniel dans la fosse aux lions. Une scène est néo-testamentaire: la Guérison du Paralytique à la piscine de Béthesda. Une enfin, apocryphe, se rapporte au fameux miracle opéré à Chônai. Ainsi constitué, notre cycle, que complétait au moins une autre scène, se classe dans la catégorie des cycles développés distinguée par S. Gabelić, surtout fréquents à partir du XIIIe siècle33. Sa composition confirme la volonté d’exalter particulièrement Michel et non les archanges en général ou Michel et Gabriel: en dehors de la présence de scènes qui lui sont propres (Béthesda34/ Chute de Satan / Miracle de Chônai), les scènes de l’Ancien Testament représentées — en tout cas la Lutte de Jacob, l’Apparition à Josué et Daniel dans la fosse aux lions — ont été mises en relation avec Michel, auquel a été identifié l’“ange du Seigneur” du texte biblique. Plusieurs textes ont contribué à diffuser les miracles attribués aux archanges et à Michel en particulier35; le principal, encore inédit dans sa version grecque, est l’homélie de Pantoléon (Pantaléon), diacre et archiviste de Sainte-Sophie de Constantinople, consacrée aux “très grands miracles de l’archistratège Michel” et prononcée pour la fête du 8 novembre, entre 843 et 86736. Ce récit, qui connut une large et immédiate audience, comme en témoigne la tradition manuscrite, n’a peut-être pas inspiré directement les iconographes — aucun n’illustre fidèlement le récit de Pantoléon — mais son succès et le développement, vers la même époque, des cycles 33 Les plus anciens seraient, au XIe s., ceux de Sainte Sophie de Kiev et de la porte de bronze du Monte Gargano, d’origine constantinopolitaine, 1076 (Gabelić , Cycles, op cit. n. 27, 36, 38). 34 La Guérison du paralytique de Béthesda, unique scène néo-testamentaire apparemment associée à ce cycle, est aussi la seule du Nouveau Testament où l’intervention d’un ange ait été mise en relation avec Michel, toutes les autres scènes se référant à Gabriel. 35 Les sources sont présentées par Gabelić et Koukiarès dans les ouvrages cités n. 27; voir aussi Martin-Hisard, Le culte de l'archange Michel, art. cit. n. 2. 36 F. Halkin, Bibliotheca Hagiographica graeca, Bruxelles 1957, 1285–1288; cf. MartinHisard, Le culte de l’archange Michel (art. cit. n. 2), 367–372.

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iconographiques37 attestent l’essor contemporain du culte de l’archange Michel. La scène de l’Hospitalité d’Abraham (Genèse 18, 1–16), peinte à l’entrée du narthex, près de la porte, du côté est, est presque méconnaissable, mais deux des trois anges partiellement conservés (celui de gauche légèrement tourné vers la droite, la main bénissant devant le buste, celui du centre désigné comme le Christ), ainsi que l’inscription fragmentaire — ἡ ἁγήα [Τριάς], “la sainte Trinité” — rendent sa restitution très plausible. L’apparition des trois anges à Abraham est mentionnée parmi les miracles de Michel, en particulier par Pantoléon, et la scène fait partie des cycles du Monte Gargano, de Mirož, Suzdal, Ivanovo, etc.38. À gauche de l’Hospitalité d’Abraham, sous le miracle de Béthesda, une autre composition, dont il ne reste qu’un ange à gauche, tourné vers la droite, se rattachait vraisemblablement au même cycle; le contexte où apparaît cette image, et le peu qu’il en reste, conviendraient pour la représentation d’Adam et Ève chassés du Paradis, que l’on trouve au Monte Gargano, à Mirož et à Suzdal39, mais c’est là pure hypothèse. La Lutte de Jacob avec l’ange (Genèse 32, 21–28), au registre inférieur de la voûte du narthex, du côté est, bien que très noircie par la suie et la poussière qui la recouvrent, est assez bien conservée. G. de Jerphanion l’avait reconnue — sans noter son appartenance à un cycle — et rapidement décrite. Il avait aussi relevé le titre: ἡ παλέστρα τοῦ Ἠακώβ, “la lutte de Jacob” 40, mais non l’appellation de l’ange, anonyme dans le récit biblique et identifié ici à l’archange Michel: ὁ ἀρχ(άγγελος) Μη(χάηλ). Conforme à la diègèsis de Pantoléon, cette identification reste rare sur les images, bien que l’épisode soit couramment intégré aux cycles consacrés à Michel41. La scène peinte en face, du côté ouest, a entièrement disparu aujourd’hui; Jerphanion avait reconnu une composition réunissant deux épisodes de la vie de Josué: le miracle du soleil arrêté dans sa course à Gabaon (Josué 10, 12–14) et l’apparition de l’archistratège des armées célestes à Josué devant Jéricho (Josué 5,13–15). Si la combinaison des deux épisodes n’est attestée La date d’apparition des cycles consacrés aux anges reste incertaine: Koukiarès la situe peu avant l’iconoclasme, Gabelić , avec plus de vraisemblance, après l’iconoclasme. 38 Cf. Gabelić, Cycles (op. cit., n. 27), 62–65; Koukiarès (op. cit., n. 27), 106–110, mentionne quelques autres exemples. 39 Gabelić , Cycles (op. cit., n. 27), 58–60; Koukiarès (op. cit., n. 27), 101–103. 40 Jerphanion, op. cit. n. 7, 11, 133. Remarquant la ligature réunissant les trois lettres στρ, il comparait l’épigraphie à des inscriptions de la fin du XIIIe siècle. 41 Gabelić, Cycles (op. cit., n. 27), 69–70; Koukiarès (op. cit., n. 27), 121–122. 37

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que dans quelques cycles consacrés à l’archange42, l’apparition à Josué devant Jéricho est en revanche rarement omise43 et l’archistratège céleste y est couramment identifié, dans les textes comme sur les images, à l’archange Michel. L’image d’Habacuc transporté par un ange auprès du prophète Daniel dans la fosse aux lions pour lui apporter sa nourriture (Dan. 14, 31–37) est peinte au registre inférieur de la voûte du narthex, au-dessus de l’arcade centrale, du côté ouest, sous le Voyage à Bethléem (Fig. 5). En raison de ce rapprochement, Jerphanion identifiait la scène au Songe de Joseph (avec apparition de l’ange)44, tout en remarquant — et pour cause — le schéma inhabituel de la composition. Bien que sombre, la peinture est lisible. Habacuc, nommé45, est bien conservé: vêtu à l’antique, il est tourné vers la gauche, la jambe droite pliée, la gauche étendue vers l’arrière, dans une attitude de déséquilibre qui évoque la course, et il tient à deux mains devant lui une large coupe, enveloppée d’un tissu rouge. Derrière, vole l’ange, dont la tête a disparu, qui paraît le pousser vers l’avant, une main posée sur son épaule, l’autre sur sa jambe. À gauche, subsiste un fragment de l’un des lions accompagnant l’image disparue de Daniel. L’épisode, couramment intégré aux récits dédiés aux archanges46, fait partie des cycles iconographiques dès le XIe siècle et Pantoléon identifie l’ange qui assiste Daniel dans la fosse aux lions à Michel. À ce cycle vétérotestamentaire s’ajoute la Guérison du paralytique à la piscine de Béthesda, à Jérusalem, miracle rapporté par Jean 5, 2–15, située à l’intrados de l’arc (versant sud) séparant le narthex de la nef sud, près de l’entrée de l’église47 (Fig. 6). Le récit de Pantoléon, comme les Au XIV e siècle, à Kouneni, Kavalariana et Sarakina, par exemple: Gabelić , Cycles (op. cit., n. 27), 75. 43 Gabelić, Cycles (op. cit. n. 27), 73–82; Koukiarès (op. cit. n. 27), 126–131. Le succès de cette image s’explique, comme le note Koukiarès (ibid., 129), par le fait que l'épisode est commémoré le premier jour de l’année liturgique (1er septembre) et qu'il s'agit, de plus, de la première péricope lue le soir de la fête de la Synaxe des Incorporels. 44 Jerphanion, op. cit. n. 7, II, 136; erreur répétée par Rodley, Cave Monasteries, op. cit. n. 19, 159. 45 On distingue quelques lettres de l’inscription le nommant, qu’un nettoyage permettrait de restituer en entier: [Α]νβ[ακού]µ. 46 Gabelić, Cycles (op. cit. n. 27), 88–89; Koukiarès, (op. cit. n. 27), 143–144. 47 Étant donné le symbolisme baptismal de la scène (P. A. Underwood, Some Problems in Programs and Iconography of Ministry Cycles, The Kariye Djami, 4, Studies in the Art of the Kariye Djami, Princeton, N.J., 1975, 258–262) et son emplacement près de l’entrée, on 42

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sermons, encomia et hymnes identifient à Michel l’ange du Seigneur qui fait bouillonner l’eau de la piscine probatique48. À peu près au centre de la composition se trouve le bassin polylobé (κολυµβήθρα), au-dessus duquel arrive en volant à travers le ciel un ange, désigné simplement ici comme l’“ange du Seigneur”; il tient dans la main droite le long bâton avec lequel il agite l’eau. Le Christ, suivi d’un disciple jeune, est à gauche devant une architecture49, parlant avec le paralytique, qui porte son grabat sur le dos. Dans la partie droite, six autres malades assistent au miracle; au premier plan, dans l’angle inférieur droit de la scène, l’un est couché sur une sorte de matelas rouge, dans une attitude lasse, la tête appuyée sur la main, l’expression douloureuse; au-dessus de lui est assis un autre malade, la main droite tendue, vers l’avant, et derrière se pressent, serrés contre le cadre, quatre autres personnages50. La formule iconographique suivie, est, en accord avec le contexte où apparaît ici la scène, marquée par deux caractéristiques: la présence de l’ange troublant les eaux de la piscine, élément qui n’est pas toujours illustré, et le groupe assez nombreux de malades assistant au miracle. Plusieurs légendes accompagnent l’image, dont la plus longue contient le dialogue du Christ et du malade, tel que le rapporte la liturgie du Dimanche du paralytique: “Seigneur, je n’ai personne pour me jeter dans la piscine, quand l’eau est agitée” (Jean 5, 7), “Pour toi je me suis incarné, pour toi je me suis revêtu de la chair et tu n’as personne, dis-tu?” 51.

peut se demander si une cuve mobile ne se trouvait pas primitivement dans cette partie de l’église. Le Baptême du Christ est d’ailleurs peint à proximité, à l’extrémité ouest de la nef sud (versant sud de la voûte). 48 Gabelić , Cycles (op. cit. n. 27), 95–98; Koukiarès, op. cit. n. 27, 150–151. La liturgie du Dimanche du paralytique donne une portée plus générale à l'intervention de l’archange: “Michel, archistratège du Seigneur, sois le guide des fidèles rassemblés dans ton saint temple pour la louange de Dieu et par la force de ton intercession, sois leur refuge contre toute adversité”, ou encore “Grand-prince des anges incorporels, archistratège des puissances du ciel, avec elles demande pour nous la rémission de nos péchés, la conversion de notre vie et la jouissance du bonheur éternel” (Pentécostaire, trad. P. D. Guillaume, Diaconie apostolique, Parme 1994, 163). 49 Qui évoque une église et non l’habituel portique à colonnes, 50 Sur l’iconographie de la scène: Underwood, Some Problems, art. cit. n. 47, 289–293, Th. Gouma-Peterson, Christ as Ministrant and the Priest as Ministrant of Christ in a Palaeologan Program of 1303, Dumbarton Oaks Papers 32 (1978), 206–207. 51 Πεντηκοστάριον, Athènes 1933, 73; Pentécostaire (op. cit. n. 48), 149.

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La dernière scène du cycle en l’honneur de l’archange Michel, que nous avons pu identifier, est le Miracle à Chônai52 peint sur le côté est du narthex, au-dessus du pilier qui sépare les deux nefs; très noircie, elle se distingue à grand peine53 (Fig. 4). La légende est bien connue: trois versions grecques54 relatent l’apparition de l’archange Michel et le miracle opéré par lui près du sanctuaire élevé en son honneur près de Colosses en Phrygie. L’église, où eut lieu le miracle, avait été construite, aux premiers temps du christianisme, près d’une source aux vertus curatives par un habitant de Laodicée, dont la fille avait été miraculeusement guérie, après que l’archange lui fut apparu et qu’il eut invoqué la Trinité et l’intercession de l’archistratège Michel. Le récit rapporte que, plus tard, le sanctuaire gardé par un pieux ermite (Archippe) devint à cause de son succès - les pèlerins affluaient en masse et les guérisons miraculeuses continuaient à manifester le pouvoir de l’archange — l’objet de la jalousie et de la fureur des païens des environs. Ceux-ci décidèrent de le faire disparaître, en détournant le cours de deux rivières afin qu’elles engloutissent l’église et les fidèles. Au moment où les flots se précipitaient vers l’église, à la prière d’Archippe, “Michel, l’archistratège des forces du Seigneur,” ainsi qu’il se présente, apparut “en grande gloire,” semblable à une colonne de feu, frappa le sol de son bâton, fendit le rocher où s’engouffrèrent les eaux, comme dans une gorge naturelle. Michel apparaît donc dans cette légende à la fois comme guérisseur et comme archistratège protégeant les Chrétiens contre leurs adversaires païens55. La renommée du sanctuaire de l’Archange à Chônai fut consacrée par l’insertion du récit du miracle dans les synaxaires; celui de Constantinople, le ménologe de Basile II et la métaphrase de Syméon Gabelić, Cycles (op. cit. n. 27), 108–111; S. Gabelić, The Iconography of the Miracle at Chonae. An Unusual Example from Cyprus, Zographe 20 (1989), 95–103. 53 Elle est trop indistincte pour en proposer même un schéma, mais sous la couche de suie qui la couvre, elle paraît — malgré la destruction des visages et les graffiti — en assez bon état. 54 BHG (op. cit. n. 30) 1282 (recension la plus ancienne, dite d’Archippe: M. Bonnet éd., Narratio de miraculo a Michaele Archangelo Chonis Patrato, Analecta Bollandiana 6, 1889, 289–307, F. Nau/J. Bousquet, Miracle de S. Michel à Colosses, Patrologie Orientale 4, 1907, 547–562), BHG 1283 (recension dite de Sisinnius: Acta Sanctorum Sept. VIII, 1762, 14–47), BHG 1284 (recension de Syméon Métaphraste: Bonnet, (op. cit. 308–316). Sur ce miracle: Saxer, Jalons, art. cit. n. 2, 384–391. 55 Ces deux aspects sont liés: la maladie est perçue comme l’œuvre du diable, adversaire que combat victorieusement Michel; les païens de Colosses, pétrifiés par l’archange, étaient également inspirés par le diable (cf. Rohland, Erzengel, op. cit., n. 2, 114). 52

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le commémorent le 6 septembre56. Une grande église, dont l’ampleur et la splendeur sont louées par Constantin VII Porphyrogénète et Zonaras, remplaça la chapelle primitive, mais elle fut ravagée en 1070 par les Turcs Seldjoukides et incendiée en 1189. Aux dires de Nicétas Chôniatès, le sanctuaire, rebâti, fut à nouveau détruit sur l’ordre de l’empereur Isaac Ange57. Le schéma de la scène, attestée à partir de la fin du Xe siècle58, était dans l’église de Cemil, conforme dans ses grandes lignes à la formule habituelle: l’archange Michel à gauche frappant de son long bâton le sol rocheux, Archippe à droite en témoin du miracle, devant la représentation de l’église de l’Archange, au milieu le torrent tombant verticalement. À ce noyau central de la composition s’ajoutait un élément non obligatoire, mais que l’on rencontre dès le XIe siècle: les païens, qui ont creusé le lit de la rivière pour en détourner le cours et qui seront pétrifiés par l’archange, sont figurés en deux groupes symétriques de petites figures nues59, rejetés ici hors du champ de l’image, en haut, à droite et à gauche. Le premier de chaque groupe tient à la main une pelle, ce qui nous a permis d’identifier sans hésitation les païens de la légende, là où jusqu’à présent on avait pensé à des figures rattachées à une composition du Jugement dernier, dont il n’y a pas trace dans le narthex. L’examen de l’ensemble du programme iconographique de cette partie de l’église, que Jerphanion jugeait, à tort me semble-t-il, “fort incohérent” 60, montre qu’avait été associée à la glorification de l’archange celle de la Vierge, association des cultes de Marie et de Michel, dont on a d’autres exemples61. 56 Date attestée depuis le VIIIe–IXe siècle; Joseph l’Hymnographe a écrit deux canons pour cette fête: Koukiarès, op. cit. n. 27, 21; cf. H. Delehaye éd., Synaxarium Ecclesiae Constantinopolitanae, Bruxelles 1902. 19; BHG (op. cit. n. 36) 1284; PG. 117, 33. 57 Sur l’histoire du sanctuaire: Gabelić, The Iconography of the Miracle (art. cit. n. 52), 95; Saxer, Jalons (art. cit. n. 2), 390–391. 58 Ménologe de Basile II: Il Menologio (op. cit. n. 29), Pl. 17. 59 Inspirés par le diable, les païens sont parfois représentés comme de petits démons nus (cf. Koukiarès, op. cit. n. 27, 86); aux Saints-Anargyres de Castoria, ils sont même ailés: A. Orlandos, Τὰ Βυζαντινὰ µνηµεῖα τῆς Καστορίας, Ἀρχεῖον τῶν Βυζαντινῶν Μνηµείων τῆς Ἑλλάδος 4 (1938), 49–50, fig. 32. 60 Jerphanion, op. cit. n. 7, II, 131. 61 Voir par exemple le décor d’une bague d’argent paléochrétienne trouvée à Achmim (A. Cutler, Under the Sign of the Deesis; On the Question of Representativeness in Medieval Art and Literature, Dumbarton Oaks Papers 4, 1987, 148, n. 29), le monastère de Sykéon (Vie de Théodore de Sykéon, op. cit. n. 32, § 40, 38–39; voir aussi infra, n. 66); la Vie de S. Lazare le Galésiote relate la mort d’un moine possédant près de son lit les icônes de la Vierge et de l’archange Michel: Cutler, ibid., 147; les images de la Vierge et de l’archange peuvent se

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Le cycle commence sur le versant oriental de la voûte, où se succèdent du nord au sud, les scènes suivantes (correctement identifiées par Jerphanion): Annonciation, Visitation, Présentation au temple, Entrée de la Vierge au temple (avec l’épisode de Marie nourrie au temple par un ange). En face, sur le versant ouest, j’ai pu identifier la Nativité à l’extrémité nord (où Jerphanion restituait une Adoration des Mages), scène précédée par le Voyage à Bethléem (et non la Fuite en Egypte), tandis que la Dormition, décrite par Jerphanion dans la partie sud, est totalement détruite. De ce côté de la voûte, un registre étroit est subordonné aux grandes compositions peintes dans la zone supérieure: là se trouvent l’épisode du transport d’Habaccuc et peut-être, à l’extrémité nord, une autre scène — actuellement illisible — appartenant au cycle angélique. Enfin, un cycle de l’Enfance de Marie pouvait être représenté, de ce même côté, au niveau des arcades: nous avons en effet reconnu, sous l’image d’Habacuc, Anne et Joachim, auxquels un ange annonce la naissance de Marie. Le cycle angélique de l’Archangélos, que le nettoyage des peintures permettrait de préciser, voire d’enrichir de nouvelles images, et de dater plus précisément, est, en l’état actuel de la recherche, unique en Cappadoce. Dans la plupart des cas, en effet, c’est à travers des “icônes” monumentales de l’archange, auxquelles peuvent être associés les portraits des donateurs, que s’exprime la dévotion portée à Michel. Vénéré pour sa fonction de guérisseur, Michel l’a été aussi pour son rôle d’archistratège, commandant des forces célestes qui assiste les armées byzantines dans les combats62, protège l’Empire, Constantinople et l’empereur. Protecteur d’Israël et intermédiaire entre Dieu et les hommes dans la Bible (Daniel 10, 13, 20 et 12, 1) et dans la tradition juive (Livre d’Hénoch), Michel est devenu le protecteur privilégié de l’Empire byzantin, identifié au royaume chrétien idéal et au nouveau peuple élu,

répondre dans les absidioles latérales du sanctuaire (en Cappadoce, voir Jolivet-Lévy, Églises, op. cit. n. 8, 124, 130–131, 286). 62 Déjà dans l’Apocalypse de Jean, Michel prend les traits d’un ange guerrier, conception reprise et développée par les apocryphes chrétiens (Apocalypse de Paul, évangile de Barthélémy), qui ne lui donnent pas encore cependant le titre d’archistratège. Le premier à identifier explicitement à Michel l’archistratège des forces célestes apparu à Josué est Origène. L’image guerrière de Michel, si elle ne s’est pas imposée tout de suite aux Pères de l’Église, était cependant familière aux IIIe–IVe s.; elle se développe surtout à partir du milieu du VIe s.: Rohland, Erzengel, op. cit. n. 2.

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référence biblique particulièrement développée à l’époque de la dynastie macédonienne (867–1056)63. Le lien étroit entre l’empereur et l’archange ne tient pas seulement aux vertus militaires qui sont attribuées à Michel, et qui font de lui le patron des entreprises guerrières du basileus, mais aussi à la fonction commune qu’ils détiennent au nom de Dieu: gouverner selon l’ordre des choses voulu par le Créateur, veiller au maintien de la taxis établie par Dieu. La tradition fait remonter ce lien privilégié entre l’empereur byzantin et l’archange Michel à Constantin le Grand. Robes et couronnes impériales lui auraient été apportées par un ange quand il devint empereur64. Selon une légende relatée au VIe siècle par Jean Malalas et reprise dans les Miracles de l’archange Michel de Pantoléon, l’archange serait apparu à Constantin sur le Bosphore, à Sôsthénion, déclarant: “Je suis Michel, qui t’a aidé invisiblement contre les tyrans impies, contre les infidèles et les nations barbares”65. Constantin fit construire en ce lieu une église dédiée à Michel, où fut désormais célébrée, le 8 novembre, la synaxe des Incorporels, la plus importante fête dédiée aux archanges en Orient. Pantoléon affirme que l’empire de Constantinople fut donné en héritage à Constantin par l’archange qui présida à son règne et plaça sous ses pieds des peuples étrangers66. La dévotion spéciale portée à Michel dans le milieu de la cour impériale semble se renforcer au IXe siècle: l’empereur iconoclaste Théophile 63 A. Grabar, L’art religieux de l’Empire byzantin à l’époque des Macédoniens, L’Art de la fin de l’Antiquité et du Moyen Age, I, Paris 1968, 151–168 (152). 64 Constantine Porphyrogenitus, De Administrando Imperio, éd. G. Moravcsik–R. J. H. Jenkins, Washington 1967, 66–67; II, Commentary (F. Dvornik, R. J. H. Jenkins, B. Lewis et al.), Londres 1962, 64–66. 65 C. Mango, La croix dite de Michel le Cérulaire et la croix de Saint-Michel de Sykéôn, Cahiers Archéologiques 36 (1988), 46–47 (Pantoléon); pour Jean Malalas, Chronographie, IV, 78 sq.: PG 97, 160; une version développée de la légende est donnée au XIVe s. par Nicéphore Kallistès, Histoire Ecclésiastique VII, 50 (PG 145, 1329); cf. Rohland, Erzengel, op. cit. n. 2, 118–120. 66 Martin-Hisard, Le culte de l’archange Michel (art. cit. n. 2), 369. Les sources offrent d'autres exemples de cette fonction de Michel: selon Malalas, Chronographie XVI (PG 97, 596–600), Anastase Ier aurait triomphé de ses ennemis grâce au Christ, par l’intermédiaire de l’archange Michel; selon Pantoléon, Michel serait intervenu à trois reprises, au VIIe siècle, pour sauver la capitale des Avars, des Perses et des Arabes: Martin-Hisard, Le culte de l’archange Michel (art. cit. n. 2), 369. Une victoire de l'empereur Héraclius sur les Perses, en 628, est également attribuée à l'assistance de Michel par Michel Psellos: Michel Psellos, Scripta Minora, éd. E. Kurtz / F. Drexl, I, Milan 1936, 124–125; Martin-Hisard, Le culte de l'archange Michel (art cit. n. 2), 356–359; après cette victoire, une croix, marquée au nom de

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élève en son honneur plusieurs églises au Grand Palais, lui consacre l’église du nouveau palais de Bryas67 et donne son nom à son fils, le futur Michel III. Basile 1er (867–886), fondateur de la dynastie macédonienne, lui voue un culte particulier, en expiation sans doute pour le meurtre de son bienfaiteur et prédécesseur Michel III et pour conjurer la vengeance céleste. En 867, après avoir fait assassiner Michel III, il aurait, selon certaines sources, été couronné pour la seconde fois dans une l’église des Asomates (Incorporels, c’est-à-dire des Archanges), qu’il avait restaurée, afin de montrer qu’il ne devait le pouvoir qu’à Dieu par l’intermédiaire des archistratèges célestes68. Un oratoire de la Néa Ekklèsia, Nouvelle Église qu’il fait construire au Palais, est dédié à l’archange Michel69. D’autres sanctuaires de l’Archange sont construits ou reconstruits70, tel surtout, hors la ville, celui de Sôsthénion, sur le Bosphore, qui devient le centre d’un monastère que Basile II et Constantin VIII couvrent de bienfaits71. Enfin, c’est au sanctuaire de l’archistratège de Damokraneia, près d’Athyras, que Constantin Monomaque aurait été, en 1042, revêtu de la pourpre impériale72. Tous ces témoignages le prouvent: Michel est non seulement celui qui apporte son assistance militaire à l’empereur, gardien de la ville de Constantinople et de l’Empire, il est aussi

l’archange Michel “archistratège invincible”, est déposée par l’empereur dans la petite église de la Vierge de ce monastère; la croix ayant refusé de quitter les lieux, Héraclius adjoint à l’église de la Vierge un sanctuaire de l’archange, où la croix effectue ensuite des miracles. Le monastère pourrait être celui de Sykéôn, en Galatie: Mango, La croix dite de Michel Cérulaire (art. cit. n. 65), 47–48. 67 R. Janin, Constantinople byzantine, Paris 1964, 2e éd., 144. 68 Génésios, Regum Libri Quattuor, éd. A. Lesmüller-Werner / I. Thurn, Berlin/New York 1978, 80. C'est encore par l’intercession de l’archange Michel (et du prophète Élie) que Basile demande à Dieu de ne pas mourir avant d’avoir vu la mort du chef hérétique Chrysocheir: Constantin VII, Vita Basilii, 41, dans Théophane Continué, éd. J. Bekker, Bonn 1838, 271. 69 L’église est en fait désignée presque dès le début et jusqu’au XIVe s, comme l’église des archanges, puis comme l’église de Michel: C. Mango, The Homilies of Photius Patriarch of Constantinople, Cambridge, Mass. 1958, 178; G. P. Majeska, Russian Travellers to Constantinople in the Fourteenth and Fifteenth Centuries, Washington 1984, 248 (témoignages de Liutprand de Crémone et d’Antoine de Novgorod). 70 Janin, Géographie ecclésiastique (op. cit. n. 4), 340, 345–346. 71 Martin-Hisard, Le culte de l’archange Michel (art. cit. n. 2), 356, qui renvoie entre autres à Janin, Géographie ecclésiastique (op. cit. n. 4), 346–350. 72 Georges Kedrenos, Historiarum compendium (PG 122, 276); cf. Rohland, Erzengel, op. cit. n. 2, 127. Citons également Michel VIII faisant ériger, en 1261, une statue de l’archistratège céleste avec lui-même à ses pieds portant la ville de Constantinople et la plaçant sous sa protection: Martin-Hisard, le culte de l’archange Michel (art. cit. n. 2), 373, n. 107.

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le protecteur du pouvoir impérial et il peut jouer un rôle dans l’accession à celui-ci73. En Cappadoce, un monument témoigne de ce rôle de l’archange: l’église de Çavuşin74, dite de Nicéphore Phocas parce qu’y est conservé un portrait de cet empereur (963–969), et qui était probablement dédiée aux archanges75, ou au seul Michel. Le nombre inhabituel de représentations d’anges, l’emplacement privilégié de celles-ci, l’échelle colossale qui leur est souvent donnée, l’image — traditionnelle dans les église dédiées à Michel — de l’apparition de l’archistratège céleste à Josué, plaident en faveur de cette dédicace. Sur le mur est du narthex, à droite de l’entrée dans l’église, deux grands archanges en costume impérial, portant l’étendard et le globe, accueillent le visiteur, deux anges, plus petits, en costume antique, occupant les écoinçons au-dessus de la porte (Fig. 7). Dans la nef, ce sont les hautes niches cintrées creusées à l’extrémité orientale des murs nord et sud, qui abritent deux grandes images d’archanges76; ces niches, sans nécessité fonctionnelle, semblent n’avoir été conçues que pour la mise en valeur de ces figures (Fig. 8 et 9). Nicéphore Phocas est représenté dans l’abside nord de l’église, accompagné de son épouse Théophano, de son père Bardas, de son frère Léon et d’une cinquième figure, aujourd’hui anonyme. Tous sont nimbés, et une courte prière, au-dessus des figures, invoque la protection divine sur les souverains. Issu d’une des plus grandes familles de magnats cappadociens, général de génie, héros de la guerre contre les Arabes, Nicéphore avait été proclamé empereur par ses troupes à Césarée, puis couronné à Sainte-Sophie de Constantinople. Par son mariage avec l’impératrice Théophano, veuve de son prédécesseur, il s’était allié à la dynastie légitime des Macédoniens. Au-dessus de l’empereursoldat, qui menait alors en Cilicie un combat très dur contre les Arabes, figure, sur le mur est, l’apparition à Josué, devant Jéricho, de l’archistratège des forces Cet aspect du culte de l’archistratège est repris par d’autres souverains médiévaux, comme, par exemple, ceux de Serbie au XIV e s.: V. J. Djurić , L’art impérial serbe: marques du statut impérial et traits de prestige, Byzantium and Serbia in the 14th Century, Athènes 1996, 36, 37–38. 74 Connue aussi sous l’appellation de Grand Pigeonnier de Çavuşin: Jerphanion, op. cit. n. 7, I, 520–550; L. Rodley, The Pigeon House Church, Çavuşin, Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 33 (1983), 301–339; Thierry, Haut Moyen Age (op. cit. n. 19), 43–57. 75 Tout comme le monastère voisin de Göreme dont dépendait l'église de Tokalı kilise, également liée, selon toute vraisemblance, aux Phocas: supra n.7. 76 Situation qui souligne leur rôle de gardiens du sanctuaire: voir infra. 73

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célestes (Josué 5, 13–15), représenté en costume guerrier et identifié par une inscription à Michel. Cette image symbolique de l’aide apportée par Dieu à ses soldats, par l’intermédiaire de l’archange, peut être interprétée ici soit comme une prière picturale pour que l’assistance divine se renouvelle en faveur de l’empereur, “nouveau Josué,” représenté en dessous, soit comme une image d’action de grâces après une victoire attribuée à l’intervention de Dieu (peutêtre la prise des villes de Mopsueste et de Tarse en 965). L’inspiration militaire du décor est confirmée par la représentation de deux illustres généraux byzantins, vainqueurs des campagnes de Cilicie, Jean Tzimiskès et Mélias. Sur le mur nord de la nef, chevauchant comme à la parade, ils s’approchent de l’abside, où figure, comme dans une loge, la famille impériale, et ils précèdent une série de saints guerriers en pied (du groupe des quarante martyrs de Sébaste). Figures historiques nimbées et personnages sacrés partagent ainsi le même espace, les combattants de l’Empire étant assimilés aux saints militaires, dont ils invoquaient la protection dans les combats. C’est un archange de grande taille, au fond de la haute arcature creusée à l’extrémité du mur nord, qui semble introduire les deux hauts dignitaires de l’armée d’Asie auprès de leur souverain (Fig. 8). Un autre archange est peint en face, du côté sud de la nef (Fig. 9). Leurs noms ne sont pas conservés, mais la place, à gauche pour le spectateur, de la figure nord, sa taille plus grande, la présence à ses pieds des donateurs du sanctuaire77 et à proximité, sur le mur est, de l’apparition de Michel à Josué, suggèrent de reconnaître ici l’archange Michel, Gabriel étant représenté en face du côté sud (à proximité de la Théotokos peinte dans l’absidiole). À la figure de Michel sont aussi associés deux saints militaires peints à l’intrados de l’arcature et, vus à mi-corps au-dessus de celle-ci, deux archanges supplémentaires, dont l’un est Ouriel, l’autre probablement Raphaël, complétant ainsi le groupe des quatre grands archanges. Symétriques, les figures de Michel et Gabriel ne sont pourtant pas identiques. Michel est plus grand, occupant toute la hauteur de la niche, tandis que sous Gabriel se poursuit l’imitation de draperie suspendue qui est peinte tout autour de la nef. Tous deux portent le somptueux loros impérial, costume officiel des empereurs et symbole par excellence du pouvoir suprême, mais ces loros sont différents: celui de Gabriel est du type traditionnel, croisé devant le corps, tandis que la forme modifiée, qui fait son apparition sous Basile 1er, est utilisée pour Michel, comme 77 Sur la représentation des donateurs aux pieds des archanges, voir, outre les exemples cités infra de Karanlık et Karabaş kilise, Göreme 4c: Jolivet-Lévy, Églises, op. cit. n. 7, 91.

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aussi pour l’empereur Nicéphore Phocas78. La volonté d’établir un lien, par l’iconographie, entre l’archange Michel et l’empereur Nicéphore est révélée aussi par la dissymétrie, exceptionnelle pour les figures groupées par paires, des attitudes des deux archanges: Gabriel porte le globe de la main gauche, sur le côté, tandis que Michel le tient de la droite ramenée devant le buste, en un geste qui dirige l’attention du spectateur vers l’image de l’empereur. Ce dernier, légèrement tourné vers la gauche et tenant une petite croix, est d’ailleurs figuré dans une attitude symétrique à celle de l’archange (Fig. 8). Le lien iconographique qui unit l’empereur et Michel rappelle à la fois la relation privilégiée établie, depuis Constantin, entre l’archistratège céleste et le lieutenant du Christ sur terre, et l’analogie de leur statut, l’un et l’autre détenant, au nom de Dieu, la même fonction d’autorité pour gouverner en son nom l’univers. D’autres œuvres byzantines illustrent cette équivalence, tel le fameux ivoire du Musée de Berlin, qui montre un empereur Léon — probablement Léon VI (886–912) — couronné par la Vierge en présence de l’archange Gabriel, symétriquement placé, qui a même pose et même costume que l’empereur79; ce dernier occupe ici la place qui est habituellement celle de l’archange Michel dans les compositions qui montrent la Théotokos flanquée par les deux archanges. Michel étant, selon l’étymologie de son nom en hébreu, “celui qui est comme Dieu,” l’équivalence établie entre lui et le souverain renvoie, indirectement, à la conception de l’empereur, image de Dieu sur terre. Le parallélisme archange / basileus traduit l’idée d’un pouvoir terrestre qui, à l’instar de celui des taxiarques célestes, est à la fois délégation et reproduction du pouvoir suprême, celui du Christ80. Le rapprochement visuel établi à Çavuşin entre l’archange Michel et Nicéphore Phocas contribuait ainsi à renforcer le prestige de l’empereur, mais en même temps rappelait sa subordination au Christ Rex regnantium81, qui trônait en gloire dans l’abside centrale. Sur le loros et son évolution: A, R. Bellinger / P. Grierson éd.. Catalogue of the Byzantine Coins in the Dumbarton Oaks Collection and in the Whittemore Collection, III, 1, Washington 1973, 120–125. 79 A. Effenberger / H.-G. Severin, Das Museum für Spätantike und Byzantinische Kunst Berlin, Berlin 1992, 210–212 (no 122). 80 Sur la conception du pouvoir impérial et la soumission de l’empereur au Christ exprimée par l’iconographie et le cérémonial imperial, en dernier lieu: G. Dagron, Empereur et prêtre. Étude sur le “césaropapisme” byzantin. Paris 1990, 37, 106–138. 81 Comme l’indique la légende qui accompagne l’image du Christ sur les nomismata de Nicéphore: C. Morrisson, Catalogue des monnaies byzantines de la Bibliothèque Nationale, Paris 1970, t. II, 589–590. 78

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La proclamation de Nicéphore Phocas comme lieutenant légitime du Christ sur terre, d’autant plus nécessaire qu’il n’avait accédé au trône que par son mariage avec Théophano, était encore soulignée par un rapprochement suggestif avec Constantin le Grand, représenté avec sa mère Hélène, sur le côté sud de l’abside centrale, de façon à n’être visible que si l’on se place en face des portraits impériaux. Le parallélisme visuel établi entre le couple impérial régnant et les souverains sanctifiés du IVe siècle proclamait la légitimité et la piété du “nouveau Constantin”82, Nicéphore Phocas, successeur du premier empereur chrétien, qui, d’après la légende, avait reçu de l’archange son charisme et ses insignes de souverain. La constellation d’images qui entoure le portrait impérial, ainsi que l’emplacement insolite de celui-ci dans une abside (l’absidiole nord), où il fait pendant à la Théotokos peinte symétriquement dans l’absidiole sud, témoignent d’une volonté de glorification exceptionnelle. Empereur très populaire en raison de ses hauts faits militaires83, bientôt considéré par certains, après sa mort tragique, comme un martyr dont on pouvait implorer l’intercession84, ce grand admirateur de la vie monastique, menant luimême une existence ascétique, est dans sa région d’origine, la Cappadoce, représenté de son vivant même presque à l’égal d’un saint. Témoin d’une des périodes les plus glorieuses de l’histoire de Byzance du point de vue militaire, le décor de l’église de Çavuşin associe donc étroitement l’exaltation de l’empereur à celle de ses protecteurs célestes, et au premier chef de l’archange Michel85. 82 Sur ce thème dans l’iconographie de l’époque macédonienne: C. Jolivet-Lévy, L’image du pouvoir dans l’art byzantin à l’époque de la dynastie macédonienne (867–1050), Byzantion 57 (1987), 457–458. 83 Popularité qu’il perdit cependant à la fin de son règne, à cause de la rigueur de sa politique fiscale et de sa politique ecclésiastique, mais notre décor est antérieur; sur Nicéphore, empereur controversé: R. Morris, The two faces of Nikephoros Phocas, Byzantine and Modern Greek Studies 12 (1988) 83–115. 84 Un poète contemporain, Jean le Géomètre, le qualifie de saint (PG 106, col. 932) et un office liturgique en son honneur a été composé pour célébrer, le 11 décembre, la mémoire de sa mort (L. Petit, Office inédit en l’honneur de Nicéphore Phocas, Byzantinische Zeitschrift 13, 1904, 398–420). 85 On a supposé que la famille Phocas portait une dévotion particulière à l’archange Michel, en attribuant à Léon Phocas la commande d’une croix en argent du Musée d’art et d’histoire de Genève, mais l’identification de ce Léon, “protarque des Macédoniens, patrice et domestique de l’Occident”, dont l’invocation à l’archange Michel, “chef des armées célestes qui à Chones est apparu sous les traits d’un jeune homme”, est inscrite sur la croix-reliquaire, reste controversée: A. Bank / B. Bouvier / I. Djurić / L. Bouras, Études sur les croix

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Le monastère de l’Archangélos à Cemil, l’église de Nicéphore Phocas à Çavuşin nous ont permis de mettre en évidence deux aspects du culte de l’archange Michel. Mais, le plus souvent, les fonctions de thaumaturge guérisseur et de taxiarque archistratège sont difficiles à dissocier: l’archange Michel est invoqué et vénéré comme un intercesseur efficace dans des circonstances très diverses, dépassant ses deux “spécialités” principales. Les images peut-être les plus révélatrices de la dévotion locale sont les panneaux traités comme de grandes icônes monumentales, dans lesquels des donateurs se sont fait représenter auprès des archanges. J’évoquerai ici celles qui sont conservées dans trois églises du XIe siècle: Karabaş kilise (Soğanlı), Karanlık kilise (Göreme), et Karabulut kilisesi, près d’Avcılar/Göreme. Karabaş kilise est une église monastique située dans la vallée de Soğanlı86, qui, dans son état actuel, témoigne de plusieurs phases d’excavation et de décoration. Seul nous retiendra le décor daté de 1060–1061, auquel se rattache un certain nombre de portraits de donateurs. Dans la niche centrale du mur nord, deux d’entre eux sont agenouillés aux pieds de l’archange Michel, figuré de face, en loros impérial (de forme simplifiée), tenant le globe sur la main gauche et probablement le labarum ou le sceptre de la droite: à gauche (pour le spectateur), une femme vêtue d’un riche costume, la tête enveloppée d’un turban, les mains tendues en prière, à droite, un homme âgé, à barbe et cheveux blancs, agrippant à deux mains le pied gauche de Michel (Fig. 10). Au-dessus de leurs têtes, on lit: “Prière de la servante de Dieu Eudocie,” “Prière du serviteur de Dieu Niphon moine.” Eudocie et Niphon, qui adressent leurs prières à l’archange Michel, étaient peut-être les parents du militaire de haut rang, Michel Sképidis, protospathaire (“premier porte-épée”) — un des plus hauts titres honorifiques conférés par l’empereur — mentionné dans la dédicace et représenté ailleurs dans la nef, armé d’une épée. Le décor de l’église comporte d’ailleurs un nombre important de saints guerriers: Procope et Théodore, lance et bouclier à la main, encadrent la niche contenant l’image de l’archange, Georges et Démétrius étant figurés en face sur le mur sud. Pourtant, la fonction militaire de l’archange Michel

byzantines du Musée d’art et d’histoire de Genève, Geneva 28 (1980), 97–124, où l'on trouvera deux interprétations différentes de l’inscription et une datation oscillant entre 959 et le XIe s. La dévotion portée à l’archistratège céleste était de toute façon courante chez les militaires de haut rang. 86 Jerphanion, op. cit. n. 7, II, 333–360; Rodley, Cave Monasteries, op. cit. n. 19, 193–202.

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n’est pas ici particulièrement soulignée: il n’est pas vêtu du costume guerrier et, surtout, ce sont des saints médecins qui lui sont directement associés: Damien et Cosme sur les piédroits de la niche, Pantéléimon et Kirykos à la douelle de l’arc87. Le rôle de guérisseur de l’archange paraît ici indissociable de sa fonction protectrice en faveur d’un militaire et de sa famille. L’église de Karanlık, à Göreme88, dont le décor est plus ou moins contemporain (milieu XIe siècle), fait partie, comme Karabaş kilise, d’un monastère et, comme celle-ci, elle conserve toute une série de portraits de donateurs, dont certains sont rapprochés de la représentation d’archanges. Toute la largeur de la travée centrale de l’église, du côté sud, est réservée à la représentation de l’archange Michel, peint à grande échelle, debout sur un petit coussin honorifique (Fig. 11). Il est en costume guerrier, l’épée dégainée dans la main droite. Sous ses ailes éployées se tiennent deux donateurs debout, figurés à très petite échelle, une bougie à la main. C’est à l’archange vénéré à Chônai — l’inscription désigne en effet Michel comme “le Chôniatès,” preuve de la grande popularité dont jouissait le sanctuaire de Phrygie89 — qu’ils demandent protection90. L’icône monumentale de Michel fait face à une semblable image de Gabriel, sur le mur nord, lui aussi accosté d’un ou deux donateurs (Fig. 12). Comparables à première vue, les deux archanges

87 L’association de Michel aux saints anargyres n’est pas rare: Léon VI (886–912) dédie à Michel une chapelle de l’église des anargyres Cosme et Damien, qu’il fonde pour le futur patriarche Euthyme (Vita Euthymii Patriarchae CP., éd. P. Karlin-Hayter, Bruxelles 1970, 28–29). Michel est également rapproché des anargyres dans certains programmes iconographiques, comme à Karabulut kilisesi (voir infra), Bezir Hane (Rodley, Cave Monasteries, op. cit., n. 19, 31), dans l'église n° l de Yüksekli (C. Jolivet-Lévy, Nouvelle découverte en Cappadoce: les églises de Yüksekli, Cahiers Archéologiques 35, 1987, 129–130). Hors de Cappadoce, citons seulement l’exemple particulièrement suggestif de la Panagia Olympiotissa d’Élasson (Thessalie, fin XIIIe s.): Michel et Gabriel se font face, le premier surmonté par Pantéléimon et Hermolaos, le second par Cosme et Damien, tandis qu’à côté se tiennent deux saints militaires (les deux Théodore): E. C. Constantinidis, The Wall Paintings of the Panagia Olympiotissa at Elasson in Northern Thessaly, Athènes 1992, I, 203–207. 88 Jerphanion, op. cit. n. 7, II, 393–430; Rodley, Cave Monasteries, op. cit. n. 19, 48–56. 89 L’épithète Chôniatès n’est pas rare sur les images: plusieurs exemples sont cités par Gabelić, The Iconography of the Miracle, art. cit. n. 52 (Coislin 79, icône du Sinaï, icône en métal du Musée de Chersonèse). La réputation en Cappadoce du pèlerinage à Chônai est attestée par d’autres sources, écrites et figurées, comme la représentation dans un décor du début du Xe siècle, à Saint-Jean de Güllü dere, de Michel de Chônai et du moine Archippe: Thierry, Haut Moyen Age (op. cit. n. 19), 155. 90 “Archange secours ton serviteur”, avait encore pu lire Jerphanion, op. cit. n. 7, I, 399–400.

8. Çavuşin, église du Grand Pigeonnier: vue vers le nord-est. Dans l’absidiole: la famille impériale; au-dessus, l’apparition à Josué devant Jéricho; dans la niche orientale du mur nord: l’archange Michel; sur le mur, Jean Tzimiskès, Mélias et les martyrs de Sébaste.

9. Çavuşin, église du Grand Pigeonnier: l’archange Gabriel, dans la niche orientale du mur sud.

(Schéma L. Rodley).

10. Soğanlı, Karabaş kilise: Eudocie et Niphon aux pieds de l’archange Michel

11. Göreme, Karanlık kilise, mur sud: l’archange Michel et deux donateurs, sous la Crucifixion.

12. Göreme, Karanlık kilise, mur nord: l’archange Gabriel et un donateur.

13. Göreme, Karanlık kilise, coupole centrale (détail): Raphaël et Michel près du Christ Emmanuel, sous le Pantocrator bénissant.

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se distinguent par leur costume, Gabriel portant non le costume militaire mais le loros traditionnel, croisé sur la poitrine, et les attributs impériaux habituels: globe marqué d’une croix et sceptre91. Ainsi se trouve nettement soulignée la fonction militaire de l’archistratège apparu à Chônai92 et son assimilation aux saints guerriers, dont l’un (Procope) figure justement sur le pilastre adjacent, à droite du panneau. On remarque en outre que la place respective des deux archanges au sein du programme iconographique de l’église est inversée par rapport à l’ordre le plus habituel qui réserve à Michel la place de gauche (pour le spectateur), inversion peut-être déterminée par le désir de rapprocher Michel — l’archange psychopompe par excellence93 — de la Crucifixion peinte au-dessus, et Gabriel — le messager divin lors de l’Annonciation — de la Nativité. La répétition des images d’archanges dans le décor des coupoles de l’église est un autre indice de leur importance dans la dévotion locale (Fig. 13). Le Christ Pantocrator de la coupole centrale est ainsi entouré, dans le tambour, par six d’entre eux, qui constituent son escorte céleste: Michel et Gabriel (encadrant le Christ Emmanuel), puis Raphaël et Ouriel, formant avec eux le groupe des quatre grands archanges94, complété par Sychaël et Phlogotheël95, tous figurés en buste

Cette même distinction, Michel en costume guerrier / Gabriel en costume impérial, se voit par exemple à la Panagia Olympiotissa d’Élasson (voir supra n. 87) et sur une icône Paléologue de la collection Houston, Texas (Catalogue Visages de l’icône, Pavillon des Arts, Paris 1995, 38); pour d'autres exemples: A. Koumoussi, Les peintures murales de la Transfiguration de Pyrgi et de Sainte-Thècle en Eubée, Athènes 1987, 126. 92 Le plus souvent, dans la représentation du miracle, l’archange est vêtu à l’antique; pour des exemples du costume militaire: S. Gabelić, Quelques fresques du cycle de l’archange Michel à Lesnovo, Zographe 7 (1977), 58–63; Ead., The iconography of the Miracle (art. cit. n. 52), 98, n. 24. 93 Sur cette fonction: O. Meinardus, Der Erzengel Michael als Psychopompos, Oriens Christianus 62 (1978) 166–168; le rôle psychopompe de Michel est attesté dans les récits apocryphes, comme la Vita Adae et Evae, le Transitus Mariae, etc.; tombes et chapelles funéraires sont pour cette raison souvent placées sous la protection de l’archange Michel: Canivet, Le Michaélion (art. cit. n. 5), 98–99. 94 L’Écriture donne le nom de Gabriel (Dan. 8, 16 et 9, 21; Luc 1, 19, 26), Michel (Dan. 10, 13; 21 et 12, 1; Apoc, 12, 7) et Raphaël (Livre de Tobie), l’Apocalypse de Moïse ajoute Ouriel. Le groupe des quatre est attesté dans la littérature apocalyptique juive, judéochrétienne et judéo-gnostique: P. Perdrizet, L’archange Ouriel, Seminarium Kondakovianum 2 (1928), 241–276. 95 Sur ces noms: Reallexikon für Antike und Christentum, éd. Th. Klauser, V, Stuttgart 1962, s. v. Engel, V (J. Michl), col. 236 (n° 233: Sychaël ou Sichaël), 226 (n° 169: Phlogotheël). 91

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dans des médaillons. Dans la coupole orientale sont répétés, associés à JeanBaptiste, Joachim et Anne, autour du Christ, les quatre “grands” — Gabriel, Ouriel, Raphaël, Michel — et ceux-ci se retrouvent une fois encore, comme si leur répétition renforçait leur fonction protectrice, dans les calottes des quatre compartiments d’angle: Raphaël et Gabriel à l’est, Ouriel et Michel à l’ouest; ce dernier, le seul à être figuré jusqu’à mi-corps, est rapproché de la scène des Myrophores au tombeau et de la Résurrection de Lazare, scènes de résurrection qui conviennent à son rôle de psychopompe. Dans une autre église de Göreme, appartenant au même groupe que Karanlık, Elmalı kilise, la mise à l’honneur de Michel est encore plus nette. L’archange, semblablement désigné comme le Chôniatès et en costume guerrier, occupait le même emplacement sur le mur sud96, près de saints militaires (Georges, Théodore, Démétrius). Mais surtout fut réservée à Michel, en costume impérial cette fois, muni du globe et du sceptre, la coupole du bras oriental, emplacement attribué au Christ à Karanlık kilise. Les calottes des compartiments d’angle ont, elles, reçu les images de Gabriel et Raphaël, à l’est, d’Ouriel et Phlogotheël, à l’ouest, tandis que Sychaël figure dans la coupole du bras nord97. Enfin, on retrouve Michel, en costume impérial, dans la conque de l’abside sud98, faisant pendant à la Théotokos qui occupe l’abside nord. Je terminerai en évoquant, malgré son médiocre état de conservation, le décor d’une petite chapelle funéraire, Karabulut kilisesi, située aux environs d’Avcılar (Matiane/aujourd’hui Göreme)99. Deux grands archanges frontaux étaient peints de part et d’autre de l’entrée de l’abside, en gardiens du sanctuaire, fonction qui était aussi l’une de celles qui étaient attribuées aux archanges dans l’église de Çavuşin évoquée plus haut100. Michel, en chlamyde, occupe sa place la plus habituelle, à gauche; deux donateurs — Jerphanion, op. cit. n. 7, I. 434 Jerphanion, op. cit. n. 7, I, 440. 98 Jolivet-Lévy, Églises, op. cit. n. 8, 124. Sur le lien des anges avec l'office eucharistique: Reallexikon fur Antike und Christentum V (op. cit. n. 95), col. 161–163. Même exaltation des archanges — de Michel surtout — dans la troisième des “églises à colonnes” de Göreme, Çarıklı kilise: Jerphanion, op. cit. n. 7, I, 455–473. 99 Jolivet-Lévy, Églises, op. cit. n. 8, 77–80 100 Fonction protectrice attestée depuis l’époque paléochrétienne, à Saint-Apollinaire in Classe, Ravenne, par exemple (F. Deichmann, Ravenna. Haupstadt des spätantiken Abendlandes. Kommentar II, Wiesbaden 1976, 262–264) et souvent illustrée en Cappadoce (des exemples dans Jolivet-Lévy, Églises, op. cit. n. 8, 58, 214–215, 230, 262, 291, 325). 96 97

CULTE ET ICONOGRAPHIE DE L’ARCHANGE MICHEL

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une femme et un homme — sont figurés à petite échelle, debout à ses pieds, les mains avancées en prière. La figure symétrique à droite, dont le nom est effacé, était sûrement celle de Gabriel; il porte le loros, un globe sur la main gauche et un long sceptre dans la droite. Deux petits donateurs l’encadrent. Ici encore, un costume différent distingue les deux archanges: la chlamyde, vêtement d’apparat par excellence, revêtu par l’empereur lors du couronnement et sur son lit de mort101, est attribuée à Michel, tandis que Gabriel porte le loros. Cette même distinction — Michel en chlamyde / Gabriel en loros — se rencontre ailleurs, les mosaïques de la Néa Moni de Chio, fondation impériale du milieu du XIe siècle, offrant un exemple plus ou moins contemporain de la peinture cappadocienne102. Gardiens du sanctuaire, les archanges auxquels les donateurs de l’église adressaient leur prière, étaient rapprochés à la fois des saints médecins Cosme et Damien figurés à la douelle absidale et de la Déisis peinte dans l’abside: leur rôle d’intercesseurs privilégiés était ainsi clairement souligné. Textes et images abondent, qui illustrent cet aspect du culte de Michel, dont l’intercession est particulièrement invoquée pour le sort de l’âme des défunts, dans un contexte funéraire, ce qui est justement le cas dans cette chapelle103. Ces quelques témoignages byzantins de Cappadoce montrent la diversité des contextes dans lesquels apparaissent les images de l’archange Michel, preuve de la vitalité de son culte et de ses aspects multiformes. Ils confortent les conclusions tirées de l’examen d’autres documents archéologiques et iconographiques, des inscriptions, des dédicaces, des sources narratives et liturgiques: au delà de ses deux spécialités principales de guérisseur et de guerrier, Michel a été vénéré à Byzance comme un membre éminent de la cour céleste, protecteur et intercesseur dans toutes les circonstances de la vie quotidienne, gardien des personnes et des villes contre les entreprises de Satan. Il intervient dans la vie des hommes comme un saint, bien qu’il n’en soit pas un, il est invoqué et remercié pour une guérison, un succès aux examens104, une promotion politique ou une aide militaire; intercesseur Constantin Porphyrogénète, Le Livre des Cérémonies, éd. A. Vogt, t. II, Paris 1939, livre I, chap. 47, p. 2 (couronnement), chap. 69, p. 84 (sépulture); cf. Morrisson, Catalogue (op. cit. n. 81), 484. 102 D. Mouriki, The Mosaics of Nea Moni on Chios, Athènes 1985, t. I, 109–112. 103 Sur la qualité d’intercesseurs des archanges, voir récemment: Cutler, Under the Sign of the Deesis (art. cit. n. 61), 147–148. 104 Comme en témoigne, pour le VIe siècle, un ex-voto au sanctuaire du Sôsthénion: Anthologie Palatine, I, 35, éd. P. Waltz, I, 25. 101

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auprès de Dieu, il est gardien des âmes et assiste les fidèles au moment de la mort.

XV

Note sur la représentation des archanges en costume impérial dans l’iconographie byzantine

L

A représentation des archanges en costume impérial, en particulier en lôros, a souvent suscité l’étonnement et l’incompréhension des observateurs modernes, parce que, comme le résume C. Mango: « only God could be described as the equivalent of the emperor»1. La conception, déjà définie par Eusèbe à travers l’expérience constantinienne, de l’Empire chrétien terrestre comme reflet du Royaume céleste du Logos, son modèle, suggère en effet l’assimilation de l’empereur à Dieu; la marque du statut impérial devrait donc appartenir au Christ2, que les écrivains désignent volontiers comme le basileus ou le despote suprême, et non à ses serviteurs que sont les anges. Constantin Porphyrogénète n’écrit-il pas qu’avec le lôros qui entoure son corps comme des bandelettes mortuaires et qui est doré comme le soleil, l’« empereur s’assimile, toutes proportions gardées, à Dieu » ?3 Pourtant, les archanges en costume impérial sont attestés de bonne heure: en témoignent les textes, par exemple Sévère d’Antioche — qui C. Mango, « Saint Michael and Attis », Δελτίον τῆς Χριστιανικῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας IV, 12 (1984), p. 39–62; le premier article consacré à cette iconographie est celui 1

de C. Lamy-Lassale, « Les archanges en costume impérial dans la peinture murale italienne », Synthronon, Paris 1968, p. 189–198. 2 Ce qui sera parfois le cas dans des images tardives — à partir du XIVe siècle — dont nous ne nous occuperons pas ici; le problème de la représentation du Christ en Roi des Rois (associée à l’image du Christ-Grand Prêtre) est évoquée, en dernier lieu, par T. Papamastorakis, « Ἡ µορφὴ τοῦ Χριστοῦ-Μεγάλου Ἀρχιερέα », Δελτίον τῆς Χριστιανικῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας IV, 17,1993–1994, p. 74–76. 3 Constantin Porphyrogénète, De cerimoniis, II, 40, Bonn, 638.

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condamne cet usage, soutenant qu’il serait plus approprié de les représenter en vêtements blancs plutôt que pourpre4 — et les monuments: les mosaïques de Saint-Apollinaire in Classe, à Ravenne5, les peintures de Baouît et de Saqqara6. Cette iconographie impériale des archanges, connue en Orient dès l’époque protobyzantine, devient courante après l’iconoclasme. Notre propos ne sera pas d’en retracer l’origine et la diffusion, mais de tenter d’en éclairer la signification. D’autres se sont penchés avant nous sur cette iconographie perçue comme anormale et leurs remarques ont été le point de départ de notre réflexion. C. Mango, dans son article sur l’archange Michel et Attis, souligne l’absence de sources bibliques et patristiques justifiant cette iconographie, ainsi que l’indifférence à son égard des contemporains qui, pense-t-il, n’avaient pas conscience de sa signification. Il cite les textes édifiants dans lesquels anges et archanges se manifestent dans le vêtement des eunuques ou des cubicularii impériaux, non des empereurs7, et en conclut que cette iconographie impériale des archanges ne peut être attribuée à la piété populaire. Il ajoute « no matter how great was his dignity in heaven, he (= l’archange) remained a minister and a messenger ». L’origine de cette iconographie insolite serait à chercher, suppose C. Mango, dans la substitution de Michel à Attis, l’archange ayant hérité de certains aspects iconographiques du dieu invictus et kosmokratôr.

4 Cf. Les Homiliae cathedrales de Sévère d’Antioche, version syriaque de Jacques d’Édesse, éd. M. Brière, Patrologia Orientalis XII 1 (1919), p. 83–84; Jean, évêque de Gabala, le rappelle au concile de Nicée II: J. D. Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio XIII, Graz, 1902 (repr. 1960), col. 184C. 5 Le costume impérial est ici la chlamyde: F. W. Deichmann, Ravenna. Haupstadt des spätantiken Abendlandes II, 2. Kommentar, 2, Wiesbaden, 1976, p. 270–271. 6 Qui montrent tantôt la chlamyde, tantôt le lôros, cf. J. Maspéro et E. Drioton, Fouilles exécutées à Baouit [Mémoires de l’Institut français d’Archéologie orientale du Caire, 59], Le Caire, 1943, pl. XXXVIII, A, Β (salle 20: archanges en chlamyde), XLVII Β–L (salle 40: Ouriel en lôros avec globe et sceptre); M. Rassart-Debergh, « La décoration pariétale du monastère de Saqqara. Essai de reconstitution », Acta ad archaelogiam et artium historiam pertinentia IX, Rome, 1981, p. 34–35 (fig. 11, 1), 42 (40, fig. 15, 2) et passim. Le vêtement aulique est aussi celui des archanges dans l’art chrétien de Nubie: K. Michalowski, Faras. Die Kathedrale aus dem Wüstensand, Zürich, 1967, pl. 24/25/62 (lôros), 34/49/71 (chlamyde); notons que les archanges y portent souvent la couronne. 7 Mango, « Saint Michael and Attis » (n. 1), n. 8; ajoutons la vision du moine Cosmas accueilli dans le palais céleste que lui font visiter φωτοειδεῖς εὐνούχοι: La vision du moine Kosmas, éd. C. Angélidi, Analecta Bollandiana 101,1983, p. 86, 1. 188.

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H. Maguire, abordant ce problème dans un article consacré au style et à l’idéologie8, met l’accent sur l’analogie formelle entre portraits impériaux et images d’archanges, qui partagent la même attitude, raide, immobile et frontale, le même costume et le même style. Il réunit quelques textes qui, comme l’iconographie, comparent empereurs et archanges: Michel Psellos s’adressant à Constantin IX Monomaque9, Michel Italikos, à propos de Jean II Comnène10, font le parallèle, mais ce dernier est surtout exploité pour les empereurs de la dynastie des Anges11. Enfin, il rappelle l’ambiguïté des panégyriques, qui présentent l’empereur comme le fidèle serviteur de Dieu, mais suggèrent en même temps un statut plus haut, en comparant souverain terrestre et souverain divin. Dans un article plus récent12, H. Maguire revient sur la valeur idéologique de l’iconographie impériale des anges à propos de la miniature du manuscrit des Homélies de Grégoire de Nazianze, le Paris. gr. 510, fol. Cv, montrant Basile Ier couronné par Gabriel, tous deux en lôros (Fig. 1). La similitude iconographique entre empereur et archange indique, souligne à juste titre H. Maguire, que les deux figures occupent le même rang hiérarchique, comme l’affirment aussi certains panégyriques. Mais il va plus loin: « the visual similarity of the emperor to heavenly beings was a powerful sign of his divine acceptance, whatever the earthly crimes that might be held against him ». L’iconographie impériale des archanges aurait donc pour fonction de glorifier l’empereur: associé aux anges, le souverain terrestre devient membre de la cour céleste et son salut dans l’au-delà est annoncé. L’analogie entre archanges et empereurs me paraît pouvoir être interprétée de façon légèrement différente et ne pas relever seulement de l’intention de H. Maguire, « Style and Ideology in Byzantine Art », Gesta 28, 1989, p. 222–224. Scriptora Minora, éd. E. Kurtz, I, Milan, 1936, p. 31, 1. 8–19; un autre panégyrique de Psellos parle du mode de vie angélique de l’empereur au palais (ibid., 34, 1. 27). 10 Qu’il appelle un « ange de Dieu envoyé par Lui pour préparer la route contre l’ennemi »: éd. P. Gautier, Michel Italikos, Lettres et discours [Archives de l’Orient chrétien 14], Paris, 1972, p. 249, 1. 8–11. 11 Ainsi, dans deux épigrammes de Théodore Balsamon décrivant des peintures d’Isaac II: P. Magdalino et R. Nelson, « The Emperor in Byzantine Art of the Twelfth Century », Byzantinische Forschungen 8, 1982, p. 152, 154. 12 H. Maguire, « A Murderer among the Angels: the Frontispiece Miniatures of Paris. Gr. 510 and the Iconography of the Archangels in Byzantine Art », The Sacred Image East and West, éd. R. Ousterhout et L. Brubaker, Urbana-Chicago, 1995, p. 63–71. Voir aussi: H. Maguire, «The Heavenly Court », Byzantine Court Culture from 829 to 1204, éd. H. Maguire, Washington, D.C. 1997, p. 255–258 (paru après la rédaction de notre article). 8 9

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rehausser le prestige du basileus en l’assimilant aux êtres célestes. Il est évident qu’elle exprime une équivalence de statut et de fonction, et celle-ci s’enracine dans la révélation biblique: en Daniel 10,13 et 12,1, Michel est présenté comme le grand Prince, protecteur du peuple d’Israël, comme d’autres archanges sont les gardiens d’autres peuples. Pantoléon, chartophylax de Sainte-Sophie, auteur de la populaire Diègèsis consacrée aux « très grands miracles de l’archistratège Michel » (843–867 ca)13, souligne ce rôle de Michel, gardien d’Israël — l’Ancien et le Nouvel Israël — et de la ville de Constantinople. De même, l’empereur est célébré comme le protecteur du Nouvel Israël, idée développée surtout à l’époque de la dynastie macédonienne, quand sont reprises les anciennes théories sur l’Empire byzantin comme royaume chrétien idéal, protégé par Dieu. Révélation biblique et angélologie populaire montrent aussi en Michel le vainqueur du Ma114, le porteur de la gloire divine et un intercesseur auprès de Dieu15. L’assimilation iconographique entre empereurs et archanges exprime donc l’analogie de leur statut par rapport au souverain céleste et le parallélisme de leur mission. Ministres de Celui dont le Royaume n’est pas de ce monde et qui n’est pas concerné par les attributs de la royauté terrestre, ils sont les serviteurs — sur terre et au ciel — du pambasileus céleste16. Le costume impérial des archanges, surtout fréquent à partir du IXe siècle, peut ainsi être interprété comme le corollaire de l’accent mis par les grands défenseurs des images et de l’Orthodoxie sur la souveraineté universelle Bibliotheca Hagiographica Graeca, 1285–1289; le texte grec est encore inédit: cf. B. Martin-Hisard, « Le culte de l’archange Michel dans l’empire byzantin (VIIIe-XIe siècles) », Culto e insediamenti micaelici nell’Italia Meridionale fra tarda Antichita e Medioevo. Atti del Convegno Internazionale Monte sant’Angelo 18–21 Nov. 1992, éd. C. Carletti et G. Otranto, Bari 1994, p. 367–370. 14 En Apocalypse 12, 7–12, Michel, présenté comme le chef des anges, est l’adversaire du Dragon, « l’antique Serpent, qu’on appelle Diable et Satan »; l’empereur chrétien sera de même figuré en vainqueur du serpent: A. Grabar, L’Empereur dans l’art byzantin, Strasbourg, 1936, p. 43–44. 15 V. Saxer, « Jalons pour servir à l’histoire du culte de l’archange Michel en Orient jusqu’à l’iconoclasme », Noscere Sancta. Miscellanea in memoria di Agostino Amore, I, Storia della Chiesa, archeologia, arte, Rome, 1985, p. 360–361. 16 Particulièrement de circonstance à l’époque de la polémique iconoclaste, le thème de la subordination du pouvoir terrestre au pouvoir céleste est couramment exprimé par l’iconographie dès l’époque protobyzantine: l’ivoire Barberini, le décor absidal de Saint-Vital à Ravenne ou encore les images des rideaux de la clôture du chœur de Sainte-Sophie de Constantinople en offrent des exemples: A. Grabar, L’iconoclasme byzantin. Le dossier archéologique, Paris, 2e éd., 1984, p. 30–32. 13

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du Christ17 et sur la place du basileus, imitateur et vicaire du Christ. Aux empereurs iconoclastes, accusés de rejeter la suzeraineté du Seigneur suprême et de remplacer les images du Christ par les leurs, on oppose alors les empereurs orthodoxes, qui reconnaissent la souveraineté effective du Christ seigneur des hommes et des anges, roi de la terre et des cieux18. Le patriarche Nicéphore, dans ses Antirrhétiques, III, est explicite, quand il fait dire au Christ: « A l’inverse de ces souverainetés terrestres et mortelles dont la gloire sans grandeur ne dure qu’un temps, tel n’est pas mon royaume qui diffère de ces royautés-là, fondées en ce pauvre monde dont la gloire se fane comme la fleur des champs et qui sont finalement vouées à la corruption et à la mort. ( . . . ) En vérité, rien de ce qui mène le monde et la vie d’ici-bas ne se retrouve dans ma royauté. ( . . . ) Aucun des symboles qui marquent une telle dignité ne se retrouve chez moi, symboles corruptibles, périssables: point de manteau de pourpre, de couronne sertie de pierreries, point de sceptre, ni de trône que l’on dresse, point d’éblouissant spectacle. ( . . . ) Mon royaume n’est pas de ce monde et mon pouvoir ne ressemble en rien au pouvoir d’icibas. ( . . . ) Je suis le Seigneur, non pas de tels peuples, de tels territoires, de telle cité, mais je règne sur les anges et sur les hommes, sur tout l’univers terrestre, céleste et souverain. »19 La similitude iconographique empereur/archange n’a, dans ce contexte d’exaltation de la souveraineté céleste, rien de surprenant: elle traduit, outre l’analogie de leur statut, leur égale soumission au Christ et proclame visuellement la souveraineté du roi des rois, non seulement au ciel (sur les anges) mais aussi sur terre, sur l’Église et sur l’Empire. L’expression servus Christi, qui traduit la relation entre le souverain terrestre et le pambasileus céleste, en présentant le premier comme un sujet du second20, apparue — associée à la représentation de l’empereur en lôros — sur les monnaies de 17 Sur cette insistance sur la royauté du Christ dans le contexte iconoclaste: Grabar, Iconoclasme (n. 16), 230 et passim. 18 Grabar, Iconoclasme, p. 183 19 Cette prosopopée de la royauté se trouve dans les Antirrhétiques, III, § 13 (396A-397B): Nicéphore, Discours contre les iconoclastes, trad., présentation et notes par M.-J. MondzainBaudinet, Paris, 1990, p. 198–200. Le thème de la souveraineté suprême du Christ sur l’Église, de sa toute-puissance illimitée et éternelle, est souvent développé par Nicéphore. 20 Subordination déjà revendiquée, selon Eusèbe, par Constantin le Grand: cf. P. E. Schramm, « Der Titel “Servus Jesu Christi” Kaiser Ottos III », Byzantinische Zeitschrift 30, 1929–30, p. 424–430 (426).

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Justinien II21, est reprise à la fin de l’iconoclasme (sous sa forme grecque sur les solidi de Théophile22), préludant au succès de cette idée après 843. De la définition des anges donnée par Eusèbe23 — δυνάµεις ὑπηρετικὰς τοῦ παµβασιλέως Θεοῦ καὶ λειτουργικάς — on peut rapprocher la formule ὡς ὑπηρέτης Θεοῦ καὶ διάκονος employée par Constantin Porphyrogénète pour indiquer comment l’empereur assiste aux grandes fêtes du Seigneur à Sainte-Sophie24, ou encore la désignation de l’empereur comme serviteur de Dieu (τὸν πιστὸν δοῦλον σου) dans la prière du couronnement (après 843) donnée par l’Euchologe, formule reprise avec d’autres, comme θεράπων τοῦ Κυρίου , dans les acclamations du De cerimoniis25. La numismatique — avec la réapparition sur les monnaies de Michel III et de Basile Ier de la légende Rex regnantium pour désigner le Christ — le cérémonial de la cour26, l’iconographie issue du Triomphe de l’Orthodoxie27: tout concourt 21 J. D. Breckenridge, The Numismatic Iconography of Justinien II, New York, 1959. Voir aussi Grabar, Iconoclasme (n. 16), p. 45–46, qui voit surtout dans les monnaies de Justinien II l’expression de la doctrine de la Christomimèsis. 22 A l’avers: buste de Théophile en lôros; au revers: croix accompagnée de l’invocation « Seigneur, secours ton serviteur »; cf. P. Grierson, Catalogue of the Byzantine Coins in the Dumbarton Oaks and in the Whittemore Collection ΙII, 1, Washington, 1973, p. 411. 23 Eusèbe, Praep. evang., VII, 15, 18: cité par Mango, « Saint Michael and Attis » (n. 1), p. 39. 24 Constantine Porphyrogenitus, De administrando imperio, éd. G. Moravcsik et R. J. H. Jenkins, Washington, 1967, XIII, 66, 1.46. 25 Cf. P. Yannopoulos, « Le couronnement de l’empereur à Byzance: rituel et fond institutionnel », Byzantion 61, 1991, p. 89. Cf. aussi De cerim. I, 5: acclamation du peuple pour le retour des souverains des Saints-Apôtres au Palais le lundi après Pâques: « Salut, ô très puissant autocrator, joie de l’univers, vous le serviteur de Dieu (τοῦ Θεοῦ ὁ θεράπων), félicité des Romains . . . » (Constantin Porphyrogénète, Le Livre des Cérémonies, éd. A. Vogt, I, Paris, 1935, p. 43); un peu plus loin sont mises en parallèle les milices des Incorporels et celles des Romains, parallèle qui suggère implicitement qu’au chef des milices célestes, l’archange Michel, correspond celui de l’armée terrestre, l’empereur: « . . . Réjouissez-vous, célestes milices des anges, réjouis-toi toi aussi, armée des Romains et vous tous, Chrétiens, réjouissezvous pour fêter le Seigneur ». Pour d’autres références aux acclamations des empereurs, « serviteurs du Seigneur » dans le De cerim.: Breckenridge, op. cit. n. 21, p. 68. 26 La hiérarchie des pouvoirs s’exprimait dans le rituel de toutes les fêtes importantes, quand au Chrysotriklinos l’empereur vénérait l’image du Christ trônant, au-dessus du trône impérial, avant de recevoir lui-même la proskynèse des praepositi du palais. 27 Citons seulement ici la mosaïque du narthex de Sainte-Sophie montrant l’empereur en proskynèse aux pieds du Christ trônant ou les images de couronnement symbolique du basileus; pour ces exemples et d’autres: C. Jolivet-Lévy, « L’image du pouvoir dans l’art byzantin à l’époque de la dynastie macédonienne (867–1056) », Byzantion 57, 1987, p. 441–470.

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à souligner la souveraineté suprême du Christ, au nom duquel gouverne le basileus28. L’iconographie impériale des figures angéliques, qui s’impose alors, prend dans ce contexte tout son sens29. Rappelons-en quelques exemples bien connus, mais significatifs. Les mosaïques du chœur de l’église de la Dormition de Nicée30, réalisées probablement peu après 843, associaient à la glorification de l’Incarnation (par l’image de la Théotokos), quatre figures angéliques en lôros (Fig. 2, 3). La connotation impériale de ces figures, l’idée de pouvoir qui leur est associée résultent non seulement de leur costume et attributs (labarum et globe), mais des noms qui les désignent: κυριότιτες (principautés), ἐξουσίε (vertus, pouvoirs), ἀρχέ (dominations) et δυνάµις (puissances). Comme l’a noté C. Mango, la mention de ces quatre ordres célestes renvoie au passage de l’Epître de Paul aux Éphésiens I, 21, sur le triomphe et la suprématie du Christ, qui est « bien au-dessus de toute Principauté, Puissance, Vertu, Seigneurie ». Une inscription répétée de chaque côté, sous chaque couple de figures, précisait: καὶ προσκυνησάτωσαν αὐτῷ πάντες ἄνγελοι Θ[εοῦ], « et que tous les anges de Dieu l’adorent», adoration destinée sans doute à la fois au Christ, Logos incarné, figuré dans la conque avec la Théotokos, et au trône de Dieu représenté au sommet de la voûte, en accord avec le psaume 102 (103), 19–20 — « Yahvé a fixé son trône dans les cieux, par-dessus tout sa royauté domine ». Dans ce contexte, l’évocation du pouvoir impérial, à la fois par l’iconographie et par les inscriptions, associait implicitement les souverains terrestres à l’adoration du Seigneur suprême et manifestait leur subordination au pouvoir du Grabar, Iconoclasme, p. 222; voir aussi G. Dagron, Empereur et prêtre. Étude sur le « césaropapisme » byzantin, Paris, 1996, en particulier chap. III, « Cérémonial et lieux de mémoire », p. 106–138. D’ailleurs, dans Sainte-Sophie, demeure du Roi des Rois, l’empereur (sauf pour le couronnement d’un co-empereur) ne porte pas la couronne, abandonnant ainsi l’attribut principal de la royauté. 29 À la même époque est aussi créée l’image de la « synaxe des Incorporels », qui montre les archanges tenant un médaillon avec le buste du Christ, glorifiant leur souverain pour l’éternité: A. Grabar, Les voies de la création en iconographie chrétienne, Paris, 1979, p. 141. 30 Th. Schmit, Die Koimesis-Kirche von Nikaia, Berlin-Leipzig, 1927, p. 21–28, pl. 12–14; P. A. Underwood, « The Evidence of Restorations in the Sanctuary Mosaics of the Dormition at Nicaea », Dumbarton Oaks Papers 13, 1959, p. 235–243; C. Barber, « The Koimesis Church, Nicaea. The Limits of Representation on the Eve of Iconoclasm », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 41, 1991, p. 43–60; C. Mango, « The Chalkoprateia Annunciation and the Preeternal Logos », Δελτίον τῆς Χριστιανικῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας IV, 17,1993–1994, p. 168–170. 28

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Très-Haut31. L’illustration des Homélies de Grégoire de Nazianze, dans le manuscrit Paris. gr. 510 (879–883)32, évoqué plus haut, commence avec les images du Christ Pantocrator trônant et de la croix accompagnée de l’inscription « Jésus Christ est victorieux »; suit le portrait de Basile Ier, debout — et non trônant — revêtu du lôros, recevant le labarum de la main d’Élie, tandis que l’archange Gabriel le couronne (Fig. 1). L’empereur et l’archange sont figurés sur le même piédestal, à la même échelle et semblablement vêtus33, seule la couronne distinguant le basileus terrestre du prince céleste. Explicite également est l’iconographie de l’ivoire de Berlin montrant l’empereur Léon (VI ?) couronné par la Vierge, en présence d’un archange, Gabriel, représenté symétriquement, dans le même costume et avec les mêmes attributs que Léon (Fig. 4); le suzerain céleste de l’empereur, le Christ, est, lui, en position centrale sur l’autre face de l’objet, encadré par Pierre et Paul34. Une intention comparable pourrait expliquer certaines particularités du décor d’une église de Cappadoce: le Grand Pigeonnier de Çavuşin (963–969)35. L’empereur Nicéphore Phocas est représenté debout dans l’absidiole nord, tandis que le Christ en gloire — pratiquement détruit — était peint à plus grande échelle et trônant, au centre de l’abside principale. Près du souverain en lôros se tient, à l’extrémité orjentale du mur nord, au fond d’une haute arcature aveugle, un archange: Michel, probablement36 Les inscriptions accompagnant les figures remontent à la phase I du décor (fin du VII siècle ?), mais on ignore si le type iconographique des anges reprend celui antérieur à l’iconoclasme; j’inclinerais à penser que le lôros attribué aux figures est une innovation posticonoclaste. 32 H. Omont, Miniatures des plus anciens manuscrits grecs de la Bibliothèque nationale du VIe au XIV e siècle, Paris, 1929, pl. XV, XVII-XIX. 33 Comme l’a souligné H. Maguire, « A Murderer » (art. cit. n. 12), p. 66. 34 A. Effenberger et H.-G. Severin, Das Museum für Spätantike und Byzantinische Kunst Berlin, Berlin, 1992, p. 210–212 (n° 122). 35 Connue aussi sous l’appellation d’église de Nicéphore Phocas: G. de Jerphanion, Une nouvelle province de l’art byzantin. Les églises rupestres de Cappadoce, Paris, 1925–1942, I, p. 520–550; L. Rodley, « The Pigeon House Church, Çavuşin », Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 33, 1983, p. 301–339; N. Thierry, Haut Moyen Age en Cappadoce. Les églises de la région de Çavuşin, t. 1, Paris, 1983, p. 43–57. 36 Sur l’identification de cet archange à Michel et le lien iconographique qui l’unit à Nicéphore Phocas, voir C. Jolivet-Lévy, « Culte et iconographie de l’archange Michel dans l’Orient byzantin: le témoignage de quelques monuments de Cappadoce », Cahiers de SaintMichel de Cuxa, XXVIII, 1997, p. 194–196. 31

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1. Paris, B. N. F., Homélies de Grégoire de Nazianze, cod. gr. 510, fol. Cv: l’empereur Basile Ier couronné par l’archange Gabriel (Cl. Bibl. Nat. de France).

2. Nicée, église de la Dormition, mosaïques du chœur: les ordres angéliques κυριότιτες et ἐξουσίε (d’après Underwood).

3. Nicée, église de la Dormition, mosaïques du chœur: les ordres angéliques ἀρχέ et δυνάµις (d’après Underwood).

4. Berlin, Staatliche Museen (Museum für Spätantike und Byzantinische Kunst), Léon (VI ?) couronné par la Vierge, l’archange Gabriel. 5. Çavuşin, église du Grand Pigeonnier, angle nord-est (schéma N. Thierry).

6. Çavuşin, église du Grand Pigeonnier: l’archange Gabriel.

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(Fig. 5). Il porte le même costume (lôros de forme simplifiée) que Nicéphore et son attitude répond à celle du basileus: la main droite ramenée devant le buste et tenant le globe, il semble ainsi introduire auprès de l’empereur les deux hauts dignitaires de l’armée d’Asie, Jean Tzimiskès et Mélias, figurés à cheval sur le mur nord de la nef. Face à Michel, sur le mur sud, se tient un autre archange, vraisemblablement Gabriel, également en costume impérial, mais son lôros est du type traditionnel, croisé devant le corps, et son attitude est différente, puisqu’il porte le globe de la main gauche levée sur le côté et un attribut aujourd’hui indistinct (labarum ou sceptre) de la main droite (Fig. 6). Si Michel et Gabriel arborent souvent, dans les compositions qui les réunissent, des lôroi de forme différente, la symétrie des attitudes est généralement de rigueur. Le fait qu’elle ne soit pas de mise ici prouve le caractère intentionnel du parallélisme iconographique (costume, attitude) entre l’archange Michel et l’empereur Nicéphore Phocas. Ainsi étaient exprimées par l’image à la fois la relation privilégiée établie, depuis Constantin, entre l’archistratège céleste et le lieutenant du Christ sur terre, et l’analogie de leur statut, l’un et l’autre détenant, au nom de Dieu, la même fonction d’autorité pour gouverner l’univers. Michel étant, selon l’étymologie de son nom en hébreu, « celui qui est comme Dieu », l’équivalence établie entre lui et le souverain renvoie, indirectement, à la conception de l’empereur, image de Dieu sur terre. L’analogie iconographique archange / basileus traduit l’idée d’un pouvoir terrestre qui, à l’instar de celui des taxiarques célestes, est à la fois délégation et reproduction du pouvoir suprême, celui du Christ37. Le rapprochement établi à Çavuşin entre l’archange Michel et Nicéphore Phocas contribuait ainsi à renforcer le prestige de l’empereur, mais en même temps rappelait sa subordination par rapport au Christ Rex regnantium38, qui trônait en gloire dans l’abside centrale. L’iconographie des archanges en costume impérial ne surprend donc que si l’on se place du seul point de vue de la doctrine impériale de la Christomimèsis. Si les panégyriques n’hésitent pas à mettre en parallèle

37 Sur la conception du pouvoir impérial et la soumission de l’empereur au Christ exprimée par l’iconographie et le cérémonial impérial, en dernier lieu: Dagron, Empereur et prêtre (op. cit. n. 28), p. 37, 106–138. 38 Comme l’indique la légende qui accompagne l’image du Christ sur les nomismata de Nicéphore: C. Morrisson, Catalogue des monnaies byzantines de la Bibliothèque nationale, Paris, 1970, t. II, p. 589–590.

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basileus terrestre et souverain céleste, selon la doctrine de l’imitation de Dieu dans l’exercice du pouvoir souverain, les images élaborées sous le contrôle de l’Église soulignent généralement la place subordonnée de l’empereur — à l’instar des archanges — dans la hiérarchie des pouvoirs. En présentant comme des souverains terrestres ceux qui sont, par définition, les ministres et serviteurs de Dieu, on voulait peut-être moins marquer l’élévation de l’empereur au rang des Incorporels que souligner l’égale soumission des forces célestes et des empereurs au pambasileus céleste. Apparue de bonne heure, l’iconographie impériale des archanges s’est vraiment imposée au lendemain de l’iconoclasme, à la faveur de la réaffirmation de la souveraineté céleste du Christ, Rex regnantium, et de la soumission de l’empereur, servus Christi. Il est significatif qu’elle ait été surtout diffusée au moment où un équilibre nouveau, marqué par le renforcement du patriarcat de Constantinople39 et du pouvoir ecclésiastique, tentait de s’instaurer entre les deux pouvoirs, celui de l’Église et celui de l’État, après la fin de l’iconoclasme. La représentation des anges en costume impérial, iconographie qu’on pourrait dire de compromis entre le pouvoir impérial et l’Église, montrait l’étroite imbrication des domaines céleste et terrestre, leur nécessaire harmonie et affirmait à la fois la sacralité du pouvoir temporel et sa subordination au pouvoir du Très-Haut.

D’après le troisième titre de l’Eisagôgè, rédigé probablement par Photius, c’est le patriarche qui est désormais « une image vivante et animée du Christ »: G. Dagron, dans: Histoire du Christianisme des origines à nos jours, t. IV, Evêques, moines et empereurs (610–1054), Paris, 1993, p. 205. 39

XVI

Trois nouvelles représentations de la vision d’Eustathe en Cappadoce

L

ORS de récents voyages d’étude en Cappadoce, nous avons identifié trois nouvelles représentations de la vision d’Eustathe qui confirment l’importance de cette image symbolique dans la tradition locale. La plus ancienne (Fig. 1 et 2) décore une chapelle rupestre ruinée appartenant à un ensemble funéraire établi sur le versant est d’une vallée (Kapılı vadisi) proche du village de Karacaören1. Il ne reste de l’église que l’extrémité orientale de la nef (à plafond plat) et l’abside, l’une et l’autre très ensablées. Les peintures conservées tapissent la paroi est de la nef, encadrant l’entrée de l’abside. Outre la vision d’Eustathe, qui occupe toute la partie nord (à gauche), on y voit une frise de motifs lancéolés disposés en zigzag, au sommet de l’arc absidal, un évêque en buste (Basile de Césarée ?), dans un médaillon, et un grand ornement circulaire, en partie ensablé, à droite. Une inscription tracée verticalement à l’extrémité nord de la paroi, sur le même fond jaune que la scène d’Eustathe, permet d’interpréter celle-ci comme une image votive choisie comme symbole du salut apporté par le Christ2; on lit en effet le début: ΕΓΩ Θ[ΕΟ]ΔΟΤΟC METECTH ΕΚ TOΥ B[I]OΥ MI[N]H ΦΕ[ΒΡΟΥΑΡΙΟΥ] . . ., « Moi, Théodotos, ai quitté la vie au mois de février . . . » La fin n’est plus lisible. Ce formulaire inhabituel 1 Karacaören se trouve à environ 5 km d’Ürgüp, sur la route de Kayseri. De cet ensemble, nous n’avons jusqu’ici publié que les peintures aniconiques d’une église voisine de celle de la Chasse d’Eustathe: C. Jolivet-Lévy, Karacaören. Un décor funéraire d’époque iconoclaste ?, Archéologia no 229, 1987, p. 40–43. 2 Sur l’utilisation de la vision d’Eustathe dans l’iconographie funéraire: N. Thierry, Vision d’Eustathe. Vision de Procope. Nouvelles données sur l’iconographie funéraire byzantine, à paraître dans Armos (Mélanges Moutsopoulos).

1. Karacaören, Kapılı vadisi. Église de la Chasse d’Eustathe, paroi orientale de la nef. Schéma de la vision d’Eustathe (N. Thierry).

2. Karacaören, Kapılı vadisi. Église de la Chasse d’Eustathe.

3. Mavrucan, église no 3. Vision d’Eustathe (schéma N. Thierry).

4. Saint-Théodore (Pancarlık kilise). Vision d’Eustathe (schéma N. Thierry).

5. Monastère de l’Archangélos, près de Cemil. Hagios Stéphanos. Vision d’Eustathe (schéma N. Thierry).

6. Çavuşin, église du Grand Pigeonnier. Narthex, Vision d’Eustathe (détail).

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semble correspondre à une tradition très locale: il apparaît, en effet, dans la plupart des inscriptions tracées sur la paroi orientale de l’église funéraire voisine — celle au décor aniconique — alors que nous ne l’avons retrouvé nulle part ailleurs. Un arbre stylisé sépare cette inscription du cavalier: du tronc, constitué d’une succession de cornets, jaillissent à gauche trois tiges nues et à droite une large palme feuillue chargée de fruits rouges; suivant la forme de l’espace à décorer, celle-ci s’incline vers la droite au-dessus d’Eustathe. Le cavalier monte un cheval blanc (rehaussé de vert), animal assez lourd, à petite tête, les pattes antérieures lancées en avant, d’un mouvement parallèle. Les pattes arrières sont détruites, mais l’attitude était vraisemblablement celle du « galop volant », fréquente dans les images sassanides et que l’on retrouve en Cappadoce dans l’église n° 3 de Mavrucan3 (Fig. 3). Eustathe est assis de profil, mais le buste face au spectateur; la main gauche levée (détruite) tenait les rênes, la droite, abaissée vers l’arrière, une lance. Sur le visage, que cerne une barbe en collier, se voit une petite moustache fine, tandis que les boucles épaisses de la chevelure tombent jusqu’aux épaules4. Le personnage n’est pas nimbé; il porte un bonnet pointu, dont le sommet, souple, retombe légèrement et qui présente sur le devant une bande verticale ornementale. Ce couvre-chef est inspiré du bonnet dit phrygien ou de la tiare perse, coiffe répandue surtout en Mésopotamie et Syrie du Nord et qu’arbore aussi le saint à Mavrucan n° 3. Le long manteau d’Eustathe correspond, en outre, au costume des cavaliers sassanides; il est rouge sombre, décoré de petits motifs circulaires verts (cernés de points blancs) et devant le buste apparaît une sorte de plastron blanc. Devant le cheval, à droite, se dresse un second « arbre » stylisé qui le sépare du cerf: au sommet d’un tronc constitué de cornets superposés s’épanouit un bouquet de feuilles et de fruits (ou de fleurs). Le cavalier apparaît ainsi isolé et comme auréolé par un encadrement végétal: plus qu’à situer l’épisode de la chasse dans une forêt, celui-ci sert à glorifier le personnage qui s’y inscrit. À droite, près du sommet de l’arc absidal, est représenté le cerf, la tête tournée en

3 N. Thierry, Haut Moyen Age en Cappadoce. L'église no 3 de Mavrucan, Journal des Savants, oct.–déc. 1972, p. 255–257; les peintures de Mavrucan sont attribuées par N. Thierry à l’époque protobyzantine (VIe–VIIe siècle). 4 Ce type iconographique ne correspond pas à celui habituel à partir du Xe siècle: la longue chevelure ne se retrouve en Cappadoce — à notre connaissance — qu’à Mavrucan n° 3, tandis qu’aux Xe–XIe siècles, Eustathe a généralement une barbe plus fournie et les cheveux coupés court.

NOUVELLES RÉPRESENTATIONS DE LA VISION D’EUSTATHE

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arrière, vers son poursuivant. Une fine croix noire s’inscrit horizontalement entre ses bois. De couleur rose, comme dans l’église de Mavrucan, le cerf est ici d’assez petite taille et si le rocher où il est, conformément au texte, souvent grimpé, n’est pas représenté, la position surélevée de l’animal par rapport au cavalier est obtenue par son emplacement au-dessus de l’arc absidal5. On distingue à gauche de l’animal les traces de l’inscription habituelle: « O Placide, pourquoi me poursuis-tu? », etc. La palette du peintre est pauvre, le rouge brique, le rose, le vert et le blanc étant associés au jaune d’or du fond6. Malgré la rusticité du style, la scène séduit par sa composition décorative et par l’harmonie des couleurs. Les particularités de la représentation de Karacaören — le type iconographique d’Eustathe (visage et costume), le « galop volant » du cheval, l’encadrement végétal — les couleurs utilisées, la facture enfin suggèrent pour cette image une datation haute (VIIIe siècle ?). C’est dans une église connue de longue date, Saint-Théodore (Pancarlık kilise)7, près d’Ürgüp, dont les peintures ont été attribuées à la fin du IXe ou au debut du Xe siècle, que nous avons reconnu, très effacée il est vrai, une autre image de la vision d’Eustathe (Fig. 4). Elle est située sur le mur sud, dans la partie orientale de la nef. La dégradation des peintures ne permet pas de description précise. On devine à gauche l’avant-train du cheval et le haut de la silhouette d’Eustathe; le visage, vu de face, est encadré par une chevelure courte, dégageant les oreilles. À droite, représenté tout près du cheval8, le cerf, pourvu d’une importante ramure, se retourne vers son poursuivant. L’animal est de grande taille par rapport au cavalier, comme c’est souvent le cas dans les images les plus anciennes (Saint-Jean-Baptiste de Çavuşin, Hagios Stéphanos de Cemil [Fig. 5], Mavrucan n° 3, tombeau de la nécropole de Göreme), mais il ne se dresse pas sur un rocher. Une grande croix pattée, jaune, se détache, verticale, entre ses bois; la vision théophanique est, en outre, soulignée par un large halo blanc qui cerne la tête, signe de l’irradiation lumineuse de cette croix « brillante comme le soleil ». L’emplacement de la composition On retrouve une semblable utilisation du cadre architectural dans la composition de SaintJean de Güllü dere (913–920): reproduction en couleurs (inversée) dans N. Thierry, Le culte du cerf en Anatolie et la vision de saint Eustathe, Archéologia. Les dossiers, no 121, 1987, p. 71. 6 Couleur également utilisée pour le fond à Mavrucan n° 3, comme dans d’autres décors cappadociens attribués au Haut Moyen Age: Thierry, art. cit. note 3, p. 265. 7 G. de Jerphanion, Une nouvelle province de l'art byzantin. Les églises rupestres de Cappadoce, Paris 1925–1942, II, p. 17–47; M. Restle, Die byzantinische Wandmalerei in Kleinasien, Recklinghausen 1967, III, fig. 374–387. 8 En raison, probablement, du peu d’espace disponible à droite; il en était de même à Ballık kilise, où la scène était peinte sur un pilier: Jerphanion, op. cit. note 7, pl. 176, fig. 3. 5

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dans l’église n’est pas indifférent: contrairement à l’usage le plus fréquent, Eustathe ne se dirigeait pas ici vers l’abside de l’église9, mais en sens inverse, vers l’ouest, où se trouve, aménagée dans un décrochement de la paroi, une vasque liturgique. Ce rapprochement n’est vraisemblablement pas fortuit et tient à la valeur symbolique de la Vision d’Eustathe. Nous avons d’ailleurs reconnu au-dessus de la cuve une autre image du salut, aujourd’hui très effacée: Daniel, orant, entre deux lions dressés sur leurs pattes antérieures10. Les deux thèmes sont semblablement associés, dans un contexte cette fois funéraire, dans l’église de Mavrucan n° 311. Notre troisième image (Fig. 6) se trouve également dans une église aisément accessible et maintes fois décrite, le Grand Pigeonnier de Çavuşin, dont les peintures sont datées du règne de Nicéphore Phocas (963–969)12. La scène décorait le mur nord du narthex, aujourd’hui en partie effondré. Il ne reste que le cavalier, nimbé, dont un pan du manteau flotte au vent derrière lui; le saint et sa monture sont peints dans un camaïeu de roses et de rouges, sur le badigeon rose qui couvre le fond. Sur ce dernier est tracée en lettres blanches, à droite du nimbe, l’inscription nommant Eustathe: Ο AΓHOC ΕΦΤΑΘΗΟC. Le cavalier se dirige vers la gauche — vers l’extérieur de l’église — à la poursuite du cerf, dont n’est conservé qu’un fragment des bois, visible au niveau du nimbe d’Eustathe, à gauche; ce modeste détail permet de restituer un animal d’assez grande taille et qui était probablement monté sur un rocher. Derrière le cavalier, sur le mur est, à gauche de la porte menant dans la nef, est représentée une sainte debout de face, dont le nom est détruit, mais qu’il est tentant d’identifier à la femme d’Eustathe, Théopistè (Fig. 7), ainsi figurée derrière le cheval à Saint-Jean de Güllü dere et, probablement, à Saklı kilise (Göreme 2a). Compte tenu de sa valeur protectrice et prophylactique, la vision d’Eustathe a parfois été peinte à proximité de l’entrée de l’église: c’est le cas en Cappadoce à Zelve 3,

9 Comme il le fait par exemple à Çavuşin, Mavrucan n° 3, Hagios Stéphanos, Saint-Jean de Güllü dere ou Saklı kilise. 10 Jerphanion, op. cit. note 7, II, p. 27, n’a pas reconnu Daniel et décrit un personnage portant un stemma sur la tête et assis sur un trône; si ce dernier détail est inexact, Daniel porte bien ici le stemma, ce qui n’est pas exceptionnel. 11 Thierry, art. cit. note 3, p. 255–257. 12 Jerphanion, op. cit. note 7, I, p. 520–550; L. Rodley, The Pigeon House Church, Çavuşin, Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 33, 1983, p. 301–339; N. Thierry, Haut Moyen Age en Cappadoce. Les églises de la région de Çavuşin, I, Paris 1983, p. 43–57.

7. Çavuşin, église du Grand Pigeonnier. Angle nord-est du narthex, Eustathe et Théopistè (?).

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à Hagios Stéphanos de Cemil13 et à Karae l14; de même, en Géorgie la représente-t-on souvent sur la paroi occidentale ou la façade de l’église15. Mais la situation de la scène dans le narthex — attestée également dans une église « archaïque » de Göreme, Saint-Eustathe (Göreme 11)16 — pouvait être aussi en rapport avec l’utilisation de cette partie de l’église comme lieu d’inhumation. L’effondrement du rocher ne permet pas d’affirmer ici la présence de tombes, mais la fonction funéraire des narthex est bien connue17. L’image de Çavuşin s’ajouterait alors aux exemples déjà répertoriés en Cappadoce d’utilisation de cette scène dans un contexte funéraire. Quoi qu’il en soit, la vénération dont elle était l’objet, liée à sa valeur symbolique comme image de l’aide divine accordée au juste, est confirmée, à Çavuşin, par la présence de nombreux graffiti; ceux-ci ont été gravés par les fidèles autour de la figure d’Eustathe et plusieurs commencent par l’invocation traditionnelle KYPIE ΒΟΗΘΕΙ . . . , « Seigneur, secours . . . ». Ces trois nouvelles images de la Vision d’Eustathe, échelonnées entre le VIIe–VIIIe siècle et le troisième quart du Xe, témoignent donc de la vitalité du sujet en Cappadoce et confirment sa valeur symbolique.

Thierry, op. cit. note 12, p. 8–10. Jerphanion, op. cit. note 7, II, p. 114. 15 Velmans, L’église de Zenobani et le thème de la vision de saint Eustathe en Géorgie, Cahiers Archéologiques 33, 1985, p. 30–45. 16 Jerphanion, op. cit. note 7, I, p. 148–149. 17 Teteriatnikov, Burial Places in Cappadocian Churches, The Greek Orthodox Theological Review, 29, 1984, p. 143–148. 13 14

XVII

Hagiographie cappadocienne: à propos de quelques images nouvelles de saint Hiéron et de saint Eustathe

D

ANS une église jadis publiée par G. de Jerphanion1 et qui fut l’objet ces dernières années de nouvelles études2, le Grand Pigeonnier de Çavuşin (ou église de Nicéphore Phocas), nous avons récemment reconnu deux images de saints non identifiés jusqu’à présent. Il s’agit, sur la paroi orientale de la nef, d’une effigie de Hiéron (Fig. 1), saint originaire du village cappadocien de Matiane (Avcılar)3 et martyrisé à Mélitène, et sur le mur nord du narthex, d’Eustathe à cheval (Fig. 2) poursuivant le cerf, thème très populaire en Cappadoce. Ces nouvelles représentations de deux saints qui, à des titres divers, occupent une place privilégiée dans l’hagiographie cappadocienne, sont donc l’occasion d’une mise au point, à la lumière de quelques autres documents inédits, sur l’iconographie de Hiéron et d’Eustathe dans les églises de la région et sur le culte dont ils étaient l’objet. L’église de Çavuşin, vraisemblablement dédiée aux Taxiarques (ou au seul archange Michel), semble avoir été fondée pour commémorer les campagnes victorieuses de 964–965 menées par Nicéphore Phocas en Cilicie. Le décor célèbre les héros de la guerre contre les Arabes: l’empereur, représenté avec sa famille dans l’absidiole nord et surmonté par la scène de l’apparition G. de Jerphanion, Une nouvelle province de l’art byzantin. Les églises rupestres de Cappadoce, I, Paris 1925–1942 (cité ensuite: Jerphanion), 520–550. 2 L. Rodley, The Pigeon house church, Çavuşin, JÖB 33 (1983), 301–339; N. Thierry, Haut Moyen Age en Cappadoce, I, Paris 1983 (cité ensuite: Haut Moyen Age), 43–57. 3 Appelé successivement Matiane, Maçan, puis Avcılar, le village a été récemment renommé Göreme, toponyme attesté sous la forme Korama dans la Vita de Hiéron pour désigner un site voisin de Matiane (De SS. Hierone et sociis martyribus Melitinae in Armenia, Acta Sanctorum, Nov. III, col. 333). 1

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de l’archange Michel à Josué avant la prise de Jéricho, les généraux Jean Tzimiskès et Mélias le Magistre, figurés en triomphateurs sur le mur nord de la nef. Le programme hagiographique exalte surtout les archanges et les saints militaires (Quarante martyrs de Sébaste) et c’est aux pieds de l’archange Michel, peint à une échelle colossale à l’extrémité orientale du mur nord de la nef, que sont inclinés deux donateurs, vraisemblablement des personnalités locales, peut-être liées à la famille cappadocienne des Phocas. Le décor de l’abside centrale (vision triomphale du Christ en gloire) et le récit détaillé de la vie du Christ, dans la nef, sont conformes aux habitudes décoratives — « archaïques » — de la région4 et cet attachement aux traditions locales est confirmé par la place réservée aux Quarante martyrs de Sébaste, très populaires en Cappadoce5, ainsi qu’à Hiéron et Eustathe. G. de Jerphanion, déjà, avait remarqué la mise en valeur, isolé sur le mur est de la nef, d’un saint militaire de grande taille debout de face, tenant une lance et un bouclier circulaire (Fig. 1). Il proposait d’y reconnaître l’un des Quarante martyrs de Sébaste. Cette identification a été, à juste titre, mise en doute par G. P. Schiemenz et L. Rodley, qui préférèrent y voir saint Georges ou, moins probablement saint Théodore6. De part et d’autre du visage de ce saint, nous avons pu lire l’inscription: ὁ ἅγηος Ἡ[έ]ρων, « le saint Hiéron », qui ne laisse plus aucun doute sur son identification. Il s’agit donc du martyr local, présenté comme une icône monumentale, à droite de l’abside, et faisant pendant à la scène de l’apparition de l’archange à Josué7. L’assistance et la protection de saint Hiéron devaient être invoquées au même titre que celles des archanges ou des martyrs de Sébaste. Dans un monument voisin, Tokalı kilise, à Göreme, une image colossale de saint Hiéron, en costume guerrier, avec la lance et le bouclier, a été ajoutée, vers la même époque, à l’extrémité orientale du mur nord de la nef primitive8 (Fig. 3). Jeune, imberbe, le saint a les cheveux bruns et courts, Jerphanion, I, 69–94. G. P. Schiemenz, Wunderkraft gegen kämpfende Widersacher, ΕΕΒΣ 44 (1979–80), 169 et suiv. 6 Ibid., 201–202; L. Rodley, art.cit. (n. 2), 317; de même Thierry, Haut Moyen Age, 49, n. 3. 7 La synaxe de l’archange Michel est célébrée le 8 novembre, celle de Hiéron le 7: J. Mateos, Le Typicon de la Grande Église, Ms. Sainte-Croix n° 40, X e siècle, I, Rome 1962 (cité ensuite: Typicon) 92–95; Synaxarium CP, col. 199–201, 203–204. 8 Jerphanion, I, 268 et pl. 68, 3. L’adjonction paraît contemporaine du décor de la Nouvelle église, qui, considère-t-on généralement, précède de peu (v. 950–960) celui de 4 5

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avec une raie médiane et trois petites mèches sur le front; il est bras nus. Deux fois plus grand que les figures voisines, Hiéron est placé à l’entrée de la nouvelle nef, situation qui souligne son rôle de gardien du sanctuaire. En face, sur le mur sud, était peint à la même échelle le mégalomartyr cappadocien saint Georges et il est très révélateur que les deux saints aient ici le même rang et la même fonction. Les représentations de Çavuşin et de Tokalı ont en commun, outre leur emplacement privilégié dans l’église, l’imposante stature du saint et son costume guerrier. La première caractéristique s’accorde avec les Actes qui vantent sa force physique exceptionnelle; celle-ci et le fait qu’il fut enrôlé de force dans l’armée peuvent justifier son équipement guerrier, alors qu’il n’était pas soldat mais simple vigneron9. Si l’on considère à présent les autres représentations connues à ce jour en Cappadoce — et l’inventaire n’en est sûrement pas terminé10 — on constate qu’elles restent certes peu nombreuses, mais qu’elles occupent généralement une place importante dans l’église. Ainsi pour l’image la plus ancienne qui nous soit parvenue, celle de Saint-Jean de Güllü dere, vallon proche de Çavuşin. Située dans la chapelle funéraire (nord) de cette église double, dont le décor peut être placé entre 913 et 92011, elle se trouve sous la Déisis peinte dans le tympan oriental de la nef, à l’entrée de l’abside. Les quatre saints figurés sur les piédroits, en intercesseurs privilégiés, sont deux évêques en haut (dont saint Phocas) et deux martyrs en dessous, Hiéron et Tryphon. Près du premier, jeune homme imberbe qui tenait devant le buste la croix des martyrs, nous avons pu lire l’inscription [ὁ ἅγι]ος Ἱέρον, qui n’avait été que partiellement relevée12. Cette représentation précoce de saint Hiéron est

l’église de Çavuşin. Sur l’antériorité de Tokalı, voir en dernier lieu: L. Rodley, art. cit. (n. 2), 329–333. 9 Nous reviendrons plus loin sur cette caractéristique de l’iconographie de Hiéron. 10 La « découverte » du saint Hiéron de Çavuşin montre que même des monuments très connus peuvent réserver des surprises; d’une manière générale, les images de saints isolés, parce qu’elles sont souvent très endommagées, n’ont pas toujours attiré suffisamment l’attention. La rareté des portraits de Hiéron est probablement due en partie à la médiocre conservation des peintures au bas des parois des églises, particulièrement dans les monuments les plus anciens. 11 Sur cette église, voir en dernier lieu: Thierry, Haut Moyen Age, 135–181. 12 Ibid., 158. G. P. Schiemenz avait proposé d’identifier le saint au martyr Alexandre: G. P. Schiemenz, Felskapellen in Göreme-Tal, Kappadokien: Die Yılanlı-Gruppe und Saklı kilise, IstMitt 30 (1980), 303–305.

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la seule qui le montre en martyr, vêtu de la chlamyde; dès le milieu du Xe siècle (à Tokalı kilise et Çavuşin) s’impose le type iconographique du soldat, en cuirasse et armé, qui est le seul connu par la suite. Un autre exemple, encore inédit, confirme l’association privilégiée de Hiéron au programme du sanctuaire: il se trouve dans une église proche de Karabulut kilisesi, dans les environs d’Avcılar (la Matiane des Actes de Hiéron). Utilisé aujourd’hui comme citerne, le monument dont le décor peut être attribué au premier quart du XIe siècle a été brièvement décrit par Annabel Jane Wharton13, sans que soit mentionnée l’image qui nous intéresse. Saint Hiéron était représenté sur le côté est de la niche orientale du mur sud de la nef (Fig. 4), mais seul le haut de la figure est partiellement conservé, avec l’inscription ὁ ἅ(γιος) Ἱέρ[ων]. Le saint était en costume guerrier, le glaive dressé dans la main droite. Gardien du sanctuaire et intercesseur privilégié, il est figuré près de l’icône monumentale du Christ trônant, peinte sur la paroi orientale de la nef, tandis que dans l’abside est représentée la Déisis. Non loin de Nevşehir, près de Nar, nous avons visité en Avril 1989, au lieu-dit Ören, une grande église en croix inscrite conservant des peintures (XIe siècle ?) dans l’abside centrale (Eustathe, Kyriaki et un diacre sur la paroi, deux évêques à la douelle) et dans le naos (la Dormition, saint Pantéléimon, un saint guerrier). Sur la face ouest des piédroits encadrant l’abside médiane sont également figurés deux saints en pied: l’un, au nord, est vêtu de la chlamyde et tient la croix des martyrs, l’autre, au sud, est en costume militaire (cuirasse et manteau rouge), armé d’une lance et d’un bouclier. Le nom du premier est effacé, tandis que, près du second, à droite du nimbe, on distingue quelques lettres (IE . . .) qui pourraient convenir à l’identification de Hiéron. Le type physique du saint ne s’accorderait pas ici avec l’iconographie habituelle, puisqu’il paraît porter une courte barbe noire14: l’état de conservation de la peinture rend cependant ce détail incertain. Une fois de plus, Hiéron serait peint en costume guerrier et en situation privilégiée à l’entrée de l’abside15. 13 A. J. Wharton, Art of Empire. Painting and Architecture of the Byzantine Periphery, Pennsylvania State University Press 1988, 41–42. 14 En Cappadoce, Hiéron est toujours imberbe; hors de Cappadoce, il est généralement figuré âgé, avec une barbe grise ou blanche. 15 Le décor de la conque absidale est détruit; on distingue cependant à droite une main tournée vers le centre, qui suggère de restituer la composition traditionnelle des absides de Cappadoce au XIe siècle: la Déisis.

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À Saklı kilise (Göreme 2a), vers le milieu du Xle siècle, Hiéron, imberbe, se trouve sur le pilastre nord, entre les deux parties de la nef transversale16; il porte là encore la cuirasse, tient une lance dans la main droite et s’appuie de la gauche sur un grand bouclier (Fig. 5). Le dernier exemple certain de saint Hiéron, signalé par G. de Jerphanion17, se trouve dans le narthex d’une église (Göreme 31) que nous n’avons pu visiter, à proximité de Kılıçlar kilisesi. Le saint occupait une fois de plus une position « stratégique », près de la porte. D’après G. de Jerphanion, il tenait la lance de la main droite et, détail insolite, un globe sur la main gauche, attribut emprunté à l’iconographie des archanges qui, s’il est exact, contribuait à la glorification du saint, à moins qu’il ne se soit agi simplement d’une confusion de l’artiste. Les peintures se rattachent en effet au groupe de décors pauvres, souvent médiocres, dit de Yılanlı kilise (seconde moitié du XIe siècle). Pour en terminer avec le dossier iconographique cappadocien de Hiéron, signalons la représentation dans une chapelle du vallon de Meskendir (non loin de Çavuşin) d’une femme nimbée richement vêtue, qu’une inscription difficilement déchiffrable aurait désignée, selon G. P. Schiemenz, comme la mère de Hiéron, Stratonikè18. Bien qu’elle ne soit pas sainte, on ne peut certes exclure qu’elle ait été dans la dévotion populaire locale l’objet d’un culte; mais celui-ci n’est attesté par aucun autre indice, et, en l’absence d’image de saint Hiéron à proximité, il nous semble difficile de retenir cette identification. Ces quelques exemples — et ils ne sont nullement le résultat d’une enquête systématique sur le terrain — montrent que les images de saint Hiéron ne sont pas aussi rares qu’on a pu le croire19. Ils confirment la vénération portée au martyr local et la persistance de son culte jusqu’au XIe siècle compris. Rappelons brièvement la légende20. Hiéron, vigneron originaire de Matiane et doué d’une force physique exceptionnelle, est poursuivi dans les

M. Restle, Byzantine Wall Painting in Asia Minor, II, Greenwich, Conn. 1967, schéma face à la fig. 21, n° 144 (nommé par erreur Jérôme). 17 Jerphanion, I, 257 (sans figure). 18 G. P. Schiemenz, art. cit. (n. 12), 318–319. La chapelle présente un décor pauvre de croix, avec seulement deux panneaux figurés attribuables au XIe siècle. 19 G. de Jerphanion n’en connaissant que deux (Tokalı et Göreme 31) s’étonnait de cette rareté. 20 De SS. Hierone et sociis martyribus Melitinae in Armenia, Acta Sanctorum, Nov. III, col. 329–335. 16

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vignes, pour être enrôlé dans l’armée, par les soldats de Dioclétien. Il tente de leur échapper en se cachant dans une caverne, mais est finalement capturé et engagé de force dans l’armée impériale. Envoyé à Mélitène, il refuse d’abjurer la foi chrétienne et est martyrisé avec trente compagnons. Conformément à la volonté du saint, sa main, coupée lors de son martyre, est rapportée à sa mère en Cappadoce pour être vénérée comme relique et conservée dans une chapelle au lieu-dit Kodessanè (Kadesanè)21, situé à proximité de Matiane (Avcılar) et de Korama (Göreme). C’est autour de ce sanctuaire qu’a vraisemblablement été créée — pour authentifier un saint local — la première légende littéraire des martyrs de Mélitène22 faisant de Hiéron le principal protagoniste du récit. Il est alors tentant de mettre en relation cette légende, la basilique rupestre protobyzantine conservée à Çavuşin (Saint-Jean-Baptiste), qui est pourvue d’une remarquable fosse à reliques23, et la place de Hiéron dans l’iconographie cappadocienne. Attribuée au début du VIe siècle, la basilique est à peu près contemporaine de la rédaction de la Passion de Hiéron et la relique du saint, sa main coupée, a pu y être conservée24. Nous pensons donc qu’on peut localiser à Çavuşin25 le lieu-dit Kodessanè des Actes de Hiéron. La proximité géographique de Korama-Göreme et Matiane-Maçan (Avcılar), conformément au récit, s’accorde avec cette identification, de même que la localisation à Çavuşin et dans les environs (vallon de Güllü dere, régions de Göreme et d’Avcılar) de la plupart des images connues de Hiéron. La Passio prior donne Κοδεσσάνη (Acta Sanctorum, Nov. III, col. 333), la rédaction de Métaphraste Καδεσάνη (ibid., col. 337, PG CXVI, col. 117), site mentionné par F. Hild et M. Restle, Kappadokien (Kappadokia, Charsianon, Sebasteia und Lykandos), TIB 2, Wien 1981, 207, sans que soit proposée une localisation précise. 22 Plusieurs sources mentionnent un groupe de martyrs de Mélitène, dont le nombre varie de trente à cinquante: cf. Bibliotheca Sanctorum VI (1965), col. 268–269, s.v. Gerone (G. Lucchesi). La Passio prior de Hiéron passe pour avoir été rédigée en Cappadoce au VIe siècle, probablement à partir d’un récit plus ancien. 23 Sur ce monument, voir en dernier lieu: Thierry, Haut Moyen Age, 59–104. Signalons la présence insolite — non remarquée jusqu’ici — au registre inférieur de l’abside, sous les apôtres, d’une très nombreuse série de saints (pour la plupart détruits aujourd’hui); on peut proposer de les identifier à un groupe de martyrs nombreux et pourquoi pas justement aux martyrs de Mélitène, Hiéron et ses compagnons? On pourrait penser aussi aux Quarante martyrs de Sébaste (figurés à cheval au bas de la paroi de l’abside de Karabaş kilise, Soğanlı). 24 Avec d’autres reliques: la basilique semble, en effet, avoir été dédiée à saint JeanBaptiste, mais Hiéron pouvait figurer parmi les titulaires. 25 Anciennement Çavuşini, c’est-à-dire « la caverne du sergent », toponyme attesté déjà au milieu du XVIe siècle dans les Archives de la Présidence du Conseil d’Istanbul, Fonds Tapu ve 21

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Il est d’autre part intéressant de constater qu’à l’exception de la représentation la plus ancienne, celle de Saint-Jean de Güllü dere, au début du Xe siècle, Hiéron a toujours été présenté comme un saint guerrier, en cuirasse et armé, type iconographique qui n’est pas conforme au récit de sa vie, mais qui s’accorde avec la place importante faite aux saints militaires dans le répertoire hagiographique cappadocien, celle-ci exprimant les préoccupations des donateurs et des fidèles. L’iconographie de Hiéron illustre ainsi une tendance plus générale en Cappadoce: le peu d’intérêt pour le récit hagiographique et la préférence pour les représentations hiératiques et stéréotypées des saints, icônes offertes à la vénération des fidèles. Bien que Hiéron et ses compagnons soient fêtés par l’Église de Constantinople le 7 novembre26, le martyr de Matiane n’a été figuré hors de Cappadoce que dans l’illustration de quelques rares synaxaires et ménologes27. C’est généralement le martyre par décapitation de Hiéron et de ses compagnons qui est représenté et le saint est figuré comme un vieillard à barbe grise ou blanche28. Son culte et son iconographie apparaissent donc, en Cappadoce, comme un phénomène essentiellement local. Importante au VIe siècle, comme en témoignent la rédaction de sa Passion légendaire et le martyrium de Çavuşin, la vénération portée à Hiéron se poursuit — ou renaît — au Xe siècle et elle s’exprime encore dans les décors populaires du XIe siècle, alors que le saint disparaît des programmes plus étroitement associés à l’art de la capitale (comme ceux des « églises à colonnes » de Göreme, par exemple). Tahrir defterleri 455, p. 793: communication Irène Beldiceanu-Steinherr dans Thierry, Haut Moyen Age, 37, n. 5. 26 Synaxarium CP, col. 199–201; Mateos, Typicon, 92–93 (synaxe à Saint-Jacques Adelphothéos, dans l’enceinte de la Théotokos Chalcoprateia). 27 Outre le Ménologe de Basile II, fol. 166 (martyre de Hiéron et de ses compagnons), citons le Vatic. gr. 1156 (XIe siècle), fol. 266r (les martyrs de Mélitène), le Sinait. gr. 500 (XIIe siècle), fol. 92r, le ménologe peint à Saint-Georges de Staro Nagoričino, 1317; pour ces exemples: P. Mijović, Ménologe. Recherches iconographiques, Belgrade 1973 (en serbe avec rés. fr.), 196, 203, 269 (et 365 et 379 pour les exemples post-byzantins de Peć et Pelinovo). La décapitation de Hiéron est également figurée dans le ménologe Gr. th. f. 1 de la Bodleian Library d’Oxford (1322–1340), fol. 16: I. Hutter, Corpus der byzantinischen Miniaturhandschriften. Oxford Bodleian Library, II, Stuttgart 1978, n° 1, p. 8–9, fig. 27. Le LChrI 6, 1974, col. 518 mentionne une image de Hiéron à Zemen (Bulgarie, XIVe siècle), mais il s’agit d’un autre saint, Myron. Saint Hiéron n’est pas cité dans le Guide de la Peinture de Denys de Fourna. 28 Du moins dans les exemples que nous avons pu contrôler.

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Revenons à l’Église du Grand Pigeonnier de Çavuşin et à l’identification de la Chasse d’Eustathe. Sur le mur nord du narthex, dont la partie ouest est effondrée, est peint un saint sur un cheval rouge qui se dirige vers la gauche, son manteau flottant derrière lui (Fig. 2), figure jusqu’à présent non identifiée. Nous avons pu lire, à droite de son nimbe, l’inscription désignant saint Eustathe, ὁ ἅγηος Ἐφτάθηος, tandis qu’à gauche se voit encore une partie des bois du cerf que le cavalier poursuivait, l’animal ayant disparu avec l’effondrement du rocher. La situation de la scène dans le narthex, près de l’entrée de l’église29, n’est pas exceptionnelle, compte tenu de la valeur protectrice et prophylactique qui lui est attachée30. Il n’est pas exclu non plus que la composition ait été rapprochée d’une ou plusieurs tombes (disparues aujourd’hui): la présence de celles-ci dans le narthex est fréquente31 et l’utilisation funéraire de la Vision d’Eustathe bien documentée. Plusieurs graffiti anciens — invocations de fidèles gravées autour de la figure — témoignent de la vénération dont l’image a été l’objet. Celle-ci s’accorde avec la popularité de l’épisode de la chasse et de la vision d’Eustathe32 en Cappadoce, phénomène qui a depuis longtemps retenu l’attention des chercheurs33 et que 29 La sainte aujourd’hui anonyme peinte à gauche de l’entrée (derrière Eustathe) pourrait être Théopistè, la femme d’Eustathe, ainsi figurée derrière le cheval à Saint-Jean de Güllü dere et, probablement, à Saklı kilise (Göreme 2a); voir références infra, n. 47. 30 À Zelve 3, la scène était peinte sur le mur sud de la nef, au-dessus de la porte; de même à Hagios Stéphanos, près de Cemil. À Göreme 11, elle se trouve dans le narthex. À Hacı İsmail dere 2 (ou Karae 1), elle était sur le mur ouest de la nef, à gauche de la porte (détruite). Pour les références, voir infra, n. 47. En Géorgie, la scène est souvent sur la paroi occidentale ou sur la façade de l’église: T. Velmans, L’église de Zenobani et le thème de la Vision de saint Eustache en Géorgie, CahArch 33 (1985), 30–45 (cité ensuite: L’église de Zenobani). 31 N. B. Teteriatnikov, Burial places in Cappadocian churches, The Greek Orthodox Theological Review 29 (1984), 143–148. 32 Pour les sources de la légende de saint Eustathe: F. Halkin, BHG 1 Bruxelles 1957, 201, os (n 641, 642, 643); H. Delehaye, Légende de saint Eustache, Mélanges d’hagiographie grecque et latine, Bruxelles 1966, 212–239; voir aussi le Synaxaire de Constantinople (Synaxarium CP, col. 59–61), et les Ménées, au 20 septembre (éd. Venise 1880, 121). 33 Sur le thème de la Vision d’Eustathe: N. Thierry, Un problème de continuité et de rupture. La Cappadoce entre Rome, Byzance et les Arabes, CRAI 1977, 122–127; Velmans, L’église de Zenobani, 30–45; A. Coumoussi, Une représentation rare de la Vision de saint Eustache dans une église grecque du XIIIe siècle, CahArch 33 (1985), 51–60; N. Thierry, Le culte du cerf en Anatolie et la Vision de saint Eustathe, Dossiers Histoire et Archéologie, n° 121, Novembre 1987, 68–79. Sur ce thème, voir aussi Δ. Πάλλας, Εἰκόνα τοῦ Ἁγίου Εὐσταθίου στή Σαλαµίνα, Χαριστήριον εἰς Ἀναστάσιον Κ. Ὀρλάνδον, Γ’, Athènes 1966, 328–369. Son origine reste controversée: création cappadocienne pour N. Thierry, géorgienne pour T. Velmans.

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confirment deux autres exemples inédits34. Le premier se trouve dans une église connue de longue date, SaintThéodore ou Pancarlık kilise35, près d’Ürgüp, dont les peintures peuvent être placées à la fin du IXe siècle. La scène, située sur le mur sud de la nef, dans la partie orientale de l’église, est partiellement détruite et les peintures ont beaucoup pâli, ce qui explique que le sujet n’ait pas été remarqué36. On distingue cependant le haut de la silhouette du cavalier et, à droite, le cerf37 se retournant vers son poursuivant, une croix assez grande entre ses bois. On remarque que la scène est située à proximité immédiate d’une vasque, sorte de grand « bénitier » aménagé à droite, dans le décrochement de la nef, et vers lequel le cavalier poursuivant le cerf semble se diriger. Juste au-dessus de la cuve38, une autre composition, restée jusqu’à présent sans explication, peut être identifiée à Daniel orant entre deux lions dressés sur leurs pattes antérieures39. Deux images symboliques du salut, de l’intervention divine en faveur des fidèles, ont été ainsi rapprochées d’une vasque liturgique. Il est intéressant de mettre en parallèle ce programme et celui de l’église de Mavrucan (aujourd’hui Güzelöz) n° 3, où, dans un contexte cette fois funéraire, la Vision d’Eustathe fait face à Daniel entre les lions40. Un autre exemple inédit — et mieux conservé — du thème se trouve précisément dans un complexe funéraire: celui de Karacaören, à quelques kilomètres à l’est — sud-est d’Ürgüp41. Au sud de l’église peinte déjà connue, 34 Un troisième, dans une église à Erdemli (à 3 km de Yeşilhisar), sera publié par N. Thierry dans les Monuments Piot. 35 Sur ce monument: Jerphanion, II, 17–47; M. Restle, op.cit. (n. 16), III, fig. 374–387. 36 Non plus que la représentation, à gauche de celui-ci, de deux saints cavaliers affrontés. 37 Qui n’était pas ici grimpé sur un rocher. 38 C’est-à-dire sur le pan de mur est qui marque le décrochement entre les deux parties de la nef, sous une représentation de la Vierge trônant avec l’Enfant. 39 Jerphanion, II, 27, décrit un personnage coiffé d’un stemma assis sur un trône (Constantin? le Christ sous les traits d’un empereur ?). S’il n’y a pas de trône, Daniel est bien coiffé d’un stemma, ce qui se voit ailleurs; voir par exemple K. Weitzmann, The Miniatures of the Sacra Parallela Parisinus Graecus 923, Princeton 1979, pl. LXXXV, 388. 40 N. Thierry, Art byzantin du Haut Moyen Age en Cappadoce: l’église n° 3 de Mavrucan, JSav 1972, 255–257. 41 Le complexe funéraire de Karacäoren est encore inédit; nous en avons seulement décrit une église au décor aniconique: C. Jolivet Lévy, Peintures byzantines inédites de Cappadoce, Archéologia 229 (Novembre 1987), 40–43.

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se trouvait un autre sanctuaire de même type architectural: nef longitudinale à plafond plat, prolongée par une abside unique. Seules l’extrémité orientale de la nef et l’abside — très ensablées — sont encore conservées. La Vision d’Eustathe est peinte sur la paroi est de la nef, à gauche de l’entrée de l’abside (Fig. 6). Une inscription, à l’extrémité nord du même mur, sous la corniche du plafond, confirme la valeur de la scène comme ex-voto funéraire: Ἐγὼ Θ[εό]δοτος µετέστη ἐκ τοῦ β[ί]ου µι[ν]ὴ φε[βρουαρίου] . . ., « Moi, Théodotos, ai quitté la vie au mois de février . . . ». La fin n’est plus lisible. Ce formulaire inhabituel est utilisé aussi dans la plupart des inscriptions funéraires qui tapissent la paroi orientale de l’église voisine. Un arbre sépare l’inscription du cavalier peint à droite; du tronc, constitué d’une succession de « cornets », jaillissent trois tiges nues (à gauche) et une large palme feuillue chargée de fruits rouges, qui, suivant la forme de l’espace à décorer, s’incline vers la droite, au-dessus du saint. Celui-ci, dont le buste est vu de face, est monté sur un cheval blanc (rehaussé de vert), qui se cabre, les pattes antérieures placées contre le bord de l’arc absidal. La main gauche levée tenait les rênes, la droite, abaissée vers l’arrière, une lance. Le visage de Placide-Eustathe, avec sa fine moustache et sa barbe en collier, est encadré par une épaisse chevelure brune qui tombe jusqu’aux épaules. Le cavalier porte un bonnet pointu42, rouge sombre, à bouton sommital, qui paraît dérivé de la coiffe sassanide. Il n’est pas nimbé et est vêtu d’un long manteau rouge foncé décoré de petits motifs circulaires verts (cerclés de points blancs) et comportant devant le buste une sorte de plastron blanc43. À droite, devant le cheval, un nouveau motif végétal stylisé — bouquet de feuilles et de fruits (ou de fleurs) s’épanouissant au sommet d’une tige constituée de « cornets » superposés — sépare le cavalier du cerf, le saint se trouvant ainsi isolé et mis en valeur par un encadrement végétal. Au-delà, à droite, près du sommet de l’arc absidal est peint le cerf crucigère; de couleur rose, il retourne la tête vers son poursuivant, auquel il adressait les paroles habituelles (« O Placide, pourquoi me poursuis-tu? . . . » ), dont il ne reste que quelques lettres peu distinctes. Entre ses bois s’inscrit une fine croix noire disposée horizontalement. Le rocher sur lequel est souvent grimpé le cerf, conformément au récit, n’est pas ici représenté, mais la position surélevée de Comparable à celui d’Eustathe à Mavrucan 3, où il a également les cheveux longs (supra, n. 40); voir aussi la stèle de Mavrouvo à David-Garedja, VIIe siècle: Velmans, L’église de Zenobani, 32. 43 Manteau long qui paraît, comme le bonnet, dérivé du costume des cavaliers perses. 42

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l’animal par rapport au cavalier est obtenue par son emplacement au-dessus de l’arc absidal44. Toute la composition se détachait sur un fond jaune45. L’emplacement de la Vision d’Eustathe, à l’entrée de l’abside, son caractère d’ex-voto funéraire, confirmé par l’inscription voisine, l’iconographie même, avec la présence, plutôt rare, des deux « arbres »46, traduisent clairement la valeur de la composition comme image de salut. Quant à la datation, elle reste, en l’état actuel de la recherche, difficile à préciser, mais maints indices, tant iconographiques que stylistiques, plaident en faveur d’une datation au Haut Moyen Âge. Même s’il l’on retient une fourchette chronologique large — VIIIe–IXe siècles — les décors dits « archaïques » de la région représentent sûrement un terminus ante quem. Ces trois représentations inédites de la Vision d’Eustathe s’ajoutent à la quinzaine d’exemples cappadociens déjà répertoriés47, qui s’échelonnent entre 44 Même adaptation à la surface à décorer (avec suppression du rocher) à Saint-Jean de Güllü dere: le cerf est placé au-dessus d’un arc. 45 À droite de la Vision d’Eustathe se trouvent les motifs suivants: une frise décorative de motifs lancéolés (séparés par des boutons) disposés en zigzag, au sommet de l’arc absidal, un buste d’évêque (probablement saint Basile) en médaillon, à droite, et un grand motif circulaire en partie ensablé. 46 Compte tenu de l’absence d’autres éléments de paysage (en particulier du rocher), il est vraisemblable que ces « arbres » ne servent pas seulement à situer la scène en forêt, au milieu d’un végétation abondante, mais qu’ils ont une valeur symbolique honorifique et, peut-être, paradisiaque. 47 Zelve 3 (Thierry, Haut Moyen Age, II, à paraître), Saint-Jean-Baptiste de Çavuşin (Thierry, Haut Moyen Age, I, 96–97), Hagios Stéphanos de Cemil (ibid., 8–10), Mavrucan 3 (Thierry, art.cit. (n. 40, 255–257), Güllü dere 4 (Thierry, Haut Moyen Age, I, 157–158), Güllü dere 3 (ibid., 121; l’identification donnée comme hypothétique paraît certaine), Göreme 11 (Jerphanion, I, 148–149), tombeau de la nécropole de Göreme (N. Thierry, Découvertes à la nécropole de Göreme (Cappadoce), CRAI 1984, 674–675), Tavşanlı kilise (Jerphanion, II, 84), Hacı İsmail dere 2/Karae l (Jerphanion, II, 114), Ballık kilise de Soğanlı (Jerphanion, II, 256), Église du prêtre Jean d’İhlara (N. Thierry, Études cappadociennes. Région du Hasan Dağı. Compléments pour 1974, CahArch 24 (1975), 187 et ead., Le culte du cerf en Anatolie, art.cit. (n. 33, fig. p. 70), Saklı kilise (Thierry, ibid.), Geyik kilise de Soğanlı (Jerphanion, II, 371), Saint-Georges d’Ortaköy (Jerphanion, II, 242). Parmi ces exemples ont aujourd’hui disparu les images de Hacı İsmail dere 2, Ballık kilise et Geyik kilise. On peut ajouter à cette liste la représentation inédite d’Erdemli (supra, n. 34), et, peutêtre, une composition très effacée à Kubelli kilise l (Soğanlı): dans la niche orientale du mur nord, était peint un saint cavalier se dirigeant vers la droite, où se distinguent les pattes d’un animal; si l’identification demeure ici hypothétique, elle serait cependant confortée par la présence à proximité d’une image de Théopistè (Jerphanion, II, 277). Nous ne tenons pas compte dans cet inventaire de l’identification, qui reste à notre avis problématique, d’une version iconoclaste de la scène à Davullu kilisesi, Yaprakhisar (N. Thierry, Mentalité et formulation iconoclastes en Anatolie, JSav 1976, 82–88).

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l’époque pré-iconoclaste et le XIIIe siècle, avec une fréquence maximale au Xe siècle, celle-ci témoignant de l’épanouissement particulièrement important du culte d’Eustathe en Cappadoce à l’époque du renouveau de la province, après la fin des attaques arabes. Leur iconographie était conforme, autant que l’on en puisse juger et malgré des variantes de détail, au schéma habituel en Cappadoce, associant l’évocation de la chasse — le saint, à cheval, poursuit le cerf, la lance à la main — et celle de la théophanie — le cerf, portant la croix48 dans la ramure, est arrêté, il tourne la tête vers l’arrière pour faire face à Eustathe et lui parle, révélant sa divinité. Ce type iconographique, que l’on peut qualifier de cappadocien, se distingue des versions géorgienne et constantinopolitaine du même sujet. La formule géorgienne en est proche, qui conserve le type dynamique de la chasse, mais remplace la lance par l’arc49, tandis que le visage du Christ, de préférence à la croix, s’inscrit dans la ramure du cerf. Dans la tradition constantinopolitaine50, l’épisode a surtout servi à l’illustration du Psaume 96, 11 (« La lumière s’est levée pour les justes »); dans ce contexte, l’accent est mis sur la conversion de PlacideEustathe, souvent déjà tombé de cheval et « illuminé » par l’apparition de l’image du Christ, devant laquelle il prie51. Mais le thème se rencontre aussi dans les ménologes du XIe siècle et si le manuscrit de la British Library Add. 11870 montre une iconographie apparentée au type des psautiers52, la miniature du ménologe Esphigménou 14 se rapproche de la formule 48 49

fig. 19.

Sauf à Geyik kilise, où il s’agit exceptionnellement du visage du Christ. Sauf sur la façade sculptée de Martvili, Xe siècle: Velmans, L’église de Zenobani, 32,

50 Eustathe, Théopistè et leurs deux enfants sont commémorés le 20 septembre: Synaxarium CP, col. 59–61 (bref résumé de leur vie et de leur martyre); parmi les manuscrits utilisés par H. Delehaye, seul le codex 103 de la Bibliothèque de l’Université de Messine, XIIe siècle, décrit l’épisode de la chasse: ibid., col. 61–62, 1. 43 et suiv. 51 Iconographie visant à légitimer l’icône du Christ; sur l’interprétation de la scène dans le contexte de la restauration des images: A. Grabar, L’iconoclasme byzantin. Le dossier archéologique, 2e éd., Paris 1984, 238. La Vision d’Eustathe est représentée dans les psautiers suivants: au IXe siècle, Chludov (M. Ščepkina, Miniatiury Hludovskoj Psaltyri, Moscou 1977, fol. 97v), Pantocrator 61 et Paris. gr. 20 (S. Dufrenne, L’illustration des psautiers grecs du Moyen Age, I, Paris 1966, pl. 21 et 35); au XIe siècle, Londres Add. 19352 (S. Der Nersessian, L’illustration des psautiers grecs du Moyen Age, II, Paris 1970, fig. 211), Barberini Vatic. gr. 372 (fol. 160v.: C. Walter, « Later-day » saints in the model for the London and Barberini psalters, REB 46 (1988), 216 et pl. VII, fig. 13); après 1300, Hamilton, Kupferstichkabinett 78. A. 9 (Δ. Πάλλας, art.cit. n. 33, pl. CIII). 52 Fol. 151r; le saint est cependant représenté debout, en prière vers le Christ qui apparaît dans la ramure. Sur cette image et les autres représentations de la Vision d’Eustathe dans

1. Çavuşin, église du Grand Pigeonnier. Saint Hiéron.

2. Çavuşin, église du Grand Pigeonnier. Saint Eustathe poursuivant le cerf.

3. Göreme, Tokalı kilise. Saint Hiéron.

4. Église à la citerne, environs d’Avcılar, vue vers le sud-est. Christ trônant, saint Ephrem et, en dessous, saint Hiéron.

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cappadocienne, avec cependant le Christ dans la ramure et non la croix53. De même, les rares exemples ultérieurs connus en Italie du Sud54, en Grèce et dans les îles semblent avoir suivi, pour l’essentiel, la variante cappadocienne55. Ces parallèles, même peu nombreux, témoignent, semblet-il, du rayonnement de l’iconographie anatolienne dans ces régions, où le sujet ne connut cependant jamais une grande faveur. Ajoutons que ces nouvelles images de la chasse d’Eustathe confirment et complètent ce que l’on savait de la valeur de la scène et de son emplacement privilégié dans l’église. Image du salut apporté par le Christ, elle est peinte — souvent à titre votif — pour sa fonction d’intercession et pour son rôle protecteur et prophylactique. Comme telle, elle se rencontre souvent dans un contexte funéraire. À Saint-Théodore (Pancarlık kilise), son rapprochement d’une vasque liturgique s’observe pour la première fois, mais le symbolisme est le même. Le culte d’Eustathe en Cappadoce s’est exprimé aussi, mais secondairement56 et de façon moins spécifique, par les « portraits », en pied ou en buste, du saint, de sa femme Théopistè et de leurs fils, Agapios et Théopistos. Ceux-ci, malgré les destructions qui ont touché surtout le bas des parois des églises et les figures de saints isolés, restent assez nombreux dans les églises de Cappadoce et ils devaient l’être plus encore. Certains jouissent d’un emplacement privilégié, dans l’abside ou près de l’entrée de

psautiers et ménologes: A. Mitsani, Le ménologe métaphrastique illustré de Londres, British Library Additional 11870, Paris 1987 (Thèse dactylographiée), 95, 97–101. 53 Fol. 52: S. M. Pelekanidis – P. C. Christou – Ch. Tsioumis – S. N. Kadas, The Treasures of Mount Athos. Illuminated Manuscripts, II, Athènes 1975, 363, fig. 329. Même variante en Cappadoce à Geyik kilise. 54 Santi Eremiti à Palagianello et, peut-être, San Onofrio près de Tarente: A. Medea, Gli affreschi delle cripte eremetiche pugliesi, Rome 1939, 230, fig. 160, p. 238–239, fig. 162. 55 Avec des variantes, comme la représentation du cerf crucigère immobilisé face au cavalier à Sainte-Thècle (XIIIe siècle), en Eubée (A. Koumoussi, Les peintures murales de la Transfiguration de Pyrgi et de Sainte-Thècle en Eubée, Athènes 1987, 168 et suiv.); citons comme autres exemples le panneau votif (détruit) d’un protospathaire Jean dans le narthex de Saint-Georges Diassoritis à Naxos, fin XIIe siècle (Γ. Δηµητροκάλλης, Ὁ ναὸς τοῦ Ἁγίου Γεωργίου τοῦ Διασσορίτου τῆς Τραγαίας Νάξου, Τεχνικὰ Χρονικὰ 217 (1962), 23, fig. 5), la peinture de Saint-Jean Prodrome à Kato Kastania d’Epidaure Limèra, v. 1280 (Σ. Καλοπίση-Βέρτη, Ἔρευνα στὴν Ἐπίδαυρο Λιµηρά, ΠΑΕ 1982, 420), celle de HagiosBasilios à Arta (Velmans, L’église de Zenobani, 36) et celle de Saint-Nicolas à Krini, Trikala, début XIVe siècle (Catalogue, Byzantine and Post-Byzantine Art, Athènes 1985, n° 56). 56 Ces « portraits » ne semblent apparaître, en effet, qu’au Xe siècle.

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celle-ci57, preuve de la vénération dont ils étaient l’objet. À Saint-Jean de Güllü dere (913–920), dans la chapelle funéraire où était déjà peinte la Vision d’Eustathe (sur le mur sud de la nef nord), le saint était figuré une seconde fois, en buste, au fond de la niche sud de l’abside, entre ses fils Agapios et Théopistos58. Tous trois sont représentés en martyrs, vêtus de la chlamyde. Subordonnés à la Déisis de la conque, ils ont été choisis comme intercesseurs privilégiés et sont associés à d’autres martyrs très vénérés dans la région et commémorés également au mois de novembre: Akindynos, l’un des Cinq martyrs perses du 2 novembre, et Oreste, vraisemblablement le martyr de Tyane (10 novembre). Quant à Théopistè, la femme d’Eustathe, elle n’a pas trouvé place dans l’abside, mais a été reléguée dans la nef, sur le mur sud, près de l’épisode de la Vision. Deux autres programmes « archaïques », à Göreme 11 et Tavşanlı kilise, réservent aussi une place particulière à Eustathe; on en a déduit, à notre avis à juste titre, qu’il était le titulaire ou, du moins, qu’il figurait parmi les titulaires de ces églises. À Göreme 11 s’ajoutent à l’épisode de la chasse (peinte dans le narthex) deux portraits du saint, accompagné de ses deux fils, peints à chaque fois à un emplacement clé (entrée de l’abside et entrée de l’église). En buste et en médaillon à l’intrados de l’arc absidal, en pied sur le mur ouest, les trois saints sont toujours représentés en martyrs, vêtus de la chlamyde et tenant la croix, et ils sont dans les deux cas associés à deux des martyrs perses du 2 novembre59. À Tavşanlı kilise, donc le décor est daté du règne de Constantin VII Porphyrogénète, la Vision d’Eustathe — aujourd’hui détruite — était peinte sur la paroi est de la nef, à droite de l’entrée de l’abside, emplacement souvent réservé à l’image du saint titulaire. À l’extrémité orientale du mur sud attenant se trouvaient Théopistè, Théopistos et Agapios, et, au fond de l’arcature aveugle creusée à droite de ce

57 Signalons, car nous n’en ferons pas mention plus loin, la représentation de Théopistos et Agapios sur le mur sud du bras est, à droite de l’entrée de l’abside, à Yılanlı kilise (Peristrema), IXe siècle: N. et M. Thierry, Nouvelles églises rupestres de Cappadoce. Région du Hasan Dağı, Paris 1963 (cité ensuite: Hasan Dağı), 108. Curieusement, on n’a pas retrouvé à proximité de portrait de saint Eustathe; même remarque pour une église voisine, Sümbüllü kilise (Xe–XIe siècle), où l’on n’avait apparemment représenté que les deux fils d’Eustathe (mur ouest): infra, n. 62. 58 Seule l’identification d’Agapios sur le versant ouest de l’intrados est certaine, mais la restitution de Théopistos (sur le versant est) est vraisemblable, Agapios n’étant jamais représenté sans son frère. 59 Jerphanion, I, 150, 153.

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groupe, Eustathe, en figure isolée60. L’état de conservation des peintures ne permet plus de préciser leur type iconographique, mais ils étaient sûrement encore ici représentés en martyrs. Dans la chapelle de Göreme n° 9, dédiée à la Théotokos, à saint Jean-Baptiste et à saint Georges, les saints, vêtus de la chlamyde, sont figurés en buste, en médaillons, et à un emplacement plus modeste: sous l’encorbellement de la voûte de la nef. Pourtant, là encore, ils sont dans la partie orientale, la série commençant près du sanctuaire par Oreste (de Tyane), auquel succèdent Agapios, Eustathe et Théopistos61. À Kılıçlar kilisesi (Göreme 29), Eustathe, ses fils et un autre saint, tous figurés de face, en chlamyde, sont placés, comme à Göreme 11, en gardiens de l’église, dans la travée ouest, près de l’entrée62. Parmi les quelques autres images qui, au Xe siècle63, témoignent de la vénération portée à Eustathe et à sa famille en Cappadoce, celle d’El Nazar (Göreme 1) mérite une attention particulière64 (Fig. 7). Eustathe, si c’est bien de lui qu’il s’agit, est figuré debout de face, de grande taille, tenant une lance dans la main droite et une croix à longue hampe dans la main gauche. Cette croix, aux extrémités barrées, semble avoir été gemmée; distincte de celle qui est habituellement mise dans la main des martyrs, elle est semblable, quoique plus fine, à celle que tiennent Constantin et Hélène. Le

Jerphanion, II, 84. Jerphanion, I, 124. À l’emplacement correspondant, du côté nord, sont représentés les martyrs perses du 2 novembre. Dans une chapelle proche, la 15a, qui offre un répertoire hagiographique assez comparable, Eustathe et ses fils auraient été figurés, peutêtre accompagnés de Théopistè, sur le mur nord de la nef: Jerphanion, I, 146; G. P. Schiemenz, Verschollene Malereien in Göreme: Die archaische Kapelle bei Elmalı Kilise und die Muttergottes zwischen Engeln, Orientalia Christiana Periodica 34 (1968), 74–75; aucune figure n’est plus aujourd’hui identifiable. 62 Jerphanion, I, 211. Dans l’église n° 1 de Çökek, décorée par le même atelier, leur place est également dans la partie ouest de l’église, dans les arcs sud (Eustathe et Théopistè) et est (Agapios et Théopistos) du compartiment d’angle nord-ouest: N. Thierry, Matériaux nouveaux en Cappadoce (1982), Byzantion 44 (1984), 344. Autre exemple de la situation occidentale des martyrs: Sümbüllü kilise (Peristrema), où Théopistos et Agapios, en buste, surmontent la niche creusée dans le mur ouest: Thierry, Hasan Dağı, 178. 63 Citons celles de Kubelli kilise l, dans la vallée de Soğanlı, où les quatre saints étaient représentés (Jerphanion, II, 275, 277) et de l’église de Babayan (İbrahimpaşaköy), où seule Théopistè est certaine (G. P. Schiemenz, Die Doppelkirche von Babayan, IstMitt 36, 1986, 201). 64 Jerphanion, I, 182, pl. 41, n° 4. 60 61

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saint paraît porter, sous sa chlamyde, une cuirasse. Deux figures plus petites (ses fils Agapios et Théopistos?) l’encadrent. Les inscriptions nommant les saints ont disparu, mais la place importante réservée à ce panneau dans le programme iconographique de l’église s’accorde avec l’identification proposée par G. de Jerphanion. Il occupe, en effet, le versant est de la voûte du bras nord — l’église est en croix libre — alors que les emplacements correspondants du naos sont consacrés aux scènes de la vie du Christ, à l’exception du revers nord du bras ouest où sont peints Constantin et Hélène tenant entre eux la croix65. Située sous la Descente du Christ aux Limbes qui occupe le registre supérieur (celui-ci deux fois plus étroit), le panneau d’Eustathe entre ses fils frappe par l’importance de l’échelle adoptée et par son association, qui n’est probablement pas fortuite, avec l’Anastasis, image de la Résurrection du Christ et de la Rédemption de l’humanité66. On constate en outre que les portraits des martyrs se trouvent au-dessus de la porte menant dans une pièce annexe, au nord de l’abside. Si l’on admet que le choix de la Présentation du Christ au Temple pour décorer l’espace symétrique, au-dessus de l’absidiole sud, est lié à la fonction de celle-ci et à la valeur symbolique de la scène comme préfiguration de la Passion et du sacrifice eucharistique, on peut se demander si la représentation d’Eustathe et de ses fils n’était pas aussi en rapport avec la fonction de l’annexe nord, peut-être dédiée aux martyrs (?). La vénération portée à Eustathe semble encore vive au XIe siècle, bien que les exemples répertoriés soient moins nombreux. Son image est associée au programme du bêma dans quelques monuments. C’est le cas dans l’église de Meryemana (Göreme 33, Kuşluk de Kılıçlar), où le saint est représenté dans une niche, à l’extrémité nord du couloir oriental, dans l’espace même du chœur67 (Fig. 8). Il est rapproché d’un saint anargyre très vénéré, Pantéléimon, peint sur le piédroit de l’abside nord. Eustathe est encore figuré en martyr, vêtu de la chlamyde, et non en costume militaire, type iconographique qui devient pourtant plus fréquent — mais non exclusif — au XIe siècle.

Les autres saints se trouvent soit à la douelle des arcs, en médaillons, soit dans les parties basses de l’église, sur les parois. 66 De même trouve-t-on souvent en Géorgie la Vision d’Eustathe associée à des compositions évoquant le salut apporté par le Christ: Velmans, L’église de Zenobani, 42–44. 67 Jerphanion, I, 245. 65

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Ainsi, dans l’église inédite d’Ören, mentionnée plus haut pour l’identification hypothétique de Hiéron, Eustathe, à l’intérieur même de l’abside (à l’extrémité sud de la paroi), est représenté en guerrier (cuirasse, manteau rouge), tenant de la main gauche un grand bouclier posé sur le sol, la droite (détruite) portant la lance (Fig. 9). Conformément au type iconographique prévalant à Byzance au XIe siècle, il est représenté comme un homme jeune, à cheveux bruns (descendant sous les oreilles), moustache et courte barbe arrondie. Dans la conque, dont le décor est détruit, se trouvait probablement la Déisis. Dans la petite chapelle funéraire de Karabulut kilisesi68, dans les environs d’Avcılar (Matiane), Eustathe figure parmi les quelques saints qui, à titre de protecteurs et intercesseurs préférentiels, décorent les murs de l’église69. L’échelle de la représentation et son emplacement lui confèrent une importance particulière dans le programme (Fig. 10). Nettement plus grand que les deux saints cavaliers peints à côté de lui, Eustathe occupe toute la hauteur de la paroi, à l’extrémité orientale du mur sud de la nef. Il se trouve non loin de l’abside, où est représentée la Déisis, et juste à côté du grand archange en loros impérial (peint sur la paroi orientale), près duquel se sont fait peindre deux des donateurs. Eustathe est figuré en costume guerrier, portant cuirasse et chlamyde, la lance dans la main droite ramenée devant le buste, le glaive70 abaissé vers le sol, dans la main gauche. Le type physique n’est pas exactement conforme à celui habituel au XIe siècle: les cheveux bruns sont plus longs et la barbe pointue. Même contexte funéraire à Sainte-Barbe de Soğanlı (1006 ou 1021): Eustathe, encadré par ses deux fils, a été peint au-dessus du seul arcosolium Décorée par le même atelier que Meryemana kilisesi (ou Pigeonnier de Kılıçlar) et que l’« église de la citerne » (voisine de Karabulut), signalée plus haut pour son image de saint Hiéron; on peut supposer que dans cette dernière Eustathe — aujourd’hui disparu — avait aussi été représenté. Sur Karabulut: N. Thierry, Monuments inédits des régions de Göreme et Mavrucan. Notions de centres ruraux et monastiques en Cappadoce rupestre, Paris 1969 (Thèse IIIe cycle, dactylogr.), 42–55 et ead., Quelques monuments inédits ou mal connus de Cappadoce. Centres de Maçan, Çavuşin et Mavrucan, L’information d’Histoire de l’Art, 1969, 11–12. Nous avons pu lire le nom d’Eustathe, ὁ ἅ(γιος) Ἐυστάτηος, inscrit verticalement à droite du grand saint militaire du mur sud: l’identification, donnée comme hypothétique par N. Thierry, est donc certaine. 69 De même, peut-être, dans l’église funéraire du rocher n° 5 de la nécropole de Göreme (milieu XIe siècle environ): un grand saint militaire en pied, à courte barbe noire, pourrait être saint Eustathe: N. Thierry, CRAI 1984 (art.cit., n. 47), 685–687, fig. 20. 70 La peinture est ici endommagée, mais il ne semble pas qu’il s’agisse d’un bouclier. 68

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de la chapelle, sur le mur sud de la travée ouest de la nef. Près d’eux, à droite, se tient Théopistè71. Cet arcosolium contient une tombe d’enfant et le programme iconographique de l’église s’accorde avec sa destination funéraire72: représentation de la Déisis (dans la partie est du mur sud) et des Sept Dormants d’Ephèse, sélection particulière des scènes christologiques (cinq épisodes de l’Enfance et l’Anastasis) et programme absidal associant dans la conque Adam et Éve en proskynèse au Christ trônant entre les quatre symboles. Comme l’a supposé Lyn Rodley, le domestique Basile, mentionné dans l’inscription dédicatoire, a peut-être fondé l’église à la suite du décès d’un enfant: la présence de saint Eustathe entre ses deux fils juste au-dessus de la tombe peut constituer un argument supplémentaire en faveur de cette hypothèse. Eustathe est ici, comme ses fils, représenté non en guerrier mais en martyr, vêtu de la chlamyde à tablion et tenant devant le buste une petite croix. Le même type iconographique s’observe encore dans un autre décor à peu près contemporain: Direkli kilise (976–1025), près de Belisırma, dans la vallée de Peristrema73. S’inscrivant dans un programme purement hagiographique, le portrait en pied d’Eustathe, encadré comme une icône, se trouve sur la face sud du pilier nord-ouest, face à sainte Marina. À Karanlık kilise, en revanche, l’une des trois « églises à colonnes » de Göreme, Eustathe et ses deux fils sont en costume militaire, la lance dans la main droite. Agapios et Théopistos se trouvent sur la paroi ouest de l’église, du côté nord, et leur père, un long glaive suspendu derrière l’épaule gauche, est reporté à l’extrémité occidentale du mur nord attenant74. Notre dernier exemple sera celui de la basilique Saint-Constantin à Eski Andaval: c’est en tant que saint guerrier, sans référence particulière ni à sa légende, ni à sa famille, qu’Eustathe est représenté, à l’extrémité orientale du mur nord de la nef centrale, près d’autres soldats (Démétrius,

Jerphanion, II, 322. Ainsi que le remarque justement Lyn Rodley: L. Rodley, Cave Monasteries of Byzantine Cappadocia, Cambridge 1985, 207. 73 Thierry, Hasan Dağı, 187, pl. 84b. 74 Jerphanion, II, 400, pl. 103, 3. Pour compléter l’inventaire des représentations du XIe siècle, signalons celle, hypothétique, d’Eustathe et de sa famille, signalée par G. de Jerphanion dans l’église de l’Archangélos de Cemil (nef sud, paroi sud): Jerphanion, II, 130. Nous n’en avons pas trouvé trace; en revanche, nous avons identifié à l’extrémité ouest du mur sud, une représentation de saint Christophore, imberbe, en militaire. 71 72

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Procope et Mercure)75. L’iconographie du saint est ici comparable à celle qui le caractérise sur les triptyques en ivoire constantinopolitains des Xe–XIe siècles76 et dans la tradition monumentale plus tardive77. Aux images de la vision d’Eustathe poursuivant le cerf et aux portraits en pied ou en buste du saint, de ses fils et de sa femme, nombreux dans les églises de Cappadoce, s’ajoute une unique représentation du martyre d’Eustathe et de sa famille. Elle se trouve dans la Nouvelle église de Tokalı à Göreme (vers 950–960)78 et, peinte sur l’une des plaques de chancel (au sud) limitant le couloir oriental, devant les absides, elle occupe un emplacement bien en vue à l’entrée du bêma. Les quatre martyrs sont figurés dans le bœuf d’airain rougi au feu, dans lequel ils avaient été enfermés sur l’ordre d’Hadrien et où ils rendirent l’âme sans avoir été touchés par les flammes. Les enfants sont au premier plan, les parents derrière, en prière. Le peintre suit ici, probablement transmise par l’intermédiaire d’un modèle manuscrit, l’iconographie habituelle dans la tradition constantinopolitaine79. Un panneau représentant saint Théodore debout, en costume guerrier, a été peint peu de temps après, semble-t-il, sur la tête du bœuf, respectant cependant les figures des saints. Cette composition appelle quelques remarques. Au lieu de la chasse d’Eustathe, traditionnelle en Cappadoce, on a préféré ici le thème du

S. Y. Ötüken, Niğde’nin Eski Andaval köyündeki H. Konstantinos kilisesinin freskoları, Remzi Oğuz Arık Armağanı, 1987, 136, fig. 3. 76 A. Goldschmidt – K. Weitzmann, Die byzantinische Elfenbeinskulpturen des X.–XIII. Jahrhunderts, II, Berlin 1934, 27, n° 9 (Quarante Martyrs de Saint-Petersbourg), 33, n° 31 (Déisis du Palazzo Venezia à Rome), 34, n° 33 (Déisis du Louvre), 36, n° 38 (Crucifixion de Londres). 77 Quelques exemples dans le LChrI 6, 1974, col. 194–197. Il est en revanche encore en martyr, vêtu de la chlamyde à tablion, dans la crypte d’Hosios Loukas: C. L. Connor, The Crypt at Hosios Loukas and its Frescoes (Diss. dactylographiée), New York University 1987, 107–109, fig. 18. 78 En dernier lieu: A. Wharton Epstein, Tokalı kilise. Tenth-Century Metropolitan Art in Byzantine Cappadocia, Washington 1986, 78, fig. 117. 79 Synaxaire Vatic. gr. 1613 (Il Menologio di Basilio II, Codices e Vaticanis selecti, VIII, Turin 1907, pi. 53), ménologes de Londres Add. 11870 (A. Mitsani, op.cit. n. 52, 96, fig. 15a), de Venise Marc. 586 (P. Mijović, Ménologe, Belgrade 1973, 261) et d’Esphigménou 14 (S. M. Pelekanidis – P. C. Christou – Ch. Tsioumis, S. N. Kadas, op.cit. n. 53, fig. 329), icône du Sinaï (G. et M. Sotiriou, Icônes du Mont Sinaï, I, Athènes 1956, fig. 140), ménologes muraux de Staro Nagoričino, Gračanica et Dečani (P. Mijović, op.cit., 261, 289, 318). 75

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martyre, sujet le plus souvent illustré dans l’art byzantin80 mais inconnu par ailleurs dans les églises rupestres de Cappadoce. Ce choix, qui nous renseigne sur les modèles dont disposait l’atelier de Tokalı, a pu être favorisé par l’emplacement de la scène: l’entrée du bêma. Le martyre — imitation du sacrifice du Christ — était sans nul doute mieux adapté à la fonction du lieu où se célèbre le sacrifice eucharistique que l’épisode de la chasse. C’est aussi le caractère sacré du lieu qui pourrait expliquer l’adjonction, de peu postérieure, de l’image de saint Théodore sur une partie du panneau. Peut-être a-t-on voulu occulter ainsi la représentation du bœuf d’airain, jugée choquante au centre d’une icône de proskynèse? La retouche paraît témoigner également du peu d’intérêt pour la légende hagiographique en Cappadoce: le thème du martyre ne faisant pas partie du répertoire courant, on n’en a conservé que les portraits des quatre saints. Cette image du martyre d’Eustathe et de sa famille est également intéressante dans le contexte général du décor de Tokalı, dont les commanditaires appartenaient vraisemblablement à la riche famille cappadocienne des Phocas81. L’influence de modèles constantinopolitains, sensible tant dans l’iconographie que dans le style, allant de pair avec un attachement certain aux cultes locaux, on peut penser que l’atelier talentueux auquel ils firent appel venait de la grande métropole régionale: Césarée de Cappadoce. Outre le panneau consacré à saint Eustathe, le programme iconographique comporte un cycle de la vie de Basile de Césarée, des portraits des Quarante martyrs de Sébaste et une effigie monumentale de saint Hiéron (Fig. 3). C’est également leur importance dans la dévotion locale qui a déterminé le choix d’une partie des évêques représentés dans le couloir oriental, tandis que le rôle conféré à saint Pierre dans les scènes de l’ordination des premiers diacres et de l’envoi des apôtres en mission peut, à notre avis, être mis en rapport avec la tradition légendaire selon laquelle le prince des apôtres aurait été évêque de Césarée avant de se rendre à Rome82. 80 La représentation du martyre est recommandée par le Manuel de Denys de Fourna pour le 20 septembre (Ἀ. Παπαδοπούλου-Κεραµέως, Διονυσίου τοῦ ἐκ Φουρνᾶ. Ἑρµηνεία τῆς ζωγραφικῆς τέχνης, Saint-Pétersbourg 1909, 192). 81 N. Thierry, La peinture de Cappadoce au Xe siècle. Recherches sur les commanditaires de la nouvelle église de Tokalı et d’autres monuments, Constantine VII Porphyrogenitus and his Age, Second International Byzantine Conference (Delphes 1987), Athènes 1989, 217–233. 82 Tradition destinée à rehausser le prestige de la métropole régionale; Aréthas de Césarée, au Xe siècle, s’en fait l’écho: J. Compernass, Zwei Schriften des Arethas von Kaisareia gegen die Vertauschung der Bischofssitze, Studi Bizantini e Neoellenici 4 (1935), 92.

5. Saklı kilise (Göreme 2a). Saint Hiéron.

6. Karacaören, Kapılı vadisi. Vision d’Eustathe.

7. El Nazar (Göreme 1). Saint Eustathe entre ses fils (?). 8. Meryemana kilisesi (Göreme 33), angle nord-est. Saint Eustathe dans la niche nord, saint Pantéléimon sur le piédroit absidal.

9. Église d’Ören, paroi absidale. Saint Eustathe.

10. Karabulut kilisesi (environs d’Avcılar), angle sud-est. Archange et donateur (mur est), saint Eustathe (mur sud).

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Ainsi, même dans un décor lié par maints aspects à l’art constantinopolitain contemporain, les traditions locales s’exprimaient avec force. L’absence en Cappadoce d’autres scènes relatives à la vie d’Eustathe et de sa famille, comme par exemple leur baptême ou l’interrogatoire avant le supplice final83, confirme le manque d’intérêt pour le récit hagiographique: hormis la scène du martyre à Tokalı, l’iconographie d’Eustathe se limite à l’épisode de sa vision, représentée en tant qu’image symbolique du salut, et aux portraits, icônes du saint et des membres de sa famille. La tradition constantinopolitaine a, en revanche, retenu surtout la scène du martyre de la famille d’Eustathe, à laquelle s’ajoutent les effigies hiératiques du saint et, accessoirement, de ses fils et de sa femme84. Les décors conservés, même fragmentaires, témoignent donc bien de l’importance dans la piété locale de saint Eustathe et, dans une mesure apparemment moindre, de saint Hiéron: celle-ci ne s’est cependant traduite, ni pour l’un ni pour l’autre, par la représentation de cycles narratifs85. Les deux saints sont figurés soit en martyr, soit en militaire, la tendance étant à privilégier dès le milieu du Xe siècle le costume guerrier86, ce choix reflétant la forte militarisation de la province. Plusieurs images de Hiéron et d’Eustathe présentent également en commun la taille colossale des deux saints par rapport aux figures voisines et leur emplacement à l’entrée de l’église ou du bêma, deux caractéristiques qui sont liées à leur rôle de protecteur et

83 Illustrés par exemple, avec la vision et le martyre, dans le ménologe de la British Library de Londres, Add. 11870, fol. 151r.; un cycle plus détaillé encore figure dans le ménologe du Mont Athos, Esphigménou 14, fol. 52r et v. Sur ces exemples du XIe siècle: A. Mitsani, op.cit. (n. 52), 94 et suiv. 84 Les quatre martyrs sont ainsi figurés dans le ménologe Barocci 230 (fol. 3v) de la Bodleian Library d’Oxford, XIe siècle, d’origine constantinopolitaine: I. Hutter, op.cit. (n. 27), I, Stuttgart 1977, n° 34, p. 50, fig. 172. Ils étaient probablement représentés aussi (en figures isolées) à Hosios Loukas: T. Chatzidakis-Bacharas, Les peintures murales de Hosios Loukas. Les chapelles occidentales, Athènes 1982, 82; Eustathe figure en tout cas dans la crypte: voir supra, n. 77. Rappelons que les martyrs sont commémorés le 20 septembre (cf. n. 50) et que leur synaxe avait lieu dans leur martyrium du Deuteron: Mateos, Typicon, I, 40–41; R. Janin, Le géographie ecclésiastique de l‘empire byzantin. 1ère partie, Le siège de Constantinople et le patriarcat œcuménique, III. Les églises et les monastères, Paris, 2e éd. 1969, 118. 85 De tels cycles hagiographiques sont d’ailleurs rares dans les églises de Cappadoce; ceux qui sont conservés sont consacrés à saint Georges, à saint Syméon stylite, à Marie l’Égyptienne, à Basile de Césarée et aux apôtres. 86 Paradoxalement, Hiéron, le vigneron, est presque toujours en soldat, alors qu’Eustathe, le général, est souvent, même au XIe siècle, figuré en martyr.

IMAGES NOUVELLES DE SS. HIERON ET EUSTATHE

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d’intercesseur privilégié. L’apogée de leur popularité semble se situer au Xe siècle, à l’époque du renouveau de la province après la fin des attaques arabes, mais plusieurs fondations du XIe siècle témoignent de l’attachement persistant à ces saints dans la dévotion populaire locale87: malgré l’emprise croissante de Constantinople, des cultes locaux perdurent, conférant à la piété cappadocienne — et donc à la peinture qui en est l’expression — une physionomie originale.

Abréviations bibliographiques: CahArch CRAI EEBΣ

IstMitt JÖB JSav LChrI

Cahiers Archéologiques Comptes Rendus de l’Académie des Inscriptions et BellesLettres Ἐπετηρὶς Ἑταιρείας Βυζαντινῶν Σπουδῶν

Istanbuler Mitteilungen Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik Journal des Savants Lexikon der christlichen Ikonographie

ΠΑΕ Πρακτικὰ τῆς ἐν Ἀθήναις Ἀρχαιολογικἣς Ἑταιρείας Synaxarium CP H. Delehaye, Synaxarium Ecclesiae Constantinopolitanae,

Bruxelles 1902

87 Pour le XIIIe siècle on ne peut guère citer actuellement que le groupe de Théopistè et de ses deux fils, associé à la Chasse d’Eustathe dans la conque sud de l’église Saint-Georges d’Ortaköy: Jerphanion, II, 242, pl. 194, n° 3.

XVIII

Contribution à l’étude de l’iconographie mésobyzantine des deux Syméon stylites

L

’ÉTUDE de l’iconographie des deux stylites homonymes1 s’appuie sur deux types de sources: d’une part, les documents — eulogies, ampoules, médaillons, mais aussi reliefs sculptés — qui relèvent d’une production locale, directement liée aux monastères des deux Syméon2 et probablement exécutée sur place3, d’autre part, les images conservées dans la peinture murale, les mosaïques, les icônes ou les manuscrits liturgiques (synaxaires et ménologes) byzantins et postbyzantins. La valeur documentaire de ces deux catégories de sources est évidemment inégale: si seules les premières concernent directement le thème du séminaire — «Le saint et son sanctuaire» — le témoignage des secondes peut contribuer à la connaissance de l’iconographie et du culte des deux stylites. Nous nous étions fixé comme limite chronologique le Xe s. — ce qui restreint l’inventaire de la seconde catégorie de documents à quelques peintures de Cappadoce et à de rares

Pour les données générales, cf. Lexikon der christlichen Ikonographie, éd. W. Braunfels, 8, Rome, Fribourg, Bâle, Vienne 1976, col. 361–364 et 374–367; Bibliotheca Sanctorum 11, 1968, col. 1116–1138 et 1141–1157; D. Mouriki, The Mosaics of Nea Moni on Chios, Athènes 1985, 1. p. 171–173, 175–176. 2 Aucune donnée — ni archéologique, ni littéraire — ne confirme l’hypothèse de J. Lassus, Images de stylites, Bulletin d’Études Orientales de l’Institut français de Damas 2, 1932, p. 82, supposant l’existence de fresques relatant, sur les murs des monastères, des épisodes de la vie des stylites, œuvres qui auraient inspiré les auteurs des monuments d’art mineur. 3 À moins, comme le suppose O. Callot, À propos de quelques colonnes de stylites syriens, Architecture et poésie dans le monde grec. Hommages à Georges Roux, Lyon 1989, p. 111, qu’il n’y ait eu des ateliers où étaient confectionnées des médailles anonymes, ensuite consacrées dans l’un ou l’autre monastère. 1

1. Kızıl Çukur. Église du stylite Nicétas, tympan oriental de la nef.

2. Zelve, Saint-Syméon, plan (d’après L. Rodley), avec l’emplacement du cycle.

3. Zelve, Saint-Syméon, schéma des scènes du mur sud (a).

4. Zelve, Saint-Syméon, Syméon l’Ancien sur la paroi est (b).

5. Zelve, Saint-Syméon, paroi sud, détail: mort de la mère de Syméon.

6. Göreme, Tokalı kilise 2, abside nord: Syméon stylite et Timothée.

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miniatures de manuscrits4 — mais il nous a paru intéressant d’évoquer aussi quelques images postérieures (XIe-XIIe s.), qui confirment les résultats obtenus. Peintures murales Les plus anciennes représentations peintes conservées en Orient se trouvent en Cappadoce, dans deux chapelles liées toutes deux à l’aménagement d’un ermite adepte d’une variante locale du stylitisme; les cônes rocheux, si typiques du paysage cappadocien, ont en effet servi de colonnes naturelles aux ermites désireux de s’établir entre terre et ciel pour se rapprocher de Dieu. Cette utilisation du milieu naturel n’est naturellement pas propre à la Cappadoce, le cas le plus célèbre étant sans doute celui de Paul de Latros qui vécut dans une grotte, au sommet d’un rocher escarpé désigné comme son stylos5. Chapelle du stylite Nicétas, Kızıl Çukur6 Elle fait partie d’un ermitage établi dans un petit bassin fertile, non loin d’Ortahisar. Là vivait un «stylite Nicétas» — ainsi désigné dans l’invocation 4 Nous laissons volontairement de côté les images occidentales de la catacombe de Domitille, à Rome, de l’hypogée de Mellebaude à Poitiers et de Cimitile (H. Belting, Die Basilica dei SS. Martiri in Cimitile und ihr frühmittelalterlicher Freskenzyklus, Wiesbaden 1962, p. 110–113, fig. 53): cf. J. Lafontaine-Dosogne, Itinéraires archéologiques dans la région d’Antioche. Recherches sur le monastère de Saint Syméon le Jeune, Bruxelles 1967, p 191–192 (n. 5), 196–197. 5 Sur cette forme d’érémitisme: G. P. Schiemenz, Die Kapelle des Styliten Niketas in den Weinbergen von Ortahisar, Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 18, 1969, p. 254–255; P. Van Den Ven, La Vie ancienne de S. Syméon stylite le Jeune (521–592), 1, Bruxelles 1962 (Subsidia Hagiographica 32.1), p. 135*–137*; H. Delehaye, Les Saints stylites, Bruxelles 1923 (Subsidia Hagiographica 14), p. CXLVIII (saint Paul du Latros); A. J. Festugière, Antioche païenne et chrétienne: Libanius, Chrysostome et les moines de Syrie, Paris 1959, p. 295 et 308, 303; J. Lafontaine-Dosogne, L’influence du culte de S. Syméon Stylite le Jeune sur les monuments et les représentations figurées de Géorgie, Byz. 41, 1971, p. 186, 189. Citons encore le cas d’Étienne le Jeune, retiré en 756 dans une grotte étroite au sommet du Mont Saint-Auxence (PG 100, col. 1097). 6 G. P. Schiemenz, Die Kapelle, cité note précédente, p. 239–258; N. Thierry, Art byzantin du Haut Moyen Age en Cappadoce: l’église peinte de Nicétas stylite et d’Eustrate clisurarque, ou fils de clisurarque en Cappadoce, Congrès International des Études Byzantines

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peinte au bas de l’image de saint Syméon. La datation du décor peint, dû à la générosité du kleisourarque Eustrate, dont fait mention une seconde inscription, reste controversée: deuxième moitié du VIIe ou début du VIIIe s. pour N. Thierry, fin du IXe pour G. P. Schiemenz. C’est en tant que modèle d’ascétisme pour l’ermite local qu’est figuré, dans le tympan oriental, saint Syméon stylite. De façon très significative, il se trouve près de la Crucifixion du Christ et répond à l’image de Jean-Baptiste, saint également considéré comme un modèle d’érémitisme, qui est peint à droite du tympan (Fig. 1). Le rapprochement de la Crucifixion reflète l’assimilation, attestée par les textes comme par l’iconographie7, du stylite, vivant une pénible station au sommet de sa colonne, et du Christ en croix. Le buste du saint s’inscrit dans un médaillon bordé de perles, qui repose sur le chapiteau ionique — stylisé — d’une grosse colonne. Coiffé du koukoulion, il tient les mains levées devant le buste, paumes vers le spectateur, dans une attitude qui illustre sa prière continuelle et souligne son rôle d’intercesseur privilégié. Le visage, qui a été gratté, portait une barbe bifide, détail intéressant rarement observé sur les images et qui correspond à l’une des descriptions de Syméon l’Ancien consignées dans le Guide de la Peinture de Denys de Fourna8. Cette particularité, associée à l’inscription, qui désigne simplement ὁ ἅγιος Συµεόν, sans autre qualificatif, suggère d’identifier ici Syméon l’Alépin, dont le culte dans la région est attesté par le cycle narratif conservé dans une chapelle voisine: Saint-Syméon de Zelve. Saint-Syméon de Zelve9 Creusée à la base d’un cône où sont aménagés, aux niveaux supérieurs, la cellule et l’oratoire d’un ascète, cette petite chapelle conserve un décor peint, fort endommagé, qui se rattache à la série des peintures «archaïques» (fin IXedébut Xe s.). La dédicace à saint Syméon l’Ancien, modèle de l’ascète local, XIV, Bucarest 1971 (1976), Communications, p. 451–455; L. Rodley, Cave Monasteries of Byzantine Cappadocia, Cambridge 1985, p. 184–189. 7 Cf. J. Lafontaine-Dosogne, Itinéraires archéologiques, cité supra n. 4, p. 184; G. Vikan, Byzantine Pilgrimage Art, Washington D.C. 1982, p. 36. 8 A. Papadopoulos-Kérameus, Διονυσίου τοῦ ἐκ Φουρνᾶ. Ἑρµηνεία τῆς ζωγραφικῆς τέχνης, Saint-Pétersbourg 1909, p. 166, c. 26: «γέρων κοντοδιχαλογένης». Notons cependant que la barbe de Syméon était ici noire. 9 G. de Jerphanion, Une nouvelle province de l’art byzantin. Les églises rupestres de Cappadoce, Paris 1925–42, 1, p. 552–580; L. Rodley, Cave Monasteries, cité supra n. 6, p. 189–190.

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bien qu’elle ne soit pas confirmée par une inscription, peut être considérée comme certaine. Le stylite est figuré, en effet, sur la paroi orientale de la nef, à droite de l’abside — emplacement souvent réservé au saint titulaire — et un cycle lui est consacré sur le mur sud attenant (Fig. 2–5). L’image orientale (Fig. 4) montre le saint, à barbe blanche, la tête coiffée du koukoulion et les mains levées en prière, figuré en buste sur une colonne10, dont le fût est embrassé par un petit suppliant anonyme, jeune homme en tunique courte11. Les cinq scènes, très abîmées, peintes sur le mur sud (Fig. 3), n’ont pu être identifiées que grâce aux textes qui les accompagnent12. G. de Jerphanion a montré que ceux-ci correspondaient fidèlement aux anciennes versions latines de la Vie de Syméon par Antoine — et notamment à la version éditée par les Bollandistes dans les Acta Sanctorum.13 Probablement plus anciennes que les plus anciens manuscrits connus, les peintures de Zelve apportent un précieux témoignage à l’étude de la tradition textuelle: elles prouvent que l’on avait au début du Xe s., dans les milieux monastiques de Cappadoce, un texte de la vie du saint proche de celui qui a servi à établir la version latine des Acta Sanctorum. Les versions grecques connues, plus longues, ne seraient, conclut Jerphanion, que le résultat d’amplifications postérieures. Les épisodes, qui ne suivent pas rigoureusement l’ordre chronologique du récit, se succèdent non de gauche à droite, dans le sens de la lecture, mais de droite à gauche, c’est-à-dire d’ouest en est, en accord avec le mouvement du fidèle se dirigeant vers l’abside et vers l’image de Syméon sur sa colonne, peinte sur le mur est de la nef. L’iconographie est pauvre et dans l’ensemble 10 G. de Jerphanion signalait la présence hypothétique d’une petite guérite abritant le saint; la peinture est très mal conservée, mais nous ne l’avons pas reconnue. 11 G. de Jerphanion proposait de l’identifier au chef des brigands poursuivi par la police d’Antioche et réfugié auprès de la colonne, qu’il tint embrassée pendant sept jours avant de mourir. L’absence de légende et la représentation attestée ailleurs d’un suppliant anonyme embrassant la colonne font cependant douter de cette interprétation. 12 G. de Jerphanion, Les inscriptions cappadociennes et les textes de la Vita Simeonis auctore Antonio, Recherches de Science Religieuse 21, 1931, p. 340–360, et complément dans 22, 1932, p. 71–72, le tout repris dans La Voix des Monuments, Nouvelle Série, Rome/Paris 1938, p. 134–152. On se reportera à cet article pour les références au texte et les comparaisons entre les légendes de Zelve et les recensions grecques et latine de la Vita. 13 Pour la Vie de saint Syméon: F. Halkin, Bibliotheca Hagiographica Graeca, 2, Bruxelles 1957, p. 256–259; Id., Auctarium Bibliothecae Hagiographicae Graecae, Bruxelles 1969, p. 175; H. Lietzmann, Das Leben des hl. Symeon Stylites, Leipzig 1908 (Texte und Untersuchungen 32, 4); A. J. Festugière, Antioche, cité supra n. 5, p. 347 s.

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peu spécifique; les images apparaissent ici comme un accompagnement «minimal» du texte écrit, sans constituer un cycle narratif qui se suffirait à luimême. Sans séparation entre eux, les épisodes s’imbriquent les uns dans les autres, sans souci d’échelle ni de cohérence spatiale, l’artiste, gêné par le peu de place disponible, s’étant efforcé de contracter le récit. Il est vraisemblable que le peintre de Zelve a créé, en recourant à quelques formules stéréotypées, ce cycle narratif pour lequel on ne connaît ni antécédent, ni parallèle14; on s’étonne cependant de la maladresse avec laquelle il a intégré le récit dans le cadre spatial dont il disposait. Une autre hypothèse, qu’aucune œuvre conservée ne permet, il est vrai, d’étayer, serait le recours à un modèle manuscrit, comportant au regard du récit d’Antoine, des miniatures l’illustrant. Le premier épisode, presque méconnaissable aujourd’hui, faisait allusion à la vocation du saint par un topos iconographique: celui de la conversation. Le jeune Syméon dialogue avec un vieillard, auquel il demande le sens d’une lecture sur la «continence de l’âme». On lit en effet au-dessus des deux personnages: ὁ ἅ(γιος) Συµεὸν ἐροτᾷ τίνα γέροντα· Κὺρ πατὴρ / τί ἐστιν ϊ ἀνάγνοσις; Ὁ δὲ γέρον λέγι αὐτὸν / τέκνον περὶ ἐνκρατίας ψυχ[ῆς].

La scène suivante se rapporte, en accord avec la longue légende inscrite au-dessus, à la fin de l’histoire de la pénitence à laquelle s’était soumis le jeune Syméon en s’entourant le corps d’une corde, qui avait provoqué la putréfaction des chairs. Sur la plainte de ses compagnons, incommodés par l’odeur, l’higoumène le fit dévêtir et l’on parvint à grand peine à retirer la corde. L’image montre l’higoumène, vieillard en costume monastique, parlant avec le jeune Syméon, représenté nu, un morceau de la corde — brun-rouge — encore visible, semble-t-il, au niveau de l’épaule gauche et traversant la poitrine15. Derrière lui, un moine de plus grande taille s’adresse à l’abbé: probablement l’un de ceux qui se plaignaient de l’odeur nauséabonde dégagée par les plaies. La légende évoque la fin du récit en des termes très proches de ceux de l’ancienne version latine de la Vita Symeonis: Λέγι αὐτὸν ὁ ἀρχιµανδρίτις ἰπέ µυ τέκνο αὔτι / ϊ δισοδία πõς ἐξέλχετε ἀπ’ἐσοῦ; κ(αὶ) θυµοθὶς ὁ ἀρχιµανδρίτις λέγι ἀποδύσατε αὐτὸν - ΐδοµεν / [πόθ]εν ἐτία αὕτϊ. Κ(αὶ) ἀποδύσαντες αὐτὸν ἕβ[ρον] / τὸ σσχυνίον Il est sans rapport, en effet, avec le cycle plus tardif du Cod. 14 d’Esphigménou (fol. 2 r et v): S. M. Pélékanidis , P. C. Christou , Ch Mavropoulou-Tsioumis et S. N. Kadas, The Treasures of Mount Athos, 2, Athènes 1976, fig. 327–328. 15 G. de Jerphanion le décrit par erreur «serré étroitement dans une tunique jaunâtre» (p. 559). 14

506 περιπλευµένον τõ σόµα[τι] / αὐτοῦ, κ(αὶ) µ[ετὰ] πολοῦ µό[χ]θου ἀπέσπασαν / ἀπ’αὐτοῦ τὸ [σ]χυνίον ἀπὸ / τι(ς) σαπίσις αὐτοῦ σαρκός.

L’épisode suivant, à gauche, rappelle la guérison par saint Syméon d’une femme ayant avalé un petit serpent, qui, pendant trois ans, s’était développé dans son estomac. L’illustration se résume à la représentation d’une femme, soutenant de sa main droite son visage incliné, dans une attitude traditionnelle d’affliction; la main gauche, représentée au niveau de l’estomac, indique peut-être l’origine de cette douleur, à moins qu’elle ne traduise la prière adressée par la femme au stylite peint sur la paroi orientale16. C’est donc ici le début du récit, avant la guérison, qui est illustré, en accord avec le texte — équivalent de l’ancienne version latine — inscrit de part et d’autre du visage: Γυνὶ δέ τις διψῖσα διὰ νυκτὸς / κ(αὶ) πιοῦσα, κατέπ[ιε] ὀφίδιον / κ(αὶ) ἔµινεν [ἐν] τ[ῇ κοι]λί[ᾳ αὐ]τῖς / ἔτι τρία.

Une autre inscription, très lacunaire, à gauche et plus bas, faisait mention d’un immense dragon: δράκο[ν τις] πανµεγέ[θης]. Le mot ξίλον (pour ξύλον), reconnu plus loin par G. de Jerphanion, lui avait permis d’identifier l’épisode: la guérison du dragon qui s’était enfoncé un morceau de bois dans l’œil. L’illustration se réduisait à la représentation d’un gros serpent gris, à contour vert, dont la tête et une partie du corps se distinguent encore au bas de la paroi, sur la bande d’imitation de placage de marbre veiné. Représenté sous les pieds de personnages appartenant à d’autres scènes — sa tête est sous ceux de la mère de Syméon —, le dragon semble se diriger vers le saint peint sur le mur est. Le cycle s’achève par la visite et la mort de la mère de Syméon. Ayant appris — après une vingtaine d’années — où se trouvait son fils, elle veut le voir, mais ne peut franchir la mandra interdisant aux femmes d’approcher la colonne. Ayant reçu de Syméon l’assurance qu’ils se verraient bientôt dans l’autre vie, elle meurt et son corps est transporté au pied de la colonne; à la voix du saint, elle tressaille et sourit. Représentée deux fois à l’extrémité orientale de la paroi sud, la mère est dans les deux cas nimbée et vêtue d’un maphorion rouge brique sur une robe ocre jaune. Elle apparaît d’abord debout, de grande taille, tournée vers la gauche, les mains levées en prière vers son fils, qui est figuré juste à côté, sur la paroi orientale. Au-dessus, plus petite en raison du faible espace disponible, elle est allongée, morte, les bras croisés sur le corps; il n’y a pas d’indication de sol et la figure, sans support Sur ce point aussi, la description de Jerphanion — «les mains tendues vers Syméon» (p. 561) — est légèrement inexacte. 16

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aucun, semble flotter dans l’espace (Fig. 5). Deux textes expliquent le sens des images. Le premier, inscrit sur les parois est et sud, entre la colonne du stylite et la mère suppliante, rapporte les paroles de Syméon et de sa mère: K(αὶ) [ἀκού]ουσα ἱ µ(ήτη)ρ αὐτοῦ ἰσ / ῖλθεν θεάσασθε αὐτόν · / [ὁ δὲ ἔλ]εξε· Μ(ήτη)ρ, χρό/νον ὀλίγον κ(αὶ) / θεασάµε / θ’ἀλίλους· / [ἣ] δ’ἐµί[νυε]ν. / Τ[ῆς] φον[ῆς] σου ἀκούσο / [καὶ εὐ]θέος ἀποσθαν[οῦµαι]. Le second texte, inscrit en haut de la paroi sud, au-dessus du

corps allongé, relate la mort de la mère, l’introduction du corps auprès de Syméon, les pleurs de celui-ci et ses paroles qui font sourire la défunte: Τότε πυίσας εὐχὶν ὑπὲρ αὐτῖς / ἀπέδοκεν τὸ πνεµα τõ Κ(υρί)ο· / κ(αὶ) ΐσίγαγον αὐτὶν πρὸς αὐτὸν / ἔµπροσθεν αὐτοῦ· κ(αὶ) ἵρξ[ατο] ὁ µακάριος / κλέιν κ(αὶ) λέγιν ὁ Θ(εὸ)ς πρ[οσ]δ[έξ]ετ[αὶ] σ’ἐν / χαρᾷ. Κὲ ταῦτα λέγον[τος] τοῦ µ[ακα]ρίου / ἐµιδίασεν τὸ πρ[ό]σ[ωπ]ον / αὐτῖς.

Le choix des épisodes de la vie de Syméon retenu ici n’est pas indifférent et s’accorde avec la fonction de la chapelle: fondation probablement funéraire, liée à l’installation d’un ermite, qui avait attiré autour de lui un petit groupe de disciples. L’insistance sur le pouvoir thaumaturge du stylite, qui le désigne comme un intercesseur particulièrement efficace, s’exprime par la mise en valeur du saint sur le mur est, à l’entrée de l’abside17, et par l’évocation de plusieurs de ses miracles (guérisons de la femme au serpent et du dragon, mort de la mère). L’attitude orante de Syméon, la présence d’un suppliant embrassant la colonne et celle de personnages en prière, tournés vers le saint, soulignent ce rôle de protecteur et d’intercesseur privilégié. La place plus importante réservée à l’épisode de la mort de la mère de Syméon est peutêtre à mettre en relation avec la destination funéraire du sanctuaire; celle-ci se déduit, en effet, de la présence d’un grand arcosolium, contemporain de l’excavation, ménagé à l’extérieur (à droite de l’entrée), et de celle de plusieurs tombes, creusées dans la chapelle (narthex et nef ). Enfin, l’allusion à la «continence de l’âme» et à la pénitence du jeune Syméon rappelait aux moines et ermites leurs devoirs ascétiques, à l’imitation du saint à qui la chapelle devait être dédiée. Dans ce contexte, on ne peut manquer d’être frappé par le rôle joué, dans le récit, par les femmes — la mère du stylite, seule nimbée, la femme au serpent — et l’on peut rapprocher cette particularité de la présence de sept saintes femmes sur le mur ouest de la chapelle, nombre équivalent à celui des saints peints sur le mur nord. Où il fait pendant à Basile de Césarée, autre saint particulièrement populaire dans la région. 17

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Cette proportion importante de figures féminines, qui n’est nullement la norme dans les sanctuaires de la région, permet de supposer qu’une femme a joué un rôle — probablement comme donatrice — dans la fondation du sanctuaire et le choix des sujets représentés. Göreme, Tokalı kilise (Saint-Basile) Si l’on fait exception des quelques représentations «archaïques» de saint Syméon qui le montrent en buste ou en pied mais non sur sa colonne18, la dernière image de Syméon stylite antérieure au XIe s., répertoriée en Cappadoce, se trouve dans l’abside nord de la Nouvelle église de Tokalı19, vaste sanctuaire décoré vers le milieu du Xe s., probablement à l’initiative de la riche famille cappadocienne des Phocas. Situé au registre inférieur de l’abside, sous le Christ trônant de la conque, le stylite fait partie d’une série de figures monastiques: à sa droite se tient saint Antoine, à sa gauche Timothée, Épiphane et Arsène, tous trois en costume de moine. Syméon est figuré ici en vieillard barbu, à cheveux blancs, les mains ouvertes devant la poitrine, en prière (Fig. 6). Conformément au schéma iconographique habituel pour les stylites, il apparaît en buste, mais — et en cela la représentation est originale — la colonne a été remplacée par un pilier appareillé, érigé sur une base à trois gradins. Le buste, aussi large que le pilier, y repose directement — sans l’intermédiaire d’un chapiteau — et il s’inscrit dans une ouverture cintrée, sous un édicule à toit pointu. De l’inscription désignant le saint, on ne lit plus que [Συµε]όν, ce qui ne permet pas d’identifier le stylite. Les critères iconographiques ne fournissent pas d’argument décisif en faveur de l’un ou l’autre des deux Syméon. Le type du vieillard sert souvent à distinguer l’Ancien du Jeune, mais cette distinction par l’âge souffre de nombreuses exceptions. De même, l’absence du koukoulion n’est en rien décisive; plus fréquent pour Syméon le Jeune dans les représentations anciennes, il semble au contraire plus courant pour l’Ancien à l’époque mésobyzantine, mais ce n’est nullement une règle20. 18 G. de Jerphanion, Une nouvelle province, cité supra n. 9, 1, p. 155 (Saint-Eustathe de Göreme, en pied), 2, p. 275 et 295 (Kubbeli kilise 1 et 2 de Soğanlı, en buste). 19 En dernier lieu: A. Wharton Epstein, Tokalı kilise. Tenth-Century Metropolitan Art in Byzantine Cappadocia, Washington 1986, fig. 106. 20 Cf. A. Xyngopoulos, Εὐλογία τοῦ Ἁγίου Συµεών, Ἐπετηρὶς Ἑταιρείας Βυζαντινῶν Σπουδῶν 18, 1948, p. 84–85. À la Néa Moni de Chios, par exemple, aucun des deux ne le porte: D. Mouriki, The Mosaics, cité supra n. 1, 1, p. 175–176.

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L’habitacle aménagé au sommet du pilier pourrait être un indice en faveur du stylite du Mont Admirable — l’Ancien étant resté sans abri21 — si le peintre avait fait preuve de quelque réalisme historique dans la représentation de la colonne. Or, il n’en est rien: il lui a substitué un pilier construit, évoquant presque une tour. Ce mode de présentation, rare22, ne peut manquer de faire penser au mode de vie de certains ascètes, qui s’installaient au sommet d’une tour, habitude attestée en particulier en Syrie et en Géorgie23. L’absence de représentation certaine de Syméon le Jeune en Cappadoce avant le XIe s.24, alors que le culte pour le stylite d’Alep25 est attesté, plaide plutôt en faveur de l’identification de ce dernier à Tokalı kilise, mais le caractère exceptionnel des peintures de cette église dans le contexte cappadocien ne permet aucune certitude. On peut aussi se demander — et l’iconographie postérieure semble le confirmer — s’il n’y avait pas déjà confusion des deux stylites: la dévotion populaire s’attachait moins au réalisme historique qu’au pouvoir d’intercession d’un Syméon stylite «idéal», dont l’identité n’était plus clairement perçue. Le caractère atypique de l’image, au sein d’un décor savant attribué à un atelier issu d’un grand centre artistique, indique, en outre, que vers le milieu du Xe s. les traits essentiels de l’iconographie conventionnelle du stylite n’étaient pas encore fixés ou du moins qu’ils n’étaient pas largement diffusés26. 21 Exposé à toutes les rigueurs du climat, tandis qu’une «logette» est mentionnée sur la colonne de Syméon le Jeune (H. Delehaye, Les Saints, cité supra n. 5, p. CLVIII). D’autres saints stylites vécurent également sous abri, tels Alypios ou Lazare. On trouve en Cappadoce, à Kubbeli kilise, une représentation d’Alypios dans une guérite à toit pointu: G. de Jerphanion, Une nouvelle province, 2, p. 304. 22 Rares sont dans l’iconographie des stylites les «colonnes» construites de blocs appareillés; citons l’exemple tardif du monastère de Barlaam aux Météores (1548): A. Xyngopoulos, Οἱ στυλίται εἰς τὴν βυζαντινὴν τέχνην, Ἐπετηρὶς Ἑταιρείας Βυζαντινῶν Σπουδῶν 19, 1949, p. 123, fig. 2. 23 Cf. J. Lassus, Sanctuaires chrétiens de Syrie, Paris 1947, p. 281; J. Lafontaine-Dosogne, L’influence du culte de saint Syméon Stylite le Jeune sur les monuments et les représentations figurées de Géorgie, Byz 41, 1971, p. 183–196 (en particulier p. 186 s.). 24 Citons celles de Meleki kilise (Soğanlı), XIe s., et de l’église de la rue Ali Reis à Ortahisar, XIIIe s. 25 Aux représentations déjà évoquées de Syméon l’Ancien en Cappadoce, s’ajoute celle de Sainte-Barbe de Soğanlı (1006 ou 1021), où, sur la paroi absidale, il est rapproché du stylite Daniel. 26 Une autre explication serait qu’il ne s’agit pas de l’un des deux Syméon, mais d’un autre stylite, hypothèse qui, compte tenu de l’état de conservation de l’inscription, ne peut être totalement écartée.

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Signalons, pour en terminer avec ces représentations cappadociennes, qu’elles se trouvent toutes à proximité immédiate de l’abside ou à l’intérieur de celle-ci, emplacement lié à la réputation des stylites qui, par leur ascèse, ont renouvelé la Passion du Christ — que commémore la liturgie eucharistique célébrée dans le sanctuaire — ainsi qu’à leur fonction d’intercesseurs privilégiés, invoqués par les prières des fidèles. Cette situation «orientale» des stylites dans l’église, sans être obligatoire, s’observe dans d’autres sanctuaires cappadociens27, ainsi que dans d’autres régions, particulièrement en Géorgie28 et à Chypre29. Miniatures À ce petit corpus de peintures murales ne s’ajoutent — avant le XIe s. — que quelques rares miniatures de manuscrits. Psautier Chludov Au folio 3v du psautier moscovite (IXe s.) est représenté, en illustration du verset 4 du Psaume 4 (3), sous une imago clipeata du Christ, un stylite à barbe

27 Dans l’église de Nicétas (Kızıl Çukur), à Sainte-Barbe de Soğanlı, Meleki kilise (Soğanlı) et dans l’église rue Ali Reis à Ortahisar. 28 À Aténi (T. Virsaladze, Rospisi Atenskogo Siona, Tbilissi 1984, fig. 58, 59), Zemo-Krikhi (Id., Peintures murales de l’église des Archanges du village de Zemo-Krikhi, Ars Georgica 6, 1963, p. 116, 121), Saint-Georges de Nakipari (N. Thierry, Notes d’un voyage archéologique en Haute-Svanétie, Bedi Kartlisa 37, 1979, p. 160). L’emplacement (favorisé quand il s’agit de piédroits ou d’arcs par l’étroitesse du champ disponible) est fréquent dans les églises byzantines: cf. aussi P. L. Vocotopoulos, Fresques du XIe s. à Corfou, Cahiers Archéologiques 21, 1971, p. 164 (Saint-Mercure), 173–174 (Saint-Nicolas), S. Pélékanidis, M. Chatzidakis, Kastoria, Athènes 1985, p. 25, n° 71 (Saints-Anargyres) et p. 68, nos 18 et 19 (Panagia Mavriotissa). Les exemples pourraient être multipliés qui prouvent la large diffusion de cette situation orientale des stylites en Grèce (Saint-Sauveur de Mégare, Saint-Nicolas de Monemvasie, Aï-Iannakis de Mistra), en Sicile (Monreale), en Serbie (Saint-Nicolas de Prilep-Varoš, Lesnovo, Žiča, église de la Vierge à Peć ), en Bulgarie (Dolna Kamenica), etc. D’autres exemples dans I. M. Djordjevıć , Die Saüle und die Säulenheiligen als hellenistisches Erbe in der byzantinischen und serbischen Wandmalerei, Congrès International des Études Byzantines XVI (Vienne 1981), Akten II/5, Jahrbuch der Österreichischen Byzantinistik 32/5, 1982, p. 93–100. 29 À Koutsovendis (A. et J. Stylianou, The Painted Churches of Cyprus, Londres 1985, p. 465), Pérachorio, Lagoudéra (ibid., p. 171), Kakopétria (ibid., p. 72), Monagri (S. Boyd, The

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blanche pointue, sans koukoulion, désigné simplement comme Syméon30. Bien que l’absence de qualificatif soit généralement considérée comme un argument en faveur de l’identification à Syméon l’Ancien, la présence d’une petite guérite à toit pointu, à la fenêtre duquel apparaît le saint, ferait plutôt penser au stylite du Mont Admirable. Il semble que l’on soit ici aussi devant une image-type de Syméon stylite, ne cherchant pas à faire précisément référence à l’un ou l’autre des deux Syméon. Au pied de la colonne, un jeune homme tend la main vers un petit récipient attaché au bout d’une corde suspendue à la fenêtre et contenant probablement de la boisson ou de la nourriture destinée à l’ascète31. La même iconographie est utilisée pour d’autres stylites, comme le montre, par exemple, la représentation de Daniel au fol. 26 du Psautier de Londres (Add. 19352), de 106632, preuve du caractère interchangeable de la représentation de cette catégorie d’ascètes. Sans souci de vraisemblance historique, on adopte un mode de présentation unique, peut-être inspiré par le mode de vie des stylites contemporains: ainsi, l’habitacle à toit pointu sous lequel s’abrite le saint est-il représenté indifféremment pour Syméon, Daniel, Alypios ou des ascètes anonymes33. «Ménologe» de Basile II (Vat. gr. 1613) Si le caractère peu spécifique de l’iconographie des saints stylites dans les psautiers ne saurait surprendre — compte tenu du rapport très indirect de l’image au texte — on aurait pu attendre plus de «réalisme» de la part des illustrateurs des ménologes et synaxaires, qui peignaient les saints en regard du résumé de leur vie. En général, il n’en est rien: ils ont le plus souvent

Church of the Panagia Amasgou, Monagri, Cyprus, and its Wallpaintings, DOP 28, 1974, p. 288), entre autres exemples. 30 M. V. Ščepkina, Miniatjury Hludovskoj Psaltyri, Moscou 1977, fol. 3 v. L’inscription θάµβος, postérieure, ne permet pas d’identifier le stylite. 31 Interprétation contestée par J. Leroy, L’icône des stylites de Deir Balamend (Liban) et ses sources d’inspiration, Mélanges de l’Université Saint-Joseph 38, fasc. 15, 1962, p. 345, qui considère qu’il s’agit d’une sonnette suspendue à la fenêtre et que le disciple s’apprête à agiter. 32 S. Der Nersessian, L’Illustration des Psautiers grecs du Moyen Âge, 2, Paris 1970, fig. 47. 33 Cf. S. Der Nersessian, L’Illustration, cité n. précédente, fig. 5, 29 (Alypios), 47 (Daniel). Signalons aussi, à titre d’exemple, le stylite anonyme du Sinait. gr. 418, manuscrit de l’Échelle de Climaque, XIIe s.: J. R. Martin, The Illustration of the Heavenly Ladder of John Climacus, Princeton 1954 (Studies in Manuscript Illumination 5), fig. 212.

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recours, eux aussi, à des formules pré-existantes. Pourtant, parmi les images de stylites qui décorent le synaxaire de Basile II34, à la fin du Xe s., on trouve pour le 1er septembre, date de la fête du saint, une scène pouvant se rapporter de façon un peu plus précise à la vie de Syméon l’Ancien (Fig. 7). Le saint, qui porte une courte barbe blanche, a la tête couverte du koukoulion et tient les deux mains ouvertes devant le buste, en un geste de prière: ce type iconographique est désormais le plus courant35. Sa colonne est, comme il convient, dépourvue d’habitacle, mais comporte une balustrade à claire-voie. Plusieurs figures l’entourent: à droite, un vieux moine appuyé sur un bâton, à gauche, un homme coiffé d’un turban, agenouillé devant la colonne, que suivent trois autres personnages, dont deux arborent également un turban. Plusieurs épisodes de la vie de Syméon font intervenir des Arabes. Antoine (§ 17–18) comme Théodoret (§ 13–16) signalent l’afflux des Sarrasins ou Ismaélites auprès de la colonne. Le second relate, en particulier, une dispute entre Bédouins désireux d’obtenir la bénédiction du saint, à laquelle Théodoret assista (§ 14): est-ce à cet épisode précis que fait allusion la miniature du Ménologe de Basile II? Suit (§ 15) l’histoire du chef d’une tribu de Sarrasins suppliant le saint de porter secours à un individu paralysé, puis le récit d’autres miracles concernant également des Ismaélites36. La présence du moine — disciple du saint — au pied de la colonne, topos de l’iconographie des stylites, ne permet pas d’identifier la scène. Qu’elle se rapporte ou non à un épisode précis, l’image évoque en tout cas la renommée de Syméon auprès des Infidèles, qu’il amenait à se convertir en grand nombre, fait rappelé par le texte du synaxaire ici illustré. L’évocation du saint par une scène — de préférence à l’effigie hiératique du stylite sur sa colonne — demeure une exception. Remarques sur l’iconographie ultérieure Quelques portraits du stylite du Mont Admirable subsistent dans les miniatures, les icônes, la mosaïque et la peinture murale byzantines, mais 34 Il Menologio di Basilio II (Cod. Vaticano Graeco 1613), Codices e Vaticanis Selecti, III, 2, Turin 1907, pl. 2 (Syméon l’Ancien), 208 (Alypios), 237 (Daniel), 238 (Luc). 35 Cf. par ex. le Lectionnaire de Dionysiou, cod. 587 (plan 740), fol. 116 r: S. M Pélékanidis, P. C. Christou, Ch. Mavropoulou-Tsioumis, S. N. Kadas, The Treasures of Mount Athos, 1, Athènes 1974, fig. 237. 36 A.-J. Festugière, Antioche, cité supra n. 5, p. 350, 395 et s. (Théodoret), 370 (Antoine).

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c’est en Géorgie qu’il paraît avoir été surtout populaire: la fréquence de ses représentations en témoigne37. Dans la tradition constantinopolitaine, l’iconographie la mieux documentée est celle de Syméon l’Ancien. C’est probablement moins l’importance particulière du saint et de son culte que sa date de commémoration, le 1er septembre, premier jour de l’année, qui explique qu’il soit régulièrement représenté dans les manuscrits liturgiques, ce qui n’est pas le cas pour son émule d’Antioche, fêté au mois de mai38. À quelques rares exceptions près — le cycle narratif, en six épisodes, du Cod. 14 d’Esphigménou39, et la représentation de la mort du stylite dans le lectionnaire de la Pierpont Morgan Library, Ms 63940, que, contrairement à K. Weitzmann, nous ne pensons pas pouvoir dériver d’un même cycle de base41 — la plupart des représentations de Syméon l’Ancien dans les miniatures, mais aussi les icônes, la peinture murale ou les «arts mineurs», se limitent — comme celles de Syméon le Jeune — au thème du stylite

Cf. J. Lafontaine-Dosogne, L’influence du culte, cité supra n. 5, p. 183–196. Mois peu illustré dans les copies du ménologe métaphrastique qui nous sont parvenues, contrairement aux premiers mois de l’année liturgique. Dans le ménologe de Tbilissi A 648, XIe s., se trouvent, selon Mijović , les deux Syméon: l’Ancien au 1er septembre, le Jeune au 24 mai (P. Mijović , Ménologe. Recherches iconographiques, Belgrade 1973, p. 193, en serbe, avec rés. fr.). Le stylite du Mont Admirable figure également dans quelques ménologes tardifs: manuscrit Gr. th. f. l de la Bodleian Library d’Oxford, fol. 41, daté entre 1322 et 1340 (I. Hutter, Corpus der byzantinischen Miniaturhandschriften, II, Oxford Bodleian Library II, Stuttgart 1978, p. 24, fig. 76) et ménologes muraux de Gračanica, Dečani et Pelinovo (P. Mijović, Ménologe, p. 299, 338, 388). 39 Manuscrit de luxe remarquable par la richesse de son illustration hagiographique; cf. supra n. 14. 40 Fin XIe s.: K. Weitzmann, The Constantinopolitan Lectionnary, Morgan 639, Studies in Art and Literature for Belle Da Costa Greene, éd. D. Miner, Princeton, N.J., 1954, p. 371, fig. 319 (repr. dans Id., Byzantine Liturgical Psalters and Gospels, Londres 1980, XIV). 41 Qui aurait été créé pour illustrer la Vita composée par Syméon Métaphraste; il suffit de comparer les deux représentations de la mort du saint, dont la ressemblance est invoquée par Weitzmann pour supposer un modèle commun, pour voir qu’elles n’ont guère de rapport entre elles. Dans le Morgan 639, le saint est étendu, la tête à gauche, sur une sorte de natte et entouré par trois moines; l’un âgé, à gauche, balance un encensoir, tandis qu’à droite se tiennent deux autres vieillards, l’un incliné vers Syméon, l’autre debout, la main droite ouverte devant le buste; au centre, derrière la couche, se dresse la colonne vide. L’image de l’Esphigménou 14 montre un homme jeune entourant de son bras droit le corps du saint (tête à droite) pour le déposer dans son tombeau; il est suivi à gauche par un personnage à barbe brune, tandis qu’à l’arrière-plan, à droite, se dresse un édicule à coupole. 37 38

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sur sa colonne42. De façon très significative, la formule iconographique la plus souvent retenue pour la fête de Syméon l’Ancien par les illustrateurs des manuscrits liturgiques montre de part et d’autre du saint apparaissant en buste au sommet de sa colonne, sa mère et un disciple, en une composition tripartite évoquant à dessein celle de la Crucifixion: le Christ en croix entre sa mère et son disciple préféré43. On a donc adopté tel quel le schéma créé à l’époque paléochrétienne pour Syméon le Jeune. L’emprunt est d’autant plus flagrant que si la présence d’un disciple — qui pourrait être Antoine — est concevable, celle de la mère de l’Alépin est en contradiction avec les données hagiographiques. Dans le ménologe athonite, Stavronikita 23 (fol. 2r), «la mère», ἡ µή(τη)ρ, et «le disciple», ὁ µαθ(ητής) — un moine — sont explicitement désignés44. Ils sont aussi présents, toujours au XIe s., dans le lectionnaire Vat. gr. 1156 (fol. 242r)45, dans le Dionysiou 587 (fol. 116r)46 (Fig. 8), ainsi qu’en frontispice du ménologe de la Bibliothèque Marcienne à Venise, gr. Z 586 (XIe–XIIe s.)47, où la mère et le disciple (un moine?), montés sur des marches d’escalier, s’adressent au saint, tandis que deux moines sont assis au pied de la colonne. Le schéma à trois personnages — mère, stylite, disciple — est également utilisé pour Syméon l’Ancien dans le Suppl. gr. 27 de la Bibliothèque Nationale à Paris (fol. 148)48. La confusion entre les deux Syméon se perpétue à l’époque post-byzantine comme le montrent, par exemple, au XVIe s., certaines icônes-ménologes49 et les peintures murales de Peć (1561) et de Sučevitsa, qui montrent au 1er septembre Syméon stylite et sa mère Marthe, c’est-à-dire la mère de Syméon

Ainsi dans le ménologe métaphrastique de Lavra, Cod. D 46 (fol. 4 v), vers 1060: N. Patterson-Ševčenko, Illustrated Manuscripts of the Metaphrastian Menologion, ChicagoLondres 1984, p. 17, 30. 43 Dans quelques cas cependant n’est figuré au pied de la colonne que le disciple; ainsi dans le ménologe de la Bodleian Library, Barocci 230, fol. 3 v, vers 1060 (I. Hutter, Corpus der byzantinischen Miniaturhandschriften, I. Oxford Bodleian Library I, Stuttgart 1977, no 34, p. 170, fig. 172 et N. Patterson-Ševčenko, Illustrated Manuscripts, cité n, précédente, p. 17) et dans le lectionnaire du monastère de Pantéléimon, Ms. 2, fol. 186r, XIe s. (P. Huber, Athos. Leben, Glaube, Kunst, Zürich 1969, fig. 108). 44 Ibid., p. 106. 45 P. Mijović, Ménologe, fig. 2. 46 Cf. supra, note 35. 47 N. Patterson-Ševčenko, Illustrated Manuscripts, p. 175. 48 H. Omont, Miniatures des plus anciens manuscrits grecs de la Bibliothèque Nationale, Paris 1929, pl. XCVIII, 3. 49 P. Mijović, Ménologe, p. 185, n. 122. 42

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le Jeune50. L’iconographie du second stylite, dès l’origine plus riche que celle de son prédécesseur, a donc servi pour représenter Syméon l’Ancien. La confusion des deux saints existe d’ailleurs dans le texte même du synaxaire51: dans nombre de manuscrits, et en particulier dans l’édition publiée par H. Delehaye52, on trouve associés au 1er septembre Syméon stylite l’Ancien et sa «bienheureuse mère Marthe». Il est clair que l’image n’a pas été créée pour illustrer le texte, mais qu’il s’agit d’une formule empruntée à une source plus ancienne faisant référence à Syméon le Jeune. Exception faite de quelques images (les cycles de Zelve et du Cod. Esphigménou 14, la miniature du Ménologe de Basile II), Syméon l’Ancien n’a donc pas suscité au Moyen Âge une iconographie spécifique53 et, en l’absence de toute tradition le concernant, les peintres des XIe-XIIe s. ont recouru aux images de son rival. À partir du XIe s. dans la décoration monumentale, du XIIe s. dans les icônes54, les représentations — parfois associées — des deux Syméon sont le plus souvent conventionnelles et interchangeables, privées, sauf rares exceptions, de traits réalistes55. L’iconographie des deux Syméon est d’ailleurs devenue commune à tous les stylites56 — et seule l’inscription distingue «Syméon le stylite» — c’est-à-dire l’Ancien — désigné aussi comme «celui

Ibid., p. 361. Ce qui ne veut pas dire qu’elle est à l’origine de l’erreur des peintres: l’influence inverse est aussi plausible. 52 H. Delehaye, Synaxarium Ecclesiae Constantinopolitanae, Bruxelles 1902, col. 2–3. 53 De même, la mort de Syméon stylite est-elle figurée de façon conventionnelle dans le Psautier du Vatican, gr. 752, fol. 366 r: E. T. De Wald, The Illustrations of the Manuscripts of the Septuagint. 3, Psalms and Odes, Part 2: Vaticanus Graecus 752, Princeton 1942, pl. XLV. 54 Icône de la Crucifixion au Sinaï (XIIe s.): G. et M. Sotiriou, Icônes du Mont Sinaï, 1, Athènes 1956, fig. 64. 55 Signalons comme traits «réalistes» la représentation des escaliers ou celle des cerclages métalliques des tambours de la colonne que l’on voit dans les manuscrits (Lavra D 46, Marciana gr. Z 586), à Lagoudéra (A. et J. Stylianou, Painted Churches, cité supra n. 29, p. 173, fig. 95), aux Saints-Anargyres de Castoria (S. Pélékanidis, Καστορία, Ι, Βυζαντιναί τοιχογραφίαι, Thessalonique 1953, pl. 11a) et à la Panagia Amasgou de Monagri (S. Boyd, The Church of the Panagia, cité supra n. 29, p. 288, fig. 14), par exemple. 56 Citons, entre autres exemples de l’uniformisation de l’iconographie des stylites, les représentations quasi identiques de Daniel et Syméon le Jeune sur une icône en stéatite de la collection Malcove (XIIe s.): S. D. Campbell éd., The Malcove Collection, Toronto 1985, p. 194–195 (n° 273); I. Kalavrezou-Maxeiner, Byzantine Icons in Steatite, Vienne 1985, n° 51. Il est aussi significatif que Daniel soit ici associé au stylite du Mont Admirable au lieu d’accompagner Syméon l’Ancien. 50 51

7. Vatic. gr. 1613 (Ménologe de Basile II), fol. 2: Syméon l’Ancien.

8. Dionysiou 587, fol. 116: Syméon l’Ancien.

L’ICONOGRAPHIE DES DEUX SYMÉON STYLITES

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de la Mandra» ou comme «l’Archimandrite»57, du Jeune, celui «du Mont Admirable», «le Thaumaturge»58. Conclusions L’attribution des images paléochrétiennes à l’un ou l’autre des Syméon reste difficile à établir en l’absence d’inscription. La plus ancienne iconographie du stylite a été créée pour l’inventeur de cette forme d’ascèse, Syméon l’Ancien, en liaison avec son sanctuaire de Qal’at Sem’an. Elle a été imitée, enrichie et diversifiée pour le stylite du Mont Admirable, désireux non seulement de copier son illustre prédécesseur, mais de se substituer à lui. Cette nouvelle imagerie, développée pour Syméon le Jeune, a, à son tour, influencé l’iconographie du premier Syméon, qu’elle ait contaminé celle-ci ou que les artistes aient utilisé indifféremment pour l’un et l’autre la même formule. L’attribution à Syméon le Jeune de la plupart des représentations paléochrétiennes connues, quand elle n’est pas confirmée par la légende ou par la présence de Marthe, la mère du stylite, et du disciple Conon59, reste donc problématique. À l’époque mésobyzantine, les seules images connues en Syrie sont les eulogies de plomb à l’effigie de Syméon le Jeune, liées à la reconquête du Xe s. Dans le reste du monde byzantin, les «portraits» des deux Syméon — interchangeables — sont assez nombreux et se rencontrent dans différents media (miniatures de manuscrits, icônes, mosaïques et peintures murales, «arts mineurs»); tout caractère spécifique en est absent. Fait en soi significatif, les cycles hagiographiques demeurent exceptionnels (et sans lien entre eux): réservés, à notre connaissance, au seul Syméon l’Ancien, ils se présentent davantage comme des créations ad hoc que comme À Lagoudéra (A. et J. Stylianou, Painted Churches, p. 184), dans le ménologe d’Oxford Barocci 230, fol. 3 v: I. Hutter, Corpus I, cité supra n. 43, n°. 34, p. 49, 170, fig. 172, Corpus III, 1 (1982), p. 331. 58 Ainsi désigné, par exemple, à la Néa Moni de Chios (D. Mouriki, The Mosaics., 1, p. 171–173, 175–176), à l’Antiphonitès de Kalogréa (ibid., p. 172, n. 6), à Sainte-Sophie de Trébizonde (D. Talbot Rice, The Church of Haghia Sophia at Trebizond, Edimbourg 1968, p. 120). 59 Il paraît peu probable en effet que cette iconographie caractéristique, attestée de façon certaine pour Syméon l’Ancien à partir du XIe s., ait été attribuée à ce dernier dès l’époque paléochrétienne. 57

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les vestiges d’une tradition narrative, dont les autres témoins auraient disparu. Ces conclusions ne sont pas en contradiction avec la conception et la fonction mêmes des images à Byzance: c’est l’«icône» du stylite, médiateur privilégié et intercesseur efficace, qui correspondait aux besoins du culte liturgique et de la piété des fidèles, son identité précise et son «histoire» importaient peu. La confusion des deux saints en un seul ne faisait peut-être que renforcer le pouvoir qu’on lui attribuait.

Épilogue

P

OUR conclure, quelques remarques et compléments. On notera d’abord que, dans de rares cas, des modifications mineures ont été apportées aux textes primitifs: il s’agit essentiellement de corrections touchant à la forme. De même, quelques illustrations ont été remplacées par des photographies de meilleure qualité, mais qui présentent parfois un cadrage légèrement différent. Le chapitre I m’apparaît aujourd’hui comme une synthèse un peu laborieuse, mais reflétant bien l’état de la recherche à l’époque de sa rédaction, en 1979. De nombreux compléments, bibliographiques et autres, devraient être aujourd’hui apportés à cette étude: beaucoup sont mentionnés dans l’article II. Pour une analyse plus détaillée et plus nuancée de la peinture byzantine en Cappadoce, on se reportera aussi à mon livre: La Cappadoce médiévale. Images et spiritualité, éditions Zodiaque 2001. Le bilan dressé dans l’article II a été conçu comme le second volet d’un diptyque, faisant pendant à la contribution de Nicole Thierry (La Cappadoce de l’Antiquité au Moyen Age, Mélanges de l’École Française de Rome. Moyen Age 110, 1998, 867–897), qui porte sur la documentation plus ancienne. Quelques études ont été publiées depuis la rédaction de ces mises au point; outre les articles repris dans ce volume sous les n° VIII, IX, XI et XII, citons par ordre de parution: – R. Ousterhout, Survey of the Byzantine settlement at Çanlı Kilise in Cappadocia: results of the 1995 and 1996 seasons, Dumbarton Oaks Papers 51 (1997) 301–306 – N. Teteriatnikov, Monastic settlements in Cappadocia: the case of the Göreme valley, Work and Worship at the Theotokos Evergetis 1050–1200, éd.

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M. Mullett / A. Kirby, Belfast 1997, 21–50 – H. Wiemer-Enis, Die Sarıca kilise – Eine Kirche der spätbyzantinischen Zeit in Kappadokien, Istanbuler Mitteilungen 47 (1997), 415–428 – A. Berger, Viranşehir (Mokisos), eine byzantinische Stadt in Kappadokien, Istanbuler Mitteilungen 48 (1998), 349–429 – N. Lemaigre Demesnil, Des églises paléochrétiennes en Cappadoce: nouveaux éléments de datation, Histoire de l’Art 42/43 (1998), 27–39 – S. Pekak, Niğde-Eski Andaval’daki Konstantin-Helena Kilisesi, XIX Kazı Sonuçları Toplantısı II. Ankara 1997, Ankara 1998, 567–592 – N. Thierry, Le provincialisme cappadocien, Ἡ Βυζαντινή Μικρά Ασία, Athènes 1998, 385–431 – H. Wiemer-Enis / G. Horn, Die Kordele Kilise in İhlara – eine neuentdeckte Kirche in Kappadokien, Istanbuler Mitteilungen 48 (1998), 431–436 – N. Thierry, Aux limites du sacré et du magique. Un programme d’entrée d’une église en Cappadoce, Res Orientales XII (1999), 233–247 – R. Ousterhout, The Acıözü churches near Çeltek in western Cappadocia, Cahiers Archéologiques 47 (1999) 67–76 – M. Tatić-Djurić, La mère de Dieu “Perivleptos” à Elmalı kilise. Ses modèles et répliques, Λιθόστρωτον. Studien zur byzantinischen Kunst und Geschichte. Festschrift für Marcell Restle, éd. B. Borkopp / T. Steppan, Stuttgart 2000, 249–260. – R. Warland, Das Templon der Neuen Tokalı Kilise in Göreme, Kappadokien, Λιθόστρωτον. Studien zur byzantinischen Kunst und Geschichte. Festschrift für Marcell Restle, éd. B. Borkopp / T. Steppan, Stuttgart 2000, 325–332 – R. Warland, Deesis – Emmanuel – Maria. Bildkonzepte kappadokischer Höhlenkirchen des 13. Jahrhunderts, Byzantinische Malerei. Bildprogramme, Ikonographie, Stil. Symposion in Marburg vom 25–29. 6. 1997, éd. G. Koch, Wiesbaden 2000, 365–386 – H. Wiemer-Enis, Spätbyzantinische Wandmalerei in den Höhlenkirchen Kappadokiens in der Türkei, Petersberg, 2000. III: une autre représentation de Constantin à cheval a été depuis identifiée en Cappadoce (Göreme 13 a): cf. G. P. Schiemenz, Ein Neufund kappadokischer Kirchenmalerei in Göreme, Ἐπετερίς Ἑταιρίας Βυζαντινών Σπουδῶν 47 (1987), 42–86.

EPILOGUE

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IV: les églises des environs de Karacaören (vallée de Kurt dere, site funéraire de Kapılı vadisi, Akılı vadisi) sont étudiées de façon plus approfondie dans la thèse de doctorat de Nicole Lemaigre Demesnil, L’architecture religieuse rupestre en Cappadoce jusqu’au milieu du IXe siècle, Université Paris I, Paris 2000, 208–233, d’où est tirée la carte que nous publions p. 117. Pour les tombeaux antiques: E. Equini Schneider / C. Morselli / M. Spanu / C. Vismara, Varia Cappadocia, Archaeologia Classica 49 (1997), 101–209 (en particulier 169–172). V, page 153: les publications de Nicole Thierry annoncées dans les notes 8 et 14 n’ont pas encore vu le jour; en revanche, on trouvera dans son Haut Moyen-Age en Cappadoce. Les églises de la région de Çavuşin, t. II, Paris 1994, 259, 260, 270, 271, quelques références aux peintures de Mezar altı kilise (“l’église sous les tombeaux”) et, fig. 76 bis, un dessin du décor absidal. VI: les belles peintures des églises de Yüksekli, déjà fort endommagées, ont subi depuis notre passage des dégradations volontaires, qui ne permettent plus guère d’en apprécier la qualité. Page 208, note 98: la restauration de Karşı kilise a révélé que la figure centrale du panneau des donatrices n’était pas nimbée: il s’agit de l’une des donatrices, prénommée Irène, qu’encadrent probablement ses deux filles (cf. IX). VII, page 237: peu de temps après la rédaction de cet article, le nettoyage des peintures de l’église n° 2 (ou B) de Tatlarin a finalement été entrepris, mettant au jour un décor daté de 1215, dont traite l’étude VIII. X: pour l’analyse des programmes iconographiques du Xe siècle, on se reportera aussi à mon livre cité plus haut: La Cappadoce médiévale. Images et spiritualité. XIV: les peintures de l’église principale du monastère de l’Archangélos, près de Cemil, sont présentées par H. Wiemer-Enis, Spätbyzantinische Wandmalerei in den Höhlenkirchen Kappadokiens (op. cit.), qui, cependant, n’a pas reconnu le cycle de l’archange Michel. Le complexe monastique est étudié en détail par N. Lemaigre Demesnil, L’architecture religieuse rupestre en Cappadoce (op. cit.), 266–303 et j’ai présenté cet ensemble en septembre 2000 à Tbilisi (Un monastère rupestre en Cappadoce: le

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complexe de l’Archangélos, Desert Monasticism: Gareja and the Christian East. International Conférence 19–22 September 2000, sous presse). XVIII: pour l’iconographie de Syméon stylite, ajouter à la bibliogaphie: A. Mitsani, Συµεών Στυλίτης ο Πρεσβύτερος σε µικρογραφίες χειρογράϕων, Ἀντίϕωνον. Ἀφιέρωµα στον καθηγητή N. Β. Δρανδάκη,

Thessalonique 1994, 496–507.

Index prosopographique (sauf saints et modernes)

Agapia 106, 142 André de Césarée 8, 405 Andronic 5 n.11, 332 Anne 41 n.128 Antoine 504, 505, 512, 514 Antonin 255 Arétè 142 Aréthas de Césarée 6, 8, 107, 405, 492 n.82 Armoloïkon 41 n.128 Athanase l’Athonite 397 n.46 Bardas, moine 4 n.10 Bardas Phocas 29 n.78, 361 Barthélémy d’Édesse 281 Basile 106 Basile, domestique 30, 490 Basile de Césarée 24, 40 n.121 Basile Skribas 208 n. 97 Basile Ier 433, 435, 452 Basile II 3, 5 n.12, 28, 29, 38, 361 n.24, 433 Basilis 140 Bathystrokos 4 n.10 Bourtzès / Bourtzai 361, 362 Choricius 17 n.34, 18, 330 n.20 Christophore, spatharocandidat et tourmarque 5 n.11, 58 Chrysocheir 433 n.68 Clément, prêtre 4 n.10

Constantin 29 n.78, 106, 140 Constantin Copronyme 149 Constantin le Grand 17, 414 n.4, 432, 436 Constantin V 361 Constantin VII Porphyrogénète 3, 58, 208 n. 97, 322, 349, 351, 430, 432 n.64, 445 n.101, 447, 452, 486 Constantin VIII 3 n.5, 29, 433 Constantin IX Monomaque 49, 433, 449 Cosmas, moine 448 n.7 Cyrille de Jérusalem 307 n.48, 313 n.65 Cyrille de Scythopolis 110, 203 n. 87, 418 n.25 Dèce 256, 258 Denys de Fourna 252 n.103, 354 n.89, 477 n.27, 492 n.80, 503 Didyme l’Aveugle 414 n.6 Dioclétien 152, 476 Diodore de Tarse 278 n. 18 Domitien 255 Epiphanios Monachos 17 n.33 Étienne le Jeune 502 n.5 Eudocie 106, 143, 148 Eudocie Comnène 361 n.16 Eusèbe 447, 452

524 Eustathe Boïlas 38 n. 115 Eustathe Sképidis 40 n.124 Eustrate, kleisourarque 503 Euthyme 281, 439 n.87 Germain de Constantinople 7, 381-383 Grégoire de Nazianze 26 n.68, 335 n.46 Grégoire de Nysse 18 n.37, 382 Grégoire le Grand 19 n.40 Grègoras 140 Hadrien 491 Hélène 255 Héraclius 432 n.66 Hypatios 139 Hypatios d’Éphèse 19 n.40 Irénée de Lyon 306 n.44 Isaac Ange 430 Isaac Comnène (sébastocrator) 378 n.6 Isaac II 449 n.11 Jacques d’Édesse 448 n.4 Jean, moine 4 n.10 Jean, prêtre 30 Jean Chrysostome 178 n.7, 252, 253 n.107, 310 n.60, 382, 403 Jean Damascène 6 n.15, 18 n.37, 19 n.40, 149, 306 n.44 Jean de Jérusalem 7 n.18, 18 n.37 Jean « entalmatikos » 40, 74, 396 Jean le Géomètre 437 n.84 Jean Malalas 432 Jean Moschus 418 n.25 Jean Sképidis 41, 76 Jean Tzimiskès 38 Jean II Comnène 449 Joseph l’Hymnographe 430 n.56 Justinien II 402, 452 Komètissa 106, 132-134, 148 Laianos 257 n.123 Lalos 257 n.123 Lamios 257 n.123

Lamôn 257 n.123 Lamos 257 n.123 Lanikos 257 n.123 Léon 29 n.78, 40, 106, 141, 361 Léon (Phocas ?) 437 n.85 Léon III 149 Léon V 6 n.15 Léon VI 4 n.8, 8 n.23, 436, 439 n.87 Léon de Chalcédoine 383 Léon Mélissènos 361 Léontios, peintre 30, 37 Licinius 243 Limnogalaktes / Limnogalaktai 361 Luc, patriarche 282 Manuel I Comnène 282 Marie Mélissènè 362 n.26 Maris 30 n.84 Matthieu d’Édesse 362 Maxime le Confesseur 19 n.41 Maximien 257 Mélias 29 Mélissènos / Mélissènoi 74, 357, 361, 362, 374 Michel 364 Michel III 433, 452 Michel Autoreianos 282 Michel de Chônai 439 n.89 Michel Italikos 449 Michel Mélissènos 361, 362 Michel Patrikios 361 Michel Placidas 291, 301 Michel Psellos 379, 420, 449 Nicéphore « cou en biais » 29 n.77 Nicéphore, patriarche 7 n.17, 18 n.37, 27, 451 Nicéphore Phocas 28, 38, 69, 382, 436, 468, 471 Nicétas Choniates 281, 282 n.35, 430 Nicétas, stylite 502 Nicolas, patriarche 4 n.8

INDEX PROSOPOGRAPHIQUE

Nicolas Cabasilas 379 Nicolas d’Andida 19 n.41, 379 Nicolas Skribas 208 n. 97 Nil 17 n.34 Niphon, moine 41 Olympiodore 17 n.34 Pancrace de Taormine 17 n.33 Pantoléon 425–427, 432, 450 Pascal 1er 6 n.15 Paul de Latros 502 Péros 362 Phocas 28 n.75, 67, 69, 362, 382, 472, 492, 508 : voir aussi Nicéphore Photios, moine 4 n.10 Photius 461 n.39 Pierre 106, 134 Pierre Sképidis 40 n.124 Porphyria 142 Procope 416 n.13 Rodathys (protopapadias) 270, 274 n. 6, 277, 278 Romain I Lécapène 58 Roustikos, moine 4 n.10 Scribonissa 208 n. 97 Sévère d’Antioche 447, 448 n.4 Sisinnios 106, 133 Skribas 208 n. 97 Sophronios de Damas 10 n.29

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Sophrone de Jérusalem 307 n.46 Sozomène 414 n.4, 415 n.12 Stéphane, moine 4 n.10 Stoudios, consul 416 Syméon, moine 353 Syméon Métaphraste 429 n.54, 513 n.41 Tessarakontapèchys 361 Théodora 362 Théodote Ier, patriarche de Constantinople 361 Théodotè 143 Théodotos 150, 462, 480 Théodore Balsamon 449 n.11 Théodore Lascaris 283, 289, 290 n.20 Théodore Stoudite 6 n.15, 7 n.18, 17 n.34, 18 n.37, 19 n.40 Théodoret de Cyr 256 n.120, 414 n.3, 512 Théodose 30 Théognostos Mélissènos 362, 366 n.42 Théophile 17 n.33, 432, 452 Théopistè 5 n.11, 332 Yorgi 5 n.11 Zacharie, moine 4 n.10 Zonaras 430

Index des sites et monuments de Cappadoce Les chiffres en italiques renvoient aux illustrations Acıgöl 220 Açık Saray : voir Gülşehir Açikel ağa kilisesi : voir Belisırma Acısu Çayı 220 Ağaç altı kilise : voir İhlara Agaçlık kilise : voir Güzelöz Ak kilise : voir Akköy, Église n° 3 ou Soğanlı, Ak kilise Akhisar Çanlı kilise 38 n.115, 85, 124 n.34, 161 n.35, 380 n.9 Chapelle rupestre (a) proche de Çanlı kilise 32 n.89, 159 n.27, 352 Akköy 151, 399 Basilique 232 n.19 Église n° 3, Ak kilise (ou Bezir kaya kilisesi) 91, 180 n.14, 240 n.53, 351 Aksaray 1, 51, 80, 85, 131 n.50 Ala kilise : voir Belisırma Ankara (Ancyre) 220 Arabsun deresi 123 Archangelos : voir Cemil Asma deresi 123 Avanos / Ouanôta (Venasa) 152 Avcılar (Matiane / Maçan) / Göreme

39, 70, 71, 151–154, 162, 164–166, 471, 476, 477, 489 n.68 Basilique ensablée 125 n.39 Bezirhanı (ou Bezir Hane) 154, 439 n.87 Çanlı kilise 88 Chapelle de la Théotokos 71, 157, 158, 161, 167 Durmuş kadir kilisesi 124 n.36, 153, 232 n.19 Église de la citerne 65, 71, 88, 179 n.12, 484, 489 n.68 Karabulut kilisesi 38 n.115, 41 n.128, 42 n.131, 71, 75, 88, 154, 166 n.75, 438, 439 n.87, 444, 474, 489, 495 Karşı becak 154 Cône funéraire, chapelle de la Vierge 87 Cône funéraire, église en croix libre 88 Église supérieure 88 Mezar altı kilise 153 Orta Mahalle kilisesi 32 n.89, 37, 71, 87, 154, 159 n.27, 352 Yusuf Koç kilisesi 38 n.115, 41 n.128, 42 n.131, 48, 65, 71,

INDEX DES SITES ET MONUMENTS

74, 88, 154, 159 n.27, 165 Avla Dağı 116 Ayvalı kilise : voir Güllü dere, église n° 4 Ayvalıköy 41 n.128, 42 n.131, 47, 49, 72, 74, 82, 91, 159 n.26, 180 n.14, 289 n.18 Azugüzel 123 Babayan : voir İbrahimpaşaköy Bahattin samanlığı kilisesi : voir Belisırma Bahçeli 418 n.25 Balkan dere : voir Ortahisar Ballı kilise : voir Belisırma Ballı(k) kilise : voir Soğanlı Belisırma Açikel ağa kilisesi 18 n.36 Ala kilise 38 n.115, 48, 198 n.71 Bahattin samanlığı kilisesi 31 n.87, 34, 37, 163 n.46, 328 n.14, 351 Ballı kilise 23 n.56, 30, 32, 37, 159 n.27, 161, 352 Bezirana kilisesi 79, 191 n.45, 218, 276 n.15 Direkli kilise 29–32, 35, 37, 66, 73, 160 n.33, 161, 165, 240 n.53, 490 Église près de Karagedık kilisesi 30 n.84 Saint-Georges / Kırk dam altı kilise 80, 180 n.14, 182 n.18, 208 n. 98, 218, 242 n.63, 246 n.74 Karagedik kilisesi 37, 124 n.34 Bezirhanı kilisesi : voir Avcılar / Göreme Cambazlı kilise : voir Ortahisar Canavar kilise : voir Soğanlı Çarıklı kilise : voir Göreme n° 22 Çavuşin 28 n.76, 31, 34, 208 n.98, 477, 489 n.68

527

Chapelle funéraire 87 Église à deux étages près du Pigeonnier 87 Église du Grand Pigeonnier (ou de Nicéphore Phocas) 28, 29, 32 n.89, 33, 37, 43, 67, 69, 161 n.36, 243, 322, 323 n.5, 324, 328 n.14, 330, 332 n.35, 333 n.40, 335, 348, 360 n.12, 372 n.46, 380 n.9, 402, 414 n.7, 420, 424, 434–438, 440, 444, 454, 458, 459, 460, 465, 468, 469, 470, 471, 473, 474, 478, 483 Saint-Jean-Baptiste 18 n.36, 94, 96, 125 n.39, 221 n.11, 232 n.17, 233 n. 23, 235, 244 n.67, 329, 467, 476, 481 n.47 Césarée : voir Kayseri Çat 91, 233 n.24, 234 n. 31, 237 n.46, 418 n.25 Cemil Hagios Stéphanos 160 n.33, 235, 406 n.28, 465, 467, 468 n.9, 470, 478 n.30, 481 n.47 Monastère de l’Archangélos 42 n.131, 76, 77, 160 n.33, 170 n.4, 180 n.14, 194 n.59, 222 n.14, 240 n.53, 250, 276 n.15, 286, 305 n.40, 310, 372 n.46, 414 n.7, 416– 420, 421–424, 425–431, 490 n.74 Çökek 60, 91, 347, 487 n.62 Comana 123 Damsa 416 Derin dere kilisesi : voir Mustafapaşaköy / Sinasos Direkli kilise : voir Belisırma Dölecek dere 399 Ermitage du stylite Nicétas : voir Kızıl Çukur Église du derviş Akın : voir Selime

528 Église du pic 1223 : voir Meskendir Eğri taş kilisesi : voir İhlara Elevra III : voir Mustafapaşaköy / Sinasos Elmalı kilise : voir Göreme n° 19 El Nazar : voir Göreme n° 1 Eneğilköy 123 Erdemli 72, 75, 80, 92, 126 n.44, 418 n.25, 479 n.34, 481 n.47 Saint–Eustathe 276 n.15 Saints–Apôtres 380 n.9 Ereğli 131 n.50 Eski Andaval : voir Niğde Eski baca kilisesi 32 n.89, 159 n.24, 161 n.40, 352 Eski Gümüş : voir Niğde Fraktın 123 Gökçe / Mamasun 73 Köy ensesi kilisesi 202 n.84 Gömede 235, 236 Göreme / Korama 39, 42, 48, 51, 56, 70, 75, 76, 93, 123, 152 n.5, 166, 245 n.72, 247 n.81, 250, 308 n° 1, El Nazar 9 n.25, 23 n.55, 25, 32 n.90, 57 n.18, 60, 160, 247 n.78, 328 n.14, 331, 334, 338, 341, 348, 352, 372 n.45, 487, 494 n° 1a 88 n° 2a, Saklı kilise 42 n.131, 71, 75, 88, 163, 190 n.42, 204 n.91, 468, 475, 478 n.29, 481 n.47, 493 n° 2b 57, 60, 88, 198 n.71 n° 2c 88 n° 2d 75 n.94, 88 n° 2e 89 n° 3 23 n.55 et 56, 24 n.58, 25 n.65, 60, 156 n.21, 241 n.59 Réfectoire près de Göreme n° 3 89 n° 4a 5 n.13, 25 n.65, 57 n.19,

89, 323 n° 4b 233 n.24 n° 4c 75 n.94, 89, 420, 435 n.77 n° 4d 89 n° 5a 32 n.89, 89, 161 n.35, 235 n.37 n° 6 9 n.25, 23 n.55, 25, 60, 159 n.27, 349, 352 n° 6a 25 n.64, 89, 331 n.30 n° 6b 89 n° 7, Tokalı kilise 23 n.55, 37, 56, 221 n.6, 232 n.19, 330, 414 n.7, 434 n.75, 492 1 – Ancienne église 10, 13, 14, 22, 25, 36, 58 n.26, 59, 68 n.51, 185 n.26, 323, 328, 331, 334 n.41, 337, 350, 472–474, 484 2 – Nouvelle église 16, 28, 29, 32–34, 35 n.102 et 103, 36, 41 n.129, 64, 67–69, 163, 164 n.60, 178 n.8, 186 n.28, 192 n.51, 233 n.24, 240, 243, 249 n.90, 256, 257 n.123, 258, 322 n.2, 328 n.13, 332 n.35, 333 n.40, 335, 350, 351, 381, 382, 385 n.27, 401 n.8, 491, 496, 501, 508–510 n° 7a 89 n° 8 60, 323, 328 n.14 n° 9, Chapelle de la Théotokos, de Jean-Baptiste et de saint Georges 9 n.25, 17, 23, 25, 32 n.90, 161, 323 n.5, 328 n.14, 332, 333 n.38, 340, 487 n° 9c 89 n° 10, Saint-Daniel 41 n.128 n° 10a 89, 159 n.27, 240 n.57 n° 11, Saint-Eustathe 9 n.25, 17, 23 n.56, 24 n.57, 26,

INDEX DES SITES ET MONUMENTS

40 n.122, 96, 156 n.21, 160 n.33, 170 n.5, 240 n.57, 243, 295 n.37, 323, 325, 328, 331, 333, 339, 470, 478 n.30, 481 n.47, 486, 487, 508 n.18 n° 11a 89 n° 13 25 n.65, 67, 162 n.45, 235 n.37 n° 13a 89 n° 14, Aynalı kilise 287 n.8 n° 14b 89 n° 15a 9 n.25, 23 n.55, 25, 89, 161 n.36, 323, 331 n.30, 380 n.9 n° 15c 90 n° 15d 90 n° 16, Saint-Georges 42 n.131 n° 17a 42 n.131 n° 18, Saint-Basile 41 n.128 n° 19, Elmalı kilise 39, 42 n.131, 45, 46, 161 n.35, 163 n.46, 179 n.12, 181 n.16, 197 n.70, 203 n.88, 308 n.54, 348, 358, 359 n.9, 365, 373 n.51 et 52, 414 n.8, 444 n° 20, Sainte–Barbe 365 n° 21, Sainte–Catherine 41 n.128, 42 n.131, 163, 164, 292 n.25 n° 21a 90 n° 21b 90 n° 21c 90 n° 22, Çarıklı kilise 39, 40, 42 n.131, 74, 161 n.35, 163 n.46, 181 n.16, 201 n.83, 254 n. 111, 291 n.22, 357–366, 367–371, 372–374, 381, 444 n.98 n° 22a 90 n° 23, Karanlık kilise 39–41, 42 n.131, 74, 76, 82, 161 n.35, 181 n.16, 195 n.61, 197 n.70,

529

233 n.24, 250, 251 n.99, 254 n.111, 276 n.13, 292 n.25, 308 n.54, 348, 358, 359, 363 n.31, 365, 366 n.41 et 42, 372, 373 n.51 et 52, 375–386, 387–392, 393–398, 414 n.8, 435 n.77, 438, 439, 441, 442, 444, 490 n° 28, Yılanlı kilise 40 n.120, 41 n.128, 42 n.131, 48, 71, 475 n° 29, Kılıçlar kilise 3 n.6, 9, 14, 23 n.53 et 55, 24, 32 n.90, 60, 161, 163, 328 n.11, 331 n.30, 334, 336, 342, 343, 347, 350, 373 n.51, 475, 487 n° 29a 31 n.87, 36 n.104, 163, 164 n° 29b 240 n.57 n° 31 475 n° 32 42 n.131 n° 33, Meryemana (ou Pigeonnier de Kılıçlar) 41 n.128, 42 n.131, 48, 72, 75, 166, 190 n.42, 192 n.49, 240 n.57, 332 n.35, 488, 489 n.68, 494 n° 34a 90 n° 34b 90 Église de Kızlar kalesi 40 n.122 Nécropole 126 n.44 Églises du rocher n° 5 88, 489 n.69 Tombeau peint 88, 150 n.96, 355, 467, 481 n.47 Gorgoli, Küçük kilise 91 Güllü dere 476 n° 1 5 n.13, 9 n.25, 25 n.65, 160 n. 34, 162 n.45, 163 n.47, 331, 339, n° 2 125 n.37, 159 n° 3 5 n.13, 9 n.25, 20 n.43, 160 n.33, 162 n.45, 235 n.39, 481 n.47

530 n° 4, Saint-Jean 3, 5, 9 n.25, 10, 15, 20, 23 n.53 et 55, 24, 25, 27, 55, 56, 59, 60, 62, 87, 145 n.77, 150 n.96, 160 n.34, 170 n.4, 182 n.18, 311 n.62, 322, 324, 326, 328, 330, 331 n.30, 333 n.38, 334 n.41, 345, 346, 351, 352, 355, 372 n.46, 373 n.53, 402, 403, 406, 409, 411, 420, 439 n.89, 467 n.5, 468, 473, 478 n.29, 481 n.44 et 47, 486 n° 5 234 n.31 Gülşehir (Zoropassos) 79, 107, 168, 270, 286 Açık Saray 72 n.73, 91, 244 n.68, 286 Karşı kilise 76–79, 83, 180 n.14, 187 n.31, 194, 208 n. 98, 218 n.111, 236 n. 43, 270, 273, 274 n.5, 275, 283, 284 n.43, 285–296, 297–304, 305–314, 315–319, 320–321 Güzelöz / Mavrucan 123, 489 n.68 Açık kilise 92 Église n° 1 5 n.13, 9 n.25, 160 n.33 Église n° 2, Emin kilise 92 Église n° 3, Mistikan kilise 18 n.36, 150 n.96, 464, 466–468, 479, 480 n.42, 481 n.47 Église n° 4, Ağaçlık kilise 92, 276 n.15 Église n° 15 42 n.131 Église cruciforme 182 n.18, 334 n.42, 372 n.46 Güzelyurt 73 Hacıbektaş 168 n.1 Hacı İsmail dere Église n° 1 31 n.86, 57 n.19, 91, 160 n.33, 351

Église n° 2 / Karae n° 1 (ou église de la Vierge) 4 n.10, 5 n.12, 31, 133, 163, 328 n.14, 333 n.38, 347, 470, 478 n.30, 481 n.47 Église n° 3 91 Haçlı kilise : voir Kızıl Çukur Hagios Basilios : voir Mustafapaşaköy / Sinasos Hagios Prokopios : voir Ürgüp Hal dere Église n° 1 (ou église de la Théotokos) 57 n.19, 58 n.25, 87, 159 n.27, 167, 352 Église n° 2 87 Hallaç Manastir : voir Ortahisar Hasan dağı 1, 4, 9 n.25, 21, 41, 57, 58, 72, 75, 86 n.1 Helvadere 153 n.7 İbrahimpaşaköy / Babayan 60, 487 n.63 İhlara 20 n.43, 23 n.56, 26, 57, 59 n.29 Ağaç altı kilise 18 n.36, 182 n.18 Alçak kaya altı kilise (ou église du prêtre Jean) 30, 35 n.103, 75, 150 n.96, 355, 481 n.47 Eğri taş kilisesi (ou Panagia Théotokos) 4 n.9, 5 n.11, 9 n.25, 18 n.36, 20, 41 n.128, 56 n.14, 57, 58, 75, 149 n.88, 160 n.33 Eski Baca kilisesi 9 n.25, 159 n.27 Kokar kilise 4, 20, 21 n.48, 26, 57, 182 n.18 Pürenli seki kilisesi 4, 9 n.25, 21 n.48, 24 n.58, 26, 57, 160 n.33 Saint–Michel / Kuzey ambar kilisesi 39, 41, 49, 72, 73, 75 n.100

INDEX DES SITES ET MONUMENTS

Sümbüllü kilise 32 n.89, 33, 34 n.99, 35 n.103, 37, 159 n.27, 166, 331, 352, 486 n.57, 487 n.62 Yılanlı kilise 4, 9 n.25, 20, 22 n.51, 23 n.52, 53 et 56, 24 n.57 et 58, 26, 57, 160 n.33, 162 n.45, 163, 242 n.63, 266, 295 n.37, 352 n.80, 486 n. 57 İltaş 59, 232 n.17, 399, 403, 406, 409, 411 İpral dere : voir Sofular İspidin 92 Kale kilisesi : voir Selime Kapılı vadısı : voir Karacaören Karabaş kilise : voir Soğanlı Karabulut kilise : voir Avcılar / Göreme Karacaören (Kurt dere) / Akılı dere, Kapılı dere 97, 102–104, 107, 111, 115, 116, 117, 123, 126, 151, 235 n. 39, 399, 479 Akılı vadisi kilisesi 91, 124, 127, 222 n.14, 235 n.37 Basilique protobyzantine 125, 128, 151 Nécropole chrétienne 126, 128, 131 Église de la Vision d’Eustathe 131, 462, 463, 466–467, 493 Église au décor aniconique 129, 130, 135–138 Nécropole romaine 118, 119, 120, 121, 151 Kara dağ 140 Karae, église n° 1 : voir Hacı İsmail dere Karanlık kilise : voir Göreme n° 23 Karlık 9 n.25, 161 n.36, 170 n.4, 347, 351, 380 n.9, 399 Karşıbecak : voir Avcılar

531

Karşı kilise: voir Gülşehir Kavaklı dere 96, 160 n.33 Kayseri / Césarée 1, 6, 23, 24, 26, 40, 49, 51, 97, 107, 123 n.19, 220, 412, 434, 462 n.1, 492 Saint–Basile 26 n.68 Kepez / Köpez 57 n. 19 Église 2 90 Église 2a 90 Église 3 90 Sarıca kilise 42 n.131, 90, 236 n. 43 Kılıçlar kilisesi : voir Göreme n° 29 Kırk dam altı kilise : voir Belisırma, Saint-Georges Kırşehir 168 n.1, 286 Kızıl Çukur 406 Büyük kilise (église en croix inscrite ou Kan ter kilisesi) 57 n.19, 87, 124 n.36, 232 n.17 Église de Joachim et Anne 94, 160 n.34 Ermitage du stylite Nicétas (ou Üzümlü kilise) 125 n.37, 160 n.33, 400 n.5, 499, 502–503, 510 n.27 Haçlı kilise 9 n.25, 25, 56, 63, 87, 156 n.21, 160 n.33, 401 n.8, 406 Kızıl Irmak 51, 152 n. 3, 168, 220, 286 Kodarak 152 n.3 Kodessanè 476 Kokar kilise : voir İhlara Konya (Ikonion) 220 Köy ensesi kilisesi : voir Gökçe Kubbeli kilise : voir Soğanlı Kurt dere (Akılı dere, Kapılı dere) : voir Karacaören Kuzey ambar kilisesi : voir İhlara Mamasun : voir Gökçe Manavi 267

532 Matiane : voir Avcılar / Göreme Mazıköy 93–96, 99–101, 115, 123 Mavrucan : voir Güzelöz Merdiven kilisesi: voir Mustafapaşaköy / Sinasos, Derin dere kilisesi / Merdiven kilisesi Meryemana : voir Göreme n° 33 Meskendir Église du pic 1223 87 Saints-Pierre-et-Paul 160 n.34 Mistikan kilise : voir Güzelöz / Mavrucan Mokissos 153 Münşil (Munhil) kilise : voir Soğanlı Mustafapaşaköy / Sinasos Derin dere kilisesi (ou Merdiven kilisesi) 3 n.6, 60, 91, 235, 349 n.64 Elevra III 91, 160 n.30, 170 n.4 Hagios Basilios 221 n.11, 235 Saints-Apôtres 3 n.6, 5 n.13, 9 n.25, 25, 26 n.68, 55, 59, 160 n.34, 170 n.4, 324, 327, 328, 330, 331 n.30, 332 n.37 Tavşanlı kilisesi 3, 17 n.31, 24, 26, 27, 322, 323, 328 n.14, 330, 333, 481 n.47, 486 Timios Stavros 235 n.34 Nevşehir 91, 123 n.19, 168, 237, 286 Nar (environs de Nevşehir), église d’Ören 91, 474, 489, 495 Église d’Akça 91 Niğde 51, 72 Eski Andaval, basilique SaintConstantin 72, 92, 197 n.70, 490 Eski Gümüş 42 n.131, 45, 48, 49, 66, 72, 75 n.100, 76, 92, 160 n.33, 161 n.35, 210 n.104, 233 n.24, 240 n.53 Ören : voir Nar

Orta Mahalle kilisesi : voir Avcılar / Göreme Ortahisar 502 Balkan deresi 353 n° 1 334 n.42 n° 2 32 n.89, 33, 36 n.104, 159 n.27, 352 n° 3 125 n.39, 351 n° 4 (ou 3) 10 n.28, 23, 163, 164, 235 n.37, 344, 345, 353, 354 Cambazlı kilise 42 n.131, 90, 125 n.38, 161, 162 n.41, 210 n.103 Église de la rue Ali Reis (ou du Pantocrator) 79, 90, 166 n.70, 218 n.112, 242 n.63, 420, 509 n.24 Église située à 200m à l’ouest d’Hallaç 90 Hallaç Manastir 72, 90, 160 Monastère du Köprü mahallesi 90 Ortaköy, Saint-Georges 77, 78, 160 n.33, 202 n.84, 210 n.104, 218, 481 n.47 Özkonak 126 n.44, 232 n.19 Pancarlık kilise: voir Ürgüp, SaintThéodore Pigeonnier de Güllü dere : voir Güllü dere, église n° 4 Peristrema 4, 56 n.14, 73, 75, 79, 150 n.96, 161, 163, 191 n.45, 218, 331, 352 n.80, 486 n. 57, 490 Pürenli seki kilisesi : voir İhlara Şahinefendi / Suveş / Sobésos 4, 28 n.72, 72 n.73 Église des Quarante martyrs de Sébaste 76, 163 n.46, 166 n.70, 185 n.26, 401 n.12 Monastère 91 Saint–Syméon : voir Zelve

INDEX DES SITES ET MONUMENTS

Saint–Théodore / Pancarlık kilise : voir Ürgüp Saints-Apôtres de Sinasos : voir Mustafapaşaköy Saklı kilise : voir Göreme n° 2a Sarıca kilise : voir Kepez Selime 73 Église de la Mère du Christ (Doğan Yuvası Mevkiinde kilise) 30 n.84, 32 n.89, 37, 58 n.25, 63, 159 n.27, 160, 352 Église du derviş Akın 75, 83 Kale kilisesi 30, 34, 75, 351, 363 n.30 Sinasos : voir Mustafapaşaköy Sobèsos : voir Şahinefendi / Suveş / Sobésos Soğanlı 40, 51, 75, 76, 123 Ballı(k) kilise 5 n.11, 9 n.25, 20 n.43, 23 n.52, 24 n.57, 26 n.67, 60, 161 n.36, 328, 332 n.35 et 37, 351, 467 n.8, 481 n.47 Canavar kilise 41, 143 Geyikli kilise 41, 75 n.100, 76, 481 n.47, 482 n.48 Haç kilise 92 Karabaş kilise 4 n.10, 39–41, 42 n.130, 44, 46, 49, 75 n.100, 76, 148 n.84, 178 n.8, 185 n.26, 221 n.6, 235 n.39, 240 n.57, 247 n.81, 248 n.86, 250, 435 n.77, 438–439, 441, 476 n.23 Kubbeli kilise n°1 10 n.28, 23, 24 n.57 et 58, 170 n.5, 235, 331 n.30, 481 n.47, 487 n.63, 508 n.18 Kubbeli kilise n°2 4 n.10, 5 n.11 et 12, 9 n.25, 24 n.57, 159, 170 n.5, 235, 256 n.119, 333,

533

348, 351, 352, 508 n.18 Kubbeli kilise n°3 24 n.57, 331 n.30, 509 n.21 Meleki kilise 42 n.131, 509 n.24, 510 n.27 Münşil kilise 295 n.37, 323 n.6, 328, 331 n.30 Sainte-Barbe 29–31, 34, 35, 76, 165, 166, 178 n.8, 195 n.61, 204 n. 91, 232 n.19, 250, 400 n.5, 401 n.12, 402 n.13, 489, 509 n.25, 510 n.27 Sofular 234 n.26 Églises nos 1 et 2 au lieu-dit Beş kilise 91 İpral dere 91 Suveş : voir Şahinefendi / Suveş / Sobésos Tağar : voir Yesilöz Taşören 92 Tatlarin 78, 220–221, 223, 270, 285 n.2, 286, 288 n.12, 310 Église A (n° 1 ou Kalekilise) 84, 92, 221–222, 225–231, 237–258, 259–265, 266–268, 276 n. 15 Église B (n° 2) 222, 224, 232–237, 271–272, 274–284, 287 n.11, 320 Église au nord du village 91 Tavşanlı kilisesi : voir Mustafapaşaköy / Sinasos Tilköy 232 n.19 Timios Stavros : voir Mustafapaşaköy / Sinasos Tokalı kilise : voir Göreme n° 7 Topuz Dağı 59, 64, 399–406, 407, 408, 410–412 Üçhisar 154 Ürgüp / Hagios Prokopios 1, 3–5, 21, 28 n.72, 51, 57, 70, 72, 74, 90, 96, 97, 107, 116, 123, 152, 220,

534 399, 403, 419, 462 n.1 Saint-Théodore / Pancarlık kilise 3 n.6, 4 n.10, 5 n.13, 12, 15, 24 n.58, 26, 59, 67, 235, 328 n.13, 349, 464, 467, 479, 485 Üzengi dere 8b 91 Üzümlü kilise : voir Kizil Çukur Viranşehir 153 n. 7 Yaprakhisar 73 Davullu kilisesi 481 n.47 Yarhisar 123 Yeşilhisar 72 Yeşilöz / Tağar, église triconque (Saint-Théodore) 42 n.131, 48, 163 n.46, 232 n.17, 248 n.86, 402 n.13 Yüksekli 79, 107, 111, 115, 218–219, 249, 250, 251 n.99, 286, 360 n.12 Église n° 1 91, 112, 113, 125 n.38, 168–170, 171–177, 178–208, 213–216, 236, 372 n.46, 439 n.87 Église n° 2 84, 91, 113, 114, 209–212, 217, 218, 381 n.15

Yusuf Koç kilisesi : voir Avcılar / Göreme Zanzama 123 Zelve n° 3 468, 478 n.30, 481 n.47 n° 4 234 n.31, 236 n° 5a 98 Église de l’Ermitage 30 n.84, 32 n.89, 36 n.104, 159 n.27 Église du cône isolé 32 n.89, 58 n.25, 86, 159 n.27, 352 Église inédite 86 Saint-Syméon 5 n.13, 9 n.25, 22, 24 n.57, 59 n.27, 67, 160 n.33, 162 n.45, 235 n.37, 343, 352, 353, 499, 500, 503–508 Tombeau dit Yazılı kilise 87 Zindanönü Église des Archanges 57 n. 19, 87, 125 n.37, 242 n.63 Église inférieure 87, 475 Saint-Georges 234 n.31

Index iconographique Aaron 110, 113, 114, 200, 201, 206, 210, 212, 217 Abel 196 n.64 Abibos 386 Abraham 313, 319, 380–382, 384, 385, 390 Hospitalité d’Abraham / Philoxénie 33, 77, 374, 381, 383, 392, 396, 397, 425, 426 Sacrifice d’Abraham 114, 211, 355, 381 Adam et Ève 31, 110, 192, 194–196, 251, 252, 262, 310, 372, 426, 490 Adoration des Mages 41 n.129, 77 n.111, 381, 431 Aeithalas 385 Agapios 485–488, 490 Agathonikos 257 Agneau 10 n.29, 20, 33, 56, 59, 62, 64, 79, 399, 401–406, 408, 409, 410, 411 Akakios 163 Akepsimas 385 Akindynos 486 Alexandros 255 Alypios stylite 24 n.57, 511, 512 n.34 Amphiloque 292 Anargyres (saints) 110, 203, 258, 277 n.16, 292, 293, 354 n.89, 373, 439

n.87, 488 Anastasis 34, 41 n.129, 59, 108, 110, 113, 181, 194, 196, 205, 206, 213, 243–246, 249, 251, 252, 258, 261, 262, 274 n.4, 291, 296, 300, 302, 307 n.47, 309–311, 317, 348–350, 369, 371, 372–374, 383, 393, 400 n.5, 488, 490 André 20, 60, 95, 183, 245 n.71 André de Crète 228, 240, 242 Ange / Archanges / Puissances angéliques 5, 7, 8, 30, 31, 32 n.90, 69, 82, 125, 159, 160, 161, 178, 181, 182, 193, 199, 203, 206, 209, 212 n.108, 227, 229, 239, 242 n.63, 283, 286 n.6, 292, 293, 295, 305, 309, 311–313, 316, 328 n.11, 333 n.40, 335, 347, 351, 354 n.86, 366, 371, 383, 401, 402, 408, 413– 417, 419–420, 423, 425–430, 432–439, 440–442, 443, 444, 447–454, 455–459, 460–461, 472, 475 Voir aussi Michel, Gabriel, Raphaël, Ouriel, Sychaël, chérubins, séraphins Anne, mère de la Vierge 161, 199, 272, 275, 277, 278 n. 20, 431, 444 Anne, prophétesse 196, 331, 332

536 Annonce à Jean-Baptiste : voir Jean– Baptiste Annonciation 20, 32, 33 n.95, 45, 48, 74, 107, 159 n.27, 170, 172, 178, 179, 181, 209, 293, 294 n.30, 296, 308, 311, 331 n.30, 332, 338, 350, 352, 374 n.54, 395, 396, 431, 443 Antipas 255, 258, 264 Antoine 24, 110, 203, 293, 508 Amnos 79, 384, 402–405 Voir aussi Agneau Apocalypse 20 Apôtres 20, 23, 25 n.61, 31 n.87, 66, 93, 95, 160, 181, 182, 197, 199, 200, 240 n.53, 308, 311, 333 n.40, 336, 353, 393, 396, 399, 492, 496 n.85 Apparition de l’Archange Michel à Josué devant Jéricho : voir Josué Arbre de vie 105, 131, 151 Archippe 429, 430, 439 n.89 Arsène 24, 41, 203 n.89, 292, 508 Artémios 294, 300 Ascension d’Élie : voir Élie Ascension du Christ 17 n.30, 18, 25 n.61, 35, 43, 59, 108, 173, 181–183, 205, 206, 244 n.68, 245, 330, 334, 335, 350, 351, 364, 370, 371, 373, 393–395, 403 Athénogène 23, 32 n.90, 161 Azarias 306 Bacchus 23, 66, 293 Baptême 17, 34, 41 n.129, 77 n.111, 108, 109, 112, 175, 176, 181, 186–189, 194, 196, 206, 208, 244, 296, 302, 303, 305–307, 309, 313 n.65, 324 n.10, 328, 329, 332, 334, 335, 343, 347–350, 372, 373, 386, 391, 394, 427 n.47 Barbe 203 Bardas (Phocas) 28, 434 Barthélemy 20

Bartholomée 183 Basile 23, 29 n.79, 32 n.91, 160, 162, 210 n.104, 276, 379, 481 n.45 Basile (donateur) 41 n.128, 208 n. 98 Basile Ier 449, 454, 455 Basile de Césarée 114, 150 n.95, 211, 241, 292, 462, 496 n.85, 507 n.17 Vie de saint Basile de Césarée (Baptême du juif Joseph, Mort et Funérailles de saint) 354, 492 Basile Giagoupès 80 Bassianos 40, 379 Belzébuth 110, 202 Bénédiction des Apôtres 34, 40, 74, 335, 350, 392, 393–396, 396 Blaise 150 n.95, 241, 380 Carré magique 20, 21 n.45 Cartère, martyr de Césarée 23 n.55 Catherine 239 n.52 Catherine, moniale 40, 41 n.125 et 127 Cavaliers (saints) 29 n. 80, 96, 151, 286 n.6, 288, 295, 296, 364, 365, 369, 371, 373, 489 Cène 20, 34, 57, 274 n.4, 296, 302, 304, 307, 308, 311, 314, 381 Chemin de croix / Montée au Calvaire 373 Chérubins / polyommata / tétramorphes 5, 7, 8 n.23, 33 n.93, 275, 401, 402 Christianos 257 Christophore 107, 109, 110, 189, 202, 203, 208, 216, 490 n.74 Chute de Satan : voir Démon / diable / Satan Colombe 186, 279, 280, 305 Communion des apôtres 9, 46, 336 Comparution devant Anne et Caiphe 336 Constantin 95, 96, 479 n.39

INDEX ICONOGRAPHIQUE

Constantin et Hélène 169, 170, 172, 253, 254, 263, 288, 291, 295, 301, 353, 364, 366, 369, 370, 437, 487, 488 Constantin Monomaque 49 Cosme 114, 203, 258, 277, 293, 373, 385, 439, 445 Croix 56, 95–98, 102, 103, 105–107, 110, 131, 132, 142, 150, 151, 156, 169, 190 n.43, 191, 193–195, 202, 204, 207 n.95, 210, 238, 241–243, 250, 254, 255, 275, 277, 287, 290, 291, 293, 294 n.32, 295, 310, 353, 360, 362–366, 371, 372, 373, 401 n.12, 454, 467, 473, 474, 482, 486–488, 490 Crucifixion 21, 32, 33 n.95, 34, 35, 41 n.129, 48, 84, 108, 109, 177, 181, 190, 193, 194, 205–207, 243, 244, 246, 247, 248 n.84, 249, 253, 258, 259, 260, 274 n.4, 296, 307, 309, 328, 329, 334, 336, 349–351, 373, 383, 441, 443, 503, 514 Cycle christologique / vie du Christ 10, 17, 18, 33, 56, 58, 71, 243, 244, 296, 323, 324, 330, 335, 347, 348, 350, 352, 354, 395, 472, 488 Cyr 204, 293 Damien 110, 203, 258, 277, 293, 373, 385, 439, 445 Daniel 6, 427, 468 Daniel entre les lions 352, 353, 479 Daniel le stylite 294, 509 n.25, 511, 512 n.34, 515 n.56 David 35, 110, 196, 249, 252, 253, 294, 310, 353 Déisis 9, 10, 31, 40, 42, 45, 107, 114, 159, 161 n.37, 180, 209, 212, 239, 271, 274, 276, 277, 291, 292, 311, 332, 346, 351, 352 n.80, 354, 355, 371, 372, 374, 379, 388, 445, 473, 474, 486, 489, 490

537

Démétrius 23, 74, 110, 201, 295, 438, 444, 490 Démon / diable / Satan 283, 313, 314, 419, 420 Chute de Satan 77, 425 Descente aux Limbes : voir Anastasis Descente de croix 14, 296, 302, 307, 309, 315 Diacres 160 n.30, 211, 292, 385, 386, 474 Domentianos 257 Donateurs / donatrices 4, 5 n.11, 29, 30, 40, 41, 69, 71, 74, 75, 80, 81, 82, 83, 107, 110, 189, 198 n. 72, 202, 208 n.98 et 99, 247 n.77, 253 n.108, 258, 265, 270, 274 n.6, 276 n.14, 283, 285, 287 n.10, 288–291, 294, 296, 299, 300, 305, 310, 311, 353, 354, 357, 359, 360, 362–366, 368, 372, 374, 379, 383, 392, 396, 435, 438, 439, 443–445, 472, 489, 495 Dormants d’Éphèse 490 Dormition de la Vierge (Koimèsis) 33 n.95, 34, 48, 56, 62, 77, 108, 181, 182 n.19, 199, 207, 215, 289 n.18, 296, 302, 306 n.44, 311, 336, 350, 352, 355, 431, 474 Élie 230, 245, 246, 294, 454 Ascension d’Élie 355 Holocauste d’Élie 355 Élisabeth 20 n.44 Enfance du Christ 10, 17–19, 34, 324, 328, 329, 331, 332, 334, 335, 349, 490 Enfer 273, 296, 306 n.44, 310–314, 319, 320 Entrée à Jérusalem 20, 34, 108, 110, 181, 182 n.19, 196, 197 n.69, 198, 199, 207, 214, 231, 243, 244, 246, 258, 259, 324 n.10, 373 Ephrem 110, 160 n.30, 203, 292, 484

538 Épiphane 210 n.104, 384, 508 Épreuve de l’eau 14, 41 n.129 Étienne 114, 160 n.30, 211, 292 Eudocie (donatrice) 41, 438, 441 Eunikos 256 Eustache : voir Eustathe Eustathe 23, 35, 59 n.27, 70, 333, 372 n.45, 469, 471–482, 483, 486–490, 492, 494, 495, 496 Vision d’Eustathe 23, 41, 56, 57, 76, 150, 151, 345, 355, 462, 463–465, 466–470, 485, 491, 493 Eustrate (donateur) 74, 289 n.18 Euthyme 110, 203 Eutychios 256 Évangélistes 35, 95, 182, 183, 276, 278 n.20, 335, 380, 389, 393 Évêques (saints) 32 n.90, 114, 125, 155, 160, 161, 165, 199, 201, 204 n.91, 210, 212, 237, 240–242, 255, 256, 276, 283, 292, 313, 314, 320, 371, 379, 380, 384, 385, 400, 462, 473, 474, 481 n.45 Ézéchiel 6, 8, 33, 35, 275, 401, 402, 412 Ézéchiel recevant le volume à avaler 5 Fuite en Égypte 34, 60, 77 n.111, 431 Gabriel, archange 5, 31 n.87, 32, 33 n.93, 63, 74, 159, 161, 178, 239, 242, 272, 277, 286, 292, 293, 401, 402, 408, 414, 420 n.31, 425, 435, 436, 439, 440, 442, 443–445, 449, 454, 455, 458, 459, 460 Généthlios 40, 396 Georges 23, 24, 29 n.80, 30 n.84, 161, 253–255, 263, 284 n.43, 294, 295, 333, 340, 359 n.11, 363, 366, 370, 438, 444, 472, 473, 496 n.85 Grandes Fêtes 107, 196, 237, 334,

350 Grégoire de Nazianze 114, 160, 211, 241, 379 Grégoire de Nysse 114, 211, 276, 292 Guérison de l’aveugle 328 n.14, 335, 343 Guérison du Paralytique à la piscine de Béthesda 424, 425–427 Guerriers (saints) 24, 29, 110, 163, 253, 255, 295, 372 n.45, 435, 438, 443, 474, 477, 490 Habacuc transporté par l’ange auprès du prophète Daniel 77, 423, 425, 427, 431 Hadès 110, 194, 195, 250–253, 262, 310, 317 Hélène 275 Voir aussi Constantin et Hélène Hénoch 294 Héraclios 243 Héraclius 364 Hermolaos 114, 204, 439 n.87 Hexapteryga (hexaptéryges) : voir séraphins Hiéron 23 n.55, 59 n.27, 70, 471–482, 483, 484, 493, 496 Holocauste d’Élie : voir Élie Hospitalité d’Abraham / Philoxénie : voir Abraham Hypatios 241, 379 Ignace 82 Irène (donatrice) 283, 289–291 Irène (Sképidis) 41 n.125 Isaac 211, 313, 319 Isaïe 6, 8, 32 n.90, 161, 275, 294, 401, 402, 412 Isaïe purifié par le charbon ardent 5 Jacob 313, 319 Lutte de Jacob avec l’ange 77, 425, 426

INDEX ICONOGRAPHIQUE

Jacques 66, 182 n.19, 183, 245, 246 Jean, évangéliste 66, 95, 101, 109, 114, 182, 190, 192, 193, 203, 204, 206, 231, 246–249, 252, 260, 276 n.12, 293, 309, 311, 406 Jean (donateur) 74, 82, 289 n.18 Jean, prêtre 30 Jean-Baptiste 9, 10, 31, 32 n.90, 42, 93–95, 100, 107, 108, 110, 161 n.37, 180, 186, 189, 196, 209, 212, 252, 253, 275, 278 n.20, 305, 312, 328 n.11, 332, 333, 335, 336, 347, 371, 379, 402, 404–406, 444, 503 Annonce à Jean-Baptiste 60 Prédication de Jean–Baptiste 349 Rencontre de Jean-Baptiste avec Jésus 335, 343 Vocation de Jean-Baptiste 328 n.14, 335 Jean Chrysostome 114, 155, 156, 158, 162, 163, 165, 210, 211, 217, 276, 292, 379 Jean « entalmatikos » 40, 74, 396 Jean Tzimiskès 69, 70, 208 n. 98, 360 n.12, 435, 440, 460, 472 Jérémie 33, 35 Jésus : voir Christ / Jésus Joachim 161, 199, 272, 275, 277, 278 n. 20, 431, 444 Joël 15, 35 Jonas (donateur) 41 n.128 Jourdain / Mer 186–189, 305, 306 Joseph 20 n.44, 108, 183, 184, 196, 206, 332 Songe de Joseph 427 Joseph, martyr perse 385 Joseph d’Arimathie 309 Josué Miracle du soleil arrêté dans sa course à Gabaon 426 Apparition de l’Archange Michel

539

à Josué devant Jéricho 30, 77, 333 n.40, 425–427, 431 n.62, 434–435, 440, 472 Judas 283, 308, 313, 314 Jugement de Pilate (Christ devant Pilate) 57, 336 Jugement dernier 26 n.66, 31, 56, 57, 78 n.114, 109, 188, 189 n.37, 283, 312, 314, 352, 355, 382, 430 Kalè (donatrice) 289 Kirykos 439 Kyriaki 203, 294, 354, 474 Kyrion (Kirionos) 257 Lanos 257 Lavement des pieds 336 Léon VI, empereur 454, 458, Léon (donateur) 40, 74, 360 Léon, curopalate 28, 434 Léontios 40, 164, 257 Luc 35, 95, 276 n. 12, 380, 389, 393 Luc le stylite 512 n.34 Macaire 24 Mages 20, 35, 108, 183, 185, 198, 200, 324 n.10 Main de Dieu 5, 277, 278, 290 Majestas Domini 58, 324, 351 n.73, 353, 400 Malchus 309 Mamas 23 Manassès 294 Mandylion 292, 381, 383–385, 390 Marc 95, 183, 276 n.12 Markasos (?) 256, 264 Marie (donatrice) 289 Marie (Sképidis) 41 n.125 Marie l’Égyptienne 23 n.52, 24, 33, 332, 352 n.80, 496 n.85 Marina 110, 201 n.83, 202, 239 n.52, 490 Marthe 517 Martyrs 32 n.90, 35, 156, 158, 161, 164, 242, 253, 255–258, 291–294,

540 295 n.36, 333, 344, 385, 473, 477, 486–488, 490, 491, 496 Matthieu 63, 95, 183, 276 n.12, 380, 389, 408 Médecins (saints) 35, 110, 203, 208 n.99, 258, 293, 354, 373 n.50, 385, 439, 445 Voir aussi Cosme, Damien Melchisédech 84, 110, 114, 200, 210, 212 Mélias 29 n.80, 70, 208 n.98, 360 n.12, 435, 440, 460, 472 Mer de feu (ou de cristal) 5, 8, 401 Mercure 23, 491 Mère de Dieu : voir Théotokos Métrophane 240 Michel, archange 5, 31 n.87, 32, 33 n.93, 63, 74, 77, 82, 159, 203, 227, 239, 242, 272, 277, 286, 292, 333 n.40, 383, 401, 402, 408, 413–420, 425–439, 440–442, 443–446, 448, 450, 454, 460, 472 Michel (donateur) 40, 41 n.128, 74, 360 Michel Sképidis 40, 41, 44, 438 Militaires (saints) 24, 35, 41, 110, 201, 204, 208 n.99, 243, 274 n.6, 295, 354, 363, 366, 435, 439 n.87, 444, 472, 477, 489 n.69, 496 Miracles 10, 18, 33, 328, 330 Miracle à Chônai 77, 425, 429 Mise au tombeau 14, 22 Mission des apôtres 33 Modeste 228, 240 Moines (saints) 33, 35, 41, 110, 202, 203, 206, 208 n.99, 266, 292 Moïse 230, 245, 246 Myrophores 41 n.129 Naissance de la Vierge 184 n.23 et 24 Nativité 20, 21, 34 n.100, 41 n.129, 48, 77 n.111, 108, 112, 174, 175, 181, 183, 184, 186, 190, 198, 200,

205–207, 212, 244, 296, 324 n.10, 328, 331, 332, 334, 359, 368, 374, 381, 401 n.12, 431, 443 Néophyte 289 n.18 Nicandre 41 n.128 Nicéphore, prêtre 40, 379 Nicéphore Phocas 28, 70, 360 n.12, 434, 437, 454, 460 Nicodème 309 Nicolas 114, 211, 212, 217, 241, 292, 379 Niphon, moine 41, 438, 441 Noces de Cana 15 Ordination des premiers diacres 33, 35 Oreste 23 n.52 et 55, 486, 487 Oualis 243, 257 Ouriel, archange 239, 242, 414, 435, 443, 444, 448 n.6 Pacôme 24 Palatinos 258, 265 Pantéléimon 114, 204, 293, 385, 439, 474, 488 Pantocrator 42, 48, 278, 280, 281, 379, 388, 442, 443, 454 Paradis 296, 300, 302, 310–313, 318, 319, 382 Paraskévi 32 n.90, 161, 201, 294, 354 Passion–Résurrection 10, 17–19, 34, 274, 296, 307, 314, 324, 328, 329, 333–336, 382 Paul 23, 31, 57, 94, 100, 162 n.42, 183, 311, 344, 353, 354, 454 Décollation de saint Paul 345 Pentecôte 16, 25 n.61, 33–35, 56, 335, 355 Pesée des âmes 312 Phaustos 255, 256 Philikas 256, 265 Philippe 160, 183, 247 Phlogotheël, archange 443, 444 Phocas, saint 473

INDEX ICONOGRAPHIQUE

Pierre 23, 31, 35, 94, 95, 162 n.42, 182, 183, 197, 199, 231, 245, 246, 308, 309, 311, 344, 353, 354, 454, 492 Pilate : voir Jugement de Pilate Polycarpe 384 Polyommata : voir Chérubins Portement de croix : voir Chemin de croix Présentation de la Vierge au temple 108, 181, 198, 207, 215, 332, 431 Présentation du Christ au temple 33 n.95, 108, 181, 196, 207, 331, 332, 334, 338, 339, 431, 488 Procope 24, 59 n.27, 74, 110, 201, 216, 295, 354, 363, 438, 443, 490 Prophètes 5, 8, 15, 19, 32, 35, 42, 95, 110, 160 n.30, 170, 196, 245, 246 n.75, 253, 275, 294, 323, 400 n.5, 401–403, 411, 412 Voir aussi Isaïe, Ézéchiel Protomes : voir Symboles des évangélistes Psychostasie 286 n.6, 296, 311–313, 318 Quarante martyrs de Sébaste 24, 29, 163, 243, 253, 255–258, 435, 440, 472, 476 n.23, 492 Quatre animaux : voir Symboles des évangélistes Raphaël, archange 229, 239, 242, 414, 435, 443, 444 Rencontre du Christ et de la Samaritaine 349 Reniement de Pierre 336 Résurrection de Lazare 34, 41 n.129, 182 n.19, 328 n.14, 343, 373, 383, 386, 394, 444 Résurrection des morts 56 Résurrection du Christ 32, 33, 110, 244, 335, 488 Voir aussi Anastasis, Visite des

541

myrophores au sépulcre Romain, diacre 82, 292 Roues de feu 5, 8 n.23, 33 n.93, 180, 275, 400 Sabas 292 Sabas de Jérusalem 110, 202, 208 Sacrifice d’Abraham : voir Abraham Saints (anonymes) 19, 31 n.87, 32, 42, 48, 56, 71, 107, 155, 160, 161, 170, 180, 237, 243, 253, 255, 266, 288, 294, 305, 352, 353, 355, 359, 399, 473, 474, 487, 489, 491, 492, 496 Salomon 46, 95, 110, 196, 252, 294, 310, 353 Satan : voir démon Seconde Venue 56, 330, 352, 355 Séraphins (hexapteryga, hexaptéryges) 5, 7, 8 n.23, 33 n.93, 275, 400 n.5, 401, 402 Serge 23, 66, 293 Sychaël, archange 443, 444 Simon 47 Simon de Cyrène 40, 363, 371, 373 Sinis 156 n.22, 163, 164 Sisinnios 156, 162–164, 354 Sképidis 40, 41 Skrèbonisa 107, 202, 208 Soldats (saints) : voir Militaires (saints) Soleil et Lune 5, 21, 194, 247, 401, 408 Songe de Joseph : voir Joseph Stratonikè 475 Symboles des évangélistes / quatre animaux / Zodia 5, 7, 8, 31, 33 n.93, 274, 400, 408, 490 Syméon 24 n.57, 332 Syméon l’Alépin 503 Syméon stylite 22, 23, 24 n.57, 59 n.27, 353, 496 n.85, 498, 501, 503–515, 517–518

542 Syméon l’Ancien 295, 500, 501, 503, 511–515, 516, 517 Syméon le Jeune 508, 509, 513–515, 517 Tarachos 257 Tétramorphe : voir Chérubins Thaddée 20, 60 Thaléléos 293 Thamar 80, 208 n.98 Théodore 24, 29 n.80, 56 n.16, 284 n.43, 295, 363, 366, 370, 438, 439 n.87, 444, 472, 491, 492 Théodore (donateur) 41 n.128 Théodoret 256, 258 Théodotè 32 n.90, 161, 283, 289, 290, 294 Théognostos (donateur) 40, 74, 360, 361 Théophano 28, 434, 437 Théophylacte 41, 384 Théopistè 468, 469, 478 n.29, 485, 486, 487 n.61, 490 Théopistos 485–488, 490 Théotokos 5, 8, 9, 23, 32, 42, 58, 63, 71, 83, 94, 155, 157, 159, 160, 162–165, 210, 238, 239, 242, 271, 272, 275–278, 292, 293, 311, 313, 332, 333, 352 n.76, 353, 362 n.26, 366, 379, 380, 382, 385, 389, 406, 435, 437, 444, 453 Thomas 182 n.19, 183, 247 Thyrsos 257 Timothée 501, 508 Trahison de Judas 34, 274 n.4, 296, 302, 307–309, 311, 314, 315, 336,

373 Transfiguration 17 n.30 et 31, 18, 41 n.129, 229–231, 243–246, 249, 250 n.97, 252, 266, 328, 330, 334, 337, 350, 370, 373, 386, 394 Tribamios 256 Trois jeunes Hébreux dans la fournaise 83, 185 n.27, 274, 286 n.6, 296, 302, 304, 305–307, 311, 313 n.65, 352, 353, 382 Trône 8, 165, 279, 400, 401 Trône de l’Hétimasie 31 n.85, 312 Tryphon 284, 290 n.20, 296, 473 Vie Publique du Christ 10, 17, 324, 328, 335, 350 Visitation 14, 20, 41 n.129, 332, 338, 431 Visite des Myrophores au sépulcre / Saintes femmes au tombeau 209, 274 n.4, 296, 300, 302, 309, 316, 374, 383, 393, 394, 444 Voir aussi: Myrophores Vocation de Jean–Baptiste : voir Jean– Baptiste Vocation de Zachée 335 Voir aussi: Zachée Voyage à Bethléem 48, 65, 77 n.111, 332, 381, 386, 427, 431 Zacharie 32 n.90, 161, 201 n.80, 332 Zachée 335, 349 n.64 Zodia : voir symbole des évangélistes Zoé 49 Zosime 23, 24 n.57, 332, 339

Remerciements Les articles réimprimés dans ce volume ont paru pour la première fois dans les ouvrages et périodiques suivants I

Le aree omogenee della Civiltà Rupestre nell’ambito dell’Impero Bizantino: la Cappadocia. Atti del Quinto Convegno Internazionale di Studio sulla Civiltà Rupestre Medioevale nel Mezzogiorno d’Italia (Lecce–Nardo, 12–16 ottobre 1979), éd. C. D. Fonseca, Galatina 1981, p. 159–197, Pl. XLI–LVI.

II

Mélanges de l’École Française de Rome 110 (1998), p. 899–930, VIII Pl.

III

Archéologia 229 (1987), p. 36–46.

IV

Études Balkaniques. Cahiers Pierre Belon 1 (1994), p. 135–176.

V

Cahiers Archéologiques 32 (1984), p. 39–47.

VI

Cahiers Archéologiques 35 (1987), p. 113–141.

VII

Monuments et Mémoires. Fondation Eugène Piot 75 (1996), p. 21–63.

VIII

Eastern Approaches to Byzantium, éd. A. Eastmond, Aldershot 2001, p. 133–145.

IX

Le sacré et son inscription dans l’espace à Byzance et en Occident. Études comparées [Byzantina Sorbonensia 18], Paris 2001, p. 163–181, XVI Pl. coul.

X

Constantine VII Porphyrogenitus and his Age. Second International Byzantine Conference (Delphi, 22–26 July 1987), Athènes 1989, p. 247–284.

544 XI

Εὐψυχία. Mélanges offerts à Hélène Ahrweiler [Byzantina Sorbonensia 16],

XII

Art, Cérémonial et Liturgie au Moyen Age. Actes du colloque Art et Liturgie au Moyen Age, Lausanne–Fribourg 2000 (sous presse).

XIII

Δελτίον τῆς Χριστιανικῆς Ἀρχαιολογικῆς Ἑταιρείας IV, 17 (1993–1994),

XIV

Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa 28 (1997), p. 187–198.

XV

Cahiers Archéologiques 46 (1998), p. 121–128.

XVI

Monuments et Mémoires. Fondation Eugène Piot 72 (1991), p. 101–106.

XVII

Εὐφόσυνον. Ἀϕίερωµα στον Μανόλη Χατζηδάκη, t. 1, Athènes 1991, p.

XVIII

Les saints et leur sanctuaire à Byzance: textes, images et monuments, éd. C. Jolivet-Lévy, M. Kaplan, J.-P. Sodini [Byzantina Sorbonensia 11], Paris 1993, p. 35–47, VI Pl.

Paris 1998, p. 301–311, IV Pl.

p. 45–52.

205–218, Pl. 108–112.